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ÉDITORIAL ÉDITORIAL THÈME LITURGIQUE DU MOIS L’ESPRIT SAINT L’ABÉCÉDAIRE DE LA FOI LES CHEMIN DE LA GUÉRISON MÉDITATIONS I: LES CLÉS DE LA FOI LE CREDO -I MÉDITATIONS II: LES CLÉS DE LA PRIERE MORALE DES CHRETIENS, MORALE DU BONHEUR... LES BEATITUDES QUESTION AUTOUR DE LA FOI... ...LA FOI EN QUESTION VATICAN II L’ÉGLISE CHANGE DE TON VIII ENQUÊTE POURQUOI JUDAS A-T-IL TRAHI ? HISTOIRE DU CHRISTIANISME ST. CYRILLE DE JERUSALEM (313-387) HISTOIRE DES CHRÉTIENS D’ORIENT A ISTANBUL, LES CHRÉTIENS D’IRAK TENTENT DE REVIVRE À LA DÉCOUVERTE DES SITES ET ÉGLISES DU LIBAN ANNIVERSAIRE DES SAINTS SAINTE RITA PROGRAMME DES ACTIVITÉS ET CARNET 1 2 5 6 10 12 14 16 32 36 22 20 26 28 « « MAI 2013 Un Cœur-à-Cœur avec Dieu Un bulletin paroissial mensuel BAABDATH F 14 rères et sœurs, deux grandes fêtes jalonnent le mois de mai: l’Ascension et la Pentecôte. . L’Ascension marque l’élévation au ciel du Christ ressuscité et la fin de sa présence terrestre et temporelle. Mais Jésus n’abandonne pas pour autant les hommes, il leur envoie son Esprit saint, le jour de la Pentecôte, et intercède sans cesse en leur faveur auprès de Dieu son Père. . La célébration de la pentecôte est attestée depuis le IVe siècle, de notre ère, elle prenait place au terme d’une période de cinquante jours après Pâques. Elle commémore la venue du Saint-Esprit, sur les apôtres et les personnes présentes avec eux, elle nous est rapportée dans le livre des Actes des Apôtres. . Le mois de mai est aussi le mois de Marie, qui est Vierge faite Église, choisie pour incarner le fils de Dieu dans l’humanité de l’homme. Ce mois de mai est donc une rencontre de tous ces instants avec la Vierge Mère de tous, l’Esprit saint qui nous accompagne dans notre mission de chrétiens et le Christ qui nous livre la parole de Dieu et son enseignement, afin que nous puissions vivre en harmonie avec la sainte Trinité, qui vit en nos cœurs, et nous fait grandir spirituellement. . A nous de suivre l’exemple de Saint François d’Assise qui avait choisi d’aller à l’essentiel sans s’encombrer du superflue que la société nous impose, à nous de dire avec lui cette prière à la très Sainte Vierge: « Salut, toi son palais ; salut, toi son tabernacle ; salut, toi sa maison. Salut, toi son vêtement ; salut, toi sa servante ; salut, toi sa mère » (saint François). Gloire à Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit saint, dans tous les siècles des siècles. Amen. Père Michel Youssef sommaire

BAABDATH MAI 2013 - Paroisse Saint Antoine De … · Éditorial Éditorial thÈme liturgique du mois l’esprit saint l’abÉcÉdaire de la foi les chemin de la guÉrison mÉditations

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ÉDITORIALÉDITORIAL THÈME LITURGIQUE DU MOISL’ESPRIT SAINT

L’ABÉCÉDAIRE DE LA FOILES CHEMIN DE LA GUÉRISONMÉDITATIONS I:• LES CLÉS DE LA FOI LE CREDO -I

MÉDITATIONS II:• LES CLÉS DE LA PRIERE MORALE DES CHRETIENS, MORALE DU BONHEUR... LES BEATITUDES

QUESTION AUTOUR DE LA FOI......LA FOI EN QUESTIONVATICAN IIL’ÉGLISE CHANGE DE TON VIII

ENQUÊTE• POURQUOI JUDAS A-T-IL TRAHI ?

HISTOIRE DU CHRISTIANISME • ST. CYRILLE DE JERUSALEM (313-387)

HISTOIRE DES CHRÉTIENS D’ORIENT • A ISTANBUL, LES CHRÉTIENS D’IRAK TENTENT DE REVIVRE

À LA DÉCOUVERTE DES SITESET ÉGLISES DU LIBANANNIVERSAIRE DES SAINTSSAINTE RITA

PROGRAMME DES ACTIVITÉS ET CARNET

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Un Cœur-à-Cœur avec DieuUn bulletin paroissial mensuel

BAABDATH

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14rères et sœurs, deux grandes fêtes jalonnent le mois de mai: l’Ascension et la Pentecôte.. L’Ascension marque l’élévation au ciel du Christ ressuscité et

la fin de sa présence terrestre et temporelle.Mais Jésus n’abandonne pas pour autant les hommes, il leur envoie son Esprit saint, le jour de la Pentecôte, et intercède sans cesse en leur faveur auprès de Dieu son Père.. La célébration de la pentecôte est attestée depuis le IVe siècle, de notre ère, elle prenait place au terme d’une période de cinquante jours après Pâques. Elle commémore la venue du Saint-Esprit, sur les apôtres et les personnes présentes avec eux, elle nous est rapportée dans le livre des Actes des Apôtres.. Le mois de mai est aussi le mois de Marie, qui est Vierge faite Église, choisie pour incarner le fils de Dieu dans l’humanité de l’homme. Ce mois de mai est donc une rencontre de tous ces instants avec la Vierge Mère de tous, l’Esprit saint qui nous accompagne dans notre mission de chrétiens et le Christ qui nous livre la parole de Dieu et son enseignement, afin que nous puissions vivre en harmonie avec la sainte Trinité, qui vit en nos cœurs, et nous fait grandir spirituellement. . A nous de suivre l’exemple de Saint François d’Assise qui avait choisi d’aller à l’essentiel sans s’encombrer du superflue que la société nous impose, à nous de dire avec lui cette prière à la très Sainte Vierge:« Salut, toi son palais ; salut, toi son tabernacle ; salut, toi sa maison. Salut, toi son vêtement ; salut, toi sa servante ; salut, toi sa mère » (saint François).Gloire à Dieu Trinité, Père, Fils et Esprit saint, dans tous les siècles des siècles. Amen. Père Michel Youssef

sommaire

2 THÈME LITURGIQUE DU MOIS

ous êtes accompagnatrice spirituelle ...... Comment invoquez-vous l’Esprit quand vous accompagnez quelqu’un ?E. M.: Je n’ai pas de formule toute faite. Au

début d’une rencontre, je suis traversée par un mouvement intérieur, je me mets en présence du Christ, habité par l’Esprit, orienté vers son Père. Je demande à la personne d’être tournée vers Lui, de le servir Lui et non pas moi. Dans le cours de l’entretien, je demande l’aide de l’Esprit quand je sens qu’il y a une parole à dire qui n’est pas encore claire en moi ni dans l’accompagné, ou bien une position à tenir, une proposition à faire. Ce peut être le cas quand l’accompagné commence à formuler un nœud personnel, un combat douloureux. Je suis parfois prise

moi-même par l’émotion mais il faut que je signifie à cette personne qu’elle est accueillie, que je lui donne une piste, un éclairage...

À quels signes reconnaît-on l’action de l’Esprit ?E. M.: Tout le travail de l’accompagnateur consiste à aider l’accompagné à reconnaître, formuler les passages de l’Esprit dans sa vie de tous les jours, dans sa prière aussi. L’Esprit ne se reconnaît pas directement, il se reconnaît après coup à ses fruits. Depuis saint Paul, l’Église sait que le fruit de l’Esprit est l’amour qui se décline en « joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi » (Galates 5, 22-23).

L’Esprit n’a pas de visage, mais il laisse des traces de son passage.Les reconnaître prend du temps, parfois.Il s’agit de scruter sa vie, ses émotions, ses sentiments, et bien sûr, sa foi. Car l’Esprit est un formidable démultiplicateur des vertus théologales.Foi, espérance et charité ne se vivent que sous son impulsion. Et c’est aux « fruits » récoltés que l’on mesure son action bienfaisante : « Joie, paix, bonté, patience, foi, bienveillance, douceur, maîtrise de soi… » (Paul, Galates).Vivre avec l’Esprit est une source inépuisable de joie spirituelle !

Entretien avec Emmanuelle MAUPOMÉMaîtresse des novices chez les religieuses auxiliatrices, membre du comité de rédaction de la revue Christus.

L’esprit saint :Une dynamique de vieo

« L’Esprit conduit à choisir la vie »

Comment reconnaît-on l’Esprit saint dans l’accompagnement spirituel ?Les fruits de son passage ne se manifestent généralement qu’après coup...

V

3« L’ESPRIT SAINT »Le passage de l’Esprit prend-il des formes très diverses?E. M.: Bien sûr ! Ignace de Loyola appelle « consolation» le passage de l’Esprit dans nos vies et invite à le reconnaître pour s’y livrer davantage! La première forme de « consolation » est une flamme amoureuse : ce sont ces moments où l’on se sent brûler d’amour et oû l’on est porté par cette flamme. Les pèlerins d’Emmaüs avaient le cœur « tout brûlant » (Luc 24, 32). Chacun de nous peut éprouver ces moments fugitifs très forts, rares ou fréquents, peu importe, c’est une expérience largement partagée.La deuxième forme de consolation est douloureuse et moins simple à reconnaître. Il peut y avoir des lumières de l’Esprit qui me font mal, lumières de vérité sur moi-même, sur mon péché, sur ma vie. C’est douloureux et libérant à la fois, cela ne m’enferme pas, me pousse à aller de l’avant, me fait du bien. La compassion est une autre forme de douleur que je peux éprouver au contact de mes frères souffrants ou en contemplant le Christ dans sa Passion. Cette douleur me pousse à agir. Il y a aussi des moments où je peux assumer une expérience douloureuse, une épreuve vécue antérieurement. Au lieu de culpabiliser, de vouloir que ce noyau obscur n’ait pas existé, je peux soudain y consentir et le vivre en communion avec le Seigneur souffrant.La troisième forme de passage de l’Esprit, selon Ignace, c’est toute augmentation de foi, d’espérance ou de charité, qui s’accompagne d’une discrète allégresse. C’est ce qui va dans le sens d’une pacification de l’âme, ce sentiment d’une vie qui se construit, se solidifie. Cela peut être le courage de vivre le quotidien, de traverser des temps difficiles dans la paix. Ces sentiments discrets ne se nomment qu’après coup, quand je me pose pour relire ma vie. Une vague de fond m’a portée sans que je m’en rende compte. Il faut une certaine maturité spirituelle pour la reconnaître.

À quoi conduit le discernement spirituel ?E. M.: C’est un double discernement. Il s’agit d’amener l’accompagné à reconnaître le passage de l’Esprit «consolateur », les attitudes, les pensées qui permettent de l’accueillir, et à se laisser guider par ces mouvements. Mais il s’agit aussi de reconnaître ce qui va contre l’Esprit, toutes ces attitudes, ces pensées qui ne produisent pas les fruits de l’Esprit. Enfin, il faut décider d’a ller dans le sens de l’Esprit et de refuser ce qui lui est contraire.

Qu’est-ce que cela signifie dans la vie quotidienne ?E. M.: Parfois des choses très simples. Adopter un rythme de vie plus calme qui aide mieux à accueillir la paix. Ou encore repérer qu’un type de pensée ne me met pas dans la paix, ne peut venir de l’Esprit, et rejeter ces pensées. Je rencontre beaucoup de personnes qui se dévalorisent sans cesse : « Je suis nul, je ne suis pas à la hauteur de Dieu... » Si cette pensée produit un enfermement, une sorte de dépression, elle ne peut venir de l’Esprit, il faut la remettre à sa place.

L’Esprit saint peut-il agir en une personne contre son gré ?E. M.: L’Esprit n’est pas extérieur à la personne, il n’agit pas contre son gré. Mais dans la vie spirituelle, il y a un consentement actif à dire « oui » à l’Esprit. Le paradoxe, c’est qu’on est à la fois porté par une présence autre qui

nous pousse, et donné à soi-même. Je ne suis jamais autant moi-même que quand je dis « oui »... Comme accompagnatrice, je suis témoin de ce paradoxe quand une décision importante se prend dans une retraite, par exemple le choix entre mariage ou vie consacrée. La personne écoute d’abord l’Esprit, en laissant de côté la question. À un moment, elle reprend la question et reçoit un vrai « oui » qu’elle dit à l’une des branches de l’alternative. Ce « oui » vient de l’Esprit qui la pousse, et en même temps, c’est vraiment elle qui, de tout son désir unifie, purifie, dit « oui ». C’est très beau à voir !

Vous souvenez-vous d’un moment particulier où l’Esprit a aidé une personne à prendre une décision ?E. M.: Je pense à une personne très attirée par un choix de vie, mais qui était dans l’indécision depuis une dizaine d’années. Elle se faisait de fausses images d’un Dieu exigeant, demandant toujours plus. Peu à peu, elle a compris qu’il ne lui était rien demandé d’autre que de «marcher humblement avec son Dieu » (Michée 6, 8), de « choisir la vie » (Deutéronome 30, 19). Elle a senti que l’Esprit lui disait : « Je suis l’ami de la vie, je ne suis pas un Dieu qui demande un sacrifice, laisse-toi conduire par la vie. » J’ai vraiment vu alors cette femme debout, libre, sachant où elle allait et se déterminant de façon claire. Parfois, même le corps se redresse quand la personne retrouve la paix intérieure.

Propos recueillis par Béatrice Bazil

Les Langues de Feu

L’ABÉCÉDAIRE DE LA FOI 5

des symboleschrétiensDICO

Le

COMME...« Le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain et, après avoir rendu grâce, il le

rompit et dit : Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites ceci en mémoire de moi. De même, après le repas, il prit la coupe en disant: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang. Le mot « messe » vient du latin « missa », qui signifie : « congé ; action de renvoyer ». Ce mot essentiel dans la foi chrétienne est, pourtant, chargé de malentendus en notre époque.« Aller à la messe » est supposé être un indice que l’on est pratiquant : ne pas y aller veut dire que, malgré notre croyance, nous ne nous sentons pas engagés à y participer régulièrement.Comment définir la messe ? c’est une rencontre d’hommes et de femmes de tous âges qui, notamment le dimanche, célèbrent ensemble le « Jour du Seigneur ». L’assemblée dominicale forme un seul Corps avec le Christ, par l’intermédiaire de son vicaire, le prêtre ou le célébrant. La présence de tout baptisé à la messe est donc une nécessité vitale pour la communauté chrétienne. « Être à la messe » est donc bien autre chose qu’assister passivement à une cérémonie ; c’est, selon saint Augustin, « devenir celui que nous recevons », le corps du Christ ressuscité, source de vie et de charité. Présidée par le prêtre ayant reçu mission de son évêque, la messe engage aussi chaque chrétien dans cette célébration. Les participants chantent prières et cantiques ; ils favorisent des conditions de silence et de recueillement ; ils prennent le temps de partager et de porter dans la prière leur vie de famille, la vie de la localité et du monde. • Rite(s) liturgique(s) : ils sont importants, et la beauté de leur expression permet de s’ouvrir au mystère d’amour célébré par l’assemblée.Dans le langage de la liturgie, la messe désigne la célébration de l’eucharistie instituée par le Christ car, avant de renvoyer l’assemblée, le prêtre proclamait en latin : « Ite, missa est ! », c’est-à-dire « Allez, la mission est là ! ». Les chrétiens sont envoyés en mission pour manifester la bonne nouvelle du salut offert à tout homme. Aujourd’hui, la messe se conclut par le souhait du célébrant : « Allez dans la paix du Christ. »Instituée par Jésus, la veille de sa Passion et de sa mort, l’eucharistie est donc un évènement majeur pour toute l’Église et une heureuse obligation de rompre le pain et de boire à la coupe, comme Jésus l’a fait avec ses apôtres et ses disciples ; celà, jusqu’à ce qu’il revienne. Il faut donc continuer à célébrer la liturgie eucharistique jusqu’au second avènement du Seigneur. C’est à la fois un engagement et un acte d’espérance. - Un engagement : de se maintenir reliés les uns aux autres dans une communion permanente et d’être les signes visibles de l’amour gratuit de Dieu pour tous les hommes.- Un acte d’espérance, car l’eucharistie nous rend solidaires de l’humanité avec ses drames et ses progrès, avec ses conflits et sa recherche de paix.L’eucharistie annonce « des cieux nouveaux et une terre nouvelle ».« …Partager le pain et boire à la coupe est une démarche de communion entre ceux qui, ensemble, lui donnent un sens pour anticiper l’accomplissement d’une humanité enfin pacifiée et unie. L’eucharistie est constitutive d’humanité et révélation de cette humanité en Dieu. C’est un acte d’homme accompli devant Dieu, au service de l’homme .*»

Hisham Ajour* Bernard Feillet, L’Étincelle du divin. Desclée de Brouwer, page 110. Paris 2006.

↑ -Ici, les langues de feu forment l’extrémité de rayons qui proviennent de la colombe comme d’un soleil : Titien, peintre de la lumière, figure la Pentecôte comme une illumination.La descente du Saint-Esprit. Tilden,1542-1544.

Une sorte de feu qui se partage en langues et se pose sur la tête de la Vierge et des apôtres réunis à Jérusalem cinquante jours après Pâques : c’est le symbole de la Pentecôte chrétienne.Mais pourquoi des langues ? Parce que c’est le mot qu’emploie le récit des Actes des Apôtres, dans le Nouveau Testament (Ac 2). Ces flammes vives représentent la venue de l’Esprit saint promis aux siens par Jésus. Elles sont une façon de montrer que cet Esprit brûle d’amour, et que son amour est fait pour se transmettre au monde entier : l’Église est fondée pour cela, c’est à la Pentecôte que l’élan lui est donné. Les apôtres reçoivent le don de faire entendre l’Évangile du Christ dans toutes les langues de la terre, d’où la forme attribuée aux flammes.Autre représentation de la Pentecôte : des rais de feu qui rayonnent du ciel à partir de l’Esprit saint /colombe et atteignent les têtes des apôtres et de la Vierge.

Studio Bayard éditions Jeunesse, 2009

...MESSE

6 LES CHEMINS DE LA GUÉRISON

réellement malades, s’appuyant notamment sur leur dossier médical (certificats d’hospitalisation, etc.). Il cherche ensuite à établir si la guérison est réelle et conforme aux trois conditions traditionnellement exigées par l’Église : la guérison doit être « soudaine et obtenue en un instant», durable et n’impliquant pas de convalescence. Pour ce faire, des examens médicaux sont nécessaires à plusieurs années d’intervalle. Enfin, le bureau médical cherche à établir si la guérison peut être expliquée par des causes naturelles. Cette procédure exclut donc toutes les maladies psychologiques (car organiquement invérifiables) et celles sous traitement (puisqu’il peut être la cause de la guérison, même lorsque c’est statistiquement improbable).

LOURDES,LES COULISSES DU MIRACLE

Depuis 1858, ce lieu de pèlerinage majeur pour les catholiques est aussi le théâtre de guérisons inexplicables, dont la reconnaissance obéit à une procédure complexe. Issue d’une collaboration entre experts médicaux et autorités religieuses, elle place le malade au cœur du processus.

«J e suis, à ma connaissance, le seul médecin qui reçoit des patients guéris », s’amuse le docteur Alessandro de Francicis, actuellement

permanent à Lourdes. Malgré la légèreté du ton, la procédure de reconnaissance du miracle est sérieuse et complexe. Elle repose, comme l’écrit la sociologue Laetitia Ogorzelec, sur une « division du travail entre ecclésiastiques et médecins » et s’articule autour de trois phases. Lors de la première, un médecin permanent nommé par l’évêque forme, avec l’ensemble des médecins présents aux sanctuaires, le bureau médical.Avant de poser la question de la guérison, il commence par vérifier si les patients qui se déclarent guéris furent

7LOURDES, LES COULISSES DU MIRACLE

Les causes invoquées dans les 67 miracles reconnus à ce jour à Lourdes sont plurielles. Si une cinquantaine sont dites liées à l’eau, notamment sous forme de bains aux piscines (environ 40), de boissons ou pansements imbibés (une dizaine), certaines sont associées à la prière (trois), à la communion (trois) ou à l’onction des malades. Et d’autres sont même intervenues sans que la personne ne soit venue en pèlerinage. « Il faut rester à mon avis sur le plan du raisonnable, estime le docteur Alessandro de Francicis. Mettons que l’on puisse expliquer la prière comme un élément placebo, il faudrait alors m’expliquer comment la mesurer. Le traitement, même placebo, ce serait quoi? Un chapelet, deux chapelets? Une messe, trois messes? C’est un faux problème : dans le cas des guérisons de Lourdes, vous avez des évènements qui sont totalement indépendants de l’eau, du lieu et de l’intensité de la prière. » Par-delà l’hypothèse de l’intervention divine, le miracle est déjà une élaboration humaine. Si une des conditions sine qua none de la guérison miraculeuse est son caractère instantané, la procédure indispensable à sa reconnaissance se joue, elle, sur un temps bien plus long. Le dernier miracle reconnu en 2005 le fut cinquante-trois ans après l’attestation de la guérison. Impossible dès lors de comprendre le miracle hors de sa procédure et de l’élaboration historique et institutionnelle de cette dernière.

À peine douze jours après la dernière apparition mariale à Bernadette Soubirous, Monseigneur Laurence, alors évêque de Tarbes et de Lourdes, constitua une commission d’enquête qui, outre des théologiens, faisait la place belle aux médecins et scientifiques. « Nier la possibilité de faits surnaturels, c’est suivre une voie surannée, déclarait-il dans une ordonnance datée du 28 janvier 1858, c’est abjurer la religion chrétienne et se jeter dans la philosophie incrédule du siècle dernier. Est-ce à dire que nous repoussons sur les faits dont il s’agit [apparitions et guérisons] une discussion large, sincère, consciencieuse,

éclairée par la science et ses progrès ? Non certes: nous l’appelons, au contraire, de tous nos vœux. » Il ajoutait que la commission devait « ne présenter que des faits établis sur des preuves solides ». Après quatre ans d’une enquête

mêlant travaux pharmaceutiques sur les éventuelles vertus de l’eau de la grotte et appréciations d’ordre théologique sur le dogme de l’Immaculée Conception, Monseigneur Laurence conclut à la réalité des sept guérisons et des apparitions de la Vierge marquant, institutionnellement, la naissance de Lourdes.

Si la guérison est déclarée « inexplicable en l’état actuel des connaissances médicales », le dossier passe lors de la deuxième phase devant le Comité médical international de Lourdes (CMIl), organe consultatif supérieur fondé après la Seconde Guerre mondiale. Il est composé d’une vingtaine de médecins permanents qui se réunissent une fois par an à Paris et sont chargés de confirmer ou non les conclusions du bureau médical. La troisième phase marque la sortie du médical, le dossier est transmis à l’évêque du lieu de la personne « guérie » qui, aidé d’une commission canonique diocésaine, détermine si au regard de la foi, la guérison peut être déclarée miraculeuse. En somme, le miracle s’organise ainsi : le bureau médical constate la guérison, le CMIL la confirme et l’évêque lui reconnaît un caractère miraculeux.« J’insiste sur la distinction entre religieux et médical, parce qu’à Lourdes, on parle de guérisons organiques. Nous n’avons aucun intérêt à produire ces événements, nous sommes là pour en constater la réalité » : le docteur Alessandro de Francicis insiste sur la dimension strictement scientifique de son travail. Le fait qu’il soit catholique, comme la majorité des médecins du bureau médical, remet-il en cause l’objectivité de ses diagnostics ? Émile Zola semblait le penser. Avec Joris-Karl Huysmans puis nombre de continuateurs et détracteurs, la question a été abondemment traitée. Quelles sont les causes du miracle ? Est-il une vaste supercherie ou un au-delà de la science ?

LE RÔLE FINALDE L’ÉVÊQUE

EAU, PRIÈRE ET ONCTION

DES « PREUVES SOLIDES »

« Les malades ont la première place

à Lourdes »

8 LES CHEMINS DE LA GUÉRISON

9LOURDES, LES COULISSES DU MIRACLE

Sans même juger du sérieux des arguments médicaux mobilisés, il est frappant de voir à quel point foi et raison, croyance et expertise scientifique, furent mélangées dans le discours des précurseurs du bureau médical. Mais rapidement, le médical va s’affranchir du religieux une scientifisation du discours cohérente avec le contexte de laïcisation de la société française. Au tournant du siècle, ce n’est pas la seule réforme que connaît la procédure de reconnaissance du miracle. À partir de 1906, Rome reprend le contrôle d’une procédure bien trop lourdaise. Le pape Pie X dépossède l’évêque de Lourdes de toute autorité spécifique sur les miracles. Ce sont désormais les évêques des lieux d’habitation des personnes «guéries» et eux seuls qui pourront déclarer miraculeuse une guérison, en se référant aux normes de canonisation établies depuis la moitié du XVIIIe siècle pour examiner les « miracles » attribués post mortem des personnes dont l’Église devait juger la sainteté. La conséquence ? Une baisse progressive du nombre de miracles reconnus et surtout un ralentissement très net de la procédure. Les reconnaissances les plus rapides ont été celles de 1962 : les sept guérisons dataient de 1858. Alors que le bureau médical constate encore aujourd’hui entre 30 et 40 guérisons « inexplicables » par an, le dernier miracle a été reconnu en 2005 pour une guérison datant de 1952.Ce temps de plus en plus long entre la constatation de la guérison et la proclamation du miracle montre bien que derrière l’apparente sortie du religieux dans le discours médical, l’institution romaine reprend le contrôle et a le dernier mot. Elle témoigne, plus que d’une progressive séparation du médical et du religieux, d’une réorganisation de leur collaboration. Loin d’être indépendante, la constatation médicale est depuis 1862 utilisée comme un procédé de légitimation du miracle, cohérent dans le contexte de la montée du positivisme de la fin du XIXe siècle.« Si Lourdes se résume à une collaboration entre médecine et religion, tempère le docteur de Francicis, il faudrait faire un audit et on arriverait à la conclusion que nos

résultats sont catastrophiques. Prenez nos statistiques de l’année 2011 : est-il raisonnable de déranger 6 millions de pèlerins pour aboutir à 48 guérisons inexpliquées ? Nous sommes loin des statistiques de la dernière clinique privée française. »Malgré ce faible taux de guérisons (et a fortiori de miracles), les pèlerins continuent d’affluer dans les sanctuaires.

Par-delà les guérisons et miracles, Lourdes est d’abord le lieu d’un défilé de malades, d’handicapés, et d’«hospitaliers » (terme lourdais pour « bénévoles »), venus appliquer les pansements, pousser les fauteuils ; auxquels s’ajoutent les bénévoles présents sur les sanctuaires, aidant les pèlerins à s’orienter, ou à accéder aux piscines.

Miracles et guérisons sont-ils réellement le cœur de Lourdes ? La réponse du médecin permanent est éloquente:« À Lourdes mais ce n’est pas médical, les malades sont accueillis avec une importance et un respect qui n’existait pas dans le quotidien du XIXe siècle et donnez-moi la liberté de le dire qui n’existe pas dans le quotidien d’aujourd’hui. La chair des malades est servie et aimée de manière physique. Alors que nous sommes dans un monde de plus en plus théorique et virtuel et c’était déjà vrai au XIXe siècle avec la montée des grandes idéologie, je vois à Lourdes des jeunes qui viennent servir les malades, changer des pansements, tenir le bras de quelqu’un qui ne peut pas marcher ou échanger avec des personnes âgées ou des enfants atteints de maladies graves.» Derrière l’extraordinaire du miraculaire, la complexité de sa procédure et les enjeux institutionnels et politiques de son histoire, Lourdes reste depuis plus d’un siècle une utopie. Ou plus simplement une espérance : celle d’un monde où malades et handicapés auraient la première place.

Mikael CORREExtrait de « Le monde des religions » juillet-août 2012

LA LÉGITIMATION MÉDICALE

« SERVIR LA CHAIR DES MALADES »

10 MÉDITATION I

epuis ses débuts, l’Église a progressivement réfléchi sur le contenu de la foi. Au fil des siècles, à partir des textes bibliques, eux-mêmes enrichis par les témoignages des

premières communautés, des assemblées appelées «conciles » ont ainsi forgé des credos. Ces petits textes sont à la fois un condensé de ce qu’il faut croire, un gage de reconnaissance entre chrétiens, et un signe d’unité qui construit la communauté, toujours menacée d’éclatement. SIGNE DE RECONNAISSANCE ENTRE LES CROYANTSSi les « Credo » sont appelés « symboles » de la foi, ce n’est pas parce que les réalités qu’ils énoncent seraient purement symboliques. Mais c’est parce que le « symbole» a pour origine le terme grec symbolon qui désignait un objet brisé, présenté comme signe de reconnaissance : les deux parties brisées étaient accolées pour reconstituer l’objet divisé et vérifier l’identité du messager. Le symbole de la foi est donc un signe de reconnaissance entre croyants.

À PARTIR DE QUAND LE CREDO EST-IL NÉ ET POURQUOI ? La multiplication d’idées contradictoires sur la « nature» de Dieu, la « personne » du Christ, les modalités de son Incarnation, etc. ont rendu nécessaires de telles formules. Pour distinguer la foi de l’Église des affirmations hérétiques, il a fallu mettre au point certaines expressions de manière de plus en plus précise. L’élan de l’évangélisation a très vite été confronté avec les intellectuels du monde grec et du monde latin. Il ne suffisait plus de leur « raconter » les épisodes de l’Évangile, il fallait encore répondre aux questions philosophiques qu’ils posaient sur cette nouvelle religion qui intriguait. Il a donc été nécessaire d’adopter une part de leur vocabulaire et de leur conceptualité, afin de pouvoir leur proposer une formulation ajustée, cohérente et ramassée de la foi à laquelle on se proposait de les appeler.La tradition aura retenu deux Credo. Le premier, appelé «Symbole des Apôtres » (voir encadré page suivante) est le plus ancien. Il remonterait au IIe siècle et s’est affirmé

D

LE CREDO - IUne affirmation libre et personnelle

La foi est une attitude fondamentale de la vie chrétienne. Or elle ne se réduit pas à un sentiment de confiance, mais elle s’exprime aussi par des convictions et des affirmations qui portent sur l’origine de la vie et sur sa destinée. Son contenu ne pouvant s’exprimer que par des mots, et pour signifier la communion des croyants, il a donc fallu rédiger des textes que tous soient invités à reconnaître comme régulateurs de l’expression de leur foi. Ainsi furent établies par l’Église des formules de profession de foi qui constituent le Credo, transcription du latin « Je crois ».

11LES CLÉS DE LA FOIau VIe siècle. Il est considéré comme le résumé fidèle de la foi des Apôtres, ceux qui ont mis leur confiance dans la Résurrection de Jésus.Le second texte appelé « Symbole de Nicée » (voir encadré ci-dessous) qui précise la divinité du Saint-Esprit (filioque, « il procède ») fut mis au point lors du concile de Nicée de 325, premier concile « œcuménique », puis complété par celui de Constantinople en 381. Plus abstrait et plus complexe que le premier, il a été rédigé pour répondre à de multiples questions et pour énoncer la réponse de l’Église aux nombreuses hérésies virulentes auxquelles elle était confrontée. Chaque mot et chaque formule en ont donc été soigneusement pesés.

LE CREDO EST À LA PREMIÈRE PERSONNE DU SINGULIER, POURTANT IL PROCLAME LA FOI DE L’ÉGLISE.La foi est simultanément individuelle et collective, et il serait vain de vouloir ici privilégier un aspect plutôt que l’autre. Lorsqu’une assemblée récite ensemble le Symbole, chacun de ses membres dit certes : « je crois », mais ils le font tous ensemble. La force de la démarche tient dès lors précisément au fait qu’on l’accomplit en «communion » de pensée et de cœur. Le Credo n’est pas seulement une « prière » mais une profession de foi. Et le « je » de chacun de ceux qui le professent rejoint à ce moment-là le « nous » de toute l’Église.

DOIT-ON ADHÉRER À TOUT DANS LE CREDO ?En disant le Credo, nous faisons l’expérience que notre foi est portée par celle de toute l’Église, d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Cela devrait suffire à relativiser nos propres doutes ou angoisses, même si l’on peut à tel ou tel moment avoir du mal avec telle affirmation particulière de la foi. Et il serait sûrement vain de chercher à supprimer telle phrase ou telle expression pour « alléger » le Credo car il forme un tout. Notons d’ailleurs qu’en dehors du fameux filioque que l’Église d’Orient n’a pas admis, aucun élément ou aucun nouveau dogme n’a jamais été ajouté à la profession de foi.

Les textes de ces professions de foi devraient rester intangibles car ils portent en eux et expriment bien la Tradition constitutive de l’Eglise.

DANS UN CONTEXTE ŒCUMÉNIQUE ET DE DIALOGUE INTERRELIGIEUX, LE CREDO EST-IL UNE BARRIÈRE ?Loin de l’être, il constitue au contraire un merveilleux outil. Rappelons-nous l’image du « symbole » brisé. Quand le pape et le patriarche de Constantinople récitent ensemble le Symbole de Nicée en grec, ils vivent une démarche œcuménique de première importance car ils manifestent qu’ils ont sur l’essentiel, la même foi. Avec les protestants, nous avons en commun le symbole des Apôtres qu’ils récitent avec les mêmes mots que nous en remplaçant simplement l’adjectif « catholique » par celui d’« universel ». Le dialogue œcuménique aboutit d’ailleurs à la formulation très intéressante « Je crois en la catholicité de l’Église », à laquelle tous les chrétiens sont susceptibles d’adhérer.Le dialogue interreligieux ne peut, quant à lui, se construire que dans une rencontre vraie avec les croyants des autres traditions religieuses. En aucun cas, ne renier sa propre foi, mais accepter de l’interroger en dialoguant avec celle des autres. L’approfondissement de sa propre appartenance religieuse est non seulement un préalable auquel il se reconnaît obligé alors, mais aussi un fruit qu’il est fondé à en attendre.

PROCLAMER SA FOI CHANGE-T-IL LA VIE ?On ne peut pas vivre sans croire…Celui qui a la foi en Dieu se sait aimé en toutes les circonstances de sa vie, même lorsqu’il traverse des moments difficiles. Il reconnaît son origine et son but dans le Dieu Créateur. Il confesse à ses côtés et en son cœur la présence vivante du Christ Sauveur par son Esprit. Croyant avec d’autres, il cherche à agir avec eux pour que la vie humaine soit partout respectée dans sa dignité et dans sa vocation. La foi change la vie parce qu’elle lui donne à la fois son véritable sens et sa plus forte énergie.

(Extraits d’un entretien de la revue « Pélerin » avec Mgr Joseph Doré)

Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre. Et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort, a été enseveli, est descendu aux enfers ; le troisième jour est ressuscité des morts, est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant, d’où il viendra juger les vivants et les morts. Je crois au Saint-Esprit, à la Sainte Église catholique, à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. Amen.

Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible. Je crois en un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles : Il est Dieu, né de Dieu, Lumière, né de la Lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu. Engendré non pas créé, de même nature que le Père, et par lui tout a été fait. Pour nous les hommes, et pour notre salut, Il descendit du ciel ; par l’Esprit saint, Il a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme. Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, Il souffrit sa Passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième jour, conformément aux Écritures, et Il monta au ciel ; Il est assis à la droite du Père. Il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts, et Son règne n’aura pas de fin. Je crois en l’Esprit saint qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du Père et du Fils. Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire ; il a parlé par les prophètes. Je crois en l’Église une, sainte, catholique et apostolique. Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés. J’attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir. Amen.

SYMBOLE DES APÔTRES

SYMBOLE DE NICÉE-CONSTANTINOPLE

12 MÉDITATION II

Jamais l’être humain, désormais pleinement libre et conscient de lui-même, et disposant largement des moyens de se détruire, tant au niveau individuel que collectif, n’a été autant amené à s’interroger sur le sens de sa présence en ce monde.Nous commencerons notre réflexion par certains éclaircissements sur l’attitude de l’Église catholique concernant les questions bioéthiques et l’argent, et nous la conclurons par le texte des Béatitudes, cette « morale du bonheur » que nous a laissée le Christ en partage. À nous de savoir la vivre à chaque instant de notre vie.

Morale des chrétiens,morale du bonheur… les béatitudes

es catholiques face à la vie et à la scienceSi, aujourd’hui, tout est possible à l’homme, tout n’est pas bon pour lui. La science lui offre des possibilités inouïes de maîtrise du vivant.

Les frontières du début et de la fin de la vie deviennent très floues. À partir de quel seuil porte-t-on atteinte à l’être humain ?Si l’approfondissement du vivant est en soi un bien, s’il correspond à la légitime maîtrise que l’homme est appelé à exercer sur la Création, il doit s’accompagner d’une réflexion suffisante, d’une réelle volonté de respecter la dignité humaine, d’éviter les discriminations, les exclusions. Un monde où les « forts », ceux qui sont « génétiquement sains », exerceraient une discrimination à l’encontre des faibles et des malades serait un monde inhumain.

Les catholiques et l’avortementSi l’Église catholique réprouve l’avortement, qui met un terme à une vie déjà constituée, elle ne se sent pas en droit

de condamner les personnes qui y recourent. Elle connaît le poids des solitudes affectives, des pressions qui peuvent être exercées en certaines circonstances. Mais elle s’inquiète de l’évolution d’une société pour laquelle certaines vies ne mériteraient pas d’être vécues.

Les catholiques et l’euthanasieL’Église catholique partage la préoccupation des nombreuses personnes qui souhaitent se réapproprier leur mort. Elle appuie toutes les initiatives qui vont dans le sens du respect des patients, jusqu’à leurs ultimes instants, dans le sens du service véritable que les personnels soignants ont à rendre. « Tu ne tueras pas » est, pour les catholiques, un commandement de Dieu. C’est aussi le fondement de toute vie sociale respectueuse d’autrui, spécialement des plus faibles et de ceux qui en viennent à douter de la valeur de leur propre vie, surtout s’ils estiment représenter une charge pour leur entourage. Il est donc de la plus haute importance de ne pas affaiblir la force d’un tel repère.

L

13LES CLÉS DE LA PRIÉRELe cardinal Louis-Marie Billé, président de la Conférence épiscopale, l’affirmait le 4 mars 2000 : « La véritable compassion ne craint pas la souffrance née de la proximité avec l’épreuve d’autrui, elle s’efforce d’atténuer cette épreuve en s’ingéniant à trouver des moyens appropriés, elle reconnaît jusqu’au bout la grandeur et la dignité de toute personne. C’est cette reconnaissance, et non pas la mise à mort délibérée d’une personne, fût-ce sur sa propre demande, qui permet d’inscrire la mort au sein de la vie elle-même et de ne pas exclure d’un monde humanisé les derniers instants d’une existence. »

Les catholiques et l’argentDès les premières pages de la Bible, il nous est dit que la terre appartient d’abord à Dieu, lequel l’a confiée à toute l’humanité. Rien de ce que possède l’homme ne lui appartient pleinement : il n’en est que le dépositaire. Les chrétiens croient qu’ils sont, en quelque sorte, mandatés par Dieu pour gérer argent et biens, pour leur faire produire du fruit au bénéfice de toute l’humanité. L’argent est un moyen d’échange, un outil utile pour favoriser les relations, les échanges entre les hommes, pour favoriser le développement économique.Jésus ne condamne pas l’argent. Il demande qu’on s’en serve « pour se faire des amis dans les demeures éternelles » (Lc 16, 9).Mais l’argent peut devenir une fin, un instrument de puissance qui fait perdre la tête, il peut se substituer au Dieu unique. De bon serviteur, il peut devenir mauvais maître.L’Évangile appelle au partage. Dès leurs débuts, les premières communautés chrétiennes en ont témoigné. Celui qui adhère à Jésus considère qu’il n’est que l’intendant de ce qu’il

possède. C’est ce qu’on appelle la « destination universelle des biens ». Le Concile Vatican II l’a rappelé : «Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que tous les biens de

la Création doivent affluer entre les mains de tous. » (Gaudium et Spes, n° 69); l’indigence de l’autre marque toujours la limite au droit de propriété. Dans ce contexte, l’Église incite les catholiques au partage, que ce soit par

l’acquittement de l’impôt (lorsque l’argent public sert le bien commun), par le don, voire par le don de soi-même, de son temps, de son être. Par ailleurs, l’Eglise et ses membres agissent pour un commerce plus équitable, pour une moralisation sincère des flux financiers incontrôlés qui gravitent autour de la planète.

Les Béatitudes« À la vue des foules, Jésus monta dans la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Et, prenant la parole, il les enseignait :- Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des Cieux est à eux.- Heureux les doux : ils auront la terre en partage.- Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés.- Heureux ceux qui ont faim et soif de justice : ils seront rassasiés.- Heureux les miséricordieux : il leur sera fait miséricorde.- Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu.- Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu.- Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des Cieux est à eux.- Heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte, que l’on vous persécute et que l’on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi.Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ;C’est ainsi en effet qu’on a persécuté tous les prophètes qui vous ont précédés. »

(Évangile selon Matthieu 5, 1-12)

Ce texte des Béatitudes (du latin beatus, «heureux»), également appelé « Discours sur la montagne », est extraordinairement surprenant. Ses promesses sont paradoxales parce qu’elles prennent à revers nos sentiments les plus évidents en dépassant l’intelligence et les forces humaines. Pourtant, les attitudes suggérées dans les Béatitudes sont à la base d’une morale du bonheur. Tel est le sens de l’adjectif « heureux » : pauvreté du cœur, simplicité, confiance, miséricorde, volonté de paix. Même dans les situations les plus difficiles, ce degré d’exigence entend bouleverser la loi de la jungle, qui peut gouverner une humanité livrée à elle-même, avec tous les excès inhérents à sa nature humaine.Pour les chrétiens, il n’est pas vrai que la force, l’injustice et la violence auront le dernier mot. Il s’agit précisément, et comme le Christ en a donné l’exemple tout au long de sa vie, de retourner cette tendance pour proposer au contraire l’amour, la charité, l’espérance. Et tenter déjà, à notre mesure, de faire place à un monde nouveau, un monde de paix, préfigurant notre bonheur éternel.

(Pélerin Hors Série – 50 clés pour comprendre le christianismepages

Pour les chrétiens, il n’est pas vrai que la force, l’injustice et la violence auront le dernier mot

14 QUESTIONS AUTOUR DE LA FOI...

de la prière:Les clés

Ainsi que nous l’avons commencé au mois de février, nous continuons dans notre bulletin de ce mois à nous poser certaines questions qui nous préoccupent, et à tenter d’y répondre. Michel Souchon, jésuite, nous donne certains éléments de réponse, simples mais argumentés, enracinés dans la foi de l’Église. Des réponses qui n’ont pas la prétention de tout dire, mais qui peuvent nous éclairer et nous donner envie de continuer la route.

allait-il la croix pour notre rachat ? Le Père, pour passer l’éponge sur nos péchés, devait-il exiger la souffrance et la mort de son Fils ?

Prenons la question à l’envers. Vous croyez cela fait partie du fondement de notre foi chrétienne que Dieu s’est incarné en Jésus-Christ, que Jésus est mort et qu’il est ressuscité. Pourquoi l’incarnation, pourquoi la mort et la résurrection de Jésus ? Dès les premiers Credo, la réponse est claire : « Pour nous les hommes et pour notre salut ».Voilà ce que vous devez croire : Dieu n’est pas indifférent à la peine des hommes. Il aime la vie et veut nous donner sa vie pour toujours. Si vous croyez cela, vous pouvez bien refuser l’incroyable scénario d’un Dieu courroucé par le péché des hommes, et qu’apaise le sang de son Fils !

Revenons à la grande question : pourquoi Dieu s’est-il fait homme ? Je tente une réponse. Jésus, en nous révélant le visage humain de Dieu, veut apprendre à l’homme ce que c’est

qu’être homme. Un pasteur italien, Paolo Ricca, disait il y a quelques mois: «Jésus vrai homme, voilà peut-être ce qu’il y a de plus important à croire et à vivre. Ce dont nous, communauté chrétienne, nous devons témoigner au milieu d’une humanité qui a donné tant de preuves de férocité inhumaine et ne semble pas encore savoir bien ce qu’est ‘‘ l’humanité’’.Dieu s’est fait homme, mais l’homme, lui, n’est pas encore homme. ‘‘Le Règne de Dieu s’est approché’’, c’est la proximité d’un Dieu à visage humain qui appelle l’humanité à devenir, elle aussi, enfin humaine. »

Une libération, et non un rachatJésus nous révèle le visage du Père, « un Dieu à visage humain », qui veut aimer l’homme et non pas « le faire payer». Révélation formidable « pour nous les hommes et pour notre salut ». Pour cette révélation, Jésus a mis en jeu sa propre vie. Il nous a libérés du péché au prix de sa vie.

F

Questions autour de la foi…

15...LA FOI EN QUESTION

Comment l’instrument du supplice infamant que les Romains réservaient aux esclaves est-il devenu le signe des chrétiens, la « croix glorieuse » de nos églises et de nos maisons ?Pour entrer dans l’intelligence du signe de la croix, il faut passer par la stupéfaction née de la folie de la croix. Il faut aller en amont de la banalisation du signe devenu bien souvent bijou ou motif décoratif. Saint Paul parle de la folie et du scandale de la croix (1 Corinthiens 1,23). Pourquoi est-elle devenue le signe des chrétiens ? Parce qu’elle révèle la passion de Dieu pour l’humanité. Parce qu’elle est salut pour le monde. Parce que le mystère pascal est au cœur de notre vie chrétienne.La croix est le signe des chrétiens parce que la Passion de Jésus-Christ révèle la passion de Dieu pour les hommes. Tous les moments de la vie terrestre du Christ sont des révélations du mystère de Dieu. L’enfant de la crèche révèle l’humanité et l’humilité de Dieu. Dans le baptême au Jourdain, Dieu manifeste sa volonté d’être avec nous contre notre péché. Et ainsi de suite.Dans la mesure où « il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime », la croix est le moment de la révélation suprême. « Que Dieu soit riche au ciel, cela les autres religions le savent aussi. Mais qu’il ait voulu être pauvre avec sa créature, qu’il ait voulu souffrir en son ciel en communion avec le monde qu’il a créé, et que par son Incarnation, il se soit mis en mesure de manifester à ses créatures l’amour passionné qu’il éprouve pour elles, voilà ce que personne jusque-là n’avait entendu dire » (Hans Urs von Balthazar).Le Dieu des chrétiens n’est pas un Dieu impassible. Il est tout entier générosité, don de lui-même, amour passionné. Le contraire de nos conceptions spontanées d’un Dieu tout- puissant, indifférent à la souffrance et aux malheurs des hommes, spectateur de la croix du Christ…C’est un Dieu proche de nous. Et plus que jamais quand nous sommes dans la souffrance et les ténèbres.

Que veut dire « la croix apporte le salut au monde » ?Voilà une chose sur laquelle la foi de bien des chrétiens hésite. D’abord parce que nous ne savons pas très bien ce qu’est le salut. Et puis parce que nous ne comprenons pas que le Père demande la mort du Fils pour nous sauver.Sur le premier point, je remarque que si nous ne savons pas très bien ce qu’est « être sauvé », nous savons tous assez bien ce qu’est « être perdu », ce qu’est du temps perdu, ce qu’est une vie qui perd son sens parce qu’elle est gardée égoïstement pour soi et non donnée, dans l’amour et le service des autres. Cette réponse apporte une lumière sur le deuxième point.Rappelons que c’est l’Incarnation qui nous sauve. « Pour nous les hommes et pour notre salut, il descendit du Ciel, il a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme. » Jésus ne s’est pas incarné pour mourir sur une croix. Il est mort parce qu’il s’est incarné, pour aller jusqu’au bout de son incarnation. En s’incarnant, il a choisi d’affronter la mort, d’être solidaire de l’humanité jusque-là.Mais il n’a pas choisi la manière de mourir : la croix, c’est

nous qui la lui avons imposée. La mort de Jésus n’est pas voulue (« si c’est possible que ce calice s’éloigne de moi…»), mais une mort acceptée : il nous révèle ainsi qu’il y a plus important que de garder sa vie pour soi, et qu’il est des valeurs et des personnes humaines qui méritent qu’on leur sacrifie sa vie. Sa vie est donnée : elle est livrée aux mains des hommes. Et il fait à l’humanité le don de la vie pour toujours. Tel est le salut que nous apporte la croix, inséparable de la résurrection dans la totalité du mystère pascal, du grand passage de la mort à la vie. Ce passage n’est pas seulement celui de Jésus, mais celui de toute l’humanité avec lui et par lui. Là où culmine la mort, la vie surabonde. C’est le grand retournement de l’histoire humaine : le juste des justes entre dans notre histoire pleine de bruits et de fureur et fait toute justice.Enfin la croix est le signe des chrétiens parce qu’elle est au cœur de la vie chrétienne. Dès le baptême, le chrétien est marqué du signe de la croix, plongé avec le Christ dans la mort pour vivre d’une vie nouvelle avec le Ressuscité. Elle est présente dans la prière, les sacrements, les célébrations tout au long de la vie chrétienne. Constamment y est rappelé l’appel de Jésus à le suivre en portant notre croix.Lorsqu’au début de toute prière communautaire ou individuelle, le chrétien fait « le signe de la croix », il dit sa confiance dans la croix de Jésus. Il proclame sa foi dans la Trinité. Il rappelle le signe de son baptême qui l’a introduit dans le mystère pascal Il marque son corps. Tout entier, corps et esprit, il est sous le signe de la miséricorde de Dieu manifestée en Jésus-Christ.

…La foi en question

16 VATICAN II

La déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes fait partie des textes inattendus du concile, et pourtant promis à une grande fécondité. C’est la première fois dans l’histoire qu’une

assemblée conciliaire se prononce sur les autres religions et dans un sens positif ! Pourtant, Nostra aetate n’était pas prévue au programme. Certes, de nombreux évêques présents au concile venaient de pays et de continents marqués par d’autres traditions religieuses (islam, bouddhisme...). Et la Constitution sur l’Église votée en 1964 reconnaissait déjà que le dessein du salut enveloppe « ce peuple qui reçut les alliances et les promesses et dont le Christ est issu selon la chair » (le peuple juif), « les musulmans qui professent la foi d’Abraham » et tous ceux qui cherchent Dieu de diverses manières. (1)

L Réhabiliter le judaïsmeC’est un texte sur les juifs qui était prévu. Jean XXIII, qui avait rencontré l’historien juif Jules Isaac en 1960, souhaitait effacer de l’Église l’enseignement du mépris envers le judaïsme. Il avait confié au cardinal Bea, président du Secrétariat pour l’unité des chrétiens, la mission d’élaborer ce texte. Le projet a connu alors bien des vicissitudes. Les représentants des Églises orientales craignaient qu’un tel texte ne fasse tort aux chrétiens dans les pays arabes en conflit avec Israël.Ce texte devait faire partie du décret sur l’œcuménisme, avec un autre chapitre sur la liberté religieuse. Mais certains évêques demandèrent qu’on traite aussi des autres religions. Fallait-il alors rattacher le texte à la Constitution sur l’Église ? Finalement, il est devenu un document indépendant, non sans subir de nombreuses retouches en ce qui concerne les relations avec le judaïsme. Certaines

Geneviève COMEAUReligieuse xavière.

L’Église change de

L’ÉGLISE S’OUVRE AUX AUTRES RELIGIONS

TON

Votée en 1965, la déclaration Nostra aetate porte un regard positif sur les autres religions. Cette ouverture ne sera pas sans tensions. Est-il si facile de se mettre à l’écoute des autres ?

(suiteVIII)

17L’ÉGLISE CHANGE DE TON - VIIIexpressions sont atténuées : ainsi l’Église « déplore » et non plus « condamne » l’antisémitisme ; la réprobation de l’accusation de « deicide » disparaît. La déclaration Nostra aetate est votée lors de la derrière session du concile, à l’automne 1965 ; lors de la même session est aussi votée la déclaration sur la liberté religieuse, qui en est en quelque sorte le versant politique.

Travailler à l’unité du genre humainLes voyages de Paul VI, au Proche-Orient puis à Bombay pour le congrès eucharistique, ont joué un rôle important pour la maturation de ce texte dans la conscience des pères conciliaires : ces voyages ont été un signe vivant du désir de l’Église de travailler à la fraternité universelle.C’est dans cette perspective que commence la déclaration Nostra aetate : à notre époque, les relations entre les peuples se multiplient le mot « mondialisation » n’est pas prononcé, mais c’en est déjà l’esprit. « Dans sa tâche de promouvoir l’unité et la charité entre les hommes, et même entre les peuples, l’Église examine ici d’abord ce que les hommes ont en commun et qui les pousse à vivre ensemble leur destinée ». Écho manifeste au n°1 de Lumen gentium, où l’Église se dit être, « dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ». Cette mission de l’Église de travailler à l’unité du genre humain sera au cœur de l’initiative de Jean-Paul II à Assise en 1986: rassembler des représentants des diverses religions autour d’une prière pour la paix dans le monde, c’est être fidèle à l’esprit du concile.Le n°1 de Nostra aetate s’intéresse donc à « ce que les hommes ont en commun », aux « énigmes de la condition humaine » auxquelles les religions tentent de répondre. La déclaration parcourt les diverses religions, en commençant par celles qui sont les plus éloignées de la foi chrétienne (n°2), puis en traitant de l’islam (n°3) et finalement du judaïsme (n°4). Elle se termine par une invitation à la fraternité universelle (n°5).

Un regard positif et respectueuxReprenons quelques éléments significatifs du texte. Le n°2 contient le cœur de la théologie conciliaire sur les religions, c’est-à-dire un regard positif et respectueux sur les autres, leurs manières de vivre et leurs doctrines dans ce qu’elles peuvent avoir de vrai et de saint ; cela n’enlève rien à la mission de l’Église d’annoncer le Christ, en qui se trouve la plénitude de la vie. Les réflexions théologiques ultérieures sur la nécessite de tenir à la fois le dialogue interreligieux et l’annonce de l’Évangile trouvent ici leur fondement.Le n°3 met en valeur les convergences entre islam et christianisme, et invite à la compréhension mutuelle. C’est un texte bref et irénique le prophète Mohammed n’est pas nommé.Le n°4, sur la religion juive, est le passage le plus long. Dès la première phrase, est soulignée la relation unique entre judaïsme et christianisme ; il s’agit d’un lien d’origine, qui fait partie de l’identité même de l’Église, ce qui ne peut être dit d’aucune autre religion. Ce lien d’origine entraîne une attitude de reconnaissance. On passe ainsi du mépris à l’estime, et l’on encourage « la connaissance et l’estime mutuelles, qui naîtront surtout d’études bibliques et théologiques, ainsi que d’un dialogue fraternel ».L’impact de Nostra aetate après le concile est indéniable. De manière très visible à partir du pontificat de Jean-Paul II, l’Église catholique s’est engagée dans le dialogue interreligieux, y voyant une contribution majeure à la paix et à l’unité de l’humanité. Les débats théologiques n’ont pas manqué : comment comprendre par exemple que le Christ est l’unique Sauveur ? Les chrétiens qui y participent sont bien souvent ramenés au cœur de leur foi.

1) Lumen Gentium, n°16

18 VATICAN II

19L’ÉGLISE CHANGE DE TON - VIII

Depuis Nostra aetate, l’Église parle des religions du monde en termes positifs et appelle les catholiques à leur montrer un grand respect. En même temps, elle

les appelle à annoncer la bonne nouvelle de Jésus -Christ à tous. Ce double appel ne va pas sans créer des tensions. En effet, respecter une autre religion implique qu’on sache que cette religion à des choses importantes à dire aux chrétiens, d’où l’urgence du dialogue. Mais cela veut-il dire que la vérité de la foi chrétienne n’est pas entière ? Et puis, annoncer Jésus-Christ implique que nous soyons convaincus qu’il est le chemin, la vérité et la vie. Quel est donc l’intérêt de se mettre à l’écoute de ceux à qui nous voulons porter la plénitude de la vérité ?

Une foi approfondie et purifiéeCette tension a parfois été dévastatrice. Pensons à Mgr Lefebvre et à ses amis pour qui l’engagement dans le dialogue interreligieux était et demeure une trahison. D’autres pensent, y compris des membres de la hiérarchie, que le dialogue interreligieux est simplement sans intérêt. À l’autre extrême, on trouve des catholiques qui jugent que l’annonce explicite de l’Évangile empêche un véritable dialogue. Évidemment, ils vivent le double appel de l’Église aussi mal que les précédents. Pour d’autres encore, heureusement, cette tension a apporté quelque chose de créatif et de purificateur. Grâce à la rencontre avec des croyants d’autres religions, ils ont pu nouer de nouvelles amitiés fondées sur le respect et sur la compréhension. Cette expérience les a aidés à purifier et à approfondir leur foi, ce qui leur a permis d’annoncer Jésus-Christ de manière plus subtile, et avec des paroles que les autres peuvent comprendre. Dans l’Église, le dialogue, à tous les niveaux (le dialogue de la vie, le dialogue des œuvres, le dialogue des spécialistes et le dialogue spirituel), est porté par les personnes qui savent vivre cette tension de manière positive.

Les exigences du dialogueLe respect profond inhérent au dialogue appelle à une grande humilité, laquelle a ses exigences. La première est de reconnaître qu’aucun chrétien ne possède la vérité, ce qui paraît une évidence puisque la vérité est une personne. On doit donc tout faire pour mieux comprendre sa propre foi et mieux connaître Jésus-Christ, le Père qui nous l’a envoyé et l’Esprit saint. C’est ce qui permettra d’entrer en dialogue. La deuxième exigence est de tout faire, dans les limites des possibilités de chacun, pour comprendre ce qui fait vivre ses interlocuteurs.Là où l’une de ces exigences n’est pas vécue, le dialogue devient très difficile, voire impossible. Les partenaires

A parlent de banalités sur lesquelles ils peuvent se mettre d’accord rapidement. Il manque l’engagement et, en ce qui concerne la foi, rien ne change. On sort du dialogue comme on y est entré, sans se laisser interroger par ce que croit l’autre. Un autre danger est de voir trop vite des convergences ou des divergences, voire des incompatibilités, sur des points essentiels dont le sens

réel échappe. L’exemple le plus triste se trouve dans Entrez dans l’espérance (1994). Jean-Paul II, qui a tant fait pour promouvoir le dialogue, a choqué le monde bouddhiste par des propos erronés et peu respectueux de leur foi. Heureusement, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, que le pape n’avait pas consulté, a

beaucoup fait pour corriger la situation.Enfin, il faut reconnaître que, souvent, il est difficile de trouver des partenaires prêts à s’engager dans un vrai dialogue. Expérience douloureuse pour ceux qui veulent répondre à l’appel de l’Église, et qui explique la dernière exigence, celle d’une vie spirituelle profonde qui puisse aider à vivre cela sans céder à la tentation de tout arrêter.

Extrait du Vatican II – novembre 2009 numéro spécial

Ceux qui veulent en savoir plus sur l’un ou l’autre dialogue (le dialogue avec le bouddhisme est radicalement différent du dialogue avec l’islam ou avec le judaïsme, par exemple) peuvent consulter « Le dialogue interreligieux : le christianisme face aux autres traditions » (DDB/ Institut catholique de Paris). Chaque chapitre du livre répond à la question : « Où en sont les rencontres entre [croyants d’une religion donnée] et chrétiens depuis Assise ? »

Dennis GIRAAncien professeur à l’Institut de sciences et de théologie des religions, spécialiste du bouddhisme.

« UN VRAI DIALOGUE EST UNE EXPÉRIENCE

EXIGEANTE »

Le respect profond inhérent au dialogue appelle à une

grande humilité.Il faut d’abord reconnaître

qu’aucun chrétien ne possède la vérité

20

Pourquoi Judas

Durant vingt siècles, les commentaires ont tenté de percer le mystère. Si les Évangiles n’en donnent pas la clé, ils mettent en lumière la portée théologique d’une telle action.

ternelle énigme de la figure de Judas. Comment cet homme, qui avait accompagné Jésus dans son ministère, soulevé avec lui la poussière des chemins et partagé son

repas, a-t-il pu le livrer à ceux qui voulaient sa mort ? Quels motifs ont bien pu le pousser à trahir le maître admirable, l’ami fidèle ? Appât du gain ? Jalousie ? Ou bien la déception face à un Messie qui ne répondait pas à ses attentes d’une libération politique d’Israël ? Judas a-t-il été la victime d’une défaillance toute humaine ? Ou bien ne fut-il pas plutôt le jouet du destin, l’instrument nécessaire à l’accomplissement des Écritures ? Et dans ce cas, que reste-t-il de son libre arbitre ?

Vingt siècles de commentaires ont tenté de percer le mystère. Avec le temps, la figure s’humanise. L’homme possédé par Satan et voilé à la damnation éternelle devient peu à peu le miroir des doutes et des tiraillements intérieurs de l’homme contemporain. Un homme ordinaire. Notre frère en humanité. Hypothèse intéressante, car elle restitue à l’homme sa responsabilité. Mais ne réduit-elle pas un peu vite la dimension du mal qui s’exprime à travers la figure de Judas ?Les Évangiles ne nous livrent pas la clé du mystère. C’est même sans doute leur relative discrétion quant aux motivations de Judas qui a permis tant de supputations. Ce qu’ils mettent en lumière, chacun à leur façon, ce n’est pas tant le mobile de l’action que sa portée théologique.

E

ENQUÊTE

a-t-il trahi ?

21POURQUOI JUDAS A-T-IL TRAHI ?néant qui menacent la vie. Après avoir reçu de Jésus une bouchée de pain, ultime partage, Judas, dit le récit, «sortit aussitôt. Il faisait encore nuit » (Jean 13, 30). Nuit du monde, nuit de nos résistances à la vie qui s’offre à nous.

L’amour divin n’a cependant pas dit son dernier mot. Certes, Judas trahit, et cet acte sera cause de la mort de Jésus : la réalité du mal et son caractère redoutable sont bien pris en compte. Mais, selon l’Évangile de Jean, la souveraineté de Jésus n’est pas remise en question, Judas ne fait que précipiter le dénouement de l’histoire dont Jésus est le grand ordonnateur. Jésus conserve la maîtrise de la situation, c’est lui qui en définitive intime cet ordre à Judas : « Ce que tu as à faire, fais-le vite ! » (Jean 13, 27). Jésus garde l’ultime liberté de consentir à sa mort. Ainsi, quand les gardes viendront l’arrêter, c’est lui-même qui s’avancera souverainement vers eux : c’est lui qui offre sa vie. La mort de Jésus est à la fois nécessaire et contingente, acte d’amour divin et crime des hommes.

La trahison de Judas reste un mystère, et peut-être est-ce très bien ainsi. Cela nous invite à prendre au sérieux le défi que représente le mal. Un mal qui dépasse l’homme, et pourtant passe par lui pour s’exercer. Nous sommes personnellement impliqués dans le combat à mener contre les forces qui menacent notre humanité. L’annonce de Jésus à ses disciples résonne encore à nos oreilles : « L’un de vous me livrera » (Matthieu 26, 21 et parallèles). Une parole qui suscite en chacun des disciples une interrogation angoissée : « Serait-ce moi ? » Seul le Dieu qui nous a le premier fait confiance peut nous aider à transformer cette inquiétude qui pourrait être paralysante en appel à notre vigilance.

Extrait de « Les énigmes de la Bible »La Vie Hors-série

Christine RENOUARDPasteur de l’Église reformée de France et aumônier d’hôpital, elle enseigne l’hébreu biblique à la Faculté de théologie protestante de Paris.

Un point tout d’abord est commun, et donc essentiel, aux quatre Évangiles : Judas est « l’un des Douze ». Au cœur même de la communauté des disciples, figure de l’Église, est inscrite la faillibilité. Comme un risque toujours présent. Dès l’origine.

Cependant, d’un Évangile à l’autre, des inflexions se font sentir. Le thème de l’argent est largement présent, mais c’est chez Matthieu qu’il apparaît comme la motivation première de la trahison de Judas : « Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai ? » (Matthieu 26,15). Un comportement particulièrement vil. Mais aussi une mécompréhension profonde du sens de la mort de Jésus : en introduisant le motif de l’argent, Judas nie le caractère de pur don de la mort de Jésus. Un caractère de pure grâce bien mise en scène dans l’épisode qui précède juste celui de la trahison et en éclaire le sens : à Béthanie, une femme verse sur Jésus une grande quantité de parfum précieux (Matthieu 26, 6-13 et parallèles). Pour les disciples, ce n’est là que gaspillage. Pour Jésus, ce parfum versé sans compter préfigure sa propre vie donnée sans rien retenir, don sans prix à accueillir dans la reconnaissance. Une vie au-delà de toute valeur marchande, comme l’est d’ailleurs toute vie humaine.

L’inéluctabilité du malL’Évangile de Jean, lui, confère à la trahison de Judas une dimension particulière. Pour lui c’est « Satan », c’est-à-dire le mal érigé en puissance d’opposition au bien, qui «entre en Judas » (Jean 13, 27). Interprétation qui s’inscrit dans le dualisme entre le bien et le mal, la lumière et les ténèbres caractéristique du quatrième Évangile. Et qui force à regarder en face le mal et sa redoutable menace. Qu’on ne s’y trompe pas : la figure de Satan n’est survivance d’un monde archaïque, aux représentations hautes en couleur. Elle dit l’irréductibilité du mal à toutes les tentatives d’explication. À trop expliquer le mal par des raisons variées, psychologiques, sociales ou autres, on oublie l’immense défi qu’il représente pour la pensée. Que dit le langage mythique, qui fait de Satan une créature prête à bondir sur l’homme et à l’aliéner ? Que nous n’aurions pas la responsabilité dans nos actes ? Certes non. Mais que nous sommes la proie de forces de

En ton Nom, Seigneur Jésus, par la puissance de l’Esprit Saint, pour la gloire du Père, je te prie de me pardonner mes péchés contre Toi et contre les hommes, particulièrement mes peurs, mes plaintes, mon apitoiement sur moi-même, mon désespoir et mes découragements, mes accusations, mes critiques et mes jugements d’autrui. Purifie-moi dans ton précieux Sang. Guéris-moi des blessures que les autres m’ont faites, guéris ma mémoire et mes souvenirs pénibles, romps tous les liens qui enchaînent ma liberté d’enfant de Dieu. Si mon père, ma mère ou mes relations ne m’ont pas accueilli et aimé comme j’y aspirais, toi Jésus, remplis mon cœur de ton Amour.Je rejette toute amertume, tout ressentiment, toute haine ou rébellion de ma vie. Je crois que Tu es venu sauver les pécheurs comme moi et me libérer du péché qui me sépare de Toi et me rend esclave. Je crois que ton Amour pour moi ne se laisse pas décevoir par mes offenses, mes faiblesses et mes limites. Alors je m’accepte tel que je suis avec les défauts et aussi avec les qualités que Tu m’as données. Je te remercie Seigneur du pardon, de la paix et de la joie que Tu m’accordes maintenant. Jésus miséricorde, j’ai confiance en Toi. Amen.

Jean Pliya - Prier comme un enfant de Roi - Ed. F.X. de Guibert

PARDONNE-NOUS NOS OFFENSES

22

V ie et époque de Cyrille de Jérusalem durant l’année 313, où « l’édit de Milan»

mit un point final aux grandes persécutions et accorda aux chrétiens l’entière liberté de culte, Cyrille1 naissait à Jérusalem ou dans les environs. Nous ne savons rien de ses parents et nous connaissons mal sa jeunesse. Vers 343, à trente ans, Cyrille est ordonné prêtre par l’évêque de Jérusalem, saint Maxime. L’évêque demande à Cyrille

Le père de la foi simpleet authentique

ST Cyrille (313-387)de Jérusalem

HISTOIRE DU CHRISTIANISME

de le remplacer pour prêcher les instructions aux candidats du baptême. Ces « Catéchèses » (24 homélies) forment la presque totalité de l’œuvre qui nous est parvenue.Les contemporains de Cyrille, qui avec lui illustrent ce grand siècle, s’appellent : « Athanase, Grégoire de Nazianze, Basile, Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome, Ambroise, Augustin, Jérôme… Autant de noms à jamais glorieux dans l’Église.

Les pères de l’Église

23LES PÈRES DE L’ÉGLISEÀ l’orée de ce IVe siècle, l’Église en Palestine fortifia sa vie intérieure : foi, unité, discipline. L’immense empire craquait de tous côtés. Partout la rébellion, l’anarchie, la guerre, le désordre. Vers le milieu du IIIe siècle, saint Cyprien écrivit : « … Le nombre de cultivateurs diminue et ils font défaut dans les campagnes… Plus de justice dans les tribunaux… Plus de retenue dans les mœurs… Vous vous étonnez de voir la colère de Dieu multiplier les châtiments du genre humain (Déjà ! Que dire alors d’aujourd’hui !), quand les crimes à punir vont chaque jour croissant ?... »Cyrille ne rédigea pas de savantes réflexions théologiques. Il limita son ambition à rendre compréhensible les vérités de la foi à des intelligences ordinaires. La simplicité est la première qualité qui frappe le lecteur. Simple dans son enseignement comme dans sa foi. Il utilise des images simples, des comparaisons matérielles pour expliquer les vérités de la foi ; il cherche des analogies. Ses arguments sont aussi simples que sa méthode. Il s’appuie sur l’Écriture. Ses réflexions ne sont jamais de hautes spéculations ; elles demeurent de simples méditations d’où il tire d’utiles leçons de morale. À cet égard, le commentaire du Notre Père, que nous reproduisons ici, est un exemple fort significatif. Cyrille retrouve Dieu partout. Sa tranquillité d’âme est grande, sa foi sans histoires. En 348, Cyrille devint évêque de Jérusalem. Un portrait nous le décrit ainsi : « Cyrille était d’une taille moyenne, pâle, portant de longs cheveux blancs, épais, qui ombrageaient ses joues. Il avait le nez camus, une grande bouche, un visage large, les sourcils crépus et élevés, une barbe qui, sous le menton, se partageait en deux. Son extérieur présentait dans son ensemble quelque chose de dur. » Le 7 mai 351, un phénomène lumineux apparut dans le ciel et chacun y reconnut une croix. Cyrille, tout joyeux, se hâta d’en faire part à « l’empereur Constance ». Tenu dès lors pour un adversaire déclaré de l’arianisme, Cyrille fut exilé de son épiscopat jusqu’en 378. Trente-huit ans au service des hommes avaient été des années de lutte pour Dieu et pour l’Église.

Les Catéchèses de Cyrille de Jérusalem sont naturellement un résumé de la foi chrétienne, un résumé de ce que croient ceux qui, après avoir reçu la lumière baptismale, sont devenus des « illuminés ». « Dieu a créé l’homme. Il lui accorda la liberté. Et l’homme a pu pécher il le peut encore. D’autant plus qu’il est sollicité et entraîné au mal par le démon. N’oublions pas cependant que cette dangereuse liberté constitue la grandeur de l’homme, qui devient ainsi responsable de son destin ; Dieu ne fait rien sans nous… Heureusement Dieu n’a pas abandonné sa créature. Il est miséricordieux… Le baptême nous associe aux mystères de l’Incarnation et de la Rédemption. » C’est le baptême qui permet à l’homme de retrouver l’amitié de Dieu. Cyrille en souligne la valeur et la haute signification, développant par exemple le symbolisme de l’eau purificatrice. Nous sommes totalement transformés par le baptême, qui fait disparaître de l’âme même les cicatrices du péché. Le baptême nous fait aussi participer à l’Esprit saint ; Cyrille en évoque ses dons avec précision et énumère les bienfaits qu’il nous accorde. La destinée de l’homme est haute. « Comme le Christ est ressuscité, il ressuscitera. Le monde sera renouvelé au jugement. Confiance, n’ayons pas peur : nous ressusciterons. » La perspective de Cyrille est résolument optimiste. Ce sera véritablement « le printemps de Dieu ». Il est indispensable aussi de prier. Cyrille commente la prière que le Christ nous a enseignée2.

• NOTRE PÈRE :- Notre Père qui est aux cieux : « Ô l’immense amour de Dieu pour l’homme !... Il pardonne totalement ses turpitudes, il le fait participer à sa grâce, au point de l’appeler Père. Puissent ces cieux être ceux qui portent l’image de l’homme céleste, ceux où Dieu habite et marche ! »- Que ton nom soit sanctifié : « Le nom de Dieu, par nature, est saint, que nous le disions ou que nous ne le disions pas… Non pas qu’il devienne saint après l’avoir été, mais parce qu’il devient saint parmi nous, si nous sommes sanctifiés et si nous agissons conformément à cette sainteté. »- Que ton règne vienne : « … Celui qui a entendu la parole de Paul : ‘‘Que le péché ne règne donc pas dans votre corps mortel’’ et qui s’est purifié lui-même en acte, en pensée et en parole, dira à Dieu : Que ton règne vienne. »- Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel : « Les anges bienheureux de Dieu accomplissent sa volonté, comme le disait David dans le psaume : ‘‘Bénissez le Seigneur, vous tous ses anges, qui êtes puissants et forts, qui accomplissez sa volonté.’’ En priant donc, avec force, tu dis ceci :’’ De même que la volonté de Dieu s’accomplit parmi les anges, que, de même, elle s’accomplisse en moi sur la terre, Maître.’’ - Donne-nous aujourd’hui le pain nécessaire à notre subsistance : « Le pain matériel n’est pas vraiment nécessaire à notre subsistance, alors que le pain sanctifié, lui, est nécessaire à la subsistance de l’âme. Ce pain ne va pas dans le ventre pour être rejeté dans le lieu secret, mais il t’est donné pour que tu te développes totalement corps et âme. Le mot ‘‘aujourd’hui’’ est employé pour ‘‘de chaque jour’’ comme le dit Paul : « Tant que dure le temps appelé aujourd’hui. »

ST Cyrille

- Remets-nous nos dettes comme nous remettons les leurs à ceux qui nous doivent : « Nous avons beaucoup de péchés ; nous faisons bien des chutes, et en paroles et en pensées, et nous commettons une foule d’actes condamnables… Nous faisons un contrat avec Dieu : nous le supplions de nous pardonner nos péchés dans la mesure où nous, nous pardonnons à notre prochain ses torts envers nous… » - Et ne nous soumets pas à la tentation, Seigneur : «Est-ce qu’il nous enseigne par là à demander dans la prière à n’être pas du tout tentés ? Et comment est-il dit ailleurs : ‘‘ L’homme qui n’a pas été tenté n’est pas solide ?’’ Et ailleurs : ‘‘Ne voyez qu’un sujet de joie, mes frères, dans les épreuves de toutes sortes qui tombent sur vous ?’’… La tentation ressemble à un torrent difficile à traverser. Ceux donc qui ne sont pas submergés dans les tentations les traversent : ils sont d’excellents nageurs, et elles ne les entraînent pas le moins du monde.Par exemple, Judas entra dans la tentation de l’avarice, mais ne la traversa pas : il fut englouti et périt corps et âme. Pierre entra dans la tentation du reniement ; mais alors il ne fut pas englouti ; il la traversa vaillamment et s’en tira. Tout le chœur des saints rend grâce pour avoir été délivré de la tentation : ‘‘ Tu nous as éprouvés, Ô Dieu, tu nous as fait passer au creuset, comme l’argent. Tu nous as conduits dans le filet … Mais tu nous en as tirés et tu nous as rafraîchis’’… Cela signifie qu’ils ont été tirés de la tentation ».- Mais délivre-nous du mal : « Si c’était l’équivalent de ‘‘Ne nous soumets pas à la tentation’’, Jésus n’aurait pas ajouté : ‘‘Mais délivre-nous du mal’’. Le mal, c’est le démon, notre ennemi dont nous demandons d’être délivrés. Après la fin de la prière, tu dis Amen… qui signifie ‘‘qu’il en soit ainsi’’ le contenu de la prière que nous a enseignée le Christ. »

Le péché ; le Mal selon Cyrille de Jérusalem «Le péché est terrible ; la maladie la plus cruelle de l’âme, c’est l’iniquité : elle lui coupe les nerfs et lui prépare le feu éternel. Le mal vient de nous, il est le fruit de notre volonté. Que nos fautes soient volontaires, le prophète le dit bien : ‘‘Moi je t’ai planté comme une vigne fertile, tout entière d’une souche franche ; comment t’es tu changée en amertume, vigne devenue étrangère ?’’. Le plant était bon, le fruit est mauvais. C’est d’elle-même que le mal est venu ; celui qui l’a plantée n’y est pour rien. ‘‘Car Dieu a fait l’homme droit, dit l’Ecclésiaste, mais ils ont eux-mêmes cherché beaucoup de subtilités’’. ‘‘ Car nous sommes son ouvrage, créés pour faire le bien’’ dit l’apôtre. Le Créateur qui est bon nous a créés pour faire le bien, mais la créature s’est volontairement tournée vers le mal. C’est donc un mal terrible, le péché, mais il n’est pas incurable. Terrible pour qui le conserve en soi, mais d’une guérison facile pour qui le rejette par la pénitence. »

« Dieu ne fait rien sans vous » ; extrait de la première Catéchèse « Le Seigneur, quand il mobilise les âmes, examine leurs dispositions : l’hypocrite qui se camoufle, il le chasse, parce qu’il ne convient pas à son armée, où tout doit être franc. Mais s’il met la main sur quelqu’un qui en est digne, il lui donne vite sa grâce. Il ne faut pas donner les choses saintes aux chiens ; mais celui en qui il voit une bonne conscience, il lui imprime le sceau admirable du Salut que redoutent les démons et que connaissent les anges ; pour que les démons soient chassés, et pour que les

24 HISTOIRE DU CHRISTIANISME

25LES PÈRES DE L’ÉGLISEanges le traitent en membre de sa famille. De même que la plume ou l’épée ont besoin d’être guidés par quelqu’un, de même la grâce a besoin de gens qui aient la foi. »

« Serviteur de l’âme » ; extrait de la première Catéchèse « Ne me dis pas que le corps est la cause du péché. S’il l’est, pourquoi un cadavre ne pèche-t-il pas? Mets une épée dans la main de quelqu’un qui vient de mourir : il ne tue personne. Qu’une femme de toute beauté s’approche d’un jeune homme qui vient de mourir : aucun désir d’amour ne prend naissance. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas le corps qui pèche par lui-même, mais l’âme par l’intermédiaire du corps. Le corps est un outil, il est comme le manteau et le vêtement de l’âme. Si l’âme le livre à l’impureté, il devient impur ; si au contraire, il habite avec une âme sainte, il devient le temple du Saint Esprit. Ce n’est pas moi qui dis cela : c’est l’apôtre Paul qui l’a dit : ‘‘Ne savez-vous pas que vos corps sont le temple du Saint-Esprit’’. « Je t’en prie, use avec modération de ce corps, et sache qu’il ressuscitera des morts ; car tu seras jugé avec ce corps. S’il te vient là-dessus quelque parole d’incrédulité, comme si c’était une chose impossible, considère, parmi ce qui te concerne, ce qui ne tombe pas sous les sens. Toi-même, dis-moi, calcule où tu étais il y a cent ans et plus ; remarque à partir de quelle matière minuscule tu es parvenu, avec l’âge, à une si grande taille et à une si grande beauté. Eh bien ! Celui qui a donné l’existence à ce qui n’existait pas, est-ce qu’il ne peut pas faire renaître ce qui existe maintenant, même après sa disparition ? »

Le Consolateur ; l’Esprit saint, selon Cyrille de Jérusalem « Il y a un seul Saint-Esprit, le Paraclet. De même qu’il n’y a qu’un seul Père…, de même qu’il y a un seul Fils unique et Verbe de Dieu… Le Saint-Esprit est une très grande force, il est quelque chose de divin et d’impénétrable à notre intelligence… Il est doué de la suprême raison. Il est le sanctificateur des êtres que Dieu a créés par le Christ. C’est lui qui illumine les âmes des justes, lui qui a illuminé les prophètes et les apôtres… On l’appelle Paraclet, car il nous console, il nous encourage… L’Esprit saint intercède pour nous auprès de Dieu. Souvent, pour le Christ, on est octroyé, méprisé injustement ; le martyre est là : de tous côtés des tortures, le feu … Mais L’Esprit saint murmure : ‘‘Attends ton

Seigneur, mon ami : ce qui t’arrive, c’est peu de chose ; grande est ta récompense : en souffrant un peu de temps, tu vas vivre éternellement avec les anges. Les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous’’. »

Importance du catéchisme de Cyrille de Jérusalem Comme nous pouvons constater, il y a dans son enseignement catéchétique un résumé simple de la foi chrétienne. Notre vocation au XXIe siècle reste la même que celle de nos frères du IVe siècle. Il nous faut participer à la nature divine, être des « porte-Christ ». Les paroles de Cyrille ne nous apportent point l’image vieillie et attendrissante d’un passé cher aux chrétiens. Nous pouvons retrouver chez lui de quoi nourrir nos essentielles méditations sur notre baptême et inspirer notre pensée sur notre foi et notre action. Hicham Ajour

bibliographiquescomplémentaires :

Notes:

1-J.Bouvet, Saint Cyrille de Jérusalem. Textes traduits et présentés, coll. « Les Écrits des Saints ». Éditions du Soleil Levant, Namur 1962.2-Antoine Paulin, Saint Cyrille de Jérusalem catéchète. Coll. Lex Orandi n :29. Éditions du cerf, Paris 1959.3-Cyrille de Jérusalem, Catéchèses mystagogiques (instructions aux nouveaux baptisés), trad. P.Paris. « Sources chrétiennes » n 126. Éditions du Cerf, Paris1966.

1- À ne pas confondre avec Saint Cyrille, dit le philosophe (827-869). Apôtre des Slaves. Évêque byzantin, il convertit au christianisme, avec son frère Méthode et l’accord du pape, les Slaves de l’Europe de l’Est, en particulier de Moravie (Bohême, Hongrie, Pologne). Il traduisit la Bible en langue slave en utilisant un alphabet dérivé du grec qui est à l’origine de l’alphabet cyrillique, lequel est utilisé dans les différentes langues slaves, notamment le russe et le bulgare.2- Notons que cette prière a été commentée par « Origène » (dans son « Traité sur la prière »), par « Grégoire de Nysse», et par « Maxime le Confesseur ».

26

stanbul est une mégalopole de plus de 10 millions d’habitants qui s’étend sur les deux rives du Bosphore, en Europe et en Asie. Sur la carte des migrations, la Turquie est le

passage obligé pour des milliers de réfugiés du continent eurasiatique et d’Afrique. Une plaque tournante. Istanbul est souvent le bout d’un long chemin de misère et d’oubli. La fin du voyage pour certains, le début d’une longue attente pour d’autres, avec l’espoir d’obtenir un jour un visa pour l’Europe, l’Amérique du Nord ou encore l’Australie. Dans cette grande ville, tous ont leurs quartiers d’adoption, Turkmènes, Tchétchènes, Afghans, Iraniens, Africains, Irakiens et Syriens maintenant. Parmi eux se comptent beaucoup de chrétiens orientaux, des gens d’Irak principalement, des émigrés de Bagdad et de Mossoul, et de la région autonome kurde au nord du pays.Le quartier de Tarlabasi est un peu situé à l’écart du centre-ville, non loin de la tour de Galata et de la grande place de Taksim, le cœur vivant de la ville active. Les derniers arrivants s’entassent dans cette partie de la ville déshéritée, aux ruelles colorées. C’est un ancien faubourg grec et arménien, abandonné dans les années 1960, investi par les recalés de la société turque, d’abord les réfugiés de l’Est, des familles kurdes ayant fui la guerre entre l’armée turque et le PKK (le Parti des travailleurs du Kurdistan) indépendantiste. Les habitations sont précaires, souvent des squats, des immeubles abandonnés, des ruines parfois.

Ninos, 22 ans et réfugié à IstanbulChaque dimanche matin s’y tient un grand marché à ciel ouvert où je rencontre Ninos qui s’occupe d’une petite épicerie tenue par des Irakiens originaires de Mossoul. Il a été recommandé par l’un de ses cousins lorsqu’il est arrivé à Istanbul, il y a déjà un an. Pour le moment pas de visa en vue. Ce jeune homme de 22 ans veut partir s’établir au Canada où réside déjà une partie de sa famille. Il est chrétien d’Irak, appartenant à la communauté des chaldéens, une Église d’Orient qui s’est bâtie dans l’argile de Mésopotamie. Sa langue natale est le soureth, un dialecte araméen. Il parle aussi l’arabe et le kurde, par convenance et obligation. Son anglais est hasardeux, il apprend. À Istanbul, les images de guerre se sont éloignées, mais la peur est toujours là. « J’ai décidé de partir sur l’ordre de ma mère, me dit-il, après l’attentat contre la cathédrale de Bagdad en novembre de l’année dernière. Le carnage a été épouvantable. » Depuis, heureusement, il n’y a pas eu d’autres attentats de ce genre contre les chrétiens. Mais le traumatisme a été suffisamment violent pour inciter les plus jeunes à partir se construire une vie ailleurs, loin de ce trauma. « Je n’ai pris qu’un sac avec moi, et avec des amis on est montés en taxi vers le nord, à Erbil, au Kurdistan où la sécurité est bonne. Une nuit, j’ai franchi la frontière turque, traversé le pays en autobus et suis arrivé un bon matin ici, sans rien. » La solidarité fonctionne. Les responsables de l’Église installée en

I

À Istanbul, les chrétiens d’Irak tentent de revivre

Beaucoup de chrétiens d’Irak ont trouvé refuge à Istanbul. Loin de la guerre, de la violence, ces derniers s’efforcent de se construire courageusement

une vie meilleure. Sur place, notre reporter est allé à leur rencontre.

HISTOIRE DES CHRÉTIENS D’ORIENT

27

Turquie aident dans la mesure de leurs moyens ces jeunes réfugiés. Certains arrivent avec des enfants en bas âge, certains ont des pathologies graves liées au stress. Leur première démarche, c’est d’aller se faire inscrire aux bureaux du Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU.Après le boulevard de Tarlabasi, nous descendons par Dolapdere vers des quartiers aux anciennes façades du début du siècle dernier. Ninos m’emmène à Kurtuluş où il habite.

Un autre mondeNous grimpons au quatrième étage dans une odeur d’humidité. L’appartement comporte deux pièces réunies par un couloir dans lequel se trouve le coin cuisine, un évier et un bec de gaz, puis un placard pour les toilettes et la douche. Ils vivent à six dans ce réduit pour un loyer de 500 euros par mois, trois lits par pièce, les coussins sont posés contre les murs. Le soleil entre par la grande fenêtre et permet de sécher les literies. Yusef, le cousin de Ninos, assis par terre dans le salon, parle via Internet avec sa sœur vivant en Australie. Il attend lui aussi un visa. La télévision reste allumée sur la chaîne libanaise NBC 1 qui transmet en arabe. Les autres familles de l’immeuble sont aussi des réfugiés irakiens. « Des chrétiens comme nous», me dit-il. Ils viennent de Tell Keyf où il ne resterait, d’après lui, que 800 baptisés alors que quatre ans avant ils étaient encore plus de 2000. Une image colorée du Christ est collée au-dessus de l’interrupteur crasseux de l’ampoule unique du plafond. La Vierge trône sur un miroir et des chapelets pendent un peu partout.À l’étage inférieur, je découvre le même appartement, mais habité cette fois-ci par un jeune couple et leur bébé. Ils sont arrivés de Mossoul et croupissent là depuis trois ans maintenant, après une vague d’enlèvements et l’assassinat de l’évêque de la ville, Mgr Faraj Rahho. La jeune femme ne veut plus entendre parler d’Irak. Ils ont traversé eux aussi la frontière dans des conditions périlleuses. La Turquie leur a accordé le statut de réfugié politique, mais leur dossier dépend de la préfecture de Sivas, une ville d’Anatolie, celle d’Istanbul étant débordée. Elle me montre la cuisine, les aliments pour son fils, des kilos de lait en poudre offerts par une organisation humanitaire. Elle ne sort presque jamais de l’appartement, « par peur » me dit-elle, sauf le dimanche où tous se retrouvent à la messe, de l’autre côté de la vile dans la crypte de l’église Saint-Antoine sur la grande rue d’Istiklâl. Son mari, Joseph, un jeune homme de 26 ans, espère aller en France car son frère est déjà installé dans la région de Marseille.Nous continuons l’exploration de ce monde «underground». Je veux voir les cafés où ils se réunissent, leurs lieux de sociabilité. Passant devant une demeure basse et légèrement reculée dans la rue, Ninos me confie qu’il s’agit d’une maison de prostitution, des filles du monde entier viennent y travailler. Y trouve-t-on des chaldéennes? Je comprends à son embarras que oui. Pire, je comprends aussi que le souteneur est un Irakien. Des filles de Duhok en sont arrivées à cette extrémité pour payer le visa de leur famille afin de les faire venir à Istanbul : 425 dollars par personne sont nécessaires.

Se construire une vie meilleurePlus loin, en bordure d’une place, nous pénétrons dans le Kardeşler Salonu, le « Café des amis ». L’ambiance enfumée me rappelle ces vastes bistrots de Syrie où les hommes viennent dans l’après-midi jouer aux dés, aux cartes et au tawla, l’ancien jeu de trictrac ou backgammon. Le patron turc a l’air heureux de voir tant de monde

chaque jour. Je lui demande s’il parle un peu arabe, il me dit en riant avoir été obligé de s’y mettre pour prendre les commandes... « Nos maisons sont tellement sales qu’il vaut mieux rester au café », glisse Ninos. Je reconnais des visages déjà croisés à Saint-Antoine lors des offices du dimanche où la communauté se retrouve une fois par semaine pour partager la liturgie comme ils le faisaient au pays. Les femmes prient et déposent des cierges. Dans ces moments de trouble, l’Église reste un repaire, une identité. Tous ces jeunes ont fait des études supérieures. Johnny, 38 ans, me montre sa jambe folle, une blessure attrapée au Koweït lors de la guerre de 1991. Il en a réchappé de peu. Il porte une croix à son cou qu’il embrasse avant de me répondre. Établi dans le quartier depuis cinq ans, ses demandes de visa ont été refusées par les États-Unis, l’Australie, l’Allemagne et la Suède. « Le Canada est ma dernière chance », me dit-il, fataliste. À côté de lui, un type à lunettes cerclées se présente comme juriste. Il a étudié le droit commercial à l’université de Mossoul, puis travaillé à Bagdad pour une compagnie étrangère, lorsque ses collègues musulmans se sont réunis pour lui faire comprendre qu’il risquait sa vie en restant en Irak. « Ils m’ont fait peur pour me forcer à partir, j’ai appris ensuite qu’ils voulaient faire embaucher un de leurs amis... » L’entreprise a plié bagage elle aussi. « Sans le vouloir, ils m’ont rendu service, il n’y a pas d’avenir en Irak. » Je leur fais remarquer que la situation est meilleure maintenant, mais ils ne m’écoutent pas, leur vie sera meilleure n’importe où ailleurs, me répondent-ils en cœur. Lorsqu’on est jeune et que l’on a le rêve américain en tête, difficile d’y échapper. Ils veulent absolument fuir, le plus loin possible de cet Orient nauséabond qui ne fait plus rêver. La crise syrienne les conforte dans leur choix. Les premiers réfugiés sont arrivés à Istanbul, ceux qui ne veulent pas rester dans les camps créés sur la frontière par le gouvernement turc. Les couches d’immigration s’empilent comme les strates archéologiques. Je laisse Ninos et ses amis, ils vont rester dans ce café une partie de la journée. En sortant, je tombe sur un centre Internet où l’annonce, écrite en arabe, affiche le prix des communications avec l’Irak, cinq minutes pour 1 livre turque. Les cabines sont pleines.

Sébastien DE COURTOISExtrait de “Le monde des religions” La planète des

chrétiens

HISTOIRE DES CHRÉTIENS D’ORIENT

28 À LA DÉCOUVERTE DES SITES...

‘Ibreen : À une altitude de 400 m environ, ce village domine Batroun. On y trouve les ruines de plusieurs églises et monastères, les plus anciennes étant celles dédiées à St Shayna et St Charbel, qui remontent à la période s’étalant entre le VIe et le VIIe siècle.

Rashkiddeh, où se trouve l’église dédiée à St Georges. Ses trois ailes latérales se terminant en trois absides sont séparées par une double colonnade surmontée de chapiteaux provenant d’un ancien temple.

Mesreh, où une église dédiée à St Georges remonte à la période byzantine. Cependant, la plupart de ses caractéristiques ont complètement disparu. Il est

La région centrale de Batroun qui s’étend sur une altitude allant de 300m à 800m comprend approximativement 45 villes et villages dont

les ruines qu’on y trouve témoignent de leurs profondes racines. Ainsi que les noms d’origine sémite (araméenne, phénicienne ou syriaque) de la plupart de ces villes ou villages, qui sont une preuve de plus de l’ancienneté de cette zone et de ses habitants. Cette partie du Liban se distingue par le fait qu’on y trouve le plus grand nombre d’églises remontant à la période byzantine et à celle des croisades, églises construites sur les ruines d’anciens temples païens.Au nombre des villes où se trouvent celles-ci, nous pouvons citer :

BATROUN - II

LANCIENNES ÉGLISES

DU CENTRE DE BATROUN

Le Château de Smar Jbeil construit sur une pente dominant la vallée du fleuve Madfoun et dont certaines parties ont été taillées dans le roc. Au bas de la colline, des tombes rupestres ainsi que d’anciennes sculptures funéraires, remontent à l’époque romaine.

29...ET ÉGLISES DU LIBAN

Au centre de la ville se trouve l’église de St Nohra, remontant à l’époque des croisades. À l’intérieur des murs des façades nord et sud de cette église se trouvent de grands blocs de pierre et des fragments de colonnes d’un ancien temple.St Nohra était d’origine perse. Après avoir prêché en Palestine et à Tyr, il arriva à Batroun où il fut très respecté, mais mourut en martyr à Smar Jbeil en 285. Il est considéré comme le patron des yeux et de la vue. En effet, Nohra est un mot syriaque qui, en arabe (Nour) et en latin (Lucius) signifie « lumière ». Les croyants se rendent encore aujourd’hui à Smar Jbeil vénérer St Nohra et voir le puits où il fut jeté après avoir eu les yeux arrachés.Près de l’église de St Nohra se trouve une vieille petite église dédiée à Saydet el-Ma’ounat (Notre-Dame du Bon Secours), sur les murs de laquelle on peut encore voir les pierres d’un ancien temple, ornées de croix à multiples branches et d’inscriptions en grec.

Kfar Shlayman: Cette ville se distingue par sa position stratégique et domine la plupart des villages du centre de Batroun. Dans la partie la plus élevée du village, une cave ayant servi de tombe avant le christianisme fut transformée en un petit oratoire dédié à Saydet Naya (La Nouvelle Dame). Durant le Moyen Âge, les murs et le plafond de cette chapelle creusée dans le rocher étaient recouverts de peintures représentant le Christ et la Vierge Marie, la Vierge allaitant son enfant, et saint Jean-Baptiste. Le linteau de l’entrée porte le symbole

vraisemblable qu’elle ait été l’une des premières églises du Liban à être bâtie sur les ruines d’un ancien temple, ainsi qu’en témoigne le reste de son pavement en mosaïque.

Açiya: L’église St Georges de ce village fut également construite sur les ruines d’un ancien temple dont de gros blocs de pierre furent trouvés dispersés à proximité de l’église, et dont une partie de la frise décore aujourd’hui l’entrée du cimetière du village.

Da’el: Là, sur une colline dominant la mer, se trouvent les ruines d’un monastère dédié à St Tadros et dont les pierres proviennent d’un ancien temple. Il en est de même pour Zan, Shibteen, Rashkiddah, Kfarhay, Mrah Shdeed et Shatreen, dont les églises dédiées à St Sergius (Sarkis) ont été également bâties sur les ruines de temples remontant à la période byzantine, bien avant l’arrivée des maronites dans la région.

Smar Jbeil : l’une des plus anciennes villes de Batroun et réputée pour son château qui, bâti sur une falaise au XIIe siècle pendant la période des croisades, occupe un emplacement stratégique et domine la côte de Batroun. Ses parties inférieures, les fondations de ses tours, ses tranchées creusées dans le rocher, ses puits et ses meules indiquent qu’il fut construit sur une ancienne structure, vraisemblablement celle d’un temple. À ses pieds, se trouvent des tombes rupestres antérieures à la période romaine. Et à l’entrée, les gravures dans la roche sont similaires à celles trouvées à Ghineh, Mashnaqa, Cana et Wata Tannourine.

L’Eglise de St Sergius et Bakhos (Rashkiddeh)

L’Eglise de St Tadros (Da’el)

30 À LA DÉCOUVERTE DES SITES...

L’Eglise de St Saba. Elle remonte à l’époque des Croisades et présente d’anciennes caractéristiques parmi lesquelles un bloc de pierre gravé d’inscriptions en grec (158 ou 270 ap.J.C.)

31...ET ÉGLISES DU LIBAN

d’une croix et les armoiries de l’empereur Constantin. À l’extérieur, et à proximité, on remarque des inscriptions gravées dans les rochers; il est très vraisemblable que ces rochers aient été extraits d’importantes carrières utilisées alors pour la construction d’anciens temples, ou d’un grand monastère, ou encore de réservoirs ou de pressoirs.

Boqsmaya: Sur cette colline qui domine Kfar Shlayman, quelques églises demeurent, la plus ancienne étant celle entièrement construite de pierres d’un ancien temple, et dédiée à Saydet el-Bzaz (Notre-Dame des Seins).

Kfarhay: Dans ce village très proche de Boqsmaya, se trouvent quatre églises, parmi lesquelles celle de St Saba, une église paroissiale remontant à l’époque des Croisés et, elle aussi, construite sur les ruines d’un ancien temple.Kfarhay est réputée aussi pour son monastère dédié à St Jean Maron (Yohanna Maroun), premier patriarche maronite, également patriarche d’Antioche. Ce monastère fut construit par le Patriarche Youssef Stephan vers la fin du XVIIIe siècle (1787). En 676, Jean Maron fut sacré évêque de Batroun et du Mont-Liban. Cette nomination coïncida avec l’arrivée des Maradites (al Jarajimah) au Liban qui occupèrent les zones de hautes montagnes et en firent leurs bastions. Le patriarche maronite Stephan Douaihi stipule qu’«après sa nomination, Jean Maron, prêchant et agissant comme un guide spirituel, visita toutes les zones dépendant de son évêché, réunissant de ce fait beaucoup de monde autour de sa paroisse ».En l’an 685, le mouvement pro-chalcédonien de l’Église d’Antioche, sans en référer à l’empereur byzantin, élut comme patriarche d’Antioche « Youhanna Maroun », l’un des moines du monastère de St Maron sur le fleuve Assi (l’Oronte). Le résultat en fut que l’empereur attaqua le monastère de St Maron, le détruisit et y tua 500 moines. Le patriarche Jean Maroun s’enfuit alors et se réfugia dans le château de Smar Jbeil, ville qui faisait partie du diocèse de Batroun. En 694, une confrontation armée mit aux prises les armées byzantine et maronite. L’armée byzantine fut défaite et ses deux chefs Maurikios et Markiano furent tués. Le premier fut enterré dans l’église de St Faouqa à Amioun, et l’autre à Shweeteh, dans le Akkar.

Plus tard, Jean Maron établit son siège patriarcal à l’est de Kfarhay. Il y construisit un monastère et y transféra le crâne de St Maron, relique miraculeuse jusqu’alors conservée au monastère de St Maron près d’Apamée en Syrie.

Selon l’historien Fr. Boutros Daou, ce monastère se trouverait à Kfar Shlayman à l’est de Kfarhay, où l’on trouve des restes de grands édifices, creusés dans le roc et remontant à l’époque byzantine. Toujours selon le Père Daou, St Jean Maron utilisa l’église de Saydet Naya à Kfar Shlayman comme le noyau autour duquel il construisit le monastère de son siège patriarcal où il mourut et fut enterré. Les patriarches qui lui succédèrent suivirent ses traces et dédièrent à la Vierge Marie toutes les églises des sièges patriarcaux pour se mettre sous sa protection. On peut ainsi citer les sièges patriarcaux de Notre-Dame de Yanuh, de Notre-Dame d’Ilije (Mayfouk), de Notre- Dame de Qannoubine (dans la vallée de la Kadisha) et de Notre Dame de Bkerké.Le nom de Batroun est sans doute dérivé de sa racine phénicienne Batr, signifiant « fendu », « taillé », d’où s’ensuit encore le terme « rocher » ou « escarpement ».Justifiant donc le fait que le nom de Batroun ait été attribué à cette ville construite sur une plateforme rocheuse, visible derrière le mur de pierre entourant la façade maritime de la cité. Cette enceinte naturelle et unique en son genre, de 225 m. de longueur, haute de 5 m. et d’une épaisseur d’1 m. environ, s’étalait entre les deux anciens ports de la ville.Des blocs de pierre en furent détachés et utilisés dans la construction de demeures, temples, et autres édifices de l’ancienne cité.Appelée Botrys par les Grecs, puis Bathroun par les Arabes, elle est mentionnée sous le nom de Le Boutron dans les chroniques des croisades.

Le présent article est extrait de « The roots of Christianity in Lebanon »,

éditions de la « Lebanese Heritage Foundation »,Beyrouth, septembre 2008.

Texte traduit de l’anglais par Nawal Arcache.

Kfarhay. Le monastère de St Jean Maron après restauration Le Patriarche Jean Maron

32 ANNIVERSAIRE DES SAINTS

NE ENFANT PRÉDESTINÉEÀ Cascia, petit village d’Ombrie sis dans les monts Apennins à 150 km environ au nord de Rome, au hameau de Roccaporena, vit

le ménage d’Antonio Lotti et Amata Mancini; les époux pratiquent les vertus évangéliques. On les a surnommés porte-paix car ils s’efforcent, et le plus souvent avec succès, de régler à l’amiable les différends entre leurs voisins. Mariés depuis déjà un certain nombre d’années, ils auraient tout pour être parfaitement heureux, si le Ciel leur avait donné la joie d’avoir des enfants. Mais Amata commence à vieillir et ils n’osent plus espérer.C’est alors qu’un jour d’automne, tandis qu’elle vaquait aux travaux du ménage, Amata entendit un souffle de vent, puis une voix lui murmura: « Ne crains rien, Amata, tu vas donner le jour à une petite fille. Antonio et toi vous l’aimerez tendrement! Et le Seigneur l’aimera encore plus! Cette enfant, tu la nommeras Rita, en l’honneur de sainte Margherita. Ce petit nom, par elle deviendra un grand nom!» Le mot margarita, en latin, veut dire perle.

C’est ainsi qu’au mois de mai 1381 est née, au foyer des Loto, la petite Margherita. Elle a à peine un an alors que ses parents partent travailler aux champs. Un paysan, qui vient de se blesser avec sa faucille, se hâte de rentrer chez lui pour se soigner. Passant devant la petite fille, il est tout surpris de voir un essaim d’abeilles voleter au-dessus d’elle; les insectes entrent même dans sa bouche, mais sans lui faire aucun mal. La petite Rita se contente de sourire. Il approche pourtant sa main blessée pour chasser les abeilles et, en la retirant, constate qu’elle est parfaitement guérie… La petite Rita grandit dans ce foyer profondément chrétien. Dès qu’elle est en âge de comprendre, ses parents lui apprennent ses prières et suscitent en elle l’amour de Dieu et de la Vierge Marie. Très tôt Rita s’impose elle-même de petites mortifications et refuse toute coquetterie. Spontanément elle fait tout ce qu’elle peut pour aider ses vieux parents. Vers l’âge de douze à quatorze ans, elle commence à penser à la vie religieuse, pour pouvoir se consacrer à la contemplation de la Passion du Sauveur.

SAINTE RITAPATRONNE DES CAUSES DÉSESPÉRÉES

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33SAINTE RITA, PATRONNE DES CAUSES DÉSESPÉRÉES

ÉPOUSE ET MÈRE DE FAMILLESes parents, eux aussi, pensent à son avenir, mais pas sous le même jour. Ils lui font rencontrer Paolo à qui ils la fiancent. Paolo est d’une condition sociale supérieure à la leur, mais Rita est loin d’être enchantée, car ce projet signifie qu’elle doit renoncer à la vie religieuse. En outre, Paolo a la réputation d’être brutal, buveur et jouisseur. Elle essaie de protester, mais ses parents sont inflexibles. Puisqu’ils en ont décidé ainsi, elle croit y voir la volonté de Dieu, se disant qu’Il ne la juge sans doute pas digne d’embrasser l’état religieux. Le tempérament autoritaire et brutal de Paolo ne fait que se confirmer après son mariage. La pauvre Rita souffre en silence, sans jamais se départir de sa douceur et de sa patience. Elle est si douce que ses voisines la surnomment « la femme sans rancune ». Rita offre ses souffrances pour la conversion de son mari en y ajoutant des mortifications de toutes sortes, notamment des jeûnes fréquents. Bientôt Rita va donner le jour à des jumeaux. Paolo, qui a enfin reconnu les qualités exceptionnelles de son épouse, a fini par s’adoucir à son contact, et le ménage a vécu des années de bonheur véritable, que ne laissaient pas présager les orages du début.

LE MALHEUR S’ABAT SUR LA FAMILLE Mais ce bonheur n’allait pas durer. Un soir d’hiver, alors que la tempête gronde au dehors, un voisin vient prévenir Rita que Paolo est tombé dans une embuscade. Quand elle arrive à son chevet, il a rendu le dernier soupir, mais le voisin, témoin de ses derniers moments, l’assure que ses dernières paroles ont été un mot de pardon pour ses agresseurs et une prière adressée à Dieu. Rita se console à la pensée que son époux est mort en chrétien. Les jumeaux, eux, n’ont à la bouche que le mot de vengeance. Rita essaye en vain de les convaincre que celui qui ne pardonne pas ne pourra pas être lui-même pardonné et qu’il compromet gravement son salut éternel. Et elle redouble de prières et de pénitences pour leur conversion. Comme ils s’obstinaient dans leurs sentiments de vengeance, Rita demande même au Seigneur qu’ils meurent en pardonnant plutôt que de vivre sans pardonner. De fait, quelques mois après la mort de Paolo, les jumeaux sont pris de frissons au retour des champs. La maladie empire rapidement. Rita leur fait administrer les derniers sacrements et, après avoir enfin pardonné au meurtrier de leur père, ils s’éteignent l’un et l’autre à quelques jours d’intervalle.

RELIGIEUSEMaintenant qu’elle se retrouve seule, Rita va frapper à la porte du monastère de Sainte Marie-Madeleine, à Cascia. L’abbesse la reçoit, et promet de soumettre son cas au chapitre. Mais lorsque Rita vient chercher la réponse, elle est négative, la congrégation, conçue pour les jeunes filles, ne pouvant pas accueillir des veuves. Rita ne se décourage pas et, à quelque temps de là, elle renouvelle sa demande et obtient le même refus. Une troisième demande aboutit au même échec. La véritable raison du refus de l’abbesse semble avoir été tout autre. Dans le monastère de Cascia, il y avait des religieuses appartenant aux deux clans ennemis du pays. Avant de pouvoir l’admettre, il fallait que les clans soient réconciliés. Rita va de porte en porte en messagère de paix. Le miracle s’accomplit : tous les habitants du village se réconcilient.

Elle continue à prier et voilà que l’impossible se produit. Un soir d’hiver, elle s’entend appeler du dehors par son nom. Ouvrant la porte, elle voit un inconnu, vêtu d’une peau de bête, en tout semblable au saint Jean-Baptiste de la statue de l’église, qui lui fait signe de le suivre; Ce qu’elle fait jusqu’au rocher qui domine le hameau de Roccaporena. Là, deux autres saints se joignent à eux: saint Augustin et saint Nicolas de Myre. Tout à coup, sans savoir comment, Rita se trouve tout simplement à l’intérieur de la chapelle du monastère! Voyant le prodige, l’abbesse s’enquiert auprès de la sœur tourière pour savoir si toutes les portes ont bien été barricadées la veille au soir. Sur sa réponse affirmative, l’abbesse demande à Rita de s’expliquer et Rita lui répond simplement: «Le Seigneur le voulait ainsi, ma Mère!» - «Qui donc s’est fait votre complice pour vous faire entrer?» Rita lui raconte alors ce qui s’était passé, et qui l’avait «aidée». L’abbesse accepte alors de prendre Rita comme novice afin, dit-elle, « de ne pas aller contre la volonté de Dieu ». Elle sera une postulante exemplaire, puis une novice modèle. Détachée désormais de toute affection terrestre, elle prononcera sans difficulté les trois vœux monastiques. L’abbesse et la maîtresse des novices ne lui épargneront aucune brimade, aucune humiliation, mais ne viendront jamais à bout de sa patience et de sa douceur. Pour l’éprouver, sa supérieure lui demande d’arroser tous les jours, matin et soir, un bout de bois desséché planté dans le sol. Sœur Rita, sans se poser de questions, obéit... et, au bout d’un certain temps, le bout de bois bourgeonne, fleurit puis donne de magnifiques grappes de raisin! Ayant donné suffisamment de preuves de son obéissance, de son humilité et de sa piété, sœur Rita est admise à faire profession. Elle s’engage à vivre selon la règle de saint Augustin. Avec ses sœurs, la nouvelle religieuse va pouvoir sortir pour secourir les pauvres et les malades; elle a pour cela un véritable don.

34 ANNIVERSAIRE DES SAINTS

35

LE STIGMATE DE L’ÉPINE Sœur Rita veut se conformer en tout à son divin maître. Pour souffrir comme Lui, elle porte un cilice, se flagelle plusieurs fois par jour, au point qu’un jour ses sœurs l’ont trouvée évanouie dans sa cellule. Mais pour elle ce n’est pas encore assez.En 1443, le carême est prêché à la paroisse par un franciscain célèbre de l’époque. Le vendredi saint, comme il commente avec un réalisme saisissant les douleurs de la Passion du Sauveur, sœur Rita supplie le Seigneur qu’au moins une des épines de Sa couronne vienne blesser son front... et soudain une des épines de plâtre du grand crucifix vient se ficher en plein milieu de son front. La douleur est si vive que Rita s’évanouit. Le lendemain matin, la plaie s’est agrandie et émet une odeur repoussante. La plaie ne guérissant pas et l’odeur restant toujours aussi désagréable, l’abbesse la relègue dans une cellule au fond d’un couloir. Quelques années passent et le pape décrète que l’année 1450 sera une année jubilaire. Une délégation du monastère doit prendre part aux cérémonies qui se dérouleront à Rome. Sœur Rita émet le désir d’en faire partie. L’abbesse lui répond qu’elle l’y enverrait volontiers, mais que ce n’est pas possible avec sa blessure suppurante et malodorante. Elle est cependant sûre d’être guérie en temps voulu. En effet, quelques jours avant la date prévue pour le départ, son front ne porte plus la moindre trace du stigmate; toutefois les douleurs n’avaient pas disparu. LES DERNIERS TEMPSDe retour à Cascia, conformément à la prière de sœur Rita, le stigmate de l’épine réapparut sur son front et l’odeur avec. Elle reprit donc sa vie de recluse, méditant sans cesse la Passion du Sauveur dans un jeûne quasi total: elle ne recevait pour toute nourriture que l’eucharistie. En 1457, sœur Rita est épuisée par une vie de souffrances et de pénitences; sa fin prochaine ne fait plus de doute pour personne. La religieuse qui lui a été affectée comme infirmière hésite à entrer dans sa cellule, tant l’odeur dégagée par la plaie est repoussante. Une cousine vient cependant lui faire visite et Rita lui fait une demande stupéfiante: elle voudrait qu’elle lui apporte une rose qui, dit-elle, se trouve sur le rosier de son ancien jardin. Comme on est au cœur de l’hiver, on croit qu’elle délire. Néanmoins, la cousine, par curiosité, va voir et, contre toute attente, trouve une rose splendide et délicieusement parfumée. Elle la cueille et l’apporte à Rita. Une bouture de ce rosier a été plantée dans le jardin du monastère et, depuis cinq siècles, l’arbuste vit toujours… Rita, cette fois, lui demande des figues de son ancien figuier. La cousine va voir; tous les arbres sont dépouillés: ni feuilles, ni fruits... sauf sur le figuier en question sur lequel se trouvent deux fruits magnifiques qu’elle rapporte à la malade. Les forces de sœur Rita continuent à décliner. Un jour elle reçoit la visite de Notre-Seigneur accompagné de sa très sainte Mère; comme elle Lui demande: «Quand donc, Jésus, pourrai-je vous posséder pour toujours?» - «Dans trois jours, répond le Seigneur, tu seras avec Moi, au Ciel.» Elle demande alors à recevoir les derniers sacrements. Au jour annoncé par Jésus, elle demande à l’abbesse sa bénédiction et, sitôt reçue, elle expire doucement. C’était un 22 mai, probablement 1457. Dès son décès, la cloche du monastère se met à sonner d’elle-même; quant à sa cellule, dont personne ne voulait

approcher à cause de l’odeur nauséabonde de sa plaie, elle est remplie de lumière et délicieusement parfumée. Une des sœurs du monastère a un bras paralysé; après avoir embrassé sœur Rita , elle constate que son bras a été instantanément guéri. Aujourd’hui, la dévotion à sainte Rita est universelle et ses grâces sont innombrables. Elle est invoquée surtout dans les cas désespérés. En son honneur un important sanctuaire fut érigé à Cascia au début du XXe siècle. Là, ses restes sont abrités derrière une grande grille en fer forgé, à l’intérieur d’une châsse de verre et d’argent, dans la basilique qui a été consacrée comme église le 18 mai 1947 et érigée en basilique par le pape Pie XII le 1er août 1955. Des études médicales récentes semblent confirmer la présence sur la zone frontale gauche de traces d’une lésion osseuse (peut-être une ostéomyélite) ; le pied droit montre des signes d’une maladie dont elle a souffert pendant ses dernières années, peut-être associée à une sciatique; le visage, les mains et les pieds sont momifiés, tandis que le reste du corps, vêtu de l’habit des augustines, n’est plus qu’un squelette.Béatifiée par Urbain VIII en 1628, sainte Rita a été canonisée le 24 mai 1900 par Léon XIII, qui a fixé sa fête au 22 mai, jour anniversaire de sa mort.

(D’après Louis Couëtte, Stella Maris)

SAINTE RITA, PATRONNE DES CAUSES DÉSESPÉRÉES

36 PROGRAMME DES ACTIVITÉS ET CARNETLa paroisse n’est pas uniquement un territoire géographique regroupé autour d’une église paroissiale, la paroisse est le lieu où la communauté se réunit pour célébrer et annoncer le Christ, et c’est le lieu où chaque personne trouve sa place pour croître spirituellement et humainement.C’est pourquoi vous êtes tous invités à participer aux activités organisées dans la paroisse :- Tous les samedis de 15h à 16h30, « Initiation à la prière » pour les enfants de 6 à 12 ans : (Fioretti de St François)- Groupe de prière – Apôtre d’Amour : mercredi à 20h00- Adoration du saint sacrement : jeudi à 20h00 - Cours d’italien : vendredi de 18h à 19h pour le 1er niveau - De 19h à 20h pour le 2e niveau - De 20h à 21h pour le 3e niveau- Jeunesse franciscaine (15-25 ans) : samedi à 18h- Chorales arabe et française : samedi à 19h00- Tiers ordre séculier : le troisième dimanche du mois à 10h30.

Ve 3 : Sts Philippe et JacquesJe 9 : AscensionMa 14 : St Matthias

Di 19 : PentecôteMe 22 : Ste Rita de CasciaDi 26 : Sainte-Trinité

Ces soirées seront chaque fois clôturées par une réunion autour du« verre de l’amitié ». Vous y êtes tous les bienvenus.

Jeudi 23 mai à 19h30•Projection privée du film« Sainte Rita » la Sainte des causes désespéréesCollection “La vie des Saintes”. (Durée 52 min)

Jeudi 16 mai à 19h30•Projection privée du film« Les Apparitions de Fatima » Un film de Ian & Dominic Higgins. (Durée 1h30 )

ÉPHÉMÉRIDE DU MOIS DE MAI 2013

ACTIVITÉS DE LA PAROISSE EN LANGUE FRANÇAISEPOUR LE MOIS DE MAI 2013

HORAIRE DES MESSES

ACTIVITÉS DE LA PAROISSE ST-ANTOINE DE PADOUE BAABDATH

N’oubliez pas de nous rejoindre nombreux à la rencontre paroissiale mensuelleaprès la messe de 11h chaque dernier dimanche du mois

Le comité de rédaction, Nawal Arcache et Jean-Louis Mainguy, remercie tous les bénévoles qui contribuent à cette parution.

La saisie du texte est assurée par Michella Al-Aya et Judy Abou HaidarLa mise en page et le graphisme sont assuréspar Elie Abou Mrad et Jean-Louis Mainguy.

Le dimanche :9h30 : messe en langue arabe11h : messe en langue françaiseDu lundi au samedi :6h45: Tous les jours messe en français suivie de l’office des Laudes en langue françaiseDurant le mois de mai, à 5h30 p.m. tous les jours de la semaine sauf le dimanche : récitation du chapelet en langue arabe.17h : messe en langue arabe.Les pères : • Michel Youssef (curé de la paroisse) • Tanios Rizk • Majed Moussa • Gabriel Mekari se tiennent à la disposition des fidèles sur rendez-vous auprès du secrétariatde la paroisse, de 8h30 à 16h (Mme Nadine Khalil).Tél. : 04- 820431 et 04-820318.

Tous les mardis à 10h : réunion des membres de la confrérieNotre-Dame du Rosaire. Récitation du chapelet, suivie de la messe à 10h30.

« NOUS SOMMES VENUS L’ADORER » (Matthieu, 2-2)30 jours d’adoration de Jésus avec Marie pour la paix

au Moyen-Orient et dans le monde« Le meilleur moyen, le plus sûr et le plus efficace pour établir la paix éternelle sur la face de la terre se fait par la puissance de l’Adoration perpétuelle au Saint Sacrement ». A l’initiative du groupe « Nouvelle Création » et de Télé Lumière, dans tous les sanctuaires dédiés à Marie au Liban, trente jours d’adoration de Jésus avec Marie, et de prière pour la paix au Moyen-Orient et dans le monde. Du 1er au 30 mai, de 6h du matin jusqu’à minuit, les sanctuaires, églises, monastères et centres dédiés à Marie ouvriront leurs portes à tour de rôle aux fidèles désireux de se réunir en adoration devant le Saint Sacrement.

Les thèmes de méditation seront les suivants : Présence réelle de Jésus dans l’Eucharistie, Jésus et la Paix, Marie femme contemplative et médiatrice, l’Humanité et la Paix.Pour tout renseignement : Groupe « Nouvelle Créature » Tél : 961 3 257817 (E-mail [email protected] Tele Lumière , Tél : 961 1 255500