38

BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 1/38

 _.. _........ . . . . . . . . . . . . .~--....,_ ,...,..-------~~---.- ._-- - . _. __ ._ _ .

,I.

recornposent.

' " ' "1 ' " ,

. . . .,

t-r

-. ." . .

{

I-

r\ '

- . " " " "~ ,

I

-L.

T

tI

r:

I

r 1

~

-....r

1

j , o . . L :

J..~ I

~I

1

or'

~L

-t

IrI

\ ..

~

I r1 -,

r-I

~. \_T- ..L .

Jr,

\.rf\_

Jr I

. . .. . . 1

I...I

. T

.

--..

I w o - '

~

\~,i-

Avec les Iiucratures postcoloniales, \\lcmpire- contrc-

attaque ». _AlIX fronticres des gel1res et cles disciplines,

des ecrivainso(_)lJveaux issus de _lJ£ l) .rs jadi- colonise-: sc

rcapproprient leur realitc historiquc et culturelle.

Brisant k: mur qui scparait jadis « francophonie f) et

etudes (Ill «Commonwealth )}~jacqueline Bardolph

dresse l'etat des lieux des questions ideologiques. lin-guistiqlles et generiqlles soulevees par une production

. . . . . . . .

qui bouleversc les canons etablis. i\ la recherche

d'une identite plurielle, theoriciens (Said, B 1 1 a l ) 1 1 a ,

Spivak ... ) et praticiens de l'ecriture ouvrent 1111 c11alTII)

que l' on ne peut ignorer de nos [ours rant il prefigure

sans doute les nouvelles mutations en cours dans LIn

rnonde ou les cultures se rencontrent. s'afffrontent et se.

LIc( I t uIinc Bardolph

Professeur emerite it l'Uniuersite de Nice, [acqueline

Bardolph a consacre de nombreux articles et ouurages aux

litteratures du monde anglophone. Eueill« lors d'un sejour

prolonge en Afrique de l'Ouest, son interet pour les littera-

tures de Tiers-Monde l'a conduite it deuenir l'une des

meilleurs specialistes dans le domaine postcolonial.

Jacqueline Bardolph est decedee en juillet .1999 pe u de

temps apres auoir acbeue la redaction du present ouurage.

1'( )S~rC L( I I I ' I I l f

I · : ' I ~ I~ITTE~Rl\

~. . . . .(. '

p

t

. . . . . .. . . J

1

~.

" ~to{

. . . . . ~

UNICHAMP-ESSENllEL , COLLECTION HPOCHE)) DESTII\EE ACX tnJDL\"lTS; ALX, ~

ENSEIGNi \N! rS ET A UN LAI{GE P lJB I. JC , OFFRE DES I )R F~ SE~T_ i ~T I O: \· S CI~~I\!-:S I~t·r

SYSTEI'vJA1"lQUES DES GRANDES QUESTIONS DE Lrni:RATURE: DE SCTF:'-JCE:;

-,,...TC rlTLTURE GENERAtE, ABORDEES DA:- \S eK E PERSPECTIVE A LA

'_f \ INE . .

J

1-1,

. . . .

.. .

-l

.1

I

I

r,

, .I

•' ; s - - " "p--

U J

:>f1 :wel l

LL J...,

12,20 €

ISBN 2-7453-0341-4 ~ ~ ~ : . ' '' ' '' ~ I 1

Unichamp

ESSetltiel N° 10

n 'I

9 782745 303417 acr 1 _

t. tI,"I, .II ll ) I :ssentie1

I t t u . . " , ; c l r .u upir in...

Page 2: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 2/38

 

.... _............,. .-- ._-_. __ _. . _ - _ . .~

. . . . . .

. '

, . I . "

.. . .. . . .. J -" . "_

I . . I . . . ~~ . . .), . . . . . . ~. J." · .. oJ J

" {

Unichamp- Essenticl

Collection dirigee par 1. Bessiere et D. Mellier

10

.#

ETUDES

POSTCOLONIALES,. ,

ET LITTErRATURE

Page 3: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 3/38

 

....,_ ,.............. . .I. IJ . : . . . . ~ •

. . ~ . . . . ' .I ' . " I • I • . •

" . 1' . : t f i j " :,

.

1 , · " "\ " . ' . ' .: ~ . . ,

.J " 1 • ,

I , . . . .,t ,

II I J

..•, ., ,~

. , v,

: :'! :,_ . . r. ~. " \ . . : _ . t - . . . ; . ~ ". \ . _ < r ~ '

\./! . I :. . ' •

: ." 1" "- \ . -" '~../ ) . .i l(

, I \

, . ) ~ I : . . . · I

. , ~!, '.,. .

i 1,

,1. ,

"

Jacqucline BARDOLPH

Dans Ia meme collection

1 4 ASLANIDES, Sophie, Grammaire dufrancais. Du mot au texte.

2. LEROY, Christian, La poesie en prose francoise du Xvll" siecle it nosjours.

3. CALLE-GRUBER, Mireille, Histoire de la litterature francoise du xx e

steele ou Les repentirs de la lit terature ../

4+ Les grands genres litteraires. Etudes recueill ies et presentees par Daniel

Mortier,

5. JONARD, Norbert, Histoire du roman italien. Des origines au Decaden-

tisme.

6. CRESCENZO, Richard, Histoire de la litterature jrancaise du xv r siecle.

7. LARRIBA, Elisabel, Dictionnaire de la litterature espagnole.

8. GIJKSOHN, Jean-Michel, Connaitre la musique classique.

9. MAROT, Patrick, Histoire de fa Iittercuure francaise duXIXe

siecle.~

10. BARDOLPH, Jacqueline, Etudes postcoloniales e t l it t e rature.. . . .

11. DURRENMATI, Jacques, Lametaphore...

--- . .._ ._.' .- . -. .

. . • _ . .. ". ~ . . . . . ' , .. . : .

.... \ i.» 'I .11-- 1 (1 : .

~.("_.. I" ' , .' \ .. :- .~ I .. ' - . . .,. _1 I _I :. I'~ "_ -,

_ . . . r " '~ . '" ,. - . . . -' ; : ....

, ·r . ~ _ - . . . : . . . .:. ! f ) .,"" .. . . . . . .. ~.

r . " ., '_ " , . -

I , . ~ "> " . ·oJ » >, .

I ~ i . . ~ ~ .

I :. '. / -", ',:,. . .•J , o J • •• • • • { ,

I -- . . ._ ~.

I ~ ' ..}.. ..I :... .. ~ ~ ..... .,

f::: ( . .; ~ J . . .. ·1 . • ~

: ! . . ' I l .\ r ~ .

/ ~ : O " ~ J ,/ .• r : . ' ~ . ) . \ J ) . . .! .' ' _ . . J \ ... ~. : i , .. J ( '- . ..1. . - ...... ~ _ . ' . . I

• • - , . ' 1 \ ' • • \ . \

jf .. '. .. / I I · . ) . · .. _ • l < : .. ) :.l 1 _ I , . .. . • • . ~ .. ~ \ .

[, • • • • 1 ~ • 1 \ . I. . I I· . , .

;. f .. : .. ~ ., ~ . . ' ~ ~ I .J i) I . . , , . .. \ .

. \ ' ~ J. ' . .. . . : :-.1 r \ . . - . . . ~ \ _ . I : . , . " "1 1· . . ' \J _• J • \ , • ~ . .: ." .." _ . .• ! · 1· ~ .

. • I . - .

• • . ~ ) I • I ~ II .~ .• oJ • ) :

{ I j , , . ..~ I l '. . ' L' - I _ . . r

i ":. . . ~. • , ~, . 1~ ~ ~ )

~

• • ~ .'. ••• • • ' 'L ,. 'I· .. . .r[

I • _ •• 1 I \ .r, '. . . .

\

' . . t» ~ . • : • I. .._ J ~ . _ • • . . ., ., ' ~ I I . , - •

I ." - ~ I to"L . . . . ) .. ' . . . \ . . I t J .. I .

\ , ~ ) ' ~ L I!~..() ....-, .,.',.,' ..: .~ f ··~ ,~ I ~ .. , : '_ . . ,

~ . - ' ' ,~ . " ~) . . . . , .: , ... : ; , . , , . . . . . j '. /

~ ~' • ~ j ~ ~ f .'~ : '. \ . \ ~ ~ 1 • • •• , : ' • . ' /

. _ . .• . . , J LJ ~ ,:\ .. / . :.. .. ... : . ~ ./

\ . . _ • • ~

~ . .. " •. . .... r·. . . . . . ·i . . )

. .... . I I 1 •

• . ~ . ' : .. . . . . . .~. .. _ . . .

• , '. 1. . .LI~

- 1.

F ::. • . ·1 .

( , ", I ~ • j

I . ,

L

_'j..,. . I•• :

, . ' t. ~ I '. I ; .•

" • I

~ f ~ ~

'r»

. . . . .. . ' , ' . · 1

• ~ • J •

·1,·

·.

,I

. .~

"I .

.,. . . ..

, '~~.

I , ' .. · . 'i . ; . .

~ .. 1, : 1 I.I 1 I

~ ' ' .

I : ' . .1:. I~ . ' •

. I • • L

L •

•../

. '.,

PARISHONORE CHAMPION EDITEUR

7, QUAI MALAQUAIS (VIC)

2002

v,;ww.honorechampion.com

 

Page 4: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 4/38

- - - - - - - . - - - . . . . . . _ - _ . . - - ~ - - - - - - - - - - - ~ ~ - - - - - - - - ~ - - - - - ~ ~ ~ ~ ~ - - - - - - - - - - - - . . . . . . . - - - - - - . - - - - - - - - - - - - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . l1 i_ i2 i i3 J . . . . . . _

, ,I .

INTRODUCTION

I SBN 2 - 7 45 3- 03 41 ~ 4

Jusqu'au debut des annees soixante, les francais contem-

plaient encore une carte du globe ou I' empire colonial etait

marque en rose ~ le gris-rose, «pinko-grey» decrivant la race«blanche », Cette vision etait particulierement satisfaisante pour

I'Afrique, grace en particulier a la presence du Sahara, continentnormalement place au-dessous de la France, elle-meme reduite aune proportion minuscule, mais sise en tete dans la projection de

Mercator. A cette vision bien centree pour I'eleve francais COf-

respondait une carte superposable mais rarement comparee: lesAnglais aussi peignaient de rose les pays de leur empire «sur

lequelle soleil ne se couchait jamais» OU, comme Ie disaient les

combattants indiens pour l' indcpendance, < < , dans lequel le sang

ne sechait jamais.» Deux visions coloniales distinctes et pretcn-

dant chacune it sa facon a une mission universelle, Deux empires

qui ont disparu graduellement, de facon violente ou paisible,

jusqu'a I'abandon de Hong Kong par la Grande Bretagne en

1997. D'autres pays, anciens sujets coloniaux d'une puissance

europeenne, ont ainsi acquis leur independance, pour ne parler

que du vingtieme siecle: 1Espagne, Ie Portugal, la Hollande ontcesse de gouverner directement aux Antilles, en Amerique

Latine, en Afrique, en Iudonesie. La periodc coloniale et les pro-

cessus de decolonisation ont laisse leur marque dans chaque

pays, et de facon differente, NOllS nous limiterons ici a evoquerles deux aires linguistiques, dites francophone et anglophone. Et

Ie champ de notre investigation sera la production litteraire en~

dehors de la France, de la Grande Bretagne et des Etats-Unis: laencore la prudence dans les termes s' impose, car peut-on encore

parler de metropoles ?

Si les cartes geographiques imperiaics, chacune de son c o t e ,empruntent le meme code pour decrire les champs d'influence

nationaux, laissant les autres pays dans le vague des terrae inco-

gnitae, il semble en _aller de merne pour la c a rt ogr aph i e I it te ra i re

des ecritures de langue anglaise, et encore plus pour lesdemarches critiques et les reflcxions theoriques: chacun travaille

de son c o t e , Les librairies francaises proposent a ce jour peu

Diffusion hors France: Editions Slatkine, Geneve

www~slatkine.com

© 2002. Editions Champion, Paris.

Reproduction et traduction, merne partielles, interdites.

TOllS droits reserves pour tous les pays .

 

Page 5: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 5/38

8 ETUDES POSTCOLON1ALES ET LIITERATURE'

d'etudes generales sur la francophonie dans son ensemble qui

aillent au dela des descriptions de chaque aire geographique. L aou nne reflexion commence qui degage des grandes lignes, ellen'a pas encore fait le lien avec les etudes en anglais. Le terme

utilise, «Ia francophonie », est d' ailleurs aussi problematique que

celui de «post-colonial», DOUS y reviendrons, car il n~est pas seu-lement descriptif d'une aire ou le francais est «uniquement ou

partiellernent» utilise, mais aussi d'Institutions et ~'un certain

projet politique. Pour Ie monde anglophone -:-«partlelleme~t o~entierement» de langue anglaise? - nous assistons au contraire aune explosion de recherche et de publications sur le theme «post-

colonial» ou «postcolonial»: unc centaine d'ouvrages en guere

plus de dix ans, des livres de vulgarisation en provenance de tousles pays, au rythme de presque un par mois, deja nne revue sous

ce titre, des collections chez les editeurs, des pans de mur chez les

libraires, des anthologies de textesetde critiques, des lexiques ...lc debat se poursuit dans revues et journaux de tous les pays

concernes. II y a des chaires, des filieres universitaires sous cet

intitule: l' institutionnalisation semble solide..Le temps seul dirala perennitc de ce corps de reflexion theorique, contemporain

d' autres «post»: pas tmodeme, post structuralisme. '

Cette etude introductive voudrait modestement contribuer aposer un pont provisoire entre les versants francophone et anglo-phone d'une demarche theorique qui touche a des debats essen-tiels, aux frontieres de l'esthetique et du politique et permet de

poser d'une facon neuve les problemes qui afferent a toute lecturecontemporaine d'une reuvre de fiction. II s'agit d'encourager Ielecteur et ici le lecteur de langue francaise a sortirde son pre lin-guistique et culturel. Certes, les anglophones ont tendance apenser que ce qui est dit en anglais est universe!' A part quelquesexceptions comme Edward Said, les theoriciens se fondent non

seulement de facon quasi exclusive sur la fiction duCommonwealth mais generalisent sans etats d'ame it partir deI'experience .coloniale britannique .. Dans I'mtroduction ..d'un

ouvrage par ailleurs re m a rq u a bl e , Elleke Boehmer signale

qu'elle ne parlera pas d'autres empires coloniaux, rnais «que cela

ne changerait pas grand-chose»1" A un colloque au Canada, en

I

I

, ,I I

i ,I

1 «[the book] is chiefly concerned with li terature wri tten in English, which

even if only to a small extent narrows th e field.» (Mes italiques). Elleke

Boehmer, Colonial and Post-Colonial Literature. Migrant Metaphors.

Oxford, New York, Oxford University Press, 1995, p.l.

. -.----~---------------......__----------. . . . . . . . . .-----.. . . . ._-----

INTRODUCTION 9

. . . .

1997, on travaillait a decrire les constantes de I'experience et deI'Imaginaire des colons blancs, en particulier dans leurs rapports

avec les populations d' origine. II fut impossible de faire entrer

dans le debar I'idee que I'on ne peut pas universaliser a partir dessituation certes assez semblables des Canadiens, Australiens,

Neo-zelandais et meme anglais d'Afrique du Sud. Les coloniesde peuplement en Afrique du Nord ou dans Jes pays lusophones

representent une toute autre histoire. Mais Ie travail comparatif

n'est encore qu'esquisse et cela pour des zones comme la Caraibe

ou I'Afrique. Chaque pays europeen a laisse des traces durables

et differentes: ilsuffit de comparer des Camerounais de la

«zone» anglaise ou francaise pour se rappeler les grandes lignes

qui les distinguent: une administration anglaise marquee par legouvernement indirect, indirect rule. Des quartiers d'habitation

entierement separes, L'acces deliberement restreint a I' anglais

dans certains pays par I'usage, pour I'administration, de languesregionales comme Ie swahili. Une justice coutumiere face a undroit ecrit. Des systemes educatifs differents, entierement confies

a nne variete de missions, OU, en pays francophones animes aussi

par un ideal laique et dans ces ecoles, des textes differents,Shakespeare ouVoltaire, Jane Austen ou Zola. Des barrieres cul-turelles invisibles continuent de rendre la communication diffi-

cile entre anciens colonises, des annees apres les independances.

Et en France, la tentation est aussi de limiter la reflexion audomaine farnilier: que de livres oumanifestations sur «Ia Iittera-

ture africaine»ou «Ia poesie africaine» ou i!ne s' agit en fait quede production en langue francaise ... II est done salutaire d' essayer

de faire cesser I'etrange etancheite de deux domaines derecherche ..D' ailleurs celle des anglophones est d' autant plusetrange que leurs theories doivent beaucoup a certains chercheursfrancais ; ils se reclament de Fanon, redecouvert par eux tout

recemment et surtout de la trilogie incontoumable outre-Atlantique, Foucault, Lacan, Derrida. Mais peut-etre certains cri-

tiques litteraires eux-rnemes outre-Atlantique, passent-ils plus de

temps it lire des theories que des oeuvres, et connaissent-ilsIrigaray ou Kristeva et non Kourouma ou Boudjedra.

Une autre question se dessine dans cette presentation de lareflexion en langue anglaise: quelles sont les raisons pour les-quelles la critique francophone trouve ces etudes postcolonialessi peu pertinentes ? Un universitaire d'Oxford s'en etonne, itpropos d'un ouvrage d'Antoine Compagnon sur la theorie litte-

raire:

  --~-----.---- . _ . -------_.- .- .~ . _-

Page 6: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 6/38

i !

I

I II

II

I !'I

II I

.11

I·II

II I,

II I

II III I

II I

II I

. I III I I

: 1 ' 1

. ! I

I I

I 'I

I I

. I

10 ETUDl!:S POSTCOLONIALES ET LITFERATURE INTRODUCTION 11

De facon plus centrale, pour les lccteurs anglophones .q~i

connaissent la dimension ethique prcsente dans les etudes litte-

raires depuis plus d' une decennie, 1 .absence de r~ference aux

problernes d'Identite sexuelle ou ethnique, o~ de the?~es postea ..

loniaux parait forcemeat etrange, ou meme veritablement

suspect'.

un autre sens de «post »: non seulement une succession tempo-

relle mais un recxamen de tous les presupposes de l'epoque colo-

niale. Les reuvres sont alors etudiees en ce qu'clles refutent,

resistent, proposent un contre-discours. Enfin le tenne «postco-

lonial» designe tout un ensemble theorique interdisciplinaire ou

pluridisciplinaire - sociologie, psychanalyse, histoire, sciencespolitiques - qui s'interroge sur les discours, la reecriture de I'his-

toire, I'evolution des mentalites et des imaginaires et se sent

concerne par une quantite croissante de donnees touchant aI' identite - diasporas, irnmigres, appartenance plurielle, nati-

visme, nationalisme - ou encore au couple domination/resistance

en touchant au feminisme, aux situations minoritaires. La remise

en cause de I'heritage culturel metropolitain entraine une

recherche formelle qui rejoint SOllS certains aspects I'esthctique

postmoderne. C' est pour toutes ces raisons qu'il est malaise de

savoir en ouvrant un livre se referant au terme «postcolonial »,

s'il va parler des Aborigenes d'Australie, du realisme magique,

du voile en Iran, du roman africain-americain, ou meme des

Irlandais. L'etude prescnte se veut une introduction a toute cettethematique pour Ie lecteur de fiction et se concentrera sur les sens

deux et trois du tenne: l'examen du corpus que l'on pent consti-

tuer comme postcolonial et aussi de la demarche theorique en ce

qu' elle permet une lecture neuve de certains textes.

Certes, face a la proliferation des exegeses et a leur force ins-titutionnelle dans de nombreux pays, il faut toujours songer que

toute entreprise comparatiste d'envergure comporte des risques

dhomogencisation excessive. La lecture de certaines ceuvres sin-gulieres, meme d'un pays marque par la colonisation et ses suites,

ne gagne pas grand-chose de cet eclairage, et de toutes facons

dautres angles d'approche restent toujours aussi fructueux. Mais

il semble difficile de se passer de cette vision a la fois globale ethistorique. A notre epoque les ecrivains plus que jamais se lisent

entre eux: les Maoris trouvent des themes chez les Kenyans. II ya entre les createurs autant d' echanges, et plus rapides que dans

l'Europe de la Renaissance. La recherche en litterature comparee

s' est toujours donnee comme propos des sujets qui sont repris

dans les theories post -coloniales: la diffusion des themes, lesecritures d'exil ont d e ja e te etudiees, Mais I'cvolution actuelle a

I'ambition de replacer davantage les textes dans leur contexte

culturel et politique pour voir comment leur discours reflete des

ideologies particulieres ell ce qui concerne des identites natio-

nales, par excmple, et en quoi ce discours meme contribue it les

, .On pent avancer des a present que~ques hypotheses, en pa~l-

culier l'idee que la diversite des doma!nes fran~oph.ones ne prete

guere a la generalisation. Pour ce qUI est de 1.Afrique, on peut

penser que les reflexions de Bernard Mourall~ sur le contexte

politique des reuvres et leur fonction est ce qUI se ;approc~e le

plus de certains theoricie~~ anglophon~s. On pent en;-~ttre 1 hy:

pothese que la particularite de la rela~on franco.-algerle~~ q~l

tient une place si importante, ne se prete pas facilement a 1~n!-

versalisation des analyses. Y a-t -il dans les pays decolonises

anglophones Ie cas de deux pays a ce point rmbriques dans l~urvie politique et dans leur litter~t~re, .de f~~on.sl.1nte~see~con~lc-tuelle une ancienne colonie ou 1enjeu Imgutstique implique a ce

, ~ 3

point I'enscmble de la population? A> •

La definition merne du terme souligne Ie cote foisonnant de la

problematique. Le premier sens de «post ~colon~~l» es~ un s~ns

historique, dormant un repere pour les annees qUI a partir de.1 m-

dependance de l'Inde en 1947 marquent une rupture radicale

dans les rapports entre les gouvernements europeens et le reste.du

globe: il faut rappeler qu' au debut du siecle 809£:de l~ pOpul~tl0n

du globe etait integree a une forme plus ou morns d1!ecte d...e~- .pire colonial. Le second ~ens ~u,te:me, «p~stcolonlal», definit

I 'ensemble d'une production Iitteraire ou meme culturelle e~ ce

qu'elle a en commun nne langue d?nnee heritee de _lacolonl~a~tion et a cause de ce passe un certam nombre de traits partages.

on peut ainsi parler de la litterature postcoloniale ~~g,lophone ou

lusophone, bien que dans ce cas cela commen~e deja a p?~er pro-

bleme: quoi de comrnun entre la decolonis~t:?n du Bresl} et du

Mozambique? On voit done que dans un troisieme temps emerge

i iI· '

I !I '

i

I

I·. ,

,

I '

, I

! I

2 «More centrally, for English-speaking readers familiar with the ethic~l ~urnin literary studies in the past decade or so, the a?sencc of ref~rence to Issues

of gender and ethnic identity o~ t ? postcolonial themes rnigbt well seem

strange if not downright SUSPICIOUS.». Terence Cave, «The,. Strangely

Neglected Ground in the Middle: Antoine Co~~pag?on}.Le demon de la

theorie, ( 1998»> , Tilnes Literary Supplement, 1 5 janvier 1999 .

3 Reflexion suggerce par Philippe Lecarrnc.

 ~~. ~[.~~ ~~~.S~2~~~2~=21a~.a ~a ~I 21 J I ,l.t •• ~J . l __ _£ .Aumal i

Page 7: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 7/38

I ~

12 ETUDES POSTCOLONIALES ET LIITERATURE

I

I 'i

constituer. A la lumiere de ce questionnement se repose le pro-

bleme de la constitution des corpus d'ceuvrcs a etudicr dans l' ins-titution scolaire -Te «canon» de la Grande Tradition. Se repose

aussi la place relative des Iitteratures ecrites et orales, des ceuvres

difficiles par rapport aux oeuvres de grande diffusion, en tenant

compte des echanges et interactions entre ancienne metropole etp ay s p lu s nouveau. Le questionnement pennet meme d'interro-

ger difteremment des textes anciens non seulement les livres

«exotiques» de Conrad et Flaubert mais ceux ou l'Ideologie

imperiale tient une place importante, jamais examinee tant elle

semblait alIer de soi: on verra ce que Jane Austen, Charlotte

Bronte, Daniel Defoe, et merne Dickens nous disent dans ce

contexte. Entin la production culturelle des pays anciennernent

colonises par la France au I'Angleterre est puissamment transfor-

mee par la globalisation, l'hegemonie de la langue anglaise et la

diffusion massive des ceuvres nord-americaines. La demarche

theorique qui etudie les ceuvres postcoloniales donne des outils

pour interroger les nouvelles formes dhybridite, d' entre-deux,

les nouveaux mode de domination et de resistance. Le postcolo-

nial est un chantier aux contours changeants, mais il s'y passe

quelque chose, ne serait-ce que dans Ie dialogue entre une cri-

tique occidentale longtemps hegemonique et les eeuvres et

reflexions provenant des autres lieux du monde. C'est un apercu

de cette richesse que veulent donner les presentes pages.

LES ECRIVAINS

DE~LA PERIODE COLONIALE

II

III :

, II,

I

'III '

II .

. I

IIDes la periiode coloniale la critique a effectue des rapproche-

men~s ent:e. llcs textes qui evoquaient les lointains pays des

emr:lres: recitts de voyage, fiction ont e t e examines pour leur t h e -matlqu~e ~onu111~1?e,et p~rti~uli~renlent en Iitterature comparee.

Les theofle.s c.ritiques qU I definissent Ie postcolonial ne peuvent

se concevoir ssans un reexamen de ces Iitteratures plus anciennes.

Non seulem.eln~ les deux periodes ont des caracteristiques com-

mu?es, ne serrait-ce que par les traces laissces=

langue, adminis-tra t. lon , systerme scolaire, references culturelles au sens large -,

n ;a !- s p arc e q ur e l a demarche methodologiquc employee pennet dere-interrogcr l le s ceuvres plus anciennes. Cette etude clle-meme

eclair~ differeemment les textes nouveaux, en montrant mieux

leur lien avec une certaine tradition dans chaque zone. Les deux

termes se defimissent l'un par I'autrc dans un va-et-vient constant

des lectures.

. :!I I·I . I

,

: I i , i. i :

I

I I

, I i. .I i

L I

l I ·1'~I

I .

LE REGARD DES COLONISATEURSBIBLIOGRAPHIE

Essais

011 a longttemps qualifie les romans comme ceux de Loti Oll

n:~me ~onradl d'ceu~res exotiques. lIs representaient une lecture

d ~v~asl0n ver-s un all~eurs fabuleux, document et romanesquemeles comme: chez Herodote. Robinson Crusoe ou les livres de

Jules Verne sont consideres comme faisant appel a I'nnaginairepar c~ntraste ravec les romans de mceurs situes en metropolc ; ils

constituent um espace speculatif libre comme l'espace dans Ie

futur du space opera', L a metaphore du voyage est reprise dans

<Euvres

Boudjedra, Rachid , La repudiation [1969], Paris. , Gallimard, 1985.

L' escargot entete [1977], Paris, Gallimard, 1985. La Pluie, Paris,

Denoel, 1987.Kourouma, Ahmadou, Le Solei! des Independances [1968], Paris, Seuil,

1982. En attendant le vote des betes sauvages, Paris, Seuil, 1999.

I I ,!!.

. !

, '

. .

I II

;

I .I I .

Bernard Mouralis, Litterature et developpement: essai sur Ie statut, la

fonction et la representation de la litterature negro-africaine d' ex-

pression francaise, Paris. , Silex, 1984. L'E urope, I 'Afrique et la

folie, Paris, Presence africaine, 1993.

1 Beaucoup de-s romans de science fiction des annees cinquante et soixante

?llt ~u~ thcnne la conqucte de l' espace, et l'univers planetairc est un lieu

imagmaire prour evoqucr des allegories de la conquete de I'Oucst americain

o~ de l~ ~uenrc froidc, Lcs ceuvres d'Azimov sont les plus connues. Par CC[-

ta111Scotes., ces grands epopees sont encore un mode d 'expression de I 'aven-

ture coloniake.

  --~.------ .--. _._---

Page 8: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 8/38

I I I I !II!; I

14E7" 'UDES POSTCOLONIALES ET LIT fERATURE 15

/

lIES ECRIVAINS DE LA PERIODE COLONIALE

un cadre etranger. Nombr~ ~e textes anglais presentent ~ne in;agegothique de ces «e:n~rolts sombres du monde, pleins dune

cruaute inimaginable» .· . . .., ."Certains oot lc pioJet explicite de justifier I aventure Impe-

riale. Les adolescent~.qui sont Iormes dans les public schools a

leur avenir de chef d(~Ivent., trouver ~es exemples de courage auservice de peuples presentes ~omme imrnatures: seion les termes

de Kipling, ils repetent qu~~lJeur ,faut «pre~dre Ie fardeau del'homme blanc »3.. E ,t les recits d aventure innombrablcs leur

indiquent leur missi()n. Rider Haggard. met en scene des heros

virils, capables de se mesur~r au; guerners ~oulous, P?ur rendrel'Afrique paisiblc et prospere, oar:_s Le~ mines du ROl /S~lomon

par exemple. De s etucies o_?tmont~e l~ r~curr~nce d~s stereotypes

qui d6finissent herc~ ~~les et Indl~e~es Inf~ntlles. Le pays

conquis est aussi fenllnls~ ?ans nne se:le de metaphores conv~-

nues, disant it la fois le ~esrr du ~onquerant et sor: peu de consi-deration pour un p ar ttn al re SOUl ll iS .Ces ceuvres qUI nous amusent

on nous indignent alljourd:llui ~ont, t;~s repetiti,:es. Elle~n'o~-

frcnt souvent qu'uneComblnatolre d elements pre-recenses mars

it est important de l~s rel!re da~s leur contexte. ~out au~ant

qu' elles ref letent l'iJeolog!e dOilllna.nte, elles c~ntrlbuent a la

justifier et la diffuser, parfolS.,u~ c~~taln temps apres 9 ue .les p~yscolonisateurs ont commence a S mterroger sur la justificationmorale ou la rentatilite de leur colonisation. L'argument est

simple et circulaire : l~~ierarchie na~urell~ des ?~~~S fait quecertains ont besoin ,I aide pour acceder a la civilisation. Cette

demarche altruiste e~timbriquce avec la mainmise economique,Historiens et politol¢g~es ~ontinuent d'an~l~ser le ~he!10me.ne;

la part jouee p ar l es {Cflts~ explo~ateurs, recits de nussionnaircset romans est mainte1ant bien renuse dans son contexte.

On souligne qUE chez des e~riv~i~s apparenn::ent moins

directement engages Ie message implicite est de rneme nature,

Karen Blixen a dit sa nostalgie de l'Afrique disparue dans La

[erme africaine, ou elle montre son attachement aux Kikuyus tra-

vaillant sur ses terres. Sa vision compatissante est pour notre

regard contemporain marquee par une vision hierarchique des

creatures. Africains et animaux figurent sur te meme plan dans

ses contes, et son role de chatelaine bienfaisante est une donnee

naturelle pour elle. La colonisation de peuplement en Afrique du

Sud par exemple a propose des exemples semblables de paradis

harmonieux crees par }'ordre blanc.

Au fond, la justification indirecte d-e la domination euro-

peenne est inscrite dans les descriptions de I'indigene. II est

«1'autre », la projection ambivalente des peurs et des desirs dublanc trap rationnel. II est l' envers du blanc, ce que celui-ci n' osepas etrc. Les visions evolutionnistes liees a une lecture biaisee deDarwin utilisent la thematique de l'enfance, ou pire du primate,

pour tracer Ieportrait de l' etranger a subjuguer, pour son bien, oua «acculturer » selon le tenne du temps. Les exemples abondent,

Ie premier etant Ie personnage de Caliban dans La Tempete de

Shakespeare. C'est un monstre sans langage qui a besoin d'un

maitre pour acceder a I'hurnanite. Autre personnage inlassable-

ment repris par les auteurs postcoloniaux, celui de Vendredi,

sauve par Robinson Crusoe des cannibales et transforme en ser-

viteur. Meme un roman plus recent comme Sa Majeste des

mouches de Golding, ecrit a l'epoque desrapports terrifiants surla «rebellion Mau Man» du Kenya, fait un parallele angoisse

entre enfants et sauvages qui retournent aux rites barbares ata-

viques et a I'animalite si l' emprise rationnelle du maitre faitdefaut. Tous ces textes sont beaucoup etudies maintenant dans

une demarche qui veut relief l'angle psychologique et Ie poli-

tique. Pour analyser cette image de l'Autre, les critiques ont

recours a Sartre, a Hegel, a Lacan .Cependant la relecture attentive des oeuvres revele chez les

meilleurs ecrivains une plus grande complexite dans leur vision

de l' autre et de la presence europeenne, II est significatif que les

interrogations naissent chez ceux qui ont vecu «outre-mer» plus

que chez les voyageurs. Kipling n' est pas it tout moment le

chantre du devoir imperial. Scs poernes questionnent la necessitede faire mourir des soldats anglais dans des terres hostiles. Ses

nouvelles indiennes decrivent des colons habites par la terreur

d'un environnement quils ne connaitront jamais. Conrad est

partage entre la vision dominante de son pays d' adoption et le

constat de la degradation des colonisateurs, deshumanises par

! Ii, i, !

.. I

II

, ,I

I

, I

I' I. , .

I .

II

2 «dark p la ce s o f th e errth, ful l of unimagin~~le crue l~y ;> : Rudya:d ~ipling,«L tt· of M arque» un des sketchs publies dans re Journal indicn The

e cr ~ ~1 Chi L· L .Pi c ite d an s (J at mg- lang ow, White Skins, Black Masks,toneer, . (1 I · li L d IN "'\.7 k 1

Rtation and ,-,,0 onta ism, on res cw rorx: Rou t edge, 1996,epresen _.

p. 149.3 «Take up theWh i te j la n 's Burdcn-/ Send forth the best ye breed-z Go bind

yo ~ n s t o e x il e ! 'Ic serve your captives' need.! To wai t in heavy harness/

OnU~u~ter edfo lk and ;vild-!~our ne~-caught, sullen peoples/ flalf devil and

halh child/ ... Rudy,rd Kipling, 1898 .

 

, j1. T • • - ; .$ . £ .ttl c t t . 2 d . 1 . t J $ S&3

_ . ._------.-.---.-~--------...__----------------....

Page 9: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 9/38

• I i

• I I ~

I!

·1

' ~

I 1

I '

Ii.~

. '

!

I ' . '.

II

i .I

! I

, i

I ;

I I

III

I .'I I ':I !, I

i .: I ., ,,I

I I;

· I ~

: I!I

II

I 1

,, ,

I. I

· .

I I

I II I

!I ,.,

. ,,I

I1 •

i! ~

,

16 ETUDES POSTCOLONIALES ET LITTERATURE 17ES ECRIVAINS DE L A P ER /O D E C OLON IA LE

leur entreprise dans Au cceur des tenebres. On n' a pas fini de

donner des interpretations divergentes, et toutes par certainscotes justifiees, de ses romans angoisses qui refusent de conclure.

On pourrait citer aussi L'tie du Docteur Moreau de Wells comme

emelle allegoric de I'effort colonial. Au debut du siecle, Route

des Indes de Forster montre plus explicitement encore Ie malaisedes Europeens dans une Inde qu'il considere comme definitive-

ment inconnaissable. D'autres comme Joyce Cary ou Graham

Greene. redisent les doutes des temoins d'un monde imperialmaintenant conteste. L' extension des theories postcoloniales a

actuellement une consequence interessante: les critiques des

pays autrefois colonises proposent leur propre lecture des textes

anciens. Karen Blixen a suscite la colere du Kenyan Ngugi waThiong'o et Joyce Cary celIe du Nigerian Achebe par leur pre-sentation de l' Afrique: colere fertile qui a engendre des romans

ecrits en reponse, On voit aussi des critique venus d'Asie comme

Sara Suleri qui relisent Conrad, ou Kipling et soulignent la COill-

plexite des textes. Kim, ce livre ambigu qui dit l' Inde de I'mte-rieur tout en finissant par prendre partie pour l' ordre anglais est

ainsi redecouvert, debarrasse des preventions d'une lecture anti-coloniale indignee et reductrice,

stereotypes, meme apres les independances, sont constitutifs des

mentalites du monde modeme. II dit apres Foucault que «savoirc' est pouvoir». Le discours du colonisateur en construisant le

domine comme «autre», dans l'imaginaire et aussi comme objet

de connaissance, a la fois justifie et exerce un pouvoir. Les

romans, tout comme les traites scientifiques des ethnologues,creent des images qui sont une extension de la domination des

institutions et done des gouvernements sur les peuples subjugues.

Selon lui, ce travail de construction des stereotypes est une crea-tion consciente et dcliberee. Si I'on decrit un Orient - les pays

bibliques et l 'Inde - comme cruel, barbare, et lascif ainsi que le

fait Flaubert, cela justifie la mainmise economique militaire et

meme religieuse sur ces territoires. II insiste, suivant en cela les

penseurs post-structuralistes, sur le fait que tout est discours.L'histoire ou I'anthropologic construites pour parler les colonies

sont des productions culturelles qui ont un pouvoir historique

determinant. L'image de l'Jslam donnee dans la fiction ne faitqu'un avec les fantasmes qui influent sur la politique des nationsoccidentales. La vision de l'Orient ainsi fabriquee par l'ensembledes ecrits de I'Occident est coherente, infiniment reprise, mais

n'a aucun rapport avec la realite, L'Oriental dont on parle est unobjet, jamais un sujet de son propre discours .. Said ajoute que

meme si les aspects les plus caricaturaux dans cette vision del'autre ne sont plus manifestes a la fin de notre siecle, certainscontenus restent latents. II est done important de deceler dans tout

discours contemporain les traces de ces anciennes images qui a lafois refletent et constituent les mentalites - Said n' emploiejamais le terme d' «ideologic».

Cette ceuvre de Said marque un toumant capital dans la relec-

ture des romans de I'epoque coloniale: on admet que lc voyageurou Ie colon revele plus sur lui-meme que sur le pays visite, C' est

II Ique se trouve la «verite» d u t ex te .

Said, certes, fait des ecrivains de I' epoque coloniale unelecture soupconneuse. Cependant, ce regardne risque-t-il pas

d'etre reducteur, ou de laisser de c o t e d'autres aspects des

ceuvres: la recherche du paradis terrestre, du lieu de la verite

perdue, la reflexion sur la relativite des coutumes ? De Chateau-briand it Saint-John Perse, de Leconte de Lisle a Fromentin, on litd'autres lignes de force que lajustification implicite de la domi-nation coloniale. Ou alors il faudrait comparer les imaginairescoloniaux, etudier en quoi I'histoire francaise, marquee par Iecatholicisme et l' esprit des Lumieres proposerait une vision

L'ORIENTALISME

Pour la critique francaise, ce n'etait pas vraiment une nou-

veaute que de s'interroger sur Ia facon dont les eeuvres expri-maient un certain contenu ideologique. Des etudes comme celIe

de Lukacs et Goldmann etaient lues des les annees soixante, et les

livres de Sartre on de Fanon etaient un contexte intellectuel quiallait de soi, meme pour ceux qui ne partageaient pas forcement

r ensemble de leurs convictions politiques. Dans Iemonde anglo-

phone, Ie tournant vient avec la parution en 1978 de Orientalism

d'Edward Said. Ce premier ouvrage de l'universitaire palesti-

nien, exercant aux Etats-Unis est suivi dans Ie meme domaine de

The Wor14, the Text and the Critic (1983) et de Culture and

Imperialism (1993). Ces trois livres passionnes, nourris d'exem-ples venant de Ia production francophone et anglophone ont des

Ie debut une tres grande influence. Critiques, repris, ils restent aucceur des debars , Dans Ie premier, Saiddefend que I' etude de lalitterature de la periode coloniale est indispensable a la compre-hension des grand stereotypes sur l' Orient et sur «I' autre»" Ces

  . -------- ---_ ..

_------_

Page 10: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 10/38

I '

: I

I ;

, I

. . I1 .

• J I. II I I I

I

I

I .,

I ,.

I I,

i . III.·1

"i

; IIi I·· I!

· I

ii '

I : ,

I, ,

· ,

I:,

!.i,, ,,

, /

E TUD E S POS ~T CO IJ ON IA I~ ES E T L.ITTERATURE LE S ECRIVAINS DE LA PERIODE COLONlALE 19

, ,

I I

j) .

I , .I: I I

I i

I'I

I . .

I i I I. I

'; I

., II .

I 'i ! : I

I ,

18

moins hierarchique des peuples que Ia vision Imperiale britan- En Europe, dans la premiere moitie du vingtieme siccle, on

commence a lire ces textes autrement. Le regard progrcsse,

comme a change celui porte sur les masques africains depuis

«Les demoiselles d' Avignon» de Picasso. Les productions

d'outre-mer ne s o n t plus vues C O l 1 1 I 1 1 e narves, pittoresques,

comme des produits dun art brut. L'ivrogne de la brousse du

Nigerian Amos 'Iutuola fut accueilli en Angleterre par 1~S. Eliot

puis en Prance par Queneau comme un document vaguement

comique par sa langue hybridc, son merveilleux traditionnel et

moderne -- «la fantomesse aux mains de television» - qui

pouvait scmbler surrcaliste. On li t mieux maintenant le c o t e inno-vateur de cet ecrivain qui inscrit l' oeuvre ecrite en anglais dans la

continuite des contes yorouba oraux puis ecrits. Henry Lawson,

en Australie, essaie de trouver une forme narrative mieux adaptec

it la tonalite de son contexte, bien different de I'Angleterre de son

cpoque. Avec le temps, on lit rnieux ces auteurs venus de si loin.

Katherine Mansfield, par exemple, longtcmps definie par saIamiliarite avec Bloomsbury et V . Woolf est maintenant percue

comme la Neo-Zelandaise qu'elle etait, habitante d'une societe

en train de s'inventer avec ses bonnes manieres importees et ses

hrutalites,

Si dans certains pays colonises les ecrivains explorent depuis

plus d'un siecle lcs modalites de leur difference avec le centre, la

metropolc, dautres prennent la plume deliberement pour faire

changer une situation pour eux insupportable. Les theoriciens qui

rcvendiquent la dignite de leur cult~re sont parfois aussi des

auteurs de poesic ou de fiction. Aux Etats-Unis, les noirs ameri-cains ont fonde des le debut du siecle des organisations qui

dcfendaient leur dignite et preparaient leur avenir. II est inde-

I) iable que c' est en liaison avec ces mouvements et avec la grande

Icrtilite culturelle de la «Harlem Renaissance» que se constitua

la mouvance qui en Afrique francophone et lusophone, aux

Antilles, revendiquait I'identitc assumee de la Negritude. On a dit

que les textes les plus connus de Senghor en particulier n' etaient

qu'un miroir, une revendication symetrique presentant une image

till nair encore dependante de cclle du blanc. En termes contem-

porains, on dirait une conception trop binaire, une vue encore

cssentialiste dunoir comme realite homogenc. De telles simplifi-c.uions cependant, comme des conceptions purement nationa- .

l istcs chez d'autres ecrivains, sont Ie fait de toute simplification

m il ita nte . II faut frapper 1~magination par des formules, pour

.lesceller les certitudes etablics, merne s' il faut paradoxalement

'"mque.

Le terme «nouvelles Iitteratures en anglais- est parfoisemploye pour decrire la production des pays qui sont devenus

indcpendants. Due protestation s'eleve dans ce cas pour rappelerque des ceuvres ont commence a paraitre il y a longtemps dansles langues europeennes, et dans les pays Ics plus divers" Memesi ces Iivres n' ant pas la merne fonction de reexamen que la

litterature postcoloniale qui, selon Ies termes de Rushdie,

«contre-attaque par I'ccriture », on peut maintenant les relire

diffcrcmment et ne plus les qualifier comme ce fut le cas de lit-

terature exotique, ou regionale, Certes certains ant perdu leur

interet, mais de bons auteurs ont pu dire leur experience dumonde en tant que sujets et non en objets de discours, Dans cer-

tains cas, des romans ont vu le jour avec I' aide des mission-

naires, comme le Mhudi de Sol Plaatje en Afrique du Sud, mais

c' est nne reecriture de I'histoire critique que ces ecrivains

locaux proposent ~ critique tout autant de certains aspects de la

tradition que des modalites par lesquelles la modernite leur estimposee. Certes, le plus souvent, les formes romanesques

importees sont reprises directement comme dans L'enfant nair

de Camara Laye, mais lc souci de comprendre un monde qui

change I' emporte sur 1a celebration du statu quo. En Inde, lenativisme, plaidoyer pour un retour it la tradition culturelle,

comme chez le Bengali Tagore fait partie de la longue reflexion

identitaire qui prepare les revendications dindependance. Dans

ce pays, les trois grands ecrivains qui se manifestent des le debutdu vingtiemc siecle, Raja Rao, Mulk Raj Anand et R.K.Narayan, font beaucoup plus que fournir a un public anglophoneoccidental une image de l' I11demodeme. Rao cxperimente ententant de donner a I' anglais les rythmes du sanscrit. Narayan,

sous les dehors lisses de ses textcs ironiques, a la langue clas-

sique, expose des dilemmes: qu' est-ce qui est perdu par l'adop-

tion du systcme educatif des Anglais, par I' adhesion inevitable ala pensee technologique? Le protagoniste qui, impuissant, voit

mourir sa femme dans Le l icencie e s Lettres ne sait s'il faut avoirrecours au medecin ou a l'astrologue, Toute I'ambivalence des

contacts culturels est deja dans ces recits.

. I

I, I

! ,.

: .I

II ,, . .

: ' 1

· : I I :

I

· I : '; I I ~.

, ; II .

I

II

i !

! I II .

, I!

; I

  . _-_ .. _ _ .-

Page 11: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 11/38

_ . . _ . _

ETUDES PO STCO LONIALE S E T LI1TERATURELE S ECRIVAINS D E LA PERlO DE CO LO NIALE 21

i

po>urce l a reclamcr pour I'Africain le droit a l'instinct par rapporta ]a «raison h.ellene »: i1 s' agit la de retoumer les terrnes meme squi ant servi a % , humilier, comme lc fait Rushdie lorsqu'Il glorifie

I'hvbridite.Ia batardise~ lc melange ou encore Cesaire qui defend

le «mctissag.e cul turel ». Quand Soyinka se moqua de la

1~-~fegritud.e9e mouvement trap intellectuel et francophone pourlui ~ « le tigre n' a pas a prouver sa tigritude, il saute sur sa proie »~.c' etai: ilnne periode autre de l'histoire, et le mouvement avait

[tej~iporte scs fruits. D'ailleurs, c'est surtout a cause des texteslitreraires que) cette reaction a l'humiliation et aux stereotypes

:} " l! : " ' .. 1 h .. d ' l de Ce ·conunuc de vnvre. ~eca te r un retour au pays nata e esaire

n'~as fini de; parler a beaucoup des cleves qui lisent ce classiqueencore vivantl. Dans les Antilles anglophones, des mouvements

sernblables donnent lieu a la fois a des analyses et a des textes defiction: lc marrxiste C.L.R. James a e t e nne figure marquante de

cette Iincrennrc, preparant la voie pour des textes consciemmentmilitants cormme ceux de G. Lamming, qui a leur tour vontinfluencer dcss ecrivains africains comrne O . Sembene on Ngug i

BIBLIOGRAPHIE

(Euvres

Achebe, Chinua, Le monde s' effondre, ( trad. Michel Ligny) Paris,

Presence Africaine, 1966. (Things Fall Apart [1958] Londres,

Heinemann, 1986)

Anand, Mulk Raj, Untouchable [1940], Harmonds worth , Penguin

1 99 0. C o ol ie [1936], Delhi, Orient, 1972. La v ie p riv ee d 'u n prince

indien, Paris, Nagel, 1953 (T he P riva te Life of an I nd ia n P rin ce ,

New Delhi, Arnold, Heinemann, 1983).

Blixen, Karen, La [erme africaine (trad. Yvonne Manceron), Paris,

Gallimard, 1965. (Out ofAfrica, Londres, Putman, 1937).

Cary, Joyce, Miste r Johnson [1939], Harmondsworth, Penguin, 1965.

Cesaire, Aime, Cahier d'un retour au p ay s n at al [1956], Paris, Presence

africaine, 1983).

Conrad, Joseph, Au coiur des Tenebres (trad. Odette Lamolle, Paris, Au-

trement, 1997. (Heart o f Darkness [1899], New York , Norton, 1988).

Defoe, Daniel, Robinson Crusoe (trad. Petrus Borel), Paris, Actes Sud,

1995. (Robinson Crusoe [1719], Harrnondsworth, 1965).

Forster, E.M., Route des lndes, Paris, Christian Bourgois, 1994. (A

Passage to India [1924], Harmondsworth, Penguin, 1956).

Golding, William, Sa Majeste des mouches, Paris, Gallimard, 1956.

(The Lord o f the Flies, Londres, Faber, 1954).

Iaggard, Rider, Les mines du Roi Salomon, Paris, J'ai lu , 1994. (King

Solomon's Mines [1885], Oxford, OUP., 1998).)

Kipling, Rudyard, K im" Paris, Gallimard, 1993. (Kim [1901], Londres,

Wordsworth, 1994).

Lamming, George, In the Castle of my Skin, Londres, Longman, 1970.

Lawson, Henry, The Penguin Henry Lawson, Harmondsworth,

Penguin, 1986.

laye, Camara, L 'e nfa nt n ai r [1953], Paris, Presse Pocket, 1975.

Mansfield, Katherine, tEuvre romanesque, Paris, Stock, 1977. (TheStories of Ka th e ri ne Man sf ie ld , Henry Alpers ed., Oxford, Oxford

Univerity Press, 1984).

Narayan, R.K., Le Licencie es Lettres, Paris, 10/18, 1993. (The

Bachelor of Arts, Mysore, Indian Thought, 1937). Le peintre d'en-

seignes, Paris, Belfond, 1994. (The Painter o f S ign s, Londres,Heinemann, 1976). Sous le Banian, Paris, 10/18, 1996. (Under the

Banyan, Londres, William Heinemann, 1985).

I ' laat je, Sol, M hudi: une epopee retracant La vie de s indigenes en

Afrique du Sud il y a cent ans (trad. Jean Sevry), Paris, Actes Sud,

1997, (Mhudi [1930] , Londres, Heinemann, 1978).

; I

I

I 1

! .

I

· 1 · .

Un pas dercisif a e t e fait pour marquer la rupture avec Ieromancolonia} et Sal vision, Ie jour ou Achebe publia Le monde s' ef-

[andre, archettypc de tous les recits de confrontation entre coloni-

sateur et colomisc. Ce qui est rcmarquable est que la reponse n' est

pas theorique~ ni explicitc, rnais de fiction a fiction. 11s' agit defaire oasculctr limage du boy comique de Mister Johnson de

Joyce Cary, O)U des miserables victimes de Au coiur des tenebres

ell presentant: larrivee des premiers missionnaires tels que les vit

un village, urn village a la culture coherente, pas parfaite mais

aussi digne ett complexe que celle des pays dits civilises. Par un

retourncmentt ironique, l'etre ignorant et discourtois est I' admi-

nistrateur an~lais. C' est la force du roman, sa construction iro-

nique, son ec.riture superbe, a la fois passionnee et distancee quijouerent LUI tel role dans lc succes de cet ouvrage. Vendu par mil-lions, e t n c d e clans les colleges du monde anglophone, il est Ie typerraen1e du comtre-discours qui es t venu a son temps a la suite d'unelon-gu-e serie; d' oeuvres contestataires de I'ordre colonial.

1_; 'na lyse acttuelle y lit avec le recul une production ideologiqueen liaison avec un certain nationalisme culturel, et avec les debats

politiques dtu Nigeria a la veille de I'Independance, mais cela

n' enleve riem a la force toujours vive de l'ecriture d'Achebe.

I},:.un.bigu]"te «lu texte apparait mieux sans rien enlever a la visionconvaincantee de ce monde imaginaire et ree l .

II I

I

I .II

, !

I I

. !

: 1

I

1 ', '

I

• i- .I.!

• • · 1

i '

I~

I

. 1

I rI

I

  ------ ----.- ~ .~-------~~~---~---

Page 12: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 12/38

22ETUDES ]:JOSTC'OLONIALE1SET IJITERATURE

I - ,

I .

, I

.: I' I . .

l{ao,taja, The Serpent and the Rope, Ha rr no nd s w or th , P en gu in , 1960.

Semfnc, Ousmane, Les bouts de bois de Dieu, [1960], Paris, Presse

p ek er , 1 9 71 .

Tutuia, Amos, L'ivrogne de fa brousse, Pa ri s, G a l lim a rd . (The Palm-

~'neDrinkard, Londres, Faber , 1952).

'Nel l H.G.~ L'ile du Docteur Moreau, Paris, Gallirnard, 1997. (The

l~andoj·Dr. Moreau [1896], Londres, Heinemann, 1977).

DU COMMONWEALTH

AU POSTCOLONIAL:/

DEFINITION D'UN CORPUS

LE COMl\10NWEALTH

'II

Essa~

Barkr, Francis, Peter Hulme, Margaret Iversen, Diana Loxley, ed. ,

ierature Politics and Theory, 1976~1984, Londres, Methuen,

1 86 .

Boell1er, Elleke, Colonial and Post-Colonial Literature: Migrant

ltaphors, Oxford, New York, Oxford University Press, 1995.

Fane ' Frank, Peau noire, masques blancs, Paris, Seuil,1952 Les

Q mn es de la terre [1961]? Paris~Maspero, 1976.

JanJ \>hamed. ,A bdu l , Manichean Aesthetics: The Politics of Literature

i. Colonial Africa, Amherst; University of Massachusetts Press,

1 8 3 .

Chir~Liang Low , Gail, White Skins, Black Masks: Representation and

('ionialism, Londres, Routledge, 1996.

Ru.s l i e~Salman, Patries imaginaires, Paris, Chri s t i an Bourgois, 1993

eaginary Homelands, Londres, Granta, 1981)

Sule Sara, The Rhetoric of English India, C hicago , U nivers ity of

.. (icago Press, 1992.

Walt' Dennis, Post-colonial Literatures in English: History,

ttguage, Theory, Oxford, Blackwel l , 1998.

La periode coloniale prend fin au milieu du siecle quand lcs

independances sont declarees dans les pays dependant des pays

curopeens: l 'Inde en 1947, les pays d' Afrique pour la majorite au

debut des annees soixante. D'aucuns defendent que certains pays

n' ant pas encore acquis leur autonomic (les Antilles franco-

phones par exemple) ou sont SOllS unjoug neocolonial, mais il est

commode de faire commencer I'ere post-coloniale apres ladeuxieme guerre mondiale

Avec la floraison des textes ccrits outre-mer, ildevenait diffi-

cile de s'en tenir a l 'etude des auteurs nationaux: France, Grande-,/

Bretagne, Etats-Unis. On chercha une appellation d'ensemble. La

definition fut d' abord negative: la francophonie etant le monde

francophone mains la France ... Pour la production anglophone,«World Literature Written in English» - Ie nom a ce jour d'unerevue -, est pratique, mais un peu long et evoque un inventaire

plus qu'un champ. «Les nouvelles littcratures en anglais» est

commode et assez neutre, mais irrite les pays qui ont line tradition~

presque aussi ancienne que les Etats-Unis par exemple. «Litte-

rature du Commonwealth» indique certains elements culturcls

communs. Le Commonwealth est une organisation assez lache

autour de la couronne britannique. II rassemble a ses debuts tousles anciens pays de I'empire de Victoria. Et il est vrai que des traits

communs persistent qui les differencient des pays «anglophones »

SOlIS influence americaine: 011 y joue au cricket et au rugby, non au

base-ball. .. et de toutes facons Ies traditions en matiere d' educa-

tion et d' administration y sont bien diffcrentes. Un reseau infor-

fuel relie les classes moyennes et encore plus les elites qui 011t fait

Ie voyage a la metropole - les been to d' Afrique, ceux qui «ont

: I

I :'

 

Page 13: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 13/38

, II I

1I

I

~. I !, ., I .

I ,II

I

I ~ I1 .

" I

,

I ,I I

i . I .

I !.

I

I .

ii' i

I

. ,I .

I ' '. Ii ,

I

I , .

I

, I

,

I· .

/1I

: I ,,

I .I ;

. I

I

. ,I

,. .

.~ ,\I

I

! ~

! I

·1,

I ,

,

! I

I. .

, I

I I I

ETUDES POSTCOLONJALES ET LIITERATURE DU COMMONWEALTH AU POSTCOL01VIAL

ctc » en Angleterre --: les officiers de tous ces pays sont formes aSandhurst, le St Cyr britannique, les Indiens fortunes sont etu-

diants a Oxbr.dgc. Des codes non ecrits et des references scolairesCOIl1InUneS rendent les echanges plus faciles entre les membres

(anglopnones) de ces pays , qu' avec les lusophones ou franco-

phones. Sur Ie plan, geopolitiquc, il faut cependant noter que I'eti-ID b1 ~ des navs i ..uette pose auss: pro Ierne: es pays importants en sont sortis

Iongtemps IAfrique du Sud). Des pays non anglophones y adhe-

rent actuelicmcnt Les nouvelles generations sont parfois en train

de se tourner davantage vers le modele culturel nord americain. Et

enfin, oour certains, comme les republicains en Australie, ou. I

d~antrcs conrestataires. Ie terll1e est trop marque par une ideologic

conservatrice, tonrncc vers le passe. On percoit Ie risque, connne

pour la francophonie, de construire un sentimentalisme imperial~

. ( - 1 1 0 1 - to / 1qtH raamuenne au ccntre t ancrenne metropo e.

]!'OIJT lcs etudes de Ia littcrature, le concept de Commonwealth

pcrmet cepcndant depuis les annees soixante dix de regrouper et

GOITRp1arer les productions nationales. A cette epoque il faut se rap-

p eT er q ue c ha qu c pays~ lc Canada, I'Inde, etudiait dans ses institu-

lions uniquement ]a «Grande Tradition »: Shakespeare, Jane

Austen et Coleridge. IJe tous les bouts du rnonde, des ecrivains se

sonr plaints de navoir appris que des poemes comme Ie celebre

texte sur les jonquilles de Wordsworth, fleurs inconnues a Lagos011' lfrirddad.1• C' est peut -etre les changements dans les programmes

scolaires et universitaires qui donnerent I'essor non seulement a lacritique, mais aus s i a la publication et it la product ion des ceuvres ,

lL :Afrique mdependante avait besoin de textes pour ses millionsd 9ecoliers, et le systeme scolaire herite des britanniques demande

des Gelrvres completes, done pousse les editeurs a avoir un vaste

catalogue de production nationale - et non essentiellement desII ~ e f honi D .,morceaux cnoi srs commc en rancop onle. one ces textes acquie-

ren; une nouvelle visibilitc et n e s on t plu s percus seulement comme. / i li d 1

111

" . / litai (voine extcnston regiona lste . es nteratures metropo itaines VOlT

I'accueil fait en France isMaria Chapdelaine).

IJe travail des critiques pendant cette periode de transition

commence par une etude rhematique: une description de ce qlli

est moins apparent dans les ceuvres d'Europe, Des sujets. . . .- - . . . . .

cornmuns sont releves: X e s iuttes pour I'mdependance, la redefi-

nition du l i en} du t emps et de s communautes, les bouleverse-

ments sociaux entre «tradition et rnodernite », les deracir.ements,

l'influence dominante d'une culture etrangere. On rcrnarque ~i~Je,... ... d' " l'certaines nnages reviennent un texte a ' autre et pre nn en t n IH ::;

valeur allegorique, par exemple la construction et 1adcstructicr:

de maisons. Pour les pays du «Vieux Commonwealth» (Canada,

Australie, Nouvclle-Zelande), on analyse priorita.rcment cer-taines demarches. Par exemple, l 'ecriture qui se fait quasidocu-

mentaire quand elle introduit la faune et la flore cornrne e]e~.IleDt;~~

essentiels d'une trame romanesque ou d'un poel1ne. Le contraste

entre nature et culture change de proportion et de seIlS quandI, /, d ~ _j - "fomme est oppose aux tres gran s espaces «Vlerges» iUri veta

sud-africain, du desert australien, du Grand Nord canadie». de la~

brousse. Le fennier qui crce une terre et une culture dans une

complete solitude est une figure r ec ur re nte , s ou ve nt mythifiee,

dans one variation sur un theme connu par la conquete de I'Ouest

americain. On voit que I'jdcntite passe par eet invcntaire c l t l . l i eu,

selon la celebre phrase de Northrop Frye: «La question n 7est p n ~ ; 7

'Qui suis-je?' mais, 'O u est ic i ?" , 'Where is here T», {T n autre

theme commun avec la litterature americaine, du Nord comme du

Sud est celui du rapport avec les populations deja sur p:la{.:e'l

Aborigenes, Maoris, Indiens, Africains d"Afrique d.u Sud: i1s

sont celebres comme nobles et condamnes ~ le Illy th e du SalJ,lvagf~

mourant - on idealises comme proches de la nature et t enus a . dis-, d h denui ~ ,./ 1 ~ - l - , - -tance, sans guere e c, angement epms H epoque co ornaie. La

langue anglaise enfin est thernatisec: que faire des variantcs dia-

lec ta les , les expliquer par u ·n glossaire, les transcrire phon,6ticrue·,·

ment, en faire des interventions comiques pour les dialogues desillettres ? II est certain qu' un langage se chercbe avec des expe-

riences plus ou moins audacieuses. Dans des situations Ol~iCOC~X]Sw

tent plusieurs registres de la langue de ia reine, mais aussi1 I 1 l' ./ .. olI I 110 -y ~ (L ~l -~ 1

P usieurs angues ou encore tout evcntai mstable qLU vt: [;j_:G Ja

norme au pidgin et au creole, les ecrivains du lieu sont aux pre-. . ' - } I I +'''' · 'J " I ~ . . , . . . . [

nueres Ignes, lorces a mve nt er SIS ne veulertt pas 12.l J.r eun pas-tiche du recit de voyage.

Pour les litteratures du «Nouveau Commonwealth» (i\fricrtlc,A· C ··b) 1] oft in s tl , - : r ~ o I ! ISle aral e e es partagent aUSSl certains ~1 ·"'~f~[~lCJ:.S~ J (~ . ( " "~"_ / · : t " ' : " i f ~ : I · ~ · - · J / - : ' " L

, , . , :C ll.!l.Q L )->.»_ J l _ ~ -' ' . , ,.\-,11...'1. 'vJ•. .i),\~:A t_,

peut les repertorier Une pure description des ceuvres r ~ 0 " A · · ~c..~r1·(·~!r)~;"':f~.- ~ - - ~ ) . . _ , \ . . . . . . " : . . , . . t " v.- "J _ 1 1 . ~ V ~/~)-." \~......i l _ . . ,~ . .. , . . .. .

possible parce que beaucoup de livres nc sent pas directemen;

politiques ni novateurs sur Ie plan formcl, On constate dcuc {Jll~lb d bi h: i " " " 0 . (:)y a eaucoup e romans auto iograp lQ1 :1CS su r It ~ ascenSIDn d'ur:

.. h d I ..; J 'f? /'jcune omme ont e parcours passe neccssarremcnt par J etran,-

ger. Des chroniques sur la vie d'une famille depcignent la societe

· 1 . :

! '

. I, ,

, 1

I ;. , '

! :

I

. 1

VV i H i ; : l m W ord sw orth , « The D affod ils », T he Lyrical B allads [17 98 ],

Ox fo rd , O x fo rd Un iv e rs i ty Press 1967.

!

1 ;,

.i

I

J

 -. . . . . . . . . . . . . .

--------- --__......................_.._._--------------_._ .

Page 14: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 14/38

I I ;

, I

I I

I! "II·

I I ~, .

I '

Ii·

! II ", I

·I I I

, ., .

, I I. I

· ,

:' I

I .. II .

.r : I

i !. I. ,,,,

I. I I, :

;

! 'II

I: ,, '

I ' :: ,·

· I .

I :

Ir :. i

. 1 . 1I 'I,

, '

, ,

I uru .. i ': -

I I:

II ',I

I :

I I,i u: I

I. I iI . ~

. ~ :

I

II I

I ' .

I iI I

I I I!.

. I .t•

i l l '! I ~ , '

, .

. ,I

, I

I i".

I' I: i,I .

I I : :III ", IIi· ,l I, I

. I,I

I . ' I

!' I I , . '. I ' II~ i I

I I" ~

" ,I I • I

!. .,

I I I : iI, .I.~ .

r , I

! I i I II I · · : . iI "· , I '

I: i· I : '

. . ~ I

·1 I

, ,

i I. .I:I .

I i I ! ..I .

I~ I

, .

I:

II ,

, ,I: I

I! ',

1 i.,

i " ,II

, : I I

,

I I i·, ' . : II .

I I! :

, 'r; I

I . , : .

26 ETUDES POSTCOLONIALES ET LITTERATURE

pour un lectorat que l'on imagine en partie occidental, dans les

romans de Kamala Markandaya ou Ruth Prawer Jhabvala en

Inde, par exemple. En Afrique, les auteurs explorent les possibi-

lites de liens entre le texte ecrit en anglais et la culture orale: ils

se servent des proverbes comme Achebe, des mythes comme

Soyinka au Nigeria/. On lit dans les annees soixante-dix toute une

thematique de la desillusion apres les independances, quand les

intellectuels se rendent compte de leur peu de pouvoir dans les

nouveaux etats: Armah pour le Ghana par exemple. La critique

voit bien que la quete d'Identite nationale n' a pas le meme sens

au Canada et au Kenya, certes, mais nne lecture coherente de

nature plus politique n~est pas encore vraiment esquissec a cetteepoque. On trouve plutot parfois un glissement vers une lecture

sociologique des ceuvres de fiction vues comme reflet, avec des

etudes sur «la femme en Afrique », ou «la ville» ou le critique lit-

teraire se fait anthropologue amateur.

THE EMPIRE WRITES BACK (1989) :

L'EMPIRE CON1'RE-ATTAQUE PAI~L'ECRITURE

Depuis un certain temps, des critiques non britanniques sim-

patientaient de la lecture que la metropole faisait de leurs reuvres,

la jugeaient mal informee et condescendante. C'est done du lien

etabli surtout entre universitaires canadiens et australiens = livre

ecrit par Internet - que naitra la premiere theorisation coherente

qui puisse rendre compte du corpus nouvellement defini dans sonensemble. Apres la lecture de Said, la question est maintenant

posee par ceux qui ont etc l'objet du discours colonial: «com-

ment pouvons-nous retablir la vision des peuples colonises

comme 'sujets ' de leur discours ?»3 Pour aller au deli!d'un simple

inventaire thematique, il convient de donner une definition de

2 Pour l'utilisation des proverbes, voir Chinua Achebe, La fieche de

Dieu.(trad. Irene A . d' Almeida et Olga M . Simpson), Paris, Presence

Africaine, 1978, (Arrow of God [1964], Londres, Heinemann, 1974. Pour

I'evocation de s mythes, voir pa r exemple Wale Soyinka, A Dance of theForests, Londres, New York, Oxford University Press, 1963.

3 «How do we retrieve a sense of colonial peoples as subjects of their own

history?» Stephen SIemon, «Post-Colonial Critical Theories ) ' > , dans Bruce

King, ed.; Ne w National and Postcolonial Literatures. An Introduction.

Oxford, Clarendon, 1993~p. 192.

I)U COMMONWEALTI I AU PO~S1'COLONIAL 27

cette demarche postcoloniale. II ne s' agit pas seulement pour les

pays de la marge de revendiquer leur propre centralite, pour

reprendre une metaphore souvent utilisec, rnais de montrer

comment les ceuvres et lcs discours sont engages dans une rela-

tion dialectique avec les anciennes puissances". Les regroupe-

ments par nation, par race ou par culture, ne suffisent pas it rendre

compte de ce processus permanent de remise en cause, de reecri-

ture de I'histoire ecrite jusqu'ici dans la langue de l'empire. Un

point commun chez Ies ecrivains du centre est la resistance centrel'hegemonie du centre et d' abord de I' ancien colonisateur,

Puisque la purcte pre-colonialc ne pourra jamais etre reconsti-

tuee, les createurs postcoloniaux inventent de nouvelles strate-

gies discursives: definir les contours du discours dominant,

exposer scs presupposes, et les demantelcr. La relecture de LaTempete donne le point de vue de Caliban chez des auteurs de la

Caraibe ou d' Australie, tout comme le Sud-africain 1.M. Coetzce

reecrit I'histoire d'un Vendredi a , la langue coupee par RobinsonCrusoe dans Foe, reponse a Daniel Defoe".Les themes recenses prccedcmmcnt sont encore reperes mais

on y l it une fonction de protestation, une volonte de s' approprier

une identite alienee par lc passe: la nouvelle lecture dcplace I'ac-

cent en partant des memes caractcristiques et valorise les

demarches qui contestent, luttcnt. Certains ecrivains eux -mcmes,

nous lc verrons, souvent theoricicns se reconnaissent dans cette

mouvance. II faut dire que cette analyse fonctionnelle de la litte-

rature represente une nouveaute au moment a u elle s"expose

explicitement. Tout d'abord parce que I'epoquc est depuis uncertain temps a une lecture exclusivement textuclle et interne, o ul'auteur et le contexte ont disparu. Apres cette discipline fermee

du «New Criticism», les theories deconstructivistes Oil Ie succes

des esthetiques post-modernes privilegient une certaine concep-

tion du texte: Ies jeux de langage sont arbitraires, sans lien

evident avec Ie «carcan referentiel ». Pour celui qui, dans lcs

annees soixante-dix, decouvre la vitalite et le foisonnement des

litteratures non metropolitaines, ilne semble pas y avoir d' outils

' '

4

Helen Tiffin, «Post-Colonial Literature andCounter Discourse », Kunapipi,9,3, 1987.

Pour les textes qui font echo a La tempete, voir en particul icr de l' Antil lais

George Lamming, Water with Berries, Londres, Longman, 1972, ou de

I'Australien Randolph StO\V, The Visitants, Londres, Martin Seeker et

Warburg, 1979.

 

I 'l ' I·I ~

I .

I

. I

_. __ . _ . ---~------------._----. . . . . . .------

Page 15: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 15/38

, I

i :

I

I I

I I

, I·

, ,

· . Ii . I II :

'1

I '

I: .I :

; ,I '

I .

• j :. ! I

I . .

,: . I

, " 1

lf . I I

!

" I· .

I i'.I

. ,:I .

II

I :

, ,

II . ! :I .

, -'1

, ,I ' ,· I

! I I :

I!

I

II

I I ~ ,

I .,I !

i .~ ,I

II 'I I

I

i 1 !I I

I .

I iI I I

I ,i

I r i.

,

; I ~

I I .r, I

. I !

I J I I

II . I

I . I, I

i .,

· .,! .

, ,

. I, i

· ,I,!

". Ii ,. I

.I

,

I,

,

: I

, , ., ,,

II

I '

i

,I

· I

i i

I .

I I

I I" .

2 8 ETUDES P OS TC OL ON IA LE S E T L I1 TE RA TU RE I)U CO MM ON WE ALT H A U P OST CO LO NIAL

critiques appropries ou contemporains. Ensuite, on pent dire que

la demarche qui fait de I'ecrivain un acteur culturel et politique,

porte-parole d'une conscience collective et contestataire, n' est

pas majoritaire dans la critique anglo-saxonne. Pour sa part, le

debat politique «continental », pour parler comme les Anglais, a

depuis longtemps tenu compte des theories marxistes et despresupposes ideologiques, Apres l'impact de Said, le mondeanglophone se met a lire Fanon, rneme s'il ignore Sartre. Les spe-cialistes de litterature se posent maintenant des questions sur

« I'invention de la tradition » apres Anderson, et la place de l' ima-

ginaire dans la constitution d'une nation, apres Hobsbawm, tous

deux historiens". On sinterroge avec Gramsci et les theoriciens

indiens sur la parole a donner aux «subaltemes» au lieu de ne tra-

vailler que sur I'ambiguite de la creation esthetique. C'est comme

si les Australiens, les Canadiens, mais aussi lcs Indiens et les

Africains n' avaient pas la mcme reticence devant Ies grandes

syntheses theoriques que les Britanniques.

Les theoriciens du Vieux Commonwealth, it la suite des

auteurs de The Empire Writes Back relevent des sujets fertiles. La

thematique de l'espace est relue comme une thematique de la car-

tographic. Celui qui trace les frontiercs et nomme les Iieux prend

le pouvoir. Les textes de fiction mettent les cartes au premier plan

dans une vision souvent ironique Oll parodique. On peut parler

d'une obsession pour les references spatiales qui resistent a touteforme de cloture cartographique, chez Amin Malouf (Australie),

chez Margaret Atwood (Canada). La description des lieux est une

forme de prise de possession, comme Ie demontre Marie LouisePratt dans Under Imperial Eyes, avec des analyses stylistiques

convaincantes de textes issus de cultures dominantes. II ne s'agit

meme plus de definir I'espace, mais parfois de dire la souffrance

du non-espace des immigres: «II faut trouver les mots pour notre

absence de lieu », pour parler de notre «terre natale muette ».7

Quant aux ecrivains des Nations Premieres, «First Nation

Peoples », ils disent comment ils sont dechires entre r alienationct un sens d'appartenance en Nouvelle Zelande, au Canada.

La vision se fait globale, dans une dialectiquc mainces foiscxpliquee des marges et du centre qui valorise les l"'rl~;~j(]~f-:';)~ ·~·J(~ J-~.;.;.r. ' . J . / l~ ~ _ " ' : " " . . D. _ b 0 2~n . ' . . ; , , . . /{~~:l.J\

de toutes les resistances et de toute reelle creativite : 15cxcmpie fIe

ce que les createurs irlandais ont donne aux Iettres en :::rngIajs estsouvent cite. Choisir la marge, une position cxcentree pour SO]]

discours est en fait un acte politique, le choix d'un espace hybridc.. tt d' b I" 1 barrie d ~ ~ oqUI penne fa a 0 If es arneres e sexe, race et de langl1cU<

.Le projet decentre, anti -hegemonique est de «prcvincialiscr1 9

~~, .. o I P ... _ _

Europe» · Mats dans certains llCUX, en dehors du Common-

wea l th blanc (que certains appellent maintcnant « Second

Monde» pour le distinguer d' un Tiers Mende d o n l in e \ ) hi r e s j ~ . s < " · ·

tance culturelle n'est qu'une des manifestations dune resis.ancc

politique active. Des oeuvres, en lnde, au Kenya, en ..Afrioue dLl

Sud,~s~nt ~crite~ ~ans I'urgen~e d' nne si tuati on ins up'poJ~~·tab1e"

Les ecnvams qU I nsquent la pnson, i'exil au. la mort ne font nas.1

de jeux post-modernes purement auto-rcfcrcmiels. I.J(llitte:rat·~lre

peut alors avoir une fonction de protestation directe ccmrne les.'- .../

pieces jouees devant des publics populaires et vite irrte~rdites

(Ngugi), ou les poemes militants recites en public (Osundare )10"

En Afrique du Sud., romanciers e t poetes pren.nent ce type' : c 1 . : : : ;

risque. Et les createurs inventent souvent de nouvelles f ~ c ; r : n r A e Spour etre efficaces s o i t chez e u x q u a n d i l s echappent a J I B . .ensure,

soit pour changer le regard de I' exterieur sur leu; pays, {).n

retrouve certaines modalites de la litterature dire «engaE(~6e»de

I' "._J .~

. apres-guerre en Europe. Ce type d' oeuvre suscite lcs 1JJenC1eS

dilemmes pour qui veut poser des jugements de valeur: y a-t-il un

sens it opposer qualite esthetiquc (definie comment 7) et fonctio..politique?

,.~--------.. . ___

8. Laura eli Michele, «Foe by Coetzee », dans lain Chambers et Lidia 'Curt i ,

eds., The Post Colonial Question: Cornman Skies) Divided Horizons,

L on dre s, N ew Y ork, Routledge, 1996, p. 158.

9 «Let us cal l th is th e project of provincializing 'Europe', the 'Europe' that

modem imperialism and (third-world) nationalism have, by their collabora-

tive venture and violence, made universa l .» Dipesh Ch8.krabnriv~«Poscoloniali ty and the Arti fice of History », dans Bill Ashcrof t , tja[el~h

Griffiths etHelen Tiffin, op. cit., p. 385.10 L ·" d N · · fu ~ dia piece e gugi qUI t inter r te e t fu t cause de sa mise en detention es t

une piece en kikuyu (traduite en anglais Mother, Sing fo r lVle.) Pour T < H y ~ ~

Osundare, voir: Niyi Osundare, Selected P O e n 1 . . ' 5 , O x fo rd , H ein em a nn ,1992~

.. - - . . . . .

Benedict Ander son , Imagined Communities: Reflections on the Origin and

Spread of Nationalism, Londres, Verso, 1991. Eric Hobsbawm et Terence

Ranger , T he Invention of T radition, Cambridge, Cambridge University

Press, 1983.

«Try to speak th e words of your home and yo u will discover - if you are a

colonial - that you do not know them.» Dennis Lee, «Writing in Colonia l

Space », dans Bill Ashcroft, Gareth Griffiths et Helen Tiffin, cds., tt« Post-

Colonial Studies Reader . Londres/New York: Routledge, 1995, p. 400.

6

7

 

i" II '. I I' .

i :

Page 16: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 16/38

,

i I

I I! Ii I .

30/ 'ETUDES POSTCOLOIVIALES ET LI1TERATURE DU C

f

O 'l1 1MONWE JiLT 1-1 AU .2POSTCO.LOIVIAL

I

,,

I I

Les ecrivains des pays domines, au pays du Sud, ou encore les

minorites a l'Interieur des pays du Second Monde - Aborigenes,

Maoris -, appeles parfois «Quatrieme Monde », utilisent des

themes qui ont d e ja e te recenses mais qui S011t representatifs d' un

combat plus general que I'univers imaginaire particulier de

chacun. La langue est vue comrne devant faire I' objet delibere

d'une conquete ..L~Antillaise Jamaica Kincaid exprime sa colere

devant Ies esclavagistes: «La seule langue que j'aie pour parler

de ce crime est la langue des criminels qui commirent ce

crime.»!' Le poete antillais E.K. Brathwaite evoque les ecoliers

de SOlI pays, completement alienes par les modeles etrangers, qui

commencent leur redaction par «La neige tombait sur les champsde canne it sucre »12. L' anglais est toujours plus libre par rapport aune nonne centralisee que lc francais, rnais l 'usage de formes sty-

Iisces du pidgin ou du creole par Antillais, Africains, Poly-

nesicns, pose des problemes d' intercomprehension meme si c' est

un geste identitaire tres fort dans les cas de reussite comme chez

Selvon ou Chamoiseau.La reconquete de l'image de soi passe aussi par la reecriture

d'une histoire que les peuples dominants se sont appropriee. Onetudie la masse de romans et piece qui reecrivent l'histoire de la

colonisation mais, comme chez Achebe, du point de vue des vil-

lages qui voient leur premier missionnaire, Toute une production

tente de redire le «voyage du milieu» des bateaux negriers en

imaginant la subjectivite des esclaves deracines. Les grands

ancetres et surtout ceux qui resisterent aux blancs trouvent des

celebrations mythiques dans des poesies, des pieces, des romans:Chaka Ie Zoulou par M. Kunene, Ie Mau Mau Kimathi par Ngugi

wa Thiong' 0, les rebelles maoris chez Ihimaera. Plus recemment,

de jeunes romanciers en Inde se tournent vers la periode san-

glante de la partition entre Inde et Pakistan, fictions fondees sur

le temoignage de leurs proches plus que sur l'histoire officielle. II

s'agit d'echapper au discours dominant et de revendiquer une

interpretation et meme une subjcctivite autre. Tous ne trouvent

pas un tel reconfort a reformuler l'histoire. Le poete antillais

Derek Walcott revcndique un non-histoire, a 1J oppose de la

recherche de toute origine pure':',

Cette histoire reprise et souvent glorifice est la marque d~un.. --

sentirnent national, et meme nationaliste. Des ecrivains qui ont .~u.

Fanon font du sentiment de l'identite nationale un eicment de 13.

lutte pour la reconquete de 1~autouomic. Cela semble souvcnt

aller de soi, mais avec le recul pent poser certains problemes. LesAfricains marques par Ie nationalisme culturel, influences par

l'anthropologue anglais Malinowski peuvent, pour des raison

tactiques, presenter une vision passeiste de leur culture. Okot

p'Bitek, pocte ougandais, tres lu en Afrique, a plaide pour la tra-

dition: «Do not uproot the old Pumpkin », «ne quittez pas votrc

case, Ia citrouille deracinee ne repoussera pas »14. Mais sa vision

d'un ordre patriarcal et hierarchise est conservatrice, malgrc lies

lectures progressistes que I'on veut faire de son oeuvre. II y a

parfois des contradictions quand ilfaut choisir entre les oppres-

sions, comme lorsque Ngugi dans son nationalisme passionnedefend f'cxcisicn des femmes. De maniere gencrale cependant, la

critique postcoloniale prend acte du fait que Ies productions des

pays domines evoluent, partant des revendications nationales

pour aboutir a des protestations contre un nouvel ordre mondial,

La, comme les analyses thcoriques cherchent d' abord Ics points

communs it toutes ces formes de resistance, lc propos risque de

perdre sa specificite et de se diluer en une prise en compte de tous

les combats contre I'oppression.

. ,

: i I I , ;I ·1·' I

! : I I . . II i

r i 1

~ I· I

i I .:! I'. I

i· ·1

( 'I;

) ; ' II

u r: .I· .

I! II .I .I: '. I

I . 'I

i 'I ·1

, ,

,

I, .I .. 1 ,

: 1: 1 . . I

· .1 . .

. , I · ..

I

II .

. , I I ' I 'I :, .

I

I..I '

I I I

II ' I.

. ': 'I·I: i . .

, ' ; . 1. :

: 1: I .

, .

I " .

; . I I i.

1

!, ' 1

I 'I

II ; I '.. I

'-

AU DEJL.A DES ESSENTIAJLISIVIE§

Les textes de resistance, quils scient des ceuvres de fiction ou

des ouvrages critiques sont portes par nature aux.paralleles et aux

symetries, en un mot a une representation simplifiee des emites

en presence. C' est run des premier reproches que I'on a pu taire

aux analyses postcoloniales de The Empire Writes Back, entre

autres. Comme pou.r Said a qui on objcctc que sa vision de

I'Occident est tout aussi essentialiste que I'Orientalismc lui-

meme, certains trouvent que Ia vision dune litterature de reCOB"·

, I . '

11 «The only language I have in which to speak of this crime is the languageof the criminal who committed the crime.» Jamaica Kincaid, A Small Place,

~

Londres: Virago, 1988.

12 «The snow was falling on the cancfields.» Edward Kamau Brathwaite,

«Nation Language» dans Bill Ashcroft, Gareth Griff iths et Helen Tiffin,

op . cit., p. 3 1 1 ·I

. .I ~

: I !. ,

,

. II 1 .

, .I .

LI Derek Walcott, «The Muse of History», dans Edward Baugh, ed. , Critics

on Caribbean Literature, Londres: Allen &Unwin, 1978~ pp. 38-43.

14 Okot p'Bitck, Song of Lawino, East African Publishing House, 1966.'I .

,. ,

I . I

·1I .. ,, ,

I

,I .

 ~~.------------ . -

. I! I

i I~ ., I : :

-- - -- .- . _ . _ .._---_. _ _ ... __ . -_.

Page 17: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 17/38

: : I I · !II

I

, ~ . , I, ,

I

, 'II .

:I . i I, "

: II ,

. i I

I

: . ' i ' ·. , . I,

. I

I .

1 .

i 1 . ; , .

i·. I I· I

I· , .1.

I

, ,

. i l l 1 · 1 .I I ,

I ;,

! ·11 u. . I I .

,I .

i . I

,

' : · 1 , I I · I

· , ,

. ~·I ,

.: I I · ' . ,j •. 1 1: II ,

• • I •

I , " I·. I .

I

I .

· : I. i .

,:II ! .

I ':

,

· ; . I ; !

. I '.

I I :,

,, .

I. i I .

, . I

. I· :II I

, . I !. I

1 ' 1 ' :I I, :

I I Ii ~ !

I: , . .I I I ' : · , .1 I I'"l, .

, I

.1

,I

, I, ',

I I

I : I I .

I I: '. , , I

. i .,I . .

, ,

Ii, I, :

: I'1 ,

i ' , .: I

• I.

i . I I

I.,'

I

! Ii I,! ~

I· ,: I

: I

, . l' I

'I , I

I ; I : I

! : .1,• ( ; i

i I II. 1 : ; I:·· .

II ! !

, !, .

I !

II : !.I :

i : ,I, .

' ,; ,

I: .

I l,

I

I

, .1

lll . ;

, , ,,

" ' '!

32 ETUDES l~OSTCOLONIA-LES ET LITTERATUREDU CO .MMONWEALTH AU POSTCOLONIAL 33

quetc des marges est trap homogene. Ellc confondrait les

problemes des bourgeois canadiens anglophones par exemple,

cherchant a se definir face a leur voisin americain au Sud comme

face a la Grande Bretagne des origines, et aussi par rapport

aux Indiens, aux Metis ou aux minorites de limmigration non

europeenne qui vivent a leurs cotes. A l~,~eure ?es luttes dit:s

ethniques et des divisions communautanstes a base parfois

fondamentaliste, on s'interrogc aussi sur la pertinence des reven-dication nationalistes et sur la reappropriation des identites

culturelles sur fond mythique, toutes les quetes d'une authenti-•

cite impossible. Les lecteurs de litterature se trouvent prls

dans des debars politiques et ideologiques dans des domaines

pour lesquels ils ne sont pas toujours assez competents ou infor-

gation existentielle". Cette reflexion qui depasse Ie commentaire

sociologique s' exprimc done par des textes plus fouilles O U les

romanciers se forgent une ecriture neuve.

Homi Bhabha, critique indien, est l' un des premiers a avoiroppose a la vision d'E, Said une theorie plus complexe autour de

l'hybridite. II souligne la part d' imitation chez Ie colonise, maisaussi la facon dont lc colonisateur est modifie par son sejour dans

Ie pays autre. II trouve des exemples de ce va-et-vient dans la

Ionguehistoire des rapports entre les Anglais et l'Inde, Pour lui,

c'est par cette influence reciproque des partenaires que passe Ie

desir de changement et de modernite, Apres des annees ou l'on a

souligne les oppositions binaires entre centre et marges, colonise

et colonisateur, moi et Autre, les lecteurs et les createurs se font

plus attentifs aux marques de I'intimite singuliere du colonisateur

et du colonise. C' est dans ce sellS que" reflechissent les Indiens

Bhabha, Suleri, le Canadien SIemon, Ie Ghaneen Appiah. On

pourrait reflechir aussi a ce qu'upporte cette analyse sur les liens

entre Francais et Algericns.

.Maintenant que I'on a commence a rcflechir sur la delimita-

tion d'un corpus, il se dessine une nouvelle carte qui brouille les

categories. Lorsque I'on etudie les diasporas en effet, quai de

commun entre les habitants d' origine indienne disperses dans le

monde, si ce n' est justement leur distance grandissante avec la

culture de leur lointaine origine? II y a quelquc chose d' artificiel

a vouloir a tout prix comparer les ecrivains venus d'Asie - Asians-

de Guyane, de Fidji, d' Afrique du Sud, de Trinidad, du Canada ou

encore comme M.G. Vassanji des «Indiens africains de l'Estvivant au Canada» (Canadian East African Asians). La notion

d'Atlantique Nair de Gilroy relie Antillais, Africains-Americainset Africains. Pour certains ecrivains comme Toni Morrison ou

Maryse Conde, Ierapprochement est fructueux, mais ce n'est pas

vrai pour tous ni pour chaque texte d'un meme auteur. Le risque

est de reduirc les ouvrages a une de leurs dimensions: I'reuvrc de

Morrison est lue au Zimbabwe comme un document sur I'op-

pression raciale, mais la dimension d'une romanciere qui

descend aussi de la modernite de Joyce et Faulkner peut etre

occultee par cctteIecture. Comme pour les romanciers d'Afrique

,mes.

Sur Ie plan des concepts, toutes les elaborations autour de la

figure de I'Autre, magnifie au redoute parai.ssent ~ certains trop

binaires, On peut choisir des ecrivains qut ne disent p~suneopposition radicale mais decrivent les nuances des sentiments

meles de desir et dalienation qui sont ceux de l'habitant de I'an-

cien Empire face a l'Europe. Leromancier indien Amitav Ghoshexplore au plus intime les contradictions de ces rapports amour-

haine que ron trouve aussi chez des auteurs du Maghreb 15. Le

Guyanais Wilson Harris est aussi philosophe et da~s ses t~xt~s deprose poetique ilmet en mouvement des contralr~s qUI V l ve n~

I'Ul1par I'autre. L'Indien S. Rushdie refuse toute nouon de pure~e

nationale ses heros ant un trop-plein de parents de toutes on-

gines, comme dans Les Enfants de Minuit. II celebre la batardise,la mosaique, Ie patchwork, la chutneyification cest-a-dire le

melange du plus grands nombre d'epices et d'Ingredicnts pour un

produit final savoureux. Le Trinidadien de la con:~nunaut~

indienne, V.S. Naipaul, consacre tous ses textes de fiction aUSSl

bien que ses reportages en Inde, dans les pays d'Islam, dans le

Sud des Etats-Unis, en Afrique; a essayer de dire un monde de lamobilite et de l'appartenance plurielle. Ce sont quelques

exemples seulement, mais ilest significatif qu'ils viennent tous

d'ccrivains majeurs. On pent alors penser que, chez eux, ~eques-

tionnement sur une condition deplacee debouche sur une interro-

P ' . . .. • 'P .

1 6 N'est-ce pas fondamentalement le proprc de l 'homme que de n'avoir pas de

maison, sc dcmande VS. Naipaul dans La maison de Monsieur Biswas, etde

devoir accepter cette condition dcposscdcc, «unaccommodated», comme le

comprend lc roi Lear, seul sur la landc ?

15 John Thieme, «Passages to England », dans Theo d'Haen et Hans Bertens,

eds., Liminal Postmodernisms. The Postmodern, the (Post-)Colonial and

the (Post-il/eminist. Ams te rdam, Atlanta, Rodopi, 1994, pp, 61.-70.

  --_ .... _.

I : , II : : I ;

! i j ;l ! :

;1

. .- - .._ . - ----~-----------

Page 18: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 18/38

I

, ,Ii' .

I : :

· I i i .i ',I i l , · i. I :: II .

!

: I

I

. 1 ~ .

! I .I .

. i!I !, ,

ll l I

I ! I I .

I: I, ,

I . ~

: I I;

I I

I ~ I,

. j ,. ;

I I I I,

: I' Ii i. .I .

I; I

I ,: .~ i . ~

, I' I·! . t:

I I

Ii I; i

·1: ! '· · 1 '' . : : :i

. I :!

. . ; I , :

. . I

~I ~ ! i II I· .

I

",I I '

· . I ~: .1 1

I· I I· !, .

; .I

,, .

I: "· ,I ,

i , I. I; , I II : . , .

· .· :

,, I

. I .: . I ;,I .~ .I

I;, !

. : 1 1 : i

l ' ;I'

; I. I. .

:: I r

I: I• : I I .

'j, i I 'j

W i l l , '.I '

I;

· 'I

i·i, .I .

l' .·1 ! I

. II·

· I Ii r • I

I . ~

i . : '

: I I·1,

: : I

. !

i II I ' ~ II I·.: I.

' I I \! I I;" ,I

I i, I ,

I! , ! I . .

! i I

. i,

: 1 .1 :

! . II . ,

: I : i

, ,, I

, I

,I

I ' II

.r: I

·1 II I! I

I

I .

; I I~ .

i '

! i '. I

34/. /

ETUDES POSTCOLONIALES li'T LITTERATURE IJU COMMONVVEALTH AT } POST'COLONIAL 35

du N-ord en France, se pose fa question de la Iitteraturc immigree,

Est-il utile de la traiter avec la litterature postcoloniale des pays

d' origine ? Ou faut-il lire Calixthe Beyala, Marie Ndyaye, Tahar

Ben Jelloun avec Ie reste de la litterature publiee a Paris? Ou

mettre Caryl Philips, ne en Angleterre de parents antillais, et

vivant en partie aux Etats-Unis?Un livre recense les ecrivains«Black» de la Grande-Brctagne, en prenant ce tenne dans Ie sens

Ie plus novateur et positif Mais I'on reste dubitatif en y voyant un

assemblage hctcrogcnc ou figure Ishiguro, d~origine japonaise,

des auteurs dont les parents sont venus de tout le sous-continent

indien. Cer tes. , qu'importent les criteres, puisqu'il y a toujours

une part d'arbitraire aux franges, mais alors qu'apportent ces

regroupcrnent a la lecture des ceuvres ?

II est nccessaire de rester tres pragmatique et de se rappeler

que pas plus que la notion du Commonwealth comme champ de

production et de reconnaissance, la theorie postcoloniale, ou

«postcolonialite »ne peut epuiser la lecture d es c eu v re s majeures.Un certain nombre de critiques et d' enseignant font maintenant

remarquer a quel point cette theorie a choisi ses propres textes.

C'est vrai de toute theorie critique qui ne peutjamais pretendre ala scientificite. Les analyses structurales de Riffaterre fonction-

nent a merveille sur les poemes de Baudelaire, un peu moins bien

ailleurs. Les evolutions du jugement critique sont liees aux chan-

gements politiques, mais aussi aux changements dans les institu-

tions universitaires, dans I'edition, dans le statut des ecrivains.

Au moment present on peut affirmer que la theorie nee apres

Orienialism, The Empire Writes Back et les textes qui ont suivi, adurablement change le regard porte sur la production Iitteraire

.dans I'institution et dans la vie culturelle en general des pays de

langue anglaise.

Beyala, Calixthe, C' est Ie solei! qu i m 'a briilee [1987], Paris, J'ai lu,

1998.

Coetzee, J .Wl . , Foe, Paris, Seuil, 1988. (Foe, Londre s , Martin Seeker et

Warburg, 1986).

Conde, Maryse, Segou: le s murailles de terre r 1984], Paris, Le livre de

Poche, 1987. T rav erse e d e la mangrove [1989], Paris, Gallimard,1992~

Ghosh, Amitav, Lignes d'ombre (trad. Christiane Besse), Paris, Seuil,

1992. (The Shadow Lines [1988], Londres, Viking, 1990).

Harris, Wilson, Le palais du I J Q o n (trad. Jean-Pierre Durix), Paris,

Serpent a Plumes, 1995. (The Palace of the Peacock, Londres,

Faber, 1960).

Hernon, Louis, Maria Chapdelaine, Paris, Grasset, 1963.

Ihimaera, Witi, The Matriarch, Auckland, Heinemann, 1986.

Kunene, Mazisi, Emperor Shaka the Great, a Zulu Epic, Londres,

Heinemann, 1979.

Malouf, Amin, 12 Edmondstone Street, Londres, Chatto et Windus,

1985~

Markandaya, Kamala, Une poignee de riz; Paris, Laffont, 1992. (A.-

Handful of Rice [1966], Delhi, Orient, 1985).

Morrison, Toni, Beloved, Paris, Christian Bourgois, 1989. (Beloved,

Londres, Chatto et Windus, 1987).

N aip au l, V .S . Crepuscule sur l'Islam : voyage au pays des croy ants ,

Paris, Albin Michel, 1981. (Anlong the Believers: An Islamic

Journey, Londres, Andre Deutsch, 1981). Une viree dans le sud,Paris, 10/18, 1992. (A Turn in the South, Londres, Viking, 1989).

L Inde, un million de revoltes, Paris, Plon, 1992. (India: A MillionMutinies Now, Londres, William Heinemann, 1990).

Ndyaye , Marie, La femme changee en biiche, Paris, Minuit, 1989.

Ngugi wa Thiong'o et Micere Mugo, The Trial of Dedan Kimathi,

Londres, Heinemann, 1976.

p'Bitek, Okot, Song of Lawino, Nairobi, East African Publishing

House, 1966.

Philips, Caryl, La traversee du jleuve, Paris, L'olivier, 1995. (Crossing. .

the River, Londrcs, Bloomsbury, 1993). La nature humaine, Paris,

Mercure, 1999. (The Nature of Blood, Londres, Faber, 1997).

Prawer Jhabvala, Ruth, Chaleur et poussiere, Paris, Stock, 1975. (Heat

and Dust, Londres, J. Murray, 1975).

Rushdie, Salman, Les enfants de minuit, Paris, PIon, 1997. (Afidnight's

Children, Londres, Jonathan Cape, 1981).

Scivon, Samuel, Moses Ascending [1975L Oxford, Heinemann, 1984,

Vassanji, M.G ..,The Gunny Sack, Londres, Heinemann, 1989.

, i

I· ,. ".,

BIBLIOGRAPIIIE

(Euvres

Armah, Ayi Kwei L'iig» d'or n'est pas pour demain, Paris, Presenceafricaine, 1976. (171e Beautyful Ones Are Not Yet Born [1968],

Londres Heinemann, 1969). Fragments [1970], Londres, Heine-

mann, 1974.

Ben Jelloun, Tahar, L'enfant de sable, Paris, Seuil, 1985. La nuit sacree,

Paris, Seuil, 1987.

. .

I !

I ~I ', .,

, I 1

I ',. ,",

  ...., _...... ........._ . . . . . . . . . . . . . .............. _ - ----,_,_ . --

Ii II ,; I I

Page 19: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 19/38

I I :

,

I li ,l i : I '

I

,

i '

,

~ i I I, I II : ' i 'I " ,, , ,

"

I :

: ; I,

I I, ~I '

, :

i ' I :,

I, ', 1

36 ETUDES PO STCO LO NIALE S E T LITrERATURE

Essais

Ashcroft, Bill, Gareth Griffiths et Helen Tiffin, The Empire lVrites

Back, Londres, Routledge, 1989.

- eds., The Post-Colonial Studies Reader, Londres, Routledge, 1995.

- Key Concepts in Post-Colonial Studies, Londres, Routledge; 1998.

Atwood, Margaret, Survival: AThematic Guide to Canadian

Literature, Toronto, Anansi, 1972.

Bhabha, Homi K., The Location o f Culture, Londres, Routledge, 1994.

Chamoiseau, Patrick et Raphael Confiant, Lettres c re ol es : tracees

antillaises et continentales de la litterature 1635-1975, Paris,

Hatier, 1991.

King, Bruce, ed., New National and Post-Colonial Literatures, An

Introduction, Oxford, Clarendon, 1996.

Pratt, Marie-Louise, Imperial Eyes: Travel Writing and Trans-

culturation, Londres, Routledge, 1992.

Redonnet, Jean-Claude) Le Commonwealth: Politiques, cooperation etdeveloppement anglophones, Paris, PUF, 1998.

Walcott, Derek, «The Muse of History», dans Orde Coombes, ed., Is

Massa Day Dead? Black Moods in the Caribbean, New York,

Doubleday, 1974.

~

DEVELOPPEMENT./

D'UNE THEORIE POSTCOLONIALE

I

I !

DISPARITION DES FRONTIERES

ENTRE DISCIPLINES" I

I: I i ' "!

, ,

, I

I I 1 1 1 ' 1 i l' ;; ,

, : , I ' '

: ' ,! II , I :I: ~

,

Ii d i, I 1,

I

I: I ' '

, I i , ' :I

I '

,!' I:' I

I ' " ,

I

" I !' :

' I I 'I: I : I

, " 'I

" , } I I " "I ' I I

I I ' , ! ', II '

, ,, !

iI

I II 1

Les etudes postcoloniales bcneficient d"une remise en cause

de la repartition des specialites dans les sciences humaines et

contribuent aussi a en brouiller les frontiercs, A l'heure ou des

disciplines comme ethnologie, anthropologie, sociologie, his-

toire sont soupconnees de rr'etre finalement que des discoursparmi d' autres possibles, plus revelateurs d' une recherche de

pouvoir sur I' autre que d'une «realite » observee, Ie domaine

postcolonial se trouve au cceur du debat. Les geographes recon-

naissent qu' en etablissant des cartes, ilproduisent des textes, des

representations qui sont toutes des choix Iiees a des visions ou ades imperatifs politiques. Certains d'entre eux vont meme

jusqu'a lire les ceuvres de fiction pour y etudier les modes de

representation de l'espace. La demonstration de l'aspect finale-

ment subjectif de toute ecriture de l'histoire ou du point de vue

cthnocentriste de I'ethnologie ou de l'anthropologie est facile aIaire. Le debar peut aller tres loin, car certains contestataires

affirment que toute pretention scientifique a l'universel trahit

I' cmprise de la facon occidentale de penser Ie monde. Sans aller

jusque Ia, on peut dire que l'on est entre dans l 'aire du doute sur

la legitimite des territoires decoupes dans Ie savoir. Un symp-

IC Hn e - ca us e ou consequence? - en est la nature disciplinaire

Houe des penseurs les plus en vogue en particulier aux Etats

I nis: Derrida, Foucault, Lacan, entre autres sont de ces cher-

cheurs paradoxalement davantage reconnus en dehors de leur

discipline d'origine. Ce qui ne veut pas dire que la philosophie,

la sociologie et I'histoire cessent de fonctionner comme telles,

mcme outre Atlantique, mais qu'il ne faut plus setonner de voir

lcs tennes et les concepts de la psychanalyse, de l'histoire poli-

Iique ou de la rhetorique classique coexister dans Ie deba t sur les

productions culturelles postcoloniales. On va rneme jusqu' a pro-

I, I '

i i ' : '! ,

I r ;I II !

II, ,

'!. i

I ' ,

I ~

: i l l ' i! i,I I'I' I ;

, , ' ; I : , '

I, ~i i

'I ~ I, ,, I

I! iii II : "

I I I 'I " I

: ' , I I I ', ! : I 'l l ' ,, ! I ,

:'Il,!I, ' ! 1 11 1: '

, 'I ! I

' I ' :, : 1: i ',

,I I .

, ! I I

I I 1 I

I' ' : I I I ' ! : ,, , , I '

' I: . ' II: II I, , I, I, I

, : , i ! I I : ; I

: ' I , I 1

I '

,

I '' I :

: 1 ,I I ," I I

: I ' '  _ _22...----: I 4~.Pi t . . . . .. .1' . 4 . .. ..'01 . . 1# _ . _ . . . . . .. .; . . .. . . . .. . .l...,.....F _ • _ _ . . . . A--- .....---------.-~ ----- ... --.----- ...~ ------~~-~----

. ,

, ,

Page 20: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 20/38

. .

; 1 '

,

I I ,I

' I ) , 'I

. , l l

:·1 i"i I .

: ! I: I '

, , ! I I , '

II '

)"i .

. 1 I· .

. I I ;1:1 ..

! i r I

, .! 1 ' .

, ! I. I ! 1 , 1

1 1 ( '

Ii II '! ! 1 "

" : : , I I: 1 1 .•

i II I!. ~ I' . I

I ~ I I 1

·11 I·~ II ' . ': !

• ~ I

I l i ' l !I ,! II .

: 11 11 ' ,'

I: ! I" ' i . '. i. , . . ~ I

;;

.1.1

: I!

, !· :. .

I ,I .

; Ii I ,' ·:1 'I

~ 1 ,

, I I .! ' · 1 . '

I, ; I i ' I

1 1 '

, ,I ii"

1 : III I··1 i !,

. ! I· I .

38 ETUDES POSTCOLONIALES ET LIITERATURE~ ~

I)EVELOPPEMENT D'UNE THEOR IE ,PO ST COLONI AL E 39

clamer la plus grande fertilitc des marges et des frontie:es

comme lieux 00 les visions se renouvellent, dans le monde geo-

graphique comme sur lc terrain du s~voir. II f~u~ .raill~ursajouter que Ie mouvement n' est pas toujours synletnque: S. l les

« litteraires » se servent beaucoup des autres SCIences hurnaines,

les sociologues par exemple, dans leur majorite ne lisent pas

volontiers les reuvres de fiction de leur champ d' etude et encore

moins les critiques.Parler de production culturelle souligne aussi un autre glisse-

ment: dans beaucoup d'rnstitutions universitaires anglophones,

les cursus danglais, cursus Iittcraires, tendent a laisser la place ades «cultural studies ». Maintenant que l'etude des textes de la

«Grande Tradition» n' est plus soutenue par un projet national,

pour l'Angleterre, ou une visee coloniale «civilis~trice )~,pour

I'Inde au I'Australie, leur justification semble moms evidente.

Dans des universites autonomes, en concurrence les unes avec les

autres, un enseignement concu comme trop traditionnel pour'attirer lcs etudiants est remplace par des filieres sur les produc-

tions culturelles, avec toute la gamme des sens du mot «culture ».

II s'agit ou d'un examen de tous les modes contemporains ~'ex-

pression -la mode, les series televisees, les romans populaires -

ou d' etudes par zones: filiere d'etudes caraibe.s , o~ ~ostco!~-males, ou encore «Black Studies» dans les universites amen-

caines. La demarche y est par nature plurldisciplinaire.La reflexion sur les changements a t 'interieur des pays emer-

gents, et sur le regard mutuel en~r~ces demiers.et le monde, oc~i-

dental, porte autant sur la definition .de son ~bJet ~u~ s~r 1.obJetlui-meme. La description de G~Spivak, univcrsitatre indienne

tres influente montre eet ancrage dans une theorie qui parait,.; ~ .-

s' eloigner de son objet': «Sans se cons.ider~r co~e cntique

dans un de ces domaines particuliers, Spivak intervient dans les

debats feministes, marxistes, deconstructifs et psychanalytiques

en testant leurs frontieres et en privilegiant line perspective post-

coloniale.» Dans un effort pour generaliser a partir de situationssi diverses, cette reflexion semble prendre une grande distance

par rapport aux realisations singulieres. On ?st frappe a la le~turede tous ces textes, au demeurant fort interessants, de VOIr le

nombre d'entre eux qui sont de la theorie sur la theorie, des

reponses et des dialogues entre chcrcheurs qui se renvoient les

memes exemples. Les memes textes de Shakespeare, Conrad, ou

Achebe sont toujours evoques ou encore les ecrits theoriques des

ccrivains comme Soyinka sur le my the ou Walcott sur I'histoire,

Tout ceci explique qu'une tres grande partie des textes sur Ic

postcolonial apparaissent difficiles a classer pour un Francais auun Europeen pas encore gagne par cette fusion des specialites.

L'introduction de l'etude reccntc sur le roman francophone

precise bien cette difference de pratique, puisque Ies auteurs pro-

posent certes «des attitudes de lecture» en liaison avec la «theo-

risation des mecanismes de l' emergence» mais s' intcresscnt

d'abord a la dimension Iitteraire des textes puis seulcment dans

une deuxieme temps a leur aspect: «geopolitique, Iinguistique,

ou plus globalemcnt, ideologique ou identitaire ..»2 Une curieuse

ressemblance de surface avec la critique traditionnelle s'exprime

dans Ie recours a des termes de I'ancienne rhetorique, Si «I'm-

conscient est structure comme un Iangage » selon Lacan, ilsem-blerait que le discours colonial ou neocolonial puisse s'analyseren termes de tropes. Apres Ie critique rnarxiste americain Fredric

Jameson qui emit I'idce que Ies litteratures postcoloniales privi-

legiaient I'allegoric comme mode d' expression nationale, Spivak

propose que tout texte meme le plus realiste soit tenu pour nne

forme de catachrese, ou metaphore grossie. Et les autres cher-

cheurs usent abondamment du zeugma, du chiasme et autres

figures pour definir la facon dont Ies societes imaginent l'Autre et

construisent un texte pour dominer ou resister.

Des exemples plus precis montrent comment les disciplinespeuvent s' i nterpenetrer, en particulier par la relecture des

ouvrages anciens a la lumiere des nouvelles theories. Les herosprivilegies de Jane Austen, dans Mansfield Park, ne vivent des

vies protegees que grace au revenu direct de plantations esclava-

gistes. Les romans les plus experimentaux de V. Woolf comme

Mrs Dalloway et The Waves sont eclaires d'une autre lumiere

quand on demontre la place centrale des personnages qui defen-

dent l 'Empire. Pour certains comme Jameson, IeModemisme est

etroitement lie a I'Imperialisme qui en est un element constitutif,

11y a on le voit matiere a debar. Dans I'etude d'une litterature non

, ,.:' :::. .

1 1 : 1 ; : .

: 1 I I : ., .1

: 1 . I: I··: I I

i i i · . . I I

; , . ; I ' i · . ,i , I ' ; :I I !

,

' i .I

!I i. 1

'I ' I I ' ·, . ! I I

! ' il il l" ' :, •, I I ,I ; I.: : I .; .. . ' l' I

. I

1 I

1

'.I :

: I : · I ' · ·• ,

! I :

'; I! I

1.1 .u: ~

! I.. I ~ , 1

. ! I .~ I I

: 1 I

: 1 ' 1 ' "I '·1 I : . . ,!'i . I '

': .

. 'P • .

1 ' : t Peter Childs et Patrick Williams, An Introduction to Post-Colonial Theory,

Londres, New York, Prentice Hall/Harvester Wheatsheaf, 1997, p. 157.

2 Charles Bonn et Xavier Gamier, Litterature francophone. 1. le roman,

Paris, Haticr, 1997, p. 28.

I : I

! ' I··, iI ! .

! 'I .I·

r ! 1,1 I , : : , '!, I

,

I · :. '

1

 

-_ .I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . _._ .

~ - - - - - - - - - - - - - - ~ ~ ~ - - ~ - - - - - - - - . . . - - - ..

Page 21: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 21/38

40 ETUDES POSTCOLONIALES ET LIITERATURE

nationale, on ne pent jamais supposer connu le contexte, ce qui

explique que civilisation et Iitterature etrangeres aient toujours

e t t S ctudiees de pair. Le corpus postcolonial amene par sa nature

meme it s' interroger sur les ideologies, les imaginaires et le

contexte politique de cultures autres, necessite moins ressentie

pour l ' e tu de de notre propre Iitterature nationale. Cela explique ala fois Ie mouvement qu i va conclure que toute ceuvre est poli-

t ique, I' c euvr e d ' un pays imperialiste etant un e forme de domina-tion politique, mais aussi le mouvement de retour qui amene areexaminer chez soi les Iitteratures nationales a la Iumiere desoutils nouvellement forges: le chateau a u vivent Jane Eyre et

Rochester n' est pas seulement une Iocalite insulaire, mais il est

lie it l 'Empire par I 'Ile Caraibe d'ou Ie heros a rarnene sa femmeet aussi par la mission en Inde qui attire Jane. L'insistance sur

location, la localisation de I'ecrivain - d'ou parle-t-il? - fait

decouvrir que c'est grace a l'argent arnasse par une tante aBombay que V.Woolf a pu avoir «une chambre a soi »...

DES THEORICIENS

II serait tres long de rentrer dans les details des debats rnenes

depuis quinze ans. Les trois penseurs les plus cites sont Said,Bhabha et Spivak, mais il faut se rappeler qu'ils s'inscrivent dans

une continuite avec d'autres chercheurs et aussi qu'eux-rnemes

evoluent. E. Said est Ie plus directement interesse par la litre-

rature. En opposition

aI 'rdee marxiste du poids de I'economie,

il part de I'idee que la construction culturelle de soi et de

l' autre peut jouer un role determinant dans l'histoire. II recuse Ie

statut attribue a I'Orient, celui «d'un objet petrifie une fois pourtoutes par Ie regard de I'Occident qui Ic percoit »1. Plus recem-

ment, i l sintcresse aussi aux ecrivains contemporains qui luttent

contre les nouvelles formes d'Imperialismc. «Goytisolo et

Rushdie dont les fictions et les ouvrages critiques sont scienunent

ecrits afin de Iutter contre les stereotypes et les representationsdominantes » .

4

3Edward Said, «Orientalisrn Reconsidered », dans Francis Barker

1Peter

Hulme, Margaret Iversen, Diana Loxley, cds., Literature, Politics and

Theory, Londres, Methuen, 1986, p . 2 14 .

Edward Said, «Orientalism Reconsidered » , op. cit., p. 217.

I)EVELOPPEMENT D'UNE THEORIE POSTCOLONIALE 41

..Homi Bha?h~, refute ce que les oppositions peuvent avoir desrnctemern binaire chez Said et chez Fanon: «'Peau noire,

111asques blancs' n 'es t pas nne division bien nettc: c'est une

image double, de taux-sembtant, du dcsir d' e trc dans deux

cndroits a la f01S.»5 Pour lui Timportant est I'imitation: mimicry

J ' art de mimer. C' e.stce qui porte Ie colonise a etre en tous point~semblable au dominant, tout en sachant qu' il garde son identite

propre. De meme, Ie colonisateur qui demande I'acculturation de

s~s a~min~s~r~s sai~que ce qu'il demande n'est pas nne impos-SIble Jdenti tc a s on Im age: c'est une «version autorisee de l'alte-

. _ I .

nte» qUI se produit et cette imitation est dangereuse pour IeInaitre car celui qui imite beneficie, lui, d'une double vision,

Marlow dans Au cceur des Tenebres de Conrad se sent menacepa r la ressemblance des negres, dans leur difference avec s a

prop~e humanite. De cette double duplicite nait u~ espace

hybnde, un entre-deux ou espace-tiers ou les formes de resistance

s'i~ventent. A pa~ir de I'exemple des rapports entre Anglais etIndiens SOliS Ie Raj, Bhabha extrapole a la periode postcolonialec~aux autres p~ys. Pour lui, les analyses des stereotypes et desulscours coloniaux et neocoloniaux doivent constituer une«ethnologie critique de l'Occident».

G. Spivak, qui comme Bhabha est une Indienne qui enseigne

dans une prestigieuse universite americaine, est d'abord connue

comme traductIrice de Derrida. BIle reprend le s arguments de ces

deux theoricien.s dans une perspective plus marxiste et feministe,

De plus, elle s'Tnterroge sur Ie role de la production culturelle

dans I' opposition aux forces dominantes. «Can the Subaltern?pea~?» Le «subalterne , tel que le definit Gramsci, Ie paysan

Illettre,.Ia fe~e ~u Tiers Monde, est-i l en mesure de s'exprimer

ou cst-il obligatoirement une presence silcncieuse, une parole

non recuperable par d'autres? BIle prend l'exemple du sati, la

coutume hindoue par Iaquelle les veuves s'immolaient sur le

hficher de leur .defunt mari et qui indigna Ie colon anglais. Elle

~ecl~~e ne voir que deux discours de pouvoir, celui du pouvoirimperial, «Des hommes blanes protegent des femmes brunes des

I~ommes bruns:» et Ie discours nationaliste du patriarcat, «Les

femmes voulaiient mourir e". (On pourrait donner l'exemp]e

R omi B ha bh a,, The Location of Culture, Londres, N ew Y ork, Routledge,1994, p. 44.

G.C. Spivak, «:Can the Subaltern Speak ?» dans Patrick Williams et Laura

Chrisman~ Col'onial Discourse and Post-Colonial Theory,Hemel lfamp-stead, Harveste-r Wheatsheaf, 1993, p. 85.

 

------------------ ------ -- - ----,-- -" ----------, -- , ,- ,--,---------

Page 22: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 22/38

42 ETUDESPOSTCOLONIALESETLITTERATURE I )/~VELOPPEMENlT D'inc: TIIEORIE POSTCOLONIA,LE 43

parallele de Ngugi et de son attitude face a l'excision dans La

riviere de vie). Spivak rcleve Ie silence des femmes et rappelle

que Ie critique postcolonial doit le garder a I'esprit, reconnaitreque le «subalterne » n' a pas acces a la position de sujet revendi-qucc par les ecrivains postcoloniaux.

Certains termes sont forges par les differents theoriciens au

point que des lexiques sont maintenant necessaires. Quand ils

proviennent de la psychanalyse, leur sens est facile a percevoir,quoique Ie «fetichisme » ou «1 ' Autre» n' aic pa s toujours I'ac-

ception quils ont chez Freud ou Lacan, La surveillance vient de

Foucault, la difference et aussi la «differance» ont leur origine

chez Derrida. Le mot agency est central et difficile a rendre: il

sagit de l'acte par lequelle domine it la fois reprend et reven-

dique sa position de sujct , dans Ie discours et aussi dans la trans-

formation a accomplir. Le terme «universaliste » est piege,

renvoyant aux illusions ethnocentristes de I'Occident. L a s'ouvre

a chaque fois un deba r ideologique qui s ' etend aussi parfois a lacritique des valeurs humanistes, Si tout cela semble abstrait, le

probleme se pose a chaque texte quand ilst lu par des Iecteurs decultures diverses. Par exernple, dans La mort et I' ecuyer du roi,

. de Soyinka, Ie dramaturge denonce-t-il la soumission jusqu'a la

mort de I'ecuyer ? 'Ioute ceuvre pose fondamcntalement un pro-

bleme de valeur et les conclusions fermees sur un ordrc univer-

sellement acceptable ne sont plus possibles, meme si tous les

critiques ne vont pas jusqu' a un relativisme absolu.

Les termes qui reviennent le plus souvent couvrent Ie champ

lexical de I'opposition: on trouve «rejeter », «inverser », «inva-

lider», «lire it contre courant» (against the grain), des mots

forges comme adversarial, disallow (ne plus permettre), disen-

franchise. II s'agit pour le theoricien, le critique et lecrivain

d' entrer en resistance contre la domination des stereotypes et de

rejeter le systeme de signification imperialiste. On voit la plu-sieurs types de glissement. Glissement vers une confusion entre

parole et action politique veritable: de quel effet, disent sarcas-

tiquement certains critiques des pays du Sud sont ces textes et

ces theories ecrits et diffuses dans les pays nantis? II y aurait

une inflation de I'importancc d'un discours qui en fait pese pen

dans le jeu des equilibres entre pays . UtI autre glissement au seindu debat theorique lui-meme est celui qui consiste a appreciertextes et commentaires selon qu'il sont plus ou moins proches

d' u ne a ttitu de d' opposition, plus ou moins resistants it tout

imperialisme. Le risque est reel car il fait deprecier un roman-

c icr comme Naipaul pour son absence de ligne politique claire,

(HI une identification insuffisante avec les opprimes, Pour le

lccteur francais, ces exclusives etroitement ideologiques

pcuvent rappeler des periodes revolues en Europe. Un autre

risque est celui de voir lcs theories postcoioniales glisse~ vers

1'1etude de toutes les situations d'« asymetrie sexuelle, raciale et

politique s". La theorie se dissout de navoir plus d'exempleclair, ni d'objet identifiable, entre autres quand elle veut traiter

aus s i de toutes les identites instables ou plurielles, toutes les

immigrations, Ies minorites ethniques, les deplacemcnts divers,

la question irlandaise. Pour terminer sur les ecrits theoriques,

divers, stimulants en plein bouillonncment, il faut souligner aquel point les differents termes crees ou empruntes en rendent la

lecture difficile. Les modeles francais au style le plus individuel

comme Lacan ou Derrida ont e te imites par Spivak, Bhabha et

d'autres et meriteraient parfois d' etre traduits pour les anglo-

phones eux-memes. Des chercheurs indiens font rcmarquer quecctte nouvelle forme de distinction etablit une hegemonic du

discours theorique, en particulier en provenance de l' Amerique

du Nord, qui ne sert pas les pays-memes qui devraient etre

defendus ... Les annees qui viennent doivent perm.ettre d' etablir

des tris et il existe des ouvrages de presentation qui ont le souci

de communiquer., I, 'I

!: I I ' . I I ,

. I i ! . I !

II ! , I ' ,;:1 II

I I, <! ,

, i !1 ' 'II il ,I

,I ", "

, ' I I I: i

I i i . I I

, , !I ', ,

: ! , I I,

I 'I' I! i ' l : I :

I I 'I'I : I I, ', II

I I I 'I' ,

~I ~ 'I'I 'I '

i !i' I

,

'l I "

! I '

, "I II

I! I'~II i "

1' 1I ,',

. " I ! I ' '

: i i' I I' jl l 'I'" I. , II '

'I 'I

", I

DES QUESTIONS CONNEXES :"IDENTITE NATIONALE,

FEMINISME9 POSTMODERNISME

L'attitude predorninante etant le reexamen de tous les presup-

poses, le questionnement radical des categories explicites et

irnplicites, il est normal que les theoriciens, meme ceux qui etu-client surtout les textes Iitteraires reconnus, se voient obliges de

reformuler leurs concepts dans des domaines qui ne sont souvent

traites qu'obliquement dans l 'etude des grands textes. La critique

marxiste nous a habitues a poser ranalyse en terme de pouvoir:voir I 'etude de Goldmann sur Phedre? C'est ici chaque texte qui

pose une serie de problcmes. Les premiers essais, ecrits autouri "! ! 1

! i , ' '

, , I '

: " ; ; j, I

, I ,

1 Edward Said, «Orientalism Reconsidered», op. cit. , p. 225.

H Lucien Goldmann, Le dieu cache, Paris, Gallimard, 1959.

  --------- . . . . . . . . . . . ~ .. _ ..

\ 1 ' 111 Ii·1

II

, i· I

,

I .

Page 23: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 23/38

• ' I I

I I .

I ': I I

: ! . ,! I

44 E TU DE S P OST CO LO NIA LE S E T LITTERATURE D EV EL OP PE M EN T D 'U NE T HE OR IE P OS TC OL ON IA LE 4·5..

, I II I I , I!I .: I iI I,

I ! '

II ;

I II II I, I

des indcpcndances, marquen t Ie refus de l'hegemonic culturelle

alienante par unc reflexion sur le sentiment d'appartenance. Le

roman en par t iculier est crucial pour definir la nation comme une

communaute imaginee. Les oeuvres des annees soixante en

Afrique sont s ou ve nt d es constructions mythiques recreant les

premieres rencontres d'une societe intacte avec le colonisateur. II

s' agit de renforcer le sens de l ' idcntite en revalorisant ce qui a e t emal compris ou combat tu , Le romancier pent s'attaquer a I'ecoleOil aux missions qui ont contribue a rompre la continuite des cul-

tures. Certains de ces livres S011t explicitement nationalistes. Le

debat sinstaure maintenant pour determiner si, en suivant Fanon,

on peut concevoir cette phase nationaliste comme un moment

strategiquc dans la reconquete de la dignite du domine, ou si cette

attitude est elle-meme peu productive. Dans cette optique, les

eeuvres produites en reaction au point de vue du Blanc seraient

encore determinees par lui, dans nne vision essentialiste et syme-

trique ..A I'heure actuelle, la nation est au centre d'une reflexionrcndue complexe par Iadiversite des situations. Des ecrivains des

«nations premieres» vont tres loin dans une recherche de I'au-

thenticite. IIs 'agit de reinventer une purete perdue dans le cas de

communaute profondement modifiees par Ie contact avec

I'Occident et la modernite, comme pour les Aborigenes, les

Maoris. Cette construction dclibcrce peut etre vue comme une

phase dans la Iutte, la tactique d'un groupe opprime pour retrou-

ver ses droits. El le peut aussi etre qualifiec de nativisme regres-

sif, qui sert en fin de compte les intcrets des groupes dominants

en- refusant I'ouverture et la modernite: la vision d'un paradis

perdu «authentique »ne sert en rien l 'avenir. Le lecteur doit fina-

Iement etre au courant de ces debars pour ne pas lire a contresensce type de textc: comme pour la peinture aborigene, a la fois«authentique et exploitee», il faut saisir le contexte de produc-

ti011 et de diffusion, et les enjeux politiques pour apprecier Ie s

ecrits, ne serait-ce que pour saisir le degre de conformisme prag-

matiquc ou de creativite de chaque ceuvre.

Tous les textes ne s 'opposent pas aux POllVOirS hegernoniques

alienants au nom dn nationalisme, La defense de la creolite comme

identite est une direction fortement marquee chez certains

Antillais anglophones et francophones, apres Glissant. Bile pentprendre des formes moins thcoriques par la rehabili tation pure-

ment li tteraire d'une langue marquee par le creole, nous l'avons

vu. D' autres vont encore plus loin dans la defense d'une apparte-

nance plurielle en revendiquant une vision du monde cosmopolite.

C'est Ie cas de Rushdie (Indien, Pakistanais, Anglais), d'Ondaatje

(Sri Lankais, Canadien), et de nombre dejeunes ecrivains indiens,

aussi a l'aise en Orient qu'en Occcident. On pent remarquer que

dans ces cas, il s' agit d'une elite internationalisee, mobile, tres

diplomee, pour qui l'appartenance pluriclle est un atout plus qu'un

p ro bl em e, D e to ute s facons, la encore, le lecteur comprend mieux

ces eeuvres s 'il est ouvert au x debats ac tuels s ur le multicultura-

l i sme, a u n iv ea u d e l 'E ta t, o u s ur Ie pl uric ul tu ra lis m e d e I'mdividu.

Les analyses postcoloniales offrent des parallcles et des inter-

sections avec les theories feministes. II faut se rappeler que non

seulement des cursus sur le «rnasculin » et Ie «feminin », Gender

Studies, existent dans l e s u n iv c rs i te s de langue anglaise, mat s que

la lecture feministe des textes y est tres dcveloppee. Par exemple,

Florence Stratton, examinant les romans africains anticoloniaux

et postcoloniaux, y trouve une vision mascu l . i ne qui laisse pe n de

place aux femmes comme agents, sujets de leur dcvenir". La

femme y est souvent mctaphorisce, prostituec ou violee a I'Imagede la terre conquise: ces images militantcs sont en soi mepri-

santes, autant que l 'exaltation exclusive de Ia figure maternelle.

Les ecrivains n' echappent done pas a un a priori conservateur et

patriarcal, meme quand leurs textes sont par ailleurs des textcs de

resistance. Les efforts explicites de Ngugi ou Achebe dans leurs

demiers romans pour donner un role actif et politique a des

femmes demeurent artificiels'", Un autre exernple permet de voir

comment la critique peut peser la valeur contestataire de certains

livres. Le livre de Charlotte Bronte, Jane Eyre, a ete vu C0llU11e la

presentation de la premiere heroine ferniniste mdependantc: ellegagne sa vie et assume sa passion. Spivak en fait une lecture

autre: c'est grace a la femme antillaise de Rochester, enfermee et

sacrifice dans l'incendie que Jane trouve sa place: «Je dois lire

ceci comme l' allegorie de la violence gencralc cpistemique de

l 'Imperialisme, la construction d'un sujet colonial qui simmole

pour la glorification de la mission sociale du colonisateur,» 11 Les

,

I' ",

·. II . ~ ~ ,

;' I I

. ' l l: i

; ~I I '

I :

: . I

! '· . : I

·'I u

! :: 'j

, I .

I I I

· 'i: : I

I t: ,

.1 I. ,

, "

i i i ' ;i . ,. .

I

e,

· I ,I

· 1 ' ,: !.I I,..

I .1.

; , I :,, I . ,

. . I

I~"i l l ! '

: . I: I I·

I

I. I

I '" ; I

I .I

· ~ i : . i I :I.,

" ,

I :

! I! I: . I :

, I

· I I: I,, I 'I, ,.

. I,

j i,

9 Florence Stratton, Contemporary African Li terature and the Poli tics of

Gender, Londres, Routledge, 1994.

10 Chinua Achebe, Les termit ieres de la savane (trad. Etienne Galle), Paris,Belfond, 1990, (Anthills of the Savannah, Londres, Heinemann, 1987).

Ngugi wa Thiong'o, Devil on the Cross, Londres, Heinemann, 1980.

II G.C. Spivak, «Three Women's Texts and a Critique of Imperialism», dans

Henry Louis Gates, 'Race', Writing, and Difference, Chicago, University of

Chicago Press, 1986, p. 270.

; t· . I

i, . I

I. I . ,

I

I I ; , .~I .

III !!

' I I ; , I

Ii i i ·I

I : . : ~

I I,

· I

· . i ~

: : I : I,!• : I :

: I ; : :i ! · I . '

· I ,

! iI .i 'I :

.I, .I

i 'l '! i i, .,

I.,

· I I'I I !: • I

! I !

:. 1, I

, II .

i .

.: I •

'll:. I I,

: II

! I

; I,.I Ii·1, ! I

I"

iI ~I ~

· I f ~

: I I ~

, ; I I. I

I ~ II ;! ·

I~ .I, '

I ·1I I' I

 

" I ,1111

I '

, ~ II

I I

Page 24: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 24/38

,

I

, , ',

I IiiI , I '

, I

; 1 'I'I

, I

, ,, " I

1 , ,

I

:~ ~ I

iI:, ,

, '

ii :, ' , ' 1 I

" I ;' ' 1I I, III; I I

" II .I I

i 'I,

,

I

i ' "II'I, I

! ' ~

! I

" I

, ,, ,

: I

1I I j'

: !: f: ! II !:

I , ,

" I

: I Ii ,

, 1 : ,, I

i I; I ' ,

i ~ I ! , :

I l i : I ' ' :: I I

: !I '

; ,I I ,! I ' :'! . I

I

,

! I I

· 1 , 1I I

, ", ,

: i Ii :

! 1,I

"i ,

" ;:

I I '

, I '

1 1

1,1 II ,

, " ~

: :1 I'"

! Ii :1 i

I 1

! I / I i1 1, 1 ;, ,

I .1 I

: ! '

: I I: i ,tI " I

I :

I,, j

I '

I

IIi I I ~

1 ! ", '

I, ' ,

~:

.I i

I

: I :: 1 ',

: 1

,i

(

i '

1 'I '

! I ' i! '

I' I

, : ;1

, 1

!

! ,

I I

, I

, 1 I

: I : ~ !, , '

, 1 I :I , :

I I I

1I

I

1

'1 'I ', ,, ~

Ii' 'lI 1 Ii, 1 'I I I; ,

, ' ,I i, ' ', I '

, 1,

46 ETUDES POSJ ~COLONL4LE S ET LIITERATURE4 - 7EVEIJOPPEMENT D 'U N E T HEO RI E P O ST CO LON L4 lJ E

chases se compliquent quand r Antillaise Jean Rhys ecrit La 1 1 1 e rdes Sargasses pour mettre en scene la vie de la prelniere femme

de Rochester, la folle du grenier dans Jane Eyre, quand elle vivait

heureuse dans I'Ile ou il est venu I'epouser, Ce roman a e te saluecomme une riposte a la vision britannique, et un deccntrement

postcolonial de l'intrigue par rapport

aI' espace anglais. Mais les

ferninistes y lisent une autre forme d'oppression que celle de

Rochester, cellc de la romanciere qui ne donne qu'un role quasi

muet et subalteme a la servante noire. IIy a des niveaux dans

I'oppression, on peut etre femme et opprimer, comme les

Canadiens sont a la fois colonises et colonisateurs.Le terme postmoderne qualifie un ensemble d'reuvres contem-

poraines qui vont de l'architecture a la Iitterature. L' esthetiquepostmoderne est definie par la critique d'une facon qui amene

inevitablement a des points de comparaison avec certains aspects

des ecrits postcoloniaux. Dans les deux cas on trouve la subver-

sion de toute forme autoritaire et monoculturelle qui regirait Iegenre, l'histoire, Ie discours. Dans les deux cas on trouve un lien

de fait dans la fracture de la langue: I' interet se porte mains sur

l'unite d'une ceuvre que sur ses fractures et ses non-dits. II n'y a

que de la langue, et plus de verite representee, plus d'unite de

sens possible. Le scepticisme qui porte sur I'impossible represen-

tation et la relativite des valeurs porte jusqu' a la possibilite meme

de I'identite d'un sujet. Certaines oeuvres postcoloniales privile-

gient les memes pratiques formelles que les romans postmo-

dernes americains ou anglais: la discontinuite, la polyphonie, la

derealisation, le pastiche, le collage. Des auteurs tres divers ques-tionnent dans leurs ouvrages eux-memes le s conventions decri-ture du mouvcment moderniste lui-meme. Les livres souvent

cites dans ce sens sont ceux de Salman Rushdie (Inde), Michael

Ondaatje (Canada), 1.M. Coetzee (Afrique du Sud), Peter Carey

(Australie). Ainsi, pour defendre le roman de Ouologuem, Le

devoir de violence, Ie critique Kwame Anthony Appiah a pu ainsi

proposer l 'Idee qu'i l devait etre compris comme postmoderne

dans sa technique de collage et de detournement dautrcs textes".

Beaucoup a e t e ecrit sur ces deux «post ». Il faut remarquer

cependant que malgre des precedes d' ecriture communs qui

visent a briser les cadres narratifs anciens, les ceuvres postcolo-

niales d an s l eu r Inajorite ne v is en t p as le meme effet de lecture

que les retvres postmodemes& II ne s'agit pas de jouer avec lcs

rev es rl 'u nc conscience fraglllentee dans un geste esthetique

gratuit mais de faire s au te r c er ta in s apriori afin de mieux com-

prendre, d'arriver it une connaissance toumec vers I' action.

C~rt .a~n~cri t iques soulignent qu e tout oppose une demarche quiprlvllegle.ce qu'cn nomme agency, la prise en charge par Ie sujet

d u ~ e v. en lr c ~I I~ cti f9 m o tiv a tio n politique- et la contemplation

pessmuste mars impuissanre du desordre contemporain, contem-

plation desabuse; qui serait elle-meme complice de la domina-

tion cul ture l le . Le postmoderne met au cc cu r d es productions le

probleme de la representation, favorisant Ie metanctionner et la

reflexivite de l' ceuvre . alors que le postcolonial cherche finale-

ment une :epresentation plus adaptee a la prise de conscience qui

permcrtran Ie changement social. La theorie postcoloniale dans

son ensemble refute la vision post-moderoB du melange des cul-

ture~ cornme trop proche du consensus dominant qu i fait glisserIe dlscours sur Ie multiculturel it un relativisme culturel dernobi-

l i sa teur . Selon les critiques postcoloniaux du postmodernisme,

the.oriciens ou ecrivains, iIs'agit en fin de compte d'une estheti-

sat .lon d~ P ? liti"q ue q ui e st loin des preoccupations de s peuplcs

9 U1"sont elolgn~s des centres hegemoniques ..Enfm, sur ce themeInteressant. ~ar II~ouche a la fois des pratiques formeIles et leur

Icctu~e p~ ll t1 qu e , 1 1est important de se rappeler que toute formenon lineaire, ou non representative u'est pa,s forcement postmo-

dcm~. O~ a souvent I' im,press ion que c'est rehabiliter des eeuvres

de IOlnta lnes ex-colonies que de leur conferer ce label, peut-Streprestigieux, mais attribue parfois de maniere discutable. Des

J~o~anciers enfin peuvent puiser dans leur propre tradition pour

(~crlfe.~es ceuvres qu i s'eloignent beaucoup du roman europeen

« tra dl tlo nn el » s an s pour ccla participer a un courant proche de

rctte esthetique post-moderne, essentiellen1ent nord-amcricame.

I ,

I," '

lB IBL IOG RAPHIE

A u ste n, J an e, Mansfield Park, Paris, 10/18~ 1996. (Mansfield Park[1814], Londres, Macmillan, 1965).

Hronte, Charlotte, Jane Eyre, Paris, Longman, 1993. (Jane Eyre [1847],r .ondres, Chatto et Windus, 1946).

('afey, Peter, L'inspectrice, Paris, 10/18, 1995.. (The Tax Inspector,Londres, Faber, 1991).

12 Kwame Anthony Appiah, «The Postcolonial and the Postmodern», dans

Bi1I Ascroft, Gareth Griffiths et Helen Tiff in, The Post-colonial Studies

Reader, Londrcs, Routledge, 1995, p. 121.

 

I I~ " ~

I 1

I

1 '

I ;I .,

I ~:I

'_ " 'P '* " ~ ' - - - - . - . . . . . - . - - - - - ~ - - - - . . . . . . . . . - - - - - - - - - - - - _

Page 25: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 25/38

,

Ngugi wa Thiong' 0, La riviere de vi~, Paris, Presence africaine, 1989.

(The River Between, Londres, Heinemann, 1965). . .

Ondaatje, Michael, Dans lapeau d'un lion (tf.ad. Marie-Odile Fortier),

Paris, Gallimard, 1991. (In the Skin of a Lion, ~or?nto, !'1cClel~and

et Stewart, 1987). L'homme flambe (trad., Marie-Odile Fortier).

Paris, Seuil, 1997. (The English Patient, Toronto, McClelland et

Stewart, 1992).

Rhys, Jean, La prisonniere des Sargasses (trad. Yvonne Da;et), Paris~

Gallimard, 1995. (Wide Sargasso Sea, Londres, Andre Deutsch,

1966).

Soyinka, La mort et l' ecuyer du roi, Paris, Hatier, 1994. (Death and the

King's Horseman, Londres, Methuen, 1975). ..

Woolf, Virginia, Mrs Dalloway, (trad., Marie-Claire Pasquier), Parts,

Gallimard, 1994. (Mrs Dalloway, Londres, Hogarth, 1925). Une

chambre a soi (trad. Clara Malraux), Paris, 10/18, 1996. (A Room of

One's Own [1928], Harmond sworth , Penguin, 1945). Les vagues

(trad., Cecile Wajsbrot), Paris, Calman Levy , 1993. (The Waves[1931], Harmondsworth, Penguin, 1992).

48 E TUDE S PO STCOLONIALE S ET LIITERATURE,<

· I ~I

I !. II I

1 , :1

!

I I'I I,

1

. ~

" .

iii

1 : i; , I : I. :

I 'I ! ., '

·I :, ,

·. i

I '

, ~

! .

. . ,,· .II . .

, .I,

:1 !:t• , ,

,. I

I

, i

,

I I,I '' . r ~, I

!

I

Iii 1I . ·1, "

'j, I

. I ;

Ii I , ' :, .,I: I

Essais

Adam, Ian et Helen Tiffin, eds., Past the Last Post: Theorizing Post-

Colonialism and Post-Modernism, Hemel Hampstead, Harvester

Wheatsheaf, 1991.

Bhabha, Homi, ed., Nation and Narrat ion, Londres, New York,

Routledge, 1994. .

Childs, Peter et Patrick Williams, An Introduction to Post-Colonial

Theory, Londres, Harvester Wheatsheaf, 1997.

Glissant, Edouard, Le discours antillais, Paris, Scuil, 1981.

- Introduction a une poetique du divers, Paris, Gallimard, 1996.

Jameson, Fredric, «Third-World Literature in the Era of Multinational

Capitalism », Social Text, 15, Automne 1986, pp.65-88. .

Moore-Gilbert , Bart, Postcolonial Theory: Contexts, Practices,

Politics, Londres, New York , Verso, 1997.

Said, Edward, Orientalism : West ern Conceptions o f the Orient [ 1978 ] ,

Harrnondsworth, Penguin, 1991.

~ The World, the Text and the Critic, Cambridge, Mass., Harvard

University Press, 1983.

- Culture and Imperialism, Londres, Chatto et Windus, 1993.

Spivak, Gayatri, The Post-Colonial Critic: Interviews, Strategie~,

Dialogues, Sarah Harasym ed., New York, Londres, Routledge,

1990.

· . I

: ! II

"

i ! 1

'I 'I : ', I: , : I I·1 .

1

1

'1. ! ::

: i !I:

:! I :~ ;I '.

j, :1I •~

. 1 ;: 1 1 .: . I

:' !I I

, 'I I,· ,. :-

I !:··1 !

,, '

, I

: I I,I

! Ii i

· . 1 . .

I .. I:

,

,

, .,,

I I. I ~I :

! I

,. ,

j. i 'I '

I I. I ':

; I: I

I i. I

! '

. .

II, .

!

! I !, ,

,

j

I I I!· i II

,. Ii: I II

i i i , ! Iii . , ; ,

I ' i :1, ..· I

. I .

!,

, i I: 1: . 1

I'I,I,I, .

III.

I ' Ii ', :· ,.' il

./

LA THEORIE./

ET LES ECRIVAINS

_,

LA PAROLE DES CREATEIJRS

Quand l' on date du livre de Said, Orientalism, lc depart dudebar theorique, on tend a sous-estimcr, nous l'avons vu, Ie role

historique de reflexions plus anciennes comme celles de la

Negritude ou celles de Sartre. On tend aussi a passer trop rapide-ment sur les ecrits des ecrivains eux-memes qui ont pose deja un

grand nombre des questions toujours d' actualite. Des 1938, lcromancicr indien Raja Rao a elabore en systeme son utilisation de

la langue anglaise'. Les grands essais de Wilson Harris ou de

Chinua Achebe sont deja au cceur des problernes des les anneessoixante. Et les textes importants de poetes Oll romanciers conti-

nuent d' eclairer d' un jour particulier les grands themes des

debars actuels: on pense a Territoires Imaginaires de Salman

Rushdie, a I'article de Robert Kroetsch sur l 'espace canadien, aSurvival de Margaret Atwood sur la litteraturc canadienne, aux

cssais de poetes antillais comme Edward K. Brathwaite ou Derek

Walcott, a I'ouvrage sur Ie my the et la litterature africaine de

Wole Soyinka. Les ecrivains ont une reflexion fondee sur leurtravail avec la langue et I'unaginaire, done a la fois concrete etIibre. De plus, le mode de vie contemporain - ils voyagent beau-

coup comme ecrivains-residents dans des universites, dans col-loques et conventions - les amene a prendre souvent la parole

pour se justifier, s' expliquer, rcpondre aux critiques. Le KenyanNgugi wa Thiong' 0, souvent appele a prendre publiquement

position, a maintenant produit autant de recueils d' essais que deromans, autour de themes militants tels que «Ie stylo comme

arme» (Barrel of a Pen) ou «Ia decolonisation du cerveau»

(l)ec%nizing the Mind). Cependant la frontiere entre fiction etcssai n' est jarnais complctement nette et souvent les ceuvres

clles-memes constituent une esthetique par divers precedes meta-

J

Raja Rao, Preface de Kanthapura [1938], Bombay, New Directions, 1963.

 

I

~II

,,

.;

Page 26: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 26/38

50 ETUDES POSTCOLONIALES ETLITTERATURE LA THEORIE ET LE S ECRIVAINS 51iiI I I

I

iI

! '

fictionnels. Par exemplc, Rushdie se justifie des libertes qu'il

prend dans sa p r e sen ta t ion de l'histoire s ou s «u n leger a ngl e p ar

rapport a la reali te . dans La honte en faisant intervenir directe-m ent la personne de I'a ute ur d an s le texte",

Sans passer tous ces essais en revue, il est utile de rappelerquelqucs-unes des directions les plus marquantes. Achebe a

m arq ue d es generations de romanciers, essentiellement dans sespremieres pr ises de pos ition m ain tes fo is citees, II expliqued' abord quil a commence a ecrire par reaction: c' est a lui de dire1)Afrique puisque Joyce Cary dans Mister Johnson a donne un ecaricature de son pays , qui «rr' etait pas plonge dans une nuit sans

histoire » avant l'urrivec du blanc. C'est par I'ecriture qu'il peut

retrouver une position de sujet apres avoir e t e alieno par I'identi-fication au point de vue de l'Europeen, ainsi qu'rl le dit dans ses

nombreux commentaires sur Conrad:

Mais ilest arrive un moment O U ayant at teint un age suffisant je

me suis aperc u que ces ecri vains ru' avaient j0ue unsale

tour. Je

u'etais pas sur le bateau de Marlow en train de remonter leCongo dans Au cceur des Tenebres. J'etais un des etranges per-

sonnages qu i se deplacaicnt Ie long de la berge en bondissant et

en faisant des grimaces affreuses ...

C'est a ce rnoment-Ia que j'ai dit non, et que j'ai compris que leshistoires ne sont pas innocentes, qu~on peut les utiliser pour vous

fairc passer du mauvais c o t e , du c o t e de l'hornme qui est venu

vous deposseder'.

I

' : ' I, : I .

· ,· ,I

, II~ I I : ii II iI I" : 1 ' ,

! 1

I! I .

II I· ",. I

II· ' ;1'1

III

necessite militante se sent dans son celebre texte de 1965, «The

Novelist as Teacher» «Le romancier comme pedagogue», ou il

in sis te s ur Ie role socia l de l' ecrivain, av ec u n s en s q uas i religieuxde la responsabilite de celui qu i sait et sait dire".

II est l'un des premiers a reprendre Ie probleme de la langueanglaise, probleme sur lequel Ies ecrivains indiens avaient pris

parti a l' epoque coloniale. II accepte la necessite d'utiliser I' an-glais, langue heterogene a I'experience africaine, parce qu'il a

confiance: les ecrivains africains seront capables de s' approprier

cette langue et de lu i «faire faire des choses inouies ».En effet sacontribution sera dintegrer complctement le systerne rhetorique

des proverbes a la trame du roman, tout en utilisant un a n gl a is t re s

classique ..Gabr ie l Okara, romancier du Nigeria, ira p lu s l oin dans

La voix, en calquant les rythmes de l'anglais sur la syntaxe de sa

langue l'i jaw, un peu a la manierc de Raja Rao qui recree dans s afiction les cadences des textes en sanscrit, Les positions s ur la

langue vont sediversifier. Pour la representation

desituations

multilingues, certains romanciers vont jusqu' a . refuser tout glos-saire tout en emaillant leur texte de termes non traduits et non

expliques. Il s' agit de dcfamiliariser Ie lecteur par u n s e nt im e n t

d' exclusion passager, rappel de I'e trangctc de la langue euro-

peenne pour la majorite, dans certains pays .

La position la plus radicale a ce jour, presque une impasse, estcelIe de Ngugi wa Thiong' o. Apres quatre romans majeurs enanglais, ildecide de ne plus ecrire de fiction que dans sa langue

maternelle Ie kikuyu, afin d e ne plus s e sentir traitre a ceux qu' ilveut representor :

Une langue est a la fois Ieproduit de cette succession de genera-

tions distinctes, en meme temps qu'un banquier qu i detient ce

mode de vic, cette culture, en refletant ces modifications pro-

duites par I 'experience collective. La Iitterature en tant que

precede pour penser en images utilise la langue et tire sa sub-

stance de cette experience collective, cette histoire incarnee dans

Ia langue. En ecrivant on devrai t entendre tous les chuchote-

ments, et Ies cris et les pleurs et I'amour et la haine des nom-

breuses voix du passe, et ces voix ne parleront jamais a celui quiecrit dans une langue etrangere".

,

· q, :

· I :: i

i: ·11I I·

!! I .

:. i :iI:· ,

. ,;

, .

; I ·1I I

~ :

: i I I.1: I

· II:ii'I

I

.! I

. 1 1 .1

. i:I· .

il :1 ,:

,,

: I ! I: 1

I

·1' , :

, , .

·1 I I I.• I I I

· I ' !I ,

I II :, 'I. !· I ., I, '· ,

, '. l

I I I

. ! I i. ,I.I

,, .

di ' i · ; ·I· I. I, ,,, 'I ,

I'.

i: I' ':I

· !, II, I

I '1 :

I II

Id I, I

II ,

: I I ~ I

I: Ii : ii iI· I ' , .i , I

i

I i,I

I . ~ II: 1

;1 · 1 i 1I . I. ,, I

I .:, ,

I, :

!: .,

"

i' ! i·, , 1 .

1

, : .

1 '1 , .I: . !i !

I,,

Achebe a souvent raconte comment il en est venu a inverserles stereotypes culturels dans ses romans s ur le village. Cette atti-

tude lui a ete reprochee plus tard, comme passeiste, ou regiona-

liste, mais elle correspondait a une demarche importante al' epoque, puisqu ' ils~agissait de legitimer la lutte anticoloniale,

en prenant les m em es a rg um en ts de nationalisme culturel que

Jomo Kenyat ta au Okot p'Bitck en Afrique de l'Est.4 La meme

.:

I I!I :

: .·I

, I

I I·

i 1·1

III: I!,

2 «MOll histoire, mon pay s de fiction, font comme moi-meme un leger angle

par rapport a la realite.. Salman Rushdie, La honte (trad. Jean Guiloineau),

Paris, Stock 1982, p. 31, (Shame, Londres, Jonathan Cape, 1983).

3 Chinua Achebc, «African Literature as the Restoration of Celebration »,

Kuna p ip i, 12,2 1990, 11-10, 7, (traduction par Alain Severac, Le s rom.ansd e C hin ua Achcbe. De I' ordre au chaos, Villeneuve d' Asq, Septentnon,

1998, p. 295).

4 Jorno Kenyatta, Facing Mount Kenya [1938], Londres, Seeker et Warburg,

1961. Okot p'Bitek [1966] Song of Lawino, Londres, Heinemann, 1984.

~ '

: .:I~, ,

,)

Chinua Achebc, «The Novelist as Teacher», Morning Yet on Creation. Day,Londres, Heinemann, 1975.

Ngugi wa Thiong 'o, l Vr it e rs i n Po li ti cs , Londres, Heinemann, 1981.

• . ' . . I ·- ·· · "--_ - - - '" F. U~-.A.....W+L----- ~~ 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 _ _ ~ ~ ~ _

 

LA THE OR IE ,ET L E S ECRI VA IN 4.S 53

Page 27: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 27/38

52E 1~UDES PO STC~OLONIALES E T LITTERATURE

Cette attitude est critiquee par ceux qui cornme Njabulo

Ndebele en Afrique du Sud voient au contraire dans cette langue

heritec par l 'histoire un moyen commode de touc11er un lectorat

uni pour construire une identite nationale. Le probleme est a lafois ideologique et pratique, et ceux qui suivent Ngugi refusent

de se resigner pour des raisons pragmatiques. Une revue recente,

par exemple, qui traitait autrefois de Iitterature du Common-wealth, est devenue revue de [itteraturc postcoloniale, et les

reuvres etudiees dans son numero sur I'Inde sont essentiellement

des livres dans les diverses langues indiennes, pas toujours tra-

duits en anglais'. On voit bien la position de principe, mais aussi

les difficultes theoriques et pratiques que cela implique.Le domaine caraibc a lui seul a foumi de nomoreux ecrits

theoriques. II faut dire que la situation de l'ecrivain y est speci-

fique. II ne lui est pas possible d'avoir recours tout simplemellt ade grands mythes fondateurs et de faire revivre par l' imaginaire

une authenticite perdue. Des ses premiers essais et romans leguyanais Wilson Harris refuse toute ecriture «contre », recusant

les antitheses anticoloniales comme de simples calques inversesde la these de la suprematie blanche. II ne voit pas pourquoi il

faudrait opposer les esthetiqucs: I'allegorie de la litterature post-

coloniale peut se marier avec la tradition nee en Europe. IIaccepte l'h6terogeneite comme une richessc, les contradictions

comme des lieux fertiles, toute dualite comme un paradoxe poe-

tique. II se reconcilie avec l' experience antillaise du vide endeclarant que «le corps absent est enracine dans une comprehen-

sion de la presence qui va au dela de la presence iogique»8 .D' O U

l'importance dans son reuvre des reves et des visions qui pcrrnet-tent toutefois de rejouer l'histoire des conquetes et des metis-

sages et en larejouant de latransformer. Les seuils, le camaval, la

danse limbo sont des images de transition chez lui, porteuses

d'ulle perception indefiniment renouvelee. «La marginalite n'est

pas tant nne situation geographique... c' est plutot un angle de

capacite creatrice, alors que Ie turbulent vingtieme siecle touchea sa fin.v" Le romancier philosophe cree des romans visionnaires

w~~~~~~~~~~----------------Post-Coloni('alism and Post-Modernism, Hem e l Hampstead HWheatsheaf.~, 1991. ' arvester

,

9

Kunapipi, Numero special: «India and Pakistan, 1947-1997, A Celebra-

tion.. 19, 3, 1997.Wilson Harris, «Interview» par Stephen Slelnon, Ariel, 19, 3 (Juillet 1988),

p.49.Wilson Harris, «Liberty», 1990, cite dans Hena Maes-Jelinck, «Nurninous

Proportions », dans Ian Adam et Helen Tiffin, P ast t he L as t P os t: T he oriz in g

10 Derek Walc~ott, -s Le Schooner Flight» Le royaume du r. ·t; 'L / ..... ... . .. d "'". Cl'· '.. '".Irut -etoi e, editionbilingue (hal ucuon aire Malroux) ParIS CIrCe 1992 - l · t (1.... s. . . r k F ' · ' -, , e tar-AppleKlngdorn,N ew York, arrar Straus et Giroux, 1979). '

11 Edward Ka}mau Brathwaite, llistory Of the Voice' T. h D I. . _ _ • 'J • e eve opment ofNation [_A1nfguage 11 1 Anglophone Caribbean Poetrv I ondr N B

• '" L- _ - " J' . oJ es, ew eacon1984, CIte (jans «N anon Language» dans Ashcroft G iffitl ~ t o · ". __ ,- -, nIlS et TIffin

1994, op. cut- , p. 311. '

7

8

 

Page 28: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 28/38

a cependant beaucoup e t c c~it~quepar d~s int~~lect~els pour sonpessimisme, son apparente resignation demobilisatrice devant les

rapports inegaux, scs critiques acerbes des nouveaux pays . Son

ccuvrc est I'exemple dune production tres personnelle, proche

par certaines thematiques - la maison, Ie voyage, . les di~spor.as-

de lamouvance postcoloniale, et pourtant assez lo~nde 1 esprit d~

resistance ou de reappropriation des racines, re-location, qU I/ . ,.-

anime la plus grande part de ses ecnvams,

54 ETlJDES P OS TC OL ON IA LE S E T L I7 TE RA TU RE, I'

I I ,.. , I

· ! "I. 1

i ! I i I·· . , I I

I I .!

, ,

· ! . : - :1 1 ' I I

: . i ,' j I

. , i I" I I

i , 1 ' :!I,

. 1:1

I .,,!, .

,

I

I,

I

. i

i I. '· I: :

I. I, : : I'~

. 1· .· ' ·1. ,I I DES FORMES PRIVILEGIEESf ; ! ;

I, ,I .

I

: I: !

. ' I ' I

· 1·1: ~ .

I

I

Les genres adoptes ou detournes font aussi partie du projet de

beaucoup d'ecrivains de se re-approprier la vision de leur monde,

Les premiers romans des litteratu~es neuves s~nt s?u:,ent r~a-listes, d'un realisme classique qU1 les a parfois fait juger en

retard' par rapport a des ecritures occidentales marquees p~ le

modemisme. L'autobiographie domine, de meme que les fictions

a caractere autobiographique. Le parcours d'un jeune ho~ed'une culture encore agricole jusqu'a I'universite et la modernite

est une source inepuisable de comparaisons et de questionne-

ment. Les exemples sont nombreux et bien connus de~uis l~~

archetypes comme L'enfant nair et Enfant ne pleur~ pa~ J~squ atous les «romans de formation » dans les groupes minontarres au

Canada ou en Australie. Le roman realiste se veut efficace dans

des conditions de lutte. En Afrique du Sud, des textes proches du

documentaires servent a denoncer l'horreur de l'apartheid quoti-

dien. Les meilleurs, comme ceux d' Alex La Guma, transcendentIe simple catalogue des injustices pour atteindre a une ~isio~ tra-gique qui ne depend pas uniquement du contexte l n s t o_nque .

Beaucoup de ces ceuvrcs de resistance presente~t de fal.t.une

vision manichecnne, comme I' a bien montre le cntique

Janlvloharned".. I

Une autre strategic consiste a faire vivre dans le texte ecrit enanglais certains des precedes rhetoriq~es ~~ ~aculture orale en

langue nationale. Achebe, on r a y u , ~ reus?l .a;n~.?rporer les.pro-verbes comme mode de commumcauon privilegie de son univers

fictionnel. Les nouvelles doivent beaucoup aux contes de la tra-

,i! III· · 1 " I

II :

II i, .1'1

II I!

I '

I !I· i'I· I

i I~I II •

I ' l l ,I

I

I .r :

.j II·,

I

' I ' .

I iii" i·:1 I iI .

r ..

I, ill·Ii. I .' I

; , : 1 II

I· I

I :. i

r : · : ,i

:;i ! ,~I i! I iiI: :

,,I

I

,I I I

, . I. I, I

iI I

I

!

! .• : I

·1 '.,

II, I! !I ! : .

I ,I II :., I: II

I, 'I . .

.! I

. j ' . . , II

I: .r :

:. i

r . ' . ;, I : :,

, I .

i Ii i!· 1 i ·1

! I

. ,

I

i I·,

I

.I .. . i '' I II .I! 1 I

: 1 1 11 : 1 ',I ,.I

I I i i '; :, I I. I

I I I

12 Abdul Janlvlohamcd, Manichean Aesthetics,' The Polit ics of Literature in

Colonial Africa, [1983], Amherst, University of Massachuscts Press, 1988.

I I

I

LA T HE OR IE E T LE S E CR IVA INS 55

dition, que ce soit celles de Patricia Grace, Maorie de Nouvelle

Zelande, ou de certains ecrivains indiens. Les forrnes epiques

sont parfois directerncnt transposees comme dans le long poeme

Chaka de Mazisi Kunene, ou encore reformulees dans des

romans a caractcre d'epopcc: I'histoire des esclaves africains par

Armah dans 1lvo Thousand Seasons ou des Iuttes anticoloniales

des Maoris dans The Matriarch de Witi Ihimaera". Beaucoup deromans choisissent une narration collective, souvent croisee a unpoint de vue singulier comme dans Petales de sang de Ngugi waThiong'o.

L'epopee peut prendre nne tournure allegorique pour se faire

metaphore d'un destin national. Par exemple, Voss de Patrick

White, qui evoque la conquete du desert interieur australien, est

une reprise du mythe fondateur tout autant que l'histoire d'une

quete metaphysique. Sur un mode moins tragique, la cathedrale

de verre qui dans Oscar et Lucinda de Peter Carey vogue vers une

implantation nouvelle sur la cote australienne peut aussi donnerlieu a une lecture allegorique,Quand lc decalage avec le reel se fait plus marquant, quand

l'histoire d'un pays est a la fois reconnaissable et detoumee dansdes scenes fantastiques, on a des ceuvres de realisrne merveilleux.

Le terme, utilise depuis Gunter Grass et Garcia Marquez ne

definit pas clairement un genre. Mais les nouvelles litteratures en

donnent de nombreux exemples comme si la fantaisie alliec au

serieux du propos politique etait une forme subversive particulie-

rement adaptee a dire «Ia multiplicite sourde du divers »14. Jean-Pierre Durix analyse bien les points communs de ces textes qui

fleurissent depuis les annees quatre-vingt et jusqu'a I' ceuvre deWilson Harris, refusent Ie s certitudes univoques du realisme".

Ces formes foisonnantes privilegiecs par des romanciers indiens

recents comme Vikram Chandra, Amitav Ghosh ou Arundhati

Roy, permettent de mettre en place des univers aux tres nombreux

personnages. Ils ont tous une voix dans une polyphonie qui, • • e

recuse toute VIS10n unique.

La double vision, celIe de I' ancienne metropole et celle du

pays neuf peut se dire dans le mcme texte par divers precedes.

13 Jean Scvry, Chaka, Empereur des Zoulous, Histoire , mythes et Iegendes,P ar is , L ' H a rr na tt a n , 1 99 1.

14 Edouard Glissant, Le discours antillais, Paris, Seuil, 1981, l2.

1 5 Jean-Pierre Durix, Mimesis, Genres and Post-Colonial Discourse, Decon-

structing Magic Realism, Londres, Macmillan, 1988.

  -~_ -----------......_..~-----,.,.__--------~.-_-------. ·F _.__

~ /

Page 29: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 29/38

56 ETfJDES P()STCOLONIALES E7'LITrERATURE

~,I

L'un de ceux-ci, nous en avons deja parle, consiste a reecrire uneoeuvre classique dans une parodie a la fois respectueuse et desta-bilisante. Ainsi, Coetzee dans Fo e et Samuel Selvon dans Moses

Ascending reprennent le roman Robinson Crusoe; ainsi, Cesaire

et Lamming reprennent La tempete, V.S. Naipaul et Wilson

Harris Au caur des tenebres, et Walcott L'Odyssee. Jean Rhys

repond a Charlotte Bronte avec La mer des Sargasses. L'autreprecede tres souvent employe est I'rronie, o u deux lectures pos-sibles, representant deux systernes de valeurs incompatibles,

coexistent dans le meme texte. Dans ce discours double ou

fissure, la subversion vient de J'interieur. Les maitres de l 'ironie

que sont I'Indien R.K. Narayan on V.S . Naipauljouent en penna-

nence sur cette incertitude de lecture: on ne sait s' il faut privile-

gier la vision rationnelle a I'occidentale ou un regard indien qui

fait sens differemment. Dans les meilleurs de ces textes d'ail-leurs, I'Intention de l'auteur se cache si bien qu'il nous est diffi-

cile de proposer une interpretation finale ou unique comme danscertaines nouvelles d'Achebe ou dans ses premiers romans.

Petit a petit, les textes se degagent des modeles europeens ettrouvent des formes, definissent des genres qui doivent moins

aux recherches du modernisme. Les experiences formelles sont

inegalement convaincantes mais dans ce domaine O U tout se rein-

vente, beaucoup d' artistes ressentent Ia necessite de briser les

vieux mouies ..Comme Ie dit Daniel Delas a propos de Nedjma de

Kateb Yacine, «La domination coloniale et plus encore ensuite la

dependance post-coloniale ont engendre une relation inextricable

de desir et de meurtre qui sollicite peut-etre dans I'ecriture son

implicite le plus tragiq\le»16. Certes, tous les ecrits ne participentpas de cette recherche sur les genres et la langue elle-meme,

Njabulo Ndebele n' a-t-il pas dit que la nouvelle Afrique du Sud

avait besoin d'ceuvres qui «redecouvrent I'ordinaire », qui puis-

sent dire I'intime, le familier sans rechercher la violence et Iesen-

sationnel? La dynamique des productions venant des pays non

metropolitains est telle que les ecrivains ont maintenant

confiance en leur lectorat. II leur est possible de mettre sur la

carte litteraire leur lieu de vie, leur famille, leur conception du

monde. Ils peuvent aussi suivre au plus pres une esthetique trans-

nationale, en experimentant avec des formes et des symboles quiproposent du sens a plusieurs niveaux. Les versets sataniques, Le

.1.1·

i

I .1 ~ I

iI

. !: 1

: 1

. ,

16 Daniel Delas, «Le Maghreb », dans Charles Bonn et Xa.vier Garnier,

Litterature francophone, 1. 1.£ roman, Paris, Hatier, 1997, 184.

, I

·'1

h!: i

I i~

L..

LA THEORIE ET LES ECRIVAINS 57

demier soupir du Maure de Salman Rushdie ou les romans

d' . t?-mitav Ghosh comme Les feux de Bengale et Lignes d' ombre

se Jouent sur la scene de plusieurs pays d'Europe et d'Orient, de

plusieurs visions politiques ou religieuses, de plusieurs systemes

d'images. 011 a pu parler pour ce dernier ecrivain d'une vision

st~reoscopique qui, en photographiant de plusieurs angles a lafois, donne lc relief de la vie. L'eclosion de toutes ces Iitteratures

app~rt~ un indcniablc renouveau fonnel a la Iitterature longtempsdonunee par les seules productions des pays hegemoniqucs ..

BIBLIOGR.APHIE

<Euvres

Armah, Ayi Kwei, Two Thousand Seasons, Nairobi, East AfricanPublishing House, 1973.

Carey, ~eter, Oscar and Lucinda, Paris, 10/18, 1998. (Oscar andLuclnda, Londres, Faber, 1988). .

Cesaire, Airrle, Une tempete, Paris, Seuil, 1977.

Chandra,Vikram, Red Earth and Pouring Rain, Londres, Faber, 1995.

Ghosh, Amitav, Les feux du Bengale, Paris, Seuil, 1992. (The Circle ofReason, Londres, Hamish Hamilton, 1986). Le chromosome deCalcutta, Paris, Seuil, 1998. (The Calcutta Chromosome LondresPicador, 1996). 1 ,

Grace, Patricia, Waiariki [1975], Harmondsworth, Penguin, 1986. TheD:eam Sleepers [1980], Hannondsworth, Penguin, 1986. ElectricCity, I-Iarmondsworth, Penguin, 1987.

Grass, Gunter, Le tambour, Paris, SeuiI, 1979.

Kateb, Yacine, Nedjma [1956], Paris, Points, 1981.

La Guma, Alex, A Walk in the Night, Londres, Heinemann, 1967.

Marquez, Gabriel Garcia, Cent ans de solitude, Paris, Seuil, 1979.

Naipaul, V.S., Une maison pour Monsieur Biswas, Paris, Gallimard,1985. (A Hous~ for M: Biswas, Londres, Andre Deutsch, 1961).Hommes de paille, ParIS, 10/18, 1997. (The Mimic Men, Londres,Andre Deutsch, 1967). A fa courbe du fleuve, Paris, Albin Michel,1982. (A Bend in the River, Londres, Andre Deutsch, 1979).

Ngugi .wa Thiong'o, l!n!ant ne pleure pas, Paris, Hatier, (Weep notCh~ld~Londres,Heinemann, 1964). Petales de sang, Paris, PresenceafTlcalne, 1979. (Petals oj'Blood, Londres, Heinem.ann, 1977).

Okara, Gabriel, La voix (trad., Jean Sevry), Paris, Hatier, 1985. (TheVoice, Londres, Andre Deutsch, 1964). .

Roy, A:undh~ti, Le dieu des petits riens (trad., Claude Demanuelli),P~rls Gallunard, 1998. (The God of Srnall Things, Londres, Fla-mIngo, 1997) .

  -~----~-~-~~---~----~r r~~ ·· I

, ,

I

--__-----_

·I~I i

1 . ,,

58 ETUDES POSTCOLONIALES ET LJTTERAT[IRE

Page 30: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 30/38

I L I' I i 'l

'I' Ii I I

! I'I I :I ,

! I

: I ; ,

,1: 1 1 · 1 I : :• t " L'

,I ~ Rushdie, Salman, Les versets ~a.taniques, Paris, Pl~~., _1~98.. ( T ' I e

S .. 11 Londres Viking 1998). Le de l met soupir c uatonic verses, , , '. I L d1 1 K . - Paris Pocket 1997. (The Moor's Last Sl g 1., on res,l'lQllre, . (., ,

Jonathan Cape, 1995),

Walcott Omeros., New York, Farrar, 1992.

White, Patrick, Voss [1960], Londres, Jonathan Cape, 1980. CONCLUSION:

DES QUESTIONS OUVEKfES

'I ;.,

. :,i ll,I, ·1

I r . ,

II ,

I, I

I. II !

, I I.

. I

: 1 · .· 1 ' .I i· I

Essais

Brathwaite, Edgar K., liistory of the Voice, Londres, New Beacon,

1984. .

H .. Wil Ti adition The Writer and Society: Critical Essays,arns, 1 son, raauton, b IF S TI e Cl~OSSLondres, Ne'A' Beacon, 1967. The WOl n oJ pace: 1 -

Cultural Imagination, Westport, CT, Greenwood, 1983.

Ndebele Njabulo, Rediscovery of the Ordinary: Essays on SouthAfric~n Literature and Culture [1991], Manchester, ManchesterUniversity Press, 1994. , . .

Ngugi wa Thiong'o, Homecoming, Londres, HeInemann, 1972. Wrltersin Politics, Londres, Heinemann, 1981. Bar:el of a Pen, Londres,Heinemann, 1983. Decolonizing the MInd, Londres, James

Currey IHeinemann, 1986. .

Soyinka, Wale, Myth; Literature and the African World, Londres,Cambridge UnIversIty Press, 1976.

I ' ' ~ I, I

. i.1

1

. I

. : , I,

· I 1

I,; 1 ; ,

! :11. , .

i r.I

Le terrain des etudes postcoloniales est un chantier. Ce n'est

pas un lieu de reponses definitives. Mais cc mouvement de

reflexion a amene certains change.ments irreversibles. Le plus

important est certainement I' attitude de questionnement qui porte

autant sur les oeuvre s anciennes que sur Ies nouvelles. Le Iec teur

sait qu'Il doit analyser ses propres presupposes. C'est une sorte

de discipline permanente que d'etre vigilants quant aux cei l le rcsde l' ethnocentrisme. L'eglise catholique elle-meme est actuelle-

ment remise en cause en Asie et en Afrique dans son «universa-

lite» trop europeenne en fait. Une demarche similaire pour la

Iitterature force a examiner de nouveau interpretations et juge-

ments de valeurs. On De reviendra plus a une certaine innocencede lecture. II n' est plus possible de lire les fictions de V Woolf

sans voir Ie role qu'y jouent les fonctions imperiales de certains

personnages, sans avoir aussi en tete le paysage mental crec parI'experience directe de son mari en Asie en tant que representant

du pouvoir britannique. Sans aller jusqu'a un deterrniniste reduc-teur, ou les ceuvres seraient Ie p u r p ro d ui t des enjeux de pouvoir

qui traversent la vie des auteurs, la critique postcoloniale sou-

ligne la part jouee dans I' imaginaire par les fantasmes de

«I' autre », par les lieux de dialogue entre cultures dominees et

dominantes. Apres une periode ou elle opposait ces cultures les

unes aux autres de facon binaire, elle sait lire avec plus de

nuances les espaces intennediaires, les formes de complicire et de

fascination mutuelle. La demarche comparatiste s'est revelcc tres

fertile. Les ceuvres do Second Mende, du Tiers Monde, du

Quatriemc Mende, pour reprendre la terminologie des critiques _

differente de celIe des politiciens -, sont devenues plus lisibles

quand a e te fait non seulement I' inventaire des themes mais

l' analyse des modes de reprise de Ia parole. On gagne it traiter

ensemble des nouvelles du Canada et de Ia Nouvelle-Zelande

· :

· I.I .

· , 1 1 , I ., ,Ii· :

01 !I I

I : . 'I ., '

, 1 '1 1

. ,, I

i~ I :!! I

·11 .!! ~

!! .:I iI . II, II., ~· ,: I

I I

: . i '· . I

i,

· I

·I :

! :

II'! ! I· '~ ,

;! !,I j: .r:I

. ! I!II ,.

: • I. . ,

· "I .

' I 1

' ! I I,;,

·I ! ! .! '

:! ii,: I I I

I ,

I .

! ' 1

, ,, '

I .11 !·1 .· '

·.1 I. ;

· i",

1 "

I' !

. ,

: 1 i

I ! I1 :

I II· 1 . . ,i 1 .. :

,

I

1 . i. I . '

: I r I I

I :

1 . -1 ' _ - ._ ~ _. - . ---------------------------

 

_ ..... ---

.- ----------------------. . . . .r '. I

i 1·1

, 1

. 1 1 1

E TU DES PO STCO LO NIALES ET LITfERATURE CONCLUSiON: DES QUEST IONS OUVERTES 61

Page 31: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 31/38

i :. I·

I .

60

·.

. : 1 . . 1 I

, ! I ! I ' u

. I, :.I

I·, I: I

j: I, .. . '

, .

,

conune «reves de parole et de violence» 1.La facon ~on~les ecri-vains de peuples un jour domines reecrivent leur histoire passe

par certaines phases qui sont similaires pour les Ghanecns Oll les

Maoris.La critique meme de la notion de «Conunonwealt~» en tant

qu' ensemble de productions littcraires a atti~eI' attention sur les

risques de sentimentalisme imperial, nostalgic du centre r o u : : cequi subsiste de britannique dans les ce,:vres de pays .lolntalns.

Certes, cet angle reste un des angles possibles pour decrire et ana-

lyser, mais comme pour la francophonie, il peut masquer. ce que,

dans une langue unique, les ecrivains etrangers peuvent dire de la

singularite de leur experience. . .Uue approche qui tient mieux compte d _ u cont~~te POl1~1~ue~t

social des oeuvres souligne de facon salutaire les difficultes inhe-

rentes a toute lecture. Si nous sommes obliges de rechercher

un minimum d'informations sur la societe igbo ou les differen-

tes constitutions du Nigeria afin de cornprendre les romansd' Achebe, nous ne pouvons nous empechcr de nous demander en

retour: sommes-nous stirs de connaitre suffisamment le contexte

d'reuvres apparemment plus proche de nous, ~e Faul~er, de

Flaubert meme ? Ne nous laissons-nous pas aller a des presuppo-

ses, a la certitude de connaissances partagees, qui DOUS ~asquentcertains aspects des reuvres? II a fallu la lecture fa~te pa~ leKenyan Ngugi des romans de 'Thomas Hardy pour qu en soient

mieux soulignees certaines lignes de force: T~ss, dans Tess

d'Uberville est definitivement coupee de sa famille, comme un

personnage'de Cheikh Hamidou Kane parce que_l:ecole lui a

appris un anglais que ne parle pas sa mere. Le fermier analpha-bete heros du Maire de Casterbridge, est un personnage tra-

giq~e, depasse par les jeunes et leurs nouvelles tccbnotogics. S.on

histoire est proche de celle racontee par les romanciers africains

ou indiens mais nous Ia lisons mieux maintenant car notre regard, . .. , .est affine par tous les debats sur tradition et mode~lte: aus~l

pieges soient-ils. Les nouvelles Iitteraturcs ant amene u~ Im~g~-naire et une problematique a la taille du monde et de sa diversite.BIles ont contribuc a depoussierer notre regard sur les textes«classiques- et nous Iiberer de preoccupations exclusivement

enfermees dans Ie texte.

Enfin, dans beaucoup duniversites de pays de langue anglaise,

les etudes d' anglais ont profondement change, Le canon, liste

officielle d~s grands auteurs heritee du debut du siecle, est

constamment remis en cause; les etudiants sont attires par ces

textes qui posent des questions urgentes, actuelles, qui ouvrent

sur des manieres tres differentes de sentir et de comprendre le

monde, Certains etablissements universitaires ant vu des change-ments institutionnels importants avec la creation de filieres

d'etudes postcoloniales. II est difficile d'en predire I'avenir; De

m eme , il faut noter que les centres les plus traditionnels, et

parfois les plus prestigieux comme Oxford, ou certains vene-rabIes colleges universitaires indiens, se sentent encore peu

concernes. Mais I'interet ne cesse de croitre, relaye par l'engoue-

ment du grand public pour des auteurs devenus best-sellers

comme Rushdie, Ben Okri, et Arundhati Roy.

I .' I"

j . '

!: .. II .

, I : , i lI :I

I

I. ,

,I· 1

, j

d i l l ',

I·.

, ,

•. i·,

I:

I,. ,I ', I.

, , 'I 1

1 1 ; ' 1 . r : '

I I

DES QUESTIONS DIFFICILES! I I

! ' · ' 1 ' : I,· I ',

1 · : - 1 . I

I I

Ii." 'I

. ! ! .i 1

'I,. I 1 William II. New , D rea ms of Speech and Violence: The Art of the Short Story

in Canada and New Zealand, Toronto, Toronto University Press, 1987.

Le critique litteraire qui aborde ces domaines a parfois unesensation de vertige. Parler de Dickens semble sans r i sque" Mais

analyser des Iittcraturcs contestataires qui s'attaquent aux pro-

blernes urgents de notre epoque semble exiger des connaissances

dans de tres nombreux domaines. Ne faudrait-il pas une forma-

tion en sciences politiques pour parler des discours nationalistes

on antinationalistes des ecrivains dans des situations si diverses,de la Martinique au Kenya? Ne faudrait-il pas une base de socio-

logie pour bien analyser la representation des roles masculin etfeminin - gender -~ dans les romans indiens, antillais, ou meme

australiens ? Et pour certains problemes, les sciences humaines

actuelles ont-elles merne les outils conceptuels pour aider apenser ce qui fait I'urgence quotidienne des textes consideres: les

mouvements migratoires, la globalisation, la croissance incontr6-

lee de villes comme Lagos?Les ecrits theoriques sur les domaines postcoloniaux donnent

parfois l'impression de se perdre dans des apports theoriques

contradictoires, ou pour le mains heterogenes. On a reproche aSaid une certaine incoherence dans l'usage des concepts: Ie pro-

bleme de la representation n' est pas vraiment traite dans son

eeuvre, car 011 ne peut dire a la fois que tout discours est une

fiction arbitraire qui invente I'autre, et aussi que la «realite »

est autre que celle decrite. A cela, lc critique repond qu'rl a

I 'I,

:1

I

, ,

u I,

I ',i

! ·I ii , . :

Ii'

II 1 ". :

I '

.i.: 1I ,

I ~ •

. ~ ; I I' II

. I

I , ;I I

I. I i

, ..

I

-r

,

•,f

, I

I I I :I I .I. !, ,

~!,

 

------------------~-------~~____._-.---.---

~

;I II I

I I

,

f'pr

. 1

,I I

I:. I

. I II ' 62 ETUDES POSTCOLONIALES ET LI1TERATURE CONCLUSION: DES QUESTIONS OUVERTES 63

Page 32: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 32/38

. ' I,

I I

: :. '

; ,

conscience de travailler avec deux theories peu compatibles,

rnais que dans I 'action qu'il rnene, les deux lui servent. D~ pl.u~

en plus, le lien entre lcs speculations abstraites sur la rnarginalite

ou I'essentialisme, et d' autre part l 'etude de textes precis tend ase distendre. On cherche en vain des exemplcs, alors que des

textes fondateurs comme ceux de Said ell proposaient une grande

variete. On va meme jusqu' a une derive narcissique, ou les theo-riciens toumant en rend, se repondent indefiniment les uns aux

autres, ne citant que les essais d'un merne cercle, certes interna-

tional, mais apparemment dctache de toute etude de cas precis.

On a nne fuite en avant, de X critiquant Z pour ses commentaires

sur Y et ainsi de sui te" D' ailleurs, les termes du debar ne se sont

pas renouveles recemment. Le trio de penseurs canonique, Said,

Bhabha et Spivak, ne propose plus davancee. La theorie serait-, ~ /

elle momentanement ell panne , au moment ou est creee une

revue, Interventions. entierement consacree it des discussions

generales sur le postcolonial?' .Sur Ie fond, des problemes importants sont apparus. II est dif-

ficile de proposer un concept unique d'ecriture de la resistance

devant I'heterogeneitc des situations. A vouloir trop generaliser,

on risque de fabriquer d'autres essentialismes, par exemple

autour de Ia notion de «subalterne »: l'oppression que subit la

bourgeoise indienne en tant que femme est-ell~ de rneme ~at~r:que celIe que subit le paysan sans terre? La notion de marginalite

connne lieu de contestation et de creativite peut a son tour etrereifiee, dans une langue de bois qui ecrase toute nuance. II est dif-

ficile de parler dans un meme argument de la necessaire dissemi-

nation, de I' abse-nce de tout centre, et aussi de l'agency, de lareprise de la parole et de la subjectivite face it un centre, colonial

ou neocolonial. Les etudes privilegicnt les expressions anti-

imperialistes. mais les axes de resistance et d' affmnat~o~ ide~ti-taire ne se construisent pas seulement contre les hegemonies

coloniales ou neocoloniales, mais aussi selon des fractures entre

classes, religions, sexes, ethnies, tout aussi importantes.Les specialistes de litterature se heurtent a des questions .de

fond qui sont parmi les plus brulantes du monde contemporam:

peut-on defendre en meme temps le droit a la difference, celui desrninoritcs, et la cohesion nationale qui pour certains, en Inde par

exemple, est lc seul garant des droits de ces memes minorites ?Le

probleme semble directcment politique, et pourtant, combien

d'ceuvres de fiction exaltent tel ou tel particularisme, ou reconsti-

tuent une authenticite perdue! Quelle distance peut prendre le

critique? Doit-il, devant les textes les plus Iyriques, lcs plus

acheves sur les racines au la voix populaire, s' efforcer de garder

ses distances, se rappeler que l'auteur, meme sil se donne Ierole

d'un messie au d'un maitre, nest pas nne voix «authentique»unifiee ?

Entin, les etudes postcoloniales sont attaquecs dans certains

pays comme une nouvelle reprise en main, par I'Europe, des

debars et des Iitteratures des etats maintenant autonomes ..Le

terme serait construit par I'Europe, autour de sa domination

passee et actuelle; dans le mouvement meme qui la conteste, sa

centralite persiste. Et, dans ce cas, on souligne que I'mcompre-

hensible langue specialisee, sa terminologie obscure sont une

nouvelle facon de conserver l'hegemonie et dempecher les pen-

seurs d'autres origines de sejoindre au debat ,

,

. I!1 ·1 .: I : .I·

,I

·1 I!·I

! :

'I '

I I·I '·. I

,e. ,

I

'I .,

I . I

Ii 1

· ' 1: i I, ,I , .I ;'. ,

DES DIRECTIONS POSSIBLES

I . . 2 Londres, Routledge.

Le foisonnement de controverses et de decouvertes a enseigne

aux chercheurs une certaine modestie. L'idealisation du role de

l' ecrivain dans Ie processus de transformation de la societe

cede la place a une nouvelle. appreciation ..Apres tout, dans les

pays riches comme dans les moins riches, les Iecteurs de fiction

sont une tres petite elite privilegiee. Seuls les textes inscrits

au Pantheon des systemes scolaires peuvent servir un tempsde doxa, mais des ceuvres au programme gardent-elles un

pouvoir subversif? La demarche se fait plus modeste en ce

que les critiques acceptent que I' angle postcolonial n' epuise

pas les lectures d'une oeuvre, roman ou poeme. On se rend

compte aussi que les etudes postcoloniales privilcgient certains

auteurs, mais aussi certains types de textes comme lcs grands

romans polyphoniques. La poesie, trap Iiee a un Iieu OU a nnevision singulicre, se prete moins it de grandes fresques compara-tistes.

Le probleme des critercs esthetiqucs et des valeurs rcpre-

sentces rcste enticr, et une analyse politiquement correcte

nepuise pas les niveaux de signification d'un livre. Les com-

mentateurs les plus engages I'admettent, apres une phase exclusi-

vement militante peut-etre neccssaire - voir les Black Studies

, ~ I ' 1 - '

II '.i(,., ,

,I

I: I·1 I. .

I '

I I ,

I~II.

, : i

, .

. I

!II

: II·1I

. , ! I .

, 1 '1,i

! . ·1

i I : II: •I

:! I

,. I

' . , ' 11, I I

, . I II! ., I .

I i

, '

.I

I·I I

I j.' 1

  - .........,_ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .~------:::-----~----- . _ _ . - ---

·1 r ' ~ !I

!I e ,

! I il ' l! iI I I

; 1 1 1, I

·I

I I

I

I I

I :,

/ ~.

ETUDES POSTCOl~ONIALES ET LI1TERATURE CONCLlJSION: DES QUESTIONS OUVERTES 654I 'I

Page 33: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 33/38

I

I : I,. , II I . I

I III .: I I,

. :~

' . : ·1 · : ,.. ,

, . : 1

I .

"

I

I . I :

1 : . I :· i .1, .

! .: i i: .· 1 : .: ~

, .

I !I

: ' 1 , 1 :. I II . :

iii

, .,, '

·1i I

: I : ~ ; I

; I

I . :

!

p ou r l es Africains-Americains et leur lecture souvent Iitterale de

la litterature noire. Apres I'exaltation d'une periode ou l'on

retrouvait partout des similarites, on s' attache aux specificites, on

d ec ou vr c I a diversite des situations. Par excmple, en Afrique du

Sud aujonrd'hui, quelJes categories permettraicnt de definir Ie

colonial ou le postcolonial? On generalise rnoins, on decouvre

que certains auteurs peuvent etre a la f~is du Tiers ~onde et ~ e ~ ~ -t io nn ai re s, e n particulier dans leur discours sur 1 authenticite.

Dans so n affirmation de J'identite antillaise, E.K. Brathwaite

ignore les habitants d' origine i~dienne,?u. ch~noise, comme ili gn o re l es femmes. On reconnan que I ecnvam, par son statut

meme d'homme instruit et privilegie, mais aussi par le caractere

s ingulier de sa vision, n'est pas oblig~toirel~ent /la vo~x du

peuple. En merne temps, on a une conception mOln~ reductrl~e de

sa «positionnalite,» de la definition d'un sens exphcable unique-

ment par le lieu d' ou il parle.De nouveaux chantiers s' ouvrent, puisque des decennies

apres le s independances; il~aut envis~ger r obsol~scence duterme postcolonial. La rcflcxion amorcee sur les migrants, les

diasporas anciennes, les societes dites multiculturelles, amene arepenser a l'echelle du globe le s thematiques de I'exil, de I' etran-

ger, de I' autre longtemps et~diees par les ~omparatistes. BIle

s ' en r ich i t des travaux de sociologues et politologues, dans un

debar qui est au premier plan de nos societes. Le berbere peut-iletre un e langue reconnue en France, quel est l'avenir des eccles

musu lmanes en Angleterre? Toutes ces questions qui touchent al'appartenance et a l'Idcntite S011t au cceur de productions roma-

nesques dont ils re~te a defini,~Ie c~a~p: deuxiem~, troisieme

generat ion? Quels liens avec I unagmaire et les pratiques narra-tives dans les pays d'origine? Ou encore, I'hybridite n'est-elle

pas l'essence meme de toute culture?Certains ecrivains refusent d' etre definis comme appartenant

a un ensemble postcolonial. Rushdie s'est exprime 1ftdessus avec

vigueur. II faut noter cependant que les ecrivains se considerent

d'habitude ecrivains tout court, refusant meme que I'on dise«ecrivain indien » ou «ecrivain africain ». Le critique nigerian

Abiola Irele defend l' idee que nous sommes entres dans l' erepos t-nat ionale pour la litterature. A l'cpoque d'Internet, les ecri-

vains s e connaissent, dialoguent et se lisent entre eux d'un bout

du mondealautre. L'Indien Amitav Ghosh a dit se dcfinir par lavaste bibliotheque de son grand-perc qui incluait avec les auteurs

bengalis tous les grands auteurs europeens. 11est autant le fils de

4

I

I :.nI

1 I

i I~I,'

I I· '

Tolstoi que de Tagore", Le monde des lettres anglophones est

vraiment a l' echelle du globe. Que cette globalisation transforme

le sens des ceuvres qui peuvent rester exotiques pour des lecteurs

lointains, une forme de tourisme en chambre, c'est certain. Deux

pieces de combat ont et e jouces par des Africains a Londres dansles annees quatre vingt: The Trial of Dedan Kimathi de Ngugi sur

la lutte anticoloniale et la trahison du nouveau pouvoir, et

Seraphina, piece anti-apartheid: Ie public y vit surtout des come-

dies musicales dynamiques avec des airs entrainants. On peut

aussi objecter a cette nouvelle definition de la litterature contem-

poraine comme post-nationale qu'elle est Ie fait d'une elite fort

instruite qui est partout chez elle. On retrouve la certains aspects

de la vision cosmopolite des privilegies, a des annees lumierespar exemple des poemes de Sudesh Mishra exprimant Ie deraci-

nement des Indiens SOllS contrat a Fidji . .. Pour certains, la phasepost-nationale est celle d'un nouvel imperialisme, I'impcrialisme

Nord-Americain qui devient la nouvelle reference, centrale

quoique diffuse, dans les pays anglophones ... sans parler desautres. La vision enthousiaste du melange et de l'echange n'estpeut-etre alors qu'une forme de multiculturalisme sentimental

inspire des Etats-Unis , et sans lien avec la realite tres specifique

des ecrivains qui, dans un pays donne, ceuvrent pour recouvrer. -'

une VOlX menacee,

On se mefie a l'heure actuelle du terme «universel», commedu terme «humanisme », souvent utilises par les groupes domi-

nants pour definir les valeurs qu'ils veulent imposer. La reflexionest maintenant ouverte sur Ie dialogue entre Ie particulier, Ie sin-

gulier et le global. L'accent est pcut-etre moins mis sur les

peuples domines, par les anciens ou nouveaux imperialismes,comme victimes mais plutot comme porteurs de visions neuves.

SeIon les tennes du Neo-Zelandais Mark Williams, on reconnait

que la demarche postcoloniale est encore utile: «NOllS n'emer-

geons pas miraculeusement apres Ie colonialisme dans un espaceou nous aurions acces a une vraie connaissance, a une vraie d e f i -nition de nous-memcs, ou les anxietes du passe n'auraient plusd'incidence sur Ie present.» 4 Mais il faut admettre, maintenant,

que les productions Iitteraires de tous ces pays Iibercs d'un

I!I iI

" .

I I ' : i: I,II

: .

, ,I .

. ' i I' r ,

, · ; 1 '

· : 1' ·: u

: 1 ~ !~I ,I .

, I !

! I

,I

! I ,:I ' I. ,

; I·! I·

Ii. I

I i, .,

II .:

, IIII ! iIi·I· ,i !I

,

· I!I ~

I·I t

I :I I,,

I! !

II I I I

I I!d I

. II I

Ii· i!

· : 1 1,i

i, '

I ," :'I .I,

I II .

· I··· I ; I .·I

·i,

r:

i.· ,

· ,.I~

I!

. ,

! ·1

: I,,

I,

,I

· 1 I

· II .

. ' I ·I

: I

1 I

, II

! ·1 ,: I

, I · :

I'·1

jl:

I" :

i I : ~ , 'I

I .

: I I :·III

: ! I

I I

II Ii. : 1

' ,

. I

3Amitav Ghosh, «The March of the Novel through His tory: The Test imony

of my Grandfather's Bookcase », Kunapipi, 19,3, 1997.

Mark Williams, Post-Colonial Literatures in English: South Asia, New

Zealand and the Pacific, 1970-1992, Londres, Prentice Hail, 1996, p. xiii.

: II

I .1,

' " : : ! I iI

, '

I !

·I

,

j

LI

-

; i

I . ,. . I

  - ........----~~--~------~--------- ----

~ /

ETUDES POSTCOLONIALES ET LITfERATURE6II~ :

il ',

Page 34: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 34/38

1'1:1 ,II pouvoir imperial central doivent etre aussi considerees dans leur

var i e t e , en tant q u ' e ll es reprcscntcnt a la fois des cultures litte-

raires nationales et post nationales.

I '

,I i

'I :, ,,I II

I p!

, : ;' !II , ,

~ ' ,I! I

I

I, !

'

I

, I

BIBLIOGRAPHIE, I':':

I !II ,' ', I I:

I i i 'I

, 'I

,, I,! I '

II , :

: : ' I! lI :

I I '

I I ,i " ,I I i

I;:1 '. !

I I

, = !', ,

,

(Euvres

Hardy, Thomas, The Mayor of Casterbridge [1886], Londres,

Macmillan, 1974. Tess d'Uberville, Paris, Ombres, 1994. (Tess of

the d'Ubervilles [1891], Oxford, Oxford University Press, 1983.

Kane, Cheikh Hamidou, L'aventure ambigue [1961], Paris, Livre depoche, 1971.

Okri, Ben, La route de la [aim, Paris, Laffont, 1997. (The Famished

Road, Londres, Jonathan Cape, 1991).

,

, I

! ; 1, 1

I ! ,q'

j l : l . l

, " II ', I " , 'I

I ', ,I

' . I i :" I' ,'

I It i' ,

I

, ,

, I I ~ : ',• I I

, ,

!

II ' I

i : i l lj'

; : ' I I'

, ; . : 1 1' 1I , I

i ! 'III ; ,I

.1 1 : !

' ,I ":

! ' i l : l i, 'I I

,~ i '

I ti

Ii 'I ' 1

. . ' I !: , iI : :. ',

: , I i ! I!I !

II ,d!: !

r '

. :i , . i,i

; :1 1 l:I "

" '

I

I "

,

: II

I

I: i,I I I

r\

BIBLIOGRAPHIE GENERALE

(Euvres

Pour les c eu vre s d e Iitterature francophone, un e presentationa ve c u ne bibliographie tres complete s u r Ie roman:

Bonn, Charles. et Xavier, Gamier, Litterature francophone, 1. Leroman, Pans, Hatier, 1997.

Les presentations Ies plus ouvertes a la Iitterature sont:

Ashcroft, Bill, Gareth Griffiths et Helen Tiffin, The EmpireWrites Back, Londres, Routledge, 1989.

Moore-Gilbert, Bart, Postcolonial Theory: Contexts, Practices,Politics, Londres, New York , Verso, 1997. .

Walder, Dennis, Post-Colonial Literatures in English: History

Language, TheolY, Londres, 1998.

Pour la litterature anglophone:

Coussy, Denise, Evelyne Labbe, Michel et Genevieve Fabre, Leslitteratures de langue anglaise depuis 1945, Paris Nathan

1988. ' ,Durix, Carole et Jean-Pierre., The New Literatures in English.Paris, Longman France, 1993. '

Benson, Eugene et Conolly, L.W., Encyclopedia of Post-colonialLiteratures in English, Londres, N ew Y ork, Routledge, 1994

Ouvrages theoriques

Deux recueils d' essais constituent nne bonne introduction audebar theorique:

Ashcroft, Bill, Gareth Griffiths, et Helen Tiffin, eds., The Post-

Colonial Studies Reader, Londres, New York Routledge1995. ' ..,

Mongia, Padmini, Contemporary Post-Colonial Theory: AReader, Londres, New York , Arnold, 1996.

  _ . _ . _ .. --------

! ; , I I ' I 'I ,

j' II: I

, , I, .

,

;•,

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Page 35: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 35/38

I '

'

, <

I 'I iI

,

I I~,.Ir ,

I.

'.1

I,

.,!, I , ; ''!"

I , 'I ~

. I I 'I '1 r

..t

. r,

,

I·:

, : I ', '

:11

..I

! I· '

::1I·

" ' 1 '"I .

I. ., IiI

I

. I

~ ,~I :: I

!.. "

,.I

I: I I

i iii i

I: I:. .I,

,I

I

r. I

.11

,: I

. ' 1 1 1 1 iII"

I,·

I '

III

i ' - I ' , l i' I

I .j I

I .I '. I

: I:,I I '

"I

: ' 1 1

I';. I

,

I I ~

, .,,:1,

i' i' lI ;i!' ,

I

,I,I: ,

, '

,!

i

Ii ., .I

;

INDEX

aborigene : 44

A c h e be : 1 6 , 2 0 - 21 , 2 6 , 3 0 , 3 9 , 4 5,

49-51, 54, 56 , 60

Adam: 48,52

Afrique: 7, 9-10, 12, 14-16, 18-

19,21,23-26,29,31-33,44,

46,50,52,54,56,59,64

a g e n c y : 42,47,62

Anand; 18,21

anthropologie: 17, 37

Antillais : 27, 30, 33-34, 44, 48-4 9 , 5 3 , 5 5 , 6 1

Antilles: 7, 19-20, 23, 53

apartheid; 54

Appiah: 33, 46

Armah: 26, 34, 55, 57

Ashcroft: 28-30, 36, 53, 67

Asie: 16, 25, 33, 59

Atwood: 28, 36, 49

Austen: 9, 12, 24, 39, 47

Australie: 11, 19, 24-25, 27-28,

38,46,54a u t h e nt ic it e: 3 2 , 4 4, 5 2, 6 3- 64

autobiographie: 54

autobiographique: 54

Ben Jelloun: 34

Benson: 67

Beyala: 34-35

B h a b h a : 3 3 , 3 6 , 4 0 - 4 1 , 4 3 , 4 8 , 6 2

Black Studies: 38, 63

Blixen : 15-16,21

Boehmer: 8, 22

Bonn: 39, 56, 67

Boudj edra: 9, 12

Brathwaite: 30, 49, 53, 58, 64

Bronte: 12, 45,47,56

Caliban: 15, 27

Canada: 8, 24-26, 28-29, 33, 46,54,59-60

canon: 12, 61

Caraibe: 9, 25, 27, 40, 52

Carey: 46-47,55,57

Cary: 16, 20-21, 50

Cave: 10

Cesaire: 20-21, 56 -57Chaka: 30, 55

Chamoiseau: 30, 36

Chandra: 55,57

Chateaubriand: 17

chutneyification: 32

Coetzee: 27, 29, 35, 46, 56

Coleridge: 24

colonialisme: 65

colonie: 10

colonisation: 10-11, 14-15, 30

colonisateur: 17, 20, 27, 33, 41,

44-45

Commonwealth: 8,23-25,27-29,

3 1 , 3 3 - 3 6 , 5 2 , 6 0

Compagnon: 9-10

Conde: 33,35

Conrad: 12-13, 15-16, 21, 39, 41,50

contexte: 10-12, 14, 16, 19, 27,

39-40, 44, 54, 60Coussy: 67

creole: 25, 30, 44

cultural studies: 38

Defoe: 12, 21, 27Delas: 56

Derrida : 9, 37, 41-43dialecte: 53

Dickens: 12, 61

 

70 INDEXI:

, r ' !I .: iI'

: , I

Iii I.

INDEX 71

. :

I .

Page 36: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 36/38

! "; I

, .,I

. i

! 1 . 1 '.

I

II '

·rt .

I I

.j;

, I~

dominant: 27, 30, 41, 47

d o m i n e : 1 7 , 2 9 , 4 2 , 4 4 , 5 4

Durix. : 35, 55, 67

hybride: 19,29,41

hybridite: 12, 20, 33, 64

Leconte de Lisle: 17

Lukacs: 16Orient: 16-17,21,35,40,45,48,

57

oriental: 17

orientalisme: 16, 31

origines: 32, 53, 63

Osundare: 29

Fabre: 67Fanon: 9, 16, 22, 28, 31, 41, 44

Faulkner: 33, 60

feminisme : 11, 43

feministe: 41, 45

Flauber t : 12, 17, 60

Foucault: 9, 17, 37, 42francophonie: 8,23-24, 60

Fromentin: 17

Frye: 25

Garnier: 39, 56, 67

g e n de r : 1 0 , 45 , 6 1

G h os h : 3 2 , 35 , 5 5, 5 7 , 6 4 -6 5

Gilroy: 33

Glissant: 44, 48, 53, 55

Globalisation: 12, 61, 65

Golding: 15, 21

Goldmann: 16,43Gr ra c e: 7 , 3 9 - 4 0 , 4 5 , 5 5 , 5 7

Gramsci: 28, 41

Grande Tradition: 12, 24, 38

Grass: 55, 57

Griffiths: 28-30, 36, 46, 53, 67

ideologic: 12,14,17,24

ideologique: 16, 20, 39, 42, 52

ideologique: 16, 20, 39, 42, 52,

igbo: 60

Ihimaera: 30, 35, 55imperialisme: 39-40, 42, 45, 65

Inde: 10,16-18,23-24,26,29-30,

32-33, 35, 38, 40, 46, 52, 62

Indien: 14, 21 , 32-34, 44, 49, 56~

64

indirect rule: 9

Irigaray: 9

Ishiguro: 34

Maghreb: 32, 56

Malinowski: 31

Malouf: 28, 35

Mansfield: 19,21,39,47

1 1a rk an da ya : 2 6, 3 5marxiste: 20, 39-41, 43

Mau Mau : 15, 30

metafiction**** *metafictionnel : 47

metafictionnel : 47

metissage: 20

migrant: 8,22

mimicry: 41

Mishra: 65

missionnaire: 30

Moore-Gilbert: 48, 67Morrison: 33, 35

Mouralis: 10, 12

multiculturel: 47

p'Bitek: 31, 35, 50Pakistan: 30, 52

Philips: 34-35

Picasso.: 19

pidgin: 25, 30

postcolonial: 8, 10-13,23,25-27,

29, 31, 33, 35, 37, 39-40, 42,

46~48, 62-64, 67

Postcoloniaux: 10, 15, 27, 42, 45-

47,61

post-moderne: 47

psychanalyse: 11, 37, 42

Eliot: 19

empire: 7, 10, 18, 23, 26-28, 3 1 -

3 2 , 3 4 , 3 6 , 3 9 - 4 0 , 6 7

essentialisme: 53, 62essentialiste: 19, 31, 44

ethnologie: 37, 41excision: 31, 41

exil: 11,29,64,p..

: I II I, . r : ~ , I I

II .I

I

I 'I· II I "; iI

I

I· ,

: I I ·I .,

. ,,, ..

~I: i.

! II .I .I ' . .

; ,r,

, '

i, .

. . I· : :

I

Kane: 60,66

K e ny a : 1 5 , 2 6 , 29 , 5 0 , 6 1

Kenyan: 16, 49, 60

Kenyatta: 50

Kikuyu: 29, 51

Kimathi: 30, 35, 65

Kincaid: 30

Kipling: 14-16, 21

Kourouma: 9, 12

Kristeva: 9

Kroetsch: 49

Kunene: 30, 35, 55

Naipaul: 32-33, 35,42, 53, 56-57

Narayan: 18, 21, 56

nation: 27-28, 30, 44, 48, 53

nationalisme: 11, 20, 31, 44, 50

nationaliste: 31, 41, 44

nativisme: 11,18,44

Ndebele: 52, 56, 58Ndyaye: 34~35

Negritude: 19-20, 49

neocolonial: 23, 39, 62

New: 8, 14,21-22,26-29,36,38,

41, 48~49, 53, 58, 60, 65, 67

New Criticism: 27

Ngugi: 16, 20, 29-31, 35, 41, 45,

48-49, 51-52, 55, 57 -58, 60,65

Nouvelle-Zelandc : 25, 59

Rao: 18, 22, 49, 51

realisme magique: 11

realisme merveilleux: 55

resistance: 11-12, 27, 29, 31, 41-

42,45,54,62

R h y s : 4 5 , 4 8 , 5 6

Riffaterre: 34

Roy: 55,57, 61

R u s h d i e : 18, 20, 22, 3 2 , 35, 4 0 ,

44, 46, 49-50, 57-58, 61, 64

I :· I

Ii James: 20, 58

Jameson: 39, 48JanMohamed: 22,54

Jhabvala: 26, 35

Joyce: 1 6 , 2 0 - 2 1 , 3 3 , 5 0

· j . :i ~ ,.

, I• r I I.. .I : ., .

I

; I .

. II .

i! !i!

· , I· I

· : I~ ,

I: ! I i i i

:: !·I

Haggard: 14, 21

Hardy: 60, 66

Harlem: 19

Harris: 32, 35, 49, 52-53, 55-56,

58

Hernon: 35

histoire: 9, 11, 17-18,20,27,30-

31, 33, 37, 39-40, 46, 50-52,

55,60

La Guma: 54,57

Lacan:9, 1 5 , 3 7 , 3 9 , 4 2 - 4 3

Lamming: 20-21,27,56

Langue: 7-10, 12-13, 18-19, 25,

27, 29-30, 34,44-46, 49, 51-

54, 56, 60-64, 67

Lawson: 19~21r

Laye: 18,21

Lecarme: 10, I

,. I: I; !

: ~, i

, I : ' ~.1 I. I II~ I

·1

1

Occident: 17, 31, 40-42, 44

Okara: 51,57

Okri: 61, 66

O n d a a ~ e : 4 4 , 4 6 , 4 8

Said: 8,16-17,26,28,31,33,40-

41, 43, 48-49, 61-62

Saint-John Perse: 17, 53

Sartre; 15-16,28,49

Selvon: 30, 35, 56

Sembene: 20,22

S en gh or : 1 9

Sevry : 21, 55, 57

Shakespeare: 9, 15, 24, 39

SIemon: 26, 33, 52

sociologie: 11.,37,61

Soyinka:20,26,39,42,48-49,58

Spivak: 38-43, 45, 48, 62

Stratton: 45

iI '

! I

I II

II '

IiII·,

Ii' I

  _ _ _ _ ., . ~ 1 _II && _,_¥.,::::.~

72 INDEX

- - - ~ ~ - - - - - - ~ ~ - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -1 ' 1 'I I

,I

II 'r : : II I

I

II

I I

Page 37: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 37/38

, I i :"

: I,

IiI

O J:I

subalterne: 41-42, 46, 62

Suleri: 16,22, 33

Yacine: 56-57

I; ,

, i i' ,

. : '1 " 1I

I ,, ,. .

I

: "i J

' I I '' I

! I,i

! I :: I .

, II, ,! :j

universaliste: 42

Walcott: 31,36,39,49,53,56,58

Walder: 22, 67

Wells: 16, 22

White: 14, 22, 55, 58

Williams: 38, 41,48, 65

Woolf: 19,39-40,48,59

Wordsworth: 21, 24Introduction " . . . . . . " . .. ... . . . . . ... .... ......"" ... .. ".." .... ".. 7

:1 '

' I' 'I I

i '1: 1

1

', ;

I !

, IL

, ' , ,: 1:

' IiI '

I: i,,I', ,

! " ,

'orI ' . '

I

Tagore: 18, 65

t h e o r i e : 9 - 1 0 , 33-34, 3 7 -39, 4 1 ,

4 3 , 4 5 , 4 7 , 4 9 , 5 1 , 5 3 , 5 5 , 5 7 ,

62

Tutuola: 19, 22

Zola: 9

Zoulou: 30

TABLE DES MATIERES

Vassanji: 33, 35

Verne: 13

Les ecrtvains de la periode coloniale " " .

Le regard des colonisateurs " "" ",, ,,"L '· 1·orienta lsme " " """ .."" . " "" .L'''' · / ...em pIre a aU SSlecnt " " "" "

13

13

16

18, I

:1

: "I

" i ll I:'I'

I j : l :, ,,

" ,

, ' I: ,I

, : I, "

II i

i i i ', I j ", I

Du commonwealth au postcolonial:

definition d 'un corpus """ .."" " .. " " """ .

Le commonwealth .. " ".." .The Empire writes back (1989):

L'empire contre-attaque par l'ecriture "" " ..

Au dela des essentialismes " " " .

23

23

: I

i ''I'I i :

, ' " I! ! I I,, , I

, "

!jj I I

I, : rI:

! "

I '

26

31'l!

'I

Developpement d'une theorie postcoloniale D •

Disparition des frontieres entre discipline ".." .D S the ...e eof1 C1ens .. .. . . .I . • • • . . • . . . • . ' l • ' . I • . • i III .. • • • .. iI

Des questions connexes :

identite nationale, feminisme, postmodemisme ... .. .. "

37

37

40

i ,:1

, 1 1 .1'Ii " I

, i'

; I i ',I '

43

I,• :I

I!

La theorie et les ecrivalns " .

La parole des createurs " .." ". " " " ..

Des formes privilegiees " " ..

49

49

54

i,

i

Conclusion: des questions ouvertes "" "" .

Des acquis indiscutables " " " .

Des questions difficiles "" " " .

Des directions possibles " " " ~.." . ~ " " .

59

59

61

63

I

, ,II

I

I iI '

I IBibliographie generalc " . 67

I; I

,

, ,

,

I' '

Index ..."..........".". . " . ...." ....5 . . . . • • " " • • . " . • • • • • 69'

I ,I

'I

I I, I!

 • 1 •

I

-- - -- . . . . . . . . ._ __ __ _ , . . ._ ..!

i !

"

Page 38: BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature

5/16/2018 BardolphJ Etudes Postcoloniales Et Litterature - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/bardolphj-etudes-postcoloniales-et-litterature 38/38

. i l·. I·

, I II. I, .

~ I ,;. ~

~

1 [ " : I

: , 1 :. ,

i '

I, ., ,

I

1".I ·1

,

I. I

I.

1

'1I!

I ~

!

I·1I.I

. 1

rI

! . · ; :1 .

: i 1 :1 :I "I;, ,

I : i. ,. .

,

, ,

1 ~'I ~

. I. . ! .I

II. ,I

Acheve d'imprimer en 2002

a Genevc (Suisse)

II .

,,

I.

! I i

I

.1

~t :I ,

p'

Ii I'

I

I

I!