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“La technologie ne doit pas infantiliser et isoler les plus âgés, elle doit créer du lien.” LA FABRIQUE DES POSSIBLES f p y éditions Bien vieillir grâce au numérique Fing #09 Carole-Anne Rivière Amandine Brugière Qualité de vie, autonomie, lien social

Bien vieillir grâce au numérique. Autonomie, qualité de vie, lien social. D'Amandine Brugière et Anne-Carole Rivière. FYP éditions/ Fing

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Cet ouvrage montre concrètement comment les technologies et les services numériques pour les seniors peuvent contribuer à la qualité de vie, l’autonomie, la relation.L’augmentation de l’espérance de vie en France portera d’ici 2030 la proportion des personnes ayant plus de 60 ans au delà des 30 %.Vieillir est une chance pour les individus et la société. Le vieillissement n’est perçu et abordé par la société et les technologies que sous l’aspect de la médicalisation et la dépendance. Pourtant, vieillir c’est aussi vivre plus longtemps en bonne santé !Alors au moment où le développement de l’usage du numérique et des réseaux révolutionne le quotidien, en quoi les nouvelles technologies peuvent améliorer notre vie lorsque nous vieillissons ?Vieillissement et technologies : un rendez-vous manqué.Une contradiction est de plus en plus visible : l’usage de l’internet et des TIC se développe considérablement chez les séniors, de la même manière que pour tous les autres âges. Pourtant, les produits technologiques qui leur sont proposés provoquent plus de réticences que d’enthousiasme.Comme l’explique Amandine Brugière, auteure de l’ouvrage : « Les dispositifs numériques doivent être au service du plus grand nombre et l’innovation sociale. Il est temps d’en finir avec les interfaces restrictives et simplifiées. La technologie ne doit pas infantiliser et isoler les plus âgés, elle doit créer du lien. »Cet ouvrage montre concrètement comment les technologies et les services numériques pour les seniors peuvent contribuer à la qualité de vie, l’autonomie, la relation, la cohésion de la société, et le dynamisme de l’économie, dans une société où cinq générations cohabiteront.Il analyse de manière approfondie les nouveaux usages au service du bien vieillir, et propose des solutions pour :• Définir et mettre en place les conditions du bien vieillir sur un territoire urbain ou rural.• permettre un apprentissage efficace des nouvelles technologies• Accompagner et soutenir les personnes à leur domicile, créer un habitat évolutif• permettre le transfert de savoirs faire et de compétences entre juniors et seniors dans l’entreprise, et entre les différentesgénérations dans la vie quotidienne• Permettre ou restaurer la sociabilité dans les moments de fragilité (déménagement, maladie, deuil)• Entretenir et maintenir des réseaux de relation au fur et à mesure de l’avance en âge, et avec une mobilité réduite.• Faire du vieillissement une dynamique de croissance économiqueUn outil pour une question de société qui nous concerne tous.Il présente également des initiatives territoriales et locales innovantes, sociales et technologiques.C’est un ouvrage qui offre, au travers de l’innovation, des réponses à un des enjeux majeurs de notre société :comment permettre de bien vieillir.À propos des auteurs :• Carole Anne Rivière est historienne, sociologue et psychologue de formation, auteur d’une thèse sur les réseaux sociauxcomme facteur de changement social. Ancien chercheur à Orange Labs, elle a été responsable d’un incubateur d’idées dansune entité de recherche dédiée à l’exploration de nouveaux services. Elle codirige le programme « Plus longue la vie » de la Fing.• Amandine Brugière a été chef de projet chez British Telecom, a travaillé dans l’édition chez Gallimard et Bayard Presse. Consultante au sein du cabinet de conseils Proposition sur des problématiques d’évolution des stratégies publiques, elle est associée aux travaux de recherche en science de l’information et de la communication de l’université de Paris X à Nanterre. Elle codirige le programme « Plus longue la vie » de la Fing.

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Page 1: Bien vieillir grâce au numérique. Autonomie, qualité de vie, lien social. D'Amandine Brugière et Anne-Carole Rivière. FYP éditions/ Fing

“La technologie ne doit pasinfantiliser et isoler les plusâgés, elle doit créer du lien.”

LA FABRIQUE DES POSSIBLES

Des technologies qui infantilisent et isolent, ou des technologiescréatrices de lien ?

Nous savons déjà que nous vivrons plus longtemps, et dans un mondeencore plus connecté. Mais avons-nous vraiment réfléchi auxinterférences entre ces deux tendances ? Il ne s’agit pas seulement de santé, de dépendance ou de maintien à domicile, mais aussid’expérimenter d’autres formes d’activités, de relations, de services, de jeux, de projets collectifs qui s’adressent aux seniors comme auxautres, dans une société où cinq générations cohabiteront.

Cet ouvrage explore comment l’innovation numérique transforme la culture des services et rencontre les besoins, les aspirations desindividus qui vieillissent. Il invite à reconsidérer les modèles existantsde prise en charge, de soin, de service à la personne ; et propose despistes d’action concrètes et innovantes, dans lesquelles les technologiesdéveloppent l’autonomie, la mobilité, les liens sociaux des plus âgés – et de ceux qui vivent et travaillent avec eux.

Carole-Anne Rivière et Amandine Brugière.

Créée en partenariat avec la Fing et dirigée par Daniel Kaplan, la collection, La fabrique des possibles, traite des grands enjeux de société.C’est l’outil indispensable qui permet de stimuler les imaginationsprospectives, et d’anticiper les profondes mutations que les rupturestechnologiques apporteront dans les prochaines années.

f pyéditions

f pyéditions

Bien vieillir grâce au numérique

Fing #09

#09

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ISBN 978-2-916571-43-0 12,90 €

La Fing (Fondation internet nouvelle génération)explore le potentiel transformateur des technolo-gies, quand il est placé entre des millions de mains.Son objectif est d’augmenter la capacité inno-vatrice du tissu économique et de toute la société.

www.fing.org | www.internetactu.net

www.fypeditions.com

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Carole-Anne RivièreAmandine Brugière

Qualité de vie, autonomie, lien social

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LA FABRIQUE DES POSSIBLES

f pyéditions

f pyéditionsFing #09

Pour une mobilité plus libre #01et plus durableISBN : 978-2-916571-22-5

La ville 2.0, complexe et familière #02ISBN : 978-2-916571-23-2

Technologies #03et prospective territorialeISBN : 978-2-916571-24-9

La ville 2.0, #04plateforme d’innovation ouverteISBN : 978-2-916571-25-6

Le 5e écran. Les médias urbains #05dans la ville 2.0ISBN : 978-2-916571-26-3

Optimiser son cerveau #06ISBN : 978-2-916571-30-0

Demain, les mondes virtuels #07ISBN : 978-2-916571-31-7

Informatique, libertés, identités #08ISBN : 978-2-916571-32-4

Bien vieillir grâce au numérique #09ISBN : 978-2-916571-43-0

Dans la même collection :

Daniel Kaplan est délégué général de la Fing(Fondation internet nouvelle génération).

Une collection dirigée par Daniel Kaplan

« Plus longue la vie » a le soutien de :

Conseil régional Île-de-France

Renault

DATAR

La Fing a le soutien de ses adhérents et des ses grands partenaires :

Alcatel LucentCaisse des Dépôts et ConsignationsLaSerOrangeRégion Provence-Alpes-Côte d’AzurRATP

« Plus longue la vie » est un programme de la Fing en association avec l’Institut Silverlife, Seniorscopie.com,Seniosphère, Distance Expert, Accordages et le Centre culturelinternational de Cerisy.L’allongement de la durée de la vie, comme le numérique, sont deux facteurs de changement majeurs qui touchent tous les domaines, tous les secteurs économiques. Au croisement de ces deux transformations, trois champs sont aujourd’huiparticulièrement explorés : la santé, la dépendance et le maintienà domicile, et l’usage spécifique du numérique par les seniors.Or, les enjeux du vieillissement et le potentiel d’innovationassocié à l’allongement de la vie sont infiniment plus vastes.Le programme Plus longue la vie explore toutes les formesd’activités, de relations, de services, de jeux, etc., qui s’adressentaux « seniors » comme aux autres, dans une société où cinqgénérations cohabitent.www.pluslonguelavie.net

Cet ouvrage a été réalisé à partir du programme « Plus longue la vie » de la Fing.

Le programme « Plus longue la vie » :

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Copyright © 2010 FYP éditionsCopyright © 2010 Fing

Édition : Florence DevesaRévision : Séverine DavidPhotogravure : IGSImprimé en France sur les presses de l’imprimerie Chirat.

FYP éditions, [email protected]él. : 05 55 33 27 23www.fypeditions.com

Collection : La fabrique des possiblesCréée en partenariat avec la Finget dirigée par Daniel Kaplan.www.fing.org

f pyéditions

ISBN : 978-2-916571-43-0

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LA FABRIQUE DES POSSIBLES

f pyéditionsFing #09

“La technologie ne doit pasinfantiliser et isoler les plusâgés, elle doit créer du lien.”

Bien vieillir grâce au numérique

Carole-Anne RivièreAmandine Brugière

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Nous tenions à remercier l’ensemble des participants aux conférences, ateliers et forums, et tout particulièrementAlain Lenoir, Anne Scatolin, Anne-Marie Decolasse, Annie Riguidel, Antoine Bidegain, Arnaud Cuissot, Benjamin Zimmerman, Bertrand Favre, Catherine Espinasse, Catherine Gall, Chloé Mariette, Christian Leroy, Christian Vanin, Christophe Coquerel, Dany Michau-Rodas, Édith Heurgon, Emmanuel Freund, Éric Culnaert, Francis Thibaud, Francis Thibaud, François Beautour, Frédéric Massa, Gaëtan Coulaud, Geneviève Laroque, Gilles Duthil, Giovanni Pandolfo, Gisèle Bessac, Hadmut Holken, Jacques Enguymendia, Jean-François Dubos, Jean-Gilles Cahn, Jean-Jacques Ezrati, Jean-Marie Naël, Jean-Philippe Clément, Jean-Pierre Quignaux, Jean-Pierre Savary, Jean-Yves Ruaux, Laura Pandelle, Laure Bernazzani, Laurent Chrétien, Liliane Capelle, Liliane Piot, Louis Salgueiro, Ludovic Avenel, Marie Coirié, Marie-France Médana, Marie-Françoise Fuchs, Marion Tillous, Maxime Tachon, Michel Moessinger, Mohamed Malki, Monique Epstein, Morgan Hervé, Nathalie Mathieu, Nathan Stern, Nicole Turbé-Suetens, Nolwen Neveu, Pascal Fonteneau, Patrice Barbel, Philippe Guilbert, Philippe Rochigneux, Romain Thévenet, Silvia Rosales-Montano, Sophie Delouis, Sophie Gravioux, Sophie Schmitt, Sylvie Levasseur, Thomas Cottereau, Thomas Sarrion, Yolande Combès, Yves-Armel Martin, Miguel Membrado, Philippe Guillemoteau, Christian Travier, Nicolas Tronchon, Sylvie Roussel et Jean-François Navarre.

Remerciements

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Les auteurs

6 Carole-Anne Rivière

Carole-Anne Rivière a rejoint la Fing en 2008 pourdiriger le programme d’action « Plus longue la vie ». Elleest docteur en sociologie, diplômée de l’Institutd’études politiques de Paris. Pendant une dizaine d’an-nées, chercheuse au laboratoire des usages d’OrangeLabs, elle a exploré les nouvelles pratiques de commu-nication liées à l’internet et au mobile en France et enAsie, et a publié plusieurs articles à ce sujet. Elle s’inté-resse par ailleurs à la psychologie et aux nouvellesformes d’addictions aux TIC.

6 Amandine Brugière

Chargée de mission à la Fing, Amandine Brugièreanime le programme « Plus longue la vie », ainsi qued’autres réflexions (« Habitants connectés » et « Réen-chanter le temps »). Elle a rejoint la Fing après trois anspassés en tant que chef de projet chez British Telecom,puis quatre ans en tant que consultante auprès desadministrations publiques, au sein de la société Propo-sition.

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Introduction 9

Chapitre 1

L’allongement de la vie, un phénomène social 131- Sortir du paradigme de la dépendance 14

2- Une étape de vie inédite 16

3- L’autonomie au sens social 18

4- L’autonomie connectée 20

Chapitre 2

Vieillissement et nouvelles technologies : 23un rendez-vous manqué

1- La téléassistance autrement 24

2- Différencier les inégalités d’accès des inégalités d’usages 30

3- Le design comme interface entre le besoin et le désir 39

Chapitre 3

Le développement personnel 47tout au long de la vie

1- La retraite, une richesse sociale 48

2- Les loisirs, un temps actif de découverte et d’apprentissage 54

3- Une formation tout au long de la vie 65

Chapitre 4

Rester mobile 711- Où vieillir ? 72

2- Une mobilité choisie 78

3- Maintenir des liens sociaux multiples 85

Sommaire

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Chapitre 5

Du réseau au lien 931- Des fragilités sociales oubliées 94

2- Comment mieux coordonner ? 96

3- De nouvelles proximités 105

Chapitre 6

Inventer une nouvelle économie du lien 1131- De nouveaux modèles d’échange de services 114

2- Valoriser la contribution au bien-être et à la qualité de vie 120

3- Le potentiel de la communication en réseau 125

Chapitre 7

L’innovation transforme la culture des services 1311- Pourquoi changer ? 132

2- Concevoir avec les utilisateurs 138

3- Vers un modèle global de coproduction des services 144

Conclusion

Pour une société de la reliance 153

Notes bibliographiques 158

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Introduction

Nous savons déjà que nous vivrons plus longtemps,et dans un monde encore plus connecté. Mais avons-nous vraiment réfléchi aux interférences entre ces deuxtendances ? Il ne s’agit pas seulement de santé, de dépen-dance ou de maintien à domicile, mais aussi d’expéri-menter d’autres formes d’activités, de relations, de ser-vices, de jeux, de projets collectifs qui s’adressent auxseniors comme aux autres, dans une société où cinqgénérations cohabiteront.

Un défi inéditL’allongement de la durée de la vie transforme toute

la vie et pas seulement nos dernières années. Il modifieles rythmes, transforme l’espace, change les relationsentre les générations, réalloue les flux et les stocks finan-ciers. Avant d’être un problème de financement de laretraite, de soin des plus âgés, il représente une formi-dable opportunité créatrice de richesse humaine, écono-mique et locale. La longue vie est aussi une espéranceindividuelle : savoir que l’on vivra plus longtemps enbonne santé, c’est disposer d’un temps moins contraintdevant soi, que l’on prévoit plus ouvert, et c’est aussidevoir le préparer.

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10 Bien vieillir grâce au numérique

Pour répondre à ce défi inédit, la société doit innoveren profondeur. Les politiques publiques devrontrépondre aux aspirations de confort et de bien-être desplus âgés. Pas seulement en termes de politiques socialeet médicale, mais aussi d’éducation, de consommation,de logement, de culture... C’est-à-dire l’ensemble de lavie sociale et économique. Elles devront inventer desréponses collectives. Dans une société où cinq généra-tions cohabiteront, l’innovation, tout particulièrementl’innovation numérique, est nécessaire et souhaitable àcondition qu’elle bénéficie à tous et au lien social.

Des technologies au service du lien socialAujourd’hui, quand les technologies s’adressent aux

usages des seniors, elles se heurtent à deux ornières. Lapremière est de croire faussement que les seniors ne s’in-téressent pas aux nouvelles technologies et ne savent pasles utiliser. La seconde est de réduire les technologies àun rôle d’assistance médicale et sociale, entretenant unevision de la vieillesse synonyme de perte d’autonomie etde dépendance. Dès que l’on sort de ces deux limites, etque l’on revient notamment aux fonctions de commu-nication avec l’environnement, avec l’entourage, despistes s’ouvrent. Car les technologies sont un facteur delien, d’information, de communication, d’ouverture etd’intégration sociale.

La vie dans un environnement connecté crée desconditions nouvelles et un potentiel d’innovationcapable de transformer les façons de vivre ensemble etde vieillir au quotidien. De nouveaux usages outillés parle numérique modifient la relation à la vie sociale, à l’in-

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11Introduction

formation, aux liens interpersonnels, aux territoires deproximité, à la mobilité, à la relation de services et à laconnaissance. Ils augmentent la capacité de service pourtous et créent de l’innovation sociale. Ces nouvelles pra-tiques, ancrées dans des territoires de très grande proxi-mité, favorisent des mobilités plus choisies, des sociabi-lités plus ouvertes et plus altruistes, et des expériencespartagées entre tous les âges.

La proposition énoncée dans ce livre est que levieillissement n’est pas qu’une fatalité du grand âge et dela dépendance. Il est une transformation progressive quinous ouvre des possibilités inédites. Parce qu’aujour-d’hui, nous avons la chance de vivre en bonne santé plu-sieurs dizaines d’années de plus qu’en 1950. Profitons-en pour inventer des manières d’être et de vieillirautrement grâce aux technologies du numérique. S’ap-puyant sur des exemples concrets, cet ouvrage vousmontre les pistes que nous vous invitons à suivre. Il esttemps de s’en saisir et d’imaginer comment aller plusloin, vers une société où l’économie du lien serait cen-trale pour valoriser les échanges qui produisent de larichesse sociale, du service relationnel, et contribuent aubien-être et à la qualité de vie. Le vieillissement est unechance, car il nous oblige à questionner les finalitéshumaines de la vie pour repenser notre quotidien, notreorganisation collective et notre économie de services.

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Chapitre 1

L’allongement de la vie, un

phénomène social

On vit plus longtemps et en meilleure santé qu’auparavant.Pourtant, l’âge et la dépendance médicale sont toujours mis enavant et figent notre façon de comprendre le vieillissement. Il esttemps de changer de regard. L’allongement de la vie est une chancepour la société et permet à chacun d’inventer une nouvelle vieaprès 60 ans.

Le potentiel d’innovation numérique a aussi un rôle à jouer.Lorsque nous parlons de résistance des personnes âgées aux tech-nologies, avons-nous réellement regardé ce qui se passe, ce quiévolue ?

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14 Bien vieillir grâce au numérique

1- Sortir du paradigme de la dépendance

La lecture statistique de l’allongement de la vie offreun premier résumé de la révolution démographique encours. Nous vivons de plus en plus vieux avec une espé-rance de vie qui augmente aujourd’hui de trois moistous les ans. Le taux de fécondité, de presque 2,1 % enFrance, assure à peine le renouvellement des générations.Les nombreuses classes d’âges nées après-guerre entrentdans la soixantaine. À partir de quand et comment semanifeste le processus de vieillissement ? De quoi parle-t-on lorsque l’on dit que 35 % des individus auront plusde 60 ans en 2050 ? La photographie chiffrée des popu-lations est nécessaire, mais insuffisante pour rendrecompte des enjeux civilisationnels et sociaux en courssur l’organisation de la société.

1980 2005 2020 2050

60 ans et plus 9,1 M 12,6 M 17,1 M 22,4 M% de la population (17 %) (20,9 %) (27,3 %) (35 %)

75 ans et plus 3,1 M 4,9 M 6,1 M 11,6 M% de la population (5,7 %) (8,1 %) (9,6 %) (18,1)

85 ans et plus 0,6 M 1,1 M 2,1 M 4,8 M% de la population (1,1 %) (1,8 %) (3,4 %) (7,5 %)

100 ans et plus 1 545 16 000 24 000 60 000% de la population NS (0,02 %) (0,04 %) (0,1 %)

La population âgée en France

M = millionSource : INSEE

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15L’allongement de la vie, un phénomène social - Chapitre 1

Les critères biologiques sont les premiers indicateursdes changements physiologiques, sensoriels et cognitifsqui interviennent avec l’âge. Mais l’âge biologique n’apas de traduction pérenne dans une catégorie d’âgesocial établie à un moment donné de l’histoire d’unesociété. Avoir 60 ans aujourd’hui n’a plus rien de com-mun avec les sexagénaires des années 1950.

La figure du vieillard retraité dressée au milieu duXXe siècle (avec des conditions de vie et démographiquesdifférentes et une espérance de vie moyenne de 66 ans)est une première barrière à déconstruire pour repenserles enjeux sociétaux de l’allongement de la vie.

Si les critères d’appartenance à la vieillesse s’appuientsur la prévalence(1) de certaines incapacités, alors la fron-tière du grand âge recule clairement. Comme le rappelleBernard Ennuyer, sociologue et directeur d’une associa-tion de service à la personne1, la santé d’un octogénaireest identique à celle d’un septuagénaire dix ans aupara-vant. L’entrée en incapacité se situe en moyenne à85 ans. Notre société continue néanmoins à se focalisersur un champ particulier du vieillissement : celui de ladépendance(2), qui correspond en réalité à une situationspécifique. Ce prisme donné aux pertes fonctionnellesou pathologiques prolonge une représentation de l’avan-cée en âge comme une involution et un déclin.

(1) La prévalence définit le nombre de personnes atteintes d’une certaine maladie à un moment donné dans une population donnée.(2) La récente loi (du 24 Janvier 1997) adoptée sur la prestation spécifique dépendanceofficialise cette vision « incapacitaire » de la dépendance : « la dépendance mentionnée au premier alinéa est définie comme l’état de la personne qui, nonobstant les soins qu’elleest susceptible de recevoir, a besoin d’être aidée pour l’accomplissement des actesessentiels de la vie, ou requiert une surveillance régulière » (art. 2).

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16 Bien vieillir grâce au numérique

Il est alors aisé de comprendre que les 22 % de lapopulation âgée de plus de 60 ans ne s’identifient pas àce portrait tronqué. Comme le rappelle BernardEnnuyer, « l’espérance de vie sans incapacité progresseplus vite que l’espérance de vie stricto sensu. [...] Lenombre des plus de 80 ans va être multiplié par troisd’ici à 2040, alors qu’en prévalence, l’incapacité est appe-lée à diminuer » 2.

Étendre notre point de vue au-delà du champ de ladépendance est la condition préalable pour caractériserla dynamique du vieillissement.

2- Une étape de vie inédite

L’allongement de la vie, c’est, avant toute chose, unaccroissement de la durée de vie en bonne santé. Celacrée un âge social entre 60 ans et la mort, durant lequelles équilibres et les fragilités existentielles se reconfigu-rent entre santé, famille, travail, loisirs, et mettent en ten-sion la perception de soi-même et le sentiment d’appar-tenance au monde. Cette période inédite donne àchacun de nouvelles possibilités et ouvre tout un champà investir pour comprendre la diversité des situationsindividuelles et les aspirations à vivre autrement que parle passé.

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17L’allongement de la vie, un phénomène social - Chapitre 1

Prendre en compte les premiers signes du vieillisse-ment et préparer sa vieillesse active est aussi une façond’anticiper le moment où l’on perdra en autonomie. Onne se retrouve pas dépendant du jour au lendemain. Ladépendance pour accomplir les gestes quotidiens n’estpas qu’une fatalité du grand âge liée aux altérations desfonctions vitales du corps humain. Elle est une condi-tion naturelle de la vie et fonde la réciprocité de nos rela-tions en société. C’est lorsque le manque ou les déséqui-libres surgissent que l’on en ressent un poids pesant.

L’expérience vécue du vieillissement n’est tangible auquotidien qu’à travers un environnement physique,social et relationnel avec lequel nous interagissons. C’estd’abord dans le regard de l’autre que l’on se voit vieux.C’est dans un collectif qui exclut que l’on développe unsentiment de rejet et d’inutilité. Un espace inadapté auxcapacités physiologiques et aux rythmes des plus âgés,un environnement qui entrave les gestes quotidiens etcrée un besoin d’aide que l’on ressent comme unedépendance douloureuse. Il y a là un puissant levierpour innover en prenant en compte la dynamique duvieillissement et sa progressivité.

Il est important aujourd’hui d’agir pour favoriser lesentiment de bien-être, de confort, et la perceptiond’une existence gratifiante. Ces indicateurs de qualité devie ne se résument pas à l’état de santé fonctionnel. Ilsobligent à penser l’allongement de la vie en termes d’en-jeu individuel reflétant un nouvel âge existentiel. Et,aussi, en termes d’enjeu collectif économique et social,transformant le vivre ensemble et la cohésion entre lesgénérations.

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18 Bien vieillir grâce au numérique

3- L’autonomie au sens social

Aujourd’hui, près de 90 % des Français souhaitentvieillir et mourir à leur domicile. Les possibilités d’auto-nomie, de mobilité et la capacité à faire « du lien » sontau cœur du bien-être à tous les âges, comptant parmielles les défis d’innovation majeurs pour favoriser la qua-lité du « bien vieillir » des Français.

Vivre autonome suppose une capacité à faire deschoix, à s’adapter, à prendre des décisions, mais égale-ment à pouvoir sortir de chez soi. tre mobile, c’estautant de chances de préserver les occasions d’être enlien avec les autres, d’être en mouvement au sens corpo-rel et figuré et de saisir les opportunités, d’élargir ses res-sources et ses potentialités en s’ouvrant à de nouvellespossibilités. Les relations aux autres et toutes les formesde communication et d’activités sont au fondement del’identité personnelle, du sentiment d’appartenance aumonde et de l’estime de soi. Elles nourrissent le regardsocial et intime porté sur soi et ce qu’il renvoie en termesde reconnaissance, d’utilité, de valorisation.

Aucune de ces dimensions n’existe en soi. Ce sontdes expériences actives qui se construisent ou se décons-truisent tout au long de l’existence, dans un contexted’interdépendance avec l’environnement et avec lesautres. Vincent Caradec3 parle de stratégies de « déprise »des personnes âgées pour maintenir des façons de vivresatisfaisantes et souhaitables au regard des difficultésphysiques qu’elles rencontrent progressivement. Il s’agit

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de ruses et d’inventions que chacun invente et déve-loppe au quotidien pour compenser une perte d’agilitéou de force.

Ces nouvelles façons de faire favorisent le sentimentde continuité dans le parcours biographique des indivi-dus, parce qu’elles permettent de continuer à choisir sesactivités. La construction de l’autonomie réside dansla capacité à négocier des obstacles plutôt qu’à lessupprimer. Un entourage trop bienveillant qui décide-rait d’interdire ou de laisser faire les choses uniquementpar un tiers, sous prétexte de prévenir un risque plusgrand de chute ou de fatigue, créerait à l’inverse une rup-ture destructrice en termes de perte d’autonomie etd’identité.

Les innovations préventives en faveur de l’autonomiedoivent chercher à augmenter les possibilités donnéesaux personnes qui vieillissent de choisir par elles-mêmesles réponses les mieux adaptées à une situation donnée,et qui conviennent à leur personnalité, leurs désirs, leurexistence sociale. Elles doivent aussi permettre à l’envi-ronnement, à l’entourage, aux services, de s’adapter, derespecter et comprendre les nouveaux équilibres qui sejouent dans l’avancée en âge.

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4- L’autonomie connectée

Si bien vieillir est autant, voire plus, une questionsociale que médicale, alors l’intervention des technolo-gies numériques dans la vie des personnes qui vieillissentdoit rechercher le même équilibre.

La tension entre, d’un côté, des technologies quiautomatisent, dématérialisent et rationalisent, et, del’autre, des technologies qui relient, créent, amusent,augmentent, distribuent du pouvoir, parcourt de bouten bout l’histoire du numérique. Souvent, on explore eton investit une voie, tandis qu’en réalité, la société et lemarché choisissent une autre tendance. La communica-tion entre les personnes est le moteur de l’appropriationmassive des pratiques numériques dans la population.D’abord individuelle et distante avec le téléphone puisl’e-mail ; puis de plus en plus continue avec la message-rie instantanée, le mobile et le SMS. Jusqu’à devenir col-lective à travers, notamment, les réseaux sociaux.

Historiquement les mobilités augmentent au mêmerythme que les télécommunications : plus on se déplace,plus on télécommunique. La multiplication des commu-nications électroniques ne remplace pas les échanges enface à face. Il en va de même socialement : plus on ad’interactions avec d’autres personnes en face à face, pluson a également d’interactions virtuelles. Les échangesnumériques alimentent des relations bien réelles, deproximité. Au point que beaucoup de réseaux sociaux sedéveloppent aujourd’hui sur des critères géographiques,voire microlocaux, au niveau d’un quartier et mêmed’un immeuble.

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Au-delà des échanges personnels, le web 2.0 inventede nouvelles manières de faire, d’être en lien, de partagerde la connaissance, de produire de l’information. Ellesont pour point commun de mettre l’individu au cœurdes innovations qu’elles proposent, de renégocier lesintermédiations traditionnelles et d’augmenter la capa-cité d’action de chacun en offrant un potentiel croissantde ressources et de communications en réseau.

La diversité des informations sur le web est dans unelarge mesure produite par les utilisateurs eux-mêmes etrelève à la fois de la connaissance et de l’expérience. Parexemple, sur les blogs et forums de patients, les échangesintimes et personnels servent à accompagner et soutenirles personnes. Ces savoirs implicites liés aux expériencesde vie sont peu pris en charge dans la relation médicaleplus formelle.

Le numérique permet à l’individu d’être actif pours’exprimer, choisir, s’informer, se coordonner avecd’autres, découvrir et partager ses centres d’intérêt. Iloffre la possibilité de faire des rencontres, de décider parsoi-même de ses stratégies d’actions, de déplacements oude loisirs. Ce potentiel de « capacitation » offre uneréponse directe à la nécessité de favoriser chez les per-sonnes âgées une autonomie et une « capacité à agir »physiologiques, mais aussi sociales. Or, aujourd’hui, cepotentiel de levier d’innovation reste inexploré. Pour-tant, il y a là des possibilités fortes pour répondre auxbesoins évolutifs de l’avancée en âge, et anticiper desdétresses identitaires et affectives qui comptent parmi lespremiers facteurs de dégradation de la santé.

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On peut donc dire que le potentiel des technologiesnumériques est un levier décisif pour aider à prévenir,pour augmenter et prolonger l’autonomie à tous les âges,à condition de changer de regard sur le rôle des disposi-tifs techniques et sur les représentations de la dépen-dance et de l’autonomie. Regardons comment les inno-vations technologiques ont été pensées pour nos aînés.Essayons de comprendre leurs résistances et imaginonscomment elles pourraient répondre mieux aux nouvellesvies qui s’inventent après 60 ans.

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Chapitre 2

Vieillissement et nouvelles technologies :

un rendez-vous manqué

Une contradiction est de plus en plus visible aujourd’hui : d’uncôté, les usages d’internet se développent considérablement chezles seniors, de manière comparable à ceux de tous les âges. Del’autre, les produits technologiques spécifiques qui leur sont pro-posés pour maintenir leur autonomie, les assister, leur simplifierl’accès au numérique, ne provoquent guère l’enthousiasme, et mani-festement les réticences des plus âgés ne sont qu’un argument pourjustifier ces échecs.

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1- La téléassistanceautrement

Dans les politiques d’aide médico-sociale et les pro-grammes d’innovation et de recherche en cours, l’auto-nomie est toujours définie en miroir de la dépendance.C’est le cas de l’APA (allocation personnalisée d’autono-mie), qui alloue des aides sociales en fonction d’unemesure des incapacités fonctionnelles des personnes (3).C’est le cas des programmes de recherche technologiquequi visent à compenser ou pallier les déficiences dugrand âge. On conçoit et on expérimente des dispositifsoù l’on mesure des activités grâce à des capteurs perfor-mants (biomédicaux, énergétiques, comportementaux).Surveillés quotidiennement, ils déclenchent des alertessuivies d’interventions si des anomalies sont repérées.Dans la maison, un volet mal fermé, une lumière laisséeallumée la nuit, un volume d’eau utilisé de manièreinhabituelle, deviennent des indicateurs de bonne vie oude vie en danger. Manger une sucrerie sera immédiate-ment analysé et interprété. Avons-nous réellement enviede vieillir de cette façon ?

6Responsabiliser plutôt qu’infantiliserSi l’on n’intègre pas une vision préventive et sociale

du vieillissement, le danger est de produire des dispositifsde gestion et de rationalisation des risques au prix d’unesurveillance permanente. C’est aussi rendre plus probable

(3) Selon une mesure des « incapacités » utilisant l’outil AGGIR (Autonomie gérontologiegroupe iso ressources).

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une déresponsabilisation dans la façon de vivre et devieillir, un enfermement dans une dépendance anxiogèneaux équipements, et finalement un affaiblissement de ladignité et du libre choix humain. Peut-être avons-noussurtout répondu à nos propres peurs face à la perte d’au-tonomie des plus âgés, plutôt qu’aux leurs. Prenonsl’exemple des systèmes de téléassistance ordinaires (4).Malgré un nombre croissant d’acteurs et de solutionscommercialisées, ce marché est un échec en France.

Aujourd’hui, l’âge moyen des utilisateurs de ces dis-positifs est de 84 ans et la durée moyenne de leur utilisa-tion est de 36 mois. Soit parce que la personne meurt,soit parce qu’elle entre dans un établissement spécialisé.Ces chiffres(5) reflètent le malentendu de ces servicesd’assistance conçus pour des publics estimés à 1,4 mil-lion de personnes, alors que seuls 300 000 abonnés sontcomptabilisés, le plus souvent des femmes, en raison deleur espérance de vie naturellement plus importante. Lecoût d’accès hors abonnement d’environ 125 à 150 euros,peu pris en charge financièrement, n’est pas le seul facteurd’échec de ces dispositifs. 1

Souvent prescrits sous contrôle de proches inquiets,ou pour répondre de manière détournée à un malaise denature sociale, les dispositifs de téléassistance sont vécuscomme anxiogènes par les personnes âgées qui les utili-sent peu et les laissent dans un tiroir.

(4) Les dispositifs de téléassistance (médaillons, boîtiers, téléphones) visent à signaler àdistance des accidents pouvant survenir au domicile, grâce à une commande simplifiéed’alerte reliée à un centre d’appel, à la disposition de la personne âgée. Disponibles 24heures sur 24, les téléassisteurs préviennent les proches identifiés en cas d’alerte et/ou lescentres d’intervention d’urgence qui se rendent au domicile de la personne. (5) Voir Gerontechnologie.net, un site professionnel d’information sur les gérontechnologies,les technologies pour l’autonomie (Jérôme Pigniez, responsable de publication).

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Une étude conduite dans les Côtes-d’Armor sur lessituations et les motivations d’appels analyse que plusde 70 % d’entre eux sont passés pour rompre un senti-ment de solitude, une peur du lendemain ou uneangoisse de mort, et non pas pour une question de santé.

L’anxiété générée par la téléassistance peut aussi pro-voquer des comportements addictifs aux dispositifs,conduisant les personnes âgées à ne plus sortir de chezelles. Parmi les effets déviants, il y a aussi les interven-tions qui provoquent des effractions des portes d’entrée,par exemple lorsque l’alerte est déclenchée de façon nonintentionnelle sans que la famille puisse être jointe partéléphone. Cela produit des effets très traumatisantschez les personnes âgées.

L’impératif de sécurité et l’obligation juridique d’in-tervention se transforment alors en facteur supplémen-taire de fragilisation des personnes.

Il est temps de ne plus infantiliser avec des dispositifsde surveillance qui, sous couvert de gestion des risques,subordonnent les plus âgés à la technique, les dérespon-sabilisent ou les privent de leur liberté d’agir. Il est aucontraire important d’utiliser les technologies pour faci-liter des stratégies d’adaptation plus humaines, invitantà négocier les obstacles plutôt qu’à les supprimer. C’estde ce côté que l’on réussira à assister en préservant l’au-tonomie, sans produire de nouvelles formes de dépen-dance.

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6 Les bracelets Alzheimer : flics ou boussoles ?

Plusieurs systèmes ont été proposés pour répondreaux risques d’égarement et de mise en danger d’unmalade d’Alzheimer. Ils prennent la forme de montres,de téléphones mobiles ou de colliers équipés d’un sys-tème de géolocalisation. Ceux-ci fonctionnent commeune balise de repérage, et déclenchent une opération de« sauvetage » du malade en fugue ou en errance, que l’onreconduit chez lui ou au sein de l’établissement où ilréside.

Conçus pour rassurer les familles, sécuriser les péri-mètres de « sortie » des patients, ces dispositifs peuvents’avérer extrêmement humiliants pour les personnesqu’ils surveillent. Toute forme d’action, qui vient rappe-ler avec violence à une personne atteinte d’Alzheimerl’étendue de son trouble, est mal vécue et aggrave sonsentiment de panique. La notion même de « fugue »exprime la souffrance intérieure d’une personne empri-sonnée dans une maladie dégénérative. L’échec commer-cial a d’ailleurs conduit à retirer du marché certains deces bracelets.

À l’inverse, des concepts innovants émergent,comme celui de la montre « Deci-Delà » (voir encadré)en cours de prototypage(6). Le même système de géoloca-lisation associé, cette fois, à une interface directionnellesimple à utiliser, donne une chance à la personne denégocier par elle-même son trouble de l’orientation sans

(6) Le projet, financé par la FCES (Fondation caisses d’épargne pour la solidarité),est en cours de prototypage et sera testé en Rhône-Alpes auprès de patients atteints de la maladie d’Alzheimer.

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être dépendante d’une intervention extérieure pour laramener chez elle. Seul ce changement de perception del’autonomie peut garantir le respect des personnes, jusqu’à la fin de leur vie, sans dénier les difficultés, lesrisques ou les peurs associés aux différents états duvieillissement.

Le concept Deci-Delà Marie Coirié, École nationale supérieure de création industrielle

Ce concept de montre propose deux fonctionnalités. L’interface extérieure sépare les temporalités de la journée avecquatre codes couleur pour faciliter la mémoire des tâches. Sous cette interface vient se clipper une boussole reliée à unsystème de géolocalisation. En cas de trouble de l’orientation, le malade peut faire glisser la boussole au creux de sa main etsuivre la direction indiquée pour rentrer chez elle. Au cœur du dispositif, il n’est plus seulement « géo-surveillé » et localisé afin d’être « repéré », il peut rester actif et s’appuyersur le dispositif pour retrouver son chemin.

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Il n’y a pas d’âge ni de seuil de dépendance quiempêchent de penser le rôle de la technologie pour l’au-tonomie. On pourrait éviter au moins trois effetsdéviants qui produisent de nouvelles formes de dépen-dances : substituer la technologie à l’humain ; sur-sim-plifier et infantiliser ; supprimer les obstacles plutôtqu’aider à les négocier.

Ce concept est intéressant parce que l’usage de la géolocalisationvient faciliter la capacité de la personne dépendante à négocieravec son trouble cognitif plutôt que la subordonner à unesurveillance et une humiliation en cas de désorientation ou pertede repères spatiaux.

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2- Différencier les inégalités d’accès des inégalités d’usages

Les usages d’internet sont en progression constanteauprès des classes d’âges les plus âgées. Aujourd’hui, prèsde 6 sur 10 jeunes seniors de 60-69 ans se connectent àl’internet de chez eux. Ils sont 2 sur 10 au-delà de 70 ans.Les premiers appartiennent plus souvent que les secondsaux générations qui ont découvert et utilisé l’internetdans la sphère professionnelle. Qu’en est-il des généra-tions nées avant-guerre, plus éloignées de l’accès aux pra-tiques numériques, par leur culture, leur histoire, leurstrajectoires sociales ?

Équipement et usage d’internet à domicile chez les plus de 60 ans

60-69 Progression Plus de Progression Moyenneans en 1 an 70 ans en 1 an population

Ordinateur 62 % +17 21 % +4 74 %à domicile

Connexioninternet 58 % +21 18 % +4 67 %à domicile

... dont se connectent 59 % 48 % 71 %tous les jours

Source : CRÉDOC, 2009, enquête « Les conditions de vie et les aspirations des Français : la diffusion destechnologies de l’information dans la société française ».

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