21
Premier trimestre 4 L’ annonce. Un, deux, trois, quatre, cinq, six. Je recompte pour la quarantième fois les jours sur mon calendrier. Je suis tellement concentrée sur les cases de mon agenda que l’on pourrait me prendre pour une élève du primaire apprenant consciencieusement à compter. Six jours. J’ai six jours de retard. Pour un organisme comme le mien, réglé comme une horloge, cela signifie qu’il y a un doute. J’épluche les dates et je compte les jours pour trouver des éléments rationnels qui pourraient m’orienter vers le plutôt oui ou plutôt non. En fait, au fond de moi, intuitivement, je sais. Dès le moment où je me suis aperçue de ces six jours, je savais. J’ai compté pour faire sérieux et avoir des choses concrètes à raconter au deuxième principal intéressé, le père. Mais rien ne peut

bebe mon amour - Editions Dangles · sous le nez un test de grossesse affichant avec arrogance et certitude qu’il va être Papa. Aucun retranchement possible dans le doute, aucune

Embed Size (px)

Citation preview

Premier trimestre

4 L’ annonce.

Un, deux, trois, quatre, cinq, six. Je recompte pour la quarantième fois les jours sur mon calendrier. Je suis tellement concentrée sur les cases de mon agenda que l’on pourrait me prendre pour une élève du primaire apprenant consciencieusement à compter. Six jours. J’ai six jours de retard. Pour un organisme comme le mien, réglé comme une horloge, cela signifie qu’il y a un doute. J’épluche les dates et je compte les jours pour trouver des éléments rationnels qui pourraient m’orienter vers le plutôt oui ou plutôt non. En fait, au fond de moi, intuitivement, je sais. Dès le moment où je me suis aperçue de ces six jours, je savais. J’ai compté pour faire sérieux et avoir des choses concrètes à raconter au deuxième principal intéressé, le père. Mais rien ne peut

8 Bébé mon amour

m’ôter ce sentiment que « oui, j’attends un bébé », et une grande joie m’envahit depuis.

Je passe la journée à rire nerveusement. Malgré tout, rationnellement, le doute demeure. Les périodes dites fécondes ne le sont pas toujours et un retard peut être dû au stress ou à la fatigue. Voilà, c’est cela, la fatigue. Mon esprit s’égare, virevolte, imagine. Pour cela, l’esprit est extraordinaire, il sait se projeter dans les différentes hypothèses et éveiller les joies comme les angoisses.

Quelle chance – mais est-ce bien un hasard ? – de me rendre compte de cette probabilité juste le jour où l’homme de ma vie vient me rejoindre, nous qui nous voyons peu puisqu’il travaille à quelques 400 kilomètres de là. Nous allons pouvoir partager ce moment ensemble. J’achète un test de grossesse dans une pharmacie. La pharmacienne devient ma complice et s’amuse de me voir si souriante. Je l’imagine frustrée de ne pas connaître la suite. J’élabore mon plan d’annonce officielle dans l’hypothèse où le test affiche un résultat positif. Je me rappelle avoir vu des séquences de films où la future mère annonce à son mari la nouvelle par des moyens plus ou moins originaux. Cela me fait un plaisir fou de me projeter dans « mon film » et d’imaginer la tête de mon homme.

Premier trimestre 9

Et puis, petit à petit, je réalise combien est agréable cette incertitude depuis le matin. Combien je me laisse aller pleinement à la joie, sans les angoisses qu’une maternité certaine ne manquerait pas de réveiller. Combien ces deux hypothèses du oui et du non s’alternent délicieusement dans mon esprit. Le oui, pour tout ce qu’un bébé peut représenter, puis le non, avec le soulagement – un peu lâche – de pouvoir encore profiter de notre vie à deux. Je ne trouve pas juste que mon conjoint ne puisse pas se laisser aller comme moi à ces deux hypothèses et laisser vivre en lui les sentiments qu’elles éveillent. Je ne trouve pas juste qu’il ne connaisse pas ce temps suspendu de ce doute délicieux, mais sans avoir encore la confirmation d’un oui ou d’un non qui sonne le « sans appel ». Je trouve soudain indécent de lui brandir sous le nez un test de grossesse affichant avec arrogance et certitude qu’il va être Papa. Aucun retranchement possible dans le doute, aucune préparation mentale à ce qui soudain engage toute sa vie. Je n’ai plus envie de le prendre par surprise, je n’ai plus envie de faire le test en cachette, solitaire face à quelque chose d’aussi grand et qui nous concerne tous les deux. J’ai envie de partager ce moment fort.

« À quoi penses-tu ? »Je lui fais part de notre calcul plus qu’aléatoire d’un

certain jour.Il sait tout comme moi que, le jour J, nous n’avions pas

envie de compter.

10 Bébé mon amour

Il a tout de suite compris.« Oooh… on a vraiment fait ça ? ! », dit-il avec un grand

sourire.« Ouiiiiiiii… », dis-je avec le même sourire.

Curieusement, il était prêt avant moi. Il est le premier à avoir parlé de bébé. Mon effroi m’avait alors illustré combien je ne me sentais pas encore mûre pour assumer une telle responsabilité et donner autant de ma disponibilité. Puis, l’idée avait fait son chemin. Nous en parlions régulièrement. Nous évoquions cet engagement à vie dans lequel un homme et une femme se lancent, la place qu’un bébé pourrait prendre dans notre existence, notre passage d’un couple à une famille. Nous aimions notre vie pleine d’imprévus et de coups de tête, mais nous nous sentions plus ou moins prêts à la changer pour connaître autre chose. Et puis, si le désir est là, je ne pense pas qu’il faille attendre d’être complètement prêt pour avoir un enfant (d’ailleurs, peut-on être complètement prêt ?). Avoir un enfant est une folie, une folie très sensée, que notre vie matérielle prévoit rarement : je n’ai pas le temps disponible, l’appartement est trop petit, je ne me sens pas mûre, nous habitons à quatre cents kilomètres l’un de l’autre, je vais peut-être avoir une promotion à mon travail. C’est rarement le moment. Sans faire abstraction de la situation réelle que nous vivons, je crois aussi que nous pouvons faire confiance à la vie et à

Premier trimestre 11

nous-mêmes pour nous organiser le moment venu. Quand on sent qu’on en a profondément envie, quand on se sait adulte responsable, on peut se lancer sans trop réfléchir, avec confiance.

La difficulté est justement de ne pas trop réfléchir. Avec la contraception, nous avons maintenant le sentiment de maîtriser la maternité. Avoir un enfant, donc arrêter la contraception, devient un choix conscient et exprimé laissant, a priori, moins de place au désir inconscient ou au mystère. Certes, c’est une chance extraordinaire, car, dans la majorité des cas, l’enfant devient désiré et « prévu ». Il est alors pleinement attendu pendant la grossesse et accueilli à sa naissance. En parallèle, ce choix d’avoir un enfant devient un acte volontaire pas toujours facile à faire, puisqu’il place les futurs parents face à toutes sortes de questions et de décisions. Face à des questions matérielles d’une part, pas forcément en phase avec la venue d’un enfant, mais également face à toutes les questions psychologiques. Celles-ci sont conscientes (suis-je prête à être mère, à assumer un enfant, saurai-je l’accompagner et lui donner beaucoup de mon temps ?) ou inconscientes. Moins maîtrisables, ces dernières sont souvent liées à des croyances sur la féminité, la maternité, le rapport au corps ou à la vie, cristallisées par son vécu depuis sa propre conception ou par la généalogie et sont parfois une cause de stérilité non organique (comme

12 Bébé mon amour

en témoignent ces stérilités qui sont levées lors d’un travail thérapeutique) (1) (2). Plus la naissance est « maîtrisée » par la contraception ou la procréation médicalement assistée, et plus les cas d’infertilité psychosomatique semblent aug-menter… Il est vrai aussi que, moins patient, on a recourt plus vite – et parfois trop – aux traitements.

Depuis un an, je voyais mes cycles revenir tous les mois avec, à mon sens, une rapidité déconcertante. À vingt-huit ans, je commençais à ressentir intérieurement le sablier du temps, si spécifique aux femmes. Douze cycles par an, douze fois l’occasion d’avoir un enfant, me semblaient ridiculement peu. Je commençais réellement à prendre conscience que ma période de fécondité était bien une période, avec un début et une fin, fin vers laquelle je me dirigeais doucement mais fermement. Sentiment de quelque chose de précieux, comme si je gaspillais des cycles, du temps. Les hommes ne connaissent pas cette pression provoquée par cette échéance, ce compteur intérieur. C’est comme si nous rencontrions une porte, à un âge pas précisément connu – parfois plus tôt que nous aurions pu le penser puisque certaines femmes sont ménopausées très tôt – une porte au-delà de laquelle nous continuons à vivre, mais derrière laquelle nous devons laisser une part de nous-mêmes et nous accepter dans cette nouvelle étape de notre féminité. L’homme distribue les spermatozoïdes par centaines de

Premier trimestre 13

millions, source inépuisable. La femme produit au cours de sa période de fécondité quelques centaines d’ovules et a donc une conscience aiguë de posséder un bien précieux.

Depuis quelques mois, à chacun de mes cycles, mon désir d’enfant devenait plus fort. Bien avant son existence physique, c’est dans ce désir profond – parfois inconscient – et dans ce projet d’avoir un enfant qu’un bébé commence pleinement à exister.

Malgré les progrès scientifiques et médicaux, la maternité garde encore bien des mystères.

Nous décidons d’un commun accord d’attendre un peu pour faire le test de grossesse. Nous nous accordons deux jours délicieux pour laisser notre esprit vagabonder et vivre pleinement les émotions que nous ressentons. Si j’étais vraiment enceinte ? Nous parlons de notre joie, de notre engagement, de trouver notre place tous les trois. Nous parlons aussi de nos peurs. Nous ne savons pas comment être parents. Nous entendons fréquemment dire qu’il s’agit du métier le plus difficile au monde et le seul pour lequel il n’existe aucun mode d’emploi. Nous parlons de l’organisation de notre vie actuelle peu accueillante pour un bout de chou. Si je n’étais pas enceinte ? Nous

14 Bébé mon amour

allons savourer notre vie désorganisée que nous aurions pu perdre, savourer ces petits moments à deux. Nous sentons surtout combien il est difficile de trouver des arguments qui pourraient atténuer l’immense déception.

Le grand jour est arrivé, nous allons faire le test. On me demande de faire pipi sur une surface d’environ deux centimètres carrés, tout en évitant soigneusement la fenêtre dans laquelle doit apparaître le résultat. Nous connaissons tous la dextérité d’une femme pour orienter son jet d’urine. J’asperge donc soigneusement la surface en question, la fenêtre et… une grande partie de mon avant bras. La notice indique que les deux traits d’un résultat positif apparaissent au bout de trois à cinq minutes. Je viens à peine de commencer à faire pipi que ces deux traits sont déjà apparus, bien nets, affirmatifs. J’ai l’impression qu’ils hurlent le résultat tellement je suis enceinte. Il aurait été difficile que le test devienne positif plus vite ! Il n’a mis que quelques secondes, comme s’il partait lui aussi de ce grand éclat de rire qui nous prend alors !

Nous sommes une famille maintenant. Nous sommes heureux.

Mais bon, j’ai fait pipi sur la fenêtre et peut-être cela a-t-il pu fausser les résultats. Mon esprit est contrariant face à mon intuition qui m’affirme depuis le début que je suis

Premier trimestre 15

bien enceinte. Nous avons envie de le crier sur tous les toits du monde et, en même temps, de le garder encore un peu pour nous.

4 Sixième semaine d’aménorrhée (soit qua- trième semaine depuis la fécondation).

Tu viens donc d’avoir trois semaines, petite chose au fond de moi. Trois semaines. Tu ne mesures alors que quel-ques millimètres et tu prends déjà une place folle. Comme est incroyable ce sentiment qui me saisit à la seconde même où je sais enfin avec certitude que tu es là. Plénitude. Sérénité. Sentiment de la femme qui s’accomplit. Bonheur de me lancer dans cette grande aventure, dans cette joie d’avoir un enfant.

Je suis fascinée par toi, petit être. Je suis heureuse, et en même temps j’ai peur. Je me sens tout « chose ». Un peu triste aussi. Tout se bouscule. Il faut que je m’habitue à toi.

Créer la vie me semble un miracle. Un miracle physique, d’abord. Ainsi, au moment même où, parmi cent à cinq cents millions de spermatozoïdes, un seul est accueilli et pénètre dans l’ovule, un petit être, unique, est créé définitivement, avec tout son capital génétique. Dès ce moment sont définis

16 Bébé mon amour

la couleur de tes yeux, de tes cheveux, ton sexe, la forme de ton visage, tout toi, petit être, que je ne découvrirai que dans neuf mois. Tu as puisé dans le patrimoine génétique de tes parents, mais également dans celui des générations précédentes. Tu portes en toi les rencontres successives qui ont mené jusqu’à toi.

Ton développement me semble un miracle. De cette rencontre entre l’ovule et un spermatozoïde débute une série de multiplications cellulaires. Ces cellules, de plus en plus nombreuses, d’abord identiques, vont ensuite se différencier, se spécialiser et même se déplacer dans ton corps minuscule pour venir former l’organe qu’elles « doivent » former, à la place où ce dernier doit se trouver. Comme l’indique Dominique Simonnet (3) « ce petit embryon, qui se développe avec innocence, pose donc de graves questions. Comment toutes ces cellules connaissent-elles leur rôle ? Comment s’ordonnent-elles en organes aussi différents que le foie et le cerveau ? ». Nous ne disposons que d’une infime partie de la réponse. « On l’a découvert récemment, certains (gènes), les gènes du développement, guident les cellules dans leur migration, ordonnent (aux cellules) d’arrêter de se multiplier quand l’organe est constitué. (…) Les cellules communiqueraient directement par contact de voisinage et indirectement par l’intermédiaire de messagers chimiques ». Il reste encore une grande part de mystère à cette organisation miraculeuse.

Premier trimestre 17

Cette semaine, tu passes de deux à quatre millimètres et déjà ton cœur a commencé à battre. Tu inities ainsi une circulation sanguine primaire de ton petit corps. Ton système nerveux et ta tête s’ébauchent (4).

Créer la vie m’apparaît un miracle spirituel également. Il me semble que déjà tu as – ou bien devrais-je dire tu es ? – une âme. Une âme qui a décidé de s’incarner dans ce petit corps-là et de vivre cette vie-là, ta vie, avec nous (5).

Il est tout à fait possible que, déjà, tu aies une forme de « conscience » de ce qui se passe autour de toi. Tu perçois, au-delà des mots et d’un système nerveux et cérébral encore très immature, la façon dont nous t’accueillons et dont nous t’attendons.

4 Septième semaine - Deuxième mois.

Il se passe des choses dans mon ventre. J’ai la ferme impression que quelque chose s’organise. Des douleurs, des étirements, des tensions, une lourdeur. Oui, mon corps semble s’organiser pour mieux t’accueillir. Je sens que cette petite révolution tout au-dedans de moi puise allègrement dans mes réserves. Je me sens épuisée, mais par à-coups. Au bureau, je parle et, soudain, j’ai une absence, je dois m’asseoir.

18 Bébé mon amour

Comme si toute mon énergie se concentrait soudain vers toi et rendait impossible toute autre chose. Mon patron, au travail, l’a remarqué :

– Je te sens toute bizarre. Tu as reçu une maison sur la tête ?

– Oui, c’est à peu près cela.

Nous devons mettre en place notre cohabitation, petit être. Je vais donc te nourrir, t’abriter, te protéger pendant neuf mois. Mais déjà tu te débrouilles très bien puisque c’est toi qui, dans ta division cellulaire, as prévu le cordon ombilical. Ce cordon qui va te nourrir et qui nous relie. Ce cordon dont tu garderas la marque indélébile sur ton ventre, souvenir de ton passage dans le mien. Ce cordon qui me rend encore plus responsable de ce que je mange et de ce que je bois.

Comme elle est étrange cette impression d’avoir un petit être dans mon ventre. Nous sommes deux maintenant et en permanence. Je ne me sens jamais seule. Je me promène en ville, radieuse, car je te sais avec moi. Je me sens dans un état extraordinaire, difficile à décrire. Je vis quelque chose d’unique qui me rend profondément heureuse. Je trouve insupportable que cela ne se voit pas encore : personne dans les rues ne semble remarquer que tu es là, toi si présent pourtant. Tu m’habites physiquement et mentalement.

Premier trimestre 19

Ton père a très envie de me découvrir « maman » et moi de le découvrir « papa ». Je m’attendris devant cette image projetée de lui où je l’imagine très bien.

Tu as quatre semaines. À six millimètres, tes bras et tes jambes s’ébauchent. Tes reins commencent à se former, ainsi que la gaine de tes nerfs. Je suis impressionnée par la rapidité avec laquelle tu as décidé de devenir un petit d’homme tout formé, alors que tu as encore la taille d’une groseille.

J’ai peur, et en même temps j’ai très envie. Peur de ce que tu vas changer dans notre vie. Très envie de ce que tu vas changer dans notre vie. La vie est ainsi faite de contradictions. Je les assume.

4 Huitième semaine.

Mon ventre n’a plus toutes ces tensions, comme si le plus gros était enfin organisé en moi. Il ne reste plus que les détails. J’ai acheté un livre pour suivre au fur et à mesure les évolutions de ta croissance dans mon ventre. La liste de tous les maux dont je peux être atteinte est vertigineuse : nau-sées, évanouissements, constipation et problèmes urinaires, varices et hémorroïdes, douleurs dans le dos, vergetures, troubles du sommeil, fièvre et infections. Bien sûr, cette

20 Bébé mon amour

liste ne concerne pas une grossesse à risque. Mon avenir est prédit, je vais enfanter dans d’atroces souffrances… Mon esprit rebelle refuse de faire une lecture plus poussée : je m’en tiens aux simples titres de chapitre. Je m’autorise à ne pas tout lire et à sélectionner ce qui me concerne. Inutile de me faire peur pour rien si je ne suis pas concernée par ces complications. Je n’ai pas non plus de nausées, et n’en aurai pas de toute ma grossesse. Visiblement, ce n’est ni une obligation ni une fatalité. Même si effectivement, c’est fréquent à cette période d’être sujette aux nausées, à des vomissements ou à une fatigue chronique. Ce décalage entre des ressentis intenses et le fait que la grossesse ne se voit pas encore de l’extérieur peut parfois conduire, bien à tort, la femme enceinte nauséeuse à ne pas être prise au sérieux. Ce serait à ce moment-là qu’on aurait le plus besoin d’une place assise dans un bus bondé, même si notre ventre encore plat est regardé avec suspicion par ceux à qui on s’adresse ! À deux reprises simplement, je me sens barbouillée et j’ai envie de vomir. Je ne comprends pas : vomir me semble un acte fort. Une grossesse, dans mon fantasme, ça ne devait être que joie. Vomir quoi ? Est-ce purement physique ? Ou bien est-ce lié à une part de psychisme ? L’expression d’une peur inconsciente ou d’angoisses liées à cette maternité, à la responsabilité ou aux craintes de voir ma vie changer radicalement, sans touche « review » possible ? Ou bien est-ce une façon inconsciente de matérialiser des émotions par

Premier trimestre 21

rapport à ma propre enfance ? Est-ce une demande de mon corps d’avoir plus d’attention ? En effet, les fortes nausées semblent se calmer quand on s’isole et se repose dans une pièce calme et sombre. De bonnes conditions pour s’intérioriser et se concentrer sur ce qui se passe à l’intérieur de soi…

Avoir un enfant. Je fais un saut à l’élastique dans la vie, en sachant d’avance que je ne pourrai jamais remonter sur le pont. Avec toi, petit être, j’en prends pour la vie. Cela me donne le vertige. Alors j’observe les femmes enceintes et les jeunes enfants que je croise dans la rue, pour me familiariser avec cette idée. À travers ces enfants, je me projette avec toi dans des âges présentés dans le désordre, au gré des rencontres. Je me vois bien avec un bébé mais m’imagine plus difficilement avec un enfant de sept ou huit ans. Je me dis que j’ai le temps de voir venir, de me renseigner, de sentir… Pour le moment, ce qui est bien présent, ce sont ces bouffées d’amour pour toi, petit être, et le désir fort de te serrer contre moi.

En me rendant pour la première fois chez le médecin, j’ai peur. Mon ventre se tend. C’est la première vraie démar-che pour toi, par rapport à toi. Alors forcément, tu deviens plus concret. J’attends les résultats de l’analyse de mon sang, cette confirmation définitive de ta présence en moi.

22 Bébé mon amour

Instinctivement, je sais que tu es là. Je le sens. Les amis que je croise me le renvoient : « tu as bonne mine, l’air reposé, en pleine forme ». Mes formes aussi s’épanouissent. Je sens cependant que la lettre du laboratoire ôtera les derniers soupçons. Et si c’était trop beau pour être vrai ?

Tu as bientôt six semaines. En moi, tu poursuis tes travaux de gros œuvre. Tes mains s’ébauchent, ainsi que ton visage. À presque dix millimètres, tu te préoccupes déjà de tes voies respiratoires.

4 Neuvième semaine.

« Heureuse, joie, lumineuse, chaude, douce ». Merci à vous, mes amies, pour ce que je vous inspire. Nous avons commencé à l’annoncer autour de nous. Je choisis avec attention les personnes à qui je l’annonce. Je ne souhaite le dire qu’aux personnes capables de t’accueillir avec joie, de nous envoyer de bonnes ondes. J’ai le sentiment que le fait que toutes ces personnes bienveillantes t’attendent avec attachement te relie à la vie et, d’une certaine façon, te protège, toi qui, à un centimètre et demi, te soucies maintenant de former tes dix petits doigts minuscules. Je refuse d’entendre la liste prévisible : mais comment ferez-

Premier trimestre 23

vous à quatre cents kilomètres l’un de l’autre ? Et tes quatre étages sans ascenseur ? Comment vas-tu le concilier avec ton travail actuel ? Tout cela, et plus encore, c’est notre problème à tous les deux, ton père et moi.

Je refuse d’attendre les trois mois fatidiques pour annoncer ta présence. Bien sûr, statistiquement, tout est possible. Mais, me forcer à ne pas trop me réjouir de ta présence au cas où…, ne m’empêcherait pas de ressentir tout le chagrin et la déception que ce serait de te perdre. Je préfère vivre toutes mes émotions à fond et ne pas me priver de vivre pleinement l’attachement que je ressens déjà pour toi. Je suis profondément heureuse de te savoir là, comme je serais profondément triste s’il t’arrivait quelque chose. C’est bien trop tard maintenant pour ne pas t’aimer.

Ce matin, ma première pensée à été pour toi, et je n’ai pu m’empêcher de te dire « bonjour, bébé ». Les résultats sont formels. Mon taux de Béta-HCG indique avec certitude ta présence. Car si toi tu travailles dur, mon corps n’est pas en reste : avec l’aide de mes hormones, véritables organisatrices et gestionnaires logistiques, mon corps va évoluer et mettre quatre mois à réellement s’adapter à cette nouvelle situation : le développement de l’utérus provoque régulièrement des tiraillements – c’est logique quand on sait que de cinquante grammes initialement, il va passer à plus d’un kilogramme en fin de grossesse – mes seins se

Table des matières

Pendant la grossesse, le nombre de semaines correspond à l’âge du fœtus, donc aux semaines écoulées depuis la fécondation. Il faut ajouter deux semaines pour avoir le nombre de semaines d’aménorrhée.

Premier trimestre :L’annonce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7Sixième semaine d’aménorrhée . . . . . . . . . 15Septième semaine - Deuxième mois. . . . . . . 17Huitième semaine . . . . . . . . . . . . . . . . 19Neuvième semaine . . . . . . . . . . . . . . . . 22Dixième semaine . . . . . . . . . . . . . . . . . 25Onzième semaine - Troisième mois . . . . . . 31Douzième semaine. . . . . . . . . . . . . . . . 38Treizième semaine . . . . . . . . . . . . . . . . 41

378 Bébé mon amour

Quatorzième semaine . . . . . . . . . . . . . . 44Quinzième semaine . . . . . . . . . . . . . . . 47

Deuxième trimestre :Seizième semaine d’aménorrhée -Quatrième mois . . . . . . . . . . . . . . . . . 51Dix-septième semaine . . . . . . . . . . . . . . 56Dix-huitième semaine . . . . . . . . . . . . . . 61Dix-neuvième semaine . . . . . . . . . . . . . 63Vingtième semaine d’aménorrhée -Cinquième mois . . . . . . . . . . . . . . . . . 64Vingt et unième semaine . . . . . . . . . . . . 64Vingt-deuxième semaine . . . . . . . . . . . . 67Vingt-troisième semaine. . . . . . . . . . . . . 74Vingt-quatrième semaine d’aménorrhée -Sixième mois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77Vingt-cinquième semaine . . . . . . . . . . . . 90Vingt-sixième semaine. . . . . . . . . . . . . . 92Vingt-septième semaine . . . . . . . . . . . . . 92

Troisième trimestre :Vingt-huitième semaine d’aménorrhée -Septième mois . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95Vingt-neuvième semaine . . . . . . . . . . . . 97Trentième semaine . . . . . . . . . . . . . . . . 102Trente et unième semaine . . . . . . . . . . . . 107Trente-deuxième semaine . . . . . . . . . . . . 109

Table des matières 379

Trente-troisième semaine d’aménorrhée -Huitième mois . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110Trente-quatrième semaine. . . . . . . . . . . . 113Trente-cinquième semaine . . . . . . . . . . . 115Trente-sixième semaine . . . . . . . . . . . . . 117Trente-septième semaine d’aménorrhée -Neuvième mois. . . . . . . . . . . . . . . . . . 118Trente-huitième semaine . . . . . . . . . . . . 119Trente-neuvième semaine . . . . . . . . . . . . 132Quarantième semaine . . . . . . . . . . . . . . 134

L’accouchement :Dix-sept avril . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135Dix-huit avril . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138Mon accouchement m’appartient . . . . . . . 146

Première semaine :Deuxième jour . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163Troisième jour . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185Quatrième jour. . . . . . . . . . . . . . . . . . 188Cinquième jour . . . . . . . . . . . . . . . . . 202Sixième jour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205Septième jour. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213

Premier mois :Une semaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231

380 Bébé mon amour

Deux semaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250Trois semaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259Quatre semaines . . . . . . . . . . . . . . . . . 292

Deuxième mois :Cinq semaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303Six semaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310Sept semaines. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315Huit semaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . 323

Troisième mois :Neuf semaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333Dix semaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 336Onze semaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337Douze semaines. . . . . . . . . . . . . . . . . . 340

Quatrième mois :Treize semaines. . . . . . . . . . . . . . . . . . 353Quatorze semaines . . . . . . . . . . . . . . . . 355

Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 371Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . 377Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . 381