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    L'EUCHARISTIECOMME FONDEMENT

    DE L'IDENTIT DE L'GLISEDANS LE NOUVEAU TESTAMENT *

    Charles Perrot

    OTRE propos porte sur le repas chrtien en tant qu'il est lefondement de l'identit communautaire ou, en d'autrestermes, sur l'euc istie en tant qu'elle fait l'glise et lui

    donne la raison de son identit*. Non pas seulement le repaseucharistique, saisi comme le lieu, inscrit dans un temps et unespace donns, o la communaut prend conscience d'elle-mme. Mais une action liturgique qui, dans un gestesymbolique, manifeste la source et dclare le principe de sa

    propre existence communautaire, alors mme que le Corpsecclsial du Christ engendre son eucharistie, et inversement.Ce double engendrement est l'une des caractristiques essen-tielles du repas chrtien. Avec toute la tradition, le Pre deLubac l'a fortement soulign. Essayons de dire l'originalitd'un tel engendrement, en empruntant, cette fois, le langage del'histoire.

    * Les pages qui suivent constituent l'essentiel du dernier chapitre de notrelivre Jsus et l'h istoire, paru chez Descle, en 1979, 19932, dans lacollection dirige par J. Dor Jsus et Jsus-Christ. Quelques modifications

    seulement sont apportes dans l'introduction et la conclusion.

    N

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    Des repas juifs...

    Dans le monde juif du Iersicle de notre re 1 n'importe quel

    repas de groupe, comme le repas de famille, peut sans doutetre le lieu d'une reconnaissance mutuelle, en tant qu'ildlimite un groupe et en unit pour une part les membres entreeux ; mais il n'engendre pas pour autant le groupe en question.Au demeurant, dans les conventicules pharisiens du 1er sicle,c'est--dire dans ces socits de stricte observance en matirede puret rituelle, les repas pris parfois en commun n'taientpas des lieux o ces groupes de purs dcouvraient leur unit,mais bien plutt leur sparation d'avec Je monde pcheur.

    Ces ligues de spars c'est le sens radical du motpharisien entendaient d'abord manger une nourriture parfai-tement dme et entirement pure, loin de l'impuret du Amha-aretz , du peuple du pays. Le repas est d'abord le lieu

    de la sparation, de l'exclusion de l'impur ou de la non-contamination. Le phnomne est plus vident encore dans lemouvement intgriste et spar par excellence que constituaitalors la communaut qumrnienne de la Nouvelle Alliance2.

    Toutefois, dans le monde juif de la Diaspora hellnistique,une certaine pratique du regroupement communautaire, dans lecadre d'un repas, n'tait pas inconnue. A l'instar des thiases dumonde hellnistique, les Juifs de Rome savaient manger en-semble, comme le rapporte Flavius Josphe d'aprs la lettred'un proconsul du temps de Jules Csar : Lorsque CaiusCsar... a interdit par ordonnance la formation d'associations(= thiases) Rome, les Juifs furent les seuls qu'il n'ait pas

    empchs de runir de l'argent et de faire des repas en commun(sundeipna poiein) (AJ 14 214-216). Le droit de ramasserde l'argent pour manger en commun tait en effet troitementsurveill par le pouvoir. Ce qui n'alla certainement pas sansposer quelques problmes aux groupes chrtiens naissants,

    1. Cf. C. PERROT,Le repas du Seigneur, LMD 123 (1975), pp. 29-46.

    2.

    Sur le repas essnien voir A. JAUBERT,La Notion d'Alliance dans leJudasme, Paris: Seuil 1963, pp. 198-208; M. D ELCOR,Repas cultuelsessniens et thrapeutes, Thiases et Haburoth, dansRevue de Qumrn 6(1968), pp. 401-426.

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    tant donn la curieuse particularit que nous signalerons plusloin, o le service du partage communautaire, la collecte ycompris, et le repas de groupe sont troitement unis. Perdus enterre paenne, une terre radicalement impure, les Juifs de la

    Diaspora sentaient donc le besoin de se regrouper, non seule-ment dans une maison de prire, mais aussi une tablecommune.

    Sans doute est-ce l l'une des raisons qui amenrent lestranges juifs gyptiens du bord du lac Marotis se rassemblerpour leurs repas festifs. Dans son livre sur la Vie Contemplative,Philon d'Alexandrie parle longuement de ces Thrapeutes runislors de ces repas qui taient en mme temps des lieux de laparole3. Dans la Diaspora encore, on voit des juifs manger etboire ensemble, dans un repas pur (coena pura) ; et mmedans l'extraordinaire roman juif de Joseph et Asneth 4, onrelve une certaine mise en valeur du pain bnit de la vie,de la coupe bnite d'immortalit et de l'onction (d'huile)bnite d'incorruptibilit. Mais l encore, le repas reste le lieude la puret, et donc de la vie incorruptible au sein d'un mondepaen impur et dj mort. Ce roman juif, crit au 1er sicle,nous prsente Asneth, la petite fiance paenne de Joseph, unefois convertie, vivifie et renouvele par l'esprit de Dieu, entrain de manger du pain de vie et de boire la coupe debndiction (8, 5. 11 ; 15, 3). Il n'empche qu'il n'est pointquestion, ici comme auparavant, d'un repas de groupe et a

    fortiori d'un repas qui engendrerait le groupe comme tel, enlui inspirant, en outre, le sens de son existence communautaire.

    3.

    Le repas thrapeute des sept semaines , dont parie Philon dans la VieContemplative 64-65, doit, croyons-nous, tre mis en relation avec lamention rpte des sept semaines dans leRouleau du Temple 18, 11-16 (lebl et la fte des semaines); 19, 11-14 (la fte du vin nouveau) et 21, 12-16(la fte de l'huile). Sur l'tat de la question avant la dcouverte du Rouleau,voir A. JAUBERT,La Notion d'Alliance, op. cit ., pp. 477-479. On lira latraduction du Rouleau dans A. CAQUOT, Le Rouleau du Temple deQoumrn , dans tudes thologiques et religieuses, 53 (1978), pp. 443-500.

    4.

    Cf. M. PHILONENKO,Joseph et Aseneth, Leyde 1968.

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    ... au repas chrtien

    Or, c'est justement l l'un des caractres essentiels du repas

    chrtien parfaitement ramass dans la formule elliptique deI Co 10, 17. Relisons rapidement les versets 14 17, d'aprsla TOB :

    C'est pourquoi, mes bien-aims, fuyez l'idoltrie. Je vous parlecomme des gens raisonnables ; jugez vous-mmes de ce que je dis. Lacoupe de bndiction que nous bnissons n'est-elle pas une communionau sang du Christ ? Le pain que nous rompons n'est-il pas une commu-nion au corps du Christ ? Puisqu'il y a un seul pain, nous sommes tousun seul corps ; car tous nous participons cet unique pain.

    Le mot grec koinnia, traduit ici par communion, pour-rait l'tre aussi bien par participation . Mais donnons surtout

    une traduction littrale de la dernire phrase (en accordant unsens causal oti qui l'inaugure) : Car un unique pain, ununique corps, nous les nombreux nous sommes ; en effet, tousd'un unique pain nous avons part. La phrase est fortementrythme, suivant un jeu dialectique entre l' un et le tous, audemeurant trs paulinien (Rm 5; 12, 5 ; 1 Co 12, 12; Ga 3,28). Les amateurs de chiasme dcouvriront vite le schma ABB'A' : un unique pain nous les nombreux (oi polloi) ; noustous (pantes) partir d'un unique pain.

    A l'vidence, Je ressort de la phrase joue sur le rapport entrel'unicit et la pluralit, entre la dispersion et l'union. Dj auverset 16 qui prcde, il y a un contraste entre le pain rompu etla communion, entre le pain fractionn (selon l'expression juive

    perash lehem) et l'union une mme ralit, c'est--dire lecorps ecclsial du Christ5. Au verset 17, le contraste s'tablitentre l'unicit du pain et la multiplicit de tous les membres.On relvera ici l'expression les nombreux pour dsigner lacommunaut chrtienne, l'instar des Rabbim (= les Nom-breux) dont il est question Qumrn et aussi chez les scribespour nommer un groupe synagogal. 1 Co 10, 33 donne un autreexemple de cet emploi.

    5. Nous suivons ici l'exgse de H. CONZELMANN,Der erste Brief andie Korinther, Gttingen 1969, pp. 201-203.

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    En bref, dans 1 Co 10, 14-22, Paul s'attaque ceux quiusent inconsidrment de leur libert, au point de partager lafois la table du Seigneur et la table des dmons avec lesviandes cultuelles offertes aux idoles (10, 21). Or, une telle

    confusion met en question la spcificit du repas du Seigneur :l'identit du groupe chrtien est en jeu, dans ses limites, sonunit et sa signification. S'il fallait ds lors donner un tar-gum au texte paulinien de 1 Co 10, 16-17, nous dirions : Lepain que nous fractionnons, n'est-il pas ce qui produit notreunion ecclsiale ou plutt notre participation ce Corps duChrist que constitue l'glise quand elle mange ? En effet, unemme table, une unique ralit socio-religieuse, voil notregroupe, de par notre participation plurielle ce pain unique.

    fond sur le repas du Seigneur

    Mais au nom de quoi Paul exprime-t-il une telle convictionde foi ? Pourquoi un tel lien entre le pain et le groupe qui lemange ? La rponse ces questions apparat d'emble commeramasse dans la seule expression, forge par la foi pascale etemploye par l'aptre pour dsigner le repas communautairechrtien : C'est le souper du Seigneur : kuriakon deipnon (1Co 11, 20). C'est le repas o Jsus, le Ressuscit, continue derassembler son groupe ressuscit, de lui donner manger et delui parler. C'est le souper toujours prsid par le Seigneur. Parce repas, le Seigneur construit encore son glise, alors mmeque cette glise nomme son Seigneur prsent j'allais dire le cre , un peu comme on cre l'eucharistie , dans l'anam-

    nse de sa mort et l'attente de sa venue.Dans le langage de l'histoire, mettant en relief les conditionsde production de ces affirmations de la foi, tentons de saisir cequ'il y a de spcifique dans le repas chrtien au point d'appelerde telles convictions de foi. La vie communautaire produit sathologie fidle in fide dans l'intelligence de sonexistence et la comprhension de sa pratique.

    Trois points seulement arrteront notre attention : 1) Le repaschrtien est le lieu par excellence de la Communaut nouvelle.2) Il est aussi le lieu o l'glise se reconnat elle-mme dans le

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    fait de nommer son Seigneur. 3) Le troisime point, dj plusdlicat, tentera de montrer comment l'glise, dans sa convictionde foi, dsigne son Seigneur comme celui qui continue deprsider son repas, de la nourrir et de lui parler, bref de

    construire toujours sa communaut. Nous effleurerons peinece dernier point.

    1. LE LIEU DE LA COMMUNAUT

    A la diffrence des repas juifs mentionns plus haut, le repaschrtien n'est pas le lieu d'une sparation purifiante de sesmembres dans la protection de la puret rituelle, mais bien, aucontraire, le lieu essentiel de l'union entre les membres dugroupe, en grec : de la koinnia. Le repas chrtien l'est mme un double titre : en tant qu'il conjugue en lui deux pratiquesconnues au 1ersicle, savoir le repas de groupe et le serviced'entraide.

    Repas de groupe et service d'entraide chez les Juifs

    Le repas juif, et en particulier le repas festif, voyait sondbut marqu par la bndiction sur le pain, et sa fin, par labndiction sur la coupe de vin. L'eulogie (berakha) oul'eucharistie de l'action de grce, sur le pain et sur le vin, enmarquait donc les limites. De son ct, le service de la

    bienfaisance, ou encore la collecte, est dj plus difficile cerner dans le Judasme du 1er sicle, tant les contours ensemblent divers, depuis la dme des plerins pour les pauvresde Jrusalem, jusqu' l'auberge pour les plerins trangers,sans parler de cette chambre des secrets , situe au Templeet dans toutes les villes d'Isral, o l'on dposait les fonds decharit pour les pauvres de bonne famille 6. Ce service de lacharit devait prendre plus d'importance encore, et de la doublemanire suivante. Chaque jour tait distribue l'cuelle des

    6. CfM. Shekalim 5, 6; Tosefta Shekalim 2, 6.

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    pauvres (tamhuy) de passage ; alors que dans les synagogues,et cette fois la veille du sabbat, tait distribu pour lasubsistance de la semaine le panier des pauvres (quppah) etdes veuves habitant le pays 7.

    Double caractristique du repas chrtien

    Or, le repas chrtien se prsente, la fois, comme un repasde groupe et comme un service d'entraide. Dans Ac 6, 1-6,Luc rapporte mme les dboires de ces veuves hellnistes tropngliges par le service quotidien 8. Et pour remdier lasituation, les aptres vont se dessaisir du service des tables auprofit de la parole dlivre aussi durant le repas. Remar-quons la curieuse expression grecque employe dans Ac 6, 2 :diakonein trapezais, exactement servir table aux comptoirsde la distribution. La distribution des biens collects est lieau repas pour faire de ce dernier le repas de l'entraide. Dans letexte de 1 Co 11, 17-34, qui sera cit plus loin, on relve uneliaison identique entre le repas de groupe et le lieu de lacharit, lors des runions des pauvres et des moins pauvres dela communaut corinthienne. Au demeurant, une telle liaisonentre la collecte et le repas tait bien naturelle. Le repas degroupe appelle le rassemblement des biens partager, dans unecommunaut pauvre surtout. D'ailleurs, l'ordonnance de Csarrappele plus haut liait immdiatement le droit de collecter del'argent et celui de manger en commun ; un papyrus judo-

    7.

    D'aprsM. Peah 8, 7;M. Pesahim 10, 1 ; Tosefta Baba Metzia 3, 9;

    T.b. Baba Bathra 8a-9c;T.b. Baba Metzia 38a; T.b. Sanhedrin 17b. Commetoutes les pratiques de ce genre, une telle coutume est difficile dater; voirJ. JEREMIAS,Jrusalem au temps de Jsus, Paris: Cerf 1967, pp. 131-134 etA. STROBEL,Armenpflege um des Frieden Willen, dans Zeitschri ft furdie Neutestamentliche Wissenschaft 63 (1972), pp. 271-276; mais aussi laraction de D. SECOMBE, Was there Organized Charity in Jerusalembefore the Christians?, dansJournal of Theological Studies 29 (1978),p. 140-143.

    8.

    Outre le service quotidien, la communaut se retrouvait le premierjour de la semaine o la coll ecte avait l ieu (1 Co 16, 2). Lepanier dupauvre attribu le vendredi, juste avant le sabbat (T.b. Baba Bathra 8b),passe dsormais au soir du sabbat. Sur ce point, voir aussi P. GRELOT, DuSabbat juif au dimanche chrtien, LMD 124 (1975), pp. 14-54.

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    gyptien du 1ersicle rapporte aussi une liste des contributionsen vue des repas festifs9.

    La Cne et la Multiplication des pains

    Un tel lien entre le service de table et le service de l'entraidetrouve son reflet dans le double rcit archtypal du repaschrtien. Le premier type de repas, le repas de groupe, reflteson image originaire dans le rcit de la Cne ; le second type dela distribution de la nourriture trouve son archtype dans lercit de la Multiplication des pains. La foule est alors dans lebesoin, des pains et des poissons sont collects (cf. Jn 6, 9), etnon point achets, et tout est multipli et distribu jusqu' lasurabondance. Or, faut-il ajouter que le rcit de la Cne et celuide la Multiplication sont lis par l'anamnse du mme geste deJsus qui prside le repas, bnit, rompt le pain et le (fait)distribue(r) : Mc 6, 41 ; 7, 6 et 14, 22 10?

    La koinnia

    On comprend mieux alors comment, dans le NouveauTestament, le mot grec koinnia dsigne la fois la commu-nion de table et le service d'entraide ; et de mme pour le motdiakonia, dsignant le service des tables et la collecte del'entraide11. Ds lors, le repas chrtien entend signifier lakoinnia, la communion au corps du Christ par le paindistribu, alors mme que la koinnia du repas de l'entraide

    manifeste l'union fraternelle par le pain rassembl. Comme le9. Cf V.A. TCHERIKOVER,Corpus Papyrorum Judaicarum, I n. 139,

    mentionnant les contributions (epidomata) aux repas festifs communautaires.10.

    Voir en particulier J.-M. VAN CANGH,La multiplication des pains etl'eucharistie, Paris: Cerf 1975.

    11.

    Quelques exemples. Le mot koinnia dsigne le service d'entraide oula collecte dans 2 Co 8, 4; 9, 13; Rm 15, 26 ; et le service de la table dans 1Co 10, 16.18. Le mot diakonia dsigne le service d'entraide ou la collectedans 2 Co 8, 4; 9, 1.12-13 ; Ph 2, 26; et le service de la table, Ac 6, 1.2. Lesdeux mots sont lis aussi au service de la parole ou de l'vangile, cf. Rm 11,13 ; Ac 6, 4; Ph 1,5 le lien entre le pain et la parole sera soulign plusloin.

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    dclare saint Paul, dans la phrase de I Co 10, 16-17, tudieplus haut : Le pain que nous fractionnons n'est-il pas koin-nia au corps du Christ ? Car un unique pain un unique corps nous, les nombreux, nous sommes, puisque tous, d'un

    unique pain, nous avons part. Le repas chrtien est le lieu parexcellence de l'unit et de la charit chrtienne o le Seigneurcontinue de distribuer ce que la collecte rassemble. La multipli-cation des pains se poursuit. Dans ce dernier rcit de miracles'inscrit toute une pratique chrtienne, l'instar des autresrcits de miracle d'ailleurs. La koinnia s'difie alors autour dumme pain distribu, autour de la mme personne qui continuede le donner. Nous touchons l une conviction fondamentale dela communaut naissante : celle-ci dsigne le Ressuscit, leSeigneur toujours prsent, comme celui qui maintenant larassemble et la fait exister.

    2. LE LIEU DE LA RECONNAISSANCEDU SEIGNEUR

    Le groupe chrtien peut continuer d'exister, puisqu'il n'a pasperdu le lieu de son unit, inscrit dans la personne mme deson Matre. Sur ce point, la diffrence est grande avec lesautres mouvements juifs de ce temps.

    La Trah, lien d'unit pour les Juifs

    Dans le Judasme, il n'est point d'autres lieux d'unit que laTrah. Allons, au matin du sabbat, dans une synagogue du1er sicle pour entendre rsonner la parole o s'entrecroisent ets'unifient les textes bibliques choisis pour ce jour. La voix deslecteurs du texte sacr appelle celle de l'homliaste. LesProphtes, les crits et mme toute la tradition orale sont alorslargement exploits, mais toujours pour dire et redire la Trahrvle. Elle seule est principe d'unit. Dieu continue de parlerpar cette Trah profre dans les synagogues, de sorte quel'assemble se construit elle-mme en redisant cette Parole et

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    en lui obissant12. Ou encore, durant le cours de la semaine,allons dans quelques maisons d'tudes. Nous verrons desdisciples se presser autour de leur Rabbi, mais sans jamaisoublier que la Trah reste leur unique centre d'intrt, de sorte

    qu'un disciple de la Trah peut toujours aller ailleurs grapillerl'enseignement. Et mme, allons Qumrn, dans ce groupefortement ramass sur lui-mme au poin d'exalter au plus hautle Yahad, la Communaut (= koinnia). Allcns voir celui quiassume le rle de Matre de Justice, c'est--dire de matreauthentique dans ce mouvement de l'alliance nouvelle. Or,celui-ci mme, comme toute sa communaut avec lui, ne selassera pas de nous dsigner la Trah comme le principe durassemblement dans la prire, la mditation des critures et lapuret la plus radicale.

    Le baptiseur, lieu d'unit pour les baptistes

    La situation est bien diffrente dans les groupes baptistesqui, l'instar des anciennes ghildes prophtiques d'un Elie oud'un Elise, s'ordonnaient autour de celui qui les avait rassem-bls. Le geste baptiste du pardon dans l'eau vive, au seuilimminent d'un rgne de Dieu qui arrive, ne pouvait qu'unir lesbaptiss leur baptiseur. Le salut passait par ce geste baptiste,et plus encore par la personne de Jsus. Mais alors la mort deces rassembleurs n'impliquait-elle pas inluctablement l'crou-lement du groupe de leurs baptiss? La mort de Jsus nesignifiait-elle pas la mort de son groupe, puisque ce dernierperdait celui-l mme qui faisait son unit ?

    Le repas du Seigneur, lieu d'unit pour les chrtiens

    Or, les chrtiens continurent de se rassembler, non pointautour de quelque successeur de leur Matre disparu, mais dansun repas commun qui voulait nier l'actualit de la mort de leurSeigneur, alors mme qu'on rappelait sa crucifixion et qu'on

    12. Cf. C PERROT.La lecture de la Bible dans les synagogues, dansLMD 126(1976), p. 24-41.

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    attendait sa venue toute proche. Aprs l'vnement du Gol-gotha, le seul fait de perptuer un groupe qui, jusque-l, avaitson point d'unit dans la seule personne de Jsus, c'tait djaffirmer joyeusement la prsence continue du Matre, dans la

    reconnaissance de son absence sensible, l'attestation de saprsence invisible et l'attente communautaire de sa venue. Leseul fait de manger, et non point de jener, montrait la foiscette prsence du Ressuscit et l'existence de sa communaut,elle aussi ressuscite avec lui. Si, la diffrence du Baptiste,Jsus faisait manger ses disciples pour manifester le rgne deDieu, combien plus le prophte chrtien, au sein du repaschrtien, sait rappeler la parole du Matre : Les compagnonsde l'poux peuvent-ils jener pendant que l'poux est aveceux ? (Mc 2, 19). Christ est l, et donc nous pouvons encoremanger ensemble ! Ou, comme le dit sa manire l'vangiledes Hbreux en rapportant une apparition pascale de Jsus Jacques de Jrusalem : Il prit le pain, le bnit et le donna Jacques le Juste en disant : Frre, mange ton pain, car le Filsde l'homme est ressuscit des morts 13.

    Tel est donc ce souper du Seigneur, comme l'appellesaint Paul dans 1 Co 11, 20 (en grec kuriakon deipnon). Lerepas du Ressuscit est le lieu de la prsence de Celui quicontinue de rassembler sa communaut, et le lieu de cetteabsence qui porte l'glise nommer son Seigneur, dansl'annonce de sa mort et jusqu' ce qu'il vienne : Chaque foisque vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vousannoncez la mort du Seigneur, jusqu' ce qu'il vienne (1 Co11, 26). Le pass, le prsent et le futur traversent le repas

    chrtien : le pass de la croix dans le prsent de l'annonce duSeigneur vivant, jusqu' ce qu'il vienne nous prendre. Et ennommant son Seigneur, l'glise se nomme elle-mme dans ledploiement du temps. Dans l'unique pain partag, le Corps duChrist trouve son identit et la raison de sa temporalit.

    13. D'aprs JRME, De Viris lllustribus 2 (E. HENNECKE,Neutesta-mentliche Apokryphen, I, Tbingen 1959, p. 108)

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    Les contrefaons du repas de l'unit

    Si, au contraire, l'glise se dchire, s'il y a des scissions ,comme le dit Paul dans 1 Co 11, 18; si, plus encore, chacun se

    hte de prendre son propre repas , alors il ne s'agit plus enl'occurrence du repas du Seigneur et la communaut a perdu saralit (1 Co 11, 20-21). Il manque en effet ce soi-disantrepas ses deux caractristiques essentielles : il a perdu seslimites et il n'est plus le lieu de la charit. Il a perdu seslimites, c'est--dire la fraction du pain qui l'inaugure et lacoupe de vin qui l'achve. Il a perdu son dbut que d'aucunsdevancent (en grec prolambanei en t phagein), et il n'aplus sa fin, si'non dans l'ivresse ! Il n'est mme plus le lieu dela koinnia. Le riche affam mange son repas lui et le partagedu repas des pauvres est refus. Le repas est pour lui le lieu oil se sert, et non plus le lieu o il reoit ce que le Seigneurdistribue. Quelle en est alors la consquence? S'agit-il seule-ment de quelques pchs de gourmandise ou de quelques fautescontre la charit ? C'est bien plus grave : Celui qui mange etboit sans discerner le corps mange et boit sa propre condamna-tion (1 Co 11, 29). Le corps de celui qui vient de dire Ceciest mon corps (11, 24), est mis en question l4. Ainsi donc, lerepas a perdu ses limites, le Seigneur ne peut plus y trenomm et l'assemble clate : il y a des divisions, et non plusl'unique corps du Christ. C'est dire combien les limites durepas chrtien dterminent aussi les limites de l'glise. Lepoint est si fort que les plus graves secousses de la communautnaissante portent justement sur la question des tables. Diviserles tables, c'est diviser l'glise. La division des chrtiens

    hbreux d'avec les hellnistes, les ruptures entre les judo-chrtiens et les communauts hellno-chrtiennes, sont chaquefois des brlures (Ga 2, 12s). Comment, dans ces conditions,peut encore fonctionner l'action symbolique au sens premier

    14 Nous ne suivons pas ici l'interprtation donne, entre autres, parG. BORNKAMM (Herrenmahl und Kirche bei Paulus, dans Zeuschrift furTheologie und Kirche 53 (1953), p. 312-349), selon lequel l'agape etl'eucharistie taient dj spares au temps de Paul : les abus porteraientseulement sur le repas de charit et non sur l'acte sacramentel ! Mais Paul,en 1 Co 11, 34, signifie aux trublions leur jugement (krima) pour n'avoirpoint reconnu le corps du Seigneur (11, 27-29).

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    du mot symbole, celui du morceau bris, puis ramass dansl'unit I5 qui fait exister l'glise en lui faisant reconnatreson Seigneur?

    Mais suffit-il de dire que le repas chrtien est le lieu o leSeigneur est nomm, parce que le pain qui l'inaugure est viscomme le pain de son corps et que le vin qui l'achve est bienle vin de son sang? Tentons d'aller plus loin encore, enmontrant comment la communaut croyante a su dsigner sonSeigneur comme celui qui prside encore son repas, la nourritet lui parle toujours. Avant d'tre de Marc ou de Paul,l'vangile est d'abord la parole du Seigneur du repas chrtien,alors mme que l'histoire vanglique le re-prsente lacommunaut rassemble et le fait nouveau parler.

    3. LE REPAS PRSID PAR LE SEIGNEUR

    Pour situer historiquement la question de la prsidence durepas chrtien, il importe, croyons-nous, de lier toute une sriede donnes qui manifestent la nouveaut chrtienne sur ce pointprcis. La prsentation qui suit sera trs synthtique, en sevoulant surtout suggestive et en ne l'abordant que par le biaisde la prsidence ou de la seigneurie du Christ 16. Le repaschrtien, avons-nous dit plus haut, conjoint deux pratiquesjuives, celle du repas de groupe associ la collecte despauvres : koinnia et fraction du pain sont lies, comme il

    est dit dans Ac 2, 42. Mais, par ailleurs, comme nous lerappellerons en conclusion, ce mme repas est aussi le lieuprivilgi de la parole chrtienne. Or, chacun de ces niveauxprcis le repas de groupe, le service d'entraide et le lieu dela parole le problme de la prsidence se pose diffrem-ment, dans le contexte juif du moins. Comment ds lors les

    15. Sur l'ordre symbolique, voir surtout A. DELZANT,La communicationde Dieu, Paris: Cerf 1978, pp. 29 ss.

    16.

    Le problme connexe de la prsidence eucharistique , comme on ditactuellement, ne rentre donc pas dans notre propos.

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    chrtiens vont-ils conjoindre ces diffrences pour dire l'actua-lit de la prsidence du Christ? Car il s'agit bien du souper du Seigneur .

    La prsidence du repas juif

    Un repas juif est normalement prsid par le chef de familleou le matre de maison. C'est lui de dire l'eulogie, de romprele pain et, dans le cadre du repas festif, de bnir la coupefinale. Toutefois, si quelque prtre est prsent au repas, il sechargera des bndictions, comme il est dit dans la Lettred'Ariste 7, 184. Il en sera de mme dans les repas de groupepris dans les synagogues aprs la ruine du Temple. Lesserveurs du repas un domestique ou des femmes ne sontpas valoriss comme tels 17. Lors du repas pascal, ce rle serarempli par le shamash, le serveur en grec diakonos dans sonsens premier de serveur de la table. A notre connaissance, lerle d'un tel serveur n'est valoris que dans le NouveauTestament et dans le groupe des Thrapeutes qui prenaient pourservir la table, non point des esclaves, mais des hommes libres,soigneusement choisis et jeunesI8.

    La responsabilit du service d'entraide juif

    Le service de l'entraide tait, au contraire, entre les mainsdes autorits ou des reprsentants qualifis de l'assemblejuive. Donnons l'exemple du Mebaqqer et des juges essniens,

    qui ont charge de la caisse des pauvres selon le Document deDamas (XIV, 14). Mieux encore, mentionnons les sept jugesqui administrent chaque ville d'Isral selon le tmoignage deFlavius Josphe, ou encore ces sept parnasim (administrateurs)dont parle l'ancienne littrature juive, l'instar des Sept

    17. Le vocabulaire diaconat est rare dans le Judasme : Esther 1, 10; 6,3.5; 1 Mac 11, 58 (LXX); JOSEPHE AJ 6 52; 11 166.188. Le motdiakonos est devenu la mode dans le milieu chrtien, et d'abord par Paulpour se dsigner lui-mme.

    18. PHILON,Vie Contemplative 75.

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    mentionns dans Ac 6, 3-5 19. Au demeurant, quelle autoritaccepterait de se voir dessaisir du contrle des finances ? Dansle cadre du panier du pauvre, dont il a t plus hautquestion, la collecte est organise par deux administrateurs

    dment accrdits et la distribution des biens par trois d'entreeux.

    Prsidence et service dans le repas chrtien

    Si donc le repas chrtien a conjoint les deux pratiques durepas communautaire et du service d'entraide, on arrive l'tonnante situation o le chef devient serveur, et inversement.Un retournement des catgories s'opre, qui trouvera sonexpression dans des phrases comme celle-ci : Si quelqu'unveut tre grand (= chef), qu'il soit aussi votre serviteur(diakonos) (Mc 10, 43)20.

    La prsidence du Christ

    Dans le Nouveau Testament, toutefois, un tel serviteurn'assume pas pour autant la prsidence de la table. Dans le souper du Seigneur , ce rle continue d'tre allou au Christ,et c'est justement la fonction de la proclamation anamntiquedu rcit de la Cne que de dsigner celui qui prend le pain, lebnit, le rompt et le distribue. La fonction de ce rcitarchtypal apparat alors essentielle, en permettant de visuali-ser ou de re-prsenter (= remettre au niveau du prsentpar le truchement de l'image symbolique) le geste, et donc la

    prsence et la prsidence du Seigneur. Au demeurant, lancessit d'un tel rcit anamntique dut trs tt se faire sentir,mme si, comme certains l'affirment partir de la prire

    19. Cf. JosPHE, Guerre 2 568-571; Tosefta Megilla 2, 12; T.b.Megilla 26a; cf. S. SAFRAI-M.STERN d., The Jewish People in the FirstCentury, 1, Assen 1974, p. 414. Dans le monde hellnistique aussi, Vpis-cope a la charge de la surveillance, dans le domaine financier y compris, cf.A. LEMAIRE,Les ministres aux origines de l'glise , Paris: Cerf 1971,pp. 27-31.

    20.

    Voir aussi Jn 13, 12-15, dans le contexte du repas, et de mme Lc 22,26, o Vhigoumne doit devenir serveur.

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    eucharistique lue dans la Didach, on pourrait en soi s'enpasser21. Il reste nanmoins un fait littraire important. Asuivre attentivement la chronologie littraire des crits actuelsdu Nouveau Testament, nous avons dans les versets de 1 Co

    11, 23-25 la plus ancienne reprsentation vanglique, de stylenarratif, qui nous soit connue. Comme on le sait, Paul rapportebien des allusions des paroles ou des gestes de Jsus, maisil n'y a chez lui qu'un seul rcit vanglique : celui de laCne.

    La prsence de la parole

    Ajoutons enfin que par ce rcit, non seulement le geste deJsus est remis au niveau du prsent j'allais dire ressus-cite , mais aussi sa parole: Ceci est mon corps,maintenant dlivre dans l'actualit du geste pos. Celui quicontinue de rassembler et de prsider son groupe continue aussi

    de lui parler et de l'ouvrir une parole nouvelle. Pluslargement encore, le repas chrtien n'est pas seulement unrepas de groupe conjoint l'entraide communautaire, il n'estpas que le souper prsid par le Seigneur, il est encore le lieuprivilgi de la parole chrtienne, entendue entre le pain et lacoupe finale : Chaque fois que vous mangez ce pain et quevous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Sei-gneur... (1 Co 11, 26). Ce repas est une annonce. Il est li la parole 22. Ds lors, un nouveau dplacement s'effectue, quiva de la synagogue d'antan la nouvelle assemble. Jusqu'icile lieu de la parole religieuse tait le Temple et la synagogue.L rsonnait la parole toujours actuelle que Dieu adressait son

    peuple choisi. Au matin du sabbat, le lecteur de la Trah etcelui des Prophtes, accompagn de l'homliaste, jouaientalors un rle essentiel dans la rpercussion de la parole divine.Or, voil que le nouveau lieu de la parole chrtienne entendfaire rsonner la parole de son Seigneur, la parole actuelle deJsus sa communaut rassemble, rpercute par l'anamnse

    21.

    Cf.Didach 9-10, dans W. RORDORF-A.TUILIER,La Doctrine desDouze Aptres, Paris: Cerf 1978, pp. 38-48.

    22.

    Tous ces points sont dvelopps dans notre livreJsus et l'histoire, paruchez Descle en 1979, 19932.

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    du prophte chrtien. Il faudrait maintenant voquer tout cetravail de la parole qui construisit l'glise, au cur du repaschrtien : de la parole de Jsus, remmore par le prophtechrtien, la parole sur Jsus dans la rflexion du docteur

    chrtien, en passant par la parole adresse Jsus, sur leslvres du glossolale, c'est--dire du prieur.Mais, je n'ose plus continuer mon discours : vous m'avez

    demand de dire le lien entre l'eucharistie et l'glise, et voilque nous voquons la construction du texte vanglique dans lecadre du repas chrtien. Cette fois, le dtour est trop considrablepour pouvoir tre amorc maintenant. Et, en mme temps, notreexprience de la clbration chrtienne ne nous dit-elle pasd'emble la solution ? L'vangile du repas chrtien n'est-il pas lelieu par excellence o l'glise se dcouvre elle-mme, enparlant la parole de son Christ ? L'glise existe, puisqu'elleparle, puisqu'elle parle la parole de Jsus.

    L'admirable peinture de Lc 24, 13-35 sur les plerinsd'Emmas illustre parfaitement tout ce que nous venons de diresur le repas chrtien. Jsus, l'tranger de passage et l'hte de lacharit des deux disciples, se met table avec eux et en prendla prsidence. Le pain est rompu et distribu par celui quis'instaure comme le matre de table d'une maison qui l'ac-cueille, de sorte que ce repas devient, par excellence, le lieu dela reconnaissance du Seigneur : Alors leurs yeux s'ouvrirentet ils le reconnurent, puis il devint invisible. (24, 31). Le

    Ressuscit reste dsormais l'Absent-prsent du repas chrtien.Plus encore, une fois le pain reconnu, les disciples se remmo-rent celui qui leur parlait sur le chemin et leur ouvrait le sensdes critures (24, 32). Le repas chrtien est le lieu de lareconnaissance du Seigneur et de celle de sa parole. Car leMatre qui prside est aussi celui qui continue de parler et defaire parler, comme il est celui qui donne l'glise sonidentit.

    Charles PERROT