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 1  B.I.  SUR L A  STRATÉGIE Thème 1 : l’évolution du capitalisme et du prolétariat / de la classe ouvrière, l’internationalisme

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Boletín NPA

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  • 1B.i. SUR LA sTraTGieThme 1 :

    lvolution du capitalisme et du proltariat / de

    la classe ouvrire, linternationalisme

  • 1) Lvolution du capitalisme et de limprialisme, ses formes de domination (place des Etats, des institutions internationales et rgionales), les consquences sur lenvironnement de la course au profit (le dbat autour du productivisme)

    - Par o commencer ? Jean-Franois - Quoi de neuf sous le soleil imprialiste ? Pierre - Nouvelle phase du dveloppement capitaliste et perspectives rvolutionnaires Yvan - Surlimprialisme au XXI sicle Morsu - Ne pas oublier la question europenne quand on parle de stratgie Roseline - Le capital puise les deux seules sources de toute richesse : la Terre et le travailleur . Christine - Donner la question cologique son contenu rvolutionnaire et socialiste Bruno - Sur le bon usage du concept de dcroissance. Gerard - La gratuit comme fondement dune socit dabondance Laurent

    2) Ltat du proltariat/de la classe ouvrire, du sujet rvolutionnaire, tant au niveau mondial, rgional que national.

    - Une classe ouvrire mondialise Daniel - Quest devenu le proltariat ? Sandra - Le nolibralisme : de lconomie de march la socit de march Patrick - Etat du proltariat et dfis dune politique dhgmonie ouvrire aujourdhui Emmanuel - Vous avez dit centralit de la classe ouvrire ? Guillaume Ugo - Le communisme dcoule-t-il des revendications ? Gerard - La classe ouvrire est rvolutionnaire ou elle nest rien (Marx) Emile - Unifier notre classe, cest aussi combattre le racisme. Xavier AR - Les forces sociales dans les processus rvolutionnaires Lotfi

    3) Rvolution permanente et internationalisme

    - Rvolution permanente et internationalisme Yvan - La Rvolution Permanente lpreuve des premiers processus rvolutionnaires du 21e sicle Daniela

    sommaire

  • 3Dbattre ? Oui, mais en allant au fOnD Des questiOns !

    Rappel: motion adopte par le CPN des 16-17 mai 2015pour l organisation du dbat stratgie

    Motion Stratgie a adopte par le congrs national :Le congrs mandate le CPN pour mettre en place un groupe de travail charg dorganiser et de coordonner le travail dla-boration sur les questions stratgique et programmatique en associant chaque tape lensemble des camarades et comits, en se donnant aussi les moyens de confronter publiquement nos rponses dans un dbat ouvert et public.

    Lampleur du travail accomplir ncessite de srier les r-flexions et dbats mener, en dfinir lobjectif ou les objec-tifs et la mthode de travail.Lobjectif autour duquel nous proposons dorganiser la dis-cussion est de dfinir le stade actuel de dveloppement du capitalisme et de limprialisme, ses nouvelles contradic-tions nes de la mondialisation, les enjeux indits lis la crise cologique et climatique, et en quoi elles refondent le programme rvolutionnaire dun point de vue internatio-naliste et nous imposent de repenser comme une question actuelle la stratgie rvolutionnaire tant du point de vue de la construction du parti que des chemins du pouvoir et les possibilit s du socialisme.Il nous faut rpondre la question, pourquoi ce qui a chou hier est nouveau lordre du jour et pourrait russir de-main, pourquoi et comment ?Il est essentiel davoir une rflexion sur les moyens par les-quels le proltariat peut prendre le pouvoir et construite une socit mancipe, dbarrasse de lexploitation et des op-pressions, en la confrontant en permanence aux expriences relles des mouvements de masse, lactualit du socialisme ou de lcosocialisme (selon les contenus que lon veut bien y mettre).Une comprhension commune des enjeux structure, donne du sens lactivit quotidienne, aux multiples choix poli-tiques et organisationnels, mme sil ny a pas de corrla-tion mcanique entre chaque choix tactique concret, chaque dcision pratique, et des options stratgiques globales.

    Les sujets qui devront tre abords au cours de ce travail dlaboration sont nombreux, chacun dentre eux abordant en outre de multiples aspects. Il nous faut choisir des thmes qui regroupent les principaux questionnements qui sont les ntres aujourdhui. Trois thmes principaux ont t retenus incluant chaque fois plusieurs questionnements :

    Thme1: lvolution du capitalisme et du proltariat / de la classe ouvrire, linternationalisme

    1) Lvolution du capitalisme et de limprialisme, ses formes de domination (place des Etats, des institutions internationales et rgionales), les consquences sur len-vironnement de la course au profit (le dbat autour du productivisme)2) Ltat du proltariat/de la classe ouvrire, du sujet

    rvolutionnaire, tant au niveau mondial, rgional que national.3) Rvolution permanente et internationalisme

    Thme2 : la conqute du pouvoir et les moyens dy parvenir

    1) Le dbat rforme/rvolution au XXIme sicle et la question de la prise du pouvoir, incluant le rapport aux institutions, la place des lections, le renversement et lextinction de lEtat, la question du gouvernement, larticulation rforme/rvolution, les processus rvolu-tionnaires : le rle de lauto-organisation, la question du double pouvoir, les dynamiques de mobilisation, la question de la grve gnrale2) Lunit du proltariat et la question du front unique, le rle du syndicalisme et des mouvements sociaux, les formules de gouvernement, et ce que nous entendons par dmarche transitoire 3) Le rle et lutilit dun parti, quel type de parti pour quels objectifs ?

    Thme 3 : le projet de socit, lhritage thorique

    1) Socialisme et cosocialisme.2) Exploitation et oppressions, comment penser leurs rapports rciproques?3) Lhritage thorique du mouvement ouvrier, la place du marxisme dans le NPA

    Sur ce type de dbats, on ne convainc pas par des votes. Il nous faut des dbats libres, hors des dlimitations des plates formes de congrs constitues pour dautres objets, avoir la possibilit davancer dans la rflexion et la recherche, de se rpondre, dargumenter, de convaincre et dtre convaincu. Nous engageons donc un processus ncessairement long visant construire une conception partage et capable de laisser le dbat ouvert, conformment au projet du NPA. La question reste ouverte de savoir si ce processus devra se conclure par un document programmatique : est-ce que cela sera possible, cest lobjet mme de la discussion et du travail dlaboration.

    Nous proposons dengager ce dbat jusqu luniversit dt 2016, en associant au groupe de travail du CPN la commis-sion nationale formation, en nous donnant environ 4 mois pour chaque thme (afin de pouvoir discuter toutes et tous ensemble, sans considrer non plus chaque thme comme tant dfinitivement clos lissue des quatre mois). Ce qui donnerait le calendrier suivant : 1) Thme 1 : juin, juillet, aot, septembre 20152) Thme 2 : octobre, novembre, dcembre, janvier 20163) Thme 3 : fvrier, mars, avril, mai 20164) Conclusions ventuelles autour dun document program-matique : juin, juillet, aot, septembre 2016

  • 4Par o commencer?Le dbat qui souvre sur les questions stratgiques est une bonne nouvelle, et cela trs clairement parce que nous navons pas, ni les unEs ni les autres, de rponses toutes faites ni dfi-nitives sur les questions qui nous sont poses. Mais nous avons tout intrt approfondir collectivement notre rflexion, face aux difficults auxquelles nous sommes confrontes. Cela concerne tout aussi bien la paralysie interne dune orga-nisation comme le NPA, rattrape aujourdhui par la faiblesse de son projet initial, que limpression de dcomposition dun mouvement ouvrier en plein recul, du moins tel quon peut le voir depuis la France et lEurope, et corrlativement limpres-sion de chaos qui semble merger dun monde toujours plus complexe, comme si le capitalisme semblait touffer dans ses propres contradictions, faute de perspective et de point dappui solides.Cest videmment le troisime terme par lequel il faut com-mencer, ce qui ncessite demble de prciser deux problmes qui sont plutt dordre mthodologique.Le premier concerne lusage des rfrences thoriques qui agissent comme autant de prsupposs. Autant le dire aussi clairement, il ny a pas accord entre nous sur les grilles de lec-ture (du moins leur usage) ni sur la comprhension que nous pouvons avoir du pass. Or cela influe considrablement sur la rflexion que nous pouvons avoir aujourdhui sur le monde actuel, mais souvent dune manire qui reste implicite. Ce nest pas un drame non plus. On pourrait mme dire en positif que cela aurait d tre lune des fonctions du NPA de nous enrichir mutuellement partir de nos traditions diff-rentes, plutt que de faire croire un accord de faade, ou de prtendre que ces questions navaient aucun intrt pour avancer ensemble.Jai crit une contribution longue sur la question de limp-rialisme qui me servira ici de texte de rfrence1. Certains ca-marades ont semble-t-il trouv bizarre de commencer par un dtour sur la question cubaine et de vieilles discussions sur la rvolution permanente. Cela me parait au contraire indispen-sable et pleinement dactualit, car il y a selon moi une conti-nuit de raisonnement chez les camarades dune certaine tra-dition issue de la LCR entre lanti-imprialisme dhier justifiant

    bien des solidarits mais aussi parfois un certain alignement politique, et une certaine forme de renoncement face aux in-terventions de limprialisme aujourdhui, en particulier contre lEtat islamique au nom de la solidarit avec les Kurdes.Mais ce dtour nest en mme temps intressant que si nous sommes bien conscient les unEs et les autres que nos rf-rences souvent communes (mme si on en fait une lecture qui nest pas la mme!) sont de toute faon obsoltes (ce qui ne veut pas dire inutiles!). Limprialisme daujourdhui est bien diffrent de celui de Lnine. Et ce nest pas tre pdant que de dire aux camarades ( commencer par moi-mme) quil y a sans doute bien besoin de nous mettre la page, et qu la base dun certain nombre de questions stratgiques il y a des problmes qui relvent de la thorie, tant la rflexion sur cette question a considrablement volu depuis une dizaine dannes chez les auteurs se rclamant du marxisme2.Le deuxime problme concerne larticulation que nous pou-vons essayer de faire entre lanalyse des contradictions ob-jectives du capitalisme et la part du volontarisme qui influe galement sur ces contradictions, celle de laction politique qui concerne plus directement les acteurs (comme les classes sociales ou les organisations) avec leurs prises de position stratgiques et tactiques, en particulier face au rformisme. Je partage avec Yvan une proccupation : ancrer notre r-flexion dans le rel et conserver comme boussole le mat-rialisme historique, nous prserver de toute forme de mora-lisme et de subjectivisme qui se substituent bien souvent la rflexion politique, tout en ayant conscience de nos propres faiblesses, commencer par notre permabilits aux courants dair qui passent. Ce qui veut dire aussi rompre avec les habi-tudes du gauchisme qui ne se pense en premier lieu que par rapport aux autres, plutt que dfinir sa propre politique en fonction des besoins de la situation. Mais une fois que lon a dit a? Des contradictions du capi-talisme, on ne peut pas tirer malheureusement beaucoup de certitudes, pas mme lide que tt ou tard la vieille taupe aura forcment bien travaill pour nous. On peut certes rp-ter en boucle la longue liste des contradictions du capitalisme et conclure (comme toujours, comme avant, comme dhab) que nous vivons le temps des guerres et des rvolutions. Mais cest toute la faiblesse de lanticapitalisme si on en reste l,

    Ce calendrier pourra faire lobjet dadaptation par le CPN, en fonction des rythmes et de lvolution des dbats

    La mise en uvre de ce dbat suppose limplication de tout le CPN, il sera men dans le cadre des comits selon des modalits dfinir par les instances locales et nationales, en sappuyant sur divers supports :publication de deux BI successifs par thme, composs de contributions limites 5000 signes;

    ouverture sur le site du NPA dune page intgrant toutes les contributions adresses, y compris celles qui peuvent tre plus longues (sans oublier cependant que la longueur exces-sive est un obstacle la lecture)la place de la revue dans ce cadre reste une question ouverteorganisation dun cycle de dbats luniversit dt 2015 et 2016changes, confrontations avec dautres cadres dlaboration que ceux du NPA.

    -1-lvOlutiOn Du capitalisme et De limprialisme, ses fOrmes De DOminatiOn (place Des etats, Des institutiOns internatiOnales et rgiOnales), les cOnsquences sur lenvirOnnement De la cOurse au prOfit (le Dbat autOur Du prODuctivisme)

  • 5avant de passer aux travaux pratiques et sapercevoir que tout reste faire et rflchir. Le questionnement cette tape nest donc pas un supplment dme, encore moins un tat dme. Prenons-le vraiment au srieux!

    Jean-Franois Cabral (Montreuil)

    Quoi de neuf sous le soleil imprialiste ?Il y a un sicle, les marxistes se sont attachs analyser le neuf, savoir lre imprialiste. Nous y sommes toujours, mais non sans bouleversements radicaux: rvolutions du XXe sicle suivies de contre-rvolutions bureaucratiques ; fas-cismes ; gopolitique des blocs lissue de la Seconde Guerre mondiale; implosion du bloc de lEst librant la voie la mondialisation capitaliste contemporaine ; mergence dune crise sociocologique globale

    Les consquences de ces bouleversements sont tellement importantes quil vaut mieux partir des ralits actuelles que des dfinitions dites classiques, afin dviter une d-marche normative qui mesurerait le prsent laune du pass. Prenons un exemple. Au tournant du XXe sicle, toutes les grandes puissances taient (solidement !) armes. Pour conjurer le risque de rvolution au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis ont facilit la reconstruction co-nomique des imprialismes vaincus ou concurrents, mais en les maintenant sous sa tutelle militaire. Rsultats, nous avons maintenant des imprialismes dents ou faibles. Dun ct, lAllemagne est un exemple type dimprialisme co-nomique, de lautre, ses forces armes sont limites et dla-bres pour une bonne part hors service. Quant au Japon, la question de son rarmement ultime est une question politique majeure, explosive.

    Autre exemple, la Chine. La rvolution de 1949 la libre de la domination imprialiste. La contre-rvolution bureaucratique (acheve la fin des annes 60) ouvert la voie une contre rvolution bourgeoise interne (cest--dire la formation dune nouvelle bourgeoisie) initie dans les annes 80. Cet enchainement partag avec dautres pays de lEst, mais sans prcdent historique permet de comprendre lmer-gence dune nouvelle puissance capitaliste dont les ambitions imprialistes sont videntes.

    Les Etats-Unis restent certes la superpuissance, fort loin devant ses concurrents ; mais les autres imprialismes tra-ditionnels sont trop affaiblis pour lui fournir laide dont elle a absolument besoin dans un monde o les socits sont dsta-bilises par la mondialisation nolibrale. Pkin a pu sengouf-frer dans cette brche et prendre linitiative, notamment en commenant poldriser la mer de Chine du Sud (mme la Russie peut imposer ses frontires la politique du fait accompli face lUnion europenne). Le rgime chinois pse aujourdhui internationalement sur le plan conomique, mais

    aussi politique (il offre aux lites de la rgion un modle de dveloppement autoritaire) et diplomatique (parfois en tan-dem avec les USA).Il nous faut suivre avec beaucoup dattention lvolution des rapports interimprialistes. Ils sont lourds de conflits gopoli-tiques. Ils nous conduisent avancer de nouvelles exigences, telles que la dmilitarisation de zones de tensions (Europe de lEst, mer de Chine du Sud) ou la dterritorialisation des ocans. La coordination des mouvements antiguerres de part et dautre des frontires chaudes gagne encore en impor-tance.

    Nous navons pas fini danalyser les implications de la mondia-lisation capitaliste contemporaine. Elles posent des questions de fond, comme larticulation prsente des Etats imprialistes dune part et des puissances capitalistes prives dautre part ou comme la modification brutale des formations sociales nationales et des quilibres rgionaux.La dsintgration sociale provoque par les politiques noli-brales offre un terreau fertile la monte de mouvements identitaires excluants (alors que les alternatives solidaires restent affaiblies par la dfaite radicale subie par ma gn-ration militante) et la naissance de nouveaux fascismes. Il faut sattaquer cette question dans le contexte prsent ou, par exemple, lexaltation religieuse joue souvent le rle dvolu hier lexaltation nationale. Ici encore, il faut se garder des dmarches dfinitionnelles: le nazisme nest pas le mtre talon du fascisme tant il est marqu par le contexte de la priode et par lhistoire spcifique de lAllemagne. Il nous faut donc dvelopper une analyse actualise, spcifique, des mou-vements dextrme droite (religieuse ou pas) dans leur diver-sit (tous ne sont pas fascistes).La monte de la prcarit dans les pays imprialistes tra-ditionnels a aussi des implications qui nont pas encore t pleinement tires, il me semble. Lauto-organisation des pr-caires est maintenant une exigence stratgique et elle ne peut soprer sous les mmes modalits que celle des salaris stables. Jessaierais daborder cette question dans une autre contribution.

    La crise sociocologique globale nous assigne de mme des tches nouvelles, mais ceci est bien dvelopp par ailleurs, notamment pas la commission cologie et je ny reviens pas. Cest moins vrai, en revanche, de la crise humanitaire qui prend dans le monde daujourdhui une dimension particu-lirement grave. Le soutien aux et lauto-organisation des victimes de catastrophes humanitaires devient ainsi un autre enjeu stratgique et un devoir internationaliste. Il nous faut aller au-del des seules formes traditionnelles de dfense des immigrs et repenser par exemple le rapport entre lhumani-taire et le politique3.Il y a videmment beaucoup plus dire. Pour lheure, je renvoie au rapport dintroduction un dbat au sein de la Quatrime Internationale : Mondialisation capitaliste, imprialismes, chaos gopolitique et leurs implications4.

    Pierre Rousset

    3. Voir ce sujet sous langle des victimes climatiques sur ESSF (article 31434): http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article314344. Disponible sur ESSF(article 35258). http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35258

    1. Sur limprialisme du XXI sicle et ses enjeux stratgiques, notes critiques: http://www.npa2009.org/idees/sur-limperialisme-du-xxieme-siecle-et-ses-enjeux-strategiques-notes-critiques2.Outre les contributions de Michel Husson, Claudio Katz, Alex Callinicos et David Harvey, celles de Wood E. Meiksins, Leo Panitch et Sam Gindin me semblent galement incontournables

  • 6Nouvelle phase du dveloppement capitaliste et perspectives rvolutionnairesNotre discussion sur la stratgie est une incontournable ncessit pour trois raisons qui tiennent notre projet, sa nature comme la priode dans laquelle il intervient. La premire est que quand nous avons engag le processus de fondation du NPA, nous avons laiss bien des questions en suspens en prenant lengagement douvrir rapidement le chantier, ce que nous navons pas fait. Deuximement, les questions laisses en suspens ont trouv des rponses dans la pratique pour aboutir la scission de la GA. Pour que le NPA puisse retrouver un lan il nous faut poursuivre le travail de clarification. La troisime, la plus importante, qui rsume les deux autres est que lensemble du mouvement ouvrier, du mouvement anticapitaliste et rvolutionnaire, est confront une nouvelle phase de dveloppement du capi-talisme. La deuxime grande mondialisation capitaliste, un sicle aprs la premire qui avait dbouch sur le dveloppement de limprialisme et deux guerres mondiales, a profond-ment transform le capitalisme et la plante au point quil nest plus possible de conserver la mme grille de lecture des luttes de classes lchelle internationale. Les bouleversements rsultant de ce quil est convenu dap-peler le grand basculement du monde ont t acclrs, accentus par la crise qui a commenc en 2007-2008 et semble se prolonger dans une crise chronique, long proces-sus de stagnation et de dcomposition du capitalisme. Le capitalisme a triomph lchelle de toute la plante. En dlitant les vieux cadres de domination des grandes puis-sances et des classes capitalistes, il napporte que crise, rgression sociale et dmocratique, guerres, catastrophe cologique. Il ouvre une priode de guerres, dinstabilit et de rvolutions. Ce nouveau stade de dveloppement du capitalisme combine les vieux rapports imprialistes avec les nouveaux rapports du libralisme mondialis. Cest pourquoi il semble juste de reprendre notre compte la formule dimprialisme libral. Cest cet ensemble quil sagit de dfinir la fois par rapport lhistoire du capitalisme et, en consquence, par rapport aux possibilits dune nouvelle organisation conomique et sociale, le socialisme et le communisme.Il ne sagit pas dune discussion acadmique autour dune dfinition formelle de limprialisme mais bien de tenter de saisir les volutions dans leur globalit en les inscrivant dans un dbat stratgique, celui des perspectives rvolutionnaires. Cela renvoie un vaste travail collectif en lien avec nos tches militantes.Le dveloppement parasitaire du capital financier a donn naissance une masse considrable de capitaux spculatifs accompagne dune diminution des investissements produc-tifs. Ce caractre parasitaire sexprime dans une conomie de la dette. On assiste une concentration des richesses un niveau jamais vu.La classe ouvrire mondiale a connu un dveloppement considrable travers un march du travail mondialis o

    les salaris sont mis en concurrence lchelle de la plante remettant en cause les acquis de laristocratie ouvrire des vieilles puissances imprialistes, sapant ainsi les bases matrielles du rformisme.Une nouvelle division internationale du travail sopre tra-vers le dveloppement conomique des anciens pays colo-niaux ou domins, mondialisation de la production et non simple internationalisation, une conomie mondiale int-gre comme le dit Michel Husson.Les monopoles se sont dvelopps en socits transnatio-nales lactivit industrielle, commerciale, financire diver-sifie et une concentration telle que 147 multinationales possdent 40% de la valeur conomique de lensemble des multinationales du monde entier. Linstabilit croissante du monde qui en rsulte conduit une monte des militarismes, des tensions croissantes qui ont contraint les USA se redployer militairement tout en cherchant associer leur politique de maintien de lordre mondial les vieilles puissances, lEurope, le Japon et les pays mergents. Le redploiement de lOtan en a t linstrument. Cette politique est un chec qui a engendr une instabilit croissante et le dveloppement du fondamentalisme reli-gieux, terroriste, facteur de chaos permanent. Lexacerbation de la concurrence internationale sous les effets de la crise aboutit une instabilit grandissante, un chaos gopolitique, une multiplication des conflits militaires. Lordre capitaliste mondial est engag dans un processus de dcomposition dont natra une nouvelle phase de crise rvo-lutionnaire.Cette volution donne linternationalisme un contenu concret qui senracine dans la vie quotidienne de millions de proltaires. La question sociale et la question internatio-nale sont perues comme tant bien plus interdpendantes quelles ont pu ltre par le pass. Linstabilit croissante tant au niveau national quinternational, la dstabilisation des tats face aux travailleurs et aux peuples ouvrent de nou-velles possibilits pour lintervention des classes exploites, elles donnent de nouvelles bases objectives aux perspectives de transformation rvolutionnaire de la socit.

    Yvan

    Surlimprialisme au XXI sicleOn trouvera sur le site NPA une contribution relative lim-prialismemoderne.Lide est videmment de tenter de dgager ce qui est nou-veau depuis lpoque de Lnine et de ses fameux critres caractrisant lpoque imprialiste.Il ne saurait en effet tre question de rpter linfini des textes qui sappuyaient sur une ralit qui a profondment volu en un sicle!Limprialisme libral ou le nolibralisme, comme on veut, sest cristallis en 1991 aprs une gestation qui d-bute en 1978-79.Cette priodesecaractrisepar deux as-pectsdcisifs:Le capital financier domine dsormais sans partage, il sest subordonn le capital industrielou commercial.Nous sommes dsormais face un march pleinement mon-dial, o les capitaux comme les marchandises circulent qua-siment sans entraves dun pointdu globe un autre.

  • 7FinanciarisationUn ouvrage scolaire rcent indique que la capitalisation boursire mondiale serait passe de 1 400 MM$ en 1975 17 000 MM$ en 1995, soit un taux de croissance annuel moyen de 13,25%. Depuis, cette tendance se poursuit.A lvidence, ces chiffres montrent un dcrochage perma-nent des marchs boursiers davec lconomie relle qui na videmment pas cr ce rythme. En clair, on assiste depuis ces annes une orgie de cration de capital fictif, cette forme de capital tendant smanciper du processus de cration de valeur effective, de productions de richesses, donc dpasser les limites propres au capitalisme.Mais comme lcrivait Marx, la production capitaliste tend sans cesse dpasser les limites qui lui sont immanentes, mais elle ny parvient quen employant les moyens, qui de nouveau, et une chelle plus imposante, dressent devant elle les mmes barrires. Ce qui se traduit par laffaiblis-sement systmique du systme, les crises rptition, etc. Ce nest pas sans raison si la longue crise actuelle sest dclenche dans la sphre financire.MondialisationDe diverses discussions, il ressort que sans doute cet aspect de la question aurait-il demand de plus longs dveloppe-ments et clarifications.En tout cas, lorsque Lnine parlait de lexportation de capi-taux, il sagissait de mcanismes permettant aux puissances imprialistes dcouler leurs productions: La construction des chemins de fer brsiliens est ralise principalement avec des capitaux franais, belges, britanniques et allemands. Les pays intresss sassurent, au cours des oprations finan-cires lies la construction des voies ferres, des com-mandes de matriaux de construction1.De nos jours, ce qui est marquant, ce sont les Investissements Directs ltranger.Les mesures de dcloisonnement prises par tous les grands imprialismes partir des annes 80 ont permis une vritable explosion decesIDE,les capitaux peuvent se dplacer dune zone lautre sans entraves. Ainsi, le volume de ces IDEtait djpassde 55 MM$ en 1980 560 MM$ en 20032.Ces mcanismes psent durement sur le cot du Travail, tendent la remise en cause dun acquis aprs lautre.Ainsi que lcrit Fr. Chesnais: Cette mise en concurrence donne chaque bourgeoisie,(...)une position de force,indite his-toriquement, lgard de ses propres travailleurs, qui in-cluent les travailleurs immigrs avec ou sans papiers. Chaque classe dominante, si faible quelle soit, est adosse au capital comme rapport dexploitation et de domination mondial et cest au capital comme bloc que les travailleurs se heurtent en dernire instance, partout o ils sont en lutte.Contre-rvolution sociale internationaleIl faut prendre la mesure de ceci.On assiste actuellement uneoffensivegnralepour aboutir unemodification pro-fonde des rapports entre Capital et Travail.Dans les vieilles mtropoles imprialistes telles que la France, la position des couches suprieures de la classe ouvrire cellesqui ont littralement port le mouvement ouvrier(les cols bleus) voient leur positions remises en cause au fil des dlocalisations rythmes par les IDE.Tendanciellement, cest vers un proltariat dual quon se dirige. Dune part une mince couche de travailleurs hautement qualifis etrela-

    tivement privilgis. De lautre, une masse de travailleurs dqualifis, prcariss et mis en concurrence de plus en plus directe avec ceux des pays dits cheap labor - Chine, Maroc, Slovaquie, etc.Comme souvent, cest vers la Grande-Bretagne quil faut regarder pour sonder lavenir.Dans la discrtion, le gouver-nement Cameron y a men une offensive terrible contre sa classe ouvrire. Le symbole de tout ceci, ce sont les zero hour contracts,quiobligent un travailleur se rendre dispo-nible au moindre appel de son employeur, sans que celui nesengage ni en termes de revenu minimum ni en termes de dure demploi minimum.Bref,une forme moderne des-clavage (mme pas) salari...A lvidence, ce prcariat atomis, divis, ne dispose pas de lhomognit de conditions qui permit au proltariat des trente glorieuses dobtenir les acquis quon sait.Mme si la crise du mouvement ouvrier est avant tout le produit dorientations quil faut combattre, il nen demeure pas moins que la structure mme du capitalisme du XXI sicle pose des dfis redoutables ce qui persiste du mouvement ouvrier.La discussion na rien dacadmique, donc.

    Pascal Morsu

    Ne pas oublier la question europenne quand on parle de stratgieLa construction europenne conue notamment pour deve-nir une entit capitaliste face lURSS et aux USA, a chou constituer un capitalisme europen industriel capable de prendre une part significative dans le march mondial. Parce que les diffrentes bourgeoisies nationales ont conti-nu chacune dfendre leurs entreprises nationales. Parce quaussi dautres pays, dots de pouvoirs politiques plus cen-traliss, ont pris une place importante dans lconomie mon-diale capitaliste, la Chine par exemple. Si la construction bu-reaucratique, antidmocratique, la cration de leuro, nont pas permis lmergence dun capital industriel significatif en Europe, lre du capitalisme financier, cette construction joue un rle rel. Notamment dans la lutte mene contre notre classe, ce qui doit faire de lEurope une de nos proc-cupations en terme de stratgie. Dans ce texte, je ne survole que quelques aspects : la dmocratie, la dette la casse de nos biens communs... il aurait fallu aborder aussi les poli-tiques migratoires, lagriculture et lenvironnement.

    Sur la dmocratie. La cration europenne a largement contribu loigner les peuples de la dmocratie. Dabord parce que la seule fois o ils peuvent donner leur avis cest lors des lections europennes qui envoient des dputs dans un Parlement qui na que trs peu de pouvoir sur les questions majeures de lEurope. Cela donne le sentiment quon ne peut peser vraiment sur les dcisions, quon ny comprend rien et que de toutes faons notre avis ny change rien. Et sur le fond

    1Lnine:limprialisme. Ch . IV.2Source: CNUCED.

  • 8la question politique sort du dbat public. La conception de lUE en fait une entit dont le poids politique est inverse-ment proportionnel sa lgitimit dmocratique. Les il ny a pas dautres choix possibles assns par tous les tnors europens, permet de tenir les peuples loigns de ce qui les concerne pourtant vraiment et supprime petit petit et concrtement toute ide dune autre dmocratie.Les dcisions lectorales des peuples ne sont pas dans le logiciel europen, la souverainet populaire ne pourrait re-mettre en cause les traits. Le mot rfrendum hante les chefs de lUE. Et cest aussi pour cela que nous devons sou-tenir ceux qui russissent aujourdhui branler le systme. Cela dveloppe la confiance en soi de ceux den bas, et rend urgente la solidarit internationale. Notre perspective, notre socialisme cest la dmocratie jusquau bout avec les droits de dcider ensemble pour notre classe, pour lintrt du plus grand nombre. Mais notre responsabilit aujourdhui cest de dfendre franchement contre lUE ceux qui se sont avancs sur ce chemin. La dette ou lesclavage conomique perptuit. Parmi les systmes qui rapportent un maximum dargent mcaniquement au capitalisme financier le paiement de la dette est bon premier. Les dirigeants de UE ont montr leurs capacits, laide la fois des traits et de la BCE qui sintgrent parfaitement bien aux politiques du FMI. LUE tient l un rle important pour permettre et laccu-mulation financire et lcrasement des peuples jusqu une dfaite majeure? Il ny a pas de ngociations possibles sur ce sujet, pas de demi mesure, laudit pour la vrit sur la dette grecque a dmontr que celle ci tait illgale et illgi-time, insoutenable aussi. Et que les banquiers se sont enri-chis sur le dos du peuple grec. Cest une forme desclavage moderne: il ny a pas de fin au paiement de la dette, pas de droit opposable, pas de tribunal pour juger les catastrophes quelle produit. Nous voulons nous occuper nous mmes de nos finances, sorganiser pour choisir ce que nous voulons financer pour rpondre aux besoins sociaux, dcider o nous voulons investir et ce que nous voulons produire. Cela passe entre autre par une banque europenne sous notre contrle et une fiscalit juste et progressive. Mais le premier pas est de dire non laustrit et la dette avec tous ceux et celles qui le souhaitent.

    La casse des services publics. Cest sans doute sur ce sujet que les mfaits de lUE sont les plus visibles une chelle de masse. Il y a eu deux grandes vagues de libralisations de lensemble des services : tl-coms, poste, rail, aroports, ports et nergie ainsi que lou-verture des marchs pour la sant et lducation, ... Qui se sont toutes traduites par des privatisations au niveau des tats et qui ont donn lieu des luttes au niveau national et plusieurs euro grves et manifestations. Cette ques-tion est doublement essentielle: dabord parce que la casse et la non extension de ces services publics dtruisent notre bien commun, notre seul patrimoine, et aussi parce quelle a permis une exprience de lutte et des forums sociaux euro-pens dans lesquels juste titre nous avons pris toute notre place. Il me semble que nous sommes l en plein dans nos questions de stratgie : la fois nous savons ce que nous

    voulons: lextension et la gratuit pour nos biens communs et la fois nous savons que cela passera par des luttes vic-torieuse et une multitude de dbats qui vont nous permettre dimaginer notre futur.

    Roseline

    Le capital puise les deux seules sources de toute richesse : la Terre et le travailleur .Tout au long de lhistoire du capitalisme lexploitation des tres humains est alle de pair avec la destruction de lenvi-ronnement, lappropriation et le pillage des ressources natu-relles. Depuis les enclosures-appropriations des communs sans lesquelles il naurait pas pu se dvelopper-, lappauvris-sement de celles et ceux qui sont condamns vendre leur force de travail, laccumulation dargent par une minorit et la transformation des ressources naturelles en marchandises marchent ensemble. La double dissociation travail/habitat et production/reproduction relgue lentretien et la rpara-tion de la force de travail dans la sphre prive reposant essentiellement sur les femmes. En ce sens le capital puise touTEs celles et ceux qui font le travail y compris invisible dans le cadre du foyer!

    La Rvolution industrielle marque lentre dans la crise cologique moderne. Lexploitation des ouvrierEs dans les fabriques et dans les mines les dpossdant de tout leur savoir-faire artisanal ou paysan, dans des conditions pou-vantables, ruineuses pour la vie et la sant dans les lieux de travail mais aussi en dehors : pollution des eaux, du sol, de latmosphre, de lair... Elle marque aussi le dbut de laug-mentation des missions de gaz carbonique. Dans les pays coloniaux cest lexplosion des monocultures dexportation -hva, coton, caf, th...- au dtriment des cultures vi-vrires . La deuxime Rvolution industrielle, avec le ptrole et llec-tricit amplifiera et approfondira ce phnomne. Mais les mal-nommes trente glorieuses constituent le moment o tous les aspects de la dgradation cologique semballent. Consommation de masse, omniprsence de lautomobile , ptrochimie, agriculture industrielle, le nuclaire civil et militaire... sont indissociables de la domination imprialiste utilisant les pays domins la fois comme rservoir de ma-tires premires bon march et comme dcharge pour les dchets dangereux. Si le capitalisme glorieux est destructeur, le capitalisme en crise lest tout autant, voire plus. Ses rponses no-librales sont encore plus dvastatrices : privatisation/des-truction du secteur public, mise en concurrence des sala-riEs et des systmes sociaux, vague dappropriation des ressources (eau, gnome, semences, terres), obsolescence acclre des produits, explosion des transports avec le juste--temps et la mondialisation/dlocalisation de la pro-duction vers les pays de la priphrie, consommation de luxe pour les riches... Les pays domins subissent la double peine. Terrain privilgi de la mise en uvre des cultures OGM grande chelle et de grands projets extractivistes destruc-

  • 9teurs, ils sont aussi les premires victimes du rchauffement climatique. Dans la phase ouverte par la crise des subprimes la soi-di-sant conomie verte, au nom de la lutte contre le chan-gement climatique, cherche prsenter le nuclaire, les agrocarburants, la capture-squestration du carbone bap-tis charbon propre comme des solutions pour rduire les missions de gaz effet de serre, privatiser encore plus les ressources naturelles afin que tous les services de la nature deviennent des marchandises au nom dune bonne approche conomique qui prtend quil faut marchandiser pour protger. Enfin les apprentis sorciers promeuvent la go-ingnierie pour manipuler le climat. Dans tous les cas il sagit daugmenter la puissance et les domaines de la domi-nation des grands groupes capitalistes et daccentuer encore la politique nolibrale contre les salaris, les petits paysans et les peuples indignes et en leur sein tout particulirement les femmes.

    Pas de capitalisme sans productivisme. La concurrence pour le profit qui est au cur du capitalisme porte en elle le productivisme. Les capitalistes cherchent en permanence augmenter la productivit du travail . La masse de marchandises jetes sur le march -donc la quan-tit de ressources naturelles consommes- est sans cesse croissante. Il faut constamment crer des dbouchs et des besoins, de plus en plus artificiels. Produire pour produire implique consommer pour consommer . Ce productivisme est sans limite car produisant des mar-chandises -valeurs dchange- dont le seul but est dtre vendues pour raliser le profit, qui servira nouveau pro-duire des marchandises qui seront vendues... dans une circu-lation dargent qui est sans rapport avec la satisfaction des besoins humains -valeurs dusage-. Pour cela il gaspille sans limite le travail et les ressources du sol et du sous-sol, et porte des atteintes toujours plus graves aux cosystmes et la biosphre. Il le fait sans limites lchelle de la plante.La crise climatique donne une urgence nouvelle la rupture avec le mode de production et de consommation capitaliste. Le lien indissoluble entre lexploitation de la force de travail et le pillage des ressources naturelles dtermine la stratgie dployer pour une issue qui doit tre indissociablement sociale et cologique donc cosocialiste.

    Christine Poupin

    Donner la question cologique son contenu rvolutionnaire et socialisteLa crise cologique oblige rflchir sur le fonctionnement mme du capitalisme lchelle de la plante. Cest ainsi un levier fondamental pour redonner tout son contenu subver-sif notre critique marxiste du capitalisme, la perspective du socialisme. Avec la mondialisation, le capitalisme a gnralis des contradictions qui taient prsentes ds son origine. Do limportance de nous rapproprier la critique que Marx et dEngels ont fait du capitalisme naissant en la dbarrassant

    de toutes les caricatures lies au stalinisme ou la social dmocratie.Cest dans ce cadre que se pose le dbat avec les diff-rents courants de lcologie politique dont lcosocialisme. Les camarades qui sen revendiquent veulent juste titre actualiser le programme socialiste en y intgrant la question cologique. Mais plus quune actualisation leur dmarche sapparente plutt un compromis inutile avec des courants cologistes qui bien que radicaux ne se situent pas sur le terrain de la lutte des classes.Ainsi les camarades ont tendance rduire le capitalisme au productivisme. Mais notre critique va en ralit au-del. La production socialise capitaliste a atteint un niveau encore ingal sur la base des progrs techniques des diffrentes rvolutions industrielles. Du fait de lappropriation prive capitaliste, le but de cette production nest pas tant de produire pour produire mais bien de produire pour vendre, raliser une plus-value, accumuler du capital. Cette fuite en avant pour laccumulation du capital se fait travers une lutte des classes acharne qui entrane tout autant le pro-ductivisme et la socit de consommation que laggravation de la misre pour le plus grand nombre lchelle du monde. Alors au-del du productivisme cest cette incapacit fon-damentale du capitalisme mondialis tre le cadre dun dveloppement raisonn sur le long terme et lchelle de la plante quil nous faut dnoncer car elle rvle tous les mensonges du libralisme sur les vertus du march et de la libre concurrence et pose la ncessit dune planification dmocratique mondiale.Or de la critique du productivisme capitaliste les camarades cosocialistes glissent vers la critique des ravages incontes-tables du productivisme du socialisme rel et ce qui est plus problmatique, cherchent dans Marx, Engels, Trotski les conceptions qui annoncent ce productivisme Les rgimes du socialisme rels sont la consquence de lchec de la vague rvolutionnaire des annes 20 et de la pression de la contre rvolution qui a entran la mise en place dune bureaucratie en rupture totale avec le projet r-volutionnaire. Le marxisme, vid de tout contenu subversif, est devenu une religion dEtat pour justifier des rgimes de dictature. De mme le productivisme du PCF ou des syn-dicats est avant tout la consquence de leur intgration la socit capitaliste et de leur renoncement la perspective dune rvolution sociale. Nous ne sommes pas comptables ni des expriences dsas-treuses des rgimes ou partis qui ntaient en rien socialistes ni des errements thoriques de ceux qui ont pu avoir des illusions, consciemment ou non, sur ces rgimes du socia-lisme rel. A travers les dbats sur les questions stratgiques il sagit justement de dbarrasser le projet mancipateur du socia-lisme de toutes ces caricatures pour se rapproprier la radi-calit de la critique de fond du mode de production capita-liste faite par Marx.Sur la base des problmes tels quils se posaient son poque, Marx a dnonc lincapacit du capitalisme, cause de ses contradictions internes, maintenir un quilibre dynamique harmonieux entre la socit humaine et la nature dont elle est pourtant partie intgrante. A une poque o lcologie tait encore une science en gestation, la contradiction appa-

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    ecOle(s) et signes religieuxvronique DecKer (bobigny 93) Jean-Yves (industries graphiques 93) raissait dans lantagonisme croissant entre les villes indus-

    trialises pollues et les campagnes o les paysans taient confronts une crise de la fertilit des sols. Ce nest ni la science, ni la technique, ni un productivisme abstrait que Marx rendait responsable de cette rupture dquilibre des grands cycles naturels mais bien lorganisation sociale et politique de la socit capitaliste. Cette dmarche garde toute son actualit. Le march capi-taliste mondialis sans entrave, soumis la seule recherche du profit le plus immdiat, rend impossible toute prise en compte des consquences long terme sur lenvironnement des activits humaines. Les lois du march sopposent fron-talement la recherche dun quilibre harmonieux entre la socit et son environnement. Cest cet antagonisme fonda-mental qui donne la crise cologique son caractre rvo-lutionnaire.Ainsi intgrer les donnes scientifiques actuelles sur la crise cologique notre programme socialiste ractualise le marxisme dans ce quil a de plus philosophique: la critique de lalination que le capitalisme entrane dans les rapports entre lHomme et la Nature. En ce sens, notre projet socia-liste est cologique parce quen crant les conditions pour une planification dmocratique lchelle mondiale il ouvre la perspective dune socit humaine pleinement consciente de faire partie intgrante de la Nature.

    Bruno (NPA33)

    Sur le bon usage du concept de dcroissance.Avec 3 4% de croissance mondiale par an, le capitalisme est en crise. La croissance de 2014 3,3%, bien que juge trop faible par le FMI, si elle tait seulement maintenue, im-pliquerait une production mondiale multiplie par 10 en un sicle, par 320 en deux sicles, par 10 000 en 3 sicles, par cent-mille milliards en 1000 ans. Absurde.

    Mais de quelles activits lconomie capitaliste exige-t-elle la croissance ?Considrons certains services, comme lducation ou la san-t : Pour que ces activits contribuent llvation du PIB, la croissance , il faudrait leur affecter plus de moyens : davantage denseignants, davantage de soignants. Que ces activits soient prives ou publiques, ce nest pas, dvi-dence ce type de croissance que cherche le capitalisme.

    Certaines activits productives, comme lagriculture ou lnergie, sont engages dans des choix techniques quil fau-dra remettre en cause. Remplacer les nergies fossiles par des renouvelables serait mettre en oeuvre des technologies plus exigeantes en main doeuvre, plus chres, et de cette manire faire de la croissance . En agriculture, rempla-cer la monoculture et llevage industriel par une agricul-ture respectueuse du sol et des consommateurs exigerait un nombre plus lev de paysans ; il y aurait alors croissance en valeur de la production agricole. Mais cest un type de croissance dont nous pouvons constater que le capitalisme nest pas friand.Du ct de la production industrielle (chimie, automobile,

    informatique) lefficacit productive augmente une vitesse vertigineuse. Pour compenser la baisse des prix unitaires, les quantits doivent augmenter toujours plus. Cest un mou-vement exponentiel, frntique, que les ressources de la terre ne peuvent plus entretenir sans dommages graves pour lenvironnement. Cest la contestation de ce type de crois-sance, et non celle des services publics ou de lagriculture biologique, que visent les partisans de la dcroissance. De ce point de vue, mme si le terme trop gnral de dcrois-sance peut paratre inadquat, nous partageons ce com-bat.

    Il serait pourtant plus pertinent de donner un qualificatif la dcroissance : dcroissance de la production matrielle serait plus proche de ce que nous voulons mais pas suf-fisamment prcis : il faudra partout amliorer lhabitat et dans le contexte de lurbanisation massive du tiers monde, construire. La transition nergtique ne sera pas quune transition technologique, lessentiel sera fait de sobrit et defficacit ; mais sa dimension technique implique la croissance de certains secteurs de production : oliennes, panneaux solaires, isolation de maisons, transports en communc Dans une dcroissance globale de la production de biens matriels, certains secteurs devront crotre.Reste le concept de socit dabondance. Aux origines du communisme, il tait le joker qui permettait dluder la question de la distribution, ctait une manire commode de saffranchir (intellectuellement) dun problme jusque l r-solu par le march et le pouvoir dachat. Puis vint la prise de conscience des limites matrielles que la plante pose la production : alors lide communiste dune socit dabon-dance a t abandonne.

    Pourtant, dans une socit mancipe, la production mat-rielle (nourriture, logement, habits, transports etc) pourrait tre effectue moindre frais, pourvu quelle reste dans des dimensions raisonnables et quon mette fin lobsolescence programme. Elle ne constituerait alors quune part rduite de lactivit humaine. Le capitalisme fait des travailleurs remplacs par les machines des humains excdentaires, des chmeurs ; la rduction du temps de travail et de son inten-sit serait une tape ncessaire pour une socit mancipe, mais au bout du compte, une socit rationnelle qui met-trait en uvre des moyens efficaces de production serait une socit dabondance de travail. Que faire de cette abondance ? Cest la question quon ne sait pas poser si on raisonne en termes de dcroissance. Et cest la question que les communistes ne posent plus depuis quils ont abandonn le joker de labondance pour rsoudre la question de la distribution. Pourtant, rien ne soppose au fait que les moyens consacrs lducation, la sant au sens large incluant le bien-tre -, lart, et peut-tre dautres services que nous navons pas invents, augmentent indfiniment au fur mesure que les moyens consacrer aux besoins matriels seront moins pressants. Alors une socit dabondance de services de-viendrait une perspective. Ces services seraient gratuits et la libre disposition de tous.

    Une telle socit, ou chaque humain aurait sa place dans le

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    processus de production de la vie sociale et matrielle, serait une socit qui emploierait davantage de main-duvre que la ntre : elle inclurait tout le monde. Alors, tout indicateur de richesses qui serait en rapport avec le travail socialement mis en oeuvre (la valeur), comme lest pour lessentiel le PIB, serait, dans une phase de transition vers le communisme, en croissance.

    Grard Vaysse (Lyon)

    La gratuit comme fondement dune socit dabondance Quand, avec le dveloppement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement lhorizon born du droit bour-geois pourra tre dfinitivement dpass et la socit pourra crire sur ses drapeaux: de chacun selon ses capacits, chacun selon ses besoins.

    Dans ce clbre extrait de la Critique du programme de Gotha (1875), Marx considrait que lavnement du commu-nisme tait conditionn par lessor des forces productives qui, en apportant une abondance telle quelle permettrait chacun de satisfaire lensemble de ses besoins, rendrait caduque lordre bourgeois qui stait fond sur la rpartition ingalitaire de ressources socialement insuffisantes. Force est toutefois de constater que lhistoire ne lui a pas donn raison: depuis 1875, le nombre des hommes a t multipli par 6 et le produit mondial par 67, sans pour autant que cette augmentation considrable des forces productives ne transforme de quelque manire que ce soit lhgmonie de la bourgeoisie et lordre ingalitaire qui procde la dis-tribution des biens de consommation. Dans les trente der-nires annes, la mise en place du capitalisme no-libral mondialis, qui sest accompagn dun essor sans prcdent des forces productives, a montr que celui-ci pouvait mme constituer un redoutable facteur de laccroissement des in-galits.

    Malgr ce constat, il sen faut aujourdhui de beaucoup pour que la valorisation de la croissance des forces productives ait aujourdhui disparu des analyses du mouvement ouvrier. En ne manquant jamais une occasion de smerveiller de lessor des forces productives et du rle progressiste de la bourgeoisie , qui nous aurait successivement dots de la machine vapeur, de lnergie nuclaire, des OGM et autres nanotechnologies, Lutte Ouvrire en donne lun des exemples les plus caricaturaux. Loin dtre lapanage de quelques staliniens mal dgrossis, le productivisme continue ainsi imprgner les horizons de la gauche de transforma-tion sociale, mme lorsquil est vaguement repeint en vert, comme Ensemble! la rcemment mis en vidence en rcla-mant dans son dernier document programmatique un plan de relance de lactivit cologiquement soutenable pour en-rayer le chmage, considrant ainsi que lessor des forces productives - cologiquement soutenable bien sr ! pouvait constituer en lui-mme un facteur suffisant pour rduire le stock des armes industrielles de rserve.

    Dans le contexte des annes 1970 et des premires critiques de la croissance, lanthropologue Marshall Sahlins avait pourtant pu soutenir que la socit dabondance navait finalement gure exist qu lge de pierre, lorsque cha-cun pouvait trouver dans la nature de quoi satisfaire ses besoins. Depuis lors, de nombreux travaux ont montr que cette analyse procdait dune conception sans doute par trop optimiste de la ralit des socits premires, peut-tre davantage tenailles par la hantise de la disette que par les batitudes de labondance. Pour autant le constat thorique qui fondait cette analyse na rien perdu de sa pertinence: la socit dabondance ne peut natre dun accroissement tel des forces productives quil suffirait absorber la demande de biens de consommation, mais dune organisation sociale qui permette chacune et chacun daccder gratuitement la satisfaction de ses besoins.

    Les mesures transitoires que nous dveloppons dans nos programmes durgence doivent prendre en considration ce point, en cessant de considrer que la hausse gnrale pouvoir dachat serait de nature favoriser le processus de transformation rvolutionnaire de la socit. Sil faut bien videmment soutenir les luttes pour les hausses de salaire qui sattaquent directement la plus-value et lexploi-tation capitaliste, sil faut aussi se battre pour que chacun puisse jouir dun revenu dcent, la hausse du pouvoir dachat ne constitue pas en elle-mme une mesure transitoire, dans la mesure o elle ne modifie en rien le fonctionnement dun systme qui se fonde sur un modle de consommation comptitive, afin dentretenir en permanence lconomie de pnurie qui permet la prennisation dun ordre social inga-litaire.

    La construction dune socit dabondance, horizon nces-saire dune socit sans classe, ne peut passer que par la rupture avec la comptition pour lappropriation des biens de production. Cest pourquoi un programme vritablement transitoire ne saurait se fonder sur une augmentation in-dividuelle du pouvoir dachat mme si celle-ci demeure indispensable pour les plus populations les plus paupri-ses mais bien davantage sur la gratuit de laccs aux services essentiels (transport, sant, ducation, lectricit, numrique etc.). Conjugu la baisse du temps de travail, ce principe de gratuit des principaux services porte en lui un potentiel anticapitaliste dautant plus vident que sa mise en place implique la construction dune conomie collective qui ne peut tre durablement compatible avec une organisation sociale fonde sur la privatisation des moyens de produc-tion.

    Laurent Ripart

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    Une classe ouvrire mondialiseMarx et Engels concluent ainsi la premire partie, Bourgeois et proltaires, du Manifeste du Parti communiste : ... Le dveloppement de la grande industrie sape sous les pieds de la bourgeoisie le terrain mme sur lequel elle a tabli son systme de production et dappropriation. La bourgeoi-sie produit avant tout ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du proltariat sont galement invitables. Nulle prophtie dans ce passage, mais laboutissement dun rai-sonnement militant et rvolutionnaire, qui le dveloppe-ment de lorganisation des travailleurs, les rvolutions, vic-torieuses ou pas, du sicle qui a suivi lcriture du Manifeste, ont largement donn raison. Mais, plus dun sicle et demi plus tard, le proltariat est-il plus mme, ou pas, de sortir lhumanit de la barbarie capitaliste ? Une chose est tout dabord certaine : les rapports sociaux qui fondent la socit capitaliste, domine par la bourgeoi-sie, la classe de ceux qui possdent les moyens de pro-duction et dchange, non seulement nont pas chang de nature, mais se sont tendus lensemble de la plante. Et le proltariat, la classe ouvrire, celles et ceux qui nont que leur force de travail vendre, quils y russissent ou pas, sest considrablement renforce, du fait dun double mca-nisme. La mondialisation, le dveloppement de la produc-tion et des changes lchelle mondiale a dvelopp une classe ouvrire dans une multitude de pays. En arrivant sur le march international du travail, ces nouveaux proltaires y accentuent la concurrence, mais leur lutte pour faire face aux condition de lexploitation les conduit sorganiser, se construire en tant que classe, intervenir sur le terrain politique. Un Rapport mondial sur les salaires 2014/2015 - Salaires et ingalits sociales publi rcemment par lOIT permet dvaluer lampleur du phnomne. Dans les pays dits mer-gents et en dveloppement, laugmentation du pourcen-tage de salaris, pris sur la tranche des travailleurs ind-pendants, est massive, dans un processus quivalent aux transferts de la campagne vers la ville connus en Angleterre au cours de la rvolution industrielle. Le ratio de salaris sy tablit actuellement aux alentours de 30 40 % de la po-pulation active. Ces travailleurs sorganisent et ont montr quils taient capables dimposer, par leurs luttes, des aug-mentations de salaire trs importantes aux multinationales qui les exploitent. Au point que ces dernires vont chercher ailleurs de nouvelles sources de main duvre bon march. Renault, qui avait lanc la production de ses voitures Dacia en Roumanie puis en Turquie, exploite maintenant la main duvre marocaine, trois fois moins chre. Des entreprises chinoises investissent en Ethiopie... La classe ouvrire des pays dvelopps, elle, paie au prix fort lapparition de cette concurrence. Selon le rapport de lOIT, le pourcentage de salaris sy tablit 80-90% de la

    population active, mais tend baisser au profit dune aug-mentation de la proportion de travailleurs indpendants... dans la tranche des 10% les plus pauvres. Les classes moyennes sont moins touches par le chmage, mais les salaires y glissent vers les bas. La rgression sociale de cette couche de salaris est la consquence du dmantlement de pans entiers de la production industrielle et des politiques antisociales menes sans discontinuer par gouvernements et patronat au cours des trois dernires dcennies. Une aris-tocratie ouvrire est en train de disparatre, laissant place un proltariat rduit la prcarit et des conditions de travail et de salaire bien infrieures. Avec elle, cest la base sociale du rformisme, aussi bien syndical que politique, qui est en train de seffriter, accompagnant la disparition de ses bases matrielles. Mais, paradoxalement, le recul des vieux bastions ouvriers et de leurs organisations porte une perspective pour la classe ouvrire des vieux pays imprialistes. Alors que les syndicats senlisent dans un dialogue social vid de tout contenu, que gauche et droite sont renvoyes dos dos, une classe ouvrire jeune, dans laquelle se trouvent de nombreux travailleurs immigrs, de nombreuses femmes, lve la tte, cherche sorganiser, lutte pour les salaires, les conditions de travail, les embauches... En changeant ainsi de peau sous le coup de lvolution du capitalisme mon-dialis, la classe ouvrire des pays imprialistes se retrouve ainsi aux cts des travailleurs qui, un peu partout dans le monde, affrontent le capitalisme mondialis, constituant la base sociale dun nouvel internationalisme. Dfinir une stratgie de construction pour notre partie sup-pose de prendre la mesure de ces volutions, mesurer quel point la bourgeoisie produit plus que jamais ses propres fossoyeurs, runissant, dans sa fuite en avant pour rsoudre ses propres contradictions, les conditions objectives de nou-velles situations rvolutionnaires.

    Daniel Minvielle

    Quest devenu le proltariat? Analyser la structure du proltariat, comprendre ses trans-formations, est un travail fondamental pour une interven-tion efficace des anticapitalistes, dans la lutte de classe. Les limites de la contribution ne permettent quune approche partielle, limite ici au cadre hexagonal, un proltariat re-prsentatif des pays riches et dvelopps. Ce quon peut dire cest que depuis le dveloppement du capitalisme et de manire plus effective depuis les 50 der-nires annes le proltariat des pays capitalistes a consid-rablement volu.Les proltaires, celles et ceux qui pour vivre vendent leur force de travail, manuelle ou intellectuelle sont beaucoup plus nombreux aujourdhui. Le salariat na cess de se d-

    -2-ltat Du prOltariat/De la classe Ouvrire, Du suJet rvOlutiOnnaire, tant au niveau mOnDial, rgiOnal que natiOnal.

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    velopper mesure que lemploi indpendant diminuait for-tement et aujourdhui environ 75 % de la population, fait partie du proltariat. Ce proltariat a cependant profondment chang, quant sa composition, ses caractristiques. Dans les annes 60, la main-duvre tait trs majoritairement ouvrire, mascu-line, peu qualifie. Ctait la grande entreprise industrielle qui dominait, marque par une organisation du travail de type fordiste avec essentiellement des contrats de travail dure indtermine, temps plein, un proltariat plus homo-gne partageant dans sa grande majorit les mmes condi-tions de vie.Le proltariat aujourdhui est complexe, diversifi, clat. Moins dun emploi sur quatre est ouvrier. La diminution continu de lemploi industriel, le phnomne de tertiarisa-tion de lconomie font quaujourdhui lessentiel du prol-tariat des pays dvelopps est en grande partie compos demploys. Marx na par ailleurs jamais identifi le prolta-riat aux uniques cols bleus, au proltariat industriel.Cette croissance de lemploi tertiaire a par ailleurs favoris la multiplication du nombre de petites entreprises. Dune ma-nire gnrale le salariat est aujourdhui clat. Une grande partie des salariEs se repartit dans des tablissements de moins de 49 salariEs. La fragmentation post fordiste de lorganisation du travail, linternationalisation de la produc-tion ont produit entre autre lclatement des grandes struc-tures de production, lhtrognit des normes demploi et lmiettement du salariat. La sous-traitance sest considra-blement accrue. Les patrons ont galement de plus en plus recours aux travailleurEs dtachs. Sans oublier une cordonne essentielle de la situation, le chmage et la prcarit ont explos. Une partie croissante du proltariat est relgue en dehors de la production. Si le CDI reste encore la norme largement dominante, le CDD , lintrim, les vacations... ont fortement progress depuis les annes 80.La fminisation de lemploi est galement une caractristique du proltariat aujourdhui. Le taux demploi des femmes est maintenant trs proche de celui des hommes. Cette fraction du proltariat, concentr dans le secteur tertiaire cumule discriminations, prcarit et occupe lessentiel des emplois temps partiel.Il faut prendre en considration ces volutions profondes car le morcellement de la condition du proltariat met mal son identit, tend le fragiliser en tant que force sociale, et rend lorganisation de celui-ci plus difficile. Sa capacit mener des combats tant au niveau des entreprises qu une chelle plus large reste en recul trs net par rapport aux annes 1970. Le prcariat, le chmage de masse pse particulirement sur la capacit dune partie croissante du proltariat, fragilis, inscure sorganiser, se syndiquer se politiser qui est dsaf-fili du mouvement ouvrier organis. Les consquences se mesurent en terme du recul important de la grve, donc de la capacit de blocage de lconomie, de la difficult de coordonner les mouvements, dorganiser les luttes, de les tendre. Les travailleurEs sont galement de plus en plus loigns des centres de dcision ce qui ame-nuise leur pouvoir. Ces volutions ne sont cependant pas le seul produit des

    mutations conomiques et sociales, ce sont galement des choix politiques conscients de la bourgeoisie se traduisant par une entreprise de dmassification ouvrire, notamment la destruction de bastions ouvriers davant-garde, lindivi-dualisation des salariEs, leur mise en concurrence organi-se par la multiplication des statuts La destruction des systmes de solidarit bass sur la socialisation du salaire participe aussi dtruire le commun. La crise de direction du mouvement ouvrier, les checs de la gauche radicale sont aussi des facteurs qui psent sur la division du proltariat aujourdhui.La question essentielle reste de savoir comment les antica-pitalistes peuvent agir de manire la plus efficiente possible pour unifier politiquement cette immense force sociale si clate, si peu consciente de sa force? Les occupations de lieux publics, les luttes contre les GPII... ces cadres de luttes situs en dehors de lespace de travail peuvent constituer des lieux de rencontre, de convergence des exploitEs, non pas dans une logique substitutive parce que la grve reste larme la plus efficace du proltariat, mais conjugu celle-ci. Nous devons donc tre particulirement disponible ce qui peut merger dune telle ralit, car il ny a pas atonie, les conflits existent, mais ils prennent parfois de nouvelles formes, investissent de nouveaux espaces et le proltariat se trouve aussi en mouvement l o on ne lattend pas.

    Sandra (Nantes)

    Le nolibralisme :de lconomie de march la socit de march La contre rforme no-librale engage depuis les annes 1980 ne se contente pas de privatiser, de casser les diff-rentes formes des tats providence, les systmes de pro-tection sociale, dattaquer les salaires et les acquis du prol-tariat. Elle rorganise lensemble de la socit, de lconomie gnralise de march vers une socit de march. Cest plus quune simple restauration du capitalisme dantan et du lib-ralisme traditionnel. Ltat ne se retire pas, mais se rengage sur de nouvelles bases articules la mondialisation et la financiarisation.

    Le nolibralisme ne se contente pas dexploiter les salariEs, de maximiser la productivit, avec des exigences de rsul-tats de plus en plus leves, il organise lhomme entrepe-neurial, un individu soit disant responsable et autonome. Lobjectif est que les salariEs intriorisent les nouvelles normes defficacit productive et de performance indivi-duelle, en sappuyant sur la peur chmage bien sr, mais aussi :en organisant le plus grand nombre possible de situations de march, en imposant les exigences du client comme source de contraintes incontournables (y compris dans une mme entreprise), en crant la concurrence o elle nexiste pas en-core par lindividualisation des objectifs, afin que touTEs ac-ceptent la situation de march qui leur est impose comme comme unique rgle du jeu, afin que la mise en concurence

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    entre salariEs soit le type normal des relations,en mettant en place une surveillance, des valuations rp-tes avec rcompenses et punitions pour forcer les individus faire un calcul dintrt individuel.

    En mme temps, il y a une tendance lunification des conditions de travail entre secteurs, de lindustrie au ter-tiaire administratif. Les modles industriels diffusent dans les services, le morcellement de lactivit, le chronomtrage, les critres commerciaux simplantent dans le secteur indus-triel, juste--temps, zro stock, qualit totale, etc Partout simposent les changements permanents de lorgani-sation du travail. Leur rythme est intense, car il a une fonc-tion essentielle dans le mode de gestion nolibral. Il oblige les salariEs une remise en cause de leurs acquis, de leur exprience. A chaque modification, il faut faire des efforts de rappropriation du travail, de rapprentissage des marges de manuvre, ce qui cre une inscurit, que les patrons installent partout, y compris l o les emplois sont moins instables. La logique gnrale est dindividualiser au maxi-mum le travail, daugmenter les responsabilits individuelles pour donner lemployeur des moyens de pression toujours plus importants. La troisime rvolution industrielle, la dif-fusion massive des moyens de contrle et de commande programmables, trs flexibles, facilite un contrle de plus en plus resserr sur le travail.

    Les patrons cherchent en outre contrler la comptence des salariEs. Ils laborent des normes, des processus de tra-vail, qui sont censs remplacer le professionnalisme, lexp-rience acquise ou construite dans le travail. Au lieu de faire un bon travail, il est demand aux salariEs de respecter la norme, le processus de travail dfini, les objectifs imposs. Cette volution dplace les contraintes. Sajoutent aux contraintes physiques de nouvelles tensions de plus en plus pesantes. Les contraintes temporelles qui densifient le temps de travail. La chasse aux temps morts, aux tches non directement productives est destructrice. Car dans ces temps, ces gestes, ces rflexions que les patrons veulent supprimer, il y a un travail important, de rcupration de formation, dapprentissage, de rflexion sur son activit.

    Les collectifs de travail sont morcels, limitant les possibili-ts de cooprations entre salariEs, augmentant la concur-rence entre les individus, complexifiant lchange entre mtiers diffrents.

    Le produit le plus visible de tout cela , ce sont les problmes de souffrance au travail que toutes et tous cotoyent, qui provient de la perte de sens du travail, du sentiment quon na pas la possibilit de changer les choses, du fait quon ne parvient pas contester lOrdre productif, ni mme mod-rer collectivement ce que les patrons imposent.

    Lorganisation du travail, son contenu, son sens, sont au-jourdhui lobjet dun conflit de classe. Les capitalistes lont engag, ont repris les espaces de libert au sein du travail alin quavaient acquis les salariEs par leurs luttes et font tout pour empcher la reconstitution de ce rapport de forces.

    La forme qua pris lexploitation des salariEs avec le no-libralisme impose laction collective, syndicale, politique, de ne plus en rester contester les salaires, le temps de travail, mais aussi dinvestir le champ du politique, de la conception de la socit, pour aider reconstruire une nou-velle solidarit de classe face au systme capitaliste.

    Patrick, Rouen

    Etat du proltariat et dfis dune politique dhgmonie ouvrire aujourdhuiCritres fondamentaux pour une dfinition de la classe ou-vrire

    La rflexion stratgique doit viter dautonomiser la sphre politique des conflits de classes, et pralablement se mettre au clair sur la ralit matrielle des forces sociales dont elle traite. Engels et Marx ont forg en ce sens au travers de leur enqute ouvrire deux critres de base pour dfinir la classe ouvrire (CO) en soi. (1) La vente de la force de travail et lextorsion, directe ou indirecte (dans la produc-tion, la circulation, ou la reproduction, prives ou publiques), de plus-value au travers du salariat. (2) La non-participa-tion la chane de commandement du capital, ou de lEtat bourgeois, soit le fait dtre soumis au salariat comme un rapport de domination. Les proltaires daujourdhui restent cantonns des fonctions subalternes dexcution, les rap-ports doppression quils subissent saccentuant propor-tion de la faiblesse de leur qualification, de la prcarit de leur statut, et de lintensit du racisme et/ou du sexisme qui peuvent les cibler, tout ceci se dmultipliant chez les chmeurs.

    Des usines-forteresses aux cosystmes industriels

    Toute formation sociale dtermine, comme la France dau-jourdhui, est par dfinition hybride et instable, en particulier dans une priode de crise. Mais ces deux critres permettent dtablir scientifiquement dune part que la CO, au sens in-clusif du terme, dans un systme productif qui a de longue date hybrid industrie et services et rendu caduc le classement et la nomenclature des CSP, non seulement reste aujourdhui objectivement la classe majoritaire en France aujourdhui, mais est en augmentation.Certes lappareil productif franais a t marqu depuis les annes 70 par la destruction des grandes concentrations ou-vrires de type usines-forteresses. Cependant cela na pas seulement t le pur effet dune fatale dsindustrialisation, mais aussi le rsultat dune stratgie consciente de la bour-geoisie dcide atomiser la CO et prte tout afin quau-cun mai 68 ne puisse se reproduire. Pourtant il existe encore aujourdhui de vritables concentrations, dans lautomobile, laronautique, ou encore certains bassins portuaires, mar-ques par la persistance dindustries stratgiques au centre dun maillage dinnombrables sous-traitants. Que la forme de ces cosystmes industriels ait opacifi les repres antrieurs ne signifie pas quune comprhension et quune

    nOs respOnsabilits face au fn

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    intervention raisonnes, actualises et cratives ne soient possibles en leur sein, au contraire.Latomisation et lhtrognit subjectives du proltariat: une nouveaut?

    Constituant la majorit de la population, la proltariat dau-jourdhui doit rester le pivot de notre politique densemble, en vitant de nous rsigner au fait quatomis subjective-ment et ayant effectivement grandement perdu en coh-rence et confiance, il semble avoir perdu sa capacit de redevenir le sujet historique de la rvolution. Approfondir la comprhension de la contradiction entre lobstacle que constituent la paralysie et la dcomposition des appareils existants, et lmergence de nouvelles couches de travail-leur-se-s combatifs, dune jeunesse radicalise parfois sur dautres questions (ZAD, etc.) mais en mal de perspectives, doit nous amener nous appuyer sur ces dernires pour uvrer une recomposition du mouvement ouvrier l en-core au sens inclusif du terme. Etre en crise ne signifie pas tre mort: ce que la situation impose, ce nest pas le dfaitisme, mais le courage de se saisir des possibilits et des germes existants. Ses lments ou secteurs combattifs, (des cheminots aux intermittents en 2014 en passant par les prcaires en lutte pour laugmenta-tion des salaires depuis le printemps, jusquaux grvistes de la sant ce mois de juin), dfaut dtre coordonns par une avant-garde ouvrire qui perdure au-del de telle ou telle lutte, et mme sils sont isols dans un contexte dabsence de mouvement de masse, existent dj qualitativement en ce sens.

    Ncessit, plus que jamais, dune politique dhgmonie ouvrireDepuis toujours la CO est passe par des crises de conscience et dorganisation de ce type. Elle a toujours t htrogne, diverse, divise mme, et affecte de processus de dcom-position et de recomposition objectifs ayant des impacts subjectifs plus ou moins profonds. Cest ce qui justement, depuis le Manifeste de 1848, fait la ncessit dune orga-nisation rvolutionnaire capable de formuler le programme qui lunifiera politiquement et laidera se constituer comme classe pour soi. Aux antipodes de tout ouvririsme, contre tous les raccour-cis et illusions no-rformistes, mais aussi quelles que soient les origines historiques des oppressions spcifiques, cest en luttant pour une politique contre-hgmonique sur des bases de classe que le combat de classe, de genre et de race la fois, pourra affronter le centre de gravit du systme capitaliste : la proprit prive et le contrle des moyens de production. Cest la seule voie pour esprer pouvoir affronter les politiques patronales et gouvernementales qui ont rare-ment t aussi ractionnaires et antisociales quaujourdhui, et reconstruire lalternative politique indispensable que lextrme-gauche rvolutionnaire est en ltat incapable de proposer. Raison pour laquelle ce dbat sur la CO doit tre au cur de nos rflexions.

    Emmanuel Barot

    Vous avez dit centralit de la classe ouvrire? Laffaiblissement de la conscience de classe est un problme lancinant, qui hante les dbats au sein de la gauche radicale et du mouvement ouvrier. Il est donc important que le parti sen saisisse et labore collectivement sur cette question.

    Si la conscience de classe sest affaiblie, cest dabord parce quont rgress et le niveau dorganisation du proltariat et sa capacit daction collective. Or le NPA reste une orga-nisation trop faible, numriquement et politiquement, pour que son intervention soit en capacit de peser vritablement dans la lutte des classes. Consquence prvisible: un refrain sous forme de raccourci est chantonn chaque congrs, insistant sur nos manques (rels) dimplantation sur les lieux de travail et appelant recentrer lactivit du parti sur lintervention en direction de la classe ouvrire, rduite lintervention dans les entreprises. Cest ce raccourci et cette rduction dont il faudrait discuter srieusement.

    Si cet appel centrer toute lactivit du parti ou presque sur lintervention dans les lieux de travail ne se traduit pas de manire mcanique dans lactivit relle des camarades, loin sen faut et heureusement, cela pose une srie de questions. Il y a dabord le danger, bien rel, de rduire la lutte des classes au champ strictement conomique. Un autre cueil serait de rpondre la crise du NPA par le biais exclusif dune mthodologie organisationnelle emprunte LO (qui a pu enregistrer certains succs en termes dimplantation ouvrire), en loccurrence lintervention en direction des en-treprises articule autour de bulletins de bote.

    Tout cela peut aboutir une manire intemporelle et rduc-trice de penser la reconstruction dune conscience de classe, qui se rsumerait au produit de lintervention dun noyau rvolutionnaire lintrieur et/ou en direction des lieux de travail. Cela peut apparatre comme une rponse ayant le mrite de la modestie militante et prenant les choses dans lordre, en rapport avec nos forces actuelles. Pourtant, cela constitue une vision non seulement rabougrie de lactivit politique, bien en-de des enjeux actuels (reconstruire une perspective politique pour le proltariat), mais surtout po-tentiellement dangereuse : si elle tait effectivement mise en uvre, elle conduirait une autolimitation de nos inter-ventions.

    Deux questions permettent dillustrer ces dangers: - Rsume-t-on par exemple notre intervention militante sur les facs une vision instrumentale, destine simplement recruter des militants pour quils et elles puissent ensuite militer en direction des lieux de travail? Comment rpond-on au recul des luttes dans la jeunesse scolarise aprs la squence LMD-Fillon-CPE-LRU-LRU2 ? - Comment amorcer une rflexion collective sur la construc-tion dune intervention politique sur les lieux de vie (autre quuniquement propagandiste), en particulier dans les quar-tiers populaires ? Quelles sont les questions dcisives sur lesquelles politiser transports, logements, services publics, harclement policier, etc. et comment faireconcrtement ?

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    Le problme qui nous est pos est le suivant : comment merge ou se dveloppe une conscience de classe ? Pas uniquement, et parfois pas essentiellement, partir des rapports patrons/travailleurs dans le cadre de lentreprise. Dans la socit capitaliste, tous les rapports o se mani-festent des logiques dexploitation et doppression, donc des antagonismes, sont potentiellement explosifs, pouvant enclencher des cycles de politisation dautres niveaux du systme. Il ne suffit pas daffirmer ncessaire un mai 68 qui aille jusquau bout ; il faudrait prendre au srieux le rle de dtonateur qua pu y jouer le mouvement tudiant et limportance davoir dispos dune implantation relle dans ce milieu. De mme concernant la question raciale aux tats-Unis, qui a pu stimuler la combativit bien au-del des seuls Afro-amricains. De mme pour la lutte contre lextrme-droite. De mme concernant les combats fministes et LGBTI. Or nous devons tirer le bilan de la faiblesse de notre activit, autre que conjoncturelle, contre les oppressions et du risque majeur en la matire que fait peser un tournant ouvririste. En particulier, on peut stonner que la vague dislamophobie qui a dferl partir de janvier nait pas suscit une raction la hauteur de lensemble du parti, y compris de la part de secteurs que lon pensait convaincus de limportance de cet enjeu. En outre, les luttes contre les oppressions fonctionnent comme des combats pour lunification du proltariat, que lexploitation capitaliste divise tout autant quelle luni-fie. Si bien que la reconstruction dune conscience antira-ciste et fministe ne soppose pas la reconstruction dune conscience de classe mais en constitue au contraire une composante essentielle. Centralit du proltariat? Oui, car celui-ci constitue lacteur stratgique de la transformation sociale. Mais cela nimplique nullement une focalisation ex-clusive sur lintervention dans les lieux de travail. Sil est bien un acquis de notre courant politique, cest lide que se prparer des situations rvolutionnaires durant lesquelles le proltariat fait irruption sur la scne politique suppose dapprendre politiser tous les antagonismes inh-rents la socit capitaliste.

    Guillaume (comit Austerlitz) et Ugo (comit Paris-18)

    Le communisme dcoule-t-il des revendications ?

    Ce dbat en trois parties procde dun dcoupage que je questionne : les luttes, la prise du pouvoir, le communisme. Ce dcoupage sinscrit dans une certaine tradition : les tra-vailleurs partent de leurs revendications pour arriver, par la lutte, jusquau communisme.Cest la logique du Programme de transition , texte fon-dateur de la IVme Internationnale.Dans le mme sens, Marx affirme Pour nous, le commu-nisme nest pas un tat de choses quil convient dtablir, un idal auquel la ralit devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement rel qui abolit ltat actuel des choses. (Lidologie Allemande).

    Mais paralllement cette filire thorique se profilent, bien que de manire moins explicite, des ides et des faits qui ne se moulent pas dans cet tapisme. Rosa Luxembourg : La grve gnrale ne mne pas la rvolution, cest la rvolution qui mne la grve gnrale : la contestation de lordre social tout entier est pralable la grve gnrale. En juin 1936, il y eut dabord les occupations dusines, puis les revendications, les congs pays et les conventions col-lectives. En mai 68, la confrontation de la jeunesse avec lEtat dclencha la grve gnrale sans quaucune revendi-cation ft pose. La trahison rformiste transforma la grve gnrale en mouvement revendicatif. En Juin 68, certain(e)s pleuraient en reprenant le travail. Pas parce que les aug-mentations ntaient pas suffisantes mais parce quil fallait repartir sur la chane : parce quon navait pas chang les rapports de production.Tranche de vie :En1982, jtais de ces 400 militants de la LCR qui ont fait le tournant vers lindustrie . Politiquement il est peu rest, ni au niveau national, ni localement. Non seulement, avec nos tracts la porte des usines, nous navons jamais recrut personne mais mes trois camarades se sont rangs de la rvolution.De1985 2008, sur ce site de 500 salaris, deux cama-rades ont adhr durablement la LCR. Lune, cest une runion dATTAC que nous nous sommes rendus compte que nous travaillions au mme endroit. Adhrente de la CGT sans conviction, trs active dans la solidarit avec le peuple Palestinien, pour elle, militer la LCR tait une manire de mettre en relation divers terrains de lutte. Un autre cama-rade, militant de Ras lfront, affichait dans son bureau du service paye les couvertures antifascistes de Charlie-Hebdo. Nous tions potes au boulot, nous nous rencontrions dans les manifs, mais il ne venait jamais aux runions syndicales. la fondation du NPA changement brusque : le comit compta jusqu 44 adhrents, en majorit des syndicalistes de lindustrie chimique. Cela ne dura que quelques mois. Il ne reste plus que moi.Le syndicat, dans les annes 80 tait fortement marqu par une tradition PC assez pnible. Les dparts en retraite ont fait merger de nouveaux militants. Nous nous sommes ou-verts sur le mouvement des chmeurs, ATTAC, mouvement altermondialiste, enseignants-chercheurs. En interne nous avons gagn de beaux avantages dans le cadre de la rtt, lut-t sans succs pour une structure de garde denfants, men un combat efficace contre des licenciements (et gagn sur aucun dpart non consenti ). Il ny a pas de cumul des mandats, de dix quinze militants se runissent chaque semaine, une rflexion est entame sur notre engagement cologique. Bref, un syndicat sympa .Lors du mouvement de 2010, si tous les militants avaient dj quitt le NPA, le rseau constitu continuait fonc-tionner de manire informelle. Notre syndicat a t moteur pour impulser une action commune au niveau du secteur : sur la voie publique, aux portes des usines, nous tions chaque matin quelques dizaines militer pour la coordina-tion et lextension du mouvement partir de la base.Moralit : Jamais aucun militant ne sest engag dans un militantisme

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    rvolutionnaire ou anticapitaliste comme prolongement de son exprience syndicale. Ft-elle lutte de classe , antibureaucratique , non corporatiste .Les engagements politiques se sont fait par adhsion un projet politique global, existant dans lespace public, celui de la LCR ou celui du NPA quand il tait crdible.La distribution de tracts la porte de lentreprise na aucune consquence sur lengagement politique de travailleurs. a nest pas dire quil ne faut pas le faire, mais ce nest pas une mthode de construction du parti.Pour faire le lien avec le dbut de cette contribution je me rfrerai Lnine : La conscience rvolutionnaire doit tre apporte de lextrieur. Daniel Bensad a montr que a ne veut pas dire de lextrieur de la classe ouvrire par une avant-garde intellectuelle : cela signifie de lextrieur de la lutte conomique (Lnine contestait les conceptions politiques trade-unionistes que nous traduirions littrale-ment par syndicalistes, si nous osions). Si nous voulons recruter des rvolutionnaires, il faudra y aller franco : leur parler de la rvolution et du socialisme. Mais quavons nous dire sur la rvolution et le socialisme ? Peu ! Voil notre faiblesse, pas dabord notre manque dimplantation dans lindustrie. tre prsents dans les entreprises nest pas un moyen de construire le parti par accumulation dindividus recruts. Par contre, quand la situation sy prte, nous recrutons l o nous sommes ; et en cas de crise sociale, la mobilisation organise des travailleurs fera la diffrence.Le parti dont nous avons besoin et qui fera envie nest pas seulement celui qui poussera les luttes jusquau bout, ni seu-lement celui qui regroupera les anticapitalistes : cest celui qui saura mettre en relation les luttes entre elles pour leur donner une cohrence autre que revendicative, qui saura faire un pont entre les combats daujourdhui et le projet de socit.

    Grard Vaysse (Lyon)

    La classe ouvrire est rvolutionnaire ou elle nest rien (Marx)Dans la premire tape du dbat sur la stratgie il est ques-tion du sujet rvolutionnaire. De prime abord le terme de sujet peut poser un problme. Faut-il lentendre comme personne soumise une autorit souveraine (Le Petit Robert) ou comme lacteur dune action. Il va de soi que la seconde proposition est celle qui convient ; mais dans ces conditions il serait plus juste de parler du sujet de laction rvolutionnaire comme le fait lanarchiste argentin Eduardo Colombo.Comment poser la question dans le monde actuel? Le point de dpart pourrait tre ce passage du Manifeste du parti communiste, mme si ce dernier date de 1848, passage que le monde militant organis a quelque peu oubli sauf dans ses coles : la bourgeoisie ne peut exister sans rvolu-tionner constamment les instruments de production, cest--dire tous les rapports sociaux. Cette rvolution se traduit par une recherche continue pour

    tendre son pouvoir sur lensemble du monde et de la so-cit: extension territoriale (colonialisme puis dpendance), du march mondial la mondialisation, soumission de la nature au mpris de lenvironnement et de la survie de les-pce humaine, brevtisation du vivant, soumission de lesprit humain (alination), sans oublier le credo du no-libralisme ou la dproltarisation du proltariat.

    Pour dfinir les contours du sujet de laction rvolutionnaire, il est indispensable de prendre en compte la ralit relle, pas celle ne dans les rves militants dune classe ouvrire mythique. Les tendances lourdes actuelles sont: disparition des grands centres dexploitation, phnomne massif dex-ternalisation et de dlocalisation de la production, concur-rence mondiale entre les travailleurs, prcarisation du statut de salari, exclusion sociale.

    Cest la mise en uvre de la thse no-librale de lhomme entrepeneurial. Ce qui peut se traduire ainsi: termin ltat dit providence, fini le statut dassur social ; place des individualits responsables, propritaires, pargnants. Le modle parfait cest Uberpop qui utilise les services dauto-entrepreneurs. Le rsultat de cette politique est, certes, une catastrophe humaine et sociale, mais ce nest pas le pro-blme du capital, son problme est sa profitabilit.

    Sur le plan politique cela se manifeste par le mpris de la dmocratie mme formelle. Le NON au projet de constitu-tion europenne, en France, a t effac par le Parlement; le vote du peuple grec ne doit pas modifier le code. Le pou-voir du capital avance masqu derrire un concept abscons: la gouvernance. Cest--dire un ensemble de normes et dinstitutions dans lequel agissent non des classes sociales mais des acteurs, certains dentre-eux ont le pouvoir de dire non mais ils doivent respecter le principe gnral : le pouvoir du capital ne peut pas tre remis en cause.Le sujet de laction rvolutionnaire ne peut tre quun sujet collectif, selon les pays ou les priodes il est nomm: pro-ltariat, masses, peuple. Mais il nexiste pas naturellement, il se constitue dans la lutte, qui ne peut tre quune lutte politique, une lutte qui affirme quune autre socit est pos-sible. Il est grand temps de prendre la mesure de cette petite phrase de Marx: la classe ouvrire est rvolutionnaire ou elle nest rien.

    La domination du capital repose sur lextorsion de la plus-value et lalination. Faut-il privilgier la premire au risque de laisser de ct une masse de proltaires rejete par le capital car les exploiter ne lui permettrait pas de faire du profit. Cela ne risque-t-il pas de considrer les effets de la seconde comme des questions spcifiques et en dernire analyse secondaires ?Sur la question de lenvironnement devenue, sans conteste possible, la question politique cen-trale; cela ne risque-t-il pas de considrer le productivisme comme quantit ngligeable?

    Prenons la mesure de