Avis Acc. Petite Enfance

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    PREMIER MINISTRE

    OBSERVATOIRE DE LA LACIT

    LE RAPPORTEUR GNRAL

    Paris, le mardi 15 octobre 2013

    Avis de lobservatoire de la lacit sur la dfinition et lencadrement du fait religieuxdans les structures qui assurent une mission daccueil des enfants.

    1. Discours du Prsident de la Rpublique lors de linstallation de lobservatoire dela lacit, le 8 avril 2013.

    Lors de linstallation de lobservatoire de la lacit, le Prsident de la Rpublique a dfini lalacit comme un un principe et de libert et de cohsion 1. Rappelant que notre pays abesoin dapaisement et de clart , il a demand lobservatoire de la lacit dassurer parune approche objective et transpartisane () les conditions dun dialogue serein etconstructif sur ces questions lourdes et complexes .

    Le Prsident de la Rpublique a demand lobservatoire de la lacit dmettre despropositions quant la question de la dfinition et de lencadrement de la lacit dans lesstructures prives qui assurent une mission daccueil des enfants .

    2. Arrt crche Baby-Loup du 19 mars 2013 de la Cour de cassation.a. Contexte de larrt crche Baby-Loup :

    Dans son arrt rendu le mme jour, CPAM de Seine-Saint-Denis , la Cour de cassation a

    rappel que le principe de lacit tait applicable dans lensemble des services publics, ycompris lorsque ceux-ci sont grs par des organismes de droit priv.

    Cet arrt confirme lextension du champ dapplication du principe de lacit. En lespce, une technicienne de prestation maladie engages par CDI avait t licencie, le 29 juin 2004,aux motifs quelle portait un foulard islamique en forme de bonnet, contrairement auxdispositions du rglement intrieur. Amene examiner la validit de ce licenciement, laCour a jug que, si les dispositions du code du travail ont vocation sappliquer aux agentsdes caisses primaires dassurance maladie (CPAM), ces derniers sont toutefois soumis descontraintes spcifiques rsultant du fait quils participent une mission de service public,lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes

    extrieurs, notamment vestimentaires. Le licenciement a donc t dclar fond.

    1Discours du Prsident de la Rpublique loccasion de linstallation de lobservatoire de la lacit le 8 avril 2013, au Palais de llyse.

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    b. Commentaire de larrt crche Baby-Loup :Prcdant la crche Baby Loup , les associations Mini Loup et Mamie Loup ,impliquant les familles chantelouvaises, sont cres en 1986 et 1988 linitiative dun

    collectif de jeunes habitantes de la cit de La No et sont animes par Mme MaraMaudet2.La cit de La No est une zone urbaine sensible (ZUS) de Chanteloup-les-Vignes. Ellecompte environ 7000 habitants rpartis dans environ 1750 appartements3. Cest une des ZUSlesplus difficiles dIle-de-France avec un revenu mdian annuel de 11.195 euros4, un taux dechmage de 25%5. La population trangre extracommunautaire y est estime 35%6, celledorigine nord-africaine et sub-saharienne, de culture ou de confession musulmane y est trslargement majoritaire, les moins de 25 ans reprsentent 52%7 des habitants.Lassociation Baby Loup , installe dans ce quartier, 12 place du Trident, est dclare en

    prfecture le 14 septembre 19908 avec pour objectif principal daider les familles du quartieret en particulier les mres de famille qui souhaitent pouvoir travailler. Les premiers statuts

    nimposent aucune neutralit mais prcisent, dans son article 2, que lassociationsefforcera de rpondre lensembledes besoins collectifs manant des familles () sansdistinction dopinion politique ou confessionnelle 9. La premire prsidente de lassociation Baby Loup est Mme Claire Calogirou, le trsorier est alors M. Philippe Raiffaud.La crche ouvre ses portes la fin de lanne 1991, aprs la signature dun contratenfance entre la commune de Chanteloup-les-Vignes et la caisse nationale des allocationsfamiliales (CNAF)10. Elle se dveloppe sous la direction de Mme Natalia Baleato, sage-femme, suite son recrutement le 18 juillet 1991.Mme Fatima Afif, rsidante de la cit de La No , est engage par la crche Baby Loup ,lors de son installation effective, le 6 dcembre 1991. Le personnel de la crche est alorscompos de sept personnes : une directrice (Mme Natalia Baleato), et six femmes du quartier,dont Mme Fatima Afif.En 1992, Mme Mara Maudet propose dassocier la crche Baby Loup ds 1993 lHteldes Petits Loups (encadr par la directrice et la directrice adjointe de la crche Baby

    Loup ) afin dassurer une garde de nuit ponctuelle.Deux ans plus tard, en 1994, lors dune runion en mairie de Chanteloup-les-Vignes, laquestion de la municipalisation de la crche Baby Loup est voque. Mais cette hypothseest finalement carte, afin, notamment, de pouvoir bnficier plus facilement de diffrentsfinancements11. Baby Loup se retire donc du centre des pratiques communautaires et dela citoyennet (CPCC) et devient tout fait indpendante. Lobjet de lassociation,initialement structure petite enfance, garde denfants de 3 mois 12 ans devient crche

    et halte-garderie associatives et est dclar la sous-prfecture de Saint-Germain-en-Layele 7 dcembre 1994. Larticle 2 prcit des statuts nest pas modifi.

    2 Aujourdhui, Mme Maudet est directrice gnrale de lInstitut dducation et de pratiques citoyennes (IEPC), association bas e Sartrouville qui gre neuf crches associatives permettant la rinsertion de personnes en difficult et un centre de formation pour despersonnes exclues.3 1750 appartements selon Luce Dupraz inBaby Loup, histoire dun combat, ditions rs, 2012.4Donnes Insee 2009. Cela constitue un revenu mdian annuel deux fois moins lev quau sein de lunit urbaine de Paris. 5 Donnes Insee 2011.6 Ibid.7 Donnes Insee 2009.8 Les premiers statuts de lassociation voquent cependant la fondation de cette association le 9 avril 1990.9 Article 2 des statuts, dclars en sous-prfecture de Saint-Germain-en-Laye le 14 septembre 1990.10Ce contrat nvoque pas la question du fait religieux ou, plus strictement, du principe de neutralit. 11

    Lassociation Baby Loup a reu au fil des annes des financements de diffrentes autorits publiques mais aussi des dotations defondations prives diverses : lafondation franco-amricaine en 1996 (en particulier pour un circuit de consultations de Mme Baleato New York), lafondation de France en 1998, la fondationMcDonalds en 1998 et 2006, la fondation Vivendi en 1999 et 2002, le Crditcoopratifla mme anne, la fondation Andersen Consultingen 2000, la fondation Agir pour lemploi en 2001, la fondation Vinci en2006, lafondation Elle de 2006 2008, lafondation Veolia et la Caisse dpargneen 2007, etc. Par ailleurs, lassociation peut recevoirdes prestations en nature ou en personnel bnvole.

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    Le 1er janvier 1997, Mme Fatima Afif devient, dans le cadre dun contrat dureindtermine, ducatrice de jeunes enfants et directrice-adjointe de la crche. Un peu plus desix annes plus tard, en mai 200312, elle bnficie dun cong maternit suivi dun cong

    parental jusquau 8 dcembre 2008, Mme Afif connaissant deux grossesses conscutives.Le 15 juillet 2003, la crche Baby-Loup adopte un rglement intrieur plus restrictif

    quauparavant quant aux manifestations dappartenance religieuse du personnel.Le 13 mars 2008, une assemble gnrale extraordinaire de lassociation Baby-Loup adopte de nouveaux statuts modifiant notamment les rgles dadhsion et de radiation desmembres13.Le 15 octobre 200814, avant son retour prvu initialement pour le 9 dcembre 2008, Mme Afifdemande par crit une rupture conventionnelle souhaitant mettre un terme son activit

    professionnelle au sein de lassociation Baby-Loup .Le 5 novembre 2008, lors dun entretien, la direction de la crche lui indique que son posteest toujours disponible et son arrive attendue, dans un contexte de pnurie de personneldiplm. Lors de cet entretien puis lors de sa venue la crche le 9 dcembre, Mme Afifindique alors quelle ne retirerapas son voile quelle porte en raison de ses convictions

    religieuses15.Mme Fatima Afif est alors convoque par lettre du 9 dcembre 2008 un entretien pralablefix au 18 dcembre suivant, en vue de son ventuel licenciement, avec mise piedconservatoire, et est licencie pour faute gravepar lettre recommande avec accus derception du 19 dcembre 2008, en raison de son refus de retirer son voile. Selon la directionde la crche, le port de ce voile contreviendrait en effet aux dispositions du rglementintrieur entr en vigueur le 15 juillet 2003.Ce rglement intrieur dispose que : le principe de la libert de conscience et de religion dechacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de lacit etde neutralit qui sappliquent dans lexercice de lensemble des activits dveloppes par

    Baby Loup, tant dans les locaux de la crche ou ses annexes quen accompagnementextrieur des enfants confis la crche .Sestimant victime dune discrimination au regard de ses convictions religieuses, Mme FatimaAfif saisit le Conseil des prudhommes de Mantes-la-Jolie. Elle est dboute de ses demandes

    par jugement du 13 dcembre 2010, jugement confirm par arrt du 27 octobre 2011 de laCour dappel de Versailles.

    Cest cet arrt qui sera cass par la Cour de cassation le 19 mars 2013qui est attaqu parla salarie, qui soutient quatre moyens de cassation faisant grief larrt de lavoir dbout desa demande de nullit de son licenciement et de condamnation de lemployeur lui payerdiverses sommes.

    Sur le premier moyen, la Cour rappelle : en fondant lensemble de sa dcision sur leprtendu port, par la salarie, dun voile islamique intgral, et non dun simple voile, la courdappel ()na pas apprci le comportement exact reproch la salarie par lemployeur() et a totalement priv de base lgale sa dcision au regard[du] () code du travail. Sur le deuxime moyen, elle rappelle : en se fondant uniquement sur loctroi de fonds

    publics lassociation Baby Loup et la nature de son activit (crche) pour considrerquelle assurait une mission de service public et ainsi valider les dispositions du rglementintrieur soumettant le personnel de cet organisme priv, linstar des agents publics, aux

    12 cette poque, le personnel de la crche est compos de quatorze personnes : une directrice (Mme Balato), treize femmes du quartierdont une adjointe (Mme Afif), une femme en formation ducatrice de jeunes enfants, trois auxiliaires de puriculture, cinq assistantes

    maternelles, trois titulaires du brevet daptitude aux fonctions danimateur (BAFA).13Les nouveaux articles 5, 6 et 8 renforcent les pouvoirs du conseil dadministration, en particulier quant ladhsion et la radiation demembres.14 Le personnel de la crche est alors compos de dix-neuf personnes.15 Avant son cong maternit, Mme Afif portait dj un voile. Mais, selon des tmoignages concordants, de faon moins visible et portde faon non systmatique.

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    principes de lacit et de neutralit, sans caractriser les lments dun contrle de lapuissance publique sur son activit, la cour dappel a viol larticle 1er de la Constitution de1958, la loi du 13 juillet 1983 et[le] () code du travail. Sur le troisime moyen, la Cour rappelle : le rglement intrieur ne peut contenir dedispositions apportant aux droits des personnes et aux liberts individuelle des restrictions

    qui ne seraient pas justifies par la nature de la tche accomplir ni proportionnes au butrecherch ()[Or,]larticle II A) du rglement intrieur, en ce quelle soumet lensemble dupersonnel un principe de lacit et de neutralit interdisant, de manire gnrale et absolue,le port de tout signe religieux, est illicite. En dcidant le contraire, la cour dappel a viol [le]()code du travail et les articles 9 et 14 de la Convention europenne des droits de lhomme.La Cour rappelle galement : ldiction de respecter les principes de lacit et de neutralitdans le rglement intrieur dune crche prive stant donn pour objectif daccueillir tousles enfants sans discriminations et de permettre linsertion conomique, sociale et culturelledes femmes, habitantes du quartier, nemporte pas pour un salari, ft-t-il en contact avec lesenfants, en labsence de toute disposition expresse particulire dudit rglement sur le portdun signe religieux, interdiction de porter un tel signe ds lors que le simple port de ce signe

    ne sest accompagn daucun proslytisme daucune sorte, daucune pression ni propagande.La cour dappel a donc viol [le] () code du travail et les articles 9 et 14 de la Conventioneuropenne des droits de lhomme. Sur le quatrime moyen, la Cour rappelle que le refus du salari de se soumettre une mise pied conservatoire injustifie ne peut justifier le licenciement .

    La question principale de larrt, pose par le troisime moyen, est celle de la lgalit desdispositions du rglement intrieur de lassociation Baby-Loup , gestionnaire dune crche

    prive.La seconde question est celle, pose par le deuxime moyen, de savoir si lassociation Baby-Loup assurait ou non une mission de service public.

    Sur la seconde question : la Cour reconnat que la crche Baby-Loup poursuit une missiondintrt gnral et reprend sur ce point les propos de la juridiction prudhomale du 9 fvrier2009 : cette structure a pour but de dvelopper une action oriente vers la petite enfance enmilieu dfavorise et duvrer pour linsertion sociale et professionnelle des femmes duquartier, elle sefforce de rpondre lensemble des besoins collectifs manant des familles,

    sans distinction dopinion politique ou confessionnelle .Mais lidentification dune mission dintrt gnral nest pas synonyme de reconnaissancedune mission de service public. La Cour de cassation rappelle quun service public suppose,outre loctroi de fonds publics , une mission dintrt gnral mais aussi certaines

    conditions de cration , dorganisation , de fonctionnement , des obligations et des mesures pour vrifier que les objectifs qui lui sont assigns sont atteints . Ce nest pas lecas concernant la crche associative prive Baby Loup . La Cour de cassation rappelle, enaccord avec la jurisprudence du Conseil dEtat,que le principe de lacit instaur par larticle1erde la Constitution et qui sapplique uniquement aux services publics et non aux servicesdintrt gnral ne saurait sappliquer ici, sauf mconnatre le rgime de libert desassociations et des entreprises prives, qui ne peut comporter que des restrictions limites et

    proportionnes, ainsi que le rappelle expressment le code du travail dans son article L. 1121-116. En effet, les gestionnaires de la crche Baby-Loup nont pas conclu avec unecollectivit territoriale de contrat de dlgation de service public, sous quelque forme que cesoit. Strictement associative et prive, la crche Baby-Loup est gre de faon

    16 Article L1121-1 du code du travail : Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux liberts individuelles et collectives derestrictions qui ne seraient pas justifies par la nature de la tche accomplir ni proportionnes au but recherch.

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    indpendante, peroit des aides publiques issues de diffrentes autorits publiques17 ( hauteurdenviron 80%) et des aides prives ( hauteur denviron 20%). Elle est donc soumise aurgime de droit priv.

    Sur la premire question : lobligation de neutralit qui simpose aux agents publics mais

    aussi tous dans lexercice de missions de service public ne sapplique pas aux agentscontractuels de droit priv travaillant au sein de structures de droit priv, mme sils exercentune mission dintrt gnral, en labsence de mission de service public.Comme le rappelle lAvocat gnral, force est de reconnatre le caractre de gnralit desdispositions du rglement intrieur qui soumettent lensemble du personnel de la crche uneobligation de lacit et de neutralit , ce qui, pour une entreprise ordinaire rend cesdispositions illicites puisque contraire au code du travail comme ntant pas justifies par lanature de la tche accomplir ni proportionnes au but recherch 18.La Cour de cassation rappelle effectivement que cette clause litigieuse instaure une restriction gnrale et imprcise et ne rpond pas aux exigences du code du travail.LAvocat gnral avait donc souhait dfendre le fait que la crche Baby Loup tait en

    ralit une entreprise de tendance laque19. Cette notion nest pas accepte par la Courdecassationpuisquelle nest pas admise en droit franais en dehors des cas o la tendance estdirectement en lien avec lobjet social de lentreprise20. La reconnaissance dune tendancelaque dans un organisme priv apparat conteste dans son principe mme au nom de lalacit, principe suprieur et non simple opinion.

    Se pose alors la question plus gnrale des possibles restrictions aux pratiques religieusesdans les entreprises prives.Il convient en effet de rappeler lexistence en droit positif franais, dans un cadre prcis, derestrictions aux pratiques religieuses dans les entreprises prives. Cest ce que rappelle ici laCour de cassation en dclarant que : les restrictions la libert religieuse doivent tre

    justifies par la nature de la tche accomplir, rpondre une exigence professionnelleessentielle et dterminante et proportionnes au but recherch , comme cela rsulte desarticles concerns du code du travail .Ce cadre lgal est notamment issu du droit europen, plus prcisment de la directive du 27novembre 200021 et plus largement de la convention europenne de sauvegarde des droits delHomme et des liberts fondamentales (CEDH)22 et de la Charte des droits fondamentaux delUnion europenne23. Ces textes ont t ratifis par lensemble des tats membres, dont laFrance qui les a transposs dans le code du travail et le code pnal.La jurisprudence rappelle plus prcisment les critres permettant de restreindre les pratiquesreligieuses dans les entreprises : dune part ceux qui protgent lindividu, savoir les rgles

    de scurit et de sret, dhygine et labsence de tout proslytisme ; dautre part ceux quigarantissent la bonne marche de lentreprise, savoirlorganisation de la mission, lesaptitudes sa ralisation et les intrts commerciaux de lentreprise. Plusieurs arrts au niveaunational ou europen confirment la possibilit dinterdire le port dun signe religieux dans uneentreprise prive ds lors que ces critres sont remplis.

    17 Les lments dun ventuel contrle de la puissance publique nont pu tre caractriss notamment en raison de la trs grande diversit de personnes publiques lorigine de ce financement (environ 80% de lensemble) : Union europenne, tat, Conseil rgional,Conseil gnral, Municipalit notamment.18Voir lavis de lAvocat gnral, M. Bernard Aldig, nF1128845.19

    Cet argument a t avanc par lAvocat gnral : la notion d entreprise de tendance existe en droit communautaire et est parfoisadmise dans la jurisprudence sous rserve, notamment, que la tendance soit directement en lien avec lobjet social de lentreprise.20 Il en est ainsi des partis politiques, syndicats ou organismes religieux.21 Articles 2 et 4.22 Articles 9 et 12.23 Article 10.

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    Dans le cas despce, larrt de la Cour de cassation juge invalide, parce quinstaurant unerestriction gnrale et imprcise , la clause litigieuse du rglement intrieur de la crche Baby-Loup et, par consquent, juge nul le licenciement bas sur ce motif.Il nen aurait pas t de mme si ce licenciement avait eu pour motif lapplication justifiedun des critres restreignant la pratique religieuse, dfinis par le code du travail et la

    jurisprudence et rappels par la Cour de cassation dans son arrt.

    3. Considrations gnrales de lobservatoire de la lacit24.La problmatique pose dans le cas despce recouvre des champs divers et complexes :

    politiques publiques de la petite enfance, politique de la ville, politiques culturelles, luttecontre les discriminations, politiques sociales, et bien sr, mise en uvre du principe delacit. Lobservatoire de la lacit ne saurait se substituer aux ministres concerns dans ladfinition de politiques publiques qui relvent de leurs seules comptences.

    De mme, il ne sagit pas, pour lobservatoire de la lacit de se substituer au juge, maisuniquement d mettre des propositions 25 au pouvoir excutif ayant pour objectif declarifier la situation quant au fait religieux et au principe de lacit dans les services daccueilde la petite enfance.

    Lobservatoire de la lacit rappelle que face aux difficults de recrutement et de nouvellesexigences conomiques, un nombre croissant de collectivits territoriales confient la gestion

    et parfois la construction de leurs tablissements daccueil de la petite enfance desgestionnaires privs, notamment dans le cadre dune dlgation de service public (DSP).

    De fait, les gestionnaires de la crche Baby-Loup navaient pas conclu un tel contrat avecladministration et ne staient pas placs sous un rgime de contrle par la puissance

    publique suffisamment troit pour que le juge puisse estimer que le rgime de service publicest applicable. Sous forme associative, la crche Baby-Loup peroit des aides publiques de

    plusieurs entits diffrentes, dans une proportion importante de ses ressources, mais nest pasdlgataire dune mission de service public et nest donc pas soumise aux obligations qui endcoulent.

    Cependant, lobservatoire de la lacit insiste sur la difficult de lespce qui rside dans lefait que si la distinction juridique est claire, la diffrenciation des missions sociales lestmoins, entre un service daccueil de la petite enfance qui, ici, ne constitue pas un service

    public et celui, par exemple, dune prestation dassurance maladie (arrt CPAM de Seine-Saint-Denis ) qui en constitue un.

    Lobservatoire de la lacit nocculte pas cette difficult concrte qui rside dans le fait que lemanque global de places en crches ne garantit pas tous une vritable libert de choix pourla garde de leurs enfants entre une structure prive et une structure relevant du service public(prive ou publique). Et ce, alors mme que les rgles quant au principe de lacitnotammentny sont pas les mmes.

    24 Lobservatoire de la lacit est compos dun prsident, dun rapporteur gnral, de sept reprsentants de ministres, de qua treparlementaires de lopposition et de la majorit et de dix personnalits qualifies .25Discours du Prsident de la Rpublique lors de linstallation de lobservatoire de la lacit, 8 avril 2013, Palais de llyse.

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    Comme il a t dit, il ressort des deux arrts de la Cour de cassation du 19 mars 2013 CPAM de Seine-Saint-Denis et Crche Baby Loup que26 :

    - Sil y a service public, alors le principe de neutralit simpose et ce quelle que soit lanature juridique du gestionnaire ;- Sil ny a pas service public, des restrictions (y compris vestimentaires), dfinies par le

    code du travail et apprci in concreto par le juge, peuvent tre apportes la libertdexpression des convictions religieuses, mais doivent tre justifies par la nature de latche accomplir et proportionnes au but recherch.

    4. Considrations de lobservatoire de la lacit sur les diffrentes options :a) Mme Franoise Laborde, snatrice (RDSE) et membre de lobservatoire de la lacit

    depuis le 8 avril 2013, a dpos une proposition de loi adopte en premire lecture auSnat le 17 janvier 2012 visant tendre lobligation de neutralit certaines

    personnes ou structures prives accueillant des mineurs et assurer le respect du

    principe de lacit . Lobjectif tait notamment dimposer la neutralit toutes lesstructures daccueil de jeunes enfants recevant une aide publique et de lencourager

    pour toutes les autres, lexception des structures confessionnelles.Lobservatoire de la lacit raffirme son attachement au droit fondamental des parentsau choix de lencadrement et de lducation de leurs enfants. Cependant, il constateque la premire difficult ne rside pas dans la coexistence de structures exerant unemission de service public (soumises au principe de neutralit) et dautres exerant unemission dintrt gnral (prives et non soumises une stricte neutralit) mais dans lefait que le manque global de places en crches ne garantit pas tous une vritablelibert de choix pour la garde de leurs enfants entre ces deux types de structures.Lors de lexamen des deux premiers articles de la proposition de loi de MmeFranoise Laborde, antrieure la jurisprudence Baby-Loup de la Cour decassation, les principales dispositions retenues par le Snat taient les suivantes :

    - Neutralit religieuse pour les crches prives non confessionnelles recevantune aide financire publique ;

    - Possibilit de prvoir des rgles de neutralit pour les crches prives nonconfessionnelles ne recevant pas daide financire publique ;

    - Caractre propre, reprenant ici le dispositif sappliquant aux coles privessous contrat, pour les crches prives confessionnelles recevant une aide

    publique ;- Le mme type de distinctions pour les centres de vacances et de loisir.

    Lobservatoire de la lacit note que le principe de neutralit serait, ici, pour lapremire fois tendu en dehors de la sphre publique et du service public et de sesdlgataires. Le risque de contrevenir un droit fondamental et ainsi dunecondamnation de la Cour europenne des droits de lHomme voire dune censure duConseil constitutionnel ne peut tre occult. En effet, plusieurs droits valeurconventionnelle ou constitutionnelle sont concerns : la libert de pense, deconscience et de religion, le principe dgalit et le principe de lacit lui-mme en tant

    26 Par son arrt CPAM de Seine-Saint-Denis , la Cour de cassation a jug que le principe de lacit est applicable dans lensemble desservices publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurs par des organismes de droit priv. Cet arrt confirme une extension trsimportante de lapplication du principe de lacit et de neutralit qui en dcoule.Par son arrt Crche Baby Loup , la Cour de cassation rappelle quun service public suppose, outre loctroi de fonds publics , une

    mission dintrt gnral mais aussi certaines conditions de cration , dorganisation , de fonctionnement , des obligations et des mesures pour vrifier que les objectifs qui lui sont assigns sont atteints . Ce nest pas le cas concernant la crcheassociative prive Baby Loup . La Cour se base donc sur le droit privle code du travailet juge invalide, parce quinstaurant unerestriction gnrale et imprcise , la clause du rglement intrieur sur laquelle se base le licenciement, qui est donc jug nul . Il nenaurait pas t de mme si le licenciement avait eu pour motif lapplication justifie dun des critres restreignant la pratique religieuse,dfinis par le code du travail et la jurisprudence.

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    quil emporte la seule neutralit de lEtat27. Plus prcisment, le Conseilconstitutionnel pourrait juger cette loi contraire la Constitution en ce quelle porteraitatteinte la libert de religionet donc de consciencede personnes prives dans uneactivit prive et quelle conduirait, de fait, limiter la possibilit daccorder dessubventions des organisations confessionnelles. Or, le principe de lacit ne le

    prohibe que pour les organisations cultuelles, ce qui pourrait tre considr commediscriminatoire, et donc attentatoire au principe dgalit, galement constitutionnel.

    b) La prcdente option est intimement lie la dfinition de la notion de personnesvulnrables . En effet, une de ses justifications peut se trouver dans la vulnrabilit des jeunes enfants. Outre la question de savoir si ces derniers sontrellement plus vulnrables que, par exemple, les enfants ou les adolescents inscritsdans un tablissement scolaire priv (et donc non soumis au principe de neutralit), ladfinition de cette notion apparat complexe, voire impossible. Ainsi, dans une tudede son rapport annuel 2009, la Cour de cassation rappelait la difficult cerner cettenotion28. Cela signifie aussi que cette volution lgislative pourrait en appeler de

    nombreuses autres (garde domicile, personnes ges, personnes handicapes, etc.).

    c) Sur la possibilit de lgifrer pour permettre dimposer la neutralit aux salaris ausein de toutes les structures exerant une mission dintrt gnral , lobservatoirede la lacit rappelle que les missions dintrt gnral ne peuvent constituer uncritre satisfaisant en raison, notamment, des nombreuses associationsconfessionnelles exerant de telles missions (et recevant dans ce cadre des subventions

    publiques).

    d) Cette prcdente proposition se rapproche cependant du raisonnement reprenant lanotion d entreprises de tendance dfendu devant la Cour de cassation par M.Bernard Aldig, Avocat gnral. Cependant, trois objections peuvent tre apportes lutilisation, ici, de la notion d entreprises de tendance . Premirement, cettenotion, dinspiration allemande, ne semble admise par la jurisprudence que sousrserve que la tendance soit directement en lien avec lobjet social de lentreprise.De fait, il sagit des partis politiques, des syndicats et des organismes confessionnels.Deuximement, comme la rappel M. Jean-Guy Huglo, Rapporteur de la Cour decassation dans larrt crche Baby-Loup , la directive europenne du 27 novembre2000 prvoit des dispositions spcifiques pour cette drogation particulire aux entreprises de tendance et institue une clause de standstill (ou de gel) qui exigeque les tats membres aient adopt une lgislation spcifique sur les entreprises de

    tendance la date dadoption de la directive, ce qui nest pas le cas de la France.Troisimement, la lacit incarne la neutralit vis--vis du fait religieux. Or, lentreprise de tendance requiert une adhsion du salari une idologie, unemorale ou encore une politique. Cest donc le contraire de la neutralit. La lacitnest pas une opinion ni une croyance mais une valeur commune.

    e) Concernant la possibilit dune rcriture de larticle L.1121-1 du code du travailpermettant lintgration de motifs supplmentaires justifiant les restrictions lexpression religieuse, lobservatoire de la lacit rappelle les difficults pour y

    parvenir. Premirement, il apparat dlicat douvrir la possibilit un trop grandnombre de restrictions la libert de conviction religieuse dans une entreprise

    prive sans prendre le risque dune censure et/ou dune condamnation communautaire

    27 Cf. la question prioritaire de constitutionnalit (QPC) 2012-297 du 21 fvrier 2013.28 Avant-propos de M. Xavier Lagarde, page 55 du rapport annuel 2009 de la Cour de cassation.

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    et/ou conventionnelle. En effet, selon la rdaction choisie, une telle rforme lgislativepourrait contrevenir un droit fondamental et ainsi tre juge contraire laConstitution franaise, contraire aux articles 2.429 et 4.130 de la directive europenne2000/78 du 27 novembre 2000 et/ou contraire aux articles 931 et 1432 de la CEDH.Deuximement, la jurisprudence est ncessairement volutive et in concreto, ce qui

    signifie quune rcriture de larticle L.1121-1 risquerait de figer cettejurisprudence et priverait alors le juge dune apprciation in concreto face dessituations pourtant extrmement diverses. Troisimement, dans le cadre dunenouvelle rdaction de larticle L.1121-1 qui serait ventuellement plus gnrale maisgalement plus imprcise, le risque dune aggravation de linscurit juridique desentreprises33 est craindre. Quatrimement, une telle modification lgislative devraittre pralablement soumise au dialogue social au niveau national et dans sonapplication dans lentreprise. Sur ce point, la CNCDH et le CESE ont indiqu lobservatoire de la lacit que les principaux syndicats auditionns ntaient pasfavorables ce que le fait religieux soit trait diffremment de tout autre problmeinterne, considrant que cela relevait dabord de la comptence du Comit d'hygine,

    de scurit et des conditions de travail (CHSCT)34.

    f) Dans le cadre dune option lgislative qui concernerait lentreprise prive,lobservatoire de la lacit nest pas insensible aux expressions des premiersconcerns, savoir les entrepreneurs et les reprsentants des salaris dans les petites,moyennes et grandes entreprises. Sur ce point, les auditions menes par la CNCDH etle CESE semblent confirmer plusieurs tudes ralises ces dernires annes surlabsence de demande de nouvelle loi. Selon ltude mene par lobservatoire du faitreligieux en entreprise (OFRE)35de linstitut dtudes politiques (IEP) de Rennes, en

    partenariat avec le groupe Randstad France36, seuls 12% des cadres des ressourceshumaines interrogs estiment que la loi est une solution privilgier , seuls 2% desmanagers et 16% des employs le pensent. Pour 33% des cadres des ressourceshumaines et 30% des managers, une loi serait mme une solution dommageable .

    29 Article 2.4 de la directive 2000/78/CE : Tout comportement consistant enjoindre quiconque de pratiquer une discrimination l'encontre de personnes pour l'un des motifs viss l'article 1er [La prsente directive a pour objet d'tablir un cadre gnral pourlutter contre la discrimination fonde sur la religion ou les convictions, le handicap, l'ge ou l'orientation sexuelle, en ce qui concernel'emploi et le travail, en vue de mettre en uvre, dans les tats membres, le principe de l'galit de traitement] est considr comme unediscrimination au sens du paragraphe 1. 30 Article 4.1 de la directive 2000/78/CE : Nonobstant l'article 2, paragraphes 1 et 2, les tats membres peuvent prvoir qu'unediffrence de traitement fonde sur une caractristique lie l'un des motifs viss l'article 1er ne constitue pas une discriminationlorsque, en raison de la nature d'une activit professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractristique en cause constitue uneexigence professionnelle essentielle et dterminante, pour autant que l'objectif soit lgitime et que l'exigence soit proportionne. 31 Article 9 de la CEDH : Libert de pense, de conscience et de religion / Toute personne a droit la libert de pense, de conscienceet de religion ; ce droit implique la libert de changer de religion ou de conviction, ainsi que la libert de manifester sa religion ou sa

    conviction individuellement ou collectivement, en public ou en priv, par le culte, lenseignement, les pratiques etlaccomplissement desrites / La libert de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire lobjet dautres restrictions que celles qui, p rvues par la loi,constituent des mesures ncessaires, dans une socit dmocratique, la scurit publique, la protection de lordre, de la sant ou dela morale publiques, ou la protection des droits et l iberts dautrui. 32 Article 14 de la CEDH : Interdiction de discrimination / La jouissance des droits et liberts reconnus dans la prsente Conventiondoit tre assure, sans distinction aucune, fonde notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinionspolitiques ou toutes autres opinions, lorigine nationale ou sociale, lappartenance une minorit nationale, la fortune, la naissance outoute autre situation. 33 Avec des contradictions plus nombreuses entre juridictions, sur des faits qui apparatraient proches.34 Aux termes de l'article L. 4612-1 du code du travail franais : Le comit d'hygine, de scurit et des conditions de travail a pourmission : 1. de contribuer la protection de la sant physique et mentale et de la scurit des salaris de l'tablissement et de ceux mis sa disposition par une entreprise extrieure ; 2. de contribuer l'amlioration des conditions de travail, notamment en vue de faciliterl'accs des femmes tous les emplois et de rpondre aux problmes lis la maternit ; 3. de veiller l'observation des prescriptionslgislatives et rglementaires prises en ces matires. 35 Chaire de recherche associe au CRAPE UMR/CNRS 6051.36 Selon cette tude, publie le 21 mai 2013, les revendications religieuses en entreprise sont un phnomne rencontr par une minorit

    significative d'entreprises et de cadres. 28 % des cadres en ressources humaines et 14% des managers intermdiaires et des employs yauraient t confronts. Une grande disparit gographique apparait : ainsi, la proportion des cadres concerns par ce problme monte 43% en rgion parisienne contre 5% en Bretagne. 41% des cadres pensent que ce sujet va devenir de plus en plus problmatique contre 59% qui pensent quil ne va pas voluer . Dans la quasi-totalit des cas, 94%, la demande, accepte ou refuse, est rsoluelocalement. Les 6% conflictuels relvent soit de demandes collectives, visant peser sur le fonctionnement de l'entreprise, soit derevendications individuelles radicales.

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    Par ailleurs, comme il est dit dans les considrations gnrales prcites au point n3 decet avis, lobservatoire de la lacit constate, dune part que le service public impose uneneutralit totale de tous ses agents, y compris lorsque ce service est exerc par une personnemorale prive ; dautre part que mme en labsence de mission de service public, des

    restrictions (y compris vestimentaires) peuvent tre apportes la libert dexpression desconvictions religieuses ds lors quelles sont justifies par la nature de la tche accompliret proportionnes au but recherch (article L.1121-1 du code du travail). Il en dcoule que,dans lentreprise prive, bien quinsuffisamment connu, le droit positif nest pas dsarm face un comportement proslyte actif ou face une tenue vestimentaire qui serait contraire auxrgles de scurit, de sret, dhygine ou qui remettrait en causelorganisation de la mission,les aptitudes sa ralisation et les intrts commerciaux de lentreprise.

    Enfin, lobservatoire de la lacit ne peut dans cet avis faire abstraction du climat socitalactuel en France et en Europe. De fait, celui-ci est particulirement tendu et sensible.Lobservatoire de la lacit, compos de personnalits diverses et de parlementaires de

    droite et de gauche , rappelle, tant aux lus quaux mdias, la ncessit de traiter avec laplus grande vigilance tous les sujets touchant au principe de lacit. Le caractreventuellement passionn du traitement de ces sujets prend le risque dempcher touteapproche rationnelle. Ce risque est bien sr augment en priode lectorale.

    Les auditions de lobservatoire de la lacit :Dans le cadre de llaboration de cet avis, lobservatoire de la lacit a auditionn les acteursde terrains concerns par laffaire dite Baby-Loup et les principales institutionsconcernes : le Dfenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits delHomme (CNCDH) et la section Travail et emploi du Conseil conomique, social etenvironnementale (CESE)37.

    M. Dominique Baudis, Dfenseur des droits, a expliqu aux membres de lobservatoire de lalacit le sens de sa saisine du Conseil dEtat38. Il sagit dabord dune demande de clarification de la frontire entre missions de services publics et missionsdintrt gnral et non dune demande dun dplacement de cette frontire en vuedventuellement tendre lapplication des principes de neutralit et de lacit aux structures

    prives en charge de missions dintrt gnral.

    La CNCDH, qui runit en son sein personnalits qualifies, partenaires sociaux, reprsentantsdONG, reprsentants des religions et reprsentants dobdiences maonniques, a de son ctrendu, suite la saisine de M. Jean-Louis Bianco, prsident de lobservatoire de la lacit, unavis sur les voies et moyens dune bonne application du principe de lacit, respectueuse desliberts fondamentales et du principe de non-discrimination . Mme Christine Lazerges,

    prsidente de la CNCDH, a rappel aux membres de lobservatoire de la lacit que lesauditions ralises par linstance quelle prside et ltude du droit positif ont montr qu enmatire de lacit un quilibre juridique a t trouv et quil ny a ni pertinence, ni utilit

    37 Les auditions de M. Dominique Baudis, de Mme Christine Lazerges et de Mme Franoise Geng se sont tenues lors de la sance du 8octobre 2013 de lobservatoire de la lacit. Les auditions des acteurs de terrain (la crche associative prive Baby-Loup par les voixde Mme Natalia Baleato, directrice, Mme Monique Reuet, prsidente, M. Jrme Dabadie, membre du conseil dadministra tion et

    conseiller municipal dopposition, M. Julien Taffoureau, charg de dveloppement, et Matre Richard Malka, avocat ; la municipalit deChanteloup-les-Vignes par les voix de M. Pierre Cardo, ancien maire, Mme Catherine Arenou, maire actuelle, Mme Franoise Nung,ancienne responsable de la politique de la ville, M. Jrme Perronnet, actuel directeur gnral des services ; le centre social du quartierde La No Grains de soleil par la voix de M. Mounir Satouri, directeur) se sont tenus lors de la sance du 1er octobre 2013 delobservatoire de la lacit.38 Cf. la saisine du 20 septembre 2013 adresse au Vice-Prsident du Conseil dEtat, M. Jean-Marc Sauv.

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    lgifrer aujourdhui 39. Selon la CNCDH, sil ny a pas de vide juridique dans lapplicationdu principe de lacit, il y a en revanche une mconnaissance importante du droit positif. Lacommission appelle ainsi dans son avis lutter contre lignorance laque et affirme que la loi ne saurait se substituer la jurisprudence ds lors quil lui est impossible de rsoudrechaque difficult particulire pose par lapplication du principe de lacit . Sur la

    possibilit dtendre le principe de neutralit aux structures daccueil des enfants exerant une mission dintrt gnral et recevant des subventions publiques, au-del de lanalyse quien est faite ci-dessus, Mme Christine Lazerges a rappel quenviron 10% des crches privesexistantes sont caractre confessionnel et nont donc pas vocation tre soumises laneutralit, bien quelles exercent une mission dintrt gnral.

    Mme Franoise Geng, prsidente de la section Travail et Emploi du CESE qui rendraprochainement son avis sur le fait religieux dans lentreprise , a rappel la conclusion desnombreuses auditions menes par sa section, savoir la ncessit, en priorit, dclairer lesentreprises, en particulier les petites sur les rponses pratiques apporter au faitreligieux dans le monde du travail et sur ce que permet et ne permet pas le droit positif, trop

    souvent mconnu.

    Les acteurs de terrain auditionns40 ont souhait rappeler lobservatoire de la lacitlimportance du dialogue, de la mdiation et de la concertation au plus prs des difficults.Certains ont galement fait part de leur crainte face de nouvelles lois qui apparatraient, defait, comme une stigmatisation de lislam et qui, de cette faon, renforceraient, de par lesamalgames avec lensemble des musulmans, les radicaux . Radicaux qualifis par lesauditionns de sectaires plus que de pratiquants radicaux , tant la religion leur paraten ralit extrieure leurs comportements et intentions rels.

    La crche associative Baby-Loup a fait part lobservatoire de la lacit des difficults quila conduisaient devoir vraisemblablement dmnager de Chanteloup-les-Vignes Conflans-Sainte-Honorine. Les reprsentants de la crche Baby-Loup ont voqu une augmentationdes revendications multi-culturalistes et confessionnelles rendant plus difficilelexercice de leur mission dintrt gnral.

    39 Cf. avis de la CNCDH du 26 septembre 2013 adopt en sance plnire par 30 voix pour, 4 voix contre et 4 abstentions.40Il sagit ici, pour la municipalit de Chanteloup-les-Vignes, de Mme Catherine Arenou, maire, de M. Pierre Cardo, ancien maire, deMme Franoise Nung, ancienne responsable de la politique de la ville, de M. Jrme Perronnet, actuel directeur gnral des services ;pour le centre social Grains de soleil du quartier de La No , de M. Mounir Satouri, directeur.

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    5. Recommandations de lobservatoire de la lacit.Dans le cas despce, lobservatoire de la lacit souligne la mission dintrt gnralexerce par la crche associative Baby-Loup et la spcificit de cette structure

    fonctionnant 24h/24 et 7 jours/7.Lobservatoire de la lacit tient apporter tout son soutien aux structures associatives dela petite-enfance qui, comme la crche Baby-Loup dans le quartier de La No Chanteloup-les-Vignes, dveloppent une action en milieu dfavoris et uvre pourlinsertion sociale et professionnelle des femmes tout en essayant de rpondre lensembledes besoins collectifs manant des familles en difficult, sans distinction dopinionconfessionnelle.

    Lobservatoire de la lacit salue lengagement des habitants du quartier de La Noetdes autorits publiques locales qui a permis la cration de cette crche associative et denombreuses autres associations toujours trs prsentes dans ce quartier de Chanteloup-les-

    Vignes et rpondant des demandes nombreuses, dans des conditions difficiles.

    Lobservatoire de la lacit considre que, dans le droit applicable, la premire solution pourla crche Baby-Loup est de modifier, comme cela lui a t suggr par linspectiongnrale du travail, son rglement intrieur afin de prciser les moyens de rpondre auxobjectifs quelle sest assigne dgalit de tous les enfants et de tous les parents et de refusde toute distinction, quelle soit politique ou confessionnelle, en dictant des restrictions lalibert dexpression religieuse qui soient justifies par des objectifs propres son activit et

    proportionnes ces objectifs.

    Dans le cas o la crche Baby-Loup ne souhaiterait pas modifier son rglement intrieur,lobservatoire de la lacit recommande aux autorits publiques concernes de proposer cette structure associative une dlgation de service public41, dans les conditions deconcurrence prvue par la lgislation. La crche Baby-Loup serait ainsi soumise au

    principe de neutralit du service public42.

    Plus gnralement :

    1. Lobservatoire de la lacit recommande au Gouvernement ddicter une circulaireinterministrielle explicitant la jurisprudence de la Cour de cassation et rappelantclairement, destination de tous les acteurs concerns, ce que le droit positif permetet ne permet pas selon la catgorie juridique laquelle appartient le gestionnaire.

    i. Lobjectif est ici de donner les outils permettant aux crches qui lesouhaitent ddicter, pour des raisons qui leur sont propres, desrglements intrieurs limitant lexpression religieuse (y comprisvestimentaire) de leurs salaris, la condition que ces restrictionssoient justifies par la nature de la tche accomplir et proportionnesau but recherch.

    41

    Ou tout rgime de contrle par la puissance publique suffisamment troit pour que la jurisprudence puisse estimer que le rgime duservice public est applicable.42Lobservatoire de la lacit note que, selon une tude commande par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) en juillet2013, la dlgation de service public se dveloppe dans le secteur de la petite enfance depuis le dbut des annes 2000. Quelquescentaines dtablissements sont concerns soit 10 15 % des tablissements crs sous la forme de services publics locaux. L a gestionest dlgue dans 43 % des cas des entreprises prives, 36 % des associations et 21 % des mutuelles.

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    ii. Comme nous lavons vu, plusieurs critres sont admis par lajurisprudence pour restreindre lexpression religieuse et certainestenues vestimentaires dans le monde du travail. De telles restrictionssont admises tant au niveau national quau niveau europen et

    international. Linterdiction de lexpression personnelle de convictionsreligieuses ne doit toutefois pas tre gnrale et imprcise43.

    iii. Toute crche prive (associative ou non) sera ainsi guide dans lardaction dun rglement intrieur permettant certaines restrictions lexpression religieuse et aux comportements proslytes, tout enlimitant le risque de censure de ses dcisions prises en application dece rglement intrieur.

    2. Une fois cette circulaire publie, lobservatoire de la lacit proposera de labelliserdes guides pratiques rappelant les rponses aux cas concrets relevant du fait

    religieux dans le monde du travail.

    3. Lobservatoire de la lacit recommande galement au Gouvernement de renouvelerla diffusion au sein de lensemble des administrations publiques de la Charte dela laci tdans les services publics publie initialement le 13 avril 2007.

    4. Lobservatoire de la lacit proposera aux diffrentes administrations publiquesllaboration ou la diffusion de char tes de la l aci t, limage de ce qui a tfait avec la charte de la lacit lcole 44.

    5. Enfin, lobservatoire de la lacit recommande au Gouvernement dencouragerloffre publique daccueil de la petite-enfancey compris et en particulier par ladlgation de service publicafin de garantir une libert de choix pour les parentsentre structures publiques et prives. Lobservatoire de la lacit salue lobjectif en cesens fix par la ministre dlgue charge de la famille45.

    Si, lavenir, une option lgislative tait nanmoins retenue par les pouvoirs publics,lobservatoire de la lacit recommande de ne pas user de la loi pour rpondre un seul cas

    particulier et rappelle quune option lgislative, plus large, supposerait, au pralable, uneconcertation entre groupes politiques parlementaires afin de permettre un dbat serein vitanttoute instrumentalisation partisane.

    Adopt par lobservatoire de la lacit le mardi 15 octobre 2013.

    Rsultats du vote : 17 voix pour , 3 voix contre , 1 abstention .

    43 Pour rappel, dans son arrt crche Baby-Loup , la Cour de cassation juge invalide, parce quinstaurant une restriction gnrale et

    imprcise , la clause litigieuse du rglement intrieur de la crche Baby-Loup et, par consquent, juge nul le licenciement bassur ce motif.44Cf. avis de lobservatoire de la lacit du mardi 10 septembre 2013 sur la diffusion de la charte de la lacit lcole et sur ses outilspdagogiques .45 Communication de la ministre dlgue charge de la famille, Mme Dominique Bertinotti, du 10 octobre 2012 relative laccueil dela petite enfance et au soutien la parentalit .