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55 Travaux n° 746 • octobre 1998 BARRAGES - ÉCLUSES Le barrage de l’Ortolo Etanchéité par une géomembrane Colétanche L e barrage en enrochements de l’Ortolo (Hau- te Corse) mis en eau en 1996 représente avec ses 37 m de hauteur le plus haut bar- rage au monde avec étanchéité amont en géo- membrane bitumineuse. Son financement a été assuré par la Communauté européenne, l’Etat, la région Corse et l’Office d’Équipement Hydrau- lique de Corse (O.E.H.C.). Cet organisme a une grande expérience des tra- vaux hydrauliques dans la région, et a en particu- lier construit en 1978 le barrage de l'Ospedale, 26 m de haut, premier grand barrage au monde à être étanché par une géomembrane, le Colétanche en l’occurrence. Il fut l’objet de la communication C11 au 13 e congrès international des grands bar- rages de New Delhi en 1979 : "Utilisation d’un re- vêtement mince pour l’étanchéité d’un barrage de plus de 20 m de hauteur" par Ch. Bianchi, C. Roc- ca-Serra et J. Girollet. Cette technique a été repri- se sur les barrages de Codole et Figari, et tout récemment sur celui de l'Ortolo en utilisant la géo- membrane bitumineuse Colétanche (tableau I). Ce barrage est accessible par une piste de 11 km reliée à la RN 196 et à une route départementale revêtue provenant de Sartène à 12 km. Les carac- téristiques géométriques de l’ouvrage et ses ca- ractéristiques hydrauliques sont données en encadré (page suivante). L’objectif principal de ce barrage est d’assurer l’irrigation de la vallée en aval, et ac- cessoirement de produire de l'électricité à l'aide d'une microcentrale. DESCRIPTION ET MONTANT DES TRAVAUX Le travail prévu comprend (figure 1) : un lot n° 1 incluant la réalisation du corps du bar- rage en enrochement granitique 0/800 mm appli- qué par couche de 1 à 1,2 m avec une bille vibrante lisse de 10 t statique pour obtenir un indice de vide entre 18 et 22 %. Le ballast amont est constitué d'une couche d'enrochements 25/120 mm d'une largeur en plan de 4 m appliqués avec une tolé- rance de plus ou moins 30 cm par rapport au plan théorique du projet et compactés par couches ho- rizontales de 0,5 m. Son indice de vide varie de 22 à 28 %. Le rip-rap aval est constitué de gros blocs 800/1 500 mm soigneusement rangés. Le lot 1 in- clut également la longrine périmétrale, l'évacuateur de crues implanté en rive gauche et la galerie de service sous barrage qui sert pendant la construc- tion de dérivation provisoire avec la vidange de fond Ø 1 000 mm ; un lot n° 2 comprenant les injections au droit du mur de pied, constituant un voile monolinéaire pro- fond de 15 à 25 m ; un lot n° 3 concernant le masque d’étanchéité décrit ci-après. Le retour d’expérience des trois grands barrages en enrochements avec étanchéité amont en géomembrane, construits en Corse, a amené le maître d’ouvrage à reconduire cette tech- nique pour le dernier né, celui de l’Ortolo. Ce barrage est à ce jour le plus haut du monde avec un masque d’étanchéité par géomembrane bitumineuse. L’incidence sur le déroulement des travaux de conditions météorologiques exceptionnellement difficiles a conduit le maître d’œuvre à envisager pour les ouvrages futurs une modification de la couche support de la géo- membrane. Par ailleurs l’utilisation d’une géomembrane un peu plus épaisse (5,6 mm au lieu de 4,8 mm) est préconisée pour simplifier la mise en œuvre du fait de la suppression des géo- textiles antipoinçonnants qu’elle permet. Ce chantier a également permis la première utilisa- tion sur pente de la machine de contrôle automatique des soudures par ultrasons. ® Claude Tisserand CHEF DE PROJET Office d'Equipement Hydraulique de Corse Jean-Antoine Sanguinetti CONDUCTEUR DE TRAVAUX Office d'Equipement Hydraulique de Corse Bernard Breul RESPONSABLE ETANCHÉITÉS Groupe Colas SA Yvon Gimenes DIRECTEUR (jusqu’en 1997) Corsovia (filiale de Colas Midi-Méditerranée) Eric Antomarchi DIRECTEUR Corsovia Robert Herment INGÉNIEUR Sté des Pétroles Shell Tableau I Caractéristiques principales des quatre ouvrages Main characteristics of the four structures OSPEDALE CODOLE FIGARI ORTOLO Année de construction 1979 1985 1989 1996 Hauteur en (m) 26 28 35 37 Longueur en crête 135 460 150 157 Superficie du masque (m 2 ) 4.000 16.000 5.800 6.700 Fruit du parement amont 1,7/1 1,7/1 1,7/1 1,7/1 Fruit du parement aval 1,5/1 1,5/1 1,5/1 1,5/1 Géomembrane bitumineuse 5 mm P.V.C. 2 mm P.V.C. 2 mm Bitumineuse 5 mm Couche support enrobé bitumineux à froid 5-10 mm K = 10 -4 à 10 -5 m/s + géotextile en polypropylène aiguilleté de 400 g/m 2 Couche de protection pavés autoblocants 8 cm dalle béton armé 14 cm dalle béton fibré 14 cm dalle béton fibré 14 cm Capacité (Mm 3 ) 2,8 6,5 5,5 3

Barrage Ortolo

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Page 1: Barrage Ortolo

55Travaux n° 746 • octobre 1998

BARRAGES - ÉCLUSES

Le barrage de l’OrtoloEtanchéité par une géomembraneColétanche

Le barrage en enrochements de l’Ortolo (Hau-te Corse) mis en eau en 1996 représenteavec ses 37 m de hauteur le plus haut bar-

rage au monde avec étanchéité amont en géo-membrane bitumineuse. Son financement a étéassuré par la Communauté européenne, l’Etat, larégion Corse et l’Office d’Équipement Hydrau-lique de Corse (O.E.H.C.).Cet organisme a une grande expérience des tra-vaux hydrauliques dans la région, et a en particu-lier construit en 1978 le barrage de l'Ospedale,26 m de haut, premier grand barrage au monde àêtre étanché par une géomembrane, le Colétancheen l’occurrence. Il fut l’objet de la communicationC11 au 13e congrès international des grands bar-rages de New Delhi en 1979 : "Utilisation d’un re-vêtement mince pour l’étanchéité d’un barrage deplus de 20 m de hauteur" par Ch. Bianchi, C. Roc-ca-Serra et J. Girollet. Cette technique a été repri-se sur les barrages de Codole et Figari, et toutrécemment sur celui de l'Ortolo en utilisant la géo-membrane bitumineuse Colétanche (tableau I).Ce barrage est accessible par une piste de 11 kmreliée à la RN 196 et à une route départementalerevêtue provenant de Sartène à 12 km. Les carac-téristiques géométriques de l’ouvrage et ses ca-ractéristiques hydrauliques sont données en encadré(page suivante). L’objectif principal de ce barrageest d’assurer l’irrigation de la vallée en aval, et ac-cessoirement de produire de l'électricité à l'aided'une microcentrale.

■ DESCRIPTIONET MONTANT DES TRAVAUX

Le travail prévu comprend (figure 1) :◆ un lot n° 1 incluant la réalisation du corps du bar-

rage en enrochement granitique 0/800 mm appli-qué par couche de 1 à 1,2 m avec une bille vibrantelisse de 10 t statique pour obtenir un indice de videentre 18 et 22 %. Le ballast amont est constituéd'une couche d'enrochements 25/120 mm d'unelargeur en plan de 4 m appliqués avec une tolé-rance de plus ou moins 30 cm par rapport au planthéorique du projet et compactés par couches ho-rizontales de 0,5 m. Son indice de vide varie de 22à 28 %. Le rip-rap aval est constitué de gros blocs800/1500 mm soigneusement rangés. Le lot 1 in-clut également la longrine périmétrale, l'évacuateurde crues implanté en rive gauche et la galerie deservice sous barrage qui sert pendant la construc-tion de dérivation provisoire avec la vidange de fondØ 1000 mm;◆ un lot n° 2 comprenant les injections au droit dumur de pied, constituant un voile monolinéaire pro-fond de 15 à 25 m;◆ un lot n° 3 concernant le masque d’étanchéitédécrit ci-après.

Le retour d’expérience des trois grands barrages en enrochements avec étanchéité amont en

géomembrane, construits en Corse, a amené le maître d’ouvrage à reconduire cette tech-

nique pour le dernier né, celui de l’Ortolo. Ce barrage est à ce jour le plus haut du monde

avec un masque d’étanchéité par géomembrane bitumineuse. L’incidence sur le déroulement

des travaux de conditions météorologiques exceptionnellement difficiles a conduit le maître

d’œuvre à envisager pour les ouvrages futurs une modification de la couche support de la géo-

membrane. Par ailleurs l’utilisation d’une géomembrane un peu plus épaisse (5,6 mm au lieu

de 4,8 mm) est préconisée pour simplifier la mise en œuvre du fait de la suppression des géo-

textiles antipoinçonnants qu’elle permet. Ce chantier a également permis la première utilisa-

tion sur pente de la machine de contrôle automatique des soudures par ultrasons.

®

Claude TisserandCHEF DE PROJETOffice d'Equipement Hydraulique de Corse

Jean-Antoine SanguinettiCONDUCTEUR DE TRAVAUXOffice d'Equipement Hydraulique de Corse

Bernard BreulRESPONSABLEETANCHÉITÉSGroupe Colas SA

Yvon GimenesDIRECTEUR (jusqu’en 1997)Corsovia (filiale de Colas Midi-Méditerranée)

Eric AntomarchiDIRECTEURCorsovia

Robert HermentINGÉNIEURSté des Pétroles Shell

Tableau ICaractéristiques principales

des quatre ouvrages

Main characteristics of the four structures

OSPEDALE CODOLE FI GARI ORTOLO

Année de construction 1979 1985 1989 1996Hauteur en (m) 26 28 35 37

Longueur en crête 135 460 150 157Superficie du masque (m2) 4.000 16.000 5.800 6.700Fruit du parement amont 1,7/1 1,7/1 1,7/1 1,7/1Fruit du parement aval 1,5/1 1,5/1 1,5/1 1,5/1

Géomembrane bitumineuse5 mm

P.V.C.2 mm

P.V.C.2 mm

Bitumineuse 5 mm

Couche support enrobé bitumineux à froid 5-10 mm K = 10-4 à 10-5 m/s+ géotextile en polypropylène aiguilleté de 400 g/m2

Couche de protection pavés autoblocants8 cm

dalle béton armé14 cm

dalle bétonfibré

14 cm

dalle béton fibré14 cm

Capacité (Mm3) 2,8 6,5 5,5 3

Page 2: Barrage Ortolo

BARRAGES - ÉCLUSES

L’ensemble des travaux sauf les injections a étéréalisé par des entreprises insulaires. Le montantde la dépense pour cet ouvrage est d'environ 50 mil-lions de francs.

■ LE MASQUE D’ÉTANCHÉITÉ (photo 1)

Ce masque, objet du lot n° 3, comprend de bas enhaut :

Une couche de ballast 25/50 mm

Cette couche de 0,15 m d’épaisseur minimale aété soigneusement réglée avec une tolérance de± 0,20 m par rapport au plan théorique et com-pactée. Elle a été imprégnée par 3 kg/m2 d'émul-sion à 65 % de bitume.Un compactage particulièrement soigné a étéréalisé à proximité des ouvrages en béton.

Une couche d’enrobé à froid de 10 cm d’épaisseur

Les caractéristiques de cet enrobé sont reportéesen encadré (page suivante).Le dosage de l'enrobé à froid en émulsion catio-nique est de 10 ppc. Le liant résiduel (bitumefluidifié 0/1 + bitume 180/220) est de 65 % surémulsion.Les granulats proviennent de Propriano et l’émul-sion de l’usine de la Société Routière de Haute Cor-se de Bastia (filiale de Colas Midi-Méditerranée).Cet enrobé est préparé dans un poste de 30 t/h àPropriano.Des camions le véhiculent jusqu’à la crête du bar-rage et le godet d’une pelle alimente une trémieroulante de 4 t d’enrobés assurant sa répartition.Les rouleaux lisses de la trémie amorcent le débutdu compactage.Cette trémie est tractée le long de la pente par untreuil d’une force de 12 t monté sur une pelle

mécanique d’un poids de 25 t soit 5 fois la char-ge tractée. La même pelle sert après applicationde l’enrobé à manœuvrer le long de la pente un cy-lindre de 4 t qui compacte l'enrobé à froid avecquatre passes aller et retour.La tolérance de forme de cette couche après com-pactage est de plus ou moins 20 cm par rapportau plan théorique, avec une tolérance maximale de5 cm sous la règle de 10 m ramenée à zéro auxraccordements aux ouvrages de béton.

Un géotextile

Ce géotextile en polypropylène aiguilleté de 400 g/m2

classe 6 évite les éventuels poinçonnements de lagéomembrane par les granulats de l'enrobé à froid.Ce géotextile ne sera plus nécessaire dans les pro-chains projets si l'on utilise une géomembranebitumineuse plus épaisse : Colétanche NTP4 (épais-seur 5,6 mm) pour limiter le nombre des opérationset améliorer la résistance au soulèvement par levent grâce à une masse surfacique plus élevée.

Une géomembrane bitumineuse

L'étanchéité a une surface totale de 6780 m2. Elleest constituée par une géomembrane bitumineuseColétanche NTP3 de 4,8 mm d'épaisseur.Ses caractéristiques sont reportées en encadré(page suivante). Certains lés ont été fabriqués avecune longueur de 70 m au lieu des 65 m standard,pour respecter l’interdiction inscrite dans le Manuelde pose Colas de réaliser des soudures horizon-tales sur pentes.La géomembrane est déroulée à l'aide d'une poutremunie d'un dévidoir hydraulique et les lés soudésau chalumeau (photo 2).

Raccordement de la géomembrane au béton

La membrane est fixée au béton par une platinemétallique en acier galvanisé de 6 mm d'épaisseur,6 cm de largeur, boulonnée au béton tous les 15 cm.Deux cordons de mastic souple en polyuréthannesont disposés, au droit de la platine, entre le bé-ton et la membrane.Dans cette zone de raccordement sont disposées,sur 1 m sous cette membrane, une bande de géo-textile de 400 g/m2 et au-dessus une bande demembrane de renforcement de 2 m de largeurdébordant en avant de la platine, l’ensemble étantrecouvert par son bord libre rabattu et soudé à sonextrémité.Les cordons compensent les irrégularités du bétonet permettent après serrage du réglet d'obtenir unetrès bonne étanchéité.Le raccordement au couronnement est identique,les cordons de mastic et le retournement de lamembrane renfort étant supprimés.

56 Travaux n° 746 • octobre 1998

®

Figure 1Coupe en travers type

Typical cross-section

CARACTÉRISTIQUES DU BARRAGE DE L’ORTOLO

• Hauteur : 36 m• Longueur en crête : 157 m• Largeur en crête : 5 m• Largeur maximale en pied : 120 m• Fruit du parement en amont :1,7H/1V• Fruit du parement en aval : 1,5H/1V• Volume du corps du barrage :155000 m3

• Surface de l’étanchéité : 6700 m2

• Evacuateur de crue à seuil latéro-frontal de 80 m de développementsuivi d'un coursier déversant de150 m de long : 700 m3/s• Ouvrage de prise d'eau Ø 700 mmdébouchant dans la vidange de fondØ 1000 m : 15 m3/s

Caractéristiques hydrauliques

• Bassin versant : 54 km2

• Précipitations moyennes :900 mm/an• Crue décennale : 100 m3/s• Crue centennale : 240 m3/s• Crue millennale : 750 m3/s• Capacité de la retenue : 3 millionsde m3

Page 3: Barrage Ortolo

Couche de protection de la géomembrane

La protection sur l’ensemble de la surface com-prend un géotextile en polypropylène aiguilleté de400 g/m2 classe 6 déroulé par-dessus la mem-brane et une couche de béton, coulé en place à lapompe, dans des cadres métalliques de 3 m delarge du pied à la crête du barrage (photo 3).Le béton 0/15 mm dosé à 350 kg/m3 de cimentCPA est additionné de 1 kg/m3 de fibres de poly-propylène et 2,4 l/m3 de retardant. Le béton estcoulé sur une épaisseur moyenne de 14 cm. Cebéton fibré évite la pose d'armatures pouvant condui-re à des percements accidentels de la membrane.Les joints verticaux de 20 mm d’épaisseur sontréalisés en polystyrène. Les joints horizontaux sontdu type sec, distants de 3 m et disposés en quin-conce; ils sont matérialisés par une rainure de 5 cmréalisée par un fer en T enfoncé dans le béton frais.Le béton répandu à la pompe est lissé à la règlevibrante tractée depuis la crête.Le rendement a été d'environ 500 m2/jour.

■ PLANNING DES TRAVAUX

Les travaux auraient dû durer 6 mois (fin 1995/dé-but 1996) en se décomposant comme suit :◆ préparation du chantier : 1 semaine ;◆ compactage du ballast A : 1 semaine ;◆ ballast B imprégné et compacté : 4 semaines ;◆ enrobé à froid : 4 semaines ;◆ géotextile support : 1 semaine ;◆ géomembrane : 2 semaines ;◆ géotextile de protection : 1 semaine ;◆ dalle de béton : 6 semaines ;◆ repli du chantier : 1 semaine ;Malheureusement, des tempêtes d'une violenceinhabituelle durant l'hiver 95/96 ont noyé 3 fois lechantier et arraché 1500 m2 de membrane en coursde pose malgré le lestage par de nombreux sacsde sable.

Le vent

Comme la plupart de ces prédécesseurs (à l’ex-clusion de l’Ospedale), le chantier de l’Ortolo a étémarqué, heureusement à une phase très peu avan-cée du chantier, par un gros problème de vent : latotalité de la géomembrane et du géotextile posé(environ 1500 m2) a été emportée et a dû être rem-placée (photo 4). Par la suite, le chantier a pu êtremené à bien, malgré plusieurs autres coups devent, grâce à un lestage renforcé.

Enseignements et conclusions relatifs auxproblèmes de vent sur les géomembranesNous les avons présentés au congrès du ComitéFrançais des Géosynthétiques "Rencontres 97"

57Travaux n° 746 • octobre 1998

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Photo 1Vue générale du barrage. Etanchéité amont en cours de pose

General view of the dam. Upstreamwaterproofing during placement

Photo 2Soudage des lés (de gauche à droite : la géomembrane, le géotextile, la couche support)

Welding of strips (from left to right : the geomembrane, the geotextile, the support layer)

Photo 3Mise en œuvre du béton

Pouring of concrete

Photo 4Membrane arrachée par le vent

Wind-torn membrane

Page 4: Barrage Ortolo

BARRAGES - ÉCLUSES

dans la communication "Le barrage de l’Ortolo etses prédécesseurs - Retour d’expérience" par Cl. Tis-serand, B. Breul, R. Herment.L’expérience de l’O.E.H.C. sur les géomembranesne porte pas que sur ces quatre grands barrages :elle porte aussi sur quatre grands bassins de 1 à6 ha comportant une géomembrane non protégée(dont 1 avec couverture flottante). Or à l’inversedes barrages, la réalisation (et l’exploitation) deces bassins, n’a jamais posé ce genre de problè-me, bien qu’ils soient au moins autant exposés auxvents très violents, notamment à l’extrémité du CapCorse.Ceci nous amène à une réflexion fondamentale surce problème : la tenue au vent de la géomembra-ne est entièrement conditionnée par la nature deson support ou substratum.Si le support est à très faible perméabilité (cas desbassins terrassés ou des digues en terre), la géo-membrane ne bouge pas dans la mesure où elleest ancrée (ou fortement lestée) sur toute sa péri-phérie. Elle adhère à son support comme une ven-touse sur une vitre et rien ne peut la déplacerpuisqu’elle est en quelque sorte "plaquée au sol"par la pression atmosphérique. La démonstrationla plus évidente de ce phénomène est fournie parla couverture flottante du réservoir de Rogliano dontles travaux furent présentés lors du congrès "Ren-contres 1995". Bien entendu, cet "effet ventouse"peut facilement être rompu s’il y a un défaut d’étan-chéité notable dans l’ancrage périphérique, ou ausein de la géomembrane (large entaille) ou si lesupport n’est pas assez imperméable, ou du faitd’un système de drainage excessif et mal orientépouvant insuffler de l’air sous la membrane (ce der-nier cas étant pour nous purement théorique).Si le support est à forte perméabilité (barrages enenrochements), on conçoit sans peine que "l’effetventouse" est alors nul. De plus, dans le cas d’unbarrage pouvant être exposé à des vents venantde l’aval, l’effet de dépression (ou d’extrados en

terme aéronautique) bien connu est alors fortementaggravé par une sous-pression traversant le corpsde digue.Conclusions : cette vaste réflexion nous amèneraà l’avenir à modifier notablement le cahier descharges relatif à la couche support dans les bar-rages en enrochement : celle-ci étant depuis l’ori-gine à très forte perméabilité, sera à l’avenir ramenéeà une perméabilité juste suffisante pour assurer ledrainage hydraulique, mais assez faible pour as-surer autant que possible un "effet ventouse" conve-nable. Un enrobé plus fermé présentant un coefficientde perméabilité K de l’ordre de 10-6 à 10-7 m/sdevrait très bien convenir.D’autre part si dans les prochains projets, la struc-ture géotextile/Colétanche NTP3/géotextile est rem-placée par un Colétanche NTP4, celui-ci peut êtrecollé par plots sur l’enrobé à l’aide d’une colle ra-pide, ce qui viendra compléter le lestage classiquepar les sacs de sable.

Passage de crues de chantier à travers le barrage

Ce problème à peine effleuré dans la communica-tion "Barrages en enrochements munis d’une géo-membrane" par Cl. Tisserand lors du congrèsCFGB-CFG de juin 1996 mérite d’être plus ample-ment décrit et commenté. Le 2 février 1996, alorsque le chantier était interrompu au niveau de lacouche support (suite aux coups de vent évoquésci-dessus), une crue de fréquence centennale a pro-voqué le remplissage complet de l’ouvrage en l’es-pace de quelques heures, allant jusqu’à undéversement de 0,5 m sur l’évacuateur de crues,heureusement réalisé complètement (sauf les der-niers mètres à l’aval). Le barrage s’est ensuite vidépar sa conduite de vidange restée ouverte, et parles fuites du corps de digue, en l’espace de48 heures.On a pu estimer que le débit passant à travers lecorps de digue (et donc à travers la couche sup-port), avait atteint à barrage plein environ 5 à 6 m3/s.Sur la photo 5, on voit l’apparition des résurgencesbouillonnantes à des niveaux assez élevés du pa-rement aval, ce qui traduit la présence de pressionsinterstitielles non négligeables au plus fort de lacrue. Heureusement cette couche support, bienque volontairement très ouverte, avait une per-méabilité faible relativement au ballast et à l’en-rochement situés en dessous.D’autre part, les très gros blocs disposés sur le pa-rement aval ont résisté aux ruissellements impor-tants, avec des désordres mineurs (un bloc a briséune poutre de nivellement).Lors du colloque technique du Comité français desgrands barrages tenu à Paris le 29 avril 1998, lacommunication "Ecoulement à travers des barragesen enrochement lors de crues de chantier" parP. Huynh, R. Herment et Cl. Tisserand, a compa-

58 Travaux n° 746 • octobre 1998

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COMPOSITION DE L’ENROBÉ À FROID

Formule granulométrique ouverte4/10 mm :• 25 % de 4/6 mm et 75 % de6/10 mm• Los Angeles < 20• Deval humide > 15• Deval sec > 20Liant : 10 ppc d’une émulsion debitume et de bitume fluidifiéPerméabilité entre 10-4 et 10-5 m/ssoit 7 à 8 % de vides

Photo 5Crue de chantier.

Résurgences et bouillonnement

sur le parement aval

Site water level. Resurgence

and bubbling on the downstream facing

Page 5: Barrage Ortolo

ré l’écoulement de la crue à travers le barrage del’Ortolo à celui subi par le barrage de Nebaanaen Tunisie en 1964 et par celui de Hell Hole auxUSA en 1964 également. Le barrage de Nebaana,qui est zoné avec une zone amont en enrochementsfins compactés et une zone aval en gros enroche-ments déversés, a résisté. Le zonage simplifié ducorps de barrage a rabattu nettement la ligne phréa-tique de percolation, diminuant ainsi considéra-blement les pressions interstitielles dans le remblairocheux aval, et assurant ainsi la stabilité des rem-blais. La résurgence en pied aval atteignait plu-sieurs dizaines de mètres cubes par seconde. Lebarrage de Hell Hole, homogène en enrochementsdéversés, à fort pourcentage de vides, n’a pasrésisté à une crue atteignant 70 m3/s à traversle remblai. Le barrage de l’Ortolo a bien résisté àl’érosion, grâce à la limitation et à la faiblesse dudébit de percolation liés aux couches support del’étanchéité et aux couches de transition granulo-métriques amont, ainsi qu’à la courte durée del’événement.A noter que cette crue a été suivie le 15 mars d’uneseconde, moins importante, n’ayant entraîné qu’unremplissage partiel.Ces événements à répétition nous amènent là en-core, à envisager de reconsidérer le cahier descharges concernant la perméabilité de la couchesupport en enrobé bitumineux : une couche d’en-robés plus fermés aurait, là aussi, largement li-mité les fuites, ramenant l’événement du 2 février1996 à un incident mineur sans conséquences.Une telle perméabilité permettrait sans problèmed’assurer les drainages normaux sous la géo-membrane (très faibles débits) et réduirait consi-dérablement les fuites en cas de déchirure importante.Conclusions : le seul élément dont la constitutionn’a pas changé au cours de ces 18 années de réa-lisation était la couche support en enrobé à froid.Les incidents qui ont (largement) perturbé la réa-lisation du barrage de l’Ortolo nous amènent à en-visager la modification de cet élément, dans le sensd’une forte réduction de sa perméabilité, et à amé-liorer le zonage du corps de digue.

Les problèmes de température

La pose de géomembrane par temps chaud est tou-jours un problème, quelque soit le type de mem-brane employé. On connaît les problèmes rencontrésavec les géomembranes PVC (cf. Rencontres 93 -L’étanchéité par géomembrane du barrage de Fi-gari). Avec les membranes bitumineuses, les pro-blèmes sont différents : il n’y a pas d’allongementanormal puisque la membrane est déjà armée degéotextile. Il n’y a pas de problème de soudure. Parcontre, on a pu observer en été des températuresen surface de 65 °C. A cette température il est im-possible de marcher dessus. Cette difficulté peutêtre surmontée de deux manières :

◆ en réalisant le chantier de nuit (solution employéeà l’Ortolo et à Figari) ;◆ en plaçant la géomembrane Colétanche à l’en-vers (film polyester au-dessus), ce qui présente ledouble avantage d’assurer un bon collage de lamembrane sur son support, et de permettre de mar-cher dessus sans problème. C’est la solution quia été employée avec succès à l’Ospedale et quel’on a eu le tort de ne pas reprendre à l’Ortolo.

■ LES CONTRÔLES

La planéité de l’enrobé est mesurée après sa miseen œuvre à la règle de 10 m.Le personnel du chantier marque à la peinture decouleur les zones où la tolérance de 5 cm est dé-passée, les reprises étant faites sur cette base.La totalité des soudures a été contrôlée sur 20 cmde large par la machine CAC94 munie de 24 cap-teurs ultrasoniques. Le logiciel de dépouillementdonne une radiographie des défauts de soudure entemps réel (photo 6).En ce qui concerne le contrôle du béton de pro-tection, sa résistance minimale a été de 270 barsà 28 jours. Dix contrôles ont été effectués. La to-lérance d’épaisseur prévue était de ± 2 cm.

■ CONCLUSION

Les barrages en enrochements s’imposent souventpour des considérations de portance du sol et dequalité des appuis. La puissance actuelle des en-gins de terrassement permet des réalisations fiableset économiques.Différentes solutions pour la réalisation de l’étan-chéité sont possibles; celles faisant appel aux so-lutions bitume sont nombreuses à cause de ladurabilité bien connue du matériau bitume.Les géomembranes Colétanche qui s’appliquent

59Travaux n° 746 • octobre 1998

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Photo 6Contrôle automatique des joints par la machine à ultrasons

Automatic control of joints by ultrasonic machine

CARACTÉRISTIQUES DE LA GÉOMEMBRANE

COLÉTANCHE NTP3

Epaisseur : 4,8 mmMasse surfacique : 5,5 kg/m2

Largeur d’un rouleau : 4 mLongueur d’un rouleau standard :65 mMasse d’un rouleau : 1500 kgRésistance à la traction (NFG07001) :• 23 daN/cm (sens longueur)• 20 daN/cm (sens largeur)Elongation à la rupture (NFG07001) :• 45 % (sens longueur)• 54 % (sens largeur)Coefficient de perméabilité K (Darcy) :4 10-14 m/sBitume du mastic d’imprégnation :Shell Mexphalte 100/40

Page 6: Barrage Ortolo

BARRAGES - ÉCLUSES

facilement sont, du fait de leur qualité, de leur ré-sistance au vieillissement, d’étanchéité et deprix avantageux, parmi les solutions les plus utili-sées. Elles répondent particulièrement bien aux exi-gences des maîtres d’œuvre et d’ouvrage quiconstruisent des étanchéités d’ouvrages devantrester fonctionnelles plusieurs dizaines d’annéessans nécessité d’entretien. La durabilité est l’undes points forts du Colétanche qui a été sélectionnépar l’ANDRA pour assurer la couverture du centrede stockage Manche à La Hague (déchets radio-actifs de faible et moyenne activité). Cette couver-ture doit rester étanche pendant 300 ans.Il faut noter pour le barrage de l’Ortolo que le maîtred’œuvre et maître d'ouvrage très expérimenté achoisi une solution simple faisant appel à un ma-tériel classique parfaitement adapté aux conditionslocales.Le barrage de l’Ortolo est à ce jour le plus haut bar-rage dans le monde avec une étanchéité amont engéomembrane bitumineuse (photo 7), mais en 1999il sera détrôné par celui de la Galaube sur l’Alzeauconstruit par l’Institution interdépartementale pourl’Aménagement Hydraulique de la Montagne Noire.Sa hauteur sera de 43 m, sa longueur en crête de380 m, et la surface de masque de 22000 m2.

ENGLISH SUMMARY

The Ortolo damWaterproofing withColétanche geomembrane

Cl. Tisserand, J.-A. Sanguinetti, B. Breul,Y. Gimenes, E. Antomarchi, R. Herment

Experience of three major rockfill damswith upstream geomembrane water-proofing, built in Corsica, led the clientto use this technique again for the newOrtolo dam. This structure is currently the world'shighest with a bituminous geomem-brane waterproof facing.The effect of exceptionally difficult wea-ther conditions on the work phases ledthe contractor to consider a modifica-tion of the geomembrane support layerfor the future structures. Also, the useof a slightly thicker geomembrane(5,6 mm instead of 4,8 mm) is recom-mended to simplify placement owing tothe elimination of anti-puncturing geo-textiles it allows. This project alsoenabled the first use on a slope of theautomatic ultrasonic welding controlmachine.

DEUTSCHES KURZREFERAT

Ortolo-TalsperreDichtung mit GeomembranColétanche

Cl. Tisserand, J.-A. Sanguinetti, B. Breul,Y. Gimenes, E. Antomarchi, R. Herment

Das Erfahrungs-Feedback aus den dreiin Korsika gebauten großen Staumauernauf Steinschüttung mit oberwassersei-tiger Geomembranabdichtung hat denFederführer veranlaßt, diese Technikauch im neuesten Bauvorhaben dieserArt (Ortolo) einzusetzen. Es handelt sich hier um die zur Zeithöchste Staumauer der Welt mit einerDichtungsvorlage aus bituminöser Geo-membran.Der Einfluß der außerordentlich ungüns-tigen Witterungsbedingungen auf denArbeitsablauf hat den Federführer dazugeführt, für die künftigen Bauwerkeeine Änderung der Stützschicht der Geo-membran ins Auge zu fassen. Deswei-teren wird die Verwendung einer etwasdickeren Membran (5,6 m statt 4,8 mm)empfohlen, weil sie durch den dannmöglichen Wegfall der perforierung-sverhindernden Geotextilien den Ein-bau erleichtert. Im Rahmen dieser Baus-telle wurde auch zum ersten Mal die

automatische Schweißnahtprüfmaschinein Ultraschalltechnik auf einer geneig-ten Fläche eingesetzt.

RESUMEN ESPAÑOL

La presa del OrtoloImpermeabilización medianteuna geomembranaColétanche

Cl. Tisserand, J.-A. Sanguinetti, B. Breul,Y. Gimenes, E. Antomarchi y R. Herment

El aprovechamiento de la experienciaderivada de tres grandes presas deescollera, con impermeabilización aguasarriba mediante geomembrana, construi-das en Córcega, ha conducido al res-ponsable técnico a repetir esta técnicaen el caso de la presa del Ortolo, quees la última construida en la isla. Hastala fecha, esta presa es la más altadel mundo con una pantalla de imper-meabilización compuesta por una geo-membrana asfáltica.La incidencia con respecto al desar-rollo de las obras en condiciones meteo-rológicas excepcionalmente difíciles haconducido al responsable técnico acontemplar para las estructuras futu-ras de este género, una modificaciónde la capa de soporte de la geomem-brana. Por otra parte, cabe preconizarla utilización de una geomembrana lige-ramente de mayor espesor (5,6 mm,en lugar de 4,8 mm) para simplificarla implementación debido a la supre-sión de los geotextiles antiperforantesque permite este modo de proceder.Estas obras han permitido también laprimera utilización en un declive de lamáquina de control automático de lassoldaduras ultrasónicas.

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60 Travaux n° 746 • octobre 1998

LES PRINCIPAUX INTERVENANTS

Maître d’ouvrage et maître d’œuvreOffice d’Equipement Hydraulique de la Corse

Entreprises• Enrochements :Corse Européenne d’Entreprise• Béton :Ciabrini et S.N.C. Mocchi• Injections :Sol Provence• Masque d’étanchéité :Groupement S.A. Corsovia (filiale de Colas Midi-Méditerranée) et S.N.C. Mocchi

Photo 7Vue générale du barrage en eau

General view of the dam with water