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Berlin et Postdam, deux villes chargées d’Histoire qu’une vingtaine de Voltairiens de Ferney ont pu découvrir en mai. Le coeur historique de Berlin Dès 1740, année du début du règne de Fédéric II, des mesures furent prises en vue de la construction du “Forum Fridericianum”, conçu pour être le centre de Berlin. Projection de l'idéal selon Frédéric II, alliance entre la royauté, l'art et la science... Ancienne allée cavalière, longue de 1,4 kilomètres, l’avenue Unter den Linden – “Sous les tilleuls” – est l’artère la plus majes- tueuse de Berlin. Elle s’étire de l’Alexanderplatz à la Pariser Platz sur laquelle est érigée la porte de Brandebourg. Quatre rangées de tilleuls ont donné son nom à cette ar- tère bordée de nom- breuses institutions, ambassades construites ou reconstruites, l’Univer- sité Humboldt, le Staatso- per, le Palais du Kronprinz lequel devenu Frédéric II délaissera ce palais pour vivre dans celui de Sans- Souci à PotsdamDressée au centre de cette avenue, la statue équestre – 13,5 m – de celui qui fut surnommé «der Alte Fritz», a néces- sité 20 ans de travail. Rvière allemande et tchèque, la Spree ser- pente entre les monu- ments de la ville. Bebelplatz Cette place du XVIII ème siè- cle compte un opéra – le premier à ne pas être adossé à un château, où, selon Voltaire « les plus belles voix et les meilleurs danseurs » se produi- saient –, une bibliothèque et une cathédrale au dôme vert, dédiée à sainte Edwige, patronne de Silé- sie et du Brandebourg. Commandée en 1747 par Frédéric II qui pratiquait la tolérance religieuse, elle fut été la première église catholique construite en Allemagne après la Ré- forme protestante. Détruit par un incendie en 1843, puis détruit à nou- veau pendant la Seconde Guerre mondiale, l’Opéra fut reconstruit en 1955. En face, l’Ancienne Biblio- thèque, construite entre 1775 et 1780. La forme incurvée de sa façade baroque lui a valu le sur- nom de « Commode ». Détruite pendant la Seconde Guerre mon- diale, elle fut reconstruite entre 1963 et 1968. Voltaire à Berlin Peuplée alors de 100’000 habitants, Berlin comprenait une colonie française huguenote de plus de 7’000 âmes. Voltaire ne fréquente point ces Français chassés par la révocation de l’Edit de Nantes, à l’exception du pasteur Formey, secrétaire perpétuel de l’académie, homme important qui dirige plusieurs journaux. A Berlin, Voltaire ne vit pas au palais royal. Il fait des séjours à Charlotten- bourg, et au pavillon du Belvédère édifié en bor- dure de la Spree, dans le parc du palais. Au temps de sa disgrâce, en décem- bre 1752, il prend pension dans la maison du conseil- ler Francheville, près de Gendarmenmarkt, place où sera brûlée sa “Diatribe du docteur Akakia, méde- cin du pape”. Le philosophe évolue sur- tout dans le cercle de la famille royale. Il lit ses tra- gédies à la reine mère So- phie Dorothée à Monbijou, petit château près de la Spree. Il rend ses devoirs à l’épouse délaissée du roi, Élisabeth Christine, à Schönhausen, et fait jouer la comédie aux frères du roi, les princes Auguste Guillaume, Henri et Ferdi- nand. Il fréquente Tyrcon- nel, l’ambassadeur de France, puis son succes- seur le chevalier de La Touche. (Christiane Mervaud). Bibliothèque engloutie Une plaque de verre au ras des pavés attire les vi- siteurs déambulant sur la Bebelplatz. En se pen- chant, on peut apercevoir une bibliothèque aux étagères vides. Le 10 mai 1933, à l'appel de Goebbels, des étu- diants brûlèrent 20’000 li- vres « non allemands » pris dans les bibliothèques et les librairies. Un condis- ciple déclamait les noms des auteurs concernés: Karl Marx, Karl Kautsky, Bertolt Brecht, Alfred Dö- blin, Lion Feuchtwanger, Sigmund Freud, Erich Kästner, Heinrich Mann, Carl von Ossietzky, Erich Maria Remarque, Kurt Tu- cholsky, Franz Werfel, Ar- nold Zweig et Stefan Zweig... La “Bibliothéque engloutie” de l'artiste Micha Ullman rappelle l'événement, de même que, chaque année, les étudiants de l'Université Humboldt organisent une vente de livres sur la place. Un vers de Heinrich Voltaire à Ferney Voyage à Berlin et Potsdam mai 2016

Berlin - 1 · de B rand ebo ug. Q at rangé e sd ti lu on don né cs om à c et ar - tè r e b odé e n m - breu se i ntu o , amba sad econ trui ou r ecns t r ui, l’U v - si té

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Berlin et Postdam, deuxvilles chargées d’Histoirequ’une vingtaine de Voltairiens de Ferney ontpu découvrir en mai.

Le coeur historique de BerlinDès 1740, année du débutdu règne de Fédéric II,des mesures furent prisesen vue de la constructiondu “Forum Fridericianum”,conçu pour être le centrede Berlin. Projection del'idéal selon Frédéric II, alliance entre la royauté,l'art et la science...Ancienne allée cavalière,longue de 1,4 kilomètres,l’avenue Unter den Linden– “Sous les tilleuls” – estl’artère la plus majes-tueuse de Berlin. Elles’étire de l’Alexanderplatzà la Pariser Platz sur

laquelle est érigée la portede Brandebourg. Quatrerangées de tilleuls ontdonné son nom à cette ar-tère bordée de nom-breuses institutions,ambassades construites

ou reconstruites, l’Univer-sité Humboldt, le Staatso-per, le Palais du Kronprinzlequel devenu Frédéric IIdélaissera ce palais pourvivre dans celui de Sans-Souci à Potsdam…

Dressée au centre decette avenue, la statueéquestre – 13,5 m – decelui qui fut surnommé«der Alte Fritz», a néces-sité 20 ans de travail. Rvière allemande ettchèque, la Spree ser-pente entre les monu-ments de la ville.

BebelplatzCette place du XVIIIème siè-cle compte un opéra – lepremier à ne pas êtreadossé à un château, où,selon Voltaire « les plusbelles voix et les meilleursdanseurs » se produi-saient –, une bibliothèqueet une cathédrale audôme vert, dédiée à sainteEdwige, patronne de Silé-sie et du Brandebourg.Commandée en 1747 parFrédéric II qui pratiquait latolérance religieuse, elle

fut été la première églisecatholique construite enAllemagne après la Ré-forme protestante. Détruit par un incendie en1843, puis détruit à nou-veau pendant la SecondeGuerre mondiale, l’Opérafut reconstruit en 1955.En face, l’Ancienne Biblio-thèque, construite entre1775 et 1780. La forme incurvée de sa façade baroque lui a valu le sur-nom de « Commode ».Détruite pendant la Seconde Guerre mon-diale, elle fut reconstruiteentre 1963 et 1968.

Voltaire à BerlinPeuplée alors de100’000 habitants, Berlincomprenait une coloniefrançaise huguenote deplus de 7’000 âmes.Voltaire ne fréquente pointces Français chassés parla révocation de l’Edit deNantes, à l’exception dupasteur Formey, secrétaireperpétuel de l’académie,homme important quidirige plusieurs journaux.

A Berlin, Voltaire ne vitpas au palais royal. Il faitdes séjours à Charlotten-bourg, et au pavillon duBelvédère édifié en bor-dure de la Spree, dans leparc du palais. Au tempsde sa disgrâce, en décem-bre 1752, il prend pensiondans la maison du conseil-ler Francheville, près deGendarmenmarkt, placeoù sera brûlée sa “Diatribedu docteur Akakia, méde-cin du pape”. Le philosophe évolue sur-tout dans le cercle de lafamille royale. Il lit ses tra-gédies à la reine mère So-phie Dorothée à Monbijou,petit château près de laSpree. Il rend ses devoirsà l’épouse délaissée duroi, Élisabeth Christine, àSchönhausen, et fait jouerla comédie aux frères duroi, les princes AugusteGuillaume, Henri et Ferdi-nand. Il fréquente Tyrcon-nel, l’ambassadeur deFrance, puis son succes-seur le chevalier de LaTouche.(Christiane Mervaud).

Bibliothèque engloutieUne plaque de verre auras des pavés attire les vi-siteurs déambulant sur laBebelplatz. En se pen-chant, on peut apercevoirune bibliothèque aux étagères vides. Le 10 mai 1933, à l'appelde Goebbels, des étu-diants brûlèrent 20’000 li-vres « non allemands »pris dans les bibliothèqueset les librairies. Un condis-ciple déclamait les nomsdes auteurs concernés:Karl Marx, Karl Kautsky,Bertolt Brecht, Alfred Dö-blin, Lion Feuchtwanger,Sigmund Freud, ErichKästner, Heinrich Mann,Carl von Ossietzky, ErichMaria Remarque, Kurt Tu-cholsky, Franz Werfel, Ar-nold Zweig et StefanZweig... La “Bibliothéqueengloutie” de l'artisteMicha Ullman rappellel'événement, de mêmeque, chaque année, lesétudiants de l'UniversitéHumboldt organisent unevente de livres sur laplace. Un vers de Heinrich

Voltaire à FerneyVoyage à Berlin et Potsdam

mai 2016

Heine est gravé : « Dort,wo man Bücher verbrennt,verbrennt man am Endeauch Menschen » (« Là oùon brûle les livres, on finitpar brûler les hommes »).Un ouvrage de Voltaireaurait figuré parmi ceuxconsumés sur la Bebel-platz. Comme lors de l’au-todafé organisé par lesfranquistes le 30 avril1939, à l’Université deMadrid où furent brûlésdes livres de MaximeGorki, Sigmund Freud,Karl Marx, Lamartine,Jean-Jacques Rousseauet Voltaire...

La plus belle place de BerlinSur la Gendarmenmarkt –nommée ainsi à la mé-moire du Régiment deGens d’Armes – le Kon-zertHaus est entouré de lacathédrale allemande,construite en 1708, et dela cathédrale française,finie en 1705. Au centre,de la place, trône une sta-

tue de Frédéric Schiller.Ancien Théâtre National,la Salle de concert inaugu-rée en 1821, est le siègede l’Orchestre Sympho-nique de Berlin où futcréée la “Symphonie N° 9”de Beethoven. Wagner ydirigea son “FliegenderHolländer“.

Féministe avant la lettreAndré Magnan évoque laJaegerstrasse touteproche, où vécut MadameBentinck, « ange tuté-laire » de Voltaire qui larencontra pour la premièrefois en décembre 1740.On dénombrera plus de250 billets adressés à la“Sévigné de l’Allemagne”par Voltaire. Née comtesse d’Alden-burg, apparentée à toutesles têtes couronnées enEurope, Charlotte-Sophietraîne avait été mariée à18 ans, contre son gré, àWillem Bentinck, nobled’ascendance anglo-hol-landaise, homme politique

de premier plan enHollande, qu’elle n’aimaitpas. Femme forte, pas-sionnée, elle rompit cemariage en 1738. Privéede ses deux enfants, elleerra de cour en cour et deprocès en procès, poursoutenir des litiges depensions, des plans de revanche et de réparationcontre ce mariage injustequ’elle dénonça toujours.Catherine II a laisséd’elle dans ses Mémoires,le portrait d’une provo-cante amazone, qui monteen homme, chante etdanse comme une pay-sanne, et revendique sesamour. La comtesse de-meura quatre ans à Berlin,sous la protection du roi

de Prusse. Voltaire – quila surnomme alors « laReine de Saba », commeil a surnommé Frédéric « le Salomon du Nord » –chercha pour elle des em-prunts et des garanties,soutint ses démarches àVersailles. Ils se voyaientbeaucoup, et s’écrivaientdes petits billets pleins desympathie et d’esprit. Ellequitta Berlin pour Vienneun an après Voltaire, maisle lien ne fut jamais rompu(André Magnan). Sur le chemin menant auCafé Einstein, Kurfürs-tenstraße 58, l’un “desplus beaux cafés de Ber-lin”, découverte d’uneécole française Voltaire etd’un Carré Voltaire en

Le palais de Sans-SouciDestination Potsdam avecle guide Jean Guitard quiaccompagne le groupe. Passage devant le Moulinà vent hollandais construiten 1787. Incendié en1945, le Vieux moulin futreconstruit en plusieursétapes. Un différend auraitopposé Frédéric Le Grandet son meunier à qui il or-donna de quitter les lieux,et intenta un procès qu’ilperdit. Constat conforme à l'Esprit des Lumières :dans les tribunaux, les loisdoivent parler et le roi doitse taire. Retraite intimiste dédiéeaux Arts, dominant les jar-dins en terrasses plantéesde vigne, le palais d’étéSans-Souci fut construitentre 1745 et 1747, selonles plans de Frédéric II. Réservé au roi et à sesproches qui y séjournaientde fin avril à début octo-bre, il ny n’entrait jamais nifemmes ni prêtres. A 4 heures du matin, le roi

reçoit ses secrétaires. Pasde protocole... La façade du « Versaillesprussien » est ornée decariatides et surmontéed’une coupole. Les sallesfoisonnent de motifs végé-taux et animaliers. Au mur,des peintures collection-nées par le monarque,dont des œuvres de Wat-teau, Canaletto, Guardi…La bibliothèque, où peu depersonnes étaient autori-sées à entrer, recèle plusde 2’000 ouvrages d’au-teurs français, reliés enmaroquin rouge ou brun.Dans le salon de musiqueau décor blanc et or,avaient lieu les concertsoù le roi musicien partici-pait en jouant de la flûte.Dans la salle de marbre,sous la coupole, se te-naient les fameux soupersphilosophiques, conversa-tions qui roulaient sur lessujets les plus variés, li-bres de ton.La chambre destinée àVoltaire présente un décor

rococo surprenant : putti,cygnes, singes, perro-quets, fleurs et fruits enbois peint. Le philosophen’y aurait jamais dormi. Dans la chambre à cou-cher du roi, on peut voir leportrait du monarque àl'âge de 50 ans, par AntonGraff, sa table de travail etle fauteuil dans lequel ilmourut le 17 août 1786. Selon son souhait, etaprès bien des vissici-tudes et transferts dus aux périodes de guerre,Frédéric le Grand reposesous une simple dalle dela terrasse, entouré de seschiens favoris. Selon latradition, des pommes deterre – introduites enPrusse par le roi – y sonttoujours déposées.

Classé au patrimoinemondial, le parc couvreprès de 300 hectares etcompte plusieurs cen-taines d'espèces d'arbres.

Jardin à la française auxformes géométriques,grande fontaine bordée destatues de marbre, char-milles, arboretum, glo-riettes en treillis richementdécorées, l’Orangerie, leJardin sicilien, un harmo-nieux Pavillon chinois, cé-ladon et or, inspiré d'unpavillon du parc du châ-teau de Lunéville, aux cor-niches et statues dorées àla feuillle. La Maison duDragon construite entre1770 et 1772, a été amé-nagée en restaurant. La Friedenskirche, l’Eglisede la Paix, est entouréed’un plan d’eau bordé deplatanes provenant d’unterrain ayant appartenu àVoltaire et replantés en celieu paisible.

Frédéric II, monarque éclairé Rusé stratège de l'unité al-lemande, attaché à consti-tuer la puissance de laPrusse, Frédéric II, né

au château royal de Berlinle 24 janvier 1712, fut leplus illustre souverain dela dynastie des Hohenzol-lern. Eduqué dans l'amourde la culture française parsa gouvernante et sonprécepteur, il connaît uneenfance éprouvante, sousla férule de son père Frédéric-Guillaume 1er, ditle « Roi-Sergent » dont laseule passion est la chosemilitaire.

En mai 1740, Frédéric devenu roi de Prusse hérite d’un royaume bienadministré et d’une arméedisciplinée de 80’000hommes, grands gaillardsrecrutés à travers l'Europepar le Roi-Sergent. Il selancera dans la guerreque son père n’osa pasfaire. Son règne durera 46 ans. Le jeune homme de 1 m 93 épousera la prin-cesse Élisabeth Christinede Brunswick-Bevern, qu’il

éloignera dès son couron-nement. Il ne la verra plusque deux fois par an, àBerlin, pour les cérémo-nies officielles.

Grand amoureux de laFrance, de sa langue, desa littérature et de sa pein-ture, le jeune prince publie« L’anti-Machiavel », livredans lequel il développesa vision d’une monarchieconstitutionnelle sou-cieuse du bien de ses citoyens. Fin 1739, il sou-met son ouvrage a l’ap-probation de son amiVoltaire qui corrige et pré-face ce qu’il appelle le « catechisme des rois etde leurs ministres ».

Depuis longtemps, leprince entretient une cor-respondance soutenueavec Voltaire. Il écrit despièces et des poèmes,toujours en français. « Jen’ai encore jamais lu dema vie un livre en alle-mand, et je parle allemandcomme un charretier ;mais je suis un vieilhomme de quarante-sixans, et je n’ai plus le temps »,écrira-t-il à LouiseGottsched, écrivain, poète et traductrice.

Frédéric Il fera entrer la Prussedans le Siècle desLumières.

Le roi des philosophes et le roi philosophe A l’arrivée de Voltaire enPrusse, en août 1750, lesgazettes allemandes an-noncèrent la nominationdu nouveau chambellanroyal.Frédéric II ne pouvait fairemoins : la charge corres-pondait à celle de gentil-homme ordinaire de lachambre du roi de France,que Voltaire avait occu-pée, et dont il conservaitle titre. Sa véritable fonc-tion fut de réviser et de

corriger les écrits litté-raires en français de SaMajesté prussienne, odeset discours, épîtres et mé-moires, et le grand poèmede L’Art* de la guerre.Avec la clef de chambel-lan, Voltaire avait reçu l’or-dre* du Mérite. Il renditces « breloques » àFrancfort*, en juin 1753,mais garda le surnom dontl’avaient affublé les plai-sants de Paris, plus lourdà porter dans la pos-térité : celui de Prussien.(André Magnan).

Frédéric II et Voltaire for-ment dans la mémoire uncouple emblématique,érouvant une véritablefascination mutuelle.Avant d’être l’objet d’af-frontements passionnés,les relations de Frédéric IIavec Voltaire furentd’abord épistolaires. Etmalgré leurs différends,ils s’écriront jusqu’à lamort de Voltaire en 1778.De ce commerce de plusde quarante ans subsis-tent plus de sept cents let-tres. (Christiane Mervaud).

A sa mort, Frédéric II auradoublé la taillede son royaumeen conquérant la moitié de l’Allemagne.

Frédéric II fut véritable-ment ce « roi-philosophe »qu’admirait tant Voltaire. Ila développé l’agriculture,introduit l’industrie, amé-lioré les conditions de tra-vail, aboli la censure de lapresse et la torture des tri-bunaux.

Voltaire à PotsdamDurant l’hiver, Voltaire lo-geait parfois au « Châteaude ville ». La troisième résidence de l’écrivain àPotsdam fut le Marquisat,demeure du marquis d’Ar-gens. « Le marquis D’Ar-gens et moi-même, nouspassons toute l’année ici,excepté six semaines del’hiver, seul temps où le rois’établit dans sa capitale.Tout ce menu détail ex-posé, voyez, Monsieur, si vous voulez me faire lagrâce d’acccepter, je ne

dis pas l’appartement, jedis le bouge que j’ai àPotsdam. Il est fort prèsdu château, et c’est laseule raison qui m’a déter-miné à prendre ce loge-ment qu’on ne peuthabiter que par excès dephilosophie et qui est laplus vilaine chose dumonde.(...). Le séjour dePotsdam n’est fait quepour des guerriers ou desphilosophes. toute super-fluité en est bannie » (àl’abbé de Prades, 18 juillet1752).Les relations entre lesdeux hommes se deterio-rent : ils en viennent à secritiquer par pamphlets in-terposés. Plusieurs scan-dales autour de Voltairemènent à son depart dePrusse, le 26 mars 1753,avec l’accord du roi. Mais,emportant un livre de poé-

sies du monarque aveclui, il se fait arreter aFrancfort et emprisonnerun mois avec sa nieceMadame Denis, venue lerejoindre – humiliation qu’ilvit tres mal. Moreau deMaupertuis (mathemati-cien, astronome et physi-cien francais) provoqua la rupture definitive entre les deux illustrespersonnages. Voltaire ren-verra ses décorations etses ordres accompagnésd’un quatrain : « Je lesreçus avec tendresse / Jevous les rends avec dou-leur / C’est ainsi qu’unamant, dans son extrêmeardeur / Rend le portraitde sa maîtresse. »

Ville de garnisonTransformée en campd'entraînement par le pèrede Frédéric II, Potsdam

connut des dommagesconsidérables lors de laSeconde Guerre mondialeet fait encore l'objet d'uneminutieuse restauration.Jean-Sébastien Bach y fut reçu par Frédéric II et Mozart y séjourna en 1789.

Le Quartier hollandais,enfilade de maisons enbriques rouges rythméepar des pignons ornemen-taux : en 1752, le père deFrédéric II commanda laconstruction de 134 mai-sons, dans le style fla-mand afin d’y attirer desartisans hollandais et derelancer l'économie locale. Le quartier hollandais hé-bergeait aussi des soldatset leurs familles.le roi fitrespecter l'esprit et laconception des plans vou-lus par son père. Pendant

la seconde moitié duXVIIIème siècle, de nom-breux artistes et artisansnon néerlandais habitèrentle quartier hollandais pourles travaux de décorationde la nouvelle ville ba-roque de Frédéric II, deve-nue résidence royale.Les maisons du quartierhollandais ont changé de-puis leur construction, il ya environ 300 ans. Peuont été remises dans l'étatqui était le leur. Après laréunification, les Alle-mands de l'Est envoyèrentune délégation aux Pays-Bas en 1990 afin de dé-couvrir et de réapprendreles techniques de restau-ration propre à ce type demaison. Aujourd’hui, lesmaisons de briquesrouges abritent boutiques,restaurants, galeries,cafés comme la brasserieZum Fliegenden Hollän-der, reconstruite à l’identique…

L’hôtel NH Voltaire**** sesitue dans le centre dePotsdam, en face du quar-tier hollandais.

La colonie russe Alexandrovka : quartierconstruit en 1826 afin decélébrer l'alliance russo-prussienne. La colonieétait composée d’artisteset chanteurs russes servant dans l'armée impériale. Ce petit village intégré aupatrimoine mondial del'UNESCO depuis 1999,comprend de 13 maisonsrusses à colonnes de boissculptées, entourées dejardins. L’arrière-grand-père de Joachim Grigo-rieff, dernier descendantdes colons russes, était unchanteur venu d'Ukraine,servant dans l'armée im-périale.

Potsdam aujourd’huiLa ville a été dévastéedans la nuit du 14-15 avril1945, par l'attaque de 24bombardiers anglais, troissemaines avant la fin de laguerre. Ville en plein essor écono-mique, pôle universitaireet scientifique, Postdamcompte aujourd’hui153’000 habitants, troisécoles supérieures, 30instituts de recherche etune Voltaireschule. Potsdam s’avère un en-droit décontracté qui sedestine au tourisme.