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0

Université Lumière Lyon 2

Faculté de Géographie, Histoire, Histoire de l’Art et Tourisme

Département d’Histoire

École Doctorale Sciences Humaines et Sociales

Thèse pour le Doctorat d’Histoire

UNE MUNICIPALITÉ SOUS

LE PREMIER EMPIRE :

LYON, 1805-1815

Thèse présentée et soutenue par

Jean-Philippe REY

le 17 juin 2010

Sous la direction de

Bruno Benoit

Jury :

Bruno BENOIT, professeur d’histoire contemporaine, Université Lumière Lyon 2

Serge CHASSAGNE, professeur émérite d’histoire moderne, Université Lumière

Lyon 2 (président)

Laurent COSTE, professeur d’histoire moderne, Université Montaigne Bordeaux 3

Thierry LENTZ, directeur de la Fondation Napoléon

Natalie PETITEAU, professeur d’histoire contemporaine, Université d’Avignon

1

INTRODUCTION

2

L’histoire de Lyon à l’époque contemporaine commence bruyamment avec la

Révolution dont la marque sur la cité apparaît profonde et durable. À la suite de cette

décennie sans pareille, les quelques quinze années de la période napoléonienne

peuvent apparaître assez ternes, souffrant d’un contraste que l’inégale richesse de

l’historiographie lyonnaise des deux périodes accentue. Or, pour leur plus grand

malheur, les années du Consulat et de l’Empire à Lyon souffrent aussi d’un certain

déficit historiographique affectant le XIXe siècle pourtant capital pour le

développement économique de la ville 1 et l’affirmation de son identité socio-

politique2.

L’histoire de Lyon sous Napoléon est donc victime de cette situation que l’on

peut qualifier d’intercalaire. En amont comme en aval des années napoléoniennes,

deux moments particulièrement intenses de l’histoire lyonnaise. La Révolution, toute

politique, et le dix-neuvième siècle, tout économique et social, s’ils sont diversement

traités par l’historiographie, attirent à eux toutes les attentions, focalisent les regards

et nourrissent incomparablement la mémoire lyonnaise. Les événements du siège,

l’insurrection des canuts, l’affirmation d’un patronat entreprenant 3 , l’essor de

l’industrie et du commerce écrasent de leur retentissement le « long dix-neuvième »

et laissent peu de place aux années napoléoniennes.

Coincée ainsi entre ces deux périodes majeures pour l’histoire de Lyon, la

période du Consulat et de l’Empire reçoit d’elles, paradoxalement, à la fois ombre et

lumière. En effet, la connaissance des périodes voisines apporte un éclairage utile à

celle de l’intervalle napoléonien. Il est possible de situer l’importance des années

1799-1815 par rapport à ce qui précède ou ce qui suit et donc assez naturel de ne

pas les considérer comme un isolat au sein de la chronologie mais bien comme

partie d’une évolution globale, peut-être un moment charnière. En outre, aborder les

périodes antécédente et suivante par un certain nombre de thèmes et de

1 On peut citer quelques-uns des travaux les plus remarquables : LEQUIN, Yves, Les ouvriers de la région

lyonnaise, 1848-1914, Lyon, P.U.L., 1977, 573 et 500 p. ; CAYEZ, Pierre, Métiers Jacquard et hauts fourneaux

aux origines de l’industrie lyonnaise, Lyon, P.U.L., 1978, 472 p. ; PINOL, Jean-Luc, Mobilités et immobilisme

d’une grande ville. Lyon de la fin du XIXe siècle à la Seconde guerre mondiale, thèse soutenue à l’Université

Lumière-Lyon 2 en 1989 ; SAUNIER, Pierre-Yves, Lyon au XIXe siècle. Les espaces d’une cité, thèse de

doctorat d’histoire soutenue à l’Université Lumière Lyon II en 1992 (directeur Yves Lequin), 1 209 p.

Récemment, un vaste programme d’expositions organisées par les institutions patrimoniales de la ville a donné

lieu à un bel ouvrage regroupant une trentaine de contributions : L’Esprit d’un siècle. Lyon 1800-1914, Lyon,

Fage Éditions, 2007, 327 p. 2 BENOIT, Bruno, L’identité politique de Lyon. Entre violences collectives et mémoire des élites (1786-1905),

Paris, L’Harmattan, 1999, 239 p. 3 CAYEZ, Pierre, CHASSAGNE, Serge, Les patrons du Second Empire. Lyon et le Lyonnais, Picard-Éditions

Cénomane, 2007, 287 p.

3

problématiques qui leur sont spécifiques est en mesure de susciter des pistes de

recherche originales et ainsi de stimuler les travaux consacrés à la période

napoléonienne proprement dite. Le voisinage que subit l’histoire napoléonienne de

Lyon peut donc s’avérer « éclairant » c'est-à-dire stimulant et enrichissant. Mais bien

sûr, un tel voisinage peut également s’avérer – s’est le plus souvent jusqu’alors

avéré – ombrageux. La comparaison semble s’imposer aux dépens des années

consulaires et impériales. La vie politique locale semble bien pauvre si on la rapporte

au tumulte qui la précède4 ; l’œuvre économique et sociale, quelque mérite qu’on lui

reconnaisse par ailleurs, semble fragile tant elle dépend des succès d’un régime

somme toute éphémère sur la scène militaire et diplomatique européenne.

L’historiographie de Lyon a toujours réservé une place de premier plan à la

période de la Révolution et la « prégnance des événements révolutionnaires dans

l’histoire contemporaine de Lyon »5 est tout à fait incontestable. La Révolution à Lyon

a fait l’objet d’études précoces qui, si elles n’étaient pas toujours dénuées

d’intentions « politiques » loin s’en faut 6 , furent toujours des productions

particulièrement érudites7 et ont concouru à ce que l’on dispose aujourd’hui d’une

connaissance fine des événements locaux. De fait, un certain nombre d’ouvrages

proposent désormais un panorama tout à fait complet des événements et les deux

plus importantes synthèses, parues dans la période du bicentenaire, en proposent

une analyse relativement dédramatisée8. Les principales histoires de Lyon, si elles

ne sont pas uniquement ni même principalement consacrées à la période

révolutionnaire, lui réservent tout de même, à la suite de celle de Kleinclausz, un

traitement de choix9.

4 CHARLÉTY, Sébastien, « La vie politique à Lyon sous Napoléon 1

er », dans Revue d’Histoire de Lyon, t.IV,

1905, p.425-435. 5 BENOIT, Bruno, L’identité politique de Lyon…, op. cit., p.13.

6 On pense en particulier aux ouvrages publiés par les historiens-idéologues du XIX

e siècle : GUILLON de

MONTLÉON, Aimé, Histoire du siège de Lyon, Paris et Lyon, Le Clère et Veuve Rusand, 1797, 2 volumes, 255

et 29 p. ; BALLEYDIER, Alphonse, Histoire politique et militaire du peuple de Lyon pendant la Révolution

française (1789-1795), Paris, L.Curmer, 1845-1846, 3 tomes, 400, 411 et 188 p. ; MONTFALCON, Jean-

Baptiste, Histoire de la ville de Lyon, Lyon et Paris, Guilbert et Dorier, Dumoulin, 1847, 1451 p. 7 Citons pour la première moitié du vingtième siècle : BITTARD DES PORTES, René, L’insurrection de Lyon

en 1793, Paris, Émile-Paul Éditeur, 1906, 586 p. HERRIOT, Édouard, Lyon n’est plus, Paris, Flammarion, 1936-

1940, 4 tomes, 407, 514, 507 et 456 p. 8 BENOIT, Bruno, SAUSSAC, Roland, Guide historique de la Révolution à Lyon (1789-1799), Lyon, Éd. de

Trévoux, 1988, 192 p. ; TRÉNARD, Louis, La Révolution française dans la région Rhône-Alpes, Paris, Perrin,

1992, 819 p. 9 BAYARD, Françoise, CAYEZ, Pierre [dir.], Histoire de Lyon, t.2 : Du XVI

e siècle à nos jours, Le Coteau,

Horvath, 1990, 479 p. ; GUTTON, Histoire de Lyon et du Lyonnais, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1998, 127 p.

4

En fait, dans l’essentiel des ouvrages qui traitent de la Révolution et de l’Empire

à Lyon, qu’ils soient ou non dédiés principalement à ces périodes, on en trouve une

vision assez constante ainsi qu’on repère une conception assez partagée de leur

importance relative.

Pour tous les auteurs évoqués ici l’idée est acceptée selon laquelle Lyon a été

amenée à jouer un rôle spécifique et à connaître un déroulement particulier de la

Révolution. Ici comme ailleurs « dès que les grandes lignes directrices de la politique

nationale entrent en contact avec les différentes réalités locales, elles rencontrent

maintes occasions de s’infléchir ou même de s’adultérer en créant des situations et

des combinaisons spécifiques » 10 . La question centrale qui, dès lors, réunit les

historiens en même temps qu’elle les oppose est celle de l’attitude de Lyon par

rapport à la Révolution. Lyon fut-elle en fin de compte favorable à la Révolution ou

fut-elle au contraire anti- voire contre-révolutionnaire11 ? La spécificité lyonnaise est

toujours reconnue. On cherche à l’expliquer, à l’excuser ou encore on la condamne ;

jamais néanmoins on la nie. Au cœur de la problématique se trouve invariablement

l’épisode central du siège articulant les deux notions insurrection et répression12.

À Lyon, cet épisode traumatique et, par là, la Révolution elle-même revêtent une

dimension mémorielle. Pas davantage à Lyon qu’ailleurs en France, la Révolution

française n’est tout à fait terminée et les événements locaux ont, comme l’ensemble

des événements nationaux, fait l’objet d’interprétations divergentes et suscité des

polémiques dont on a pu assez récemment constater qu’elles n’avaient pas

disparues. Les débats dont les commémorations du bicentenaire à Lyon furent à

l’origine sont là pour l’attester13, ce que rappelle Bruno Benoit :

[rééd. 2008] ; KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : De 1595 à 1814, Lyon, Pierre Masson, 1925, 440

p. ; t.3 : De 1814 à 1940, Lyon, Pierre Masson, 1948-1952, 343 p. ; LATREILLE, André [dir.], Histoire de Lyon

et du Lyonnais, Toulouse, Privat, 1975, 511 p. ; PELLETIER, André [dir.], Histoire de Lyon des origines à nos

jours, Lyon, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, 2007, 955 p. [nouvelle édition augmentée] 10

BURSTIN, Haim, Une Révolution à l’œuvre. Le faubourg Saint-Marcel (1789-1794), Seyssel, Champ Vallon,

2005, p.14. 11

Sur ces notions : Les résistances à la Révolution : actes du colloque de Rennes, 17-21 septembre 1985 [Textes

recueillis et présentés par François Lebrun et Roger Dupuy], Paris, Imago, 1987, 478 p. 12

Dans son important travail d’histoire religieuse, Paul Chopelin fait aussi de cet épisode un moment-clé

montrant en particulier combien la répression consécutive au siège avait une dimension religieuse : CHOPELIN,

Paul, Ville patriote et ville martyr. Une histoire religieuse de Lyon pendant la Révolution (1788-1805), thèse

soutenue le 14 octobre 2006, Université Jean Moulin Lyon III, 2 vol., 663 p. 13

Voir les précieux ouvrages collectifs : DAVALLON (Jean), DUJARDIN (Philippe), SABATIER (Gérard)

[dir.], Commémorer la Révolution. Politique de la mémoire, Lyon, P.U.L., 1993, 245 p.; DAVALLON (Jean),

DUJARDIN (Philippe), SABATIER (Gérard) [dir.], Le geste commémoratif, Lyon, Centre d’Études et de

Recherche de l’Institut d’Études Politiques de Lyon, 1994, 509 p. Sur la question de la mémoire de la Révolution

5

Le déroulement de la Révolution à Lyon soulève, depuis deux cents ans, des interrogations

qui ont fait couler, plus dans le sens de la polémique que de la vérité historique, beaucoup

d’encre. En effet, la Révolution à Lyon présente des ambiguïtés : l’année 89, Lyon-ville

royaliste, l’antirépublicanisme de Lyon lors du soulèvement. Ces ambiguïtés sont autant

d’obstacles à une commémoration unanime14

.

Or, événement matriciel diversement apprécié, la Révolution est toujours

présentée comme un traumatisme pour la ville et, même si les auteurs ne sont pas

hostiles à la Révolution en soi, ce traumatisme est toujours vu comme la source d’un

certain déclin pour la ville de Lyon elle-même. Ainsi, au-delà de la diversité de

l’historiographie, on repère un relatif consensus s’articulant autour de la

reconnaissance de la spécificité lyonnaise dans le cours général des événements et

des conséquences globalement négatives d’iceux pour la ville.

Sur le plan de l’historiographie nationale, on a longtemps pu parler à propos de la

période napoléonienne d’ « histoire impossible »15 compte tenu à la fois du dédain

prolongé de l’histoire universitaire pour la période et de la « passion

napoléonienne »16 qui a souvent conduit les spécialistes de ces années à manquer

de l’indispensable retenue pour verser dans le registre apologétique ou au contraire

systématiquement dépréciatif. Ainsi empêtrée dans le registre légendaire17, l’histoire

napoléonienne a été, plus qu’aucune autre sans doute, instrumentalisée à des fins

politiques et idéologiques et, par conséquent, a souffert d’une dimension polémique

tout à fait désastreuse au point de paraître impropre à cette « suspension de

à Lyon, deux auteures ont attiré notre attention sur le rôle des objets, de la conservation du patrimoine et de ses

enjeux : BARCELLINI, Caroline, « Le combat idéologique de la patrimonialisation de la révolution française »,

Socio-Anthropologie, N°12, Traces, 2002 ; WAHNICH, Sophie, Lyon en révolution, Éditions E.M.C.C.,

coll. « Des objets qui racontent l’histoire », Lyon, 2003, 137 p. 14

BENOIT, Bruno, « Peut-on commémorer la Révolution à Lyon ? », dans DAVALLON (Jean), DUJARDIN

(Philippe), SABATIER (Gérard) [dir.], Commémorer la Révolution, op.cit., p.96. Bruno Benoit montre en

particulier que dès le XIXe « on découvrit (…) non pas une, mais des mémoires lyonnaises. Et le tabou de la non-

commémoration apparut non comme le résultat d’un interdit, mais comme le produit de deux forces qui se

neutralisent : où et comment commémorer lorsque les mêmes lieux peuvent être investis par deux mémoires

antagonistes ? » (p.93) 15

PETITEAU, Natalie [dir.], Voies nouvelles pour l’histoire du Premier Empire. Territoires, pouvoirs, identité,

Paris, La Boutique de l’Histoire, 2003, p.10. 16

LENTZ, Thierry, Nouvelle histoire du Premier Empire, t.I : Napoléon et la conquête de l’Europe, 1804-1810,

Paris, Fayard, 2002, p.15. 17

PETITEAU, Natalie, Napoléon, de la mythologie à l’histoire, Paris, Le Seuil, coll. « L’Univers Historique »,

1999, 444 p. ; TULARD, Jean, L’Anti-Napoléon. La légende noire de l’empereur, Paris, Gallimard, 1965, 260 p.

6

jugement »18 si indispensable aux sciences sociales. C’est finalement depuis peu

que l’histoire napoléonienne s’affirme comme « une histoire qui n’a rien à envier à

celle des autres périodes »19.

Or, on s’aperçoit qu’en ce qu’il s’agit de l’historiographie de la période

napoléonienne à Lyon, émerge au contraire très tôt un certain consensus. Ce

consensus historiographique repose sur quatre axiomes principaux. D’abord, la

période qui s’ouvre avec Brumaire est celle du retour à l’ordre. Les nombreuses

dissensions qui ont marqué la population lyonnaise au cours de la décennie

révolutionnaire prennent fin dès lors que le Consulat puis l’Empire s’avèrent capables

à la fois de la fermeté et de l’œuvre de réconciliation nécessaires au retour de la paix

politique et sociale. Ensuite, les années napoléoniennes sont unanimement

considérées comme celles du retour de la prospérité économique pour Lyon,

annonciatrice de la croissance du XIXe siècle20. Bien sûr, les spécialistes s’accordent

pour reconnaître qu’à compter des années 1811 – la crise économique21 – et 1812 –

l’échec de la campagne de Russie, la Russie étant devenue l’un des principaux

horizons des soyeux lyonnais – la légitimité toute matérielle acquise par Napoléon

s’effrite. Pourtant, domine le constat que Lyon profite à plein de la politique

européenne de l’Empereur des Français, de ses commandes et s’enthousiasme des

perspectives offertes par le blocus continental alors que les bouleversements

révolutionnaires ont au contraire causé l’appauvrissement de la ville, épuisé ses

ressources et découragé ses talents. Ainsi l’image du nouveau chef de l’État

s’impose-t-elle durablement comme celle de Bonaparte réédificateur, posant la

première pierre de la reconstruction des façades de la place Bellecour, attaché à ce

que Lyon recouvre son lustre d’antan au moyen de l’essor de son industrie et de son

commerce. Le dynamisme économique de la ville s’accompagne paradoxalement,

d’après l’ensemble des auteurs, de l’atonie de la vie politique, sociale et culturelle.

C’est le troisième axiome de la vulgate. Cette période est en définitive une période

sans relief, l’autorité centralisatrice du régime agissant avec trop de vigueur pour que

18

DESCOLA, Philippe, Leçon inaugurale faite le jeudi 29 mars 2001, Paris, Collège de France, 2001, p.20. 19

PETITEAU, Natalie, Napoléon, de la mythologie à l’histoire, op.cit., p.25. 20

Significativement, Pierre Cayez intitule « la reconstruction impériale » la section qui ouvre le premier chapitre

consacré à la période 1800-1870 de son histoire de Lyon et il affirme nettement qu’« en 1815, les Lyonnais

avaient (…) reconstruit un appareil productif et commercial (…). La prospérité lyonnaise put se développer

pleinement lorsque l’hypothèque politique fut levée » : BAYARD, Françoise, CAYEZ, Pierre [dir.], Histoire de

Lyon, t.2 : Du XVIe siècle à nos jours, op. cit., p.245 et p.247.

21 LABASSE, Jean, Le commerce des soies à Lyon sous Napoléon et la crise de 1811, Grenoble, Impr. Allier,

1957, 136 p.

7

le génie lyonnais puisse s’exprimer ailleurs que dans les affaires. Enfin, Lyon

apparaît à la grande majorité des auteurs comme une ville bonapartiste. Choyés par

le régime, les Lyonnais sont davantage que de dociles sujets. Leur comportement

politique témoigne d’une véritable adhésion à l’Empire et à la personne de

l’empereur. À cet égard, l’événement exemplaire est bien entendu le séjour de

Napoléon, de retour d’Elbe, à Lyon, en mars 181522.

Les historiens font donc globalement de la période napoléonienne une période

faste pour Lyon, à juste titre appréciée des Lyonnais. Or, si l’historiographie

napoléonienne à Lyon ressort largement de ce consensus, des pans entiers de

l’histoire de Lyon sous le Consulat et sous l’Empire ont été jusque là négligés et les

travaux approfondis portant sur le sujet sont pour la plupart anciens. Il ne faut pour

autant pas sous-estimer l’intérêt des études existantes et au contraire le travail ici

introduit doit être situé au sein d’un ample mouvement, qui s’accélère, de

connaissance historique de la période napoléonienne à Lyon. Deux événements

récents ont contribué à manifester l’intérêt accru dont bénéficie la période

napoléonienne, longtemps négligée par rapport aux dix années antécédentes. Au

printemps et au début de l’été 2005, une exposition « Lyon et Napoléon » a été

organisée, donnant lieu à la publication d’un ouvrage proposant à travers une dizaine

d’articles de faire le point sur des aspects jusque là souvent négligés des historiens.

Dans le même temps, un colloque a donné l’occasion à un certain nombre de

spécialistes d’aborder des questions inédites23.

D’une manière générale, il s’agit au moyen de cette thèse de participer à

l’écriture de l’histoire de la ville et de s’insérer modestement au sein du vaste

mouvement qui tend à saisir, aux différentes époques de son riche passé, la réalité

de cette « ville unique et exemplaire » qu’est Lyon24. Élevée au rang de capitale au

22

ZINS, Ronald, « Quand Lyon acclamait Napoléon », dans ZINS, Ronald [dir.], Lyon et Napoléon, Dijon,

Éditions Faton, 2005, p.14-53. 23

En rapport avec l’exposition qui s’est tenue au musée des Tissus et Arts décoratifs de Lyon est paru : ZINS,

Ronald [dir.], Lyon et Napoléon, op.cit., 287 p. Le colloque « Lyon sous le Consulat et l’Empire » a eu lieu les

15 et 16 avril 2005. Les actes en ont été publiés : ZINS, Ronald, [dir.], Lyon sous le Consulat et l’Empire,

Reyrieux, Éditions Horace Cardon, 2007. Les principales contributions font l’objet de notes dans les pages qui

viennent. 24

Cette si juste expression est bien entendu empruntée à Maurice Garden : GARDEN, Maurice, Lyon et les

Lyonnais au XVIIIe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1970, 772 p. Outre cet ouvrage central et les travaux déjà

cités, il faut signaler particulièrement et comme autant de phares indiquant l’avancée de l’historiographie

lyonnaise : TRÉNARD, Louis, Histoire sociale des idées. Lyon, de l’Encyclopédie au pré-romantisme, Paris,

P.U.F., 1958, 2 volumes, 821 p. ; GASCON, Richard, Lyon et ses marchands : environs de 1520 - environs de

8

sein du monde gallo-romain, elle émerge aux temps modernes comme une ville

peuplée et active, la deuxième de France. Mais déjà sa structure socio-économique

la signale parmi les agglomérations comparables. Privée de parlement, elle ne

permet pas l’essor d’une importante noblesse. Profitant de sa vocation commerçante

et de la précocité de son développement proto-industriel, elle se spécialise dans le

travail de la soie ce qui s’accompagne de l’accroissement des milieux d’affaires. Le

XVIIIe siècle et la Révolution ont un impact sur la ville qui peut être notamment

analysé à l’aune de cette double originalité qui influence profondément aussi bien le

rapport au pouvoir central que la composition des élites locales, ce qu’il sera assez

largement loisible de constater.

Une des manières pour l’histoire napoléonienne de se distinguer de l’histoire

révolutionnaire et de ne plus apparaître comme l’un de ses appendices est de

souligner l’intérêt que revêt la période pour la compréhension du siècle qui s’ouvre

avec elle :

Il y a bien là sujet d’histoire essentiel puisque ces années sont à la charnière des temps

modernes et du monde contemporain : le régime alors en place en France a d’importantes

conséquences sur la vie des Français et, même, de l’ensemble des Européens, pour plus d’un

siècle. Observer les rapports que les hommes et les femmes du XIXe siècle, contemporains

ou non de Napoléon, ont eu à l’Empire permet de rendre compte directement de cette

emprise, qu’elle ait été fondatrice ou stérilisante selon les domaines. C’est ainsi s’engager sur

les voies de renouvellement de cette histoire25

.

C’est ainsi que les études parmi les plus stimulantes parues au cours de ces

vingt dernières années et touchant à l’histoire de Lyon au XIXe siècle consacrent les

années consulaires et impériales comme fondatrices et ce, dans des domaines

assez divers touchant au politique et au culturel comme à l’économie et à la

1580, Paris - La Haye, Mouton, 1971, 2 vol., 1001 p. ; PELLISSIER, Catherine, Les sociabilités patriciennes à

Lyon du milieu du XIXe siècle à 1914, thèse de doctorat d’histoire dirigée par Yves Lequin et soutenue devant

l’Université Lumière Lyon II en 1993, 1223 p. en 2 volumes ; BAYARD, Françoise, Vivre à Lyon sous l’Ancien

régime, Paris, Perrin, 1997, 352 p. ; LIGNEREUX, Yann, Lyon et le roi. De la « bonne ville » à l’absolutisme

municipal (1594-1654), Seyssel, Champ Vallon, 2003, 847 p. 25

PETITEAU, Natalie, Voies nouvelles…, op. cit., p.9. On peut renvoyer, à propos du dernier sujet évoqué, à

l’ouvrage récemment paru de cette auteure : PETITEAU, Natalie, Les Français et l’Empire, 1799-1815, Paris,

La Boutique de l’Histoire, 2008, 278 p.

9

finance 26 . De la même manière, si les études consacrées aux élites, et plus

particulièrement aux notables lyonnais et rhodaniens, insistent sur la continuité qui

unit fondamentalement l’Ancien régime, la Révolution et l’Empire, elles n’en mettent

pas moins en évidence le rôle d’icelui en ce qui concerne l’émergence des élites du

siècle à venir27.

La question de la périodisation survient dès lors qu’il convient d’expliquer le choix

du sujet et de le situer au sein de l’histoire de la ville. Elle se pose avec une

particulière acuité lorsqu’il s’agit de la période napoléonienne, tant on a longtemps

refusé à cette quinzaine d’années le statut d’objet historique pour les différentes

raisons déjà évoquées. Le problème est en outre aggravé par l’apparition récurrente

d’une question sous-jacente consistant à savoir si l’ « épisode »28 napoléonien a été

bénéfique ou non. Il s’agit alors essentiellement d’interroger la période en termes de

bilan. L’exercice du pouvoir suprême par Napoléon Bonaparte a-t-il été bénéfique ou

non pour la France et l’Europe ? Du coup, l’étude est souvent teintée d’idéologie et

se fourvoie parfois dans l’anachronisme et le jugement d’ordre moral.

L’étude de la période napoléonienne dans son ensemble ou de l’Empire en

particulier est de toute façon, comme tout travail historique, justifiée par le

questionnement qui la motive. Ce temps est avant tout, ici, celui du politique et des

institutions avant d’être celui de la société et de l’économie puis du culturel ou des

mentalités. Encore faut-il insérer parfois les périodes consulaire et impériale dans

une séquence plus longue, des dernières décennies de l’Ancien régime au premier

26

BENOIT, Bruno, L’identité politique de Lyon…, op.cit. BOUSSUGUES, Christian, « L’implantation des

comptoirs de la Banque de France. L’exemple de la région Rhône-Alpes (1808-1848) », dans Cahier monnaie et

financement, n° 19, 1990, Lyon, Université Lumière Lyon II, p.129-178. CHASSAGNE, Serge, « Pour faire du

fer, il faut de l’argent : le financement de la sidérurgie rhodanienne dans la première moitié du XIXe siècle »,

dans Autour de l’industrie. Histoire et patrimoine. Mélanges Woronoff, Paris, Comité d’histoire économique et

financière de la France, 2004, p.75-96. GERSIN, Malincha, La vie théâtrale lyonnaise d’un empire à l’autre :

Grand Théâtre et Célestins, le temps du privilège. 1811-1864, Thèse de doctorat d’Histoire (direction d’O.

Zeller), soutenue à l’université Lyon 2 en 2007. 27

CHASSAGNE, Serge, « Les grands notables du Rhône sous le Premier Empire », dans ZINS, Ronald [dir.],

Lyon sous le Consulat et l’Empire, op. cit. ; PEREZ, François, L’administration du département du Rhône sous

le Consulat et l’Empire, Mémoire de DEA (dir. Serge Chassagne), Université Lyon 2, 2002 ; REY, Jean-

Philippe, « Les notables du Rhône : une nouvelle élite ? », dans Napoleonica. La Revue, n°2, Octobre-novembre

2008 et « Le Rhône », dans BERGERON, Louis, CHAUSSINAND-NOGARET, Guy [dir.], Grands notables du

Premier Empire, Paris, Guénégaud (à paraître). 28

Le seul choix de ce vocable pose problème. Il peut parfois aider à minimiser l’importance historique du

moment puisqu’il est dans la nature d’un épisode d’être bref et transitoire et que son statut ne saurait être celui de

la période. Le terme est pourtant utilisé par des auteurs qui ne peuvent être soupçonnés de méconnaître l’intérêt

de ces quinze années : BERGERON, Louis, L’épisode napoléonien. Aspects intérieurs, Paris, Le Seuil, Coll.

« Points Histoire », 1972, 251 p.

10

XIXe siècle au moins, afin d’en mesurer la fonction « charnière ». La période

napoléonienne est en effet largement héritière de la fin de l’Ancien régime et de la

Révolution en même temps qu’elle accouche de solutions, de synthèses qui

inaugurent une ère nouvelle. La périodisation retenue est pertinente du point de vue

adopté pour ce travail, qui est primitivement institutionnel et politique. La réalité

sociale de la municipalité n’est étudiée en lien avec la nature et la portée de son

action dans les différents domaines de l’action publique qu’en ce qu’elles éclairent la

validité de la création de l’institution municipale comme l’un des rouages de

l’organisation administrative et politique donnant vie au système napoléonien.

L’histoire napoléonienne, ça lui fut souvent reproché, a généralement accordé

une grande place au politique et parfois à l’événementiel politique ainsi qu’au fait

militaire. Lyon n’échappe pas à la règle. Le récit a tôt été fait d’un certain nombre de

moments retenus comme marquants29 et si Lyon ne fut qu’épisodiquement au centre

d’opérations militaires d’envergure, des travaux, dont les premiers sont

contemporains des événements, les étudient minutieusement 30 . Cependant les

institutions politiques et administratives locales ont été peu abordées. La municipalité

n’est pas vue comme un acteur digne d’intérêt et tout juste la figure de quelques

édiles, le maire Fay de Sathonay surtout et quelques rares autres, adjoints ou

conseillers, émerge-t-elle ça et là d’études qui ne s’organisent jamais autour d’elles.

Rareté donc, et classicisme de l’approche. Lorsqu’on trouve s’agissant de Lyon des

travaux qui participent des « réflexions nouvelles sur le fonctionnement des

pouvoirs »31, ils ont trait à la période révolutionnaire32. Ayant le grand mérite de mêler

l’intérêt pour les questions institutionnelles à celui pour le politique et les

problématiques sociales, ils permettent néanmoins de repérer une lacune

29

CHARLÉTY, Sébastien, « La vie politique à Lyon sous Napoléon 1er

», op.cit. ; GONNET, Pierre, « Les Cent-

jours à Lyon », dans Revue d’Histoire de Lyon, T.VII, 1908, p.50-67, p.111-123, p.186-210, p.286-303. 30 TOURNON, Comte de, Notes sur l’invasion du Lyonnais en 1814, Lyon, Cote, 1887, 466 p. ; GUERRE, Jean,

Campagnes de Lyon en 1814 et 1815, Lyon, J.-B. Kindelem, 1816, 324 p. Des études récentes ont été publiées,

qui ne renouvellent cependant pas ce type d’approche : ZINS, Ronald, 1814. L’Armée de Lyon, ultime espoir de

Napoléon, Reyrieux, Horace Cardon, 1998, 351 p. ; ZINS, Ronald, 1815. L’Armée des Alpes et les Cent-Jours à

Lyon, Reyrieux, Horace Cardon, 2003, 447 p. Enfin, signalons le très important article de F. Rude, paru il y a

plus de 35 ans : RUDE, F., « Le réveil du patriotisme révolutionnaire dans la région Rhône-Alpes en 1814 »,

Cahiers d’Histoire, t.16, n°3-4, 1971, p.433-456. 31

PETITEAU, Natalie, Voies nouvelles…, op. cit., p.16-17. 32

BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse. Faiblesse et disparition de

l’autonomie de la municipalité révolutionnaire lyonnaise (12 avril 1790 – 7 ventôse an IV), Thèse pour le

doctorat en Droit soutenue à l’Université Lyon 3, 2003, 865-CLXXXII p. ; BENOIT, Bruno, SAUSSAC,

Roland, Guide historique …, op. cit.

11

fondamentale de l’historiographie napoléonienne locale et de souligner en même

temps les perspectives offertes par l’étude de la Révolution. Le choix d’étudier la

municipalité correspond donc d’abord à la volonté de mettre en lumière une

institution méconnue qui a pourtant été un repère essentiel dans la vie quotidienne

des Lyonnais sous l’Empire comme auparavant. Il est en outre renforcé par le

constat d’une assez faible exploitation des sources conservées aux archives

municipales de Lyon, pourtant riches d’enseignements quant aux modalités de

gestion de la ville et à l’action conduite par la municipalité sous le Premier Empire33.

S’intéresser à la municipalité de Lyon sous le Premier Empire, c’est donc

notamment saisir l’opportunité de faire le point sur un objet méconnu à partir de

sources négligées.

Ce choix s’accompagne de la volonté d’aider à définir la nature d’une ambition et

d’un système, d’évaluer leur validité et leur degré de réalisation à partir d’un point de

vue décentré, local, extrêmement concret, modeste pour tout dire.

Le retard de l’historiographie lyonnaise semble en partie imputable au fait que

l’histoire napoléonienne est souvent une histoire nationale, voire européenne, qui

néglige l’échelle locale. Or, justement la dimension européenne de l’histoire

napoléonienne tend à s’affirmer et fait l’objet de travaux tout à fait stimulants34. On

peut voir là, peut-être, une chance pour l’historiographie lyonnaise car l’histoire

nationale est, en réalité, souvent une histoire parisienne, a fortiori lorsque l’on traite

d’un pays à ce point centralisé que le fut la France impériale. On se donne une

chance d’échapper au prisme parisien en voyant l’Empire comme un système

d’envergure européenne.

En outre, il a souvent été regretté que l’histoire napoléonienne soit ramenée à

celle de Napoléon. L’historiographie lyonnaise ne fait pas exception en la matière.

Longtemps, rien n’a davantage intéressé les amateurs d’histoire locale que les

moments où Napoléon a effectivement séjourné à Lyon : de retour d’Égypte en

33

Consacrant sa thèse à la gestion municipale de Bordeaux sous l’Empire, Laurent Coste regrette certaines

lacunes dues à l’incendie de l’Hôtel de ville de 1862 : COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur. Bordeaux sous

le Premier Empire, Société Archéologique et Historique de Lignan et du canton de Créon, 1993, p.9. Rien de tel

à Lyon où l’on dispose de la série complète des procès-verbaux des séances du conseil (versement 1217 WP) et

d’assez nombreuses traces de la gestion des principaux dossiers. 34

WOOLF, Stuart, Napoléon et la conquête de l’Europe, Paris, Flammarion, 1990. MARTIN, Jean-Clément

[dir.], Napoléon et l’Europe. Colloque de la Roche-sur-Yon, 8-9 juin 2001, Presses Universitaire de Rennes,

2002, 169 p. ; LENTZ, Thierry [dir.], Napoléon et l'Europe : regards sur une politique : actes du colloque, 18 et

19 novembre 2004, Paris, Fayard, 2005, 445 p.

12

octobre 1799, lançant symboliquement la reconstruction de Bellecour (1800),

présidant la Consulta (1802), gratifiant la ville d’un des premiers « passages » du

couple impérial (1805), au commencement des Cent-jours (mars 1815) enfin.

L’intérêt domine largement alors pour la geste napoléonienne et les auteurs scrutent

la relation que l’on suppose aisément directe et privilégiée entre le premier consul ou

l’empereur et Lyon35. Le « Lyonnais je vous aime » placardé sur les murs de la ville,

alors même que Napoléon court retrouver sa capitale, comble d’aise nombre

d’auteurs et les détourne souvent d’une analyse plus objective de la situation de

l’Empire à Lyon ou de Lyon dans l’Empire. Napoléon, le premier, avait bien compris

sur quelle corde il convenait de jouer pour s’assurer les grâces de la population et de

la postérité. La figure de Napoléon est omniprésente et forme une sorte d’ « image-

écran » qui empêche de discerner toujours avec netteté les contours du système

napoléonien – par ailleurs réellement complexe – et son organisation comme leur

application concrète, à Lyon.

Adopter une approche décentrée signifie donc d’abord choisir un point de vue qui

ne soit ni parisien ni focalisé sur la personne de Napoléon. La présente étude se

borne aux limites de la ville. Elle n’envisage généralement le pouvoir central que

dans la mesure où les édiles lyonnais ont eu à le prendre en compte. Le parti-pris est

celui d’envisager l’histoire de l’organisation napoléonienne « par le bas ». Les

sources locales sont donc nettement privilégiées, comme étant les plus à même de

permettre de voir les édiles à l’œuvre, pris dans les nécessités de la réalité

lyonnaise.

Portant sur cette institution particulière qu’est la municipalité, l’approche est

encore plus décentrée puisqu’elle ne s’intéresse pas au relais local le plus immédiat

et le plus influent du pouvoir central, la préfecture, mais à une administration que l’on

peut être tenté de qualifier de secondaire. Or, justement, l’étude de la municipalité

sera d’autant plus instructive qu’il s’agit d’étudier un organisme administratif

particulièrement contrôlé par l’État, intégré qu’il est dans une chaîne d’exécution

étroitement surveillée, au sein de laquelle il n’est pas constamment en lien direct

avec le gouvernement mais subit la médiation de la préfecture. Il s’agit en outre

35

GARNICHON, Louis, Napoléon et les Lyonnais : 1779-1815, Lyon, Éditions Bellier, 2001, 343 p.

13

d’étudier un groupe d’hommes nommés par le chef de l’État mais à travers la

médiation du préfet qui propose des listes36.

L’ambition de traiter la municipalité en tant qu’entité administrative

s’accompagne, en effet, de celle de la définir comme une réalité sociale.

Le sujet de cette thèse est bien un sujet « mixte », à la croisée de l’histoire

politique et de l’histoire sociale. Au choix de l’objet d’étude – la municipalité lyonnaise

sous le Premier Empire – correspond une réalité institutionnelle et politique dont

dépendent tant les bornes chronologiques et les limites spatiales de ce travail que la

dimension de la population étudiée. Napoléon dote Lyon d’une mairie unique qui est

installée le 1er vendémiaire an XIV (23 septembre 1805). Quatre-vingt-dix édiles

exercent leurs fonctions de cette date au 6 juillet 1815, jour de la dernière réunion

des édiles des Cent-jours37. On prendra soin de distinguer parmi eux les soixante et

onze individus ayant effectivement participé à la gestion de la mairie unique de Lyon

comme conseillers, adjoints ou maires sous le Premier Empire et les dix-neuf autres,

nommés par le roi entre la première abdication et le retour de l’île d’Elbe dans un

cadre institutionnel conservé intact, mais n’ayant pas exercé durant les Cent-jours.

Se dégage ainsi une population-objet d’étude à laquelle il paraît intéressant

d’appliquer un type de regard inspiré de l’approche prosopographique. Une telle

approche se signale par un intérêt spécifique pour le facteur humain dans l’étude de

tous les phénomènes qui font l’objet de la recherche historique. Elle se rapporte à

l’histoire sociale38. Conformément à son fondement quantitatif39, la prosopographie

privilégie la mise au jour de caractéristiques d’ensemble permettant de qualifier un

groupe, de juger de son homogénéité et des dynamiques qui l’animent sans jamais

renoncer à – et même dans le but de – interroger l’individu à la lumière de la

36

David Higgs invite à considérer avec intérêt « les plus importantes capitales provinciales, qui fournissaient un

univers de rôles et d’aspirations suffisamment complexe pour que les tensions entre les composantes rivales de

l’élite se manifestassent » : HIGGS, David, Nobles, titrés, aristocrates de France après la Révolution (1800-

1870), Liana Levi, 1990, p.237. 37

La liste de ces 90 individus figure en annexe V. Chacun d’entre eux fait l’objet d’une notice individuelle en

annexe VII. 38

Parmi les travaux qui ont montré l’intérêt des biographies sociales : WORONNOF, Denis, L’industrie

sidérurgique en France pendant la Révolution et l’Empire, Paris, Éditions de l’E.H.E.S.S., 1984, 592 p. ;

CHASSAGNE, Serge, Le coton et ses patrons : France, 1760-1840, Paris, Éditions de l’E.H.E.S.S., 1991, 733

p. ; BOUDON, Jacques-Olivier, L’épiscopat français à l’époque concordataire : 1802-1905 : origines,

formation, nomination, Paris, Les Éditions du Cerf, 1996, III-589 p. 39

L’occasion est donnée ici de souligner le rôle majeur d’Ernest Labrousse : LABROUSSE, Ernest, « Voies

nouvelles vers une histoire de la bourgeoisie occidentale aux XVIIIe

et XIXe siècles, 1700-1850 », X

e Congrès

international des sciences historiques, Rome, 1955, t.IV, Florence, Sansoni, 1956, p.365-396.

14

« norme » ainsi définie 40 . Insister sur le groupe, établir sa prégnance sur les

situations et itinéraires individuels tout en restituant et reconnaissant ces derniers,

c'est-à-dire tout en ménageant sa place à une approche qualitative41 de manière à

dépasser les limites inévitables de la sociologie globale, telle est donc la gageure de

toute approche de type prosopographique.

La connaissance intime du groupe formé par les individus ayant exercé, sous

l’autorité de Napoleon 1er ou durant son exil à l’île d’Elbe, une fonction politique au

sein de la mairie unique de Lyon participe fortement de l’intelligibilité du projet

napoléonien et de sa mise en œuvre locale. Le jeu des différents acteurs urbains, la

vitalité des solidarités, des réseaux qui les unissent ou au contraire les distinguent,

sans omettre les perspectives d’ascension sociale entrevues au gré de la

conjoncture économique et politique42 sont autant d’éléments à prendre en compte

dans le cadre d’une biographie sociale qui aurait pour but de révéler les ressorts de

l’émergence d’une élite politique locale au service du système napoléonien. Car les

individus étudiés, à la fois remarquables et représentatifs de sociétés limitées,

proposent des itinéraires qui sont l’expression de dynamiques sociales et politiques

amples. Ils sont envisagés bien sûr dans la perspective d’une étude de groupe mais

aussi pour leurs comportements propres vis-à-vis d’une réalité politique et sociale

nouvelle.

Jean-Philippe Genet propose le terme de « sociographie » pour définir « à la fois

la description systématique des groupes sociaux » liés à un ensemble institutionnel

et politique et « une histoire sociale des institutions »43 . Alors, au moyen d’une

approche inspirée de la prosopographie, on peut imaginer esquisser la sociographie

des institutions municipales lyonnaises sous le Premier Empire. C’est le problème de

l’articulation de l’ordre social au pouvoir qui est posé. L’analyse proposée par Neitard

Bulst incite à adopter ce parti :

40

KAWA, Catherine, Les ronds-de-cuir en Révolution. Les employés du ministère de l’Intérieur sous la

Première République (1792-1800), Paris, Éd. du C.T.H.S., 1996, p.31. « Les écarts à la norme, les déviances

sont souvent plus significatifs et intéressants à étudier que la norme elle-même. Néanmoins, pour repérer une

déviance, il faut d’abord construire un modèle de référence : telle est la contradiction inhérente à la méthode

prosopographique » explique cette auteure. 41

Claude-Isabelle Brelot estime qu’un projet prosopographique implique une « préoccupation culturelle » en

plus de l’approche quantitative, sérielle : BRELOT, Claude-Isabelle, La noblesse réinventée. Nobles de Franche-

Comté de 1814 à 1870, Paris, Les Belles-Lettres, Annales littéraires de l’Université de Besançon, 1992, p.9-11 42

Il faut être attentif aux phénomènes d’ascension et de déclassement comme le signale Natalie Petiteau :

PETITEAU, Natalie, Élites et mobilités. La noblesse d’Empire au XIXe

siècle (1808-1914), Paris, Boutique de

l’histoire, 1997, p.22. 43

GENET, Jean-Philippe, « Introduction », dans L’État moderne et les élites, XIIIe-XVIII

e siècles. Apports et

limites de la méthode prosopographique, Publications de la Sorbonne, 1996, p.9-16.

15

De manière générale, on peut dire que les structures politiques et sociales de certains

groupes, les phénomènes tels que la continuité ou la discontinuité, la montée et le déclin des

systèmes politiques, des institutions spirituelles ou séculières, l’action politique, la mobilité

sociale et tant d’autres ne se laissent guère analyser avec précision sans la connaissance des

personnes44

.

Cette étude s’inscrit clairement dans la volonté d’appréhender mieux

l’organisation interne du système napoléonien. Ce dernier obéit à une conception

très pragmatique des relations et des procédures qui doivent mettre en rapport les

différents acteurs de la scène internationale. « Principe qui sert à imposer l’Empire »,

le système est une « notion largement circonstancielle et évolutive »45 . Or c’est

justement la nécessité de rendre le système adaptable aux circonstances, de rendre

le système réactif aux modifications de l’environnement et aux évolutions de la

conjoncture qui exige la mise en place d’une organisation extrêmement efficace et

rationnelle et, partant, centralisée et uniforme.

Étudier la municipalité de Lyon c’est mieux comprendre la nature de cette

organisation napoléonienne. Organisation qui est d’abord politico-administrative : il

s’agit de contrôler, de maîtriser, d’administrer des territoires et des populations tout

en s’assurant le concours d’icelles. Organisation qui est ensuite sociale. Il s’agit de

déterminer un ordre social nouveau – pas totalement inédit mais nouveau par les

équilibres qu’il établit – et de définir la ou les catégorie(s) sur la(les)quelle(s) on

entend le fonder. Il s’agit de garantir la stabilité et l’acceptation d’un ordre social

hiérarchisé ne remettant, en principe, pas en cause le principe d’égalité. Il s’agit de

savoir quels mécanismes mettre en place pour faire émerger l’élite. C’est la question,

fondamentale, du lien politique qui est posée. L’exercice de l’autorité rend

indispensable, en même temps, le remaniement du système institutionnel

et l’intégration des individus et des communautés à des rouages et des réseaux.

Sur ces deux plans, politico-administratif et social, le pouvoir central doit disposer

de relais de son autorité. La municipalité de Lyon, comme institution autant que

comme groupe d’individus désignés par le régime pour assumer une responsabilité

44

BULST, Neithard, « Objet et méthode de la prosopographie », dans ibid., p.479. 45

Pour la notion de système napoléonien, en partie héritée des conceptions diplomatiques traditionnelles :

LENTZ, Thierry, Nouvelle Histoire du Premier Empire, t.I, op. cit., p.14.

16

publique, est un de ces relais. Étudier la municipalité de Lyon sous l’Empire revient

par conséquent à étudier une créature du système, un élément généré par lui. Cela

ne signifie pas que cet élément soit totalement neuf. Le système napoléonien comme

son organisation héritent en partie d’une situation créée par la monarchie et la

Révolution. Des hommes et des institutions sont en place, des équilibres sociaux

plus ou moins fragiles et plus ou moins anciens existent. Il est donc indispensable de

prendre en compte ces héritages. L’Empire ne plaque pas une organisation abstraite

sur le réel, méconnaissant icelui. Au contraire, il prend consciencieusement en

compte l’existant, développant une politique tout à la fois très volontariste et très

pragmatique.

L’étude de la municipalité sous le Premier Empire sera révélatrice de la nature de

l’ambition et de l’action napoléoniennes en matière d’organisation politico-

administrative et en matière d’organisation sociale46. Il est en particulier question de

chercher à savoir dans quelle mesure le régime impérial est une formule inédite de

re-légitimation du pouvoir et de l’action politiques, de refondation du lien entre la

population et son gouvernement, de consolidation de l’État conçu comme émanant

de la souveraineté nationale. Dans cette perspective, l’étude du cas lyonnais

ambitionne d’éclairer la nature et l’organisation du système napoléonien à une

échelle délibérément locale, en adoptant un point de vue délibérément décentré.

Puisque le système napoléonien n’est pas figé, puisque, en permanent

mouvement, il demeure finalement en construction durant toute la période, la

question qui sous-tend l’étude est celle de chercher à connaître, à évaluer la

pertinence, l’efficience du type d’organisation que l’on découvre par rapport aux

besoins de fonctionnement du système. Ainsi organisée, la municipalité de Lyon

sous le Premier Empire fut-elle un instrument, un élément de l’organisation en

mesure de profiter au système ? Et puisque la force d’un système dépend de la force

des éléments qui le composent et interagissent entre eux, il sera intéressant de se

demander si l’Empire et son système, furent profitables à Lyon ; il est en effet

nécessaire de renforcer son organisation interne pour consolider le système.

46

Et ce, d’autant qu’elle sera mise en relation avec d’autres études concernant des villes importantes de

l’Empire : Bordeaux et Marseille en premier lieu. COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur, op. cit. ; BONNET,

Christian, Les Bouches-du-Rhône sous le consulat et l’Empire : évolution économique et vie socio-politique,

Thèse d’État sous la direction de Michel Vovelle, Paris I, 1986.

17

S’intéresser à la municipalité de Lyon c’est donc aussi chercher à savoir dans

quelle mesure ce modeste élément du système napoléonien rend compte de son

organisation interne et tenter d’évaluer son niveau d’efficience au service dudit

système et de ladite organisation ; c’est escompter que l’étude de cette situation

concrète sera significative à ces égards. Si on en vient à s’intéresser au bilan pour

Lyon de la politique municipale, c’est dans la mesure où on cherche à savoir si cet

élément a été mis en capacité de servir le système. Cela suppose que l’on évalue la

réussite ou non de l’action municipale non pour elle-même mais en fonction de

l’objectif poursuivi par l’Empire-système. Il ne s’agirait pas, le cas échéant, de

dresser un bilan positif ou négatif en soi mais positif ou négatif par rapport aux

besoins et aux objectifs affichés du système napoléonien.

Visant à mieux appréhender l’organisation du système napoléonien en évaluant

la place et le rôle de la municipalité de Lyon en son sein, l’étude introduite ici

s’organisera en trois étapes.

La municipalité est un acteur de l’organisation politique et administrative

impériale qui s’insère à la fois dans un cadre institutionnel et politique nouveau,

étroitement défini, et dans une évolution qui la lie profondément aux expériences de

réformes initiées sous l’Ancien régime et la Révolution (1ère partie). Mais la

municipalité est aussi un ensemble d’individus dont le régime napoléonien attend

qu’ils agissent efficacement au service de l’organisation politique de l’Empire et ainsi

participent à la promotion du système tout entier. La connaissance des individus

oblige à prendre en compte un temps qui excède là aussi les dix années que dure le

Premier Empire et participe de l’intelligibilité de l’organisation socio-politique. Du

choix des individus dépend en partie la réussite du projet napoléonien (2ème partie).

Pour autant, la municipalité que Napoléon espère au service de son système ne peut

l’être que dans la mesure où elle réussit à s’imposer comme un relais performant de

l’autorité de l’État et un administrateur efficace de la deuxième ville de France. Il est

donc absolument indispensable de déterminer précisément ce que fut la politique

municipale à Lyon dans le cadre de la mairie unique sous le Premier Empire (3ème

partie).

18

PREMIÈRE PARTIE :

LE CADRE INSTITUTIONNEL ET

RÉGLEMENTAIRE ET

LE FONCTIONNEMENT

DE LA MUNICIPALITÉ

19

La municipalité de Lyon est un acteur, modeste, de l’organisation politique,

administrative et sociale impériale. Animée par les individus qui la composent selon

la volonté du pouvoir central, elle voit sa capacité d’action et d’influence dépendre

essentiellement du dispositif réglementaire et institutionnel dans lequel elle s’insère

et qui borne très rigoureusement ses prérogatives. Par ailleurs, la mise en place d’un

tel dispositif est en quelque sorte la réalisation de principes politiques fondamentaux

qui, eux aussi, contribuent fortement à déterminer l’essence et l’étendue des

compétences attribuées à la municipalité. C’est pourquoi la connaissance du cadre

institutionnel et réglementaire dans lequel naît puis se meut la municipalité comme

l’observation de sa genèse sont tout à fait indispensables si l’on veut prendre la

mesure de ce que furent réellement la nature et l’importance de la mairie unique de

Lyon au sein de l’organisation napoléonienne tout en espérant participer à

l’intelligibilité de cette dernière.

La question qui, principalement, sous-tend cette première partie est double. Il

s’agit d’abord de savoir si le régime impérial se dote à Lyon de l’instrument

institutionnel idoine lorsqu’il fonde la mairie unique. Il s’agit ensuite d’évaluer à quel

point ce choix est révélateur de la nature de l’organisation et du système

napoléoniens.

L’analyse des différentes réformes et mesures abordées est, autant que faire se

peut, fondée sur le recours direct aux textes législatifs et réglementaires47 avant

d’éventuellement prendre en compte leur riche exégèse. Mais le souci a été

permanent de maintenir la présente étude en prise étroite avec la réalité lyonnaise.

Si certaines considérations peuvent conduire parfois à une certaine abstraction, il

faut toujours s’efforcer de raisonner en fonction du cas particulier qui constitue l’objet

d’étude et de garder les deux pieds fermement ancrés au confluent de la Saône et

du Rhône. L’historiographie lyonnaise ainsi que les fonds archivistiques municipal et

47

L’essentiel des textes auxquels il est fait référence sont répertoriés dans deux séries de volumes auxquels on

renvoie : DUVERGIER, Jean-Baptiste, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements et avis du

Conseil d’État de 1788 à 1830, Paris, A. Guyot éditeur, 1824-1834, 24 volumes. ISAMBERT, F.-A., Recueil

général des anciennes lois françaises, depuis l’an 420 jusqu’à la Révolution de 1789, Paris, Plon, 1830, 28

volumes, sans compter les deux séries d’Archives parlementaires, partiellement disponibles sur le site internet de

la Bibliothèque nationale.

20

départemental sont mis à profit dans le but de prendre en compte les éléments

contingents qu’une approche trop conceptuelle amènerait à négliger.

Lorsque le Consulat et le Premier Empire mettent en place l’organisation

administrative et territoriale appelée à structurer la vie politique locale et à régir les

relations entre les différentes institutions, locales et nationales, jusqu’à la fin du XXe

siècle48, il apparaît clairement que table rase n’est pas faite du passé, qu’il soit

monarchique ou républicain (section 1). Au contraire on peut repérer une forte

continuité entre le mouvement de centralisation initié après l’épisode douloureux de

la Ligue et le régime napoléonien qui, en quelque sorte, en constitue l’acmé. Dans ce

mouvement, la Révolution n’apparaît finalement pas comme une rupture, malgré les

velléités initiales de la Constituante, et l’étude de la décennie révolutionnaire

confirme notamment que la dynamique centralisatrice et uniformisante

s’accompagne aussi bien d’un éloignement des élites politiques vis-à-vis de la

population lyonnaise que d’une atteinte durable portée à leur légitimité.

Le régime napoléonien élabore une organisation politico-administrative et sociale

(section 2) qui est à la fois caractérisée par ce qu’elle hérite des périodes

précédentes et par ce qu’elle recèle de profondément original. Les institutions de la

mairie unique mettent en œuvre de manière particulièrement rationnelle et

volontariste les principes du gouvernement centralisé et uniformisé issus des

multiples débats antérieurs et façonnés en particulier par les penseurs du courant

physiocratique. Mais si la mise en place de la mairie unique à Lyon, en septembre

1805, se situe dans la continuité d’un mouvement de long terme, elle n’en est pas

moins vécue comme une rupture par les contemporains qui la rapportent

spontanément aux conditions politiques immédiatement antérieures, cruel

témoignage de l’abaissement de leur cité. Avec la mairie unique, c’en est fini de la

division de la ville en trois sections comme s’éloigne apparemment le spectre de la

marginalisation. En fait, c’est en partie parce qu’elle est reçue favorablement que la

réforme napoléonienne est rapidement un succès. Mais c’est aussi et surtout parce

qu’au-delà de l’efficace mécanique institutionnelle est proposée une formule originale

et globale qui modèle l’administration municipale en fonction des nécessités locales

48

La grande rupture en la matière est souvent considérée comme celle que constituent les grandes lois de

décentralisation de 1982 : OHNET, Jean-Marc, Histoire de la décentralisation française, Paris, Librairie

générale française, coll. « Livre de Poche », 1996, 351 p. ; BLANC, Jacques, RÉMOND, Bruno, Les collectivités

locales, Paris, Presses de la F.N.S.P., Dalloz, 1995, 699 p. [3e édition]

21

comme des besoins du système napoléonien et qui en confie la gestion à un corps

édilitaire choisi au sein de ce monde des notables que l’Empire contribue si fortement

à faire émerger.

22

Section 1. Un mouvement ancien de centralisation

L’étude de la municipalité lyonnaise sous le Premier Empire ne peut pas ignorer

que le temps d’une institution n’est pas seulement celui de son existence effective. Il

est impossible de prétendre méconnaître les évolutions et les débats qui, en amont

du relativement court moment dont on s’occupe, ont progressivement accouché du

contexte intellectuel, politique et social qui a présidé à la mise en place de la mairie

unique, en septembre 1805. La prise en compte de ce temps long – long au regard

des dix ans auxquels on s’intéresse – permet de mieux comprendre combien la

période napoléonienne propose à la fois une rupture et un prolongement vis-à-vis

des précédentes, de l’Ancien régime en particulier. Ainsi, alors que sera discutée,

plus tard, la question de savoir dans quelle mesure le Premier Empire a fait appel

aux hommes de l’Ancien régime et de la Révolution, il est question, ici et maintenant,

de déterminer jusqu’à quel point le Premier Empire hérite de l’Ancien régime et de la

Révolution en matière d’organisation administrative et territoriale. Or, la question se

complique dès lors que l’on veut bien admettre que l’héritage laissé par l’une et

l’autre de ces périodes n’est pas homogène et que l’on peut trouver sous les règnes

de Louis XV et de Louis XVI aussi bien des mesures centralisatrices que des essais

inverses. À cet égard, seule la période de la Première République offre un profil

globalement uniforme.

1. La perte d’autonomie de la municipalité lyonnaise sous l’Ancien régime

s’accompagne de la déliquescence du lien politique

L’histoire des autorités municipales lyonnaises sous l’Ancien régime peut être

vue comme celle de l’érosion inexorable de leur autonomie. En effet, du règne

d’Henri IV à celui de Louis XVI, la centralisation effectue des progrès considérables.

Or, ce mouvement de centralisation accrue s’accompagne de l’augmentation

continue de la distance séparant les administrateurs des administrés. Parallèlement,

on assiste à une progression de l’uniformisation des régimes et des institutions

administratives françaises, particulièrement pour ce qui touche aux municipalités.

23

1.1. L’Édit de Chauny inaugure une période de centralisation et

d’isolement des administrateurs

Même si la volonté monarchique de centralisation administrative n’a pas toujours

été suivie d’effets aussi nets qu’escompté, il semble aujourd’hui admis que l’effort de

mise sous tutelle d’État des communes est bien antérieur aux menées

révolutionnaires et impériales49.

Le 13 décembre 1595, Henri IV prend à Chauny un édit qui, s’il officialise une

évolution déjà largement amorcée50, institue des « nouveautés (qui) aboutissent à

faire du Consulat un ensemble plus stable, quasi-indépendant des Lyonnais et plus

facile à manœuvrer »51.

L’édit de Chauny réforme profondément le Consulat lyonnais. Il place à la tête de

la municipalité un prévôt des marchands. Noble, élu pour deux ans, le prévôt préside

l’échevinat – les séances consulaires – dont il fixe l’ordre du jour et tranche en

dernier ressort. Les douze consuls étant remplacés par quatre échevins assistés d’un

procureur et d’un secrétaire, l’institution municipale est à la fois réduite et

hiérarchisée ce qui permet un contrôle accru de la part du pouvoir central.

Kleinclausz souligne fortement cet aspect de la réforme :

La réforme s’inspirait avant tout du désir de réduire l’autonomie de la ville, de faciliter

l’intervention du gouvernement dans l’administration consulaire : la réduction du nombre des

échevins était le moyen de permettre le renforcement de la centralisation52

.

Dès 1595, le prévôt des marchands est nommé par le roi au moyen d’une lettre

de cachet. On sait que la nomination des responsables politiques et administratifs

49

À la suite de Tocqueville : TOCQUEVILLE, Alexis de, L’Ancien Régime et la Révolution, Paris, Gallimard,

1967, p.979-985. [1ère

édition : 1856] 50

La réforme s’inspire de l’exemple de la municipalité parisienne et d’un édit d’Henri II, pris en 1547, qui

réduisait le nombre d’échevins mais ne fut jamais appliqué : BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à

une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.14 ; KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p.4-5. 51

BAYARD, Françoise, CAYEZ, Pierre [dir.], Histoire de Lyon. t.2 : op.cit., p.90. 52

KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p.5. Voir aussi : COURBIS, E., La municipalité

lyonnaise sous l’Ancien régime, Lyon, Mougin-Rusand, Walterer et Cie, 1900, p.89 et GUYAZ, Marc, Histoire

des institutions municipales de Lyon avant 1789, Lyon, Henri Georg, 1884, p.246. Yann Lignereux insiste sur les

conséquences financières de l’édit : « En réduisant le nombre des échevins, il met matériellement fin au système

de la prise en charge particulière, par les nouveaux élus, des dettes de leurs prédécesseurs : les cinq membres du

nouveau consulat ne peuvent en effet assumer les dettes de leurs douze prédécesseurs » : LIGNEREUX, Yann,

Lyon et le roi…, op. cit,, p.81.

24

locaux est une des marques du processus de centralisation53. On peut y voir le signe

de ce que le prévôt tend à devenir un agent de l’État. Il y a indéniablement sur ce

point une très forte continuité entre l’Ancien régime et l’Empire, la période des débuts

de la Révolution systématisant au contraire l’élection des fonctionnaires publics

locaux et apparaissant comme une parenthèse 54 . La pratique est instituée

progressivement selon laquelle le roi fait connaître par l’intermédiaire du gouverneur

son choix pour l’élection du prévôt et des deux échevins à élire. Le vote de

l’assemblée des terriers et des maîtres des métiers n’est dans de telles conditions

que la simple ratification de la volonté du roi55, ce dernier se réservant le cas échéant

le droit de casser un vote contraire de l’assemblée56. En outre, si l’ancien Consulat

continuait d’associer au moins formellement trois assemblées à l’administration de la

ville, la nouvelle institution néglige de plus en plus le rôle de ces assemblées. En

effet, l’assemblée des terriers et des maîtres des métiers élit toujours les échevins

alors qu’elle désignait les consuls mais le prévôt des marchands participe à la

séance électorale et vote publiquement le premier, exerçant ainsi une influence

décisive. Par contre, l’assemblée des notables formée de vingt à vingt-cinq anciens

conseillers, ou consuls, et l’assemblée générale formée de plus de deux cents

notables, auxquels sont associés soixante-dix à quatre-vingt terriers et maîtres des

métiers, sont de moins en moins consultées jusqu’à pratiquement disparaître au

cours du XVIIe siècle57.

En 1597, la ville de Lyon reçoit son premier intendant. Il est chargé d’exercer sur

l’institution consulaire un contrôle financier en concurrence avec le bureau des

finances de Lyon58 – les trésoriers de France contrôlent théoriquement les recettes et

dépenses consulaires – et le gouverneur de la province. Le gouverneur préside

53

CHABROT, Christophe, La centralisation territoriale : fondement et continuité en droit public français, thèse

de doctorat de droit public, Université de Montpellier 1, 1997, 548 p. [1 vol.]. Des réflexions et des éléments

d’informations très intéressants dans : VON THADDEN, Rudolf, La centralisation contestée : l’administration

napoléonienne, enjeu politique de la Restauration (1814-1830) : essai, Arles, Actes Sud, 1989, p.99-107. [1ère

édition, en allemand : 1972] 54

Dans le même temps, la Constituante opte pour des mandats de brève durée : GUENIFFEY, Patrice, Le

nombre et la raison. La Révolution française et les élections, Paris, Éditions de l’E.H.E.S.S., 1993, p.133-138. 55

Voir notamment LIGNEREUX, Yann, Lyon et le roi…, op. cit., p.196-213. Il est intéressant de noter que selon

cet auteur, Henri IV rejette la solution de « l’ostracisme consulaire » après l’épisode de la Ligue et au contraire

favorise la reconstitution de l’élite. 56

BAYARD, Françoise, Vivre à Lyon sous l’Ancien Régime, Paris, Perrin, 1997, p.70-71 ; COURBIS, E, La

municipalité lyonnaise…, op. cit., p.92-94. 57

BAYARD, Françoise, CAYEZ, Pierre [dir.], Histoire de Lyon, t.2 : op. cit., p.88 ; LIGNEREUX, Yann, Lyon

et le roi…, op. cit., p.598. 58

DEHARBE, Karine, Le bureau des finances de la généralité de Lyon du XVIe au XVII

e siècle. Aspects

institutionnels et juridiques, Thèse de droit soutenue à l’Université Lyon III en décembre 2000.

25

l’assemblée générale de la commune lorsqu’elle est convoquée pour accorder une

aide financière au royaume et surveille l’utilisation des revenus de la ville. Cette

mission de « tenir le lieu du roi » est confiée, à Lyon, du début du XVIIe siècle jusqu’à

la Révolution, à la puissante famille des Villeroy59. Or, l’influence de ces grands

nobles de cour est telle que l’intendant est souvent empêché de jouer

convenablement son rôle de tutelle. Par ailleurs, le roi utilise les principales villes du

royaume et leur capacité d’endettement pour prélever de nombreux revenus au cours

du Grand siècle et ce, jusqu’au moins les deux premiers tiers du dix-huitième siècle,

en forçant en particulier les municipalités au rachat d’offices60. Il bénéficie pour ce

faire du ferme soutien du gouverneur, exceptionnellement influent à Lyon.

Il résulte de l’examen de cette période que la ville de Lyon se voit dépossédée de

son autonomie et assujettie à une tutelle du pouvoir central de plus en plus manifeste

sans que, pour autant, sa gestion, notamment financière, soit améliorée ni assainie.

En outre, Lyon apparaît comme un enjeu de pouvoir mettant aux prises Consulat,

gouverneur, intendant et roi, enjeu d’autant plus important que la capacité financière

de la ville est grande. Qui la capte accroît son pouvoir61.

Françoise Bayard peut affirmer à propos du XVIIIe siècle :

Si l’apparence du pouvoir est aux mains du Consulat, sa réalité est ailleurs : le roi a, dans la

place, de nombreux serviteurs. La juxtaposition de ces autorités tourne souvent à la

confrontation : conflits de préséance et de compétence se succèdent dans un étroit

microcosme que les réorganisations de 1764 et 1787 parviennent fort peu à ouvrir62

.

La période inaugurée par l’édit de Chauny est centralisatrice. Or, la centralisation

s’accompagne de l’éloignement croissant entre administrateurs et administrés. En

effet, la désignation par le roi du prévôt et des échevins ainsi que la marginalisation

des assemblées contribue fortement à promouvoir localement des personnalités qui

59

CUER, G., « Les Villeroy et la province du Lyonnais, Forez et Beaujolais, XVIIe-XVIII

e siècles », Chronique

du pays beaujolais de l’académie de Villefranche en Beaujolais, 1992, Villefranche, Bulletin n°16, p.33-39. 60

BAYARD, Françoise, Vivre à Lyon…, op. cit., p.63-64 ; BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à

une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.19-21 ; CHARLÉTY, Sébastien, « La ruine de Lyon sous Louis

XIV », dans Revue de Paris, mai-juin 1902, p.620-650. 61

« La bataille pour le contrôle des municipalités qui avait commencé, au XVIIe siècle, par celui des finances,

continua tout au long du XVIIIe siècle et constitua un des enjeux majeurs des luttes entre le souverain et les

États. Elle était favorisée par l’existence de pouvoir locaux hétérogènes, éparpillés, concurrents voire opposés » :

NIÈRES, Claude, « Les obstacles provinciaux à l’uniformisation en France au XVIIIe siècle », dans DUPUY,

Roger [dir.], Pouvoir local et Révolution, Rennes, P.U.R., 1995, p.87. 62

BAYARD, Françoise, CAYEZ, Pierre [dir.], Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p.77.

26

ne doivent plus l’essentiel de leur légitimité à représenter les habitants, ou du moins

les corps et catégories reconnues, mais bien à leur capacité à servir efficacement le

pouvoir central. Lorsque l’on ôte en réalité sa capacité de désignation des édiles à

l’assemblée des terriers et maîtres des métiers, on dissocie la fonction de

représentation de la capacité électorale. Lorsque l’on cesse de convoquer

régulièrement l’assemblée des notables ou l’assemblée générale, on distend le lien

qui existe entre le corps social et son administration. Les décisions sont de moins en

moins éclairées par l’opinion publique locale en même temps qu’elles perdent

l’opportunité de se réclamer de son consentement. C’est la nature du lien politique

local qui change, prélude à sa disparition progressive.

1.2. La réforme Laverdy : un pas vers l’uniformisation

Incontestablement les tentatives monarchiques d’uniformisation administrative

relèvent d’une volonté trop tardive et, pour dire le vrai, pâtissent d’une excessive

pusillanimité63. On note cependant que, depuis Louis XIV, le pouvoir royal renforce

son autorité sur l’organisation urbaine et qu’il s’ensuit un alignement progressif des

statuts, notamment après la réforme Laverdy. Cette dernière préconise en effet de

fixer des principes généraux. Le préambule de l’édit du 11 août 1764 en précise

l’objectif :

Afin que nos sujets puissent recueillir les fruits que nous attendons des mesures que nous ne

cesserons de prendre pour le rétablissement du bon ordre, partout où il aurait pu souffrir

quelque interruption.

La réforme Laverdy ne peut être interprétée dans la lignée de l’ambition

centralisatrice manifestée par l’édit de Chauny. En effet, lorsque François de

Laverdy, conseiller au Parlement de Paris, accède au Contrôle général en décembre

1763, il apparaît plutôt comme un représentant du courant libéral issu de

63

NICOUD, Marie-Odile, La première naissance de l’administration moderne (1750-1837), thèse de droit

public soutenue à l’Université Lyon 2, 1993, p.52-88.

27

Montesquieu64 visant notamment à réduire la tutelle des intendants. En fait, avec

Laverdy triomphe l’« idée que les intérêts locaux doivent être gérés par les

représentants des habitants »65.

Le contrôleur général a une incontestable ambition de réforme dont le cœur est à

chercher du côté de la volonté d’harmoniser le régime municipal. Si l’on a souvent

retenu des édits de 1764 et 1765 le projet de détruire les aristocraties consulaires, il

ne faut pas oublier que le but en était l’assainissement des finances des villes et le

moyen l’uniformisation de leur mode d’administration. Comme l’affirme Maurice

Bordes, les préambules des édits d’août 1764 et de mai 1765 sont révélateurs d’une

riche ambition :

Briser les oligarchies municipales, supprimer les offices vénaux, rétablir les élections, assurer

une meilleure gestion des finances locales, donner une certaine uniformité à l’administration

des villes du royaume66

.

La réforme Laverdy cherche effectivement à imposer une règle uniforme pour

l’administration de toutes les villes du royaume qui établit seulement une distinction

entre elles en fonction de la population et de l’importance des communautés. C’est

dans cette volonté d’uniformisation que se trouve la véritable nouveauté de la

réforme Laverdy. En effet, « que le roi cherchât à imposer ses volontés à tous n’était

pas chose nouvelle, le développement d’une administration monarchique couvrant

toutes les autres l’était davantage »67. Ainsi :

L’action de l’État était trop gênée par la diversité des situations, par l’enchevêtrement des

circonscriptions, par leur déséquilibre, pour ne pas chercher à les dépasser en imposant des

règles générales68

.

Les compétences dévolues à l’administration municipale sont clarifiées,

notamment en matière de contrôle financier, et reconnaissent implicitement la notion

d’affaires locales qui seraient du ressort des administrateurs locaux, anticipant en

64

Il s’agit même d’un représentant « naïf » de ce courant aux dires de Maurice Bordes : BORDES, Maurice,

L’administration provinciale et municipale en France au XVIIIe siècle, Paris, Société d’Édition d’Enseignement

Supérieur, 1972, p.254-255. 65

NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p.61. 66

BORDES, Maurice, L’administration provinciale…, op. cit., p.254. 67

NIÈRES, Claude, « Les obstacles provinciaux… », op. cit., p.76. 68

Ibid., p.81.

28

cela sur les principes définis lors de la création des assemblées provinciales en

1787.

Le but du pouvoir administratif municipal est de régir les biens et de veiller à

l’ordre public à l’intérieur de la ville69. Ce pouvoir est détenu conjointement par les

deux nouvelles formations municipales qu’instituent, à Lyon, les lettres patentes du

31 août 1764 à savoir l’assemblée des notables et le corps de ville. L’assemblée des

notables se réunit au moins deux fois par an. Elle représente la commune, doit régir

ses biens et défendre ses intérêts. Elle examine les comptes du corps de ville et du

receveur. Elle peut, au nom de la ville, emprunter, faire des acquisitions ou des

aliénations, adjuger des baux, soutenir ou intenter des procès, envoyer des députés.

Le corps de ville, lui, régit et administre la commune, exécutant les décisions de

l’assemblée des notables et gérant les affaires courantes, c’est à dire celles que les

notables ont déterminées comme pouvant être gérées sans leur concours. Il peut

adjuger certains biens et revenus patrimoniaux de faible valeur. Il exerce la juridiction

des arts et métiers. Il veille au maintien de l’ordre sur le territoire de la commune.

Tout ce qui concerne la régie et l’administration ordinaire de la ville est donc réglé

par le corps de ville qui se réunit deux fois par mois. L’exécution incombe au corps

de ville et à lui seulement alors que l’assemblée des notables délibère « sur ce qu’il y

a à faire » et pour examiner « la chose faite »70.

Si le contrôleur Laverdy a réellement l’ambition d’uniformiser le régime

d’administration municipale du royaume, force est de constater que les édits de 1764

et 1765 sont en réalité souvent adaptés aux traditions municipales locales. Ainsi,

alors que l’édit du 11 août 1764 s’applique à toutes les villes et bourgs à l’exception

de Paris, des lettres patentes du 31 août présentent la « constitution particulière » de

la ville de Lyon71. La municipalité lyonnaise n’est donc pas organisée selon l’édit de

mai 1765 qui prévoit les modalités d’exécution de l’édit du 11 août 1764 mais bien

par les lettres patentes du 31 août 1764.

69

NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p.70-72. 70

LEBER, M.-C., Histoire critique du pouvoir municipal, Paris, Audot éditeur, 1828, p.492. 71

Sur la réforme Laverdy à Lyon voir notamment : BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une

centralisation vigoureuse…, op. cit., p 21-24 ; KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p.141-

150 ; NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p. 64-69.

29

Les lettres patentes, nous l’avons dit, instituent à Lyon deux nouvelles formations

municipales72. Le corps de ville est toujours constitué d’un prévôt des marchands et

de quatre échevins auxquels viennent s’ajouter douze conseillers de ville, un

procureur du roi, un secrétaire et un receveur (les trois derniers n’ayant pas voie

délibérative). Les conseillers de ville n’étant convoqués que de manière

extraordinaire, la gestion des affaires courantes revient donc au Consulat proprement

dit73 ce qui constitue un élément de forte continuité.

L’assemblée des notables adjoint dix-neuf notables lyonnais au corps de ville74.

On renoue là avec la tradition des anciennes assemblées générales d’habitants.

Pour s’en convaincre, il n’est qu’à observer sa composition ainsi que son mode de

désignation. L’assemblée des notables, en effet, compte deux officiers de la cour des

monnaies, un membre du chapitre de Lyon, un ecclésiastique, un noble, un trésorier

de France, un élu (représentant du siège de l’élection), un avocat, un notaire, un

procureur, cinq commerçants et quatre membres des communautés d’arts et métiers.

Les notables sont élus chaque année, dans les premiers jours du mois de décembre,

par une assemblée de députés à la composition proche75. Les députés sont désignés

par les différents corps et communautés et, assistés du prévôt, des échevins, des

conseillers de ville, du lieutenant général et du procureur du roi, procèdent en l’hôtel

de ville à l’élection des notables à la pluralité des voix76. Comme l’indique Marie-

Odile Nicoud, l’idée directrice de la réforme est « sinon de rétablir les vieilles

assemblées générales, du moins de donner un droit de regard aux représentants des

communautés qui composent la ville »77.

Ainsi, il apparaît que la réforme Laverdy, si elle a pour but l’uniformisation de

l’administration des villes – objectif loin d’être atteint compte tenu de la prégnance

des spécificités locales comme en atteste le cas lyonnais –, a également pour effet

de permettre la participation des habitants tout en la limitant par le biais d’un système

72

Maurice Bordes tend à relativiser la spécificité lyonnaise. Il affirme que la situation de Lyon est en fait peu

différente de celle des communes de plus de 4 500 habitants selon l’édit de 1764 : BORDES, Maurice,

L’administration provinciale…, op. cit., p.254-257. 73

Article 23 des lettres patentes du 31 août 1764. 74

Articles 14 et 15. 75

Articles 16 et 18. 76

En outre, on s’assure de la représentativité des notables puisque ne sont éligibles à la notabilité que des

personnes âgées d’au moins 35 ans, domiciliées dans la ville depuis au moins dix ans, n’ayant aucune fonction

exigeant leur résidence dans un autre lieu et ayant assumé déjà les charges de la communauté d’origine (article

16). 77

NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p.62.

30

électoral complexe à plusieurs degrés. C’est que le contrôleur général estime que la

destruction des oligarchies municipales est nécessaire en vue d’imposer les mesures

nécessaires à l’assainissement des finances municipales78.

Il est vrai que le recrutement des consuls puis des échevins et prévôts des

marchands se fait traditionnellement dans l’étroite limite de l’aristocratie consulaire.

À Lyon, cette oligarchie municipale est essentiellement constituée de riches

marchands aspirant à cette noblesse héréditaire que confère aux anciens consuls un

édit de Charles VIII pris en 149579. Or, l’édit de Chauny ne fait que supprimer la

responsabilité en nom propre qui pesait sur le patrimoine personnel des consuls lors

de leur entrée en fonction mais ne change rien au fond. Au XVIIe siècle et dans la

première moitié du XVIIIe, seul un patriciat toujours plus restreint peut prétendre au

cursus honorum consulaire qui emprunte le rectorat des institutions charitables et la

Conservation80.

La réforme Laverdy supprime l’ancienne procédure électorale en même temps

que l’assemblée des terriers et maîtres des métiers qui, de toute façon, avait déjà

largement été dessaisie de son influence. Le nouveau système de désignation des

édiles rétablit théoriquement un lien plus substantiel entre administrateurs et

administrés. Le prévôt – dont le mandat est initialement de deux ans renouvelable

deux fois – est certes toujours choisi par le roi mais parmi trois personnalités élues

par l’assemblée des notables qui élit également les échevins, d’abord pour deux ans

renouvelables par moitié chaque année, mais aussi les conseillers de ville, pour six

ans, renouvelables par tiers tous les deux ans. L’assemblée des notables est donc

placée au centre du nouveau dispositif81. On peut estimer alors que d’un point de vue

général « cette réforme tend à faire participer la moyenne et la petite bourgeoisie à la

gestion des affaires municipales »82.

78

On retrouve là une problématique récurrente durant les dernières décennies de l’Ancien régime. Comment

imposer des réformes financières douloureuses aux catégories dirigeantes ? 79

À noter que l’édit de mars 1667 supprime la noblesse de cloche sauf pour Lyon et Toulouse : BLUCHE, F. et

DURYE, P., « L’anoblissement par charge avant 1789 », dans Les cahiers nobles, n°23 et 24, 1962, p.26. 80

C’est une ordonnance de 1774 qui limite ainsi l’accès à l’échevinat et au conseil de ville : BAYARD,

Françoise, Vivre à Lyon…, op. cit., p.165-167. 81

« Tout en imposant un système électoral compliqué, ils confient (les édits) le pouvoir à des assemblées de

notables élus à deux degrés par les principaux corps de la ville » : NICOUD, Marie-Odile, La première

naissance…, op. cit., p.61. 82

Ibid., p.65.

31

Pourtant, à Lyon, ce n’est pas l’assemblée des notables mais bien le corps de

ville qui élit le secrétaire, le receveur et le procureur du roi pour six ans. En outre, les

échevins ne peuvent être choisis que parmi les anciens conseillers de ville83, ces

derniers étant, pour un tiers d’entre eux au moins, obligatoirement d’anciens

échevins alors que tous ont été soit trésorier des hôpitaux soit membre du tribunal de

la Conservation84. L’ambition de détruire les oligarchies municipales paraît dès lors

bien compromise. L’aristocratie consulaire lyonnaise n’est en fait pas profondément

remise en cause par la réforme Laverdy. Tout au plus, la transmission héréditaire de

l’échevinat ayant disparue, ne se limite-t-elle plus à quelques familles mais plutôt à

une base sociale étroite – le commerce – au sein de laquelle quelques personnalités

nouvelles peuvent émerger85.

Finalement, les principaux auteurs s’accordent à reconnaître qu’en fait « le

pouvoir municipal appartient à quelques familles qui s’en partagent les diverses

attributions à l’amiable, et ce sous l’autorité du roi qui en désigne le chef »86.

La magistrature municipale, combinée avec le corps des notables, se recrutait par son unique

action et les seuls moyens qu’elle tirait de son sein ; (…) hors d’elle, il n’existait plus ni

capacité électorale, ni voie ouverte pour arriver à elle ; (…) en un mot, le droit d’élection

concentré dans le cercle étroit des notabilités émérites ou actives, n’était au fond qu’une

faculté reconnue à un très petit nombre de citoyens, qui s’exerçait et réagissait constamment

sur eux-mêmes, et toujours en présence et sous le contrôle des officiers du prince, dont elle

recevait ordinairement l’impulsion, et quelquefois la loi87

.

Alors que la réforme Laverdy reposait sur le double postulat qu’il fallait rompre

avec la mainmise des oligarchies municipales sur les affaires de la ville et rapprocher

les administrateurs des administrés, on s’aperçoit qu’une moindre volonté

centralisatrice peut s’accompagner en réalité d’un éloignement accéléré des autorités

municipales vis à vis de la population urbaine. Selon Marie-Odile Nicoud, finalement,

à Lyon, malgré l’ambition initiale du contrôleur général, « la participation directe des

83

Article 4 des lettres patentes du 31 août 1764. 84

Article 7. 85

GARDEN, Maurice, Lyon et les Lyonnais au XVIIIe siècle, op. cit., p.287-290. Kleinclausz, quant à lui,

constate que « le recrutement se fit dans un petit nombre de familles » et que « les représentants du commerce et

de l’industrie étaient une minorité face à ceux du clergé, de la noblesse et des officiers » : KLEINCLAUSZ,

Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit.,, p.145. 86

NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p.69. 87

LEBER, M.-C., Histoire critique…, op. cit., p.484.

32

habitants à la gestion des affaires de la ville est donc moins importante

qu’auparavant ».

L’assemblée des corps et communautés est uniquement une assemblée électorale : les

notables désignés, elle n’est plus convoquée. Les habitants n’ont plus la possibilité de donner

leur avis sur la gestion des hôpitaux, l’organisation des marchés ou la fabrication du pain. Ils

ne sont plus consultés par les magistrats municipaux lorsque ceux-ci veulent prendre une

décision concernant leur vie quotidienne88

.

C’est ce qui permet à Claude Nières d’affirmer qu’à la veille de la Révolution,

« quelle que fut la nature juridique du pouvoir municipal, il était entre les mains des

élites bourgeoises, souvent confisqué par quelques familles »89.

Si la réforme Laverdy fut une forte tentative d’uniformisation de l’administration

municipale, elle ne fut pas pour autant centralisatrice. Elle aurait dû contribuer à

rapprocher les administrés des administrateurs en affaiblissant les oligarchies locales

promues par le roi ou du moins confirmées par lui. Or, il apparaît que le mouvement

global de centralisation n’est pas atteint par la réforme90 en même temps que le

nouveau système électoral ne permet pas la participation accrue des habitants aux

affaires locales. Enfin, la volonté de réforme du contrôleur général s’est avérée trop

respectueuse des traditions locales pour espérer parvenir à uniformiser le régime

d’administration des villes du royaume.

Une des raisons de l’échec de la réforme Laverdy est sans doute que son parti

pris, en faveur de la participation accrue des propriétaires à la vie publique, a effrayé

à la fois l’aristocratie par son libéralisme mais aussi la bourgeoisie urbaine qui avait,

notamment à Lyon, intégré le fonctionnement oligarchique et adapté sa stratégie à la

connaissance du cursus honorum. Le régime napoléonien bénéficia en la matière

sans aucun doute de succéder aux bouleversements radicaux provoqués par la

88

NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p.67. Tout de même, la rupture soulignée par cette

auteure est peut-être moins marquée qu’elle ne paraît le croire, l’assemblée des terriers et des maîtres des métiers

et l’assemblée générale ayant déjà perdu beaucoup de leur réalité au moment des édits de 1764 et 1765. 89

NIÈRES, Claude, « Les obstacles provinciaux… », op. cit., p.88. 90

La réforme Laverdy comprenait clairement la volonté de limiter l’influence de l’intendant. Ce n’est pas le

moindre de ses paradoxes que de correspondre, à Lyon, au moment ou, au contraire, l’intendant s’impose enfin

face au gouverneur de la province et accroît considérablement son autorité. À cet égard : BELDA, Pierre, D’une

décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.24-25.

33

Révolution. Il rassura en donnant l’impression de rétablir parfois des pratiques et des

équilibres anciens tout en stabilisant les principes et positions nouvellement acquis.

Quoiqu’il en soit, la réforme Laverdy a vécu lorsque l’abbé Terray, qui milite

depuis l’origine pour son abrogation, est nommé en 1769 contrôleur général des

finances. L’édit du 11 novembre 1771 abroge en effet l’ensemble des textes de 1764

et 1765, c'est-à-dire non seulement les édits mais aussi les arrêts et lettres patentes

parus à ce sujet. On le sait, l’expédient financier que sont les offices municipaux est

rétabli alors que la tutelle des intendants est raffermie. Les deux ambitions de la

réforme Laverdy – assainir les finances en s’attaquant aux oligarchies municipales et

diminuer la tutelle d’État sur les affaires locales – sont mortes. Or, à Lyon, la situation

est plus grave qu’ailleurs puisqu’en effet, alors que l’influence de l’intendant dont on

a vu qu’il prenait enfin le pas sur le gouverneur s’accroît considérablement – on

restitue notamment à l’intendant le contrôle des finances locales –, la ville se voit

comme Paris interdire le recours à la vénalité des offices 91 . C’est la fin de

l’autonomie du Consulat lyonnais.

Si la réforme Laverdy échoua largement, elle contribua néanmoins profondément

à initier un courant réformateur qui nourrit de ses réflexions et projets le débat sur

l’administration du royaume jusqu’à la veille de la Révolution. Ce courant,

extrêmement imprégné des théories physiocratiques comme on le verra, est même à

l’origine de la dernière grande tentative de réforme de l’administration territoriale de

l’ancien régime, la création des assemblées provinciales92.

1.3. À la veille de la Révolution : le lien politique est défait

La création des assemblées provinciales est sans effet réel sur Lyon. On peut

estimer qu’alors, l’ultime opportunité de refonder le lien politique local unissant les

administrateurs à leurs administrés et légitimant leur action est manquée.

91

Article 2 de l’édit du 11 novembre 1771. De toute façon, cet expédient financier n’avait qu’une portée très

limitée : BORDES, Maurice, L’administration provinciale…, op. cit., p.326-327. 92

Ibid., p.160-172.

34

Le renvoi de Calonne en avril 1787 sonne le glas de son ambitieux projet de

réforme mais n’en élimine pas la nécessité. Comme le note Maurice Bordes :

Les intendants représentaient, sans conteste, une forme d’administration plus moderne et plus

efficace que celle des compagnies judiciaires et des bureaux des finances. L’affaiblissement

du pouvoir royal et le développement de l’opinion publique rendaient toutefois indispensable la

création d’assemblées représentatives qui auraient pu coexister avec les intendants93

.

Ainsi, le successeur de Calonne, Loménie de Brienne, a-t-il à concevoir un projet

auquel l’édit du 22 juin 1787 donne vie sous la forme des assemblées provinciales et

municipales dans les pays d’élections.

Fort de l’expérience conduite en Berry avec succès depuis que l’arrêt du conseil

du 12 juillet 1778 y a établi une assemblée provinciale à l’initiative de Necker94,

Loménie de Brienne ne rejette pas totalement l’expérience de Calonne et instaure un

système à trois degrés d’assemblées au niveau de la paroisse, de l’élection et de la

généralité. Les villes, quant à elles, conservent leur organisation antérieure. Les

assemblées provinciales s’installent au niveau de chaque généralité dans les mois

qui suivent l’édit : le règlement du 30 juillet 1787 organise les trois niveaux

d’assemblées pour la généralité de Lyon95. Dotée de quarante-quatre membres,

l’assemblée provinciale siégeant à Lyon tient sa session préliminaire du 17 au 21

septembre à l’archevêché sous l’autorité de Montazet96. Système de compromis, les

assemblées provinciales sont respectueuses des distinctions d’ordre, la parité entre

les ordres privilégiés et le tiers étant la règle au sein de la commission intermédiaire

et de la désignation des procureurs-syndics en particulier 97 . Le système reste

centralisé : c’est l’intendant qui ouvre et clôture les sessions, donne son avis sur

chaque délibération et préside dans certains cas les travaux de la commission

93

Ibid., p.172. 94

L’intendant joue un rôle de surveillance vis-à-vis de cette assemblée respectueuse des distinctions d’ordres

mais instituant le vote par tête lié au doublement du tiers. Il est très important de souligner que les membres de

cette assemblée ne sont pas élus. Une autre assemblée provinciale est créée en Haute-Guyenne par l’arrêt du 11

juillet 1779. 95

Le règlement réglant les détails relatifs à l’organisation de l’assemblée du Dauphiné est signé le 4 septembre

1787. 96

TRÉNARD, Louis, La Révolution française…, op.cit., p. 111-112. 97

RENOUVIN, Pierre, Les assemblées provinciales de 1787, Paris, Gabalda et Picard, 1921, 450 p. ;

LÉVÊQUE, L., « L’assemblée provinciale de la généralité de Lyon et sa commission intermédiaire (septembre

1787-juillet 1790) », Revue d’Histoire de Lyon, 1909, p.325-346. L’assemblée provinciale de la généralité de

Lyon est présidée par l’archevêque et compte quarante-quatre membres désignés pour moitié par le roi pour

moitié par cooptation. Les habitants des villes et des campagnes doivent être également représentés.

35

intermédiaire. Le roi nomme le président de l’assemblée provinciale. Le système se

veut uniformisateur et pourtant une de ses conséquences est d’être potentiellement

générateur de conflits de compétences en ce qu’il crée à la base, au niveau des

municipalités, une nouvelle institution qui entre directement en concurrence avec le

régime municipal traditionnel. En effet, les assemblées municipales élues sont

dotées de prérogatives touchant la répartition de l’impôt98 ce qui les distingue de

facto des institutions municipales existantes. Le risque est clairement d’aboutir à une

dualité conflictuelle au niveau de l’administration municipale 99 . Pour pallier cet

inconvénient, la commission intermédiaire songe à une incorporation des nouveaux

élus au sein des anciens officiers municipaux. La situation à Lyon reste confuse

jusqu’à ce qu’éclate la Révolution puisque jamais aucun parti n’est pris. Si la

création, en 1778 et 1787 et dans les pays d’élections, des assemblées provinciales

est « l’aveu formel de l’insuffisance du régime administratif de ces pays »100, au final

la réforme apparaît insuffisamment audacieuse. Alors que les vœux émis par les

assemblées se révèlent eux aussi bien timides, l’opinion publique se montre vite

indifférente puis hostile « à l’égard d’une institution inefficace et sans relief »101.

À Lyon, le Consulat n’est en rien affecté par la réforme, ni dans son organisation

ni pour ce qui touche à ses attributions. C’est assez dire toutes les limites de la

mesure. Cette dernière est pourtant d’une grande importance pour la question de

l’administration locale et notamment municipale. Comme le souligne avec justesse

Pierre Belda, « l’édit d’août 1787 distingue des fonctions relatives à l’intérêt général

(article 2), qui appartiennent à l’administration d’État et d’autres qui relèvent de

l’intérêt local (articles 8 et 11) »102.

Les constituants feront de cette distinction déjà esquissée par le contrôleur

Laverdy un des principes de base du régime municipal et un des fondements de

leurs velléités décentralisatrices.

98

Article 2, section 1, du règlement du 5 août 1787. 99

BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.26-28 ;

NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p.86-88. 100

OLIVIER-MARTIN, François, L’administration provinciale à la fin de l’Ancien Régime, Paris, Librairie

Générale de Droit et de Jurisprudence, 1997, p.389. [1ère

édition : 1988] 101

BORDES, Maurice, L’administration provinciale…, op. cit., p.171. 102

BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.28.

36

À la veille de la Révolution, le Consulat lyonnais apparaît largement comme une

institution vide des prérogatives essentielles, ayant perdu toute autonomie et,

surtout, de plus en plus coupée de l’opinion publique, d’une part parce qu’il ne

recrute que dans un petit nombre de familles et d’autre part parce qu’il ne tire plus sa

légitimité de sa capacité à garantir la paix sociale et la prospérité de la ville mais bien

de son aptitude à servir le roi et notamment ses exigences financières103. Il devient

évident que les édiles sont coupés à la fois d’une large partie des élites économiques

de la ville et de la majeure partie du peuple urbain. Ignorant chaque jour davantage

leurs revendications, ils risquent de provoquer leur hostilité :

Les échevins subissaient donc la pression des exclus de la gestion municipale, d’une partie

des notables locaux, souvent des milieux commerçants, du négoce mais aussi des milieux

populaires dont ils craignaient les explosions104

.

Or, on constate que cette fracture entre les édiles et la grande masse de la

population constitue une rupture du « pacte local » qui jusqu’alors assurait la stabilité

politique de la ville. En effet, la population lyonnaise a, sous l’Ancien régime, pris

l’habitude de se manifester lors de crises graves touchant en particulier à ses

conditions de vie. La réaction des autorités municipales face à ces « humeurs » est

alors toujours un mélange d’autorité et de paternalisme mais jamais un déni de la

revendication ainsi portée devant elles. Les arbitrages rendus ont pour fonction bien

sûr de calmer la révolte ou la foule mais aussi de rééquilibrer en faveur des

catégories sociales touchées par la crise, et dans les limites des règles sociales

communément admises, le rapport de force local. In fine, les administrateurs voient

dans cette manière de faire un moyen efficace de conserver le pouvoir et de

maintenir le peuple dans un rapport de subordination. Or, les dernières crises qui

affectent la société lyonnaise à la fin de l’Ancien régime témoignent de la rupture de

ces équilibres et de l’inédit isolement des édiles. Ainsi, une grave crise affecte,

quelques années avant la Révolution, l’économie lyonnaise et tout particulièrement la

103

Françoise Bayard ajoute que « la multiplication des autorités et leur juxtaposition les unes aux autres au cours

des siècles a entraîné des suspicions et des conflits tenaces entre les différents organismes avant tout attentifs

maintenir leurs propres pouvoirs et à limiter ceux des autres ». BAYARD, Françoise, CAYEZ, Pierre [dir.],

Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p.105. On trouve semblable idée chez André Latreille : LATREILLE, André [dir.],

Histoire de Lyon et du Lyonnais, Privat, 1975, p.261. 104

NIÈRES, Claude, « Les obstacles provinciaux… », op. cit., p.88.

37

Fabrique105. En proie à une grande vulnérabilité, les artisans et les ouvriers de la soie

réclament d’une part la séparation des maîtres marchands et des maîtres ouvriers et

d’autre part l’instauration d’un tarif. Conformément au « pacte local » implicitement

en vigueur à Lyon, le prévôt des marchands, l’intendant de commerce ainsi que les

maîtres gardes envisagent durant l’hiver 1786 l’établissement d’un tarif106. Or, face à

l’agitation qui touche les chantiers de Perrache ou encore les guinguettes des

Charpennes au printemps, face au développement de violences dans les quartiers

des Terreaux et jusqu’à Bellecour en août, le Consulat, après avoir esquissé

quelques concessions salariales, choisit de réprimer durement le mouvement

revendicatif. Trois condamnations à mort sont prononcées par le Présidial. Pour

Antonino de Francesco :

La révolte de 1786 nous propose les règles de la vie politique de l’Ancien Régime (…) ce qui

étonne (…) c’est le choix de la solution répressive de la part des autorités : par une telle

action, en effet, l’échevin paraît briser le cadre politique traditionnel, car il se serait résolu à

l’emploi de la force bien avant que les possibilités de médiations aient abouti. En bref, à la

veille de la révolution, il semble que ce soit surtout les administrateurs qui soient disposés à

dépasser les limites imposées par la tradition et à poursuivre la recherche d’une plus grande

autonomie vis-à-vis d’un peuple qui apparaissait désormais comme une menace pour les

piliers de la société lyonnaise. Par contre, il est certain que le peuple ne pouvait comprendre

un choix qui brisait la sacralité du pacte entre administrateurs et administrés et c’est aussi à

cause de telles démarches que l’échevinage finit bientôt par perdre le soutien d’un grand

nombre de ses partisans traditionnels107

.

L’administration municipale lyonnaise, lorsque survient la Révolution, n’est plus

génératrice de lien politique. Profondément transformée au fur et à mesure de

l’affirmation de la volonté centralisatrice de la monarchie, elle apparaît de plus en

plus comme un rouage d’exécution de la politique royale plutôt que comme un

promoteur actif des intérêts de la ville et des différentes catégories de sa population.

Elle ne semble plus à même d’arbitrer entre les revendications divergentes que

portent devant elles les composantes les plus dynamiques du corps social. Enfin,

105

L’ensemble des secteurs « exportateurs » sont en butte à de sérieuses difficultés dues essentiellement à

l’accroissement de la concurrence dans un contexte d’évolution rapide de la mode et de resserrement du crédit.

Voir notamment : TRÉNARD, Louis, La Révolution française…, op. cit., p.106-109. 106

Sur le déroulement de ce conflit de la Fabrique : BENOIT, Bruno, L’identité politique…, op. cit, p.24-26. 107

DE FRANCESCO, Antonino, « Les rapports entre administrateurs et administrés à Lyon dans les premières

années révolutionnaires (1789-1793) », dans BENOIT, Bruno [dir.], Ville et Révolution française (actes du

colloque de Lyon, mars 1993), Lyon, P.U.L., 1994, p.217-228.

38

largement déconsidérée, elle ne constitue plus un représentant efficace du pouvoir

du roi et, partant, n’est plus un rempart solide pour son autorité.

2. À la faveur de la Révolution, la centralisation, l’uniformisation et la

distance séparant les administrés des administrateurs s’accroissent

Après avoir évoqué les tentatives de réforme de l’organisation administrative

sous l’Ancien régime et les débats inhérents, on admettra avec Jacques Godechot

qu’en la matière « ce n’est donc pas une doctrine philosophique et politique qui dirige

les Français dans leurs aspirations révolutionnaires mais tout un bouillonnement

d’idées parmi lesquelles il leur faudra choisir et que la monarchie, du reste, avait déjà

partiellement essayé d’appliquer »108.

En effet, les révolutionnaires conçoivent, entre 1789 et l’an III, une série de

mesures qui méritent d’être vues parce qu’elles témoignent, par leur complexité et

leur diversité, de la richesse des solutions envisageables et, par ce que l’on peut

repérer de leur homogénéité à compter de 1790, de la force de la dynamique

centralisatrice enclenchée depuis le Grand siècle.

2.1. 1789 : naissance d’un cadre durablement uniforme

La Révolution a eu pour première conséquence majeure dans l’ordre de

l’organisation administrative de faire prévaloir définitivement le principe de

l’uniformisation. En effet, dès 1789, les constituants établissent un modèle qui est

généralisé infailliblement à l’ensemble du pays. Si ce modèle initial est en place

jusqu’à l’an III, il est remplacé alors par un nouveau cadre qui, bien que très différent,

est tout aussi uniformisateur comme l’est bien évidemment plus tard le schéma

retenu en l’an VIII. À compter de 1789, les communes de France sont donc à

quelques exceptions près – la partition de Bordeaux, Lyon, Marseille et Paris en l’an

III en est une – organisées et administrées selon des modalités identiques.

108

GODECHOT, Jacques, Les Institutions de la Révolution française et de l’Empire, Paris, P.U.F., 1968, p.15.

[1ère

édition : 1951]

39

En 1789, les travaux des constituants ont pour effet d’établir les bases durables

de l’administration locale et de parvenir à la rendre uniforme. La loi du 14 décembre

1789 régit les municipalités :

La nouvelle organisation administrative repose sur les principes essentiels qui demeurent à la

base de la révolution française. (…) Aux yeux des constituants, la volonté d’unification

nationale ne saurait se concevoir sans l’appui d’une machine administrative uniforme reposant

sur quelques cadres simples109

.

Les institutions municipales mises en place en 1789 à Lyon s’organisent donc

selon un modèle étendu à l’ensemble des municipalités françaises. Leur étude rapide

permet de mettre en lumière la nature du projet des constituants.

La municipalité s’organise autour d’un maire, d’un procureur de la commune et

de son substitut qui, avec les vingt officiers municipaux, composent le corps

municipal. Lorsque se joignent à eux les quarante-deux notables que compte la

commune, on est en présence du conseil général de la commune.

La municipalité est donc dotée d’un maire. Élu pour deux ans, renouvelable une

fois110, il ne possède aucun pouvoir propre. La loi reconnaît en effet des attributions à

l’administration municipale qui sont de la compétence du corps municipal dans son

entier, le maire n’en étant qu’un simple membre exécutif. Malgré tout, le maire est au

centre de l’administration municipale. On voit à la lecture des procès verbaux qu’il

influence beaucoup les délibérations111. Il préside les assemblées du conseil général,

du corps municipal et du bureau selon le paragraphe 2 de l’instruction du 14

décembre 1789. L’article 4 de la loi du 14 décembre 1789 fait de lui le « chef » de la

municipalité. Mais, dénué de réelles prérogatives, il doit absolument avoir la

confiance de ses collègues pour jouer son rôle. Dans le cas contraire, il n’a pas de

109

CLÈRE, Jean-Jacques, « Administrations locales », dans SOBOUL, Albert [dir.], Dictionnaire historique de

la Révolution française, Paris, P.U.F., 1989, p.6. 110

Il ne peut briguer un troisième mandat qu’après un délai de carence de deux ans. 111

AML, 1217 WP 001-004, Corps municipal, registre des actes et délibérations, 1790-1793. Les procès-

verbaux des séances du conseil municipal de Lyon des périodes révolutionnaire et impériale sont aisément

consultables aux Archives municipales de Lyon sous la forme de microfilms (série 2 MI 14). Ils sont en outre

désormais numérisés.

40

moyens légaux pour s’imposer. À cet égard, la démission de Nivière-Chol en février

1793, girondin modéré se heurtant à une municipalité jacobine, est très éclairante112.

Le procureur de la commune et son substitut sont élus dans les mêmes

conditions que le maire et pour la même durée. À Lyon, on trouve, comme dans

toutes les communes de plus de 10 000 habitants, un substitut113. Ce dernier est

tous les jours en fonction car le procureur seul ne suffit pas114. Le procureur est

censé être l’agent du roi ; il est surtout l’avocat d’office des citoyens de la commune.

Il représente la commune dans les affaires contentieuses. Élu, il est davantage un

membre à part entière de la collectivité locale – il a voix consultative dans toutes les

délibérations – qu’un agent de l’exécutif central. Le procureur se révèle de peu

d’influence à Lyon malgré des compétences réelles en matière de police115 : il fait

notamment fonction d’accusateur public devant le tribunal de police municipale.

Les officiers municipaux sont à Lyon au nombre de vingt, en sus du maire : c’est

le nombre réservé aux villes de plus de 100 000 habitants selon l’article 25 de la loi

du 14 décembre 1789. Élus pour deux ans au scrutin de liste double 116 et

renouvelables par moitié chaque année, ils forment l’élément actif et permanent du

conseil général de la commune.

Les quarante-deux notables sont élus à la pluralité relative des suffrages lors

d’un unique scrutin de liste selon l’article 30 de la loi du 14 décembre 1789. Élus

pour deux ans, ils sont eux aussi renouvelables par moitié chaque année. Il est très

important de noter que les notables ne forment pas un corps distinct. Ils ne peuvent

s’assembler que dans le cadre du conseil général de la commune qu’ils forment avec

les officiers municipaux117.

Alors que les affaires quotidiennes, c'est-à-dire la gestion des biens, la voirie et

la répartition des impôts, sont du ressort du corps municipal et que les affaires

importantes (acquisition ou aliénation d’immeubles, impôts extraordinaires, procès,

emprunts…) sont du domaine du conseil général au complet, on peut estimer que

112

Nivière-Chol est l’auteur de deux lettres de démission datées des 7 et 9 février 1793 : AML, 1217 WP 004.

Sur ces événements : BENOIT, Bruno, SAUSSAC, Roland, Guide historique de la Révolution à Lyon…, op. cit.,

p.21-25. 113

Articles 27, 28, 29 et 44 de la loi du 14 décembre 1789. 114

Ce constat est établi par le conseil général de la commune le 12 octobre 1792 : AML, 1217 WP 004. 115

BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.83. 116

Ils sont élus à la majorité absolue lors des deux premiers tours puis à la majorité relative pour les postes restés

vacants. 117

Ce que rappelle l’instruction des 12-20 août 1790. À propos des Instructions de l’Assemblée constituante :

VERPEAUX, Michel, La naissance du pouvoir réglementaire (1789-1799), Paris, P.U.F., 1991, p.108-111.

41

d’une manière générale « les municipalités ont un pouvoir réglementaire assez

étendu »118. Expressément dotées de la personnalité morale, à la différence notable

des départements par exemple, elles héritent d’une grande partie des pouvoirs

seigneuriaux de police, dirigent la garde nationale, peuvent requérir la force armée et

proclamer la loi martiale alors que certains de leurs membres forment un tribunal de

police municipale, ce qui d’ailleurs constitue une entorse au principe de la séparation

des pouvoirs119. Néanmoins, il faut souligner que l’État conserve un pouvoir de tutelle

sur les municipalités en plusieurs occurrences (vérification des comptes de la régie

des bureaux municipaux, autorisation et approbation des délibérations prises sur des

sujets d’importance majeure, acquisition ou aliénation d’immeubles, impositions

extraordinaires, emprunts, travaux publics d’intérêt local, autorisation de plaider)

alors même qu’il s’agit de matières reconnues comme d’intérêt local. Car c’est bien

un des apports essentiels de la loi municipale de 1789 que de distinguer, dans la

continuité de ce que proposa la réforme de 1787, deux catégories de fonctions : les

fonctions propres à la commune (gestion des biens communaux, police, dépenses

locales) et les fonctions déléguées par l’État (répartition et perception des impôts,

travaux publics d’intérêt général). Il va sans dire que s’agissant des dernières, l’État

exerce pleinement un pouvoir de type hiérarchique.

On peut sans doute établir un lien entre l’organisation de la municipalité ainsi

décrite et celle retenue par la réforme Laverdy, indéniable corollaire de leurs

communes velléités décentralisatrices. Corps de ville là et corps municipal ici sont

assistés de notables dont l’existence est justifiée par leur aptitude à représenter plus

exactement la population. Mais dans chacun des deux projets les prérogatives

essentielles demeurent concentrées entre les mains d’un « noyau exécutif », les

notables n’ayant de prérogatives qu’une fois réunis au consulat et aux conseillers

dans un cas, aux officiers municipaux dans l’autre.

118

CLÈRE, Jean-Jacques, « Administrations locales », op. cit., p.8. 119

Ibid., p.9.

42

2.2. 1789 : un premier élan décentralisateur timide

1789 n’est pas une « date fatidique » et « la Révolution n’a pas créé un fossé

infranchissable entre l’ère moderne et l’ancien droit »120. Ainsi les constituants, si les

réformes administratives de 1789 sont incontestablement novatrices et radicales,

mettent en place une nouvelle organisation municipale qui prend en compte les

réformes tentées sous l’Ancien régime par une monarchie qui s’efforça suffisamment

longtemps, souvent et inefficacement à la réforme pour essayer des solutions qui

s’inspirent de courants d’idées et servent des forces sociales divers.

Le projet Thouret, dont l’assemblée prend connaissance le 29 septembre 1789,

apparaît très décentralisateur, dotant d’importantes prérogatives des circonscriptions

administratives agencées « géométriquement et symétriquement » 121 . Or, les

constituants vont largement atténuer l’ambition novatrice et décentralisatrice du

rapport et mettre par là en évidence la prégnance de l’héritage de l’Ancien régime.

Le décret relatif à la constitution des municipalités du 14 décembre 1789, celui relatif

aux assemblées de département, district et canton, adopté le 22 décembre 1789,

complétés par le décret du 26 février 1790 qui précise le découpage et fixe les chefs-

lieux des quatre-vingt-trois départements n’organisent pas cette « anarchie légale »

dont parle Taine122 et où les municipalités seraient réduites à l’état d’administrations

privées indépendantes. Tout juste la Constituante tente-t-elle de passer « de la

diversité centralisée à l’unité décentralisée »123.

Selon la loi du 14 décembre 1789, les municipalités sont bel et bien placées sous

le contrôle de corps administratifs. Si, globalement, on peut considérer que la

municipalité révolutionnaire hérite à Lyon des compétences qui étaient celles du

Consulat, elle se voit, dans le domaine de la police notamment, confier des

compétences déléguées par l’État central ce qui plaide pour son appartenance à

l’administration publique et qui permet de comprendre que la décentralisation de

120

OLIVIER-MARTIN, F, L’administration provinciale…, op. cit., p.389. 121

CLÈRE, Jean-Jacques, « Administrations locales », op. cit., p.6. 122

« En vertu de la constitution, l’anarchie spontanée devient l’anarchie légale » : TAINE, Hippolyte, Les

origines de la France contemporaine, Paris, Robert Lafont, 1986, t.1, p.451. [1ère

édition : 1875-78] 123

TIMBAL, Pierre-Clément et CASTALDO, André, Histoire des institutions et des faits sociaux, Paris, Dalloz,

1979, p.571.

43

1789 n’est qu’une « décentralisation timorée »124. L’élection des officiers municipaux,

au suffrage direct qui plus est (les administrateurs du département et du district sont

élus au suffrage indirect à deux degrés), est un fort indice de décentralisation.

Néanmoins, les édiles ne bénéficient pas d’une très large autonomie décisionnelle

puisque le directoire de département exerce un contrôle étroit sur les délibérations

municipales. D’autre part, la faiblesse chronique des ressources financières dont

dispose la municipalité la prive de fait de tout pouvoir. On le voit, le mouvement

centralisateur qui caractérise au fond l’Ancien régime n’est pas fondamentalement

interrompu. Le mouvement amorcé suffit néanmoins pour faire qu’à Lyon le « souci

d’autonomie à l’égard du pouvoir central » soit désormais un fait dominant de la

période125.

C’est plutôt en matière de démocratie locale que se situe la rupture avec l’Ancien

régime. La Révolution fait reposer la désignation des fonctionnaires locaux sur un

corps électoral plus large que précédemment, lorsque les élections consulaires

étaient l’apanage des corps et autres corporations. La Révolution, on le sait, institue

la distinction entre citoyen actif et citoyen passif126. Or, à Lyon, le cens, ou plutôt la

valeur de la journée de travail, est fixé relativement bas, à dix sous le 17 février 1790,

par les officiers municipaux réunis au comité de la garde nationale127 puis à quinze

sous, le 29 avril 1791, par le département128. L’orientation démocratique insufflée par

les constituants est indéniablement plus poussée à Lyon que dans la plupart des

villes comparables même si l’on peut nuancer ce constat en observant que lorsque le

seuil d’éligibilité est fixé à dix journées, la journée de référence est, elle, fixée à vingt

sous129. Ainsi, seuls 12,8 % des actifs peuvent prétendre à l’éligibilité (un peu plus de

32 000 actifs130). Il s’agit bien entendu d’une élite socialement très privilégiée. Pierre

Belda estime qu’elle est constituée pour un premier tiers de marchands et de

124

L’expression est de Pierre Belda qui en fait le titre du premier chapitre de la première partie de sa thèse,

BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.55. 125

GUTTON, Jean-Pierre, Histoire de Lyon et du Lyonnais, op. cit., p.82. 126

GUENIFFEY, Patrice, Le nombre et la raison, op. cit., p.42-51. 127

AML, 1217 WP 001. 128

ADR, 1 L 105, Délibérations et arrêtés du Directoire du département. Arrêté du directoire du département de

Rhône-et-Loire, le 29 avril 1791. 129

AML, 1217 WP 001. 130

Maurice Garden avance le chiffre de 32 105 citoyens actifs soit environ 84 % des hommes adultes selon

l’analyse de la contribution mobilière de 1791: GARDEN, Maurice, Lyon et les Lyonnais au XVIIIe siècle, thèse

dactylographiée, 1975, t.2, p.5-10.

44

négociants, pour un deuxième tiers de ci-devant nobles, ecclésiastiques, professions

libérales et titulaires d’offices roturiers et pour le tiers restant d’artisans131.

Ce progrès de la démocratie locale n’est pas sans soulever quelques

controverses touchant aux questions de principe. Or, les événements lyonnais des

premiers mois d’application de la réforme vont avoir pour conséquence d’amener les

différents acteurs à trancher et vont faire jaillir les principales solutions à des

problèmes largement inédits.

À la base du nouveau système électoral se trouve la section. À Lyon, trente-deux

sections sont créées correspondant grossièrement aux vingt-huit pennonages

d’Ancien régime dans le cadre desquels la vieille milice bourgeoise était organisée.

Ces sections forment autant d’assemblées primaires au moment de l’élection. Or, il

se trouve que la section n’a pas seulement une fonction électorale. Aux termes de

l’article 62 de la loi du 14 décembre 1789, elle peut présenter des observations aux

différentes administrations (commune, district, département) ainsi qu’à la

représentation nationale (corps législatif) et au roi. En outre, la convocation des

assemblées de section doit être ordonnée par le conseil général de département qui

ne peut s’y opposer si cent cinquante citoyens actifs le demandent (article 24) : le

nouveau droit révolutionnaire consacre de la sorte l’apparition de la souveraineté

nationale mais le risque est grand de voir apparaître un conflit entre deux

conceptions de la démocratie, l’une directe, l’autre représentative.

D’autre part, un autre risque important réside dans la possible ingérence des

institutions ou populations locales dans le domaine de la loi, par nature national.

Lorsqu’éclate à Lyon, en juillet 1790, une émeute des octrois132, les sections se

mobilisent pour exiger par la voix de commissaires élus le 9 juillet l’abolition des

octrois. La pression est telle qu’en effet, le conseil général de la commune abolit les

octrois le 10 juillet 1790. Or, au regard de la loi, cette décision est en tous points

illégale. Logiquement, le 17 juillet, l’Assemblée nationale annule par décret « les

procès-verbaux et délibérations des prétendus commissaires des trente-deux

sections de la ville de Lyon des 9 et 10 de ce mois »133 et rétablit les octrois. Une

131

BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.60-63. 132

Sur ces événements : BENOIT, Bruno, SAUSSAC, Roland, Guide historique de la Révolution à Lyon…, op.

cit., p.61-63 ; KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op. cit., p.268-270 ; TRÉNARD, Louis, La

Révolution française…, op. cit., p168-169 et p.220-222. 133

Assemblée Nationale, séance du 17 juillet 1790, Archives Parlementaires, t.17, p.165.

45

adresse du conseil général de la commune en informe la population, le 21 juillet, ce

qui provoque la poursuite des émeutes et, en retour, la proclamation de la loi

martiale134. On voit bien que ce qui est en jeu alors est tout bonnement le respect

des prérogatives du législateur et du domaine de la loi par des populations et des

administrateurs locaux qui se trouvent encouragés par les avancées démocratiques

et la reconnaissance du principe de souveraineté nationale.

Patrice Gueniffey montre magistralement que la question posée est bien celle

des modalités de la mise en pratique du principe essentiel de souveraineté

nationale :

La nation élit mais c’est toujours, dans l’incapacité de se réunir autrement, divisée en sections.

Or, le droit d’élire constituait une fonction de la souveraineté appartenant à la nation

envisagée comme un seul tout, donc un droit national indivisible. La représentation issue du

suffrage populaire résultait dans son principe des volontés individuelles dont l’universalité

composait la nation et non de la volonté des sections concourant réellement à l’élection, ces

dernières ne pouvant se prévaloir d’aucun des droits appartenant au tout. La doctrine

représentative « pure », reconnaissant seulement d’un côté des volontés individuelles, de

l’autre leur représentation collective, conduisait à une situation paradoxale : chaque citoyen

exerçait sa part individuelle de la souveraineté nationale dans le cadre d’une circonscription,

d’une réunion partielle de citoyens elle-même dépourvue de tout droit à l’exercice de la

souveraineté135

.

Très vite, le législateur va encadrer cette sorte de « référendum

municipal » instauré par les sections lyonnaises : la loi des 18-22 mai 1791 limite les

possibilités de réunion des assemblées de sections comme leurs possibilités de

délibérations, principalement aux affaires locales 136 . La municipalité et les

assemblées de section sont cantonnées aux affaires lyonnaises. Il s’agit de ne point

concurrencer le corps législatif. Triomphe alors dans les faits la notion de démocratie

représentative, y compris au niveau local. Par contre, ces événements et la solution

qui fut trouvée montrent qu’il existe un pouvoir municipal s’exerçant sur des « affaires

propres aux communes, leur appartenant par nature »137.

134

La loi martiale est en vigueur à Lyon du 27 juillet au 17 août. 135

GUENIFFEY, Patrice, Le nombre et la raison…, op.cit., p.149. 136

Pierre Belda remarque que dix fois avant le siège, entre le 22 mai 1790 et le 21 octobre 1792, les assemblées

de section sont convoquées à leur demande par le conseil général de la commune. Or, cinq fois la convocation

est nulle aux termes de la loi des 18-22 mai 1791 : BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une

centralisation vigoureuse…, op. cit., p.68-69. 137

Ibid., p.69.

46

2.3. La Révolution centralisatrice

On peut repérer, dans le fracas des événements qui bouleversent Lyon au cours

de la décennie révolutionnaire, la progression du mouvement centralisateur.

L’installation de la première municipalité conforme aux bouleversements de 1789

se fait à Lyon le 12 avril 1790138. Les élections se déroulent par section139 et toute

idée de candidature officielle ou de campagne électorale est bannie. La volonté

initiale est toute démocratique et recoupe la volonté d’annihiler l’influence des

anciens corps intermédiaires que les différentes réformes d’Ancien régime – y

compris la réforme Laverdy – préservaient. Or, ce processus électoral inédit aboutit à

la désignation comme maire du très consensuel Fleuri Zacharie Palerne de Savy

(1733-1835), ancien avocat général aux cours de Lyon (1774) et membre d’une

famille consulaire lyonnaise. Derrière la victoire des grands bourgeois

constitutionnels apparaît clairement celle des notables d’Ancien régime : on compte

trois anciens échevins dans le corps municipal140 et seulement un artisan parmi les

officiers municipaux. Ainsi, la volonté des constituants d’instaurer la démocratie

locale et, par ce moyen, de rompre avec les oligarchies traditionnelles aboutit au

résultat paradoxal de voir se maintenir au pouvoir les élites d’Ancien régime et se

prolonger des réflexes politiques anciens. L’apparition à l’occasion des élections

suivantes, en décembre 1790, de listes officieuses de candidats141 et, surtout, le

retrait sous le coup des événements de la grande bourgeoisie lyonnaise et de

l’ancienne noblesse échevinale conduit, dans un contexte de baisse de la

participation électorale, à l’élection du patriote Louis Vitet (1736-1809)142 et à la

profonde modification de la composition socio-culturelle de la municipalité marquée

en particulier par la forte progression des artisans143. Ce qui est frappant est de voir

le lien entre les citoyens actifs et a fortiori passifs et les édiles se distendre alors

138

BENOIT, Bruno, SAUSSAC, Roland, Guide historique de la Révolution à Lyon…, op. cit., p.16-17. 139

L’article 7 de la loi du 14 décembre 1789 stipule que les assemblées électorales se tiendront bien selon un

critère géographique et non par « métiers, professions et corporations ». 140

Nolhac, Vaubret-Jacquier et Félissent. 141

BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.107-109. 142

BENOIT, Bruno, SAUSSAC, Roland, Vingt quatre maires de Lyon pour deux siècles d’histoire, Lyon,

Éditions Lugd, 1994, p.22-24. Son frère, Jean-François (1750-1824), est un grand notable départemental du

Premier empire : REY, Jean-Philippe, « Les notables du Rhône : une nouvelle élite ? », op. cit. 143

Ils forment 22,72 % du corps municipal et 52,63 % des notables : BELDA, Pierre, D’une décentralisation

hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.112.

Vitet est réélu le 24 décembre 1791 alors qu’il vient de démissionner. La municipalité conserve un an encore une

composition comparable et peut être considérée comme républicaine.

47

même que la désignation du personnel politique et administratif local se fait plus

démocratique. Ce phénomène s’accroît encore alors même que le suffrage universel

masculin instauré par le décret des 11-12 août 1792 est appliqué pour la première

fois à Lyon les 1er et 5 novembre 1792. En effet, les élections sont alors organisées à

Lyon de manière anticipée, suite à la défection de nombreux membres de la

municipalité qui amène les officiers municipaux à écrire au ministre de l’Intérieur,

Roland, le 24 octobre :

La commune de Lyon doit être composée de 65 membres…Dans le moment elle se trouve

privée de plus de la moitié de ses officiers ; elle est surtout privée des chefs, tels que le maire,

le procureur de la commune, et son substitut. (…) (Or), la ressource des remplacements est

épuisée parmi les notables, parce que les uns remplissent des devoirs incompatibles avec les

fonctions municipales ; d’autres ont donné leur démission ; (…) la mort [en] a enlevé

quelques-uns….144

.

La Convention décrète que la municipalité de Lyon doit être renouvelée de

manière urgente, avant tous les autres corps administratifs 145 . Si les artisans

deviennent alors majoritaires dans le corps municipal (55,55 %) comme parmi les

notables (67,74 %)146, le nouveau maire, Antoine Nivière-Chol, est un représentant

de la bourgeoisie libérale et cultivée147. Les « Chalier » qui viennent à la fois de

connaître un essor rapide et l’échec de leur candidat s’appuient désormais sur la

nouvelle Société des jacobins lyonnaise, se coupent de la base et mènent la

politique d’une faction. Les enjeux de type idéologique prennent le pas sur les

questions locales et contribuent à méconnaître les équilibres sociaux ainsi que les

pratiques politiques traditionnels. À propos des « Chalier », Bruno Benoit montre que

leur méconnaissance du contexte socio-économique lyonnais explique en grande

partie leur échec :

La Fabrique a, au-delà des hiérarchies et des stratégies individuelles, une identité de groupe.

(…) Il existe une réelle solidarité professionnelle reposant sur une complémentarité

économique et sur une communauté d’intérêt…En ignorant cette alchimie sociale, (…) et en

144

AML, 1401 WP 036, Actes de l’administration municipale (7 février – 16 novembre 1792). Lettre de la

municipalité lyonnaise au ministre de l’Intérieur, le 24 octobre 1792. Le maire Vitet et le substitut Pressavin ont

démissionné le 12 septembre et le procureur Champagneux, le 15. 145

Convention, Décret du 28 octobre 1792, Archives Parlementaires, t.53, p.25. 146

BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.130. 147

BENOIT, Bruno, SAUSSAC, Roland, Vingt quatre maires de Lyon, op. cit., p.25-27. Son fils, Laurent-

Antoine (1780-1840), est du corpus des édiles étudié (Annexe VII, notice n°65).

48

cherchant à détruire ce syncrétisme, les « Chalier » déclenchent dans la majorité de la

population lyonnaise liée au travail de la soie, (…) un réflexe de rejet …148

.

Alors que les jacobins orientent désormais la politique municipale, la question

essentielle du lien entre les élus et la population locale se pose brutalement. Ce lien

se distend au moment même où sa nature devient incertaine. Selon Antonino de

Francesco :

Dans la lutte municipale on peut entrevoir aussi bien les tensions et les dérapages qui

accompagnent l’effort d’affirmer une nouvelle culture politique que les nombreuses

résistances à une forme de gouvernement qui paraissait renverser toutes les traditions et

toutes les habitudes collectives149

.

Ainsi, l’insurrection sectionnaire lyonnaise peut être au moins partiellement

interprétée à l’origine comme un mouvement révolutionnaire d’intérêt local ayant pour

motivation le maintien du lien, de la dépendance des administrateurs vis-à-vis des

administrés. Ce n’est que sa concomitance avec la chute des girondins à la

Convention et l’amorce des menées fédéralistes qui donne une dimension de guerre

civile d’envergure nationale au mouvement insurrectionnel et qui le précipite du côté

de la contre-révolution. Or l’insurrection du 29 mai 1793 peut être située dans

l’histoire de la progression à Lyon de la nouvelle culture politique démocratique

articulée avec la progression de la centralisation en même temps qu’avec la mise en

place d’un régime administratif uniforme. Le développement de cette nouvelle culture

politique est contesté car il heurte les habitudes collectives héritées de l’Ancien

régime. Il apparaît clairement que les pratiques traditionnelles avaient favorisé les

rolandins de la même manière que la création d’un espace politique inédit participait

du triomphe du jacobinisme d’inspiration parisienne. Ainsi, le mouvement

insurrectionnel lyonnais est bien davantage d’essence antijacobine et antiparisienne

que strictement fédéraliste150. Néanmoins, on le sait, la radicalisation de l’opposition

à la Convention fait rapidement sortir l’insurrection lyonnaise du cadre d’une

148

BENOIT, Bruno, L’identité politique…, op. cit., p.34-35. En ce sens on peut rejoindre François Furet lorsqu’il

montre qu’à compter du Neuf thermidor la société réelle prend sa revanche sur l’illusion de la politique :

FURET, François, Penser la Révolution française, Paris, Gallimard, 1978, p.80-87. 149

DE FRANCESCO, Antonino, « Les rapports entre administrateurs et administrés à Lyon dans les premières

années révolutionnaires (1789-1793) », op. cit., p.218. 150

RIFFATERRE, Ch., Le mouvement Antijacobin et Antiparisien à Lyon et dans le Rhône-et-Loire en 1793 (29

mai-15 août), Genève, Mégariotis, 1979, 2 t. [1ère

édition : 1912]

49

revendication de démocratie locale et de décentralisation car « les officiers

municipaux provisoires interrogent les sections en qualité de membre du souverain

en leur demandant de se prononcer sur des décrets de la Convention nationale »151.

On retrouve ici la revendication de reconnaissance de la souveraineté nationale

déjà repérée en 1790 en même temps, sans doute, que l’aspiration des Lyonnais à

ne pas subir une politique vécue comme parisienne.

On sait le sort que connut l’insurrection lyonnaise et il est intéressant de noter

que l’écrasement de la révolte comme la victoire sur le mouvement fédéraliste sont

immédiatement suivis d’un durcissement des principes révolutionnaires et, pour ce

qui touche au domaine dont il est question ici, centralisateurs. Ainsi, par son décret

du 14 frimaire an II (4 décembre 1793), la Convention limite-t-elle les pouvoirs des

organes collégiaux. Les administrations de département n’ont plus autorité sur les

districts et les municipalités152. Ces deux dernières administrations deviennent les

deux supports essentiels de l’action révolutionnaire, les districts surveillant

l’exécution des lois révolutionnaires qu’appliquent les municipalités. À l’échelon

municipal, les procureurs des communes sont remplacés par des agents nationaux,

également élus mais qui envoient des rapports décadaires aux comités de salut

public et de sûreté générale. On le voit, l’État central accroît considérablement son

influence. Il peut d’ailleurs désormais, par l’intermédiaire des représentants en

mission, révoquer les fonctionnaires des administrations locales153. C’est la fin de

tout espoir d’autonomie administrative pour les autorités municipales.

Si, durant les premières années de la Révolution, il existe à Lyon une démocratie

locale représentative incluant la possibilité d’interventions citoyennes consultatives,

la municipalité lyonnaise n’est jamais très autonome vis-à-vis des administrations

supérieures. Mais en augmentant ainsi considérablement le contrôle du pouvoir

central sur les autorités locales, le gouvernement révolutionnaire intègre les

151

BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.143. La

municipalité provisoire exerce son autorité à Lyon du 30 mai au 9 octobre 1793. 152

Ibid., p.517 : « La centralisation impose la transmission de la volonté du centre vers la périphérie. Afin de

réaliser un tel objectif, la surveillance exercée par le pouvoir central sur les « collectivités » locales doit être

particulièrement rigoureuse. Jusqu’à la révolte fédéraliste, le contrôle des actes municipaux appartenait au

département. Les Conventionnels ne sauraient lui maintenir leur confiance et l’utiliser comme un instrument de

la centralisation ». 153

Sur l’évolution des pouvoirs des représentants en mission : BIARD, Michel, Missionnaires de la République,

Paris, Éd. du C.T.H.S., 2002, p.185-229.

50

municipalités à une véritable chaîne d’exécution. La centralisation ne peut se limiter

durablement à un contrôle a posteriori et les administrations locales sont privées de

l’initiative de leurs actes. Pour reprendre l’expression de Claude Nières, la

centralisation se fait de plus en plus « exécutive »154.

Le 19 vendémiaire an II (10 octobre 1793), un arrêté des représentants réintègre

le maire Bertrand, le procureur Émery et onze officiers municipaux155. Ce sont les

conseils des 2 brumaire, 27 brumaire, 8 frimaire et 14 nivôse an II qui proposent de

s’adjoindre plusieurs officiers supplémentaires, sous le contrôle des représentants.

Le 24 pluviôse an II (12 février 1794) : un arrêté des représentants156 nomme une

municipalité conforme à la loi du 14 décembre 1789 : un maire, vingt officiers

(l’essentiel d’entre eux sont reconduits), quarante-deux notables. Pour satisfaire au

décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793), sont également nommés un agent

national de la commune et son substitut 157 . Cette série de nominations, toutes

éminemment politiques, parachève l’œuvre de centralisation158.

La période qui s’ouvre après Thermidor ne modifie pas la nature des équilibres

nouveaux et ne remet pas en cause la culture politique qui s’est progressivement

instaurée à partir de 1789.

Bien sûr, le décret du 28 germinal an III (17 avril 1795) met fin au gouvernement

révolutionnaire et réorganise les administrations sur leurs anciennes bases jusqu’à

ce que la constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795) vienne à nouveau changer

les cadres et les règles de fonctionnement des administrations locales. Mais pour ce

qui est de la vigueur de la centralisation réduisant la municipalité au rôle d’agent de

la politique de l’État central, pour ce qui est de l’éloignement désormais consacré des

administrateurs vis-à-vis des administrés et pour ce qui est de l’uniformisation de

l’organisation administrative et territoriale, l’œuvre révolutionnaire se poursuit

infailliblement. Que l’épuration des diverses administrations locales et, partant, de la

154

Pour lui, la centralisation a un double caractère. De haut en bas, elle est exécutive. De bas en haut, elle est

informative : NIÈRES, Claude, « Les obstacles provinciaux à l’uniformisation en France au XVIIIe siècle », op.

cit., p.81-82. 155

BML, Fonds Coste 354.349, Recueil des arrêtés des représentants du peuple depuis le 9 octobre 1793. Arrêté

du 19 vendémiaire an II (10 octobre 1793). 156

Il s’agit alors de Fouché, Laporte et Méaulle. 157

BML, Fonds Coste 354.349, op.cit. Arrêté du 24 pluviôse an II (12 février 1794). 158

La municipalité jacobine réintégrée après le siège de Lyon exerce son autorité du 19 vendémiaire au 23

thermidor an II (10 octobre 1793 - 10 août 1794).

51

municipalité chasse les vainqueurs d’hier pour placer ceux du jour159 ne fait que

souligner la permanence d’une pratique particulièrement révélatrice de l’état de

subordination de l’administration municipale vis-à-vis de l’État. Bien entendu, la

révocation de Bertrand par l’arrêté du 11 fructidor an II (28 août 1794) et son

remplacement par Alphonse Salamon160 a une profonde signification politique : sont

nommés avant tout des bourgeois antijacobins acteurs de la terreur blanche161 et la

municipalité devient thermidorienne162. Elle est surtout la marque de la profonde

soumission de la municipalité lyonnaise à l’État central, même si l’influence des

notables dans le processus d’épuration des diverses administrations locales est

réelle163.

Les municipalités qui se succèdent ensuite sont nommées durant une période de

transition étonnement longue, de messidor an III (juin 1795) à ventôse an IV (mars

1796). Le cas de la première d’entre elles est particulièrement révélateur des

hésitations du temps. Accusée d’excessive complaisance à l’égard des contre-

révolutionnaires, la municipalité de Salamon est suspendue par un décret du 6

messidor an III (24 juin 1795). La police est alors transférée à l’état major de la place

pendant que l’administration de l’état civil et le comité des subsistances deviennent

autonomes (arrêté des représentants du 10 messidor an III – 28 juin 1795). Des

administrateurs provisoires sont d’abord nommés avant que quinze officiers

municipaux provisoires soient installés le 3 vendémiaire an IV (25 septembre 1795) :

une municipalité provisoire est installée pour treize jours.

C’est qu’à Lyon, la situation tarde plus qu’ailleurs à être mise en conformité avec

l’organisation administrative instituée par la constitution de l’an III. La municipalité en

159

La destitution des membres de la municipalité terroriste est progressive : elle a lieu les 24 thermidor et 11

fructidor an II, le 7 brumaire an III et 23 ventôse III. 160

SAUSSAC, Roland, « Le plus énigmatique des maires de Lyon : Salamon (1794-1796) », Cahiers Rhône 89,

1990, n°4, p.71-73. 161

Bruno Benoit note que «les violences collectives thermidoriennes sont réactionnaires car derrière la foule,

dont l’importance a été gonflée par les autorités pour justifier leur impuissance, il faut voir l’action des royalistes

présents à Lyon, avec Imbert-Colomès comme chef de file, qui cherchent à rétablir l’ordre ancien, celui d’avant

1789 » : BENOIT, Bruno, L’identité politique…, op. cit., p.44. 162

La municipalité thermidorienne exerce son autorité du 24 thermidor an II (11 août 1794) au 11 messidor an

III (29 juin 1795). 163

Pierre Belda montre que ces nominations sont faites après que les représentants - eux-mêmes modérés - ont

demandé l’avis aux notabilités (par l’intermédiaire du district sous forme de listes de candidats par exemple) et

ont suivi une opinion publique en voie de radicalisation auprès de laquelle le Journal de Lyon joue un rôle

important. « L’opinion publique est ainsi devenue le corps électoral d’une municipalité sans élection » : BELDA,

Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.545.

52

place164 d’ailleurs s’en plaint165 et les trois municipalités du Directoire sont finalement

installées le 7 ventôse an IV (26 février 1796). C’est l’acte de décès de la

municipalité unique et la fin de l’organisation municipale issue de la loi du 14

décembre 1789.

Au moyen de la constitution de l’an III, la centralisation continue de progresser.

Si les municipalités sont remaniées, les districts sont quant à eux supprimés166 et les

départements voient leur administration profondément modifiée (article 174 et

suivants). La nouvelle circonscription territoriale de base est le canton. Lyon divisée

en trois municipalités, le bureau central nommé par le département et approuvé par

le Directoire apparaît pour les tâches indivisibles. L’autorité centrale est

considérablement renforcée. D’autant que le Directoire est représenté par un

commissaire du Directoire nommé auprès de chaque administration municipale

comme auprès de l’administration de département167.

Il est désormais clair que « pour l’essentiel les grandes villes sont administrées

par le gouvernement central. La hantise des mouvements populaires, le poids

politique d’un maire élu ont décidé les constituants de l’an III à enlever toute

autonomie aux grands centres urbains »168.

D’une manière générale, on assiste à un accroissement des compétences

municipales dans les domaines relatifs à l’administration générale de l’État et à

l’intégration des municipalités dans l’appareil d’État. La centralisation s’accroît et se

fait de plus en plus politique. Elle n’est plus seulement un mode d’administration et

de gouvernement mais bien un moyen de contrôler étroitement le loyalisme des

administrations publiques locales.

164

Il s’agit de la municipalité nommée par arrêté des comités de gouvernement du 5 vendémiaire an IV (27

septembre 1795) en application des décrets du 14 ventôse et du 21 prairial an III (4 mars et 9 juin 1795). Le

maire, le marchand de soie Ricard, et le procureur, l’ancien avoué Perret, ne seront jamais installés : AML, 518

WP 003, Administration de la commune. Correspondance relative à l’installation des municipalités. 165

AML, 1401 WP 040, Actes de l’administration municipale (4 floréal an III-16 nivôse an IV). Lettre de la

municipalité au directoire du département du Rhône datée du 5 nivôse an IV (26 décembre 1795) : « Il est bien

cruel pour les citoyens de la commune de Lyon de se voir privés d’un des plus grands bienfaits de la

Constitution, celui de nommer (…) ses magistrats (…), tandis que la France entière a joui de cet avantage.

Sommes-nous donc destinés à vivre éternellement sous un gouvernement révolutionnaire (…) ? ». 166

Ils ont été les supports les plus actifs du gouvernement révolutionnaire. 167

C’est la première fois dans l’histoire de la Révolution qu’un commissaire du pouvoir exécutif central n’est

pas élu. 168

CLÈRE, Jean-Jacques, « Administrations locales », op. cit., p.10.

53

Section 2. L’organisation napoléonienne

La Révolution, une fois qu’elle a renoncé à ses timides promesses

décentralisatrices initiales, apparaît largement comme la matrice de l’organisation

administrative centralisée que le Consulat puis le Premier Empire mettent en place.

Certaines des tentatives conduites sous l’Ancien régime ne sont pas pour autant

dénuées d’influence, comme il est possible de le voir notamment en ce qui concerne

le projet porté par Calonne en 1787. En outre, la mise en place de la mairie unique à

Lyon est très largement anticipée par les mesures de réorganisation de

l’administration des territoires prises dès après Brumaire.

Pourtant, c’est le paradoxe de cette réforme que d’être profondément annoncée

par les principales évolutions administratives, politiques et institutionnelles en cours

et d’apparaître en même temps comme une rupture avec ce qui précède. Le Lyon de

Napoléon n’est plus divisé et ne semble plus aussi manifestement abaissé que par le

passé.

De fait, clairement liée à certaines réformes amorcées avec plus ou moins de

réussite depuis les années 1760, offrant la perspective d’une rupture avec le

mouvement d’affaiblissement de Lyon aggravé en 1793, la solution impériale en

matière d’organisation administrative municipale s’avère profondément originale.

1. L’installation de la mairie unique : dans l’esprit de la réorganisation

consulaire

Par un courrier en date du 27 fructidor an XIII (14 septembre 1805), le conseiller

de préfecture Defarge – il remplit alors par intérim les fonctions de préfet – convoque

extraordinairement le conseil municipal de la ville de Lyon afin de procéder le 1er jour

de l’an XIV (23 septembre 1805) à l’installation du nouveau maire et de ses six

adjoints169. Il exécute ainsi la volonté impériale exprimée par deux décrets donnés,

l’un du palais impérial de Milan le 4 prairial an XIII (24 mai 1805) prescrivant les

modalités à suivre pour l’installation des municipalités uniques restaurées à Lyon,

169

AML, 1217 WP 030, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (30 floréal an XIII – 15 mai

1807). Séance du 1er

vendémiaire an XIV.

54

Bordeaux et Marseille par la loi du 15 ventôse an XIII (6 mars 1805)170, l’autre du

camp de Boulogne le 16 thermidor an XIII (4 août 1805) nommant l’exécutif

municipal.

1.1. Parachever l’œuvre du Consulat

La mise en place d’une mairie unique à Lyon, comme dans les deux autres villes

qui en avaient été privées en l’an III, est un événement qui parachève en réalité

l’œuvre de restauration de l’autorité municipale dans un cadre administratif et

politique rénové par la constitution de l’an VIII (décembre 1799) et par la loi du 28

pluviôse an VIII (17 février 1800) 171 . Alors que les communes retrouvent

l’administration propre dont elles ont été privées sous le Directoire, la loi du 28

pluviôse an VIII met en place un système centralisé.

Un système d’administration dans lequel l’exécution comprise en termes absolus relève

exclusivement du gouvernement. (…) L’exécution est impartageable, toute partition la

subvertit car elle est alors exposée à l’incertitude et à l’approximation. Aussi bien, répugne-t-

elle à s’ancrer dans un organisme collégial sous peine de se déliter172

.

Rejetant la tradition du pouvoir collégial comme celle de dispersion du pouvoir

sous prétexte de l’équilibre des institutions, les concepteurs de la loi du 28 pluviôse

ne peuvent en réalité tenir que comme une anomalie la division de la ville en trois

sections multipliant ainsi les interlocuteurs du gouvernement et notamment de son

représentant départemental, le préfet. Au nom de l’efficacité, la réunion des trois

divisions est, dès l’an VIII, inéluctable.

La mesure correspond en fait à un vœu vigoureusement exprimé par les élites

politiques lyonnaises jusqu’à ce qu’il soit satisfait par l’empereur. En germinal an IX

(mars 1801), prairial an X (juin 1802) puis en pluviôse an XIII (janvier 1805), le

conseil général du département présente au ministre de l’Intérieur trois rapports

170

Annexe I. 171

Des extraits de la très importante loi du 28 pluviôse an VIII figurent en annexe I. 172

La loi du 28 pluviôse an VIII deux cents ans après : survivance ou pérennité ?, Paris, Presses universitaires de

France, 2000, p.27.

55

circonstanciés sur le sujet. Au nom de la rationalité économique et de l’efficacité

politique, on y réclame la création d’une mairie unique173. Au sein de la municipalité,

c’est Sain-Rousset, le maire du Midi, qui se montre le plus actif. Il adresse aux

consuls, en thermidor an X (juillet 1802), une « proposition de faire supprimer la

pluralité des municipalités et les commissariats généraux de police dans les villes de

Lyon, Bordeaux et Marseille »174. Les Lyonnais sont soutenus dans leur action par le

préfet. Lui aussi milite ardemment en faveur de la réunion des trois mairies, avec une

liberté de ton qui ne sera bientôt plus de mise :

Cette division détruit tout moyen de centraliser les opérations ; elle nuit à la prompte

expédition des affaires, apporte fréquemment obstacle à la rentrée des contributions,

s’oppose à l’uniformité des mesures et donne lieu à des réclamations tardives et isolées qui

multiplient, en pure perte, les décisions. Ces trois municipalités entrainent d’ailleurs des

dépenses infiniment plus fortes que si l’administration municipale était centralisée. (…) Il

importe donc que la ville de Lyon n’ait qu’une seule municipalité. La chose publique y gagnera

sous tous les rapports, et je ne crains pas d’avancer que le vœu général se réunit ici au vœu

particulier que j’en forme et que je n’hésite point à manifester. (…) Jamais il n’y aura à Lyon

une bonne administration tant qu’elle sera divisée comme elle l’est et jamais cette harmonie

nécessaire entre l’autorité supérieure et celle qui lui est subordonnée n’existera tant que cette

dernière sera partagée entre trois maires qui souvent sont divisés entre eux mais qui se

rallient toujours quand il s’agit de se mettre en opposition avec l’autorité supérieure175

.

C’est sur la base de l’ensemble de ces argumentaires que Napoléon demande

au ministre de l’Intérieur de réfléchir à un projet de décret sur les attributions à

accorder aux maires ainsi qu’aux commissaires généraux des trois villes176.

Le déroulement de la séance inaugurale du 1er vendémiaire an XIV (23

septembre 1805) montre très clairement que l’Empire souhaite mettre en lumière

l’étroite continuité unissant le régime de la mairie unique conçu sous l’Empire et celui

des trois mairies, tel qu’il a été organisé sous le Consulat. En tant que telle, la mairie

unique est un aboutissement. Ainsi le conseil se réunit-il sous la présidence de Jean-

173

AN, F1b

I 242, Projet de mairie unique. Les conseillers généraux imaginent un maire associé à quatre adjoints

qui subordonneraient un délégué à la police. 174

AN, F1c

III Rhône 9, Correspondance et divers. Rapport du 14 prairial an X (3 juin 1802). 175

AN, F1c

III Rhône 5, Comptes-rendus administratifs, Courrier du préfet Najac au ministre de l’Intérieur (29

pluviôse an X – 18 février 1802). 176

Ibid. Note du 22 ventôse an XIII (13 mars 1805).

56

Marie Parent, maire de la division du Nord177, en l’hôtel de ville. Il est significatif de

constater que parmi les quatorze membres du conseil municipal présents, douze ont

été nommés sous le Consulat178. C’est évidemment à eux que s’adresse le conseiller

de préfecture lorsqu’il rend hommage, après avoir déclaré maires et adjoints installés

dans leurs fonctions, aux « fonctionnaires exercés » qui se voient honorés par une

nouvelle nomination étant les « candidats les plus dignes » pour les « nouvelles

places »179. S’exprimant après Defarge, Jean-Marie Parent, s’il se félicite du choix de

Nicolas-Marie Fay de Sathonay pour succéder aux trois maires, précise que la

désignation de ceux-ci comme ses adjoints est un moyen de « rendre sensible pour

nos concitoyens le passage de l’ancienne à la nouvelle administration »180. Même si

les trois adjoints sortants ne sont pas, eux, renouvelés181, Parent offre au nouveau

maire la collaboration et l’expérience de ses deux anciens collègues, André-Paul

Saint-Rousset et André Bernard-Charpieux182 en même temps que les siennes. Il

s’agit bien là de lier sans ambiguïté l’action de la nouvelle administration à celle de

l’ancienne.

Si importante qu’elle soit, la mise en place de la mairie unique n’est donc pas

tant présentée comme une rupture que comme un prolongement attendu de la

réforme administrative entreprise après Brumaire. Or, cette nouvelle et ultime étape

conçue comme une « nécessité » n’est permise que par la « stabilité générale »,

acquis du nouveau régime183, qui permet au commissaire général de police Dubois

de déposer entre les mains du nouveau maire les attributions à lui dévolues par la loi

ou plus exactement par le décret impérial du 28 fructidor an XIII (15 septembre

1805).

Dernier orateur, Fay de Sathonay ne manque pas de faire le double éloge du

nouveau régime et des réalisations des trois mairies remaniées sous le Consulat.

C’est en effet au maire qu’il revient désormais d’incarner à Lyon la profonde unité

des deux régimes napoléoniens en même temps que celle – retrouvée – de la ville.

177

Il a alors 51 ans et s’exprime en tant que plus âgé des trois anciens maires. 178

Il s’agit de Arlès, Champanhet, Charrasson. Chirat, Devillas, Hervier, Leclerc de la Verpillière, Loyer, Petit,

Ravier, Riverieulx et Rivoire. Aynard et Grailhe de Montaima sont nouvellement nommés. Le nombre total de

conseillers est alors, anormalement, de 24. Les notices individuelles de chacun de ces individus se trouvent en

annexe VII, comme celles de tous les édiles du corpus dont les noms figurent dans les pages qui suivent. 179

AML, 1217 WP 030. Séance du 1er

vendémiaire an XIV, discours de Defarge. 180

Ibid. Discours de Parent. 181

Les trois adjoints nouvellement nommés sont Pernon, Regny fils aîné et Charrier de Senneville. 182

Sous le Consulat, Sain-Rousset est maire de la division du Midi, Bernard-Charpieux de celle de l’Ouest. 183

AML, 1217 WP 030. Séance du 1er

vendémiaire an XIV, discours de Dubois. L’analogie avec le passage du

Consulat à l’Empire quoique implicite semble évidente.

57

1.1.1. Le maire est avant tout un agent du pouvoir central

Le maire détient seul le pouvoir exécutif dans la commune. L’essentiel de la loi

du 28 pluviôse « concernant la division du territoire français et l’administration »

réside dans l’établissement, pour chaque circonscription territoriale, d’un agent

unique, véritable agent du gouvernement, assisté de conseils délibérants aux

compétences limitées. En ce qui concerne la commune, l’article 7 de l’arrêté du 2

pluviôse an IX (22 janvier 1801), précise explicitement que le maire est « seul chargé

de l’administration », que seul il peut assembler ses adjoints, les consulter lorsqu’il le

juge nécessaire et leur déléguer une partie de ses fonctions. Le commissaire général

du gouvernement auprès du bureau central de la commune est supprimé, par arrêté

des consuls, le 21 nivôse an VIII (11 janvier 1800)184.

On le sait, le régime napoléonien 185 abandonne dès l’origine le principe de

l’élection des responsables locaux. L’article 41 de la constitution de l’an VIII prévoit

explicitement que le premier consul nomme et révoque à volonté les membres des

diverses administrations locales. Dans l’esprit de la loi, le maire apparaît donc bien

d’abord comme un élément exécutif obéissant au gouvernement et au préfet puisque

l’administration locale est remise au préfet, « administrateur au pouvoir indéfini,

plénipotentiaire du gouvernement »186 qui dispose de relais aux degrés administratifs

infra-départementaux que sont l’arrondissement et la commune. La loi du 28

pluviôse, en confiant, au titre de son article 18, la nomination du maire soit au

premier consul soit au préfet, dans les communes de moins de 5 000 habitants, fait

de lui un fonctionnaire de l’État.

Or, rompant avec le principe de l’élection, la loi tend à fixer clairement les

compétences municipales que, globalement, elle étend. C’est en vertu du même

principe, celui de l’efficacité, que sont prises ces deux orientations totalement

complémentaires.

184

AN, F1b

I 106. À Lyon, Jantet Bruysset, nommé le 27 floréal an VII (16 mai 1799) en remplacement d’Allard,

quitte donc ses fonctions. 185

L’expression pour être commode n’en est pas moins inexacte puisque de régime napoléonien il n’y eut point

en réalité. Mais il semble possible de l’utiliser tant sur le thème qui nous occupe comme sur bien d’autres la

continuité entre le Consulat et le Premier Empire est patente. 186

La loi du 28 pluviôse an VIII…, op. cit, p.28.

58

L’exécutif municipal est un « relais indispensable de la centralisation

administrative »187 dont les pouvoirs attribués par délégation de l’État sont précisés.

Mais le maire doit également être à même d’agir, bien que toujours sous l’étroite

tutelle de l’État, dans le cadre précisé de compétences propres limitées. Il apparaît

en effet comme disposant également d’une autorité propre sur la commune et sur

l’étendue de son territoire. Cet aspect de sa fonction contribue à identifier fortement

le maire à la commune, à la localité dont il a la charge. Unique détenteur du pouvoir

exécutif, le maire n’est pas seulement à la tête de l’administration municipale mais il

est bien en mesure d’apparaître à tous ses administrés comme le représentant de la

commune, de la ville voire – Fay de Sathonay le pensera – de l’agglomération.

1.1.2. Un champ de compétences relativement élargi

Les compétences du maire et, partant, de ses adjoints lorsqu’il y a délégation,

correspondent pour l’essentiel aux fonctions administratives exercées auparavant par

« les administrations municipales de canton, les agents municipaux et adjoints » aux

termes de l’article 13 de la loi du 28 pluviôse qui traite explicitement des domaines de

la police et de l’état civil. Par conséquent, en matière de police, le texte étend dans

un premier temps les fonctions des maires de section puis du maire de Lyon puisque,

sous le régime de l’an III, la police municipale appartenant aux municipalités de

canton, à Lyon le président et les administrateurs de chaque municipalité de section

n’étaient chargés que de veiller sur les contraventions et d’en dresser les procès-

verbaux. À propos de la constitution de l’an VIII, Roederer note :

En imposant la réunion de plusieurs cantons en un arrondissement communal, en éloignant

par là l’autorité centrale d’une grande partie des administrés, (elle) a ajouté à la nécessité de

rendre aux communautés une autorité locale capable de faire observer sur leur territoire la

police municipale188

.

Néanmoins, à Lyon, la nomination à compter de l’an IX d’un commissaire général

de police limite très directement les compétences du maire en cette matière et ce, 187

MONNIER, François, « Maire », dans TULARD, Jean [dir.], Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1999,

vol. 2, p.247-248. [1ère

édition : 1997] 188

ROEDERER, Corps législatif, exposé des motifs, 18 pluviôse an VIII, Archives Parlementaires, 2ème

série,

t.1, p.171.

59

malgré la grande vigueur que met durant tout son mandat le premier maire de Lyon

sous l’Empire, Nicolas-Marie Fay de Sathonay, à affermir son pouvoir dans ce

domaine tout à fait stratégique 189 . Un échange de lettres entre le commissaire

général de police Abrial, le préfet de police Bondy et le maire à propos de la pratique

de l’audience de police190 l’atteste tout particulièrement, cela sera vu plus avant.

Le maire est responsable de l’administration communale. Il est d’ailleurs le

représentant légal de la commune devant la justice. Il doit conserver et administrer le

domaine de la commune, gérer ses revenus. C’est à lui qu’il revient, au nom de la

commune, de souscrire les marchés, passer les baux, conclure les actes de vente,

d’échange et de partage, d’acquérir des biens. Il est l’unique ordonnateur des

dépenses. Sur le territoire de la commune, la politique des routes est de son ressort

de même qu’il a à décider des mesures touchant à l’urbanisme telles que la

délivrance des alignements ou les permissions de voirie. Agent du pouvoir central, il

tient l’état civil et a en charge l’exécution de certains aspects de la politique générale.

Il assure la publication et l’exécution des lois et règlements ainsi que des mesures de

sécurité générales.

1.1.3. La question de la reconnaissance de la fonction du maire

Sous l’Ancien régime, les charges municipales sont prestigieuses et

rémunératrices, état de fait transformant le cursus honorum en une véritable « course

au pouvoir »191.

Sous l’Empire, l’existence d’un maire unique confère à celui-ci un prestige et une

autorité auxquels ses trois prédécesseurs du Consulat et encore moins ceux du

Directoire ne pouvaient aucunement prétendre. On peut largement expliquer la

réticence des autorités, directoriales puis consulaires à franchir le pas de l’unification

de la municipalité dans trois grandes villes de province par le désir de ne pas laisser

se développer des contre-pouvoirs locaux. C’est bien lorsque le régime napoléonien

est suffisamment confiant en sa capacité de se faire exactement obéir des

municipalités bordelaise, marseillaise et lyonnaise qu’il crée pour elles le maire

189

PAILLARD, Philippe, « L’organisation de la police lyonnaise. Divergences entre le préfet du Rhône et le

maire de Lyon (1800-1852) », dans Annales de l’Université Jean Moulin, droit et gestion, t.2, février 1979. 190

ADR, 4 M 1, Organisation de la police (1793-1822). Correspondance du commissaire général de police. 191

BAYARD, Françoise, CAYEZ, Pierre [dir.], Histoire de Lyon, t.2 : op. cit., p.83-84.

60

unique. À cette condition, l’existence d’un maire unique potentiellement influent, au

lieu de la menacer, renforce paradoxalement l’efficacité de la tutelle de l’État sur la

ville. L’institution d’un maire unique responsable d’une seule administration,

efficacement réorganisée, présente en effet l’avantage de simplifier les relations

entre les différents rouages de l’administration en même temps que d’accroître la

capacité de contrôle du gouvernement. La relation nouvelle qui s’instaure entre le

régime et son principal agent administratif et politique à Lyon est donc tout à fait

déséquilibrée192.

Néanmoins, le maire est un acteur à part entière de cette relation qui le

subordonne au gouvernement parce qu’il est indispensable au bon fonctionnement

de la pyramide administrative autant que parce qu’il devient justement ce à quoi il se

trouve souvent réduit : un des représentants de l’État et, qui plus est, un des plus

visibles localement. André Chandernagor saisit bien la complexité de cette sorte de

dialectique qui se crée dans le contexte de la centralisation impériale :

Le maire nommé est, dans une large mesure, un notable contraint. Agent de l’État, serviteur

du gouvernement, il est surveillé de près. Mais comme l’État a tout intérêt à ce que l’autorité

qu’il lui confie ne soit ni discutée ni contestée, il le soutient, l’aide et le protège193

.

L’État se trouve donc dans la situation de devoir assurer le prestige de ce

fonctionnaire public de premier plan. Le législateur avait d’abord écarté aux premiers

temps de la Révolution le principe d’une rémunération194, considérant que le mandat

du maire correspondait à une attribution de service public, confiée temporairement et

exceptionnellement par les citoyens-électeurs et qu’il convenait de bannir toute

notion de professionnalisation de la politique. Cependant, le principe d’une

rémunération dépassant le cadre des simples dédommagements consacrant des

remboursements de frais fut progressivement admis, de l’automne 1792 au

printemps 1793, d’abord pour le maire puis pour le procureur de la commune et son

substitut et enfin pour l’ensemble des officiers municipaux. À Lyon, l’action de la

municipalité jacobine fut décisive en la matière. Il s’agissait de permettre l’accès de

192

« Quel que soit donc le point de vue auquel on se place, que ce soit celui de leur nomination ou de leurs

pouvoirs et de l’exercice de ceux-ci, les maires apparaissent avant tout comme un rouage essentiel mais

étroitement subordonné de la centralisation napoléonienne » : MONNIER, François, « Maire », op. cit., p.248. 193

CHANDERNAGOR, André, Les maires en France, XIXe-XX

e siècle. Histoire et sociologie d’une fonction,

Paris, Fayard, 1993, p.141. 194

BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.86-90.

61

tous aux fonctions et de ne pas « ramener dans la république une autre sorte

d’aristocratie qui seroit l’aristocratie des riches »195.

Pourtant, alors même que le maire cesse d’être un élu pour devenir un agent de

l’État, sa fonction sous l’Empire n’est pas rémunérée. C’est pourquoi le maire de

Lyon se voit reconnaître un certain nombre d’avantages qui contribuent à ce qu’il

représente dignement le nouveau régime. Ainsi le projet de budget présenté au

conseil municipal lors de la séance du 27 janvier 1806 comporte-t-il un poste de

dépenses fixé à 18 000 francs « relatif aux fêtes publiques et aux frais de la

représentation communale », ce qui donne l’occasion au conseiller François Boulard

de Gatellier de signaler que « M. le Maire actuel se trouvera donc bien

imparfaitement indemnisé des dépenses inévitables à sa représentation » 196 . Il

apparaît également nécessaire aux conseillers municipaux d’aménager un logement

pour le maire en l’hôtel de ville. Et Boulard de Gatellier d’argumenter en faveur de

cette mesure devant ses collègues :

S’il n’eût (le maire) consulté que son agrément, il n’eut pas quitté son domicile, mais il

convient à la dignité de sa place que son logement soit à l’Hôtel de ville ; il ne peut d’ailleurs

être séparé de ses bureaux. Une administration aussi importante exige une surveillance de

tous les moments, et la police, actuellement réunie à la Mairie, rend encore cette mesure plus

nécessaire197

.

En 1809, la situation du maire évolue considérablement. À compter de cette

année-là, sans que cela fasse l’objet d’aucun débat en conseil municipal ni d’une

mesure légale, une allocation annuelle d’un montant de vingt mille francs lui est

attribuée pour le dédommager des frais inhérents à l’exercice de sa fonction.

Nourrissant visiblement un fort ressentiment à l’égard de Fay de Sathonay, le préfet

Bondy suggère l’année suivante au ministre Montalivet de solliciter de l’empereur

qu’à l’avenir le maire soit obligé de rendre compte de l’utilisation de cette allocation

autrement qu’en alléguant de vagues « frais de représentation ». Le préfet va jusqu’à

proposer que les adjoints aient droit à percevoir une partie de cette somme,

puisqu’ils exercent des pouvoirs du maire par délégation. Le ministre se montre

défavorable à une telle mesure et Napoléon, après avis du conseil d’État, le suit.

195

AML, 1217 WP 004. Conseil Général de la commune, le 8 décembre 1792. 196

AML, 1217 WP 030. Séance du 27 janvier 1806. Il s’exprime au nom de la commission chargée de l’examen

de la reddition des comptes des trois mairies. 197

Ibid. En réalité, Fay demeure l’essentiel du temps en son hôtel, rue du Plat.

62

L’allocation est maintenue et le maire, qui seul la perçoit, n’a pas à en justifier

l’emploi198.

Malgré cette amélioration notable de la situation faite au premier magistrat de la

cité, bien modestes demeurent les défraiements et les avantages prévus tout au long

de la période, qu’ils concernent le maire, ses adjoints ou quelques-uns des

conseillers 199 . D’ailleurs André-Suzanne d’Albon, alors même qu’il prétend à la

succession de Fay et qu’il est à la tête d’un patrimoine considérable dépassant le

demi-million de francs200, redoute, en 1813, de ne pouvoir assumer matériellement

les obligations inhérentes aux obligations de représentation liées à la fonction de

maire201. Sans doute, il est vrai, commence-t-il ainsi à solliciter…

1.1.4. Le conseil municipal limité à une fonction délibérative

Si le maire agit au nom de la commune et la représente, il exerce aussi quantité

de prérogatives par délégation de l’État. C’est pourquoi, il est considéré comme un

fonctionnaire :

À peu près unanimement comme un agent du pouvoir central qui, en tant que tel, devait être

nommé par celui-ci, au besoin en dehors du Conseil municipal. Et cette conception de la

fonction a eu pour corollaire que le pouvoir central en a constamment assuré la prééminence

sur celle du conseil, en délimitant de façon stricte les attributions de ce dernier202

.

Participant de droit aux délibérations du conseil municipal dont il assure la

présidence, le maire ne compte pas parmi ses trente membres203. En cas d’absence

du maire, un adjoint le représente et préside la séance204.

198

AN, AFIV

1305 (109). Emploi des fonds destinés au maire de Lyon. 199

Lors de sa séance du 21 juillet 1806, le conseil municipal demande qu’une « lanterne aux armes de la ville, et

à ses frais, soit placée et entretenue devant les maisons d’habitation de Messieurs les Maire et Adjoints » : ibid.

Séance du 21 juillet 1806. 200

ADR, 352 Q 16. 201

ADR, 8 J 2, Papiers Bondy. Lettre du 25 mars 1813. 202

CHANDERNAGOR, André, Les maires en France…, op. cit., p.34. Des trois maires de Lyon nommés sous

l’Empire (Fay, d’Albon et Jars), aucun n’a préalablement assumé la moindre fonction édilitaire. 203

Ce principe est réaffirmé avec force par le décret impérial du 4 juin 1806 : « le maire de chaque commune

entre seul de droit au conseil municipal, et le préside, sans pour cela compter dans le nombre des membres dont

le conseil doit être composé ». 204

Arrêté du 9 messidor an VIII (28 juin 1800).

63

Le maire et ses adjoints sont donc assistés d’un conseil municipal de trente

membres nommés par le pouvoir central qui a uniquement une fonction délibérative.

Se réunissant théoriquement chaque année, au mois de mai généralement, pour une

session de quinze jours au plus, le conseil municipal a avant tout pour fonction

d’aider le maire à veiller à la répartition des impôts directs, de se prononcer sur

l’équilibre et les orientations du budget ainsi que de vérifier les comptes du maire.

Bien sûr, le conseil municipal a à connaître de toutes les questions que le préfet

et subsidiairement le maire jugent utile de lui soumettre. Selon l’article 15 de la loi du

28 pluviôse, le conseil municipal peut être consulté et convoqué extraordinairement

toutes les fois que le besoin ou l’intérêt de la commune l’exigent et que le préfet le

juge nécessaire. Le conseil municipal ne dispose d’aucune autonomie en aucun

domaine. Le conseil municipal débat aux dates qui lui sont indiquées par le préfet,

dans le cadre d’un ordre du jour extrêmement contrôlé par lui et adopte à l’issue de

la discussion des délibérations que ce même préfet a tout pouvoir d’approuver ou de

rejeter de la même manière qu’il arrête, ou non, le budget de la commune.

Le conseil municipal est également conçu comme une institution susceptible

d’exprimer les vœux de la population en même temps que de faire connaître l’état et

les besoins de la ville. S’adressant solennellement aux conseillers au début de la

première séance ordinaire, le maire Fay de Sathonay le souligne avec emphase :

Vous exercez aujourd’hui le plus beau privilège du Conseil Municipal de la commune, celui de

s’assembler de droit et sans avoir besoin d’aucun ordre ou autorisation. Après avoir, dans

l’intervalle d’une session à l’autre médité sur les intérêts de la commune que vous

représentez, vos Lumières, Messieurs, viennent ici se réunir en faisceau ; elles viennent

éclairer les magistrats constamment chargés de l’Administration municipale et sur les succès

de ce qu’ils ont fait et sur l’utilité et l’importance de ce qui leur reste à faire pour assurer la

prospérité de notre ville. Que j’aime, Messieurs, à m’environner de ces lumières, et trouver

dans vos conseils et vos délibérations le germe de tout le bien qu’il est dans mon cœur

d’opérer205

!

Les conseillers municipaux, et cela est également valable pour le maire et les

adjoints, ne peuvent donc pas uniquement être considérés comme des agents du

205

AML, 1217 WP 030. Séance du 4 février 1806.

64

pouvoir central. Ils exercent indéniablement une fonction de représentants de la

population résidant dans le territoire où ils exercent leur fonction. Roederer le

souligne bien :

Il importe à un gouvernement ami de la liberté et de la justice de connaître le vœu public, et

surtout de le puiser à sa véritable source ; car l’ignorance est, à cet égard, moins funeste que

les méprises. Où peut-être cette source, si ce n’est dans les réunions de propriétaires choisis

sur toute la surface du territoire (…) ? C’est là sans doute qu’est l’opinion publique, et non

dans les pétitions dont on ne connaît ni les auteurs, ni les véritables motifs206

.

C’est assez dire la fonction de représentation dévolue au conseil municipal

conçu, en la matière au même titre que le conseil général, comme une assemblée de

propriétaires recensés pour être les notables du régime.

1.2. L’influence des physiocrates

L’organisation territoriale et administrative progressivement mise en place à

compter de l’an VIII est héritière de la pensée physiocratique qui rejette « tout autant

le gouvernement de l’aristocratie privilégiée que celui de la démocratie » et

« envisage une société fondée sur la seule richesse, pourvue d’une morale utilitaire

qui sera le contrepied des enseignements du christianisme »207. Ainsi, l’organisation

politique dépend de l’organisation sociale, elle-même en quelque sorte commandée

par certaines lois physico-économiques, la loi devant être déduite des principes du

droit naturel. Découle parfois de cette conviction un certain « indifférentisme

théorique à l’égard des diverses formes de gouvernement »208.

Néanmoins, la thèse essentielle de l’école physiocratique en ce qui concerne le

sujet est bien qu’un pouvoir fort doit être défendu puisqu’il défend les propriétaires et

qu’il n’y a de vraiment conservateurs que les propriétaires fonciers 209 . Lorsque

206

ROEDERER, exposé des motifs, Corps législatif, 18 pluviôse an VIII, Archives Parlementaires, 2ème

série,

t.1, p.170. 207

GODECHOT, Jacques, Les institutions…, op. cit., p.13. Pour Jacques Godechot, « cette doctrine (…) est à la

base des principales institutions françaises de la Révolution et de l’Empire ; elle est à la base du capitalisme

moderne ». 208

WEULERSSE, Georges, La Physiocratie à l’aube de la Révolution, 1781-1792, Paris, Éd. de l’E.H.E.S.S.,

1984, p.189. 209

OLIVIER-MARTIN, François, L’administration provinciale…, op. cit., p.390-396.

65

Lemercier de La Rivière dépasse l’analyse économique pour se projeter dans le

domaine de la morale, il écrit significativement :

Sans autre loi que celle de la propriété, sans autres connaissances que celle de la raison

essentielle et primitive de toutes les lois, sans autre philosophie que celle qui est enseignée

par la nature à tous les hommes, nous voyons qu’il vient de se former une société qui jouit au-

dehors de la plus grande consistance politique et au-dedans de la plus grande prospérité ;

nous voyons qu’il vient de s’établir parmi nous une réciprocité de devoirs et de droits, une

fraternité qui nous intéresse tous à la conservation les uns des autres (…) Il est socialement

impossible que des hommes qui vivent sous des lois si simples (…), se sont soumis à un

ordre dont la justice, par essence, est la base (…) ne soient pas humainement parlant les plus

vertueux210

.

Ainsi, dans le projet des assemblées de propriétaires que proposent notamment

les Éphémérides du citoyen de l’abbé Baudeau, la distinction d’ordre disparaît et la

qualité qui devient fondamentale est bien celle de propriétaire. Même si la pensée

napoléonienne s’en affranchit quelque peu211, il reste sous le Consulat et l’Empire

quelque chose de la méfiance physiocratique pour la propriété urbaine212. On le voit

dans les critères qui fondent la notabilité sous le Premier Empire213 comme dans

ceux qui déterminent la désignation aux plus hautes fonctions publiques locales ou

encore dans les mesures par lesquelles Napoléon distingue sa noblesse214.

S’agissant de la pyramide administrative dessinée par le premier consul et

l’empereur, on peut établir une réelle continuité entre le projet auquel parvient

Calonne lorsqu’il reprend le chantier de la réforme administrative au milieu de l’année

1786215 et l’organisation consulaire et impériale. Or Calonne se rallie au plan des

physiocrates et sur lui l’influence de Mirabeau et de Dupont de Nemours, notamment,

est nette216.

210

LEMERCIER DE LA RIVIERE, Pierre-Paul, L’ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, Paris, 1910,

p.355. [1ère

édition : 1767] 211

CASANOVA, Antoine, Napoléon et la pensée de son temps. Une histoire intellectuelle singulière, La

Boutique de l’Histoire, 2000, p.112-115. 212

On pourra consulter, sur la conception de l’ordre social fondé sur la propriété foncière, les pages éclairantes

que consacre à la question Georges Weulersse : WEULERSSE, Georges, La Physiocratie à l’aube de la

Révolution…, op. cit., p.79, p.182-185, p.331-337 et p.407-416. 213

BERGERON, Louis, CHAUSSINAND-NOGARET, Guy, Les « Masses de granit ». Cent mille notables du

Premier empire, Paris, Éd. de l’E.H.E.S.S./Jean Touzot, 1979, 128 p. 214

TULARD, Jean, Napoléon et la noblesse d’Empire, Paris, Tallandier, coll. « Approches », 2001, p.111-132. 215

BORDES, Maurice, L’administration provinciale…, op. cit., p.160-172. 216

Mirabeau est en particulier l’auteur d’un Mémoires sur les États provinciaux, publié en 1750, dans lequel il se

prononce en faveur d’administrations locales élues mais aux prérogatives somme toute assez limitées.

66

Le courant qui porte le projet de Calonne n’est pas exactement centralisateur en

ce sens qu’il vise à diminuer les devoirs et les charges du pouvoir central en en

transférant une partie à des institutions régionales que l’on imagine presque toujours

sous la forme d’assemblées. Pour autant il ne saurait être question de diminuer les

droits essentiels de l’État. À la suite en particulier des Considérations sur le

gouvernement ancien et présent de la France du marquis d’Argenson, rédigées en

1737 mais opportunément publiées en 1764, en lien avec la réforme Laverdy, puis

en 1784, c’est la vision favorable à un pouvoir monarchique fort qui s’impose. Le roi,

par l’intermédiaire de l’intendant et en consultant les habitants, exercerait son pouvoir

de désignation des officiers municipaux, notamment pour diriger des municipalités

aux pouvoirs étendus. La monarchie absolue s’impose à la noblesse féodale. Dans

le Mémoire sur les municipalités à établir en France que Dupont de Nemours rédige

à la demande de Turgot 217 , on trouve un projet d’assemblées consultatives

organisées en trois degrés, chaque assemblée – assemblée de paroisse,

municipalité d’élection, municipalité de province – se recrutant parmi les membres de

l’assemblée inférieure. Or toute l’ambition et, au demeurant, la difficulté de ce projet

résident dans l’abandon des distinctions d’ordre à chacun de ces degrés.

Calonne propose effectivement le 23 février 1787 aux notables un système de

trois degrés d’assemblées. À la base se trouveraient les assemblées paroissiales

dont le recrutement très nettement censitaire – le nombre de voix dont disposerait

chaque électeur serait proportionné à l’importance du patrimoine – permettrait de

faire émerger une élite de propriétaires. Ces propriétaires dont Calonne affirme que

leur « intérêt ne peut jamais être séparé de celui du lieu où sont situées leurs

propriétés, et qui sont les seuls instruits de leurs facultés réciproques et des besoins

de leur communauté »218. Correspondant chacune à la réunion d’une trentaine de

paroisses, les assemblées de district formeraient l’échelon intermédiaire nécessaire

à la désignation des assemblées provinciales. Celles-ci se réuniraient sans

distinction d’ordre. Elles désigneraient chacune une commission intermédiaire qui

siégerait dans l’intervalle des sessions annuelles. Le projet Calonne est bien

d’inspiration physiocratique puisqu’il prévoit que le représentant local du roi,

l’intendant, aurait connaissance de toutes les délibérations comme il aurait celui

217

Le Mémoire sur les municipalités est rédigé en 1775, publié en 1787. 218

« Mémoire de Calonne sur l’établissement des assemblées provinciales », cité dans, WEULERSSE, Georges,

La Physiocratie à l’aube de la Révolution…, op. cit., p.202.

67

d’assister à toutes les séances des assemblées comme des commissions.

L’intendant surtout, serait seul ordonnateur des dépenses.

Thierry Lentz explique que, d’une manière générale :

Le système des conseils mis en place par l’Empire ressemblait un peu au programme de

Calonne (…) : des assemblées locales (chez Calonne, les états provinciaux ou assemblées

provinciales), entre les mains des propriétaires, répartissaient l’impôt sans le consentir, sous

l’œil des préfets (chez Calonne, les intendants)219

.

Renouant avec les projets inspirés de la pensée physiocratique, l’institution de la

mairie unique, si elle est vécue comme une double rupture avec le passé récent de la

ville de Lyon, se situe dans l’exact prolongement de l’œuvre consulaire mais trouve

clairement partie de ses origines dans les menées centralisatrices de l’Ancien régime

et de la deuxième phase de la Révolution.

2. L’institution de la mairie unique est vécue comme une double rupture

La mise en place de la mairie unique sous l’Empire, comme avant elle la loi du

28 pluviôse an VIII, se situe incontestablement dans la continuité du profond

mouvement centralisateur et uniformisateur qui affecte l’administration locale depuis

l’Ancien régime. C’est là sans doute une des raisons principales de son succès que

de réaliser efficacement un projet ancien, déjà familier à la majeure partie de la

population et aux différents corps et catégories qui la composent. Mais, l’institution

de la mairie unique doit aussi pour partie son succès au fait qu’elle est vécue par les

Lyonnais, les élites mais aussi l’essentiel de la population, comme une rupture. En

effet, la réforme impériale rompt ostensiblement avec deux aspects du passé récent

de la ville particulièrement douloureux aux Lyonnais.

La loi du 15 ventôse an XIII (6 mars 1805) prévoit que « l’administration

municipale des villes de Lyon, Marseille et Bordeaux sera organisée comme celle

des autres villes de l’Empire. Chacune d’elle aura un maire et six adjoints ». Elle met

ainsi un terme à la division territoriale subie par la ville de Lyon depuis que la

constitution de l’an III a supprimé la municipalité unique dans les villes de plus de

219

LENTZ, Thierry, Nouvelle histoire du Premier empire. t.III : La France et l’Europe de Napoléon (1804-

1814), Paris, Fayard, 2007, p.185.

68

cent mille habitants. On peut considérer qu’elle met aussi un terme à une période

singulièrement difficile pour la vie municipale lyonnaise, période initiée par les

premiers bouleversements révolutionnaires, particulièrement symbolisée par les

événements qui courent du 29 mai 1793 à l’été 1794 (nomination de Salamon le 23

août) et caractérisée par un affaiblissement durable du rayonnement de la ville et de

sa représentation politique.

2.1. Première rupture : avec la division en trois arrondissements

L’organisation administrative instituée par la Constitution de l’an III repose sur

une distinction entre les communes fondée sur l’importance de leur population. Les

communes de moins de 5 000 habitants sont regroupées au niveau cantonal,

chacune d’entre elles étant représentée par un agent municipal et un adjoint dont la

réunion forme la municipalité de canton. C’est la grande originalité de la période du

Directoire que d’avoir institué les municipalités de canton, participant nettement de la

volonté de réduire le nombre des rouages administratifs – le district est supprimé, la

commune devient une simple agence de la municipalité de canton – et par là même

de renforcer l’unité d’administration de la République. Placées sous le signe de la

recherche de l’efficacité administrative, il est à noter pourtant que ni la constitution du

5 fructidor (22 août 1795) ni la loi du 21 fructidor an III (7 septembre 1795) relative

aux fonctions des corps administratifs et municipaux ne distinguent clairement les

compétences relevant de la municipalité de commune ou de celle du canton. Si les

communes de plus de 5 000 habitants disposent d’une seule administration

municipale (article 178 de la constitution), celles qui abritent plus de 100 000

habitants en comptent au moins trois ; la population de chaque division justifiant la

mise en place d’une administration municipale doit alors être comprise entre 30 000

et 50 000 individus (article 183). Douze municipalités sont ainsi créées à Paris, trois

à Lyon, Marseille et Bordeaux.

Il y a dans ces communes, on l’a vu, un bureau central « pour les objets jugés

indivisibles par le Corps législatif » (article 184) et la loi du 12 vendémiaire an IV (4

octobre 1795) déclare « objets indivisibles dans les cantons de Bordeaux, Paris,

Lyon et Marseille, la police et les subsistances ». À Lyon, le bureau central est

composé de trois membres désignés par le département et confirmés par le

69

Directoire. Les deux administrateurs, Blanc et Chapuy, ainsi que le secrétaire, Gros,

sont installés le 18 germinal an IV (7 avril 1796) en application d’un arrêté du

Directoire exécutif du 5 germinal an IV (25 mars 1796). Ce n’est pas auprès de ce

bureau central qu’on trouve un commissaire du pouvoir exécutif représentant le

gouvernement mais bien auprès de chaque municipalité et, bien sûr, au niveau

départemental. Acteurs essentiels de la centralisation, les commissaires du pouvoir

exécutif sont nommés directement par le Directoire bien que choisis dans la

région220. Les trois administrations municipales, de six ou sept membres chacune

(tableau n°1), devaient être désignées par les assemblées primaires réunies aux

chefs-lieux de cantons ce qui aurait atténué la vigueur du mouvement de

centralisation. Ce ne fut pas le cas. Le Directoire les nomma lui-même, méfiant à

l’égard d’une ville qui était, depuis l’an II, largement assimilée à la contre-

révolution221.

Sous le Consulat, les institutions municipales de Lyon sont mises en chantier

mais elles apparaissent largement comme un chantier inachevé. La loi du 28

pluviôse an VIII est, on l’a vu, le texte majeur qui envisage l’organisation territoriale et

administrative de la France. Aux termes de l’article 14, Lyon reste divisée en trois

arrondissements, chacun se voyant doté d’un maire et d’un adjoint qui se substituent

aux anciennes administrations du Directoire (tableau n°2). L’exécutif municipal est

nommé par le premier consul, ce que confirme le sénatus-consulte du 16 thermidor

an X (4 août 1802)222 qui fixe en outre la durée du mandat des maires à cinq ans.

220

Les commissaires du pouvoir exécutif nommés à Lyon par le Directoire sont Chirat pour la division Nord,

Froment pour la division du Midi et Costerisan, pour la division Ouest. Paul Cayre est nommé près le

département. 221

Dans son édition du 1er

pluviôse an IV (21 janvier 1796), le Journal de Lyon reprend le « Message du

Directoire aux Cinq-cents » qui s’exprime en ce sens. 222

Annexe I.

70

Tableau n°1

Administration des trois municipalités de Lyon sous le Directoire223

Tableau n°2

Maires et adjoints des trois mairies de Lyon sous le Consulat226

Or, si le terme de leur mandat est fixé à l’an XV par un arrêté du 14 nivôse an XI

(4 janvier 1803), un décret du 15 avril 1806 le repousse au 1er janvier 1808. La loi du

28 pluviôse crée un conseil municipal de trente membres désignés initialement par

l’autorité préfectorale selon son article 20 et l’article 1er de l’arrêté du 9 messidor an

VIII (28 juin 1800). Leur nomination devient bientôt prérogative du chef de l’État. 223

Présidents et administrateurs de chaque division sont assistés de secrétaires en chef : Richard pour la division

du Nord, Ponthus-Cinier et Jolyclerc respectivement pour celles du Midi et de l’Ouest. 224

Il s’agit du libraire Jean-Marie Bruyset (1749-1817), futur notable de l’Empire inscrit sur la liste des soixante

en l’an XIII : REY, Jean-Philippe, « Le Rhône », dans BERGERON, Louis, CHAUSSINAND-NOGARET, Guy,

[dir.], Grands notables du Premier Empire, Paris, Guénégaud (à paraître). 225

Il s’agit du propriétaire Thomas-Jacques de Cotton (1766-1841), futur notable de l’Empire inscrit sur la liste

des soixante en l’an XIII : Ibid. 226

Comme sous le Directoire, dans chaque mairie, on trouve un secrétaire. Il s’agit de Richard au Nord,

d’Hodieu, qui conservera sa fonction au sein de la mairie unique, au Midi et de Rétié à l’Ouest.

Division du Nord

Division du Midi

Division de l’Ouest

Président

BOSSU

MAUTEVILLE

BERTHELET

Administrateurs

ALLEMAND BRUYSET224

DRIVET MEYNIS, père REVERONY

BAGNION CADIER

DE COTTON225 LA FAGE

MARGARON PINE, aîné

BERTRAND

CHEVRILLON GUI

LAURENCET MANIN MOREL

Division du Nord

Division du Midi

Division de l’Ouest

Maire

PARENT

SAIN-ROUSSET

BERNARD-

CHARPIEUX

Adjoint

ROUSSET

RAMBAUD-

BROSSE

GLEYZE, Aîné

71

En outre, à partir de l’an X, la procédure de désignation des édiles est précisée

dans le sens de la promotion des notables. En effet, selon le sénatus-consulte du 16

thermidor an X (4 août 1802), le canton devient une circonscription électorale et

chaque assemblée de canton est désormais en mesure de présenter deux candidats

pour chaque place au conseil municipal, les candidats devant être retenus parmi la

liste des cent plus imposés du canton. Les conseillers municipaux sont nommés pour

une période de vingt ans par le chef de l’État. Le conseil étant renouvelable par

moitié tous les dix ans, ses membres bénéficient donc a priori d’une garantie de

durée favorable à la sérénité de leurs délibérations.

Chacune des trois sections de Lyon sous le Consulat correspond

géographiquement aux arrondissements retenus sous le Directoire. La municipalité

de Lyon-Nord a ainsi en charge la partie septentrionale de la ville située entre le

Rhône et la Saône, approximativement depuis Saint-Nizier jusqu’au bas des pentes

de la Croix-Rousse. Elle s’assemble à l’hôtel de ville et exerce une sorte de

prééminence sur les deux autres puisque c’est son maire qui, désormais, préside au

bénéfice de l’âge le conseil municipal. La municipalité de Lyon-Midi administre la

partie méridionale de la ville comprise entre Rhône et Saône, approximativement

depuis la rue Thomassin jusqu’à l’île Perrache. Le maire, son adjoint et le secrétaire

se réunissent parfois en l’ancienne maison des jacobins. Enfin, la municipalité de

Lyon-Ouest a autorité sur les quartiers situés sur la rive droite de la Saône. Son lieu

de réunion, la manécanterie Saint Jean, est lui aussi conservé depuis le Directoire.

Sur le plan démographique, la division du Midi est la plus peuplée, comptant plus de

40 000 habitants selon les statistiques départementales de l’an IX à l’an XIII,

devançant celle du Nord qui comprend plus de 31 000 habitants sur la période alors

que la division de l’Ouest apparaît nettement moins peuplée avec un peu plus de

17 000 habitants227.

227

Selon les statistiques départementales reprises dans les almanachs, on peut avoir à l’esprit un ordre de

grandeur. Lyon compterait, en l’an X, 88 919 habitants et 94 041 en 1806. Il n’y a pas de recensement nouveau

entre l’an X et l’an XIII, d’où le fait que nous ne retenions que des évaluations.: ADR, 1 M 110, Rapports

généraux, éléments de rapports. Compte-rendu du préfet sur son administration.

72

Ce sont bien un maire et un adjoint qui sont nommés par le premier consul et le

fait que l’article 12 de la loi du 28 pluviôse prévoie deux adjoints pour les villes de

plus de 5 000 habitants n’entraîne à Lyon aucune confusion228.

Par contre, à l’occasion de la nomination du conseil municipal, on s’aperçoit que

le statut des maires et des adjoints n’est pas très clair, ni pour le préfet ni pour les

nommés eux-mêmes. En effet, en vertu de l’article 8 de la loi du 28 pluviôse an VIII

et de l’arrêté des consuls du 9 messidor suivant (28 juin 1800), le préfet nomme

seulement vingt-quatre conseillers municipaux, indiquant par là même très clairement

que, selon lui, les six membres des exécutifs municipaux doivent être comptés parmi

les membres du conseil municipal. Or, l’arrêté des consuls du 2 pluviôse an IX (22

janvier 1801) précise que l’adjoint n’a pas de pouvoir propre, qu’il ne préside le

conseil qu’en cas d’absence du maire et que « hors ce cas, les adjoints n’ont point

entrée au conseil municipal » (article 3) 229. On note donc, dans le courant de l’an X

et au gré des renouvellements individuels et exceptionnels, une augmentation du

nombre des conseillers. Progressivement, le préfet adapte sa politique de nomination

à la législation en réalité en vigueur depuis l’an VIII et, lorsque survient le

renouvellement massif de prairial an XII (mai 1804), qui concerne la moitié des

conseillers de la ville230, ce sont bien quinze individus qui sont nommés231 ce qui

signifie à l’évidence que, désormais, le conseil municipal de Lyon compte trente

membres hors le maire qui le préside, en l’occurrence Jean-Marie Parent, et à

l’exclusion des autres maires et adjoints dont la fonction est toute d’exécution et ne

saurait être délibérative. Le décret du 4 juin 1806 clarifie définitivement la situation en

ce sens232.

Sous le Consulat, le conseil municipal de la ville de Lyon se réunit 259 fois, du 11

frimaire an IX (2 décembre 1800) au 20 thermidor an XIII (8 août 1805)233 :

228

Alors que Laurent Coste note que c’est le cas à Bordeaux : COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur, op. cit.,

p.22-23. 229

Annexe I. 230

Les nouveaux conseillers municipaux de Lyon sont nommés par le décret impérial du 11 prairial an XII (31

mai 1804). La prérogative échappe donc au préfet et l’empereur concentre dès lors entre ses mains le pouvoir de

nomination de tous les édiles lyonnais. 231

La séance d’installation du conseil renouvelé a lieu le 15 thermidor an XII (3 août 1804). Or, seuls quatre des

quinze nouvellement nommés sont présents : d’Assier de la Chassagne (en réalité déjà nommé en l’an X),

Hervier, Morel et Rivoire. 232

Annexe I. 233

AML, 1217 WP 027-030, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations. Séances du 11 frimaire

an IX (2 décembre 1800) – 15 mai 1807.

73

Tableau n°3

Nombre de séances du conseil municipal sous le régime des trois mairies

Durant la période des trois mairies, de l’an III à l’an XIV, la division de Lyon en

trois arrondissements a incontestablement concouru au dessaisissement des

autorités municipales d’un certain nombre de prérogatives au profit des agents de

l’État. Et le passage du régime du Directoire à celui du Consulat n’y a rien changé. À

cet égard, l’exemple de l’institution, par la loi du 28 pluviôse an VIII complétée par un

arrêté du 5 brumaire an IX (27 octobre 1800), des commissaires généraux de police

dans un certain nombre de grandes villes dont Lyon est très significatif. Les

attributions de ces commissaires généraux sont en grande partie héritées de l’ancien

bureau central et, partant, sont susceptibles de générer nombre de conflits de

compétence avec les maires en particulier en matière d’organisation de la police

municipale234.

Le commissaire général de police est nommé comme l’ensemble des

commissaires par le premier consul (arrêté du 19 nivôse an VIII – 9 janvier 1800)

alors même que ces derniers l’étaient par les maires eux-mêmes depuis la loi du 3

brumaire an IV (25 octobre 1795), en conformité avec la constitution de l’an III. Il est

évident que la dispersion de l’autorité municipale, à Lyon, joua en faveur de l’autorité

croissante du commissaire général François-Louis Dubois (1758-1828), nommé le 24

nivôse an IX (14 janvier 1801)235, placé sous l’autorité du préfet mais recevant ses

234

PAILLARD, Philippe, « L’organisation de la police lyonnaise… », op.cit. 235

Il succède à François Noël et reste en poste jusqu’à l’avènement de la mairie unique. Il est secondé par un

secrétaire général, Casimir Fournier, éphémère conseiller municipal des Cent-jours.

Année Nombre de séances

An IX 57

An X 54

An XI 61

An XII 41

An XIII 46

Total (du 11 frimaire an IX au 20 thermidor an XIII)

259

74

consignes le plus souvent directement du ministre de la police236. Le commissaire

général de police de Lyon, dont les attributions sont encore accrues comme celles de

tous les commissaires généraux par un décret du 23 fructidor an XIII (9 septembre

1805), a sous sa responsabilité directe les neuf commissaires (trois par

arrondissement) et l’ensemble des agents de police (neuf agents de police

seulement en 1807237) que compte la ville.

Puisqu’« en administration, il faut abandonner les théories et en venir à ce qui

est, à ce que l’expérience consacre ou repousse »238, la loi du 28 pluviôse poursuit

un ample mouvement d’uniformisation du système d’administration français. Or, cette

uniformisation n’est pas complète dès lors que la partition de Bordeaux, Lyon et

Marseille est maintenue ; la situation de Paris étant encore différente du fait de son

statut de capitale en même temps que de l’importance de sa population. L’action

entreprise sous le Consulat est donc inachevée. C’est en ce sens qu’il faut interpréter

la loi du 15 ventôse an XIII (6 mars 1805) qui ne fait que mettre un terme à la

situation spécifique des trois plus importantes villes de France après Paris. Près de

dix ans après la Constitution de l’an III, elles recouvrent leur intégrité territoriale et

administrative. À Lyon est rendue sa municipalité unique. Mais cette restauration

n’est rendue possible que par l’abaissement considérable de sa puissance que Lyon

a subi depuis des décennies et qui s’est accéléré sous la Première république. Ainsi,

depuis plusieurs années :

Les conseillers municipaux n’évoquent pas sans nostalgie les anciens temps où le Consulat

incarnait l’autorité municipale ; mais au fond ils acceptent un pouvoir central fort (…). Leur

soumission trouvera très vite sa récompense : quand l’Empire se fonde, il sait n’avoir plus de

raison de surveiller une métropole docile et il lui accorde la réunification de la mairie239

.

236

OLCINA, José, « Commissaires généraux de police », dans TULARD, Jean, [dir.], Dictionnaire Napoléon,

op. cit, t.1, p.467. 237

AML, 1217 WP 031, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (29 mai 1807 – 9 mars 1809).

Séance du 29 juillet 1807. 238

DELPIERRE, Corps législatif, 28 pluviôse an VIII, Archives Parlementaires, 2ème série, t.1, p.226. 239

LATREILLE, André, Histoire de Lyon…, op. cit., p.307-308.

75

Tableau n°4

Les conseillers municipaux de Lyon sous le régime des trois mairies

Individus nommés Individus démissionnaires

An VIII ARLÈS BALTHAZARD BERTHOLON

BOUSQUET, père CHEVRILLON

COZON DARNAL, aîné

DESPREZ DIAN, aîné

DURAND-PAVY FLORENTIN-PETIT

JOYARD LAFAUVELIÈRE

LA ROUE LOYER

MAYEUVRE DE CHAMPVIEUX MAZARD-CLAVEL

MICOL MORAND DE JOUFFREY

PETIT RAVIER

ROSIER DE MAGNEUX ROSSET, père

TERRET

An IX CHAMPANHET DEVILLAS

LAFAUVELIÈRE MORAND DE JOUFFREY

An X ASSIER DE LA CHASSAGNE BRUYSET CAMINET CHIRAT

GUILLAUD LANDOZ

REGNY, fils TOURNILHON

DARNAL, aîné FLORENTIN-PETIT

JOYARD MAZARD-CLAVEL

MICOL

An XI -- --

An XII ARTHAUD DE LA FERRIÈRE ASSIER DE LA CHASSAGNE

BOULARD DE GATELLIER CHARRASSON

DERVIEU DUJAT D’AMBÉRIEUX

FRÈREJEAN HERVIER LACOUR

LECLERC DE LA VERPILLIÈRE MOREL

MYÈVRE RIVERIEULX DE VARAX

RIVOIRE SAVARON

BALTHAZARD BERTHOLON

BOUSQUET, père BRUYSET CAMINET COZON

DIAN, aîné DURAND-PAVY

GUILLAUD LANDOZ

ROSSET, père TERRET

TOURNILHON

An XIII -- --

76

2.2. Seconde rupture : avec le mouvement d’érosion de la puissance et

de perte d’identité de la ville

Davantage que de sa division en trois arrondissements, Lyon a en effet souffert

d’un affaiblissement considérable de son poids politique et d’une atteinte durable

portée à son identité que, finalement, la division décidée en l’an III ne fait que

manifester une fois de plus, tout en l’aggravant. C’est aussi cela qui est en jeu lors de

la création de la mairie unique par la loi du 15 ventôse an XIII (6 mars 1805) car de

fait, c’est « là où une municipalité se révélait trop puissante et susceptible de faire

échec au gouvernement, (qu’) une division (avait été) instituée »240.

Lors des premiers temps de la Révolution, Lyon ne connaît pas un sort

fondamentalement différent de celui des autres grandes villes du royaume. Bien sûr,

la situation économique ou la tranquillité publique ont alors à souffrir des

bouleversements. Pour autant, les événements qui s’y déroulent, s’ils ne sont pas

que le faible écho des événements parisiens, ne constituent pas néanmoins une

spécificité locale, opposable à ce que l’on observe sur le plan national. Les difficultés

rencontrées, par exemple, par le conseil général de la commune en juillet 1790, forcé

de se démettre à l’occasion d’une nouvelle émeute des octrois puis finalement rétabli

par l’Assemblée nationale, le 15 juillet, ne distinguent pas Lyon de la majeure partie

des agglomérations d’importance. Elles contribuent pourtant à affaiblir le

rayonnement lyonnais.

Bien plus important pour ce qui est de la question des pouvoirs, le phénomène

d’apparent antagonisme qui se développe entre la ville de Lyon et le cœur parisien

de la Révolution à compter des premiers mois de l’année 1793. Lorsqu’en mai 1793,

les sections lyonnaises élisent des modérés à la tête des comités de surveillance

instaurés par la loi du 21 mars 1793, débute un mouvement de dissociation des

dynamiques révolutionnaires lyonnaise et parisienne qui va progressivement

identifier Lyon à la droite puis à la contre-révolution. Le soulèvement sectionnaire des

28 et 29 mai, l’arrestation de Chalier puis la cristallisation de l’opposition sur un enjeu

apparenté, souvent abusivement, au défi lancé par le mouvement fédéraliste à la

240

NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p.230.

77

Convention – fédéralisme lui-même rapproché hâtivement du royalisme241 – le siège

et ses combats, du 7 août au 9 octobre 1793, sont autant d’événements qui font

durablement concevoir Lyon comme une entité globalement menaçante pour la

Révolution et la République, compte tenu de l’influence que semblent y disposer les

adversaires d’icelles. En fait, on peut sans doute faire remonter la « mauvaise

réputation »242 de la ville à la conspiration royaliste de la fin de l’année 1790 dont

l’âme fut Imbert-Colomès243. Quoiqu’il en soit, la Convention puis le Directoire vont

dès lors n’avoir de cesse de s’assurer du légalisme et de la loyauté des autorités

locales jusqu’à exiger d’elles une totale soumission 244 . Si les troupes de la

Convention entrent dans Lyon ravagée par les bombardements le 9 octobre, l’armée

aura désormais plusieurs fois à rappeler l’impérative nécessité de fidélité à la

République. Du décret du 21 vendémiaire an II (12 octobre 1793) à l’instauration de

l’état de siège par celui du 14 pluviôse an VI (2 février 1798) en passant par la

suspension de la municipalité le 6 messidor an III (24 juin 1795) ou l’installation d’un

camp militaire dans la plaine des Brotteaux à l’été 1796, le gouvernement va ainsi

rendre particulièrement visible, presqu’éclatante, cette soumission, au risque bien

évidemment de nourrir un ressentiment durable et rendant par là même difficile tout

normalisation de la relation entre l’État et la première ville du territoire de la

République après Paris245. En même temps que les révolutionnaires s’aliènent les

Lyonnais et s’interdisent toute tentative de réconciliation246, ils créent les conditions

de la popularité du régime qui rendra, ou paraîtra rendre, aux Lyonnais leur identité

241

VOVELLE, Michel, La découverte de la politique. Géopolitique de la Révolution française, Paris, La

Découverte, 1992, p.284-288. 242

BENOIT, Bruno et SAUSSAC, Roland, Guide historique de la Révolution à Lyon…,op. cit., p.15. 243

KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : de 1595 à 1814, op. cit., p.270-274. AUDIN, A., La

conspiration lyonnaise de 1790 et le drame de Poleymieux, Lyon, 1984, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire,

142 p. 244

BENOIT, Bruno, « Lyon et la République directoriale », dans La République directoriale, t.1, Actes du

colloque de Clermont-Ferrand, mai 1997, Clermont-Ferrand, Bibliothèque d’histoire révolutionnaire, 1998,

p.261-276. 245

Viennent à l’esprit les déclarations de différents ministres de l’Intérieur. Plutôt que François de Neufchâteau

(ADR, 1 L 435, Fêtes nationales), citons Nicolas-Marie Quinette qui dénonce en juin 1799 « l’oubli total où se

trouvent les institutions républicaines » et évoque le « devoir pressant de déployer en même temps et les moyens

de la force et ceux de la persuasion » : ADR, 1 L 364, Correspondance de l’administration centrale. Lettre à

l’administration centrale du département, 9 messidor an VII (27 juin 1799). 246

Si, selon l’expression de Jean-Pierre Gutton, Lyon demeure profondément « suspecte au pouvoir », Bruno

Benoit montre bien que « la mémoire collective de Lyon, celle construite par ses élites et que partage la majorité

de sa population, met en avant l’image d’une ville qui a souffert des violences de la Convention républicaine et,

plus généralement, de la Révolution ». GUTTON, Jean-Pierre, Histoire de Lyon et du Lyonnais, op. cit., p.103 ;

BENOIT, Bruno, L’Identité politique…, op. cit., p.14.

78

politique et à Lyon son prestige. C’est ainsi que l’on peut en partie interpréter

l’enthousiasme soulevé par le passage de Bonaparte à Lyon le 13 octobre 1799247.

C’est bien la Révolution qui apparaît comme le moment traumatique. Certes, il

apparaît que dès avant la Révolution, Lyon avait perdu progressivement de son

autonomie. Mais, comme l’affirme Jean-Pierre Gutton, si « la ville de Lyon, sous

l’Ancien régime, avait été solidement tenue en mains par la monarchie. Du moins

avait-elle conservé les apparences du prestige et de l’indépendance »248.

Lyon avait, en effet, peu à peu vu la tutelle de l’État s’affermir mais le Consulat

gardait une grande partie du lustre acquis depuis son institution au quatorzième

siècle. Au moment où survint la Révolution, le désir d’autonomie municipale

s’appuyait donc sur l’existence à Lyon d’une institution prestigieuse autant que sur la

conviction que Lyon exerçait les fonctions d’une métropole. Or, à bien des égards, le

début de la Révolution et la loi du 14 décembre 1789 peuvent apparaître comme

offrant la possibilité de rompre avec le lent mouvement d’affaiblissement du

rayonnement lyonnais, continu sous l’Ancien régime. C’est ainsi que « les

événements, les nouveaux cadres administratifs aussi, allaient lui permettre de

revendiquer l’autonomie » 249 . Renaît l’espoir de s’affirmer en tant que ville

responsable de l’essentiel de son destin, exerçant dans le royaume et en Europe

l’influence que lui confère son dynamisme économique et commercial. Or, c’est bien

à un paradoxe que l’on assiste in fine puisque les bouleversements, que la

Révolution et ses timides menées décentralisatrices initiales occasionnent, s’avèrent

rapidement tout à fait contraires aux velléités locales d’émancipation vis-à-vis de la

tutelle d’État en même temps qu’elles nuisent considérablement à la prospérité de la

ville. L’espoir à peine renaissant fut presque aussitôt déçu.

Si la mise en place de la mairie unique aux premiers temps de l’instauration du

régime impérial peut laisser espérer la poursuite et l’amplification du redressement

lyonnais entrevu depuis Brumaire, il est opportun de signaler que ce n’est justement

qu’après que Lyon a été largement mutilée et appauvrie par les événements

révolutionnaires mais aussi par la désastreuse politique financière de l’Ancien

régime, abaissée par les régimes successifs, de la monarchie au Consulat

247

Sur cet événement, se reporter au vivant témoignage du général Marbot : MARBOT, Jean-Baptiste-Antoine-

Marcellin, Mémoires, Éd. J. Garnier, Paris, Mercure de France, 2001, 2 vol., t.1, p.67-72. 248

GUTTON, Jean-Pierre, Histoire de Lyon et du Lyonnais, op. cit., p.87. 249

Ibid.

79

qu’apparaît cette perspective. Quand Lyon n’inspire plus aucune crainte, quand Lyon

est devenue incapable de s’instaurer en un contre-pouvoir, on la dote d’une

municipalité que l’on revêt d’un certain prestige 250 . Mais ceci dans un cadre

extrêmement contrôlé car, contrairement à ce que laisse entendre André Latreille, le

gouvernement ne renonce absolument pas à surveiller Lyon. Tout au plus lui

accorde-t-il un peu le droit de paraître exister par elle-même.

3. La solution impériale

Lors de son avènement, le régime napoléonien hérite à Lyon d’une situation dont

il n’est pas à l’origine et qui peut être présentée succinctement en deux points.

D’abord, il est évident que le lien entre administrateurs et administrés est rompu.

Les édiles, l’administration locale ne doivent plus leur autorité au choix ou au

consentement des citoyens ou de la partie éminente d’entre eux ni même à leur

capacité supposée de mener une action qui leur soit favorable. Ainsi, le « pacte

local » 251 patiemment édifié sous l’Ancien régime 252 qui permettait aux

administrateurs de prétendre gouverner sous le contrôle des administrés est rompu.

C’était pourtant en vertu de ce contrat implicite, profondément ancré dans les

mentalités lyonnaises que les administrateurs adoptaient une attitude de type

paternaliste, moyen de conserver le pouvoir au sein de l’oligarchie et de garder le

peuple dans un rapport de subordination. Lors des conflits de la Fabrique en 1786

comme au moment de la révolte des octrois en 1790, la solution répressive choisie

par l’autorité municipale soutenue par le gouvernement central est en contradiction

250

Thibaudeau explique après avoir détaillé la situation de Paris et à propos de Bordeaux, Lyon et

Marseille : « Si un maire unique à Paris pouvait porter ombrage à l’Empereur, sa puissance n’avait rien à

redouter de cette magistrature dans les trois autres villes. Elles étaient humiliées de cette exception de droit

commun et demandaient avec instances qu’on leur rendît le maniement de leurs affaires ». THIBAUDEAU,

Antoine-Clair, Mémoires, 1799-1815, Paris, Plon, 1913, 561 p. 251

La notion et l’expression sont donc empruntées à Antonino de Francesco : DE FRANCESCO, Antonino,

« Les rapports entre administrateurs et administrés à Lyon… », op. cit. Son analyse est proche de celle de Jean-

Pierre Jessenne qui, lui, fait des trente dernières années de l’Ancien régime une période de désintégration du lien

politique, contemporaine de l’incapacité de l’État à réformer le système des pouvoirs locaux : JESSENNE, Jean-

Pierre, “Communautés, communes rurales et pouvoirs dans l’État napoléonien », dans PETITEAU, Natalie,

Voies nouvelles…, op. cit., p.161-180. 252

Yann LIGNEREUX évoque la volonté partagée par le roi et le consulat, à la fin du XVIe siècle, de « rappeler,

voire de refonder, la réalité de la ville, moins sur l’évidence des liens économiques qui seraient indépendants

d’un « vouloir-être » ensemble, que sur la force démontrée d’une communauté nécessaire, quasi-organique,

préexistant à ces liens sociaux, et dont la substance est première et indissoluble, malgré la pluralité concurrente

d’entités multiples qui s’en dégagent" : LIGNEREUX, Yann, Lyon et le roi..., op. cit., p.153.

80

totale avec ce « pacte local » traditionnel. Si l’action de certains responsables,

comme Vitet, ou certains événements, comme l’insurrection sectionnaire du

printemps 1793, ont semblé retarder la prise d’autonomie des administrateurs, celle-

ci est bien réelle depuis les dernières années de l’Ancien régime jusqu’au Directoire.

Ensuite, il est tout aussi évident que la ville de Lyon est « mal vue » par le

pouvoir central et que, depuis la journée du 29 mai en particulier, elle souffre d’un

abaissement constant de son influence et de son prestige.

Or, face à cet héritage le Consulat puis l’Empire proposent une solution mixte en

ce sens qu’elle prolonge et même accomplit l’œuvre révolutionnaire de centralisation

qui s’accompagne de l’autonomie croissante des administrateurs vis-à-vis de la

population tout en renouant en partie avec les pratiques politiques anciennes

articulées autour du « pacte local » traditionnel en redonnant une sorte d’action

protectrice à la municipalité et en articulant l’action d’icelle autour des trois piliers

traditionnels de l’action politique locale : l’ordre public, les subsistances et la

bienfaisance.

L’État napoléonien travaille au rétablissement du lien politique en conciliant

autorité du pouvoir central, primauté de l’individu au sein de l’ordre social et respect

d’équilibres sociaux locaux.

Dans la mise en œuvre de cette solution impériale, le choix des hommes revêt

une importance primordiale. Il suppose la connaissance et l’exploitation de réseaux

et d’un type de sociabilité adaptés à la promotion d’individus qui puissent être

acceptés comme représentatifs de l’intérêt général.

La politique de l’Empire permet de restaurer un sentiment de fierté locale qui est

compatible avec la soumission au pouvoir central justement parce qu’il en dépend.

Ainsi, Lyon recouvre la sensation sinon de l’autonomie du moins de l’influence et du

prestige, alors même que s’instaurent entre elle et le pouvoir central des liens

d’autant plus étroits qu’ils sont ceux de la plus parfaite subordination.

L’originalité et la cohérence de la solution impériale en matière d’administration

municipale à Lyon expliquent son succès. Ce succès est visible à travers le

mouvement de ralliement des élites comme à travers l’adhésion populaire ou du

moins l’absence de contestation dont les nouvelles institutions sont l’objet. Il va sans

dire que le succès de la solution impériale dépend très largement des contextes

81

politique et socio-économique, en particulier de la vigueur du contrôle de l’opinion et

du retour de la prospérité.

3.1. La mairie unique sous le Premier Empire ou l’accomplissement de la

centralisation

3.1.1. Une administration étroitement subordonnée

On l’a vu, la centralisation est un mouvement qui s’amorce assez largement dès

avant la Révolution, devient un temps discuté par les Constituants puis se réalise

progressivement à compter de la Terreur pour devenir le système de gouvernement

sous Napoléon. Alors que « l’emprise de l’État sur le territoire français en 1799

demeure très incertaine »253, on peut en effet considérer que le centralisme français

atteint son « apogée » avec Napoléon254.

Or, il apparaît que le choix de la centralisation est un choix tout à fait politique au

sens où il s’agit pour le régime napoléonien de s’assurer de la docilité

d’administrations locales dans une période susceptible de présenter des opportunités

d’entrer en opposition avec le gouvernement. Bien sûr, une administration centralisée

est considérée assez unanimement dans les cercles du pouvoir comme le gage de

l’efficacité du gouvernement. Pourtant, l’on sait que le développement de la

bureaucratie ainsi que la crainte diffusée par l’autorité impériale à chaque niveau de

l’administration ont eu aussi pour effet de ralentir, d’alourdir les processus

d’exécution. On remarque que c’est au moment où l’État ressent le plus la nécessité

de disposer de l’administration comme d’un instrument de pouvoir parce que

l’autorité centrale est susceptible d’être contestée voire menacée que la

centralisation et son corollaire, la bureaucratisation, s’accroissent. Ainsi la période de

la fin de l’Empire et de la Restauration est-elle révélatrice, tout à fait emblématique

du caractère éminemment politique de la centralisation. En effet les années 1814-

1815 correspondent à un approfondissement des pratiques centralisatrices alors

253

JESSENNE, Jean-Pierre, “Communautés, communes rurales et pouvoirs… », op. cit., p.163. 254

VON THADDEN, Rudolf, La centralisation contestée…, op. cit., p.12.

82

mêmes que les deux souverains qui exercent alternativement le pouvoir font assaut

d’intentions libérales.

Sous la Première Restauration, malgré le caractère libéral de la Charte on

assiste à une « aggravation du régime bureaucratique » :

Le nouveau pouvoir pensait avoir besoin, plus encore que l’empereur déchu, de garder la

haute main sur l’appareil administratif comme instrument de pouvoir. Il était soucieux de

compenser l’autorité perdue au sommet de l’État par un renforcement de la bureaucratie

ministérielle255

.

Les promesses de décentralisation entrevues dans l’Acte additionnel ne sont pas

suives d’effets durant les Cent-jours. La situation de guerre renforçant au contraire la

nécessité de la centralisation. Lorsque Napoléon cherche à éviter de recourir à une

purge massive risquant de s’avérer aussi difficile à effectuer qu’impopulaire, il

organise par le décret impérial du 30 avril 1815 des élections municipales dans les

communes de moins de 5 000 habitants selon les termes de la loi de décembre

1789. L’échec politique est patent, les maires et conseillers ralliés aux Bourbons

étant massivement reconduits256.

La mairie unique de Lyon, sa création, son existence, ses relations avec le

pouvoir central sont à comprendre également dans cette perspective. Il s’agit bien

sûr d’une institution par laquelle le gouvernement central espère disposer d’un relais

efficace de son autorité, capable de prendre en charge l’exécution d’une partie de la

politique impériale et d’assurer localement son succès. Mais il s’agit aussi de mettre

en place les hommes et les réseaux à même de favoriser d’abord l’obéissance,

ensuite l’adhésion au régime. Cet objectif concerne l’ensemble de la population mais

d’abord les élites, c'est-à-dire le monde des notables sur lesquels le régime

napoléonien espère fonder sa légitimité ainsi que le lien politique.

Comme l’explique Jean-Pierre Jessenne, la solution napoléonienne appréhende

conjointement l’organisation administrative et les hiérarchies sociales afin de garantir

la pérennité du contrôle d’État :

255

Ibid., p.99. 256

BOUDON, Jacques-Olivier, Histoire du Consulat et de l’Empire, Paris, Perrin, 2000, p.431.

83

Remodeler l’organisation territoriale en puisant dans les expériences précédentes des bribes

de solutions qui, amalgamées, deviennent une formule originale, caractérisée, notamment,

par le retour à l’échelle communale comme maillon élémentaire, la hiérarchie rigoureuse

d’agents nommés, chapeautés par un personnage désormais essentiel, le préfet, la

consécration de la notabilité comme marque de l’intégration au régime, lequel tient en fait la

clé de l’obtention des fonctions257

.

Ainsi à Lyon, l’Empire met un terme à la partition de la municipalité ce qui lui

permet de désigner un maire unique, seul véritable agent de l’État central dans la

commune. Certes, il est assisté par six adjoints mais ceux-ci sont dotés seulement

de pouvoirs délégués. L’exécutif municipal comme l’organe consultatif qu’est le

conseil municipal sont placés sous l’autorité tatillonne du préfet et du gouvernement.

La désignation du maire, des adjoints et celle des conseillers participe de la

formation d’une population distinguée comme digne d’exprimer ses talents au service

de la collectivité et considérée comme médiatrice entre la masse des habitants et le

gouvernement, garante de l’ordre social et politique car attachée à la préservation de

ses intérêts comme à celle des équilibres sociaux fondamentaux.

3.1.2. L’organisation du travail des édiles

Dans les premières années de la Révolution, la municipalité fonctionne autour de

trois formations dont l’importance est directement liée à la nature des affaires

traitées. Ainsi, le bureau municipal composé d’un tiers des officiers municipaux et du

maire traite des affaires courantes et constitue l’élément permanent de la

municipalité. Le conseil municipal ne se réunit que pour arrêter les comptes du

bureau (soit environ une fois par mois) alors que le conseil général de la commune

au complet n’est appelé à connaître que des affaires les plus importantes. Ce mode

de fonctionnement se heurte rapidement au problème posé par l’absentéisme

croissant des édiles et principalement des officiers municipaux. Le 10 avril 1793, le

procureur de la commune s’exprime devant le conseil général et dénonce :

L’insouciance des membres du Conseil général absents ; (…) il a été arrêté que tout officier

municipal qui, sans motif valablement justifié, ne se rendroit pas aux Conseils soit généraux,

257

JESSENNE, Jean-Pierre, “Communautés, communes rurales et pouvoirs… », op. cit., p.164.

84

soit municipaux, seroit amendé de cinq livres par fois, dont la retenue seroit faite sur son

traitement258

.

Sous le régime des trois municipalités instauré par le Directoire, l’organisation du

travail des édiles les oblige à une présence plus constante, quasi-permanente. Les

six ou sept membres de chacune des administrations ont à connaître de l’ensemble

des questions du ressort de l’administration locale. Davantage sans doute que durant

les années précédentes, l’appui des bureaux spécialisés 259 s’avère précieux et

l’activité de l’administration municipale devient tout d’exécution.

La mise en place d’un conseil municipal de trente membres sous le Consulat

permet aux édiles d’organiser leur travail selon des modalités que l’on voit perdurer

sous l’Empire et au-delà.

3.1.2.1. Le maire et ses indispensables adjoints

La gestion quotidienne des affaires municipales est assurée par le maire aidé de

ses adjoints. Le maire n’est évidemment pas en mesure de garder la haute main sur

toutes les affaires municipales d’une ville de l’importance de Lyon compte tenu de

l’étendue de ses missions. La tâche, même d’exécution, est immense260. Le premier

maire nommé par Napoléon, Fay de Sathonay, exerce sa fonction de septembre

1805 à août 1812, son deuxième mandat étant interrompu par la maladie et son

décès brutal. Sur la période, se tiennent un peu moins de deux cents séances du

conseil municipal : il en préside cent dix-sept après avoir été installé le 1er

vendémiaire an XIV (23 septembre 1805). Dans le même temps, près de six cent

quarante arrêtés ou avis sont pris ou formulés en son nom sur les sujets les plus

variés 261 . On devine aisément la somme des obligations afférentes. Contraint

258

AML, 1217 WP 004. La mesure ne concerne pas les notables qui ne sont pas, eux, rémunérés. Notons qu’un

peu après Thermidor, les officiers municipaux eux-mêmes cessent d’être rémunérés. Seuls restent indemnisés le

maire et le procureur de la commune ainsi que son substitut. 259

Voir p.105-109. 260

Gérard Thermeau estime que le maire de Saint-Étienne de 1813 à 1815 consacre quotidiennement dix à douze

heures à sa fonction : THERMEAU, Gérard, À l’aube de la Révolution industrielle, Saint-Étienne et son

agglomération (1800-1815), Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2002, p. 185. 261

AML, 686 WP 015-017, Actes de l’administration municipale, arrêtés du Maire (1er

vendémiaire an XIV –

1820).

85

d’entretenir une correspondance officielle régulière et fournie262, de représenter la

municipalité lors de nombreux déplacements à Paris et en d’autres occurrences plus

locales, amené à rencontrer régulièrement ses concitoyens et ses collaborateurs à la

mairie, le maire de Lyon ne peut mener à bien sa mission sans l’appui de ses

adjoints.

Pas plus sous l’Empire que précédemment les adjoints n’ont de pouvoir propre.

Ils n’exercent des pouvoirs que par délégation du maire. Ce sont eux qui, le cas

échéant, remplacent le maire en diverses occasions. Un ou plusieurs adjoints

peuvent être envoyés en députation auprès de certaines institutions voire de

l’empereur lui-même. Un des adjoints préside le conseil municipal en son absence. À

Lyon, sous le Premier Empire, l’assiduité du maire aux séances du conseil municipal

est irrégulière mais il est tout de même assez présent durant ses cinq premières

années d’exercice bien qu’il a effectué moins de la moitié des présidences en 1808.

Cependant, les années 1810 à 1812 sont marquées par un absentéisme

sensiblement accru : le maire de la ville semble accaparé par davantage

d’obligations extérieures et perdre un peu de son influence, diminué qu’il est

notamment par d’importants problèmes de santé. La plupart du temps, alors, le

premier adjoint préside à sa place le conseil. Rares sont les cas où un autre adjoint

joue ce rôle ; plus rares encore sont les séances présidées par un simple conseiller

municipal c’est-à-dire celles pour lesquelles aucun des six adjoints n’a pu se rendre

disponible (tableau n°5).

En fait, dès la mise en place de la mairie unique, les adjoints apparaissent tout à

fait indispensables à son bon fonctionnement. Or, plus le temps passe et plus la

bureaucratie municipale se développe, plus les tâches qui leur sont confiées

augmentent et plus leur influence grandit.

La pratique de la délégation de pouvoir du maire vers ses adjoints

s’institutionnalise sous le deuxième mandat de Fay de Sathonay, c'est-à-dire à partir

de 1808 (tableau n°6). Cela s’explique en particulier par l’accroissement des

262

Lors de la première année d’exercice de la mairie unique, du 23 septembre 1805 au 23 septembre 1806, on a

trace de 1 449 courriers reçus et traités par les services municipaux : AML, 1401 WP 015, Actes de

l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux (1er

vendémiaire an XIV –

19 novembre 1806). La masse de lettres va ensuite croissant. Près de 2 000 sont reçues et traitées au cours de

l’année 1807 : AML, 1401 WP 016 (19 novembre 1806 – 31 décembre 1807).

86

obligations dévolues aux communes. Par exemple, quatre décrets impériaux ont pour

effet d’augmenter considérablement la charge de la municipalité en matière

d’administration des infrastructures militaires d’avril 1810 à septembre 1811263.

Tableau n°5

Nombre et présidence des séances du conseil municipal de Lyon

du 23 septembre 1805 au 6 juillet 1815

Année

Nombre de

séances

Présidents de séance264

Maire

Adjoints

Conseillers

1805 3 2

1806 33 25 8

1807 26 25 1

1808 17 16 1

1809 19 17 1 1

1810 31 11 20

1811 40 10 26 4

1812 32 11 18 3

1813 24 15 8 1

1814 30 23 4 3

1815 11 9 265 1 1

263

Il s’agit des décrets du 23 avril et du 30 juillet 1810 et de ceux du 16 et du 18 septembre 1811. Le premier

donne la propriété des bâtiments militaires aux villes, à charge pour elles de les entretenir… 264

Sur la période, les individus qui assurent les suppléances sont : en 1806, Sain-Rousset (7), Charrier de

Senneville (1) ; en 1807, Regny (1) ; en 1808, Charrier de Senneville (1) ; en 1809, Charrier de Senneville (1) et

Arlès, conseiller municipal le plus âgé présent en séance (1) ; en 1810, Sain-Rousset (10), Charrier de Senneville

(9) et Champanhet (1) ; en 1811, Sain-Rousset (25) et Charrier de Senneville (1) mais aussi le conseiller d’Assier

de la Chassagne (4) ; en 1812, Sain-Rousset (16) et Charrier (2) et les deux conseillers Vouty de la Tour (2) et

Laurencin (1) ; en 1813, 1814 et 1815, Sain-Rousset (8, 4 et 1) et le conseiller Dujast d’Ambérieux (1, 3 et 1). 265

De Fargues préside 5 séances sous les Cent-jours, Jars, 4.

87

Tableau n°6

Les délégations de pouvoir du maire aux adjoints de 1808 à 1812

d’après les arrêtés du maire266

Septembre 1808 – avril 1810 1808 Arrêté du 5 septembre 1808

Sain-Rousset

Bernard-Charpieux

Charrier de Senneville

Pernon (décédé en décembre 1808),

Charrasson

Champanhet

réception, prononcé, signature, et expédition des actes de l’état civil + délivrance des certificats de vie, de résidence, d’origine des marchandises françaises de notoriété et tous autres + travail relatif à la conscription, la réception des enrôlements volontaires, répartition des contributions directes, le prononcé sur les réclamations et généralement tout le travail relatif aux impositions qui doit être fait avec ou sans l’assistance des commissaires répartiteurs (délégation tournante)

Dervieux

1809 Arrêté du 24 février 1809

Sain-Rousset

Bernard-Charpieux

Charrier de Senneville

Charrasson réception, prononcé, signature, et expédition des actes de l’état civil + délivrance des certificats de vie, de résidence, d’origine des marchandises françaises de notoriété et tous autres + travail relatif à la conscription, la réception des enrôlements volontaires, répartition des contributions directes, le prononcé sur les réclamations et généralement tout le travail relatif aux impositions qui doit être fait avec ou sans l’assistance des commissaires répartiteurs

Champanhet

Dervieux

266

AML 686 WP 015-017. La recension ainsi effectuée reste partielle comme on s’en aperçoit lorsqu’on entre

dans le détail de la politique conduite par la municipalité sur la période.

88

Avril 1810 – mars 1813

1811 Arrêté du 29 mai 1811

Sain-Rousset direction et surveillance de la bibliothèque

Bernard-Charpieux

direction et surveillance des petites écoles

Charrier de Senneville

direction et surveillance du conservatoire des arts, de l’école spéciale de dessin, des cours de physique et de chimie

police des deux théâtres (délégation tournante du 1

er juin 11 au 30 juin 12)

Champanhet direction et surveillance du jardin des plantes et du cours de botanique

Cazenove direction et surveillance de la régie municipale de l’octroi

Mémo (13 juillet 1810-11 mars 1811), De

Laurencin

direction et surveillance de l’administration des prisons

Février 1812 Arrêté du 14 février 1812 Arrêté du 20 février 1812

Sain-Rousset

Bernard-Charpieux

Charrier de Senneville

différentes opérations touchant à entretien, travaux de conservation, maintenance des bâtiments militaires ainsi que des mesures concernant le logement des troupes stationnées faisant partie de la garnison ou des employés militaires ayant droit au logement.

état civil + délivrance des certificats d’origine pour les marchandises, délivrance des mandats de paiement pour militaires en retraite ou en réforme, visa des actes judiciaires, déclarations de transfert de domicile, actes de moralité, de notoriété, réception à l’hospice de la Charité des enfants abandonnés + présidence de la commission des répartiteurs pour la formation des matrices des rôles des contributions, visa des registres des 3 receveurs des contributions directes de la ville + formation des listes relatives à la conscription, délivrance des certificats de toute nature s’y rapportant, « généralement toutes les opérations auxquelles le maire en matière de conscription est appelé à concourir soit antérieurement soit postérieurement à la levée de chaque classe » (délégation tournante)

Champanhet surveillance et à la vérification de la caisse et de la comptabilité du receveur de la ville (délégation tournante)

Cazenove

De Laurencin

89

Mai – juin 1812

Arrêté du 15 mai 1812

Sain-Rousset état civil, certificats de vie ou de résidence, d’origine des marchandises, délivrance des mandats de paiement pour militaires en retraite ou en réforme, visa des actes judiciaires, déclarations de transfert de domicile, actes de moralité, de notoriété (délégation tournante)

membre du conseil de la Fabrique des églises d’Ainay, Saint-Georges et Saint-Just

Bernard-Charpieux

Charrier de Senneville

inspection, surveillance caserne et bâtiments militaires, assiette du logement des troupes, reconnaissance des lits militaires (15 mai-31 octobre)

Champanhet présidence du Conseil d’administration du Jardin des Plantes, surveillance du cours de botanique, membre du conseill de la Fabrique des églises de Saint-Polycarpe, Saint-Louis et Saint-Paul.

Cazenove contrôle de l’octroi (15 mai-31 déc)

De Laurencin tenue de l’audience de police + exécution des lois, règlements et ordonnances de police + présidence du comité des soupes économiques + administration de la police des prisons (celle-là :15 mai-31 oct)

Parfois, la compétence de l’adjoint est à ce point admise qu’il peut développer

ses propres réflexions. En 1811, André-Paul Sain-Rousset fait part dans une lettre

adressée au préfet de sa vision de la police municipale en ces termes :

La police est à mes yeux une magistrature paternelle et protectrice ; et ce n’est qu’entre les

mains du magistrat de la cité qu’elle peut avoir ce caractère267

.

Bien entendu, Sain-Rousset se fait certainement ici l’écho de convictions qu’il

partage avec le maire Fay de Sathonay dont il s’attache à défendre les prérogatives

mais qu’il puisse exprimer sa position d’une manière si personnelle est significatif de

l’importance qu’on lui reconnaît.

Il arrive encore que le préfet s’adresse dans le cadre de leur délégation de

pouvoir directement aux adjoints pour leur confier certaines tâches sans que le

premier magistrat de la ville soit consulté. En dépouillant les courriers échangés

entre la mairie et la préfecture sur la question de la légion d’honneur et de ses

membres, on s’aperçoit par exemple que l’adjoint, en l’occurrence Henri-Quirin

267

ADR, 4 M 1, Organisation de la police du département. Lettre en date du 13 juin 1811. Nous soulignons.

90

Cazenove, répond aux demandes de renseignements du préfet sans avoir à en

informer le maire268.

La réalité d’une délégation de pouvoir du maire vers ses adjoints est très variable

comme le montre le tableau n°6. En outre, on s’aperçoit que les fonctions déléguées

à un adjoint peuvent être d’une extrême diversité. L’adjoint du maire n’a pas toujours

une mission limitée à un champ de compétences très homogène comme cela est le

cas pour l’adjoint chargé des questions de police sous d’Albon269.

Une dernière pratique est à signaler : la délégation exceptionnelle. Il s’agit pour

le maire de désigner un de ses adjoints en vue d’effectuer une mission ponctuelle,

normalement dévolue au maire. Ainsi, par exemple, Fay de Sathonay décide-t-il par

un arrêté du 12 décembre 1811 de faire appel à Charrier de Senneville « pour

assister, conformément aux dispositions prescrites par le gouvernement, au Procès-

verbal qui sera dressé pour constater les objets renfermée dans une dépêche volée

dans la malle du courrier le 24 novembre dernier »270.

On constate que la charge dévolue aux adjoints est souvent lourde et exige de

ces bénévoles une vraie compétence technique en même temps qu’une disponibilité

considérable.

Recevant du maire de larges délégations de pouvoir, notamment dans les

domaines de la police et des finances, les adjoints constituent avec lui une sorte de

noyau exécutif. D’ailleurs, en cas d’absence ou d’indisponibilité du maire, les adjoints

sont amenés à le suppléer lors de ses audiences publiques271. Cet état de fait

caractérise déjà la période des trois mairies. C’est peut-être ce qui explique que si

les trois anciens maires sont conservés auprès de Fay de Sathonay en 1805, aucun

de leurs adjoints ne les suit. L’autorité centrale a sans doute évité ainsi que le poids

des anciennes équipes exécutives ne soit trop ressenti par le nouveau maire unique.

En tous cas, la même observation peut être faite pour Bordeaux et Marseille272.

268

ADR, 1 M 147, Légions d’honneur, notices individuelles, titulaires. 269

AML, 686 WP 018, Arrêtés de police, 1813-1818. Il s’agit de Charrier de Senneville. 270

AML, 686 WP 016. Arrêté du 12 décembre 1811. 271

AML, 686 WP 015. Arrêté du 15 mai 1812. 272

COSTE, Laurent, Le Maire et l’Empereur…, op.cit., p.42.

91

En 1811, l’année durant laquelle le maire de Lyon est le plus absent, c’est le

premier adjoint lui-même, Sain-Rousset, nouveau baron de Vauxonne, qui signe un

arrêté en date du 29 mai augmentant le domaine des compétences déléguées à

chacun des six adjoints, dont lui-même, « considérant que dans une ville aussi

considérable que Lyon, les opérations de l’administration municipale sont

excessivement multipliées et que, quel que soit le zèle de l’administrateur, il est

difficile qu’il puisse subvenir à l’inspection quotidienne de tous les détails »273.

Néanmoins, chaque délégation, si étendue soit-elle, n’est jamais qu’une

délégation. Le maire se réserve toujours la possibilité de se substituer à son adjoint.

Le maire est bien le maître de l’administration municipale : dans le cas des

délégations de pouvoir de Charrasson, par exemple, Fay de Sathonay prévoit

d’exercer lui-même ces pouvoirs « toutes les fois que nous le trouverons

convenable »274.

Quelles que soient les circonstances, le maire reste donc l’agent exécutif de la

municipalité, celui dont toute décision procède. En aucun cas un adjoint ne peut se

substituer entièrement au maire. En aucun cas le maire ne peut s’effacer derrière un

adjoint. Alors que Fay de Sathonay est gravement malade, au début de l’été 1812, il

ne se sent plus en mesure d’assumer sa responsabilité de maire de Lyon. Il décide

donc de confier l’ensemble de ses fonctions qui ne font pas encore l’objet d’une

délégation à un adjoint, de Laurencin275. Or, le préfet refuse d’avaliser le principe

d’une délégation si étendue qu’elle devient totale. Trois jours seulement après son

premier arrêté, le maire est contraint de réduire sa délégation à de Laurencin. Il

conserve les prérogatives qui s’avèrent ainsi être au cœur du pouvoir du maire :

l’ouverture de la correspondance, l’ordonnancement des dépenses municipales, la

direction et la surveillance des établissements communaux276.

3.1.2.2. Les délégations de pouvoir : un enjeu important

Il faut se garder d’avoir de l’exécutif municipal une vision trop harmonieuse. En

effet, il arrive que les délégations de pouvoir posent problème. Parfois les adjoints

273

AML, 686 WP 016. Arrêté du 29 mai 1811. 274

AML, 686 WP 015. Arrêté du 24 février 1809. 275

AML, 686 WP 016. Arrêté du 27 juin 1812. La délégation est prévue pour prendre effet le 5 juillet. 276

Ibid. Arrêté du 30 juin 1812.

92

négligent leur fonction. Il faut alors toute l’énergie du maire pour rendre effective la

vaste délégation de pouvoirs dont il les dote. Lors de la séance inaugurale du conseil

municipal du 2 mai 1808, le maire, à propos de ses adjoints, regrette :

La démission du premier, les absences habituelles du second, les affaires personnelles du

troisième et son éloignement prolongé de cette ville, enfin l’état de maladie et de souffrance

du quatrième m’ont privé presque totalement de leur concours277

.

En effet, l’ancien maire du Nord, Parent, a rapidement quitté des fonctions qu’il a

semble-t-il vécues comme un déclassement278. Ses anciens collègues, Sain-Rousset

et Bernard-Charpieux, s’ils ne démissionnent pas, sont peu impliqués, boudant le

nouveau maire et préférant à celle de la municipalité la gestion de leurs affaires,

celles du second périclitant. Camille Pernon, lui, décède au mois de décembre

suivant.

Les rapports du préfet ne se font jamais l’écho de tels manquements, notamment

concernant des personnalités aussi éminentes que Sain-Rousset ou Bernard-

Charpieux. Sans doute est-il difficile de renvoyer au pouvoir central une image aussi

crue de la vie politique municipale lyonnaise. Intervenant dans ce contexte

unanimiste, la déclaration du maire revêt une saveur toute particulière et traduit sans

aucun doute un dysfonctionnement très important. Seul l’adjoint Charrier de

Senneville reçoit-il alors les félicitations du maire pour le travail effectué,

essentiellement alors dans le domaine de l’instruction publique.

Le caractère récurrent de telles défections amène le maire à chercher à s’en

prémunir en anticipant de semblables situations. Ainsi, en décembre 1811, alors que

des troubles se produisent au Grand théâtre et que l’adjoint en charge de la

délégation de la police des spectacles Champanhet doit normalement accompagner

le commissaire de police Janin pour en faire le constat, le maire évoque par avance

sa possible absence et prend un arrêté déléguant un autre adjoint, de Laurencin,

pour le cas échéant279.

277

AML, 1217 WP 031. Séance du 2 mai 1808. Ces nombreuses défections amènent le maire à nommer

temporairement un conseiller, Arlès, pour faire fonction d’adjoint. Pour autant, Arlès ne cesse pas de participer

aux séances du conseil (séance du 5 mai). 278

Dès le mois de brumaire an XIV, Parent informe le maire qu’il sera parfois dans l’impossibilité de signer les

actes qui se passent à la mairie. AML, 1401 WP 015 (239). 279

AML, 686 WP 016. Arrêtés des 3 et 12 décembre 1811.

93

Par ailleurs, le maire redoute parfois de voir certains de ses adjoints acquérir un

poids excessif au point de menacer son prestige et son autorité tant auprès de la

population et des institutions locales que de l’autorité centrale. C’est ce qui conduit,

dès 1807, le ministre de l’Intérieur Crétet à préciser que « les délégations doivent

être spéciales, temporaires, limitées et révocables à volonté » et qu’en

conséquence :

Il ne peut y avoir dans une ville, comme le maire de Lyon semble le craindre, autant de maires

que d’adjoints chargés de diverses parties de l’administration municipale et qu’il n’y a au

contraire qu’un maire d’après les instructions et l’autorisation duquel ces mêmes adjoints

agissent280

.

Dans le contexte particulier de la succession de Fay de Sathonay, le comte

d’Albon se voit en la matière rassuré par le ministre Montalivet. Alors qu’il se plaint

du « mauvais esprit » au sein du conseil municipal et dit redouter de ne pouvoir

travailler avec ses éventuels futurs adjoints, le ministre lui rappelle qu’il sera en

mesure de déléguer seulement les compétences qu’il désirera et gardera ainsi bien

la main sur eux281.

À l’inverse les adjoints ayant à faire face à des obligations de plus en plus

lourdes réclament sinon une plus grande reconnaissance du moins une plus grande

autonomie dans l’exécution de leur tâche. A partir du printemps 1811, le rythme des

délégations de pouvoir du maire vers ses six adjoints s’accélère considérablement.

Certains rechignent alors à voir s’alourdir leur charge. Ainsi, comme on l’a vu, de

Champanhet en matière de police des théâtres en décembre 1811, amenant le maire

à faire appel à un autre adjoint, de Laurencin. Au début de l’année 1812, trois

adjoints refusent de remplir les tâches leur incombant au titre de nouvelles

délégations282. Il faut dire que l’accumulation des missions a de quoi effrayer les plus

volontaires d’entre les édiles. Cazenove, Champanhet et Charrier de Senneville ont

en effet à assurer la tenue de l’état civil, tâche particulièrement contraignante du fait

de la disponibilité qu’elle exige. Mais à cette délégation s’ajoute, comme le montre le

280

Ibid. Lettre du ministre de l’Intérieur au préfet du Rhône en date du 22 octobre 1807, citée dans l’arrêté

municipal du 15 mai 1812. 281

ADR, 8 J 2. Courrier de Montalivet à Bondy en date du 30 mars. 282

On l’apprend à la lecture des arrêtés municipaux sur la période, en particulier : AML, 686 WP 016. Arrêté du

20 février 1812

94

tableau n°6, toute une série de missions aussi ingrates : la délivrance des certificats

d’origine pour les marchandises, celle des mandats de paiement pour les militaires

en retraite ou en réforme, le visa des actes judiciaires, les déclarations de transfert

de domicile, les actes de moralité et de notoriété mais aussi la présidence de la

commission des répartiteurs pour la formation des matrices des rôles des

contributions et le contrôle des registres des trois receveurs des contributions

directes de la ville, la formation des listes relatives à la conscription et

« généralement toutes les opérations auxquelles le maire en matière de conscription

est appelé à concourir soit antérieurement soit postérieurement à la levée de chaque

classe » sans oublier la réception à l’hospice de la Charité des enfants

abandonnés…

Si les trois adjoints sont libres d’organiser entre eux le travail comme ils

l’entendent, on comprend aisément qu’ils trouvent ingrate et difficile la tâche. Or, en

l’espèce, leur grief porte, plutôt que sur l’étendue de leurs fonctions, sur l’intervention

continue du maire et le manque d’autonomie dont ils disposent dans l’exécution de

leur mission. Ils considèrent que l’intervention du maire dans leur action nuit à

l’efficacité d’icelle. Face à une situation dont se plaint le maire et qui risque de

conduire au blocage de l’administration municipale toute entière, le ministre de

l’Intérieur Montalivet est amené à intervenir. Or, le ministre ne tranche pas

franchement entre le maire et les adjoints. Il rappelle le principe-clé de l’unité du

pouvoir exécutif qui garantit la prépondérance du maire sur ses adjoints tout en

soulignant la nécessité de ne pas saper l’autorité de l’adjoint à qui incombe la

responsabilité d’une action conduite par délégation :

M. le Maire et MM les adjoints ont sur cette question des idées qui ne sont ni tout à fait

conformes ni tout à fait contraires aux principes (…) une délégation doit être entière quant à

l’autorité qui porte exécution. Mais comme il n’y a qu’un administrateur de la commune qui est

le Maire, tout doit être adressé au Maire, sauf à lui à renvoyer à chaque adjoint l’objet qui le

concerne comme délégué. D’un autre côté, il est certain que si le maire s’immisçait dans

l’expédition des affaires déléguées, il y jetterait de la confusion et atténuerait la responsabilité

du délégué283

.

283

Ibid. Lettre du ministre de l’Intérieur au préfet du Rhône en date du 30 avril 1812, citée dans l’arrêté

municipal du 15 mai 1812 qui reprend également les termes d’un courrier semblable de Crétet du 22 octobre

1807.

95

En outre, le ministre met en garde le maire contre la tentation qu’il pourrait avoir

de morceler à l’extrême les délégations afin de partager un domaine de compétences

entre plusieurs adjoints et de réduire ainsi l’influence de chacun. Il n’est « pas permis

de déléguer une même nature d’affaires à plusieurs adjoints concurremment.

Chaque délégation doit être individuelle et spéciale »284. L’autorité centrale a donc

dû à plusieurs reprises intervenir dans les relations internes à l’équipe exécutive

municipale afin de les équilibrer et de permettre à l’institution de la mairie unique de

fonctionner.

Signalons que, malgré l’intervention du ministre et son souci de promouvoir une

solution stable, les difficultés continuent. Alors que Charrier de Senneville prévient le

maire qu’il ne pourra assurer la tenue de l’état civil et que Fay de Sathonay nomme

Champanhet pour pallier cette défaillance, ce dernier refuse purement et simplement

la délégation prévue pour durer huit jours, forçant le maire à désigner un troisième

adjoint, Cazenove285.

Pour alléger le travail de chacun de ses six adjoints, et sans doute là encore pour

limiter leur influence, le maire use souvent de délégations tournantes : ces

délégations de pouvoir sont prises en charge à tour de rôle pour un trimestre en

général (un mois pour la tenue de l’état civil) par chaque adjoint. La délégation des

pouvoirs de police des théâtres est ainsi exercée à tour de rôle par Cazenove,

Champanhet et de Laurencin à partir du mois de juin 1811 aux termes de l’arrêté du

29 mai de cette année286.

Lorsqu’on étudie les nombreux documents qui précisent l’étendue des

délégations de pouvoir dont bénéficient les adjoints du maire, on s’aperçoit que des

changements assez notables sont visibles en ce domaine entre les différents maires.

En effet, alors que la pratique de la délégation de pouvoir du maire vers ses

adjoints s’institutionnalise sous le deuxième mandat de Fay de Sathonay, c'est-à-dire

à partir de 1808 et jusqu’à l’été 1812, on constate que d’Albon cherche ensuite, sans

rompre avec une pratique indispensable à la bonne exécution de l’autorité

municipale, à « reprendre la main » en bornant très précisément les compétences

284

Ibid. 285

Ibid. Arrêtés des 19 et 21 juin 1811. 286

Ibid. Arrêté du 29 mai 1811.

96

déléguées et en réinvestissant certains des domaines négligés par son

prédécesseur, du fait notamment de ses problèmes de santé.

L’arrêté du comte d’Albon en date du 19 mai 1813 287 est à cet égard très

significatif. Le texte commence par énumérer les charges déléguées. Sans surprise,

une délégation tournante est organisée en ce qui concerne les tâches très

contraignantes liées à la tenue de l’état civil et à la délivrance ou à la vérification des

différents certificats afférents aux personnes comme aux marchandises. Cependant,

le maire prévoit d’effectuer comme ses adjoints cette tâche durant un mois – celui de

décembre en l’espèce – d’ici la fin de l’année 1813. Il y voit sans doute le moyen de

se familiariser avec les rouages bureaucratiques et, partant, de ne pas laisser

échapper cet instrument du pouvoir. Par ailleurs, il choisit de partager certaines

délégations entre quelques adjoints mais le fait, habilement, sur la base d’un

découpage géographique. De cette manière, l’autorité est partagée sans l’être. Les

adjoints voient leur influence limitée sans que le maire soit cette fois obligé de faire

preuve d’ingérence. Ainsi, l’exercice de la voirie, les mesures d’urbanisme (y compris

la passation des marchés) et l’entretien des bâtiments communaux sont-ils confiés à

Sain-Rousset et de Laurencin pour la division du Midi, à Champanhet et Riverieulx

de Varax pour la division Nord et à Cazenove pour celle de l’Ouest. Le seul adjoint

qui dispose d’une délégation importante en mesure de lui attribuer une influence

gênante pour le maire est Charrier de Senneville qui a la haute main sur la police

municipale. Or, cela sera expliqué plus tard, il s’agit du principal allié de d’Albon au

sein de la municipalité. Les délégations confiées par ailleurs à de Laurencin, la

présidence de l’administration des prisons, et à Cazenove, la présidence de la

commission de formation des matrices de rôles en contributions, sont de nature bien

moins politique et bien moins stratégique. La volonté du nouveau maire de contrôler

étroitement ses adjoints et de conserver sur eux la prépondérance que lui confère la

loi est évidente. Elle l’est encore davantage lorsque d’Albon prend la précaution de

rappeler les charges qui restent entièrement de son ressort. Elles sont nombreuses

et garantissent au maire l’essentiel de l’influence politique locale. Il s’agit de la

correspondance générale, de l’administration de l’octroi, de la mise en ferme des

revenus communaux, de la délivrance des mandats de paiement, mais aussi des

affaires relatives au commerce, aux fabriques et aux manufactures, à l’instruction

287

Ibid. Arrêté du 19 mai 1813.

97

publique, au conservatoire des arts, au musée et à l’école de dessin, et enfin de la

présidence des hôpitaux et des bureaux de bienfaisance comme de celle du jury des

écoles primaires, du mont de piété et des autres établissements communaux.

L’obligation dans laquelle Fay de Sathonay s’était trouvé de devoir conserver ces

dernières prérogatives malgré sa maladie onze mois plus tôt révélait déjà que là,

notamment, se trouvait le fondement de l’autorité du maire sur l’ensemble de la

municipalité.

3.1.2.3. Le travail des conseillers municipaux

La première obligation qui incombe au conseiller municipal est d’assister aux

séances du conseil afin de participer aux discussions et de se prononcer sur les

délibérations qui sont de son ressort. Ces séances sont nombreuses. En tous cas,

leur nombre excède largement celui prévu selon les sessions annuelles ordinaires :

du 23 septembre 1805 au 6 juillet 1815, le conseil municipal de Lyon s’est assemblé

à 266 reprises. L’ordre du jour est étroitement contrôlé par le préfet lors des séances

de la session ordinaire. Celui des séances extraordinaires est strictement limité à

l’objet nécessitant sa convocation. Ces règles sont la matière d’une très ferme mise

au point du ministre de l’Intérieur dès l’an IX288. Néanmoins, la plupart des dossiers

qui font l’objet de délibérations de la part du conseil municipal sont préparés et

présentés à l’assemblée par un ensemble de conseillers regroupés en commissions.

Sur la période, le recours aux commissions est systématique. Les commissions sont

créées, sous l’Empire, au rythme de 0,63 commission par séance en moyenne mais

ce chiffre recouvre une réalité très fluctuante (tableau n°7) dont on ne peut pas

toujours aisément expliquer les variations. Seule l’inflation visible en 1812 s’explique

sans doute essentiellement par la défaillance du maire Fay de Sathonay à laquelle le

conseil remédie en nommant de nombreuses commissions dans l’urgence, pour

traiter de dossiers extrêmement variés. Ainsi, lors de la seule séance du 1er mai 1812

qui marque le début de la session annuelle ordinaire, ce sont quatorze commissions

spéciales qui sont instituées289. Aux yeux des édiles le recours aux commissions

288

AN, F 1c

III Rhône 5, Comptes-rendus administratifs. Correspondance entre le ministre de l’Intérieur et le

préfet du Rhône (thermidor an IX – août 1801). 289

AML, 1217 WP 034 (1er

juillet 1811 – 19 juin 1812).

98

constitue probablement le moyen le plus efficace de mener un travail de fond d’aide

à la prise de décision. Quelques commissions ont tendance à s’institutionnaliser

compte tenu de la récurrence des questions et de leur technicité. Chaque année une

commission du budget est formée en début de session ordinaire. Au-delà de la

préparation du budget proprement dit, elle est destinée à prendre en charge tout au

long de l’année la plupart des dossiers ayant trait aux recettes et, surtout, aux

dépenses de la ville. Elle est, de très loin, la commission la plus sollicitée. De la

même manière, sous l’Empire, l’examen des comptes du receveur et la

réglementation de l’octroi sont suivis par des commissions durablement constituées.

On voit enfin apparaître une commission dite des travaux publics à partir de 1811

dont l’importance croît considérablement au cours des dernières années du régime.

Les autres commissions ne sont pas permanentes et leur constitution peut

parfois apparaître empirique, fonction de l’assistance aux séances, du degré

d’implication de chacun des conseillers présents et de l’ordre du jour. Régulièrement,

des remplacements sont effectués ou des renforts attribués en cours de session au

sein de commissions amoindries par la défection d’un des membres ou chargées de

dossiers trop nombreux. Parfois, des suppléants sont prévus au moment même où la

composition de la commission est décidée. Les conseillers sont généralement

désignés par scrutin mais peuvent l’être par simple décision du maire. Aucun cas de

refus n’est apparu à la lecture des sources. Au total, ce sont quarante-six des

soixante et onze conseillers municipaux nommés par l’empereur qui ont fait partie

d’au moins une des cent quarante-trois commissions recensées, le très actif d’Assier

de la Chassagne ayant contribué au travail de cinquante-deux d’entre elles.

99

Tableau n°7

Les commissions désignées en séance du conseil municipal

sous le Premier Empire, du 23 septembre 1805 au 6 juillet 1815

Objet principal des

commissions

1805

1806

1807

1808

1809

1810

1811

1812

1813

1815

Total

Affaires financières (budget, examen des comptes…)

2

3

3

4

3

5

1

3

2

26

Octroi, droits et contributions

3

3

1

5

4

1

2

1

20

Urbanisme, voirie et travaux publics

3

4

1

1

6

3

3

1

22

Réclamations et pétitions

1

4

1

2

4

3

6

2

2

25

Assistance (dont hospices)

2

1

1

3

1

8

Subsistances

1

1

1

3

Autres

5

1

2

3

7

18

2

1

39

TOTAL

3

20

12

8

13

25

17

31

9

5

143

MOYENNE par séance

1

0.60

0.46

0.47

0.68

0.80

0.42

0.96

0.37

1.25

0.63

100

Tableau n°8

La participation des conseillers municipaux aux commissions

sous le Premier Empire, du 23 septembre 1805 au 6 juillet 1815

Conseillers municipaux

Nombre de

commissions

Période

ARLÈS 13 1805-1815

ARTHAUD 10 1805-1814

ASSIER 52 1805-1814

AYNARD 11 1805-1815

BERNAT 21 1812-1815

BODIN 9 1811-1813

BOULARD 40 1805-1815

CHAMPANHET 6 1805-1808

CHARRASSON 32 1805-1815

CHARRIER 2 1805-1814

CHATILLON 5 1808-1815

CHIRAT 21 1805-1811

COCHARD 1 1815

DERVIEUX 6 1805-1808

DESPREZ 25 1805-1813

DEVILLAS 36 1805-1812

DUJAST 5 1805-1814

ÉVESQUE 2 1815

FALSAN 7 1811-1815

FRÈREJEAN 11 1808-1815

GIRAUD 7 1813-1815

GRAILHE 43 1805-1815

GUERRE 24 1811-1814

HERVIER 4 1805-1812

LA ROUE 10 1805-1813

LEBOEUF 1 1815

LECLERC 10 1805-1810

LORIN 2 1815

MASSON-MONGÈS 21 1811-1814

MAYEUVRE 29 1805-1812

MIDEY 1 1815

MORAND 30 1808-1813

MOREL 5 1805-1815

MOTTET 1 1815

NIVIÈRE 1 1815

PETIT 6 1805-1810

RAMBAUD 6 1811-1813

RÉGNY père 3 1815

REYNE-FITTLER 1 1815

RIVERIEULX 5 1805-1813

ROSIER 20 1805-1812

RUOLZ 13 1811-1815

SAULNIER 1 1815

SÉRIZIAT 11 1808-1815

SERVAN 3 1815

VOUTY 11 1811-1815

101

Il est difficile d’appréhender avec exactitude ce que fut la réalité de l’organisation

du travail interne à ces commissions. Il semble que les commissaires se réunissent

parfois sous la présidence du maire, voire d’un adjoint mais que, la plupart du temps,

ils travaillent isolément, à partir de documents officiels, d’archives mais aussi de

rencontres avec les parties aux affaires traitées. Chaque commission bénéficie d’un

temps variable avant de devoir rapporter en séance. Si certaines sont créées pour

rendre compte le jour même, toutes les commissions ne se voient pas fixer un délai

impératif ni même indicatif pour encadrer leur travail. Le délai moyen de remise de

leur rapport par les commissions créées lors des séances du conseil municipal, du

23 septembre 1805 au 6 juillet 1815, est d’un peu plus de deux séances. Mais cette

moyenne recouvre des situations très variables. Certaines, elles sont rares, échouent

complètement à traiter un dossier et le conseil procède à leur suppression puis à leur

remplacement. Ainsi d’une commission créée à la fin de l’année 1807 pour étudier la

question de la démolition du grand jubé de l’église Saint Just. Relancée en janvier

1808, elle avoue finalement son incapacité à se réunir efficacement pour être

dissoute puis remplacée en mai 1808290. Il est des circonstances, peu nombreuses

au demeurant, où les commissions sont dotées de pouvoirs exécutifs. À la demande

de Charrier de Senneville, la commission chargée d’envisager la question de

l’acquisition par la commune des bâtiments de l’Antiquaille est autorisée à négocier

avec le responsable de l’institution, à charge pour deux experts, désignés l’un par le

préfet l’autre par le conseil municipal lui-même, de vérifier la régularité de l’accord

conclu291.

L’activité des conseillers nécessite l’emploi de compétences tout à fait

importantes. On constate que certains conseillers municipaux se spécialisent dans

certains domaines et s’investissent beaucoup dans des tâches somme toute assez

obscures. Cela accrédite l’idée selon laquelle nombre de conseillers ou d’adjoints se

signalent par leur dévouement à l’administration de la ville. Les délibérations du

conseil peuvent être considérées comme celles d’experts. Les exemples abondent

de conseillers que les compétences rendent indispensables au traitement d’un

certain nombre de questions techniques. Ainsi de Grailhe de Montaima, fils du ci-

devant conseiller du roi receveur des consignations du pays et comté de Forez, ou

290

AML, 1217 WP 031. Séances des 5 janvier et 6 mai 1808. 291

AML, 1217 WP 030. Séance du 15 mars 1806.

102

encore du négociant Chirat qui sont de la plupart des commissions ayant trait aux

questions financières lorsqu’ils assistent aux séances qui les désignent. Chirat

présente à ses collègues le projet de budget en 1806 et 1808292 ; Grailhe en 1809293.

Ce dernier s’associe régulièrement à d’Assier de la Chassagne et Boulard de

Gatellier pour envisager les questions d’urbanisme : les trois hommes composent

deux commissions sur le sujet lors d’une même séance, en mars 1810294. On voit en

outre un certain nombre de conseillers prendre tout à fait à cœur leur rôle en

fournissant des rapports très conséquents sur les sujets auxquels ils s’intéressent en

priorité. Lors de la séance du 5 mai 1809, l’académicien Marc-Antoine Petit fait un

rapport vibrant sur la forme que pourrait prendre la restauration de la fête municipale

dite de Saint-Thomas ayant pour fonction de célébrer la ville et sa municipalité au

travers en particulier d’un concours d’éloquence295. Le recours à des conseillers

compétents dans le cadre d’un travail de commissions « techniques » explique que

les rapports soient la plupart du temps acceptés en l’état et adoptés sous la forme de

délibérations.

Par contre, on ne peut évoquer le rôle des conseillers municipaux et dire son

importance sans aborder la question de l’absentéisme. Sous le Premier Empire, on

peut dire que l’absentéisme des conseillers municipaux est chronique. L’examen des

états de présence aux 222 séances du conseil municipal qui se tiennent sur la

période 1806-1813, correspondant aux années de fonctionnement le plus normal et

le plus routinier des institutions, fait apparaître que c’est la moitié des membres du

conseil qui manque presque systématiquement la séance (tableau n°9).

Parfois, la situation est critique. La séance du 20 janvier 1812 est ajournée en

raison du faible nombre de participants296. Ce jour-là pourtant, ils sont en plus du

maire, quatorze conseillers à s’être rendus à l’hôtel de ville. Mais il s’agit alors de

prendre une nouvelle délibération sur la question de la taxe des inhumations ;

nouvelle délibération exigée par le ministre de l’Intérieur qui avait renoncé à

présenter la première à l’empereur compte tenu, déjà, du petit nombre des

292

AML, 1217 WP 030 et 031. Séances du 2 juillet 1806 et du 14 juillet 1808. 293

AML, 1217 WP 032 (13 mars 1809 – 9 mai 1810). Séance du 30 septembre 1809. 294

Ibid. Séance du 17 mars 1810. 295

Ibid. Séance du 5 mai 1809. 296

AML, 1217 WP 034 (1er

juillet 1811 – 19 juin 1812). Séance du 20 janvier 1812.

103

délibérants297. En octobre 1813, alors que la situation des armées en Allemagne est

délicate, le ministre de l’Intérieur exige du préfet qu’il convoque le conseil municipal

en séance extraordinaire. Faute d’édiles effectivement présents à Lyon, le préfet doit

attendre plusieurs jours pour « les réunir en nombre suffisant » et faire voter une

adresse consignant « l’expression de l’inviolable dévouement pour leur auguste

souverain »298.

La situation n’a rien d’exceptionnel et n’est pas liée à la mise en place de la

mairie unique. Lors de la séance du 3 ventôse an XIII (22 février 1805), à l’époque

des trois mairies, le débat portant sur un point de règlement est ajourné au motif que

« le Conseil est trop peu nombreux et qu’il serait au moins inconvenant de soumettre

la révision des règlements de l’assemblée à une faible minorité »299.

Tableau n°9

Assistance des séances du conseil municipal (1806-1813)300

Année 1806 1807 1808 1809 1810 1811 1812 1813

Nombre de séances

33

26 17 19 31 40 32 24

Assistance maximale/minimale

19/8 19/7 21/8 20/11 22/7 22/8 25/12 25/10

Assistance moyenne

14,12 13,9 13,7 14,84 13,74 14,7 17,4 14,5

Dès son arrivée à la tête de la municipalité, Fay de Sathonay regrette un tel

absentéisme qui, la plupart du temps, reste injustifié et croit bon de rappeler la règle,

définie par le conseil municipal lui-même en cette séance du 3 ventôse, selon

297

Selon l’article 30 des Constitutions de l’Empire, on ne peut tenir compte des délibérations d’une assemblée

que si les deux tiers de ses membres sont présents lors des débats. Autant dire qu’un strict respect de la loi aurait

invalidé la quasi-totalité des délibérations du conseil municipal de Lyon. 298

AN, F1c

III Rhône 9, Correspondance et divers. Courrier du préfet du Rhône au ministre de l’Intérieur (23

octobre 1813). 299

AML, 1217 WP 029. 300

En retenant la période 1806-1813, il s’agit de travailler sur l’habituel plus que sur l’exceptionnel, les

années1814 et1815 étant particulièrement troublées par les bouleversements politiques multiples qui modifient à

la fois le rythme et la nature d’une grande partie des séances.

104

laquelle « il est de l’ordre du service public que les fonctions pour lesquelles on est

désigné soient remplies ou résignées »301.

Si l’absentéisme des membres du conseil est indéniable, on doit avancer

quelques éléments d’explication qui ne sont pas tous à charge pour les conseillers.

Premièrement, certains conseillers sont normalement assidus et remplissent

avec constance leur fonction. Arlès assiste à 192 séances sur les 222 auxquelles il

lui est donné d’assister de 1806 à 1813 ; d’Assier de la Chassagne à 189. En fait, on

s‘aperçoit que l’activité du conseil repose sur le dévouement de quelques-uns de ses

membres. En 1809, ils ne sont que onze (le maire compris) à assister à au moins

treize des dix-neuf séances de l’année. Ils sont six à ne pas assister au tiers de ces

mêmes dix-neuf séances302.

Deuxièmement, si beaucoup des conseillers font preuve de désinvolture, que

dire du comportement de l’autorité centrale vis-à-vis de l’institution délibérative de la

deuxième commune de France ? En effet, hors les périodes légalement prévues, le

renouvellement du personnel politique municipal est très irrégulièrement effectué.

Lors de la séance du 9 décembre 1807, le maire fait remarquer que si l’on ne compte

que dix-sept présents, ce nombre ne doit pas être rapporté aux trente et un membres

théoriques mais aux vingt et un auxquels « le Conseil se trouve réduit par décès ou

démission de ses membres non encore remplacés »303.

Troisièmement, et cette observation est liée à ce qui précède, les conseillers

effectuent une tâche qui peut s’avérer contraignante et qui reste totalement gratuite.

Ne rejaillit même pas sur eux le prestige qui s’attache aux fonctions, elles aussi

gratuites, de maire ou d’adjoint. Mal considérés par le régime et choisis parmi les

plus imposés des cantons de la commune, ils sont attirés ou obligés par d’autres

activités qui sont souvent plus rémunératrices et plus valorisantes dont certaines sont

attribuées par le gouvernement lui-même. Ainsi, même si le régime impérial a ses

chantres qui considèrent que « le service rendu appelle le service à rendre » et que

301

AML, 1217 WP 029(11 thermidor an XI – 2 floréal an XIII). Article 14. 302

Le nombre de participations aux séances du conseil municipal pour chacun de ses membres est repris dans les

notices individuelles (annexe VII). 303

AML, 1217 WP 031. Séance du 9 décembre 1807.

105

« de l’honneur d’avoir servi résulte celui d’être appelé à servir encore »304, il n’en

demeure pas moins que les vocations font parfois défaut.

3.1.3. Le développement corollaire de la bureaucratie

Le développement d’une administration uniformisée et centralisée sous la

Révolution et sous l’Empire s’est accompagné de l’accroissement de la

bureaucratie 305 . On le sait, cet essor de la bureaucratie a été jugé, par les

contemporains eux-mêmes, responsable d’une lenteur tout à fait préjudiciable à la

bonne marche de l’administration. Ainsi, Montesquiou affirme-t-il clairement aux

débuts de la Première Restauration :

Ce mode d’action qui, adopté avec mesure et resserré dans de justes limites, aurait eu

l’avantage d’introduire dans l’action municipale plus de régularité et d’exactitude, a entraîné

dans cette administration des lenteurs interminables, en a souvent paralysé tous les

ressorts306

.

À Lyon, l’administration municipale s’organise à compter des premiers mois de la

Révolution en bureaux spécialisés. Une bureaucratie municipale se met en place. Le

personnel qu’elle emploie devient de plus en plus nombreux au cours de la décennie

qui précède Brumaire : on dénombre près de quatre-vingt commis employés en

1793307. Tout à fait remarquable est la permanence tant des structures que des

hommes sur la période. Les secrétaires et les commis ne subissent pas les

contrecoups des changements politiques, parfois notables pourtant, enregistrés au

gré des élections et des reprises en main gouvernementales. Il n’y a que sous la

domination jacobine et durant la période de réaction thermidorienne que

304

AML, 1217 WP 035 (19 juin 1812 – 15 juin 1813). Discours de Sain-Rousset, premier adjoint, prononcé le 3

mai 1813 lors de la séance d’installation du maire d’Albon. 305

On peut utilement se référer à l’introduction de l’important travail de Catherine Kawa : KAWA, Catherine,

Les ronds-de-cuir en Révolution…op. cit., p.9-25. Voir aussi les premiers développements dans : THUILLIER,

Guy, TULARD, Jean, La Bureaucratie en France aux XIXe et XX

e siècles, Paris, Economica, 2001, 737 p. Sur le

lien entre l’avènement de la bureaucratie et celui des principes démocratiques révolutionnaires : DREYFUS,

Françoise, L’invention de la bureaucratie. Servir l’État en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis

(XVIIIe-XX

e siècle), Paris, La Découverte et Syros, collection « textes à l’appui / série histoire contemporaine »,

2000, p.73-95. 306

MONTESQUIOU, « Exposé de la situation du Royaume », 12 juillet 1814, Archives Parlementaires, t.12,

p.130. 307

BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.151.

106

l’administration se politise nettement. Les officiers sont nommés et perdent de fait la

légitimité populaire que leur conférait l’élection. Ils deviennent des exécutants de la

volonté du gouvernement central, transmise par les représentants. Mais les hommes

qui ont en charge l’administration dite « de gestion », s’ils passent clairement au

second plan, ne changent pas massivement pour autant. Or, c’est bien l’obligation de

cette administration de gestion, qui a en charge les questions de sécurité, de

salubrité, les principaux services publics, qui lie aussi les municipalités d’Ancien

régime à celles de la Révolution puis de l’Empire.

Pour ce qui est de l’organisation des bureaux, elle reste inchangée de 1789 à la

période insurrectionnelle et n’est que légèrement modifiée après Thermidor et sous

le Directoire. Globalement, le travail administratif est réparti entre six comités qui

comptent chacun une quinzaine de membres au total. À la tête de chaque comité, on

trouve un président, systématiquement désigné parmi les membres du bureau

municipal. Le président est assisté d’un secrétaire mais aussi de quelques officiers

municipaux. Enfin, on trouve des commis qui ont en charge les tâches subalternes et

qui sont à l’origine les seuls à être rémunérés pour cette fonction au sein de la

bureaucratie. Il arrive, à partir de 1792, que des notables que l’on juge utiles parce

qu’ils disposent de compétences spécifiques, soient associés au travail de ces

bureaux 308 . On peut globalement repérer, malgré quelques changements

d’appellation mais aussi quelques modifications d’attributions, les départements

suivants :

- un comité de police auquel sont rattachées les questions de voirie mais aussi

la plupart du temps celles des subsistances,

- un comité des finances,

- un comité des travaux publics,

- un comité du commerce, des arts et des métiers,

- un comité des établissements publics et patentes,

- un comité des impositions.

On remarque que les trois derniers fusionnent progressivement pour ne faire

qu’un très important comité chargé en somme des affaires économiques.

308

Ibid., p.561-562.

107

À noter enfin qu’à cette série de comités initiaux se sont progressivement ajoutés

trois autres : un comité militaire, un comité de l’état civil (installé sous la mairie Vitet

le 23 octobre 1792 en application de la loi des 20-25 septembre 1792) et un comité

ou plutôt un bureau de la garde nationale, composé des secrétaires et commis mis à

disposition de l’état-major de la garde nationale par la municipalité et à ses frais.

Sous l’Empire – à compter du 1er janvier 1806 plus exactement – la bureaucratie

municipale se structure en cinq divisions 309 . Chaque division est placée sous

l’autorité d’un chef de division qui peut, le cas échéant, traiter avec le maire ou

l’adjoint en charge de la délégation. Le plus fréquemment cependant, l’interlocuteur

du chef de division est le secrétaire en chef de la mairie. En effet, l’ensemble de

l’administration municipale est placé sous l’autorité d’un secrétaire en chef qui réside

en l’hôtel de ville. Claude Hodieu (1773-1831) occupe cette fonction durant toute la

période qui nous occupe et la conserve sous la monarchie restaurée.

Au total, les cinq divisions de la mairie unique de Lyon comptent une quinzaine

d’employés sans compter les commis. Ils rendent la mairie très disponible vis-à-vis

de la population lyonnaise grâce à une ouverture quotidienne, de neuf heures du

matin à quatre heures de l’après-midi, à l’exception des dimanches et des jours

fériés310. Le tableau n°10 présente l’organisation de cette administration municipale.

Nous disposons de peu de renseignements concernant le traitement des

employés de l’administration municipale sous l’Empire. Néanmoins, on peut établir

avec certitude la situation pour l’année 1807 (tableau n°11) et on sait qu’elle n’évolue

pratiquement pas sur la décennie.

309

Une organisation proche quoique moins précise existe sous le Consulat. Néanmoins la police municipale

n’étant pas prérogative des maires des trois arrondissements, elle n’est pas du ressort de l’administration

municipale. De vendémiaire à nivôse an XIV, l’administration municipale est organisée en quatre bureaux et

compte 13 expéditionnaires en sus des 7 chefs ou sous-chefs de bureaux : AML, 686 WP 015. Arrêtés du 1er

vendémiaire an XIV. 310

AML, 0686 WP 015. Arrêté du 1er

vendémiaire an XIV.

108

Tableau n°10

Organisation de l’administration municipale sous l’Empire

Division

Personnel

1ère division : secrétariat (surveillance générale sur le matériel des diverses branches de l’administration ; enregistrement des affaires et leur distribution dans les différents bureaux ; délivrance des certificats de toutes natures ; législation ; enrôlements ; conscription militaire ; tenue des registres et archives ; tout ce qui concerne l’intérêt de l’administration ; et en général toutes les affaires qui ne ressortent pas d’une autre division)

un chef de division (Hodieu) et un archiviste (Sudan) à l’hôtel de ville

2ème division : état civil (tout ce qui est relatif aux naissances, mariages, divorces, reconnaissances, adoptions et décès, ainsi qu’à la perception des taxes légalement établies et relatives à cette division)

un chef de division (Richard) et un sous-chef (Ponthus-Cinier) à l’hôtel de ville

3ème division : Comptabilité et travaux publics (recettes et dépenses de la ville ; expédition des mandats de paiement ; octroi et autres revenus communaux ; assiette et répartition des contributions directes ; constructions en tous genres ; pavé ; pompes et fontaines ; généralement tous les travaux dont la dépense doit être payée par la ville)

un chef de division (Rétié) et un sous-chef, pour les contributions (Billoud) trois architectes de la ville : - en chef : Hotelard - adjoint : Gay, à l’hôtel de ville - contrôleur des travaux : Flacheron À compter de 1813, en application des ordres du ministre de l’Intérieur pour la levée du plan géométral de la ville et de la délibération du conseil municipal du 30 juin 1808, un ingénieur géomètre dispose d’un bureau ouvert au public à l’hôtel de ville : Louis-Benoît Collier

109

Division

Personnel

4ème division : Police municipale (à la forme du décret impérial du 13 fructidor an XIII, le maire exerce toutes les fonctions de police qui sont attribuées aux maires et officiers municipaux par les lois et règlements de l’Empire (notamment arrêté des consuls du 5 brumaire an IX) à l’exception des attributions exclusivement et textuellement attribuées au commissaire général par la section 2 du décret impérial du 23 fructidor an XIII ; chaque jour le maire ou un adjoint tient dans une des salles de la mairie une audience de police municipale ; les fonctions du maire correspondent à tout ce qui tient à l’ordre et la sûreté publique ; police des ouvriers ; de la bourse ; des salles de spectacle ; des foires et marchés ; des halles ; des prisons ; des hôtels garnis ; en général de toute maison publique ; éclairage ; propreté et salubrité de la ville ; petite voirie ; permissions pour étalages mobiles sur les quais, ports et places ; délivrance des cartes civique et de séjour ; logement des gens de guerre)

un chef de division (Charcot), assisté d’un sous-chef (Larue), d’un sous-chef pour les passeports (Changeux puis Vernay en 1813) et d’un sous-chef pour les logements militaires (Barudel) un puis deux inspecteur(s) des ports et quais (Dupoux puis Genest-Bronze et Perrier en 1813) En 1812 est créé un bureau pour la conscription et le logement militaire doté d’un chef (Billoud) et d’un sous-chef (Barudel) En 1813, le bureau de la petite voirie composé des architectes de la ville est remplacé par l’institution de deux inspecteurs de la voirie (Palhion et Biard)

5ème division : Intérieur (agriculture, commerce, manufactures, arts, sciences, belles-lettres, instruction publique, culte, hôpitaux, secours, secours à dom, bibliothèque, prisons, conservatoires des arts, musée, école de chimie, de dessin, de mise en carte, de fabrication des étoffes de soie, et généralement tous les établissements publics communaux que renferme la ville de Lyon)

un chef de division (Richard)

110

Tableau n°11

Le traitement des employés de l’administration municipale de Lyon, en 1807311

Fonction Traitement annuel

secrétaire en chef 3 600 francs

chef de division 2 400 francs

sous-chef 1 800 francs

archiviste 1 500 francs

expéditionnaire 1 200 francs

autres (surnuméraires, mandeurs, sergents de ville, garçons de bureau)

600 ou 800 francs

311

AML, 1217 WP 031. Séance du 29 juillet 1807.

111

3.2. La mairie unique sous le Premier Empire ou la revivification du pacte

local

Le régime impérial parvient à revivifier le pacte local, à rétablir le lien politique,

parce qu’il assure les conditions indispensables à cette reconstruction. À la suite du

Consulat, le Premier Empire a su créer des institutions efficaces tant sur le plan

national que sur le plan local et a ainsi conforté l’autorité de l’État et accru sa

capacité à faire respecter les lois. Reste ensuite à ce que l’administration municipale

soit digne de la légitimité nouvelle qu’elle tire de celle du régime. Cela passe

notamment par la qualité et la visibilité de son action concrète et quotidienne au

service des Lyonnais. Cela tient enfin aux caractéristiques du personnel politique

recruté.

3.2.1. Une autorité publique restaurée

S’agissant du gouvernement centralisé, on peut affirmer avec Jean Tulard que

« la force du système est dans la certitude de l’exécution des actes et de la loi du

gouvernement »312. C’est toute la valeur de la loi du 28 pluviôse que d’organiser

territoire et administration de manière à permettre l’exécution la plus exacte possible

de la volonté gouvernementale. Le département, l’arrondissement et la commune

constituent les trois principaux niveaux d’exécution de la politique de l’État à l’échelle

infra-nationale. Le rôle du préfet et, à un degré moindre, celui du sous-préfet et du

maire sont essentiels. Les conseils délibérants, général ou municipal, éclairent la

décision qui n’est le fait que d’un agent unique. L’administration est organisée sur un

mode pyramidal et les principaux de ses agents sont nommés directement par le

chef de l’État. L’action politique devient d’autant plus lisible qu’elle s’incarne en un

nombre limité d’acteurs et qu’elle ne connaît que de très faibles variations lors de son

application au plan local. La centralisation napoléonienne a incontestablement pour

conséquence d’améliorer l’efficacité de l’action de l’État sur le territoire et de rendre

ce progrès évident à la majeure partie des sujets de l’Empire.

312

TULARD, Jean, La province au temps de Napoléon, Paris, Éditions SPM, La Bibliothèque des introuvables,

Paris, 2003, p.38.

112

À Lyon, la progression de la centralisation est vécue très douloureusement par

l’essentiel de la population, durant la Révolution notamment. À cet égard, on peut

considérer que l’insurrection de 1793 est l’ultime tentative visant à redonner une

certaine autonomie à la ville en rompant la chaîne administrative. Jusqu’à Napoléon,

la centralisation est vécue comme une dépossession. En Brumaire, on l’a vu, la perte

d’autonomie de la ville et de sa municipalité est en quelque sorte déjà acquise. Dès

lors, le Consulat et le Premier Empire apparaissent davantage comme restaurant

l’autorité publique par le biais de la centralisation que comme les fossoyeurs de

l’autonomie municipale. Bien qu’elle confirme la dépossession de leurs pouvoirs des

autorités locales, l’action napoléonienne est donc paradoxalement ressentie comme

un événement bénéfique. Pour les Lyonnais, la manifestation concrète de la

restauration de l’autorité publique se fait au travers de deux institutions qu’ils voient

quotidiennement agir : la préfecture et la municipalité. Les décisions du préfet et du

maire sont exécutoires, très généralement concordantes et bénéficient les unes

comme les autres de la légitimité que leur confère l’appui de l’État central. Des

signes extérieurs manifestent à tous l’exercice de l’autorité publique. Le préfet

comme le maire portent l’uniforme, bénéficient d’une exposition toute particulière lors

des principales manifestations publiques et ce sont eux qui s’adressent aux habitants

de la ville lorsqu’il y a lieu, le plus souvent sous une forme et sur un ton très

solennels313.

Le Premier Empire est aussi, on le sait, une période de contrôle de l’opinion

publique. L’action de propagande et de restriction de la liberté d’expression empêche

toute contestation et même toute mise en débat de l’action politique. L’État devient

d’autant plus incontestablement efficace que l’opinion publique est corsetée314. Or,

alors que la fin de l’Ancien régime et la Révolution ont été marquées à Lyon par des

poussées de violence urbaine extrêmement dommageables pour les principaux

équilibres socio-économiques de la ville, on peut penser que l’effort de maîtrise de

l’opinion sous le Premier Empire rejoint « la nécessité d’endiguer, de contrôler,

d’atténuer la violence urbaine » qui apparaît aux autorités locales dès avant le

313

Voir notamment les cérémonies organisées en l’honneur du roi de Rome : AML, 1217 WP 033 (14 mai 1810

– 28 juin 1811). Séance du 1er

mai 1811. 314

LENTZ, Thierry, Nouvelle histoire du Premier empire. t.III : op. cit., p.263-369 ; JOURDAN, Annie,

L’Empire de Napoléon, Paris, Flammarion, Coll. « Champs Université », 2000, p.214-217 ; BIARD, Michel,

BOURDIN, Philippe, MARZAGALLI, Silvia, Révolution Consulat Empire, 1789-1815, Paris, Belin, 2009,

p.235-239.

113

Consulat et dont Maurice Garden montre qu’elle passe par le « rétablissement d’un

pacte de confiance qui, s’il n’existe pas, empêche toute continuité de l’action »315.

3.2.2. Des édiles visibles et une administration accessible au service d’une

municipalité protectrice

L’administration municipale est très accessible aux habitants de Lyon. En effet,

les bureaux du maire sont ouverts au public tous les jours de l’année mis à part les

dimanches et jours fériés de 9 heures à 16 heures, sans interruption. Pour ce qui

concerne l’état civil, une permanence est assurée lors des dimanches et jours fériés,

de 10 heures à 12 heures mais les agents restent disponibles, si besoin est, en

dehors de ces horaires. Les bureaux des passeports et du logement des gens de

guerre sont ouverts sans distinction d’heure. On l’a vu, les services de police sont

établis à l’hôtel de ville. Ils sont ouverts tous les jours, un commissaire s’y trouvant

lors des jours de fermetures des autres services.

Le maire sous l’Empire bénéficie d’un logement en l’hôtel de ville au prétexte,

justement, de la nécessité de sa présence continue et de sa disponibilité à l’égard

des Lyonnais. Lui-même reçoit quotidiennement, de 12 heures à 14 heures ceux de

ses administrés qui en font la demande. Il organise également l’audience de police

municipale, sur laquelle on reviendra.

Régulièrement, les adjoints pourvus des plus importantes délégations mais aussi

les conseillers impliqués dans les commissions se rendent à l’hôtel de ville pour y

rencontrer le maire ou les membres de l’administration afin de recevoir ou de donner

des consignes, de rendre ou de se faire rendre des comptes. Il est sans doute assez

aisé pour les habitants de la ville et notamment pour ceux des catégories les plus

influentes de rencontrer ces édiles, de tenter de s’informer auprès d’eux, de leur

soumettre idées et doléances. Lorsque le 5 mai 1806, en séance du conseil

municipal, Champanhet demande la parole et réclame la poursuite de secours

accordés en floréal XIII par la municipalité à deux habitantes de la ville316, il apparaît

315

GARDEN, Maurice, « Municipalité et personnel politique », dans BENOIT, Bruno [dir.], Ville et Révolution

française, op. cit., p.167. 316

AML, 1217 WP 030. Séance du 5 mai 1806. Le conseil municipal approuve l’initiative de Champanhet et

renouvelle son secours de 500 francs.

114

que – comme d’autres membres de la municipalité – il les connaît personnellement et

a eu l’occasion de les entendre elles-mêmes solliciter une telle mesure.

Le maire est à l’exacte interface du pouvoir central et de la population locale. Son

rôle est essentiel dans la vigueur du lien politique. C’est lui qui traduit la volonté

gouvernementale en actes et paroles adaptés au contexte local, prenant en compte

les équilibres sociaux et les sensibilités individuelles et collectives. De la même

manière, il interprète les revendications qu’il a à connaître, les sollicitations dont il fait

l’objet, de manière à en rendre un écho fidèle au pouvoir central. Dans sa séance du

25 janvier 1810, le conseil municipal examine un mémoire des marchands de vin

relatif aux droits réunis pesant au détail sur les liquides et décide de sa transmission

au préfet, considérant « qu’il est dans les intérêts du Gouvernement de connaître les

plaintes qu’excite ce mode de perception, et dès lors dans les devoirs du Conseil de

lui communiquer celles qu’on lui adresse à cet égard »317.

On voit le maire soucieux d’être tenu au fait des événements les plus minimes,

capable d’intervenir à propos de questions d’apparence tout à fait secondaires. Il est

ainsi interpellé personnellement par les Lyonnais, traitant souvent directement les

requêtes individuelles qu’il n’hésite pas à proposer à l’attention du conseil municipal.

L’examen de la correspondance reçue et traitée par l’administration municipale fait

apparaître pour la première année d’exercice de Fay de Sathonay une cinquantaine

de courriers à lui adressés correspondant à des doléances particulières (demandes

d’emploi, de faveur)318 . Par ailleurs, lorsque l’on se penche sur la situation des

individus, souvent d’extraction assez modeste, qui postulent à un emploi auprès de

l’administration de l’octroi, on relève que trois sur cinq sont recommandés et que

parmi ceux-ci, un cinquième le sont par des édiles319.

Si l’action de la municipalité a favorisé la reconstruction du lien politique et a

contribué à rapprocher administrateurs et administrés, c’est en particulier par

l’étendue de son champ d’intervention et sa capacité, au-delà de l’engagement

individuel du maire ou des édiles, à tenir compte des préoccupations exprimées,

317

AML, 1217 WP 032. 318

AML, 1401 WP 015. La période prise en compte court du 23 septembre 1805 au 23 septembre 1806. Au total,

on recense 1 449 lettres enregistrées. La plupart sont envoyées par des acteurs institutionnels, le préfet en

premier lieu, d’autres par des personnes ou des groupes en affaire avec la mairie (souvent des créanciers). 116

lettres émanent de particuliers mais la moitié environ correspond à des demandes purement administratives

(demande d’acte de décès notamment). 319

AML, 1411 WP 039, Octroi de Lyon. Postulants.

115

c’est la donnée nouvelle depuis la Révolution, souvent par l’intermédiaire de

doléances particulières. En effet, alors que sous l’Ancien régime le pacte local

unissant administrateurs et administrés reposait sur la capacité des groupes sociaux

à exiger, parfois par l’humeur, le rééquilibrage à leur profit des rapports inter-

catégoriels par la politique des édiles, la donne change après la Révolution. Le

fondement est devenu l’individu. Bien sûr les groupes, les catégories doivent se

sentir pris en compte et justement considérés mais, surtout, le pouvoir politique et

l’administration doivent accorder un certain nombre de garanties aux individus. C’est

ainsi que la municipalité mène une action dont la dimension protectrice est nettement

affirmée et qui s’articule autour du triptyque : sécurité et justice, subsistance,

assistance. On voit ainsi la municipalité renouer avec les traits qui caractérisaient

traditionnellement son intervention sous l’Ancien régime mais selon une approche

davantage dédiée à l’individu qu’à la catégorie320.

3.2.3. Des édiles désignés sur la base de la notabilité

La solution napoléonienne en matière de restauration du lien politique comme en

matière de réforme du système administratif nécessite l’acceptation par la majeure

partie des citoyens des règles de dévolution des pouvoirs. En effet, depuis la

Révolution, la Nation se définit essentiellement par la reconnaissance de sa

souveraineté. Cela implique que les détenteurs de l’autorité publique tiennent d’elle

leur légitimité. Le système de la notabilité mis en place par Napoléon cherche à

répondre à cette exigence tout en permettant au gouvernement de contrôler

étroitement le système de désignation des administrateurs. Le contrôle réside en ce

que le gouvernement intervient dans les choix, nomme, encadre… mais aussi en ce

que les fondements mêmes du système électoral et/ou de nomination sont sensés

garantir l’homogénéité des élites. Cela renvoie aux thèses physiocratiques qui font

de l’émergence d’une élite de propriétaires la condition essentielle de la stabilité

politique.

320

Lorsqu’il évoque le nouvel ordre urbain en gestation à Saint-Étienne sous l’Empire, Gérard Thermeau

explique que ce que les citoyens attendent de la municipalité « c’est qu’elle assure l’éclairage public, la

distribution de l’eau, la sécurité des citoyens et qu’elle soutienne l’instruction publique » : THERMEAU,

Gérard, À l’aube de la Révolution industrielle…, op. cit., p.178.

116

Le terme de « notable » est imposé par les sources ; en cela il appartient au

vocabulaire historique. En fait, l’idée de notabilité n’est absolument pas nouvelle

lorsque l’Empire l’érige en masse de granit. Comme le rappelle André-Jacques

Tudesq qui se réfère au Dictionnaire de l’Académie de 1694, le terme de notable

désigne déjà au XVIIe siècle les personnalités les plus « considérables » d’un

territoire321. La conception du cursus honorum que développe l’Ancien régime a bien

pour objectif de contrôler le recrutement des édiles et de réserver les fonctions

municipales à un groupe restreint, défini par son origine sociale autant que par ses

compétences ainsi avérées. Le terme prend un aspect de plus en plus institutionnel

au fur et à mesure que l’on avance dans le XVIIe siècle. Il est symptomatique que

même les réformes tendant à démocratiser le recrutement du personnel politique et

administratif, telle la réforme Laverdy, font référence à l’idée de notabilité dont elles

contribuent à élargir le sens tout en ayant une portée réelle très limitée. C’est la mise

en place des assemblées provinciales de 1787 qui consacre l’acception élargie du

terme comme désignant la population réunissant aristocratie et riche bourgeoisie. La

société reconnaît désormais comme notable l’individu qui dispose d’une certaine

considération du fait de sa fortune, de son milieu familial ainsi que de l’exercice de

fonctions dirigeantes ou de responsabilités publiques. On s’aperçoit que le réflexe

politique qui consiste à accepter d’avoir recours aux notables pour administrer la cité

s’est progressivement ancré dans les mentalités. Les effets limités, déjà évoqués, de

la réforme électorale de 1789 sur la composition du groupe des édiles sont là pour

l’attester. La question de la place des notables ainsi que des mécanismes conduisant

à leur émergence et à leur notoriété est très présente dans l’esprit des

contemporains. On ne peut interpréter autrement que comme la volonté de se

prémunir de leur influence la décision prise par les constituants d’interdire les

campagnes électorales. On sait que cet interdit s’avéra tout à fait contre-productif

puisqu’il réserva de fait la notoriété politique à ceux – les notables justement ! – qui

en disposaient déjà. On peut également voir dans certaines délibérations du corps

municipal un indice de la sensibilité des édiles et de la population à l’existence d’un

notabilat. Ainsi de la délibération du 14 avril 1790 par laquelle le corps de ville

considère en effet que les fonctions de recteur de l’Hôtel-Dieu occupées par Jean-

321

TUDESQ, André-Jean, Les grands notables en France (1840-1849). Étude historique d’une psychologie

sociale, Paris, P.U.F., 1964, vol.1, p.8.

117

Marie Bruyset et Jean-François Vitet ne sont pas incompatibles avec celles d’officiers

municipaux322.

Ce qui est nouveau sous le régime napoléonien, c’est la systématisation d’un

procédé tendant à dégager un groupe, une catégorie d’individus qui soient à la fois la

base d’un système représentatif, électoral, et susceptibles d’être appelés aux

fonctions publiques.

En effet, désireux de disposer d’un large vivier d’administrateurs potentiels au

service du nouveau régime, Bonaparte a, dès l’an X, élaboré une complexe structure

à base fiscale reposant sur les assemblées électorales de canton désignant elles-

mêmes les collèges électoraux d’arrondissement et de département parmi les 550

plus imposés du département auxquels venaient s’ajouter cinquante personnalités

nommées par le préfet323. Ainsi apparut la catégorie des notables, personnages

présentant toutes les garanties sociales appelés à jouer le rôle d’intermédiaires entre

le pouvoir central et la population locale et à relayer l’autorité du gouvernement. Les

quelques 66 700 notables composant les collèges électoraux d’arrondissement et de

département forment la « masse de granit » autour de laquelle l’empereur entend

structurer et hiérarchiser la société toute entière. Confirmant son projet, Napoléon

exige de ses préfets et ce, dès le début de l’Empire qu’ils établissent un certain

nombre de listes signalant les individus les plus recommandables de leur

département. Ainsi l’instruction du ministre des Finances Gaudin du 30 ventôse an

XIII (21 mars 1805) est-elle à l’origine de la constitution par chaque préfet d’une

« liste des soixante contribuables distingués et par leur fortune et par leur vertus

publiques et privées » suivie rapidement, en 1806, d’une liste des trente plus

imposés. De la même manière le ministre de l’Intérieur Montalivet demande-t-il en

1810 aux préfets d’établir une « statistique personnelle et morale » afin de préciser

les contours de l’élite naissante et de favoriser la fusion entre les élites issues de

l’Ancien régime et celles liées à la Révolution et à l’Empire324. Napoléon élabore

progressivement un système tout à fait inédit de médiation politique, système appelé

322

AML, 1217 WP 001, Corps municipal : registre des actes et délibérations (1790). Bruyset et Vitet font partie

des notables départementaux du Premier Empire. 323

Sur le système électoral : LENTZ, Thierry, Nouvelle histoire du premier Empire. t.III : op. cit., p.98-106. 324

Les trois listes, pour le département du Rhône, figurent en annexe IV.

118

à caractériser largement les sociétés européennes du XIXe siècle, le siècle de

l’avènement des notables325.

Or les notables de l’Empire ont ceci de particulier qu’ils doivent leur condition à la

fois à leur situation objective : catégorie socio-professionnelle, fortune et milieu

familial notamment – le seul critère fiscal est insuffisant à établir la notabilité – et à la

situation que leur procure le régime : titres et décorations, fonctions nationales ou

locales par exemple. L’apparition des notables est bien la conséquence d’une

volonté et d’une action politiques de contrôle de la société par l’intermédiaire d’une

« classe » de propriétaires distingués d’une part et de surveillance des propriétaires

eux-mêmes auxquels il ne s’agissait aucunement de confier le pouvoir d’autre part.

C’est ainsi que la nomination à Lyon aux fonctions de conseiller municipal, d’adjoint

ou de maire peut être située dans cette sorte de dialectique propre à la constitution

du notabilat. Concernant le recrutement des édiles, si les candidats aux fonctions de

maire et d’adjoint sont présentés par le préfet, les conseillers sont recrutés parmi les

cent plus imposés de chaque canton, chaque assemblée de canton désignant deux

candidats pour chaque place à pourvoir326. Dans la pratique, la base de recrutement

s’avère plus étroite encore puisqu’en réalité, si les six assemblées de canton

lyonnaises désignent bien deux candidats pour chaque poste de conseiller, c’est le

plus souvent parmi les cent plus imposés de la commune et non parmi les cent plus

imposés de chaque canton327. Le choix des électeurs et du chef de l’État est donc

particulièrement circonscrit.

325

Louis Bergeron met en évidence « le mépris pour le peuple, non propriétaire ou si peu, mineur partout exclu,

piétaille que le régime repousse, rejette en deçà de la définition du "peuple de France" » et estime que l’Empire,

fondateur de la société des notables, davantage que la révolution industrielle est à l’origine de cette

marginalisation des éléments populaires de la société : BERGERON, Louis, CHAUSSINAND-NOGARET,

Guy, Les masses de granit…, op. cit, p.64. Daniel Halévy situe la fin des notables autour de 1880. Le temps des

notables serait donc la deuxième moitié du XVIIIe et l’essentiel du XIX

e siècle, époque où la division sociale en

classes semble dépasser les divisions juridiques en ordres sous l’influence de diverses causes économiques et

politiques et ce, jusqu’à ce que les classes dirigeantes soient contestées par les couches sociales inférieures,

revendicatives et émergentes : HALÉVY, Daniel, La fin des notables, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 1995,

222 p. [1ère

édition : 1930].

Sur les notables durant la période napoléonienne, rappelons l’important travail de recensement dans le cadre

départemental inauguré en 1978 : BERGERON (Louis) et CHAUSSINAND-NOGARET (Guy) [dir.], Grands

notables du premier Empire, Éd. C.N.R.S., 28 volumes parus à ce jour. 326

Sénatus-consulte du 16 thermidor an X (4 août 1802), articles 10 et 11 notamment. 327

L’article 77 de l’arrêté du 19 fructidor an X (6 septembre 1802) contenant règlement pour l’exécution du

sénatus-consulte du 16 thermidor porte que le préfet fera dresser la liste des 100 plus imposés de chaque

commune de plus de 5000 habitants, d’où la confusion et l’interprétation restrictive de la loi. Certains conseillers

dénoncent cette confusion : AML, 1217 WP 032. Séance du 5 mai 1809.

119

L’empereur nomme des individus parce qu’ils offrent, indépendamment de leur

nomination, certaines caractéristiques qui garantissent leur aptitude à la notabilité et

au service du régime. Mais il associe à l’État, donc au régime impérial, ces individus

qui y gagnent une élévation sociale et en retour deviennent solidaires de son

évolution. Ainsi, on peut estimer que la légitimité des édiles repose sur trois

fondements. Le premier leur est en quelque sorte extérieur : la légitimité politique du

pouvoir central dont ils profitent. Les deux autres leurs sont propres : la notoriété

dont ils bénéficient localement et qui leur confère parfois ce que l’on pourrait

assimiler à de la représentativité, sorte de légitimité sociale ; la compétence dont ils

font preuve et qui leur procure une sorte de légitimité matérielle328.

Lorsque l’on observe la composition de la première municipalité unique de Lyon

sous l’Empire (tableau n°12), on s’aperçoit d’abord qu’elle ne compte au total que

trente et un membres, soit six conseillers de moins que les trente prévus initialement.

Cette situation s’explique uniquement par l’existence de défections, certains des

individus nommés ayant refusé d’entrer au sein de la municipalité et le gouvernement

n’ayant pas pourvu à tous les remplacements. On s’aperçoit ensuite que la moyenne

d’âge des vingt-sept individus pour lesquels la date de naissance est certaine est

d’environ 48 ans et demi. L’architecte octogénaire Loyer est une surprenante

exception au sein d’une population qui se caractérise par une certaine jeunesse,

seize individus n’étant pas cinquantenaires, quatre d’entre eux n’ayant pas quarante

ans. On s’aperçoit enfin que deux catégories sociales regroupent un nombre

équivalent d’édiles. Les propriétaires forment 41,9 % de la municipalité et les

négociants-entrepreneurs, quant à eux, 35,5 %. Loin derrière, on trouve la

bourgeoisie de talents (9,6 %) puis le monde des hommes de loi parmi lesquels il est

utile de distinguer les avocats (6,5 %) des magistrats (6,5 %) même si, on le verra,

les deux sphères sont loin d’être hermétiques.

Le Premier Empire fait largement appel à des hommes connus, dont beaucoup

ont été mis en selle sous le Consulat, plus rarement sous la Révolution (Bernard-

Charpieux, Mayeuvre de Champvieux). La politique de fusion des élites prônées par

328

C’est ainsi que l’on voit que le Premier Empire « institutionnalise le passage d’une société encadrée par des

nobles à une société encadrée par des notables » : PETITEAU, Natalie, Élites et mobilités…, op. cit., p.16.

Christian Bonnet montre bien combien, dans les Bouches-du-Rhône, Napoléon cherche à « asseoir son régime et

à le stabiliser » en faisant appel, en différentes étapes, aux notables : BONNET, Christian, Les Bouches-du-

Rhône sous le consulat et l’Empire, op. cit., p. 487.

120

l’empereur reçoit néanmoins un début d’application puisque le jeu des nominations

place l’exécutif municipal entre les mains d’une personnalité tout droit issue de

l’Ancien régime : Nicolas-Marie Fay de Sathonay. La rupture que constitue la mise en

place de la mairie unique, et dont on a pu voir combien elle était relative, s’incarne

ainsi dans la désignation d’un homme nouveau. De noblesse consulaire, robin issu

du négoce et initialement favorable aux idées nouvelles, Fay de Sathonay est vite

effrayé par les bouleversements révolutionnaires329. Engagé du côté des insurgés au

moment du siège, il vit dans la plus totale discrétion ensuite et se rallie

progressivement au Consulat puis à l’Empire qui, en retour, en font un notable de

premier plan. Au moment de sa nomination il est conseiller général et président de

chambre à la cour d’appel. Fay de Sathonay n’est cependant pas lié jusque là à

l’administration municipale voulue par Bonaparte. Et pourtant dans le long éloge que

le conseiller Defarge fait de celui qui devient peu ou prou la première personnalité

politique de la ville, on trouve mise en avant l’idée d’une continuité. Mais il s’agit cette

fois d’une continuité avec un passé plus lointain, pré-révolutionnaire en réalité,

puisqu’en désignant Fay de Sathonay « l’Empereur et Roi a deviné tous les cœurs »

et appelé à servir un homme dont les « aïeux ont ceint comme lui l’écharpe

municipale »330 . C’est fort en quelque sorte de cette légitimité historique que le

nouveau maire peut annoncer qu’il consacrera toute son énergie à la bonne marche

des établissements publics ainsi qu’à la prospérité de la manufacture.

Lors de la séance inaugurale du 1er vendémiaire an XIV (23 septembre 1805),

est ainsi solennellement manifestée la volonté que la mairie unique apparaisse

comme une institution qui prolonge et accomplit la réorganisation administrative

entamée en pluviôse an VIII en même temps qu’elle restitue aux Lyonnais par le

biais des plus éminents d’entre eux la responsabilité du devenir d’une ville que la

République avait réduite au rang d’enjeu idéologique national. C’est tout le sens de

329

Son profil est assez proche du premier maire unique de Marseille, Anthoine, mais différent de celui de

Lafaurie de Monbadon, d’ancienne noblesse, nommé à Bordeaux. BONNET, Christian, Les Bouches-du-

Rhône…, op. cit., p.451-452, et COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur…, op. cit., p.34-35. 330

AML, 1217 WP 030. Séance du 1er

vendémiaire an XIV, discours de Defarge. Le 27 août 1812, jour du décès

du maire de Lyon, à 6 heures du soir (Fay est mort à 4 heures du matin en son hôtel, rue du Plat), le baron de

Vauxonne prononce un discours devant le conseil municipal convoqué par le préfet. Il explique que Fay fut

proposé à Napoléon par le préfet Bureaux de Pusy : « on se rappelait la sagesse de son aïeul, les vues nobles et

libérales de son père ; on compta sur un mérite héréditaire en capacité et en dévouement et l’opinion ne se

méprit pas » : AML, 500 576, Obsèques du Comte Sathonay, 28-29 août 1812. Procès verbal de la cérémonie

funèbre.

121

cette séance d’installation qui se clôt significativement après que Fay a annoncé

avoir envoyé par écrit son serment au ministre de l’Intérieur le 3ème jour

complémentaire de l’an XIII (20 septembre 1805) et qu’il a reçu lui-même de ses six

adjoints le serment prescrit par l’article 2 du décret du 4 prairial an XIII (24 mai 1805).

122

Tableau n° 12

La composition de la municipalité lors de la mise en place de la mairie unique,

vendémiaire an XIV

NOM FONCTION ÂGE DOMICILE CATÉGORIE SOCIO-

PROFESSION-NELLE

EXPÉRIENCE POLITIQUE RÉCENTE

FAY DE SATHONAY

maire 42 Rue du Plat Propriétaire Conseiller général

PARENT 1er adjoint 51 Quai de Retz Négociant Maire du Nord sous le

Consulat

SAIN-ROUSSET

2e adjoint 48 Rue du Pérat Propriétaire Maire du Midi sous le

Consulat

BERNARD-CHARPIEUX

3e adjoint 47 Montée du Pont de pierre

Avocat Maire de l’Ouest sous le consulat

PERNON 4e adjoint 51 Quai de Retz Négociant Conseiller général

Tribun sous le Consulat

REGNY fils 5e adjoint 42 Rue Neuve Négociant Conseiller municipal sous le

Consulat

CHARRIER DE

SENNEVILLE

6e adjoint 37 Rue Sala Propriétaire

123

NOM FONCTION ÂGE DOMICILE CATÉGORIE SOCIO-

PROFESSION-NELLE

EXPÉRIENCE POLITIQUE

ARLÈS conseiller 52 Quai Saint Antoine

Négociant Conseiller municipal sous le

Consulat

ARTHAUD DE LA FERRIÈRE

conseiller 36 Rue du Pérat Propriétaire Conseiller municipal sous le

Consulat

ASSIER DE LA CHASSAGNE

conseiller 57 Place Bonaparte

Propriétaire Conseiller municipal sous le

Consulat

AYNARD conseiller 42 Rue Buisson Négociant

BOULARD DE GATELLIER

conseiller 46 Rue du Pérat Magistrat Conseiller municipal sous le

Consulat

CHAMPANHET conseiller 52 Rue des Capucins

Négociant Conseiller municipal sous le

Consulat

CHARRASSON conseiller Quai de la Feuillée

Négociant Conseiller municipal sous le

Consulat

CHIRAT conseiller 44 Quai Saint Clair

Négociant Conseiller municipal sous le

Consulat

DERVIEUX conseiller Quai Saint Antoine

Entrepreneur de coches

Conseiller municipal sous le

Consulat

DESPREZ conseiller 47 Rue du Chemin neuf

Avocat Conseiller municipal sous le

Consulat

DEVILLAS-BOISSIÈRE

conseiller 46 Quai Saint Clair

Négociant Conseiller municipal sous le

Consulat

DUJAST D’AMBÉRIEUX

conseiller 65 Place Bonaparte

Propriétaire Conseiller municipal sous le

Consulat

GRAILHE DE MONTAIMA

conseiller 54 Rue Saint Joseph

Propriétaire

124

NOM FONCTION ÂGE DOMICILE CATÉGORIE SOCIO-

PROFESSION-NELLE

EXPÉRIENCE POLITIQUE

HERVIER conseiller Propriétaire Conseiller municipal sous le

Consulat

LA ROUE conseiller 50 Rue Sala Propriétaire Conseiller municipal sous le

Consulat

LECLERC DE LA

VERPILLIÈRE

conseiller 35 Rue Saint Dominique

Propriétaire Conseiller municipal sous le

Consulat

LOYER conseiller 81 Quai Saint Clair

Architecte Conseiller municipal sous le

Consulat

MAYEUVRE DE

CHAMPVIEUX

conseiller 62 Rue Puits Gaillot

Propriétaire Membre des 500 sous le Directoire Conseiller

municipal et général sous le Consulat

MOREL-RAMBION

conseiller 46 Rue Sala Magistrat Conseiller municipal sous le

Consulat

PETIT conseiller 48 Quai de Retz Chirurgien Conseiller municipal sous le

Consulat

RAVIER conseiller Quai Saint Antoine

Notaire Conseiller municipal sous le

Consulat

RIVERIEULX DE VARAX

conseiller 38 Rue Sala Propriétaire Conseiller municipal sous le

Consulat

RIVOIRE conseiller Quai Saint Clair

Entrepreneur Conseiller municipal sous le

Consulat

ROSIER DE MAGNEUX

conseiller 45 Place Sainte Claire

Propriétaire Conseiller municipal sous le

Consulat

125

Conclusion de la première partie :

La consolidation du pouvoir et la réorganisation administrative entamées en

Brumaire sont finalement moins dirigistes, moins centralisatrices et sans doute moins

lointaines qu’on ne pourrait le supposer de prime abord et qu’on ne l’affirme

souvent331. La politique napoléonienne s’apprête à associer très pragmatiquement

selon les domaines, les nécessités et la conjoncture l’intervention forte du pouvoir

central (fiscalité, ordre public, conscription) et une certaine marge de manœuvre du

local.

Le pouvoir municipal semble en effet destiné à disposer d’une certaine influence

à Lyon dans le cadre de la mairie unique telle qu’elle est mise en place en septembre

1805.

La possibilité de son influence se trouve d’abord dans le contexte qui préside à la

mise en place de la mairie unique. La Révolution a mis au premier plan l’idée de

souveraineté nationale avec laquelle le Premier Empire ne rompt pas en principe. On

a vu à quel point, très tôt sous la Révolution, cette idée a impliqué l’ambition d’un rôle

nouveau de la part des citoyens de la ville et de leurs représentants, d’autant que

dès les dernières années de l’Ancien régime s’est imposée la conception de sujets

d’intérêt local revenant en propre aux autorités municipales.

Ce sont ensuite les institutions elles-mêmes qui recèlent la possibilité de l’action

municipale. Leur fonctionnement associe la prédominance du maire à l’importance

des adjoints par le recours aux délégations mais aussi articule le travail de l’exécutif

à celui du conseil et surtout des commissions qui en émanent, dont certaines sont

tout à fait essentielles (budget). Si la municipalité dispose d’un exécutif fort, elle n’est

pas pour autant totalement dépourvue de la capacité de délibérer et la multiplicité

des acteurs laisse entrevoir la possibilité qu’elle prenne en compte le point de vue

des différentes catégories qui composent la ville. Cette capacité d’action est bien

entendu limitée à la définition des champs de compétences dévolues à la mairie

unique.

Si la municipalité semble en mesure d’agir, c’est enfin dans la population des

édiles qu’il faut en chercher la raison. Les individus recrutés disposent tous des

331

Une analyse proche dans : JESSENNE, Jean-Pierre, « Entre local et national : pratiques et liens politiques du

Directoire au Consulat », dans La Révolution française. Idéaux, singularités, Influences. Actes des journées

d’études en hommage à Albert Soboul, Jacques Godechot et Jean-René Suratteau, Saint-Martin d’Hères, Presses

Universitaires de Grenoble, 2002, p.345-358.

126

réelles compétences exigées par l’administration au quotidien de la deuxième ville de

France. Généralement promus par le régime, ils ont intérêt à la réussite de leur

action au service de Lyon et de l’Empire. Impliqués dans les affaires locales, ils

apparaissent souvent sincèrement soucieux d’en améliorer le sort.

La conjonction de ces facteurs explique sans doute le succès initial de la formule

impériale d’autant qu’elle survient après une période difficile de centralisation et

d’éloignement des administrateurs, qui s’accompagne d’un phénomène de

dissolution du lien social et politique particulièrement marquée à Lyon. Il revient

prioritairement, à compter de brumaire an VIII mais surtout de vendémiaire an XIV,

aux édiles de renouer ce lien, de donner vie à un pacte local inédit.

127

DEUXIÈME PARTIE :

LES ÉDILES, PROMOTEURS DU RÉGIME

IMPÉRIAL

128

À la municipalité de Lyon sous le Premier Empire correspond d’abord une

institution, la mairie unique mise sur pied en septembre 1805. Celle-ci est en réalité

profondément liée à la vaste réforme territoriale et administrative entreprise après

brumaire an VIII. Cette réforme s’inscrit dans une évolution de longue durée, celle

d’un mouvement, précocement amorcé par la monarchie, de centralisation et de mise

à distance des administrés, particulièrement visible à Lyon. Tout en appartenant à

cette histoire, la mairie unique napoléonienne en constitue néanmoins un moment

original, de forte poussée centralisatrice combinée à une réelle tentative de retisser

du lien politique à partir de la réorganisation de l’administration locale.

En cette matière, la solution impériale conjugue étroitement approches

institutionnelle et sociale puisque son succès dépend de l’efficacité de l’action

politique, au local comme au national, en même temps que de l’acceptation par

l’essentiel de la population lyonnaise de la légitimité de ses édiles. Or, pour partie,

cette légitimité repose sur des faits exogènes au groupe d’individus nommés qui

tiennent à la légitimité du régime lui-même. Mais il est également des faits

endogènes, propres à la population des édiles, dont dépend la réception d’icelle par

les habitants de la ville et notamment par l’ensemble des élites. En fait, le personnel

politique municipal est choisi comme offrant des caractéristiques sensées lui

permettre d’œuvrer d’une part en faveur des intérêts de la ville et d’autre part en

faveur des catégories et des individus qui la composent. L’aisance financière ou la

compétence apparaissent comme des critères liés davantage au premier de ces

objectifs, l’opinion ou la notoriété s’appliquant plus particulièrement au second.

À ces différents égards, il est intéressant de rappeler que le régime napoléonien

s’efforce depuis les premières années du Consulat de favoriser l’émergence de ce

corps social intermédiaire que sont les notables332. Interroger la population étudiée

en rapprochant ses éléments distinctifs de ceux qui caractérisent les notables tant

sur le plan national que sur le plan départemental peut permettre de mieux

appréhender le projet d’organisation sociale de l’Empire et de comprendre quelle

332

« Héritier d’un des courants majeurs du XVIIIe siècle, celui du despotisme qui se veut éclairé, mais aussi de

l’idéologie concurrente qui avait triomphée en 1789, libérale et constitutionnelle, Napoléon a voulu fonder la

légitimité de son régime sur un faux-semblant : la représentation nationale par un corps intermédiaire, dépourvu

de pouvoirs réels, mais illusoirement crédité de toutes les vertus d’une authentique représentativité » :

BERGERON, Louis, « Notables », dans TULARD, Jean [dir.], Dictionnaire Napoléon, op. cit., vol.2, p.411.

129

place y tient la municipalité à Lyon. En effet, les personnalités sélectionnées doivent

être en mesure, individuellement et collectivement, de symboliser les vertus du

nouveau mode de gouvernement. In fine, c’est bien l’émergence d’un personnel

politique local apte à promouvoir le régime impérial qui est recherchée.

L’objectif fixé est de vérifier la réalité et d’évaluer le résultat de cette tentative. En

d’autres termes, il s’agit dans cette deuxième partie de déterminer si le régime est

parvenu à promouvoir le personnel politique idoine et dans quelle mesure celui-ci a

rempli les vœux du chef de l’État.

C’est à cette fin que l’option porte sur une approche de type prosopographique.

Si la pertinence d’une telle approche ne paraît pas faire de doute, il n’en demeure

pas moins qu’à la prosopographie ne correspond pas une méthodologie précise mais

une variété de démarches qui sont chacune étroitement liées à la question

initialement posée par le chercheur. La problématique, impliquant le choix de la

méthode, rend les règles de la collecte des informations dépendantes de

l’exploitation envisagée333 et impose de renoncer au désir d’exhaustivité dans l’abord

des individus334 lors de l’exploration du corpus étudié, en l’occurrence la population

formée des quatre-vingt-dix édiles lyonnais en exercice du 1er vendémiaire an XIV

(23 septembre 1805) au 6 juillet 1815.

La dimension du groupe-objet d’étude est imposée en quelque sorte par le choix

retenu qui est de le définir en fonction de critères institutionnels et politiques. Sont

d’abord membres du groupe-objet d’étude les soixante et onze individus ayant

effectivement participé à la gestion de la mairie unique de Lyon comme conseillers,

adjoints ou maires sous le Premier Empire. En outre, est intégré au corpus le

personnel politique municipal nommé par le roi entre la première abdication et les

Cent-jours car la continuité institutionnelle est totale et ses caractéristiques

sociologiques sont, pour la plupart des nouveaux édiles, fondamentalement très

proches de celles de l’ensemble. Si tel n’est pas le cas, les exceptions permettent de

333

BULST, Neithard, « Objet et méthode de la prosopographie », op.cit., p.472. 334

C’est ce qui distingue le prosopographe du biographe : KAWA, Catherine, Les ronds-de-cuir en

Révolution…, op. cit., p.31. Néanmoins, on peut remarquer que ne pas excessivement «spécialiser » son étude et

par conséquent le questionnaire qui guide sa collecte constitue un moyen pour le chercheur de se préserver

contre le risque de négliger des informations susceptibles d’enrichir et d’affiner son analyse du groupe. Entre

l’impérieuse nécessité de disposer d’une entrée problématisée dans le corpus des sources et la volonté d’éviter

l’écueil qui consiste à ne pas en percevoir toute la richesse, l’équilibre peut s’avérer fragile.

130

travailler sur l’écart à la norme ce qui s’avère en fin de compte très enrichissant335.

De ce fait, le raisonnement porte tantôt sur les soixante et onze individus nommés

par Napoléon seulement, tantôt sur l’ensemble des quatre-vingt-dix de manière à

mettre en évidence plutôt la spécificité du recrutement impérial ou l’émergence d’une

élite politique durable, émanation de la société des notables.

La dimension du corpus doit permettre un travail de recherche assez minutieux à

propos de chacun des quatre-vingt-dix individus – ce que traduisent les notices

regroupées en annexe – et doit offrir la possibilité d’un portrait de groupe, voire une

quantification significative. En effet, cette deuxième partie se fixe pour double

objectif de saisir les individualités prises dans la trame de lignées familiales et de

réseaux locaux et de distinguer les caractéristiques d’ensemble de la population

étudiée, soit la recherche de son degré d’homogénéité, et de déterminer à quel point

le groupe des édiles peut être individualisé au sein de la population de la ville. Le

personnel politique lyonnais sous Napoléon forme-t-il à l’échelle locale un « corps

social » au sens d’un « groupe que l’on pourrait caractériser (…) par un ensemble de

comportements idéologiques, économiques et sociaux »336 ? Cette étude s’attache

donc à la mise à jour des différentes solidarités existant entre les édiles, soit autant

d’éléments dynamiques par lesquels peuvent être caractérisés ces notables et leur

niveau d’insertion au sein de la société lyonnaise.

L’approche s’intéresse en premier à la sphère privée qui insère les individus

dans des solidarités horizontales (section 1). Elle porte ensuite sur les informations

ayant trait à l’activité des édiles et à leur engagement au sein de la sphère publique,

engagement à la source de solidarités qualifiées de verticales (section 2). Enfin, cette

étude cherche à intégrer la relative profondeur offerte par la chronologie afin de saisir

une éventuelle inflexion de la politique de recrutement des édiles en même temps

qu’une modification de leur comportement (section 3).

335

Ce sont tout de même 19 individus soit plus de 20 % de la population totale qui assument des responsabilités

municipales sous le règne de Louis XVIII seulement. Il sera parfois, notamment dans la troisième section,

intéressant d’isoler ce cinquième du corpus de manière à identifier similitudes et dissemblances avec les quatre

autres cinquièmes. 336

KAWA, Catherine, Les ronds-de-cuir en Révolution…, op. cit., p.345.

131

Section 1. La sphère privée comme fondement de l’insertion sociale

Il est indispensable de chercher à saisir les individus et les itinéraires individuels

dans leur globalité afin de se donner une chance d’appréhender finement la réalité

sociale. En effet, l’origine familiale ou géographique d’un homme, son mariage, sa

descendance, le montant, l’évolution ou la nature de ses revenus sont autant

d’indicateurs des pratiques et des normes du groupe et de la société dans lesquels il

vit. En outre, la situation privée voire intime d’un individu est comme le point fixe à

partir duquel il déploie une stratégie plus ou moins élaborée d’insertion au sein de ce

groupe et de cette société. C’est pourquoi dans les pages qui suivent chacun des

quatre-vingt-dix individus du groupe-objet est étudié dans ses différentes

composantes : sa géographie, sa famille, son activité et sa fortune.

1. La géographie des édiles

Il existe une géographie composite des édiles lyonnais sous l’Empire qui est

susceptible de générer des solidarités liant plus ou moins activement certains d’entre

eux. Cette géographie est d’abord celle des régions d’origine. Les édiles lyonnais ou

leur famille sont-ils depuis longtemps implantés à Lyon ? Sinon, d’où viennent-ils et

conservent-ils avec l’espace d’émigration un lien quelconque ? Cette géographie est

ensuite celle des espaces de vie et d’activité. Le domicile politique des édiles est-il

leur lieu de résidence principale ? Les édiles partagent-ils leur existence et/ou leur

activité entre plusieurs lieux au sein de l’espace lyonnais et de ses alentours ? Leurs

activités, leurs fonctions les amènent-ils à voyager, séjourner en des espaces plus

lointains ? Il est crucial de s’intéresser à cette géographie des édiles tant l’on sait que

Lyon est, comme toute ville d’importance, à la fois un espace d’acculturation de la

population d’origine rurale et d’émergence d’une sociabilité patricienne bouleversée

par la Révolution, autant dire le creuset privilégié de la fusion des élites.

132

1.1. L’origine géographique des édiles

1.1.1. Les lieux de naissance

Le lieu de naissance des individus qui composent le groupe-objet donne bien sûr

une indication de leur origine géographique puisqu’il révèle, sauf exception dont

aucune trace n’a été conservée, le lieu qui est celui de l’implantation de la famille ou

du moins des parents de l’individu au moment de sa naissance. En outre, ce lieu de

naissance est un des renseignements disponibles pour un assez grand nombre

d’individus et à partir duquel quelques raisonnements chiffrés peuvent être avancés.

C’est néanmoins une information assez limitée ne livrant que de faibles

enseignements, à moins de l’associer à d’autres, portant en particulier sur l’origine

des aïeux et des ancêtres, glanées dans des sources au caractère malheureusement

moins systématique que celles liées à l’état civil337.

La ville ou la paroisse de naissance de soixante-neuf des individus étudiés est

connue avec certitude. Quarante-trois sont nés à Lyon et six autres sont nés dans

des paroisses du Lyonnais très proche. Douze sont natifs de régions voisines,

traditionnellement liées à Lyon et que l’on peut grossièrement situer dans l’aire

d’influence lyonnaise comme le Forez, le Dauphiné ou le Beaujolais. On trouve

ensuite quelques représentants de régions dont on sait qu’elles ont toujours alimenté

l’immigration lyonnaise338 : un Languedocien et deux Auvergnats. La présence de

trois individus nés à l’étranger – dans des villes de commerce : Amsterdam, Gênes,

Leipzig – et de deux originaires de régions lointaines atteste de l’importante influence

que Lyon tient de son activité commerçante et du relatif cosmopolitisme de ces

centres européens du négoce. Les cas de Henri-Quirin Cazenove et de Charles

Reyne-Fittler illustrent assez bien l’histoire de ces réformés français émigrés qui

profitent des mesures prises sous le Consulat pour reprendre place au sein de la

société lyonnaise339.

337

L’enquête prosopographique ne constituant qu’un pan de l’étude globale, les registres paroissiaux et de l’état

civil ainsi que les archives notariées n’ont pas été étudiés. 338

GARDEN, Maurice, Lyon et les Lyonnais…, op.cit., p.85-111. 339

LÉONARD, Émile G., Histoire générale du protestantisme, t.3 : Déclin et renouveau, Quadrige/P.U.F., 1988,

p.147-148. [1ère

édition : 1964] ; ADR, 7 V 2. Culte réformé. Organisation, recensement de la population

protestante (an XI-1885) : à Lyon, une enquête menée par la préfecture à la demande de Portalis en floréal an XI

dénombre environ 6 200 protestants. Ce chiffre permet opportunément la création d’un Consistoire.

133

134

1.1.2. Des individus très intégrés à Lyon

Parmi nos édiles, vingt-quatre individus ont une implantation très récente à Lyon

puisqu’ils s’y sont eux-mêmes installés. La plupart d’entre eux arrivent à Lyon avant

la Révolution et leur nombre atteste de l’attractivité de la ville. Il s’agit avant tout de

commerçants (9), d’hommes de loi (5) et de talents (3) même si l’on remarque que la

noblesse du Forez continue à alimenter la ville et ce, également sous l’impact des

événements révolutionnaires qui au contraire tarissent les migrations économiques.

Ainsi voit-on par exemple Denis du Rosier de Magneux quitter ses terres de la région

de Feurs pour trouver refuge à Lyon alors que la Terreur se profile. Ce ci-devant

officier des Gardes françaises aux convictions royalistes affichées se trouve

particulièrement exposé à demeurer en sa seigneurie de Magneux-le-Gabion alors

même qu’il n’a pas hésité à profiter de la vente de biens nationaux pour accroître son

domaine340. Il gagne, en optant pour une résidence lyonnaise, un certain anonymat

mais se rapproche aussi d’un centre urbain susceptible d’offrir des opportunités

politiques. Ainsi il prend garde de ne pas se compromettre au moment du siège et

récolte les fruits de sa stratégie sous le régime napoléonien en devenant finalement

député du Rhône au Corps législatif le 10 août 1810.

En fait, en prenant appui tant sur les rapports de préfecture que sur les dossiers

de police 341 ou sur les écrits de contemporains, en particulier les notices

nécrologiques, on parvient à identifier douze familles dont l’origine est, sous l’Empire,

située ailleurs qu’à Lyon ou que dans les régions immédiatement voisines. Vingt-six

sont issues justement de ces régions limitrophes que sont le Dauphiné, le Forez, le

Pilat et le Jarez, le Beaujolais et les confins bourguignons, la Dombes et la Bresse,

sans compter trois lignées auvergnates. Cela ne signifie pas que seules ces familles

ont une origine extérieure au Lyonnais, mais plutôt qu’elles sont vues et qu’elles-

mêmes se représentent comme telles. Or, le rappel de leurs origines extérieures

340

KILBOURNE Lawrence. J., VITTE, Marcel, « n°16 : Loire, Saône-et-Loire », dans BERGERON, Louis,

CHAUSSINAND-NOGARET, Guy, [dir.] Grands notables…, op. cit., p.26-27. 341

ADR, 1 M 110 ; 2 M 12, État des fonctionnaires (an VIII-1818) ; 2 M 13, Registre des fonctionnaires du

département (an VIII-1830) ; 2 M 25, Rétablissement de l’autorité royale (1815) ; 2 M 42, Nominations,

tableaux (an VII-1833) ; 2 M 43, Personnel municipal. Circulaires, correspondance, instructions, listes (an IX-

1815) ; 2 M 44, Listes des maires et adjoints (1815) ; 2 M 63, Maires, adjoints, conseillers municipaux :

nominations, procès-verbaux d’installation, prestation de serment, correspondance, démissions : Lyon 1801-

1819 ; 3 M1, Formation des collèges électoraux et listes électorales ; 4 M 388, Registre nominatif des habitants

notables et des principaux fonctionnaires de la ville de Lyon sous le 1er

empire ; 4 M 827, Associations, enquêtes

(recensement des associations de plus de vingt personnes existant à Lyon en 1811).

135

s’explique très différemment selon les cas. En effet, dans le cas des familles

aristocratiques, il est question de souligner l’ancienneté ou au moins la véracité de la

noblesse et on n’hésite pas alors à faire mention d’un passé lointain même si

l’implantation à Lyon est ancienne (d’Albon, Riverieulx de Varax). Dans d’autres cas,

ceux des négociants en particulier, il s’agit au contraire souvent de mettre en valeur

l’ascension sociale récente (Arlès, Évesque, Gancel).

Au total, il est possible de distinguer trois catégories d’individus, s’agissant de

leur degré reconnu et revendiqué d’implantation à Lyon (tableau n°13).

On s’aperçoit que la catégorie socialement la plus homogène est la moins

nombreuse. Les « Lyonnais venus d’ailleurs » sont des ci-devant qui se réclament

d’une aristocratie ancienne et non-urbaine342. D’où leur insistance à rappeler des

racines dont ils ont l’espoir qu’elles les distinguent de la noblesse de cloche ou du

monde des robins, pour la plus grande partie d’entre eux issus du commerce. C’est

d’ailleurs le peu de poids de la vieille noblesse, que l’on peut notamment rapporter à

l’absence de parlement à Lyon, qui explique qu’au sein des deux autres catégories,

celle des « Lyonnais » comme celle des « étrangers » se mêlent presque

indifféremment anciens nobles et roturiers.

Le système napoléonien fait majoritairement appel à des hommes solidement

implantés localement, dont le destin est susceptible d’être assimilé à celui de la ville

en ce sens qu’ils incarnent dans leur diversité même la variété de la population et

qu’ils ont un intérêt direct à la prospérité des affaires locales. Il n’est sans doute pas

anodin de remarquer que les maires de Lyon nommés par Napoléon et Louis XVIII

de 1805 à 1815 appartiennent tous à des familles reconnues comme lyonnaises, les

trois maires de l’Empire étant nés à Lyon. L’impression qui domine est celle d’une

profonde intégration des édiles au sein de la société et de l’espace lyonnais et d’une

déliquescence du rapport entretenu avec l’espace d’origine lorsqu’il est extérieur.

Cela accrédite l’idée selon laquelle Lyon, bien qu’elle accueille de nombreuses

migrations, est une ville assez peu cosmopolite.

342

La ville étant le lieu d’anoblissement par acquisition, généralement de charges anoblissantes : offices de

conseiller secrétaire du roi, de trésorier général des finances et par exercice de l’échevinage. Joëlle Chevé parle

en ce sens de « la ville principe de noblesse » : CHEVÉ, Joëlle, « Nobles et bourgeois de Périgueux à la fin de

l’Ancien Régime : alliance féodale ou fusion identitaire ? », dans BRELOT (Claude-Isabelle) [dir.], Noblesses et

villes (1789-1950). Actes du colloque de Tours (17-19 mars 1994), Université de Tours, Maison des Sciences de

la ville, Collection Sciences de la ville, n°10, 1995, p.43.

136

Tableau n°13

Les édiles et leur implantation à Lyon343

Les « Lyonnais » : ce sont les individus nés à Lyon ou dans le Lyonnais, dont la famille est réputée lyonnaise et pour lesquels on ne trouve pas de rappel récurrent des origines extérieures au Lyonnais. Arthaud de la Ferrière, Aynard, Boulard de Gatellier, Charrasson, Chatillon de Chaponay, Chirat du Vernay, Desprez, Falsan, Fargues, Fay de Sathonay, Gérando, Germain, Jars, Jordan, Lacroix-Laval, La Roue, Laurencin, Leclerc de la Verpillière, Lecourt, Mayeuvre de Champvieux, Morand de Jouffrey, Morel-Rambion, Munet, Nivière, Parent, Pernon, Petit, Rambaud, Ruolz, Sain-Rousset, Sériziat, Servan, Vincent Saint-Bonnet, Vincent de Vaugelas, Vouty de la Tour. Soit 35 cas

Les « Lyonnais venus d’ailleurs » : ce sont les individus nés à Lyon ou dans le Lyonnais, dont la famille est dite lyonnaise mais pour lesquels on trouve un rappel récurrent des origines extérieures au Lyonnais. Albon, Assier de la Chassagne, Bona de Pérex, Bottu de Lima, Dujast d’Ambérieux, Giraud de Saint-Try, Nolhac, Riverieulx de Varax, Rosier de Magneux, Thoy. Soit 10 cas

Les « étrangers » : l’implantation de ces individus ou de leur famille est trop récente pour qu’ils soient dits Lyonnais. Le rappel de leurs origines et d’attaches extérieures est récurrent et constitue un élément essentiel de leur définition, quel que soit leur lieu de naissance et quel que soit par ailleurs leur degré d’intégration, souvent élevé, dans la ville. Arlès, Bernard-Charpieux, Bernat, Bontoux, Cazenove, Charrier de Senneville, Cochard, Courbon de Montviol, Devillas, Évesque, Frèrejean, Gancel, Grailhe de Montaima, Guerre, Hervier, Lécuyer, Lorin, Loyer, Midey, Monicault, Montmartin, Mottet, Passerat de la Chapelle, Regny, Regny fils, Reyne-Fittler. Soit 26 cas

343

Nous préférons ne pas classer 19 de nos personnages faute d’un niveau d’information suffisant. Ne figurent

donc pas dans ce recensement : Bodin, Champanhet, Dervieux, Fournel, Fournier, Godinot, Guérin, Guillon,

Leboeuf, Leroi, Mallié, Masson-Mongès, Mémo, Péclet, Perret, Ravier, Rivoire, Roche des Escures, Saulnier.

137

Non certes que son histoire ne soit pas faite de constants apports d’hommes, d’idées et de

richesses qui ont en retour nourri son rayonnement. Mais ces apports ont fécondé, et non pas

submergé, une tradition citadine faite de références culturelles partagées, de réseaux sociaux

souvent très actifs, et d’une certaine idée de la ville344

.

Par ailleurs il ne semble pas que les édiles qui partagent une origine

géographique semblable soient particulièrement liés. Bien plus importantes sont sans

doute les solidarités découlant de la proximité des lieux de résidence ou d’activité.

1.2. La géographie des lieux de vie

1.2.1. La répartition des domiciles

Contrairement à ce que l’on pourrait supposer immédiatement, il n’est pas

toujours aisé de connaître avec précision le lieu de domicile des édiles lyonnais. Il a

fallu mobiliser les sources les plus diverses pour parvenir à repérer la majeure partie

des domiciles politiques, c'est-à-dire ceux-là mêmes qui attestent de la résidence

lyonnaise en vertu de laquelle un individu peut être nommé au sein de la

municipalité 345 . Aussi surprenant que cela puisse paraître, les documents

préfectoraux, y compris les notes individuelles de renseignement, les procès-verbaux

d’installation346 et les almanachs347 ne font pas toujours mention du domicile. Ce sont

ici la mutation après décès d’un tiers, là un courrier archivé par les bureaux de la

mairie qui compensent parfois de telles lacunes.

En l’absence de source directe irréfutable, sauf à croiser un nombre suffisant de

sources de deuxième main, l’indication du domicile ne figure pas. Ainsi, pour six

personnages, le domicile n’a pu être précisé.

344

GRAFMEYER, Yves, Quand le tout Lyon se compte, Lyon, P.U.L., 1992, p.10. 345

Jars, le maire des Cent-jours, et Sériziat font exception à la règle. 346

ADR, 2 M 12 ; 2 M 13 ; 2 M 63. 347

Almanachs historiques et politiques de la ville de Lyon et du département du Rhône, Imp. Ballanche et Barret,

Lyon, an IX-1813 et Almanach historique et politique de la ville de Lyon et des Provinces pour l’année 1815. Ils

sont aisément consultables aux Archives municipales de Lyon sous forme de microfiches.

138

139

L’espace urbain est un identifiant social. Ainsi, la géographie des quartiers de

Lyon permet de repérer un certain nombre de lieux au sein desquels les édiles se

répartissent d’une façon qui n’est rien moins qu’aléatoire.

Le plan n°1 situe dans l’espace urbain les édiles précisément domiciliés dans

trois quartiers principaux.

Sous l’Empire, au moins sept édiles résident sur la place Bellecour ou Bonaparte

– ci-devant place Royale elle le redevient sous la Restauration – et pas moins d’un

tiers de l’effectif réside dans ses environs immédiats, principalement dans le quartier

d’Ainay, entre la place Bonaparte au Nord et la rue des remparts d’Ainay au Sud.

Des rues y sont particulièrement appréciées : la rue et la place de la Charité (quatre

occurrences), la rue du Plat (cinq occurrences) notamment. Plus au Nord, en dehors

du quartier d’Ainay proprement dit mais partant de Bellecour et le prolongeant, la rue

Saint Dominique348 est une artère particulièrement prestigieuse le long de laquelle au

moins quatre personnes ont vécu. Or les espaces ainsi définis, occupant un gros

tiers centre-Sud de la presqu’île349 sont principalement ceux de l’ancienne noblesse,

de ces propriétaires ci-devant que le régime napoléonien, et parfois le Directoire

avant lui, a remis en selle. Fay de Sathonay, Giraud de Saint-Try pour la rue du Plat,

Boulard de Gatellier, Nolhac et de Ruolz pour la rue du Pérat, d’Assier de la

Chassagne, Bona de Pérex ou Bottu de Lima350 pour la place Bonaparte, Charrier de

Senneville ou Riverieulx de Varax pour la rue Sala, de Laurencin pour la place

Grôlier, d’Albon pour la rue de la Charité : les exemples abondent qui font du quartier

d’Ainay le lieu de vie privilégié des représentants des anciennes familles. Et la rue

Saint Dominique en est une sorte d’excroissance que Leclerc de la Verpillière ou

Rambaud choisissent comme lieu de résidence.

L’autre espace de la ville particulièrement peuplé par les édiles est le quartier

grossièrement compris entre la place des Cordeliers au Sud (au-delà de l’Hôtel-Dieu)

et la rue Sainte Catherine ou encore la rue des Feuillants, au Nord de la place des

Terreaux. C’est une proportion d’édiles comparable à celle d’Ainay qui a élu domicile

dans ce quartier, désigné par commodité comme le quartier des Terreaux bien qu’il

348

Il s’agit de l’actuelle rue Émile Zola. 349

On y inclut la place Sainte Claire avec Rosier du Magneux. C’est l’actuel square Janmot. 350

Si Bona de Pérex et Bottu de Lima ne sont pas nommés par Napoléon mais par Louis XVIII, ils font partie

des personnalités approchées par le régime impérial : ADR, 1 M 110. Deuxième tableau.

140

excède assez largement icelui vers le Sud. Or, cet espace peut être considéré par

opposition au précédent comme celui des négociants et des bourgeois d’affaires.

Dès avant la Révolution, « le quartier proche de l’hôtel de ville, du théâtre, des cafés

est recherché par les soyeux » 351 . Qui trouve-t-on rue du Bât d’argent ? Les

négociants Reyne-Fittler, Leboeuf et Lécuyer. Dans la renommée rue Sainte

Catherine ? Vincent. Sur le quai Saint Clair 352 ? Bodin, Chirat, Devillas, Guérin,

Mottet de Gerando et Rivoire. Place de la Comédie ? Encore des négociants :

Regny, le père, et Vincent Saint-Bonnet. Cependant, cet espace est sans doute plus

mixte socialement que le précédent. Dans le réseau particulièrement dense des rues,

on trouve des noms d’édiles qui ne dépareraient pas au Sud de la place Bonaparte.

Ainsi de la rue Puits-Gaillot, voisine de l’Hôtel de ville. Mayeuvre de Champvieux et

Vouty de la Tour, importants propriétaire et magistrat, y résident, tout comme le

négociant Godinot353.

Quant au dernier tiers, il est d’abord formé des édiles que l’on trouve au sein

d’espaces intermédiaires qui peuvent être qualifiés de « périphéries intégrées » aux

espaces centraux évoqués. Il en va ainsi de l’avocat Jean Guerre qui réside rue des

Célestins ou encore du notaire Ravier et de l’entrepreneur Dervieux que l’on trouve

quai Saint Antoine. Au Nord de l’Hôtel-Dieu, l’élégant quai de Retz 354 accueille

d’incontournables hommes d’affaires (Bontoux, Pernon) ainsi que le chirurgien Petit.

On repère le maître des forges Frèrejean rue de la Vieille355, à proximité du quai

Saint Vincent. Mais, surtout, une partie d’entre eux est domiciliée dans l’autre cœur

de Lyon : outre-Saône. Or, il est remarquable de dénombrer parmi ceux-ci surtout

des roturiers. On y rencontre des hommes de loi à proximité du palais de justice dit

de Roanne : Bernard de Charpieux, Desprez ; un libraire-imprimeur : Leroi ; et, au

demeurant, un seul propriétaire par ailleurs ancien négociant : Montmartin.

En fait, le découpage de l’espace urbain en trois quartiers principaux auquel on

aboutit en classant les édiles en fonction de leur domicile et en prenant en compte

leur situation socio-professionnelle correspond à une réalité largement familière aux

351

TRÉNARD, Louis, La Révolution…, op. cit., p.15. 352

Actuel ensemble formé du cours d’Herbouville et du quai Lassagne. 353

Vouty de la Tour possède, il est vrai, le domaine dit de la Tour de la Belle Allemande, proche et autrement

prestigieux. 354

Actuel quai Jean Moulin. 355

Dite aussi rue de la Vieille monnaie. Actuelle rue Saint Benoît.

141

Lyonnais contemporains des faits étudiés. En effet, on a vu qu’à compter de l’an III la

ville fut divisée en trois sections et que les municipalités de Lyon-Nord, Lyon-Midi et

Lyon-Ouest exerçaient leur autorité sur des territoires correspondant grossièrement à

ceux qui viennent d’être distingués. Lorsque, le 20 germinal an XIII (10 avril 1805), le

couple impérial arrive en visite officielle à Lyon, l’hommage des clés de la ville lui est

rendu par le maire du Nord en présence notamment de ses deux collègues et de

l’ensemble du conseil municipal356. Or les clés – dessinées par Chinard et ciselées

en argent par l’orfèvre Saunier – sont, en ces premiers temps de l’Empire, encore

celles des trois mairies. Leur motif, créé pour l’occasion est extrêmement intéressant

à connaître. La division Lyon-Nord correspondant à l’actif quartier négociant des

Terreaux est représentée par un caducée, l’attribut de Mercure ici symbole du

commerce, surmonté de l’aigle impérial qui en fait le panneton. La division Ouest

recouvre le quartier Saint Jean qui s’articule autour des tribunaux et de l’archevêché.

La tige de sa clé réunit deux crosses au glaive de la justice. Le panneton est un

Code civil. L’aristocratique quartier d’Ainay compose l’essentiel de la division du Midi

qui se termine au confluent. Sa clé est la seule qui ne fasse référence à aucune

activité : Rhône et Saône unissent leurs flots le long de la tige alors qu’un dauphin

fait anneau et un aviron, panneton.

L’espace de la ville s’organise autour de quelques lieux importants en ce qu’ils

représentent ou accueillent très concrètement le pouvoir en différents domaines, en

ce qu’ils sont en mesure de constituer des lieux privilégiés de la sociabilité édilitaire.

En superposant le plan de ces lieux et celui des domiciles urbains des édiles, on

s’aperçoit qu’il n’y a pas de lien évident entre la localisation des lieux de

commandement institutionnel que sont la préfecture, l’hôtel de ville et l’archevêché et

la répartition de nos édiles selon leur catégorie sociale même si les individus étudiés

sont nombreux aux environs immédiats. Par contre, ces lieux de pouvoir se trouvent

dans les quartiers les plus actifs de Lyon et contribuent sans doute à leur dynamisme

comme à leur attractivité. On peut repérer de fait l’existence d’une sorte de

356

Le bibliothécaire Delandine a été chargé par le conseil municipal de rédiger une relation de la visite

impériale: DELANDINE, Passage à Lyon de leurs majestés Napoléon 1er

Empereur des Français et Roi d’Italie

et l’Impératrice Joséphine en 1805, Lyon, 1806, 68 p.

142

périmètre de la vie officielle357 borné par la place Bellecour au Sud, l’Hôtel-Dieu à

l’Est, les Terreaux au Nord et l’archevêché à l’Ouest. La situation de la préfecture

pose un problème particulier. Sous l’Empire, les préfets sont en effet logés dans le

bel hôtel de Varissan à l’angle de la rue Sala et de la rue Boissac, au cœur de

l’élégant quartier qui borde au Sud la place Bellecour. En fait, les bureaux de la

préfecture sont dispersés et seul le préfet officie en ce lieu. L’arrangement est

temporaire puisqu’il est prévu que la préfecture soit aménagée place Confort, aux

Jacobins, ancien couvent devenu bien national puis propriété du département par

décret impérial du 31 octobre 1810358. L’emplacement prévu de la préfecture se

trouve donc bien au cœur du périmètre de la vie officielle359.

C’est dans ce périmètre que s’exercent les fonctions centrales et notamment que

se déroulent les célébrations officielles. Ainsi la visite officielle du couple impérial qui

se déroule au printemps 1805 commence-t-elle par une entrée dans la ville qui suit

un parcours particulièrement signifiant, manifestant en quelque sorte l’espace du

politique. Napoléon et Joséphine, qui arrivent de Bourg, pénètrent dans l’enceinte de

la ville par la porte Saint Clair, au Nord, où est dressé un impressionnant arc de

triomphe paré de bronze et de marbre. Après avoir accepté les clés de la ville de ses

autorités, le couple impérial emprunte les quais du Rhône vers le Sud puis la rue de

la Barre pour déboucher sur la place Bellecour avant de longer la Saône jusqu’au

Pont de Pierre, de descendre le quai de la Baleine conduisant jusqu’au palais de

l’archevêché. Le cortège officiel s’est donné à voir aux Lyonnais le long d’un

itinéraire bornant purement et simplement l’espace politique lyonnais360. L’empereur

séjourne à l’archevêché où il reçoit à tour de rôle les principales institutions siégeant

à Lyon. Des trois quartiers de Lyon, on peut faire l’hypothèse qu’il privilégie celui qui

lui offre avec le palais de l’archevêché une demeure prestigieuse mais aussi qu’il

évite les industrieux Terreaux comme l’aristocratique quartier d’Ainay dont les beaux

hôtels sont en dehors du « périmètre de la vie officielle ». Lorsqu’il se déplace dans

le reste de l’espace urbain, principalement les troisième et quatrième jours de son

séjour, il se rend en des lieux précis qu’on lui désigne comme nécessitant ou

357

S’il n’utilise pas l’expression, Gérard Thermeau signale, à Saint-Étienne, l’existence d’un tel espace au sein

duquel s’exercent les « fonctions du centre » : THERMEAU, Gérard, À l’aube de la Révolution industrielle…,

op. cit., p.140. 358

ADR, 2 M 3. Le bail signé pour l’hôtel de Varissan par le préfet d’Herbouville le 5 juillet 1806 fait apparaître

que l’un des deux propriétaires n’est autre que Giraud de Saint-Try, futur conseiller municipal. 359

Les travaux commenceront en réalité seulement en 1816, sur des plans adoptés en 1813, et après le rejet de

l’hypothèse d’une installation du préfet place Bellecour. 360

Le plan de l’entrée impériale délimitant le périmètre de la vie officielle figure en annexe VI.

143

recevant déjà des aménagements mais jamais n’y accorde d’audience ni y prend

d’acte officiel361.

Il peut être intéressant de chercher à connaître quel était le lieu de résidence des

édiles avant l’Empire, sous la Révolution ou l’Ancien régime ou bien si des

changements de domicile ont lieu au cours de notre période. Puisque l’existence

d’une certaine ségrégation socio-spatiale est établie et qu’elle ne doit rien au hasard,

sans doute que repérer de tels changements résidentiels renseigne sur les parcours

sociaux et sur la représentation de l’espace qu’ont les contemporains de l’Empire. En

cette matière, le caractère lacunaire des informations ne permet absolument pas une

approche globale. Tout au plus est-il possible d’espérer reconstituer quelques cas

individuels intéressants voire significatifs.

Drapier d’origine héraultaise, Pierre Arlès (1742-1825) est un négociant qui

engrange sous le Consulat et l’Empire les bénéfices de son attitude prudente durant

la Révolution. Domicilié rue de la Convention 362 avant Brumaire, il se rallie au

nouveau régime et tire profit du nouveau contexte socio-économique pour atteindre à

une certaine reconnaissance. Il devient notamment membre de la Société des amis

du commerce et des arts en l’an XIII363. On le voit occuper successivement trois

domiciles principaux sous le régime napoléonien. Il quitte la sombre rue de la

Convention pour loger sur l’actif et renommé quai Saint Antoine à la fin du Consulat.

Il emménage finalement sur la place neuve des Carmes en 1815. Sans quitter jamais

l’espace urbain où se déploie l’essentiel de l’activité négociante, les déplacements

d’Arlès au sein de la ville révèlent qu’incontestablement sa position au sein de l’élite

économique lyonnaise se conforte progressivement comme le signalent les rapports

préfectoraux364.

Assez semblable, quoique concernant une personnalité à la fortune plus

importante, est l’itinéraire de Jean Bontoux (1754-1830). Protestant dauphinois, il

développe à Lyon, dans la dernière décennie de l’Ancien régime, une affaire de

banque. Son ascension sociale sous la Révolution et l’Empire est remarquable. Or,

d’abord petitement installé rue Puits-Gaillot, il migre de quelques dizaines de mètres

361

Napoléon se rend en particulier sur le site de plusieurs ponts sur la Saône et le Rhône, de quelques quais

(Saint Clair, Saint Vincent…), sur les terrains de Perrache et de la Tête d’Or : DELANDINE, Passage à Lyon de

leurs majestés…, op. cit. 362

Actuelle rue Royale. 363

ADR, 2 M 12. 364

ADR, 1 M 110 et 2 M 12.

144

pour vivre rue Sainte Catherine et s’il se montre lui aussi excessivement discret

durant la décennie révolutionnaire, il profite tout de même de la vente des biens du

clergé pour acquérir, en 1792, sur la communauté Saint Joseph et pour 300 000

livres, une vaste maison sise quai de Retz365, au Nord du port de l’hôpital366. Arlès et

Bontoux flirtent avec la limite méridionale du secteur des Terreaux mais ils ne

changent pas réellement le quartier – le second s’en est tout de même davantage

éloigné – et, s’il traduit leur ascension sociale, leur domicile témoigne en quelque

sorte de leur état d’un bout à l’autre de la période. Par contre, l’inspecteur des postes

Joseph Monicault (1767-?) change progressivement de quartier, passant des

Terreaux aux abords de la place Bellecour, au fur et à mesure que sa situation

s’améliore. Habitant rue Puits-Gaillot au début du Consulat, on le retrouve domicilié

sur le lumineux quai Saint Clair en l’an XII et il s’installe rue Saint Dominique lorsqu’il

devient directeur des postes impériales à Lyon en 1810. Plus significatif encore est

l’exemple d’André-Paul Sain-Rousset (1757-1837). D’extraction négociante, il réside

d’abord rue Puits-Gaillot comme son père puis, petit robin tirant profit des

événements, il élit domicile place Bellecour sous le Directoire et rue des Deux-

maisons367 sous le Consulat avant de s’installer définitivement rue du Pérat. Sous

Napoléon, ce baron d’Empire affecte un mode de vie de propriétaire ci-devant,

partageant son temps entre le quartier d’Ainay et son domaine de Vaux-en-

Beaujolais368.

1.2.2. Les édiles entre ville et campagne

Un certain nombre des personnages étudiés partagent en effet leur existence

entre plusieurs domiciles. En ce cas, ils mènent alternativement la vie de château, en

proche périphérie de la ville, et une existence urbaine, dans une maison ou un hôtel

de leur propriété. Il s’agit généralement de propriétaires ci-devant qui renouent avec

une pratique déjà répandue parmi cette catégorie de la population sous l’Ancien

régime. L’exemple d’André-Suzanne d’Albon est tout à fait révélateur de cet état de

fait. Propriétaire du domaine d’Avauges situé sur la commune de Saint Romain de

365

Actuel quai Jean Moulin. 366

ADR, 1 Q 329. 367

Actuelle rue Lintier. 368

Le plan de ce dernier itinéraire figure en annexe VI.

145

Popey, en pays Beaujolais, il y réside en compagnie de son père et de son frère aîné

avant 1789. Comme l’explique Louis Trénard :

La seigneurie reste un cadre fondamental du monde rural. (…) L’intervention de la seigneurie

dans la vie collective et individuelle des habitants se traduit d’abord par la présence des

seigneurs369

.

C’est comme un châtelain que l’on sait hostile aux bouleversements que d’Albon

est arrêté et brièvement emprisonné en 1789370. Il est ensuite dépossédé de son

domaine consécutivement à sa première émigration et ne recouvre la majeure partie

de ses biens qu’à la faveur du Consulat dont il obtient d’ailleurs sa radiation de la

liste des émigrés. Dès lors, sous le régime napoléonien, il partage son existence

entre la commune de Saint Romain de Popey, dont il devient maire en 1801 et où il

mène à nouveau la vie de château, et son domicile lyonnais de la place de la

Charité. Au moment où il devient maire de Lyon, en 1813, nous savons de sa

correspondance et de celle de sa femme que sa résidence principale effective est en

son domaine d’Avauges371. Incarne-t-il cette noblesse « suspendue dans le vide,

entre hôtel citadin et château seigneurial » qui caractérise le début du XIXe siècle

selon Claude-Isabelle Brelot372 ?

Quoiqu’il en soit, la pratique du double domicile est assez répandue et nombreux

sont ceux des édiles qui possèdent, en plus de leur domicile lyonnais, une propriété

située en dehors de la ville, généralement dans une campagne assez proche. Ils

exercent alors souvent une influence réelle au sein d’espaces ruraux où ils

apparaissent parfois comme des esprits éclairés et novateurs tel Nicolas Cochard à

Sainte Colombe, alors que d’autres se satisfont de paraître comme les propriétaires

aisés et puissants qu’ils sont : Claude Desprez à Grézieu-la-Varenne ou Jean-

Baptiste Giraud de Saint-Try à Anse. D’autres encore calquent leur mode de vie sur

un modèle qui devient commun à l’ensemble des notables : Paul Bontoux détient une

maison de campagne à Vaise. Lorsqu’il constate la multiplication des « maisons de

plaisance » aux environs de Lyon, Louis Trénard remarque :

369

TRÉNARD, Louis, La Révolution…, op.cit., p.42. 370

Ibid., p.246. 371

ADR, 8 J 2, Papiers Bondy, lettre du 22 janvier 1813. D’Albon évoque dans cette lettre, adressée au préfet

Bondy, la possibilité de rentrer à Lyon, ou plutôt « chez lui » c'est-à-dire en son château d’Avauges. 372

BRELOT, Claude-Isabelle, Noblesses et villes (1780-1950)…, op.cit., p.III.

146

Ce type de propriété assure aux Lyonnais une présence dans les zones rurales qui s’est

accrue au dix-huitième siècle. Les biens les plus modestes appartiennent aux bourgeois,

artisans, boutiquiers qui y récoltent leurs fruits, y font leur vin. (…) Au-delà d’une ville

tentaculaire, c’est une région qui s’esquisse373

.

Il se trouve que l’habitat multiple apparaît bien comme une caractéristique

distinguant les élites, celles issues de l’ancienne aristocratie d’abord mais pas

exclusivement. La propriété de plusieurs résidences révèle probablement une

volonté de maîtriser le temps et l’espace et elle a, paradoxalement, vu son intérêt

renouvelé par la Révolution. En effet, alors qu’à Lyon où la noblesse de robe est

forte, un modèle patricien semble s’affirmer à la fin de l’Ancien régime, où « l’hôtel

urbain tient lieu, plus que le château, de maison de famille »374, la Révolution et les

convulsions urbaines ont pour effet de rejeter les élites nobiliaires vers la campagne

et ses domaines éloignés de l’agitation politique la plus immédiatement menaçante. Il

y a là sans doute une spécificité lyonnaise qui modifie le rapport habituellement établi

entre château et Révolution375.

1.3. Lieux d’activité et horizons géographiques

Parmi les individus du corpus édilitaire, cinquante-neuf (65,5 %) ne sont pas

qualifiés de propriétaires. Cette proportion s’élève à 69,02 % pour les seuls édiles

nommés par Napoléon. Ils exercent donc une activité professionnelle dont ils tirent à

la fois souvent la part essentielle de leurs revenus mais aussi une part importante de

la notoriété qui leur vaut d’être distingués par le pouvoir central. Pour un certain

nombre d’entre eux, le lieu principal d’exercice de cette activité a pu être repéré avec

certitude. Il est possible ainsi d’esquisser une géographie des espaces d’activité des

édiles lyonnais qui, sur bien des points, vient confirmer sans surprise ce qui a été

constaté s’agissant des lieux de résidence pour ce qui concerne la spécialisation des

373

TRÉNARD, Louis, La Révolution…, op.cit., p.16. 374

BRELOT, Claude-Isabelle, Noblesses et villes (1780-1950)…, op.cit., p.V. 375

Et ce, malgré les cas de d’Albon et d’Assier. Ce dernier est bien identifié sous la Révolution comme l’ancien

baron de Theizé : TRÉNARD, Louis, La Révolution…, op.cit., p.674. Sur le rapport entre château et Révolution,

voir par exemple : GRANDCOING, Philippe, Les demeures de la distinction. Châteaux et châtelains au XIXe

siècle en Haute-Vienne, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 1999, p. 109-118.

147

Terreaux, « élément le plus actif et le plus pittoresque de la ville »376 comme quartier

négociant et manufacturier. On observe également l’importance de la localisation des

institutions et organismes publics, pour ce qui est notamment des hommes de loi et

des magistrats autour du palais de Roanne377, en ce qu’elle recèle de possibilités de

rencontres inter-personnelles fréquentes.

Liés par des proximités géographiques qui corroborent des accointances

professionnelles et sociales, les individus étudiés sont également pour certains

d’entre eux en relation avec les mêmes espaces extérieurs à la ville de Lyon. Selon

le type d’activité professionnelle qu’ils exercent, les édiles sont en effet en relation

avec des espaces plus ou moins lointains. Ainsi, les édiles lyonnais ont le regard

régulièrement tourné vers des horizons dont la situation économique et politique,

ainsi que le devenir, conditionnent partiellement ceux de Lyon. On peut globalement

repérer trois horizons principaux que l’on peut classer selon leur degré d’éloignement

vis-à-vis de Lyon.

Horizon proche, il s’agit d’abord des espaces immédiatement voisins. Les

communes proches du Viennois, des Monts du Lyonnais, du Forez ou de l’Ain offrent

à la fois main d’œuvre et matières premières. C’est l’exploitation des mines de Saint

Bel qui fonde la réussite des Jars. Ces espaces sont aussi l’aire dans laquelle se

déploie le phénomène déjà évoqué de la double résidence et, partant, dans laquelle

les édiles étendent leur activité politique. Il en va ainsi de ceux qui sont maires des

communes rurales où ils ont une propriété et parfois leurs attaches familiales.

Néanmoins si l’exercice de fonctions édilitaires à la campagne caractérise parfois la

notabilité sous l’Empire, le cas est peu fréquent parmi les individus du groupe-objet

ce qui tend à montrer que la population des édiles lyonnais n’est pas purement et

simplement assimilable à celle des notables. 12,5 % des cent quatre grands notables

recensés par l’Empire de 1805 à 1810 sont maires de communes rurales378. Parmi

les quatre-vingt-dix individus étudiés, seuls cinq exercent de telles responsabilités

(soit 5,5 %).

376

TRÉNARD, Louis, De l’Encyclopédie au Préromantisme…, op. cit., t.2, p.770. 377

Le palais de Roanne est situé sur le plan qui situe les principaux aménagements dans la ville : annexe VI. 378

REY, Jean-Philippe, « Les notables du Rhône : une nouvelle élite ? », op. cit.

148

En dehors de la région, il s’agit ensuite de l’horizon parisien. C’est une des

conséquences de la centralisation que de réduire à peu de choses les relations entre

villes de province et de tout ramener au face à face avec Paris. Là encore sont

concernés les édiles dont l’activité économique dépend de ce lieu de

commandement et de cet espace de consommation qu’est la capitale de l’Empire

mais aussi ceux dont l’activité politique dépasse le cadre de la ville ou du

département soit parce que leur fonction municipale est éminente, soit parce qu’ils

sont investis d’un mandat national. On s’aperçoit que, par leur intermédiaire, un

« canal » Paris / Lyon fonctionne. Les notables les plus éminents et parmi eux

quelques édiles, en particulier les maires Fay de Sathonay et d’Albon, les adjoints

Charrier de Senneville, Pernon et Sain-Rousset, les conseillers Arthaud de la

Ferrière, Chirat, Frèrejean, Rambaud, Rosier de Magneux et Vouty de la Tour sont

de véritables courroies de transmission qui, bien sûr, répercutent les demandes d’en

bas et les attentes d’en haut mais aussi renseignent le gouvernement sur l’état de

l’opinion publique et lui signalent les offres de service émanant de l’élite locale. Les

édiles les plus en vue, ceux qui entretiennent les relations les plus étroites avec la

capitale entretiennent ainsi l’illusion ou l’espoir d’une mobilité sociale. Partant, ils

agissent en faveur de la stabilité politique et sociale et de l’acceptation du régime en

véhiculant l’idée d’une vraie mobilité interne et l’espoir de l’ascension. Leur propre

situation atteste aux yeux de tous que le système n’est pas verrouillé en même

temps qu’elle leur assure auprès de leurs collègues une sorte de prééminence. Ils

sont ceux qui peuvent signaler les vocations ou les manquements, aider ou bloquer

les carrières379.

Dans une organisation aussi centralisée que celle du Premier Empire, on ne peut

espérer de fonction à Lyon sans avoir de relations avec la capitale. Lorsque la

succession du maire défunt Fay de Sathonay est envisagée, les principaux

prétendants (d’Albon, Sain-Rousset) séjournent à Paris de même que le préfet

(Taillepied de Bondy)380. Or, ce n’est pas uniquement leur sort qui se décide mais

aussi celui des futurs adjoints. Ainsi un personnage comme Charrier de Senneville

379

Une analyse comparable à propos du rôle de Boissy d’Anglas au sein des réseaux de notables ardéchois : LE

BOZEC, Christine, « Les relations Paris-Province-Paris à travers un réseau de notables », dans DUPUY, Roger

[dir.], Pouvoir local et Révolution…, op. cit., p.363-376. 380

ADR, 8 J 2. Correspondance Bondy-d’Albon.

149

bénéficie-t-il, en progressant dans la hiérarchie des adjoints381, de la nomination de

d’Albon qu’il a soutenu382.

Horizon lointain enfin, celui que forment certaines régions européennes. Il est

indispensable d’envisager le système de l’Empire dans sa dimension européenne.

Lyon existe d’autant plus et mieux que la ville, ses manufactures et son négoce

s’expriment dans ce système d’envergure continentale. Il est évident notamment que

« la suppression des frontières permet à Lyon et Turin de s’imposer comme les

vraies portes des Alpes au détriment de Chambéry et de Grenoble, et même de

Genève »383. L’Empire est donc pour Lyon un moyen de sortir du rapport exclusif

avec Paris. C’est pour les manufacturiers et négociants lyonnais un moyen de ne pas

dépendre exclusivement des commandes officielles ou induites par la volonté de

l’État et de profiter de ce que le dynamisme économique soit continental, privilégiant

les villes de l’intérieur. Lorsqu’il étudie le secteur de la soie, essentiel à Lyon, Jean

Labasse montre clairement que les relations que Lyon et le Lyonnais entretiennent

sous l’Empire avec Turin et le Piémont l’emportent sur celles qui unissent Lyon et

Paris. D’ailleurs, « les gens de Lyon sont chez eux en Italie où ils jouissent d’une

situation prépondérante : on se bat à leur passage pour obtenir leurs ordres, leurs

capitaux et leurs conseils »384.

L’exemple de Georges Frèrejean (1760-1831) apparaît particulièrement éclairant

sur l’insertion de Lyon dans un système politico-économique animé à ces différentes

échelles ainsi que sur la profonde imbrication de ces différents horizons entre eux.

Fils d’un ancien chaudronnier lyonnais devenu un important manufacturier et un riche

marchand de cuivre à la veille de la Révolution, Georges Frèrejean continue, de

concert avec son frère cadet, Louis (1762-1832), l’affaire familiale. Celle-ci s’est

particulièrement développée aux environs de Vienne, dans la vallée de la Gère, à

Pont-Évêque plus particulièrement. À la tête d’une fabrique de canons installée sur

les quais de Saône, les Frèrejean fournissent la Garde nationale dans les premières

années de la Révolution puis la ville en 1792. Ils adoptent une attitude

381

AML, 686 WP 018. 382

ADR, 8 J 2. Brouillon de Bondy, préparatoire à sa réponse aux courriers des 25 et 28 mars. 383

PALLUEL-GUILLARD, André, L’Aigle et la croix, op.cit., p.303. 384

LABASSE, Jean, Le commerce des soies à Lyon sous Napoléon…, op. cit., p.27. « Entre Piémont et pays

rhodaniens, les esprits, les préoccupations et les intérêts sont, sous l’Empire, étonnamment proches (…) Lyon a

moins d’affinités et de contacts avec Paris qu’avec Turin. » : Ibid., p.34.

150

particulièrement opportuniste durant les épisodes de la Terreur et de l’insurrection

qui leur permet de survivre malgré leur implication au sein des événements les plus

tragiques. Ils poursuivent dès lors leur activité et ce que l’on peut en saisir montre

combien l’horizon de ces manufacturiers lyonnais excède largement l’agglomération.

Avec l’appui du gouvernement, Georges et son frère créent à Pont-de-Vaux, d’où

leur aïeul est originaire, une fonderie de canons qui correspond en fait au transfert

pur et simple de l’outil de production développé à Lyon. Le ministère de la Guerre

garantit un apport financier ainsi que l’acheminement de métal provenant des

cloches fondues dans le département de l’Ain 385 . Machines lyonnaises et métal

bressan vont être utilisés par des ouvriers attirés de Lyon alors que le charbon est

acheminé par bateau depuis Rive-de-Gier via le Gier, le Rhône et la Saône. Le

pouvoir central parisien garde un œil attentif sur l’entreprise et la soutient en même

temps qu’il la contrôle386.

Après que ce site particulièrement productif a été fermé dans le contexte de

surproduction de l’année 1796, les Frèrejean investissent dans leurs forges de Lyon

et de Pont-Évêque, rétablies après les avanies subies lors des troubles liés à

l’insurrection et les séquestres consécutifs. Dès 1794, en fait, le site de la vallée de la

Gère, principalement consacré au travail du cuivre, est agrandi et les extensions se

poursuivent sous le Consulat jusqu’à ce que l’ensemble d’usines le plus vaste du

département de l’Isère soit édifié387. Toujours Lyonnais, les deux frères résident

souvent à Pont-Évêque, deviennent propriétaires en 1812 des mines de fer de la

Voulte388, font venir le charbon du Forez, et les métaux non ferreux de Hongrie ou de

Russie. Ainsi la dimension de l’entreprise devient proprement européenne alors

même que Georges Frèrejean entre au conseil municipal de Lyon à la faveur du

renouvellement de 1808. S’il ne fait pas partie des grands notables départementaux,

il partage néanmoins la sociabilité des élites économiques lyonnaises et intègre, en

1813, le conseil d’administration des hospices. La notoriété acquise depuis plus de

vingt ans dans le monde industriel par Georges Frèrejean l’amène à être appelé par

385

FRÈREJEAN, Alain, HAYMANN, Emmanuel, Les maîtres des forges. La saga d’une dynastie lyonnaise

1736-1886, Paris, Albin Michel, 1996, p.182-185. 386

30 prisonniers de guerre sont affectés à la fonderie de Pont-de-Vaux comme manutentionnaires : Ibid., p.184.

Le commissaire Noël Pointe visite l’entreprise au nom du comité de Salut public. 387

BODIN, Pascale, Vienne et Pont-Évêque, deux établissements métallurgiques sur la vallée de la Gère en

activité de 1700 à 1900, mémoire de DEA d’Histoire de l’art, Université Lyon 2. 388

CHASSAGNE, Serge, « Pour faire du fer, il faut de l’argent : le financement de la sidérurgie rhodanienne

dans la première moitié du XIXe siècle », dans Autour de l’industrie. Histoire et patrimoine. Mélanges Woronoff,

Paris, Comité d’histoire économique et financière de la France, 2004, p.75.

151

Napoléon à siéger au sein du très important Conseil des arts et manufactures. Il

partage donc à la fin de l’Empire son existence entre Lyon, le pays viennois et Paris

tout en entretenant d’étroites relations avec des milieux économiques européens

rapprochés par la mise en place du système impérial.

On voit à travers cet exemple389 à quel point Lyon et ses élites économiques et

politiques sont insérées dans un système qui est à la fois centralisé depuis Paris

sans être limité aux frontières de la France et sans que les relations

traditionnellement privilégiées entre la métropole rhodanienne et son environnement

régional disparaissent.

2. Les édiles dans leurs familles

Avant tout, il faut énoncer une évidence : le personnel politique municipal

lyonnais sous l’Empire est exclusivement masculin.

L’étude du milieu familial dont sont issus, puis dans lequel évoluent les édiles

peut s’avérer pertinente pour caractériser les principaux types de milieux auxquels on

a affaire. Les phénomènes de génération, d’alliances ou de parenté offrent sans

doute un des terrains les plus féconds et les plus assurés pour l’intelligence du

monde social. Malheureusement la reconstitution des familles auxquelles

appartiennent initialement les édiles est malaisée. Les sources sont la plupart du

temps peu loquaces voire muettes pour ce qui concerne les individus qui n’ont pas

d’ascendance aristocratique. Il faut croiser de nombreuses sources indirectes comme

les mutations après décès ou quelques actes notariés pour tenter de reconstruire

quelques uns des univers familiaux dont sont issus les personnages étudiés390. Pour

ce qui concerne le recours à l’état civil qui vise en particulier à la reconstitution des

fratries, les registres paroissiaux n’ont pas été exploités et les tables décennales

n’existent qu’à compter de 1792, ce qui est généralement trop tardif391. Les membres

de l’aristocratie d’Ancien régime sont mieux servis par l’ensemble des sources

389

Celui de Camille Pernon, par exemple, est tout aussi éclairant bien que peut-être davantage lié aux

commandes d’État. 390

L’entrée principale est celle de la sous-série de l’enregistrement (3 Q), aux Archives départementales du

Rhône. À noter que la cotation en est en cours de refonte. 391

L’ensemble de ces sources est en cours de numérisation. Elles sont progressivement accessibles sous cette

forme en salle de lecture des Archives départementales, rue Servient. Leur mise en ligne est prévue pour les

prochaines années.

152

d’autant qu’existent de précieux auxiliaires que sont les armoriaux ainsi que certains

dictionnaires ou recueils biographiques et généalogiques consacrés par des érudits

locaux aux principales familles lyonnaises. Pour les premiers, les travaux de

Révérend, Steyert ou Tricou dominent une masse de qualité très inégale392. Pour les

seconds, la somme des informations collectées par Frécon ou de Jouvencel est tout

à fait indispensable quoiqu’il faille opérer une vérification systématique393.

2.1. Ascendances

La part des individus à l’ascendance peu prestigieuse voire obscure est

importante. Cela vient confirmer le caractère récent de l’ascension sociale de la

majorité du corpus édilitaire, même lorsqu’une partie appartient à la noblesse

d’Ancien régime. D’autre part, il apparaît que le régime napoléonien ne fait pas de

l’ascendance noble ou réputée un critère majeur de distinction des édiles ni même

des notables. C’est ce que corrobore la lecture des écrits de Napoléon lui-même.

Lorsque l’empereur fait part à Gaudin, son ministre des Finances, de ses vues en

matière de notabilité, il exprime très clairement son souhait de ne pas massivement

faire appel aux vieilles familles. Évoquant les individus les plus imposés et les

« familles les plus considérables », il précise :

Quand on dit les familles les plus considérables, on n’entend pas celles qui jouissaient de plus

de considération dans l’ancien ordre des choses, à raison de leur extraction, quoique l’on

entende pas non plus que ces circonstances antérieures doivent les exclure ; mais on entend

spécialement les bonnes familles qui appartenaient à ce que l’on appelait autrefois le tiers

état, partie la plus saine de la population, et que les liens les plus étroits et les plus nombreux

attachent au Gouvernement. (…) On éloignera, en général, (…) les propriétaires qui ne sont

392

RÉVÉREND, Vte A., Armorial du Premier Empire, Paris, 1894-1897, 4 vol. ; Titres, anoblissements et

paieries de la Restauration, Paris, 1901-1906, 6 vol. ; Titres et confirmations de titres (1830-1908), Paris, 1909,

réédition Librairie H. Champion, 1974 ; STEYERT, A., Armorial général du Lyonnais, Forez et Beaujolais,

Lyon, Imp. Brun, 1860 (rééd. : Paris, éditions du Palais royal, 1974 ; Lyon, éditions René Georges, 1998) ;

TRICOU, Jean, Armorial de la généralité de Lyon, Lyon, Société des bibliophiles lyonnais, 1958, 2 vol., XLVI

et 530 p. 393

ADR, 106 J Fonds Frécon. Dépouillements généalogiques. Alliance et origines des familles notables de Lyon

(Ancien régime-XIXe siècle) ; JOUVENCEL, H. de, L’assemblée de la noblesse du Forez en 1789. Étude

historique et généalogique, Lyon, Imp. Brun, 1991 ; L’assemblée de la noblesse du baillage de la Sénéchaussée

de Lyon en 1789. Étude historique et généalogique, Lyon, Imp. Brun, 1911.

153

rentrés en jouissance de leur fortune que depuis l’an VIII, parce que, auparavant, ils étaient

émigrés394

.

Nonobstant ces considérations, il est possible de mettre en avant quelques

observations susceptibles d’aider à saisir la réalité sociale de Lyon et de la

population édilitaire sur la période.

Les individus issus de la noblesse d’épée sont peu nombreux. On en repère huit,

soit 8,88 % du total du groupe-objet395. Cependant, on sait la faiblesse structurelle de

l’ancienne noblesse à Lyon et, compte tenu de ce qui vient d’être dit, la proportion

n’est pas négligeable. Trente édiles au moins396 (33,3 %) sont quant à eux issus de

la robe, extraite généralement du commerce, près de la moitié ayant parmi leurs

ascendants directs des personnalités ayant exercé des charges consulaires (tableau

n°14).

Tableau n°14

Les édiles d’ascendance noble

Noblesse d’épée

Albon ; Assier ; Chatillon de Chaponay ; Laurencin ; Leclerc de la Verpillière ; Mallet de Fargues ; Rosier de Magneux ; Thoy

Noblesse de robe

Famille consulaire

Arthaud de la Ferrière ; Bona de Pérex ; Boulard de Gatellier ; Chirat ; Fay de Sathonay ; Giraud ; Grailhe de Montaima ; Jordan ; La Roue ; Mayeuvre de Champvieux ; Nolhac ; Rambaud ; Riverieulx de Varax ; Servan

Famille non consulaire

Bottu de Lima ; Cazenove ; Courbon de Montviol ; Dujast d’Ambérieu ; Gérando ; Lacroix-Laval ; Monicault ; Morand ; Morel ; Passerat de la Chapelle-Catalan ; Pernon ; Ruolz ; Sain-Rousset ; Vincent Saint-Bonnet ; Vincent de Vaugelas ; Vouty de la Tour

394

Napoléon Bonaparte, Correspondance générale, Tome cinquième : 1805, Fayard, 2008, n° 9653 (lettre du 18

ventôse an XIII, 9 mars 1805). 395

Six sur huit sont nommés par Napoléon. 396

Les éléments manquent pour classer avec certitude dans cette catégorie Masson-Mongès et Roche des

Escures.

154

Un peu plus des trois cinquièmes des édiles sont donc d’origine roturière. Parmi

eux, on en repère quelques-uns dont l’ascendance est réputée soit pour ses mérites

soit pour sa fortune, les deux allant parfois de pair. Les Frèrerejean ou les Regny

appartiennent à des lignées d’entrepreneurs comme Claude Desprez vient d’une

famille de notaires de Grézieu-la-Varenne qui a acquis une telle réputation que notre

personnage est élu du tiers en 1789. C’est un homme fait lorsque débute la

Révolution. Laurent Nivière est le fils d’Antoine dit Nivière-Chol, actif négociant

devenu maire de Lyon de décembre 1792 à février 1793 avant de démissionner et

d’émigrer, comme de nombreux rolandins. Au contraire, l’ascendance d’un Sériziat

apparaît des plus humbles, ce que signalent parfois les rapports de police397. C’est

l’Empire qui parvient à réunir au sein de mêmes institutions et à hisser à un niveau

comparable de notabilité des individus aux ascendances si disparates.

2.2. Mariage, célibat, divorce et taille des familles

Dans l’écrasante majorité des cas, les individus sont mariés ou l’ont été au

moment où ils font leur entrée au conseil municipal. On ne dénombre avec certitude

que sept célibataires ce qui représente tout de même 7.7 % de la population398. Les

célibataires font donc exception à une norme qui, en outre, fait du mariage et de sa

qualité un indicateur et même parfois un facteur de notabilité. Malgré le silence dans

lequel les tiennent les documents officiels comme l’ensemble des sources, on

constate ça et là que les femmes comptent. Ainsi de l’épouse de Jean-Baptiste

Giraud de Saint-Try, Marie-Augustine, dont on loue les qualités de maîtresse de

maison399 ou de celle d’André-Suzanne d’Albon dont on aperçoit l’aptitude à aider

l’évolution de la carrière de son mari en jouant de son influence au sein de différents

réseaux de sociabilité400.

Certaines unions sont clairement l’occasion pour quelques-uns de nos individus

d’accroître considérablement leur influence en ajoutant au leur propre le

rayonnement de leur belle famille. Le négociant protestant Henri-Quirin de Cazenove

n’a pas 25 ans quand il pérennise sa récente installation à Lyon en épousant, le 24

397

ADR, 4 M 388. Sériziat. 398

Il s’agit de d’Assier de la Chassagne, Fay de Sathonay, Guillon, Lecourt, Lorin, Morel et Pernon. 399

ADR, 1 M 110. Deuxième tableau. 400

ADR, 8 J 2. Lettre du 7 avril 1813.

155

novembre 1792, Élisabeth-Pierrette la fille du très influent Paul-Étienne Devillas401.

De ce moment, il devient rapidement un des personnages les plus en vue de la

communauté réformée ainsi que de l’élite économique lyonnaises ; position qui lui

vaut d’être nommé, le 24 avril 1810, au poste d’adjoint au maire. Sébastien-Claude-

Salicon de Senneville n’est que l’obscur descendant d’un notaire grenoblois

rapidement enrichi à la faveur d’engagements opportuns dans la fourniture de vivres

aux armées révolutionnaires avant que d’épouser l’héritière d’une des plus

importantes familles du département, Guillemette-Hippolyte Charrier de Grigny.

Le mariage des édiles est célébré en général un peu avant leur trentième année

et l’union tardive, en 1803 à l’âge de 43 ans, d’André-Suzanne d’Albon avec « le

dernier rejeton d’une des plus illustres familles du Dauphiné »402 en la personne de

Marie de Viennois fait exception.

Trois cas de re-mariages consécutifs à un deuil sont relevés403. Un cas unique

de divorce est attesté : Étienne Évesque, négociant protestant d’origine gardoise

installé à Lyon à la veille de la Révolution, divorce le 26 vendémiaire an VII (17

octobre 1793) à Lyon-Nord de Sophie Weguelin épousée au même lieu le 8 mars

1791. Il prend pour épouse en secondes noces, toujours à Lyon-Nord, le 22 fructidor

an VIII (9 septembre 1800), Françoise-Julie d’Arnal404, fille de négociants lyonnais

eux-mêmes originaires du Gard mais de petite noblesse. On sait que les marchands

et négociants forment à Lyon un des groupes les plus vulnérables vis-à-vis du

divorce avec 16 % des ménages touchés sur la période de 1792 à 1816405.

Seuls quelques rares couples mariés n’ont pas de descendance. Cela est avéré

avec certitude pour trois d’entre eux seulement406. Pour les autres, les naissances

401

ADR, 3 E 6630. 402

ADR, 1 M 110. Deuxième tableau. 403

Il s’agit d’Arlès, Mayeuvre et Nivière. 404

ADR, 3 E 9744.

405 DESSERTINE, Dominique, Divorcer à Lyon sous la Révolution et l’Empire, Lyon, Presses Universitaires de

Lyon, 1981, p.139. L’auteur dénombre 1 049 divorces de 1792 à l’an XII à Lyon, La Croix-Rousse, La

Guilliotière et Vaise et seulement 84 de l’an XIII à 1816 : Ibid., p.94-96. 406

Il s’agit des couples Bottu de Lima, Évesque et Giraud de Saint-Try. Cela représente une proportion à peine

supérieure à 3 % de la population totale et à 4 % de la population sur laquelle des renseignements sont acquis

avec certitude, ce qui est faible.

156

sont en moyenne au nombre de 3,4 enfants par foyer407. 9 % des édiles sur lesquels

des renseignements sont disponibles ont un enfant unique alors que les très grandes

familles sont presque inexistantes : seul Sériziat a neuf enfants. Par contre 40 % des

familles peuvent être considérées comme nombreuses (de 4 à 7 enfants) ce qui

constitue une proportion importante témoignant du maintien de comportements

démographiques traditionnels même si la tendance est celle de l’établissement du

modèle de la famille moyenne. Si l’on sait peu de choses de la fécondité réelle des

femmes et si notamment l’on a peu de traces des enfants décédés jeunes, quelques

observations sont en mesure d’éclairer cette étude sur ce qui est alors probablement

la norme en voie d’établissement. Quatre enfants naissent de l’union d’André Leclerc

de la Verpillière avec Clotilde Guinet de Montverd mais l’aînée meurt jeune comme le

premier fils à peine parvenu à l’âge adulte. Il laisse deux enfants lorsqu’il décède, à

l’âge de 55 ans. Par ailleurs, dans un document préfectoral composant partie de

l’enquête sur les anciennes familles commandée par l’empereur en 1809-1810, il est

fait état de treize individus de notre population. Leur moyenne d’âge est alors de

cinquante-trois ans, onze sont mariés et ils ont en moyenne 2,8 enfants vivants408.

2.3. Solidarités familiales

On le sait, les réseaux familiaux sont une des plus fermes garanties du maintien

du pouvoir entre les mains de quelques-uns, qu’il s’agisse du pouvoir économique ou

du pouvoir politique409. On a pu constater combien sous l’Ancien régime le pouvoir

municipal lyonnais reste concentré au sein d’une étroite oligarchie et combien

demeure vivace ensuite la culture politique qui légitime le recours à cette élite

traditionnelle410. Sous l’Empire, on peut repérer un certain nombre de solidarités

407

À titre d’indication, le nombre moyen d’enfants par notable marié est établi à 2,83 pour l’ensemble de la

France impériale par Louis Bergeron et Guy Chaussinand-Nogaret et à un chiffre légèrement supérieur pour le

département du Rhône : BERGERON, Louis, CHAUSSINAND-NOGARET, Guy, Les « Masses de granit ».

Cent mille notables du Premier empire, Paris, Éd. de l’E.H.E.S.S./Jean Touzot, 1979, p.17 et REY, Jean-

Philippe, « Les notables du Rhône : une nouvelle élite ? », op.cit. 408

ADR, 1 M 110. Notes sur les anciennes familles et leurs services. 409

On pense notamment à l’analyse portant sur un espace voisin : CHAMBON, Pascal, La Loire et l’Aigle. Les

Foréziens face à l’État napoléonien, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2005, p.73. 410

À propos des premières avancées démocratiques sous la Révolution, Bronislaw Baczko explique que « le

régime représentatif se réclame de la conception libérale de l’électeur, individu libre et autonome, détaché de ses

appartenances traditionnelles : famille, parenté, solidarités locales. Or, dans les conditions françaises de la fin du

157

familiales qui unissent des édiles entre eux ou à d’autres notables influents que nous

ne pouvons ignorer.

Pour commencer, une exception. Les Regny sont la seule famille pour laquelle

on trouve le père et le fils au sein de notre groupe. Notons pourtant qu’ils n’ont pas

siégé ensemble puisque Regny père a été un conseiller de la Restauration puis des

Cent-jours alors que son fils a exercé la fonction d’adjoint au début de la mairie

unique (1805-1808) avant, c’est vrai, d’être fait trésorier de la ville. Pas de lien direct

entre la nomination de l’un et de l’autre donc si ce n’est sans doute la volonté des

autorités gouvernementale et préfectorale d’associer, en ces moments cruciaux, une

famille d’entrepreneurs emblématiques à la gestion des affaires municipales. En fait,

la période étudiée n’est pas assez longue pour que l’on voie apparaître, ou non, des

sortes de dynasties édilitaires. Cependant, certains itinéraires – on pense notamment

à de Laurencin – ainsi que la part des familles consulaires (tableau n°14) semblent

indiquer la possibilité de leur existence.

Au sein de la population étudiée on repère au moins trente-quatre édiles unis par

dix-huit liens de parenté411 (tableau n°15).

La plupart sont des personnages issus de la noblesse d’Ancien régime et l’on

peut sans doute considérer comme une survivance de stratégies matrimoniales

traditionnelles la plupart des alliances qu’ils nouent entre eux. Le phénomène repéré

ressort de l’endogamie relativement commune aux ci-devant familles aristocratiques.

Il ne faut donc pas voir comme un facteur d’endogamie le fait que les anciens nobles

intègrent les institutions municipales impériales. Simplement, le fait qu’on les y trouve

permet de repérer des liens familiaux qui révèlent cette endogamie. L’alliance

d’Arthaud de la Ferrière et de Vouty de la Tour par les Riverieulx de Chambost ou

celle des de Laurencin et des d’Assier de la Chassagne impliquent des membres du

groupe-objet et leurs familles. Elles ne sont pas pour autant différentes dans leur

nature de celle des d’Albon et des de Viennois ou des Leclerc de la Verpillière et des

Guinet de Montverd qui unissent certains édiles à des notables extérieurs à la

municipalité et que l’on repère en étudiant les itinéraires individuels.

XVIII

e siècle, c’est une construction particulièrement abstraite ». BACZKO, Bronislaw, Politiques de la

Révolution française, Paris, Gallimard, coll. « Folio-Histoire », 2008, p.61. 411

Parmi ces trente-deux individus, dix sont nommés par Louis XVIII. Deux seulement ont des liens de parenté

entre eux : Godinot et Guérin.

158

Tableau n°15

Solidarités familiales entre édiles

Édiles Nature du lien

Arthaud de la Ferrière Vouty de la Tour cousins

Assier Laurencin oncle / neveu

Devillas

Bontoux

Cazenove

oncle / neveu par alliance

beau-père / gendre

Boulard de Gatellier Lacroix-Laval cousins par alliance

Dujast d’Ambérieux Bottu de Lima cousins

Fay de Sathonay Mallet de Fargues oncle / neveu par alliance

Godinot Guérin beaux-frères

Jordan Rambaud cousins

Monicault

Regny (Alexis-Antoine)

Regny (Jean-Aimé-Ange)

gendre / beau-père

beaux-frères

Mottet de Gérando Gérando

Vouty

cousins par alliance

cousins par alliance

Munet Parent beaux-frères

Nivière Midey beaux-frères

Nolhac Sain Rousset cousins par alliance

Regny (Alexis-Antoine) Regny (Jean-Aimé-Ange) père / fils

Regny (Jean-Aimé-Ange) Gérando cousins par alliance

Riverieulx Bona de Pérex cousins par alliance

Vincent Saint-Bonnet Vincent de Vaugelas cousins

L’étude d’autres groupes sociaux ou d’autres communautés met en lumière des

phénomènes comparables. Du côté des négociants, les unions matrimoniales

accélérant le développement des affaires ne sont pas rares. Arlès, par ses deux

mariages, en avril 1789 puis en novembre 1816, rapproche successivement ses

159

intérêts de ceux de deux négociants lyonnais presque homonymes : Giraud et

Girod412. Lécuyer, lui, épouse sous le Directoire la fille du négociant avec lequel il

s’entend alors pour l’acquisition d’un important bien national413. On voit qu’au sein de

la bourgeoisie, l’individualisme s’accompagne de stratégies familiales sophistiquées.

Les exemples abondent et ne se limitent pas aux négociants et financiers. Le cas de

Desprez est éloquent : fils de notaire et de fille de notaire, il épouse en 1781 une fille

de notaire414.

On assiste incontestablement à un phénomène qui tend à concentrer les unions

matrimoniales au sein du milieu social d’origine de l’époux. Pourtant, des éléments

de mobilité demeurent au sein de la société lyonnaise et les catégories sociales

conservent une certaine porosité. Ainsi voit-on le fils cadet d’une famille consulaire,

Chirat du Vernay, épouser, à La Guillotière en 1789, la fille du guimpier Berlié415.

Inversement, la même année, le riche négociant d’origine languedocienne Falsan

unit sa destinée avec celle de la fille d’un robin416. La date même des deux mariages

pris pour exemples nous retient de conclure sur l’efficacité de la politique proprement

impériale de fusion des élites. À Lyon, le faible poids de l’ancienne aristocratie

conjugué à la vigueur du négoce pousse depuis longtemps et sans doute bien plus

qu’ailleurs à la perméabilité des univers de la roture fortunée et de la noblesse par

acquisition. Ce qui vient d’être dit du réflexe d’endogamie caractérisant la vieille

noblesse locale suffit à montrer les limites sinon de la volonté du moins de la

politique napoléonienne de fusion.

Enfin, existe le cas des familles protestantes qui, formant une population

relativement réduite, elles aussi se révèlent endogames et ce, d’autant plus que les

nécessités de la foi et l’intérêt matériel se rejoignent. Or, là encore le phénomène

n’est pas spécifique à la période de l’Empire ; il a son origine bien en amont de la

Révolution elle-même. C’est le puissant Paul-Étienne Devillas qui devient oncle par

alliance de Jean Bontoux, en 1783, avant de prendre Henri-Quirin de Cazenove pour

gendre en 1792. Il n’y a là non plus, à l’évidence, pas de lien direct entre la

participation des uns et des autres aux institutions de la mairie unique et le choix de

telles alliances mais bien un phénomène indépendant d’endogamie au sein des

412

ADR, 106 J. Dossiers bleus, vol. 1 ; ADR, 1 Q 201. 413

ADR, 1 Q 439. 414

ADR, 106 J. Dossiers bleus, vol.5. 415

ADR, 3 E 21044. Il est vrai que déjà son père s’était marié à la fille du négociant Caillat en 1752. 416

ADR, 106 J. Dossiers bleus, vol.7.

160

élites que leur appartenance au groupe-objet révèle417. Néanmoins, il est raisonnable

de faire l’hypothèse que la présence de l’important Devillas au sein du conseil

municipal sous le Consulat et jusqu’en 1812 a favorisé le choix de son gendre

Cazenove418 en qualité d’adjoint en 1810.

Si l’on élargit légèrement le champ d’analyse en prenant en compte les notables

départementaux que le régime distingue comme tels en 1805-1806 et en 1810419, on

s’aperçoit que des liens de famille unissent directement quinze des édiles étudiés à

treize de ces personnalités (tableau n°16).

D’une manière générale on peut affirmer que les quatre-vingt-dix édiles qui

forment le corpus appartiennent aux élites lyonnaises qui forment sous l’Empire un

ensemble aux tendances oligarchiques. Ces élites sont composites et marginalement

perméables mais elles tendent à maintenir l’essentiel du pouvoir entre quelques

dizaines de familles qui, n’ayant pas toujours embrassé les mêmes causes politiques

ont néanmoins en partage la même culture et les mêmes intérêts économiques.

En outre, en observant la trajectoire des descendants de nos individus, on

aperçoit ça et là des indices de la pérennité de la société des notables qui se met

ainsi progressivement en place. Charles-Claude Rambaud (1790-1869) épouse, en

1820, une fille de Passerat de la Chapelle. Élisabeth-Félicie de Lacroix-Laval (1810-

1843) épouse le 19 mai 1831 Gabriel de Riverieulx de Varax (1804-1880). Le cas du

fils aîné de Boulard de Gatellier est tout à fait emblématique. Vital (1792-1884)

épouse, en 1822 à Saint Clément-les-Mâcon, Philiberte-Hélène Cellard du Sordet

(1802-1881). Il est alors conseiller auditeur à la Cour royale depuis 1816.

Propriétaire, il entre au conseil municipal de Lyon en 1852 – il a soixante ans – pour

y demeurer jusqu’à la fin du Second Empire. Son propre fils, Léon (1823-?), épouse

quant à lui à Chênelette, en 1858, Catherine-Mathilde-Marie Agniel de Chênelette,

descendante de Jean-Baptiste, grand notable du département sous l’Empire.

417

Par les d’Arnal et un lien très lointain, le conseiller Évesque est apparenté à Devillas et Cazenove. 418

Cazenove dont on sait par ailleurs qu’il est réputé plutôt hostile au régime : ADR 4 M 388. Cazenove. 419

Il s’agit des listes des 30 plus imposés et des 60 individus « distingués » de l’an XIII ainsi que de la

« statistique personnelle et morale » initiée par Montalivet en 1810. Voir REY, Jean-Philippe, « Le Rhône »,

op.cit.

161

Tableau n°16

Solidarités familiales : édiles et notables départementaux

Édile lyonnais Notable du Rhône Nature du lien

Assier

Laurencin

Laurencin (Jean-Espérance-Blandine)

Beaux-frères

Fils / père

Boulard de Gatellier Robin d’Orliénas Cousins par alliance

Charrier de Senneville Charrier de Grigny Gendre / beau-père

Chirat du Vernay Chirat Frères

Giraud de Saint Try Giraud de Montbellet Frères

Jars Jars Neveu / oncle

La Roue Noyel Beaux-frères

Lacroix-Laval Mogniat de l’Écluse

Bellet de Tavernost

Robin d’Orliénas

Gendre : beau-père

Neveu / oncle par alliance

Neveu / oncle

Morel

Vouty de la Tour

Riverieulx de Chambost Cousins

Nolhac

Sain Rousset

Bruyset Neveu / oncle par alliance

Cousins

Regny (Alexis-Antoine)

Regny (Jean-Aimé-Ange)

Clavière Beaux-frères

Neveu / oncle

3. La fortune

Logiquement, le régime napoléonien s’appuie sur des personnalités dont le

niveau de revenu et la fortune sont suffisants non seulement pour exercer un mandat

politique qui n’est pas rémunéré mais aussi représenter dignement tant l’institution

que l’Empire qu’ils servent.

Aucune source n’indique systématiquement la fortune ou le revenu pour l’ensemble

des personnages du corpus. Néanmoins, il existe deux séries d’informations qui

peuvent aider le chercheur à se faire une idée de la situation : les données fiscales et

les listes préfectorales préparant ou sanctionnant le recrutement.

162

Le critère fiscal est particulièrement intéressant à prendre en compte puisqu’il

repose sur des éléments homogènes et objectifs, comme celui du niveau de

contributions acquittées par trente-deux individus au début de l’Empire, en l’an XIII

précisément (tableau n°17). Il s’agit des personnalités qui figurent sur les listes des

soixante « contribuables distingués et par leur fortune et par leurs vertus publiques et

privées » et/ou sur celle des trente plus imposés du département420. La moyenne de

ces contributions s’élève à 3 000,71 francs. Cinq contribuables paient un impôt

inférieur à 1 000 francs alors que huit sont taxés pour plus de 5 000 francs. Le plus

imposé est Vouty de la Tour (9 118 francs) ; il acquitte une contribution d’un montant

plus de vingt fois supérieur à celle de Rosier de Magneux, le plus modeste des édiles

recensés (429 francs). À titre de comparaison, la moyenne d’imposition des quatre-

vingt-deux notables répertoriés dans les deux listes est de 2 734,13 francs et l’écart

entre le plus imposé et les moins imposés est de 1 à 23. 26,6 % des notables paient

moins de 1 000 francs de contributions et moins de 15 % plus de 5 000 francs.

Pour de nombreux édiles, le préfet se livre à une estimation des revenus réels

mais elle ne concerne pas toujours la même période et on n’a aucune certitude

qu’elle englobe l’ensemble des revenus et rentes dont ils bénéficient. Pour autant, il

s’agit d’informations précieuses à prendre en considération avec les précautions

d’usage. Si l’on suit le préfet d’Herbouville, les trente-trois personnages dont il évalue

la situation entre 1806 et 1810 ont un revenu annuel moyen de 23 909,10 francs421.

Le revenu le plus bas s’établit à 12 000 francs annuels et le plus élevé à 40 000. Les

fortunes, au denier vingt, de ces trente-trois individus seraient toutes comprises entre

240 000 francs et 800 000 francs. Cependant il existe des traces d’estimations de

revenus qui contrastent assez nettement avec ce constat. Si l’on se réfère aux

chiffres fournis par les préfets Bondy, Chabrol et Fournier, aux dix individus dont les

revenus sont indiqués sur la période 1812-1815 correspond une moyenne de 13 800

francs, les valeurs extrêmes allant cette fois de 45 000 francs à 3 000 francs422. Bien

sûr, point de généralisation à partir d’une collection si réduite et si disparate mais

cela accroît indéniablement l’impression de relative hétérogénéité de la population

étudiée. En effet, alors que l’on pouvait s’attendre à observer un groupe lié par la très

420

AN, AFIV

1427 (dossier 3). Les deux listes figurent en annexe IV. 421

ADR, 1 M 110 ; ADR, 2 M 43. Globalement, l’ensemble des indications de revenu dont on dispose pour toute

la période donne une moyenne de 15 875 francs, ce qui reste tout à fait considérable. 422

Ibid. ; ADR, 2 M 63.

163

grande richesse, on se trouve face à un ensemble d’individus qui certes sont tous à

la tête d’un certain patrimoine mais dont tous ne disposent pas d’une réelle fortune.

C’est ce que confirment d’autres sources et en particulier les mutations après

décès 423 . Un certain nombre de personnages apparaissent réellement riches.

Figurant régulièrement parmi les plus imposés, ils possèdent un patrimoine

immobilier qui structure leur fortune et génère un revenu conséquent. Beaucoup

d’aristocrates d’Ancien régime composent ce groupe (d’Albon, Arthaud de la Ferrière,

d’Assier de la Chassagne, Cazenove, Nolhac, Riverieulx de Varax, Vouty de la

Tour…) mais la grande richesse n’est pas leur apanage (Bontoux) d’autant qu’on

repère des fortunes récentes (Parent, Sériziat). Pour certains édiles on peut sans

doute davantage parler de confortable aisance424 que de véritable richesse (Bernat,

Champanhet, Charrasson, Cochard, Ravier…). On ne repère pourtant pas de cas qui

s’écarte très nettement de la norme malgré une occurrence de déclassement

(Bernard-Charpieux). Si l’on voit certaines fortunes s’effondrer du fait

d’investissements hasardeux (Chirat du Vernay), les patrimoines sont généralement

solides et sans cesse au centre des préoccupations de leurs détenteurs, qu’il

s’agisse de les protéger des amputations révolutionnaires (Nolhac) ou au contraire

de tirer profit des bouleversements pour les augmenter : près de 25 % des édiles

sont acquéreurs de biens nationaux425 (tableau n°18).

423

En ce qui concerne les sources de l’enregistrement que sont les mutations après décès et les déclarations de

succession, le problème majeur est celui de la dispersion des bureaux, chacun ne s’occupant que des biens situés

dans son secteur. Les héritiers multipliant les déclarations en fonction de la localisation des biens, il est très

difficile d’avoir systématiquement une vue d’ensemble et complète de fortunes souvent dispersées. 424

André Palluel-Guillard situe cette confortable aisance à partir de 5 000 francs de revenus annuels.

PALLUEL-GUILLARD, André, L’Aigle et la croix…, op. cit., p.212. 425

Deux seulement sont nommés exclusivement par Louis XVIII et parmi eux, Nolhac dont le cas est très

particulier. Courbon de Montviol et Ravier agissent pour des tiers aux fortunes, d’ailleurs, bien inégales.

164

Tableau n°17

Le montant des contributions des édiles en l’an XIII

Nom Montant de la contribution (en francs)

Vouty de la Tour 9 118

Dervieux 6 592

Giraud de Saint-Try 6 000

Sériziat 5 672

Arthaud de la Ferrière 5 646

Guerre 5 463

Parent 5 303

Charrier de Senneville 5 234

Bernard-Charpieux 3 850

Devillas 3 650

Sain-Rousset 3 350

Regny (Alexis-Antoine) 3 291

Fay de Sathonay 3 164

Dujast d’Ambérieux 3 150

Morel-Rambion 2 940

Mayeuvre de Champvieux 2 911

Morand de Jouffrey 2 386

Leclerc de la Verpillière 1 961

Boulard de Gatellier 1 782

Bodin 1 740

La Roue 1 676

Assier de la Chassagne 1 509

Rambaud 1 462

Lecourt 1 400

Bona 1 189

Regny (Jean-Aimé-Ange) 1 165

Desprez 1 034

Ravier 856

Bontoux 850

Cochard 782

Bernat 468

Rosier de Magneux 429

165

Tableau n°18

Les édiles acquéreurs de biens nationaux

Nom Date ou période

d’acquisition

Montant global

d’acquisition

Bernat Juillet 1791 4 758 francs

Bontoux Novembre 1792-Juillet 1793 Plus de 300 000 francs

Cochard Mars 1791 7 200 francs

Courbon Mars 1793 1 600 francs (pour un tiers)

Dervieux 4 800 francs

Desprez Avril 1791 22 200 francs

Devillas -- --

Frèrejean Mai 1791 17 500 francs (en association)

Lécuyer Juin 1796 151 444 francs (en association)

Leroi Décembre 1790 61 000 francs (en association)

Mayeuvre Avril 1791 20 000 francs

Montmartin Mai 1791 61 700 francs

Morand Mars 1791-Juillet 1796 14 210 francs

Morel Août 1791 3 100 francs

Nolhac Juin 1796-juin 1798 1 208 870 francs

Parent Août 1796 283 500 francs (en association)

Péclet Février 1791 25 300 francs

Rambaud Mars 1791 34 700 francs

Ravier Janvier 1799 1 404 695 francs (pour un tiers)

Rosier 1791 4 631 francs

Saulnier Décembre 1791-juin 1796 69 892 francs

Sériziat Avril 1791-juillet 1796 1 459 800 francs

On a également trace des efforts pour assurer la transmission des patrimoines

aux descendants (Arthaud de la Ferrière, Morand de Jouffrey, Riverieulx de Varax).

Même si la Révolution a indéniablement porté préjudice à certaines fortunes,

presque toutes sont reconstituées durant la période napoléonienne (d’Albon,

Mayeuvre de Champvieux). Enfin, à l’exception de celles des importants

entrepreneurs (Bontoux, Cazenove, Frèrejean), les fortunes sont essentiellement

immobilières et peu nombreux sont en fin de compte les témoignages

166

d’investissements en valeurs mobilières. Lorsqu’à sa mort (1816), d’Assier de la

Chassagne laisse un patrimoine de plus de 600 000 francs, le principal est constitué

de biens immobiliers, une maison lyonnaise et le vaste domaine de Marcy auquel

sont liés des biens affermés, et on ne trouve qu’un portefeuille de 26 969 francs

d’obligations 426 . Son neveu et héritier laisse vingt-sept années plus tard une

succession d’envergure et à la structure comparables même si l’on repère cette fois

62 000 francs de créances et d’actions427.

L’idéal est bien celui du propriétaire. Arthaud de la Ferrière ou Morand de

Jouffrey dotent très méthodiquement leurs enfants de biens fonciers428, Nolhac met

beaucoup d’ardeur à reconstituer le domaine familial pendant que Sériziat assure et

signale sa nouvelle position en acquérant le domaine de Fromente429. Dans cet

ensemble, certains cas font exception. Ainsi de Giraud de Saint-Try ou de vouty de la

Tour. La mutation après décès du premier fait apparaître un patrimoine partagé entre

des valeurs mobilières qui constituent un peu plus de la moitié de l’ensemble et des

immeubles 430 . En 1808, le produit des parts qu’il possède du canal de Givors

représentent environ le dizième de l’ensemble de son revenu annuel.

Quoi qu’il en soit, on peut donc affirmer que l’élite politique qui émerge à Lyon

sur la période est partiellement légitimée par la détention d’une fortune ou du moins

par l’aisance financière. Elle semble néanmoins principalement justifiée par le mérite

et d’autres éléments de la notabilité liés à l’implication des individus au sein de la

société.

426

ADR, 3 Q 14/139, 132 Q 4, 132 Q 8. 427

ADR, 39 Q 17, 132 Q 8. Le domaine de Marcy est alors estimé à 414 000 francs. 428

ADR, 3 E 106 000, 3 E 23 058, 3 E 12 587, 52 Q 1. 429

ADR, 302 Q 20. 430

ADR 39 Q 14, 322 Q 14.

167

Section 2. L’implication sociale

Le régime cherche à renouer le pacte politique local en mobilisant une élite

municipale idoine, ancrée dans la société lyonnaise. Par conséquent, il est

indispensable de chercher à évaluer le degré d’insertion des édiles au sein de la

société lyonnaise et, partant, leur capacité d’influence et d’entraînement comme leur

aptitude à porter la voix des différentes composantes de la population lyonnaise, les

représenter en somme. Dans cette perspective, il est nécessaire notamment de

prendre en compte des éléments de la sociabilité formelle, celle des associations et

du politique, à laquelle les individus du corpus participent431. Le choix que certains

membres des élites font d’appartenir ou non à telle ou telle association, d’accepter tel

ou tel mandat dans le contexte d’un renouveau de la sociabilité élitaire, l’activité

qu’ils exercent et la classe sociale à laquelle on les assimile, autant d’éléments au

travers desquels les individus se révèlent et nouent des liens privilégiés avec

d’autres. C’est bien parce que les solidarités verticales reposent davantage que

celles liées à la géographie ou à la famille sur des choix individuels que leur étude

est hautement significative. De telles solidarités, même si elles dépendent

étroitement de l’appartenance professionnelle ou de la notoriété de la famille, se

rapportent d’abord à l’activité et aux options personnelles qui prennent la forme

d’engagements au travers desquels les individus, littéralement, se donnent à voir. Au

travers de l’étude de ces solidarités on peut apercevoir leur impact sur la

traditionnelle diversité des élites et, partant, leur degré d’instrumentalisation au

service de l’objectif de fusion poursuivi par le régime impérial.

1. Les notables font les édiles

Quarante des individus étudiés font partie des listes de notabilités du début de

l’Empire, celles des trente plus imposés et des soixante plus distingués, qui

regroupent quatre-vingt-deux noms, ou de la Statistique morale et personnelle de

431

On distingue cette sociabilité de la sociabilité informelle, familiale notamment. À ce propos : PELLISSIER,

Catherine, Loisirs et sociabilités des notables lyonnais au XIXe siècle, t.1, Lyon, Éditions lyonnaises d’art et

d’histoire, P.U.L., 1996, p.5-7.

168

1810 qui en ajoute vingt-deux432. Les édiles apparaissent comme une illustration de

l’état de la société des notables à Lyon sous l’Empire en ce sens que la notabilité ne

dépend pas de l’appartenance ou non aux institutions municipales alors que

l’appartenance aux institutions municipales est bien davantage un privilège des

notables433. Pour autant, la composition du groupe-objet est caractérisée par un

certain nombre de spécificités.

Pour les autorités de l’époque autant que pour l’ensemble de leurs

contemporains, les individus sont d’abord définis par leur état c'est-à-dire par la

catégorie socio-professionnelle à laquelle ils appartiennent ou, ce qui est tout aussi

important, à laquelle on les identifie.

1.1. Patriciens et riches négociants dominent

Sous l’Empire et la Première Restauration, patriciens et bourgeois d’affaires

aisés dominent très nettement au sein du personnel municipal (figure n°2).

Les élites économiques parmi lesquelles dominent les négociants sont de loin les

plus nombreuses. Si l’on associe aux trente-huit personnalités systématiquement

recensées comme tels le banquier Bontoux, l’entrepreneur des coches Dervieux et le

libraire Leroi, on arrive à un groupe représentant 45,5 % du total. Les milieux

dirigeants de l’économie urbaine fournissent donc près de la moitié des édiles

lyonnais sur la période ce qui est considérable mais s’explique par le rôle commercial

et industriel traditionnel de la ville et la composition de ses élites. On peut néanmoins

remarquer que l’importance accordée ici au négoce est bien plus grande que celle

que les préfets lui ont faite au sein des listes de notabilités, en l’an XIII puis en 1810.

En effet, si l’on prend en compte les cent quatre grands notables répertoriés dans le

cadre des grandes enquêtes nationales, on s’aperçoit que le groupe formé des

négociants, des banquiers et des entrepreneurs ne constitue qu’à peine plus du

cinquième du total. Napoléon fait davantage appel aux élites économiques que ne l’y

432

Ces listes figurent en annexe IV. 433

D’autant plus si l’on considère que sous l’Empire, progressivement, le « corps social apparaît binaire ; il se

compose des notables d’une part, que caractérise la propriété, et du peuple d’autre part, agrégat d’individus mal

différenciés » : BOUDON, Jacques-Olivier, La France et l’Europe de Napoléon, Paris, Armand Colin, 2006,

p.82.

169

invitent ses préfets434. À cela, on peut trouver trois principaux éléments d’explication.

D’abord, l’empereur est attaché à ce que figurent parmi les notables un grand

nombre d’individus issus du tiers état comme il avait pris la précaution de le rappeler

à son ministre des finances 435 aux premiers temps de l’Empire. Il applique

incontestablement ce principe lors des nominations au sein de la municipalité

lyonnaise. Ensuite, la réticence des aristocrates, même récents et de robe, à

s’engager dans la gestion municipale est traditionnelle et a pu influer ici, d’autant

plus que le régime apparaît à beaucoup comme issu de la matrice révolutionnaire.

Pour autant, il ne faut pas oublier que l’aristocratie « privée de ses privilèges mais

non de son influence tant économique que symbolique (n’a) peut-être plus les

mêmes réserves vis-à-vis de l’institution municipale »436. Enfin, on peut penser que

s’assurer la loyauté d’une ville comme Lyon nécessite que l’on prenne en compte sa

sociologie : cité manufacturière et commerçante à laquelle le nouveau régime

prétend rendre sa prospérité, Lyon doit voir sa destinée prioritairement confiée à ses

élites économiques.

Indubitablement, les hommes choisis par Napoléon sont au cœur du monde

lyonnais des affaires. L’exemple de Cazenove est frappant : gendre de Devillas et

associé de son beau-frère Élisée, il est aussi le beau-frère de Villa d’Arnal, chef du

comptoir d’escompte de la Banque de France. Ils assument d’ailleurs très

publiquement leur fonction de porte-parole de l’élite économique, en particulier du

négoce. Durant toute la décennie, les interventions de conseillers en faveur des

intérêts des négociants sont récurrentes. Elles se font plus nombreuses quand la

conjoncture économique difficile porte atteinte à leurs intérêts. C’est en leur nom que

le conseiller Falsan transmet un mémoire sur la situation économique de la ville au

maire en partance pour Paris, en septembre 1811437. C’est également au nom de ses

confrères que Bodin interpelle le conseil municipal dans une séance de juillet 1813

pour y défendre des propositions touchant à la règlementation de la fabrique438.

434

Les négociants ne sont même que 13,2 % de la liste établie pour Montalivet en 1810. 435

Relevons tout de même qu’assimiler les négociants aux non nobles est hâtif : Cazenove, Chirat, Lacroix-

Laval et Pernon sont des aristocrates d’Ancien régime. 436

GARDEN, Maurice, « Municipalité et personnel politique », op.cit., p.167. 437

AML, 1217 WP 033. 438

AML, 1217 WP 036 (18 juin 1813– 25 avril 1815). Séance du 8 juillet 1813.

170

Deuxième catégorie d’importance, les propriétaires (34,45 %). Trente et un

individus vivent de leurs biens, sans participer personnellement à la vie économique.

Aucun d’entre n’est jamais qualifié de rentier. Sous l’Empire, être qualifié de

propriétaire est la marque d’une position sociale prééminente, voire considérée

comme l’aboutissement d’une réussite sociale. Même si c’est le cas pour la plupart,

certains d’entre eux ne sont pas des nobles d’Ancien régime (Charrier de Senneville,

Jars, Munet) ce qui rend compte d’un certain phénomène de fusion des élites auquel

la Révolution et la période napoléonienne ont contribué. Il faut par conséquent

souligner « l’hétérogénéité de ce groupe « terrien » avec des personnes âgées, des

spéculateurs de biens nationaux et des prudents retirés dans leur domaine », dire la

diversité de cet « ensemble de notables aisés et oisifs, ou tout au moins sans activité

professionnelle précise »439.

439

PALLUEL-GUILLARD, André, L’Aigle et la croix, op. cit., p.243

Figure n°2.

La composition de la municipalité par catégories socio-professionnelles

Négociants,

banquiers,

manufacturiers

Propriétaires

Hommes de loi,

magistrats

Fonctionnaires

Talents34,45 %

45,5 %

12,2 %

4,45 %3,3 %

171

On constate enfin la faible part représentée par trois autres groupes d’inégale

importance. Les hommes de loi et les magistrats sont 12,2 % du total, les

fonctionnaires publics 4,4 % et l’ensemble formé des talents et des professions

libérales seulement 3,3 %. Il faut néanmoins remarquer que l’insécurité des années

révolutionnaires a suscité la recherche de situations stables, d’où une évidente

désaffection des professions libérales indépendantes et au contraire un attrait pour le

secteur public et l’administration. Quoi qu’il en soit, l’Empire correspond à une

période durant laquelle, à Lyon, les catégories sociales les plus manifestement

associées aux bouleversements révolutionnaires refluent, apparaissent moins

mobilisées au service du pouvoir politique qu’elles ne l’ont été dans un passé récent.

C’est d’autant plus vrai que les hommes de loi qui, sur notre période, ne sont pas

qualifiés de magistrats ne comptent en réalité que pour environ 6 % de l’effectif total.

La magistrature représente bien sous le Premier Empire le sommet de la hiérarchie

des robins, en quelque sorte leur idéal. En dépit des péripéties révolutionnaires,

l’impression générale est la stabilité et la continuité du monde judiciaire. La plupart

des anciennes familles de magistrats se maintiennent et la majorité des juges de

l’Empire peuvent espérer faire souche. La magistrature reste le secteur où le droit

peut encore servir de tremplin vers la réussite et la consécration sociale et,

progressivement, se ferme.

1.2. Des hommes compétents

On l’a vu, quatorze édiles d’origine robine appartiennent à une famille consulaire

(tableau n°14) auxquels s’ajoutent quatre représentants de la noblesse d’épée eux

aussi associés, personnellement ou par leurs ascendants, au pouvoir municipal

d’Ancien régime440. Parmi les ci-devant roturiers on relève la présence de deux

individus investis au sein de la municipalité sous la Révolution441 ainsi que le fils d’un

ancien maire rolandin442. D’autres ont assumé des fonctions périphériques comme

440

D’Albon, Chatillon de Chaponay, Laurencin et Leclerc de la Verpillière. 441

Chirat et Perret même si ce dernier refuse la charge de procureur de la commune en vendémiaire an IV.

Notons que Devillas est maire de Vaise en l’an II. On fait ici totalement abstraction des personnalités qui ont

accepté des responsabilités durant la période insurrectionnelle. 442

Nivière.

172

celles, électives, de juge de paix 443 et un conseiller parmi les plus importants,

Desprez, est entré au Directoire du département en l’an III. Deux conseillers

municipaux, l’un nommé par Napoléon, Mayeuvre de Champvieux, l’autre par Louis

XVIII, Jordan, ont été membres des Cinq cents. Ce bref recensement permet de

signaler qu’une proportion non négligeable des édiles nommés sur la décennie est

familière des questions administratives et de la gestion de la ville. En outre, l’âge

moyen auquel sont recrutés les édiles est le gage d’une certaine expérience : 51

ans.

Mais au-delà, c’est bien sûr leur appartenance à l’élite sociale et culturelle d’une

cité de plus de cent mille habitants qui constitue la garantie qu’ils disposent des

compétences nécessaires à la gestion des affaires de la cité. La prépondérance des

négociants et parmi eux des négociants d’envergure, l’importante présence des

nobles de robe, la part qui demeure non négligeable des hommes de loi et des

magistrats place les délibérations du conseil municipal et le travail exécutif quotidien

entre des mains expertes à manier les comptes et le droit, compétences requises de

tout administrateur. Il est absolument incontestable que quoi que l’on puisse dire par

ailleurs de leur investissement au service de la ville ou plus globalement du régime,

les hommes choisis par l’État pour peupler les institutions municipales sont des

hommes aptes à la tâche. Bien sûr, le critère de la compétence n’est pas l’unique

pris en compte au moment de la nomination, ni même parfois le premier, mais il

constitue en quelque sorte le pré-requis sans lequel toute désignation semble

purement et simplement impossible. On est, à Lyon, très loin des préoccupations qui

sont au même moment celles des préfets à la recherche de candidats capables

d’occuper les charges municipales dans les communes rurales444. L’examen des

sources montre avec netteté que le moindre doute quant à la capacité du postulant

de tenir la fonction l’écarte irrémédiablement d’icelle. Lorsque le ministre de l’Intérieur

demande, en 1806, à une commission de révision de justifier le fait que les deux

personnages les plus imposés du département, Pierre-Marie d’Espinay et Nicolas

Jussieux de Montluel, ne figurent pas parmi les notables et donc parmi les candidats

désignés par le préfet aux fonctions édilitaires, la réponse est sans ambiguïté : le

premier a « plusieurs entreprises quelquefois hasardeuses » et c’est « ce caractère

443

Sériziat par exemple. 444

BOUDON, Jacques-Olivier, Histoire du Consulat…, op. cit., p.244-245.

173

léger » qui lui vaut de ne pas être retenu, alors que le second se voit reprocher son

« caractère extravagant »445.

Lorsque le préfet du Rhône propose des candidats, lorsque le gouvernement et

l’empereur ou le roi envisagent des nominations, ils ne se posent que marginalement

la question de l’aptitude intellectuelle à tenir la charge car elle semble garantie par la

sélection qui a présidé à la constitution du vivier parmi lequel le choix s’effectue.

1.3. Des hommes en vue

Douze des édiles comparaissent à l’assemblée de la noblesse en 1789 et, au

total, vingt-trois de leurs familles y sont représentées (tableau n°19)446. La situation

dirigeante d’un certain nombre d’anciennes familles est donc bien prolongée sinon à

proprement parler restaurée.

Les édiles sont pour certains membres de la noblesse impériale. Fay de

Sathonay est le seul comte d’Empire mais on repère cinq barons (Passerat de la

Chapelle-Catalan, Rambaud, Rosier de Magneux, Sain-Rousset, Vouty de la Tour) et

un chevalier (Morand de Jouffrey).

Tableau n°19

Édiles et familles d’édiles à l’assemblée de la noblesse du baillage

de la sénéchaussée de Lyon, en 1789

Édiles comparants

Familles d’édiles représentées par un

parent

Assier de la Chassagne ; Chirat ; Courbon de Montviol ; Gérando ; Giraud de Saint-Try ; La Roue ; Morel-Rambion ; Pernon ; Rambaud ; Regny père ; Ruolz ; Sain

Bona de Pérex ; Bottu de Lima ; Boulard de Gatellier ; Chatillon de Chaponay ; Fay de Sathonay ; Lacroix-Laval ; Leclerc de la Verpillière ; Nolhac ; Riverieulx de Varax ; Servan ; Vincent de Saint-Bonnet

445

AN, AFIV

1427. 446

JOUVENCEL, H. de, L’assemblée de la noblesse du baillage de la Sénéchaussée de Lyon en 1789…, op.cit.

Le recensement est effectué par H. de Jouvencel d’après le relevé publié postérieurement aux séances et à la

lecture de leur procès-verbal par le libraire lyonnais de la Roche

174

De l’exercice de leur activité, les édiles tirent en général une réelle notoriété qui,

parfois, excède largement le plan local. L’évocation de quelques exemples peut en

donner une idée. La réussite économique de Joseph Sériziat ou d’Étienne Devillas

leur confère sans aucun doute un réel prestige auprès de leurs compatriotes,

notamment dans les milieux d’affaires. Joseph Sériziat est d’extraction modeste. Il

s’essaie à plusieurs métiers avant de connaître un certain succès comme aubergiste

à Vaise. Lorsque débute la Révolution, il devient suffisamment réputé pour être

désigné administrateur du district de Lyon (octobre – novembre 1791) avant d’être

élu juge de paix du canton de Vaise en août 1792. Il profite de la période

thermidorienne pour émerger comme épicier en gros, détenteur d’un patrimoine

important (il paie 5 672 francs de contributions en l’an XIII), partiellement acquis au

titre des biens nationaux. L’Empire prend acte de sa notoriété locale en faisant de lui

le président de l’assemblée du canton de Vaise et un conseiller municipal de Lyon à

compter de 1808. Étienne Devillas est lui aussi implanté à Vaise mais il a acquis

notoriété et fortune dès avant la Révolution semble-t-il, même s’il sait profiter des

événements pour les augmenter. On le voit rayonner au sein de la communauté des

négociants réformés dont il soutient l’activité, mêlant étroitement stratégie familiale,

solidarité confessionnelle et sens des affaires. C’est aussi bien-sûr la solidité de sa

situation financière – il figure parmi les trente plus imposés – qui le distingue aux

yeux de ses pairs et du régime napoléonien qui fait de lui un conseiller municipal dès

1800. Si le rayonnement de Sériziat ou de Devillas s’exerce avant tout à l’échelle

locale, des hommes comme Camille Pernon ou Aimé Frèrejean acquièrent une

renommée bien plus large. Leur cas illustre bien la réussite de l’économie locale.

Aimé Frèrejean, on l’a vu, fait fortune dans le cuivre en déployant une stratégie

d’entreprise à l’échelle européenne. Camille Pernon, lui, symbolise la réussite de

l’industrie et du commerce caractéristiques de la ville, ceux de la soie. Sa société

installée quai de Retz compte parmi les plus prestigieuses d’Europe et fournit

plusieurs cours du continent avant de connaître des vicissitudes sous la Révolution.

L’avènement du régime napoléonien lui permet en réalité de renouer avec son passé

d’entrepreneur au service des familles régnantes. Il profite en particulier des grandes

commandes pour Saint-Cloud lancées en 1802 et le Consulat puis l’Empire le

distinguent comme le représentant éminent des élites économiques locales en en

faisant tout à la fois un notable local – il est notamment membre de l’Académie, de la

175

Société des amis du commerce et des arts et de la chambre de commerce – et un

membre du Tribunat.

Plus prosaïquement, on trouve, au sein du groupe-objet, dix-sept personnalités

faisant partie des deux institutions les plus représentatives du monde économique

lyonnais. Neuf d’entre elles sont ou ont été membres de la chambre de commerce447,

quatre ont siégé au tribunal de commerce448 et quatre ont appartenu à ces deux

institutions449.

L’ascension économique et l’accession à des fonctions administratives, même si

elles ne sont pas parallèles, contribuent tout autant à asseoir et consolider des

puissances émergeantes au sortir de la Révolution qu’à les attirer vers les centres

politiques et économiques. Les recensements effectués au sein des différentes

catégories socio-professionnelles mettent en évidence l’existence de liens qui ont

pour fondement l’exercice d’une activité commune et la défense d’intérêts communs.

Ainsi apparaît une sorte de solidarité de classe qui n’est sans doute pas sans effet

sur la sociabilité d’autant que « les Lyonnais ont toujours montré un goût

remarquable pour l’association et qu’il est resté un des traits dominants de leur vie

économique et sociale »450.

2. La participation des édiles au renouveau de la sociabilité élitaire

Si l’on aborde la question de la sociabilité des élites au moyen de l’étude des

associations qui s’adressent à elles et recrutent en leur sein leurs membres, on

constate que l’Empire est une période de renouveau. En vérité, l’Empire voit se

confirmer, à Lyon, le phénomène de reprise de la sociabilité amorcé depuis l’an III

alors même qu’il en contrôle très étroitement les manifestations451. Il y a une sorte de

paradoxe à voir ainsi ce régime anti-libéral accompagner et non interrompre l’essor

des associations permis par la législation post-terroriste. La sociabilité formelle des

447

Bontoux, Leboeuf, Mallié, Mayeuvre de Champvieux, Mottet de Gérando, Regny père, Regny fils, Reyne-

Fittler, Servan. 448

Charrasson, Fournel, Gancel, Germain. 449

Chirat, Lecourt, Leroi, Pernon. 450

CHARLÉTY, Sébastien, Histoire de Lyon, Lyon, Rey, 1903, p.299. 451

On peut partager avec Caroline Barrera, qui étudie le cas toulousain, le constat selon lequel Consulat et

Empire constituent une période favorable aux associations, aux sociétés savantes en particulier : BARRERA,

Caroline, Les Sociétés savantes de Toulouse au XIX e siècle (1797-1865), Paris, Éd. du C.T.H.S., 2003, p.34-36.

176

élites se distingue donc par une assez forte continuité entre l’Ancien régime et le

Premier Empire, par delà les vicissitudes de la vie politique.

2.1. La reprise de l’activité académique

La Révolution a interrompu brutalement, à Lyon comme ailleurs, l’existence de

nombreuses associations jusqu’à ce que la République, sous ses formes directoriale

puis consulaire, et le Premier Empire permettent à la vie associative de reprendre

son cours. L’article 300 de la constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795) prévoit

que « les citoyens ont le droit de former des établissements particuliers d’éducation

et d’instruction, ainsi que des sociétés libres pour concourir au progrès de sciences,

des lettres et des arts ». Ainsi se met en place un nouveau cadre légal qui permet la

reprise de la vie académique.

À Lyon, les principales associations qui animaient la vie culturelle de la cité avant

la Révolution sont rétablies et d’autres prennent vie.

La Société de médecine de Lyon est créée en 1796. En 1798, la Société

d’agriculture fondée trente-sept ans auparavant rouvre ses portes452 aux principaux

propriétaires de la ville et de ses environs453. En 1800, le préfet Verninac autorise la

restauration de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts, tout juste centenaire.

Sous l’Empire, ce sont la Société des amis du commerce et des arts (1805) puis la

Société de pharmacie (1806), la Société de lecture (1807) et la Société d’émulation

pour l’étude de la langue et la littérature italienne454 qui apparaissent. En comptant

cercles et loges maçonniques au nombre des associations, le préfet Bondy en

recense dix-huit en 1811 lorsqu’il renseigne le ministre de l’Intérieur sur la vitalité de

la vie associative lyonnaise455.

452

La Société d’agriculture ainsi restaurée est en fait le résultat de la fusion de l’ancienne Société royale et de la

Société Philosophique des Sciences et Arts. 453

Catherine Pellissier remarque l’ « étonnante longévité » de plusieurs associations de notables et prend pour

exemple la Société d’Agriculture de Lyon fondée par arrêté du Conseil d’État du Roi du 12 mai 1761 qui

devient, pour notre période, en 1806 la Société d’Agriculture, d’histoire naturelle et d’arts utiles : PELLISSIER

Catherine, Loisirs et sociabilités…, op.cit., p.17. 454

BML, Fonds Coste 351 506, Statuti della Società d’emulazione per lo studio della lingua e della letteratura

italiana, Lyon, Ballanche, 1807, In-8°, 8 p. 455

ADR, 4 M 827. Recensement des associations de plus de vingt personnes existant à Lyon en 1811.

177

Il est bien sûr difficile de distinguer la fonction culturelle, savante, technique ou

scientifique de la fonction sociale et politique de telles associations mais il ne faut

surtout pas négliger le fait que l’on renoue à partir des dernières années de la

Révolution avec une notion de base de l’académisme des Lumières : l’utilité. Sous

l’Ancien régime, les sociétés savantes se donnent en effet pour mission de « définir

un idéal de service civique où le pouvoir et le savoir sont comme naturellement

unis »456.

À Lyon sous l’Empire, il existe donc sept associations dont le but affiché est

culturel ou scientifique. Quatre d’entre elles ont un rôle mineur, qui ne dépasse pour

ainsi dire pas les murs de la salle où elles tiennent épisodiquement leurs séances. La

Société de médecine, la Société de pharmacie, le Cercle littéraire (ou Société de

lecture) et la Société d’émulation pour l’étude de la langue et de la littérature

italiennes ont en effet une audience très réduite, circonscrite aux spécialistes et

paraissent tout à fait consacrées à l’objet qui les fonde457. On ne trouve en outre en

leur sein presqu’aucun des personnages qui nous occupent si ce n’est l’illustre

chirurgien Petit qui exerce un magistère certain sur la Société de médecine. Par

contre, trois associations ont un rayonnement plus affirmé, en mesure de dépasser le

cadre strictement local et d’excéder leur domaine de spécialité. Elles apparaissent en

mesure de jouer un rôle effectif sur les deux plans de la sociabilité et de la vie

politique locale tant il est vrai que « la vie intellectuelle (...) s’accompagne de

relations sociales et même de convivialité »458. Il s’agit de la Société d’agriculture de

Lyon, de la prestigieuse Académie, et de la Société des amis du commerce et des

arts.

Sur la période, on trouve dix édiles au sein de la Société d’agriculture de Lyon.

Trois d’entre eux sont aussi membres de la Société d’agriculture des propriétaires de

l’arrondissement de Villefranche459 et Sain-Rousset n’appartient qu’à cette dernière.

Neuf individus sur ces onze sont issus de la noblesse d’Ancien régime. Huit résident

aux alentours immédiats de la place Bonaparte, les autres ont aussi des adresses

456

ROCHE, Daniel, Les Républicains des lettres. Gens de culture et Lumières au XVIIIe siècle, Paris, Fayard,

1988, p.311. 457

ADR, 4 M 827. Courrier du 18 mai du préfet de Bondy au Comte Pelet, conseiller d’État du deuxième

arrondissement de la police générale 458

PELLISSIER Catherine, Loisirs et sociabilités…, op.cit., p.112. 459

Il s’agit d’Arthaud de la Ferrière, d’Assier de la Chassagne et de Giraud de Saint-Try.

178

prestigieuses : les rues des Feuillants et de l’Archevêché ou le quai de Retz460. Neuf

personnages font partie de la municipalité dès la mise en place de la mairie unique

alors que deux ne la rejoignent qu’en 1815. Tous propriétaires de domaines fonciers

aux alentours de Lyon, ils sont directement intéressés aux progrès des techniques de

culture, aux essais de semences et certains s’y impliquent beaucoup.

Tableau n°20

Édiles membres des principales associations à but culturel de Lyon (1805-1815)

Société d’agriculture Société des amis du commerce et des arts

Académie461

Arthaud de la Ferrière ; Assier de la Chassagne ; Boulard de Gatellier ; Cazenove ; Charrier de Senneville ; Cochard ; Dujast d’Ambérieux ; Fay de Sathonay ; Giraud de Saint-Try ; Pernon

Albon ; Arlès ; Assier de la Chassagne ; Aynard ; Charrier de Senneville ; Fay de Sathonay ; Mayeuvre de Champvieux ; Morand de Jouffrey ; Mottet de Gérando ; Pernon ; Rambaud ; Regny père ; Riverieulx de Varax ; Rivoire ; Sain Rousset

Cochard ; Fay de Sathonay ; Guerre ; Laurencin ; Mayeuvre de Champvieux ; Pernon ; Petit ; Rambaud ; Ruolz ; Vouty de la Tour

Louis Trénard a raison lorsqu’il montre que les membres de la Société

d’agriculture sont ou bien des grands propriétaires ou bien des intellectuels

préoccupés de recherches appliquées462. Ainsi, Nicolas Cochard s’essaie-t-il à la

viticulture sur ses terres de Condrieu et de Sainte Colombe, expérimentant des

procédés modernes de vinification. Arthaud de la Ferrière ou Sain-Rousset ont sans

doute une gestion plus lointaine et plus traditionnelle de domaines sur lesquels ils

comptent avant tout pour qu’ils leur procurent un revenu régulier et leur assurent le

prestige social que confère la propriété dans la société nouvelle. On assiste ici à la

rencontre de deux noblesses, celle d’Ancien régime et celle d’Empire, qui se

rejoignent in fine dans une conception commune de la notabilité basée sur la

possession d’un patrimoine foncier et la présence au sein d’une association

reconnue. Ainsi, les sociétés d’agriculture sont-elles un lieu où s’opère très 460

Il s’agit respectivement de Cazenove, Cochard et Pernon. 461

Nommé maire en 1813, d’Albon est fait correspondant de l’Académie la même année. À la différence de son

prédécesseur, il n’en est pas membre à part entière. 462

TRÉNARD, Louis, « Culture et sociabilité dans l’espace rhodanien à l’aube du XIXe siècle », Le Rhône,

naissance d’un département, Archives Départementales du Rhône, 1990, p.115.

179

partiellement la fusion des élites voulue par le régime alors qu’elles sont à l’origine

une sorte de fief de l’ancienne aristocratie, l’appartenance à ces sociétés

d’agriculture traduisant pour chacun de leurs membres l’appartenance à une

catégorie sociale sinon à un ordre.

La Société des amis du commerce et des arts semble plus directement liée aux

vœux du gouvernement et donc davantage révélatrice de ses vues politiques et

sociales. Créée en germinal de l’an XIII (avril 1805) sur le modèle de la Société

d’encouragement de Paris, elle compte pour membres fondateurs le ministre de

l’Intérieur Champagny et Joseph de Gérando, le fils d’Antoine-Benoît, son secrétaire

général463. Elle a pour objectif affiché l’encouragement de l’activité économique et en

particulier du commerce et des techniques. Dans une ville telle que Lyon, semblable

initiative ne peut sans doute que rencontrer l’adhésion des élites économiques et ce

sont effectivement ces élites que l’on retrouve très majoritairement parmi les

membres de l’association. Fay de Sathonay puis d’Albon en sont les présidents de

droit sous l’Empire ce qui démontre le lien étroit que Napoléon établit entre le

gouvernement de la cité et le soutien à l’économie locale. Quinze édiles sont

membres de la Société des amis du commerce et des arts dont six avec le titre de

conseiller. Ils sont bien entendu très intéressés à la bonne marche des affaires et

d’Arlès à Regny en passant par Aynard ou Pernon les entrepreneurs-financiers sont

nombreux. La présence parmi eux de quelques illustres propriétaires tels d’Assier de

la Chassagne ou Riverieulx de Varax vient illustrer la volonté de fusion des élites

revendiquée par l’Empereur qui rencontre à Lyon, on l’a vu, une habitude assez

ancienne de proximité entre noblesse et bourgeoisie. Directement mise en place par

le régime napoléonien et peuplée en partie de roturiers enrichis notamment à la

faveur de la stabilisation politique récente, on peut supposer qu’une telle association

est assez favorable à l’Empire et à son chef. Les réunions de la société se tiennent

au palais de la Bourse puis au palais Saint Pierre à compter de 1809. Il est bien

entendu qu’outre sa vocation au service de l’efficience économique, « cette Société

doit encore être considérée sous d’autres rapports d’utilité et d’agrément » :

463

AML, 784 WP 12 2, Dossier Société des Amis du commerce et des arts (an VIII-1830). Les souscriptions sont

reçues chez Bruyset l’aîné, Couderc, Terret et Regny père, tous membres de la chambre de commerce. La

contribution annuelle est de 36 francs selon l’article 3 du règlement.

180

Elle offrira à tous les Sociétaires les moyens d’étendre leurs connaissances par une

communication facile et une amicale fréquentation ; elle leur présentera un point de réunion,

où le négociant, l’artiste, l’homme de goût qui désirent s’éclairer mutuellement trouveront

l’occasion de se lier, de se connaître et de s’apprécier. (…) Le jeu, les banquets y seront

interdits464

.

Ici le rapport entre les autorités municipales et la société s’établit assez

nettement en faveur des premières. La Société des amis du commerce et des arts,

apparaît comme une association créée au service du nouveau régime incarné

localement par le maire. Ainsi, lorsque la société envisage des cérémonies publiques

elle en organise les modalités et en choisit la date de façon à s’assurer de la

présence du maire qui en est le président de droit465. Le rapport n’est pas le même

que pour l’Académie fondée sous Louis XIV.

L’Académie des sciences, belles lettres et arts de Lyon a été rétablie en l’an VIII

sous le nom d’Athénée 466 . La réunion décisive est organisée à l’hôtel de la

préfecture, alors rue Boissac, par le préfet Verninac, le 24 messidor an VIII (13 juillet

1800). La volonté affichée du régime consulaire est de redonner une partie de son

prestige à Lyon et de participer au développement des « lumières ». Le préfet

propose d’associer comme membres de la nouvelle académie « les restes précieux

de l’ancienne Académie » à des personnalités désignées par « l’opinion

publique »467. L’arrêté préfectoral du 24 messidor an VIII (13 août 1800) fixe les

statuts de l’Athénée. Quarante-cinq membres ordinaires détenant seuls le droit

d’élection et de délivrance des prix 468 disposent de la prééminence sur quinze

émules469 (leur voix est consultative) et des associés parmi lesquels on trouve trente

associés libres résidant dans le département et un nombre illimité d’associés 464

Ibid. Règlement. 465

Ibid. Lettre de Terret, secrétaire de la Société, à Fay, datée du 30 juin 1810. « Vous avez trop fait, Monsieur,

pour la société pour qu’elle ne désire pas vivement vous avoir à sa tête dans une circonstance aussi importante,

pour une cérémonie qui doit beaucoup ajouter à son éclat. Le conseil attend de votre bienveillance ordinaire que

vous voudrez bien avoir la bonté d’indiquer le jour pour lequel on pourra faire les convocations et inviter le

public » 466

« L’orage avait cessé. On ne remarquait plus sur les flots que cette légère ondulation, si douce à voir après

une effroyable et longue tempête. La mer, naguère si courroucée, s’ouvrait de nouveau à toutes les entreprises de

la science et du commerce… » comme l’écrit emphatiquement l’un des historiens locaux de l’Académie :

DUMAS, Histoire de l’Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, Lyon, Imp. Giberton et

Brun, 1839, vol.1, p.369. 467

Ibid. p.372. 468

Ils acquittent une cotisation annuelle, fournissent les membres du bureau, les rapporteurs, forment avis et

députations. 469

Les émules sont supprimés en 1802.

181

honoraires. Pour être reçu dans l’une des deux classes (celles des sciences compte

vingt membres, celle des lettres et arts, vingt-cinq) un candidat doit réunir au moins

vingt-trois suffrages. Les académiciens forment donc une élite intellectuelle restreinte

à laquelle l’accès est difficile et limité. On y trouve sur la période qui nous occupe

une dizaine de nos personnages. Le recrutement semble davantage basé sur le

mérite puisque la condition essentielle pour être admis au sein de l’Académie est

d’avoir produit et fait paraître des écrits, des travaux dans les domaines qui la

regardent. Seul Fay de Sathonay se voit, en 1806, accorder le titre d’associé sans

jamais avoir rien publié. Il doit son admission au sein de l’Académie à son statut de

maire que le nouveau régime cherche à asseoir. Il est intéressant d’observer qu’au

même titre que l’anoblissement, l’appartenance au milieu académique est un élément

de distinction et qu’à ce titre elle est jugée susceptible de conférer prestige et autorité

à l’élite du personnel politique municipal. On voit combien la conception

napoléonienne de la notabilité mêle des éléments qui renvoient à diverses

conceptions de la légitimité, faisant émerger notamment une sorte de « notabilité

intellectuelle ».

Majoritairement nos individus sont membres de la section lettres et arts alors que

trois d’entre eux appartiennent à la section sciences470. Quatre parmi les individus

recensés ne font pas partie de l’Académie dès sa restauration : Fay l’intègre en

1806, Cochard et Guerre en 1809, Laurencin en 1811. Il n’y a pas – cas du maire

mis à part – de relation entre la nomination au sein de la municipalité et la qualité

d’académicien. Néanmoins il semble que la condition d’académicien favorise l’accès

à la municipalité plutôt que l’inverse puisque les nominations au sein de la mairie

unique sont postérieures à l’admission au sein de l’Académie. La présence à

l’Académie est un facteur de notabilité qui favorise la désignation par l’autorité

centrale au sein de la municipalité. La participation aux institutions municipales ne

favorise pas forcément l’accès aux associations de notables.

Il convient enfin de remarquer que la totalité des vingt-six personnalités qui ont

appartenu à l’une de ces trois associations ont été des édiles de l’Empire et que ne

figure aucun de ceux qui ont été nommés par Louis XVIII seulement, ce qui constitue

470

Mayeuvre de Champvieux, Petit et Vouty de la Tour.

182

un indice de l’importance revêtue par ces différentes associations au service de la

sociabilité impériale.

2.2. La sociabilité des cercles

Comme on a pu le constater concernant les sociétés savantes ou académiques,

les dernières années de la Révolution et la période napoléonienne sont marquées

par la renaissance des formes de sociabilité supprimées par la Terreur. Louis

Trénard le montre :

Renaissent également les cercles qui avaient joué un rôle important dans la diffusion des

idées lors de la crise pré-révolutionnaire et durant la première phase de la Révolution. Ils se

sont disloqués en l’An II ; certains membres se laissent entraîner par les sociétés populaires,

d’autres demeurent fidèles à un idéal de république modérée, quelques-uns entrent dans la

clandestinité pour défendre les valeurs d’Ancien régime. Le Directoire et surtout le Consulat

marquent la renaissance de ces associations culturelles.471

Or, si la Révolution a proclamé la liberté d’association, l’Empire accroît le

contrôle de l’État. Selon l’article 291 du Code pénal, aucune association de plus de

vingt personnes « dont le but est la réunion régulière de ses membres pour s’occuper

d’objets religieux, littéraires, publics ou autres ne peut se former sans l’agrément du

gouvernement et hors des conditions qu’il fixera »472. De la même manière, l’article

294 exige l’autorisation de la municipalité pour qu’un local puisse être affecté aux

réunions. La société impériale est placée sous surveillance et cela a pour

conséquence de voir se multiplier les enquêtes diligentées par l’État et ses

représentants dans les départements, les préfets. À Lyon et pour l’ensemble du

département du Rhône, il revient à Taillepied de Bondy d’effectuer un recensement

en 1811473. Or, l’on constate qu’il s’en remet assez franchement au maire Fay de

Sathonay et à son premier adjoint Sain-Rousset pour mener à bien l’enquête ce qui

révèle la grande confiance qu’il place en le premier magistrat et en l’exécutif de la

471

TRÉNARD, Louis, « Culture et sociabilité… », op.cit., p.114. 472

Les trois articles suivants prévoient des sanctions en cas d’infraction. 473

ADR, 4 M 827.

183

ville mais aussi sans doute la faible crainte qu’il nourrit quand à l’existence à Lyon

d’associations susceptibles de menées subversives.

Au total, l’enquête de 1811 fait apparaître l’existence de trois cercles à Lyon qui

sont des lieux d’une assez vivante sociabilité. La connaissance de ces cercles nous

renseigne quant aux diverses formes de la sociabilité qu’ils génèrent. Or cette

sociabilité, par ses modalités mêmes a beaucoup à nous dire sur les dynamiques de

la société lyonnaise et sur l’insertion sociale des édiles.

Chacun de ces cercles a fondamentalement la même fonction : offrir un espace

de sociabilité à ses membres, fondé sur le principe de réunions régulières et

fréquentes auxquelles chacun est libre d’assister plus ou moins régulièrement et

durant lesquelles on s’adonne à la lecture de journaux et périodiques – sous le

Consulat et une partie de l’Empire, l’imprimeur Ballanche et son fils publient sous le

titre Bulletin de Lyon le récit des événements locaux mais aussi l’analyse des

nouveautés littéraires, artistiques, philosophiques474 – et aux jeux de commerce, les

jeux de hasard étant systématiquement exclus. Le nombre de membres est toujours

limité mais aucun des trois cercles ne paraît avoir jamais rencontré de problème de

surnombre car, si le principe d’une cotisation annuelle leur est commun, ils recrutent

principalement sur le principe de la cooptation qui permet une sélection assez fine

des candidatures.

Le cercle lyonnais qui compte le moins de membres est le cercle des Terreaux.

L’examen de sa composition fait apparaître une très nette domination des catégories

sociales que nous qualifierons d’intermédiaires. L’élément réellement populaire en

est absent 475 mais l’on y trouve essentiellement des maîtres-fabricants, des

commissionnaires, quelques talents et autres médecins ou architectes. D’ailleurs,

l’objet même du cercle nous informe clairement sur sa sociologie puisque, selon ses

statuts, « cette société a pour motif de former et d’entretenir des relations d’amitié et

de produire les délassements nécessaires et agréables à l’homme après son

travail »476. C’est le Lyon de la manufacture et du commerce, des représentants de

474

Les Archives municipales de Lyon possèdent la collection du Bulletin de Lyon : AML, 2 C 400013. 475

Le prix de la cotisation est tout de même fixé à 78 francs par an. 476

ADR, 4 M 827. Cercle des Terreaux, règlement.

184

l’élément le plus actif de la ville que l’on y trouve477. Le cercle des Terreaux est un

cercle de cette « France bourgeoise » que Maurice Agulhon a si bien décrite478. Ils

sont à l’interface entre le monde des canuts et l’élite socio-économique de la ville.

Limité à cent ou cent cinquante durant la période, le nombre de ses membres est de

quatre-vingt-treize en 1811. Parmi eux, on ne trouve que deux personnages du

corpus étudié : Hervier et Leboeuf479. Hervier, ancien négociant alors qualifié de

rentier, est conseiller dans la municipalité dirigée par Fay de Sathonay. On peut

évaluer, au denier vingt, son capital à environ 500 000 francs en 1810480. On peut

donc raisonnablement imaginer qu’il est parmi les membres du cercle de ceux qui

possèdent le plus important patrimoine. Édile qui plus est, il y bénéficie sans doute

d’une certaine audience. Épicier en gros faisant partie de la Chambre de commerce,

Leboeuf dispose probablement d’un capital moindre 481 . Il n’entre que sous la

Première Restauration au sein du conseil municipal pour y demeurer sous les Cent-

jours. Il occupe sans doute au cercle une position plus ordinaire, par inter pares.

Il existe dans le même quartier des Terreaux un deuxième cercle au nom

évocateur : le cercle du commerce. Il compte, en 1811, cent soixante-huit

membres482. Son fonctionnement repose sur les mêmes principes que le précédent.

Les membres chargés de l’administration du cercle sont élus par leurs pairs et,

rééligibles, ils détiennent des mandats renouvelables régulièrement. Ainsi,

l’organisation du cercle des Terreaux et du cercle du commerce apparaît

relativement démocratique. S’il a son siège dans le même quartier, qui se trouve être

le plus actif de la ville, sa composition est toute autre que celle du cercle des

Terreaux. S’y croisent en particulier les plus illustres et influents représentants de

l’élite négociante lyonnaise mais pas seulement. Des magistrats importants ou des

ci-devant propriétaires les côtoient.

477

Le règlement stipule bien qu’ « il ne peut être traité dans la société d’aucune opération de commerce

directement ni indirectement, sous peine d’une amende de 72 francs, à verser dans la caisse des hospices ». Il

s’agit de réfréner les ardeurs de ces entrepreneurs et de ces commerçants ordinairement en affaire les uns avec

les autres : Ibid. 478

AGULHON, Maurice, Le Cercle dans la France bourgeoise (1810-1848). Étude d’une mutation de

sociabilité, Paris, Armand Colin, « Cahiers des Annales », n°36, 1977, p.18. 479

ADR, 4 M 827. Cercle des Terreaux, liste des membres. 480

ADR, 2 M 12. 481

ADR, 3 Q 876 (709) : il laisse à son fils unique un patrimoine inférieur à 250 000 francs à sa mort en 1837. 482

ADR, 4 M 827. Cercle du commerce, liste des membres

185

Tableau n°21

Édiles membres du cercle du commerce en 1811

Nom Catégorie sociale Domicile lyonnais

Arthaud de la Ferrière Propriétaire Rue du Pérat

Assier de la Chassagne Propriétaire Place Bonaparte

Aynard Négociant Rue du Buisson

Bodin Négociant Quai Saint Clair

Bontoux Négociant Quai de Retz

Cazenove Négociant Rue des Feuillants

Champanhet Négociant Rue des Capucins

Charrasson Négociant Quai de la Feuillée

Charrier de Senneville Propriétaire Rue Sala

Desprez Homme de loi Rue du Chemin neuf

Devillas Négociant Quai Saint Clair

Évesque Négociant Place des Terreaux

Fay de Sathonay Propriétaire Rue du Plat

Giraud de Saint-Try Propriétaire Rue du Plat

Godinot Négociant Rue Puits-Gaillot

Guérin Négociant Quai Saint Clair

Leclerc de la Verpillière Propriétaire Rue Saint Dominique

Lécuyer Négociant Rue du Bât d’argent

Midey Magistrat Place de la Charité

Monicault Directeur des postes Rue Saint Dominique

Mottet de Gérando Négociant Quai Saint Clair

Nivière Receveur du département Rue Royale

Parent Négociant Quai de Retz

Péclet Négociant Rue Lafont

Régny père Négociant Place de la Comédie

Régny fils Négociant Rue Neuve

Reyne-Fittler Négociant Rue du Bât d’argent

Rivoire Négociant Quai Saint Clair

Rosier de Magneux Propriétaire Place Sainte Claire

Vincent de Saint-Bonnet Négociant Place de la Comédie

186

De la même manière, alors que les statuts du cercle indiquent que « les principes

constamment professés par les membres de cette réunion seront attachement au

gouvernement, soumission aux lois, respect aux autorités constituées »483, on repère

des individus aux opinions et aux engagements très divers. Cette relative

hétérogénéité se retrouve parmi la trentaine d’individus du corpus édilitaire que l’on

repère au sein des cent soixante huit membres du cercle du commerce de 1811.

Pêle-mêle, citons, des négociants attachés au régime mais à la fortune diverse

(Bontoux, Champanhet), des négociants royalistes (Cazenove, Godinot, Servan), des

ci-devant propriétaires loyaux voire acquis à l’Empire (d’Assier de la Chassagne,

Leclerc de la Verpillière), des aristocrates que l’on devine plutôt favorables aux

Bourbons (Giraud de Saint-Try), un magistrat (Midey)…

En fait, ce cercle du commerce présente, un peu à l’image de ce que nous avons

vu pour la Société des amis du commerce et des arts, la caractéristique de

symboliser relativement fidèlement la volonté du régime napoléonien d’opérer la

fusion des élites, mêlant des individus issus de l’aristocratie d’Ancien régime à des

personnalités issues du ci-devant tiers état, rapprochant des hommes vivant de leurs

rentes d’hommes d’affaires, esquissant une sociabilité commune qui participe de

l’atténuation des barrières de classe. Il convient de noter que si l’on repère des

membres du cercle qui ne sont pas de fervents soutiens du régime napoléonien,

aucun d’entre eux n’affiche véritablement son opposition, du moins tant que l’Empire

est en place. Ainsi, contraints ou séduits par un régime autoritaire fort de sa légitimité

matérielle, des individus venus d’horizons différents expérimentent la synthèse qu’il

prône.

Le troisième cercle lyonnais est très différent des deux premiers. Il s’agit du

cercle de Bellecour. Comme son nom l’indique, il ne siège pas dans la partie

septentrionale de la ville mais bien en son Midi, ses réunions ayant lieu au premier

étage de la maison d’un de ses membres, un conseiller municipal de la Première

Restauration, Roche des Escures, sise à l’angle de la place Bellecour et de la rue

Saint Dominique484. Le fonctionnement en est différent puisque les membres du

conseil d’administration sont renouvelables par quart au moyen du tirage au sort.

Autre différence notable contenue dans les statuts, le cercle de Bellecour accueille

483

Ibid. Cercle du commerce, statuts. 484

ADR, 4 M 827. Cercle de Bellecour, règlement.

187

idéalement autant d’hommes que de femmes, deux cents personnes au total. En

réalité, la parité est loin d’être observée puisque l’enquête conduite en 1811

dénombre cent trente-deux membres parmi lesquels seulement dix-neuf femmes485.

La liste des membres est éloquente. Le cercle de Bellecour est de fait réservé aux

nobles d’Ancien régime.

Tableau n°22

Édiles et épouses d’édiles membres du cercle de Bellecour en 1811

NOM Catégorie sociale Domicile lyonnais

ép. Bona de Pérex Place Bonaparte

ép. Fargues (Mallet de) Rue du Plat

ép. Laurencin Place Grôlier

ép. Roche des Escures Place Bonaparte

Assier de la Chassagne Propriétaire Place Bonaparte

Bona de Pérex Propriétaire Place Bonaparte

Boulard de Gatellier Magistrat Rue du Pérat

Charrier de Senneville Propriétaire Rue Sala

Chatillon de Chaponay Propriétaire

Courbon de Montviol Homme de loi Rue Saint Jean

Fargues (Mallet de) Propriétaire Rue du Plat

Fay de Sathonay Propriétaire Rue du Plat

Giraud de Saint-Try Propriétaire Rue du Plat

Jordan Propriétaire Place Bonaparte

Lacroix-Laval Propriétaire Rue de la Charité

La Roue Propriétaire Rue Sala

Laurencin Propriétaire Place Grôlier

Monicault Directeur des postes Rue Saint Dominqiue

Roche des Escures Propriétaire Place Bonaparte

Thoy Propriétaire Rue du Plat

Créé en 1801, il ressuscite probablement une sociabilité propre à l’ancienne

aristocratie même s’il en renouvelle les manières. Instrument de la pérennisation de

485

Ibid. Cercle de Bellecour, liste des membres.

188

l’élite traditionnelle, il favorise les relations entre les familles qui la composent et

s’apparente davantage à la tradition de vie mondaine héritée des salons486.

L’article 12 du règlement du cercle prévoit significativement que les mères « ont

le droit d’y amener leurs filles sans payer l’abonnement ». On devine aisément que la

sociabilité qui s’y déploie est moins syncrétique qu’au sein du cercle du commerce et

que l’opinion dominante y est moins favorable au régime napoléonien même si l’on

repère des personnalités (Boulard de Gatellier, La Roue) qui l’ont servi avec un

certain zèle.

Seize des individus que l’on suit et quatre de leurs épouses appartiennent au

cercle de Bellecour en 1811. Tous sont domiciliés dans un étroit périmètre autour de

la place ou sont riverains de la place elle-même à l’exception de Courbon de

Montviol que la robe tient à proximité des tribunaux, rue Saint Jean.

Au sein de ces cercles, on partage d’abord des moments de loisir et de détente.

Tous les règlements précisent quels sont les jeux autorisés, la plupart d’iceux étant

des jeux de cartes et le cercle du commerce paraissant le plus libéral487. Si ces jeux

restent des jeux « de commerce », ils s’accompagnent de mises en espèces dont on

comprend qu’elles peuvent atteindre des montants importants, notamment au sein du

cercle de Bellecour où le frais des parties fait l’objet d’une remise quotidienne des

comptes au trésorier488. Il va de soi que ces hommes et ces femmes – les femmes

dans le seul cas du cercle de Bellecour – qui s’assemblent régulièrement selon des

affinités sociales et culturelles évidentes échangent à propos de l’actualité

économique et politique. Des journaux sont prévus « pour servir à l’amusement des

associés » 489 et l’on devine qu’on les commente d’autant plus et d’autant plus

librement qu’on est entre soi. Les cercles sont donc sans doute l’un des principaux

lieux où se forge l’opinion publique des élites puisque la nature des conversations qui

s’y tiennent et des informations qui s’y échangent est sans doute répercutée vers

l’extérieur. Ainsi, ceux des édiles qui fréquentent les cercles participent-ils d’une

sociabilité vivante et politiquement signifiante. Compte tenu du fait que cinq individus

486

Maurice Agulhon évoque la spécificité du cercle de Bellecour en observant notamment que « le noble ici –

par économie peut-être ? – imitait le bourgeois, mais en gardant du moins sa propre éthique, galante à la

française » : AGULHON, Maurice, Le Cercle dans la France bourgeoise…,op.cit., p.53. 487

ADR, 4 M 827. Cercle du commerce, règlement. Le règlement précise que dans le cadre du cercle du

commerce, certains jeux ailleurs prohibés sont ici autorisés : « le brelan et le quinze ne sont pas réputés par le

cercle comme jeux de hasard ». 488

Ibid. Cercle de Bellecour, article 11 du règlement 489

Ibid. Article 9.

189

appartiennent à la fois au cercle du commerce et à celui de Bellecour, ce sont

quarante-trois personnages du corpus qui sont inscrits, en 1811, à l’un des trois

cercles soit près de la moitié de la population étudiée. Les édiles représentent à eux

seuls 11,5 % de la population des cercles en 1811 et 14,5 % de celle des deux

cercles les plus importants : celui du commerce et celui de Bellecour. Cela signifie

qu’ils sont en mesure d’exercer une influence sur l’opinion qui se forge au sein de

ces associations comme ils sont en capacité de relayer auprès de leurs collègues et

des administrés ou des autorités locales et nationales l’opinion qui s’y construit.

2.3. La philanthropie édilitaire

Au cours de la deuxième partie du XVIIIe siècle, la perception de certains

déséquilibres sociaux se conjugue avec « la force attractive des modèles des

Lumières » pour favoriser le développement de la philanthropie élitaire490. Or, l’action

philanthropique s’affirme à la fin de l’Ancien régime comme un élément de la

notabilité et conserve cette caractéristique sous la Révolution et l’Empire. Elle

témoigne aux yeux de tous de l’aisance matérielle de son auteur en même temps

que de l’excellence de ses principes. Elle leur donne une visibilité et leur confère une

utilité sociale qui participent au prestige et à l’influence de l’individu. Les associations

ou institutions de bienfaisance ou philanthropiques ont par conséquent des rapports

étroits avec les cercles ou les sociétés spécialisées sur le plan du recrutement et

participent elles aussi à la sociabilité des élites.

S’agissant particulièrement des édiles, l’on s’attend à ce qu’en effet nombre

d’entre eux s’adonnent aux principales activités mettant en œuvre la bienfaisance –

« première vertu de l’homme social »491 – au sein de la ville. Les individus du corpus

paraissent relativement peu impliqués au sein des bureaux de bienfaisance à Lyon

puisqu’on n’en repère avec certitude que sept parmi les soixante-douze membres

des six comités auxiliaires et treize au total (soit 14,4 % du groupe-objet d’étude) si

nous incluons ceux des personnages qui participent au conseil d’administration du

490

Sur le lien entre bienfaisance, philanthropie et modèle culturel hérité des Lumières : DUPRAT, Catherine,

Pour l’amour de l’humanité. Le temps des Philanthropes. La philanthropie parisienne des Lumières à la

monarchie de Juillet, Paris, Éditions du C.H.T.S., t.1, p.3-57. 491

Ibid., p.3.

190

bureau général du fait de leur position d’administrateurs des hôpitaux. On peut faire

l’hypothèse qu’ils sont en réalité plus nombreux à s’y investir mais l’on ne dispose

pas de toutes les listes. Par contre, on connaît bien l’administration des hospices

parce qu’il s’agit d’une structure plus durable et plus importante et parce que les

individus revendiquent plus volontiers l’exercice d’une charge assez prestigieuse.

Trente et un des personnages étudiés se sont impliqués au service de

l’administration des hospices de Lyon durant la période492. Or, ils perpétuent en cela

une tradition d’Ancien régime qui faisait de la participation à l’administration des

hôpitaux une étape du cursus honorum lyonnais. Les administrateurs des hospices

sont des candidats naturels aux fonctions édilitaires493. Durant l’année 1810, les trois

nommés aux fonctions d’adjoint sont deux administrateurs de l’Antiquaille (Bona de

Pérex et Cazenove) et un membre du conseil des hospices (Mémo)494. À l’occasion

de l’installation de Mémo aux fonctions d’adjoint, Sain-Rousset se félicite du

maintien, voire de la restauration de cette tradition :

Nous voyons donc renaître l’antique usage qui, dans les soins donnés au patrimoine consacré

par la bienfaisance à l’indigence et au malheur formait la candidature destinée à remplir les

emplois publics. Ainsi, et comme cela s’était pratiqué, les services à rendre seront appelés par

les services rendus et en deviendront la récompense. Félicitons-nous, Messieurs, du retour à

ces principes consacrés par la sagesse de nos aïeux et que l’expérience locale avait rendus

chers495

.

La philanthropie édilitaire s’exprime également à travers l’engagement des

épouses des édiles au sein de la Société de charité maternelle.

Le décret impérial du 5 mai 1810 crée à Lyon cette société qui a initialement pour

but « de secourir les pauvres femmes en couches » de l’Empire. Le lancement de

cette association se fait semble-t-il assez difficilement et les souscriptions tardent à

parvenir aux autorités496. Le montant minimum de cinq cents francs n’est sans doute

492

Édiles engagés dans l’administration des hospices : Bodin, Bona de Pérex, Bottu de Lima, Cazenove, Chirat,

Courbon de Montviol, Fargues, Fay de Sathonay, Fournel, Frèrejean, Gérando, Godinot, Guérin, Jars, Lacroix-

Laval, La Roue, Leclerc de la Verpillière, Lecourt, Lécuyer, Leroi, Mémo, Monicault, Morand de Jouffrey,

Morel, Mottet de Gérando, Munet, Pernon, Perret, Rambaud, Riverieulx de Varax, Vouty de la Tour. 493

« Cette disposition est également honorable et pour le corps qui fournit et pour celui qui doit recevoir » estime

Sain-Rousset : AML, 1217 WP 033. Séance du 28 mai 1810. 494

Cazenove et Bona de Pérex sont nommés par décret impérial du 18 avril 1810 en remplacement de Pernon et

Dervieux. Bona de Pérex refusant, Mémo est nommé en remplacement par décret impérial du 18 juin 1810. 495

AML, 1217 WP 033. Séance du 13 juillet 1810. 496

ADR, 4 M 523, Société de charité maternelle. Dans une lettre en date du 29 juillet 1810, Montalivet se plaint

au préfet de n’avoir reçu que deux souscriptions pour l’ensemble du département. La correspondance échangée

191

pas seul en cause et il faut peut-être voir dans ce faible engouement une certaine

réticence de l’élite locale à alimenter la sociabilité officielle.

L’information est incomplète quant à ce que fut la composition de la société de

1810 à 1815. Néanmoins on s’aperçoit que les épouses des membres de la

municipalité jouent un rôle important en son sein. En 1813, le conseil d’administration

de la Société de charité maternelle du Rhône est présidé par la femme du préfet, la

comtesse de Bondy et comprend sept femmes d’édiles parmi ses douze membres.

Mesdames Évesque, Laurencin, Gérando, Monicault, Cazenove, Vouty de la Tour et

d’Albon contribuent ainsi à faire de la très impériale association une sorte de

prolongement du corps municipal d’autant qu’au rang des souscripteurs, en 1812, on

relève, outre celle des femmes déjà citées, la présence de mesdames Bontoux,

Nivière, Parent, Rambaud, Devillas-Boissière, Morand de Jouffrey, Rosier de

Magneux, Midey, Masson-Mongès, Giraud de Saint-Try, Charrier de Senneville,

Mayeuvre de Champvieux et Champanhet497. Si l’on ajoute qu’à compter de la même

année le conseil municipal décide une souscription annuelle de deux mille francs à la

société498, on mesure l’étroitesse des liens qui unissent municipalité et Société de

charité maternelle en même temps que l’on aperçoit la cohérence du projet

napoléonien d’encadrement et de dynamisation de la société lyonnaise, ou du moins

de ses élites. Le personnel politique municipal constitue un des relais essentiels du

gouvernement. De nature politique, il est au cœur de l’élite sur laquelle le régime

entend s’appuyer pour faire connaître et exécuter sa volonté. Lorsque, durant les

Cent-jours, Napoléon entreprend de restaurer la Société de charité maternelle à Lyon

par son décret du 20 avril 1815, il charge son préfet de solliciter une dizaine de

femmes susceptibles d’en composer le conseil d’administration, on note la présence

parmi les femmes faisant in fine l’objet d’un courrier du préfet de cinq épouses

d’édiles499.

au sujet des souscriptions entre le préfet et le maire de juillet 1810 à août 1811dresse le même constat d’échec :

AML, 744 WP 074, Sociétés de bienfaisance. Société de charité maternelle. 497

ADR, 4 M 523. Compte-rendu pour Sa Majesté l’Impératrice, 1813. 498

AML, 1217 WP 036. Séance du 25 août 1813. 499

ADR, 4 M 523. Courrier du préfet en date du 13 juin 1815 adressé à mesdames Monicault, Gérando,

Laurencin, Évesque et Sain-Rousset.

192

3. Les édiles participent à la politique de fusion et à ses limites

S’intéresser à la sociabilité des édiles oblige à dépasser l’approche de type

monographique, par lieu de sociabilité par exemple, pour tenter de dégager les

caractères généraux de la sociabilité du groupe-objet d’étude. Il s’agit ainsi de mettre

en œuvre la volonté de « décloisonner » l’histoire de la sociabilité affichée par

Maurice Agulhon au début de son étude sur le cercle500 dans le but de parvenir à

déterminer dans quelle mesure cette sociabilité, au moins dans ses aspects formels,

réagit à la volonté affichée par les autorités de mêler jusqu’à les faire fusionner les

différentes composantes des élites post-révolutionnaires.

3.1. La fonction d’intégration des associations

Quel que soit leur objet, les associations autour desquelles s’organise la

sociabilité formelle à Lyon sous l’Empire sont en mesure de jouer un rôle

d’intégration. En mettant en relation des individus venus d’horizons géographiques,

de milieux sociaux divers, attachés à des univers politiques différents, parfois tout à

fait opposés, les associations ont participé à la diffusion d’une culture et d’un savoir-

être communs aux élites lettrées501 et à leur intégration aux réseaux de sociabilité

locaux502.

Catherine Pellissier considère que « l’accès aux sociétés savantes les plus

prestigieuses est une consécration sociale »503. Partant, elles jouent un rôle central

dans la formation de l’élite urbaine et le régime napoléonien a cherché à

instrumenter cette fonction intégratrice au service de son ambition de fusion. Ce qui a

déjà été dit des différentes associations lyonnaises révèle qu’elles ont exercé très

diversement ce rôle. Devant le conservatisme social des associations les plus

anciennes comme l’emblématique Académie, le régime a suscité des sociétés plus

modernes dans leur objet comme dans leur composition en espérant mettre à profit

500

AGULHON, Maurice, Le cercle dans la France bourgeoise…, op.cit., p.12. 501

Le compte-rendu d’une séance de l’Académie évoque des discussions « que l’atticisme et l’urbanité

préservent, autant qu’il est possible, avec une vigilance amicale, de dégénérer en disputes » : Académie de Lyon.

Compte rendu, 1809, p.7. [AML, 1 C 308975] 502

Le phénomène est finement observé à Toulouse : BARRERA, Caroline, Les Sociétés savantes…, op.cit.,

p.171-192. 503

PELLISSIER Catherine, Loisirs et sociabilités…, op.cit.,, t.1, p.95.

193

leur proximité avec les autorités locales pour favoriser leur dynamisme et accroître

leur utilité politique. En ce sens, la Société des amis du commerce et des arts est

une relative réussite puisqu’elle réunit des éléments représentatifs des diverses

composantes des élites post-révolutionnaires parmi lesquels une quinzaine d’édiles

importants. On peut faire de leur inégale modernité un élément fort de différenciation

des associations étudiées.

On distingue clairement des formes associatives que l’on peut qualifier de

traditionnelles, qui sont essentiellement héritées de l’Ancien régime même si elles

ont subi une certaine évolution du fait des bouleversements révolutionnaires et, en

particulier, de la disparition de la société d’ordres en même temps que des progrès

de l’esprit démocratique. L’Académie et la Société d’agriculture perpétuent

incontestablement la tradition de l’académisme et des sociétés savantes qui

distinguent au XVIIIe siècle les membres éminents et influents de l’élite lettrée,

principalement aristocratique, et intègrent très progressivement quelques éléments

bourgeois. Les modalités de la sociabilité qui s’y développe sont définies en fonction

de la norme en vigueur parmi la noblesse et les discours qui s’y tiennent illustrent

l’état de l’opinion dominante en son sein. Ces associations ressurgissent après la

Révolution, affaiblies mais aussi transformées. Le recrutement s’ouvre légèrement et

témoigne de l’apparition de la notabilité, catégorie au sein de laquelle on existe

notamment au moyen d’une notoriété que l’on peut qualifier de culturelle. En ce

sens, leur évolution sert l’ambition napoléonienne de fusion mais sans doute trop

modestement, lentement. Si le régime prétend rendre leur prestige à ces

associations, on voit bien qu’elles ne peuvent demeurer le principal vecteur de cette

notoriété culturelle de par l’étroitesse, qui demeure, de leur recrutement comme de

par leur manque de proximité idéologique avec les nouvelles autorités politiques

locales et nationales.

On distingue par ailleurs des associations qualifiées de modernes, soit parce que

le type de sociabilité qu’elles engendrent est nouveau, soit parce que leur

recrutement est novateur.

Les cercles appartiennent incontestablement au premier type. Le cercle constitue

une forme de sociabilité privilégiée par les édiles parce qu’elle apparaît

considérablement plus moderne. Sa modernité tient essentiellement au caractère

égalitaire et donc bourgeois de ses pratiques aussi bien qu’au fait qu’il organise le

passage au collectif d’une pratique sociale autrefois privée, celle du salon pour aller

194

vite504. Seul le cercle de Bellecour contredit nettement l’analyse et, de ce point de

vue, on peut sans doute voir en cette association une survivance de la sociabilité de

salon – on reçoit au domicile privé de l’un des membres –, profondément

aristocratique. Les trois cercles lyonnais sont largement peuplés des édiles étudiés

mais l’on a vu combien leur répartition au sein des cercles des Terreaux, du

commerce ou de Bellecour témoigne de la pérennité des divisions sociales, ou

d’ordre, traditionnelles.

Pour ce qui concerne les modifications du type de recrutement, on assiste sous

le Premier Empire à la naissance de deux associations qui ont en commun de

traduire l’évolution vers laquelle tend la sociabilité dont le régime favorise l’essor.

Jean-Pierre Chaline, lorsqu’il étudie les sociétés savantes, montre que, souvent, le

groupement organisé, l’association du XIXe siècle est en fait l’officialisation d’une

habitude de réunion informelle contractée par plusieurs personnes que lie des

sentiments d’amitié ou un centre d’intérêt commun505. C’est tout à fait ce qui se

passe lorsque des professeurs de lycée, des juristes, des écrivains lyonnais créent,

en 1807, le Cercle littéraire (ou Société de lecture) qui organise un réseau de

correspondants et de membres honoraires autour de quarante-cinq membres

titulaires, jeunes et actifs pour la plupart d’entre eux506. S’y illustrent en particulier

Bréghot du Lut et Dugas-Montbel507 mais aucun des personnages du corpus. Il

semble que les édiles appartiennent non seulement à d’autres générations mais

aussi à des milieux moins spécifiquement intellectuels ou, plutôt, savants. « Sorte

d’Académie des Inscriptions »508, le Cercle littéraire mène son activité sans jamais

s’impliquer d’aucune manière semble-t-il dans le débat politique. Aussi peu engagée

apparaît l’association qui tend à fédérer progressivement plusieurs sociétés qui se

développent au Sud de la place Bellecour. En 1812, se crée ainsi le Cercle du Midi509

504

AGULHON, Maurice, Le cercle dans la France bourgeoise…, op.cit., p.51-52 505

CHALINE, Jean-Pierre, Sociabilité et érudition. Les sociétés savantes en France, XIX-XXe

siècles, Paris,

Éditions du CTHS, 1995, p.70-71. 506

BML, Fonds Coste, 114 390, Cercle littéraire de Lyon. 507

Les deux sont des proches de l’imprimeur Ballanche. Claude Bréghot du Lut (1784-1849) est un magistrat

lettré assez emblématique de l’activité intellectuelle du début du dix-neuvième siècle à Lyon. Présidant

l’Académie de Lyon en 1825, il est l’auteur avec Antoine Péricaud du premier essai de biographie lyonnaise, le

Catalogue des Lyonnais dignes de mémoire. Jean-Baptiste Marie Dugas-Montbel (1776-1834) est un helléniste

réputé qui abandonne le commerce sous l’Empire pour se consacrer aux humanités, ce qui lui vaut d’intégrer

l’Académie. 508

TRÉNARD, Louis, Histoire sociale des idées…, op. cit., t.2, p.546. 509

Ibid., p.115.

195

que fréquente notamment Parmentier510 mais, à nouveau, aucun des individus que

l’on suit.

Les édiles sont donc présents dans les principales associations autour

desquelles s’élabore la sociabilité lyonnaise au sortir de la Révolution et y jouent

sans doute un rôle éminent. C’est d’autant plus remarquable qu’incontestablement

les cercles du commerce, des Terreaux et de Bellecour sont des lieux où se forge en

partie l’opinion publique. Par contre, ils restent étrangers au mouvement de création

de nouvelles sociétés du même type qui marque l’Empire. Ils sont donc plutôt actifs

au sein d’un type de sociabilité qui, finalement, prolonge plutôt les formes anciennes

et traduit une organisation sociale héritée de l’Ancien régime. C’est ce type de

sociabilité et d’organisation sociale que le régime napoléonien entend prendre en

compte et utiliser pour mener à bien son projet de fusion. Par contre, des

associations totalement inoffensives politiquement parce que fondées sur des

objectifs savants attirent de jeunes générations qui grandissent avec l’Empire mais

restent partiellement ignorées des élites politiques locales. Elles apparaissent

comme le vivier de futures élites, destinées à s’amalgamer au cours du siècle

naissant, celles que le régime impérial aurait sans doute mobilisées s’il avait

bénéficié d’une plus importante longévité.

Intermédiaire entre ces deux modalités, traditionnelle et moderne, de la

sociabilité formelle lyonnaise sous l’Empire apparaît en fin de compte la Société des

amis du commerce et des arts. En effet, elle est proche des sociétés savantes ou

académiques qui existaient sous l’Ancien régime par la nature de son objet autant

que par son organisation mais son recrutement l’en distingue en mêlant davantage

les représentants des différents groupes sociaux et ses liens consubstantiels avec

les autorités, en particulier la municipalité en font un instrument au service du régime.

Ainsi les édiles y trouvent-ils plus naturellement une place et sont-ils invités à y jouer

un rôle plus politique.

510

Antoine-Augustin Parmentier (1737-1813) est un ancien inspecteur général du Service de santé des armées.

196

3.2. La franc-maçonnerie : un rendez-vous manqué ?

La franc-maçonnerie connaît sous le Consulat et l’Empire une période faste, due

essentiellement aux encouragements intéressés que lui prodigue le régime. Comme

l’explique très clairement Thierry Lentz, il s’agissait de faire de la franc-maçonnerie

un « corps intermédiaire désormais consacré au soutien au régime » :

Bonaparte avait très vite compris le profit à tirer d’une renaissance maîtrisée de l’activité des

loges, malmenées puis interdites pendant les premières années de la Révolution, avant de

réapparaître officieusement sous le Directoire. Mais comme il ne donnait jamais rien pour rien,

la protection accordée avait été un donnant donnant : la reprise des activités devait

s’accompagner d’une réorganisation et d’une tutelle. Se réunir, refaire le monde ou participer

à des agapes conviviales ne devait pas s’apparenter à la licence, au droit de critiquer ou de

remettre en cause la réconciliation nationale. Parce qu’ils réunissaient et permettaient le

dialogue entre des catégories sociales et politiques disparates, les ateliers devaient être au

contraire un lieu de fusion511

.

Le nombre des loges, en France, est multiplié par dix environ dans les dix

premières années du XIXe siècle et par près de treize jusqu’en 1814, année durant

laquelle on dénombre près de 900 loges. Sur les 667 loges recensées en 1810, 626

se trouvent en dehors de Paris512. Tous les auteurs se rejoignent pour voir en la

franc-maçonnerie sous l’Empire l’esquisse d’une « religion loyaliste » correspondant

au besoin qu’avait le régime « d’une religion qui lui soit propre, qui réunisse les

nouvelles élites dans un culte commun » : c’est la franc-maçonnerie qui doit « jouer

ce rôle fédérateur »513.

À Lyon, on recommence à « maçonner » après Brumaire alors que plus aucune

loge n’est en activité à la fin du Directoire514. La ville semble bouder la renaissance

de la franc-maçonnerie qui s’esquisse dans les dernières années de la République

et, en vérité, il faut attendre le 25 frimaire an X (16 décembre 1802) pour que la loge

La Parfaite Harmonie, fondée par le Grand Orient vingt ans plus tôt sollicite des

511

LENTZ, Thierry, Nouvelle Histoire du Premier Empire, T. III : op.cit., p.236. 512

Ibid., p.239 et MOLLIER, P., La Franc-Maçonnerie sous l’Empire : un âge d’or ?, Dervy, « Renaissance

traditionnelle », 2007, p.9. 513

THERMEAU, À l’aube de la Révolution industrielle…, op. cit., p.51. 514

CHOMARAT, « La résurrection de la franc-maçonnerie » dans ZINS, Ronald (dir.), Lyon et Napoléon, op.

cit., p.74-75. Louis Trénard note que « la réouverture des temples fut lente » : TRÉNARD, Louis, Histoire

sociale des idées.., op. cit., t.2, p.546.

197

autorités l’autorisation de recommencer ses travaux. Les frères se réunissent d’abord

à La Croix-Rousse, maison Burel, puis aux Brotteaux lorsqu’un temple y est construit

en 1805515. Dans les deux années qui suivent, trois autres loges reprennent vie à

Lyon, autorisées voire encouragées qu’elles sont par le régime. Le Parfait silence

rouvre le 11 février 1803 sous l’autorité du discret négociant Philippe Blanc, avec

seulement neuf membres 516 . Quelques semaines plus tard, c’est la loge de La

Sincère amitié qui reçoit une quinzaine de membres au 38 de la rue des

Fantasques517 et, en 1804, douze frères inscrits permettent de reconstituer la loge de

La Candeur, au 118 de la rue des Pierres plantées518.

À ces quatre loges restaurées de l’Ancien régime – Le Parfait silence est fondé

en 1762, La Candeur en 1783 – s’ajoutent assez rapidement trois autres créations

de la période impériale. La première est fondée, le 15 décembre 1805, à l’initiative du

Grand Orient. Significativement, les autorités maçonniques demandent à l’une des

principales loges lyonnaises d’installer cette réunion de frères au nom

particulièrement significatif : ainsi les membres du Parfait Silence créent-ils Saint-

Napoléon de la Bonne-Amitié. Sise montée Saint-Bathélemy, à la maison Pilata, la

loge Saint-Napoléon de la Bonne-Amitié est souvent appelée Saint-Pilata ou Pilata.

Le 6 avril 1806, la loge Isis est installée chemin de Montauban519 et le 24 septembre

suivant, celle de La Bienfaisance est créée, montée du chemin neuf.

Ces réunions d’individus ne représentent plus comme avant la Révolution des

groupes d’amis résidant dans le même quartier, partageant la même activité mais

sont plutôt des assemblées assez nombreuses de personnes aux origines sociales

diversifiées et à l’implantation géographique parfois lointaine. Ainsi remarque-t-on

très vite que de nombreux frères de La Sincère Amitié sont recrutés en dehors de

l’aire urbaine lyonnaise520 alors même que la liste de leurs professions fait apparaître

une variété impressionnante : quelques médecins y côtoient des limonadiers, des

épiciers, un dessinateur, un chapelier, des agents de change et des hommes de loi

sans oublier bien sûr fabricants et négociants 521 . Autre évolution, les débats

515

BML, Fonds Coste, Rés. 479 940. 516

BML, Fonds Coste. Rés. 479 943. 517

ADR, 4 M 827 ; BML, Fonds Coste, Rés. 479 949. L’adresse est celle du pavillon Gaillard, dit de Marly. 518

Ibid. 519

BML, Fonds Coste, 350 391. Elle s’installe aux Brotteaux, maison Antonio, en 1812. 520

BML, Fonds Coste, 350 398. 521

ADR, 4 M 827.

198

philosophiques semblent céder le pas aux manifestations d’une plus triviale

sociabilité et les réceptions permettent surtout d’unir aux plaisirs de la conversation

ceux de la table522.

Ignorante des courants intellectuels novateurs – on pense au fouriérisme –, la

franc-maçonnerie lyonnaise n’est donc pas un laboratoire d’idées susceptible de

discuter et moins encore de menacer les fondements du régime impérial. Sa

renaissance ayant été largement accompagnée par les autorités, elle se situe dans

l’obédience du régime d’autant que sa sociologie la rend soucieuse de maintien de

l’ordre et de garantie de la propriété.

La maçonnerie lyonnaise est acquise à l’Empire, elle voit en effet dans Napoléon le garant des

acquis de 1789 sur le plan juridique et économique. L’Empereur apparaît également comme

un rempart solide contre le retour des Bourbons et de l’Ancien régime mais aussi contre les

terribles excès de 1793 et la pression des classes populaires523

.

La composition des loges se caractérise en effet à la fois par sa relative diversité

sociale et par la représentation des catégories les plus directement intéressées au

maintien des équilibres nouveaux. À Lyon, la franc-maçonnerie s’embourgeoise sous

le Premier Empire en ce sens qu’elle perd une partie de son caractère nobiliaire.

Deux loges apparaissent largement dominées par les négociants : La Bienfaisance

et Isis comptant respectivement trente-deux et cinquante-neuf négociants pour

cinquante-quatre et soixante-dix-neuf membres selon l’enquête de 1811524. Toutes

les autres ont une composition beaucoup plus hétérogène et l’on ne trouve pas, à

Lyon, trace d’une ségrégation sociale que les loges organiseraient. L’une d’entre

elles, La Sincère Amitié, offre comme on l’a vu un profil assez populaire alors que la

loge Pilata associe, en 1811, neuf négociants, cinq magistrats, onze hommes de loi,

deux notaires, un médecin, quatre propriétaires, un orfèvre, un général de division,

un secrétaire en chef de mairie, un vérificateur des droits d’enregistrement, un

imprimeur… et illustre parfaitement l’ambition sociale du régime napoléonien525.

Les effectifs des loges lyonnaises sont assez vite devenus nombreux. La Parfaite

Harmonie compte cent cinquante et un membres en 1809526, Le Parfait Silence en

522

TRÉNARD, Louis, « Culture et sociabilité … », op. cit., p.115. 523

CHOMARAT, « La résurrection… », op.cit., p.78. 524

ADR, 4 M 827. Soit 59,25 % et 74,68 % des membres. 525

Ibid. 526

BML, Fonds Coste, Rés. 479 940.

199

compte cent neuf en 1809 et cent cinq en 1811527. La Candeur compte cent sept

membres en 1808528, Saint-Napoléon de la Bonne-Amitié en compte soixante-dix-

huit en 1808, Isis cent vingt-cinq en 1812, et La Bienfaisance cinquante-quatre en

1811529.

Quoiqu’il en soit, l’Empire semble avoir, à Lyon comme ailleurs, réussi dans sa

volonté de faire de la franc-maçonnerie un corps intermédiaire soumis et

emblématique de son ambition de fusion tant des couches sociales que des

catégories d’opinion530 même si l’on a noté l’évincement de nombreux nobles.

Or, si l’on s’intéresse à la manière dont les édiles ont été ou se sont mobilisés

dans le cadre de la maçonnerie, on ne peut manquer de remarquer la faiblesse de

leur engagement. Une nouvelle fois, il semble pertinent de distinguer les différentes

associations étudiées selon leur ancienneté.

Trois des quatre plus anciennes loges lyonnaises – Le Parfait Silence, La Sincère

Amitié, La Candeur – ne comptent parmi leurs membres connus sur la période aucun

des quatre-vingt-dix personnages du groupe-objet et la loge de La Parfaite Harmonie

n’en compte qu’un : Fay de Sathonay est membre honoraire. Ainsi la maçonnerie

éclairée qui s’est développée dans les dernières années de l’Ancien régime

notamment en initiant des aristocrates et des bourgeois également séduits par les

idées nouvelles échappe en grande partie au régime. D’abord en ne s’articulant plus

autour du débat d’idées et en ne se reconstituant vraisemblablement pas sur ce

critère « philosophique » et sans doute en modifiant sensiblement son recrutement ;

ensuite en n’accueillant que très marginalement les notables du nouveau régime.

C’est sans doute la raison principale pour laquelle de nouvelles loges se créent sous

l’Empire. D’ailleurs, on trouve en leur sein neuf de nos édiles.

527

BML, Fonds Coste, 350 399, 350400, Rés. 479 943. 528

BML, Fonds Coste, 350 402, Rés 479 953. 529

BML, Fonds Coste, 350 386-396 Il faut néanmoins être prudent en manipulant ces chiffres. Si l’on ne se

référait qu’à ce qu’il reste de l’enquête de 1811, on pourrait conclure à un important mouvement de désaffection

après la période initiale pour deux loges puisque selon cette source, en 1811, La Candeur ne compte plus que

douze membres et Saint-Napoléon trente-sept ce qui représente des pertes de près de 89 % et de plus de 50 %

par rapport à l’année 1808. 530

COLLAVERI, François, Napoléon, empereur franc-maçon, Tallandier, 1986, 216 p.

200

Tableau n°23

Les édiles membres des loges maçonniques créées sous l’Empire

Saint-Napoléon de la Bonne-Amitié

Isis La Bienfaisance

Charrasson

Courbon de Montviol

Midey

Bontoux

Fay de Sathonay

Leroi

Nivière

Laurencin

Leboeuf

Il faut remarquer que ces loges sont globalement accueillantes aux notables et

pas seulement aux édiles, qui, somme toute, s’y trouvent faiblement nombreux. Ainsi,

l’emblématique loge Pilata accueille-t-elle le médecin Gilibert, le juge en la Cour

criminelle Midey ou a-t-elle pour vénérable le magistrat Vitet, autant de notables

départementaux. On y trouve également le secrétaire Claude Hodieu qui, sans être

un édile, est proche du personnel politique municipal. En outre, on peut repérer

certains proches de nos personnages : Pierre Sériziat, le fils de notre épicier, est actif

au sein d’Isis.

En observant ces loges, le constat que dresse Pascal Chambon à propos de la

Loire voisine devient valide :

La Maçonnerie n’est que le cercle réservé à une élite ; elle est devenue le club de ces

notables chéris par le régime napoléonien et, si les nobles y sont désormais rares, elle réunit

la bourgeoisie du négoce et les cadres de l’administration c’est-à-dire deux des têtes

commandant et encadrant le corps social531

.

Comme on a pu le voir à propos de la sociabilité de type académique ou des

cercles, même si c’est moins net, le régime napoléonien peine, à Lyon, à récupérer

les anciens réseaux de sociabilité qui, lorsqu’ils survivent à la Révolution, restent un

peu hermétiques aux individus nouveaux qui symbolisent l’Empire. Ainsi, la solution

mise en œuvre consiste-t-elle à promouvoir de nouvelles associations – là la Société

des Amis du commerce et des arts, ici la loge Saint-Napoléon – qui s’inspirent de la

531

CHAMBON, Pascal, La Loire et l’aigle,… op.cit., p.100. Louis Trénard remarque quant à lui : « Au lieu des

grands noms de l’intelligenzia, ce sont les dirigeants politiques de l’Empire qui paraissent sur les listes

maçonniques » : TRÉNARD, Louis, Histoire sociale des idées..., op. cit., t.2, p.548.

201

sociabilité élitaire traditionnelle tout en la faisant évoluer et se proposent de structurer

la société nouvelle en organisant la fusion des catégories sociales au service du

gouvernement.

3.3. Les institutions municipales au centre de solidarités politiques

Au centre de « l’ensemble des réseaux de communication sociale structurant

(cette) société bien délimitée »532 qu’est la municipalité se trouvent les institutions

municipales et, en premier lieu, le conseil municipal. Il va sans dire que les

institutions politiques et administratives que le régime met progressivement en place

et dote d’un personnel nommé à compter de l’an VIII sont le premier instrument par

lequel il peut mettre en œuvre son ambition de fusion des élites. Aussi convient-il de

s’intéresser de ce point de vue à la population formée par les quatre-vingt-dix édiles

nommés à Lyon sur la décennie.

L’appartenance aux institutions municipales participe, au même titre et même

davantage que les responsabilités au sein de l’administration des hospices par

exemple, du processus d’accession à la notabilité officielle. Elle témoigne de

l’acceptation du régime et des règles sociales qui l’accompagnent. C’est tout une

conception de la société, fondée sur une hiérarchie directement liée à la propriété, et

du rapport au pouvoir, fait de soumission et de prise en compte de corps

intermédiaires domestiqués, que traduit l’acceptation d’un mandat municipal. La

participation à la municipalité met alors en contact des individus qui ont, du fait de

leurs fonctions, en partage non seulement des tâches et un intérêt au moins déclaré

à la chose publique mais aussi une adhésion semblable à l’ordre social et politique

napoléonien. En échange de la caution qu’ils apportent au régime, ils espèrent voir

reconnues par cette nomination à la fois leur compétence et leur notabilité et aider au

déroulement de leur carrière au sein des élites locales voire nationales. En mêlant

des notables établis (Devillas-Boissière, Giraud de Saint-Try, Rambaud, Regny

père…) à des individus dont l’intégration – au moins son affirmation, sa

reconnaissance – au corps des élites est plus récente (Cochard, Parent, Sériziat…)

ou moins assurée (Aynard, Bernat, Falsan…), le régime fait de la municipalité un

532

FRANCOIS, E., REICHARDT, R., « Les formes de sociabilité en France du milieu du XVIIIe au milieu du

XIXe siècle », R.H.M.C., juillet-septembre 1987, p.470.

202

creuset constitutif de la nouvelle élite qui est vouée à acquérir et dispenser sa propre

légitimité. Ce creuset est d’autant plus efficace qu’il est profondément connecté aux

divers réseaux de sociabilité élitaire qui traversent la ville et structurent l’espace

social et qu’il génère par ses dynamiques propres une sociabilité dont la signification

politique est profonde.

On peut alors se demander dans quelle mesure la municipalité fonctionne

comme un système de promotion. Promotion au sens où l’intégrer reviendrait à

franchir une étape dans l’ascension sociale. Les fonctions de maire et à un degré

moindre d’adjoints sont indubitablement recherchées comme l’attestent les menées

des différents candidats à la succession de Fay de Sathonay sur lesquelles la

correspondance du préfet Bondy533 est éclairante. On connaît en effet six candidats

déclarés à la succession du maire défunt dont le préfet du département a relayé la

candidature auprès du chef de l’État au premier trimestre de l’année 1813. Sain-

Rousset, Boulard de Gatellier, Charrier de Senneville, Laurencin, Giraud de Saint-Try

ont été écartés au profit de d’Albon, mais ils n’ont pas dédaigné devenir ou redevenir

adjoints, Charrier de Senneville confortant vraisemblablement sa position au sein de

l’équipe exécutive534. On aura noté que des six candidats aux fonctions de maire,

d’Albon était le seul à ne pas avoir fait partie déjà de la municipalité. Cela peut laisser

à penser que si la nomination au sein de la municipalité sanctionne éventuellement

un processus d’ascension sociale, c’est plutôt, dans le cas de Fay puis de d’Albon, la

marque d’un signe d’intégration par la société nouvelle d’éléments jusque là

extérieurs et d’acceptation par les dits éléments de la société nouvelle. En aucun cas

la nomination du maire n’a indiqué que le principe de la méritocratie s’appliquait au

sein des institutions municipales. De fait, la promotion interne n’existe pas. Les

meilleurs d’entre les édiles ne gravissent pas les échelons que constitueraient les

divers postes à responsabilité de la mairie. Sur l’ensemble de la population étudiée,

seuls trois conseillers municipaux occupent la fonction d’adjoint après avoir exercé le

simple rôle de conseiller. Au sein de la municipalité Fay de Sathonay, Champanhet

et Dervieux sont nommés adjoints lors du renouvellement général de 1808.

Riverieulx de Varax quant à lui devient adjoint de d’Albon lors de la nomination de la

nouvelle municipalité en 1813. Par ailleurs, aucun des quatre maires nommés sur la

533

ADR, 8 J 2. 534

Ibid. Lettre de Bondy à D’Albon du 25 mars 1813.

203

période n’a été membre d’aucune municipalité avant d’être désigné par l’empereur

ou le roi. Ainsi trois individus sur quatre-vingt-dix ont, en dix ans, été promus au sein

de la municipalité ce qui représente une part très infime (3,3 %) du total.

Néanmoins douze des personnages étudiés ont été à la fois membres du conseil

général du département du Rhône et de la municipalité de Lyon535. En se penchant

sur la carrière de chacun d’entre eux on observe que l’appartenance au conseil

général est un critère de notabilité plus prestigieux que la fonction de conseiller

municipal ou même d’adjoint. Boulard de Gatellier, Desprez et Mayeuvre de

Champvieux entrent au conseil général après avoir exercé avec un certain

dévouement la fonction de conseiller municipal. On peut considérer que leur

nomination, intervenant cinq à six ans après l’entrée au sein de la mairie unique,

récompense dans une certaine mesure le service rendu et démontre au reste du

personnel politique municipal la possibilité d’une promotion. Si les carrières de

Pernon et de Morand de Jouffrey mêlent plus étroitement ces fonctions que celles de

Rambaud, de Regny père ou encore de Vouty de la Tour, pour ces cinq personnages

il est clair que l’entrée au sein de la municipalité, plus tardive que leur nomination au

conseil général, est celle de notables reconnus qui augmentent par leur prestige et

leur influence déjà acquis ceux de l’administration municipale. Lorsque Alexis-

Antoine Regny accepte la fonction de conseiller municipal durant les Cent-jours, on

comprend qu’il s’agit pour ce notable établi d’aider le nouveau maire, Jars, à légitimer

son action et, partant, de cautionner le régime impérial restauré536. Cette sorte de

« hiérarchie » entre les deux mandats est trahie par le choix que fait le royaliste Bona

de Pérex de n’accepter la fonction de conseiller municipal qu’à l’occasion de la

Première Restauration alors qu’il a refusé dédaigneusement celle d’adjoint en 1810

et alors même qu’il a consenti à entrer au sein du conseil général sous l’ère

napoléonienne, en 1813537. Significativement, les deux maires de Lyon nommés par

Napoléon avant les turbulences de 1814-1815 offrent un profil semblable.

Personnalités bénéficiant d’une réelle notoriété locale, ni Fay de Sathonay ni d’Albon

n’ont donc exercé de responsabilités municipales avant d’être choisis par Napoléon

mais tous deux ont cependant en commun d’avoir été nommés un an auparavant au

535

ADR, 2 M 13. 536

ADR, 2 M 63. Municipalité Jars. Les nombreux refus de nomination et les nombreuses démissions

nourrissent en mai 1815 d’importants et significatifs échanges entre le préfet du Rhône et le nouveau maire de

Lyon. 537

ADR, 2 M 13.

204

poste de conseiller général ce qui leur confère une certaine légitimité à prétendre

disposer de la haute main sur des affaires administratives complexes et les qualifie

au service du régime.

Trois des édiles nommés par Napoléon exercent concurremment un mandat

national. Si Pernon entre au Tribunat sous le Consulat, il faut attendre 1810 pour voir

Chirat et Rosier de Magneux intégrer le Corps législatif et, d’ailleurs, quitter dans les

mois suivants la municipalité.

L’examen des parcours, des carrières qui s’esquissent au sein de ce groupe

restreint d’individus, montre très clairement que Napoléon cherche, notamment par le

biais de la municipalité, à établir durablement une élite politique locale qui soit

légitimée par le service rendu que ce soit sous l’Ancien régime, la Révolution ou

l’Empire. En ce sens, il apparaît que ce système de distinction de l’élite a intégré les

mutations qui ont affecté les classes dirigeantes à la suite des transformations

économiques, sociales et politiques majeures des dernières années. Il s’agit alors de

réconcilier les passés et le présent et de garantir ainsi l’avenir de l’organisation

administrative et sociale napoléonienne. À ce titre, la politique de recrutement du

personnel politique municipal est bien un élément constitutif du système impérial.

Tableau n°24

Les édiles membres du conseil général538

Maire Adjoint Conseiller municipal

Albon

Fay

Charrier de Senneville

Pernon

Bona de Pérex

Boulard de Gatellier

Desprez

Mayeuvre de Champvieux

Morand de Jouffrey

Rambaud

Régny (Alexis-Antoine)

Vouty de la Tour

538

On excepte ici Passerat de la Chapelle-Catalan qui est membre du Conseil général de l’Ain. Bona de Pérex est

nommé par Louis XVIII au conseil municipal.

205

Section 3. Les édiles face aux évolutions du régime impérial

Jusqu’à présent, la démarche a porté sur une population considérée globalement

c'est-à-dire sans prendre en compte, ou alors comme en passant, des éléments forts

de pondération tels que la durée effective du mandat, la date et les conditions de

nomination des édiles. D’autre part, n’a pas été posée la question de l’évolution du

recrutement sur la durée étudiée. Or, même à l’échelle d’une décennie, on peut

repérer des inflexions en cette matière, surtout lorsque l’on envisage les dernières

années, particulièrement troublées, mais pas seulement. Enfin, se pose la question

de l’attitude des édiles face à l’Empire. La réception du régime napoléonien par les

élites politiques et sociales lyonnaises évolue selon les catégories d’individus mais

aussi au fil du temps, au fur et à mesure que la légitimité matérielle de Napoléon et

l’attractivité du système se renforcent ou s’effritent. L’opinion politique des individus

est ardue à repérer. La fermeté du régime impérial comme la relative incertitude

quant à l’avenir des solutions politiques qui s’esquissent de 1805 à 1815

encouragent à la discrétion et en effet les édiles se montrent en général assez

prudents dans l’affirmation de leurs engagements. En outre, les troubles des années

1814-1815 favorisent les enthousiasmes hâtifs comme ils ont précipité les

reniements ce qui incite à se saisir précautionneusement des indices disponibles.

1. 1805 – 1814 : la fusion à l’œuvre, au service du régime impérial

Il semble intéressant de considérer la période qui court de la création de la mairie

unique jusqu’à la première abdication de Napoléon. En effet, le régime impérial

exerce alors sans partage son autorité en France et les institutions tant nationales

que locales fonctionnent normalement. De la mise en place de la mairie unique

jusqu’à l’annonce de la première abdication de l’empereur, la municipalité lyonnaise,

les hommes qui la composent, les pouvoirs et le prestige dont elle est dotée sont le

produit de la seule volonté napoléonienne en matière d’organisation administrative,

politique et sociale du pays.

206

Tableau n°25

Édiles nommés de thermidor an XIII à avril 1814

NOM Fonction (année de nomination)

NOM Fonction (année de nomination)

ALBON Maire (1813)

DEVILLAS-BOISSIÈRE

Conseiller (1805)

FAY DE SATHONAY

Maire (1805)

DUJAST D’AMBÉRIEUX

Conseiller (1805)

BERNARD-CHARPIEUX

Adjoint (1805)

FALSAN Conseiller (1811)

CAZENOVE Adjoint (1810)

FRÈREJEAN Conseiller (1808)

CHAMPANHET Adjoint (1808)

GÉRANDO Conseiller (1808)

CHARRIER DE SENNEVILLE

Adjoint (1805)

GERMAIN Conseiller (1808)

DERVIEUX Adjoint (1808)

GIRAUD DE SAINT-TRY

Conseiller (1811)

LAURENCIN Adjoint (1811)

GRAILHE DE MONTAIMA

Conseiller (1805)

MÉMO Adjoint (1810) GUERRE Conseiller (1811)

PARENT Adjoint (1805) HERVIER Conseiller (1805)

PERNON Adjoint (1805) LA ROUE Conseiller (1805)

REGNY fils Adjoint (1805) LECLERC DE LA VERPILLIÈRE

Conseiller (1805)

RIVERIEULX DE VARAX

Adjoint (1813)

LOYER Conseiller (1805)

SAIN-ROUSSET Adjoint (1805) MASSON-MONGÈS Conseiller (1811)

ARLÈS Conseiller (1805) MAYEUVRE DE CHAMPVIEUX

Conseiller (1805)

ARTHAUD DE LA FERRIÈRE

Conseiller (1805) MORAND DE JOUFFREY

Conseiller (1808)

ASSIER DE LA CHASSAGNE

Conseiller (1805) MOREL-RAMBION Conseiller (1805)

AYNARD Conseiller (1805) PÉCLET Conseiller (1814)

BERNAT Conseiller (1811) PETIT Conseiller (1805)

BODIN Conseiller (1811) RAMBAUD Conseiller (1811)

BOULARD DE GATELLIER

Conseiller (1805) RAVIER Conseiller (1805)

CHAMPANHET Conseiller (1805) RIVERIEULX DE VARAX

Conseiller (1805)

CHARRASSON Conseiller (1805) RIVOIRE Conseiller (1805)

CHATILLON DE CHAPONAY

Conseiller (1808) ROSIER DE MAGNEUX

Conseiller (1805)

CHIRAT Conseiller (1805) RUOLZ Conseiller (1811)

DERVIEUX Conseiller (1805) SÉRIZIAT Conseiller (1808)

DESPREZ Conseiller (1805) VOUTY DE LA TOUR

Conseiller (1811)

207

1.1. La politique napoléonienne de recrutement assure la fusion et

transcende les clivages

Napoléon a nommé cinquante et une personnes au sein de la municipalité de

Lyon entre thermidor an XIII (août 1805) et avril 1814. Si l’on considère que trois

individus ont occupé successivement deux fonctions 539 , on peut dénombrer

cinquante-quatre nominations : deux aux fonctions de maire, douze à celles d’adjoint

et quarante à celles de conseiller (tableau n°25).

Ce nombre apparaît relativement peu élevé si l’on considère qu’il s’est agi de

composer un corps municipal de trente-sept membres au total sur une durée de huit

ans et huit mois, période au cours de laquelle deux mouvements généraux de

renouvellement, en 1808 et 1813, sont effectués. Le personnel politique municipal

lyonnais exerçant ses fonctions dans le cadre du fonctionnement normal de l’Empire

se signale donc par une réelle stabilité.

1.1.1. Le ciment de caractéristiques communes

Le personnel politique municipal local présente quelques caractéristiques

principales qui contribuent à cimenter ce « corps social » lyonnais en gestation.

L’existence de ces caractéristiques fédératives est d’autant plus indispensable que le

groupe des édiles est hétérogène puisque destiné à opérer la fusion des élites.

La proportion des anciens aristocrates, légèrement croissante depuis 1805, est

de 47,05 %. Si l’on s’intéresse à la condition sociale des individus, on obtient le

tableau suivant :

Tableau n°26

Les édiles selon la catégorie socio-professionnelle (1805-1814)

Catégorie socio-professionnelle Nombre d’individus Pourcentage du total

Négociants/Banquiers/Entrepreneurs 20 39,22 %

Propriétaires 18 35,29 %

Hommes de loi 8 15,69 %

Talents 5 9,8 %

Fonctionnaires civils 0 0 %

539

Champanhet, Dervieux, Riverieulx de Varax.

208

L’âge moyen de nomination des individus est de cinquante et un ans et neuf

mois. Ce sont les conseillers qui forment l’ensemble le plus âgé (52 ans et demi).

Assignés à une fonction délibérative, leur âge est compris comme le garant d’une

certaine sagesse et n’est pas incompatible avec un rythme et une charge de travail

qui sont modestes et, surtout, variables selon les individus dont le degré d’implication

peut différer sensiblement comme on l’a vu. Plus actifs, les maires (42 ans et demi) –

ils sont dans l’esprit de l’empereur appelés à durer – et les adjoints (45 ans et huit

mois) sont choisis parmi des hommes plus jeunes. La moyenne est représentative de

l’ensemble puisque l’on trouve à la fois peu d’hommes réellement âgés (cinq

seulement soit moins de 10 % du total ont plus de soixante ans au moment de leur

nomination) et peu d’hommes jeunes (moins de 10 % des édiles n’ont pas quarante

ans). Les quatre cinquièmes des individus ont donc entre quarante et soixante ans.

Ainsi les édiles appartiennent-ils globalement à une même classe d’âge ce qui

signifie qu’ils ont en commun un vécu et des préoccupations. Jeunes hommes, ils ont

fait l’expérience du plus intense bouleversement politique, social et culturel qui fût : la

Révolution. Chacun d’entre eux a dû prendre position à propos des idées et des

mesures qui agitèrent les dernières années de la monarchie et la naissance de la

République. Chacun d’entre eux a dû faire le choix d’agir ou non au moment du

siège : quinze individus sur cinquante et un (29,41 %) ont participé aux combats.

Aynard, Fay de Sathonay, d’Albon sont tout juste trentenaires quand ils s’engagent

du côté des insurgés et le premier fait même l’expérience de la prison. Marc-Antoine

Petit est un très jeune chirurgien de vingt-sept ans qui soigne les combattants

lyonnais sous les bombardements qui visent continûment les bords du Rhône.

Chacun d’entre eux a eu à se poser la question de l’opportunité d’émigrer, d’acheter

ou non des biens nationaux. On sait que Napoléon attachait un grand prix à ce que

figurassent parmi les notables de son régime une part importante d’acquéreurs de

biens nationaux540 : ils sont constamment un quart du total. A contrario, les individus

ayant émigré au cours de la décennie révolutionnaire forment un peu moins d’un

cinquième de l’ensemble (19,60 %). Pour la plupart de ces personnages, le monde

post-révolutionnaire est celui dans lequel ils doivent inscrire leur stratégie de carrière.

Ils ne sont pas assez vieux pour adopter une attitude de retrait dédaigneux, quelque

sentiment qu’ils ressentent vis-à-vis de la nouvelle société et du nouveau régime.

540

AN, AF IV 1427. Dossier 3. Consignes à la commission.

209

Classés parmi les propriétaires ou non, tous ces personnages sont des

possédants541. Ils sont à la tête d’un patrimoine, bénéficiaires d’une situation qui les

rend solidaires de la prospérité générale, intéressés à l’évolution du régime, au

maintien d’un ordre social dont ils profitent. Instruits, impliqués dans la sociabilité

locale, ils sont soucieux de connaître et d’agir sur la chose publique.

Le régime napoléonien s’appuie sur les couches nouvelles qui à Lyon sont

apparues dirigeantes peut-être plus précocement et plus facilement qu’ailleurs du fait

de la faiblesse de la haute et vieille noblesse dans cette ville industrieuse et

commerçante, sans parlement. Napoléon a compris que « forces vives » du pays,

« ces nouveaux contingents poursuivent collectivement un chemin vers leur

émancipation sociale et leur reconnaissance politique »542.

1.1.2. « L’opinion lyonnaise » est fédérative

Bien que jamais sans doute, auparavant, aucun régime en France n’avait été

renseigné comme le régime napoléonien sur les hommes en vue ou susceptibles de

l’être, il est très difficile de mesurer l’opinion des élites sous l’Empire. À vrai dire, les

rapports préfectoraux renseignent assez clairement sur la capacité des personnes à

remplir des fonctions, mais beaucoup moins sur les opinions qui sont souvent

« voilées d’un halo prudent »543. On dispose aux Archives départementales d’un

volumineux dossier de police qui aborde très franchement la question de l’opinion de

nombreuses personnalités locales mais la dureté voire l’outrance presque

systématique des jugements obligent à la prudence quant à son utilisation544.

Lors du recrutement d’administrateurs par les autorités impériales, les hommes

du juste milieu sont privilégiés. Il ne faut pas avoir pris de parti excessif et avoir

donné quelques gages de conduite et d’opinion à la Révolution, surtout dans une

541

À Bordeaux et à Marseille également, le conseil municipal est nettement dominé par les propriétaires et

l’ensemble formé des négociants et les marchands : BONNET, Christian, Les Bouches-du-Rhône…,op.cit, p.450-

455 ; COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur…, p.56-58. 542

SERNA, Pierre, La République des girouettes. 1789-1815 et au-delà. Une anomalie politique : la France de

l’extrême centre, Seyssel, Champ Vallon, 2002, p.167. 543

CLAUSE, Georges, Le département de la Marne sous le Consulat et l’Empire : 1800-1815, Atelier national

de reproduction des thèses : Université de Lille 3, 1983, vol.1, p.262. 544

ADR, 4 M 388.

210

ville réputée pour l’importance de son opinion hostile à la République545. On constate

néanmoins que, très vite, aux patriotes sages et éclairés initialement distingués vont

se joindre des notables qui sont plus clairement liés à l’ordre ancien. Il faut dire que,

depuis l’instauration par Bonaparte du régime de Brumaire, on a atteint à la

« quintessence d’une république du centre » et qu’il n’y a plus dès lors qu’un pôle

capable d’accueillir tous les « ralliés ». « Il faut donc, une fois les masses de la

population contrôlées et enrôlées, regrouper les élites autour de ce centre exécutif

qu’est le gouvernement »546.

Or, la volonté de fusion et le postulat centriste de Napoléon rencontrent sinon le

tempérament du moins l’histoire lyonnaise. Pour ne prendre en compte que le passé

récent, il y a dans la dissidence lyonnaise de 1793 l’affirmation d’un positionnement

politique qui marque, on l’a dit, durablement l’identité politique de la ville. Les

événements du siège ont marqué la mémoire de la ville en constituant un

traumatisme dont l’ampleur a longtemps dissimulé la signification profonde de

l’événement. Il revient à Bruno Benoit d’avoir montré combien l’épisode était

constitutif de l’identité politique de Lyon. L’opinion dominante à Lyon, qui s’affirme à

compter de la « révolution municipale » du 29 mai 1793 et autour duquel se structure

le mouvement de défiance à la Convention même si, rapidement, il se radicalise,

peut être caractérisée par trois éléments. C’est d’abord une opinion profondément

légaliste, comme l’explique Louis Trénard :

Les Lyonnais s’ingénient à démontrer la légalité de leur attitude. Leur discours affirme leur

volonté de respecter la Loi, la Constitution terminée à la hâte ce dernier 24 juin, de rester

fidèles à la République une et indivisible547

.

C’est ensuite une opinion qui revendique son attachement aux valeurs libérales dont

la Révolution est porteuse. Le droit de résistance à l’oppression comme le rappel des

545

AN, F1c

III Rhône 5. Les rapports établis par le commissaire du Directoire près l’administration centrale du

département sont particulièrement éloquents. On y lit en particulier qu’à Lyon « on parle avec indifférence, et

même avec mépris, des institutions républicaines » (fructidor an VI – août 1798), que « Lyon ne renferme qu’un

très petit nombre de républicains » (prairial an VII – mai 1799). 546

SERNA, Pierre, La République des girouettes…, op. cit., p.465. Pierre Serna parle avec beaucoup de justesse

d’un « Empire du milieu » (p.468). 547

TRÉNARD, Louis, « Lyon, capitale d’une « seconde Vendée » ?, 112ème

Congrès des Sociétés savantes

(Lyon, 1987) : Autour des mentalités et des pratiques politiques sous la Révolution française, T.III, Paris,

Éditions de C.T.H.S., 1987, p.76-77.

211

libertés fondamentales forment un ensemble d’arguments récurrents au sein du

discours des dissidents lyonnais.

C’est enfin une opinion anti-centraliste née au sein d’une ville qui sans doute souffre

d’être périphérique autant qu’elle en profite pour analyser lucidement le processus

révolutionnaire.

Légaliste, libérale et anti-centraliste, cette « opinion lyonnaise » est en mesure

de satisfaire des secteurs très différents de l’opinion publique. Les bourgeois inquiets

des mesures montagnardes aussi bien que les rolandins décentralisateurs, les

notables hostiles au suffrage universel comme les patriotes inquiets de l’attentat

perpétré contre la Convention – les girondins en sont écartés le 2 juin – sont

susceptibles de se rallier sincèrement à une tentative d’émancipation à l’origine de

laquelle les royalistes ne sont pas et dans laquelle ils ne verront qu’après coup,

lorsque la « révolution municipale » se fera insurrection, une opportunité de porter le

fer contre le régime honni.

Cette « opinion lyonnaise » tend à exclure à la fois les exagérés et les royalistes

pour rassembler la majeure partie de la population c'est-à-dire :

Les modérés, majoritaires dans la population. Ce sont des hommes de 1789 qui défendent le

principe de liberté, s’affirment comme des libéraux, sont partisans d’un pouvoir local fort et

respectent la religion548

.

C’est sans doute le mérite de Napoléon que d’avoir repéré la prégnance de cette

« opinion lyonnaise » au sein de la population et plus principalement des élites

locales. Elle correspond assez remarquablement à ce juste milieu dont de nombreux

auteurs, travaillant à des échelles différentes, ont remarqué qu’il forme le lieu favori

de recrutement des élites des régimes consulaire et impérial549. L’Empereur des

Français a ainsi tenté de structurer l’ensemble de l’opinion publique autour de ce

centre de gravité à partir duquel il était loisible d’organiser les élites et leur rencontre.

Napoléon fait clairement appel à des personnalités qui incarnent ce

modérantisme actif durant la période dont on traite. On a vu que quinze individus,

548

BENOIT, Bruno, L’identité politique…, op. cit., p.39. L’auteur ajoute significativement à propos des modérés

que « ne sachant pas vraiment se battre, ils seraient prêts à un dialogue ». 549

SERNA, Pierre, La République des girouettes…, op. cit., 575 p. THERMEAU, Gérard, À l’aube de la

Révolution industrielle …, op. cit., 447 p.

212

soit près du tiers des édiles nommés de 1805 à 1814, ont participé aux combats du

siège du côté des insurgés et l’on peut sans risque affirmer qu’ils furent nombreux

ceux qui soutinrent les combattants sans eux-mêmes s’armer. Il est très important de

relever que les deux maires nommés à Lyon par Napoléon avant la Première

Restauration ont activement pris part aux combats contre la Convention, à la

différence de leurs successeurs. Lors de sa réunion du 27 septembre 1805, le

conseil d’administration du bureau de bienfaisance rend hommage au maire

nouvellement nommé, Fay de Sathonay, en choisissant de faire référence à son

engagement de 1793550. Si d’Albon ne peut pas apparaître comme un modéré, on

peut raisonnablement penser que son implication au sein de cet événement matriciel

a contribué à favoriser son intégration au sein des notables et du corps des édiles

sous l’Empire. La plupart des dix émigrés que compte la municipalité n’ont quitté

Lyon que consécutivement au siège à l’image de Mayeuvre de Champvieux ou de

Regny fils. Par ailleurs, on compte une égale proportion d’insurgés étant restés en

France (Péclet, Petit, Rambaud) ou ayant opté pour l’émigration. On sait que « la

décision de ne pas émigrer est directement liée aux contingences matérielles » et

que « l’activité ou la fonction exercée pèse considérablement sur ce choix »551, mais

sans doute le nombre des émigrés lyonnais parmi les édiles eut-il été nettement

moindre si les événements exceptionnels du siège n’avaient poussé, souvent

brièvement, quantité d’insurgés à trouver au dehors des frontières un refuge. Il n’est

sans doute pas anodin de relever que cinq sur quinze des anciens insurgés figurent

également au rang des acquéreurs de biens nationaux 552 . L’affirmation d’une

« opinion lyonnaise » pas plus que la participation au siège ne signifie forcément

opposition à la Révolution.

Il y a là, dans cette « opinion lyonnaise », quelque chose qui tient aux

convictions, aux engagements, un vrai élément de cohésion des élites du Consulat et

de l’Empire.

550

AML, 1984 WP 001, Bureau de bienfaisance. Registre des délibérations. « Nous l’avons vu (…) officier dans

les phalanges lyonnaises armées pour résister à l’oppression tyranique qui menaçait toute la France et qui dans

notre malheureuse cité a fait couler tant de sang et de larmes ». 551

WISCART, Jean-Marie, La noblesse de la Somme au XIXe siècle, Amiens, Éd. Encrages, 1994, p.51.

552 Il s’agit de Mayeuvre de Champvieux, Morand de Jouffrey, Péclet, Rambaud et Sériziat.

213

1.1.3. Légitimité et attractivité du système napoléonien

La réussite de la politique de fusion visant à transcender les clivages tant sociaux

que politiques dépend largement de la capacité du régime à convaincre de sa

légitimité en même temps que de son aptitude à intégrer efficacement à son

organisation des éléments venus d’horizons différents et ralliés à des moments

distincts.

En fait, « l’interminable quête de la légitimité » 553 à laquelle s’est consacré

Napoléon a abouti à mêler de façon extrêmement complexe et sophistiquée

différents principes de légitimité. Le régime napoléonien revendique en fin de compte

trois grands principes de légitimité : national, matériel et monarchique 554 qui le

mettent en capacité de s’adresser, tour à tour puis simultanément, aux différentes

composantes de l’opinion et de se présenter toujours comme le garant de l’ordre

social nouveau et le seul à même de satisfaire les aspirations du plus grand nombre.

Il revient à Napoléon d’avoir su identifier, au point de les confondre, la Nation et sa

propre personne, faisant par là même évoluer le régime vers la monarchie555. Malgré

la richesse de l’appareil légitimant le pouvoir napoléonien, il demeure que l’Empereur

des Français n’est jamais paru légitime qu’autant que son système était victorieux en

Europe et son organisation infaillible en France. On sait que la chute de l’Empire

sanctionne presque immédiatement les défaites de Napoléon (Campagnes de

France puis de Belgique) sans que les processus dynastiques ou institutionnels

prévus jouent leur rôle556.

S’il doit apparaître légitime, le régime impérial doit aussi faire preuve d’ouverture

en intégrant des éléments disparates. Or le nombre et la qualité des ralliements

dépendent en partie de la capacité du régime à offrir des perspectives de profit aux

individus et ce, d’autant que « le régime napoléonien laisse peu d’espaces de

liberté » :

Même à ceux qui sont, d’après lui, parmi les garants de sa stabilité et, si les notables sont

associés au fonctionnement de l’État, il s’agit plus d’honneurs que de pouvoirs. Toutefois, ces

553

ENGLUND, Steven, Napoléon, Paris, Éditions de Fallois, 2004, p.308. 554

On se réfère notamment à la mise au point de Thierry Lentz : LENTZ, Thierry, « Légitimités

napoléoniennes », dans TULARD, Jean [dir.], Dictionnaire Napoléon, op. cit., p.186-187. 555

GAUCHET, Marcel, La Révolution des pouvoirs. La souveraineté, le peuple et la représentation, 1789-1799,

Paris, Gallimard, Collection « Bibliothèque des histoires », 1995, p.214. 556

TULARD, Jean, Napoléon ou le mythe du sauveur, Paris, Fayard, Collection « Pluriel », 1987, p.409-437.

214

colifichets sont acceptés car, même bornés, l’influence et, surtout, le prestige qu’ils permettent

d’obtenir ou retrouver sont une réelle reconnaissance sociale557

.

Davantage qu’acceptés, les « colifichets » sont recherchés par le personnel

politique lyonnais. Le régime impérial distribue avec mesure titres et décorations dont

il tient à ce qu’ils demeurent de vrais éléments de distinction. Or, il apparaît que les

notables, et parmi eux les édiles qui considèrent que l’acceptation de fonctions

municipales améliore leur curriculum vitae, sollicitent du pouvoir ces marques de

faveur. À peine la noblesse d’Empire est-elle fondée 558 que les demandes

d’anoblissement pleuvent. De Lyon, le premier président de la cour impériale Vouty

de la Tour – il n’est pas encore entré au conseil municipal – postule au titre de comte

et fait valoir longuement ses arguments en faveur de l’érection d’un comté héréditaire

dans sa famille dès avril 1808559. Mettant en évidence sa grande fortune susceptible

de former un majorat, Claude Vouty insiste sur la modération de son engagement

sous la Révolution qui lui valut de souffrir de la terreur après qu’il ait perdu son père

à la suite du siège et rappelle les services rendus au régime napoléonien. Vouty est

fait chevalier de l’Empire en octobre 1808 puis baron en mars 1810 560 . Les

demandes ne sont pas toujours aussi précises ni directes. Rares sont les individus

qui, à l’instar de Vouty, peuvent se prévaloir, en sus d’une situation matérielle

particulièrement confortable, d’une adhésion politique aussi franche et d’une réelle

proximité avec l’empereur. Ainsi, c’est souvent par le biais de rapports préfectoraux

ou au moyen des délégations qui se rendent à Paris que les édiles sollicitent du

régime une distinction. Une note confidentielle adressée par le préfet au ministre de

l’Intérieur présente les membres des députations lyonnaises formées à l’occasion de

la naissance du roi de Rome561. Tous, sans exception, forment l’espoir de se voir

attribuer une fonction, un titre ou une décoration et le font savoir. Le maire Fay de

Sathonay vise à entrer au sénat. Arthaud de la Ferrière aspire à devenir chambellan.

Si Sériziat et Devillas se satisferaient de « la croix », Grailhe de Montaima se verrait

bien, en plus, titré. Les demandes sont recensées par le maire et le préfet qui les

assortissent de commentaires avant de les communiquer au ministre de l’Intérieur

qui, finalement, fait des propositions au chef de l’État. En l’occurrence, bien que le

557

CHAMBON, Pascal, La Loire et l’aigle…op.cit., p.117. 558

Les statuts « confirmant la création des titres impériaux » sont promulgués le 1er

mars 1808. 559

AN, AFIV

1310 dossier 2 [5 : Vouty]. Le dossier est daté du 16 avril 1808. 560

TULARD, Jean, Napoléon et la noblesse d’Empire, Paris, Tallandier, 2001, p.289. 561

AN, F1c

III Rhône 9. Notes sur les députations de mai-juin 1811.

215

préfet le qualifie de « nul », Grailhe est proposé au titre de baron par Montalivet. Par

contre, le ministre suit Bondy qui dénonce la piètre extraction de Sériziat pour refuser

de le présenter à la légion d’honneur, faveur qui est accordée au convenable

Devillas. In fine, Grailhe ne sera pas anobli, Fay sera en effet présenté au sénat et

Arthaud deviendra chambellan.

La légitimité du régime étant matérielle avant tout, celui-ci n’est contesté que

lorsque la situation concrète des individus se détériore, n’est plus garantie, est

menacée. S’agissant d’une ville aussi commerçante et industrieuse que Lyon,

l’adhésion des élites comme l’état de l’opinion publique sont indéfectiblement liés à la

conjoncture économique générale et locale. Ainsi voit-on les édiles manifester des

réserves face à la politique conduite par le chef de l’État au moment où l’effort de

guerre et l’évolution du système napoléonien semblent peser sur le dynamisme

économique du pays et de Lyon.

On voit bien que l’ascension économique et l’accession à des fonctions

administratives, même si elles ne sont pas parallèles, contribuent de la même

manière à asseoir et consolider des situations émergentes au sortir de la Révolution

et à attirer les individus vers le pouvoir. Pour autant, et c’est peut-être là une des

principales limites du système, la notabilité dépend plus profondément –

primitivement – de la réussite économique et de l’insertion au sein de la société civile

que des honneurs dispensés par le régime. Ce dernier n’est donc toléré voire

apprécié que dans la mesure où il ne contrevient pas au processus d’ascension

sociale qui, souvent, a commencé dès la Révolution et même dès l’Ancien régime.

Le patriciat urbain traditionnel se présente dans ce contexte comme un ensemble

très uni, se soutenant par d’étroites relations matrimoniales et des liens d’affaires

aussi resserrés que complexes. Rabaissé politiquement et financièrement par la

Révolution, il est fondamentalement réservé par rapport à un régime qui en est issu

et s’il se réjouit du retour à l’ordre et des années de prospérité, il demeure vigilant et

potentiellement hostile. Plus largement, les notables vivent leur avènement comme le

produit des circonstances davantage que comme le produit de la volonté impériale.

Ce que l’Empire, après la Révolution, affirme c’est le caractère indissociable du

service de l’État et de la défense de la société des notables. Or, dans une

perspective de redéfinition du lien social et politique il s’agit bien du service de l’État

vu comme une entité rationalisée, détachée en fin de compte de la nature du régime

216

ou, plutôt, de l’identité de son chef. Ce point est tout à fait crucial pour la

compréhension des événements de 1814-1815.

1.2. Renouvellement ou restauration ?

Sous le Consulat et l’Empire, ordre et réforme sont intrinsèquement liés.

Napoléon conçoit essentiellement l’ordre comme « la fin des désordres et (…) la

satisfaction des besoins élémentaires de la masse. L’ordre napoléonien passe donc

par la réforme des institutions administratives au sens large »562.

À la fois condition du et conditionné par le retour durable à la paix civile, le soin

que met l’Empereur des Français à organiser administrativement et politiquement

l’empire afin de s’en assurer le contrôle et de mettre en œuvre son système implique

la fabrication d’une élite idoine. Napoléon a à concilier sa volonté de fusion et son

besoin d’une élite compétente et dévouée, au moins par intérêt, et c’est à la croisée

de ce double impératif que se font ses choix en matière de recrutement des édiles.

Toute pragmatique, l’approche napoléonienne a sans doute été moins liée aux

sentiments, d’ailleurs contradictoires, que certains auteurs attribuent à Napoléon vis-

à-vis de la ci-devant noblesse ou de la bourgeoisie563 qu’à l’absolue nécessité dans

laquelle il se trouvait d’asseoir son système en utilisant le personnel existant, qu’il

soit issu de la Révolution ou qu’il lui ait survécu, tout en jetant les bases du

recrutement futur.

1.2.1. Les modalités de renouvellement

Le sénatus-consulte du 16 thermidor an X (4 août 1802) prévoit que la procédure

de renouvellement est le moyen retenu pour donner au chef de l’État la possibilité de

reconduire ou promouvoir les édiles compétents ou loyaux et d’écarter les autres

« sans qu’il soit besoin d’avoir recours à la voie toujours pénible des révocations ».

562

BLUCHE, Frédéric, La Bonapartisme. Aux origines de la droite autoritaire, Paris, Nouvelles éditions latines,

1980, p.50. 563

On pense en particulier aux réflexions sur le sujet d’Antoine Casanova qui fait de la bourgeoisie en général et

de la « classe moyenne » en particulier le rouage essentiel de la politique impériale : CASANOVA, Antoine,

Napoléon et la pensée de son temps…, op. cit., p.114-115.

217

En se donnant la possibilité de redéfinir régulièrement la composition du corps des

édiles, Napoléon imagine bien sûr une procédure qui à la fois lui laisse la prérogative

essentielle du choix et privilégie l’utilisation de cette ressource que constitue le corps

intermédiaire des notables.

Contre les penseurs de la Révolution, Napoléon croit en la valeur de la durée des

hommes et des choses : il n’est donc pas nécessaire de renouveler souvent les

fonctionnaires et autres serviteurs du régime. Le 14 nivôse an XI (4 janvier 1803), il

est décidé que les maires des villes de plus de 5000 habitants ne cesseraient leur

activité qu’en l’an XV (1806) et que les conseillers municipaux seraient renouvelés

par moitié en l’an XI et tous les dix ans par la suite. Or, un décret impérial du 15 avril

1806 bouleverse l’échéance et les opérations militaires de 1806-1807 retardent la

procédure jusqu’à ce que 1808 corresponde finalement à l’année d’un premier

renouvellement général des municipalités 564 . Une circulaire du 26 avril 1810

maintient la durée de vingt ans pour le mandat normal des conseillers.

Les modalités des renouvellements diffèrent légèrement en fonction du

personnel qu’elles concernent. Pour ce qui est du maire et des adjoints, les modalités

des renouvellements sont fixées par le décret impérial du 15 avril 1806. Il est à noter

que la procédure de renouvellement concerne tous les maires et adjoints, y compris

les personnalités nommées exceptionnellement depuis la désignation de la

municipalité précédente en vue de pourvoir à des remplacements rendus

nécessaires par diverses défections.

Afin d’éclairer la décision de l’empereur, le ministre de l’Intérieur exige des préfets

qu’ils lui adressent au total six listes nominatives par commune : seules deux d’entre

elles intéressent la présente étude. Chacune de ces listes doit être conçue en

fonction d’un modèle envoyé aux préfectures et, durant l’été 1810, un modèle

général s’impose565.

La première liste doit recenser les titulaires des fonctions de maire et d’adjoints,

expliquer les éventuels cas de vacance et justifier les propositions de reconduction

ou de remplacement. Le préfet se voit ainsi attribuer un important pouvoir d’influence

sur le processus de nomination puisqu’il lui revient de désigner parmi les

564

ADR, 2 M 12. 565

L’existence de ce « Modèle général », élaboré le 10 juillet 1810, fut rappelée avec insistance au préfet du

Rhône dans une instruction du ministre de l’Intérieur en date du 1er

juillet 1812 : ADR, 2 M 43.

218

représentants politiques locaux ceux qui verraient le plus probablement leur situation

examinée par l’empereur.

La deuxième liste doit proposer, en conséquence de la première, pour chacune

des fonctions de maire et d’adjoints trois candidats. Si une simple reconduction est

préconisée par le préfet, celui-ci doit signaler tout de même deux individus

susceptibles de remplacer le titulaire. Le principe fondamental est que les candidats

doivent être choisis parmi les membres du conseil municipal. Néanmoins, peuvent

être signalés « quelques candidats pris hors de ce conseil et parmi les citoyens

domiciliés de la commune qui, par leur considération personnelle, leurs services, leur

fortune, auraient le plus de titres à la confiance du gouvernement »566. Indice que le

régime impérial ne fait pas l’unanimité parmi les notables qu’il tend pourtant à

promouvoir, Montalivet précise que « le préfet doit s’assurer que ceux qu’il présente

pour candidats sont dans l’intention d’accepter s’ils sont nommés »567.

Pour les conseillers, la procédure est sensiblement identique bien que moins

rigoureusement respectée. Le sénatus-consulte du 16 thermidor fixe les conditions

de nomination des conseillers municipaux des villes de plus de 5 000 habitants en

enjoignant les assemblées de canton à proposer deux candidats pour chaque place

choisis parmi les cent plus imposés. Lors des renouvellements généraux, en 1808 et

1813, des listes nominatives établies par les assemblées de canton sont en effet

constituées afin de permettre la décision de l’empereur c'est-à-dire la reconduction

ou le remplacement de chaque conseiller. En dehors des vagues quinquennales de

renouvellement, c’est parmi ce vivier que, sur présentation plus ou moins formelle du

préfet, Napoléon a recruté « au coup par coup » les conseillers lorsqu’il s’est agi de

compléter l’effectif. Il est frappant de constater que les renseignements collectés par

la préfecture à cette occasion sur les différents postulants sont bien plus superficiels

que ce qui est la règle pour les adjoints et le maire mais que, la plupart du temps et à

Lyon au moins, ces individus sont assez bien connus des autorités au moyen des

différents recensements de notables effectués depuis l’an X.

566

ADR, 2 M 43. Instruction du ministre de l’Intérieur aux préfets, juillet 1812. 567

Ibid.

219

1.2.2. Tenir l’ambition de fusion

L’attention étant portée ici sur l’échelle locale, c’est de remplacement davantage

que de renouvellement qu’il s’agit puisque l’on envisage la succession concrète des

acteurs au sein de la municipalité lyonnaise de 1806 à la première abdication de

Napoléon.

L’examen de la composition de la municipalité à la veille de la Première

Restauration fait apparaître une progression de la part des aristocrates d’Ancien

régime en même temps que des propriétaires. Alors que les ci-devant nobles sont

48,35 % de la municipalité en 1805 et 47,05 % sur la période 1805-1814, ils sont

56,25 % en 1814. Les individus qualifiés de propriétaires sont quant à eux plus

modestement passés de 41,9 % en 1805 à 43,75 % en 1814. La tendance au

renforcement du poids des catégories les plus traditionnellement liées aux temps

d’avant la Révolution est donc réelle. Elle correspond à une tendance généralement

observée par les historiens, à l’échelle locale des villes et, surtout, des départements

comme à l’échelle nationale568.

Or, force est de constater que le recrutement postérieur à l’année 1805 est

pourtant équilibré en ce sens qu’il reproduit les équilibres définis dès l’origine par

Napoléon. Six adjoints sont nommés de 1808 à 1813 en lieu et place de

prédécesseurs décédés ou démissionnaires. Deux d’entre eux sont des propriétaires,

quatre des négociants. Trois sur six sont d’anciens nobles. Il s’agit toutefois de

représentants de familles plus anciennes que la plupart de celles qui ont été

recrutées jusqu’alors : Cazenove, de Laurencin et Riverieulx de Varax sont des noms

qui ont de l’éclat. Seul le premier a certainement émigré569.

En abordant les conseillers, on raisonne sur un nombre un peu supérieur

d’individus et de manière sans doute plus significative. Seize conseillers municipaux

prennent leurs fonctions à Lyon entre 1808 et 1814. Or, on constate que moins du

tiers d’entre eux sont qualifiés de propriétaires (cinq sur seize) alors qu’un quart sont

des hommes de loi (quatre sur seize) et que les hommes d’affaires sont majoritaires

568

Une dernière synthèse : BERTAUD, Jean-Paul, Les royalistes et Napoléon, Paris, Flammarion, collection

« Au fil de l’histoire », 2009, p. 203-231. 569

ADR, 1 M 110.

220

(six sur seize). Sept individus sur seize, soit 43,75 %, sont des aristocrates d’Ancien

régime.

Il ressort de ces quelques observations que Napoléon, à Lyon, a utilisé avec

modération la capacité dont il s’était doté de renouveler le personnel politique

municipal. Lorsqu’il a été amené à recruter de nouvelles personnalités, du fait

principalement de la diminution des effectifs, l’empereur l’a fait en mobilisant les

catégories socio-professionnelles et les « états » dans des proportions tout à fait

proches de ce qu’elles étaient au début de l’Empire. En étudiant le renouvellement

des édiles tel que Napoléon l’a effectivement pratiqué de 1805 à 1814, on ne

discerne pas de mouvement de restauration des élites d’Ancien régime. Pourtant, les

ci-devant sont devenus majoritaires au sein de la municipalité en place au moment

de la première abdication.

Il semble bien que ce soit par un mouvement insensible que les individus

représentatifs de l’ancienne France ont peu à peu accru leur présence au sein des

institutions municipales. Parallèlement, le régime adopte des formes monarchiques

et un maire jusque-là clairement assimilé aux royalistes, André-Suzanne d’Albon, est

nommé. Ainsi, l’impression peut être celle d’une restauration. En fait, même s’il est

difficile d’identifier clairement toutes les raisons ayant conduit au départ anticipé d’un

certain nombre d’édiles (dix-huit entre 1805 et 1814, sans compter les conseillers

devenant adjoints), on peut repérer le faible nombre de démissions inexpliquées. Or,

toutes concernent des négociants, membres du ci-devant tiers état. Bernard-

Charpieux, Mémo, Parent ou Rivoire, parfois déçus par la faible considération dont

on les gratifie (cela vaut pour les deux anciens maires), sans doute accaparés par

leurs affaires et peu disponibles pour des tâches à bien des égards ingrates, quittent

d’eux-mêmes la municipalité. Certains départs s’expliquent par l’obtention d’une

autre fonction publique, plus gratifiante ou plus prenante : Chirat et Rosier de

Magneux entrent au Corps législatif, Regny devient trésorier de la ville. Mais la

majeure partie des défaillances est due à la maladie ou au décès des individus :

Devillas, Fay de Sathonay, Gérando, Loyer, Pernon, Petit, Ravier. Il se trouve que

seul un tiers de l’ensemble de ces défections concerne d’anciens nobles.

Assurément moins disponibles pour des fonctions gratuites, peut-être moins résignés

à agir peu et peut-être déçus par l’évolution de régime, les individus liés au négoce

et à la manufacture, les talents restent moins aisément au sein de la municipalité au

221

fur et à mesure que le temps passe. Ils s’effacent ainsi, comme légèrement, alors

même que les anciens aristocrates, parfois issus de familles prestigieuses restées

jusqu’alors discrètes sinon hostiles acceptent de se rallier au régime impérial570.

En avril 1811, le maire peut se réjouir de l’entrée au sein de la municipalité de

figures emblématiques de la société d’Ancien régime. Jean-Baptiste Giraud de Saint-

Try, François-Aimé de Laurencin, Pierre-Thomas Rambaud et Claude-Antoine Vouty

de la Tour incarnent la reconnaissance mutuelle de l’Empire et de l’ancienne

France571. En les nommant au sein des institutions municipales après en avoir fait les

principaux magistrats de la ville – Rambaud est procureur près la cour d’appel, Vouty

en est le président – le régime napoléonien élève au rang de notables des

personnalités que leur passé et leur ascendance destinent au premier rang :

À quelle flatteuse espérance Lyon ne doit-il pas se livrer alors que pour remplir ces fonctions

tutélaires, le souverain s’adresse à des familles dont les noms portent avec eux le souvenir

d’une longue suite de services, alors que, voulant réunir les intentions libérales, la droiture de

jugement, l’étendue des connaissances, Sa Majesté choisit pour compléter le Conseil des

hommes dont elle-même vient d’attester le mérite éminent en les plaçant aux premiers rangs

de la magistrature572

.

Or, on peut penser se trouver là en présence d’un phénomène qui a préparé le

ralliement aux Bourbons. Le « régime mixte, fait de république autoritaire et de

symbolique royale » 573 qu’est le régime impérial fait une place aux anciens

aristocrates, place qu’ils acceptent d’occuper en escomptant souvent renforcer son

inflexion monarchique et rétablir leur position sociale. Les sentiments royalistes

subsistent malgré le ralliement de fait à l’Empire. D’ailleurs, d’aucuns pourront

estimer que le rapprochement des Bourbons n’est pas si scandaleux compte tenu de

l’évolution monarchique du régime napoléonien574. Pour autant, le ralliement assez

général des édiles au roi Bourbon auquel on assiste au printemps 1814 ne s’explique

pas principalement par cette progression du poids relatif des ci-devant au sein de la

570

Concernant les édiles du département de la Marne, Georges Clause note : « Et cependant, à mesure que les

années passent, il faut bien reconnaître que les propriétaires dont le nom est précédé d’une particule,

généralement anciens militaires, surveillant maintenant la culture de leurs terres remplacent les hommes de loi

qui avaient eu leur heure de gloire durant la Révolution. Cela se fait sans bruit, sans heurt, sans plan préconçu

sans doute. ». CLAUSE, Georges, Le département de la Marne…op.cit., p. 263. 571

Des noms moins prestigieux entrent aussi au conseil cette année-là : Bernat, Bodin, Falsan, Guerre… 572

AML, 1217 WP 033. Séance du 17 avril 1811. 573

SERNA, Pierre, La République des girouettes…, op. cit., p.468. 574

Ibid., p.159.

222

municipalité. C’est l’ensemble des caractéristiques du notabilat et des édiles du

régime napoléonien qui facilite leur acceptation du régime monarchique. On peut

penser en particulier, comme André Palluel-Guillard à propos des notables de

Savoie, que l’âge moyen assez élevé des édiles explique en grande partie leur

« conservatisme social et politique et la facilité de la Restauration de 1814 » puisque

pour la plupart d’entre eux il s’agit de gens dont la position familiale et

professionnelle est déjà solidement établie575.

Quoiqu’il en soit, l’impression d’un retour sur le devant de la scène de familles

maintenues jusque là éloignées du pouvoir est réelle et la nomination, en 1813, du

successeur de Fay de Sathonay aux fonctions de maire la renforce.

575

PALLUEL-GUILLARD, André, L’Aigle et la croix…op.cit., p.241. André Palluel-Guillard raisonne alors sur

les 2 827 individus recensés en vue de l’organisation des gardes d’honneur en 1813. L’âge moyen est de 52 ans.

223

Tableau n°27

La composition de la municipalité à la veille de la Première Restauration

NOM FONCTION ÂGE DOMICILE CATÉGORIE SOCIO-

PROFESSION-NELLE

EXPÉRIENCE POLITIQUE

depuis l’an VIII

ALBON maire 53 Rue de la Charité

Propriétaire Conseiller général

SAIN-ROUSSET

1er adjoint 57 Rue du Pérat

Propriétaire Maire du Midi sous le Consulat

Adjoint depuis 1805

CHARRIER DE SENNEVILLE

2e adjoint 44 Rue Sala Propriétaire Adjoint depuis 1805

CHAMPANHET 3e adjoint 59 Rue des Capucins

Négociant Conseiller depuis le Consulat.

Adjoint depuis 1808

CAZENOVE 4e adjoint 49 Rue des Feuillants

Négociant Adjoint depuis 1810

LAURENCIN 5e adjoint 54 Place Grôlier

Propriétaire Adjoint depuis 1811

RIVERIEULX DE VARAX

6e adjoint 45 Rue Sala Propriétaire Conseiller depuis le Consulat.

Adjoint depuis 1813

ARLÈS conseiller 59 Quai Saint Antoine

Négociant Conseiller depuis le Consulat

ARTHAUD DE LA FERRIÈRE

conseiller 43 Rue du Pérat

Propriétaire Conseiller depuis le Consulat

ASSIER DE LA CHASSAGNE

conseiller 64 Place Bonaparte

Propriétaire Conseiller depuis le Consulat

AYNARD conseiller 51 Rue Buisson

Négociant Conseiller depuis 1805

BERNAT conseiller 61 Place de la Douane

Magistrat Conseiller depuis 1812

BODIN conseiller 46 Quai Saint Clair

Négociant Conseiller depuis 1811

BOULARD DE GATELLIER

conseiller 55 Rue du Pérat

Magistrat Conseiller depuis le Consulat

224

NOM FONCTION ÂGE DOMICILE CATÉGORIE SOCIO-

PROFESSION-NELLE

EXPÉRIENCE POLITIQUE

depuis l’an VIII

CHARRASSON conseiller Quai de la Feuillée

Négociant Conseiller depuis le Consulat

CHATILLON DE

CHAPONAY

conseiller 60 Propriétaire Conseiller depuis 1808

DESPREZ conseiller 56 Rue du Chemin neuf

Avocat Conseiller depuis 1805

DUJAST D’AMBERIEUX

conseiller 74 Place Bonaparte

Propriétaire Conseiller depuis le Consulat

FALSAN conseiller 53 Rue d’Égypte

Négociant Conseiller depuis 1811

FRÈREJEAN conseiller 53 Rue de la Vieille

Négociant Conseiller depuis 1808

GIRAUD DE SAINT-TRY

conseiller 50 Rue du Plat Propriétaire Conseiller depuis 1811

GRAILHE DE MONTAIMA

conseiller 63 Rue Saint Joseph

Propriétaire Conseiller depuis 1805

GUERRE conseiller 52 Rue des Célestins

Avocat Conseiller depuis 1811

LA ROUE conseiller 59 Rue Sala Propriétaire Conseiller depuis 1805

MASSON-MONGÈS

conseiller 47 Place Bonaparte

Propriétaire Conseiller depuis 1811

MORAND DE JOUFFREY

conseiller 54 Rue Saint Dominique

Magistrat Conseiller depuis 1808

MOREL-RAMBION

conseiller 55 Rue Sala Magistrat Conseiller depuis le Consulat

PÉCLET conseiller Rue Lafont Négociant Conseiller depuis 1814

RAMBAUD conseiller 60 Rue Saint Dominique

Magistrat Conseiller depuis 1811

RUOLZ conseiller 63 Rue du Pérat

Propriétaire Conseiller depuis 1811

SÉRIZIAT conseiller 60 Vaise Négociant Conseiller depuis 1808

VOUTY DE LA TOUR

conseiller 52 Rue Puits-Gaillot

Magistrat Conseiller depuis 1811

1.2.3. La nomination emblématique du maire d’Albon

225

Renouvelé dans ses fonctions en 1808, Fay de Sathonay était sans doute appelé

à rester durablement maire de Lyon. Napoléon fait en effet lorsqu’il le peut le choix

de la continuité, la stabilité des institutions étant tout à la fois un gage de leur

efficacité et un indice de leur légitimité576. C’est son décès précoce, le 27 août 1812,

qui provoque la nécessité de sa succession. Or, Napoléon n’entend pas pour autant

brusquer les échéances. Ainsi, fait-il confiance à l’expérimenté premier adjoint Sain-

Rousset, devenu baron de Vauxonne en 1810, pour assurer un assez long intérim577

en attendant d’organiser la succession dans le cadre du renouvellement quinquennal

prévu en 1813.

Par le biais de la correspondance échangée entre le préfet Bondy, le ministre

Montalivet et le futur maire d’Albon, l’occasion est donnée d’assister au plus près au

processus conduisant à la nomination du maire de Lyon par l’empereur. Si l’on

confronte cette source à celle que constitue la masse des documents officiels

conservés par la préfecture, l’on peut avoir une idée assez juste des critères

privilégiés en réalité par Napoléon pour parvenir à sélectionner le meilleur candidat et

s’apercevoir que ces critères diffèrent sensiblement dans le cas d’espèce de ceux

que Napoléon met systématiquement en avant de manière officielle. Théoriquement,

trois critères guident les autorités. Premier critère, la compétence. Administrer une

grande agglomération comme Lyon, même sous le contrôle étroit du gouvernement

central et de son représentant départemental, nécessite bien évidemment un

ensemble de compétences, d’ordre juridique et financier notamment, mais aussi un

sens politique développé et une aptitude à représenter la commune et le régime.

Deuxième critère, la probité. Napoléon souhaite s’assurer que nul soupçon de

fraude, de corruption ou d’enrichissement douteux ne puisse peser sur le premier

magistrat de la ville. C’est notamment l’argument avancé pour suggérer au préfet de

ne proposer que des personnalités disposant d’un niveau de fortune tel qu’il les

mette à l’abri de la tentation d’actions répréhensibles. Troisième critère, le

comportement politique. La politique de fusion prônée par l’empereur ne s’étend pas

576

Le premier adjoint, André-Paul Sain-Rousset, ancien maire de la section Ouest de la ville, occupe sa fonction

sans interruption de septembre 1805 à juillet 1815. ADR, 2 M 13. 577

André-Paul Sain-Rousset assume les fonctions de maire d’août 1812 à mars 1813 mais il préside en fait les

séances du conseil municipal en lieu et place de Fay, malade, dès le printemps. AML, 1217 WP 034-035. Juillet

1811-juin 1813.

226

aux franges les plus extrêmes de l’opinion, qu’elles soient républicaine ou

monarchiste. Il s’agit donc de s’assurer que les candidats ne soient pas assimilés

trop ouvertement à l’une ou l’autre de ces deux causes.

On sait que la première liste de candidats à la succession de Fay de Sathonay

que le préfet Taillepied de Bondy envoie au ministre de l’Intérieur pour qu’il la

présente à l’empereur comporte quatre noms578. Or, un courrier de Montalivet au

préfet nous apprend que la candidature de trois de ces personnalités est très vite

écartée par Napoléon. En effet, Charrier de Senneville, de Laurencin et Sain-

Rousset « ne paraiss(ai)ent pas susceptibles dans l’état des choses d’être

nommés »579. Seul reste en lice d’Albon et il se trouve qu’il est le seul à ne pas avoir

appartenu aux précédentes municipalités. Comme il l’a fait pour Fay de Sathonay en

1805, Napoléon accorde donc sa préférence à un homme qui n’est pas issu du

conseil municipal. Il rappelle ainsi que si la position est due au mérite elle dépend

également du bon vouloir de l’empereur ; elle est le fait du prince. En outre, il

distingue clairement la légitimité et l’autorité du maire de celles du conseil municipal

voire des adjoints. Les trois individus écartés d’emblée. Charrier de Senneville, de

Laurencin et Sain-Rousset sont tous trois des adjoints de l’ancien maire. Le préfet

Bondy les propose donc selon une logique qui tendrait à faire de l’un des seconds

d’hier le premier de demain. Tous trois se sont signalés par leur compétence comme

par leur loyauté envers le régime. Aucun d’entre eux n’est soupçonné de concussion

ni de corruption. C’est le choix d’écarter Sain-Rousset (1757-1837) qui est le plus

révélateur de la volonté impériale de refuser cette sorte de promotion par le mérite.

Si son élévation au sein de la ci-devant aristocratie fut moins importante que celle du

défunt Fay de Sathonay, Sain-Rousset offre, en effet, un profil assez comparable de

robin issu du négoce, homme d’ordre aux opinions modérées, engagé suffisamment

prudemment du côté des insurgés pour avoir été de ceux qui plaidèrent la cause de

Lyon à la barre de la Convention et pour n’avoir pas été poussé à émigrer. Attaché à

l’Empire, il semble présenter les garanties exigées par Napoléon qu’il a d’ailleurs

rencontré personnellement à plusieurs reprises depuis 1800. On comprend mieux le

rejet de l’hypothèse Charrier de Senneville. Claude-Salicon Senneville (1768-1843)

est un homme plus jeune, que le mariage a uni à l’une des plus importantes familles

du Lyonnais, les Charrier. Son ascension est récente et son enrichissement doit

578

ADR, 8 J 2. 579

Ibid. Courrier de Montalivet à Bondy en date du 30 mars 1813.

227

beaucoup à son activité au sein de l’administration des vivres et à sa proximité avec

un certain nombre de fournisseurs aux armées580. Ce parvenu grenoblois a émigré et

n’a revêtu tous les attributs du notable qu’après Brumaire. L’homme est moins

solidement installé au sein des élites lyonnaises ce qui, paradoxalement, rend son

soutien au régime un peu outrancier. Le troisième candidat refusé par Napoléon,

François-Aimé de Laurencin (1764-1833), vient lui d’une grande famille de noblesse

d’épée. Ancien page du roi, il abandonna comme ci-devant noble sa charge de

colonel d’infanterie au régiment de la Rochefoucault dragons en 1792. Attaché à la

monarchie, il évolue dans l’ombre d’un père très influent à Lyon, Jean-Espérance-

Blandine de Laurencin, mais acquiert progressivement un réel statut de notable que

sanctionne la décision prise par ses pairs de le désigner parmi les députés chargés

de porter à Napoléon l’adresse du collège électoral du département du Rhône en

1809, comme il est plus tard l’un des trois délégués de la municipalité à se rendre à

Dijon afin de rencontrer François d’Autriche et son ministre Metternich le 30 mars

1814. À la tête d’un patrimoine qui excède le demi-million de francs581, il est l’ancien

directeur de la Compagnie Perrache et, à ce titre, en litige avec la municipalité.

L’élément est sans doute de nature à empêcher son accession aux fonctions de

maire de la ville.

Ayant écarté trois des quatre candidats, on voit pourtant Napoléon hésiter à

nommer d’Albon. On sait qu’il ne lui reconnait pas de grandes compétences dans

l’administration582 bien que, depuis le 20 mars 1812, André-Suzanne d’Albon soit

conseiller général. Hésitant, Napoléon sollicite de Bondy d’autres noms. Le préfet du

Rhône signale alors Boulard de Gatellier (1759-1827) et Giraud de Saint-Try (1763-

1828).

Le deuxième nommé présente un profil adapté. Issu d’une famille consulaire

sortie du commerce, parfaitement intégré aux réseaux de sociabilité locaux et

propriétaire d’une des dix premières fortunes du département, il a déjà été approché

après Brumaire pour devenir le maire de la section du Midi. Or, ce royaliste qui a

perdu un frère à la suite du siège a refusé la proposition. Superficiellement rallié à

l’Empire depuis, il ne fait pas son entrée au sein du conseil général en 1809 comme il

580

COLLOMBET, « Notice sur Charrier de Senneville », dans Revue du Lyonnais, 1843, p.256. 581

ADR, 39 Q 17, 132 Q 8. 582

Comme Montalivet en informe d’Albon dans un courrier en date du 18 mars 1813 : ADR, 8 J 2.

228

en a pourtant manifesté le désir. L’empereur lui reproche en outre d’être en conflit

avec la mairie pour un litige concernant l’achat de la salle de théâtre des Terreaux.

Certainement davantage coupable d’avoir dédaigné les avances du jeune régime

consulaire que d’opinions royalistes affichées et sur le point de s’engager dans un

procès avec la ville, Giraud de Saint-Try est écarté583.

En fin de compte, c’est avec Boulard de Gatellier que d’Albon est le plus

longtemps en balance. L’ascension de la famille des Boulard, installée dans le

faubourg de Vaise depuis le XVIIe siècle, est récente. Elle fait de François Boulard un

jeune noble de robe allié aux meilleures familles de la région qui, malgré son

ouverture aux idées nouvelles, s’engage contre la Convention lors du siège et finit

par émigrer. De retour à Lyon sous le Directoire, c’est l’Empire qui fait de lui un

notable de premier plan. Conseiller municipal en 1805, il assume très activement sa

fonction 584 . D’ailleurs, les notes du préfet le signalent comme pouvant « avec

avantage être employé dans l’ordre judiciaire » puisque « plein de délicatesse et de

probité, entièrement dévoué au gouvernement » 585 . C’est logiquement qu’il est

nommé au sein du conseil général (1810) et conseiller près la cour impériale (1811).

A la tête d’une fortune avoisinant le million de francs586, François Boulard de Gatellier

présente toutes les garanties de compétence et de probité qu’exige Napoléon en

même temps que ses opinions semblent modérées et, en tous cas, compatibles avec

les projets de fusion des élites affichés par l’empereur.

D’Albon n’apparait somme toute pas plus fortuné. Il est à la tête d’un patrimoine

qui n’excède probablement pas de beaucoup 500 000 francs587 et lui-même redoute,

on l’a vu, de ne pouvoir assumer matériellement les obligations inhérentes aux

missions de représentation liées à la fonction gratuite de maire. De formation

militaire, d’Albon est assurément moins compétent que le magistrat Boulard de

Gatellier, familier des milieux administratifs et judiciaires. D’Albon est en outre

clairement assimilé aux milieux royalistes. Tôt émigré, il participe à Coblence à la

formation du corps de cavalerie, est lieutenant sous les ordres du comte d’Artois et

fait la campagne de 1792. Après la dissolution de l’armée de Condé, il se met au

583

Il est finalement nommé simple conseiller municipal. Il ne fait son entrée au Conseil général que sous la

Restauration (1818). 584

Il participe à cent dix séances du Conseil municipal de 1805 à 1814 : AML, 1217 WP 030-038. 585

ADR, 2 M 12. 586

ADR, 1 Q 326 (167,168), 302 Q 23. 587

ADR, 352 Q 16.

229

service de la Hollande et participe à la défense de Maastricht en 1793. Il rentre à

Lyon pour défendre la ville lors du siège, fait partie de la mission envoyée à Berne

solliciter l’intervention des cantons suisses. Il rejoint ensuite, en Angleterre, le

régiment du marquis d’Autichamp avant d’être, enfin, décoré en émigration de l’Ordre

de Malte (1796) et de celui de Saint Louis (1797)588. Il ne doit son retour en France,

en 1800 semble-t-il, qu’à un concours de circonstances – une homonymie – derrière

lequel on peut peut-être apercevoir un indice de la mansuétude qui est celle du

régime consulaire pour les émigrés. Il a donc fait de son émigration un combat589

pour la monarchie et les Bourbons.

Pourtant Napoléon finit par préférer d’Albon à Boulard de Gatellier. Il semble bien

que ce soit l’ascendance particulièrement illustre de d’Albon qui joue un rôle

déterminant. C’est qu’André-Suzanne d’Albon est issu d’une très renommée famille

de la noblesse d’épée du Dauphiné établie à Lyon au dix-septième siècle. Son père,

Camille-Alexis (1724-1789), prince d’Yvetot, marquis d’Albon et de Saint Forgeux,

seigneur de nombreuses terres en Lyonnais, dans la vallée de la Turdine, épousa

Anne-Marie-Jacqueline Olivier, descendante d’une famille originaire de Barcelonette

et fille du receveur général des finances de Lyon. Représentant de la branche

cadette des d’Albon de Galles, Camille-Alexis fut membre de l’assemblée provinciale

en 1787590.

André-Suzanne d’Albon a dix-huit ans lorsque, distingué après avoir reçu une

solide formation militaire, il est nommé lieutenant du roi en Lyonnais, Forez et

Beaujolais. Il marche alors dans les pas de son aîné, François-Camille (1753-1789),

maître de camp de cavalerie. C’est la Révolution qui interrompt le fil de l’existence

programmée du cadet de cette famille de vieille noblesse. Alors qu’il a obtenu, en

1790, son brevet de colonel et, en juillet 1791, sa nomination en tant que maître de

camp de cavalerie, la brutalité des événements – son frère meurt en 1789, lui-même

est enlevé en son château d’Avauges puis emprisonné durant trois jours à Saint

588

Bruno BENOIT (et alii), Vingt-quatre maires de Lyon…,op. cit., p.57-69. 589

Ce royaliste de cœur renie avec enthousiasme le régime impérial au moment de la Première Restauration. La

vigueur de son revirement et de la lutte qu’il prône dès lors contre les bonapartistes a l’effet à première vue

paradoxal de le voir d’abord désavoué par Louis XVIII - il se voit refuser la dignité de Pair de France sollicitée

le 13 juin 1814 par l’intermédiaire d’une adresse du conseil municipal et il démissionne le 6 décembre - puis

recherché par la police impériale durant les Cent-jours. 590

GUTTON, Jean-Pierre [dir.], Les Lyonnais dans l’histoire, Toulouse, Privat, 1985, p.162-164 ; ADR, 106 J.

Dossiers rouges, vol.1.

230

Forgeux avant d’être assigné à résidence à Lyon – l’amène à émigrer591. Son retour

dans sa région natale s’accompagne d’un ralliement tout pragmatique au nouvel

ordre des choses. Nommé maire de Saint Romain de Popey (1801), il y récupère en

partie ses biens confisqués. Épousant, le 17 mai 1803, l’héritière d’une autre grande

famille du Dauphiné, Marie-Thérèse de Viennois, choisissant d’abandonner, en 1810,

ses droits sur la principauté d’Yvetot dont la famille disposait depuis le mariage, en

1688, de Camille d’Albon, marquis de Saint-Forgeux, avec Julie de Crevant,

princesse d’Yvetot, mais affirmant dans le même temps ceux dont il jouit sur

Avauges, André-Suzanne renoue avec un mode de vie et un type de stratégie tant

familiale que patrimoniale qui font de lui un homme d’Ancien régime. C’est cette

caractéristique qui le distingue le plus fortement des cinq individus avec lesquels il

est placé en concurrence.

Se revendiquant de noblesse immémoriale, d’Albon n’attend pas

dédaigneusement qu’on vienne le solliciter. Il se manifeste au contraire très vivement

auprès des autorités, et se montre extrêmement actif en utilisant les réseaux.

Aucun des individus présentés à Napoléon parmi les candidats aux fonctions de

maire de Lyon ne le fut sans avoir manifesté son intérêt pour le poste. D’Albon est de

ceux qui, comme de Laurencin et Sain-Rousset, ont même activement œuvré pour

convaincre le chef de l’État du bien fondé de leurs ambitions. En effet, d’Albon réside

à Paris l’essentiel du temps durant lequel Napoléon réfléchit au remplacement de

Fay de Sathonay, c'est-à-dire du mois de janvier au mois d’avril 1813592. Il n’est pas

le seul et l’on sait que Sain-Rousset est à Paris à la fin du mois de mars 1813. Lié

aux milieux parisiens issus de l’émigration, partisans des Bourbons, d’Albon réside

dans le quartier Vendôme, rue neuve des petits champs. Il est en contact direct et

extrêmement fréquent avec Montalivet. C’est souvent pour l’informer des

renseignements qu’il tient du ministre de l’Intérieur qu’il écrit à Bondy. Il faut dire que

les deux hommes sont très engagés dans le soutien à la candidature de d’Albon.

Cela a d’ailleurs très probablement une influence sur l’identité des individus proposés

concurremment à d’Albon. Celui-ci est en effet le seul qui ne soit pas issu des

institutions municipales. La rapidité avec laquelle Napoléon écarte les trois premiers

591

AML, 2 I 16, Police générale, dossiers particuliers, A-Ba. 592

D’Albon évoque même dans une lettre à Bondy la possibilité de rentrer à Lyon compte tenu des rumeurs qui y

circulent faisant de lui un vulgaire intrigant : ADR, 8 J 2. Lettre du 22 janvier 1813.

231

noms peut laisser penser que son refus était prévisible. Un homme aussi averti que

Bondy ne peut être totalement ignorant des critères de sélection de l’empereur,

surtout qu’il est très proche du ministre de l’Intérieur.

D’Albon est d’autant plus proche du pouvoir central qu’il y a des alliés

(Montalivet) et qu’il est attiré par l’orientation monarchique de l’Empire. Ainsi dans la

manière de se signaler au prince, d’Albon renoue avec des pratiques d’Ancien

régime. Les préoccupations qui sont les siennes à cette période sont très

significatives de cet état de fait. Dans un courrier adressé à Bondy daté du 22 janvier

1813, il signale les bruits qui évoquent la possible création d’une maison militaire de

l’empereur composée « d’enfants de famille »593. Au début du mois d’avril, il informe

Bondy que le conseiller municipal lyonnais Arthaud de la Ferrière vient d’être nommé

Chambellan 594 . L’appartenance à ce réseau parisien ancré dans l’ancienne

aristocratie mais proche du pouvoir impérial permet à d’Albon d’être sans cesse tenu

au courant de l’état de la réflexion de l’empereur et d’adapter sa stratégie en

conséquence. Il est tout à fait évident que d’Albon aspire à être nommé et qu’il y

travaille assidûment.

S’il est soutenu par Montalivet et Bondy et fréquente la cour en même temps qu’il

entretient des amitiés au sein des milieux ci-devant aristocrates parisiens, d’Albon

mobilise également ses réseaux locaux, lyonnais. Il fait partie de ces propriétaires qui

vivent de leurs rentes. L’essentiel du temps, il mène une vie de château sur ses

terres d’Avauges. Par son niveau de fortune, d’Albon est proche de personnalités de

premier plan du département comme Jacques-Catherin Charrier de Grigny (1741-

1815) et, se targuant d’appartenir à une famille de noblesse immémoriale, il évolue

dans la proximité des principales familles que la Restauration récompensera

d’ailleurs parfois pour leur fidélité comme les Bona de Pérex ou les Lacroix-Laval. Au

sein de ces relations interpersonnelles, l’épouse de d’Albon joue un rôle tout à fait

important. C’est ce que signale l’unique lettre de sa main, datée du 7 avril 1813 et

adressée à Bondy. Elle y évoque le lien épistolaire nourri et de longue date entretenu

avec le préfet, dont la matière est notamment l’intercession de l’épouse de d’Albon

auprès du représentant de l’État dans le département en faveur d’amis et de

relations. Elle évoque son rôle de soutien à son mari, montrant par là combien il

s’agit d’une stratégie familiale et révélant combien l’ambition de d’Albon est

593

Ibid. Lettre du 22 janvier 1813. 594

Ibid. Lettre du 2 avril 1813.

232

réelle quoiqu’il en ait, « le cœur (ayant même) failli lui manquer au moment d’arriver

au port »595.

Influent, d’Albon doit néanmoins compter avec une certaine adversité,

notamment en provenance des personnalités lyonnaises, d’extraction moins noble et

davantage liées aux temps nouveaux. On le voit s’inquiéter du « mauvais esprit » et

des « risques de dissensions » au sein du conseil municipal, compte tenu des

espoirs et des frustrations générées par la question de la nomination du maire.

D’Albon affirme même redouter de ne pouvoir travailler avec ses possibles futurs

adjoints596. Ayant déjà dû s’incliner devant Fay de Sathonay en 1805, étant sans

aucun doute le personnage le plus investi au sein de la municipalité depuis l’an

VIII597 et ayant exercé la fonction par intérim depuis plusieurs mois, on comprend que

parmi ses concurrents, ce soit surtout Sain-Rousset qui résiste à l’activisme de

d’Albon. D’ailleurs, d’Albon refuse prudemment à la fin du mois de mars 1813 de

dîner à Paris en compagnie de Montalivet et de Sain-Rousset598. Lorsque Montalivet

incite d’Albon à ne pas renoncer à sa candidature, il lui rappelle la prééminence que

le maire a par rapport au conseil et à ses adjoints à qui il est en mesure de ne

déléguer que les compétences qu’il lui plait de déléguer 599 . Bondy, lui, assure

d’Albon que certains édiles sont tout à fait bien disposés à son égard. Il met

notamment en avant l’exemple de Charrier de Senneville et rassure son

correspondant de manière très explicite: « quant à l’opposition dont vous me parlez,

vous pouvez être rassuré ; vous serez parfaitement secondé par M. de S(enneville),

l’un des adjoints, qui a donné déjà des preuves d’un véritable intérêt » 600 .

Néanmoins, la nouvelle de la nomination de d’Albon est certainement assez mal

reçue à Lyon où Bondy signale que beaucoup de personnalités locales la critiquent

et mettent en évidence les hésitations de Napoléon, rappelant en particulier que

celui-ci a réclamé finalement deux autres noms après avoir examiné la première liste

595

Ibid. Lettre du 7 avril 1813. 596

Ibid. Lettre du 25 mars 1813. 597

CHASSAGNE, Serge, « La vie politique à Lyon … », op.cit., p.54-73. 598

« J’ai cru devoir éviter une réunion peut-être embarrassante sous certains points en ce moment » écrit-il à

Bondy le 2 avril : ADR, 8 J 2. 599

Ibid. Lettre du 25 mars 1813. 600

Ibid. Brouillon de Bondy, préparatoire à sa réponse aux courriers des 25 et 28 mars.

233

et qu’il n’a désigné d’Albon que le 27 mars alors qu’il avait annoncé sa décision pour

les premières semaines de l’année puis pour le 15 mars601.

Nommé six jours auparavant, d’Albon est finalement reçu en audience privée par

l’empereur le 1er avril 1813 à neuf heures au palais de l’Élysée. Le tête-à-tête dont

s’enorgueillit d’Albon dans un courrier adressé dès le lendemain à Bondy dure, selon

son témoignage, une vingtaine de minutes. Il est, au dire du nouveau maire,

consacré presque exclusivement à Lyon. Mais d’Albon se plaît à relater les marques

d’affection dont Napoléon l’honore et auxquelles il associe le préfet : « Vous avez été

nommé, Bondy vat (sic) bien je l’aime602, ce que j’ai eu grand plaisir à entendre. Le

ton affable et bon de Sa Ma(jesté) m’avait tellement rassuré que j’avais abjuré toute

espèce de timidité et d’embarras ». Il annonce à Bondy qu’il compte retourner bientôt

à la Cour mais cette fois « en habit de maire » pour y assister à un lever avant de

rentrer à Lyon. Le choix de d’Albon se révèle être celui d’un courtisan, sans doute

très significatif de l’évolution du régime et de l’évolution des critères de choix

napoléonien en matière d’édiles.

2. 1815 : l’année paradoxale

Profondément convaincu de sa légitimité, Louis XVIII est sans doute porté à

admettre les changements organiques de la société française. Il a en tous cas

l’habileté de clarifier suffisamment sa position sur les acquis de la Révolution pour ne

pas effrayer les hommes nouveaux603 tout en tolérant suffisamment d’ambiguïté pour

laisser espérer les nostalgiques de l’Ancien régime.

601

Ibid. Courrier de Montalivet à Bondy en date du 30 mars. D’Albon a lui-même reçu la nouvelle de sa

nomination le 27 de la bouche de Montalivet. Il en informe Bondy par lettre du 28 mars. 602

Ibid. Lettre de d’Albon à Bondy du 2 avril 1813. Souligné par l’auteur de la lettre 603

L’article 1er

de la Charte proclame l’égalité de tous devant la loi quand l’article 9 déclare l’inviolabilité des

propriétés « sans aucune exception de celles qu’on appelle nationales ».

234

2.1. La Restauration continue l’Empire

Napoléon a réalisé une synthèse nationale qui suppose l’acceptation du régime

et de son chef comme garantissant la paix civile, le maintien des équilibres sociaux

favorables aux notables et les conditions de la prospérité économique. Si la

monarchie restaurée ne rompt pas avec ce pacte fondamental, elle a toutes les

chances d’être bien reçue. Avec un peu de provocation, on pourrait voir dans la

facilité avec laquelle les édiles acceptent le passage de l’empire à la monarchie la

preuve du succès de la formule impériale. Les conditions de la Restauration

démontrent la stabilité des institutions, la force de l’organisation administrative et

politique souvent louée mais aussi de la forme de société structurée autour de cette

masse de granit que sont les notables :

On reste étonné, à la suite d’un tel changement politique, de la stabilité de l’administration,

des maires aux préfets, des juges aux procureurs généraux. Ici la continuité l’emporte

largement sur le changement. (…) La même classe reste au pouvoir, se contentant selon

l’expression de Benjamin Constant de « sauter sur une autre branche ». (…) Jamais transition

politique n’aura été aussi douce, le plus souvent par politique lorsque ce n’est pas par inertie

et horreur des changements604

.

C’est particulièrement vrai à Lyon où l’opinion publique semble plus partagée que

dans d’autres villes comparables face aux événements de 1814-1815. À Marseille et

Bordeaux, la contre-révolution triomphe 605 . À Lyon, où l’adhésion à l’Empire a

bénéficié du réflexe patriotique606 et paraît plus profonde, davantage partagée entre

les élites et la masse de la population, la mise en place par le roi de la municipalité

de Fargues illustre bien la voie modérée choisie localement. La monarchie rejette les

outrances de d’Albon et choisit de composer une municipalité qui confirme

globalement les choix de Napoléon.

604

WARESQUIEL, Emmanuel de, YVERT, Benoît, Histoire de la Restauration, 1814-1830. Naissance de la

France moderne, Paris, Perrin, 1996, p.69. 605

COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur…, op. cit, p.247-254 ; BONNET, Christian, Les Bouches-du-

Rhône…, op. cit., p.1004-1046. 606

AN, F7 4291. Dès les premières semaines de janvier 1814, les autorités lyonnaises font part au gouvernement

de l’exaltation des esprits.

235

2.1.1. L’équilibre global est conservé

Par chacun des indicateurs choisis et observés jusqu’à présent, la municipalité

nommée par Louis XVIII au lendemain de la première abdication de Napoléon

ressemble en effet à celles qui l’ont précédée depuis la création de la mairie unique

et, en particulier, à celle de 1813. Cela tendrait à montrer que le système de

désignation de l’élite politique municipale a désormais « des structures permanentes

qui transcendent le renouvellement des hommes »607.

L’âge moyen des édiles est de cinquante ans. Au sein de cet ensemble, le noyau

exécutif de la municipalité composé du maire et des adjoints est encore rajeuni

puisque la moyenne d’âge est inférieure à quarante ans si l’on ne prend en compte

que les entrants. C’est le vétéran Sain-Rousset – baron d’Empire – qui fait grimper la

moyenne à quarante-deux ans et demi.

La proportion des propriétaires augmente légèrement au total (46 %) pour égaler

celle des négociants et des entrepreneurs mais parmi les seuls nouveaux membres

on retrouve un équilibre semblable à celui de 1814 : les propriétaires sont 43,47 % et

les négociants restent majoritaires (52,17 %). Par contre, différence tout à fait

importante, les avocats et les magistrats deviennent des acteurs mineurs (trois

individus sur trente-sept seulement).

En matière de recrutement des aristocrates le nouveau régime se montre moins

prudent et accélère l’évolution constatée depuis 1805. On recense 52,17 % de ci-

devant parmi les nouveaux, dont le maire et trois adjoints. Alors que les royalistes se

déclarent comme tels et que les fidélités au roi seraient en droit d’espérer une

récompense, on ne trouve parmi les nouveaux édiles que cinq émigrés et quatre

combattants du siège même si certains d’entre eux ont été durement marqués par

l’événement : deux des frères de Servan ont péri dans la répression de l’hiver 1793-

1794. En fait, compte tenu de l’identité des conseillers qui sont reconduits par le roi,

les anciens nobles composent plus de la moitié de la municipalité (56,75 %) et les

émigrés près d’un cinquième (18,91 %). Ces chiffres sont cependant tout à fait

proches de ce qu’ils étaient sous la municipalité d’Albon qui, notamment, comptait

déjà plus de 56 % de ci-devant. Napoléon a donc aussi largement recruté dans ces

607

GUILLAUME, Sylvie, « Avant-Propos » dans Les élites fin de siècle :XIXe et XX

e siècles. Actes de la journée

d’études du 31 janvier 1992 [Textes réunis par S. Guillaume], Talence, Éd. De la Maison des Sciences de

l’Homme d’Aquitaine, 1992, p.8.

236

milieux considérés traditionnellement comme réservés voire hostiles à son égard et à

l’égard de la nouvelle société.

Par contre, on observe que les acquéreurs de biens nationaux se font plus rares

sous l’autorité de Mallet de Fargues (trois parmi les nouveaux, on en recense au total

cinq avec certitude). Il y a là un élément de rupture absolument évident puisqu’avec

13,5 % la proportion d’acquéreurs est la plus faible sur la période. Parmi les soixante

et onze nommés par Napoléon de 1805 à 1815, cette proportion est de 25,35 %.

Mais l’impression qui domine est tout de même celle d’une forte continuité entre

les municipalités de l’Empire et celle de la Première Restauration. Comme un

symbole de cette continuité, la nomination, par décret royal du 22 novembre 1814,

du nouveau maire qui place à l’hôtel de ville Jean-Joseph Mallet de Fargues, le

neveu par alliance de Nicolas-Marie Fay de Sathonay608. Descendant d’une très

ancienne famille de la noblesse auvergnate, tôt émigré et enrôlé à quatorze ans dans

l’armée de Condé609, il s’est rallié ouvertement à l’Empire dont il est un notable

assumé avant d’accueillir à bras ouvert les Bourbons. Sous l’Empire comme sous la

monarchie, il réside rue du Plat dans l’hôtel hérité de son oncle, au cœur de ce Lyon

d’essence aristocratique mais de mœurs très conformistes610. Lorsque les Lyonnais

apprennent le nom du successeur de d’Albon, le soulagement apparaît général

comme en atteste un courrier envoyé par le conseiller de préfecture Cochard au

ministre de l’Intérieur. Autant d’Albon a rejeté violemment l’Empire et s’est signalé

par la violence de son attitude, autant de Fargues se caractérise par sa « douceur »

et sa « modestie », plus conformes au modérantisme lyonnais611.

De la même manière que Napoléon recrute très pragmatiquement ses édiles en

mobilisant les ressources disponibles au moment où il établit son régime, Louis XVIII

doit composer avec l’existant pour la simple raison que les compétences ne sont pas

toujours légion :

608

Son installation a lieu le 21 décembre de la même année par le préfet Chabrol. Il préside cinq séances du

Conseil municipal, du 11 février au 18 avril 1815 : AML, 1217 WP 037. 30 avril 1815 – 17 mai 1817. 609

ADR, 42 L 80, Siège de Lyon, dossiers individuels. De Fargues. 610

Mallet de Fargues offre aux amateurs de girouettes une manière de cas d’école : BENOIT, Bruno (et alii),

Vingt-quatre maires de Lyon…, op. cit., p.77-87. 611

AN, F 1b I 156/31. Lettre de Cochard datée du 6 décembre 1814.

237

Un premier constat s’impose rapidement, que le bon sens induit sans détour : la France n’a

pas deux élites administratives, militaires, judiciaires et universitaires. Le roi et les conseillers

avisés autour de lui comprennent qu’il faut utiliser et continuer de faire servir tout ce potentiel

que représentent les hommes de Napoléon. À leur tour, ces derniers considèrent la valeur de

tout cet acquis de places, de traitements, de grades, de fonctions, durement obtenus le plus

souvent et qu’il ne s’agit pas de galvauder, mais de conserver bien au contraire612

.

Ainsi, les ralliements à la monarchie sont nombreux et ne suscitent finalement

que peu de réactions à Lyon d’autant qu’ils sont, à quelques exceptions près,

relativement feutrés, l’outrance de certains retournements comme celui de d’Albon

disqualifiant totalement leurs auteurs.

Tableau n°28

La composition de la municipalité sous la Première Restauration613

NOM

FONCTION

ÂGE

DOMICILE

CATÉGORIE SOCIO-

PROFESSION-NELLE

MALLET DE FARGUES

maire 38 Rue du Plat Propriétaire

GODINOT adjoint 54 Rue Puits-Gaillot Négociant

LACROIX-LAVAL

adjoint 32 Rue de la Charité Propriétaire

MUNET adjoint 36 Rue des Feuillants Propriétaire

NOLHAC adjoint 38 Rue du Pérat Propriétaire

SAIN-ROUSSET

adjoint

VINCENT DE VAUGELAS

adjoint 41 Rue Sainte Catherine

Négociant

ARLES conseiller

ARTHAUD DE LA FERRIERE

conseiller

AYNARD conseiller

BODIN conseiller

BONA DE PEREX

conseiller 59 Place Louis-le-Grand

Propriétaire

BOTTU DE LIMA

conseiller 65 Place Louis-le-Grand

Propriétaire

612

SERNA, Pierre, La République des girouettes…, op. cit., p.159. 613

En italique, les quatorze individus déjà nommés par Napoléon et reconduits par le roi. Nous avons choisi de

ne pas reproduire les informations les concernant pour alléger le tableau.

238

NOM

FONCTION

ÂGE

DOMICILE

CATÉGORIE SOCIO-

PROFESSION-NELLE

BOULARD DE GATELLIER

conseiller

CHARRASSON conseiller

COURBON DE MONTVIOL

conseiller 55 Rue Saint Jean Homme de loi

DUJAST D’AMBERIEUX

conseiller

FOURNEL conseiller Négociant

FREREJEAN conseiller

GIRAUD DE SAINT-TRY

conseiller

GRAILHE DE MONTAIMA

conseiller

GUERIN conseiller 49 Quai Saint Clair Négociant

JORDAN conseiller 43 Place Louis-le-Grand

Propriétaire

LA ROUE conseiller

LECOURT conseiller 68 Cour des Carmes Négociant

LECUYER conseiller Rue du Bât d’argent

Négociant

MALLIE conseiller Place des Terreaux Négociant

MONTMARTIN conseiller 65 Rue Saint Jean Propriétaire

MOREL-RAMBION

conseiller

MOTTET DE GERANDO

conseiller 43 Quai Saint Clair Négociant

PERRET conseiller Place du Gouvernement

Négociant

REGNY PERE conseiller 66 Place de la Comédie

Négociant

ROCHE DES ESCURES

conseiller Place Louis-le-Grand

Propriétaire

RUOLZ conseiller

SERVAN conseiller 48 Place des Cordeliers

Négociant

THOY conseiller Rue du Plat Propriétaire

VINCENT DE SAINT-

BONNET

conseiller Place de la Comédie

Négociant

239

2.1.2. L’appel aux anciennes familles est relativement modéré mais il

signifie à terme la rupture

Le roi choisit clairement, dans le cadre des nominations au sein de la

municipalité, de ne pas bousculer les équilibres sociaux sur lesquels repose depuis

les dernières années de la République la paix civile à Lyon. Le recrutement impérial

a déjà largement opéré une synthèse entre les individus représentatifs des deux

France et des différentes familles des élites. Si, à l’évidence, magistrats et

fonctionnaires sont sanctionnés, les nouvelles autorités prennent soin de ne pas

provoquer la rupture du pacte local si patiemment renoué depuis la République

consulaire. Ainsi, l’appel aux anciennes familles est relativement limité. Il y a un peu

moins d’aristocrates reconduits que nommés par le roi (neuf contre treize) ce qui

signifie tout de même que parmi le personnel politique conservé, on trouve près de

deux ci-devant sur trois. On l’a vu, la proportion est un peu moindre parmi les

arrivants.

Si l’on s’arrête un instant sur l’identité des treize nobles d’Ancien régime614 que

Louis XVIII fait entrer à la mairie de Lyon, on s’aperçoit sans vraie surprise que l’on a

affaire à des personnalités qui incarnent la fidélité à la cause monarchique sans que

pour autant toutes se soient tenues à l’écart de l’honneur et des places sous l’Empire

comme l’exemple du maire Mallet de Fargues l’a montré.

À l’exception notable de Fleury-Marie Courbon de Montviol et des trois

négociants que sont les Vincent et Servan, tous sont des propriétaires domiciliés

dans le quartier d’Ainay et de Bellecour. Jean Mallet de Fargues, Pierre-Mathieu

Nolhac, Jean de Lacroix-Laval, Joseph Longecombe de Thoy ou Abel Bottu de Lima,

au moins, peuvent se targuer d’appartenir à de vieilles familles615. On repère la

persévérante application que met Nolhac à profiter de la vente des biens nationaux

de deuxième origine pour reconstituer par l’intermédiaire de son fondé de pouvoir

Jean-Jacques Corcelette, l’essentiel de trois domaines familiaux situés en

614

Il s’agit du maire Mallet de Fargues, des adjoints Lacroix-Laval, Nolhac et Vincent de Vaugelas et des

conseillers Bona de Pérex, Bottu de Lima, Courbon de Montviol, Jordan, Roche des Escures, Thoy et Vincent de

Saint-Bonnet. 615

On est mal renseignés sur les Roche des Escures.

240

Beaujolais616. La plupart de nos personnages ont un engagement politique ou public

attesté avant l’Empire et ont parmi leurs proches des militants de la cause royaliste.

Les familles Servan, Nolhac et Jordan sont consulaires. Abel Bottu de Lima, Fleury-

Marie Courbon et Camille Jordan ont participé aux combats du siège comme le père

de Nolhac ou de Lacroix-Laval – il est guillotiné le 24 décembre 1793 – ou encore le

frère de Bona de Pérex et ceux de Servan. Quatre parmi douze, au moins, ont

émigré dont un précocement (de Fargues). Ainsi, on s’aperçoit que si le roi semble

soucieux de ne pas modifier profondément les équilibres sociaux dont Napoléon a

fait dépendre le pacte local, les nominations auxquelles il se livre manifestent un

progrès des idées réactionnaires.

D’ailleurs, au lendemain de la deuxième abdication de Napoléon, certains d’entre

eux se rangent significativement parmi les ultras : de Fargues, Lacroix-Laval,

Courbon de Montviol et, au début, Jordan. De fait, davantage que la sociologie des

élites municipales, Louis XVIII et la Première Restauration bouleversent leur identité

politique.

Si l’on s’intéresse aux mois qui suivent immédiatement la période napoléonienne,

il est difficile de ne pas rapprocher des événements de 1786 ceux de l’hiver 1816-

1817 qui voient le maire de Lyon, devenu ultra, Mallet de Fargues, profiter des

troubles pour conduire une vaste répression dans la ville et les campagnes

environnantes à l’issue de laquelle plus de cent cinquante inculpés sont traduits

devant la cour prévôtale et vingt-trois condamnations à mort prononcées 617 . À

nouveau, le peuple apparaît menaçant pour des élites politiques qui se sont

éloignées des administrés après ce moment de forte radicalisation des opinions que

furent les années 1814-1815. La municipalité n’est plus garante du pacte local et

génératrice de lien politique. Elle s’offre pour fonction de discipliner par l’usage de la

violence le peuple en qui elle identifie à nouveau une foule potentiellement

insurrectionnelle. Nicolas Bourguinat montre clairement que puisque, dans l’élan

« bonapartiste » perceptible à Lyon durant les Cent-jours, les « élites, royalistes

comme libérales, reconnurent à l’œuvre la tradition des "exagérés" et des "Chalier"

(…), la question d’une rebellion frontale d’une partie de la cité contre l’autre fut alors

616

ADR, 1 Q 407 (79-82, 84, 93, 100, 100-9), 1 Q 408 (110 bis, 113, 114, 115 bis-115-5), 1 Q 409 (209), 1 Q

412 (21-23). L’opération se réalise par l’achat de 17 lots entre messidor an IV (juin 1796) et prairial an VI (mai

1798) pour la somme de 1 208 870 francs. 617

BENOIT, Bruno, L’identité politique…op.cit., p.50-53.

241

de nouveau posée »618. De la même manière, plus de dix ans plus tard, Lacroix-

Laval, devenu maire de la ville sous Charles X (janvier 1826 – juillet 1830), ne cesse

de pourfendre les libéraux et va jusqu’à tenter d’empêcher la venue de La Fayette à

Lyon en 1829619. Il se pose ainsi en défenseur de la monarchie bourbonienne contre

les tentations libérales ou démocratiques plus que comme le garant de la concorde

locale.

Malgré la volonté affichée de privilégier le pardon et l’oubli que sanctionne la

Charte octroyée le 4 juin 1814620, la maladresse de Louis XVIII a consisté à se

donner « non seulement les couleurs de l’Ancien régime mais parfois même les

formes » 621 . C’est l’heure de la résurrection de l’ancienne cour et de l’ancien

protocole, du réemploi des formules d’Ancien régime, de la restauration des maisons

civile et militaire du roi qui offrent des places aux ennemis déclarés de la Révolution

et de l’Empire. C’est l’heure aussi des commémorations expiatoires. À Lyon, certains

événements font écho à ce mouvement général de restauration des anciennes

formes et de promotion d’une mémoire royaliste. Le drapeau blanc flotte sur l’hôtel

de ville dès le lendemain de l’arrivée en ville de la nouvelle de l’abdication de

Napoléon622 et la ville reprend ses anciennes armoiries. Or, le conseil municipal de

Lyon sollicite du roi, en février 1815, le droit d’ajouter au lion traditionnel un glaive

d’argent pour signifier le soutien de la ville insurgée à la cause royale623.

Le cénotaphe commémoratif des victimes du siège inauguré en mai 1795 ayant

été détruit en janvier 1796 et le régime napoléonien s’étant montré constamment

hostile à sa réédification, une commission se met en place dès après la restauration

de Louis XVIII pour envisager la construction, aux Brotteaux, d’un monument

consacré au souvenir du martyre de 1793. La vingtaine de membres de la

618

BOURGUINAT, Nicolas, « La ville, la haute-police et la peur : Lyon entre le complot des subsistances et les

manœuvres politiques en 1816-1817 », Histoire Urbaine, n° 2, décembre 2000, p. 131-147. À la problématique

purement politique inhérente à la « phase d’établissement d’un nouveau régime » s’ajoutent d’autres tensions,

traditionnelles, entre la ville et ses campagnes, la ville et ses faubourgs. 619

BENOIT, Bruno (et alii), Vingt-quatre maires…, op.cit., p.95-102. 620

Son article 11 annonce que « toute recherche des opinions et des votes émis avant la restauration est

interdite ». 621

WARESQUIEL, Emmanuel de, YVERT, Benoît, Histoire de la Restauration…, op.cit., p.76. 622

KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, op. cit., t.3, op. cit., p.10. 623

AML, 1217 WP 036. Séance du 11 février 1815. Louis XVIII donne satisfaction au conseil municipal par ses

lettres patentes du 27 février 1819. Sur la question des armoiries, voir MONFALCON, Jean-Baptiste, Histoire

monumentale de la ville de Lyon, t.V, Lyon, Bibliothèque de la ville, 1866, p.94-101 et BENOIT, Bruno,

L’identité politique de Lyon…, op. cit., p.118-123.

242

commission présidée par Précy lui-même 624 opte pour une chapelle de forme

pyramidale dessinée par l’architecte Cochet625 sur le fronton de laquelle on peut lire

« À la gloire de Dieu. À la mémoire des victimes du siège de Lyon, 1793 ». En 1821,

la dépouille de Précy y sera solennellement déposée avant d’être rejointe, en 1823,

par les ossements, juste exhumés, des fusillés de la répression626.

La forme pyramidale, qui cherche à en faire une construction digne d’éternité, les ossements

des fusillés dans la crypte, véritables reliques des nouveaux martyrs de Lyon, la présence du

tombeau de Précy, le héros de la défense lyonnaise en 1793, font de ce monument un

véritable panthéon lyonnais en l’honneur de Dieu et du Roi. Dans ce lieu sacré, sont donc

célébrés le 21 janvier, mais aussi le 29 mai627

.

La dichotomie entre l’ancienne et la nouvelle France est de plus en plus

visible628. Alors que les soutiens de Napoléon semblent nombreux dans les milieux

populaires629, les rumeurs de rétablissement des droits féodaux ou de restitution des

biens nationaux aux anciens émigrés agitent la ville et les campagnes environnantes

et laissent craindre l’exercice d’une sévère répression de la part de ci-devant

revanchards630.

On s’aperçoit que le pacte local dépend bien sûr de la sociologie des institutions

administratives et représentatives mais aussi de leur comportement politique, au

sens où leur conception du vivre en commun implique un certain type de relations

avec les administrés. À la veille du retour de l’île d’Elbe, la distance s’est à nouveau

accrue entre les édiles et les administrés parce l’action des premiers tend à obéir

davantage à des considérations idéologiques qu’au souci du bien public.

624

On trouve trois des personnages du corpus au sein de la commission : d’Albon, Aynard et Morand de

Jouffrey. 625

Il est, avec le sculpteur Chinard, l’auteur du cénotaphe de 1795. 626

Le monument religieux des Brotteaux, Lyon, Audin, 1925, p.18-25. 627

BENOIT, Bruno, L’identité politique…, op. cit, p.118. 628

TULARD, Jean, Napoléon…, op. cit., p. 426-428. 629

KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.3, op. cit., p.15-16. ZINS, Ronald, 1815..., op.cit., p.18-19. 630

AML, 002 I 014, Police générale, événements et troubles politiques, 1814. Voir notamment les lettres du

préfet du Rhône au maire de Lyon datées du 8 novembre 1814 et du 25 décembre 1814.

243

2.2. Les Cent-jours : la restauration de l’affrontement

Les Lyonnais, qui manifestent bruyamment leur opinion sitôt la nouvelle du retour

de Napoléon connue, alimentent la réputation bonapartiste de la ville. De

nombreuses scènes de désordre se produisent à partir du 8 mars et le maire de

Fargues rédige, dès le 9, un arrêté interdisant « tout rassemblement dans les rues,

sur les ports et quais de cette ville », ordonnant la fermeture des cafés, billards et

cabarets mais aussi des portes d’allées à 9 heures du soir au plus tard, défendant

« de parcourir les rues en bandes pendant la nuit et de proférer des cris », invitant

« les postes et les patrouilles de la garde nationale à tenir sévèrement la main à

l’exécution de la présente ordonnance », puis, le 12, prescrivant l’arrestation

immédiate de « quiconque ne déférerait pas sur-le-champ aux invitations ou

sommations de tout agent de la force publique »631.

2.2.1. Le retour du clivage fondamental

La municipalité des Cent-jours est nommée depuis le Palais de l’Élysée par

décret impérial en date du 20 avril 1815. Une semaine après, le 28 avril 1815, le

préfet du Rhône632 arrête les modalités de l’installation de la nouvelle municipalité qui

doit avoir lieu le dimanche 30. Napoléon destitue de Fargues auteur d’un revirement

si spectaculaire qu’il le discrédite633 et nomme l’ancien capitaine du génie Jars,

devenu propriétaire et maire d’Écully, bonapartiste déclaré. À première vue, la

reprise en main de l’administration de la deuxième ville de France est menée

tambour battant et, un mois après son retour aux Tuileries, Napoléon a redonné une

direction claire aux affaires lyonnaises et rhodaniennes.

631

AML, 002 I 015, Police générale, événements et troubles politiques, 1815. 632

Le 12 mars, Fourier a remplacé Chabrol à la préfecture, assurant une sorte d’intérim puisque, le 17 mai, Pons

de l’Hérault sera nommé. 633

Se soumettant spectaculairement à Napoléon après avoir bruyamment appelé les habitants de la ville à lui

résister, il n’est plus que l’auteur des deux déclarations totalement contradictoires du 7 et du 11 mars 1815, la

première, dénonçant « Bonaparte, violant son serment (…) aveugle instrument des ennemis de la France », la

seconde célébrant « Napoléon (qui) éleva au plus haut degré la gloire des armes et du nom français ». Louis

XVIII fera pourtant de nouveau appel à lui après la seconde abdication de l’empereur.

244

Or, très vite on s’aperçoit que les choses ne sont pas si simples. Passé,

triomphant, par Lyon et parvenu à Paris, Napoléon ne rallie pas aussi facilement

qu’espéré les élites, fussent-elles lyonnaises 634 . Dès le 23 avril 1815, Gaspard

Vincent de Vaugelas démissionne de ses fonctions d’adjoint malgré sa reconduction

par l’empereur635. C’est le premier d’une série qui s’avère assez longue pour amener

le préfet à demander au maire, au début du mois de mai, d’établir une recension

précise des défections établies et redoutées636. Au total, ce sont dix refus qui sont

essuyés par les autorités entre le 23 avril et le 9 mai 1815. Trois individus ont refusé

les fonctions d’adjoint, sept celles de conseiller municipal comme le montre le

tableau suivant.

Tableau n°29

Refus d’appartenir à la municipalité Jars637

Aux fonctions d’adjoint Aux fonctions de conseiller

Nom Date de la démission

Nom Date de la démission

Giraud de Saint-Try

29 avril (lettre au préfet)

Buffard 7 mai (lettre au maire)

Montmartin638

9 mai (lettre au maire)

Desprez ? (avant le 2 mai)

Vincent de Vaugelas 23 avril (lettre au préfet)

Eynard 8 mai (lettre au maire)

Fournel 8 mai (visite au maire)

Merlat 30 avril (lettre au maire)

Morand de Jouffrey 29 avril (lettre au préfet)

Peillon-Souchon 29 avril (lettre au maire)

L’explication de ces refus est à rechercher essentiellement dans la pusillanimité

qui atteint les individus en cette période, particulièrement mouvante, où les repères,

634

À Marseille, les notables liés au monde des affaires se partagent entre anciens et nouveaux riches. Ces

derniers, liés au commerce continental et à la manufacture, moins choyés sous l’Empire que les grands

propriétaires fonciers, ne font finalement « rien qui puisse empêcher la chute de l’Empire » : BONNET,

Christian, Les Bouches-du-Rhône…, op. cit., p.568-569. 635

ADR, 2 M 63. Lettre au préfet du 23 avril 1815. Vincent-Vaugelas renouvelle sa démission le 29. 636

Ibid. Lettre du préfet du Rhône au maire de Lyon, le 2 mai 1815. 637

D’après ADR, 2 M 13. ; 2 M 43 ; 2 M 44 ; 2 M 63 ; et 3 M 1. 638

Il consent à rester conseiller municipal. Il avait fait son entrée au conseil sous Louis XVIII.

245

à peine établis par une quinzaine d’années de stabilité, se dissolvent et où les

solidarités de divers ordres se redistribuent. On repère trois anciens conseillers de

l’Empire. La valse des vestes a ses limites et ces royalistes ne peuvent prendre parti

contre Louis XVIII après avoir trahi Napoléon pour le rejoindre. Ce sont plutôt les

arguments avancés qui prêtent à sourire. Giraud de Saint-Try, conseiller sortant,

argue de « sa santé si faible et si chancelante » quand Morand de Jouffrey, si actif

sous la Seconde Restauration dans la commission Précy, paraît alors

particulièrement accablé :

Cependant je ne refuserais point l’honneur que l’on me fait si l’état de ma santé me le

permettait. Il est tel depuis près de deux ans que dès lors je n’ai presque rien fait au conseil

municipal et n’ai pu même me rendre exactement à ses séances ; tel que depuis quelques

mois j’aurais de la peine à remplir mes fonctions de conseiller à la Cour si je ne me trouvais

dans la troisième chambre où les audiences et les affaires sont moins multipliées639

.

Au-delà de l’anecdote, on devine la difficulté devant laquelle s’est trouvé le

régime impérial lorsqu’il s’est agi de recruter un personnel municipal nécessairement

renouvelé compte tenu des prises de position récentes, du conflit de légitimité

brutalement réapparu et du caractère possiblement risqué de tout engagement

public. Lorsque le médecin Eynard justifie son refus, il signale que ne faisant pas

partie des cent plus imposés de la ville de Lyon « il pense que c’est par erreur qu’il a

été compris dans la nomination des membres du conseil municipal »640. C’est que

l’Empire est à la recherche d’individus à même d’incarner la société nouvelle. Les

talents sont évidemment de ceux-là.

Le corps municipal finalement nommé et installé à Lyon sous les Cent-jours l’a

donc été sur une période courant du 20 avril au 9 mai 1815 641 et encore est-il

incomplet puisque manquent à cette date et ce, jusqu’à la fin de la période642, un

adjoint et six conseillers municipaux (tableau n°30).

639

ADR, 2 M 63. Lettre au préfet du 29 avril 1815. 640

Ibid. Lettre du 8 mai. Très prudent, Eynard précise que « quand il pourrait en être autrement, (…) son âge ni

sa santé ne lui permettent pas d’accepter cette place ». 641

Gancel est nommé adjoint le 6 mai par arrêté du comte Maret, alors Commissaire extraordinaire de

l’empereur dans les départements de la 19ème

division militaire. Il est installé le 9 mai. 642

Le 16 mai, le préfet sollicite du maire une liste de deux personnes par place vacante : ADR, 2 M 63. Nous

n’avons aucune trace d’une telle liste.

246

Profondément troublée sinon séduite par le retour des Bourbons, l’élite

propriétaire issue de l’aristocratie d’Ancien régime s’éloigne ostensiblement du

régime impérial. Le positionnement de l’empereur et des autorités ou de ceux de ses

partisans qui, localement, le représentent contribue à rompre l’alliance qui jusqu’alors

unissait dans un même souci de leurs intérêts respectifs et du bien public les

catégories sociales les plus enclines au royalisme et les bonapartistes. Peut-être

l’Empire n’a-t-il jamais suscité qu’une « acceptation prudente » des élites, en

particulier aristocratique alors même qu’il a « permis à la ville de retrouver sa

prospérité textile et commerçante et de faire renaître une sociabilité et un urbanisme

bourgeois dignes de ce nom »643.

Très significativement, alors que le régime a fait d’eux l’une de ses masses de

granit, la municipalité Jars ne compte que 16,66 % de propriétaires. Les nobles

d’Ancien régime ne forment plus que moins d’un cinquième du total. Parmi eux, trois

individus ont déjà fait partie de municipalités nommées par l’empereur. Hormis

l’indéboulonnable Sain-Rousset, les magistrats Rambaud et Vouty de la Tour – la

Restauration les avait écartés – ont répondu à l’appel. À ces trois barons d’Empire se

joint un quatrième, plus récent, en la personne de Passerat de la Chapelle-Catalan.

Le receveur des postes Monicault complète ce groupe.

Parmi les trente édiles, un seul est un émigré avéré. Il s’agit de Regny. Si Vouty

de la Tour a peut-être brièvement franchi la frontière après le siège et l’exécution de

son père, le jeune Nivière n’était un adolescent – il a treize ans lors de la proscription

des girondins – lorsqu’il suivit son père en Suisse.

Les royalistes disparaissent, ou presque, de la municipalité. Les anciens

combattants du siège sont moins nombreux. On a dit combien l’événement est

constitutif de l’identité politique locale et qu’à l’engagement parmi les insurgés ne

correspond pas forcément des convictions royalistes. Ainsi, il n’est pas étonnant de

compter parmi les édiles d’anciens insurgés mais ils ne sont plus qu’un peu moins

d’un sixième du total (cinq individus) et tous, à l’exception de Regny, ont déjà fait

partie de la municipalité sous le Premier Empire.

643

BOURGUINAT, Nicolas, « La ville, la haute-police et la peur…», op. cit.

247

Tableau n°30 La composition de la municipalité sous les Cent-jours644

NOM

FONCTION

ÂGE

DOMICILE

CATÉGORIE SOCIO-

PROFESSION-NELLE

JARS maire 41 Écully Propriétaire

BONTOUX adjoint 61 Quai de Retz Banquier

CHAMPANHET adjoint

GANCEL adjoint 40 (Lyon) Négociant

PASSERAT DE LA CHAPELLE-

CATALAN

adjoint 35 Rue du Pérat Propriétaire

SAIN-ROUSSET

adjoint

645

NOM

FONCTION

ÂGE

DOMICILE

CATÉGORIE SOCIO-

PROFESSION-NELLE

AYNARD conseiller

CHARRASSON conseiller

COCHARD conseiller 42 Rue de l’Archevêché

Conseiller de préfecture

ÉVESQUE conseiller 53 Place des Terreaux

Négociant

FOURNIER conseiller 46 Lyon Secrétaire général du

commissariat général de

police

FREREJEAN conseiller

GUILLON conseiller Rue Bourgchanin

Homme de loi

LEBOEUF conseiller 57 Rue du Bât d’argent

Négociant

LEROI conseiller 64 Place St Jean Libraire

LORIN conseiller 34 Rue du Plat Homme de loi

MIDEY conseiller Place de la Charité

Magistrat

644

En italique, les individus nommés par Napoléon, reconduits par le roi sous la Première Restauration.

Soulignés, les individus nommés par Napoléon, écartés par le roi et rappelés. Un astérisque pour les individus

nommés par le roi et reconduits par Napoléon. Afin de ne pas alourdir le tableau, ne sont renseignés que les

personnages nouveaux. 645

ADR, 2 M 63. Un poste d’adjoint reste vacant. On a trace du refus initial de Giraud de Saint-Try et de son

remplacement formel par Montmartin d’après un état nominatif de mai 1815. Cette modification n’a semble-t-il

jamais réellement pris effet.

248

MONICAULT conseiller 47 Rue Saint Dominique

Directeur des postes

MONTMARTIN* conseiller

MOREL-RAMBION

conseiller

MOTTET DE GERANDO*

conseiller

NIVIERE conseiller 35 Rue Royale Receveur du département

PARENT646 conseiller

RAMBAUD conseiller

REGNY PERE* conseiller

REYNE-FITTLER

conseiller 52 Rue du Bât d’argent

Négociant

SAULNIER conseiller 57 Rue du Bât d’argent

Négociant

SERIZIAT conseiller

SERVAN * conseiller

VOUTY DE LA TOUR

conseiller

Les négociants demeurent la catégorie socio-professionnelle la mieux

représentée avec la moitié des édiles. Très significativement, on note le retour au

sein du conseil municipal des hommes de loi parmi lesquels dominent toujours les

magistrats (20 %) et, tardive, l’entrée des fonctionnaires civils (13,3 %). Le régime

impérial fait donc appel aux catégories qui lui sont traditionnellement le plus liées. Il

s’agit sans doute d’un choix de la part des autorités qui veulent être certaines de

disposer de relais fidèles et loyaux voire enthousiastes en ces temps troublés. Il

s’agit probablement aussi de faire face à la désaffection des propriétaires ci-devant

et à la raréfaction des vocations. Ce parti-pris a de nombreuses limites et témoigne

de la fragilité du consensus social élaboré par l’Empire d’autant que la mobilisation

des fonctionnaires peut s’avérer tout à fait artificielle : le secrétaire du commissariat

général Fournier, nommé le 20 avril, n’assiste en réalité à aucune séance du conseil.

Clairement, Napoléon recrute parmi les hommes qui peuvent s’estimer menacés

par la Restauration. Plus du tiers des individus – onze sur trente – sont des

acquéreurs de biens nationaux, parmi lesquels Jean-Marie Parent, l’ancien maire du

Nord et adjoint de Fay de Sathonay, n’est pas des moindres.

646

Jean-Marie Parent n’appartient plus à la municipalité depuis 1810.

249

2.2.2. L’échec de la solution impériale

Le recrutement des édiles par les autorités impériales sous les Cent-jours atteste

de la fragilité de l’Empire et, in fine, de son incapacité, en situation de crise, à faire

vivre la solution qu’il a lui-même inaugurée.

Ce ne sont pas tant les équilibres sociologiques élaborés par l’Empire qui ne sont

pas efficients puisqu’on a vu que la Première Restauration les conservait largement.

C’est bien plutôt la capacité de l’Empire lui-même à s’attacher durablement les

hommes et les catégories sociales qui composent l’élite qui est en cause. Lorsque

l’Empire paraît solidement établi et que la restauration monarchique semble un

songe très lointain, les élites sont loyales, se rallient. Par contre, dès que la

monarchie se présente comme une alternative crédible à l’Empire et que celui-ci

s’identifie, même momentanément et partiellement, à la résurrection des idées et des

hommes de la Révolution, alors le pacte conclu avec les élites s’effrite. Or, par-delà

la sociologie des institutions, c’est leur comportement politique vis-à-vis des

administrés qui garantissait le fonctionnement de ce pacte local si précieux. Le déclin

de l’Empire et son rétablissement dans le contexte des Cent-jours comme l’épisode

de la Première Restauration amènent les autorités municipales à politiser leur

discours et leur action. Elles ne sont plus désormais qu’un acteur de la tourmente

loin du rôle consensuel qu’elles se donnaient jusqu’alors.

À l’image de la proclamation que rédige, sitôt après son arrivée à Lyon, Pons de

l’Hérault, devenu préfet en remplacement du comte Fourier 647 , les autorités

impériales, dans le Rhône et à Lyon, font appel à des sentiments et à des opinions

qui restaurent les clivages qui ont fait la Révolution648. En même temps on voit que

Pons tente de maintenir la possibilité d’une politique d’union, de synthèse en

préservant la possibilité des ralliements. C’est toute la difficulté de l’Empire des Cent-

jours que d’apparaître comme fidèle à ce que l’Empire a été durant dix ans tout en

647

ADR, 1 M 112, Événements politiques (an IX-1850). Nommé par décret le 17 mai, il arrive à Lyon le 6 juin et

envoie copie au gouvernement de la proclamation que nous citons ici le 12. Le ministre de la police l’en félicite

par courrier du 16 juin. 648

On voit répparaître sous la plume des différents acteurs, pami lesquels les autorités, une rhétorique que le

régime d’après Brumaire se targuait d’avoir fait disparaître. Ainsi, les événements de fructidor étaient-ils par

exemple l’occasion pour le bureau central du canton de Lyon de dénoncer la « fausse tranquillité » de la ville et

« la horde des égorgeurs » qui, en réalité, s’y formait et exerceait « sa fureur dans tous les quartiers de la

commune » : AN, F1c

III Rhône 9. Correspondance an VII.

250

prenant acte de la défection d’une partie des élites et en suscitant le soutien des

couches les plus populaires et les plus avancées :

Que veulent donc ces hommes qui, après avoir abandonné ou trahi les Bourbons, s’affichent

aujourd’hui comme les défenseurs de cette famille devenue absolument étrangère à notre

nouvelle existence sociale ?...Lyonnais, ne vous y trompez pas, ce ne sont pas les Bourbons

qu’ils regrettent ; que Napoléon leur rende les prérogatives féodales, et Napoléon sera leur

idole. Leurs plaintes ou leurs vœux ne sont pas l’effet d’un sentiment patriotique ; non, ils

n’éprouvent point ces affectations généreuses qui commandent le dévouement pour les

Princes qui se consacrent au bonheur des Peuples : l’orgueil humilié, voilà le mobile unique et

de ce qu’ils disent, et de ce qu’ils font. L’EMPEREUR crut pouvoir les attacher à la Patrie en

les comblant de bienfaits ; et cette erreur fut la première cause des maux qui ont désolé la

France.

Cependant, il faut en convenir, parmi ceux qu’on appelle les royalistes, il est une foule de

gens honnêtes qui ne sont qu’égarés : distinguons bien ceux-ci ; ne les aigrissons pas

davantage, tendons-leur une main bienveillante, et nous les ramènerons : s’ils sont bons

Lyonnais, leur retour à Napoléon sera facile. (…)

Né dans une classe laborieuse, élevé parmi les braves, mûri au milieu des hommes qui ont

contribué à la gloire de notre belle France, j’ai dû acquérir ce qu’il faut pour bien servir ma

Patrie et mon Prince649

.

Dans le même ordre d’idées, Jean-Baptiste Teste, nommé lieutenant de police

du 8e arrondissement le 4 mai 1815, fait parvenir une circulaire datée du 22 mai aux

préfets :

Mon programme est de ranimer l’esprit public dans les lieux où la malveillance le comprime,

l’entretenir où il existe, en modérer les effets là où un généreux enthousiasme pourrait

entraîner quelques dérèglements, le diriger par-dessus tout vers cet unique but, le triomphe

de l’Empereur et de la patrie (…) Quelques châteaux sont devenus le foyer de sourdes

agitations ; des prêtres, oubliant que Dieu les a institués pasteurs des peuples, les égarent et

abusent de la religion pour troubler les familles et l’état ; des gens sans aveu parcourent les

campagnes et y sèment le poison d’une funeste doctrine650

.

649

Ibid. Proclamation Pons. On dispose aux archives départementales du Rhône du brouillon de cette

proclamation ainsi que la correspondance qu’elle génère. Le soutien populaire qui se manifeste en faveur de

Napoléon sous la Première Restauration et les Cent-jours est évoqué par Louis Trénard : TRÉNARD, Louis,

Histoire sociale des idées…, op. cit., , t.2, p. 520-521. 650

Journal du département du Rhône, 23 mai 1815, p.2.

251

Si les autorités impériales dénoncent des menées royalistes qu’elles assimilent

au milieu des prêtres et des châtelains, on a pourtant trace d’actes spontanés de la

part d’individus des milieux populaires. Le 26 mars, le préfet Fourier est informé du

fait que des « particuliers » comptent arborer la cocarde blanche et prend des

mesures de police pour s’y opposer651. Ainsi, le 16 mai un simple charcutier est

arrêté et placé en détention pour « cris séditieux »652 et, cinq jours plus tard, deux

jeunes hommes sont appréhendés par la garde nationale pour avoir crié « Vive le

roi ! » près des Célestins, à 11 heures du soir653.

Dans le même temps, on note que la propagande qui, sous l’Empire est tout à

fait orchestrée par les autorités et, traditionnellement, fait de Napoléon le héros

garant de la réconciliation des Français, échappe désormais en partie au régime et

met alors spontanément en scène un Napoléon fils de la Révolution et ennemi des

rois. À l’occasion du passage de Napoléon à Lyon, on prend l’habitude, aux

Célestins, d’entonner des chansons aux titres évocateurs : « L’heureux retour » et

« La nouvelle lyonnaise ou le retour du héros par un bon Français » sont les plus

appréciées. Les paroles rédigées à la hâte sont la plupart du temps plaquées sur des

airs populaires connus. Or, ces paroles disent, tout autant que l’attachement à

Napoléon, la victoire d’un camp sur un autre :

Le printemps nous ramène

L’abeille avec les fleurs

Le lis flétrit sans peine

Devant les trois couleurs.

Bon ! Bon ! Bon ! Napoléon

Est de retour en France !

Bon ! Bon ! Bon ! Napoléon

Rentre dans sa maison !654

On peut mettre en lumière le paradoxe selon lequel alors que la Première

Restauration a été une « période relativement calme, le second règne de Napoléon

se passa en hostilités continuelles contre ses adversaires politiques et contre les

651

AML, 1225 WP 17, Faits de guerre, invasion 1814-1815. Lettre du 26 mars 1815. 652

Trace d’un royalisme populaire ? AML, 002 I 015. Lettre du préfet du Rhône au maire de Lyon, 18 mai 1815. 653

Ibid., Lettre du chef d’État major de la garde nationale au maire de Lyon, 22 mai. 654

AML, 002 I 015. Chansons au théâtre des Célestins.

252

coalisés »655. Que Napoléon soit ou non pénétré des idées de 1793, qu’il suscite plus

ou moins violemment l’excitation du sentiment populaire 656 , les Cent-jours

correspondent en effet à Lyon, comme à Marseille où est proclamé le 20 mai 1815

l’état de siège657, à un moment d’exacerbation des passions auquel les institutions

impériales, parmi lesquelles la municipalité, ont participé658.

Alors que le mois de mai 1815 est marqué par le développement du mouvement

fédératif dans la région, qui exacerbe le clivage droite-gauche659, le maire de Lyon et

quelques-uns des édiles les plus influents en prennent la tête. Les autorités de la

ville apparaissent dès lors en phase avec les campagnes environnantes dans

lesquelles l’agitation est perçue dès avant le retour de l’empereur660. Le 7 mai, le

maire Jars invite les citoyens du Rhône, de la Loire, de la Haute-Loire, du Puy-de-

Dôme, du Cantal, de l’Isère, de l’Ain et de la Haute-Saône à former une fédération

qui se structure sous sa présidence dès le 10 mai661. Parmi les autres responsables

on trouve Gancel, Vouty de la Tour au poste de vice-président et Bontoux à celui de

trésorier662.

Les quatre séances que tient le conseil municipal durant les Cent-jours illustrent

la volonté affichée de continuer à administrer la ville comme en tant de paix. Or ce

volontarisme se heurte à deux phénomènes qui ont pour effet de l’annihiler. D’abord,

la défiance de la population civile augmente dans un climat de panique ou du moins

655

GONNET, Pierre, « Les Cent-jours … », op.cit., p.57. L’auteur estime que c’est en partie sa position

géographique et son importance qui rendirent Lyon plus sensible que les autres villes à « cette agitation ». À

Marseille pourtant, les Cent-jours sont pourtant marqués par « l’agitation la plus extrême » : BONNET,

Christian, Les Bouches-du-Rhône…, op. cit., p.1033. 656

AUDIN, Tableau historique des événements qui se sont passés à Lyon depuis le retour de Bonaparte jusqu’au

rétablissement de Louis XVIII, p.35-36 657

BONNET, Christian, Les Bouches-du-Rhône…, op. cit., p.1033-1034. 658

Les couplets patriotiques qui sont chantés semble-t-il assez spontanément autour et dans les théâtres sont

copiés, imprimés et diffusés dans l’ensemble du département à l’initiative du maire Jars : AML, 1225 WP 17.

Courrier du préfet au maire en date du 13 mai 1815. 659

BEAUCOUR, Fernand, « L’esprit des fédérés de 1815, d’après un pamphlet lyonnais : un exemple de clivage

Droite-Gauche aux Cent-jours », dans Autour des mentalités politiques sous la Révolution française, 112e

Congrès national des Sociétés savantes, Lyon, 1987, T. III, Paris, C.T.H.S., p.151-164. Voir aussi : ADR, 1 M

360, Affiches politiques. 660

AN, F1c

III Rhône 9. Lettres du préfet au ministre de l’Intérieur (1814). Dans une lettre datée du 12 septembre

1814, Bondy évoque l’agitation des campagnes dans lesquelles on craint le retour de la dîme, des droits féodaux,

la restitution des biens nationaux. 661

Selon Louis Trénard, « sous la direction de Jars », cette fédération fut « une des plus florissantes de

l’Empire ». « Les fédérés lyonnais (…) songèrent une fois de plus à une dissidence régionale » : TRÉNARD,

Louis, Histoire sociale des idées…, op. cit, .t.2, p.521. 662

ADR, 1 M 360 ; GONNET, Pierre, « Les Cent-jours… », op. cit., p.115-119.

253

de désordre et de radicalisation idéologique. Ensuite, la menace de l’invasion et les

nécessités du temps de guerre distraient les autorités municipales de leurs tâches

habituelles et les accaparent au profit de missions d’ordre militaire. On peut

néanmoins considérer que l’engagement des autorités municipales lyonnaises au

sein du mouvement patriotique de résistance aux Autrichiens fait écho à la volonté

qui les caractérisa sous l’Empire d’être en adéquation avec le sentiment majoritaire

chez les administrés et, partant, respectueuses du pacte local. Il y a sans doute à

Lyon moins d’ambiguïté de la part des administrateurs locaux vis-à-vis de la volonté

des citoyens de participer à l’effort de guerre qu’il y en a ailleurs663.

663

THORAL, Marie-Cécile, « L’administration locale en temps de crise : le cas de l’Isère en 1814-1815 »,

A.H.R.F., n°339. [en ligne, URL : http://ahrf.revues.org/document2144.html]

254

Conclusion de la deuxième partie

Le 24 juin, la nouvelle de Waterloo parvenue à Lyon, Jars publie une prudente

proclamation qui évite soigneusement de désigner le régime légal préférant une

référence assez surprenante à « l’Autorité » :

De grands événements viennent de vous être annoncés (…) Ils ont frappé vos âmes

d’étonnement et de douleur ; mais le courage et l’amour de la patrie vous élèveront au-dessus

des circonstances ; la France n’est pas vaincue. Attendons avec calme le résultat de ces

grands événements et montrons-nous fidèles au devoir que nous imposent l’honneur et la

patrie. Soyez donc unis et tranquilles, que les passions se taisent, que les inquiétudes se

dissipent. L’Autorité veille sur tous et pour tous664

.

Dans l’attente de la confirmation de la chute de l’Empire, de nouvelles scènes de

violence se produisent en ville. Le 25 juin, des partisans de Napoléon font cortège et

exhibent un buste du roi de Rome665. Sur leur passage, les vivats succèdent aux

huées. Des coups sont échangés. Deux jours plus tard, un complot royaliste visant à

former une troupe qui marcherait sur Lyon est mis à jour. Dans les premiers jours de

juillet, on s’en prend aux Autrichiens. Deux officiers sont pris à partie alors que la

maison du magistrat et ancien conseiller municipal Boulard de Gatellier est

vandalisée et pillée parce qu’on aurait agité un drapeau blanc de l’une des fenêtres

donnant sur l’élégante rue du Pérat 666 . La foule se fait émeutière et il faut

l’habileté du général Bubna puis celle du préfet Chabrol mais aussi le légalisme de

Pons de l’Hérault pour permettre le retour à l’ordre en même temps que la

transmission du pouvoir au profit des autorités royalistes restaurées.

Le 13 juillet, Pons de l’Hérault rédige une proclamation très importante qui en

appelle au respect de la loi et rejette les velléités de révolte des bonapartistes667 :

Il est permis d’aimer ou de ne pas aimer telle ou telle forme de gouvernement ; mais la

désobéissance aux lois ne peut jamais être permise. Méconnaître la loi, c’est détruire le lien

664

ADR, 1 M 112, op. cit. 665

GUERRE, Campagnes de 1814 et 1815, op. cit., p.256-257. Le buste étant de cire, Jean Guerre ajoute

malicieusement : « À six heures, Napoléon II était fondu ». 666

GONNET, Pierre, « Les Cent-jours … », op.cit., p.295 667

Pierre Gonnet signale que des bandes de fédérés survivent quelques temps à la chute de Napoléon et

s’agitent : Ibid, p.121.

255

social, c’est livrer la patrie à toutes les horreurs de l’anarchie (…) ce n’est pas d’avoir déjà

obéi que vous pouvez être coupable mais vous le deviendriez en n’obéissant pas encore.

Pour prouver que vous avez toujours eu l’intention de faire le bien, continuez à bien faire :

cette arme sera la plus terrible que vous puissiez opposer à vos ennemis668

.

Le 16 juillet, Chabrol organise la rencontre au quartier général de Suchet, à

Grange-Blanche, entre Jars, Pons de l’Hérault, quelques officiers de la garde

nationale et quelques notables afin d’organiser la Restauration à Lyon669. Pons et

Jars remettent leur démission et le préfet accuse réception de leurs lettres de

démission à quatre des cinq adjoints de l’ancien maire670. Il peut alors écrire au

comte Mallet de Fargues pour lui demander de reprendre ses fonctions

conformément à ce que prévoit l’ordonnance royale du 7 juillet, de convoquer

rapidement le conseil municipal en place le 1er mars et de faire en sorte que l’hôtel

de ville arbore de la monarchie « les couleurs, les seules vraiment nationales et qui

ont fait notre gloire pendant plus de huit siècles »671.

La chute de l’Empire sanctionne l’échec du système napoléonien non pas celui

de l’organisation administrative ni de la société des notables émergente. De la même

manière, le corps édilitaire distingué à Lyon au cours de la dizaine d’années suivant

la mise en place de la mairie unique possède des caractéristiques pérennes. Les

quatre-vingt-dix personnalités du corpus et parmi elles les soixante et onze nommées

par Napoléon sont assez représentatives de ce « compromis » que l’Empire, à la

suite de la Révolution, établit durablement « sur la base de la propriété foncière et

des compétences traditionnelles »672. La part des anciens aristocrates comme celle

des individus qualifiés de propriétaires, la survivance d’une sociabilité formelle

développée sous l’Ancien régime comme celle de processus de promotion – le

cursus honorum et la distinction par le prince – traditionnels, la constance du

recrutement d’acquéreurs de biens nationaux comme de participants à l’insurrection

de 1793 nous conduisent à penser que le Premier Empire a davantage intégré et fait

668

ADR, 2 M 25, Rétablissement de l’autorité royale : démissions, reprises de fonctions (1815). 669

GUERRE, Campagnes de 1814 et 1815, op. cit., p.278-279 670

ADR, 2 M 25. Brouillon de la lettre du préfet du Rhône aux adjoints Bontoux, Champanhet, Gancel et

Passerat de la Chapelle-Catalan. Les lettres de démission de Bontoux et Passerat sont datées du 14, celle de

Champanhet du 15 et celle de Gancel du 16. 671

AML, 002 I 015. Lettre du préfet du Rhône au maire de Lyon, 16 juillet 1815. 672

CHAUSSINAND-NOGARET, Guy [dir.], Histoire des élites en France du XVIe au XX

e siècle, Paris,

Tallandier, 1991, p.287.

256

cohabiter au sein de la classe dirigeante des catégories jusque-là relativement

opposées que « consacré l’avènement d’une nouvelle classe sociale »673. En ce

sens, on peut estimer qu’à Lyon, dans le cadre du recrutement du personnel

politique municipal, le régime napoléonien est parvenu à organiser l’amorce de la

fusion des élites, condition sine qua non de leur légitimité auprès du corps social et,

partant, de la revivification du pacte local entre administrateurs et administrés.

L’évolution du régime impérial puis, surtout, les événements de l’année 1815

trahissent la fragilité des équilibres obtenus dans les années de pleine vigueur du

régime napoléonien en ce sens notamment que la place des hommes de loi, celle

des talents et, plus encore, des fonctionnaires est éminemment sensible à la

conjoncture. Malgré tout, Napoléon est parvenu à doter la ville de Lyon d’un

personnel politique adapté aux exigences et contraintes du temps. Il a su aménager

les conditions du rapprochement des catégories sociales les plus influentes et

accroître leur propre légitimité à administrer ensemble la chose publique. Bien sûr,

l’élite des notables c'est-à-dire des propriétaires fonciers – anciens nobles, bourgeois

et/ou profiteurs de la Révolution – dont est issu l’essentiel du corps édilitaire est dès

lors à même de survivre au régime dont elle s’éloigne puisqu’il n’apparaît plus

clairement comme le meilleur garant de sa prospérité. Ainsi Napoléon ne parvint pas

à s’attacher suffisamment durablement et profondément cette nouvelle élite pour

qu’elle prît fait et cause pour l’Empire et son chef dans les moments de crise. C’était

une chose que d’être placé au cœur de l’Empire, c’en était une autre que d’avoir

l’Empire au cœur. Néanmoins, malgré l’exacerbation des passions contemporaines

des événements qui ont suivi la première abdication de l’empereur, on ne trouve pas

à Lyon trace d’un rejet massif de sa personne et des institutions de la part des édiles

lyonnais. Tout au plus se détachent-elles d’un homme et d’un régime qui n’incarnent

plus l’opinion dominante faite de modérantisme et d’aspiration à l’ordre. Reste que,

durant son règne, Napoléon bénéficie en la municipalité lyonnaise et ce, aussi

longtemps qu’il dispose de la légitimité matérielle et exerce une autorité

incontestable, d’un relais efficace et loyal de sa politique. Placé aux commandes

d’institutions municipales redéfinies dans leur statut, leurs pratiques et leurs

prérogatives, le personnel politique lyonnais fut en mesure de conduire une action

673

Ibid.

257

efficace au service des administrés, de la ville et, partant, de l’Empire et du système

napoléonien.

258

TROISIÈME PARTIE :

L’AMBITION EMPÊCHÉE

259

Les revers finalement accumulés par l’Empire et qui aboutissent à son

effondrement, la période d’intense instabilité qui clôt la décennie à laquelle on

s’intéresse ne doivent pas masquer que, de septembre 1805 au printemps 1814, la

municipalité lyonnaise correspond à un cadre institutionnel et à un ensemble

d’individus dont la caractéristique principale est la stabilité. Les édiles, recrutés selon

des critères qui varient peu, exercent leurs fonctions au sein d’une organisation

administrative rationalisée, sous la surveillance d’un pouvoir politique fort et constant.

La politique municipale conduite à Lyon dans le cadre de la mairie unique jusqu’à la

première abdication de l’empereur doit donc être considérée comme un produit de la

construction napoléonienne. Elle est conçue par les différents acteurs, locaux et

nationaux, comme s’insérant dans un mouvement long, un régime et un système

durables. En connaître les modalités ainsi que les ambitions, les réalisations et les

échecs participe de l’intelligibilité et de l’évaluation de l’organisation impériale.

Au-delà des limites fixées à son action par la loi, la municipalité subit sur toute la

période une importante contrainte financière qui tient davantage à la définition de

règles budgétaires et comptables strictes qu’à la faiblesse, relative, des moyens

(section 1). Elle n’en développe pas moins une intense activité, qui surprend au

regard des bornes étroites qui l’encadrent et du contrôle tatillon auquel elle est

soumise. Conformément à la formule impériale de refondation du pacte local, la

politique municipale est d’abord affaire de sécurité, d’assistance et de subsistance,

en un mot celle d’une institution protectrice (section 2). Les édiles ont malgré tout la

réelle ambition de promouvoir la ville au sein du système napoléonien, en particulier

par le biais de projets urbanistiques et d’aménagement tout à fait importants (section

3) mais aussi au moyen d’une politique de développement des fonctions

métropolitaines de la ville et de son élévation dans l’Empire (section 4).

260

Section 1. La contrainte financière

L’action conduite par la municipalité lyonnaise sous le Premier Empire se

développe dans le cadre d’une rigoureuse délimitation de ses prérogatives

institutionnelles, produit de son positionnement au sein de l’organisation

administrative du pays. Mais elle est aussi largement subordonnée à la capacité

financière dont le régime dote la ville de Lyon. La procédure budgétaire est très

encadrée et constitue en elle-même une contrainte limitant en particulier la liberté

d’ordonnancement des dépenses. En outre, les moyens portés au crédit de la

commune au début de chaque exercice dépendent de ressources dont la diversité

aussi bien que le montant sont limités.

1. Le strict cadre juridique de la pratique budgétaire

Le régime napoléonien a le double souci de connaître et de contrôler les finances

locales qui, si elles étaient mises sous tutelle sous l’Ancien régime, n’étaient pas

toujours clairement organisées ni tout à fait transparentes. Ainsi, en ce domaine

comme dans celui de l’administration générale, le Consulat et le Premier Empire sont

un moment de rationalisation et d’harmonisation des procédures.

Le travail budgétaire des édiles s’organise, en effet, en fonction d’une procédure

extrêmement réglementée : ils ont en charge l’élaboration du budget qu’ils

soumettent à l’empereur par l’intermédiaire du préfet, la mise en œuvre du budget

rendu exécutif par décret impérial puis la vérification des comptes en fin d’exercice.

Si le maire a la haute main sur la préparation du budget, il revient à la

commission, désignée à cette fin par le conseil, de l’assister et de présenter le projet,

normalement en début de session ordinaire. Le conseil municipal s’occupe de la

rédaction du budget lors de sa session constitutionnelle qui est définitivement fixée

au 1er mai par un décret impérial du 14 février 1806. La session constitutionnelle dure

en principe quinze jours mais peut être prolongée sur décision du préfet, avec un

ordre du jour très précis (ce qui vaut également pour toutes les convocations

extraordinaires du conseil). Lors de cette session, les édiles examinent les projets,

261

article par article, mais ils s’en remettent dans presque tous les cas aux conclusions

de la commission et du maire. Le budget est réparti en plusieurs titres et chapitres.

La présentation doit en être faite en cinq parties : l’administration des hospices, les

dettes, les recettes municipales, les dépenses ordinaires et les dépenses

extraordinaires. Observons tout de suite que placer en tête des dépenses les

hospices, c’est placer en tête des obligations de la municipalité ses obligations

sociales d’assistance. C’est faire de la municipalité un organe protecteur. C’est aussi,

par le poids que représente cette partie dans l’ensemble, limiter, grever grandement

les capacités d’action des édiles.

L’arrêté du 4 thermidor an X (23 juillet 1802) prévoit que le conseil délibère sur

chacun des articles et doit indiquer les moyens d’augmenter les recettes ordinaires

puisqu’il lui est interdit de couvrir des dépenses ordinaires par des recettes

extraordinaires.

Ordinaires ou non, les dépenses sont, à compter de la circulaire du 28 août 1806,

séparées en huit chapitres :

- frais d’administration,

- police, salubrité, grande et petite voirie,

- garde nationale,

- travaux publics,

- secours publics

- instruction publique,

- cultes,

- fêtes et dépenses imprévues.

L’article 8 de l’arrêté du 4 thermidor an X (23 juillet 1802) interdit tout déficit et fait

de ce refus des excédents de dépenses la contrainte fondamentale de l’exercice

budgétaire. Il se trouve que dans son avis du 12 août 1807, le Conseil d’État rappelle

d’autres principes généraux qui, pour être subordonnés au premier, n’en sont pas

moins impératifs : la commune ne peut engager aucune dépense sans autorisation

préalable de l’administration, les fonds inscrits au budget ont une destination qui ne

peut être modifiée, la commune n’a que la disposition des fonds qui lui ont été

attribués et le budget approuvé par le pouvoir central doit être exécuté sans

modification

262

Les édiles rédigent en outre un rapport détaillé d’une vingtaine de pages qui est

annexé au budget proprement dit et qui l’éclaire, parfois en décomposant les crédits

dont le budget ne donne que l’enveloppe globale mais le plus souvent en justifiant

l’allocation de la plupart des dépenses.

Le budget, une fois voté, est destiné au préfet qui l’annote, modifie certaines

lignes tant au niveau des recettes qu’à celui des dépenses et le communique au

ministre de l’Intérieur. Le décret du 14 février 1806 impose pour les villes les plus

importantes, c'est-à-dire disposant de plus de 20 000 francs de revenus, un délai

maximum de deux mois entre la délibération et la réception à Paris. Le décret du 12

août 1806 ordonne au préfet d’envoyer le budget avant le 1er août pour que le décret

d’approbation puisse être signé avant le 31 décembre. Dans la pratique, ces délais et

ce rythme ne sont jamais tenus674.

L’exécution du budget et plus largement le maniement des finances communales

sont confiés depuis la loi du 21 frimaire an VII (11 décembre 1798) à un préposé

spécial choisi sous le Consulat et l’Empire par le conseil municipal et le préfet. Ce

préposé – le receveur675 – est assujetti à un cautionnement, chargé d’acquitter les

dépenses ordonnancées par le maire et de percevoir les recettes. Ses paiements

doivent respecter des formalités très strictes : les mandats portent les noms des

ayant-droits, la nature et le motif de la dépense, la somme, l’exercice et le chapitre

d’affectation sur le budget676. Le receveur n’a pas le droit d’acquitter une dépense

tant que le budget n’a pas été approuvé par l’empereur. Ni le maire, ni le préfet ne

peuvent hâter le mouvement. Le receveur ne peut échapper à cette rigueur

réglementaire que dans le cas de deux crédits dont l’État est destinataire, le dixième

de l’octroi pour le pain et les soupes et le vingtième des recettes pour l’entretien de la

compagnie de réserve. Compte-tenu des retards progressivement pris par la

procédure budgétaire, le décret impérial du 27 février 1811 stipule qu’en cas de non

réception du budget, les paiements seront autorisés dans la limite des sommes

versées l’année précédente. C’était déjà le cas pour les crédits des hospices payés à

la fin de chaque mois dans la limite du quinzième des sommes allouées l’année

674

Les budgets de la ville délibérés par le conseil municipal et décrétés par le chef de l’État entre 1807 et 1815

sont présentés en annexe III. 675

À compter de septembre 1807, il s’agit de Jean-Aimé-Ange Regny. Il quitte alors ses fonctions de conseiller

municipal. 676

AML, 28 WP 004-013, Bureau de comptabilité : grand livre des dépenses et recettes (par exercice annuel).

263

précédente. En outre, on a trace auparavant d’autorisations extraordinaires,

transmises au receveur, d’acquitter des dépenses précisément désignées, sous la

forme de circulaires du ministre de l’Intérieur677. Le receveur tient le registre précis

des recettes et dépenses du 1er janvier jusqu’au mois d’avril de l’année suivante :

l’année budgétaire excède de quatre mois l’année civile.

La vérification des comptes se fait en séance du conseil municipal après que le

receveur les a remis au maire qui les dépose à son tour sur le bureau de l’assemblée

avant de quitter la salle le temps de leur examen. Une commission dite de reddition

des comptes – il s’agit du compte de caisse – guide la séance par un rapport

circonstancié que les conseillers votent ensuite, généralement en complimentant le

maire pour son action et le receveur pour l’accomplissement rigoureuse de sa tâche.

Cette étape de la procédure est donc très formelle. Elle permet tout de même au

conseil de manifester plus ou moins démonstrativement son adhésion à la politique

du maire. Ainsi, en janvier 1811, les conseillers présents lors du rapport de la

commission des comptes décident-ils d’envoyer une députation au domicile de Fay

de Sathonay, rue du Plat, pour lui « exprimer toute sa satisfaction du compte qui

vient de lui être rendu et de la continuité de son zèle dans l’action qui lui est

confiée ». Ne réfrénant pas leur élan enthousiaste, s’accordant « sur la justice de

donner aux administrateurs cet unique dédommagement de leurs travaux », ils votent

à l’unanimité l’impression du compte administratif afin d’informer « les membres

nombreux d’un conseil sujet à se renouveler », et « d’édifier leurs concitoyens sur

l’emploi des deniers communaux »678. Il va sans dire que la vérification des comptes

qu’effectuent le préfet mais aussi bientôt l’administration centrale du Trésor est bien

plus redoutée. Ainsi le respect des règles de la comptabilité publique est-il très

strictement exigé du receveur de la ville qui doit présenter sa comptabilité à la fin de

chaque exercice mais aussi parfois subir le contrôle physique de sa caisse comme

c’est le cas lors de la vérification inopinée effectuée par un inspecteur de première

classe du Trésor impérial en juin 1811679.

Distincte de la reddition des comptes a lieu la présentation de la gestion

administrative à laquelle se livre le maire lui-même. Le rapport n’appelle pas

677

AML, 1402 WP 003, Budget : exécution : recettes et dépenses. Voir en particulier les courriers du préfet au

maire des 26 janvier 1807 et 28 janvier 1808 et la circulaire du ministre de l’Intérieur du 14 janvier 1807. 678

AML 1217 WP 033. Séance du 29 janvier 1811. 679

AML, 1402 WP 003. Procès-verbal du 27 juin 1811.

264

discussion et il est suivi, là encore, d’un vote unanime du conseil. Le rapport est

néanmoins l’occasion parfois pour le maire de mettre en perspective son action et de

signaler ses limites tout autant que ses réussites.

2. Les recettes et leur évolution

Il existe deux sortes de recettes inscrites au titre 3 du budget de la ville dont

l’importance est sans commune mesure. Les recettes ordinaires sont constituées

avant tout de l’octroi mais aussi du produit de diverses fermes et taxes. Elles

composent l’essentiel des moyens à partir desquels la municipalité peut envisager de

déployer son action. Les recettes extraordinaires sont surtout obtenues grâce au

solde éventuel des exercices antérieurs et s’avèrent à la fois bien plus faibles et

beaucoup plus aléatoires.

2.1. Les recettes ordinaires

Les recettes ordinaires, qu’ils s’agissent de celles votées par le conseil ou de

celles effectivement décrétées par Napoléon, suivent une évolution semblable. Elles

augmentent lors des premières années de l’Empire, sensiblement en 1809, et

diminuent ensuite malgré un léger rebond en 1815. L’activité se contracte en 1810-

1811 sous l’effet de la crise économique. Les recettes avérées ont atteint en 1815 un

niveau inférieur à ce qu’il était en 1807. On constate que l’empereur rectifie assez

peu le montant proposé par les édiles et que les ajustements auxquels il procède ne

correspondent pas à une volonté délibérée d’augmenter ou de diminuer le chiffre

avancé primitivement. Napoléon conserve l’estimation des édiles en 1807, 1808,

1809 et 1811, la diminue très faiblement en 1810 et 1812 et la majore tout aussi

faiblement en 1813. Les écarts plus prononcés que l’on trouve en 1814 et 1815 alors

que le budget est décrété par Louis XVIII s’expliquent par la volonté initiale des

édiles d’augmenter globalement le budget dans lequel ils cherchent à inclure, au

bénéfice des troubles, l’apurement des dettes accumulées au cours des exercices

précédents.

265

Au sein des recettes ordinaires, le produit de l’octroi représente

systématiquement plus de 90 % avec un maximum de 92,80 % en 1808 et un

minimum de 90, 66 % en 1811. C’est tout à fait considérable, bien supérieur à ce que

l’on trouve à Marseille (84,82 %) et à Bordeaux (79,78 %) 680 . Les variations

annuelles, somme toute modestes, disent assez fidèlement l’impact de la conjoncture

économique, le ralentissement de l’activité induisant la diminution des flux et

l’augmentation très modérée du tarif ne suffisant pas à combler la baisse du

rendement des droits.

Tableau n°31

Les recettes ordinaires et leur évolution (1807-1815)

Montant des recettes ordinaires (en

francs)

Variation par rapport à l’année précédente

(somme effective)

Voté par le conseil Décidé par l’empereur ou le

roi

1807 2 228 592 2 228 592

1808 2 284 636 2 284 636 + 2,51 %

1809 2 598 833 2 598 833 + 13,75 %

1810 2 459 225 2 458 225 - 5,81 %

1811 2 325 047,10 2 325 047,10 - 5,41 %

1812 2 265 514,10 2 261 614, 10 - 2,72 %

1813 2 238 779,10 2 242 739,10 - 0,08 %

1814 2 507 246,10 2 209 166,10 - 1,49 %

1815 2 275 818 2 216 971 + 0,35 %

Parmi les recettes de l’octroi, on peut regrouper les droits en quatre catégories

selon qu’ils touchent aux liquides, aux comestibles et essentiellement à la viande,

aux combustibles et au fourrage. Les boissons fournissent près des trois quarts de la

valeur de 1806 à 1811 mais ce chiffre est en baisse681. La nette baisse du tarif du vin

et de la bière fabriquée dans les murs sous la régie municipale se conjuguent ici

avec la baisse de la consommation liée aux difficultés économiques. Leur cherté 680

COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur…, op.cit., p.103. 681

Les Archives municipales disposent d’une série complète pour cette période avec des séquences de cinq

jours : AML, 1411 WP 048, Octroi de Lyon. Comptabilité statistique : produit des taxes.

266

dans les années 1810 et 1811 explique la baisse du rendement des droits sur les

charbons et le bois. Ce sont les hausses de tarif sur la viande de bœuf et de mouton

qui accroissent les revenus tirés des comestibles alors qu’en dépit de sa forte

progression la part représentée par les fourrages reste marginale. La mise en regard

des statistiques pour l’année 1814 confirme ces tendances.

Tableau n°32

La structure des revenus de l’octroi

Part de la valeur 1806-1811

Variation de la valeur 1806-1811

Part de la valeur 1814

Boissons 73,20 % - 29,55 % 68,57 %

Comestibles 21,43 % + 12,32 % 25,83 %

Combustibles 4,22 % - 21,77 % 4,21 %

Fourrages 1,15 % + 25.70 % 1,38 %

Les autres recettes ordinaires peuvent, pour l’essentiel, être regroupées en

quatre catégories. Par ordre d’importance, on trouve d’abord deux postes assez

équivalents formés l’un par l’ensemble des fermes du poids public, l’autre par la

ferme de maisons et usines communales (entre 2,6 et 2,8 %). Ensuite viennent les

centimes additionnels dont la part passe approximativement de 1 à 2 % du total entre

1806 et 1811. Enfin une série de droits perçus sur les documents délivrés ou les

permis accordés par l’administration municipale et les amendes complètent

l’ensemble.

Le Consulat a permis, par la loi du 29 floréal an X (19 mai 1802) en particulier, de

créer le poids public dans les communes d’importance. À Lyon, la municipalité n’a

aucune prérogative sur cette administration si ce n’est qu’elle préside à l’adjudication

des fermes dont elle tire un revenu conséquent et en progression sur la période. La

mairie profite du premier renouvellement des fermes pour en fixer le prix en fonction

des revenus établis depuis le début de l’Empire et l’année 1807 est celle d’une très

forte augmentation du prix des fermes. Par la suite, les ajustements sont modérés et,

si la ferme du poids public proprement dite et celle du mesurage des grains

267

augmentent légèrement, celles du mesurage des charbons et du pesage des foins

enregistrent une petite baisse682.

Tableau n°33

Le prix des fermes du poids public à Lyon en 1807

Prix en 1807 (en francs) Évaluation par rapport à

1806

Ferme du poids public 10 000 Id.

Ferme du mesurage des grains

12 000 + 32,81 %

Ferme du mesurage des charbons et du pesage des

foins

16 060 + 77,67 %

Ferme du curage de la ville et d’extraction des fosses

d’aisance

18 000 + 157,14 %

La ville loue un certain nombre de ses propriétés dont elle tire un revenu qui

augmente jusqu’à ce qu’il soit affecté, en 1810, par la cession non compensée de

l’ensemble des Jacobins au département sur décision du gouvernement et par le

départ de la Loterie du bâtiment de Saint Pierre (palais des arts) ce qui représente

une perte sèche supérieure à six mille francs sur un montant de près de quarante

mille francs. Ce manque à gagner n’est que partiellement compensé par la mise à

bail de la Déserte pour 2 794 francs à compter de 1811. Par ailleurs, la municipalité

loue les bâtiments dits du grand collège qui accueillent le lycée683 (dix-sept mille

francs en moyenne) mais aussi quelques maisons et quelques petites boutiques,

près de l’hôtel de ville et de l’église Saint Nizier en particulier, pour un montant global

supérieur à trois mille francs à partir de 1808.

Une part des contributions publiques alimente également les actifs de la

commune. Sous l’Empire, le système de répartition des centimes additionnels

évolue. Seuls les cinq centimes additionnels de la contribution foncière sont

conservés en l’état et assurent une rente invariable fixée à trente-sept mille cinq cent

682

La ferme du pesage des foins est séparée de celle du mesurage des charbons au 1er

janvier 1811. 683

La localisation de ces bâtiments figure en annexe VI.

268

quarante francs. La patente, elle, est réformée par la loi du 2 ventôse an XIII (21

février 1805) qui fait supporter par les communes des allégements consentis aux

contribuables – les décharges – ce qui a pour conséquence de priver totalement

Lyon de cette ressource en 1807 et 1808. Le conseil municipal n’aura de cesse de

réclamer son rétablissement 684 et obtiendra d’inscrire vingt mille francs annuels

d’actifs au titre de la patente à compter de 1809 alors même qu’il estime avoir droit

au double en fonction de la règle en vigueur du huit dixième de décime par franc. Par

un décret du 10 mars 1807, l’État est engagé à payer les arriérés dus à la ville, ce

qu’il fera partiellement au titre des recettes extraordinaires. Les centimes additionnels

de la contribution mobilière sont eux purement et simplement supprimés puisque,

sous l’Empire, la ville en acquitte directement le montant au Trésor.

La délivrance d’actes et de permis divers par l’administration municipale est une

source de revenu qui pour n’être pas négligeable demeure tout de même marginale.

Elle est augmentée, à compter de 1810, de droits perçus sur l’expédition d’actes

d’état civil alors même que la délivrance des passeports ne génère plus qu’un très

faible profit depuis que le ministère de la Police fabrique lui-même les documents

qu’il distribue aux mairies contre une contribution (soixante centimes par passeport)

et que le maire s’est refusé à augmenter la taxe afférente, déjà élevée (un franc

cinquante), qui pèse principalement sur les ouvriers et artisans.

Il faut observer enfin que la ville de Lyon ne tire aucun revenu de la tenue de

foires ou marchés à l’exception des deux cents francs par an que lui rapportent

l’allocation de places aux halles685.

684

AML, 1217 WP 031. Voeu du 27 juillet 1807. 685

On est très loin des 143 041,60 francs que rapportent en moyenne chaque année à Bordeaux l’organisation

des foires et marchés : COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur…, op. cit., p.125-127.

269

Tableau n°34

Les principales recettes ordinaires, hors octroi, de 1807 à 1811 (en francs)

1807 1808 1809 1810 1811

Centimes additionnels

37 540 37 540 63 540

72 540

72 040

Ferme de maisons et

usines communales

57 802 59 336 61 608 60 200 57 843

Ferme du poids public

56 000 58 000 62 045 61 985 60 860

Actes et permis

9 100 9 000 9 000 10 700 11 500

2.2. Les recettes extraordinaires

La première ligne des recettes extraordinaires doit être constituée des reliquats

des exercices précédents. Compte tenu du retard rapidement pris par la procédure

budgétaire, ces « boni » furent rarement ceux de l’année immédiatement

antécédente686. On trouve aussi au rang des recettes extraordinaires, les ventes de

biens fonciers effectuées par la commune mais cette entrée est irrégulière et ne

porte que sur des sommes modestes : trois mille francs en 1808 pour la vente d’un

terrain à Monchat, trois mille six cents francs en 1809… En réalité, l’essentiel des

recettes extraordinaires a consisté en le versement par l’État de sommes

correspondant au règlement d’arriérés et à la régularisation de déséquilibres dus à

des mesures exceptionnelles comme par exemple l’avance faite par la municipalité

de Lyon pour la location du palais archiépiscopal de l’an XI à 1806687. Évidemment

dépendantes de la conjoncture et du bon vouloir impérial, ces recettes sont

irrégulières et aléatoires. En outre, la détermination de ces recettes est souvent

l’enjeu de réclamations de la part de la mairie. Ainsi, désireuse de voir les

départements contribuer à hauteur de leurs engagements au remboursement des

frais engagés pour des travaux à la cathédrale Saint Jean, la municipalité inscrit-elle

686

Napoléon n’inscrit explicitement le reste de l’exercice précédent (19 827 francs) qu’à l’actif du budget 1809. 687

40 500 francs figurent à ce titre au budget de 1808.

270

au projet de budget les sommes en question (96 390 francs en 1807) afin d’amener

le gouvernement à prendre position. Le décret impérial du 18 mars 1807 se

prononce pour le remboursement par les trois départements du diocèse sur leurs

centimes additionnels.

Tableau n°35

Les recettes extraordinaires de 1807 à 1815 (en francs)

1807 400 000

1808 87 181,54

1809 271 009,90

1810 402 045,68

1811 76 697,92

1812 91 725,49

1813 118 785,63

1814 16 304,35

1815 25 922

2.3. Les régimes de l’octroi : un enjeu politique

Au vu de la répartition des recettes et de la part remarquable en leur sein des

produits de l’octroi, on comprend que son organisation ait beaucoup occupé les

édiles.

À sa mise en place, la mairie unique hérite d’un octroi confié à un régisseur

intéressé qui assume complètement la gestion et verse une part des recettes à la

commune, variable en fonction des résultats et du tarif. Le bail du régisseur-

adjudicataire se terminant au début de l’année 1807, la question se pose assez

rapidement d’organiser sa succession. Une commission s’attelle à rédiger les articles

du bail à proposer à une nouvelle adjudication et le conseiller Mayeuvre de

Champvieux les présente à ses collègues en juillet 1806. Au cours de trois séances,

les conseillers et le maire se mettent d’accord sur les conditions à exiger du prochain

régisseur. Le cahier des charges s’articule autour de quelques points

271

fondamentaux688. Le système prévu est à la fois simplifié par la mise en place d’un

tarif rationalisé et d’une caisse unique et étroitement contrôlé par la mairie. Selon

l’article premier « la perception de l’octroi municipal et de bienfaisance de la ville de

Lyon sera donnée aux enchères en régie intéressée, pour le temps déterminé de

cinq années, neuf mois et environ neuf jours qui commenceront à l’expiration du bail

courant et finiront au 31 décembre 1812 ». La somme annuellement assurée à la

commune en principal est de deux millions, montant qui « sera invariable à quelque

somme que puisse s’élever le produit éventuel de l’octroi » (article 4) alors même

que les frais de fonctionnement, traitements du personnel compris, sont estimés à

deux cent mille francs et sont laissés à la charge du régisseur. La municipalité

conserve en outre le pouvoir de destituer les employés bien qu’ils soient choisis par

le régisseur qui, en outre, n’aura d’autre caissier que le receveur de la ville dont le

maire ordonnance les dépenses, y compris la part du produit payant l’adjudicataire.

Les édiles se montrent donc soucieux de conserver les moyens du contrôle de

l’administration de l’octroi considérée comme un prolongement du pouvoir municipal.

Or, le gouvernement modifie profondément le cahier des charges en décidant

l’augmentation du niveau de soumission, la réduction de la durée du bail et en se

dotant de la faculté de résilier le contrat sans condition autre qu’un préavis de deux

mois.

En février 1807 s’ouvre la période durant laquelle les soumissions peuvent être

présentées à l’hôtel de ville. Or lorsque cette période légale se termine, le 10 mars,

aucun postulant ne s’est déclaré. Alors que le bail échoit le 21 mars, une séance du

conseil municipal se tient le 10 mars, d’abord en présence du directeur des Droits

réunis et du commissaire près l’octroi avant de se poursuivre en leur absence. Les

raisons de l’absence de soumissionnaires sont discutées et, parmi celles-ci, sont

retenues le ralentissement de la consommation et, surtout, les modifications

apportées unilatéralement par le gouvernement au cahier des charges. À cet instant

le maire aidé par la commission constituée sur le sujet prend une initiative très

importante689. Il propose aux édiles de saisir l’opportunité pour changer le mode

d’exploitation de l’octroi et opter pour la régie simple c'est-à-dire la régie municipale.

Sans omettre de rassurer les conseillers en leur rappelant que deux expériences de

688

AML, 1411 WP 018, Octroi de Lyon. Régimes de gestion. Régie intéressée. 689

La commission est composée de d’Assier de la Chassagne, Boulard de Gatellier, Champanhet, Charrasson,

Dervieux, Devillas-Boissière et Mayeuvre de Champvieux.

272

régie directe, certes temporaires, ont eu lieu avec un certain succès sous les trois

mairies690, Fay évoque la « perspective satisfaisante » qui se présente «lorsque la

paix, renouant nos relations commerciales, ramènera l’abondance au sein de cette

cité en donnant un nouvel essor à l’industrie, au commerce et aux manufactures de

ses habitants !»691. Dès lors les édiles sont convaincus du bien-fondé de la stratégie

définie par le maire et font preuve d’une réelle détermination. En effet, alors que le

ministre des Finances revient dans une décision du 3 mars sur les modifications

apportées au cahier des charges pour les annuler et que le préfet d’Herbouville

relance le processus d’adjudication, la mairie profite du départ de l’ancien régisseur

pour mettre en place la régie directe. Prévue pour être transitoire, cette expérience

va au contraire permettre au maire et aux conseillers de justifier leur choix en faveur

de la gestion municipale de l’octroi. En décembre 1807, les édiles ont reçu cinq

soumissions mais, constatant que les recettes sont supérieures en l’absence d’un

adjudicataire, ils votent, sur le rapport de Chirat, une délibération en faveur de la

régie directe.

Lorsque le 8 mars 1809, Fay présente un bilan sur la perception de l’octroi en

1807 et 1808, il peut se réjouir de ce choix qui a fait gagner à la ville, pour l’exercice

1808, plus de deux cent mille francs par rapport à l’ancienne gestion dans un

contexte – décret de Berlin et paix de Tilsitt se conjuguent –, il est vrai,

considérablement amélioré692. De fait la période de régie directe de l’octroi est une

période d’augmentation des recettes qui s’accompagne d’une action de maîtrise des

tarifs. En mai 1809, le conseil procède même à une baisse du tarif sur le vin ; en

janvier 1810, il renonce à toute augmentation693. Ce sont les difficultés économiques

et la crise de la Fabrique de l’année 1811 qui tarissent de façon considérable les

revenus de l’octroi avant que Napoléon ne décide de confier à la régie des Droits

réunis la direction de tous les octrois de l’Empire par le décret du 8 février 1812.

À Lyon, ce changement d’importance prend effet le 1er avril 1812. S’il n’en est

pas responsable, il se trouve qu’il coïncide avec un ralentissement brutal de l’activité

et donc une chute des recettes. Le maire et le conseil n’ont pas perdu toute

690

AML, 1411 WP 018. Régie directe temporaire. 691

AML, 1217 WP 030. 692

AML, 1217 WP 031. 41 665 hectolitres de vin, 1 164 hectolitres d’eau de vie, 698 bœufs, 6 365 moutons, 999

porcs, 59 154 kg de viande, 353 000 fagots…de plus qu’en 1807 sont entrés à Lyon en 1808. 693

AML, 1217 WP 032. Séances du 15 mai 1809, des 3 et 15 janvier 1810.

273

prérogative. Le maire contrôle la perception et le conseil peut délibérer sur le

règlement et le tarif, ce qu’il ne se prive pas de faire. Toujours, les édiles militent pour

une baisse des taxes à la fois pour des raisons humanitaires car elles pèsent

durement sur les plus humbles et pour des raisons économiques puisqu’elles freinent

la consommation et l’activité694. Toujours, les édiles militent pour un assouplissement

des règles qui facilitent les échanges. Ils allègent, par exemple, les procédures

déclaratives et de règlement en évitant aux déclarants de laisser leur marchandise

aux portes de la ville et de se rendre systématiquement aux bureaux, rue Sala. Les

édiles, enfin, se font soucieux des droits individuels. C'est-à-dire qu’ils sont méfiants

à l’égard d’un personnel qu’ils ne nomment plus. Ils limitent donc la possibilité pour

les employés de l’octroi de retenir ou détourner des voyageurs soupçonnés de

fraude : la décision doit désormais être motivée et collective afin de limiter le risque

de corruption et d’arbitraire695.

Toutes les occasions sont bonnes pour critiquer violemment la régie par les

Droits réunis et, implicitement, le choix du gouvernement. En novembre 1812, le

conseil municipal délibère sur les changements survenus depuis avril et dénonce un

mode de gestion qui aggrave les difficultés. Sur la période de juillet à septembre, le

déficit de recettes par rapport au même trimestre de l’année 1811 est de plus de

trente mille francs. Les édiles reprochent principalement aux Droits réunis la

suppression d’emplois d’inspecteurs et de contrôleurs, la création d’une fonction –

rémunératrice donc coûteuse – de receveur de l’octroi « dans une ville où il existe un

trésorier des deniers municipaux et un receveur principal des deniers municipaux et

un receveur principal pour les droits réunis ».

En juin 1813, en présence du maire d’Albon, le conseiller Guerre rapporte à

nouveau en des termes très durs, dénonçant la responsabilité des « abus et vices de

la nouvelle administration » dans le « dépérissement progressif du principal revenu

de la ville »696. Ne se contentant pas de contester la qualité et l’exactitude des

comptes tenus, il annonce que l’exercice 1813 «sera très médiocre » alors même

que toutes les conditions étaient réunies pour qu’il soit bon. La faute à des frais de

fonctionnement accrus, à un choix et une gestion désastreux des employés alors que

694

AML, 1217 WP 034. Séance du 19 juin 1812. Dans son intervention, Jean Guerre cite Colbert : « diminuez

les taxes et vous verrez augmenter vos revenus ». 695

Ibid. Séance du 7 juillet 1812. 696

AML, 1217 WP 036. Séance du 25 juin 1813.

274

Lyon est une « ville ouverte de toutes parts où conséquemment la perception tient

essentiellement au personnel des individus, à la connaissance que l’on peut avoir de

leurs mœurs, de leurs habitudes ». Autrement dit, une gestion bureaucratique,

lointaine, ignorante des Lyonnais a gâté une situation jusque-là favorable. La séance

se termine par le vote d’une délibération limpide :

Le Conseil, pour remplir les dispositions de l’article 14 du décret impérial du 8 février 1812,

déclare que depuis que la régie des Droits Réunis s’est chargée de la perception de l’octroi de

Lyon, le service présente des résultats moins satisfaisants, que le mode de nomination des

employés est vicieux, que les produits sont moindres et que, en définitive, la Régie municipale

était plus avantageuse.

Lorsque, dans le courant de l’été, les Droits réunis annoncent l’augmentation du

tarif, en application du décret impérial du 22 mars 1813, le conseil vote aussitôt une

délibération rappelant son opposition et d’Albon adresse au directeur des Droits

réunis un mémoire d’une vingtaine de pages qui conteste méthodiquement ses

récentes décisions697.

Les édiles lyonnais sous l’Empire ont incontestablement été déçus dans leur

aspiration à conserver la haute main sur l’administration de l’octroi. Peut-être le

rendement d’icelui a-t-il pâti davantage de la dégradation de la conjoncture que de

l’instauration de la régie des Droits réunis, mais il n’en demeure pas moins que le

dessaisissement dont a été victime la municipalité a nourri l’aigreur des édiles et la

critique vis-à-vis d’une organisation jugée exagérément centralisatrice.

3. Les dépenses

Comme les recettes, les dépenses sont distinguées selon qu’elles sont ordinaires

ou extraordinaires. Au titre des premières sont inscrites les sommes correspondant

au fonctionnement habituel et aux missions fondamentales de la municipalité. Au titre

des secondes sont inscrites les actions davantage liées à la conjoncture ou à des

projets particuliers. L’évolution générale du budget est surtout fonction des variations

697

AML, 1411 WP 018. Gestion par les droits réunis.

275

affectant les dépenses extraordinaires puisque la logique qui préside à la fixation du

montant des dépenses ordinaires est plutôt celle de la reconduction.

3.1. L’évolution globale des dépenses sous le Premier Empire

Une première lecture des sommes globales portées au passif du budget de la

ville sous le Premier Empire fait apparaître une maîtrise certaine du niveau des

dépenses. Napoléon décrète 2 363 833 francs de dépenses en 1807 et 2 340 816

francs en 1813 soit une différence d’à peine plus de un pour cent. L’ordonnance

royale du 21 décembre 1815 détermine un montant de dépense encore inférieur de

près de cent mille francs à celui de 1813. Seul écart notable, le budget de 1810

décidé par l’empereur prévoit des dépenses supérieures de plus de cinq cent mille

francs à celui de 1809, soit une progression de 22,32 % qui s’explique surtout par

l’affectation de recettes extraordinaires aux travaux publics.

Tableau n°36

Les dépenses inscrites au budget de la ville de Lyon de 1806 à 1815 (en francs)

Année Dépenses votées en

conseil municipal

Dépenses décrétées par le chef de l’État698

Différence en %

1806699 2 944 814,04 2 363 411,99 - 19,74 %

1807 3 324 983 2 363 833 - 28,90 %

1808 2 691 004 2 328 753 - 13,46 %

1809 2 919 552,89 2 848 706,09 - 2,42 %

1810 3 395 765,42 2 673 350,44 - 21,27 %

1811 2 913 690,26 2 355 520,64 - 19,15 %

1812 2 561 219,81 2 347 575,62 - 8,34 %

1813 2 824 923,27 2 340 816,31 - 17,13 %

1814 2 650 298,43 2 225 470,45 - 16,5 %

1815 4 287 396,01 2 242 061,44 - 47,70 %

698

Les dépenses des exercices 1814 et 1815 sont fixées par Louis XVIII au moyen d’ordonnances royales datées

du 16 juin 1814 et du 21 décembre 1815. 699

Nous présentons ici une valeur pour l’année 1806 que nous ne reprenons pas par la suite, la situation étant

particulière puisqu’à cheval sur l’an XIV et 1806, l’exercice budgétaire comprend 15 mois et 10 jours.

276

Les budgets proposés par le conseil municipal présentent la même

caractéristique de maintien général du niveau de dépenses quoique de manière plus

irrégulière. Les dépenses votées pour 1807, 1810 et, dans un contexte très

particulier, pour 1815 excèdent assez largement la moyenne qui est de

3 063 203,67 francs sur les neuf années considérées.

Sous l’Empire, le préfet du département rectifie systématiquement le total des

dépenses à la baisse et Napoléon accentue généralement cette correction en

diminuant encore les dépenses mais il procède à deux reprises, en 1809 et 1812, à

une réévaluation des prévisions de d’Herbouville et Bondy. Sur la période

néanmoins, la logique est celle d’une limitation des dépenses suivant le souhait du

chef de l’État. La moyenne des dépenses autorisées par Napoléon ou Louis XVIII sur

les neuf années est de 2 414 009,66 francs, soit 21,19 % de moins que celles

projetées par les édiles.

Tableau n°37

Montant global et moyenne des dépenses inscrites au budget

de la ville de Lyon de 1807 à 1815

Vote du conseil municipal Décision du chef de l’État

Montant global (en francs)

27 568 833,09 21 726 086,99

Moyenne annuelle (en francs)

3 063 203,67 2 414 009,66

Si l’on regarde de plus près la situation en distinguant dépenses ordinaires et

dépenses extraordinaires, on s’aperçoit que c’est au niveau des dernières que les

modifications et les restrictions les plus importantes sont imposées par les autorités

préfectorale et gouvernementale. En effet, le montant des dépenses ordinaires est

en réalité souvent réévalué par rapport au vote initial du conseil. C’est le cas en

1810, 1812 et 1813 sous l’Empire alors qu’en 1808 et 1809 le préfet propose des

hausses mais n’est pas suivi par l’empereur.

277

3.2. La structure des dépenses

Le budget connaît donc des dépenses ordinaires et des dépenses

extraordinaires. Il reproduit pour ces deux titres la même structure en huit chapitres.

Seul le dernier change : consacré aux « fêtes publiques et dépenses imprévues »

pour les dépenses ordinaires, il est voué au règlement de « l’arriéré » dans les

dépenses extraordinaires.

Si les valeurs varient en fonction de l’auteur de la prévision budgétaire, on se

rend compte que les décrets impériaux ne modifient pas la répartition générale des

crédits. Au sein des dépenses ordinaires, les chapitres les plus importants sont ceux

consacrés aux frais d’administration, aux secours publics et à la sécurité qui, réunis,

forment plus de 80 % de l’ensemble. S’agissant des frais d’administration, ils sont si

méticuleusement calculés que les crédits ouverts ne parviennent pas à couvrir les

traitements dus au personnel de bureau. Chaque année, le préfet finit par accorder le

supplément nécessaire au titre des dépenses imprévues700. Les dépenses afférentes

aux cultes sont tout à fait marginales et la part de celles liées à l’entretien de la garde

nationale très faible également. Notons enfin que, fort heureusement pour la ville, les

dépenses de travaux publics inscrites au budget ne correspondent en rien au

montant des travaux et aménagements qui sont réalisés sur la période,

généralement couvert par des comptes spéciaux ou des actifs extraordinaires.

Les dépenses consacrées à l’action protectrice de la municipalité (police et

secours) forment environ 40 % du total (40,58 % selon les édiles, 40,68 % selon

Napoléon), et plus des deux tiers des dépenses hors frais d’administration. On peut y

voir la confirmation du rôle social de l’institution mais aussi un indice de la faiblesse

de son influence, dans les domaines de l’aménagement et de l’instruction

notamment.

700

F 1c

III Rhône, 5. Rapport de Fay de Sathonay au ministre de l’Intérieur (1811).

278

Tableau n°38

Dépenses ordinaires et extraordinaires inscrites au budget

de la ville de Lyon de 1807 à 1815 (en francs)701

Dépenses

votées en conseil

municipal

Dépenses rectifiées par le

préfet

Dépenses décrétées par le

chef de l’État

1807 Dépenses ordinaires

1 715 673

1 618 123

1 599 973

Dépenses extraordinaires

1 609 310 1 152 419 763 860

1808 Dépenses ordinaires

1 699 375

1 704 775 1 608 420

Dépenses extraordinaires

991 629 872 319 720 333

1809 Dépenses ordinaires

1 719 270

1 763 626 1 648 423,20

Dépenses extraordinaires

1 200 282,89 959 971,40 1 200 282,89

1810 Dépenses ordinaires

1 710 225,30

1 751 325,30 1 748 576,84

Dépenses extraordinaires

1 685 540,12 985 540,12 924 773,60

1811 Dépenses ordinaires

1 815 320,73

1 771 217,33 1 772 137,93

Dépenses extraordinaires

1 098 369,53 941 609,23 583 382,71

1812 Dépenses ordinaires

1 706 552,17

1 760 628,25 1 795 050,31

Dépenses extraordinaires

854 667,64 425 414,18 552 525,31

1813 Dépenses ordinaires

1 731 565,20

1 737 358,19 1 781 613,92

Dépenses extraordinaires

1 093 358,07 647 565,40 559 202,39

1814 Dépenses ordinaires

1 731 637

2 225 164,19

Dépenses extraordinaires

918 661,43

1815 Dépenses ordinaires

1 755 950,50

1 713 358,75

Dépenses extraordinaires

2 531 445,51 528 702,69

701

Pour l’ensemble des éléments budgétaires donnés sans cette série de tableaux : AML, 1403 WP 039, Budget :

budget primitif et supplémentaire an XIV – 1820 ; AML, 1402 WP 001.1, Budget : préparation ventôse an VI –

1849. Les éléments principaux des différents budgets sont généralement repris dans les procès-verbaux des

séances du conseil municipal.

279

Tableau n°39

Dépenses ordinaires : frais d’administration (1807-1813) (en francs)

Selon le conseil municipal Selon l’empereur

Montant global 5 090 751 5 126 637,30

Moyenne annuelle 727 250,14 732 376,75

Part dans les dépenses ordinaires

42,07 % 42,88 %

Tableau n°40

Dépenses ordinaires : police, salubrité, sûreté, grande et petite voirie (1807-1813)

(en francs)

Selon le conseil municipal Selon l’empereur

Montant global 2 105 200 2 167 260

Moyenne annuelle 300 742,85 309 608,57

Part dans les dépenses ordinaires

17,40 % 18,12 %

Tableau n°41

Dépenses ordinaires : garde nationale, portiers de ville et corps de garde (1807-1813)

(en francs)

Selon le conseil municipal Selon l’empereur

Montant global 231 204,40 220 804,40

Moyenne annuelle 33 029,20 31 543,48

Part dans les dépenses ordinaires

1,91 % 1,84 %

Tableau n°42

Dépenses ordinaires : travaux publics (1807-1813) (en francs)

Selon le conseil municipal Selon l’empereur

Montant global 278 400 238 100

Moyenne annuelle 39 771,42 34 014

Part dans les dépenses ordinaires

2,30 % 1,99 %

280

Tableau n°43

Dépenses ordinaires : secours publics (1807-1813) (en francs)

Selon le conseil municipal Selon l’empereur

Montant global 2 805 100 2 697 249,66

Moyenne annuelle 400 728,57 385 321,38

Part dans les dépenses ordinaires

23,18 % 22,56 %

Tableau n°44

Dépenses ordinaires : instruction publique (1807-1813) (en francs)

Selon le conseil municipal Selon l’empereur

Montant global 900 525 823 975

Moyenne annuelle 128 646,42 117 710,71

Part dans les dépenses ordinaires

7,44 % 6,89 %

Tableau n°45

Dépenses ordinaires : culte (1807-1813) (en francs)

Selon le conseil municipal Selon l’empereur

Montant global 103 801 105 726,20

Moyenne annuelle 14 828,71 15 103,74

Part dans les dépenses ordinaires

0,85 % 0,88 %

Tableau n°46

Dépenses ordinaires : Fêtes publiques et dépenses imprévues

(1807-1813) (en francs)

Selon le conseil municipal Selon l’empereur

Montant global 583 000 509 000

Moyenne annuelle 83 285,71 72 714,28

Part dans les dépenses ordinaires

4,81 % 4,25 %

281

Une comparaison systématique des différents chapitres ouverts chaque année

au titre des dépenses extraordinaires n’aurait pas de sens tant les lignes inscrites

varient dans leur objet comme dans leur montant d’un exercice à l’autre et selon

l’auteur du budget (tableau n°38).

On l’a dit, c’est à propos des dépenses extraordinaires que Napoléon modifie le

plus le projet des édiles. Les décrets pris pour les budgets 1807 à 1813 diminuent de

37,83 % les dépenses votées par le conseil municipal ce qui est tout à fait

considérable. En 1813, la baisse est de 48,85 % et en 1807 de 52,53 % !

Tableau n°47

Montant global des dépenses extraordinaires

inscrites au budget (1807-1813) (en francs)

Par le conseil municipal Par l’empereur

8 533 159,25 5 304 359,90

En fait, les dépenses extraordinaires sont ramenées à moins d’un tiers du total du

passif de 1807-1813 (30,73 %) par Napoléon alors que les édiles les avaient fixées à

un niveau tel qu’elles en formaient 41,36 %. Dans les deux cas, la part est

considérable. Ce titre permet aux édiles comme à l’empereur de donner une réalité

budgétaire à des actions de nature exceptionnelle, notamment dans les domaines de

l’urbanisme et des secours, et de régulariser, en les incluant dans un cadre juridique

stable, des situations de déséquilibre liées en particulier à l’accumulation de dettes

ou de retards de paiement.

4. Les budgets lyonnais

Sous l’Empire, la présentation des budgets annuels se fait de plus en plus

tardivement et les opérations rectificatives se multiplient au fur et à mesure que la

clôture des exercices budgétaires est reportée jusqu’à ce que, très vite, ceux-ci se

chevauchent. L’élaboration du budget est néanmoins un exercice très codifié qui

282

permet l’étroit contrôle de la gestion des fonds publics dont dispose la municipalité.

Cela permet aussi aux édiles d’avoir plus aisément une vue d’ensemble de la

politique qu’ils conduisent et d’apporter plus d’attention à l’inscription dans le temps

de leurs choix d’investissement. Ces derniers sont malheureusement lestés par le

problème récurrent du poids de la dette.

4.1. À la recherche de l’équilibre

La présentation du budget doit se faire à l’équilibre. Cette règle est

universellement admise sous l’Empire et le maire comme les membres des

commissions du budget l’énoncent pour protester de leur orthodoxie dans chacun de

leurs rapports. Pourtant, de 1807 à 1813, seulement trois budgets sur sept sont

votés à l’équilibre (1807) ou légèrement excédentaires (1811 et 1812). Les quatre

autres prévoient un déficit qui varie d’environ cent mille francs (1813) à plus de cinq

cent mille francs (1810). Il s’agit souvent pour les édiles de mettre en valeur des

dépenses dont ils estiment que la commune les supporte indument (les frais pour le

commissariat général de police) ou des recettes dont ils réclament le recouvrement

(remboursement d’avances). Certains que le budget ne sera pas celui qu’ils auront à

appliquer, ils utilisent parfois ce moyen pour se plaindre de la contrainte financière

qui pèse sur leur action. Ils ont donc tendance à exploiter la fonction d’élaboration du

budget qui leur incombe à des fins politiques, revendicatives. Dès la séance du 1er

mai 1807, le maire annonce au conseil municipal qu’il ne peut travailler sur le projet

de budget à cause « du retard qu’a éprouvé l’approbation du précédent » mais

surtout « par le défaut actuel de la connaissance des motifs particuliers qui ont dirigé

le Gouvernement dans sa décision sur diverses dépenses qui en faisaient partie » et

qui ont été supprimées702.

Bien entendu, les budgets décrétés par Napoléon prévoient tous des exercices

excédentaires. Aucun n’est strictement à l’équilibre et les soldes positifs varient entre

quelques milliers de francs (1812) et plus de deux cent cinquante milliers (1807). Là

encore le budget est une arme politique qui dit la capacité du régime à assurer une

702

AML, 1217 WP 030. Le conseil reporte à la prochaine session extraordinaire l’examen du projet de budget

auquel est affectée une commission de six membres.

283

gestion saine des communes, qui manifeste l’autorité du gouvernement impérial sur

les finances locales.

Pour autant nous ne pouvons pas ignorer ce qu’ont de factice de tels exercices

comptables. Les budgets accordés par l’empereur parviennent de plus en plus

tardivement à la mairie qui administre la commune l’essentiel de l’année sans

connaître le montant exact des recettes sur lesquelles elle pourra in fine compter,

notamment pour financer ses dépenses extraordinaires. Les édiles se savent

surveillés et leur gestion devient pusillanime. Le maire se retrouve souvent en fin

d’exercice avec des sommes non engagées alors même que le montant lui en

apparaissait initialement trop bas703. Au début de la session normale de 1808, en

mai, toutes les dépenses de 1807 ne sont pas encore acquittées. Fay présente donc

des comptes provisoires qui laissent entre ses mains quatre cent mille francs704. Mais

le maire doit aussi faire état des comptes de l’année en cours et, là encore, il se

réserve une somme de plusieurs centaines de milliers de francs pour terminer

l’exercice. Il n’est cependant pas en mesure d’en préciser le montant qui est laissé

en blanc sur le procès-verbal de la séance du conseil.

Le retard pris par chacune des étapes d’une procédure budgétaire très codifiée,

les mesures exceptionnelles décidées par l’empereur en cours d’année et

l’incertitude quant au niveau réel des recettes obligent sans cesse le maire à rectifier

les comptes. En décembre 1809, l’état des recettes dépasse de plus de cinq cent

cinquante mille francs les prévisions. Dans le même temps, des mesures adoptées

en cours d’année par Napoléon ont déjà affecté les dépenses pour 265 460 francs

en sus des projets initiaux705. En mai 1812, le maire présente des recettes qui, pour

1811, sont inférieures de 520 516,94 francs aux prévisions et les dépenses de

191 850,20 francs. Il fait aussi état d’un crédit exceptionnel de 40 000 francs ouvert

aux hospices. Compte tenu de diverses charges à supporter encore – il s’agit

pourtant de l’exercice de 1811 – d’Albon envisage finalement, en 1813, un déficit de

199 349,96 francs. Si nous ne disposons que d’informations parcellaires sur les

703

AML 1217 WP 032. Séance du 1er

mai 1809. Fay de Sathonay évalue cette somme à 300 ou 400 000 francs

par an. Dès février 1806, il s’alarme du retard qui va affecter la procédure : AML, 1217 WP 030. 704

L’apurement n’en sera présenté qu’en décembre. 705

AML 1217 WP 032. Séance du 1er

décembre 1809.

284

budgets effectivement réalisés706 , il semble bien que la situation économique et

financière se dégrade au long de la période même si les déficits à Lyon n’atteignent

vraisemblablement pas les « proportions exorbitantes » qu’ils atteignent à Marseille

selon Christian Bonnet707. Cependant, on peut estimer qu’une certaine pénurie de

moyens est donc progressivement aggravée par les blocages liés à une gestion

éminemment centralisée et bureaucratique des finances communales.

4.2. Au-delà du budget : une politique d’investissement

Le recours si massif et si systématique aux dépenses extraordinaires traduit les

limites d’un cadre budgétaire défini avant tout pour accueillir l’expression financière

de la gestion courante et habituelle de la ville. Il traduit également l’extrême

dépendance de la municipalité vis-à-vis du bon vouloir impérial pour pouvoir

développer ses projets, chacun d’eux risquant annuellement de s’interrompre faute

des crédits indispensables, eux aussi extraordinaires. C’est la conscience de cette

limite fondamentale au développement d’une action municipale ambitieuse qui

conduit le maire Fay de Sathonay à imaginer inscrire la procédure budgétaire

annuelle légale dans une perspective pluri-annuelle qui concilierait la logique

d’investissement à long terme et le double impératif budgétaire d’équilibre du solde

et de maîtrise des dépenses.

Dès son entrée en fonction, Fay de Sathonay affirme sa volonté d’initier un

mouvement de développement et d’embellissement de la ville qui se prolongerait sur

plusieurs années. Un peu plus tard, en juillet 1806, lorsque le conseiller Mayeuvre de

Champvieux expose devant ses collègues sur la question de l’octroi et milite pour le

rétablissement des centimes de la contribution mobilière, il évoque un devoir de

« prévoyance » et annexe à la délibération du conseil un « état approximatif des

dépenses de la ville de Lyon pendant les années 1808 et 1809 »708. Énumération

d’opérations d’apurement de dettes et de projets urbanistiques, ce document révèle

le haut degré de familiarité des édiles avec les questions de prospective économique

706

En l’absence d’un état des comptes effectivement réalisés aux Archives municipales de Lyon et aux Archives

départementales du Rhône (série O), il faudrait recourir aux documents conservés par les Archives nationales

(F6 II Rhône 13-31) mais ils sont inaccessibles, depuis juillet 2003, en raison d’une pollution à l’amiante (site de

Fontainebleau). 707

BONNET, Christian, Les Bouches-du-Rhône sous le consulat et l’Empire, op. cit., p.469. 708

AML, 1217 WP 030. Séance du 11 juillet 1806.

285

en même temps que leur souci d’une gestion rigoureuse des finances publiques.

Dans ce contexte, il est probable que les conseillers municipaux ne furent pas outre

mesure surpris d’entendre leur maire solliciter d’eux, en mai 1808, une délibération

en vue d’obtenir du gouvernement le droit de concevoir un budget pluri-annuel.

Prenant comme exemple l’aménagement des bâtiments de Saint Pierre, il regrette le

manque de plan d’ensemble auquel le rythme annuel, la parcimonie ainsi que

l’aléatoire des allocations extraordinaires contraignent les administrateurs709.

Si à l’instant où il propose cette délibération au conseil, Fay semble confiant en

l’approbation de Napoléon, il évoque un an plus tard le « silence » dans lequel le

gouvernement l’a tenu à ce sujet. Volontariste, le maire de Lyon préfère penser que

« pour obtenir son approbation ce système n’a besoin que d’être développé par une

application positive » et propose conséquemment un budget de sept ans. Le principe

retenu est simple. Fay de Sathonay suggère de raisonner sur les recettes globales

attendues de 1810 à 1816 et d’en prévoir l’affectation au sein d’un plan septennal

d’aménagement. Y renoncer reviendrait à « se condamner à une inaction totale » ou

à « ne faire que des choses indignes de la majesté de la Ville et des sentiments qui

nous animent »710. Le budget porte, en dehors des dépenses habituelles, sur une

somme de 6 536 000 francs à affecter aux dépenses extraordinaires de 1810 à 1816,

correspondant à trente-quatre articles au total711. Tous les chantiers que la ville a

finalement mis en œuvre sous l’Empire y figurent, plus quelques autres demeurés à

l’état de projet.

Rappelons qu’au moment où Fay de Sathonay prend cette initiative, la ville

exploite l’octroi en régie directe et s’est en quelque sorte rendue maîtresse de

l’essentiel de ses ressources. On est donc enclin à voir dans cette conjonction

d’événements les indices d’une ambition cohérente visant à conquérir au profit de

Lyon une plus grande capacité d’action, visant à obtenir la capacité d’une politique

municipale. Pas davantage qu’à la délibération du 3 mai 1808 il n’est finalement fait

réponse à cette sollicitation. On peut sans doute y voir un indice de la méfiance de la

709

« Chaque année vous présentez un budget particulier et isolé. Obligés de moduler votre dépense sur votre

recette, les fixations partielles que vous proposez se ressentent de l’état de contrainte où la situation financière de

chaque année, prise séparément, vous retient, et encore, par le même motif, votre travail, soumis à l’autorité

supérieure, éprouve-t-il toujours des réductions et des suppressions » : AML, 1217 WP 031. Séance du 3 mai

1808. 710

AML, 1217 WP 032. Séance du 1er mai 1809. 711

Ibid. Le maire obtient à l’unanimité d’annexer à son compte administratif le « Tableau sommaire des recettes

et dépenses de la Ville de Lyon de 1810 à 1816 ».

286

part du gouvernement central et de l’empereur envers cette réelle, quoique mesurée,

tentative d’émancipation.

4.3. La question de la dette

Dès la mise en place de la mairie unique la question de la dette municipale

s’impose aux édiles comme prioritaire. Les premières évaluations, sommaires,

portent sur un total de sommes dues proche de six cent mille francs. L’accumulation

de déficits enregistrés depuis la fin de l’Ancien régime est à l’origine d’une situation

que la nouvelle administration ne peut accepter sauf à démentir sa profession de foi

orthodoxe en matière de gestion des finances publiques. Le maire et les conseillers

impliqués dans les questions financières se montrent soucieux à la fois de garantir la

crédibilité de la municipalité vis-à-vis de ses partenaires qui sont majoritairement des

entrepreneurs locaux, de soutenir, par l’injection de liquidités, l’activité économique

de la ville et de ne pas pousser à la ruine les plus fragiles de ces créanciers712.

C’est le 16 mars 1807 que le conseiller Boulard de Gatellier présente un tableau

général de la dette de la ville. Il fait apparaître un montant total dû de 524 481,46

francs au 1er janvier 1807 dont plus de 340 000 francs pour l’an XIII. Lorsque les

conseillers débattent des origines de la dette, ils s’accordent pour dénoncer les

circonstances récentes et exceptionnelles qui l’ont fait plus que doubler. Or, sont

principalement évoqués le coût de la visite du couple impérial et celui de la création

d’une compagnie départementale de réserve713 ainsi que le non remboursement par

les départements des frais acquittés pour la rénovation de la cathédrale et de

l’archevêché714. Autrement dit, la mairie fait reposer sur des décisions impériales

l’essentiel de la responsabilité de la dette contractée en l’an XIII. En conséquence,

les édiles sollicitent l’aide du préfet et du gouvernement pour, d’une part, recevoir

l’autorisation de régler un certain nombre de factures en suspens et, d’autre part,

bénéficier de financements exceptionnels. Il est attendu de l’État qu’il acquitte les

frais induits par la réception du couple impérial et qu’il intervienne auprès des

712

AML, 1217 WP 030. Séance du 16 mars 1807. 713

Décret impérial du 24 floréal an XIII (14 mai 1805). 714

AML, 1217 WP 030. Séance du 2 mai1807.

287

départements du diocèse – Ain, Loire et Rhône – pour qu’ils financent les travaux

effectués à la cathédrale et au palais archiépiscopal.

Tableau n°48

La dette municipale au 1er janvier 1807715

Année Sommes restant dues en fin d’exercice (en

francs)

1788 8 400

1790 9 261,75

1792 188.34

1793 16 874,72

An II 1 506,79

An III 15 914,70

An IV 107 791,85

An V 12 107,62

An VI 10 920,12

An VIII 230,78

An XII 125

An XIII 341 159,79

TOTAL 524 481,46

Or l’État reste très prudent. Certes, il pourvoie à certains financements lié à la

visite de 1805, reconnaît la légitimité de la créance municipale sur les départements

et tente d’en hâter le règlement. Malgré un plan adopté dès 1806, prévoyant le

remboursement de la dette de l’an XIII au rythme de trois dixièmes en 1806, quatre

dixièmes en 1807 et trois dixièmes en 1808, la dette de la ville est tout de même

encore de 334 831 francs cette année-là716. Pour le reste, le gouvernement demande

à ce qu’on prenne le temps de vérifier la réalité des sommes dues et, de manière

systématique, l’empereur refuse à la municipalité la possibilité d’emprunter auprès de

la caisse d’amortissement comme il refuse que figure au budget une somme affectée

715

Ibid. Séance du 16 mars 1807. 716

AML, 1403 WP 039. 1808. Le plan de remboursement est expliqué le 4 juillet 1806, en séance du conseil :

AML, 1217 WP 030.

288

spécifiquement au règlement de la dette. Le maire persiste pourtant à faire figurer

une telle ligne de dépense de 1807 à 1811 alors que la mairie s’attache à éteindre

progressivement la dette dans le cadre de ses moyens. Passée cette date, la dette

municipale n’est plus portée au passif du budget. Fixée par décret impérial en date

du 19 mars 1808 à 189 706,67 francs, la dette antérieure à l’an XIII est alors

entièrement liquidée717.

717

Selon un échéancier présenté en séance du conseil : AML, 1217 WP 031. Séance du 14 septembre 1808.

289

Section 2. L’action d’une municipalité protectrice

Sur la période étudiée, dans un contexte général de croissance, de fortes

tensions s’exercent sur le marché de l’emploi où, régulièrement, la main d’œuvre

manque même si, parfois, de brusques ralentissements de l’activité provoquent de

brutales poussées de chômage. Quoi qu’il en soit, la production repart sous le

Consulat, profitant du retour des chefs d’atelier et des ouvriers qui avaient fui la ville

du fait des bouleversements politiques et de la baisse d’activité 718 . Inférieure à

90 000 habitants à la fin de la Révolution, la population lyonnaise franchit le seuil des

100 000 habitants au début de l’Empire et approche 120 000 habitants en 1815719.

L’afflux massif de migrants économiques contribue au dynamisme de la ville mais

accroît simultanément la nécessité pour les édiles de prendre en compte les besoins

vitaux d’une population sans cesse plus nombreuse.

1. Assurer les subsistances

Sous le Consulat, les autorités municipales comme le gouvernement attachent un

grand prix aux questions des subsistances qu’ils lient systématiquement à celles de

l’ordre public720. Les rapports émanant tant de la préfecture que de la municipalité

soulignent la fragilité de la situation à Lyon où, bien qu’il existe peu d’entraves à la

circulation et au commerce des denrées, en particulier des grains, le marché reste

particulièrement exposé à la qualité des récoltes. L’approvisionnement en bois et en

charbon est également une préoccupation constante des institutions locales.

Assurer les subsistances est donc un souci permanent des édiles régulièrement

aiguillonnés en ce sens par le préfet lui-même. Au début de l’Empire, tous les

rapports indiquent que les denrées sont abondantes et que, l’approvisionnement de

la ville ne rencontrant pas de difficulté, leur prix est modéré721. On sait que Lyon

dépend principalement, pour son approvisionnement en céréales, des exploitations

718

AML, 784 WP 0002. 5, Chambre de commerce. Lettre du 26 brumaire an XII (18 novembre 1803) au préfet. 719

CAYEZ, Pierre, « La prospérité lyonnaise », dans PELLETIER, André, ROSSIAUD, Jacques, BAYARD,

Françoise, CAYEZ, Pierre, Histoire de Lyon, des origines à nos jours, op. cit., p.675. 720

Dans son rapport d’activité correspondant au quatrième trimestre 1811, Bondy relève à propos de la police

générale « quelques inquiétudes nées de l’augmentation considérable dans le prix du pain et de la rareté des

grains » : AN, F1c

III Rhône 5. 721

Voir notamment la séance du conseil municipal du 1er

mai 1807 : AML, 1217 WP 030.

290

de Saône-et-Loire et du midi. La ville attache donc un grand prix au principe de libre

circulation des denrées et à la régularité des communications, par voie d’eau

principalement. D’une manière générale, le rôle de surveillance de ce commerce

sensible et en particulier du niveau des prix est dévolu dans l’enceinte de la ville aux

commissaires de police depuis les ordonnances de police des 8 prairial an XII (28

mai 1804) et 22 frimaire an XIII (13 décembre 1804).

Après les années relativement prospères du début de l’Empire, où l’on ne connaît

pas de crise importante en matière d’approvisionnement, la situation se dégrade et

les prix augmentent. Présentant le projet de budget pour l’année 1811, Fay de

Sathonay souligne « la cherté excessive de certaines denrées de consommation » et

s’inquiète de « l’accroissement dans lequel se maintiennent tous autres objets de

première nécessité, tels que vêtements, chaussures, chauffage etc… »722.

Lorsque la faiblesse des récoltes, leur piètre qualité ou une brusque hausse de la

consommation viennent à provoquer des tensions sur les prix, la municipalité, aidée

du préfet, intervient vigoureusement. Elle dispose pour cela notamment d’entrepôts

qu’elle prend soin de garnir préventivement723. Ce sont ainsi plusieurs milliers de

sacs de farine qui sont déposés dans les magasins du quartier de Serin ou dans les

greniers de la Charité 724 . Les stocks de farine correspondent principalement au

cautionnement que les boulangers sont tenus de déposer en application de l’arrêté

des consuls du 19 vendémiaire an X (11 octobre 1801) et de l’ordonnance de police

du 8 prairial an XII (28 mai 1804). À partir de 1806, c’est le deuxième étage du

magasin de l’hospice de la Charité qui est destiné à recevoir les douze sacs de farine

« de première qualité » (soit 132 kg) apportés par chaque boulanger lyonnais.

Jusqu’en 1809, le maire est contraint de rappeler les artisans à leurs obligations, tous

les cautionnements n’étant pas complets 725 . Dans tous les cas, ce sont les

commissaires de police qui vérifient l’effectivité des dépôts.

Le dispositif ainsi conçu est en mesure de mettre la ville à l’abri de la disette et,

éventuellement, de permettre aux autorités d’agir sur les prix en fournissant le

marché en cas d’inflation. Fay de Sathonay fait dresser un état général des farines le

20 janvier 1810 d’où il ressort que Lyon compte deux cent quarante-trois boulangers

722

AML, 1217 WP 033. Séance du 29 décembre 1810. 723

AML, 985 WP 073, Dépôts des farines. 724

AML, 686 WP 016. Arrêtés des 22 et 23 avril 1812 en particulier. 725

AML, 784 WP 030, Subsistances. Magasins municipaux. Instruction du 31 octobre 1809.

291

dont les dépôts forment une réserve de deux mille cent six sacs, soit deux mille sept

cent soixante-dix-neuf quintaux métriques726. L’hiver 1810 s’avérant particulièrement

rigoureux, le maire, qui échange plusieurs courriers confidentiels sur le sujet avec le

préfet, fait vérifier la situation de l’ensemble des approvisionnements en farine par les

commissaires de police qui se rendent dans chacune des boulangeries727 et arrivent

à la conclusion que les boulangers de la ville de Lyon disposent en

approvisionnements (cautionnement compris) pour deux cent quatre-vingt-seize jours

de consommation habituelle. L’hiver se passe finalement sans que l’on ait besoin de

mobiliser les ressources conservées à la Charité mais ce n’est pas toujours le cas728.

Ainsi, en juillet 1812, alors que la cherté des grains et des farines a des

conséquences désastreuses pour la population de la ville déjà éprouvée par des

difficultés économiques, la municipalité autorise les boulangers à utiliser leur

cautionnement en farines entreposé au magasin général, à charge pour eux de le

rétablir dans la première quinzaine d’octobre et de verser d’ici-là une caution en

numéraire de six cents francs (qui sert des intérêts) au mont de piété. Le préfet

Bondy a déjà lui aussi agi fermement en faisant acheminer environ quarante mille

quintaux de farines et de blés729 au printemps et permit à la ville d’éviter une situation

de disette ce qui lui vaut de recevoir les remerciements du conseil municipal

représenté par une députation de sept de ses membres730. Il apparaît que le rôle du

préfet est tout à fait majeur en l’occurrence. Le maire, « ayant manifesté l’opinion que

le gouvernement seul pouvait faire cesser le pénible état où se trouvait la ville

relativement à ses approvisionnements et à l’excessif enchérissement des

grains »731, s’en est largement remis à lui.

Cette expérience amène la municipalité à multiplier les mesures règlementant de

plus en plus strictement le commerce des grains et des farines, la vente et le prix du

pain dans le souci toujours affiché d’en garantir « l’abondance et le prix modéré »

mais aussi la qualité732. Le maire et le conseil municipal prennent position en faveur

726

Ibid. 727

Il y a en désormais 244. 728

Les années 1810-1812 sont particulièrement difficiles du point de vue des subsistances dans la région. Une

étude concernant le département voisin de l’Isère : LÉON, Pierre, « La crise des subsistances de 1810-1812 dans

le département de l’Isère », dans A.H.R.F., 1952, n°24, p.289-310. 729

Les boulangers accèdent à cette farine pour 38 francs le quintal alors qu’ils la payaient 41 auparavant. 730

AML, 1217 WP 035. Séance du 2 décembre 1812. Les membres de la députation sont d’Assier de la

Chassagne, Bodin, Desprez, Grailhe de Montaima, Guerre, Ruolz et Vouty de la Tour. 731

AN, F1c

III Rhône 5. Rapport du préfet du Rhône au ministre de l’Intérieur (12 novembre 1812). 732

Voir notamment les arrêtés de police du 28 mai, des 14 et 21 août 1813 : AML, 686 WP 018.

292

d’une réforme de la boulangerie lyonnaise passant notamment par la diminution du

nombre des artisans, la supervision de leurs achats et l’augmentation de leur

cautionnement en farines. Puisqu’en juillet 1813 les boulangers ont eu la faculté

d’utiliser partie de leur cautionnement pour faire face à l’inflation des prix du grain,

une ordonnance de police du 28 septembre exige le rétablissement des

cautionnements. Le maire et le préfet tiennent là le moyen idoine pour réduire le

nombre des boulangers : le volume des cautionnements augmente ainsi que le

volume des stocks dans chaque boulangerie733. Ceux des artisans qui ne pourront

fournir cet effort seront dans l’obligation de céder leur fond participant ainsi à un

vaste mouvement de concentration horizontale au sein de ce secteur sensible.

Finalement, l’empereur décide selon ces principes de réorganiser le corps des

boulangers à Lyon et d’y associer étroitement l’exécutif municipal. Le décret du 6

novembre 1813 prévoit en effet que, chaque année, vingt-quatre boulangers réunis

autour du maire et choisis par lui désigneront un syndic et quatre adjoints. Le 6

décembre, une ordonnance de police désigne les vingt-quatre et lance le processus.

On l’a dit, l’approvisionnement de la population en charbon est l’autre priorité des

autorités municipale et préfectorale. Or, de la même manière que pour les grains et

farines, des situations de pénurie et, partant, de cherté ont affecté Lyon. Un mémoire

remis par d’Albon au préfet Bondy en novembre 1813 nous apprend qu’au cours de

l’hiver 1810, particulièrement froid, « la houille manqua à Lyon », de telle manière

que les habitants manifestent leur humeur :

Le peuple en demandait à ses magistrats en menaçant de brûler les portes de l’Hôtel de ville

pour se chauffer et préparer ses aliments. Il fallut donc au même instant et livrer les

approvisionnements des hôpitaux à la consommation publique et forcer de moyens pour

accélérer et multiplier les arrivages par terre en attendant que le cours de la navigation fut

rétabli734

.

De l’ensemble de ces événements le maire de Lyon tire régulièrement argument

pour accroître l’encadrement de ces commerces sensibles quitte à provoquer les

récriminations des marchands qui approvisionnent la ville. L’intervention des

733

AML, 784 WP 030. Selon l’importance du fond, les boulangers sont divisés en trois classes et versent de 12 à

40 sacs de cautionnement. 734

Ibid. Mémoire du 17 novembre 1813. Le charbon arrive principalement de Rive-de-Gier par le Rhône.

293

autorités municipales ne se dément en tous cas jamais, ce qui atteste à la fois de

leur engagement mais aussi des limites de leur efficacité d’autant que la conjoncture

ne leur laisse guère de répit car, après les aléas climatiques, surviennent les troubles

politiques et la guerre : l’un des derniers rapports qu’entend le conseil municipal des

Cent-jours est rendu le 6 juillet 1815 par la commission créée le 30 juin pour étudier

la question de l’approvisionnement de la ville en grains et farines735.

La manière dont la population marque son humeur en 1810 devant la pénurie de

charbon en exigeant l’intervention de la municipalité et la façon dont les édiles

interviennent en donnant satisfaction à cette revendication malgré l’opposition des

marchands qui, d’ailleurs, se plaignent à leur tour auprès du préfet de la Loire, illustre

la réalité de ce pacte local dissout dans les dernières années de l’Ancien régime – on

se souvient du conflit de la Fabrique de 1786 ou des émeutes des octrois de 1789 –

et renoué par le régime napoléonien.

La population de la ville a bien saisi quel rôle à la fois protecteur et d’arbitrage

prétendait jouer l’administration municipale. En témoigne le texte d’une pétition

adressée par trente cinq riverains des rues Nayret et Masson pour solliciter la

construction d’une pompe ou d’une fontaine dans leurs deux rues :

Personne n’ignore dans cette grande cité que vous ne voulez être heureux que du bonheur en

général de tous vos administrés. C’est dans cette persuasion que les malheureux habitants des

rûes nayret et Masson, presque tous courbés sous le poids de l’infortune et dont, jusqu’à présent

on a dédaigné les justes reclamations de secours publics accordés aux quartiers opulents,

viennent, avec confiance, vous suplier de jetter les yeux sur le tableau effrayant des maux qui les

accablent et les menacent plus aujourd’hui que jamais, la soif et l’incendie, (auquel dernier fléau,

le cas arrivant, on ne pourrait remédier, ces deux rues étant sans eaux) ; S’il est une chose

cependant que l’histoire nous apprenne avec certitude, c’est que dans tous les lieux et dans tous

les tems, les hommes pétris du même limon sont à peu près les mêmes ; que les professions

seules, font leurs vertus ou leurs vices exaltés ou contenus plus ou moins par les circonstances,

leurs fortunes (…) La justice doit être égale pour tous. Les habitants des dites rues nayret et

Masson attendent donc de votre justice et de votre sollicitude paternelle, Monsieur le Maire, que

vous ordonniez de suite, s’il est possible, la construction d’une pompe, ou fontaine, dans chacune

de ces deux rûes. L’exécution de ces deux constructions n’est ni difficile ni bien dispendieuse, la

source des eaux se trouvant dans la rue Masson, et Monsieur du Tilleul offrant de laisser passer

les conduits jusqu’à la rûe nayret, dans son terrain et sous les escaliers de son jardin. Le

735

AML, 1217 WP 038.

294

nettoyement de ces deux rûes, ainsi que la réparation de leurs pavés et ceux de la montée des

carmélites sont encore deux objets que les soussignés recommandent a la justice et a la

sollicitude de Monsieur le Maire de Lyon736

.

2. L’assistance

Lors de ses premières observations sur le budget lyonnais, en l’an IX, le préfet

Verninac exige que les dépenses d’assistance soient clairement « privilégiées »737.

Les hospices et les bureaux de bienfaisance ont pour objet d’organiser l’assistance à

la population et, sans être en aucune manière subordonnés à la municipalité, ils

dépendent effectivement en grande partie de son financement et lui sont

institutionnellement liées.

Sous l’Empire, il semble communément admis que la gestion des hospices est du

ressort de leur conseil général sous le contrôle du préfet et que la municipalité n’a

pas de droit d’ingérence dans les affaires d’une institution dont elle se borne à

garantir partie du financement. Alors même que l’État exige de la ville la coûteuse

acquisition des bâtiments de l’Antiquaille 738 destinés à accueillir « un dépôt de

mendicité, une maison de travail, un hospice pour les aliénés, les incurables et les

vénériens » de l’ensemble du département739 et que les édiles renâclent à supporter

toute la charge d’un établissement qui n’est pas municipal, d’autant que « que le

décret impérial qui fut rendu à ce sujet n’a point été sollicité, dans le temps, par

l’autorité municipale et qu’elle n’a même pas été appelée à émettre un vœu », il

serait vain de chercher trace dans les délibérations du conseil général des hospices

ou dans celles du conseil municipal de la moindre remise en cause de l’obligation qui

lie la ville à l’égard de ses hôpitaux.

736

AML, 329 WP 1, Alimentation en eau de la ville. Pétition du 22 juillet 1807. L’orthographe est conservée. 737

AN, F 1c

III Rhône 5. Discours du préfet au conseil municipal (11 frimaire an IX – 2 décembre 1800). 738

AML, 744 WP 143, Hospices civils de Lyon. Antiquaille. Vente de Bicêtre. Placée dans l’obligation

d’acquérir les bâtiments de l’Antiquaille en l’an XIII, la municipalité a bénéficié de la cession par l’État de

l’ensemble de Bicêtre, dit la Quarantaine, à charge pour elle de le vendre pour se procurer des fonds. La valeur

de la Quarantaine se révèle inférieure à celle de l’Antiquaille d’où il résulte un coût pour la ville d’environ

cinquante mille francs. 739

Décret impérial du 25 germinal an XIII (15 avril 1805).

295

L’examen du compte moral des hospices établi en 1809740, portant surtout sur la

période an X – 1806 (présentation des comptes) mais considérant les années

advenues depuis, montre que les hospices s’administrent en toute indépendance de

la mairie. Presqu’aucune référence n’est faite à la mairie, pourtant devenue unique

entre-temps et ayant acquis l’Antiquaille depuis, alors même que de nombreux édiles

figurent au conseil d’administration. Est ainsi accréditée l’idée qu’il n’y a pas de

relations conflictuelles entre les deux institutions qui ont un fonctionnement assez

distinct ; les hospices sont soucieux de leur indépendance vis-à-vis de la mairie et de

leur relation directe avec le préfet, la mairie ne cherche pas à intervenir. La

municipalité finance comme elle le doit et accorde des secours quand il le faut, à

hauteur de ses moyens. Habituellement de trois cent cinquante mille francs, les

crédits ordinaires portés au budget sont diminués à trois cent mille francs en 1810 ce

qui conduit les hospices à demander un secours exceptionnel qui leur est finalement

accordé sous la forme des avances « qui se trouvent être nécessaires pour prévenir

toute interruption dans le service »741. En décembre 1812, trois cent soixante mille

francs sont votés au budget en faveur des hospices au titre des dépenses ordinaires

et soixante-dix mille à celui des dépenses extraordinaires. Il est en sus accordé vingt-

cinq mille francs au profit de l’Antiquaille742.

La municipalité a donc servi loyalement et efficacement la politique d’assistance

conduite par les hospices sous la houlette du gouvernement. L’appartenance de

nombreux des personnages du corpus aux instances délibératives et exécutives de

chacune de ces deux institutions a sans doute grandement participé à leur bonne

intelligence.

Un bureau général de bienfaisance fonctionne sous l’Empire pour Lyon et La

Guillotière. Il s’organise autour d’un conseil d’administration et de six comités

auxiliaires exerçant sur six arrondissements correspondant grossièrement aux

justices de paix. Le conseil d’administration a statutairement pour président le préfet

et pour vice-président le maire de la ville. Renouvelable par cinquième tous les ans, il

est en outre composé de quatre administrateurs des hospices, de deux

740

AML, 746 WP 084, Hospices civils de Lyon. Comptabilité. 741

AML, 1217 WP 032. Séance du 11 janvier 1810. 742

AML, 1217 WP 035. Séances des 28 et 29 décembre 1812.

296

administrateurs de l’Antiquaille et de douze membres issus des six comités 743 .

Chaque comité est composé de douze citoyens nommés par le ministre de

l’Intérieur744 dont un ou deux sont des officiers de santé. Des « dames » peuvent être

adjointes à chaque comité. Chaque comité reçoit et vérifie les déclarations

d’indigence et effectue la répartition des secours décidée par le conseil

d’administration745. Le bureau général de bienfaisance dispose d’une caisse établie à

la Charité mais tout à fait distincte de celle de l’hospice. Les fonds proviennent

principalement du décime par franc perçu sur les billets de spectacle, des dons et

legs (le tableau des bienfaiteurs est publié tous les trois mois dans les paroisses de

la ville) et des secours inscrits au budget de la commune. La mairie n’intervient donc

que par le biais du financement dans une institution au moyen de laquelle le régime

impérial entend contrôler l’exercice de l’assistance, en particulier lorsqu’elle envisage

l’asile des personnes aidées. Un avis du conseil d’État dans sa séance du 3 nivôse

an XIV (24 décembre 1805) amène Napoléon à demander aux communes de ne plus

tolérer les institutions de bienfaisance administrées par des « sociétés libres » dès

lors qu’elles hébergent la population à laquelle elles destinent un secours. Dans un

courrier du 13 septembre 1806, Fay de Sathonay informe le préfet qu’aucune

pratique de la sorte n’existe à Lyon et que les secours sont apportés à domicile

même si « les sociétés consacrées à porter du soulagement aux infortunés sont

heureusement très multipliées dans cette ville dont la population ouvrière est souvent

exposée à la misère »746.

Les bureaux de bienfaisance dépendent de crédits annuels (soixante mille francs)

attribués par la mairie mais leurs demandes de fonds supplémentaires restent

souvent lettre morte : la seule aide extraordinaire consentie par la mairie sous

l’Empire l’a été en mai 1811 à l’occasion des mesures liées à la célébration de la

naissance du roi de Rome747. Les bureaux de bienfaisance doivent donc surtout aux

allocations exceptionnelles décidées par le préfet ou par l’empereur de pouvoir faire

face aux grandes crises. C’est particulièrement net lors des années 1811-1812

durant lesquelles Napoléon crédite leurs comptes d’au moins quatre cent mille

743

Le conseil d’administration nomme en son sein un secrétaire et une commission exécutive de cinq membres. 744

Sur présentation d’une liste de deux noms par place vacante par le comité. 745

Les comités se réunissent au domicile des membres ou, parfois, dans le local du juge de paix. Le conseil

d’administration s’assemble à l’hospice de la Charité au rythme prévu de deux réunions mensuelles. 746

AML, 744 WP 074.11, Établissements de bienfaisance. 747

AML, 1894 WP 002, Bureau de bienfaisance. Registre des délibérations de la Commission administrative.

L’allocation est alors de cent mille francs mais elle est en réalité versée à la ville par Napoléon.

297

francs748. Ce n’est que lorsque « l’apparence n’étant pas que Sa Majesté l’empereur

continuât d’accorder sur ses fonds personnels les sommes qu’elle avait bien voulu

nous donner »749, que le bureau général de bienfaisance se tourne vers la mairie.

Mais celle-ci n’est alors pas en mesure de prendre le relais. Durant son mandat, le

maire d’Albon ne cesse de dire son impuissance à verser d’autres secours que ceux

prévus aux crédits ordinaires du budget et rappelle que la ressource principale du

bureau est constituée des droits tirés des billets de spectacle.

La politique d’assistance de la municipalité se traduit ensuite par la mise en

œuvre d’actions ponctuelles rendues nécessaires par la conjoncture. Ainsi, le 16

janvier 1807, le conseil autorise-t-il une collecte générale au profit des ouvriers de la

soie victimes du chômage. Il est prévu que le produit de la collecte soit versé dans

les caisses de la ville puis mis à la disposition des comités de bienfaisance « et

consacré uniquement soit à distribuer des secours aux ouvriers de la Fabrique les

plus nécessiteux, soit à préparer aux moins malheureux des moyens économiques

de subsistance »750. Des personnes « zélées » sont choisies dans chaque quartier et

passent aux domiciles recueillir les souscriptions. La municipalité orchestre en fait

une opération caritative dont elle n’assume pas la charge. Par contre, en d’autres

occurrences, le conseil décide de consacrer partie des fonds de la ville à des secours

exceptionnels. C’est le cas lorsque, après avoir entendu un rapport particulièrement

pessimiste de Fay de Sathonay sur l’état des manufactures, les conseillers décident

d’une aide directe aux ouvriers victimes du chômage ou de l’effondrement des

rémunérations751. Parfois, la municipalité se voit contrainte de supporter le coût de

vastes opérations de bienfaisance décrétées par l’empereur et l’accepte mal. En

juillet 1812, les édiles se plaignent du fait que Lyon ait à payer seule ou peu s’en faut

le coût de la distribution, ordonnée par décret en mars, de soupes économiques

dans tout le département soit plus de deux cent soixante-dix mille francs752.

L’ensemble de ces mesures d’assistance sont bien sûr dictées aux autorités par

le souci du bien public, la volonté maintes fois affirmée de garantir à la population la

748

Ibid. Délibérations des 16 mai 1811et 23 mars 1812. 749

Ibid. Séance du 19 juillet 1813. 750

AML, 686 WP 015. 751

AML, 1217 WP 033. Séance du 14 décembre 1810. 752

AML, 1217 WP 035. Séance du 7 juillet 1812. La distribution des soupes est entièrement organisée par le

préfet : AN, F1c

III Rhône 5. Rapport Bondy (2e trimestre 1812).

298

plus modeste les conditions de sa survie. Elles obéissent aussi à l’objectif d’éviter les

désordres que causerait une trop désespérante dégradation de la situation sociale.

Dans un rapport au ministre de l’Intérieur sur les difficultés que rencontre la

population ouvrière lyonnaise en 1811, Fay de Sathonay fait état de cette double

préoccupation :

Cette population habituée à gagner sa vie par un travail honorable souffre, gémit d’être réduite

à recourir à la charité publique ; et sa patience, sa résignation n’est pas moins faite pour

étonner que pour inspirer la bienveillance. Mais cette résignation peut avoir un terme et il est

permis de le craindre alors que toutes les ressources de la bienfaisance ont été épuisées753

.

Au-delà de ces mesures d’urgence, la municipalité développe une politique

sociale assez cohérente en ce qu’elle concerne la mise en place d’établissements et

de dispositifs durables.

La municipalité de Lyon sous l’Empire promeut l’apparition de systèmes de

retraite pour les employés dont elle a la charge, incitée en cela par le décret impérial

du 15 septembre 1806 qui établit le principe d’une retraite dans toutes les

administrations civiles et judiciaires. Ainsi, le passage du régime de l’octroi à la régie

municipale permet aux employés de bénéficier d’un système de pension ouvert à

ceux qui, ayant atteint l’âge de cinquante ans, ont effectué au moins trente années

de service754. Leur pension annuelle viagère s’élève alors à la moitié de la moyenne

des trois dernières années de traitement. De même les surveillants de nuit sont

assurés d’une pension correspondant à un tiers du dernier traitement après vingt ans

de service, deux tiers après trente ans et la totalité après quarante755. Si toute idée

de réversion systématique est écartée sauf dans le cas des individus morts en

service, des secours exceptionnels ou viagers peuvent être accordés en fonction de

la situation de la veuve ou des enfants. Ce type de système de retraite est généralisé

sur la période à l’ensemble des employés dépendant de la mairie.

La municipalité apparaît en outre soucieuse de développer sa fonction

d’assistance en œuvrant pour la création d’institutions nouvelles dont certaines

753

Ibid. « Objets sur lesquels il importe le plus à la ville de Lyon de fixer l’attention du gouvernement ». Selon le

même rapport, ce sont, en 1811, 14 000 personnes qui reçoivent des secours. 754

AML, 1217 WP 031. Séance du 12 septembre 1808. 755

Ibid. Séance du 28 octobre 1807.

299

correspondent à des initiatives du pouvoir central – le mont de piété – et d’autres

sont des projets locaux, l’établissement de la Providence.

Le projet d’instaurer à Lyon un mont de piété est d’origine gouvernementale. Dès

la création de la mairie unique, le conseiller de préfecture Defarge soumet une

proposition de statut à Fay de Sathonay756 et transmet le dossier amendé au ministre

de l’Intérieur en frimaire an XIV (décembre 1805). Malgré la précocité de l’initiative, il

faut attendre la session ordinaire du printemps 1808 pour voir le maire rendre au

conseil municipal le mémoire de la chambre de commerce qu’il a sollicitée sur le

sujet 757 puis encore quatre mois avant qu’une délibération soit votée portant

règlement. Or, le gouvernement impérial, par l’intermédiaire du préfet, refuse la

proposition des édiles lyonnais au motif des trop larges prérogatives attribuées au

maire. En effet, le conseil municipal a estimé nécessaire que « pour veiller à des

intérêts dont elle est dépositaire » :

L’autorité municipale prît une part active dans l’organisation d’un établissement spécialement

destiné à ses administrés, qu’elle eut une influence marquée sur le choix des personnes

auxquelles seront confiés la régie intérieure ainsi que tous les détails du mouvement et de la

manutention »758

.

Autrement dit l’affirmation de la vocation proprement communale de

l’établissement déplaît au pouvoir central qui reprend fermement la main : le 23 mai

1810, Napoléon, depuis Lille, prend un décret instituant un mont de piété au profit de

l’hospice de l’Antiquaille, appelé à se substituer progressivement aux différentes

maisons de prêt existant en ville. Si le maire est membre de droit du conseil

d’administration, tous les administrateurs à part lui ainsi que l’ensemble du personnel

sont nommés par le préfet et approuvés par le ministre de l’Intérieur759.

Le décret impérial donne lieu à une ordonnance de police du maire en date du 21

juin 1811 organisant la clôture des maisons de prêt et le transfert des nantissements

756

AML, 747 WP 012.1, Mont de piété. Formation et fonctionnement. Documents du 6 brumaire an XIV. 757

AML, 1217 WP 031. Séance du 7 mai 1808. 758

AML, 1217 WP 032. Séance du 13 mai 1809. 759

On compte sept administrateurs placés sous l’autorité théorique du maire : trois appartiennent au conseil

d’administration de l’Antiquaille, deux au bureau de bienfaisance, deux sont des notables versés l’un dans le

droit l’autre dans la banque. D’après l’Almanach, en 1813, on compte quatre des personnages du corpus parmi

les sept : Bodin, Charrier de Senneville, Desprez et Regny père. Du directeur aux préposés, on compte quinze

employés auxquels s’ajoutent deux commissionnaires.

300

et des opérations liées au prêt vers le mont de piété 760 . C’est encore aux

commissaires de police qu’il revient de se rendre chez les prêteurs, de se faire

remettre les registres et de les clore. Le mont de piété est mis en activité le 1er juillet

1811. Dans l’attente de l’affectation d’un bâtiment qui lui soit spécifiquement dédié, il

est installé par le préfet aux Jacobins. C’est qu’aucun lieu n’a encore été choisi pour

accueillir le nouvel établissement. Le maire a d’abord soutenu l’idée d’installer le

mont de piété en lieu et place des bureaux de l’octroi au rez-de-chaussée de l’hôtel

de Rochebaron mais des conseillers (parmi lesquels probablement Mayeuvre de

Champvieux et d’Assier de la Chassagne) suggèrent la possibilité de mobiliser

l’ensemble des bâtiments de la Déserte761. Rapidement, un projet ambitieux porté

notamment par le premier adjoint Sain-Rousset se dessine. Il s’agit de profiter de

l’occasion pour déclencher une vaste opération d’urbanisme dont le coût est évalué à

cent mille francs et qui comprendrait, outre l’aménagement de 2 380 m² dans le

claustral de l’ancien couvent, la création d’une voie nouvelle ouvrant sur le jardin des

plantes et constituant « une de ces rues transversales et presque directes du Rhône

à la Saône dont nos devanciers ont trop négligé l’idée »762.

L’ampleur du projet étudié désormais par le conseil est telle que c’est une des

raisons qui poussent le préfet à prolonger la session en juillet. Des plans et devis

sont effectués à la demande du maire et la dépense prévue augmente pour atteindre

cent cinquante mille francs. Ce montant effraie sans doute les édiles qui décident à la

fin du mois de temporiser mais ce n’est pas la principale raison qui conduit

finalement à l’ajournement sine die du projet. En réalité, l’ensemble de la municipalité

renonce à procéder à un tel investissement alors que la nature communale de

l’établissement – « et par les éléments dont il se compose et par sa destination » –

encore revendiquée par Sain-Rousset est niée par le gouvernement et que la

direction du mont de piété comme le préfet semblent refuser l’hypothèse du paiement

d’un loyer à la ville, d’un montant tel qu’il serait susceptible de lui permettre d’amortir

l’investissement.

Les édiles renoncent donc à un aménagement d’importance qui aurait embelli et

aéré le centre de la ville sous le poids de la contrainte financière et devant le refus du

760

AML, 747 WP 012.1. 761

AML, 1217 WP 033. Séances des 15 février, 4 et 18 mars 1811. 762

Ibid. Rapport de Sain-Rousset, le 18 mars 1811.

301

gouvernement de voir la municipalité tirer profit de l’opération, c'est-à-dire un surcroît

d’autorité et d’indépendance financière.

À la fin du si rigoureux hiver 1810, le conseil municipal de Lyon décide de donner

corps à un projet qu’il avait inscrit au budget voté le 30 septembre 1809 en lançant le

chantier de la Providence763. En réalité, c’est l’influent adjoint Charrier de Senneville

qui porte ce dossier. Il s’agit pour la commune d’acquérir la maison dite de la

Providence pour y accueillir, aux frais de la mairie764 mais sous le patronage des

Dames de la congrégation de Saint Michel, plus de quarante jeunes filles de douze à

dix-huit ans « que la séduction et l’âge des passions ont déjà entrainées sur la route

du vice, qui ne sont pas encore perdues et prostituées, mais qui le deviendraient

sans doute » si l’on ne décidait pas de leur réclusion. Renouant avec une tradition

d’Ancien régime – il existait à Lyon une maison des Pénitentes qui exerçait ce rôle

avant que la Révolution ne la dissolve – les édiles prévoient que la réclusion des

pensionnaires devra s’accompagner d’un apprentissage aux métiers de la fabrication

de la soie ou de la passementerie. Ils concilient ainsi très opportunément utilité

économique et morale à un moment où il arrive à la Fabrique de manquer de main

d’œuvre en raison de la conscription. Ils satisfont ainsi sans doute une attente des

élites économiques qui, déjà, par le biais de la chambre de commerce ont obtenu

que les prostituées détenues à l’hospice de l’Antiquaille soient employées au

dévidage des soies. D’ailleurs, dans sa deuxième délibération sur le sujet de la

Providence, le conseil ajoute pour l’établissement la possibilité non plus de former

mais d’employer les adolescentes aux tâches pénibles du dévidage et d’ourdissage

des soies.

On le voit, la politique municipale d’assistance est vigoureuse et cohérente. Elle

est incontestablement un des fondements du pacte local liant administrés et

administrateurs. Elle n’est pour autant pas dénuée de motivations propres aux élites,

que les édiles représentent, soucieuses avant tout du maintien de l’ordre et des

conditions de leur prospérité.

763

AML, 1217 WP 032. Séances du 10 février et du 17 mars 1810. 764

L’achat des murs correspond à une dépense de 70 000 francs répartie sur les exercices 1810 à 1813 et le coût

de fonctionnement annuel de l’établissement est évalué à 5 000 francs.

302

3. La sécurité : une politique volontariste

Les politiques de subsistances et d’assistance concourent au maintien de

l’ordre765 mais il revient à la municipalité de développer une véritable action en

matière de sécurité c'est-à-dire non seulement de police mais aussi lutte contre

l’incendie ou de défense des aménités. En ces domaines, les édiles, le maire en tête,

se révèlent particulièrement déterminés.

3.1. Les pouvoirs de police : un enjeu majeur

Immédiatement après Brumaire, les autorités présentes à Lyon informent le

gouvernement de la résurgence d’un certain nombre de tensions politiques mais

aussi du risque de l’augmentation des crimes et délits. Dans ce contexte, elles en

appellent à « tendre fortement les ressorts de l’autorité judiciaire et

administrative » 766 . Soulignant la « mésintelligence qui règne entre les autorités

civiles et militaires »767, le commissaire du directoire pour le Rhône invite le nouveau

gouvernement à clarifier les attributions des différents acteurs ce qui va être un des

effets de la réorganisation administrative.

3.1.1. L’érosion des prérogatives du maire

Durant la période napoléonienne, les attributions du maire en matière de police

se sont rétrécies. Trois mesures émanant du chef de l’État sont à cet égard

décisives. La loi du 19 nivôse an VIII (9 janvier 1800) retire au maire le pouvoir de

nomination des commissaires de police pour l’attribuer au premier consul. Cette

décision annule un principe fixé par la constitution de l’an III et organisé par la loi du

3 brumaire an IV (25 octobre 1795). Le maire de Lyon revendique constamment le

765

Lorsqu’Igor Moullier aborde la conception de la politique de la ville du point de vue du ministère de

l’Intérieur, il montre son étendue ainsi que la multiplicité des acteurs qui l’influencent, parmi lesquels les

autorités locales : MOULLIER, Igor, « Police et politique de la ville sous Napoléon », R.H.M.C., n°52-4, 2007,

p.117-139. 766

AN, F1c

III Rhône 5. Rapports du commissaire du directoire exécutif près d’administration centrale du

département (nivôse, pluviôse an VIII). 767

Ibid. 4 pluviôse an VIII (24 janvier 1800).

303

droit, sinon de les nommer, du moins de présenter les neuf commissaires lyonnais.

La réponse de Napoléon est tout aussi constamment négative768. Or, la situation est

d’autant plus mal acceptée par le maire que le traitement des commissaires est

supporté par les finances de la ville depuis l’an VII ce que confirme un arrêté des

consuls du 23 fructidor an IX (10 septembre 1801) puis un décret impérial du 22

mars 1813 769 . Sous le Consulat, les édiles réclament pour la municipalité les

pouvoirs de police. Conscients de la nécessité, notamment à un moment où les

mairies sont divisées, de concentrer l’autorité de police dans les mains d’un seul, les

conseillers municipaux réclament l’institution d’un « commissaire général », nommé

pour six ans, délégué subordonné à la municipalité 770 . Mais le gouvernement a

d’autres plans.

Le décret impérial du 23 fructidor an XIII (10 septembre 1805) 771 crée les

commissaires généraux de police qui entrent directement en concurrence avec les

maires dans vingt-six villes dont Lyon et si un décret impérial du 25 mars 1811 paraît

diminuer leurs prérogatives, il n’en est jamais rien en réalité. Le commissaire général

est un fonctionnaire subordonné au préfet mais il correspond directement avec le

ministre. Ses compétences sont larges qui vont de la répression de la mendicité aux

pouvoirs de gendarmerie ou de réquisition des troupes de ligne en passant par le

contrôle des garnis ou des cafés. Un échange de courriers entre le maire Fay de

Sathonay, le préfet Bondy et le commissaire général de police de Lyon Abrial atteste

de la dureté des conflits de pouvoir résultant de l’enchevêtrement des

compétences 772 . Notons que le paiement des frais et les émoluments du

commissaire général incombent eux aussi à la commune selon le décret impérial du

23 mai 1806 ce qui provoque l’ire des édiles qui, convaincus de « l’inutilité de cette

dépense pour la ville de Lyon », demandent aussitôt « avec insistance que la caisse

communale soit dégrevée d’une charge qui lui est totalement étrangère »773.

Par le décret impérial du 4 mai 1815, enfin, un lieutenant de police est installé. Son

autorité s’exerce sur Lyon mais aussi sur ses faubourgs c'est-à-dire sur un territoire

plus vaste mais bien plus cohérent que celui de la commune stricto sensu. C’est en

vain pourtant que le maire de Lyon a jusque là réclamé le rattachement à Lyon des

768

PAILLARD, Philippe, « L’organisation de la police lyonnaise…. », op.cit. 769

AML, 01 I 002, Organisation financière de la police municipale. Carton 2A. 770

AN, F1b

I 242. Conseil municipal de Lyon, délibération du 13 ventôse an X (4 mars 1802). 771

Annexe II. 772

ADR, 4 M 1, Organisation de la police du département. Correspondance juin 1811. 773

AML, 1217 WP 030. Vœu du 4 juillet 1806

304

communes périphériques de Vaise, La Croix-Rousse et La Guillotière. Lorsque le 12

mars 1806, Fay présente déjà son souhait de voir se réaliser une telle réunion au

conseil municipal, il le justifie en particulier par la nécessité d’améliorer l’efficacité de

la police municipale en étendant son ressort à l’ensemble de l’agglomération. Par la

suite, il n’a de cesse de militer pour la réunion à Lyon de ces « lieux d’immunité »

que sont les faubourgs774.

Si cette ambition d’agglomération est partagée par la plupart des villes de

l’empire, celle de Lyon est regardée avec plus de méfiance que les autres semble-t-il.

Dans le décret 25 avril 1808 que Napoléon consacre à la seule ville de Bordeaux,

l’article 39 prévoit que la police municipale « s’étendra jusqu’à trois mille mètres de

rayon au-delà de ses limites ». Si cette disposition reçoit une application assez

limitée en raison de la résistance des maires de la périphérie775, son existence

témoigne d’une plus grande bienveillance à l’égard des velléités municipales

bordelaises que lyonnaises. Une ville plus moyenne comme Troyes obtient, par le

décret impérial du 20 septembre 1810, le droit d’exercer la police sur deux

communes limitrophes. Rien de tel, jamais, à Lyon. Le contraire, même, puisqu’en

fait, à un moment troublé où la fidélité des villes et de leurs représentants n’est pas

garantie, Napoléon dépossède un peu plus le maire de ses prérogatives de police en

reconnaissant tardivement et aux dépens de la mairie unique la pertinence de

l’échelle de l’agglomération.

3.1.2. Une exception lyonnaise : l’audience de police municipale

Paradoxalement, à Lyon l’Empire favorise indirectement l’institution d’une

pratique d’un genre particulier : l’audience de police municipale. Or cette pratique

aux confins des actions de police et de justice contrevient clairement aux principes

d’organisation de l’Empire et place le maire, représentant de la commune, en

situation d’opposition au pouvoir central.

L’existence de l’audience de police et la vigueur de son activité sont attestées

sous le Premier Empire776. Il est difficile de déterminer avec précision à quel moment

774

AN, F1c

III Rhône 5. 775

COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur…, op.cit., p.207. 776

ADR, 4 M 1.

305

naît cette pratique mais on peut observer qu’elle se développe à la faveur du cadre

institutionnel nouveau que constitue la mairie unique et qu’elle peut se concevoir

comme le fruit d’une interprétation favorable au maire des principes du Code

d’instruction criminelle finalement entré en vigueur en 1811777. Quoi qu’il en soit, le

maire de Lyon, en la personne de Fay de Sathonay, est à l’origine de cette audience

qui consiste pour lui à rendre des décisions concernant deux types d’affaires. Tout

d’abord le maire propose lors de ces audiences, qui ont toujours lieu en l’hôtel de

ville, une sorte de médiation dans des conflits d’ordre privé tels des disputes

domestiques ou des voies de fait. Le maire, sollicité par les parties ou alerté par les

policiers municipaux, fait alors figure de « sage », d’arbitre librement choisi et

l’audience de police s’apparente à une juridiction gracieuse. Il assume un rôle

paternel et protecteur. Ensuite le maire s’autorise à traiter un deuxième type

d’affaires, bien différent celui-là, qui concerne la détention d’individus arrêtés parce

que soupçonnés d’être les auteurs de délits. Or, le maire, dans ce cadre, prolonge

des mesures de détention préventive et va jusqu’à prononcer des peines, empiétant

incontestablement sur le domaine de la justice de façon totalement illégale. Cet

aspect de l’intervention du maire aux marges des prérogatives des tribunaux et de

celles du commissaire général de police est régulièrement justifié par une sorte de

principe de subsidiarité qui voudrait que le maire fût le mieux placé pour agir avec

célérité dans le but de protéger ses administrés de la délinquance urbaine. À aucun

moment la légalité de cette audience de police municipale, institution purement

lyonnaise, n’est contestée en soi. Lorsque le préfet s’adresse au maire à ce sujet

c’est soit pour réclamer que l’audience de police accordée par le commissaire

général ait lieu avant celle du maire, ce que conteste d’ailleurs Fay de Sathonay, soit

pour rappeler que les pouvoirs de police du maire de Lyon ne s’étendent pas aux

communes proches des faubourgs778.

L’existence de l’audience de police municipale sous l’Empire comporte deux

enseignements précieux. Premièrement, elle est le signe de l’influence et de la

légitimité localement reconnues au premier magistrat de la ville. Les administrés

acceptent de voir en lui un acteur public capable de rendre des arbitrages sur des

questions touchant à leur vie privée, participant ainsi au maintien de la paix et du lien

777

TULARD, Marie-José, « Code d’instruction criminelle » dans TULARD, Jean [dir.], Dictionnaire Napoléon,

op.cit., p.453-454. 778

ADR, 4 M 1.

306

social. Le maire sous l’Empire renoue avec la tradition consulaire qui faisait des

édiles les garants du pacte social local. Secondement, elle traduit la capacité du

maire de la deuxième ville de France à disposer d’une réelle marge de manœuvre : il

y a place sous l’Empire pour l’affirmation de certaines spécificités locales pourvu que

le cadre institutionnel et la particularité des acteurs s’y prêtent et qu’elles se révèlent

efficientes779.

3.2. Le maire dote la ville d’outils réformés

Aux troubles et à l’accroissement de l’insécurité consécutifs aux événements de

la décennie révolutionnaire succède une période de retour à l’ordre qui s’est

amorcée sous le Consulat. Dans un long rapport du préfet au ministre de la Justice

en date du 9 vendémiaire an XI (1er octobre 1802), la ville de Lyon en l’an X est

décrite comme « assez tranquille » grâce à la « vigilance de la police » alors même

que le brigandage est « actif dans la région » et que sévit encore une importante

délinquance dans le sein de la ville « où les oisifs, les escrocs, les évadés des fers,

etc… existent en assez grand nombre ». La mendicité est dénoncée comme un fléau

auquel le préfet préconise de s’attaquer au moyen des bureaux de bienfaisance. Ce

sont les difficultés économiques et sociales qui sont le terreau de la délinquance

urbaine et le gouvernement est supplié de travailler au retour de l’activité. En outre,

un chantier entrepris depuis quelques mois dans toutes les communes du pays est

en passe d’échouer à Lyon : la lutte contre le jeu. En effet, alors que l’ensemble des

établissements ont été fermés, les mairies et la préfecture assistent impuissantes à

la multiplication des « tripots clandestins qui offrent tous les inconvénients des

anciennes maisons de jeu et de plus celui de n’être surveillés par aucune autorité ».

Alors que « toute la vigilance de la police est en défaut », le préfet dresse un bilan

catastrophique de son action de police en la matière et inclinerait à fixer un seuil de

tolérance à défaut de pouvoir imposer l’arrêt des activités illicites. Sur le plan de la

police politique, le préfet se félicite que « parmi les délits commis dans toute

l’étendue du département, il n’en est aucun qui doive être attribué à des causes

779

Laurent Coste dans son étude sur Bordeaux sous l’Empire arrive à une conclusion proche : « Les maires

surent d’ailleurs utiliser les inexactitudes gouvernementales pour justifier les libertés qu’il leur arriva de

prendre ». COSTE, Laurent, Le Maire et l’Empereur…, op. cit., p.43-44.

307

politiques (et que) les citoyens de Lyon, généralement livrés à l’industrie et aux

spéculations commerciales, prennent peu de part aux affaires politiques (…)

étrangers et émigrés ne donnent aucune inquiétude (…) l’esprit public est bon » 780.

Telle est approximativement la situation à Lyon lorsque la mairie unique est

instaurée.

3.2.1. L’organisation de la police municipale et l’adjonction d’un corps de

surveillants

Les effectifs de la police municipale à Lyon sous le Premier Empire sont

composés de neuf commissaires et de douze agents. Les premiers perçoivent un

traitement annuel de deux mille quatre cents francs, les seconds de six cents

francs781.

Chaque commissaire est affecté à l’un des trois arrondissements qui forment les

trois divisions du Midi, de l’Ouest et du Nord. Les agents, eux, sont répartis auprès

des commissaires en fonction de la population concernée, c'est à dire selon son

nombre et sa sociologie. Les prérogatives des commissaires et des agents découlent

de ce qu’elles étaient aux termes de la loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) à

laquelle on se réfère encore malgré de nombreuses modifications. Ils exercent la

police judiciaire pour tous les délits dont la peine n’excède pas trois jours de prison et

une amende de trois jours de travail. Ce sont les délits de cette nature qu’ils

cherchent à réprimer. Dans ce cadre, ils ont bien sûr le droit d’établir des procès-

verbaux mais aussi de décerner des mandats d’amener. Si besoin est, ils peuvent

requérir l’aide de la gendarmerie ou de la force armée en activité en ville. Ils exercent

l’ensemble de ces prérogatives sous l’autorité du maire. S’ils ont à connaître de fait

délictueux ou criminels qui ne ressortent pas de cette catégorie, ils peuvent procéder

à l’arrestation d’individus et même décider leur incarcération provisoire mais ils ont

alors à en référer immédiatement au commissaire général de police qui est seul

compétent en ce qui concerne les affaires qui intéressent la justice criminelle.

780

ADR, 4 M 1. 781

Les inspecteurs des ports sont payés 1 200 francs et ceux du nettoiement 600. Aucun de ces traitements

n’évolue sur la période.

308

À Lyon, les édiles se plaignent régulièrement de l’inadaptation des effectifs aux

impératifs de la sécurité dans une ville si peuplée. Seulement parvenus en 1807 à

éviter la réduction de nombre des agents de douze à neuf782 et renonçant à obtenir

davantage de personnel, le maire et le conseil municipal par le biais de la

commission du budget proposent, à partir de novembre 1812, de diminuer

progressivement le nombre des commissaires à six et d’augmenter simultanément

celui des agents à quinze783. Cette requête ne reçoit aucune réponse de la part du

préfet ni du gouvernement.

Afin de pallier le manque d’agents, la municipalité de Lyon prend l’initiative, sous

l’autorité de Fay de Sathonay, de créer une force supplétive chargée plus

spécialement de veiller à la sûreté de la ville la nuit. C’est le 4 août 1807 que le maire

présente son projet de création du corps des surveillants de nuit 784 . Il imagine

d’organiser, sur un mode imité de l’armée, une compagnie de vingt-sept surveillants

encadrée par un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant et neuf sergents ou

caporaux.

Correspondant à une dépense annuelle de vingt mille francs, ce corps serait

placé sous l’entière et exclusive autorité du maire et ces membres « ne pourront être

requis par une autorité militaire, civile ou judiciaire autre que l’autorité municipale

pour quelque service que se puisse être »785. Le ministre de l’Intérieur, sollicité par le

préfet, s’affirme plutôt favorable au projet mais met en garde « qu’au moment où Sa

Majesté a licencié toutes les gardes municipales, il n’est pas convenable de

présenter la formation de cette troupe sous la forme d’un corps militaire » et rappelle

fermement que « le service de cette compagnie doit être de simple police ».

Fay de Sathonay est alors en mesure de proposer un règlement et un statut à la

délibération du conseil 786 . Renonçant à des formes militaires qui n’avaient pour

objectif affirmé que de donner au corps des surveillants de nuit plus de discipline et

un plus grand pouvoir de dissuasion, il envisage un corps porté à quatre-vingt-trois

782

AML, 1217 WP 031. Séance du 29 juillet 1807. 783

AML 1217 WP 035. Séances du 25 novembre 1812, 7 janvier et 16 juillet 1813. 784

En fait, des surveillants sont déjà à l’œuvre sous le Consulat mais ils ne sont pas organisés ni même

régulièrement appointés. Or « la dépense relative au corps des surveillants de nuit est de la plus grande urgence

et de première nécessité quand on considère que la ville se trouvant dépourvue de troupes, la sûreté et la

tranquillité publique pendant la nuit reposent presqu’entièrement sur (leur) vigilance » : AML, 1217 WP 030.

Séance du 4 juillet 1806. 785

AML 1217 WP 031. Séance du 4 août 1807. 786

Ibid. Séance du 28 octobre 1807.

309

hommes (dont seize surnuméraires) encadrés par trois inspecteurs en chef et

regroupés en quatre brigades. Placés sous l’autorité directe du maire et nommés par

lui, les surveillants ne sont pas casernés et ne sont pas tous appointés. Munis par la

commune d’une capote, d’un sabre et de sa bandoulière, à la lueur d’une des quatre

lanternes dont le corps est doté, ils parcourent « pendant les nuits les quais, rues et

places », font fermer selon les heures prévues cafés et cabarets, arrêtent mendiants,

vagabonds et « autres gens sans aveu », « dissipent les attroupements » et en cas

de mouvements séditieux peuvent requérir l’aide de la force armée. Le traitement

prévu par le ministre est plus faible que celui envisagé par le maire : neuf cents

francs par an pour un inspecteur, trois cents pour un surveillant. Adoptant le projet,

les conseillers rappellent une dernière fois qu’accorder une forme militaire à cette

« troupe » aurait été en mesure d’attirer davantage de vocations et regrettent ainsi

que ce corps de surveillants ne soit pas doté d’un prestige correspondant à sa

mission au service de la sécurité d’une des plus importantes cités de l’empire.

3.2.2. Le corps des pompiers et la lutte contre l’incendie

Dès sa prise de fonction le maire Fay de Sathonay prend l’initiative d’organiser un

service de pompiers sans cependant soumettre son projet au conseil municipal ni –

c’est plus grave – solliciter l’autorisation du gouvernement central. Aussitôt lui

parviennent des instructions du ministre de l’Intérieur datées du 11 décembre 1806

selon lesquelles « le corps des surveillants de nuit, celui des pompiers, ne seront

définitivement organisés que lorsqu’on m’aura adressé un projet d’organisation

délibéré par le conseil municipal et approuvé par M. le préfet, et que Sa Majesté

l’aura sanctionné ». Aussi le maire profite-t-il de la session suivante pour solliciter du

gouvernement, par l’intermédiaire d’une délibération du conseil municipal, la

confirmation du corps des pompiers « avec reconduction plus des améliorations, le

tout porté au budget »787. À la demande du ministre de l’Intérieur, le maire dote le

corps de pompiers de la ville d’un règlement renouvelé qu’il fait adopter par son

conseil municipal lors de la séance du 28 octobre 1807 788 . L’ensemble de ces

mesures est approuvé par décret impérial du 22 janvier 1808. Un peu plus de deux

787

Ibid. Séance du 28 juillet 1807. 788

Ibid. Séance du 28 octobre 1807.

310

ans après sa prise de fonction, Fay de Sathonay obtient donc du gouvernement

central l’officialisation d’une mesure prise dans les premiers mois de son mandat

comme l’exigeait l’urgence de la situation.

Finalement, le corps des pompiers de Lyon est une compagnie soldée de cent

douze hommes parmi lesquels on compte quatorze officiers et sous-officiers,

soixante-quatorze gardes et vingt-quatre surnuméraires. Les effectifs sont répartis en

quatre escouades. Ils ne sont pas casernés et l’organisation des équipes dépend

directement du maire. Le maire nomme les pompiers comme les surnuméraires et

peut les révoquer789. La ville prend en charge le traitement des pompiers qui varie de

huit cents francs annuels pour le capitaine-commandant à cent cinquante francs

pour les gardes ainsi que les primes prévues pour les nuits de service (un franc par

pompier et par nuit)790 et les éventuels encouragements ou pensions. La ville fournit

en outre casques et baudriers mais le reste de l’équipement est à la charge des

pompiers. Il convient de remarquer qu’une retraite est prévue pour chacun de ces

hommes ayant servi trente ans sans interruption et correspondant aux deux-tiers du

dernier traitement.

Le dispositif est l’objet d’une attention rigoureuse de la part du maire qui le

complète à l’automne 1809 par la création de trois corps de gardes de nuit. Trois

corps de cinq hommes chacun sont établis à partir du 1er novembre. Chargés de se

porter sur les lieux d’éventuels incendies, ils stationnent en des mois où l’on craint

beaucoup les feux de cheminée, de huit heures du soir jusqu’au jour « avec armes,

bricoles et casques » à l’hôtel de ville, aux Jacobins et à la loge du Change791. Un

sergent basé à la mairie effectue des rondes entre ces différents postes et l’on

prévoit que les surveillants de nuit pourront s’assurer de la présence effective des

gardes pompiers. En juin 1813, le conseil municipal sollicite du gouvernement de

pouvoir étendre cette mesure au-delà des cinq mois d’hiver au moyen de l’entretien

du poste de cinq hommes de l’hôtel de ville792.

789

Par un arrêté du 10 janvier 1810, Fay de Sathonay révoque un garde-pompier devenu inapte pour raison de

santé et qui refuse de démissionner : AML, 686 WP 015. 790

Les surnuméraires, eux, n’ont pas de traitement fixe. 791

AML, 1217 WP 032. Séance du 27 octobre 1809. 792

AML, 1217 WP 036. Séance du 18 juin 1813.

311

Le maire est assisté dans sa tâche de prévention et de combat des incendies par

une commission composée de citoyens nommés par lui. Cette commission des

secours aux incendies a pour fonction de veiller à l’entretien des pompes réparties en

ville793, de diffuser une information préventive et, le cas échéant, de suggérer des

mesures au maire.

3.3. Une action élargie

Les affaires de police connaissent une extension importante à Lyon sous l’Empire

d’une part parce que, on l’a bien compris, c’est un enjeu important aux yeux du maire

soucieux de défendre ses prérogatives et, d’autre part parce que, l’administration

étant peu étendue, celle de la police hérite de nombreuses missions. De la chasse

faite aux chiens errants à l’encadrement des festivités masquées auxquelles donne

lieu carnaval794, les tâches de simple maintien de l’ordre sont premières et déjà très

variées. Pourtant, le maire utilise la police municipale afin de conduire une action

originale à laquelle il donne le plus de retentissement possible.

3.3.1. Le combat moral

Fay de Sathonay mène dès les premières semaines de son mandat une

vigoureuse action de lutte contre les établissements de jeu. Il faut dire que les cafés,

cabarets et autre auberges sans parler des maisons particulières dans lesquels on

se livre aux jeux de hasard se sont multipliés à Lyon sous le Directoire et que c’est

déjà l’un des objectifs du maire du midi que de convaincre le premier consul, de

passage à Lyon, en pluviôse an X (janvier 1802), d’œuvrer à leur suppression.

Bonaparte est sensible aux arguments alors prônés par Sain-Rousset puisqu’il en tire

un principe général qui est progressivement appliqué :

793

Il existe à Lyon onze dépôts soit un dépôt général et dix dépôts particuliers de pompes à incendie : six se

trouvent dans des bâtiments publics, cinq dans des maisons particulières pour lesquels la mairie paie une

location. 794

AML, 686 WP 016. Voir notamment les arrêtés du 21 février 1811 et du 11 juin 1812.

312

On témoigne ici un grand mécontentement contre les jeux. Je désirerais que l’on fît discuter

en Conseil d’État la question de supprimer les jeux dans toutes les villes de la République,

hormis Paris ; c’est un objet de scandale795

.

Un arrêté du préfet du 12 pluviôse an X (1er février 1802) ordonne la fermeture

des établissements accueillant les jeux de hasard mais il ne les empêche visiblement

pas de prospérer. Un avis du conseil d’État du 30 brumaire an XIV (21 novembre

1805) se prononce pour l’interdiction totale des jeux de hasard en dehors du cadre

légal des loteries. Considérant qu’il revient à la police municipale de faire respecter la

loi et saisissant l’occasion d’affirmer voire de développer ses prérogatives, le maire

de Lyon signe le 31 janvier 1806 un arrêté relatif à fermeture des maisons de jeux796

et enjoint les commissaires et leurs agents de veiller à sa stricte application. Cet

aspect de sa politique est tout au long de son mandat et à sa mort porté au crédit de

Fay de Sathonay mais il semble qu’il faille nuancer l’idée qui voudrait que le premier

maire unique ait fait disparaître le jeu de la ville. Des arrêtés de police pris sous

l’autorité de d’Albon par l’adjoint Charrier de Senneville révèlent l’existence de

maisons clandestines mais également la pratique de jeux dans des établissements

connus. Au printemps 1813, un cafetier est incarcéré prison de Roanne pour

exercice illégal de jeux de hasard et plusieurs cafés, salles de billard, cabarets sont

fermés pour le même motif alors que la police est avertie qu’ « il existe dans la ville

des limonadiers et cabaretiers qui permettent chez eux des réunions à des heures

indues et souffrent qu’on y joue des jeux de hasards défendus »797.

La police municipale agit, en sus de sa traditionnelle mission de lutte contre la

délinquance, en faveur du maintien de la moralité dans l’espace public et de la

surveillance de l’opinion publique. C’est aux neuf commissaires que le maire donne

ordre au printemps 1809 de se renseigner sur les instituteurs exerçant dans leur

arrondissement, « sur leur moralité et la réputation dont ils jouissent »798. Ce sont

eux également qui sont chargés de surveiller l’activité des prostituées et de veiller à

ce qu’elles ne déambulent pas dans certaines rues, qui vérifient que, bien

qu’admises au théâtre, les « filles publiques ou entretenues » n’aient accès qu’à

795

Lettre à Cambacérès du 23 nivôse an X (13 janvier 1802) : NAPOLÉON BONAPARTE, Correspondance

générale, op. cit., t.3 : 1800-1802. Pacifications, n°6716, p.883. 796

AML, 686 WP 015. 797

AML, 686 WP 018. Arrêtés des 26 et 27 mai 1813. 798

AML, 686 WP 015. Instruction du 1er

avril 1809.

313

certaines places799. Ce sont eux enfin qui mettent en œuvre les ordonnances sur la

surveillance sanitaire des prostituées dans une ville « continuellement traversée par

une foule de militaires et d’étrangers de tout état » et qui voient se répandre les

maladies vénériennes800.

À partir du budget 1807, Fay de Sathonay obtient des conseillers municipaux

qu’ils inscrivent au passif une ligne de six mille francs destinés à des dépenses

secrètes de police. Il est entendu que le maire dispose librement et

confidentiellement de cette somme, principalement pour rémunérer des indicateurs

afin de surveiller « les endroits où l’on tenterait encore d’élever des jeux clandestins

et défendus » et d’obtenir « des renseignements sur tout ce qui peut tenir à la sûreté

publique ou particulière »801.

3.3.2. La défense des aménités

La sûreté en milieu urbain est, pour les édiles, tout à fait indissociable des

questions liées à la salubrité, à l’éclairage public et à la réglementation de la

circulation. À chaque compte rendu d’activité ou lors des travaux de préparation des

budgets802, ces trois domaines font l’objet d’attentions particulières, notamment dans

les premières années.

Les édiles décident, à l’été 1806, de lancer une double procédure d’adjudication

pour « le nettoiement de la ville et l’arrosage des promenades » et pour « le curage

et l’extraction des fosses d’aisance ». Rapides, les soumissions sont examinées et

un adjudicataire sélectionné dans le cadre d’une ferme du poids public inscrite à

l’actif du budget 1807 pour dix huit mille francs. Ce sont les places et les principales

artères qui sont privilégiées d’abord puis un effort particulier est déployé pour la

salubrité des quais que le conseil municipal souhaite peu à peu transformer en

promenades, le long du Rhône entre la terrasse Saint Clair et le quartier Perrache

notamment. Or, il s’agit de se protéger des « coulées d’immondices » émanant de

l’hôtel Dieu et des odeurs exhalées par la boucherie en accompagnant les mesures

799

AML, 686 WP 018. Arrêté du 10 août 1813. 800

Ibid. Ordonnance du 27 juillet 1813. Dans ce cadre, les prostituées sont soignées à l’hospice de l’Antiquaille. 801

AML, 1217 WP 030. Séance du 4 juillet 1806. 802

AML, 1402 WP 001.1, Budget : préparation.

314

d’aménagement (plantation d’arbres) par une règlementation durcie que les

commissaires sont chargés de faire appliquer.

L’éclairage public fait aussi l’objet d’une adjudication d’une durée de six ans et

trois mois qui est renouvelée une fois sous l’Empire en juin 1810803. Régulièrement le

conseil municipal propose une augmentation des dépenses consacrées à ce poste –

cent trente mille francs – mais il se heurte au refus du gouvernement bien qu’il insiste

sur la nécessité de favoriser la tranquillité nocturne de la ville. Les édiles militent en

vain sous l’Empire en faveur de deux mesures complémentaires : d’abord

l’accroissement du nombre des réverbères – Lyon en compte six cents –, en

particulier dans les quartiers neufs qui en sont dépourvus ; ensuite la généralisation

du régime dit du « grand éclairage » à l’ensemble de l’année et, partant, la

suppression du « petit éclairage » en vigueur traditionnellement de mars à

octobre804.

Peuplée et active la ville de Lyon connaît sur la période des problèmes

d’encombrements liés à une inflation incontrôlée du nombre des voitures. Là encore,

le maire en fait une affaire de police et met en place une règlementation

contraignante assortie de sanctions pour les contrevenants. Les véhicules ont

l’obligation de porter une plaque d’identification. Celle-ci doit indiquer les nom et

domicile du propriétaire et doit être « clouée en avant de la roue et au côté gauche ».

Les propriétaires de voitures de transport doivent se déclarer auprès des

commissaires de police et obtenir un permis d’exercer 805 . L’exécution de cette

ordonnance est confiée aux commissaires et aux agents de la police municipale

aidés en l’espèce par les inspecteurs des ports. Progressivement les différents corps

de métier voient les modalités de leur circulation fixées par des arrêtés de police806.

Les maires de Lyon, aidés de leurs adjoints et du conseil, ont sous l’Empire mené

en matière d’assistance, de subsistances et de sécurité une action déterminée, la

plus ample qu’il leur fut possible de conduire compte tenu des contraintes

budgétaires, réglementaires et, au fond, politiques qui leur furent opposées. Ayant la

charge d’une population de plus en plus nombreuse et d’une ville polarisant un

803

AML 686 WP 016. 804

AML 1217 WP 031. Séance du 29 juillet 1807. Le petit éclairage est un dispositif qui ne prévoit d’allumer

qu’un réverbère sur trois. Dans les rues les mieux équipées, les réverbères sont séparés d’une quinzaine de

mètres. AML 1217 WP 031. Séance du 29 juillet 1807. 805

AML, 686 WP 018. Ordonnance du 21 avril 1809. 806

C’est le cas le 23 juillet 1813 pour les « carrioleurs » de Perrache : Ibid.

315

espace de plus en plus étendu, la municipalité conçoit tôt l’espace normal de son

intervention comme celui de l’agglomération. Dans les mois qui suivent sa prise de

fonction Fay de Sathonay lance le projet d’unir administrativement les faubourgs de

Vaise, La Guillotière et La Croix-Rousse à la commune de Lyon807. Il s’agit de donner

toute son efficacité à l’action de la police municipale mais aussi de favoriser le

commerce en considérant que les faubourgs sont « une continuité de la ville ». Porte-

parole de l’élite négociante lyonnaise, Fay de Sathonay a aussi pour objectif affirmé

de contrôler la fabrication d’étoffes de mauvaise qualité qui se fait dans les faubourgs

et qui concurrence l’industrie lyonnaise. Défenseur des contribuables qu’il

représente, il dénonce les habitants des faubourgs comme profitant des avantages et

services de la ville sans contribuer aux paiements des charges808. Répété à plusieurs

reprises809, le vœu d’étendre l’autorité de la municipalité et la charge des services

publics lyonnais au territoire voisin ne sera jamais satisfait par le gouvernement810.

4. Les affaires militaires

La participation de la ville de Lyon aux affaires militaires de l’Empire est affaire de

contribution. Contribution à l’effort de conscription mais aussi contribution financière

à l’entretien des troupes et des infrastructures.

En matière de conscription, le maire est un fonctionnaire de l’État dans la pure

acception du terme. Au sein du département, c’est le préfet qui a la haute main sur

toutes ces opérations et il émet les circulaires, arrêtés et autres instructions qui

exigent des sous-préfets et des maires leur participation à un effort planifié au plus

haut niveau de l’État. Ainsi, dès sa prise de fonctions, Fay de Sathonay a-t-il, comme

tâche première, à organiser la réunion des cent quatre-vingt dix-neuf conscrits

lyonnais dans le cadre de la conscription de l’an XIV selon les modalités arrêtées le

12 vendémiaire (4 octobre 1805) par le conseiller Defarge, préfet par intérim811.

Désormais, selon la procédure prescrite par le décret du 8 fructidor an XIII (26 août

1805), dans le cadre du recrutement habituel comme dans celui des levées

807

AML, 1217 WP 030. Séance du 12 mars 1806. 808

La question de l’extension aux faubourgs des services publics et de leur financement par les habitants des

faubourgs est récurrente. Sur le cas de l’eau, voir notamment la séance du 1er

mai 1813. AML 1217 WP 035. 809

AML, 1217 WP 32-35. Séances des 9 mai 1809, 11 et 15 janvier 1810, 26 juin 1812. 810

AN, F² II D Rhône 2, Projet de réunion de La Croix-Rousse et La Guillotière avec Lyon (1806-1810). 811

AML, 1200 WP 001, Recrutement de l’armée. Instructions.

316

extraordinaires – notamment la levée de trois cent mille hommes décidée à la fin de

l’année 1813 –, le maire a en charge de recenser les conscrits, de les prévenir de

leur convocation et de s’assurer de leur soumission. Le préfet enjoint le maire de

collaborer activement avec la gendarmerie nationale, « ce corps d’élite dont le

dévouement est éprouvé, dont le zèle est infatigable »812 et, surtout, de se montrer

exact dans l’exécution des instructions gouvernementales, notamment en se retenant

de délivrer trop libéralement des documents (passeports, attestations d’activité,

attestations de situation de famille…) qui permettraient aux jeunes gens d’échapper

à la conscription. Particulièrement encadrée, l’action du maire est en cette matière

toute d’exécution. S’il apparaît parfois aux habitants de la ville susceptible de les

protéger des exigences impériales c’est parce qu’il est proche, connu des

administrés mais non pas en raison d’une réelle capacité d’action. En réalité, sa

mission comprend des tâches de police. Il est en particulier amené à renseigner le

préfet par l’intermédiaire de rapports fournis par les agents et les commissaires de la

police municipale concernant certains individus concernés par la conscription813.

La municipalité fournit de manière exceptionnelle des troupes lorsque la situation

de l’Empire devient difficile. Le désastre de Russie amène les édiles à manifester

leur soutien à Napoléon et, puisque « de toutes parts, une jeunesse belliqueuse se

rassemble et brûle d’entourer votre trône, votre personne sacrée et l’illustre rejeton à

qui sont attachées de si hautes destinées », décider la création de deux compagnies

de chasseurs à cheval de soixante hommes chacune sous le nom d’escadron

lyonnais. La monte et l’équipement des cent vingt cavaliers se feront « aux frais des

citoyens », la ville apportant quatre-vingt mille francs correspondant au « boni »

attendu des abonnements militaires 814 et comptant sur une souscription ouverte

auprès des habitants les plus riches pour fournir cent vingt mille francs815.

En matière de dépenses régulières, la ville a à supporter sous l’Empire trois types

d’obligations majeures.

812

Ibid. Courrier de Defarge aux maires des communes du département en date du 2 brumaire an XIV (24

octobre 1805). 813

AML, 1200 WP 003, Recrutement de l’armée. Documents divers. Enquêtes relatives au recrutement, 1812. 814

Il y a « boni » lorsque la somme perçue des habitants par la municipalité au titre de l’obligation de logement

des troupes excède les frais effectivement engagés. 815

AML, 1217 WP 035. Séances des 19 janvier et 5 février 1813.

317

Elle doit d’abord contribuer à l’entretien de deux corps de troupes, la compagnie

de réserve et la garde nationale. Selon l’article 16 du décret impérial du 24 floréal an

XIII (14 mai 1805), il doit être pourvu à la dépense de la compagnie de réserve du

Rhône au moyen du versement du vingtième du revenu de toutes les communes du

département en biens, fonds, rentes ou octroi. Or, il se trouve que le vingtième, pour

Lyon, excède la totalité de la dépense, évaluée à environ soixante et un ou soixante-

deux mille francs pour l’année. Le gouvernement, estimant fondée la requête de la

municipalité qui refuse de supporter seule la totalité du coût d’entretien de la

compagnie de réserve, fixe la dépense pour Lyon à 57 156 francs, le reste étant à la

charge de l’ensemble des autres communes du département. Outre que les

commissaires de police œuvrent au recensement des gardes nationaux816, le budget

municipal participe à l’équipement de la garde nationale et des corps de garde. Si la

dépense est prévue pour être relativement marginale, elle augmente de manière

importante à partir de 1810. Le chapitre 3 du titre 4 des dépenses ordinaires est en

effet débité annuellement de 15 300 francs de 1807 à 1810 puis de 43 726,10 francs

par an en moyenne de 1810 à 1813 et de 69 100 francs par an en moyenne en

1814-1815.

La ville doit ensuite participer à l’effort de logement des troupes de passage.

Compte tenu de sa situation géographique et de son poids démographique, Lyon est

particulièrement sollicitée. Jusqu’aux premiers temps de l’Empire, il n’existe pas de

disposition générale organisant la contribution de la ville et de ses habitants au

logement des militaires. L’accueil des soldats et des officiers se fait de manière

assez empirique, de même que le paiement d’indemnités est réclamé « au coup par

coup » par les autorités. À compter de la session ordinaire de 1807, le conseil

municipal adopte, à la demande de Fay de Sathonay, un système d’abonnement

facultatif qui permet aux habitants qui le souhaitent de ne pas avoir à accueillir de

militaires à leur domicile (régime du logement en nature) à condition d’acquitter à la

commune une somme indexée sur la contribution personnelle et variant de 5 à plus

de 20 francs selon les individus. Pour rester en vigueur, le système doit être autorisé

chaque année par le préfet. Sur la période 1807-1809, la recette des abonnements

pour le logement des gens de guerre est de 84 102,10 francs. Compte-tenu des

dépenses effectivement réglées par la ville à l’administration de la guerre, le maire

816

AML, 1219 WP 001, Organisation de la Garde nationale. Instructions du maire.

318

annonce alors un « boni » de plus de 15 000 francs817. La charge inhérente au

logement des troupes de passage à Lyon ne s’accroît pas par la suite, malgré les

difficultés rencontrées en Espagne d’abord, en Russie et en Prusse ensuite818.

La ville participe enfin à la construction et à l’entretien des casernes. Assujettie

initialement à construire la caserne de Sainte Marie des Chaînes, la municipalité

parvient à se soustraire à l’obligation compte tenu de l’offre de lits déjà importante

sur l’agglomération. Cependant, deux décisions viennent, en 1810, affecter

lourdement les finances de la ville. Par le décret impérial du 23 avril, l’État décide de

concéder les bâtiments militaires (et les prisons) en toute propriété aux villes où ils

sont situés ces édifices. Or, selon une annexe au décret, la municipalité ne peut

consacrer annuellement moins de 23 500 francs pour l’entretien des sept bâtiments

militaires que compte Lyon : deux à Serin, les autres à Sainte Marie des Chaînes,

aux Collinettes, au Bon Pasteur, à la Nouvelle Douane et aux Recluses (prison

militaire). L’obligation à laquelle est astreinte la ville implique en outre le traitement

d’un architecte conservateur des bâtiments militaires (4 000 francs annuels). Le

décret du 7 août de la même année prévoit que la dépense d’occupation de lits

militaires sera à la charge des communes, dès lors qu’elles ont un octroi, et non plus

de l’administration de la Guerre.

Quoique celle-ci soit moins coûteuse, la ville a encore à supporter une obligation

en garantissant le logement du général commandant la dix-neuvième division

militaire, aux termes des décrets du 17 messidor an XII (6 juillet 1804) et du 19

nivôse an XIII (9 janvier 1805) pour près de neuf mille francs annuels819.

5. Les relations avec les Églises

Le préfet du Rhône observe froidement, en l’an XI, que « le concordat n’a reçu

dans ce département qu’une exécution imparfaite. Les prêtres y sont toujours

divisés : aucune commune n’a de pasteur nommé par l’évêque confirmé par le

gouvernement ». On le voit, trois ans après Brumaire, la situation de la région

817

AML, 1217 WP 032. Séance du 1er

mai 1809. 818

Le maire est en mesure d’annoncer un solde positif de 56 000 francs en janvier 1812 : AML, 1217 WP 034.

Séance du 23 janvier 1812. 819

C’est normalement en compensation de cette obligation que la Déserte est laissée par l’État à la ville.

319

lyonnaise sur le plan religieux n’est pas assurée. Le franc bilan dressé par le préfet

souligne avec précision les lacunes de l’action publique qui sont particulièrement

liées à la conjoncture économique et sociale mais aussi à la profondeur du

traumatisme qu’ont constitué pour Lyon les bouleversements révolutionnaires dans

certains domaines, celui de la religion en particulier820.

Quoique parfois contestée, l’Église concordataire s’impose pourtant

progressivement à Lyon sous l’Empire, en particulier parce qu’elle est vecteur

d’apaisement religieux. La nomination à la tête du diocèse de Lyon de Joseph Fesch

le 6 thermidor an X (25 juillet 1802) – il prend possession de sa cathédrale le 16

nivôse an XI (6 janvier 1803) – correspond à la restauration progressive des anciens

usages. De nouveau, les cloches retentissent dans le ciel lyonnais, les prêtres

portent la soutane, les processions traditionnelles sont organisées, les effectifs du

séminaire de Croix-Paquet augmentent. L’oncle de l’empereur réside, de fait, peu à

Lyon. De toute façon, l’archevêque et les vicaires généraux n’entretiennent que peu

de relations avec les autorités municipales. L’Église ne subit aucune ingérence de la

part du pouvoir politique local et n’intervient pas dans la politique municipale. C’est

seulement dans le choix des sites destinés à accueillir les nouveaux cimetières de la

ville que l’on voit l’autorité archiépiscopale s’immiscer, avec succès, dans un débat

dont elle est initialement exclue. Il existe par ailleurs un accord évident entre les

édiles et l’Église en ce qu’il s’agit de confier la responsabilité de l’enseignement

primaire aux congrégations821.

Les relations entre la municipalité et les autorités religieuses qui, depuis l’entrée

en vigueur du régime concordataire, accélèrent leur action d’encadrement des

fidèles, se bornent donc pour l’essentiel à envisager des questions purement

matérielles liées à l’entretien des lieux de culte et au logement des prêtres.

Les édiles sont assez peu nombreux au sein des conseils de fabriques dont le

règlement est établi par Fesch et approuvé par Napoléon en nivôse an XIII (janvier

1805)822 . Comptant chacun six membres en sus du curé de la paroisse ou du

desservant de la succursale, les conseils de fabrique se recrutent parmi les résidents

de la paroisse ou les individus y disposant d’une « propriété notable ». On ne repère

820

ADR, 4 M 1. Rapport du préfet au ministre de la Justice en date du 9 vendémiaire an XI (1er

octobre 1802).

Le Concordat devient loi d’État le 8 avril 1802. 821

Ces deux sujets sont développés plus avant. 822

ADR, 5 V 1, Règlement des fabriques. Le règlement est proposé le 10, approuvé le 20.

320

guère que quelques individus du corpus dans les différents états conservés. Ainsi, en

1812, sept d’entre eux participent aux onze conseils de fabrique, formant tout de

même un peu plus du dixième de l’effectif total823. En fait, il semble que, les conseils

étant partiellement renouvelés annuellement, les édiles s’y investissent au même titre

que les habitants notables de la ville. Par contre, le décret impérial du 30 décembre

1809 introduit une nouveauté remarquable et porte dans son article 5 que, dans les

villes où il y a plusieurs paroisses ou succursales, le maire est membre de droit du

conseil de chaque fabrique. À Lyon, Fay de Sathonay organise un système de

délégation par l’arrêté du 6 mars 1811. À lui les conseils des paroisses de Saint

Nizier, Saint Pierre et Saint Paul, à Sain-Rousset ceux d’Ainay et Saint Bonaventure,

à Charrier de Senneville ceux de Saint François (succursale) et Saint Just, à

Champanhet ceux de Saint Louis et Sainte Polycarpe (succursale)824.

Sur la question du logement des prêtres et desservants, seulement huit des

treize églises paroissiales ou succursales que l’on trouve à Lyon dépendent

partiellement de la responsabilité de la mairie, cinq presbytères n’ayant pas été

aliénés.

De loin en loin, les délibérations du conseil municipal se prononcent sur la

participation de la commune à tel ou tel aménagement. Les maigres moyens tirés par

l’Église de la location des chaises, des quêtes ou du produit de bâtiments rétrocédés

par l’État en 1803 ne suffisent pas toujours à pourvoir aux nécessités et ce, d’autant

que l’espace public est souvent directement affecté par les travaux parce qu’ils le

rognent ou, tout simplement, affectent le paysage. Les édiles ont assez souvent à

s’intéresser à l’importante église de Saint Nizier, en particulier à propos de la

construction de la sacristie. Ils acceptent de céder gratuitement partie de propriétés

communales pour faciliter l’aménagement825. Généralement soucieux de conserver

de bons rapports avec le clergé local, les édiles refusent malgré tout d’accéder à

certaines de ses doléances. Ainsi de la demande des grands vicaires du diocèse de

démolir le jubé de l’église de Saint Just que les architectes de la ville préconisent de

rejeter826. Les conseils de fabrique sont les principaux interlocuteurs de la mairie

823

ADR, 5 V 3, Fabriques. Onze paroisses et succursales sur les treize que compte Lyon. En effet, la fabrique de

l’église paroissiale est gérée à part et celle de la paroisse Saint Bruno n’a pas de nommés. 824

Ibid. Les conseils de Saint Irénée et Saint Georges sont temporairement confiés à Charrier de Senneville et

Champanhet en attendant la nomination d’un nouvel adjoint. 825

Notamment : AML, 1217 WP 030. Séances du 19 février et du 5 mai 1806 ; AML, 1217 WP 035-036.

Séances du 18 février et du 7 juillet 1812, du 4 et du 7 janvier 1813. 826

AML, 1217 WP 031. Séance du 18 décembre 1807.

321

pour toutes ces questions de travaux publics. Les conseillers doivent, faute de

moyens, trier parmi les modestes requêtes qui leur sont adressées et, parfois,

arbitrer des litiges qui opposent fabriciens et riverains827.

Il faut observer pour finir que la municipalité entretient exactement le même type

de rapport avec l’Église protestante. C’est le consistoire qui est, en l’occurrence, le

partenaire officiel de la municipalité et il lui arrive également de solliciter l’aide

publique 828 . Pareillement, la mairie participe au financement du logement des

ministres du culte qu’il soit catholique ou réformé. En 1807, 7 318 francs sont

consacrés au logement des curés et desservants catholiques, 1 200 à celui des

pasteurs. À la fin de la période, ces sommes sont pratiquement inchangées829.

827

Les délibérations des séances du 22 mai 1806 et du 16 mars 1807 sont assez exemplaires. Le conseil

municipal se prononce lors de la première sur une question de droit de passage concernant la fabrique de l’église

de Notre Dame de Saint Louis et, lors de la seconde, refuse la demande d’une avance de 12 000 francs présentée

par le curé de la succursale de Saint Bonaventure pour des réparations urgentes : AML, 1217 WP 030. 828

Lors d’une même séance, au printemps 1810, le conseil municipal autorise le maire à faire rétablir le

logement du sonneur dans le haut de l’église Saint Jean et examine à la demande du consistoire un devis

envisageant des réparations urgentes de toiture au temple : AML, 1217 WP 032. Séance du 3 avril 1810. 829

AML, 1403 WP 039. Les sommes sont respectivement de 7 833 francs et 1 200 dans le budget de 1815.

322

Section 3. Des projets d’urbanisme ambitieux soumis au bon

vouloir impérial

Depuis 1789, Lyon a subi des combats, des destructions « punitives » au

lendemain du siège, a pâti d’un déficit d’entretien de ses principaux monuments lié à

la pénurie des moyens. Le paysage urbain a été partiellement ravagé par la

Révolution. Il est indispensable de rebâtir, de relever Lyon de ses ruines. En outre,

des portions de la ville sont particulièrement inadaptées aux besoins d’une grande

ville, qui plus est carrefour de communication. Certains secteurs sont à restructurer,

comme les abords du pont de pierre ou la rive droite de la Saône, d’autres, les

marais de Perrache essentiellement, sont à aménager et à insérer dans l’espace

urbain. À ce dernier sujet, la tâche qui incombe à la mairie unique est extrêmement

ardue s’agissant d’« un foyer d’insalubrité affligeant par les effets morbides » pour

lequel l’ancien consulat aussi bien que les municipalités de la Révolution ont échoué

à convaincre l’État d’intervenir et dont s’exhale un « air méphitique »830. Aménager la

ville pour la rendre plus pratique mais aussi plus salubre, voilà qui s’avère urgent à

l’aube du XIXe siècle. Et puis, comment ne pas espérer inscrire dans son paysage la

marque d’une prospérité et d’un prestige retrouvés ? Doter Lyon de monuments pour

l’élever parmi la hiérarchie des villes de l’Empire : au-delà de la nécessité, perce

l’ambition.

1. Relever la ville

Lyon a subi des destructions révolutionnaires. Trois chantiers sont symboliques

de la volonté napoléonienne de relever la ville831.

830

AML, 1217 WP 028. Séance du 5 germinal an XI (26 mars 1803). En 1784 pourtant, le gouvernement royal

s’est engagé au remblaiement des marais. 831

Les sites des principaux aménagements sont repérés sur un plan général : annexe VI.

323

1.1. Le pont de Tilsitt et l’hôtel de ville

À l’avènement du Consulat, il n’existe plus qu’un seul pont sur la Saône, le pont

de pierre reliant Saint-Nizier au quartier du Change.

La destruction du pont de bois reliant, par-dessus la Saône, l’archevêché au

quartier de Bellecour présentait un obstacle considérable au développement de la

ville en interrompant les communications entre deux quartiers actifs, alimentés en

particulier par le trafic lié à l’axe nord-sud longeant la Saône sur sa rive occidentale.

Dès le Consulat, le chantier considérable que constitue la construction d’un pont de

pierre est entrepris832. Cent mille francs sont affectés en 1806 à l’achèvement du

pont dit de l’archevêché833 et, en effet, c’est, cette année-là et la suivante, le seul

chantier à ne souffrir d’aucune baisse d’activité834. Le 15 août 1807 – jour de la saint

Napoléon – la clef de la dernière arche est posée et le passage est livré aux piétons

un an plus tard. Son achèvement correspondant à ce que d’aucuns considèrent

comme l’apogée de l’Empire, le pont est opportunément appelé de Tilsitt.

Malgré des problèmes résiduels liés au degré de sa pente835, le pont de Tilsitt est

à ranger parmi les succès incontestables du régime mais il ne peut véritablement

être rangé au crédit de la mairie unique qui, en la circonstance, a parachevé un

ouvrage déjà bien entamé sous les trois mairies et a été largement écarté par l’État

du processus décisionnel. Le financement des travaux est assuré pour moitié par

l’État en vertu de la loi du 16 septembre 1807 qui prévoit que lorsqu’une collectivité

territoriale profite d’un aménagement ou d’une infrastructure qui touche aux

transports et à la communication, elle doit participer pour partie (pas plus de la

moitié) au financement. En prolongement du pont, c’est le quai de l’archevêché qui

est construit en 1809. À cette fin, les Ponts et Chaussées accordent 150 000 francs à

la ville836. Or, les édiles se plaignent d’être à peine informés du cours pris par ces

aménagements majeurs. Le conseiller Chirat remarque qu’aucun plan ni devis n’a

jamais été transmis ni au conseil ni au maire837. Clairement, la mairie est réduite à

832

AML, 342 WP 001.2, Pont sur la Saône. Pont de l’Archevêché (1790-1802). 833

AML, 1217 WP 30. Séance du 27 janvier 1806. 834

Ibid. Séance du 1er

mai 1807 ; AML, 342 WP 031, Ponts. Pont sur la Saône. Avancée des travaux, 1806. 835

La pente est trop forte depuis que les ingénieurs ont renoncé à relever le niveau des chaussées adjacentes,

notamment du côté de la rue du Plat. Cela aurait impliqué le recouvrement partiel du sous bassement de belles

demeures, dont celle du maire Fay de Sathonay… : AML, 1217 WP 032. Séance du 1er

mai 1809. 836

AML, 342 WP 046, Ponts. Pont sur la Saône (1804-1809).Lettre du préfet au maire du 28 mai 1808. 837

AML, 1217 WP 031. Séance du 12 septembre 1808.

324

son rôle de pur relais d’exécution. Il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce, la

formule est efficace.

Dépossédée de sa mairie unique, Lyon a assisté à la dégradation de son hôtel de

ville réduit, après avoir été vandalisé après le siège et partiellement détruit par

l’incendie en 1803, à accueillir pauvrement quelques fonctions administratives

attachées à la municipalité du Nord. Les façades sont abimées, la grande salle est

inutilisable, de nombreux planchers et éléments de charpente ont disparu, des

étages entiers sont privés de mobilier. Lorsque le préfet Verninac visite les locaux qui

y sont mis à sa disposition pour son logement et ses bureaux, il s’effraie de « l’état

absolu de dégradation » et du « dénuement complet de mobilier domestique » dont

sont responsables « une révolution de douze années, (…) un siège dont les effets se

font remarquer à chaque pas dans cette ville »838. À compter de 1806, tous les

budgets de la période prévoient une ligne créditée en vue de pourvoir à des

réparations jugées systématiquement comme indispensables et, à ce titre,

prioritaires839.

Les années 1806 et 1807 sont consacrées à des travaux de gros œuvre puisque

c’est l’ensemble de la toiture et certaines parties de la charpente, notamment au

dessus du grand escalier, qui sont rétablies 840 . Le conseil municipal tenant ses

séances dans la maison redevenue commune, un local provisoire est affecté à cet

effet. Réparé, meublé sommairement, on le garnit des chaises nécessaires prélevées

dans les divers bureaux voisins en fonction de la taille de l’assemblée. Les bureaux

ouverts au public, la salle de l’état civil, les espaces de représentation sont équipés

de meubles convenables841. C’est essentiellement l’aile droite de l’édifice qui profite

de ces dépenses et, progressivement, l’ensemble de cette partie de l’édifice se

trouve rénové. À la fin de l’année 1808, son extrémité méridionale, le pavillon qui

donne sur la place de la Comédie, est achevé d’être refait842. Cependant, l’aile

gauche demeure, sur l’essentiel de la période, dans un état absolument déplorable.

Le retard pris dans la procédure d’approbation du budget retarde la réalisation des

838

AN, F 1c III Rhône 5. Lettre du préfet au ministre de l’Intérieur du 18 floréal an VIII (8 mai 1800).

839 AML, 1217 WP 030. Séance du 27 janvier 1806.

840 AML, 1217 WP 031. Séance du 2 mai 1808.

841 AML, 1612 WP 166. Hôtel de ville. Plan du rez-de-chaussée et du premier étage.

842 AML, 1217 WP 032. Séance du 1

er mai 1809.

325

projets adoptés à compter de l’été 1808843. C’est au cours des derniers mois de

l’année 1810 que débutent des chantiers d’importance qui concernent de nombreux

bureaux de l’administration municipale, en particulier ceux des commissaires de

police, diverses antichambres, la salle d’attente des détenus mais aussi la salle des

audiences municipales. Les crédits affectés à ces dépenses s’élèvent en 1810 à

25 681,76 francs au total ce qui confirme la pénurie de moyens qui bride l’action des

édiles en la matière. L’appartement du commissaire général de police lui-même n’est

complètement rafraîchi qu’en 1811 ; il faut dire que les édiles, depuis le début,

répugnent à assumer les charges afférentes à une fonction partiellement concurrente

à celle du maire. Tout avance lentement puisque seul le rez-de-chaussée de l’aile

gauche est terminé en 1812.

L’aspect extérieur de l’hôtel de ville reste laid malgré la réfection de la charpente

et de la couverture en plomb du dôme qui correspond davantage à une nécessité

qu’à des visées esthétiques. En juin 1813, le conseiller de Ruolz, au nom de la

commission des travaux publics, en est encore, pour 10 300 francs, à réclamer des

réparations urgentes qui, touchant à la « solidité » et à la « conservation » du

bâtiment, doivent être effectuées sauf à s’exposer à des « dépenses énormes ». Il

s’agit principalement de reconstruire la plate-forme du balcon principal, de changer

des balustres et remplacer une voûte qui menacent s’effondrer et de doter

d’espagnolettes les fenêtres de la grande salle844. À la fin de l’Empire, ni cette

grande salle ni les façades n’ont été restaurées845.

Certes, l’hôtel de ville a retrouvé des conditions matérielles de fonctionnement

normales. On s’y réunit et on y travaille quotidiennement sans être plus gêné par la

trop grande rusticité des conditions. Mais il arbore encore les stigmates des temps

troublés de la déchéance lyonnaise que le régime impérial n’est qu’incomplètement

parvenu à faire disparaître du paysage urbain. Pourtant, on peut trouver dans la

nature des choix effectués tant par les édiles que par le gouvernement et le préfet la

marque de la volonté de privilégier des travaux utiles au détriment de dépenses qui

pour être plus prestigieuses et, sans doute, plus visibles présentaient moins d’intérêt

pratique. La faiblesse des moyens financiers a empêché la municipalité de venir à

bout d’un chantier immense dans la décennie qui suit l’instauration de la mairie

843

Ibid. Séance du 17 mars 1810 ; AML, 466 P 010, Édifice public : Hôtel de ville. Travaux (1790-1809). 844

AML, 1217 WP 036. Séance du 25 juin 1813. 845

AML, 466 WP 007, Édifice public : Hôtel de ville. Travaux (1810-1822).

326

unique. Pourtant, la détermination n’a pas manqué aux édiles qui n’ont, mis à part les

difficultés budgétaires, rencontré aucun obstacle de type réglementaire ou

administratif.

1.2. Les « façades » : un enjeu majeur

L’action de la Convention exercée à l’encontre de Lyon et des Lyonnais au

lendemain de la défaite des insurgés est d’une sévérité exceptionnelle 846 . Les

autorités organisent une terrible répression qui a à la fois pour but de châtier les

individus désignés comme ennemis du régime mais aussi de régénérer une société

urbaine décrite comme foncièrement contre-révolutionnaire et vont jusqu’à songer à

agir sur le peuplement de la ville847. Mais si « Lyon n’est plus », la ville doit porter

dans son paysage intime les traces de sa déchéance. Le décret du 12 octobre fait

significativement références aux « ruines » de Lyon et, en effet, des démolitions

importantes sont décidées. Est d’abord programmée la destruction des maisons, au

premier chef celles d’acteurs politiques locaux emblématiques des premiers temps

de la Révolution : Tolozan, Imbert-Colomès, Palerne de Savy et Vitet notamment. Est

ensuite organisée la démolition des fortifications au rang desquelles on trouve le

château de Pierre Scize converti en symbole à la fois de l’arbitraire d’Ancien régime

et de la laideur de l’âme lyonnaise. Dans ce plan cohérent d’abaissement et de

stigmatisation de Lyon, la destruction des façades de Bellecour occupe une fonction

centrale848. Il s’agit de mutiler le paysage urbain de la manière la plus patente qui soit

en ravageant l’un de ses décors les plus remarquables. Offenses à « la simplicité des

moeurs républicaines » mais aussi révélatrices d’une prospérité passée, les façades

monumentales des dix maisons qui bordent à l’Est et à l’Ouest la place ci-devant

royale attestent de la puissance potentielle de la cité. Les démolir revient à

manifester le déclassement que subit cette dernière et à exprimer durablement sa

soumission. Le récit n’est plus à faire de la cérémonie du 5 brumaire an II (26 octobre

1793). Il suffit de rappeler que le maire Bertrand ainsi que l’ensemble des officiers

municipaux rétablis accompagnent les représentants en mission devant la maison

846

KLEINCLAUSZ, Histoire de Lyon,…,op. cit., t.2, op. cit., p.344-374. 847

TRÉNARD, Louis, La Révolution…,op. cit., p.423-424. 848

D’ailleurs, c’est l’action de destruction la plus exactement menée. Les maisons citées plus haut sont

finalement conservées. Celles de Tolozan et d’Imbert-Colomès existent toujours.

327

Sibens qui fait l’angle avec la rue des Deux-Maisons (actuelle rue Paul Lintier). Munis

de plusieurs petites masses, ils s’attaquent, à l’imitation de Couthon, aux

soubassements de cette première façade, inaugurant la démolition de toutes par

près de huit cents ouvriers849. La destruction de ce que les habitants désignent

désormais sous le seul terme des « façades » devient immédiatement symbolique de

la détermination du pouvoir central à enlaidir et diminuer la ville de Lyon. Les ruines

qui bordent désormais la plus importante place de la ville sont chaque jour le rappel

du traumatisme que constitue l’ensemble des événements liés à l’insurrection.

Les façades de Bellecour ne faisant l’objet d’aucune mesure de relèvement sous

le régime de la République directoriale, elles restent, en ruines, aux yeux de tous, le

témoignage de l’incomplète réhabilitation de la ville. Aussi, Bonaparte se montre-t-il

particulièrement avisé lorsque, de retour de Marengo, le 28 juin 1800, il s’offre aux

regards posant la première pierre du chantier de leur réédification :

J’arrive à Lyon citoyens consuls, je m’y arrête pour poser la première pierre des façades de

Bellecour que l’on va rétablir. (…) Je n’ai pas tenu à l’ambition d’accélérer le rétablissement

de cette place que j’ai vu si belle et qui est aujourd’hui si hideuse. On m’a fait espérer que

dans deux ans elle sera entièrement achevée. J’espère qu’avant cette époque le commerce

de la ville, dont s’enorgueillissait l’Europe entière aura repris sa prospérité850

.

S’engageant à relever les façades, le premier consul s’engage à relever Lyon, à

rendre à la ville sa prospérité et son identité. Dès lors, il choisit de faire écho à la

décision des conventionnels de faire de Bellecour de symbole de la défaite de Lyon.

Les façades rétablies seront l’éblouissant manifeste du retour à l’ordre et à la

prospérité au service de l’influence de Lyon.

849

« Au nom de la souveraineté du peuple, outragé dans cette ville, en exécution d’un arrêt de la Convention

nationale et de nos arrêtés, nous frappons de mort ces habitations du crime, dont la royale magnificence insultait

à la misère du peuple et à la simplicité des mœurs républicaines. Puisse cet exemple terrible effrayer les

générations futures et apprendre à l’Univers que, si la Nation française, toujours grande et juste, sait honorer et

récompenser la vertu, elle sait aussi abhorrer le crime et punir les rebelles » : cité dans ibid, p.424-425. 850

Cité dans : MONFALCON, J.-B., Histoire monumentale de la ville de Lyon, 1866, t.3, p.197.

328

1.3. Une réussite difficile

Trois mois après la pose de la première pierre par Bonaparte, l’architecte Gabriel

Thibière soumet aux autorités, municipalité et préfecture, au conseil des Bâtiments

civils et aux propriétaires des plans respectueux des anciennes fondations. Ils sont

finalement acceptés le 25 prairial an XIII (14 juin 1805) pour être légèrement modifiés

ensuite. Chacune des deux façades reste composée de cinq maisons particulières et

s’organise autour d’un avant-corps central à sept travées, séparées par une série de

pilastres colossaux 851 . La détermination affichée par Bonaparte, le choix

architectural arrêté révèlent une ambition tout à fait cohérente. Comme l’affirme

Nathalie Mathian, « agir de la sorte permettait de retisser les liens entre le passé et le

présent et d’oblitérer l’humiliation révolutionnaire »852.

Sous le Consulat et aux premiers temps de l’Empire pourtant les promesses de

Bonaparte tardent à se réaliser. Le conseil municipal répète inlassablement son voeu

de voir la situation se décanter et les travaux commencer. Pas moins de neuf

délibérations sont consacrées à cette seule question de janvier 1802 à avril 1805853.

L’État lui-même essaie de favoriser l’effort de reconstruction par l’arrêté des consuls

du 23 germinal an X (13 avril 1802) et les lois du 7 nivôse an IX (28 décembre 1800)

et du 7 ventôse an XIII (26 février 1805). Les maisons démolies appartiennent

toujours à leurs propriétaires privés et tous les efforts des autorités publiques tendent

à les convaincre d’investir dans la reconstruction. À cette fin, les propriétaires se

voient accorder des avantages importants parmi lesquels l’exemption de l’imposition

foncière pendant vingt-cinq ans, l’allocation d’un premier capital de 400 000 francs

payable au fur et à mesure de l’avancement des travaux puis d’une autre somme de

400 000 francs sur dix ans. Or, à ces conditions, et sous la condition supplémentaire

que la commune supporte seule les frais des façades proprement dites, seuls deux

851

MATHIAN, Nathalie, « Napoléon "réédificateur de Lyon" », dans ZINS, Ronald [dir.], Lyon et Napoléon, op.

cit., p. 234-238. « Seules variantes, la forme des baies rectangulaires couronnées, selon les projets de corniches

ou frontons cintrés, le remplacement du grand fronton à l’aplomb de l’avant-corps par un attique, de façon à

privilégier les horizontales, et la suppression des consoles à mascarons supportant les balcons passés de mode. Il

proposera par la suite des variantes, suivant les vœux de la municipalité ou du conseil des Bâtiments civils, avec

des colonnes pour les avant-corps, des arcades pour le rez-de-chaussée et des balustres en appuis de fenêtre. Le

choix définitif va vers une composition sobre, rectiligne, offrant une interprétation épurée de celle du XVIIIe

siècle. » 852

Ibid., p.238. 853

AML, 1217 WP 027-029. Séances des 5 pluviôse, 21 floréal, 1er

thermidor an X, 13 nivôse an XI, 9 prairial,

28 et 30 thermidor an XII, 23 brumaire et 23 germinal an XIII.

329

propriétaires sur dix se sont engagés à construire au printemps 1805 mais aucun

chantier n’est entamé854.

Incontestablement, la mise en place de la mairie unique et le volontarisme du

maire Fay de Sathonay permettent en la matière de sortir de l’impasse. En mars

1806, Fay prend acte du blocage de la situation et propose que la ville soit autorisée

à acheter les propriétés puis bénéficie d’avantages pour diriger leur reconstruction,

l’exemption des droits d’enregistrement par exemple. Il rappelle d’ailleurs que le

Consulat profita autrefois, par les lettres patentes du 24 novembre 1714, de

prérogatives comparables lors de l’aménagement des façades selon les plans de de

Cotte855.

L’État dote aussitôt la ville d’un arsenal juridique lui permettant d’agir dans le sens

voulu par Fay. C’est la loi du 9 mai 1806 qui autorise, contre indemnité, la ville à

acquérir les terrains bordant la place. C’est la décision du ministre des finances

Gaudin du 26 novembre 1807 qui organise le modus operandi. La caisse

d’amortissement achète en fait les terrains pour les céder à la ville qui, à son tour, les

cède à des entrepreneurs s’engageant à rebâtir. Très vite, la ville fait évaluer la

valeur des terrains par Hotelard, son architecte, qui la fixe à trente-quatre francs et

dix centimes le mètre carré856 et se présente, sur cette base et par le biais de la

caisse d’amortissement, comme acquéreur de chacune des maisons. La plupart des

propriétaires acceptent assez facilement de vendre à l’exemple de Quatrefages de la

Roquette qui, résidant à Paris et n’ayant plus d’intérêt sur place, cède un peu plus de

1300 mètres carrés pour 46 807,37 francs857. Certains, cependant, s’opposent à une

vente qu’ils estiment désavantageuse. Dubost, dont la maison se trouve au centre de

la façade occidentale, est celui des propriétaires qui résiste le plus longtemps aux

menées municipales. Notaire, il est familier des procédures juridiques. Lyonnais, il

peut facilement se consacrer au contentieux dont sont saisis les tribunaux locaux.

Opposant à la loi de 1806, il estime sous évalué le terrain dont il est propriétaire.

Dubost engage une longue procédure judiciaire au cours de laquelle il utilise tous les

recours possibles malgré l’insistance des tribunaux à donner raison à la municipalité.

854

1217 WP 015-016, Municipalité du Midi, actes et délibérations. Assemblées des 27 ventôse et 14 germinal an

XIII (18 mars et 4 avril 1805). 855

Les façades monumentales destinées à border la place sont conçues par Robert de Cotte en 1711. La statue

équestre de Louis XIV est édifiée en 1713. 856

AML, 321 WP 025, Place Bellecour. Reconstruction des façades. 857

Ibid. Maison Quatrefages. Acte enregistré le 24 septembre 1807.

330

Sur cette affaire, deux jugements sont rendus en première instance en avril et mai

1809, ainsi que trois arrêts de la cour d’appel impériale les 14 et 20 octobre puis le

27 décembre de la même année. Le maire de Lyon demande régulièrement au préfet

de l’aider pour que « cette affaire ne soit pas éternellement soumise aux obstacles

qu’y oppose le caprice d’un propriétaire »858. Finalement, un arrêté préfectoral du 19

janvier 1810 déclare la ville de Lyon propriétaire du terrain moyennant l’indemnité

initialement prévue de 59 690 francs. En séance du conseil municipal, au début du

mois de janvier, le maire peut présenter aux édiles le projet de traité sur l’aliénation

de l’emplacement des trois dernières maisons riveraines de la place Bonaparte859.

La rivalité qui oppose les différents architectes ayant à connaître du dossier,

Thibière, Hotelard et Gay principalement, rend l’avancée des travaux plus difficile

encore. Le conseil municipal est parfois consulté sur quelques aspects des projets

concurrents860 mais c’est le maire qui, en désaccord avec les plans initiaux, ralentit la

procédure en y imposant les architectes de la ville. En l’an XIII, les choix semblent

arrêtés puisque le plan des façades est dressé en relief dans une salle de l’hôtel de

ville après avoir été présenté par Thibière à Napoléon qui l’agrée dans son principe

le 25 germinal, (15 avril 1805) lors de sa visite à Lyon. Validé le 25 prairial an XIII (14

juin 1805) puis légèrement modifié, il est accepté par le ministre de l’Intérieur le 21

juin 1806 mais Fay de Sathonay le conteste jusqu’à obtenir du préfet, le 14 janvier

1807, que l’élaboration d’un nouveau plan soit confiée aux architectes de la ville861.

Quoi qu’il en soit, la municipalité cède progressivement les terrains à des

entrepreneurs privés qui s’engagent à respecter un cahier des charges précis,

notamment sur le plan architectural. La lecture des dix traités de reconstructions des

façades montre que les entrepreneurs s’engagent sur les délais (deux ans et demi),

le respect des plans arrêtés et l’entretien. Le maire passe les actes et surveille le bon

respect du traité par les entrepreneurs. La cession des terrains est gratuite,

accompagnée de l’attribution par la mairie d’une somme allouée progressivement

aux entrepreneurs en fonction de l’avancée des travaux, variant de 15 000 à 35 000

858

Ibid. Lettre du 21 septembre 1809 de Fay de Sathonay au préfet. 859

AML, 1217 WP 032. Séance du 3 janvier 1810. 860

Ibid. Séances du 17 mars et du 18 avril 1810. Durant cette dernière séance, le conseiller Grailhe de Montaima

présente au conseil un rapport extrêmement détaillé qui témoigne de l’intérêt des édiles pour la question ainsi

que de la rigueur de leur travail. 861

Ibid. Séance du 1er mai 1809.

331

francs selon les cas862. On remarque, parmi les quatre entrepreneurs qui investissent

dans le chantier des façades, la présence de l’architecte de la ville, Hotelard, celui-là

même qui estime la valeur des terrains en 1806. Il est l’acquéreur principal de cinq

maisons.

En tout état de cause, au printemps 1811, l’ensemble des conventions de

reconstructions des maisons et de leurs façades sont enfin passées. Pour autant le

chantier des façades n’est pas terminé et il ne le sera que sous la Restauration, en

1818. D’ailleurs, la destination des bâtiments reconstruits n’est pas fixée et l’idée est

même émise par Bondy d’installer la préfecture dans les deux maisons qui font angle

avec la rue de la Charité, ce qui a pour effet de retarder encore les travaux863. En mai

1811, quatre maisons sur cinq sont réédifiées du côté de la Saône – manque celle

du centre, la maison Dubost – mais les façades ne sont pas terminées. Du côté du

Rhône, par contre, une seule maison est achevée. Les quatre autres ne sont élevées

que jusqu’aux soubassements. Les édiles ont alors à solliciter du gouvernement la

prorogation de certaines exemptions fiscales dont bénéficient les entrepreneurs.

Prévues pour être décennales, elles n’ont pas encore profité aux investisseurs864.

On peut considérer que Napoléon a plutôt échoué à faire de la reconstruction des

façades de Bellecour le symbole de la réussite de son régime au service de Lyon.

Plutôt, la manière dont se déroule cette reconstruction illustre assez bien le sort du

régime impérial et son lien avec la mairie unique. Le volontarisme de la municipalité,

principalement du maire, ne se dément pas. Il est, autant que faire se peut, soutenu

par le gouvernement et son représentant départemental mais nettement contrarié par

des imbroglios juridiques et par la contrainte financière. Autant que la limitation des

moyens financiers, le manque de prérogatives contraignantes vis-à-vis des

propriétaires – la municipalité n’a aucun droit d’expropriation – explique d’ailleurs

globalement la lenteur de la politique municipale dans le domaine de l’urbanisme et

de l’aménagement. Napoléon lui-même est suffisamment conscient des difficultés

que rencontre ce projet si symbolique pour refuser que soit édifiée au centre de la

862

AML, 321 WP 025. Traités de cession aux entrepreneurs. Les sommes concernées sont de 20 000 francs dans

le cas des traités conclus entre la ville et les entrepreneurs Hotelard, Rey-Giraud, Giroud et Perrin du 5 octobre

1809 ; 25 000 francs dans le cas des traités Hotelard frères et Rey-Giraud de la même date ; 15 000 francs dans le

cas des autres traités Hotelard frères et Rey-Giraud du 5 octobre ; 15 000 francs dans le cas du traité Hotelard du

18 mars 1811 ; 35 000 francs dans celui du traité conclu avec Rey-Giraud le 24 avril 1811. 863

AN, F1c

III Rhône 5 ; AML, 1217 WP 033. Séance du 7 mai 1811. 864

Ibid. Séances des 18 et 31 mai 1811.

332

place une statue le représentant tant que les façades ne sont pas terminées865. La

chute de l’Empire survenant avant la réédification des façades, la statue équestre de

l’Empereur des Français n’orna finalement jamais l’emblématique place Bellecour.

2. Aménager la ville

2.1. Maîtriser et utiliser la Saône et le Rhône

Lors de la visite que Napoléon effectue avec Joséphine à Lyon du 10 au 16 avril

1805, l’empereur prend soin de connaître l’état de l’aménagement de la Saône et du

Rhône. Il se rend en effet le 12 avril au matin sur les sites des principaux ponts et

quais de la ville ainsi que sur celui de la digue de la Tête d’Or866. Il sait et souligne

l’importance pour la ville, son développement, ses approvisionnements mais aussi

ses exportations, de la maîtrise des deux cours d’eau qui l’alimentent, la traversent et

la contraignent tout à la fois. Napoléon prend, depuis le palais de l’archevêché, une

série de décrets datés du 25 germinal an XIII (15 avril 1805) parmi lesquels figure la

décision de permettre la réparation de la digue de la Tête d’Or qui, située en amont

de l’agglomération, protège partiellement la cité des crues. L’État s’engage à

participer pour moitié et jusqu’à hauteur de cent mille francs aux travaux

indispensables. Un an plus tard, l’adjoint Sain-Rousset qui préside le conseil à la

place du maire fait état d’un coût prévisible des travaux de soixante mille francs et,

en conséquence, demande à ce que le gouvernement prenne en charge la totalité

des frais. Autorisé par le préfet d’Herbouville à délibérer sur le sujet, le conseil suit

son président867. C’est en vain que les édiles renouvellent leur vœu et, finalement,

les travaux effectués sur la base des devis et des plans dressés par les ingénieurs

des Ponts et chaussées sont financés à parts égales (trente mille francs) par l’État et

865

C’est dans sa séance du 10 février 1810 que le conseil prend connaissance de cette décision de Napoléon :

« J’approuve la délibération du Conseil municipal, je verrai avec plaisir une statue au milieu de ma bonne ville

de Lyon ; mais je désire qu’avant de travailler à ce monument, vous ayez fait disparaître toutes ces ruines, reste

de nos malheureuses guerres civiles. J’apprends que déjà la place Bellecour est rétablie. Ne commencez le

piédestal que lorsque tout sera achevé. » : AML, 1217 WP 032. 866

DELANDINE, Passage à Lyon de leurs majestés…op. cit. 867

AML, 1217 WP 030. Séance du 29 avril 1806.

333

la ville868. Or, en lien avec le vaste chantier d’endiguement proprement dit, se pose la

question de l’acquisition de terrains adjacents afin de protéger certaines propriétés

des hospices et d’assurer la canalisation du fleuve ainsi que le tracé de son cours qui

tend à dévier vers l’Est. Les terrains sont la propriété de la commune de

Villeurbanne. Sur le rapport du conseiller La Roue, sept cent quatre-vingts ares sont

acquis aux frais de la ville869. Il convient de ne pas se méprendre sur l’importance de

l’effort entrepris souvent signalé comme l’une des grandes réalisations du règne.

Lors du bilan de l’activité de la ville en matière de travaux publics qu’il dresse en mai

1807, Fay de Sathonay met en lumière le peu de réalisations et le met en relation

avec la situation « délicate » des finances municipales 870 . L’État assiste ici

parcimonieusement l’effort de la municipalité et se garde d’inciter les édiles à le

prolonger. En effet, au cours de l’ensemble de ces débats, Sain-Rousset insiste sur

l’intérêt qu’il y aurait pour la ville à conduire un projet d’endiguement qui concernerait

la totalité de la traversée de Lyon par le Rhône et la Saône. Il fait en conséquence

archiver, après avoir longuement présenté et commenté chacun d’entre elles, les

sept expertises rendues sur le sujet871. Aucun prolongement n’est donné à cette

initiative sous l’Empire. En février 1812, une crue exceptionnelle du Rhône et de la

Saône inonde d’ailleurs de vastes portions de la ville, notamment au Sud de

Bellecour, et interrompt les travaux entrepris à Perrache872.

Si la canalisation du Rhône et de la Saône ne connaissent pas d’autre avancée

significative, une intense activité caractérise la période en ce qui concerne leur mise

en valeur c'est-à-dire l’aménagement des quais, des ports et des ponts.

2.2. Améliorer la voirie

Sous le Consulat et l’Empire, un effort considérable est produit par les différentes

autorités pour adapter la voirie lyonnaise aux exigences des temps nouveaux. Cet

effort s’accroît à partir de septembre 1805, le maire unique jouant un rôle essentiel

868

Ibid. Séances des 1er

, 5 et 10 mai 1806. 869

Ibid. séance du 21 juillet 1806. 870

Ibid. Séance du 1er

mai 1807. 871

Ibid. Séance du 10 mai 1806. 872

AN, F1c

III Rhône 5. Rapport du préfet (1er trimestre 1812).

334

dans l’impulsion mais aussi la réalisation des actions d’urbanisme. La plupart du

temps, le maire de la ville décide sans consulter son conseil des mesures générales

que le gouvernement veut bien reconnaître comme étant du ressort de la

municipalité. Tout au plus les édiles sont-ils informés des clauses des traités

d’adjudication conclus avec les entreprises chargées des opérations de démolition,

de construction, d’alignement ou encore de pavage qui se multiplient. Certains

chantiers sont plus problématiques que d’autres soit parce qu’ils suscitent des

oppositions de la part des riverains soit parce qu’ils ont une incidence imprévue sur

le budget de la commune. Des commissions sont alors mises en place qui

permettent au conseil de délibérer mais il faut convenir que, souvent, les questions

abordées sont périphériques. Les choix principaux, les décisions stratégiques sont

prises par le gouvernement, parfois par le truchement du préfet. Quelques décisions

importantes émanent du maire.

Dans l’abondance des sources locales traitant de ces questions, il est possible de

repérer quelques préoccupations récurrentes.

Les opérations de démolition et de déblaiement touchent l’ensemble de

l’agglomération et ne cessent jamais sur la période mais quelques secteurs sont plus

particulièrement concernés qui se concentrent sur les quais de Saône.

En amont du pont de pierre, rive droite, le quai de Bourg Neuf est particulièrement

problématique. Partiellement effondré, il offre une chaussée étroite, défoncée,

encombrée de gravas alors même qu’il forme partie de la route qui, venant du Nord,

permet d’entrer dans Lyon et l’actif quartier du Change après avoir passé la porte de

Vaise. Les travaux, sous l’Empire, ne cessent jamais d’y être considérés comme

prioritaires. Le déblaiement, la construction d’un mur sur la longueur du quai

occupent chaque année des entreprises que la ville demande à l’État de payer pour

moitié compte tenu du classement attendu de la voie en route de première ou

deuxième classe873. Les habitants réclament des indemnisations à la hauteur des

inconvénients subis mais le maire et le conseil refusent ce qu’ils considèrent comme

une surenchère874.

En aval, c’est le quai de la Baleine dont la chaussée est restaurée et élargie. Rive

gauche, le bas du pont de pierre, la rue Sainte Côme et celle de la Pêcherie sont

873

AML, 1217 WP 030. Séance du 8 mai 1807. 874

Voir notamment les séances des 25 janvier 1806, 21 juillet et 15 décembre 1810 : AML, 1217 WP 030-033.

335

placés en 1808 en tête des quartiers à détruire partiellement pour dégager la voirie et

en améliorer la salubrité875. Ces chantiers progressant, ce sont d’autres tronçons des

rives de la Saône qui commencent à être aménagés à compter de 1812. Les travaux

débutent cette année-là en aval du pont de pierre, rive gauche, jusqu’au quai des

Célestins mais aussi de part et d’autre de Bourg Neuf, entre les ponts rétablis de

Serin et Saint Vincent876.

À la fin de l’Empire, le passage de la Saône peut se faire en cinq points, de Serin

à Ainay. Le financement du rétablissement des trois ponts de bois a été l’objet de

difficiles tractations. Le pont de Serin est partiellement payé par les hospices qui

prévoient d’y rétablir un péage et auxquels le gouvernement avance cent mille

francs877. Un deuxième pont en pierre, celui de Tilsitt, permet le prolongement du

trafic vers le Sud et la rive droite de la rivière offre une route praticable qui n’oblige

plus les voitures à emprunter la très malcommode rue Saint Jean encombrée de

« chariots chargés de balles de coton et de garances, de caisses de meubles et de

quincaillerie » qui accrochent les « enseignes ou la montre des débitants »878.

Le long du Rhône, la situation est moins détériorée au début du mandat de Fay

de Sathonay. D’ailleurs il s’agit non pas de déblayer pour rendre praticable mais

d’embellir pour rendre plus agréable. Le quai de Bon Rencontre qui s’étend des

Cordeliers au pont de La Guillotière est établi en promenade en 1806. On plante

d’arbres les secteurs méridionaux à partir de l’Hôtel-Dieu, on vérifie régulièrement les

six abreuvoirs dont sont équipées les voies en bordure du fleuve, on entretient les

chemins de halage qui se trouvent en contrebas de certains tronçons, rive droite, ou

du côté de La Guillotière. À peine évoque-t-on parfois des problèmes de pavage, sur

le quai Saint Clair en particulier879. Rien en tous cas qui puisse permettre de refuser

la description avantageuse que fait de ces « lieux enchanteurs » le conseiller Bernat,

en juin 1811, alors même qu’il se plaint du retard pris par l’aménagement des quais

de Saône :

875

AML, 1217 WP 031. Séance du 25 juillet 1808 ; AN, F² II V Rhône 3.1, Élargissement de la rue Sainte Côme

(1810-1812). 876

AML, 1217 WP 035. Séance du 1er mai 1813. 877

Décret impérial du 12 août 1807. 878

C’est la pittoresque description qu’en fait Bernat dans un rapport du 9 juin 1812 : AML, 1217 WP 034. 879

AML, 1217 WP 032. Séance du 15 mai 1809.

336

Rien n’est beau, rien n’est agréable comme les quais du Rhône. Des allées d’arbres

garantissent de l’ardeur du soleil. Des bancs incitent au repos ; l’ensablement des trottoirs

bien entretenus et bien aérés engage à la promenade. Tout y est bien fait et commode880

.

L’état de l’ensemble des rues de la ville est progressivement restauré en même

temps que les principales d’entre elles sont élargies à la faveur des mesures

d’alignement. Puisque leur état est dégradé au sortir de la Révolution881, de vieilles

rues sont repavées : la rue Ferrachat et la montée du Gourguillon, à l’été 1809, la

montée de Choulans, à l’automne 1810. D’autres ne le sont pas encore au

crépuscule de l’Empire. Dans le quartier privilégié du Midi, la rue Laurencin, longue

de trois cent cinquante mètres et large de dix, fait l’objet d’un devis : il en coûterait

7 500 francs pour la paver882. Moins surprenant, au Sud de l’Arsenal, vers la Saône,

la rue Vaubecour est l’une des dernières de la ville à être élevée par le dépôt de

matériaux de remblais provenant de plusieurs chantiers de démolition. On peut

envisager son pavage pour l’année 1814. Au Nord de la chaussée Perrache, s’étend

le cours Napoléon longeant la rive droite du Rhône. Il correspond à une route de

première classe sur le tronçon qui file jusqu’au Sud depuis la place Grolier. Près de

neuf cents mètres de perré doivent être construits le long de cet axe destiné, depuis

le temps du Consulat, à devenir l’une des plus belles promenades de la ville. Deux

cent cinquante huit mètres sont réalisés au cours des deux premières années de

l’Empire pour la somme de 50 000 francs en même temps que de nombreux arbres

sont plantés à l’initiative de Sain-Rousset, alors maire du Midi. Les travaux sont

ensuite interrompus en raison de la faiblesse des moyens financiers de la ville avant

que l’architecte Hotelard dépose sur le bureau du maire, au début de l’année 1810,

une étude et un plan prévoyant l’achèvement des travaux et notamment la

construction de six cent vingt-trois mètres de perré. Le conseil suit en fait l’évolution

d’un chantier sur laquelle il n’a aucune prise. Des travaux reprennent en 1810 mais

le directeur général des Ponts et Chaussées refuse quelques mois plus tard, à la

demande du maire lui-même, le projet de prolongement du perré883. L’empereur

alloue pourtant à la ville un budget de 55 000 francs et approuve les plans d’Hotelard

880

AML, 1217 WP 033. Séance du 28 juin 1811. 881

AN, F1c

III Rhône 9. Lettre du préfet Najac au ministre de l’Intérieur (25 germinal an X). L’état du pavé des

grandes routes dépendant directement de l’État semble meilleur. 882

AML, 1217 WP 036. Séance du 6 décembre 1813. 883

Le conseil a entériné l’adjudication des travaux en mars 1810. AML, 1217 WP 033. Lettre du préfet au maire

en date du 25 mai 1811. Voir la relation des événements par Guerre lors de la séance du 1er

juillet 1811 : ibid.

337

par son décret du 6 octobre 1810. Ces décisions contradictoires ont pour effet de

provoquer une vive opposition entre le maire Fay de Sathonay et son premier adjoint

Sain-Rousset qui tous deux font appel au préfet. Le conseil, à la suite de sa

commission des travaux publics, prend le parti de l’adjoint contre le maire884. Le

manque de coordination entre le gouvernement et les Ponts et Chaussées, les

divisions au sein de l’exécutif municipal, l’incapacité du conseil à imposer ses vues

se conjuguent pour de bloquer un chantier essentiel au développement de la partie

méridionale de la presqu’île.

En juillet 1808, le maire Fay de Sathonay présente au conseil un rapport général

sur le sujet du classement des voies bientôt suivi d’un projet de numérotage des trois

cent cinquante rues de la ville 885 . Dans le même temps, le maire réclame

officiellement l’établissement d’un plan général conçu comme un outil efficace en vue

de planifier le développement de la cité. Il s’agit de favoriser la fluidité des

communications dans une ville dont la vocation de carrefour s’affirme :

Si dans les communes ordinaires les communications doivent être commodes et faciles pour

la libre circulation des personnes à pied, des voitures et aussi pour le transport des

marchandises, quelle attention l’Administration ne doit-elle pas apporter à se procurer les

mêmes avantages dans la seconde ville de l’Empire qui forme aujourd’hui le point central

entre le nord et le midi de la France886

?

Les édiles ne font en fait que répondre à l’impulsion donnée par Napoléon. Le

décret impérial du 27 juillet 1807 systématise à toutes les villes du pays l’obligation

de soumettre au gouvernement un plan géométral dans un délai de deux ans. Fay de

Sathonay passe en conséquence un traité avec Coillet que le conseil valide le 12

septembre 1808887. Alors qu’il livre une série de tracés couvrant la majeure partie de

la ville, à l’été 1813, le coût des travaux de levée du plan de Coillet est contesté par

884

Ibid. Le maire, pour s’opposer au chantier, évoque le risque de voir le cours du Rhône s’éloigner des rives

anciennes. Les conseillers ne croient pas en cette éventualité, confiants en l’efficacité des digues de la Tête d’Or

et des Brotteaux. 885

AML, 1217 WP 031. Séances du 25 juillet et du 14 septembre 1808. Une délibération sollicitant un projet de

numérotage des rues a été votée sous les trois mairies, le 25 floréal an XII (15 mai 1804). En novembre 1810,

toutes les rues anciennes sont munies de plaques. 886

Ibid. Séance du 25 juillet 1808. 887

Ibid. Séance du 12 septembre 1808. Le procès-verbal d’adjudication est signé le 30 juillet 1808. Il accorde le

chantier du plan géométral à Coillet pour la somme de 60 000 francs. Coillet est alors connu pour avoir été

employé dans le cadre d’une opération d’assèchement des prairies, aux Échets, dans la Dombes. Il a réalisé le

plan de nivellement ainsi qu’un cadastre général et parcellaire.

338

les édiles888. Afin d’offrir un cadre réglementaire à une entreprise qui dépasse dans

son objet, dans son prix et dans ses délais de réalisation toutes les prévisions

initiales, Coillet est nommé voyer de la ville en janvier 1814. Ni la levée du plan

géométral ni, bien sûr, les opérations d’alignement ne sont achevées à la chute de

l’Empire889.

2.3. Les cimetières

La législation napoléonienne en matière de sépultures insuffle un nouvel élan au

projet ancien de construction de nouveaux cimetières et propulse aussitôt la question

au rang d’enjeu révélateur des prérogatives municipales.

Le décret impérial du 23 prairial an XII (12 juin 1804)890, préparé par Chaptal891,

porte pour les communes l’obligation de déplacer leur(s) cimetière(s) en dehors de

l’enceinte des « villes, bourgs, villages » 892 . Afin de faciliter l’exécution de cette

mesure, il est prévu d’alléger les procédures d’acquisition des terrains par les

municipalités. Cette décision de l’État central rencontre à Lyon un vœu depuis

longtemps formulé par les autorités municipales confrontées au problème de la

saturation des cimetières existant à Saint Just et à La Croix-Rousse. Un terrain est

acheté par la ville dès avant 1789 aux confins de Villeurbanne et de Bron afin

d’accueillir un vaste cimetière et en juillet 1793, un autre est acquis sur la commune

de La Guillotière dans le même but. Cependant les événements se conjuguent pour

interrompre le projet en repoussant « bien loin (…) les douces conceptions de la

morale et de la philanthropie »893. Si le sujet réapparaît sous le Directoire, ce sont

bien les impulsions données par les autorités consulaires puis impériales qui

redonnent vie au projet. Le 26 pluviôse an XIII (15 février 1805), une délibération du

conseil municipal affecte le terrain de La Guillotière à la réception d’un nouveau

cimetière conçu pour être l’unique de l’agglomération894. Alors que des travaux sont

888

AML, 1217 WP 036. Séances des 25 juin et 8 juillet 1813. 889

Sur l’entreprise de Coillet : MERMET, Claude, « Coillet et le premier plan de Lyon à grande échelle », dans

Forma Urbis. Les plans généraux de Lyon, XVIe-XX

e siècles, Lyon, Archives municipales de Lyon, 1997.

890 Annexe II.

891 BERTRAND, Régis, « Le ministre de l’Intérieur : la législation des sépultures », dans PÉRONNET, Michel

[dir.], Chaptal, Toulouse, Privat, 1988, p.177-190. 892

Il faut que le cimetière soit clos et situé à plus de 35 mètres de l’enceinte urbaine. 893

Ibid. Séance du 21 juillet 1806. L’expression est de Petit. 894

AML, 1217 WP 029.

339

entamés par le maire du Midi, une délibération du 20 thermidor an XIII (8 août 1805)

se prononce en faveur de l’abandon du projet et de l’achat d’un terrain, cette fois

dans le quartier des Sablons, moins éloigné de la ville et plus accessible. Le préfet

donne son accord à ce changement le 30 brumaire an XIV (21 novembre 1805). On

se dirige donc vers la construction d’un vaste cimetière unique, sur un terrain de 532

ares acquis pour 6 384 francs. Il est entendu que le maire peut accorder aux familles

des permis d’inhumer dans des terrains particuliers, à la campagne.

Lors de la séance du 14 juillet 1806, le conseiller Petit peut proposer un

règlement encadrant le transport des corps dont la responsabilité incombe aux

autorités civiles895. Compte tenu de l’éloignement du site, le transport des corps se

fera à l’aide de chars ce qui confèrera au cortège plus de noblesse « que dans

l’usage qui courbe sous le poids d’un homme privé de vie quatre hommes menacés

d’en être bientôt dépouillés comme lui ». La plupart des familles auront recours à un

« service communal obligé » contre le paiement à la commune d’une taxe fixe de dix-

huit francs pendant que les plus fortunées pourront préférer un « service de luxe » à

condition d’acquitter un montant pouvant varier de cinquante à cent cinquante

francs896. Un entrepreneur de pompes funèbres est choisi pour six ans. Il est payé

par la mairie au moyen de la taxe pesant sur le « service communal obligé » ou bien

directement par les familles dans le cas des prestations les plus sophistiquées. La

commune exige de l’entrepreneur qu’il tienne, pour le service obligé, en permanence

à disposition trois chars (et quatre chevaux de même couleur). En outre, le règlement

municipal prévoit le nombre et la qualité des employés chargés du transport des

corps, la marche des convois du domicile du défunt à l’église et de l’église au

« champ du sommeil », l’étendue, la profondeur et la distance des fosses.

L’action des édiles correspond à un souci d’ordre sanitaire, que les décrets

impériaux font prévaloir, combiné à une ambition urbanistique et au développement

d’une nouvelle sensibilité face à la mort. Le rapport du conseiller municipal Petit

justifiant longuement le choix du site unique des Sablons à La Guillotière est

particulièrement révélateur du faisceau des préoccupations qui meuvent alors les

édiles :

895

AML, 1217 WP 030. 896

Ces sommes s’entendent pour des corps d’adultes. Les corps des enfants de moins de douze ans sont

transportés pour un prix moitié moindre.

340

Vous jugeâtes que la sépulture d’une grande cité devait être un grand monument ; que la

douleur pardonnerait volontiers le luxe des cyprès et des ornements funèbres, et que cette

douleur, peut-être, aurait quelque chose de plus solennel et de plus religieux lorsqu’elle verrait

dans la même enceinte toutes les autres douleurs réunies à la sienne et que ses larmes

seraient évoquées par d’autres tombeaux et d’autres larmes897

.

Or, alors même que le projet semble tout à fait entériné, le cardinal archevêque

de Lyon soutenu par une pétition de curés et de paroissiens s’élève contre le

cimetière unique et propose deux sites, à Saint Just et à La Croix-Rousse.

En fait, Fesch et le clergé sont profondément hostiles à l’institution d’un cimetière

unique à La Guillotière et font maintenant massivement pression pour que le projet

échoue. Ils critiquent le choix d’un site éloigné qui nécessite que les cortèges

passent le pont de La Guillotière, décrit comme excessivement étroit, long et

encombré, avant de traverser le faubourg le plus animé de l’agglomération et sa

grande route particulièrement fréquentée, sans compter que les crues du Rhône

peuvent interrompre la circulation certains jours. Ils calculent que, depuis la tête du

pont, rive droite, il faut normalement « au grand trot » vingt-quatre à vingt-cinq

minutes pour arriver au cimetière et qu’un cortège funèbre ne saurait y parvenir en

moins d’une heure898. Le cardinal ne va pas jusqu’à demander la suppression du

cimetière de La Guillotière mais il demande qu’y soient inhumés seulement les

habitants du faubourg, les défunts des hospices et les non-catholiques. Il sait se

montrer persuasif puisqu’une lettre du préfet au maire informe à la fin de l’année les

autorités municipales que le gouvernement désire désormais la création d’au moins

trois cimetières pour Lyon, dont celui que l’on a commencé à aménager à La

Guillotière899.

Parmi les sites envisagés, celui de Saint Just – il s’agit du site de Loyasse –

reçoit l’assentiment d’un maire que l’on devine contraint de se ranger aux exigences

du clergé et du gouvernement et qui se rend sur place pour un nouvel examen des

lieux. Autrefois décrit comme inapproprié, le terrain paraît dès ce moment « par sa

situation et son éloignement de la ville, réunir les conditions voulues par les lois et,

par son étendue et sa position, parfaitement convenir à la destination que l’on se

897

AML, 1217 WP 030. Séance du 21 juillet 1806. 898

Ibid. Séances du 19 juillet 1806 et du 12 mars 1807. 899

AML, 473 WP 001 /2, Cimetière des Sablons. Lettre du préfet en date du 6 décembre 1806.

341

propose de lui donner. Cet emplacement forme une grande plate-forme en vignoble

au revers de la montagne de Fourvière contre les prairies de Champvert ; l’endroit

est élevé est n’est vu par aucune maison voisine, si ce n’est que de très loin »900. Au

printemps 1807, c’est le conseil municipal qui, par la voix de Boulard de Gatellier, se

prononce en renâclant pour la création de trois cimetières901. Décidément, « il est

peu régulier, pour une assemblée délibérante, de revenir sur des vœux tant de fois

émis et approuvés ». Le site des Sablons est confirmé, celui de Loyasse « vis-à-vis

de la guérite des quatre vents » est acquis pour trente-deux mille francs et les édiles

s’engagent à se mettre en quête d’un troisième terrain, à La Croix-Rousse. En fait, la

délibération du conseil ne fait qu’approuver a posteriori l’action du maire qui, seul, a

négocié et passé l’acte de vente. Les édiles renoncent donc à regret à un projet mûri

depuis les premières années de la Révolution dont la législation napoléonienne

rendait pourtant enfin la réalisation possible. Non seulement désavoués lorsque de si

nombreuses de leurs délibérations sont contredites, ils sont brutalement écartés du

processus décisionnel qui s’accélère sous la pression d’autorités concurrentes –

l’archevêché – ou de tutelle – la préfecture – faisant du maire l’unique outil opératoire

de la politique gouvernementale.

La cause est entendue. Les nouveaux cimetières lyonnais seront établis selon

les vœux du clergé appuyés par le gouvernement contre l’avis de la municipalité. Le

30 juillet 1807, le préfet exige du conseil qu’il revoie les taxes d’inhumation jugées

trop chères ce qui amène les édiles à se tourner, chose nouvelle, vers les treize

paroisses et succursales de la ville pour leur demander de participer à la rédaction

d’un nouveau règlement tarifaire902. Dès lors, les opérations foncières et de voirie

conduites par le maire se succèdent qui conduisent à l’adoption en 1811 par le

conseil municipal du plan définitif du cimetière de Loyasse 903 . Seule ambition à

laquelle restent attachés les membres du conseil, celle qui consiste à rendre toute

leur pompe aux cérémonies d’inhumation dont la législation des morts établie par

l’Empire attribue la responsabilité à l’autorité municipale, le clergé étant chargé du

service des défunts rendu au domicile et à l’église904. Présentant un rapport sur le

900

AML, 1217 WP 030. Séance du 12 mars 1807. 901

Ibid. Séance du 2 mai 1807. 902

AML, 1217 WP 031. Les tarifs sont effectivement revus à la baisse. Lorsque le cimetière de Loyasse ouvre,

le principe de gratuité est adopté pour les indigents, la taxe du « service commun » est fixée de 5,60 à 12 francs. 903

AML, 473 WP 001.7, Cimetières. Loyasse, mur de clôture ; AML, 3 S 00003. Plan général du cimetière de

Loyasse par Gay. 904

Décret du 18 mai 1806 : annexe II

342

sujet du transport des corps, Jean Guerre se fait à nouveau l’écho de cette

préoccupation qui s’avère constante et profonde sous l’Empire :

Le respect des morts est une des premières vertus des vivants : celui qui n’arrosa jamais de

ses larmes le tombeau de ses frères ne les aima jamais. Malheur au peuple dans qui un

sentiment si naturel viendrait à s’affaiblir : il n’y a plus de lien entre les hommes si l’instant de

la mort ne laisse plus de devoirs à remplir905

.

L’affirmation de cette préoccupation édilitaire en rapport avec l’évolution des

mentalités ne saurait masquer en l’espèce la faiblesse du pouvoir d’influence du

personnel politique local.

2.4. Les fontaines

L’alimentation en eau de la ville est de longue date insuffisante. Elle est une

préoccupation permanente des trois mairies sous le Consulat comme en témoigne la

nombreuse correspondance échangée à ce sujet entre les édiles, le commissaire

général de police et le préfet906.

Le souci de procurer de l’eau aux habitants et de lutter contre la privatisation des

ressources est ancien. Pour ne remonter qu’aux premières années de la Révolution,

on organise, lors de la vente des biens nationaux, le transfert vers la collectivité de

ressources dont elle était jusque-là privée. Lorsque le citoyen Peilleux acquiert des

bâtiments claustraux, vignes et dépendances sur les Génovéfains, le bref

d’adjudication stipule que « demeure réservée à la Nation, pour en faire jouir le

voisinage, la moitié du produit de la source qui verse ses eaux dans le réservoir de la

grande cour (…). Il sera établi aux frais de la commune, dans ce réservoir, deux

prises d’eau de même dimension et même niveau, l’une pour continuer de fournir des

eaux dans les bâtiments et jardins (privés), l’autre pour fournir une fontaine

extérieure »907. Il faut néanmoins attendre dix ans et le Consulat pour que soit prise

905

AML, 1217 WP 033. Séance du 18 juin 1811. 906

AML, 329 WP 1, Alimentation en eau de la ville. Correspondance des maires. 907

AML, 468 WP 9, Fontaine monumentale des Deux Dauphins. Bref du 18 août 1791.

343

la décision de construire sur les lieux une fontaine en vue d’utiliser « les eaux que la

nation s’est réservées »908.

À compter de vendémiaire an XIV, la municipalité conduit en ce domaine une

action qui se caractérise à la fois par sa constance et par sa modestie. En effet,

aucune action de grande ampleur n’est conduite à Lyon sous l’Empire mais plutôt

une série de mesures illustrant la volonté pragmatique d’améliorer l’accès à l’eau

pour les habitants de la ville en tenant compte des inégalités qui affectent l’espace

urbain909. Pourtant, en 1808, le maire Fay de Sathonay travaille à la levée d’un plan

général de toutes les sources et fontaines et s’affirme à la fois soucieux des

disparités qui affectent le partage de la ressource entre les différents quartiers et de

la rareté de cette même ressource. Il imagine alors un vaste projet qu’il présente aux

conseillers comme une simple « idée » et qui « consisterait à détourner du fleuve du

Rhône une masse d’eau considérable que l’on porterait par l’effet des machines

hydrauliques, dans des réservoirs assez spacieux construits sur l’une de nos

montagnes, d’où l’eau serait ensuite distribuée continuellement dans les différentes

parties de la ville, soit pour l’usage des habitants soit pour l’irrigation et le

nettoiement des rues »910. Aucune suite n’est donnée et le sujet n’est plus abordé en

conseil.

La contrainte financière demeure l’obstacle essentiel auquel se heurte la

municipalité dont la détermination est incontestable. Il faut dire que les édiles sont

constamment assaillis par les doléances des habitants de la ville qui se plaignent de

l’insuffisance des ressources en eau et du faible nombre des points de distribution.

De nombreux quartiers ne disposent pas d’accès à l’eau. Du coup, les pétitions

relatives aux pompes et fontaines de la ville se multiplient 911 . On signale des

prélèvements abusifs, on demande des réparations, de l’entretien mais aussi des

constructions nouvelles : dans le nouveau quartier des capucins, place Saint

Georges, place de la Trinité, rue des Farges… Les architectes et les ingénieurs de la

908

Ibid. Rapport de l’architecte Loyer, en date du 2 prairial an IX (22 mai 1801). Loyer est un futur conseiller de

la mairie unique. La décision est prise par le maire de l’Ouest, Bernard-Charpieux, futur adjoint de Fay, par

arrêté du 19 floréal (9 mai). Si le premier devis s’élève à moins de 3 000 francs, le coût définitif de la

construction de deux fontaines s’élève, en fructidor an XII (septembre 1804), à 9 797, 59 francs 909

Le préfet Verninac s’exclame, aux premiers jours du Consulat, devant le conseil municipal : « Les fontaines

semblent être plus spécialement la propriété du pauvre ! Cette considération vous les recommande ! » : AN, F 1c

III Rhône 5. Discours du préfet au conseil municipal (11 frimaire an IX – 2 décembre 1800). 910

AML, 1217 WP 031. Séance du 2 août 1808. 911

AML, 468 WP 9. Pétitions.

344

ville sont fréquemment saisis de ces questions. En conséquence, ils multiplient les

études et les devis. L’architecte Flacheron propose, en 1810, un complexe dispositif

de conduite souterraine aux abords de la rue de la vieille monnaie pour alimenter la

fontaine de la place des petits pères912. Lorsque s’en offre la possibilité, le maire

décide l’édification de fontaines nouvelles en réponse aux requêtes de ses

administrés. Une fontaine est construite dans le quartier neuf des capucins en

1808913, deux pompes sont installées en 1811 dans le quartier Saint Irénée où les

puits existent déjà, rue des Farges et place des Chevaucheurs, et où « la rareté de

l’eau sur les hauteurs (fait) regarder comme un bienfait inappréciable (leur)

établissement »914. Parfois, le coût trop élevé ou des contraintes techniques font

renoncer à une décision pourtant acquise en délibération du conseil municipal. Les

édiles renoncent par exemple à faire construire une pompe dans la montée du

Gourguillon après avoir entendu le rapport rendu par de Ruolz au nom de la

commission des travaux publics915.

La rareté de l’eau à Lyon est à l’origine de nombreux conflits et place certains

propriétaires dans la situation de devoir partager leurs ressources. Ainsi de cet

habitant du quartier Saint Georges, dans le jardin duquel se trouve une source, et qui

accepte que l’on puisse détourner le trop-plein rendu par sa propre fontaine vers une

fontaine publique construite spécialement sur la place de l’église916. À Saint Just, ce

sont plusieurs propriétaires qui captent l’eau d’un réservoir et « détournent

nuitamment les eaux au point que les fontaines qu’elles aliment(ent) sont taries ». Le

préfet du département, alerté par les habitants, somme le maire d’intervenir afin

d’assurer le service public917. Durant l’été 1807, une pétition des habitants de la

paroisse de Saint Irénée est adressée au maire pour se plaindre de ce que des

travaux effectués suite, déjà, à des requêtes de riverains, ont tari l’alimentation de la

fontaine et des puits existants. En période de sécheresse, on réclame de l’eau pour

912

Ibid. Fontaine des petits pères, courrier du 26 mars 1810. 913

AML, 1217 WP 031. Séance du 22 mars 1808. Le conseil municipal décide de la baptiser du nom de l’ancien

préfet défunt, Bureaux de Pusy. 914

AML, 1217 WP 033. Séance du 2 mai 1811 915

AML, 1217 WP 035. Séances des 19 et 28 décembre 1812. 916

Ibid. La dépense pour la ville est estimée alors à 5 000 francs. 917

AML, 329 WP 1. Lettre du préfet d’Herbouville à Fay de Sathonay, du 9 juillet 1807. « Il s’agit ici de

l’intérêt public et de réprimer une infraction (…) dont les conséquences sont incalculables dans ces moments de

sécheresse. J’ai, en conséquence, l’honneur de vous prier, monsieur le maire, de vouloir bien prendre de suite

telle mesure de police administrative qui vous paraîtra convenable pour que les habitants de ce quartier ne soient

pas privés plus longtemps des eaux dont ils ont joui jusqu’à ce jour ».

345

« les ménages » et on s’inquiète des incendies. La visite sur les lieux de l’architecte

Flacheron apprend au maire que le manque d’eau provient, plus sûrement que des

travaux de curage, du captage effectué abusivement par un propriétaire sous le

terrain duquel l’eau circule. L’architecte de proposer alors la fermeture de l’accès au

souterrain et au puits ; fermeture qui est effective en mars 1809. Le litige resurgit en

1814 lorsque la ville améliore son plan de captage des eaux pour alimenter la

fontaine des Deux Dauphins918.

Si la détermination de la municipalité, sans cesse aiguillonnée par les pétitions

des administrés, ne faiblit pas, il reste qu’aucun plan d’ensemble n’émerge malgré

les velléités de Fay de Sathonay et que l’empirisme est la règle tout au long de la

période. Au printemps 1813, le conseil débat encore de l’opportunité de construire de

nouvelles pompes et fontaines sur le terrain du claustral de la Déserte prévu pour la

construction d’une place publique mais aussi dans la rue de Jarente, dans le quartier

neuf des Trinitaires, dans les faubourgs de Saint Just et de Saint Irénée… Il revient

néanmoins à d’Albon de proposer une mesure bien plus ample qu’à l’accoutumée

lorsque le Nord de la ville est gravement menacé dans son alimentation. À l’origine

du problème, des éboulements et un contentieux avec des propriétaires, ceux du

domaine des Gloriettes, qui ont détourné les eaux alimentant le château d’eau et les

conduites fournissant les fontaines du Nord de Lyon. Puisque le prix à payer pour

résoudre durablement le problème risque d’être très élevé – on parle de plus de cent

quarante mille francs – d’Albon imagine le recours à la machine à vapeur :

Lorsque la nature se refuse, ou qu’elle est trop difficile à vaincre, il faut savoir recourir à l’art.

Les découvertes modernes indiquent un moyen puissant, moins dispendieux que les travaux

nécessaires pour rétablir les anciens conduits, et qui, d’ailleurs, fournirait une masse d’eau

supérieure à celle dont on jouissait : je veux parler de la pompe à feu. (…) En l’exécutant, on

procurerait à la ville près de 5 000 mètres cubes d’eau par heure. Cette eau, prise dans le

Rhône, au-dessus de la ville, serait très salubre et suffirait pour entretenir abondamment au

moins cinquante fontaines919

.

Finalement, l’urgence de la situation et la multitude d’avis et d’expertises

contradictoires conduisent le maire à se prononcer, en juin, en faveur d’une mesure

d’urgence consistant en le creusement et la construction d’une nouvelle galerie pour

918

AML, 468 WP 9. 919

AML, 1217 WP 035. Séance du 1er

mai 1813.

346

palier la carence le plus rapidement possible920. Pour un coût estimé à douze mille

francs, d’Albon est soutenu par le préfet Bondy. Les deux premiers maires de Lyon

sous l’Empire ont pourtant esquissé des projets ambitieux qui, s’il n’ont fait l’objet

d’aucune délibération du conseil ni d’aucune réalisation, traduisent à la fois la

pérennité et la modernité de l’ambition des édiles pour Lyon.

3. Élever Lyon parmi les villes de l’empire : le palais impérial

Les autorités et les élites lyonnaises entendent bien faire profiter à plein la ville du

bouleversement que constitue non seulement la création de l’Empire mais aussi la

mise en place d’un système napoléonien d’envergure européenne. Aussi, lorsque le

sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804), dans son article 16, prévoit que,

l’empereur devant voyager dans le territoire de la République, il y aura quatre sièges

impériaux dans quatre villes principales, nombreux y voient une opportunité à saisir

pour promouvoir Lyon sur la nouvelle scène. L’un de ses membres interpelle le

conseil sitôt le texte connu : « Ne croyez-vous pas que ce soit le moment de

demander que la ville de Lyon soit choisie pour un de ces sièges impériaux ? »921

L’idée est bien d’abord de faire bénéficier Lyon de la décision impériale et de la

hisser au rang de principale ville du nouvel ensemble. Naturellement, le conseiller

suggère un emplacement adapté à l’édification d’un monument si important et

propose, dans un premier mouvement qui reçoit l’assentiment des édiles, la place

Bellecour :

Cette place qui est déjà décorée du nom du Restaurateur auguste de la Patrie ne pourrait-elle

pas devenir son jardin ? Ces belles façades qui ont été abattues par les dévastateurs de la

France ne pourraient-elles pas se relever plus majestueuses et plus belles pour loger d’un

côté la famille Impériale, de l’autre les ministres et les grands dignitaires qui devraient

accompagner l’Empereur ? Ces deux façades ne pourraient-elles pas se lier par deux belles

grilles, et cet ensemble ne formerait-il pas un palais digne du héros qu’il devrait recevoir ? Si

surtout l’on supprimait les bâtiments existants entre ces façades et les deux fleuves922

.

920

AML, 1217 WP 036. Séance du 22 juin 1813. 921

AML, 1217 WP 029. Séance du 4 prairial an XII (24 mai 1804). Le procès-verbal de la séance ne nomme pas

l’orateur. Il ne s’agit pas du président de séance Parent mais peut-être de Regny qui est chargé ensuite de rédiger

la délibération. 922

Ibid. Le texte de la délibération et celui de l’adresse correspondante destinée à Napoléon sont adoptés lors de

la séance du 6 prairial (26 mai).

347

Cette première inclination confirme l’existence à Lyon d’un périmètre de la vie

officielle traditionnel dont Bellecour fait évidemment partie, entre l’archevêché et les

Terreaux, en même temps que l’aspect périphérique voire marginal du quartier

Perrache. Si l’état de déréliction du quartier du confluent préoccupe les édiles, là ne

se trouve donc pas l’origine du projet de palais impérial. Preuve en est le dépôt, en

mars 1805, sur le bureau du maire du Nord Parent puis sur la table du conseil

municipal 923 d’un plan d’embellissement du quartier de Perrache établi par

l’architecte Curten. Celui-ci prévoit des aménagements très importants en vue de

créer une vaste zone de loisir, comprenant un jardin pittoresque décoré de statues à

l’antique, accueillant notamment des bassins nautiques et une laiterie, bordé côté

Rhône d’une promenade plantée et limité côté Saône par une succession de criques

enrochées924. Aucune allusion à la possibilité de dédier le site à la construction d’un

palais pour l’empereur dont l’idée occupe pourtant les édiles depuis près d’un an.

Ce n’est que plus tard, après le passage à Lyon du couple impérial, en avril

1805, qu’émerge l’idée de régler opportunément à la fois le problème de

l’assainissement et de l’aménagement nécessaire du confluent et celui de la situation

financière de la compagnie Perrache925 en affectant les terrains à la construction de

la demeure impériale.

La paternité du projet revient sans doute au maire Fay de Sathonay qui agit sans

délibération préalable du conseil municipal auquel, après avoir lu les deux

conventions passées trois jours auparavant avec le directeur général de la

compagnie Perrache Laurencin926 pour l’acquisition par la ville des terrains dits de

l’île Perrache situés au Sud des remparts d’Ainay, il présente sa résolution au

printemps 1806 :

L’Empereur vient d’organiser le système fédératif dans tous les États de l’Europe qui doivent

raffermir le vaste Empire français, assurer sa gloire et sa prospérité. Les belles contrées de

l’Italie faisant partie de ce système digne du héros dont le génie n’a point de bornes, il en

résulte que Lyon va devenir le centre des vastes États de notre Auguste Souverain. (…) Les

circonstances qui se préparent peuvent assurer à jamais la prospérité de votre cité ; vos

923

AML, 1217 WP 029. Séance du 21 ventôse an XIII (12 mars 1805) 924

Mémoire de A. Curten pour un projet d’embellissement de la partie méridionale de la ville, s.d. 925

AML, 49 II 003, Compagnie Perrache. Fonctionnement, délibérations. Documents financiers ; AML, 49 II

013, Compagnie Perrache. Biens immobiliers. Plan, état des terrains. 926

Il s’agit du futur adjoint du maire, nommé en 1811.

348

magistrats ont dû les saisir et vous ne laisserez pas échapper l’occasion qui se présente de

donner à notre Souverain chéri de nouveaux témoignages de votre dévouement, de votre

amour et, à votre ville, le gage le plus assuré de sa prospérité future. Pour assurer cette

prospérité, Messieurs, pour donner à notre ville tout l’éclat, toute l’importance qu’elle doit

avoir, je viens vous proposer de sanctionner l’acquisition que j’ai faite de l’île Perrache, de

l’offrir en don à sa Majesté et de la prier de bien vouloir y installer un palais impérial927

.

Conséquemment, une députation composée du maire accompagné des

conseillers Arthaud de la Ferrière, Boulard de Gatellier, Champanhet, Devillas et

Leclerc de la Verpillière est chargée de transmettre « aux pieds du trône » l’adresse

du conseil928. C’est chose faite le 23 mars 1806.

Napoléon se montre favorable au projet et demande à l’architecte Fontaine d’en

étudier la possibilité929. Plusieurs visites sur le site, la première dès avril 1806, lui

permettent de dresser les plans d’un vaste aménagement urbain dont le palais

proprement dit n’est qu’un élément. Il s’agit d’abord d’endiguer la Saône, d’assécher

les marais qui subsistent et de combler les mares, les canaux et la gare d’eau

construits par la compagnie Perrache. Il s’agit ensuite d’édifier le palais impérial

composé d’un bâtiment central à deux niveaux flanqué de deux ailes ouvrant sur une

vaste esplanade servant de place d’armes930. Dans le projet initial, des communs à

trois niveaux sont reliés par quatre péristyles au pavillon principal qui compte deux

appartements et six logements. Un parc paysager reprenant en partie les plans de

Curten est prévu à l’arrière du palais qui, lui, regarde vers la ville931.

Incontestablement, le maire Fay de Sathonay et les édiles ont su

remarquablement saisir l’opportunité qui s’offrait de promouvoir un projet

urbanistique prestigieux et très avantageux pour les intérêts lyonnais. La municipalité

entretient régulièrement l’empereur lui-même de l’avancée de ses démarches,

profitant de la nature du projet pour tenter d’établir une relation plus directe avec le

sommet de l’État932. La ville devient propriétaire du site à faible coût puisque le maire

négocie l’achat de tous les terrains situés au Sud de la barrière de l’octroi, compris

927

AML, 1217 WP 030. Séance du 11 mars 1806. 928

La députation est indemnisée à hauteur de 12 000 francs. 929

DUTACQ, François, « Un projet de palais impérial à Lyon », Revue des Études Napoléoniennes, 1924, p.179-

184. 930

AML, 3 S 00227. Plan de la presqu’île de Perrache avec le projet de palais impérial, 1807. La place d’armes

correspond à l’emplacement de l’actuelle place Carnot 931

AML, O 1 114. Plan (Fontaine) en date du 18 août 1812. Des vues du palais dessiné par Fontaine en 1810

sont proposées et référencées sur le site http://www.patrimoine-de-france.org (notice IA69000817). 932

AN, AFIV

1308 (dossier 5). Rapport de Gérando sur le palais impérial (2 juillet 1808).

349

entre le Rhône à l’Est et la Saône à l’Ouest jusqu’à la confluence, pour trois cent

mille francs payables en trois annuités, de 1807 à 1809 même si l’affaire est retardée

en raison de la contestation des pouvoirs de Laurencin par des actionnaires et des

descendants d’actionnaires qui sont en outre divisés933.

Si la Compagnie Perrache reste propriétaire du « quartier neuf » destiné à

prendre de la valeur puisque situé au voisinage immédiat du futur palais entre les

remparts d’Ainay et la future place d’armes, la ville sera intéressée pour un quart au

produit de leur cession éventuelle934. La volonté de Napoléon de doter les grandes

villes du pays, et particulièrement Lyon, d’aménagements précieux rencontre celle

des édiles de servir le prestige d’un régime dont la réussite semble bénéficier aux

intérêts de la ville, à ceux de ses notables et de l’ensemble de sa population. Ni

l’engagement de l’empereur ni la détermination des édiles ne font de doute. Bien sûr,

les premiers travaux de remblai se font attendre. Ils ne débutent réellement qu’en

1810 mais cela correspond à la sortie des premiers plans complets du palais

dessinés par Fontaine à l’examen desquels Fay de Sathonay se vante de s’être livré

avec l’empereur 935 . Napoléon ne prend d’ailleurs possession de l’île Perrache

qu’avec le décret impérial du 3 juillet 1810. Sollicités par les édiles, soutenus en

l’espèce par le ministre de l’Intérieur Montalivet, des fonds d’État sont annoncés936.

À la fin de l’année 1811, lorsque le réaménagement du quartier de l’arsenal est

envisagé par le conseil municipal, la référence au vaste terrain prévu pour accueillir

le palais impérial est constante et tout à fait explicite. Revitaliser le quartier de

l’Arsenal autour d’artères élargies et d’un plan rationalisé offrirait « à Sa Majesté une

correspondance plus directe entre son palais et l’intérieur de la ville et à tous les

habitants plus de moyens pour lui porter les hommages de leur respect et de leur

amour » 937 . En fait, le vaste chantier de remblaiement, de terrassement et de

dégagement des voies maîtresses se poursuit jusqu’à ce que l’effondrement de

l’Empire qui, à Lyon, provoque l’invasion étrangère, signifie leur interruption puis

933

AML, 1217 WP 031 et 032. Séance des 2 mai 1808 et 1er

mai 1809. 934

AML, 1 II 0006.1, Compagnie Perrache. Acte d’acquisition (août 1806). L’acte de vente prévoit même une

sorte de droit de préemption garantissant à la ville la possibilité d’acquérir sans surcoût des terrains qui seraient

devenus indispensables à la réalisation du projet. 935

C’est ce qu’il affirme au conseil, en séance du 29 novembre 1811. Maret l’aurait introduit à cette fin dans le

cabinet de travail de Napoléon : AML, 1217 WP 034. 936

AN, AFIV

1290 (145). 937

Ibid. Séance du 30 décembre 1811 ; 2 S 00269, Plan géométral du quartier de l’Arsenal et du pont de Tilsitt

(1811).

350

l’abandon de cette ambition que l’empereur et la municipalité lyonnaise ont

sincèrement partagée.

L’ambition des édiles en matière d’urbanisme et de développement de la ville ne

fait aucun doute. Leur action, celle du maire en particulier, est importante. Ils sont les

acteurs qui, localement, signalent, sollicitent et surveillent les chantiers. Ils sont les

plus à-même de connaître l’utilité, la difficulté d’une démolition, d’un alignement.

Pourtant, s’ils sont souvent sollicités sur ces questions, ils sont de plus en plus

marginalisés lors du processus de décision ce qui provoque leur protestation.

L’intense activité des premières années consécutive à la double impulsion donnée,

en 1805, par la visite impériale et la création de la mairie unique fait apparaître le

maire, ses adjoints et le conseil municipal comme des partenaires essentiels au

projet d’aménagement et d’embellissement de la ville. Progressivement, pourtant,

leurs délibérations sont non seulement moins nombreuses mais aussi moins prises

en compte. Le conseil est de moins en moins saisi des questions importantes.

L’année 1809 marque à cet égard un tournant durant lequel les édiles

manifestent leur mécontentement avant de se résigner à leur inutilité. Lors de la

séance extraordinaire du 9 mars, Fay de Sathonay est interpellé par des membres

du conseil qui se plaignent de n’avoir pas été consultés à propos de travaux entamés

au palais de l’archevêché. Le maire ne peut « laisser ouvrir la discussion à ce sujet »

puisqu’elle ne figure pas à l’ordre du jour transmis par le préfet938. Qu’à cela ne

tienne, dès l’ouverture de la session ordinaire, des conseillers prennent à nouveau à

partie le maire au sujet de l’examen des travaux d’embellissement : mal informés, ils

ne peuvent prendre aucune délibération et celles qu’ils adoptent ne reçoivent aucune

réponse ni du maire, ni du préfet. Fay de Sathonay proteste de sa bonne foi et se

décharge de toute responsabilité sur le préfet en brandissant le registre de la

correspondance. Ses lettres sollicitant de d’Herbouville l’autorisation de délibérer sur

les questions d’urbanisme ou lui soumettant les procès-verbaux des séances restent

sans réponse. Le préfet lui a affirmé oralement qu’il ne répondrait pas, ce qu’un des

conseillers présents confirme avoir entendu. Du coup, le conseil prend une

délibération audacieuse :

938

AML, 1217 WP 031.

351

Considérant que les membres qui composent le Conseil municipal forment, sous la

présidence de M. le Maire, les représentants naturels de la commune, que cette autorité

paternelle peut seule bien connaître les vrais intérêts, indiquer ce qui peut le plus contribuer à

l’embellissement de la ville, à en faciliter les abords, à étendre son commerce, à y entretenir la

salubrité et enfin à la faire jouir de tous les avantages de son heureuse position ; que dès lors,

connaître leurs vœux avant d’exécuter les travaux qui intéressent particulièrement cette cité et

surtout ce qui peut contribuer à sa prospérité est le seul moyen à parvenir à combler ceux de

la grande et industrieuse population qu’ils représentent ; Considérant que tel a été le principal

but de l’institution des Conseils Municipaux et des précautions apportées à la formation de

ceux des grandes communes de l’Empire ; que M. le Préfet qui a donné à cette ville des

témoignages non équivoques de son attachement et qui l’a fait participé comme chef-lieu de

ce département à tous les avantages d’une excellente administration a éprouvé lui-même,

dans plusieurs occasions, l’utilité de ces communications entre des autorités dont les pouvoirs

peuvent différer mais qui n’ont toutes qu’un même but (…) Qu’enfin le Conseil Municipal se

rappelle avec la plus vive et la plus respectueuse reconnaissance que le vainqueur de

l’Europe, paraissant en père au milieu de ses enfants habitants sa bonne ville de Lyon, n’a

pas dédaigné d’interroger le Conseil avec bonté sur les travaux les plus intéressants pour

cette cité et que SMI et R a voulu même plusieurs fois examiner en personne ceux qui lui

avaient été indiqués avant de faire connaître sa volonté ; Considérant que, dès lors, il n’est

pas possible d’imaginer que la représentation faite par la délibération du 12 septembre 1808,

ainsi que tous les différents vœux qui sont émis par le Conseil Municipal d’une grande cité,

puissent être paralysés, au point que ceux qui les ont formés ignorent même s’ils ont été ou

non transmis au Gouvernement et que, s’il en était ainsi, les membres de ces conseils

seraient privés de la seule récompense de leurs travaux, celle de servir l’État en se rendant

utiles à leurs concitoyens939

.

Une fois encore, les édiles revendiquent leur fonction de représentants des

habitants de la ville, chargés d’autant plus d’en défendre et promouvoir les intérêts

qu’ils sont les mieux placés pour les connaître. Il est intéressant de noter que cette

revendication se fait au nom même des engagements pris et des procédures suivies

jusqu’alors tant par le gouvernement et l’empereur que par le préfet. Ce n’est pas

que pure rhétorique. La question des « façades », celle des aménagements le long

de la Saône et du Rhône, le projet emblématique du palais impérial ont initialement

largement associé édiles et pouvoir central. Les édiles assistent à une véritable

inflexion de la gestion des rapports entre pouvoir central et municipalité ; inflexion qui

s’opère à leurs dépens. Progressivement, la connaissance de l’essentiel des projets

échappe au conseil sinon au maire. Significativement, la délibération du 2 mai 1809

939

AML, 1217 WP 032. Séance du 2 mai 1809.

352

se heurte au silence dédaigneux du préfet. Une ultime fois, dans les derniers jours

de l’année 1810, les conseillers municipaux s’adressent solennellement au préfet

pour manifester leur volonté de « connaître les projets de construction ordonnés

dans cette ville, et d’être au moins entendus et conseillés avant leur exécution »940.

Ils se résignent ensuite à ne connaître que des questions auxquelles le préfet veut

bien les associer, recourant à des commissions dites des travaux publics qui, plus

nombreuses, ont pour effet de court-circuiter les débats.

940

AML, 1217 WP 033. Séance du 29 décembre 1810.

353

Section 4. Se penser dans le système impérial

À partir de 1805, la municipalité de Lyon cherche clairement à se positionner au

sein de la France impériale et de l’Europe napoléonienne. On peut dire que, d’une

certaine manière, elle « joue le jeu » du système napoléonien. Sous l’Empire, son

attitude est un mélange opportuniste de docilité et d’adhésion, ce qui n’exclut pas

des velléités sinon d’autonomie du moins d’affirmation de la part des édiles vis-à-vis

des autres institutions de la pyramide administrative. Les intérêts de la ville semblent

pouvoir s’accorder avec ceux du régime et du pays, pour peu que Napoléon confirme

son intention de traiter Lyon avec bienveillance et que la guerre, si elle ne cesse pas,

se maintienne hors des frontières et n’entrave pas la marche de l’économie. Les

édiles n’hésitent donc pas à participer activement à l’organisation napoléonienne, à

faire de la municipalité un rouage assumé de la chaîne administrative et à prétendre

la promouvoir au rang d’acteur à part entière. Cela suppose pour la mairie unique de

Lyon de se voir reconnue comme un élément d’autant plus utile au système qu’il

apparaîtra capable de développer les fonctions métropolitaines et le rayonnement

d’une des principales villes de l’empire.

1. Devenir un acteur reconnu

Comme le montre l’étude du projet de palais impérial, la nature des relations que

la municipalité entretient avec le pouvoir central est complexe et les aspirations

lyonnaises sont marquées du sceau de l’ambiguïté. La mairie unique entend insérer

son action dans le cadre de la réorganisation impériale de l’Europe et servir ainsi la

volonté napoléonienne qui promet de faire, de son côté, de Lyon une des villes

principalement bénéficiaires de ce mouvement. Clairement, le maire et les édiles

attendent du pouvoir suprême qu’il distingue Lyon et l’élève, parmi d’autres mesures,

en y édifiant un palais. Au prétexte de mener à bien des projets importants, ils se

placent ainsi, dans le cadre d’une organisation très centralisée, dans une situation de

dépendance vis-à-vis de l’État tout en aspirant à faire de la municipalité un acteur à

part entière, susceptible d’exercer assez librement de réelles fonctions de

commandement. Il y a là une contradiction essentielle qui, en partie, explique l’échec

354

de l’ambition émancipatrice de la municipalité. Sans doute conscients, au moins

partiellement, du paradoxe de leur positionnement, les édiles utilisent néanmoins

tous les moyens dont ils disposent pour donner de la municipalité une image positive

et pour asseoir sa crédibilité en tant qu’acteur auprès d’un pouvoir central dont tout

émane.

1.1. Les formes et les fonctions de l’éloge

1.1.1. Les « actions de grâce »

La municipalité offre souvent l’image d’une institution soumise qui relaie

efficacement la propagande d’État. À peine la mairie unique est-elle installée que les

individus qui la composent multiplient les occasions de marquer leur fidélité et leur

attachement au régime impérial. Dès sa séance du 27 janvier 1806, le conseil

municipal émet le vœu de faire exécuter une statue équestre de Napoléon sur la

place Bellecour941. Au mois de mars, c’est l’idée de faire bâtir un palais impérial sur

la presqu’île Perrache qui fait l’objet d’une délibération et, au mois de mai,

l’assemblée des conseillers décide de faire rédiger et imprimer le récit de la visite

dont le couple impérial a honoré la ville l’année précédente942. À l’été 1807, les édiles

décident de nommer de Tilsitt le pont de pierre enjambant la Saône au niveau de

l’archevêché943. Lorsqu’il a connaissance de la signature de la paix, le maire Fay de

Sathonay n’attend pas de recevoir le Bulletin des lois comme l’y enjoint le secrétaire

général de préfecture et fait placarder la nouvelle dès le 29 juillet, organisant une fête

urbaine le lendemain944. C’est qu’il s’agit, après que la Grande Armée a remporté les

fulgurantes campagnes d’Autriche et de Prusse, de manifester l’amour des Lyonnais

et de leurs représentants pour le héros « qui, maîtrisant les temps, les lieux et les

hommes a fait plier tous les événements sous les vastes conceptions de son génie ».

Le système napoléonien émerge selon la volonté de l’empereur « devenu le

941

AML, 1217 WP 030. 942

Ibid. Séances des 11 mars et 14 mai 1806. 943

AN, F1c

III Rhône 9. Adresse de Fay (1er

août 1807) ; AML, 1217 WP 031. Séance du 28 juillet 1807. 944

AN, F1c

III Rhône 9. Cérémonies pour la paix. Il doit se justifier auprès du ministre de l’Intérieur dans un

courrier du 1er

août. Ce dernier l’approuve finalement le 5 août.

355

protecteur des peuples vaincus et qui, ne suivant dans sa noble ambition aucune des

traces connues, n’a fait la guerre la plus glorieuse que pour donner une paix durable

à l’Europe et consolider sa tranquillité sur de nouvelles bases aussi solides

qu’habilement posées »945. Il est difficile de distinguer ce qui relève dans de tels

dithyrambes de l’hypocrite obséquiosité et de la fascination qu’ont incontestablement

engendrée les succès de Napoléon sur la scène militaire comme sur celle de la

réédification politique de la France. Quoi qu’il en soit, de telles « actions de grâce »

rythment les principales étapes du règne de Napoléon.

Le projet d’élever une statue équestre de Napoléon au centre de la place

Bellecour apparaît tôt sous la mairie unique. La place Bellecour est le lieu

symbolique de la renaissance lyonnaise sous l’impulsion impériale depuis la décision

de réédification des façades. C’est là que le maire imagine d’abord la construction du

palais ; c’est là que le préfet envisage un temps l’installation de la préfecture. S’il

s’agit de fixer dans un monument des « plus durables les souvenirs les plus glorieux

pour la France », le sentiment est bien qu’il sanctionne l’avènement du période de

paix et de stabilité. Après Ulm et Austerlitz, la statue de bronze est vouée à rappeler

éternellement aux Lyonnais « les traits du héros qu’ils chérissent » et « le marbre et

l’airain » de son piédestal « les détails les plus circonstanciés des hauts faits » mais

le monument est bel est bien engagé à célébrer « la brillante pacification qui les a

couronnés »946. Subissant le retard pris par la reconstruction des façades, le projet

de statue disparaît presque pour resurgir au début de l’année 1810, alors que les

dernières parcelles sont enfin acquises et que la perspective de l’achèvement des

travaux devient certaine. À nouveau, les édiles rédigent une adresse à Napoléon qui

insiste sur l’attachement à la paix947. Le refus de l’empereur de voir alors s’élever un

tel monument avant que le chantier des façades soit achevé n’ôte rien à la

signification que les édiles lui confèrent. La statue est sensée honorer le chef de

l’État restaurateur de la ville sur le site le plus emblématique de son relèvement mais

aussi symboliser l’avènement d’une ère nouvelle marquée par la fondation d’un

945

AML 1217 WP 030. Séance du 31 janvier 1806. Discours de Petit. 946

Ibid. Natalie Petiteau note qu’« alors que la sensibilité des populations à la gloire militaire semble réelle »,

l’existence d’une culture de guerre peut se conjuguer avec l’aspiration à la paix durable : PETITEAU, Natalie,

Les Français et l’Empire, op. cit., p.174-190. 947

« Cette statue, gage de note amour, reposera sur des trophées de gloire et accordant à l’Europe l’olivier de la

paix » : AML, 1217 WP 032. Séance du 11 janvier 1810.

356

système européen continental, forgé et pacifié par les armes, ouvrant à la deuxième

ville française des perspectives inédites de développement948.

Que de telles « actions de grâce » témoignent d’une certaine servilité de

circonstance n’empêche pas d’y reconnaître une sincère aspiration à profiter de la

mise en place d’un système impérial qui semble décidément bien favorable à Lyon.

Elles semblent consubstantielles au rapport qui s’établit entre le nouveau maître du

pays et les institutions qu’il nomme et ce, dès avant la proclamation de l’Empire.

Lorsque le premier consul Bonaparte fait adresser son portrait à la ville, les

conseillers décident qu’il sera exposé dans une salle de l’hôtel de ville désignée

désormais du nom du bienfaiteur. Loin de perdre le Nord, alors même que « les

expressions (leur) manquent » pour « peindre les sentiments de reconnaissance »,

les édiles osent, « à cette faveur signalée » prier Bonaparte « d’en jouer une autre,

celle d’un entrepôt en franchise que la chambre de commerce a déjà eu l’honneur de

(lui) demander »949. Générées par un contexte particulier de conditionnement des

esprits, ces démarches n’en sont pas moins le fruit d’initiatives spontanées de la part

des édiles. L’on s’aperçoit cependant que, à partir de 1808, les actions de ce type se

raréfient pour ne plus prendre la forme que de l’organisation de festivités

officielles 950 . Elles relèvent alors davantage de dispositifs suscités par le

gouvernement que d’initiatives locales. Ainsi en va-t-il des manifestations décidées à

l’occasion du mariage avec Marie-Louise ou de la naissance du roi de Rome.

1.1.2. Les fêtes officielles

Les festivités organisées pour ces occasions le sont sur un modèle semblable

« associant aux réjouissances publiques des actes de bienfaisance et d’une

munificence vraiment utile et durable » 951 . Il s’agit en effet, au printemps 1810

948

De la même manière, la décision de nommer de Tilsitt le pont de l’archevêché est liée explicitement à « la

paix glorieuse » qui est signée avec le tsar : AML, 1217 WP 031. Séance du 28 juillet 1807. Le 30 juillet, une

procession unit dans les rues de Lyon les édiles aux membres de la chambre de commerce devant lesquels le

maire expose les conditions de la paix. Alors, la foule « mêle ses acclamations aux accords d’une musique

guerrière » : Ibid. 949

AN, F1c

III Rhône 9. Courrier et délibération de la ville de Lyon (6 brumaire an XII – 29 octobre 1803). 950

Louis Trénard remarque quant à lui que « l’organisation des cérémonies militaires de décembre 1808 révèle

un mélange de zèle et de parcimonie qui indique une phase nouvelle dans l’esprit public » : TRÉNARD, Louis,

Histoire sociale des idées...,op. cit., t.2, p.541. 951

AML, 1217 WP 033. Séance du 24 mars 1811. Discours de Charrier de Senneville.

357

comme un an plus tard, de proposer, au-delà des festivités proprement dites, un

ensemble de mesures d’ordre philanthropique parmi lesquelles dominent le mariage

doté de jeunes gens issus de la classe ouvrière et la distribution de secours sous des

formes diverses allant de l’allocation de denrées comestibles à la remise de dettes.

L’exemple des événements survenus de mars à juin 1811 après l’annonce de la

naissance du fils de Napoléon l’illustre bien 952 . Participant de ces « fêtes

cérémonielles » qu’analyse Bruno Benoit, ils « révèlent la hiérarchie des donneurs

d’ordre » dans laquelle la municipalité se trouve au niveau le plus bas953.

Le 21 mars 1811, le conseil municipal est convoqué, à la demande du maire et

avec l’autorisation du préfet, pour une séance extraordinaire destinée à proposer les

mesures à prendre en l’honneur de la naissance du roi de Rome. Dans sa

déclaration liminaire, Fay de Sathonay rappelle l’absence de moyens budgétaires

adaptés alors même que les dispositions qu’il suggère de prendre sont tournées vers

l’assistance, notamment au bénéfice des familles de ces ouvriers « qui sont encore

privés de travail ». Les autorités saisissent l’occasion d’exercer une action

philanthropique qui à la fois renforce l’image protectrice de la municipalité et, par-

delà, du régime et reconnaît la dureté de la situation socio-économique. L’optimisme

dont le maire fait profession à cette occasion peut paraître suspect et l’on doute de

sa sincérité lorsqu’il affirme à propos de la crise que « cette situation pénible touche

probablement à son terme » et qu’il en aperçoit « un gage dans la naissance de cet

auguste prince »954. Les édiles votent une délibération qui prévoit, outre la libération

des prisonniers pour dette et l’allocation de fonds au bureau de bienfaisance pour un

montant total de soixante mille francs, la distribution de pain et la série rituelle de

réjouissances composées de loteries, de jeux, d’illuminations et d’un feu d’artifice tiré

sur la Saône. En sus, une adresse particulièrement flatteuse, qui ressort évidemment

de l’obligé, doit être « portée au pied du trône » par une délégation de cinq édiles955.

Un décret impérial du 12 mai approuve les premières propositions des édiles et

affecte cent mille francs à leur financement. Progressivement, le programme des

mesures se précise et s’étoffe956. Napoléon fait en particulier connaître son souhait

952

Pour les célébrations auxquelles donne lieu, quant à lui, le remariage impérial : Ibid. Séances du 24 mars, des

3, 14 et 18 avril 1811. 953

BENOIT, Bruno, « Fêtes et cérémonies officielles à Lyon », dans ZINS, Ronald [dir.], Lyon sous le Consulat

et l’Empire, op. cit., p.268. 954

AML, 1217 WP 034. 955

“Sire, le jour qui voit naître un prince de votre sang est le plus fortuné qui pût luire sur la France » : Ibid. 956

Ibid. Séances du 24 avril et du 29 mai 1811.

358

de voir célébrer des mariages unissant de jeunes ouvriers qui ont été soldats et de

jeunes femmes issues de la classe ouvrière. Ces anciens conscrits et ces rosières

sont, à Lyon, employés généralement dans l’industrie de la soie. Ce sont de la sorte

quinze mariages qui sont prévus pour être dotés par la ville le jour du baptême du roi

de Rome957. La lecture du compte-rendu du scrutin ayant pour but de pourvoir la

délégation de deux conseillers chargés d’accompagner le maire pour assister à la

cérémonie parisienne prévue pour le dimanche 2 juin révèle combien une telle faveur

est convoitée et âprement discutée au sein d’un conseil où les amitiés et les

solidarités de tous ordres privilégient les ci-devant les plus éminents. Ainsi Arthaud

de la Ferrière – aisément – et Vouty de la Tour – plus difficilement, au troisième tour

de scrutin – sont finalement désignés aux dépens, notamment, de Boulard de

Gatellier958.

En dehors de ces événements exceptionnels qui donnent lieu à des célébrations

particulièrement importantes, des fêtes officielles sont organisées de manière

régulière tout au long du règne de Napoléon, le 15 août959 et le 2 décembre. Comme

l’a remarqué Natalie Petiteau, l’organisation de ces fêtes obéit au schéma des fêtes

de souveraineté définies par Alain Corbin et dont la fonction est de souligner la

légitimité du pouvoir politique960. En ces occasions les hommages sont convenus et

ni leur forme ni leur esprit ne révèlent une intention originale ou exceptionnellement

sincère. D’ailleurs, à Lyon, le retentissement de ces fêtes est faible. Elles ne

semblent pas correspondre à de vrais moments d’engouement populaire et peinent à

devenir des rendez-vous habituels aux habitants de la ville961. Du coup, les édiles

s’efforcent d’élargir leur signification pour en renforcer l’audience.

Il revient au premier adjoint Sain-Rousset de proposer au conseil la délibération

selon laquelle à la date du 2 décembre correspondra à partir de 1812 à la fois la

957

La liste des quinze mariages est reprise dans le procès-verbal de la séance du 29 mai 1811. Elle fait apparaître

que neuf des hommes et treize des femmes sont des ouvriers et des ouvrières en soie. 958

1217 WP 034. Séance du 23 avril 1811. 959

L’anniversaire de la naissance de Napoléon est une fête officielle depuis le décret du 19 février 1806. Les

fêtes sont associés à des jeux sur l’île Barbe. On joute, notamment, à cette occasion. 960

PETITEAU, Natalie, Les Français et l’Empire, op. cit., p.67-74 ; CORBIN, Alain, « La fête de

souveraineté », dans CORBIN, A., GÉRÔME, N. et TARTAKOWSKI, D., [dir.], Les usages politiques des fêtes

aux XIXe et XX

e siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994, p.25-38.

961 BENOIT, Bruno, « Fêtes et cérémonies officielles à Lyon », op. cit.

359

célébration du couronnement de Napoléon et celle d’une fête municipale deux fois

séculaire disparue sous la Révolution, la harangue de la Saint Thomas.

L’idée de rétablir cette fête municipale instaurée en décembre 1595 est soumise

pour la première fois à ses collègues par le conseiller Petit en mai 1809 962 .

Traditionnellement, il s’agissait chaque 21 décembre d’honorer le monarque et le

Consulat au travers de réjouissances qui suivaient le discours d’un jeune orateur

prononcé en présence de tous les corps constitués. Ancrée dans les traditions

civiques locales et disparue avec l’Ancien régime, la harangue de la Saint Thomas

est restaurée en 1812 mais cette fois dans le but de faire profiter de sa popularité la

célébration du sacre :

Elle était belle, grande, généreuse, (cette) institution (…). Ainsi et par le principe de la plus

honorable émulation, on développait les dispositions au talent oratoire ; on démontrait que

l’attachement au commerce peut se lier à des goûts plus élevés, que celui de l’éloquence

n’est pas étouffé par une tunique d’or. En exprimant aux magistrats la reconnaissance de la

cité, on enflammait le zèle qui devait tendre à la mériter. Le chef de l’État semblait devoir être

aimé davantage lorsqu’un orateur éloquent, après avoir parlé de ses droits à la gloire,

s’étendait avec plus de complaisance encore sur ceux qu’il avait à l’amour. Eh bien,

Messieurs, rappelons à la vie cette noble institution ; qu’un principe magnanime soit

désormais la base de son existence et le garant de sa durée. Consacrons la nouvelle fête à

célébrer l’immortel souvenir du couronnement de Napoléon le Grand, à manifester notre

attachement à son auguste personne, notre inviolable fidélité à sa dynastie963

.

Le patrimoine symbolique lyonnais est de cette manière restauré pour être

réinvesti au service du régime impérial au même titre que l’ont été les principaux

cadres de la sociabilité élitaire ou le rapport traditionnel liant les administrés aux

administrateurs.

Décidant de donner plus d’éclat à la fête du 2 décembre, les édiles n’omettent

pas de servir les intérêts immédiats de la ville puisque, incidemment, Sain-Rousset

les engage à réclamer la rénovation de la grande salle de l’hôtel de ville, la lecture

d’un discours honorant l’empereur devant à l’évidence bénéficier d’un cadre digne de

l’événement.

962

AML, 1217 WP 032. Séance du 5 mai 1809. 963

AML, 1217 WP 034. Séance du 29 mars 1811.

360

1.2. La promotion de la ville

La majeure partie des édiles se caractérisent sans doute par un attachement

véritable aux intérêts de Lyon. Ils considèrent comme une donnée durable la nature

du régime napoléonien et se félicitent sincèrement de ses premières orientations

puisqu’elles s’accordent avec l’intérêt des catégories sociales auxquelles ils

appartiennent et avec ceux de la ville. Progressivement, la prolongation de l’état de

guerre et la survenue de revers qui remettent en cause l’édifice général ainsi que la

difficulté dans laquelle se trouve l’État à donner corps aux projets les plus

symboliques suscitent sans doute une certaine déception des édiles vis-à-vis de

l’Empire et l’apparition de divergences au sein même du personnel politique

municipal.

Promouvoir la ville de Lyon c’est défendre son rang qui, sous l’Empire, la

place au sein des bonnes villes964 dont l’institution est contenue dans l’article 52 du

sénatus-consulte du 18 mai 1804, précisé par divers décrets dont ceux du 22 juin

1804 et du 17 mai 1809, le dernier reconnaissant à chacune des principales villes de

l’Empire le droit d’arborer des armoiries965. Celles de Lyon sont mises sous les yeux

de Napoléon par le conseil du sceau des titres le 10 octobre 1809966. Or, Lyon qui se

targue d’être la bien-aimée de l’empereur rétrograde implicitement au sein de ce

classement au fur et à mesure des annexions et de l’admission de nouvelles

agglomérations :

Si la graduation des sentiments d’affection et d’amour qui attachent au Souverain formait titre

pour décider du rang, certes la ville de Lyon pourrait prétendre au premier. Mais, comme on

considère surtout l’importance de la population, Lyon doit céder le pas à la ville de Rome,

cette ancienne maitresse du monde (…) et à celle d’Amsterdam967

.

Les édiles n’ont de cesse d’obtenir de l’empereur un décret impérial qui, à

l’image de ceux qui font de Rome et d’Amsterdam les deuxième et troisième villes de

964

DELPUECH, P., “Une institution de Napoléon : les bonnes villes”, Revue de l’Institut Napoléon, 1971, p.83-

85. 965

Le conseil municipal s’empresse de demander à modifier légèrement les armoiries traditionnelles de la ville. «

Il offre son écusson avec un léger changement » : l’abeille pourrait se substituer au lys… : AML, 1217 WP 033.

Séance du 23 août 1809. Les armoiries de Lyon sous l’Empire figurent sur la page qui précède le sommaire. 966

AN, AFIV

1312 (dossier 1). 967

Ibid. Séance du 1er

juillet 1811. Discours de Sain-Rousset.

361

l’Empire, fasse de Lyon la quatrième conformément aux actes des anciens rois qui

faisaient de Lyon la deuxième du royaume. Le séjour parisien du maire Fay de

Sathonay à l’occasion du baptême du roi de Rome est aussi mis à profit pour

rappeler cette revendication lyonnaise. Montalivet la rejette avant même de la

soumettre à Napoléon arguant du manque de justifications pour la soutenir. Ainsi,

malheureusement pour la ville, seules Paris, Rome et Amsterdam bénéficient d’une

telle reconnaissance et Lyon doit, comme toutes les autres agglomérations de

l’Empire, comptées comme bonnes villes, se satisfaire d’un classement alphabétique.

De la pléthore des manifestations publiques d’attachement au régime

napoléonien ressortent des éléments qui traduisent l’existence d’une ambition

lyonnaise. Il y a incontestablement, surtout dans les premières années de la

magistrature de Fay de Sathonay, la volonté de profiter de la nouvelle donne

institutionnelle et politique pour promouvoir Lyon au rang de ville majeure. À peine

intronisé, le maire annonce clairement :

Lyon va devenir le centre des États de notre auguste Souverain. Les révolutions sont

nuisibles ou profitables à certaines villes ; un grand mouvement les fait disparaître ou leur

donne une nouvelle vie. Les circonstances qui se préparent peuvent assurer à jamais la

prospérité de notre cité968

.

Jusqu’aux derniers temps de l’Empire, le personnel politique de la ville espère

favoriser les intérêts d’icelle dans une conjoncture qui se dégrade mais dont peu

prévoient qu’elle peut conduire à l’abdication de Napoléon. Quoi qu’il en soit, après le

sacre, la mise en place de la mairie unique inaugure une sorte de « période des

possibles » pour la ville et les efforts déployés par le maire pour faire accepter par

Napoléon l’idée de la construction d’un palais à Perrache révèle avec quelle vigueur

les édiles ont tenté de l’exploiter. L’espoir de profiter de la dynamique impériale pour

développer Lyon et accroître le bien-être et l’aisance de sa population a joué un rôle

indéniable dans l’empressement que le maire et l’ensemble des édiles ont manifesté

à soutenir le régime. L’adresse rédigée par le conseil à l’occasion de la victoire de

Friedland et du traité passé avec le tsar de Russie est significative :

968

AML, 1217 WP 030. Séance du 11 mars 1806. Discours de Fay.

362

C’est du milieu de Tilsit qu’une seconde fois vous avez relevé (nos) murailles, rétabli la

prospérité de (nos) manufactures et récompensé (notre) amour969

.

C’est en ce sens que le ralliement à l’Empire des édiles peut être doublement

qualifié d’opportuniste puisqu’il le fut autant du point de vue de leurs itinéraires

individuels que de celui de l’ambition collective qu’ils portèrent.

1.2.1. Parler de Lyon à Paris

Selon toute apparence, il semble indispensable aux édiles de ne pas rester

confinés dans une relation exclusive avec la préfecture que doubleraient seulement

des liens épistolaires avec le gouvernement. Chaque année, le maire se rend en

personne à plusieurs reprises dans la capitale dans le cadre de ses fonctions.

D’autres édiles voyagent régulièrement à Paris pour leurs affaires ou des raisons

personnelles et en profitent pour transmettre des informations ou des requêtes. À

Paris, certains personnages servent de relais à l’influence lyonnaise. Joseph-Marie

de Gérando (1772-1842), le fils de l’édile, est de ceux-là. Ancien soldat du siège, ami

de Camille Jordan, mêlé aux idéologues sous le Consulat, il entre au Conseil d’État

au début de l’Empire et devient conseiller en 1811. Œuvrant pour le ministère de

l’Intérieur, souvent missionné en Italie puis en Espagne, membre des principales

associations culturelles de la ville, il conserve des liens étroits avec les élites

lyonnaises qui comptent sur lui pour se faire l’interprète de leurs intérêts. Dès le

printemps 1806, Fay de Sathonay observe :

Le ministre de l’Intérieur est l’ami de notre ville et son protecteur970

; de son côté, M.

Degerando, secrétaire général du ministère de l’Intérieur, s’occupe vivement et avec zèle de

tout ce qui peut intéresser ses compatriotes, et, je dois le dire, ne perd aucune occasion de

leur être utile971

.

Plus tard, en 1813, la promotion du conseiller Claude Arthaud de la Ferrière aux

fonctions de chambellan est vécue comme une marque de reconnaissance adressée

969

AML, 1217 WP 031. Séance du 29 juillet 1807. 970

Jean-Baptiste Nompère de Champagny (1756-1834) est né à Roanne. Il est élu député de la noblesse du Forez

aux États généraux. 971

AML, 1217 WP 030. Séance du 22 mai 1806.

363

à l’ensemble de la bonne société lyonnaise et comme un moyen supplémentaire de

faire valoir les intérêts locaux972.

Se constituer en une sorte de groupe de pression, à proximité du sommet du

pouvoir, afin de favoriser la cause de la ville, de ses habitants et de ses élites,

suppose d’offrir un front uni, de proposer un message cohérent et constant. Or,

l’approche que l’on devine être celle des édiles lyonnais est fondée en grande partie

sur l’action d’individus diversement représentatifs de l’intérêt général et diversement

légitimes à s’en prévaloir. Malgré l’aspect formel de bien des délibérations du conseil,

malgré la prudence de la correspondance échangée avec la préfecture et le pouvoir

central et celle des rapports préfectoraux, des indices de dissensions internes au

groupe des édiles affleurent tout au long de la période.

Le maire est régulièrement confronté à l’ambition ou au manque de coopération

de ses adjoints et les conseillers acceptent parfois mal d’être réduits à un rôle tout à

fait mineur. Il a déjà été observé combien Fay de Sathonay se plaignait publiquement

de n’être pas convenablement assisté par ses adjoints au début de son premier

mandat. Les anciens maires du Consulat, notamment, faisaient les frais de son ire973.

On sait combien et Fay de Sathonay et d’Albon ont été vigilants à ce que les adjoints

n’acquièrent pas un poids trop important par le jeu des délégations mais que, de fait,

le progressif retrait du premier a favorisé les prétentions des adjoints, en particulier

de Sain-Rousset et Charrier de Senneville. Il est également apparu que ce dernier a

profité du soutien au choix de d’Albon pour accroître son influence au sein de la

municipalité. Le conseil ne reste pas étranger à ses oppositions qui mêlent

ambitions, considérations personnelles, conceptions de l’intérêt public et se

cristallisent sur certains enjeux de la politique municipale. En 1811, la majorité des

édiles soutient Sain-Rousset contre Fay de Sathonay sur la nécessité de poursuivre

les travaux du perré, le long du cours Napoléon974. Or, lorsqu’il réclame du ministre

les moyens de continuer le chantier, le maire prend la précaution de préciser, contre

l’avis du conseil, que le choix définitif du type de travaux à conduire n’est pas

effectué975 . Sans l’écrire officiellement, il reconnaît ainsi qu’un désaccord assez

972

Il est significativement associé à une députation qui rencontre Marie-Louise à l’automne 1813 : AML, 1217

WP 035. Séance du 22 octobre. 973

AML, 1217 WP 031. Séance du 2 mai 1808. 974

AML, 1217 WP 033. Séance du 1er juillet 1811. 975

AML, 1217 WP 034. Séance du 4 septembre 1811.

364

profond mine la municipalité et son équipe exécutive. Il fragilise ainsi sans aucun

doute la position de la ville et affaiblit sa capacité à réclamer un investissement

important de l’État.

Par ailleurs, on s’est aperçu que le conseil rechignait parfois à suivre le maire

lorsqu’il n’était pas associé à la prise de décision ni même informé convenablement.

À propos de dossiers aussi importants que ceux des façades de la place Bellecour

ou du rachat des terrains de Perrache, pour ne prendre que ces deux exemples déjà

développés, le maire agit seul, ce qui froisse l’orgueil de conseillers qui sont peu

habitués à n’être que des subordonnés. Ces derniers profitent parfois de questions

secondaires auxquelles ils ont accès pour manifester leur opposition. Ainsi, le conseil

persiste-t-il plusieurs mois dans l’hiver 1812-1813 dans son refus de doter le musée

des mosaïques que le préfet, soutenu par le maire, l’encourage pourtant à acquérir.

Les conseillers se montrent également soucieux des questions de procédure

notamment en ce qui concerne le vote des délibérations. Sur l’essentiel de la

période, les délibérations sont adoptées à main levée. Pour que le vote se fasse

secrètement, il faut qu’un conseiller le demande976. Or, solliciter un tel scrutin revient

à dévoiler son opinion. Ainsi, les édiles réclament régulièrement que le vote à bulletin

secret devienne la norme, conformément à une délibération prise sous les trois

mairies, le 3 ventôse an XIII (22 février 1805). Cette revendication, constante, des

conseillers est sans cesse ajournée. Le maire conserve ainsi un moyen de se

prémunir de la manifestation de l’opposition. Un autre moyen, pour lui, est la fixation

de l’ordre du jour. Dépendant totalement du préfet, qui seul autorise la tenue des

séances, l’ordre du jour est parfois commodément brandi par le maire confronté à

des demandes trop pressantes de la part de ses conseillers977.

Au cours de la période, les conseillers martèlent leur volonté de participer plus

réellement au gouvernement de la cité en rappelant leur légitimité, fondée sur leur

proximité avec les habitants de la ville, leur connaissance des enjeux locaux et la

volonté même des autorités. Ces individus nommés par l’empereur sur la base de la

notabilité, se considèrent clairement, peut-être du fait de leur distinction par les

assemblées de canton, comme les représentants de la ville et de la population.

976

On vote alors en utilisant des boules blanches et noires que chaque conseiller dépose dans une urne. 977

Voir notamment la séance du 9 mars 1809 lors de laquelle le maire fait face à une « proposition fortement

appuyée par plusieurs membres » : AML, 1217 WP 033.

365

Partant, ils réclament d’être associés plus étroitement à la prise de décision pour que

la municipalité devienne un acteur principal de son destin. Le conseil municipal

adopte le 2 mai 1809 la délibération, assez remarquable pour avoir été déjà citée,

définissant ses membres comme étant les « les représentants naturels de la

commune » et réclamant avec force d’être davantage partie prenante la gestion de la

ville 978.

Cette revendication ne cesse d’être brandie par le conseil. Le 9 juin 1812, alors

que le maire malade ne paraît plus aux séances, les conseillers se plaignent de ne

pas être associés à la politique d’aménagement et demandent à ce qu’on les informe

des devis et travaux en cours, en vain979. Réclamant de la sorte le respect voire

l’accroissement de leurs prérogatives, les conseillers entretiennent ainsi une relation

de type conflictuel avec le maire. Cette opposition rend la parole de la municipalité

vers l’extérieur et notamment vers le préfet et le sommet de l’État moins audible,

brouillant en quelque sorte le message. En outre, les conseillers rendent évidente

l’ambiguïté d’un positionnement qui consiste dans le même temps à exiger une plus

grande considération de la part du pouvoir central et à accepter de participer à une

organisation politico-administrative qui exige de l’acteur institutionnel qu’est la

municipalité la plus parfaite soumission. Enfin, la revendication des édiles à

davantage de lustre, de pouvoir et d’autonomie ne peut manquer d’alerter l’État et

d’augmenter sa réticence à développer les moyens, d’accroître sa prévention à

l’égard d’un acteur si remuant.

Dans le courrier qu’il adresse au ministre de l’Intérieur à l’occasion des

remplacements du préfet Bondy et du maire d’Albon sous la Première Restauration,

Nicolas-François Cochard craint « qu’il ne reste encore dans la composition du

conseil municipal des ferments de discorde » :

Six adjoints, dont la plupart ont beaucoup de prétentions et qui cependant ne font rien que par

des délégations du maire, un conseil municipal qui veut connaître de tout et qui est pour ainsi

dire en permanence980

.

978

Ibid. Séance du 2 mai 1809. 979

AML, 1217 WP 034. 980

AN, F 1b I 156/31. Lettre datée du 6 décembre 1814.

366

S’apprêtant à formuler des propositions sur la réforme à apporter au

fonctionnement de la municipalité, le conseiller de préfecture pointe avec clarté ce

qui lui apparaît comme un obstacle à l’efficacité de la politique municipale et ce qui a

sans doute constitué sur la période une limite sérieuse à la crédibilité du discours

municipal face aux autorités politiques et administratives de l’Empire.

1.2.2. Le rôle des députations

La mise en place de députations destinées à rencontrer les ministres ou

l’empereur lui-même est décidée en conseil, sur proposition du président, c'est-à-dire

le plus souvent du maire. Dans la plupart des cas, la députation bénéficie de crédits

pris sur le budget ; elle en est d’autant plus attractive. Les candidats sont nombreux

et la plupart du temps désignés au scrutin secret. On devine les satisfactions et les

blessures d’amour propre que de tels moments provoquent. Ils révèlent à ceux qui

sont l’enjeu du vote la réalité des influences, des amitiés et des gratitudes.

On ne trouve qu’un seul exemple de refus à faire partie d’une délégation élue. En

janvier 1810, quatre conseillers sont désignés pour porter avec le maire une adresse

à Napoléon qui renouvelle la proposition des édiles d’édifier une statue équestre de

l’empereur au centre de la place Bellecour. Tous, encore une fois, sont des ci-

devant. Si Arthaud de la Ferrière et Chirat acceptent, Rosier de Magneux et Grailhe

de Montaima déclinent à regret l’honneur qui leur est fait. La perspective d’un voyage

hivernal effraie ces hommes atteints de la goutte, pour le premier, et de

rhumatismes, pour le second981.

Les députations que la municipalité envoie à Paris rencontrer le pouvoir central, la

plupart du temps pour exprimer les louanges votées en conseil à l’occasion

d’événements extraordinaires mais aussi pour soumettre des projets qui ont reçu un

premier assentiment des autorités, sont une opportunité systématiquement mise à

profit pour défendre les intérêts de la ville et de la municipalité.

Là encore, l’examen des événements liés à la naissance du roi de Rome, au

printemps 1811 s’avère instructif. Dans sa séance du 21 mars 1811, le conseil

981

AML, 1217 WP 033. Séances du 11 et du 25 janvier 1810.

367

municipal désigne une députation pour porter une adresse de félicitation à

l’empereur. Arthaud de la Ferrière, Devillas-Boissière, Grailhe de Montaima et

Sériziat sont élus pour accompagner le maire. Ils sont effectivement reçus en

audience au château de Saint-Cloud le 5 mai. Le 23 avril, ce sont les deux

conseillers, Arthaud de la Ferrière et Vouty de la Tour, qui sont chargés de

représenter la ville aux cérémonies du baptême princier aux côtés de Fay de

Sathonay. Ils sont reçus, par le couple impérial, au même rang que les représentants

des autres bonnes villes de l’empire, le 9 juin. Or, en ces occurrences, la motivation

des édiles ne se réduit pas à la manifestation servile de l’attachement à la dynastie.

Déjà, le 31 mai, le conseil municipal a exprimé son souhait que les députés envoyés

dans la capitale à l’occasion du baptême du roi de Rome sachent obtenir le maintien

de l’exemption fiscale dont la commune bénéficie dans les opérations de rachat des

parcelles riveraines de la place Bonaparte982. Recevant personnellement la première

délégation de Lyonnais, Napoléon se montre curieux de connaître l’état de la société

et de l’économie locales. Devant des réponses « qui durent être affligeantes parce

qu’elles étaient vraies », l’empereur promet des travaux publics, des commandes de

tissus d’ameublement et confirme l’envoi de fonds au bureau de bienfaisance. En

fait, le chef de l’État ne fait que confirmer des mesures déjà prises ou dont le principe

était déjà acquis. Demeurant à Paris dans l’intervalle qui sépare cette entrevue des

festivités du baptême, Fay de Sathonay et Arthaud de la Ferrière s’activent. En effet,

au-delà des mesures de soutien aux manufactures, les négociants de la ville ont

« quelques réclamations à faire valoir, quelques dispositions favorables à

solliciter »983. Il s’agit en l’espèce de mesures concourant toutes à la diminution des

taxes et contraintes pesant sur les échanges, tant de matières premières (le coton en

provenance de Campanie notamment) que de produits manufacturés (les étoffes de

soie). Munis de rapports circonstanciés établis par les négociants de la ville, Fay et

Arthaud rencontrent sur ces sujets le ministre de l’Intérieur, Montalivet, celui des

Finances, Gaudin, ainsi que le Directeur général des Douanes, Ferrier. Fay de

Sathonay est reçu enfin par le ministre de la Guerre, Clarke, auprès duquel il se

plaint en vain du poids que représentent pour la ville les obligations inhérentes au

devoir de logement des troupes de passage. La suite, du jour du baptême, le 2 juin,

au jour de l’audience publique consacrée aux députés des bonnes villes, le 9 juin, ne

982

AML, 1217 WP 034. 983

Ibid. Séance du 4 septembre 1811.

368

permet pas aux trois Lyonnais de poursuivre aussi méthodiquement leur effort de

persuasion bien que les différentes cérémonies protocolaires soient l’occasion de

faire bonne figure. Avant de quitter la capitale, Fay de Sathonay obtient de Montalivet

la possibilité de lui laisser un mémoire récapitulant les « objets qui intéressent le plus

vivement la ville de Lyon ». Le nombre, la précision et la diversité des sujets qui y

sont abordés témoignent de l’ardeur des sollicitations en même temps que des

blocages qui résultent de la centralisation bureaucratique napoléonienne 984 . Le

maire, de retour à Lyon, donne un aperçu du contenu extrêmement significatif de ce

mémoire aux conseillers municipaux de la ville :

Je me suis empressé de rédiger ce travail dans lequel j’ai porté comme objets essentiels : la

demande d’une faculté de médecine ; le remboursement des avances faites par la ville pour

les réparations de la cathédrale et de l’archevêché ; l’élargissement du passage de Saint-

Côme ; la continuation des travaux de réparation de l’Hôtel de Ville et du Palais Saint-Pierre ;

l’achèvement des différents quais qui doivent border la Saône ; la continuation du perré

Napoléon (…)985

.

La pratique survit bien évidemment à Fay de Sathonay. Son successeur,

d’Albon, met autant de zèle à profiter des députations officielles pour défendre la

cause de Lyon au plus haut niveau de l’État. Ainsi, portant une adresse du conseil à

l’impératrice à la fin du mois d’octobre 1813 986 , il rencontre les « plus hauts

dignitaires » et notamment les ministres des Finances, de l’Intérieur et du Commerce

auxquels il présente diverses doléances concernant le budget d’abord, les propriétés

communales ensuite, l’installation d’une halle aux laines et aux toiles enfin987. Même

durant les Cent-jours, la municipalité charge l’unique députation qu’elle envoie aux

Tuileries de servir les intérêts de la ville sur différents dossiers. La composition de la

délégation désignée par le conseil le 18 mai 1815 est bien différente de ses

devancières mais elle n’est pas moins attachée à la promotion de la ville. Aux côtés

de l’inaltérable Sain-Rousset, le banquier Bontoux, le négociant Sériziat, le conseiller

de préfecture Cochard et les magistrats Midey et Vouty sont bien décidés à recueillir

pour la ville quelques dividendes de leur soutien affiché au régime impérial988.

984

AN, F1c

III Rhône 5. 985

Ibid. 986

ADR, 1 M 111, Événements politiques. Députation de 1813. 987

AML, 1217 WP 036. Séance du 27 novembre 1813. 988

AML, 1217 WP 037.

369

À la base de l’organisation administrative édifiée en l’an VIII, les municipalités les

plus importantes n’ont d’autre recours pour espérer voir les chantiers les plus urgents

progresser significativement que de tenter de solliciter directement le sommet de

l’État en « court-circuitant » l’échelon intermédiaire que constitue le préfet et, parfois,

le ministre ou le directeur d’administration. Or, la récurrence des sujets soumis au

ministre révèle sèchement les lacunes de ce type d’organisation. Le remboursement

des avances faites pour les réparations du palais archiépiscopal et la cathédrale est

en effet réclamé depuis le Consulat. En 1815, il n’est toujours pas obtenu.

2. Développer les fonctions d’une métropole

Le retentissement accordé aux différents passages de Napoléon à Lyon –

général de retour d’Égypte, premier consul victorieux après Marengo, empereur en

route pour son couronnement italien – témoignent de l’importance dévolue à la ville

qui devient l’un des décors privilégiés de la mise en scène bonapartiste. En

décembre 1801 et janvier 1802, Lyon accueille la Consulta dont les travaux

aboutissent à établir et faire adopter la constitution de la République italienne et à

confier la présidence d’icelle à Bonaparte. Quatre cent cinquante députés italiens,

tous les grands personnages de l’État, les hauts fonctionnaires de la région

entourent le premier consul et son épouse, Joséphine, qui séjournent à Lyon du 11

au 27 janvier. Le sort de l’Italie se décide à Lyon, en grande pompe. La ville retrouve

à cette occasion de son lustre d’antan et y gagne même un prestige assez inédit, lié

à la reconnaissance de sa situation centrale au sein du vaste ensemble géopolitique

en formation. Ainsi Lyon est encouragée à affirmer sa condition de métropole.

Sous l’Empire, parmi les fonctions que la ville peut se prévaloir d’exercer, se

dessinent deux ensembles sur lesquels les édiles misent pour augmenter son

rayonnement au sein du système napoléonien. L’attention portée aux questions

d’enseignement, sans être exclusive, est au cœur de la politique culturelle de la

municipalité. Prétendant rehausser la réputation intellectuelle de Lyon, ses édiles

n’en considèrent pas moins que la condition première de sa prospérité comme de

son audience réside dans son dynamisme économique.

370

2.1. Le rayonnement culturel

2.1.1. L’action de la municipalité pour l’enseignement scolaire

Dès la présentation des ambitions de la mairie unique, la question scolaire est

érigée au rang de priorité à Lyon 989 . Si l’on envisage les différents degrés

d’enseignement représentés à Lyon sous le Premier Empire, on constate cependant

que la municipalité n’a jamais que des prérogatives limitées.

Pour ce qui concerne les écoles primaires, la loi du 11 floréal an X (1er mai

1802)990 laisse aux communes le soin de les administrer. En fait, sous le Consulat, la

municipalité, sous l’impulsion du maire de l’Ouest Bernard-Charpieux991, organise

une sorte de reconstitution des écoles congréganistes puisque les postes

d’enseignants sont pourvus par un recours systématique aux frères des Écoles

chrétiennes et aux religieuses de Saint-Charles qui pratiquent de part et d’autre la vie

en commun. Sous l’Empire, à Lyon, on évalue le nombre des élèves inscrits dans

une vingtaine d’écoles primaires à environ deux mille cinq cents. Sans renoncer à

toute responsabilité, les édiles se déchargent assez volontiers de l’obligation que

représente l’instruction des plus jeunes enfants sur les écoles chrétiennes. Les

conditions matérielles de l’enseignement, le comportement des instituteurs et des

institutrices sont placés sous la surveillance d’une sorte d’autorité locale, cooptée

sous le contrôle du maire, le jury des petites écoles 992 . C’est ce mode

d’administration locale de l’enseignement primaire, confié à neuf notables, que le

maire et le conseil municipal vont avoir à cœur de défendre face aux injonctions

centralisatrices de l’État. En effet, le décret impérial du 17 mars 1808 prévoit que les

écoles primaires passent, comme l’ensemble des établissements scolaires, sous

l’autorité du grand maître de l’université. Une délibération est votée en faveur du

maintien du mode de gestion inauguré sous le Consulat au début de la session

989

AML, 1217 WP 030. Séance du 27 janvier 1806. Discours de Chirat. Dans la ville voisine de Saint-Étienne,

Gérard Thermeau note que « la question scolaire est une des hantises de la municipalité » : THERMEAU,

Gérard, À l’aube de la révolution industrielle…, op. cit., p.170. 990

Des extraits figurent en annexe II. 991

SAUSSAC, Roland, « L’enseignement primaire et secondaire », dans AVANZINI, Guy, [dir.], Éducation et

pédagogie à Lyon de l’antiquité à nos jours, Lyon, C.L.E.R.S.E., p.131. 992

Reconstitué par arrêté du préfet Bureaux de Pusy le 11 frimaire an XI (2 décembre 1802).

371

ordinaire de 1809993 et satisfaction est donnée aux édiles puisque le jury des petites

écoles est maintenu sur la période. Chaque budget annuel prévoit des fonds à

destination des écoles primaires qui sont en grande partie financées par la

participation des familles à l’exception des plus pauvres et par des legs994. Lorsque la

situation économique se dégrade, on voit néanmoins le jury demander à la mairie

l’allocation de secours, de l’ordre, annuellement, de quelques milliers de francs, qui

sont généralement accordés995.

Si les édiles ont réussi à sauvegarder un dispositif local de surveillance des

petites écoles, ils ont par contre échoué à maintenir des établissements

d’enseignement secondaire concurrents du lycée. Un des premiers créés en

France996 et installé dans les locaux du grand collège, le 15 messidor an XI (4 juillet

1803), le lycée de Lyon ne parvient pas à devenir attractif, notamment vis-à-vis de la

bourgeoisie urbaine. On y compte seulement soixante huit externes et trente six

internes en 1809, cent quatre-vingt huit externes et quarante et un internes en

1813 997 . Les débuts de cette institution, conçue pour être emblématique du

renouveau consulaire puis du rayonnement impérial, sont en partie gâchés par la

création, à l’initiative de la municipalité, d’une école secondaire en vendémiaire an

XII (septembre 1803)998. Des établissements particuliers existent déjà, surveillés et

soutenus par la municipalité999, mais la loi du 11 floréal autorise en effet les villes à

fonder de tels établissements, regardés comme un niveau intermédiaire entre

l’élémentaire et le lycée et voués à l’apprentissage des arts libéraux, du commerce

ou de l’industrie. Cette décision impériale répond à une aspiration déjà exprimée par

les élites lyonnaises, notamment dans le cadre du département. Le futur conseiller

Cochard déplore notamment avec d’autres collègues, à l’aube du Consulat,

993

AML, 1217 WP 032. Séance du 5 mai 1809. 994

AML, 1217 WP 031. Séance du 28 octobre 1807. 995

AML, 1217 WP 035-036. Séances du 20 août 1812, 25 juin et 23 juillet 1813. 996

Les lycées sont créés par la loi du 11 floréal an X (1er

mai 1802). Le lycée de Lyon est créé le 19 frimaire an

XI (10 décembre 1802) avec ceux de Marseille, Bruxelles et Turin notamment mais après celui de Bordeaux,

créé le 24 vendémiaire (16 octobre 1802) : CLAUSE, Georges, « Lycées », dans TULARD, Jean [dir.],

Dictionnaire Napoléon, op. cit., p.231-233. Sur les débuts du lycées à Lyon : SAUSSAC, Roland, Les débuts du

lycée de Lyon (1803-1805), Thèse soutenue à l’Université Lyon 2, en 1986 (direction Guy Avanzi). 997

KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p.412. Cet auteur évoque sans ambages les débuts

« misérables » du lycée de Lyon : ibid, p.400. selon Roland Saussac, il n’y a plus que 21 pensionnaires payants

au cours de l’année scolaire 1813-1814 : SAUSSAC, Roland, « L’enseignement primaire et secondaire », op.

cit., p.147. 998

C’est l’arrêté municipal du 19 vendémiaire an XII (12 octobre 1803) qui en fixe le règlement et le

programme. 999

AML, 81 WP 001, Instruction publique. École secondaire. Arrêtés du préfet des 9 et 11 frimaire an XII.

372

« l’intervalle trop grand entre les écoles primaires et les écoles centrales » et

préconise de placer entre icelles et les écoles primaires des « écoles

secondaires »1000. Il semble que l’école secondaire communale de Lyon, installée

aux Jacobins1001 et dont l’enseignement comprend le latin et le grec, la grammaire,

l’histoire, la géographie, les belles lettres et les mathématiques, rencontre

immédiatement après son ouverture, le 20 vendémiaire an XIII (12 octobre 1804), un

assez vif succès1002. En tous cas, la municipalité s’enorgueillit de son existence et se

montre extrêmement fâchée lorsque sa suppression est brutalement décidée par le

décret impérial du 10 brumaire an XIV (1er novembre 1805). Le conseiller Mayeuvre

de Champvieux se montre particulièrement actif dans la défense de l’école. Il

propose un rapport circonstancié à ses collègues lors de la séance du 5 février 1806.

À peine instituée, la mairie unique est amenée à contester une décision impériale et

à réclamer une dérogation à travers le maintien d’un établissement décrit comme un

indispensable complément au lycée. Le conseil municipal estime qu’il serait

« douloureux » de voir disparaître une école instituée dans le plus parfait respect de

la loi et qui s’avère si utile à pourvoir d’une éducation « le plus grand nombre » dans

une ville de plus de cent mille habitants dont le seul lycée ne peut suffire à assurer le

« développement » et le « rayonnement culturel »1003. Espérant que l’argumentaire

sera en mesure d’infléchir la volonté impériale, le maire tarde à exécuter la décision

de suppression de l’école mais cette résistance est vaine. Il est effectivement mis fin

aux activités de l’établissement en décembre 1806, sur réquisition du directeur

général de l’Instruction publique. Le conseil n’a plus qu’à indemniser le personnel

enseignant brutalement remercié tout en félicitant les cinq professeurs et leur

directeur pour leur « zèle » et le « succès dont a joui l’établissement qui leur fut

confié »1004. La municipalité est dès lors reléguée à un rôle tout à fait mineur. Certes,

les édiles donnent leur avis sur les conditions de présentation des élèves aux

bourses du lycée mais c’est en contrepartie du financement d’icelles, prélevé sur le

1000

AN, F1c

III Rhône 5. Compte-rendu par l’administration centrale du département du Rhône (29 frimaire an

VIII – 20 décembre 1799). 1001

C’est l’arrêté du 14 prairial an XI qui concède à la ville « la partie invendue du claustral des Jacobins » :

Ibid. Bureau d’administration de l’école, 13 brumaire an XII. 1002

Ibid. Règlement. L’inauguration revêt « la même pompe que celle du lycée » selon Louis Trénard :

TRÉNARD, Louis, Lyon. De l’Encyclopédie au Préromantisme…, op. cit., t.2, p.638. 1003

AML, 1217 WP 030. 1004

Ibid. Séance du 12 mars 1807. L’indemnité offerte aux six enseignants est de 7 237,50 francs. Elle est portée

aux dépenses municipales de 1808 avec l’accord du préfet : AML, 81 WP 001. Lettre de d’Herbouville du 25

juin 1807.

373

revenu de l’octroi1005. Malgré la faiblesse de ses moyens et compte tenu de la tiédeur

de son enthousiasme, supporter les charges engendrées par la maintenance de

l’immeuble reste finalement ce que la municipalité a de mieux à faire comme en

témoignent les demandes répétées du proviseur et même du grand maître de

l’université, Fontanes1006.

La municipalité a tout de même la responsabilité de la gestion de la bibliothèque

de la ville. Elle en assure le budget de fonctionnement et tente de satisfaire les

modestes demandes du bibliothécaire nommé par le maire. C’est un notable de

l’Empire, l’érudit Antoine-François Delandine (1756-1820) qui assure cette fonction

sous l’Empire1007 . Il n’a de cesse de dénoncer la notoire pauvreté du fonds de

l’institution qu’il dirige. Or, lorsque les édiles portent au budget des dépenses d’achat

et de reliures d’ouvrages, l’empereur les réduit à ce qu’elles n’excèdent que de peu

les dépenses de fonctionnement correspondant essentiellement au traitement du

conservateur (4 000 francs) et des employés (1 900 francs)1008.

2.1.2. La difficile promotion de l’enseignement supérieur à Lyon

Une agglomération de l’importance de Lyon se doit d’être un pôle remarquable

dans le domaine de l’enseignement supérieur. C’est la conviction maintes fois

répétée des édiles. Or, le gouvernement impérial fait le choix de spécialiser Lyon en

quelques disciplines déterminées en fonction de la nature de son activité

économique et lui interdit la polyvalence à laquelle elle prétend.

Dès le Consulat, le conseil municipal de Lyon revendique la création entre Rhône

et Saône d’une école de droit – la loi du 11 floréal en X (1er mai 1802) prévoit d’en

1005

AML, 81 WP 003, Instruction publique. Bourses communales ; AML, 1217 WP 032, op. cit. Séance du 13

mai 1809. 1006

Ibid et AML, 1217 WP 035. Voir notamment les procès-verbaux des séances du conseil municipal du 30

septembre 1809 et du 7 janvier 1813. 1007

Il est un personnage important de la vie politique et culturelle lyonnaise. Député du tiers aux États généraux,

il vote le serment du jeu de paume. Inquiété sous la terreur, il prend ses distances avec la vie politique.

Opportunément rallié à l’ordre napoléonien, il aspire au poste de secrétaire de préfecture, en vain. Nommé

bibliothécaire, cet érudit ne parvient pas à réussir dans la carrière des lettres. Rallié aux Bourbons, il est décoré

de la légion d’honneur et anobli en 1814 par Louis XVIII : REY, Jean-Philippe, « Le Rhône », dans

BERGERON, Louis, CHAUSSINAND-NOGARET, Guy, Grands notables…, op. cit. 1008

Au budget de 1807, par exemple, Napoléon n’accorde que 6 900 francs alors que le maire en demandait

10 000 : AML, 1217 WP 030 et AML, 14 03 WP 039.

374

créer dix en France – et d’une faculté de médecine. Plusieurs rapports et

délibérations sont présentés en ce sens sous l’Empire et, les édiles, prévenant les

réticences du gouvernement, prévoient même l’inscription au budget de mesures

afférentes1009. Toujours, l’État confirme son refus de doter la ville de ces fonctions

universitaires prestigieuses. On ne peut évidemment pas ainsi qualifier les trois cours

de sciences naturelles (géologie, zoologie et entomologie) donnés dans la cadre du

cabinet d’histoire naturelle adossé au jardin botanique1010. Soutenus par la ville, les

édiles en perdent de toute façon le contrôle dans les dernières années de l’Empire.

En fait, outre les facultés de sciences et de lettres créées en mars 1808 dans les

locaux du lycée puis déplacés au rez-de-chaussée du collège de la Trinité, dont

l’entretien incombe à la municipalité1011 et qui attirent très peu d’étudiants, les écoles

que concède le gouvernement à la deuxième ville de France sont des écoles

techniques 1012 . À partir des deux premières années de la mairie unique, on y

enseigne le dessin, la théorie et la pratique du tissage de la soie, la chimie appliquée

aux arts et, dans un degré moindre, à la pharmacie. L’ensemble s’organise autour de

l’école de dessin qui, fondée par le décret du 25 germinal an XII (15 avril 1804),

constitue incontestablement le joyau de la ville en matière d’instruction publique1013.

Les prémices de cette école apparaissent en fait dès avant Brumaire, en nivôse an

VII avec l’établissement d’un cours spécial de dessin pour la fleur au palais Saint

Pierre1014. Associée au conservatoire des arts1015 et au musée, l’école de dessin

1009

AML, 1217 WP 032. Séance du 13 février 1810. C’est le chirurgien Petit qui, jusqu’à sa mort (1811), porte,

avec Fay de Sathonay, le projet d’une faculté de médecine. C’est le président de la cour d’appel Vouty qui

incarne la revendication d’une école de droit. 1010

AML, 321 WP 193, Déserte. Cabinet d’histoire naturelle ; AML, 1217 WP 031. Séance du 14 septembre

1808. 1011

Décret impérial du 17 septembre 1808. « Les autorités municipales ne sont guère enthousiasmées par le

cadeau impérial » selon Roland Saussac : SAUSSAC, Roland, « L’enseignement supérieur public », dans

AVANZINI, Guy, [dir.], Éducation…op. cit., p.248. 1012

Lyon compte aussi une école vétérinaire prestigieuse, la première créée en France en 1762. Installée dans

l’ancien claustral des sœurs de Sainte Élisabeth, sur les quais de Saône, elle est dirigée indépendamment de toute

intervention de la municipalité. Elle se développe sous l’Empire tant du point de vue des effectifs que du

programme enseigné. 1013

Très vite le peintre Révoil, le sculpteur Chinard, l’architecte Gay y enseignent. 1014

AN, F1c

III Rhône 5. Compte-rendu…op. cit. 1015

Le conservatoire des arts est organisé en l’an XI par le préfet afin d’aider le maire du Nord (puis le maire

unique de Lyon) à administrer le palais des arts. Il est composé de six membres nommés par le préfet : AML, 77

WP 001, Conservatoire des arts. Mayeuvre de Champvieux, Parent, Pernon, Regny père, notamment, en furent

des membres éminents.

375

stimule la rénovation et l’aménagement de l’ancien ensemble conventuel des

Terreaux et retient l’essentiel de l’attention des autorités locales1016.

Progressivement émerge au cœur du quartier le plus actif de la ville, à deux pas

de sa maison commune, une sorte de « technopôle » puisque l’enseignement

technique et artistique qu’on y délivre est intimement lié à l’industrie locale dont elle

contribue à augmenter la valeur ajoutée. Le projet est initié par le gouvernement

mais il répond à une ancienne revendication de la ville et il est tôt porté par des

édiles conscients de son importance puisque, dès janvier 1806, le conseil déclare à

propos du palais Saint Pierre :

Cet édifice, par la réunion des établissements qu’il renferme ou doit renfermer, est destiné à

être un monument municipal de la plus haute importance. On y verra réunis, dans quelques

années, diverses écoles, un musée, un conservatoire et plusieurs dépôts pour les arts, le

commerce et les sciences1017

.

Un rapport du conservatoire des arts au préfet d’Herbouville développe à la

même période des vues comparables :

Il (le bâtiment de Saint Pierre) est uniquement affecté à des établissements d’instruction

publique de commerce et des arts, et destiner à recevoir, à rassembler en modèles les

découvertes anciennes et modernes relatives aux arts et manufactures avec toutes les parties

d’enseignement qui doivent servir à leur développement, des écoles de chimie, de physique,

de mécanique, de peinture, de sculpture, un musée et une bibliothèque analogue à sa

destination, les sociétés savantes qui s’occupent du progrès et des arts, la bourse et la

chambre de commerce1018

.

Sept mois plus tard, à propos du lieu d’installation d’un pensionnat de jeunes

filles, le maire et le conseil repoussent vigoureusement l’hypothèse du palais Saint

Pierre en rappelant sa vocation à n’accueillir que le musée, le conservatoire des arts,

les écoles de dessin, de chimie, de la fabrication des étoffes de soie « et autres

établissements publics de ce genre »1019. Les efforts consentis par la commune pour

développer ces établissements-phare sont réels. Elle y consacre notamment des 1016

AML, 81 WP 003. Règlement. 1017

AML, 1217 WP 030. Séance du 27 janvier 1806. Le palais Saint-Pierre est propriété de la ville depuis

germinal an X (avril 1802). 1018

AML, 77 WP 001. Rapport au préfet, 1806. 1019

Ibid. Séance du 4 juillet 1806 ; AML, 81 WP 003. Rapports sur l’établissement de Madame Cosway. Le

musée est créé au palais des arts à la suite du décret du 10 frimaire an X (1er

décembre 1801).

376

crédits très importants pour en assurer le lancement : trente et un mille deux cents

francs en 1807, quarante mille en 1808. Au cours de la période, le soutien de la

municipalité à un projet dont la cohérence est remarquable ne se dément pas. Seule,

in fine, l’école de fabrication des étoffes ne semble pas apporter les avantages

attendus et les édiles votent à une courte majorité, le 13 août 1812, une délibération

sollicitant sa suppression1020. En fait, le rapport, défendu par le négociant Arlès,

montre que les principaux fabricants et négociants de la ville sont hostiles à un

établissement qui favorise la diffusion du savoir-faire et la multiplication de la

concurrence1021. Or la prospérité de la Fabrique réclame le retour à une certaine

opacité, le maintien des réseaux traditionnels, des méthodes habituelles d’innovation

et d’un nombre diminué d’entreprises. Influents au sein du conseil municipal, les

fabricants-négociants en obtiennent une décision favorable à leurs intérêts.

Les fonds du musée des beaux arts sont constitués de dotations d’État pour

l’essentiel. Son conservateur, Artaud, ne sollicite presque jamais la ville hormis pour

des travaux d’aménagement1022. Les édiles se montrent très réticents à envisager

des acquisitions comme en témoigne leur refus, en 1812, d’acheter la belle

mosaïque des jeux du cirque et ce, malgré les pressions du préfet1023.

2.1.3. L’école d’équitation

Le seul établissement dont il ne soit pas abusif d’attribuer la paternité à la

municipalité est l’école d’équitation qui ouvre ses portes en 1811. Fay de Sathonay

et le préfet d’Herbouville ont de concert sollicité l’approbation du ministre de

l’Intérieur à un projet que le maire soumet au conseil dès juillet 1807. En fait, le

gouvernement accepte de laisser la municipalité créer un dépôt d’étalons et une

école d’équitation à condition qu’elle en assume l’ensemble du financement.

Enthousiastes, les conseillers se saisissent du dossier et se mettent en quête de

l’endroit propre à accueillir les nobles équidés. Malheureusement, là comme à

1020

AML, 1217 WP 035. 1021

Ibid. Le rapport d’Arlès est reproduit dans le procès-verbal de la séance du 28 août 1812. 1022

AML, 77 WP 001. 1023

Ibid. Séance du 24 décembre 1812. C’est une décision personnelle du maire d’Albon, proche du préfet

Bondy, qui permet, en 1813, au musée de récupérer finalement la mosaïque. Sur « la récolte des vestiges du

passé » à Lyon : MATHIAN, Nathalie, « L’exploration de Lyon », dans ZINS, Ronald [dir.], Lyon sous le

Consulat et l’Empire, op. cit., p.85-108

377

Bellecour, le chantier dépend de la capacité d’une administration municipale aux

faibles prérogatives à obtenir la cession de leur terrain de propriétaires ragaillardis

par la perspective du profit. Si le site de la Déserte est immédiatement choisi c’est

parce que, non aménagé, il présente l’avantage d’être propriété de la ville alors qu’un

site tout à fait adapté, comprenant un manège couvert et un manège découvert, des

écuries, une cour et des logements salubres existe au cœur de la ville mais au prix

prohibitif de 201 800 francs1024. En fait, la lenteur de la procédure administrative

impériale va paradoxalement servir les intérêts de la ville. Ce n’est que le 17 mai

1809 qu’un décret impérial accorde à la ville une école impériale d’équitation de

première classe. Revenu de son accès d’ambition et fatigué par une attente de près

de trois ans, le propriétaire du site déjà aménagé consent, au printemps 1810, à

céder son bien pour un montant bien plus accessible aux finances de la ville, soit

95 000 francs. Fay de Sathonay, d’accord avec Ségur, l’inspecteur général des haras

de l’Empire, traite alors promptement avec lui. Le conseil acquiesce et l’installation

de l’école impériale d’équitation peut commencer. Elle est progressivement mais,

semble-t-il, assez lentement équipée au cours des années qui suivent. Si le haras fait

long feu faute d’élevages suffisamment nombreux dans les environs, l’école

d’équitation proprement dite subsiste. Son fonctionnement devient indépendant de la

municipalité qui est essentiellement, dès lors, sollicitée au travers de sa commission

des travaux publics1025.

Dans le domaine de l’éducation, on voit clairement que la municipalité,

dépossédée de toute compétence propre, ne dispose jamais d’un réel pouvoir

d’influence. La ville de Lyon reçoit un certain nombre d’établissements

d’enseignement scolaire et supérieur en fonction de la volonté impériale sans jamais

sembler à même de jouer un autre rôle que celui qui consiste à accompagner du

mieux possible les décisions venues d’en haut. Les édiles tentent bien de saisir les

maigres opportunités que leur laisse la législation impériale – au titre de la loi du 11

floréal an X (1er mai 1802), ils installent une école secondaire ou réclament une école

de droit – mais très vite l’État central impose des arbitrages différents qui limitent

cruellement le rayonnement culturel de la ville en même temps que la capacité

1024

AML, 1217 WP 031 et 1217 WP 033. Séances 25 juillet 1807, du 9 et du 14 mai 1810. Le projet de

construction d’un manège et d’un ensemble de dépendances sur 4253 m² à la Déserte a été très avancé : AML,

321 WP 193, la Déserte. Février 1810. 1025

Voir notamment la séance du 13 août 1812 : AML, 1217 WP 035.

378

d’action de la municipalité. Il n’y a guère que la création de l’école d’équitation qui

puisse être portée au crédit de cette dernière puisque l’initiative en revient à Fay de

Sathonay et que les finances communales en supportent seules le coût. Par ailleurs,

l’idée de créer au palais Saint Pierre un pôle spécialisé dans l’enseignement

technique et artistique profondément intégré au contexte économique local est

constamment promue par les édiles qui relaient en cela efficacement la volonté

impériale de renforcer la spécialisation lyonnaise autour de la Fabrique.

2.1.4. L’échec du projet d’un théâtre municipal

À Lyon, sous l’Empire, deux théâtres proposent des spectacles sous la

surveillance du commissaire général de police, à savoir le théâtre des Célestins et

celui qui, place de la Comédie, est désigné sous le nom de Grand théâtre1026. Ces

deux établissements sont reconnus comme exerçant une mission de service public

indispensable à une agglomération d’importance mais, initialement du moins, sont

administrés par des groupements d’actionnaires. À compter de 1807, un conflit

apparaît entre les trois partenaires intéressés à la marche du Grand théâtre : la

mairie, les propriétaires et la vingtaine d’actionnaires. Ces derniers annoncent leur

intention de faire cesser les représentations du Grand théâtre à la fin de l’année,

arguant de la faiblesse de leurs revenus1027. Selon le maire, il s’agit d’une tactique

visant à obtenir des autorités des avantages supplémentaires en ce qui concerne les

conditions qui leur sont faites et qui sont faites aux propriétaires et, partant,

d’augmenter leur profit1028. Refusant ce qu’il dénonce comme un chantage, Fay de

Sathonay obtient du conseil une délibération sollicitant de l’empereur la résiliation du

bail et le droit pour la ville d’acquérir le théâtre moyennant une « indemnité » que le

maire évalue alors à trois cent quarante mille francs, les propriétaires réclamant

quant à eux le double 1029 . Le contentieux prend une tournure exclusivement

1026

Le décret impérial du 8 juin 1806 fixe que dans « les grandes villes de l’Empire, les théâtres seront réduits au

nombre de deux ». Leur existence est soumise à autorisation du préfet. Sur l’organisation de l’activité des

théâtres à Lyon sous l’Empire : GERSIN, Malincha, La vie théâtrale lyonnaise…, op. cit., p.19-28. 1027

Parmi eux, deux membres du corpus : Giraud de Saint-Try et Rosier de Magneux. 1028

« S’appuyant sur ce principe que le spectacle est une occupation que le gouvernement a jugée nécessaire à la

tranquillité des grandes villes, ils se flattaient de réduire l’Administration municipale à consentir à des sacrifices

incompatibles avec les intérêts qui lui sont confiés » : AML, 1217 WP 031. Séance du 5 mai 1808. Discours de

Fay. 1029

Ibid.

379

financière et il conduit à la fois au ralentissement de l’activité du théâtre et à

l’enlisement de la situation juridique. Le mutisme prolongé du gouvernement conduit

le conseil à renouveler sa demande en décembre 18101030. Un arrêté préfectoral du

15 février 1811 approuve enfin ce vœu et permet à la municipalité d’entamer une

procédure d’acquisition qu’organise le décret impérial du 18 septembre 1811. Selon

le préfet Bondy, en plus que d’une action rationnelle sur le pan financier, il s’agit

d’une « mesure importante pour la conservation d’un spectacle de bon

goût »1031. Mais la faiblesse des moyens financiers de la ville, la complexité du litige

ainsi qu’une volonté politique municipale parfois défaillante et desservie par l’inertie

gouvernementale concourent à faire échouer le projet. Sous l’Empire, les édiles ne

parviennent pas à faire du Grand théâtre un théâtre municipal. Leur ambition n’a pas

reçu le ferme soutien impérial initialement sollicité et s’est avérée trop timide pour

s’en dispenser.

Durant la période, plusieurs groupes d’actionnaires ou directeurs se succèdent à

la tête du Grand théâtre. Responsables de l’offre de spectacles, ils sont choisis par le

préfet et se plaignent régulièrement du coût de la location. Or, ce coût, s’il est perçu

par les propriétaires, est fixé par le préfet jusqu’à ce qu’un décret impérial décide, le

6 octobre 1810, que le prix du bail soit décidé de gré à gré entre propriétaires et

exploitants. À partir du 26 février 1811, le préfet choisit comme directeur du Grand

théâtre celui du théâtre des Célestins, qui, désormais et pour six ans, cumule les

deux responsabilités. Confronté à des pertes sur l’importance desquelles les

différentes parties s’opposent, le directeur, Louis-François Ribié, se tourne vers la

mairie pour solliciter des secours exceptionnels1032. On a alors l’occasion de saisir

une des modalités de travail des conseillers et de leurs commissions. Une

commission est formée au mois de février 1812 pour examiner la comptabilité du

directeur des théâtres. Sous la houlette du conseiller Bernat, la commission

rencontre Ribié, l’entend longuement sur tous les aspects du dossier avant de

rapporter très précisément devant le conseil. Les divergences qui opposent entre eux

certains membres de la commission sont expliquées à l’ensemble des conseillers qui

entendent en sus un rapport plus technique de leur collègue Jean Guerre. Au final, la

1030

AML, 1217 WP 033. Séance du 29 décembre 1810. 1031

AN, F1c

III Rhône 5. Rapport d’activité du préfet au ministre de l’Intérieur (7 décembre 1812). 1032

AML, 1217 WP 034. Séance du 18 février 1812. Sur la gestion par Ribié des scènes lyonnaises :

TRÉNARD, Louis, De l’Encyclopédie au Préromantisme…, op. cit., t.2, p.561-563.

380

délibération contient la décision d’accorder un secours extraordinaire de seize mille

francs mais souligne le refus d’accorder au directeur aucune rémunération

municipale d’aucune sorte1033. Indice de la dégradation de la situation économique

de la ville en même temps que révélateur de l’inefficacité d’un mode de gestion qui

mêle trop d’intérêts concurrents, les demandes de secours se multiplient en 1812 et

1813. Une commission de surveillance est constituée en 1812 par le préfet afin de

suivre l’affaire. On y trouve deux édiles parmi les quatre membres, l’adjoint

Cazenove et le conseiller Arthaud de la Ferrière qui se montrent vigilants à ne pas

rendre la ville solidaire des difficultés du directeur1034. Dans ce contexte, le maire

envisage la fermeture pure et simple, non pas du Grand théâtre, mais de celui des

Célestins qui, au répertoire moins noble, lui apparaît un concurrent nuisible1035. En

réalité, le préfet ne suit pas Fay de Sathonay jugeant que la conservation de cette

seconde scène, bénéficiaire, présente l’avantage de dégager des moyens financiers

utile aux deux théâtres1036.

2.1.5. Le financement des associations

Nombreux à en faire partie, les édiles sont évidemment soucieux de soutenir

l’activité des principales associations culturelles de la ville.

Dès sa création en l’an XIII, la Société des amis du commerce et des arts fait

l’objet d’une attention toute particulière de la part du conseil municipal qui décide, le

21 floréal (11 mai 1805), de souscrire à sa fondation puis qui prolonge son soutien à

partir de l’année suivante par l’achat et l’envoi aux principales communes de l’Empire

d’échantillons des principales productions lyonnaises. La somme de quatre mille

francs est affectée chaque année à cet objet.

À compter de l’année 1807, l’Académie et la Société d’agriculture reçoivent

également une subvention de la ville. À peine le maire Fay de Sathonay fait-il

remarquer que l’Académie est une institution proprement lyonnaise à la différence de

la Société d’agriculture. Et d’ajouter que si l’Académie est plutôt composée de « gens

1033

Ibid. Séance du 16 mars 1812. 1034

AML, 089 WP 001, Grand Théâtre. Direction Ribié. 1035

Ibid. Séance du 18 février 1812. 1036

À compter d’avril 1812, Ribié est sanctionné pour sa mauvaise gestion. Il est remplacé par le préfet par

Étienne Lainé qui occupe la fonction jusqu’en 1817.

381

de lettres et d’artistes qui communément sont peu fortunés », la Société d’agriculture,

elle, réunit « les plus riches propriétaires du département ». Il lui semble naturel alors

de financer la première mais pas la seconde. Le conseil municipal décide néanmoins

d’accorder six cents francs annuels à cette dernière pendant que l’Académie reçoit le

double1037.

Lors de l’élaboration du budget de 1809, les conseillers décident enfin d’accorder

des subsides aux sociétés de médecine et de pharmacie. La première se voit

récompensée d’être « utile au progrès » scientifique en publiant annuellement sa

correspondance et la seconde d’accomplir des travaux utiles, notamment l’analyse

des eaux de la ville1038. Sociétés de médecine et de pharmacie reçoivent six cents

francs par an chacune.

2.2. Le rayonnement et la prospérité économiques

2.2.1. L’influence des élites économiques lyonnaises

Napoléon, qui a, selon Chaptal, « une prédilection marquée pour la fabrique de

Lyon »1039, fixe comme prioritaire le développement économique de la ville. Dès le

Consulat, un ensemble de mesures sont prises pour édifier un cadre réglementaire

favorable à l’activité et soutenir tant la production que les échanges1040. Un arrêté du

14 prairial an X (3 juin 1802) institue le conseil du commerce. Présidé par le préfet, il

comprend des acteurs de l’économie, banquiers, négociants et fabricants mais aussi

des propriétaires et des savants. Indépendante de la municipalité, l’institution devient

chambre de commerce le 3 nivôse an XI (24 décembre 1802)1041. Elle demeure

étroitement contrôlée par le préfet et apparaît soucieuse de protéger l’économie

lyonnaise en préconisant des mesures de contrôle des prix et des tarifs et de

stabilisation de la main d’oeuvre. Satisfaits du retour de l’ordre politique et social, les

membres de la chambre de commerce militent auprès du préfet et du gouvernement

1037

AML, 1217 WP 031. Séance du 25 juillet 1807. 1038

Ibid. Séance du 14 septembre 1808. 1039

CHAPTAL, Jean-Antoine, Mes souvenirs sur Napoléon, Paris, Mercure de France, coll. « Le Temps

retrouvé », p.122. [édition présentée et annotée par Patrice Gueniffey] 1040

KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit.,, p. 393-394. 1041

La précédente chambre de commerce de Lyon a été supprimée en 1791.

382

en faveur de mesures qui à la fois se réclament de l’administration municipale

d’Ancien régime et du libéralisme. Les élites économiques lyonnaises se plaignent de

la cherté de la main d’œuvre locale qui nuit à leur compétitivité par rapport à une

concurrence étrangère qui a profité de la Révolution pour se développer. La qualité

de la production lyonnaise, fruit du « talent des fabricants », du « goût des

dessinateurs » et de « l’adresse des ouvriers » est son principal atout. Si le prix du

travail est trop élevé c’est parce que le coût de la vie – comprendre, dans ces

premières années du XIXe siècle, la cherté des denrées de première nécessité – est

trop élevé. En conséquence, les entrepreneurs lyonnais invoquent l’antécédent de

« l’ancienne administration du Consulat » qui surveillait les prix des denrées de

première nécessité, encadrait leur évolution, et « considérait cette surveillance

comme un de ses principaux devoirs », n’hésitant pas à fixer le prix de la viande et

du pain 1042. En fait, la chambre de commerce exige le contrôle de l’activité des

bouchers et des boulangers qui s’enrichissent de manière éhontée, alors qu’on « ne

marchande pas avec la faim ». On peut voir un écho de cette prise de position dans

la réglementation municipale de la corporation boulangère sous l’Empire.

C’est dans ce contexte de redéfinition de l’encadrement de l’économie locale que

le conseil des Prud’hommes de Lyon apparaît, première juridiction de ce type en

France depuis l’adoption de la loi du 18 mars 1806. La mairie n’a pas de lien

institutionnel avec ce nouvel organisme sinon qu’il lui revient, au titre des articles 14

et 15 du décret impérial du 3 juillet 1806 de prendre en charge le traitement du

personnel administratif et l’indemnité des chefs d’ateliers1043.

La municipalité entretient donc de très étroits rapports avec la chambre de

commerce que renforce l’appartenance, déjà soulignée, de certains individus du

corpus aux deux institutions. À partir de 1810, le maire peut en outre assister aux

réunions de la chambre de commerce en lieu et place du préfet lorsqu’il est question

des manufactures de la ville1044. Régulièrement, le conseil municipal est saisi de

propositions portées par certains de ses membres mais émanant des milieux

dirigeants de l’économie visant à soutenir et développer l’activité. Des mesures

d’encouragement sont prises. Elles concernent aussi bien des individus en

1042

AML, 784 WP 0002. 5, Chambre de commerce. Lettre du 26 brumaire an XII au préfet. 1043

Soit 4 000 francs. AML, 1217 WP 031. Séance du 24 juillet 1807. 1044

Ibid. Lettre au maire du 20 juillet 1810.

383

particulier, dont les travaux sont utiles aux manufactures lyonnaises, que des

entreprises voire des branches. La figure de Joseph-Marie Jacquard, « mécanicien

pensionné par la ville »1045, émerge des quelques délibérations du conseil municipal

qui abordent ces questions. La mairie unique lui accorde trois mille francs annuels

pour qu’il puisse mener à bien ses travaux avant de décider de les lui supprimer lors

de l’élaboration du budget 18141046. Désireuse d’élargir la gamme des productions

textiles lyonnaises, la municipalité sollicite et obtient du gouvernement l’attribution de

matériels, de « mécaniques pour la filature » en particulier, tantôt pour la filature du

coton, tantôt pour celle de la laine1047. Si les aides sont en général ponctuelles et

extraordinaires, le conseil élabore en 1810 un projet de prix annuel pour

l’encouragement des fabriques et décide de l’allocation de quarante mille francs

annuels, distribués à compter de 1811 selon les propositions de la commission du

budget. Les élites économiques influencent en l’occurrence grandement la politique

des édiles puisque la chambre de commerce est à l’origine du projet, en particulier

son secrétaire, Mottet de Gérando, futur conseiller municipal de la Restauration et

des Cent-jours1048.

D’une manière générale, les élites politiques et économiques locales considèrent

que la prospérité de la ville est intrinsèquement liée à la paix avec ce paradoxe, déjà

souligné, que la paix est d’autant plus avantageuse pour Lyon qu’elle sanctionne

l’agrandissement de l’aire d’influence française et que le système napoléonien

s’étend sur le continent. Il y a bien, à côté du « pacifisme mercantile » des

marchands-fabricants et des négociants, une « tentation impérialiste » possiblement

enivrante comme le montre Pierre Cayez1049. Dès la séance du 27 janvier 1806 – le

traité de Presbourg avec l’Autriche qui perd son influence en Italie et en Allemagne a

été signé un mois plus tôt – le conseiller Chirat explique, enthousiaste, que la paix

« qui prépare de si beaux jours à la France va bientôt encourager le commerce et les

arts » :

1045

AML, 1217 WP 031. Séance du 30 juillet 1807. 1046

AML, 1217 WP 035. Séance du 6 décembre 1813. 1047

AML, 1217 WP 032. Séance du 9 mai 1809. 1048

Ibid. Séance du 18 avril 1810. 1049

CAYEZ, Pierre, « La Chambre de commerce de Lyon et le régime impérial », Cahiers d’Histoire, tome 16,

n°3-4, 1971, p.403-406.

384

Notre Ville, où la guerre même n’a pu que les paralyser, verra accourir en foule dans ses murs

les manufacturiers, les spéculateurs et tous les agents qui les secondent. La terre, cultivée par

ces mêmes bras qui ont semblé nous la conquérir une nouvelle fois, rendra à Lyon cette

multitude d’ouvriers si nécessaires à son industrie. Les étrangers, attirés par l’appât du gain

ou par les agréments de notre Ville, viendront y répandre les capitaux et y fixer leur demeure.

Les octrois, augmentés alors par une circulation continuelle, permettront par leurs produits de

se livrer sans réserve à tout ce qui aura été projeté1050

.

C’est en 1807 que paraît se réaliser le plus exactement la rencontre entre les

intérêts lyonnais et la vocation de l’Empire. La proclamation de Fay de Sathonay

que l’on placarde sur les murs de la ville dès le 29 juillet est particulièrement

représentative des sentiments qui animent alors les Lyonnais :

Si vous avez supporté avec courage l’interruption de vos rapports commerciaux, vous en

obtenez aujourd’hui la digne récompense. Est-il une cité qui soit appelée à recueillir avec plus

d’abondance les fruits que produiront les traités d’une alliance durable ? C’est aux rives de

l’Elbe, de l’Oder, de la Vistule et de la Neva que s’étendent les canaux de votre industrie

manufacturière : la guerre vous les avait fermés, une main victorieuse vient de les rouvrir et

les richesses du Nord vont circuler dans vos ateliers1051

.

En janvier 1810, la chambre de commerce émet, par le truchement de son

président, Regny père, le vœu qu’une « paix générale » s’établisse qui

s’accompagne d’un traité de commerce avantageux avec l’Autriche et de la

stabilisation du change avec le rouble à un niveau propice au développement des

exportations vers la Russie1052.

Les villes de l’intérieur comme Lyon ou Strasbourg sont avantagées par

l’évolution continentale du système napoléonien. Même si Lyon peut subir les

conséquences de la baisse d’activité des ports, de celui de Marseille en particulier,

elle connaît un fort développement grâce à sa situation de carrefour. Quelques

négociants lyonnais obtiennent parfois des permis et licences de commerce

dérogatoires au droit commun1053. Constamment, les milieux du négoce s’allient à

1050

AML, 1217 WP 030. 1051

AN, F1c

III Rhône 9. 1052

AML, 784 WP 0002. 5. Correspondance, janvier 1810. 1053

AN, AFIV

1344 (dossier 1), Demandes d’attribution de permis de commerce. C’est le cas notamment pour

Bodin et Regny.

385

ceux de la manufacture pour militer en faveur du renforcement du rôle de Lyon

comme plaque tournante du commerce de marchandises européennes. À partir de

1808, ils critiquent les effets du blocus continental qui ne sont pas durablement

compensés par l’essor des échanges avec la Russie alors que la situation de

carrefour de Lyon au sein du nouvel ensemble n’est pas suffisamment exploitée1054.

Pêle-mêle, ils réclament l’installation d’un représentant de la ville en Italie, le

renforcement des liens avec les ports de la péninsule ibérique, le redimensionnement

de l’aire d’approvisionnement de l’entrepôt des denrées coloniales, la reprise des

échanges avec les États-Unis1055, s’inquiètent de la création d’une route vers l’Italie

qui, passant par Chambéry, éviterait Lyon pour contourner le passage des

Échelles1056.

Il faut néanmoins toujours avoir à l’esprit qu’à la France, durant l’Empire comme

sous la Révolution, correspond une réalité géographique mouvante qui se dilate

considérablement avant de se rétracter. Ce mouvement a un impact certain sur la

situation de Lyon dans l’Empire et sur la politique des édiles qui se positionnent par

rapport à un système dynamique. C’est ainsi qu’en fonction de l’évolution de la

conjoncture et des dimensions de l’Empire, la municipalité de Lyon adapte ses

ambitions pour la ville.

2.2.2. Lyon, centre économique : les établissements commerciaux

Dans le domaine économique, la municipalité intervient d’abord, comme cela a

été dit, en encourageant, avec ses modestes moyens, l’activité et en sollicitant

règlements et commandes du gouvernement1057. Elle agit également en faveur des

familles ouvrières par des mesures d’assistance et de bienfaisance pour amortir les

à-coups de la conjoncture. On peut considérer en outre que les mesures

d’aménagement urbain et de modernisation de la voirie sont un moyen de favoriser

l’activité comme l’est le souci de maintenir l’ordre et la sécurité des biens et des

personnes dans l’agglomération. Désireuse de voir le rayonnement économique de

1054

Ibid. En particulier les lettres au ministre de l’Intérieur du 15 janvier 1808 et au maire du 12 janvier 1810. 1055

AN, F1c

III Rhône 5. D’après Fay de Sathonay, les négociants américains, satisfaits de pouvoir importer des

soies lyonnaises, se plaignent de ce que leurs propres produits sont trop lourdement taxés. 1056

AML, 784 WP 0002. 5. Activité. 1057

AN, F1c

III Rhône 5. Rapport du maire au ministre de l’Intérieur (1811).

386

Lyon s’accroître, l’action de la municipalité est des plus vigoureuses en ce qu’il s’agit

de l’installation entre Rhône et Saône d’établissements commerciaux.

Quelques mois avant la mise en place de la mairie unique, les décrets impériaux

du 23 germinal et du 20 floréal an XIII (13 avril et 10 mai 1805) établissent à Lyon la

condition publique des soies et un entrepôt des marchandises étrangères non

prohibées et de denrées coloniales. Cette dernière mesure est parfois considérée

comme une manière de retour au passé en ressuscitant le « souvenir des foires »1058

mais, quoi qu’il en soit, toutes deux entrent dans les plans immédiats de l’influente

chambre de commerce et des milieux négociants. La condition des soies est

d’ailleurs placée sous l’unique autorité de la chambre de commerce dont elle

s’apprête à assurer l’essentiel du financement. Gérée par un directeur nommé par le

ministre de l’Intérieur1059, elle a pour fonction d’accuser réception des arrivages de

soie moulinée et d’en estimer le poids et la valeur et d’organiser, de régulariser les

échanges de soie entre marchands et fabricants. Installée au cœur des Terreaux

dans un local neuf construit sous la direction de l’architecte Gay 1060 , elle est

clairement un instrument de la puissance des négociants. Son financement initial se

fait par deux emprunts de cent cinquante mille francs chacun, autorisés par une loi

du 9 septembre 1807 et un décret impérial du 13 août 1810. Il est prévu que le

produit de la condition contribue au remboursement (prévu pour finir en 1827), ce qui

aide à faire accepter aux édiles qu’aucun profit ne sera porté au budget de la ville1061.

D’ailleurs, lorsque les membres de la chambre de commerce contestent auprès du

gouvernement que les revenus autres que ceux du pesage et du mesurage, c'est-à-

dire ceux qui sont issus des transactions entre marchands et fabricants, soient de

nature municipale, les conseillers municipaux eux-mêmes leur donnent raison1062.

L’entrepôt des denrées coloniales est accordé à Lyon pour être établi sur les

terrains de l’ancien arsenal. Il est prévu, par le décret du 11 juin 1806, qu’il y soit

rejoint par l’un des quatre entrepôts réels des sels répartis dans l’Empire. Son entrée

1058

KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p.393. 1059

Révérony. Il est reconduit pour six ans en 1811. 1060

MATHIAN, Nathalie, « Napoléon « réédificateur de Lyon », op.cit., p.243. 1061

AML, 784 WP 0002.3, Condition publique des soies. Lettres de la chambre de commerce au maire (1811-

1813). 1062

Ibid. Lettre au ministre des manufactures et du commerce ; AML, 1217 WP 034. Séance du 9 décembre

1811.

387

en activité est subordonnée à la construction de divers locaux commerciaux,

notamment des magasins, et d’un corps de garde pour les préposés des douanes.

Aussitôt le maire Fay de Sathonay sollicite et obtient du préfet l’autorisation de lancer

les travaux et, compte tenu du retard initialement pris en raison de l’absence de

moyens idoines 1063 , propose d’en garantir le paiement par l’organisation d’une

souscription auprès de « ceux de Messieurs les négociants dont le commerce reçoit

un avantage plus direct de cet établissement »1064. Il s’agit de mobiliser un capital de

cent trente-deux mille francs répartis en quatre actions d’une valeur de quinze mille

francs et neuf d’une valeur de huit mille francs1065. Indice supplémentaire de l’étroite

imbrication du milieu des édiles et de l’élite négociante, on trouve parmi les

souscripteurs Charrasson, Devillas-Boissière et Mémo, chacun pour huit mille francs,

et une association des frères Dervieux avec Bodin et Fay de Sathonay lui-même

pour un titre de quinze mille francs.

Un tel établissement est destiné à recevoir les produits exotiques entrant en

France par le port de Marseille, donc particulièrement ceux du Levant. Cotons, cafés,

cacaos et sucres y sont stockés et distribués sous l’Empire en franchise de douane.

Les droits ne sont perçus qu’après que les produits sont commercialisés ou après un

stationnement prolongé dans l’entrepôt (un an). Rapidement, les édiles se font l’écho

de la déception des négociants constatant le frein mis au développement de

l’entrepôt par la disposition limitant à Marseille la fonction d’approvisionnement de la

place lyonnaise. L’idée d’une délibération réclamant l’élargissement de la liste des

ports fournissant l’entrepôt chemine parmi le personnel politique municipal jusqu’à ce

que, en mai 1809, le maire propose – et le conseil vote – un rapport en ce sens. Se

prononçant en faveur de la « circulation des marchandises », les édiles soulignent

l’incapacité du port de Marseille à offrir seul un trafic suffisant à l’établissement de

Lyon et mettent en avant la vocation de leur ville « à être un centre de

communication pour tous les points de l’Empire » alors que « la Suisse, dont elle est

frontière, lui offre un débouché pour les denrées qui lui seraient expédiées des ports

de l’Océan »1066. La municipalité s’avère en l’occurrence un porte-parole d’autant

plus efficace et convaincant qu’elle est celui des négociants : à compter de 1810,

1063

La mairie sollicite en vain de l’administration des Douanes une avance de 200 000 francs : AML, 1217 WP

030. Séance du 17 juillet 1806. 1064

La souscription est ouverte le 30 janvier 1807 : Ibid. Séance du 1er mai 1807. 1065

Les actions sont prévues pour être remboursables sous trois ans avec des intérêts de 6 % par an. 1066

AML, 1217 WP 032. Séance du 5 mai 1809.

388

l’entrepôt des denrées coloniales et des marchandises étrangères non prohibées de

Lyon reçoit aussi des marchandises en provenance des ports de Bordeaux, Nantes,

Le Havre et Gênes en même temps que des cotons expédiés d’Italie1067. Désormais,

la municipalité n’intervient plus que pour entretenir et bâtir les locaux nécessaires à

l’emmagasinage des produits1068. C’est en vain qu’elle réclame, à l’initiative des

négociants et par l’organe du conseiller Bodin, la construction d’une halle aux cotons

sur le site de l’arsenal1069. L’Empire et son chef – à l’été 1813, Napoléon manœuvre

en Allemagne et l’armée d’Espagne est sur la Bidassoa – ont désormais d’autres

urgences.

La municipalité complète l’équipement de la ville en entrepôts commerciaux par

la construction d’une halle aux grains et tente d’intervenir dans le commerce des

boissons par la prise en main de l’entrepôt général des liquides en transit.

Sous la Révolution, le marché aux grains se tient, à Lyon, à l’église des

cordeliers de Saint Bonaventure que le décret impérial du 2 avril 1806 rend au culte.

C’est le 13 mai 1811 que le conseil municipal décide d’envoyer sa commission des

travaux publics en députation pour assister à la pose de la première pierre de la halle

aux grains qui a lieu le 5 juin suivant 1070 . Finalement édifié sur des plans de

l’architecte Gay, le projet d’une halle aux grains destinée au stockage et à la

commercialisation des blés est donc ancien. Il remonte en fait à germinal an XIII

(avril 1805), lorsque le conseil municipal décide de dédier l’ancienne chapelle des

Confalons à cet objet1071. Entre les deux dates, les édiles, qui ont reçu le soutien des

boulangers, se sont montrés efficaces à protéger le site des convoitises de

l’Église1072.

La maîtrise de l’entrepôt général des liquides représente un autre enjeu

important. Disposant d’un privilège exclusif, cet établissement exerce un monopole

au titre de l’adjudication. Il échappe de fait assez largement au contrôle des

autorités. Fay de Sathonay entame, en juin 1807, une action de même nature que

celle concernant l’octroi. Elle vise en effet à faire passer l’entrepôt sous

l’administration directe de la commune afin de procurer un revenu à la municipalité

1067

KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p. 405. 1068

AML, 1217 WP 035-036. Séances du 26 août 1812 et du 27 juillet 1813. 1069

Ibid. Séance du 8 juillet 1813. 1070

AML, 1217 WP 033. 1071

AML, 1217 WP 029. Séance du 15 germinal an XIII (5 avril 1805). 1072

AML, 784 WP 030.

389

mais surtout de lui permettre de mettre fin à la situation de monopole et, ainsi, de

redonner vie aux multiples commissionnaires installés en ville. L’empereur accède à

la volonté du maire en autorisant la municipalité, par le décret du 3 août 1808, à

acquérir le privilège de l’entrepôt qui devient municipal le 21 septembre 18081073.

Dès lors, les édiles décident du règlement et de l’organisation de l’entrepôt des

liquides en associant l’incontournable chambre de commerce dont le préfet et le

gouvernement défendent âprement les prérogatives1074. Son secrétaire, Mottet de

Gérando, et son président, Regny père, deux futurs édiles, signent une contribution

qui est lue en séance du conseil et annexée à la délibération1075. Chose importante,

si la municipalité est parvenue à se rendre maîtresse de l’entrepôt, elle n’a pas

obtenu la possibilité d’assouplir le privilège de l’exclusif. Autrement dit, il ne lui a pas

été donné de pouvoir déroger au régime fiscal défini pour les villes de l’Empire

disposant d’un octroi. Confrontés à une contraction de l’activité commerciale à partir

de 1810 1076 , la mairie réclame la suppression pure et simple de l’entrepôt des

liquides comme un moyen de donner de l’activité aux commissionnaires

indépendants1077. En vain. Le gouvernement, n’entend pas priver le budget municipal

d’une de ses ressources.

2.2.3. Le poids de la conjoncture

En matière économique, à Lyon, l’œuvre napoléonienne consiste essentiellement

en un effort soutenu de réencadrement de l’économie par des institutions contrôlées

par les entrepreneurs locaux. Condition publique des soies et chambre de commerce

sont le point nodal de la réédification d’un cadre récemment dissous par le

libéralisme révolutionnaire. La mairie est clairement un acteur efficace de cet ample

mouvement. Elle l’est d’autant plus qu’elle relaie à la fois la volonté impériale et les

revendications des élites économiques qui peuplent largement la municipalité. C’est

cette synergie entre la volonté politique nationale et celle des forces économiques

1073

AML, 1217 WP 031. 1074

Un arrêté du ministre des Finances, Gaudin, en date du 10 janvier 1809 prévoit l’implication automatique des

chambres de commerce dans les projets de réglementation de ce type. 1075

AML, 1217 WP 032. Séance du 5 mai 1809. 1076

Dès la deuxième moitié de l’année 1810, la France connaît un ralentissement de l’activité économique et la

prospérité qui caractérisait jusqu’ici l’Empire devient moins manifeste : JESSENNE, Révolution et Empire…op.

cit., 1993, p.236 sq. 1077

AML, 1217 WP 034. Séance du 4 septembre 1811.

390

locales qui fonde la prospérité de l’économie lyonnaise sous le règne de Napoléon et

dont profite, en même temps qu’elle la facilite, la municipalité. Si l’on suit Pierre

Cayez, la production lyonnaise, en 1810, est supérieure à son niveau de 1789 alors

même qu’en 1801, « la production d’étoffes de soie était encore inférieure de 35 %

au niveau atteint en 1789, celle de passementerie de 80 % et celle de chapellerie de

67 % »1078. Les métiers se multiplient, leur nombre est en progression de 25 % entre

1802 et 1813. Ils se répandent dans l’ensemble de l’agglomération selon un

« mouvement d’activité centrifuge précoce »1079. Du milieu du Consulat au déclin de

l’Empire, les exportations de l’industrie lyonnaise progressent de 30 %1080. Dans ce

contexte, la municipalité a pour tâche essentielle d’accompagner la croissance. Les

édiles revendiquent les mesures souhaitées par les élites économiques et,

simultanément conduisent une politique sociale selon les vœux de l’empereur c'est-

à-dire qui consiste à contrôler la population avec la complicité des notables1081.

Cette dynamique qui permet à l’économie lyonnaise de connaître une forte

croissance est sans doute un des éléments les plus indispensables à l’enracinement

de la formule impériale à Lyon, tant sur le plan social – l’amalgame des élites au

service du régime – que sur le plan politico-administratif – la crédibilité d’institutions

sévèrement contrôlées –. Que la croissance, que la prospérité ne soient pas au

rendez-vous et c’est le système qui se grippe. En l’occurrence, les années 1810-

1811 marquent une rupture violente alors que jusque-là Lyon a été placée dans la

situation de commander « l’industrie et le commerce de la soie pour l’ensemble de

l’Europe »1082. Dès lors, l’ensemble de la construction napoléonienne est fragilisée.

Ce constat est d’autant plus vrai pour la municipalité qui, au sein de l’organisation

politico-administrative, est une institution relativement démunie par rapport,

notamment, à la préfecture.

1078

CAYEZ, Pierre, « La prospérité lyonnaise », dans PELLETIER, André, ROSSIAUD, Jacques, BAYARD,

Françoise, CAYEZ, Pierre, Histoire de Lyon, des origines à nos jours, op. cit., p.674. 1079

On peut suivre certains des mouvements de cette conjoncture dans les rapports préfectoraux, notamment

ceux de Bondy : AN, F1c

III Rhône 5. 1080

CAYEZ, Pierre, « L’économie lyonnaise sous le Consulat et l’Empire », dans ZINS, Ronald [dir.], Lyon sous

le Consulat et l’Empire, op. cit., p.14-15. 1081

« Constituer des faisceaux d’intérêt demeurant dans sa dépendance et lui assurant l’obéissance des classes

populaires, telle fut sa politique sociale » : TRÉNARD, Louis, De l’Encyclopédie au Préromantisme…, op. cit.,

t.2, p.511. 1082

LABASSE, Jean, Le commerce des soies…, op. cit., p.37.

391

En période de crise, le risque du mécontentement de la population renforce la

nécessité de l’intervention publique. Or, la mairie, garante du pacte local entre

administrateurs et administrés n’a que des moyens, financiers et règlementaires,

limités. Elle risque d’apparaître impuissante à résoudre efficacement les difficultés si

elle n’est pas puissamment aidée par le gouvernement. C’est ce dont témoignent les

vigoureuses interventions du préfet ou de Napoléon lui-même lors de la crise des

années 1810-18111083. Conçues pour résoudre des problèmes urgents, elles ont

aussi pour effet de masquer l’incapacité de la mairie.

De plus, les difficultés économiques augmentent chez les élites les réserves vis-

à-vis du régime. La progression de cette défiance fragilise d’autant plus la

municipalité que celle-ci est la création institutionnelle locale du régime la plus

sensible aux variations de l’esprit public. Collégiale, elle est un lieu où des

dissensions peuvent se faire jour. Proche par sa composition des catégories sociales

qui comptent et profondément insérée dans les réseaux locaux, elle offre le cas

échéant comme une caisse de résonnance aux opinions dissonantes. Enfin, les

difficultés économiques dissociant le sort de Lyon de celui de l’Empire, c’est le

système général qui a toutes chances d’être critiqué. Le blocus est rapidement

dénoncé par les commerçants. Du coup, la municipalité lorsqu’elle se fait la voix du

négoce paraît réclamer pour Lyon contre l’Empire. En 1813, la voix du maire

s’associe à celle de la chambre de commerce pour exhorter l’empereur à prendre en

considération l’intérêt de Lyon lorsqu’il aura à envisager le sort de l’Allemagne et

l’évolution de ses relations avec la Russie 1084 . Une adresse de la chambre de

commerce avait déjà approché en ce sens l’empereur après les premières victoires

annoncées de la campagne de 18131085. La position de la municipalité est alors à

proprement parler inadmissible car contraire à la dynamique d’ensemble au sein de

laquelle il est attendu qu’elle s’insère, contraire au système napoléonien.

1083

AN, AFIV

1290, (158). 1084

TRÉNARD, Louis, De l’Encyclopédie au Préromantisme…, op. cit., t.2, p.595. 1085

AN, AFIV

1291A (264).

392

Conclusion de la troisième partie

Quel est le bilan de l’action municipale en 1815 ? Quel est-il pour Lyon, la ville et

ses habitants et quel est-il pour le régime au nom et sous l’autorité duquel elle a été

conduite ?

L’inachèvement de la plupart des chantiers les plus symboliques, au premier

rang desquels celui des façades, l’avancement peu spectaculaire de plusieurs autres

pourtant essentiels à l’amélioration de la vie urbaine comme celui des fontaines, le

poids de la contrainte financière et du contrôle bureaucratique, si souvent dénoncés

par le personnel politique local, toutes ces limites apparentes ne doivent pas

masquer l’évidence. Ce qui frappe, lorsqu’on examine l’état des réalisations et

l’avancée des dossiers dont la municipalité a eu, peu ou prou, à connaître, lorsqu’on

s’attarde sur le visage qu’offre Lyon au sortir de la période napoléonienne, c’est la

vigueur des actions conduites, la profondeur des changements entrepris. Lyon s’est,

sous l’Empire, dotée d’établissements commerciaux qui en ont conforté la place de

carrefour commercial en même temps que sa spécialisation autour de la Fabrique

s’affirmait et que sur son sol s’élaborait une nouvelle manière de penser les rapports

sociaux à travers la procédure prud’homale. L’effort d’aménagement et de

développement urbanistique ne s’est jamais démenti. Il est remarquable par

l’ampleur et, surtout, par la cohérence de son ambition. De Perrache aux rives

septentrionales de la Saône, des Terreaux à l’archevêché, il étend à chacun des

quartiers de la ville son ambition monumentale, l’effort de rationalisation du plan et

d’amélioration de la voirie. Avant tout, la municipalité a assumé avec efficacité une

fonction protectrice bien diminuée depuis les dernières années de l’Ancien régime.

Soucieuse d’assurer les subsistances, d’organiser l’effort d’assistance, menant une

action déterminée dans un domaine de la sécurité entendu dans une très large

acception, la municipalité trace les contours d’une politique sociale destinée à

concerner l’ensemble de la population de la ville. Au cœur du pacte local revivifié,

génératrice de lien politique, cette dimension de la politique de la ville est au

fondement de la légitimité de l’autorité municipale et des édiles qui l’exercent et

l’incarnent.

Le bilan positif de l’action de la mairie unique l’est d’abord pour Lyon ; il l’est

aussi pour le régime impérial. Il est dans l’intérêt de l’Empire que la deuxième ville de

393

France voie sa situation générale s’améliorer et puisse symboliser à travers une

prospérité retrouvée et dont le paysage porte témoignage la réussite du régime

napoléonien.

La part prise par la municipalité dans ces réalisations est indéniable. Sauf dans

le cas du palais impérial, ce sont les architectes de la ville qui dessinent les projets et

dirigent les travaux. La mairie organise malgré les difficultés le transfert des

propriétés, participe au financement, traite avec les entrepreneurs. Elle use de ses

réelles prérogatives en matière de politique sociale et sécuritaire. Mais, pour

indispensable qu’elle soit, la participation de la municipalité au développement de

Lyon est celle d’un acteur puissamment contrôlé et maintenu, par le biais de la

chaîne administrative, dans un état de complète subordination. En ce sens, l’ambition

des édiles, qui maintes fois est affirmée, de conquérir davantage d’autonomie fut une

ambition empêchée. Ce n’est pas tant la prospérité et le rayonnement de Lyon qui

furent redoutés et, partant, entravés par le pouvoir central que la prétention de ses

édiles à s’en prétendre les responsables et les garants.

394

CONCLUSION

395

Le régime de la mairie unique et la municipalité dont est dotée Lyon à compter

de septembre 1805 figurent la solution impériale appliquée à la situation très

particulière de la deuxième ville française de l’Empire. Lyon sort traumatisée de la

Révolution et il convient, dès le Consulat, de lui redonner force et prestige dans la

mesure où elle pourra de la sorte être mobilisée efficacement au service du système

napoléonien.

Progressivement, mais tout compte fait les contours en sont esquissés assez tôt,

la solution impériale se dessine. La loi du 28 pluviôse pourvoit la France des

territoires d’une organisation rationalisée et les communes d’un cadre règlementaire

stable. Parallèlement, l’établissement d’un notabilat conçu comme le lieu de

l’amalgame des élites anciennes et nouvelles fournit la masse de granit sur laquelle

peut s’édifier l’ordre social, tant sur le plan local que national.

Ces éléments forts de l’organisation napoléonienne interviennent à Lyon sur un

substrat à la fois passablement chamboulé par les événements révolutionnaires et

remarquablement réceptif du fait de caractéristiques anciennes qui tiennent à

l’identité sociale et politique de la ville. Noblesse et bourgeoisie d’affaires se côtoient

déjà plus qu’ailleurs dans cette cité privée de parlement, l’aspiration à un certain

modérantisme rapproche des partisans de la gauche et de la droite, la défiance à

l’égard de la centralisation se mâtine de résignation face à la puissance parisienne

et, par-dessus tout, la soif de reconnaissance réunit les Lyonnais, affligés qu’ils sont

de l’abaissement subi par leur cité. En dotant Lyon d’une mairie unique, Napoléon

octroie à la ville une reconnaissance à laquelle elle aspire profondément et

parachève en quelque sorte la normalisation entamée par l’abrogation des décrets

infamants d’octobre quatre-vingt-treize.

Mais tout n’est pas affaire de considération retrouvée. La réalité de la mairie

unique, dans le prolongement des orientations suivies sous le Consulat, est double.

Elle correspond à une municipalité-administration rationalisée, efficacement

rassemblée autour d’un seul maire et de l’équipe exécutive qu’il forme avec ses six

adjoints. Elle correspond à une municipalité-groupe d’individus, nommée en fonction

de critères qui lui confèrent légitimité et aptitude à gérer la chose publique. La

construction proprement administrative s’accompagne d’un recrutement mettant en

œuvre l’ambition napoléonienne de fusion. En même temps que les époques, les ci-

396

devant états et les catégories sociales, ce sont les opinions qui se rencontrent et sont

appelées à participer à une sorte de syncrétisme impérial.

Un fait ne doit pas être négligé : à la fois produit et instrument de l’ambition

napoléonienne en matière d’organisation politique et sociale, la municipalité de Lyon

se voit affecter des moyens assez importants par le biais du rétablissement de

l’octroi. Les recettes de la ville sont en mesure de participer à la réédification

consulaire et impériale en alimentant, pour une part, les caisses du trésor public et

en finançant, pour l’autre part, la mise en œuvre locale de la politique de l’État.

De manière assez nouvelle, la municipalité lyonnaise se voit donc dotée des

moyens de l’action en termes financiers, organisationnels et humains. N’était la

solidité du lien avec l’État central, la municipalité aurait la capacité d’une politique

municipale autonome. C’est un des paradoxes de la solution impériale que de placer

à la tête de la deuxième ville de France une institution efficace, compétente et assez

riche tout en lui refusant sans faillir toute capacité d’initiative.

Car la réalité de la mairie unique est bien celle de la plus étroite subordination.

Maillon administratif élémentaire d’une chaîne rigidement contrôlée, elle connaît la

tutelle sourcilleuse du préfet mais aussi la constante immixtion des ministres et de

l’empereur lui-même. Le personnel politique qui lui donne vie constitue, parce qu’il

est fait de notables, le lieu de convergence de secteurs composites de l’opinion et de

la société élitaires. Membres d’une élite en gestation, les édiles sont sévèrement

surveillés. Ralliés avec plus ou moins d’enthousiasme, ils se soumettent

pragmatiquement à un pouvoir qui les distingue, offre les conditions de leur élévation

et se montre trop fort pour être évité voire discuté. Dans le cadre d’une procédure

budgétaire stricte, l’utilisation des moyens de la ville est strictement dirigée.

L’affectation des crédits dépend de la volonté impériale. Si le chef de l’État se montre

parcimonieux, quitte à accorder par ailleurs les crédits exceptionnels indispensables

au règlement d’arriérés, au financement de chantiers ambitieux ou d’opérations

d’assistance imposées par la crise, c’est parce qu’il voit là un moyen supplémentaire

de brider l’ambition qu’ont les édiles d’initier et d’incarner une politique véritablement

municipale, de s’ériger collectivement en un acteur central sinon principal du

développement de Lyon.

397

C’est dans cette contradiction fondamentale, entre l’existence des moyens pour

une politique vigoureuse et les étroites limites fixées à la mobilisation de ces moyens

par les édiles, que se situe l’origine d’une des principales failles de la solution

impériale. Le personnel politique municipal lyonnais est rapidement frustré de son

ambition. Empêchés d’agir, les édiles récriminent parfois. Plus souvent, le constat de

leur impuissance les amène à se détacher de leur mission. Déresponsabilisés,

beaucoup oscillent en fait entre l’absentéisme dédaigneux et la servilité courtisane.

Ils regimbent contre le mépris dans lequel est tenu leur avis mais persistent dans leur

projet de représenter l’intérêt et l’esprit public de Lyon, principalement des élites.

Pour cela ils utilisent les mécanismes et adoptent les comportements dont ils

espèrent qu’ils permettront de se faire entendre d’un pouvoir suprême dont la nature

monarchique s’affirme.

En même temps, parce qu’elle concentre et re-légitime l’autorité publique, parce

qu’elle retisse du lien politique et parce qu’elle incarne l’attachement au

développement de Lyon, la mairie unique est une institution efficace. La période

napoléonienne est très productive sur le plan de la politique municipale. Elle dépasse

nettement en la matière en tous cas l’époque révolutionnaire, doublement victime de

la grande instabilité institutionnelle et politique et de la faiblesse des moyens. Une

véritable ambition urbaine apparaît au travers des multiples projets d’aménagement,

de construction, de rénovation qui aèrent, embellissent la ville et améliorent sa

fonctionnalité. Le soutien à l’activité économique est constant et constitue le

soubassement indispensable à l’émergence d’une vraie politique sociale. Si le

rayonnement culturel de Lyon ne progresse pas aussi rapidement, cela ne doit pas

dissimuler la profondeur et la rapidité des évolutions initiées à partir du Consulat,

accélérées sous l’Empire.

La municipalité est un acteur majeur de tous ces changements. Garante de

l’exécution de la politique de l’État au plan local, elle relaie fidèlement la volonté

impériale sous le contrôle de la préfecture mais contribue à faire connaître les

besoins ou les préventions spécifiques de la ville. Elle est capable de proposer des

mesures particulières ou de réclamer l’application de la politique générale à Lyon.

Privée de marge de manœuvre, elle parvient parfois à utiliser les silences de la loi et

les opportunités de la conjoncture pour s’approprier un certain nombre de

prérogatives. Elle n’est pas qu’un simple rouage de transmission. Elle a la possibilité

398

d’infléchir la politique générale. Bien sûr, il ne faut pas pour autant lui imputer la

responsabilité majeure de la politique municipale. C’est bien l’État central qui la

détermine. C’est à lui qu’il revient d’en assumer les réussites et les échecs. Et

puisque la mairie unique est un élément de l’organisation napoléonienne, c’est aussi

l’État qui est, in fine, responsable de son degré d’opérationnalité.

Or, il est évident que l’organisation impériale, excessivement centralisée et

défiante à l’égard du pouvoir local, est à l’origine de blocages de toutes sortes qui

font obstacle à la réalisation des projets les plus urgents. La rigidité des procédures

diminue considérablement le degré de réactivité des divers rouages de la mécanique

administrative. La méfiance à l’égard des velléités d’action des édiles peut conduire à

une insuffisante prise en compte des spécificités locales. Le fait est que certaines

greffes impériales n’ont pas pris sur le corps social lyonnais et que certaines

mesures ont été rapportées alors qu’elles eussent sans doute été fructueuses. On

pense notamment à ce qui a trait à l’enseignement secondaire et supérieur.

Le régime impérial a fait en sorte de rendre évident le fait que la prospérité

lyonnaise dépendait fondamentalement de l’État. Il s’est agi d’orienter les vœux des

édiles et de l’opinion publique, soucieux d’améliorer leur propre sort, vers la réussite

du régime et, plus amplement, du système napoléonien.

De fait, réellement, le sort de Lyon dépend à double titre de celui du régime.

D’abord, la politique municipale se développe au gré des décrets impériaux, des

attributions de crédits, des agréments de plans ou d’adjudications que dispensent

l’empereur ou ses ministres avec plus ou moins de bienveillance, en particulier selon

l’attachement au régime affecté par les édiles. Ensuite, la politique municipale voit

son ampleur et son rythme commandés par l’évolution de la conjoncture, c'est-à-dire

par les événements militaires et les options diplomatiques, par la dynamique du

système européen. La dépendance de Lyon vis-à-vis du régime napoléonien est, à

tous ces égards, structurelle. Mais s’il y a quelque chose qui ressort de la stricte

volonté du maître, il y a aussi une part de cette dépendance qui est de fait en ce que

les moyens potentiels de la politique municipale sont fonction de la prospérité de

l’Empire.

Conséquemment, le sort de Lyon est profondément assimilé à celui de l’Empire.

Le régime espère sans doute que cela contribue à renforcer l’attachement des édiles

399

et, plus largement, des notables et de la population à l’ordre napoléonien. Mais cela

a aussi l’effet inattendu d’encourager les édiles à se prononcer sinon sur le régime

proprement dit du moins sur ses orientations puisqu’elles ont une si grande incidence

sur le sort de leur ville et leur destin propre. Réclamer la paix, se prononcer sur le

blocus ou suggérer une modification des relations avec la Russie devient

envisageable dès lors qu’il s’agit de promouvoir les intérêts de Lyon et non pas

d’apprécier la politique de Napoléon pour elle-même. Ainsi, affirmer la mise sous

tutelle de l’institution administrative qu’est la municipalité et sa sujétion au bon vouloir

impérial ne garantit pas contre l’expression d’oppositions à la politique générale,

même si elles s’avèrent prudentes et de peu d’effet.

Il ne faut pas s’y tromper, la période napoléonienne jette les bases sur lesquelles

la prospérité lyonnaise s’édifie pour le siècle qui s’ouvre. L’Empire a initié une

période de forte croissance économique, tirée par un essor inédit de la Fabrique qui

s’apprête à connaître son « siècle d’or »1086. Le cadre organisant l’activité et les

relations sociales ont été redéfinis, favorisant l’éclosion d’un patronat dynamique1087.

Les conditions sont réunies pour l’épanouissement d’un notabilat remarquablement

consacré à sa réussite économique1088 et développant une sociabilité sophistiquée

qui lui est propre1089.

En ce qui concerne la gestion de la ville, le cadre institutionnel et règlementaire

est trouvé, comme le sont les équilibres sociaux et politiques. La solution impériale

est durable. Elle repose sur la réconciliation politique organisée autour du centre,

l’amalgame des élites sanctionnée par l’émergence des notables et est assurée par

une organisation vigoureusement centralisée. Efficace et cohérente, l’organisation

politico-administrative est en outre particulièrement adaptée à Lyon où elle

correspond à une identité politique faite d’accoutumance à l’amalgame social, de

modérantisme et d’ambition municipale matinée de résignation à une autonomie

atrophiée1090. Les événements de 1814-1815 se chargent de mettre en évidence

combien la formule est capable de survivre au régime. Progressivement

1086

CAYEZ, Pierre, « La prospérité lyonnaise », dans PELLETIER, André, ROSSIAUD, Jacques, BAYARD,

Françoise, CAYEZ, Pierre, Histoire de Lyon, des origines à nos jours, op. cit., p.673-675. 1087

CHASSAGNE, Serge, « Une économie urbaine en expansion, à travers le cas de deux acteurs majeurs »,

dans L’esprit d’un siècle. Lyon, 1800-1914, op. cit., p.64-74. 1088

CAYEZ, Pierre, CHASSAGNE, Serge, Les patrons du Second Empire…, op. cit., p.23-25. 1089

PELLISSIER, Catherine, Les sociabilités patriciennes à Lyon du milieu du XIXe siècle à 1914, …op. cit.

1090 BENOIT, Bruno, « Lyon au XIX

e siècle : une ville qui construit son identité politique », dans L’esprit d’un

siècle. Lyon, 1800-1914, op. cit., p. 176-192.

400

déresponsabilisés, les édiles peuvent envisager de se détacher du régime sans

perdre pour autant un pouvoir et une légitimité vus comme les fruits de leur

prééminence sociale. En outre, associant fortement et ce, depuis l’origine, le sort de

Lyon à celui de l’Empire, le régime napoléonien encourage les édiles à abandonner

ce dernier dès lors qu’il n’apparaît plus comme le garant de la prospérité. Pour

terminer, à Lyon, le contexte de radicalisation qui marque les Cent-jours renverse

spectaculairement les positions en faisant assumer par les partisans de Napoléon le

risque de remettre en cause les équilibres sociaux et politiques récents sur lesquels

reposait justement le soutien au régime. Cette conjonction de facteurs liés, aussi

contradictoire que cela puisse paraître, aussi bien à la réussite qu’aux failles de la

formule impériale explique la facilité avec laquelle le passage s’est fait, finalement,

d’un régime à l’autre.

401

BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES

402

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES GÉNÉRAUX Instruments de travail : répertoires bibliographiques et guides de recherches

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Indicateur de la ville de Lyon contenant un répertoire général par ordre alphabétique des noms des habitants où l’on trouve l’indication de leur état, de leur profession et de leur domicile, 1808 – 1810, 1813 [Lyon, Périsse, in-12°] Législation, règlementation Archives parlementaires : - Série 1 : Archives parlementaires de 1787 à 1860: recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises. Première série, 1787 à 1799, (Paris: 1868-1913, 1966-2005), 101 volumes - Série 2 : Archives parlementaires de 1787 à 1860: recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises. Deuxième série, 1800 à 1860 (Paris: 1862-1912), 127 volumes [des volumes de chacune des deux séries sont consultables en ligne sur le site de la Bibliothèque nationale (http://gallica.bnf.fr)]

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Bulletin des lois, an IX – 1860 DUVERGIER, Jean-Baptiste, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements et avis du Conseil d’État de 1788 à 1830, Paris, A.Guyot éditeur, 1824-1834, 24 volumes ISAMBERT, F.-A., Recueil général des anciennes lois françaises, depuis l’an 420 jusqu’à la Révolution de 1789, Paris, Plon, 1830, 28 volumes Recueil des arrêtés des représentants du peuple depuis le 9 octobre 1793 [B.M.L., Fonds Coste 354.349] Presse Journal de Lyon et du département du Rhône, par Pelzin [Lyon, Tournachon, 1795 – 1797, 3 vol., in-8°] Journal de Lyon et du Midi [Lyon, Ballanche, 1802, in-8°] Petites Affiches de Lyon, puis Bulletin de Lyon [Lyon, Ballanche, 1802 – 1809, 7 vol., in-4°] Journal de Lyon et du département du Rhône [Lyon, Roger, 1810 – 1813, 4 vol., in-4°] Journal de Lyon ou Bulletin administratif [Lyon, Kindelem, 1814 – 1815, in-4°] Publications des délibérations municipales Procès verbaux des corps municipaux de la ville de Lyon, publiés par la municipalité d’après les manuscrits originaux, 1787-An VIII, Lyon, Imprimerie nouvelle lyonnaise, 1899-1907 (6 volumes : 1787-an IV) Conseil municipal, Procès-verbaux des séances, publiés par la Municipalité d’après les manuscrits originaux, 1800-1870, Lyon, Imprimerie nouvelle lyonnaise, 1913-1926 (4 volumes : an IX-1817) Documents relatifs à la vente de biens nationaux, Lyon, Imp. Schneider, 1906

Associations Académie de Lyon, compte rendu pour l’année 1809, Lyon, Ballanche, in-8°. Les imprimés qui suivent sont regroupés dans le Fonds Coste, de la Bibliothèque municipale de Lyon (site de la Part-Dieu). Il s’agit de la fameuse « bibliothèque lyonnaise » composée de nombreux manuscrits et imprimés de grand intérêt, formée par Jean-Louis-Antoine Coste (1784-1851). La table alphabétique, particulièrement utile, en a été établie et imprimée par Aimé Vingtrinier en 1856.

Arrêté du Conseil d’État portant établissement d’une Société d’agriculture dans la généralité de Lyon, du 12 mai 1761, Lyon, P. Valfray, 1761, in-4°, 3 p. [B.M.L., Fonds Coste 114 379] Règlements de la Société d’agriculture, histoire naturelle et arts utiles du département du Rhône, séante à Lyon, adoptés définitivement dans la séance du 4

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décembre 1805, Lyon Bruyset et Buynand, in-8°, 15 p. ; [B.M.L., Fonds Coste 351 456] Règlements de la Société d’agri, histoire naturelle et arts utiles du département du Rhône, séante à Lyon, adoptés définitivement dans la séance du 10 décembre 1805, Lyon Bruyset et Buynand, in-8°, 16 p. [B.M.L., Fonds Coste 351 457] Cercle littéraire de Lyon. Règlement, Lyon, Ballanche, 1808, in-4°, 4 p. [B.M.L., Fonds Coste 114 390] Règlement de la Société des amis du commerce et des arts, établie à Lyon le 12 germinal an XIII, in-4°, 15 p. [B.M.L., Fonds Coste 111 393] Société des amis du commerce et des arts, Procès verbal de l’assemblée générale, tenue le 1er messidor an XIII à Lyon, Lyon, Bruyset, in-4°, 18 p. [B.M.L., Fonds Coste 114 394] Statuti della Società d’emulazione per lo studio della lingua e della letteratura italiana, Lyon, Ballanche, 1807, in-8°, 8 p. [B.M.L., Fonds Coste 351 506] La paix de Tilsitt, cantate exécutée dans la loge de Saint Napoléon de la Bonne Amitié, à l’Orient de Lyon, le 23 août 1807, in-4°, 4 p. [B.M.L., Fonds Coste 110 894] La Parfaite Harmonie [B.M.L., Fonds Coste, Rés. 479 940] Le Parfait Silence [B.M.L., Fonds Coste, Rés. 479 943] Tableau des frères composant la loge de Saint Napoléon de la Bonne Amitié, 1806-1809, Lyon, Pelzin, 4 cahiers, in-8° [B.M.L., Fonds Coste, 350 386 – 350 390] Tableau des frères composant la R.L. écossaise sous le signe distinctif de Saint Jean d’Écosse d’Isis, pour 1806, 1807, 1808, 1809, 1810 et 1812, Lyon, Pelzin et Drevon, 6 cahiers, in-8° [B.M.L., Fonds Coste 350 391 – 350 396] Hymne pour la fête de l’Ordre et celle de Saint Napoléon réunies, exécuté dans la loge de Saint Napoléon de la Bonne Amitié, le 21 août 1808, paroles de Pelzin, musique de Dreuilh, chanté par Labit, in-8° [B.M.L., Fonds Coste 350 397] Tableau des frères composant la R.L. écossaise sous le titre distinctif de Saint Jean d’Écosse de la Bienfaisance, séante à l’Orient de Lyon, l’an 5 808, Lyon, Pelzin, 1808, in-32° Tableau des frères composant la R.L. de la Sincère Amitié de Lyon pour l’année 5 808, Lyon, Pelzin et Drevon, 1808, in-8° [B.M.L., Fonds Coste 350 398] Tableau des frères composant la R.L. du Parfait Silence, à Lyon, pour 1808 et 1809, Lyon, Pelzin et Drevon, 2 cahiers, in-8° [B.M.L., Fonds Coste 350 399 – 350 400] Tableau des frères composant la loge de la Candeur, à Lyon, pour 1806, 1808 et 1812, Lyon, Pelzin et Drevon, 3 chiers, in-8° [B.M.L., Fonds Coste 350 401 – 350 403] Écrits de contemporains À Monsieur le comte d’Albon, maire de la ville de Lyon, sur les heureux événemens qui se sont passés à Lyon, sous son administration, jusqu’au 20 avril 1814, s.l.n.d., p. BONNEVIE, Pierre-Étienne, Éloge funèbre de Jean-Joseph Mallet comte de Fargues, maire de Lyon (…), prononcé le 22 mai 1818 (…) dans l’église de Saint-Pierre, Lyon, Impr. Rusand, 1818, 61 p.

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BURTIN, Les quatre époques. Fragment historique, Lyon, Baursy, 1815, 30 p. CHAPTAL, Jean-Antoine, Mes souvenirs sur Napoléon, Paris, Mercure de France, coll. « Le Temps retrouvé », 234 p. [édition présentée et annotée par Patrice Gueniffey] CARTIER, Éloge de M. Marc-Antoine Petit, lu dans la séance publique de l’Académie de Lyon, le 3 septembre 1811, Lyon, Ballanche, 1811, 31 p. CHARRIER de SAINNEVILLE, Claude-Sébastien, Compte rendu des événements qui se sont passés à Lyon, Paris et Lyon, 1818, 149 p. et 66 pages d’annexes. DELANDINE, Antoine-François, Tableau des prisons de Lyon pour servir à l’histoire de la tyrannie de 1792 et 1793, Lyon, Joseph Daval, 1797, 336 p. DELANDINE, Passage à Lyon de leurs majestés Napoléon 1er Empereur des Français et Roi d’Italie et l’Impératrice Joséphine en 1805, Lyon, 1806, 68 p. Deux mois à Paris et à Lyon sous le Consulat. Journal de Madame de Cazenove (février-avril 1803), Paris, A. Picard, 1903, 176 p. Discours nécrologique sur M. d’Assier de la Chassagne prononcé devant la Société royale d’agriculture de Lyon, 1816, 6 p. Épître présentée à M. Palerne de Savy, le jour où il a été proclamé, à l’unanimité des suffrages, maire de la ville de Lyon, 1790, 3 p. MARBOT, Jean-Baptiste-Antoine-Marcellin, Mémoires, Éd. J. Garnier, Paris, Mercure de France, 2001, 2 vol. NAPOLÉON BONAPARTE, Correspondance générale, publiée par la Fondation Napoléon, Paris, Fayard, 6 tomes parus de 2004 à 2009 (lettres de 1784 à 1806) NOLHAC, Jean-Baptiste, Souvenirs de trois années de Révolution à Lyon, Lyon, Périsse, 1844, 344 p. Notice sur le baron Vouty de la Tour, décédé à Paris le 4 mars 1826, Paris, Carpentier Méricourt, 1826, 14 p. REVOIL, M., Éloge de Mayeuvre de Champvieux, Lyon, Imp. Ballanche, 1813, 18 p. REGNY, Jean-Aimé, Éloge de M. Mottet de Gérando, membre de l’Académie (…) de Lyon, lu dans la séance publique du 10 juillet 1828, Lyon, Barret, 1828, 15 p. THIBAUDEAU, Antoine-Clair, Mémoires, 1799-1815, Paris, Plon, 1913, 561 p. TOROMBERT, H., Vouty de la Tour, né en 1741, mort à Paris en 1826. Éloge historique de M. Vouty de la Tour, Lyon, Perrin, 1826, 38 p. VERNINAC, Raymond, Description physique et politique du département du Rhône, Lyon, Ballanche, 1801, 133 p.

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SOURCES MANUSCRITES Archives nationales Secrétairerie d’État impériale (an VIII-1815) AFIV 1 à 126, Minutes des arrêtés des consuls (10 brumaire an X – 27 floréal an XII) AFIV 127 à 860, Minutes des décrets de l’empereur (28 floréal an XII – 22 juin 1815) AFIV 1290 (1-163), Rapports du ministre de l’Intérieur à Napoléon (1810), 145 : sur la demande de fonds pour les travaux à l’île Perrache ; 158 : sur l’état de la Fabrique AFIV 1291A (264), Adresse de la chambre de commerce de Lyon sur les victoires de 1813 AFIV 1302 (1-226), Rapports du ministre de l’Intérieur : proposition de révocation du commissaire général Maillocheau AFIV 1305 (109), Avis du conseil d’État sur l’emploi de fonds alloués au maire de Lyon en 1809, 1810, 1811 AFIV 1308 (dossier 5 Rhône), Rapport de Benoit de Gérando sur le projet de palais impérial (2 juillet 1808) AFIV 1310 (dossier 2), Rapports de Cambacérès, président du conseil du sceau des titres, 5 : demande de titre et d’institution de majorat par Claude Vouty de la Tour AFIV 1312 (dossier 1), demande de concession d’armoiries par la ville de Lyon (1810) AFIV 1313 (dossier 1), députés de Lyon reçus par l’empereur en mai 1811 AFIV 1316 (dossier 1), Rapports du ministre de l’Intérieur à Napoléon, 99-111 : Garde d’honneur de Lyon (an XIV-1806) AFIV 1317 (dossier 1), Rapports du ministre des cultes : aliénation du séminaire Saint Irénée, secours aux prêtres du diocèse de Lyon, réparations à faire à l’archevêché et à la cathédrale de Lyon AFIV 1344 (dossier 1), Demandes et attributions de permis de commerce, de licences d’exportation, 73 : Regny ; 197-198 : Bodin AFIV 1420 (Rhône), Liste d’éligibles AFIV 1422 (dossier 6 Rhône), Liste des 550 contribuables les plus imposés (an XI, par série) AFIV 1423 (dossier 2 Rhône), Liste des 550 contribuables les plus imposés (an XI, par département) AFIV 1424, Listes et pièces diverses relatives aux candidatures au Sénat (An XI-1811) AFIV 1425, Listes et pièces diverses relatives aux candidatures au Corps législatif (An XI-1811) AFIV 1427 (dossier 3 Rhône), Listes des trente propriétaires les plus imposés et des soixante « propriétaires les plus distingués par leur fortune et leurs vertus publiques et privées », éléments de correspondance, procès-verbaux de la commission de révision (An XIII-1806) AFIV 1430 (dossier 2 Rhône), Convocation des collèges électoraux de départements et d’arrondissements, nomination des présidents (an IX-1809) AFIV 1432, Collèges électoraux, dossier 4 : députation de la ville de Lyon reçue le 4 février 1811 par Napoléon AFIV 1436 (dossier 5 Rhône), Listes des 550 contribuables les plus imposés (1809)

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AFIV 1441 (Rhône), Mise à jour de la liste des plus imposés du département (1809) AF IV 1476, Contributions directes, cadastres (an VIII – 1812) : douze plus fortes contributions foncières dans le Rhône Administration générale Personnel administratif F1b I 105, Commissaires du pouvoir exécutif (an IV-an VII) F1b I 106, Suppression des commissaires du gouvernement près les bureaux centraux de Lyon, Bordeaux, Marseille et Paris (an VIII) F1b I 148, Fonctionnaires de l’administration préfectorale, Rhône Dossiers de préfets : F1b I 156/31, Taillepied de Bondy F1b I 156/50, Bureau de Pusy F1b I 157/13, Chabrol de Crouzol F1b I 160/11, Fourier F1b I 162/4, d’Herbouville F1b I 170/20, Pons F1b I 176/8, Verninac de Saint Maur F1b I 232, Listes des conseillers généraux, Rhône F1b I 241, Maires et adjoints nommés sous la Restauration, Lyon F1b I 242, Projet de mairie unique (rapports) F1b I 243, Maires et adjoints des municipalités Fay de Sathonay, renouvellement 1808 F1b I 244, Maires et adjoints des municipalités d’Albon, renouvellement 1813 F1b I 247, Maires et adjoints des municipalités de Fargues et Jars F1b II Rhône 11-13, Personnel, Lyon, (11 : 1790-an VI ; 12 : an VII-1811 ; 13 : 1812-1815) F1c III Rhône 1-3, Élections (1 : 1790-an XI, 2 : an XII-1813, 3 : 1815-1828) F1c III Rhône 5, Comptes-rendus administratifs (an III, anVII-an X, 1811-1812) F1c III Rhône 9, Correspondances et divers (an IV-1815) Circonscriptions territoriales : délimitations et réunions de communes F² II D Rhône 2, Projet de réunion de la Croix-Rousse et la Guillotière avec Lyon (1806-1810) F² II V Rhône 3.1, Élargissement de la rue Sainte Côme (1810-1812) F² II V Rhône 3.6, Projet de plan d’alignement (1814-1816) Administration communale F3 I 14, Armoiries des villes, Lyon

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F3 II Rhône 10-14, Documents divers, Lyon Finances communales F6 II Rhône 13-31 (Lyon) : [documents conservés sur le site des Archives nationales de Fontainebleau, inaccessibles depuis juillet 2003 en raison d’une pollution à l’amiante] Police générale F7 36866-8, Statistique morale et personnelle des départements, Rhône Archives départementales du Rhône Section ancienne : Série J. Fonds privés 8 J, Papiers Bondy 74 J, Fonds du Centre d’Histoire du dix-neuvième siècle (1811-1866) 106 J, Fonds Frécon. [Dépouillements généalogiques. Alliance et origines des familles notables de Lyon (Ancien régime-XIXe siècle)] Série L. Révolution française 1 L. Administration du département 94-99, Délibérations du Conseil général du département de Rhône-et-Loire (1790-1793) 103-113, Délibérations et arrêtés du Conseil général du département de Rhône-et-Loire sur les affaires générales et particulières (1790-1793) 115-127, Délibérations et arrêtés du Directoire provisoire de l’administration centrale du département du Rhône (an II-an VIII) 195, Réorganisation des services administratifs et judiciaires : District de Lyon (An II- An III) 332, Tableau des citoyens actifs et électeurs du Département de Rhône-et-Loire. (1790-1791) 333-334, Procès-verbaux de nomination des électeurs : ville de Lyon, districts de la campagne de Lyon et de Villefranche (1790) 337, Assemblée électorale du Département de Rhône-et-Loire (1791) 339, Assemblée électorale du département du Rhône 340-341, Formation des municipalités 343, Renouvellement des autorités constituées (An III) 346, Municipalités de canton : Lyon (divisions du Nord, du Midi, de l’Ouest), An IV-An VIII

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349, Bureau central de Lyon : nomination, démission, renouvellement (An IV – An VIII) 364, Correspondance générale de l’administration centrale (an V- an VIII) 365, Correspondance de l’Administration centrale avec la municipalité de Lyon : divisions du Midi, du Nord et de l’Ouest (An V – An VII) 418, Émigrés, listes des radiations (An III-An VII) 419, Émigrés, demandes en radiations (An VI-An VII) 424-426, Émigrés, dossiers individuels (1792 – An VIII) 427-428, Emigrés, certificats de non-émigration (An II – An IX) 435, Fêtes nationales. Généralités (An V – An VIII) 465, Certificats de civisme et de non-rebellion ( 1790 – An VIII) 469, Formation des districts (1790 – An IV) 470, Cantons : délimitation des communes cantonales et suppression (An V – An VIII) 471, Délimitation des communes : district de Lyon-Ville (1790 – An IV) 515, Société d’agriculture (An VI- An VII) 522, Industries textiles : soieries, coton, drap, moire, chanvre, dorure (1790-An VIII) 1077, Académie des Sciences, Belles lettres et Arts de Lyon (1791-An II) 2 L. District de Lyon-ville 84, Personnel administratif : administrateurs, maires, commissaires de police, etc… (1791-An III) 91, Surveillance des suspects après le siège de Lyon ; certificats de non-rebellion (An II – An IV) 92, Surveillance des émigrés et des étrangers ; certificats de non-émigration (An II – An III) 3 L. District de Lyon-campagne 75, Personnel administratif : administrateurs, maires, etc… (1790-An III) 42 L. Tribunaux révolutionnaires créés après le siège de Lyon 45, Documents relatifs aux membres de l’armée lyonnaise 61-89, Siège de Lyon, dossiers individuels Section moderne : Série M. Administration générale et économie (1800-1940) 1 M. Administration générale du département Enregistrement de la correspondance 1-2, « Registres des lois ». [Enregistrement des lois et décrets parus au Bulletin des lois. (7 germinal an X – 19 mai 1835)] Circonscriptions administratives

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87, Modifications de limites communales, Lyon. (1806-1895) Rapports généraux 110, Rapports généraux, éléments de rapports. (an IX-1818) Evénements politiques 111-112, Événements politiques. (an IX-1850) 137, Demandes d'indemnisation. (1818-1934) [notamment demandes de fournisseurs de Lyon durant le siège] Fêtes, cérémonies, voyages officiels 162, Fêtes, cérémonies, réceptions officielles, distribution de récompenses honorifiques, passage par Lyon ou séjours de personnalités, surveillance des voies et des suspects, fêtes nationales. (an VIII-1827) Monuments commémoratifs, souscriptions 200, Monuments commémoratifs. (1813-1922) Personnel des administrations : interventions, nominations 202, Recommandations, demandes d’emploi ou de renseignements, envois de brochures, plaintes, demandes personnelles d’intervention. (1809-1829) Distinctions honorifiques 247, Légion d'honneur. Avis de nomination (1815-1830). Etats de situation de légionnaires, chronologiques (1806-1813, 1840-1845), alphabétiques (1806-1812, 1815-1830, 1853-1869) 257, Légion d'honneur. Candidatures. (1814-1835, 1852-1863) 261, Décoration du lys (1814-1817). Ordre de Saint-Louis (1821-1826) Sinistres, calamités, secours aux victimes 327, Inondations du Rhône (16-18 février 1812) Affiches administratives et politiques 358-360, An VIII-1818 2 M. Personnel Corps préfectoral 3, Préfets : dossiers individuels (Verninac de Saint-Maur, Bureaux de Pusy, d’Herbouville, Taillepied de Bondy, Thomas Jacques de Cotton, Fourier, Pons).

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Fonctionnaires divers 9-10, Conseillers de préfecture 12, États des fonctionnaires (an XII-1818) 13, Registre des fonctionnaires du département (an VIII-1830) 25, Rétablissement de l’autorité royale : démissions, reprises de fonctions (1815) 31, Traitements du personnel. Dossier général (an IX-1924) Conseillers généraux et d’arrondissement 42, Nominations, ordonnances royales, tableaux (an VII-1833) Maires, adjoints et conseillers municipaux nommés 43, Circulaires, correspondance, instructions, listes générales (an IX-1815) 44, Listes des maires et adjoints : propositions, nominations (1815) 52-82, Maires, adjoints, conseillers municipaux : nominations, procès-verbaux d’installation, prestation de serment, correspondance, démissions (1800-1882) [Communes par ordre alphabétique : 63, Maires, adjoints, conseillers municipaux : nominations, procès-verbaux d’installation, prestation de serment, correspondance, démissions : Lyon 1801-1819] 3 M. Élections Listes électorales 1, Formation des collèges électoraux et listes électorales. (an X-1828) Plébiscites 1296, Plébiscites an X-1815 4 M. Police Affaires générales 1, Organisation de la police (1793-1822) Commissaires de police et agents supérieurs 39, Dossiers individuels (an IX-1933) Administration de la sûreté 386, Demandes de renseignements (an IX-1815) 388, Registre nominatif des habitants notables et des principaux fonctionnaires de la ville de Lyon sous le 1er empire 523, Affaires sociales : 1810-1879. Société de charité maternelle

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827, Associations, enquêtes (recensement des associations de plus de vingt personnes existant à Lyon en 1811) Série Q. Domaines, Enregistrement, Hypothèques (1790-1940) 1 Q. Biens nationaux Les Archives Départementales du Rhône proposent un très précieux répertoire numérique élaboré par René Lacour (Imprimerie nouvelle lyonnaise, 1951) et un recueil des tables alphabétiques (Imprimerie Schneider, 1904) établi d’après les brefs de ventes de biens nationaux (biens, anciens propriétaires et acquéreurs). 3 Q. Enregistrement Les Archives Départementales du Rhône proposent un ensemble de documents d’aide à la recherche particulièrement utile. Les récapitulatifs des registres et tables par type d’actes sont incontournables mais c’est surtout le recensement méticuleux des nombreux bureaux d’enregistrement de la ville de Lyon avec leurs principaux changements qui offre un guide indispensable. Les cartes de l’agglomération sont à cet égard très pertinentes. Série V. L’administration des cultes dans le Rhône, 1800-1940 2 V. Organisation et police du culte catholique 56, Cérémonies religieuses, prières publiques, célébrations officielles (an X – 1899) 57, Sacres, entrées solennelles, voyages et déplacements officiels (an XIII – 1892) 59-60, Processions et fêtes (1804-1902) 76-79, Prestations de serment 80, Attitude politique du clergé (1800-1902) 5 V. Fabriques 1, Règlements des Fabriques 2, Constitution des conseils de Fabrique (an XI-1811) 3, Constitution des conseils de Fabrique (1810-1812) 7 V. Cultes non catholiques 2, Culte réformé. Organisation, recensement de la population protestante (an XI –

1885)

3, Culte réformé. Lieux du culte à Lyon. (an X – 1823)

4, Consistoire et conseils presbytériaux (1812-1904)

25, Culte israélite. Recensement de la population juive (1806-1859)

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Archives municipales de Lyon Les archives modernes de la ville de Lyon sont classées en série continue (WP). Il existe un État général des versements réalisé par Céline Cadieu-Dumont qui présente les différents versements sans proposer de réel classement. À la série WP s’ajoutent des séries réglementaires ou définies, les séries I, II, Fi et S notamment, plus limitées dans leurs objets. Un grand nombre de lots ont été recensés et exploités et sont présentés ici par thèmes. Lorsque cela est intéressant et possible, des dossiers précis sont signalés. On a la chance de disposer, à Lyon, de la quasi intégralité des procès-verbaux des séances du conseil municipal sur la période napoléonienne. Ils renseignent à la fois sur l’assiduité et le degré d’implication des édiles, leur mode d’exercice du pouvoir et, bien entendu, offrent un aperçu de la politique municipale, notamment parce qu’ils contiennent de nombreux rapports de commissions ou du maire sur les sujets que le conseil a à connaître. La correspondance de la municipalité, du maire en premier lieu, ainsi que les arrêtés municipaux sont souvent à traiter en lien avec le registre des délibérations qui contribue à les expliquer. La mémoire de l’activité du conseil municipal, depuis la Révolution, est conservée principalement grâce au versement 1217 WP, aisément consultable sur microfilm (2 Mi 04) et désormais numérisé : 1217 WP 001, Corps municipal : registre des actes et délibérations (1790) 1217 WP 002, Corps municipal : registre des actes et délibérations (1790-1791) 1217 WP 003, Corps municipal : registre des actes et délibérations (1791) 1217 WP 004, Corps municipal : registre des actes et délibérations (1792-1793) 1217 WP 005, Corps municipal : table chronologique des actes et délibérations (1790-1793) 1217 WP 006, Corps municipal ou conseil municipal : registre des actes et délibérations (10 octobre 1793 – 4 pluviôse an II) 1217 WP 007, Corps municipal ou conseil municipal de Commune affranchie : registre des actes et délibérations (5 pluviôse an II – 4 prairial an II) 1217 WP 008, Corps municipal ou conseil municipal de Commune affranchie : registre des actes et délibérations (7 prairial an II – 27 brumaire an III) 1217 WP 009, Conseil municipal : registre des actes et délibérations (28 brumaire an III – 29 floréal an III) 1217 WP 010, Conseil municipal : registre des actes et délibérations (1er prairial an III – 6 ventôse an IV) 1217 WP 011, Municipalité du Midi : registre des arrêtés, avis et délibérations (7 ventôse an IV – 7 brumaire an V) 1217 WP 012, Municipalité du Midi : registre des arrêtés, avis et délibérations (19 brumaire an V – 2ème jour compl. an V) 1217 WP 013, Municipalité du Midi : registre des arrêtés, avis et délibérations (2ème jour compl. an V – 8 thermidor an VI) 1217 WP 014, Municipalité du Midi : registre des arrêtés, avis et délibérations (11 thermidor an VI – 6ème jour compl. an VII)

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1217 WP 015, Municipalité du Midi : registre des arrêtés, avis et délibérations (3 vendémiaire an VIII – 23 floréal an VIII) 1217 WP 016, Municipalité du Midi : registre des arrêtés, avis et délibérations (23 floréal an VIII – 4e jour compl. an XIII) 1217 WP 017, Municipalité de l’Ouest : registre des actes et délibérations (7 ventôse an IV – 6 frimaire an V) 1217 WP 018, Municipalité de l’Ouest : registre des actes et délibérations (9 frimaire an V – 25 messidor an V) 1217 WP 019, Municipalité de l’Ouest : registre des actes et délibérations (29 messidor an V – 19 nivôse an VI) 1217 WP 020, Municipalité de l’Ouest : registre des actes et délibérations (22 nbivôse an VI – 28 messidor an VI) 1217 WP 021, Municipalité de l’Ouest : registre des actes et délibérations (29 messidor an VI – 11 floréal an VII) 1217 WP 022, Municipalité de l’Ouest : registre des actes et délibérations (15 floréal an VII – 26 floréal an VIII) 1217 WP 023, Municipalité de l’Ouest : registre des avis et arrêtés du maire (29 floréal an VIII – 4ème jour complémentaire an XIII) 1217 WP 024, Municipalité du Nord : registre des actes et délibérations (7 ventôse an IV – 29 germinal an V) 1217 WP 025, Municipalité du Nord : registre des actes et délibérations (1er floréal an V – 9 germinal an VII) 1217 WP 026, Municipalité du Nord : registre des arrêtés, avis et délibérations (11 germinal an VII – 16 fructidor an XIII) 1217 WP 027, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (11 frimaire an IX – 28 floréal an X) 1217 WP 028, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (9 messidor an X – 2 thermidor an XI) 1217 WP 029, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (11 thermidor an XI – 2_ floréal an XIII) 1217 WP 030, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (30 floréal an XIII – 15 mai 1807) 1217 WP 031, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (29 mai 1807 – 9 mars 1809) 1217 WP 032, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (13 mars 1809– 9 mai 1810) 1217 WP 033, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (14 mai 1810 – 28 juin 1811) 1217 WP 034, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (1er juillet 1811 – 19 juin 1812) 1217 WP 035, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (19 juin 1812– 15 juin 1813) 1217 WP 036, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (18 juin 1813– 25 avril 1815) 1217 WP 037, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (30 avril 1815 – 17 mai 1817)

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S’agissant de la correspondance, les Archives municipales de Lyon disposent des registres des lettres reçues ou expédiées (1401 WP) mais, évidemment, pas systématiquement de leur contenu. Certaines lettres reçues sont parfois conservées, le texte des lettres expédiées est parfois copié mais on le trouve plutôt dans les dossiers thématiques. Sous le régime de la mairie unique : 1401 WP 015, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 1er vendémiaire an XIV- 19 novembre 1806 1401 WP 016, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 19 novembre 1806 – 31 décembre 1807 1401 WP 017, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 2 janvier 1808 – 18 janvier 1809 1401 WP 018, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 19 janvier 1809 – 31 mars 1810 1401 WP 019, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 2 avril 1810 – 13 mai 1811 1401 WP 020, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 14 mai 1811 – 5 juin 1812 1401 WP 021, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 6 juin 1812 – 29 juin 1813 1401 WP 022, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 29 juin 1813 – 8 novembre 1814 1401 WP 023, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 8 novembre 1814 – 2 mai 1816 1401 WP 061, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (5ème jour complémentaire an XIII – 31 décembre 1806) 1401 WP 062, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (1er janvier 1807 – 11 octobre 1808) 1401 WP 063, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (12 octobre 1808 – 28 juillet 1810) 1401 WP 064, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (30 juillet 1810 – 21 décembre 1811) 1401 WP 065, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (21 décembre 1811 – 21 juin 1813) 1401 WP 066, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (21 juin 1813 – 11 mai 1814) 1401 WP 067, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (12 mai 1814 – 27 mai 1815) 1401 WP 068, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (27 mai 1815 – 14 octobre 1815) On dispose d’une partie des arrêtés de l’administration municipale, pour la période de la mairie unique :

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0686 WP 015, Actes de l’administration municipale, arrêtés du maire, 1er vendémiaire an XIV – 22 juin 1810 0686 WP 016, Actes de l’administration municipale, arrêtés du maire, 22 juin 1810 – 15 octobre 1814 0686 WP 017, Actes de l’administration municipale, arrêtés du maire, 1814 – 1820 0686 WP 018, Actes de l’administration municipale, arrêtés de police, 1813 – 1818 Sur le personnel proprement dit, qu’il soit politique ou non, les documents sont très rares : 517 WP 021.2, Personnel municipal, commissaires et lieutenant de police 517 WP 021.1, Personnel municipal, agents de police 518 WP 003, Administration de la commune. Documents divers relatifs à l’installation des maires et conseillers. 789 WP 052, Élections consulaires [pour les membres de la chambre et du tribunal de commerce] La gestion financière de la ville est une préoccupation centrale de l’administration municipale, comme en témoignent le nombre et la dimension des livres de recettes et de dépenses dont le dépouillement systématique serait de peu d’intérêt. Au-delà du maquis des opérations comptables, les édiles ont à connaître des grandes lignes de crédit et de débit qui organisent le budget annuel. Enfin, l’octroi étant au cœur des ressources de la ville, il fait l’objet d’une attention particulière. 28 WP 004, Bureau de comptabilité : exercice an XIV – 1806, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 005, Bureau de comptabilité : exercice 1807, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 006, Bureau de comptabilité : exercice 1808, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 007, Bureau de comptabilité : exercice 1809, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 008, Bureau de comptabilité : exercice 1810, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 009, Bureau de comptabilité : exercice 1811, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 010, Bureau de comptabilité : exercice 1812, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 011, Bureau de comptabilité : exercice 1813, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 012, Bureau de comptabilité : exercice 1814, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 013, Bureau de comptabilité : exercice 1815, grand livre des dépenses et recettes 1402 WP 001 1, Budget : préparation ventôse an VI – 1849

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1402 WP 003 4, Budget : exécution : recettes et dépenses, tutelle du préfet 1790, an V – 1874 1402 WP 005 2, Rentes de la commune. Centimes sur les contributions directes 1403 WP 039, Budget : budget primitif et supplémentaire an XIV – 1820 1411 WP 001, Octroi de Lyon. Décisions particulières de la commission municipale de l’octroi. 1801-1802 1411 WP 005, Octroi de Lyon. Copies de lettres. 1802-1803 1411 WP 017, Octroi de Lyon. Perception, ferme, exemptions, états des produits ; suppression de l’ancien octroi ; liquidation de la ferme générale ; régime de gestion. 1777-1800 1411 WP 018, Octroi de Lyon. Régimes de gestion 1411 WP 022, Octroi de Lyon. Personnel. 1411 WP 023, Octroi de Lyon. Personnel : traitements. 1803-1812 1411 WP 027, Octroi de Lyon. Personnel : caisse de retraite. 1807-1900 1411 WP 033, Octroi de Lyon. Comptabilité : budget, dépenses. 1812-1901 1411 WP 039, Octroi de Lyon. Comptabilité : produits bruts. 1807-1811 1411 WP 047, Octroi de Lyon. Gestion financière : affectation des produits, états annuels. 1800-1882 1411 WP 048, Octroi de Lyon. Comptabilité statistique : produit des taxes (état annuel par article, germinal an X-1814, et marchandises en transit, 1809-1811) 1411 WP 051, Octroi de Lyon. Comptabilité (documents divers : 1809-1880) 1411 WP 203, Octroi de Lyon. Comptabilité. Perception des droits : registres, 1803-1872 1411 WP 209, Octroi de Lyon. Comptabilité. Perception des droits : états comparatifs, 1804-1844 Dans la série Fi, des documents figurés : 6 Fi 07837 à 07852, Octroi de Lyon. Affiches : tarifs, adjudications, règlements, arrêtés du maire. An VIII-1815 La question des subsistances comme celle de l’assistance sont au cœur de la dimension protectrice de la politique municipale. 784 WP 040.1, Boulangerie (prix, taxes du pain…) 784 WP 030.4, Subsistances. Magasins et dépôts municipaux 744 WP 101, Bureau de bienfaisance. Budgets et comptes (à partir de 1805) 744 WP 074.11, Établissements de bienfaisance (à partir de 1806) 1894 WP 2, Bureau de bienfaisance. Registre des délibérations de la commission administrative 744 WP 074.9, Société de la Charité maternelle (1810-1881)

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744 WP 115.3, Hospices civils de Lyon. Finances, documents comptables (1786-1806) 744 WP 115.4, Hospices civils de Lyon. Finances, documents comptables (1804-1814) 744 WP 116.1, Hospices civils de Lyon. Finances, documents comptables (1807-1813) 744 WP 143.1, Hospices civils de Lyon. Antiquaille. Vente de Bicêtre 744 WP 143.3, Hospices civils de Lyon. Antiquaille. Divers 746 WP 084, Hospices civils de Lyon. Comptabilité (an X-1806). Compte moral 1809. 746 WP 085, Hospices civils de Lyon. Comptabilité (1807-1812) 747 WP 014.6, Mont de piété. Affaires générales (1811-1881) 747 WP 012.2, Mont de piété. Personnel (1810-1882) 747 WP 012.1, Mont de piété. Formation et fonctionnement (1805-1879) La primauté de la fonction sécuritaire dévolue à l’administration municipale se manifeste à travers l’abondance des versements concernant les affaires de police comme des affaires militaires. La série I est celle de la police. Incontournables pour la connaissance de l’évolution politique de Lyon, notamment en 1814-1815, les dossiers de police locale et générale offrent parfois quelques utiles renseignements biographiques. 1 I 005, Police locale. Ordonnances et arrêtés (1801-1822) [proclamations et affiches] 1 I 006, Police locale. Ordonnances et arrêtés de police municipale (1800-1837) [documents divers] 1 I 008, Police locale. Ordonnances et arrêtés de police municipale (1806-1825) 1 I 042, Police locale. Correspondance (an IX-1810) 1 I 043, Police locale. Correspondance (an XII-1811) 1 I 154, Police locale. Surveillance urbaine (1790-1798) 1 I 155, Police locale. Surveillance urbaine (1798-1807) 1 I 156, Police locale. Surveillance urbaine (1808-1813) 1 I 157, Police locale. Surveillance urbaine (1814) 1 I 157 bis, Police locale. Surveillance urbaine (1814) 1 I 158, Police locale. Surveillance urbaine (1815-1816) 1 I 159, Police locale. Surveillance urbaine (1815-1816) En complément, on peut signaler : 1122 WP 001.1, Contraventions et délits. Rapports de police des chefs de poste de la garde nationale. 1815 2 I 011, Police générale. Événements et troubles politiques. Police politique, 1797-1798 2 I 012, Police générale. Événements et troubles politiques. Police politique, 1798-1799 2 I 013, Police générale. Événements et troubles politiques. Police politique, 1800-1813 2 I 014, Police générale. Événements et troubles politiques. Police politique,

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1814 2 I 015, Police générale. Événements et troubles politiques. Police politique, 1815 2 I 016, Police générale. Dossiers particuliers, A-Ba 2 I 017, Police générale. Dossiers particuliers, Be-Bo 2 I 018, Police générale. Dossiers particuliers, Br-Cha 2 I 019, Police générale. Dossiers particuliers, Che-Cu 2 I 020, Police générale. Dossiers particuliers, Da-Dub 2 I 021, Police générale. Dossiers particuliers, Duc-F 2 I 022, Police générale. Dossiers particuliers, G 2 I 023, Police générale. Dossiers particuliers, H-Laj 2 I 024, Police générale. Dossiers particuliers, Lam-Lup 2 I 025, Police générale. Dossiers particuliers, M 2 I 026, Police générale. Dossiers particuliers, N-Pl 2 I 027, Police générale. Dossiers particuliers, Po-R 2 I 028, Police générale. Dossiers particuliers, Ro-S 2 I 029, Police générale. Dossiers particuliers, T-Z 2 I 031, Police générale. Certificats de civisme, émigrés et réfugiés. Lois et arrêtés concernant l’émigration, correspondance administrative. Cas particuliers. Listes d’émigrés (1792-1827) La très grande majorité des questions d’administration militaire a trait au recrutement et aux questions d’intendance pour lesquelles la municipalité – le maire – ne se voit reconnaître qu’un rôle d’exécutant. Ainsi la plupart des versements n’ont que peu d’intérêt et ne sont indiqués que pour mémoire. Certains aident plus que d’autres à comprendre cette part du contexte dans lequel se meuvent les édiles : 1200 WP 001, Recrutement de l’armée. Instructions (1791-1815) 1200 WP 003, Recrutement de l’armée. Documents divers (1799-1816) 1200 WP 040, Recrutement de l’armée. Enrôlements volontaires (an XIV-1811) 1200 WP 041, Recrutement de l’armée. Enrôlements volontaires (1811-1815) 1203 WP, Recrutement de l’armée : exemptions, dispenses, sursis, secours et pensions (1792-1932) 1204 WP, Recrutement de l’armée : déserteurs, insoumis, réfractaires (1792-1830) 1207 WP, Recrutement de l’armée : Congés et permissions (1799-1817) 1210 WP, Administration militaire : administration et organisation de l’armée et des troupes en marche (1789-1916) 1211 WP, Administration militaire : Bâtiments, aménagements (1790-1878) ; armement (1790-1916) ; hôpitaux et pharmacies (1799-1817) 1212 WP 022 à 025, Logement militaire. Abonnements (de 1807 à 1816) 1212 WP 028 à 031, Logement militaire. Recettes (de 1807 à 1821)

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1213 WP, Administration militaire : intendance, fournitures (1791-1918) 1214 WP, Administration militaire : recensement et réquisition de montures (1792-1926) 1219 WP 001, Garde nationale. Organisation (1789-1871) 1219 WP 003, Garde nationale. Organisation (1813-1815) 1219 WP 012, Garde nationale. Organisation (1814). Réunion du conseil d’administration 1220 WP 003, Garde nationale. 1815 1221 WP, Garde nationale, élections et nomination des états-majors, des officiers et des sous-officiers (1792-1871) 1223 WP, Garde nationale, fournitures (1792-1871) Certains lots, épars, contiennent des informations sur le fonctionnement de la municipalité et le rôle des édiles : 1225 WP 017, Invasion de 1815. Siège de Lyon 1219 WP 021, Garde nationale. Organisation. Rapports des commissions municipales, comptes-rendus du conseil municipal, budget 1814-1815 Bien que très étroitement mêlées, les différentes questions dont la mairie unique s’est principalement occupée peuvent être grossièrement distinguées selon qu’elles concernent plutôt l’urbanisme et les travaux d’aménagement ou des services publics. L’aménagement de la voirie, la délimitation des quartiers, le dessin des places et des rues font l’objet d’un plan d’ensemble qui se précise progressivement : 322 WP 003, Plan d’alignement de la ville. Instructions et correspondance 323 WP 029, Inscription nominale des rues, numérotage des maisons. [À partir de 1808] La série S est celle des plans. Elle fournit des sources précises. Outre la série des relevés de Coillet (1813), quelques plans généraux de Lyon sont à signaler : 1 S 00162 1 à 20, Plan d’alignement selon Coillet (1/300), août 1813 2 S 00209, 1809 (1/6 500). Avec changements et projets. 67,5 x 52,5 cm 2 S 00633, Par Joubert (1/6 130), 1801. Avec indication des alignements, des quartiers neufs et des bâtiments principaux. 70 x 48 cm 3 S 00121, Par Rudemare (1/7 000), 1805. Ville et faubourgs. 48,5 x 36,1 cm

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Plusieurs chantiers, dont les bâtiments communaux, sont l’objet d’une politique volontariste de restauration et d’aménagement en lien, souvent, avec la révision de l’affectation des sites : Perrache : 1420 WP 005, Voirie urbaine. Terrains et maisons de la presqu’île Perrache 1420 WP 007.2, Voirie urbaine. Presqu’île Perrache. Devis et rapports 1420 WP 007.3, Voirie urbaine. Presqu’île Perrache. Alignement, plan de distribution, tracés de rues 3 S 00225, Plan du quartier neuf à la partie méridionale de la ville de Lyon, 1812. 3 S 00227, Plan de la presqu’île de Perrache avec le projet du palais impérial, 1807. 1 II 0006, Compagnie Perrache ou entreprise des Travaux du Midi de Lyon (1806-1826) 1 II 0006.1, Compagnie Perrache. Actes 1806-1807 49 II 003, Compagnie Perrache, fonctionnement, délibérations (1772-1815) 49 II 013, Compagnie Perrache, états des terrains, plan du quartier (1806) 49 II 014, Compagnie Perrache, biens, construction du palais Bellecour : 321 WP 023, Place Bellecour. Voirie, affaires diverses 321 WP 024, Place Bellecour. Voirie, affaires diverses. Décors 321 WP 025, Place Bellecour. Reconstruction des façades 17 Fi 125, Dessin d’étude de l’architecte Gay pour les portes des façades (dessin aquarellé, 1802) 2 S 00286, Projet de façades sur les anciennes fondations par Thibière (1800) 2 S 00286.a, Projet de façades sur les anciennes fondations par Thibière (1800) 3 S 00698, Plan des façades par Gay d’après un dessin supposé de de Cotte (1812) Quais de Saône et du Rhône : 342 WP 001.2 à 342 WP 009.5, Pont sur la Saône. Pont de l’Archevêché et quai de la Baleine (1790-1808) 342 WP 010.2, Pont sur la Saône. Contentieux 342 WP 024 à 046, Ponts. Pont sur la Saône. [Avancée des travaux : 1790 – 1809] 2 S 00269, Plan géométral du quartier de l’arsenal et du pont de Tilsitt, 1811. 14 II 046.1, Papiers Morand (Antoine). Lot 18 14 II 076, Papiers de Jean-Antoine Morand. Titres de propriété

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Hôtel de ville : 466 WP 007, Édifice public. Hôtel de ville : travaux (1810-1822) 466 WP 010, Édifice public. Hôtel de ville : travaux (1790-1809) 1612 WP 166, Hôtel de ville. Plan du rez-de-chaussée et du premier étage (1/275e), 1800. Autres bâtiments communaux : 321 WP 193, La Déserte. Création de la place pour un marché public et travaux 470 WP 007, Édifice communal. Mont de piété. Traités, location 470 WP 036, Édifice communal. Entrepôt des denrées coloniales. Travaux, comptabilité. 470 WP 039, Édifice communal. Grenier à sel : bâtiment de l’ancien arsenal Sainte-Claire. Bâtiments échangés contre les terrains à Perrache 470 WP 041, Édifice communal. Douane : bâtiment de l’ancien arsenal Sainte-Claire 470 WP 042, Édifice communal. Grenier à sel et douane : bâtiment de l’ancien arsenal Sainte-Claire 784 WP 002.3, Chambre de commerce. Condition publique des soies 3 S 00670 1 à 7, Plan de la Condition publique des soies par Gay (1/100), 1808. La législation napoléonienne sur les cimetières entraîne une intense activité au sein de la municipalité. De nombreux plans sont disponibles ainsi qu’un certain nombre d’études et de devis, mais aussi d’actes du maire qu’il convient de mettre en relation avec les délibérations du conseil. 473WP001.2, Cimetière. Les Sablons : travaux, correspondance (1804-1813) 473 WP 001.7, Cimetière. Saint Just : mur de clôture (1809-1810) 473 WP 002.5, Cimetière. Loyasse :aménagements (1807-1886) 473 WP 003, Cimetière. Loyasse : aménagements (1807-1871) 473 WP 009, Cimetière. La Guillotière : agrandissements (1811-1862) 1099 WP 016 à 045, Cimetières de Loyasse, La Guillotière et La Croix-Rousse : albums de plans généraux et parcellaires, répertoires de concessions 1612 WP 199, Plans des cimetières de La Guillotière et de Loyasse. (études, 1800) 3 S 00003, Plan général du cimetière de Loyasse par Gay (1813) 3 S 00801, Plan du terrain des Sablons (Charlet), 1806 1 II 0174.1, Cimetières de Lyon. États (1807-1891)

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La politique de services publics est souvent liée à des aménagements urbanistiques ou architecturaux, mais elle ne s’y réduit évidemment pas. Politique en matière d’eaux publiques : 329 WP 1, Alimentation en eau de la ville ; pompes et fontaines 468 WP 009.10, Édifice public. Fontaine, place Saint-Jean 468 WP 009.3, Édifice public. Fontaine des Deux Dauphins 468 WP 009.6, Édifice public. Place Saint Michel 468 WP 016, Édifice public. Fontaines, place des Jacobins 5 I 010, Hygiène publique et salubrité. Eaux, surveillance des puits et fontaines Politique culturelle : 77 WP 001, Conservatoire des arts. Institution et fonctionnement, 1802-1875 78 WP 009, Acquisitions. École de dessin 81 WP 001, Instruction publique. Écoles primaires. École secondaire communale 81 WP 003, Instruction publique. Écoles des beaux-arts, de dessin. Règlement du palais Saint-Pierre 84 WP 021, Instruction publique. École des Beaux-Arts. Prix, expositions, délibérations du conseil du Conservatoire des arts. 84 WP 022.1, Instruction publique. École des beaux-arts. Conseil du Conservatoire des arts 86 WP 001, Théâtre des Célestins. Administration générale. Directions Lainé et Ribié 89 WP 001, Grand Théâtre. Direction Ribié 89 WP 002, Grand Théâtre. Direction Lainé 87 WP 005. Bibliothèque de la ville de Lyon. Administration, comptabilité. 1806-1883 176 WP 074.6, Instruction publique. Lycée. Actions et comptes (1803-1811) 176 WP 074.7, Instruction publique. Lycée. Participation de la ville aux dépenses 176 WP 074.8, Instruction publique. Lycée. Installation du mobilier 477 WP 003. École. Lycée. Travaux 741 WP 025.1, Édifice public. Hôtel de ville, palais Saint-Pierre. Locations 2210 WP 027, École de dessin. Scolarité, prix 2210 WP 026, École de dessin. Registre 2 S 00330.1, Plan du palais Saint-Pierre indiquant l’utilisation des salles (1/200e), 1811 Enfin, en dehors de ceux déjà énumérés, la conjoncture générale transparaît au travers de documents disséminés au sein de plusieurs versements. Certains méritent d’être signalés : 783 WP 001.1, Conseil des Prud’hommes. Industrie textile (1804-1808) 783 WP 001.2, Conseil des Prud’hommes. Fonctionnement (à partir de 1810) 783 WP 002, Conseil des Prud’hommes. Avis et arrêtés

454

784 WP 006.5, Industrie textile. Tarifs, ordonnances municipales 784 WP 013.42, Inventeurs de l’industrie de la soie [dossiers divers] 921 WP 005-025, Recensement de la population : registres (1807-1815) [Numérisation débutée en décembre 2009, en cours] 985 WP 073, Dépôt des farines

Bibliothèque municipale de Lyon Fonds Coste Ms 846, Lettre de Fay de Sathonay au préfet Ms 847, Lettre de Fay à Pernon Ms 848-849, Nominations à la mairie

455

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

456

A.D.R. : Archives départementales du Rhône

A.E.S.C. : Annales, Économies, Sociétés, Civilisations

A.H.R. : American historical review

A.H.R.F. : Annales historiques de la Révolution française

A.M.L. : Archives municipales de Lyon

A.N. : Archives nationales

A.R.S.S. : Actes de la recherche en sciences sociales

B.C.H.E.S.R.L. : Bulletin du centre d’histoire économique et sociale de la région lyonnaise

B.S.H.M.C. : Bulletin de la société d’histoire moderne et contemporaine

B.M.L. : Bibliothèque municipale de Lyon

C.E.H.V.I. : Centre d’histoire de la ville

C.H. : Cahiers d’histoire

C.N.R.S. : Centre national de la recherche scientifique

C.N.S.S. : Congrès national des sociétés savantes

C.T.H.S. : Comité des travaux historiques et scientifiques

E.H.E.S.S. : Écoles des hautes études en sciences sociales

E.L.A.H. : Éditions lyonnaises d’art et d’histoire

E.N.S. : École normale supérieure

E.N.S.B. : École nationale supérieure des bibliothécaires

E.P.H.E. : École pratique des hautes études

F.N.S.P. : Fondation nationale des sciences politiques

H.E.S. : Histoire, économie et société

I.H.R.F. : Institut d’histoire de la Révolution française

M.S.H. : Maison des sciences de l’Homme

P.U.F. : Presses universitaires de France

P.U.G. : Presses universitaires de Grenoble

P.U.L. : Presses universitaires de Lyon

P.U.R. : Presses universitaires de Rennes

R.H. : Revue historique

R.H.E.S. : Revue d’histoire économique et sociale

R.H.M.C. : Revue d’histoire moderne et contemporaine

457

TABLEAUX, PLAN ET FIGURES

458

TABLEAUX Tableau n°1. – p.70 Administration des trois municipalités de Lyon sous le Directoire Tableau n°2. – p.70 Maires et adjoints des trois mairies de Lyon sous le Consulat Tableau n°3. – p.73 Nombre de séances du conseil municipal sous le régime des trois mairies Tableau n°4. – p.75 Les conseillers municipaux de Lyon sous le régime des trois mairies Tableau n°5. – p.86 Nombre et présidence des séances du conseil municipal de Lyon du 23 septembre 1805 au 6 juillet 1815 Tableau n°6. – p.87 Les délégations de pouvoir du maire aux adjoints de 1808 à 1812 d’après les arrêtés du maire Tableau n°7. – p.99 Les commissions désignées en séance du conseil municipal sous le Premier Empire, du 23 septembre 1805 au 6 juillet 1815 Tableau n°8. – p.100 La participation des conseillers municipaux aux commissions sous le Premier Empire, du 23 septembre 1805 au 6 juillet 1815 Tableau n°9. – p.103 Assistance des séances du conseil municipal (1806-1813) Tableau n°10. – p.108 Organisation de l’administration municipale sous l’Empire Tableau n°11. – p.110 Le traitement des employés de l’administration municipale de Lyon, en 1807 Tableau n°12. – p.122 La composition de la municipalité lors de la mise en place de la mairie unique, vendémiaire an XIV Tableau n°13. – p.136 Les édiles et leur implantation à Lyon Tableau n°14. – p.153 Les édiles d’ascendance noble Tableau n°15. – p.158 Solidarités familiales entre édiles Tableau n°16. – p.161 Solidarités familiales : édiles et notables départementaux

459

Tableau n°17. – p.164 Le montant des contributions des édiles en l’an XIII Tableau n°18. – p.165 Les édiles acquéreurs de biens nationaux Tableau n°19. – p.173 Édiles et familles d’édiles à l’assemblée de la noblesse du baillage de la sénéchaussée de Lyon, en 1789 Tableau n°20. – p.178 Édiles membres des principales associations à but culturel de Lyon (1805-1815) Tableau n°21. – p.185 Édiles membres du cercle du commerce en 1811

Tableau n°22. – p.187 Édiles et épouses d’édiles membres du cercle de Bellecour en 1811 Tableau n°23. – p.200 Les édiles membres des loges maçonniques créées sous l’Empire Tableau n°24. – p.204 Les édiles membres du conseil général Tableau n°25. – p.206 Édiles nommés de thermidor an XIII à avril 1814 Tableau n°26. – p.207 Les édiles selon la catégorie socio-professionnelle (1805-1814) Tableau n°27. – p.223 La composition de la municipalité à la veille de la Première Restauration Tableau n°28. – p.237 La composition de la municipalité sous la Première Restauration Tableau n°29. – p.244 Refus d’appartenir à la municipalité Jars Tableau n°30. – p.247 La composition de la municipalité sous les Cent-jours Tableau n°31. – p.265 Les recettes ordinaires et leur évolution (1807-1815) Tableau n°32. – p.266 La structure des revenus de l’octroi Tableau n°33. – p.267 Le prix des fermes du poids public à Lyon en 1807 Tableau n°34. – p.269 Les principales recettes ordinaires, hors octroi, de 1807 à 1811

460

Tableau n°35. – p.270 Les recettes extraordinaires de 1807 à 1815 Tableau n°36. – p.275 Les dépenses inscrites au budget de la ville de Lyon de 1806 à 1815 Tableau n°37. – p.276 Montant global et moyenne des dépenses inscrites au budget de la ville de Lyon de 1807 à 1815 Tableau n°38. – p.278 Dépenses ordinaires et extraordinaires inscrites au budget de la ville de Lyon de 1807 à 1815 Tableau n°39. – p.279 Dépenses ordinaires : frais d’administration (1807-1813) Tableau n°40. – p.279 Dépenses ordinaires : police, salubrité, sûreté, grande et petite voirie (1807-1813) Tableau n°41. – p.279 Dépenses ordinaires : garde nationale, portiers de ville et corps de garde (1807-1813) Tableau n°42. – p.279 Dépenses ordinaires : travaux publics (1807-1813) Tableau n°43. – p.280 Dépenses ordinaires : secours publics (1807-1813) Tableau n°44. – p.280 Dépenses ordinaires : instruction publique (1807-1813) Tableau n°45. – p.280 Dépenses ordinaires : culte (1807-1813) Tableau n°46. – p.280 Dépenses ordinaires : Fêtes publiques et dépenses imprévues (1807-1813) Tableau n°47. – p.281 Montant global des dépenses extraordinaires inscrites au budget (1807-1813) Tableau n°48. – p.287 La dette municipale au 1er janvier 1807

461

FIGURES Figure n°1. – p.133 Lieux de naissance des édiles Figure n°2. – p.170 La composition de la municipalité par catégories socio-professionnelles

PLAN Plan n°1. – p.138 Les édiles selon leur domicile

462

INDEX

L’index ne comprend que les noms des personnes citées à l’exception de Napoléon et à l’exclusion

des noms d’historiens ou d’auteurs contemporains. Les noms indiqués en gras sont ceux des

individus du corpus.

463

A

Abrial, 59, 303

Agniel de Chênelette, 160

Albon, 62, 90, 93, 95, 96, 105, 133, 135, 136, 138,

139, 144, 145, 146, 148, 153, 154, 155, 157, 163,

165, 171, 178, 179, 191, 202, 203, 204, 206, 208,

212, 220, 223, 225, 226, 227, 228, 229, 230, 231,

232, 233, 234, 235, 236, 237, 242, 273, 274, 283,

292, 297, 312, 345, 362, 364, 367, 375, 416

Allard, 57

Allemand, 70

Anthoine, 120

Argenson, 66

Arlès, 56, 75, 86, 92, 100, 104, 123, 133, 135, 136,

138, 143, 144, 155, 158, 178, 179, 206, 223, 237,

375

Arthaud de la Ferrière, 75, 100, 123, 133, 136,

138, 148, 153, 157, 158, 163, 164, 165, 166, 177,

178, 185, 206, 214, 215, 223, 231, 237, 348, 357,

361, 365, 366, 379

Artois, 228

Assier de la Chassagne, 72, 75, 86, 98, 100, 102,

104, 123, 133, 136, 138, 139, 146, 153, 154, 157,

158, 161, 163, 164, 166, 173, 177, 178, 179, 185,

186, 187, 206, 223, 291, 300

Autichamp, 229

Aynard, 56, 100, 123, 133, 136, 138, 178, 179, 185,

201, 206, 208, 223, 237, 242, 247

B

Bagnion, 70

Ballanche, 137, 176, 183, 194

Balthazard, 75

Barudel, 109

Baudeau, 65

Bellet de Tavernost, 161

Berlié, 159

Bernard-Charpieux, 56, 70, 87, 88, 89, 92, 119,

122, 133, 136, 138, 140, 163, 164, 206, 220, 342,

369

Bernat, 100, 133, 136, 138, 163, 164, 165, 201,

206, 221, 223, 335, 378

Berthelet, 70

Bertholon, 75

Bertrand, 50, 51, 70, 326, 338

Biard, 109

Billoud, 108, 109

Blanc, 69, 197

Bodin, 100, 136, 138, 140, 164, 169, 185, 190, 206,

221, 223, 237, 291, 299, 383, 386, 387

Boissy d’Anglas, 148

Bona de Pérex, 133, 136, 138, 139, 153, 158, 164,

173, 187, 190, 203, 204, 231, 237, 239, 240

Bondy (Taillepied de), 59, 61, 62, 93, 145, 148, 149,

162, 176, 177, 182, 191, 202, 215, 225, 226, 227,

230, 231, 232, 233, 252, 276, 289, 291, 292, 297,

303, 331, 345, 364, 375, 378, 389

Bontoux, 133, 136, 138, 140, 143, 145, 158, 159,

163, 164, 165, 168, 175, 185, 186, 191, 200, 247,

252, 255, 367

Bossu, 70

Bottu de Lima, 133, 136, 138, 139, 153, 155, 158,

173, 190, 237, 239

Boulard de Gatellier, 61, 75, 100, 102, 123, 133,

136, 138, 139, 153, 158, 160, 161, 164, 173, 178,

187, 188, 202, 203, 204, 206, 223, 227, 228, 229,

238, 254, 286, 341, 348, 357

Bousquet, 75

Bréghot du Lut, 194

Bruyset, 70, 75, 117, 161, 179

Bubna, 254

Buffard, 244

Bureaux de Pusy, 120

C

Cadier, 70

Caillat, 159

Calonne, 34, 53, 65, 66, 67

Caminet, 75

Cayre, 69

Cazenove, 88, 89, 90, 93, 95, 96, 132, 133, 136,

138, 153, 154, 158, 159, 160, 163, 165, 169, 178,

185, 186, 190, 191, 206, 219, 223, 379

Cellard du Sordet, 160

Chabrol, 162, 236, 243, 254, 255

Chalier, 47, 48, 76, 240

Champagny, 179, 361

Champanhet, 56, 75, 86, 87, 88, 89, 92, 93, 95, 96,

100, 113, 123, 136, 138,163, 185, 186, 191, 202,

206, 207, 223, 247, 255, 320, 348

Changeux, 109

Chaptal, 338, 380

Chapuy, 69

Charcot, 109

Charles VIII, 30

Charles X, 241

Charrasson, 56, 75, 87, 91, 100, 123, 163, 175,

185, 200, 206, 224, 238, 247, 386

Charrier de Grigny, 155, 161, 231

Charrier de Senneville, 56, 86, 87, 88, 89, 90, 92,

93, 95, 96, 100, 101, 122, 133, 136, 138, 139,

148, 155, 161, 164, 170, 178, 185, 187, 191, 202,

204, 206, 223, 226, 227, 232, 299, 301, 312, 320,

355, 362

Chatillon de Chaponay, 100, 133, 136, 138, 153,

171, 187, 206, 224

Chevrillon, 70, 75

Chinard, 141, 242, 373

464

Chirat, 56, 69, 75, 100, 102, 123, 133, 136, 138,

140, 148, 153, 159, 161, 163, 169, 171, 173, 175,

190, 204, 206, 220, 272, 323, 365, 369, 382

Clarke, 366

Clavière, 161

Cochard, 100, 133, 136, 138, 145, 163, 164, 165,

178, 181, 201, 236, 247, 364, 367, 370

Cochet, 242

Coillet, 337, 338

Collier, 108

Condé, 229, 236

Corcelette, 239

Costerisan, 69

Cotton, 70

Couderc, 179

Courbon de Montviol, 133, 136, 138, 153, 173,

187, 188, 190, 200, 238, 239, 240

Couthon, 326

Cozon, 75

Crétet, 93, 94

Crevant, 230

Curten, 347, 348

D

D’Arnal, 75, 155, 169

Defarge, 53, 56, 120, 299, 315, 316

Delandine, 141, 143, 332, 372

Delpierre, 73

Dervieux, 75, 87, 100, 123, 136, 138, 140, 164,

165, 168, 190, 202, 206, 207, 386

Desprez, 75, 100,123, 133, 136, 138, 140, 145,

154, 159, 164, 165, 172, 185, 203, 204, 206, 224,

244, 291, 299

Devillas-Boissière, 56, 75, 100, 123, 133, 136,

138, 140, 155, 158, 159, 164, 165, 169, 171, 174,

185, 191, 201, 206, 214, 220, 348, 366, 386

Dian, 75

Drivet, 70

Dubois, 56, 73

Dubost, 329, 331

Dugas-Montbel, 194

Dujast d’Ambérieux, 75, 86, 123, 100,133, 136,

138, 153, 158, 164, 178, 206, 224, 238

Dupont de Nemours, 65, 66

Dupoux, 109

Durand-Pavy, 75

E

Émery, 50

Espinay, 172

Évesque, 100, 133, 135, 136, 138, 155, 185, 191,

247

Eynard, 244, 245

F

Falsan, 100, 133, 136, 138, 159, 169, 201, 206,

221, 224

Fargues (Mallet de), 86, 133, 136, 138, 153, 158,

187, 190, 234, 236, 237, 239, 240, 243, 255

Fay de Sathonay, 10, 56, 58, 59, 61, 62, 63, 84,

85, 89, 90, 91, 93, 95, 97, 103, 114, 120, 121,

122, 133, 136, 138, 139, 148, 153, 154, 158, 164,

173, 178, 179, 180, 181, 182, 184, 185, 187, 190,

199, 200, 202, 203, 204, 206, 208, 212, 214, 220,

222, 225, 226, 230, 232, 236, 263, 272, 277, 283,

284, 285, 290, 296, 297, 298, 299, 303, 304, 305,

308, 309, 310, 311, 312, 313, 315, 317, 320, 323,

328, 329, 330, 333, 335, 336, 337, 342, 343, 344,

345, 347, 348, 349, 350, 353, 356, 360, 361, 362,

366, 367, 373, 375, 377, 379, 383, 384, 386, 387

Ferrier, 366

Fesch, 319, 340

Flacheron, 108, 343, 344

Florentin-Petit, 75

Fontaine, 342, 343, 348, 349

Fontanes, 372

Fouché, 50

Fournel, 136, 138,175, 190, 238, 244

Fournier, 73, 136, 138, 162, 247, 248

François d’Autriche, 227

Frèrejean, 75, 100,133, 136, 138, 140, 148, 149,

150, 154, 165, 174, 190, 206, 224, 238, 247

Froment, 69

G

Gancel, 133, 135, 136, 138, 175, 245, 247, 252,

255

Gaudin, 117, 152, 329, 366, 388

Gay, 108, 330, 341, 373, 385, 387

Genest, 109

Gérando, 133, 136, 138, 153, 158, 173, 179, 190,

191, 220, 348, 361

Germain, 133, 136, 138, 175, 206

Gilibert, 200

Giraud, 159

Giraud de Saint-Try, 100, 133, 136, 138, 139, 142,

145, 153, 154, 155, 159, 161,164, 166, 173, 177,

178, 185, 186, 187, 191, 201, 202, 206,221, 224,

227, 228, 238, 244, 245, 247, 330, 377

Girod, 159

Giroud, 330

Gleyze, 70

Godinot, 133, 136, 138, 140, 157, 158, 185, 186,

190, 237

Grailhe de Montaima, 56, 100, 101, 102, 123, 136,

138, 153, 206, 214, 224, 238, 291, 330, 365, 366

Gros, 69

Guérin, 133, 136, 138, 140, 157, 158, 185, 190,

238

465

Guerre, 10, 100, 133, 136, 138, 140, 150, 164, 178,

181, 206, 221, 224, 254, 255, 273, 291, 318, 336,

341, 366, 378

Gui, 70

Guillaud, 75

Guillon, 133, 136, 138, 247

Guinet De Montverd, 156, 157

H

Henri IV, 22, 23, 24

Herbouville, 142, 162, 272, 276, 332, 344, 350, 371,

374, 375

Hervier, 56, 72, 75, 100, 124, 136, 138, 184, 206

Hodieu, 70, 107, 108, 200

Hotelard, 108, 329, 330, 331, 336

I

Imbert-Colomès, 51, 77, 326

J

Jacquard, 2, 382

Jantet Bruysset, 57

Jars, 62, 86, 133, 136, 137, 138, 147, 161, 170,

190, 203, 243, 244, 246, 247, 252, 254, 255

Jolyclerc, 70

Jordan, 133, 136, 138, 153, 158, 172, 187, 238,

239, 240, 361

Joséphine (impératrice), 141, 142, 332, 368

Joyard, 75

Jussieux de Montluel, 172

L

La Fage, 70

La Roue, 75, 100, 124, 133, 136, 138, 153, 161,

164, 173, 187, 188, 190, 206, 224, 238, 332

Lacour, 75

Lacroix-Laval, 133, 136, 138, 153, 158, 160, 161,

169, 173, 187, 190, 231, 237, 239, 240, 241

Lafaurie de Monbadon, 120

Lafauvelière, 75

Landoz, 75

Laporte, 50

Larue, 109

Laurencet, 70

Laurencin, 86, 88, 89, 91, 92, 93, 95, 96, 133, 136,

138, 139, 153, 157, 158, 161, 171, 178, 181, 187,

191, 200, 202, 206, 219, 221, 223, 226, 227, 230,

336, 347, 348

Laverdy, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 35, 41, 46,

66, 116, 415

Leboeuf, 100, 133, 136, 138, 140, 175, 184, 200,

247

Leclerc de la Verpillière, 56, 75,100,124, 133, 136,

138, 139, 153, 156, 157, 164, 171, 173, 185, 186,

190, 206, 348

Lecourt, 133, 136, 138, 154, 164, 175, 190, 238

Lécuyer, 136, 138, 140, 159, 165, 185, 190, 238

Lemercier, 65

Leroi, 133, 136, 138, 140, 165, 168, 175, 190, 200,

247

Loménie de Brienne, 34

Lorin, 100, 133, 136, 138, 247

Louis XV, 22

Louis XVI, 22

Louis XVIII, 130, 135, 139, 157, 163, 172, 181, 204,

229, 233, 235, 236, 239, 240, 241, 243, 244, 245,

252, 265, 275, 276, 372

Loyer, 56, 75, 119, 124, 133, 136, 138, 206, 220,

342

M

Mallié, 136, 138, 238

Manin, 70

Marbot, 78

Margaron, 70

Marie-Louise (impératrice), 355, 362

Masson-Mongès, 100, 136, 138, 153, 191, 206,

224

Mauteville, 70

Mayeuvre de Champvieux, 75, 100, 119, 124, 133,

136, 138, 140, 153, 155, 164, 165, 172, 175, 178,

181, 191, 203, 204, 206, 212, 270, 284, 300, 371,

373

Mazard-Clavel, 75

Méaulle, 50

Mémo, 88, 136, 138, 190, 206, 220, 386

Merlat, 244

Metternich, 227

Meynis, 70

Micol, 75

Midey, 100, 133, 136, 138, 158, 185, 186, 191, 200,

247, 367

Mirabeau, 65

Mogniat de l’Écluse, 161

Monicault, 133, 136, 138, 144, 153, 158, 185, 187,

190, 191, 246, 248

Montalivet, 61, 93, 94, 117, 160, 169, 190, 215, 218,

225, 226, 227, 230, 231, 232, 233, 349, 360, 366

Montazet, 34

Montesquieu, 27

Montesquiou, 105

Montmartin, 133, 136, 138, 140, 165, 238, 244,

247, 248

Morand de Jouffrey, 75, 100, 133, 136, 138, 164,

165, 166, 173, 178, 190, 191, 203, 204, 206, 212,

224, 242, 244, 245

Morel de Rambion, 70, 72, 75, 100, 124, 133, 136,

138, 153, 154, 161, 164, 165,173, 190, 206, 224,

238, 248

Mottet de Gérando, 100, 133, 136, 138, 140, 158,

175, 178, 185, 190, 238, 248, 382, 388

Munet, 133, 136, 138, 158, 170, 190, 237

Myèvre, 75

466

N

Necker, 34

Neufchâteau, 77

Nivière, 40, 47, 100, 133, 136, 138, 154, 155, 158,

171, 185, 191, 200, 246, 248

Nivière-Chol, 40, 47, 154

Noël, 73, 150

Nolhac, 46, 133, 136, 138, 139, 153, 158, 161, 163,

165, 166, 173, 237, 239

Noyel, 161

O

Olivier, 13, 82, 168, 172, 229

P

Palerne de Savy, 46, 326

Palhion, 109

Parent, 56, 70, 72, 92, 122, 133, 138, 158, 163,

164, 165, 185, 191, 201, 206, 220, 248, 346, 373

Parmentier, 195

Passerat de la Chapelle, 133, 136, 138, 153, 160,

173, 204, 246, 255

Péclet, 133, 136, 138, 165, 185, 206, 212, 224

Peilleux, 342

Peillon-Souchon, 244

Pernon, 56, 87, 92, 122, 133, 136, 138, 140, 148,

151, 153, 154, 169, 173, 174, 175, 178, 179, 190,

203, 204, 206, 220, 373

Perret, 52, 133, 136, 138, 171, 190, 238

Perrier, 109

Petit, 56, 75, 100, 102, 124, 133, 136, 138, 140,

177, 178, 181, 206, 208, 212, 220, 338, 339, 354,

358, 373

Pine, 70

Pons de l'Hérault, 243, 249, 250, 254, 255

Ponthus-Cinier, 70, 108

Précy, 242, 245

Q

Quatrefages de la Roquette, 329

Quinette, 77

R

Rambaud, 70, 100, 133, 136, 138, 139, 148, 153,

158, 160, 164, 165, 173, 178, 190, 191, 201, 203,

204, 206, 212, 221, 224, 246, 248

Rambaud-Brosse, 70

Ravier, 56, 75, 124, 133, 136, 138, 140, 163, 164,

165, 206, 220

Regny fils, 56, 75, 86, 122, 133, 136, 138, 154,

157, 158, 161, 164, 175, 185, 206, 212, 220, 262,

346,

Regny père, 100, 133, 136, 138, 140, 154, 157,

158, 161, 173, 175, 178, 179, 185, 201, 203, 204,

238, 246, 248, 299, 373, 383, 388

Rétié, 70, 108 Reverony, 70

Rey-Giraud, 330

Reyne-Fittler, 100, 132, 133, 136, 138, 140, 175,

185, 248

Ribié, 378, 379

Ricard, 52

Richard, 7, 70, 108, 109

Riverieulx de Varax, 56, 75, 96, 100, 124, 133,

135, 136, 138, 139, 153, 157, 158, 160, 161, 163,

165, 173, 178, 179, 190, 202, 206, 207, 219, 223

Rivoire, 56, 72, 75, 124, 133, 136, 138, 140, 178,

185, 206, 220

Robin d’Orliénas, 161

Roche des Escures, 133, 136, 138, 153, 186, 187,

238, 239

Roederer, 58, 64

Roland, 3, 10, 40, 44, 46, 47, 51, 77, 369, 370, 373

Rosier de Magneux, 75, 100, 124, 134, 133, 136,

138, 148, 153, 162, 164, 165, 173, 185, 191, 204,

206, 220, 365, 377

Rosset, 75

Rousset, 70

Ruolz, 100, 133, 136, 138, 139, 153, 173, 178, 206,

224, 238, 291, 325, 344

S

Sain-Rousset, 55, 56, 70, 86, 87, 88, 89, 91, 92,

96, 105, 120, 122, 133, 136, 138, 144, 148, 153,

164, 173, 177, 178, 182, 190, 191, 202, 206, 223,

225, 226, 230, 232, 235, 237, 246, 247, 300, 311,

320, 332, 336, 357, 358, 359, 362, 367

Salamon, 51, 68

Saunier, 141

Saulnier, 100, 133, 136, 138, 165, 248

Savaron, 75

Sériziat, 100, 133, 136, 137, 138, 154, 156, 163,

164, 165,166, 172, 174, 200, 201, 206, 212, 214,

224, 248, 366, 367

Servan, 100, 133, 136, 138, 153, 173, 175, 186,

235, 238, 248

239

Sudan, 108

T

Taine, 42

Terray, 33

Terret, 75, 179, 180

Teste, 250

Thibaudeau, 79

Thibière, 327, 330

Thouret, 42

Thoy, 133, 136, 138, 153, 187, 238, 239

467

Tolozan, 326

Tournilhon, 75

Turgot, 66

V

Vernay, 109, 136, 159, 161, 163

Verninac, 176, 180, 294, 324, 343

Viennois, 147, 155, 157, 230

Villeroy, 25

Vincent de Saint-Bonnet, 133, 136, 138, 140, 153,

158, 173, 185, 238, 239

Vincent de Vaugelas, 133, 136, 138, 153, 158,

237, 239, 244

Vitet, 46, 47, 80, 107, 117, 200, 326

Vouty de la Tour, 86, 100, 133, 136, 138, 140, 148,

153, 157, 158, 162, 163, 164, 173, 178, 181, 190,

191, 203, 204, 206, 214, 221, 224,246, 248, 252,

291, 357, 366, 367, 373

W

Weguelin, 155

468

TABLE DES MATIÈRES

469

INTRODUCTION ................................................................................................................... 1

PREMIÈRE PARTIE : LE CADRE INSTITUTIONNEL ET RÉGLEMENTAIRE ET LE

FONCTIONNEMENT DE LA MUNICIPALITÉ ......................................................................18

SECTION 1. UN MOUVEMENT ANCIEN DE CENTRALISATION .....................................................22

1. La perte d’autonomie de la municipalité lyonnaise sous l’Ancien régime

s’accompagne de la déliquescence du lien politique .....................................................22

1.1. L’Édit de Chauny inaugure une période de centralisation et d’isolement des

administrateurs ..........................................................................................................23

1.2. La réforme Laverdy : un pas vers l’uniformisation ...........................................26

1.3. À la veille de la Révolution : le lien politique est défait .....................................33

2. À la faveur de la Révolution, la centralisation, l’uniformisation et la distance

séparant les administrés des administrateurs s’accroissent ..........................................38

2.1. 1789 : naissance d’un cadre durablement uniforme ........................................38

2.2. 1789 : un premier élan décentralisateur timide ................................................42

2.3. La Révolution centralisatrice ...........................................................................46

SECTION 2. L’ORGANISATION NAPOLEONIENNE .....................................................................53

1. L’installation de la mairie unique : dans l’esprit de la réorganisation consulaire ......53

1.1. Parachever l’œuvre du Consulat .....................................................................54

1.1.1. Le maire est avant tout un agent du pouvoir central .....................................57

1.1.2. Un champ de compétences relativement élargi ...........................................58

1.1.3. La question de la reconnaissance de la fonction du maire ...........................59

1.1.4. Le conseil municipal limité à une fonction délibérative .................................62

1.2. L’influence des physiocrates ...........................................................................64

2. L’institution de la mairie unique est vécue comme une double rupture ...................67

2.1. Première rupture : avec la division en trois arrondissements ...........................68

2.2. Seconde rupture : avec le mouvement d’érosion de la puissance et de perte

d’identité de la ville ....................................................................................................76

3. La solution impériale ..............................................................................................79

3.1. La mairie unique sous le Premier Empire ou l’accomplissement de la

centralisation .............................................................................................................81

3.1.1. Une administration étroitement subordonnée ...............................................81

3.1.2. L’organisation du travail des édiles ..............................................................83

3.1.2.1. Le maire et ses indispensables adjoints .................................................84

3.1.2.2. Les délégations de pouvoir : un enjeu important .....................................91

3.1.3. Le développement corollaire de la bureaucratie ......................................... 105

3.2. La mairie unique sous le Premier Empire ou la revivification du pacte local .. 111

3.2.1. Une autorité publique restaurée ................................................................. 111

3.2.2. Des édiles visibles et une administration accessible au service d’une

municipalité protectrice ......................................................................................... 113

3.2.3. Des édiles désignés sur la base de la notabilité ......................................... 115

DEUXIÈME PARTIE : LES ÉDILES, PROMOTEURS DU RÉGIME IMPÉRIAL ................ 127

SECTION 1. LA SPHERE PRIVEE COMME FONDEMENT DE L’INSERTION SOCIALE ...................... 131

1. La géographie des édiles ..................................................................................... 131

1.1. L’origine géographique des édiles ................................................................. 132

1.1.1. Les lieux de naissance .............................................................................. 132

1.1.2. Des individus très intégrés à Lyon ............................................................. 134

470

1.2. La géographie des lieux de vie ...................................................................... 137

1.2.1. La répartition des domiciles ....................................................................... 137

1.2.2. Les édiles entre ville et campagne ............................................................. 144

1.3. Lieux d’activité et horizons géographiques .................................................... 146

2. Les édiles dans leurs familles ............................................................................... 151

2.1. Ascendances................................................................................................. 152

2.2. Mariage, célibat, divorce et taille des familles ................................................ 154

2.3. Solidarités familiales...................................................................................... 156

3. La fortune ............................................................................................................. 161

SECTION 2. L’IMPLICATION SOCIALE ................................................................................... 167

1. Les notables font les édiles .................................................................................. 167

1.1. Patriciens et riches négociants dominent ...................................................... 168

1.2. Des hommes compétents .............................................................................. 171

1.3. Des hommes en vue ..................................................................................... 173

2. La participation des édiles au renouveau de la sociabilité élitaire ......................... 175

2.1. La reprise de l’activité académique ............................................................... 176

2.2. La sociabilité des cercles .............................................................................. 182

2.3. La philanthropie édilitaire .............................................................................. 189

3. Les édiles participent à la politique de fusion et à ses limites ............................... 192

3.1. La fonction d’intégration des associations ..................................................... 192

3.2. La franc-maçonnerie : un rendez-vous manqué ? ......................................... 196

3.3. Les institutions municipales au centre de solidarités politiques ..................... 201

SECTION 3. LES EDILES FACE AUX EVOLUTIONS DU REGIME IMPERIAL ................................... 205

1. 1805 – 1814 : la fusion à l’œuvre, au service du régime impérial ......................... 205

1.1. La politique napoléonienne de recrutement assure la fusion et transcende les

clivages.................................................................................................................... 207

1.1.1. Le ciment de caractéristiques communes .................................................. 207

1.1.2. « L’opinion lyonnaise » est fédérative ........................................................ 209

1.1.3. Légitimité et attractivité du système napoléonien ....................................... 213

1.2. Renouvellement ou restauration ? ................................................................. 216

1.2.1. Les modalités de renouvellement .............................................................. 216

1.2.2. Tenir l’ambition de fusion ........................................................................... 219

1.2.3. La nomination emblématique du maire d’Albon ......................................... 224

2. 1815 : l’année paradoxale .................................................................................... 233

2.1. La Restauration continue l’Empire ................................................................. 234

2.1.1. L’équilibre global est conservé ................................................................... 235

2.1.2. L’appel aux anciennes familles est relativement modéré mais il signifie à

terme la rupture .................................................................................................... 239

2.2. Les Cent-jours : la restauration de l’affrontement .......................................... 243

2.2.1. Le retour du clivage fondamental ............................................................... 243

2.2.2. L’échec de la solution impériale ................................................................. 249

TROISIÈME PARTIE : L’AMBITION EMPÊCHÉE ............................................................. 258

SECTION 1. LA CONTRAINTE FINANCIERE ............................................................................ 260

1. Le strict cadre juridique de la pratique budgétaire ................................................ 260

2. Les recettes et leur évolution ................................................................................ 264

2.1. Les recettes ordinaires .................................................................................. 264

2.2. Les recettes extraordinaires ........................................................................ 2699

471

2.3. Les régimes de l’octroi : un enjeu politique ................................................ 27070

3. Les dépenses ....................................................................................................... 274

3.1. L’évolution globale des dépenses sous le Premier Empire ............................ 275

3.2. La structure des dépenses ............................................................................ 277

4. Les budgets lyonnais ............................................................................................ 281

4.1. À la recherche de l’équilibre .......................................................................... 282

4.2. Au-delà du budget : une politique d’investissement ....................................... 284

4.3. La question de la dette .................................................................................. 286

SECTION 2. L’ACTION D’UNE MUNICIPALITE PROTECTRICE .................................................... 289

1. Assurer les subsistances ...................................................................................... 289

2. L’assistance ......................................................................................................... 294

3. La sécurité : une politique volontariste.................................................................. 302

3.1. Les pouvoirs de police : un enjeu majeur ...................................................... 302

3.1.1. L’érosion des prérogatives du maire .......................................................... 304

3.1.2. Une exception lyonnaise : l’audience de police municipale ........................ 306

3.2. Le maire dote la ville d’outils réformés .......................................................... 307

3.2.1. L’organisation de la police municipale et l’adjonction d’un corps de

surveillants ........................................................................................................... 309

3.2.2. Le corps des pompiers et la lutte contre l’incendie ..................................... 311

3.3. Une action élargie ......................................................................................... 311

3.3.1. Le combat moral ........................................................................................ 313

4. Les affaires militaires ............................................................................................ 315

5. Les relations avec les Églises .............................................................................. 318

SECTION 3. DES PROJETS D’URBANISME AMBITIEUX SOUMIS AU BON VOULOIR IMPERIAL ........ 322

1. Relever la ville ...................................................................................................... 322

1.1. Le pont de Tilsitt et l’hôtel de ville .................................................................. 323

1.2. Les « façades » : un enjeu majeur ................................................................. 326

1.3. Une réussite difficile ...................................................................................... 328

2. Aménager la ville .................................................................................................. 332

2.1. Maîtriser et utiliser la Saône et le Rhône ....................................................... 332

2.2. Améliorer la voirie ......................................................................................... 333

2.3. Les cimetières ............................................................................................... 338

2.4. Les fontaines ................................................................................................. 342

3. Élever Lyon parmi les villes de l’empire : le palais impérial ................................... 346

SECTION 4. SE PENSER DANS LE SYSTEME IMPERIAL ........................................................... 353

1. Devenir un acteur reconnu ................................................................................... 353

1.1. Les formes et les fonctions de l’éloge ............................................................ 353

1.1.1. Les « actions de grâce » ............................................................................ 354

1.1.2. Les fêtes officielles .................................................................................... 356

1.2. La promotion de la ville ................................................................................. 360

1.2.1. Parler de Lyon à Paris ............................................................................... 362

1.2.2. Le rôle des députations ............................................................................. 366

2. Développer les fonctions d’une métropole ............................................................ 369

2.1. Le rayonnement culturel ................................................................................ 370

2.1.1. L’action de la municipalité pour l’enseignement scolaire ............................ 370

2.1.2. La difficile promotion de l’enseignement supérieur à Lyon ......................... 370

2.1.3. L’école d’équitation .................................................................................... 373

2.1.4. L’échec du projet d’un théâtre municipal .................................................... 376

472

2.1.5. Le financement des associations ............................................................... 378

2.2. Le rayonnement et la prospérité économiques .............................................. 380

2.2.1. L’influence des élites économiques lyonnaises .......................................... 381

2.2.2. Lyon, centre économique : les établissements commerciaux ..................... 385

2.2.3. Le poids de la conjoncture ......................................................................... 389

CONCLUSION ................................................................................................................... 394

BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES ....................................................................................... 401

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS .......................................................................... 455

TABLEAUX, PLAN ET FIGURES ...................................................................................... 457

INDEX ................................................................................................................................ 462

TABLE DES MATIÈRES .................................................................................................... 468