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Biolay, bourreau des femmes Quand Benjamin Biolay sort un album, c’est l’émeute journalistique, même le New York Times s’y est mis en 2005. Le personnage intrigue, émeut, agace, mais ne laisse pas indifférent. Comparé à Gainsbourg, c’est à Bashung qu’il rend hommage lorsqu’il est récompensé aux Victoires de la musique en 2010 comme artiste-interprète masculin de l’année. Quand ses disques ne se vendent pas, il fait vendre des magazines people. Cible de rumeurs, Biolay est vu comme un homme à femmes. Ses textes sont la fumée qui a fait démarrer le feu. « Aime mon amour ou je te descends ». Benjamin Biolay c’est ce chanteur trompé, ro- mantique qui va jusqu’à me- nacer le nouveau copain de son ex. Celui qui part à l’au- tre bout du monde retrouver sa passion et qui n’a même pas le droit de dormir dans sa grange. C’est celui qui a trop d’amour en lui et dont la maladresse émeut ses conquêtes. Mais si l’on re- garde davantage ses textes et moins son personnage, Benjamin Biolay c’est avant tout le dragueur moderne. Désirs d’orgie (mais haut de gamme), visites aux prosti- tuées pour satisfaire une soif de domination malsaine, dé- sacralisation de l’image de la femme pure et parfaite, Biolay n’a pas peur d’écorner son image. Comme un rebelle boutonneux, on pourrait même lui trouver des airs de rappeur. Dans sa chanson Dans la Merco Benz le chan- teur commence par s’adres- ser à une femme/voiture par « petite princesse » puis très vite on bascule vers le « petite connasse ». Orelsan (rappeur français avec lequel il chante en duo sur Ne regrette rien), répond à une jeune fille en boîte dans sa chanson Pour le pire. Elle vient de lui deman- der d’arrêter de la « baratiner », voici ce que le rappeur lui ré- pond : « ça commence par bébé, petite puce, princesse, mon ange, ça finit par « où t’étais petite pute quand est-ce qu’on mange ? » ». Oubliés les beaux discours romantiques, la mode est à la transparence. Benjamin, ce bourreau Une violence qui ne pourrait être calmée que par une fella- tion. Dans la chanson Dans ta bouche, Benjamin Biolay vou- drait nous faire accepter la traque d’une femme et les coups qu’il lui donne par la bles- sure d’un homme trompé. La chanson se rapproche du côté malsain du film de Jacques Au- diard, De Rouille et d’os, dans lequel le personnage principal bat son fils. Dans le film comme dans la chanson, on est poussé à accepter cette violence : le traumatisme du bourreau pour justifier le traumatisme de la vic- time. Seulement Biolay jetait déjà les bases de ses relations dans les cours d’école, en transformant ses petites copines en pute.

Biolay, bourreau des femmes

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Benjamin Biolay sort son nouvel album Vengeance, l'occasion de revenir sur ce chanteur dont on n'écoute pas assez souvent les paroles.

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Page 1: Biolay, bourreau des femmes

Biolay, bourreau des femmesQuand Benjamin Biolay sort un album, c’est l’émeute journalistique,même le New York Times s’y est mis en 2005. Le personnage intrigue,émeut, agace, mais ne laisse pas indifférent. Comparé à Gainsbourg,c’est à Bashung qu’il rend hommage lorsqu’il est récompensé aux Victoires de la musique en 2010 comme artiste-interprète masculin del’année. Quand ses disques ne se vendent pas, il fait vendre des magazines people. Cible de rumeurs, Biolay est vu comme un homme àfemmes. Ses textes sont la fumée qui a fait démarrer le feu.

« Aime mon amour ou je tedescends ». Benjamin Biolayc’est ce chanteur trompé, ro-mantique qui va jusqu’à me-nacer le nouveau copain deson ex. Celui qui part à l’au-tre bout du monde retrouversa passion et qui n’a mêmepas le droit de dormir danssa grange. C’est celui qui atrop d’amour en lui et dont lamaladresse émeut sesconquêtes. Mais si l’on re-garde davantage ses texteset moins son personnage,Benjamin Biolay c’est avanttout le dragueur moderne.Désirs d’orgie (mais haut degamme), visites aux prosti-

tuées pour satisfaire une soifde domination malsaine, dé-sacralisation de l’image de lafemme pure et parfaite, Biolayn’a pas peur d’écorner sonimage. Comme un rebelleboutonneux, on pourraitmême lui trouver des airs derappeur. Dans sa chansonDans la Merco Benz le chan-teur commence par s’adres-ser à une femme/voiture par « petite princesse » puis trèsvite on bascule vers le « petiteconnasse ». Orelsan (rappeurfrançais avec lequel il chanteen duo sur Ne regrette rien),répond à une jeune fille enboîte dans sa chanson Pour

le pire. Elle vient de lui deman-der d’arrêter de la « baratiner »,voici ce que le rappeur lui ré-pond : « ça commence parbébé, petite puce, princesse,mon ange, ça finit par « oùt’étais petite pute quand est-cequ’on mange ? » ». Oubliés lesbeaux discours romantiques, lamode est à la transparence.

Benjamin, ce bourreauUne violence qui ne pourraitêtre calmée que par une fella-tion. Dans la chanson Dans tabouche, Benjamin Biolay vou-drait nous faire accepter latraque d’une femme et lescoups qu’il lui donne par la bles-sure d’un homme trompé. Lachanson se rapproche du côtémalsain du film de Jacques Au-diard, De Rouille et d’os, danslequel le personnage principalbat son fils. Dans le film commedans la chanson, on est pousséà accepter cette violence : letraumatisme du bourreau pourjustifier le traumatisme de la vic-time. Seulement Biolay jetait déjà lesbases de ses relations dans lescours d’école, en transformantses petites copines en pute.

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Comme un adolescent qui au-rait regardé trop tôt un filmporno de mauvais goût, Ben-jamin Biolay est marqué parune vision de la femme bonnequ’à être violée. Ce désir dedégradation n’est même passous-jacent dans ses textes.Dans La Garçonnière, il de-mande à une fille de joie(avec sa bonne éducation quil’oblige à la vouvoyez) « dites moi encore je suis taputain ». S’il abandonne certaines de ses convictions(les chandails ou les barsd’hôtels), il reste fidèle à uneviolence qui est un leitmotivsur tous ses albums. « Je suisqu’un primitif » lance-t-il, maissi les femmes avaient ététoutes battues chez les homosapiens, on le saurait. Dansses premiers albums, il n’hé-site pas à parler des ecchy-moses qu’il laisse derrière lui,pour se diriger peu à peu versla menace qu’il juge probable-ment suffisante : « si d’aven-

tures tu te joues de moi,change les serrures et prendsgarde à toi » prévient-il dans Tues mon amour.

« Tu oublieras mesbaisers mais pasl’enfer » Jaloux de toutLa femme de Biolay n’a qu’uneseule fin possible : la mort,dans Laisse aboyer les chiens.Si détaché de cette femme qu’ila tant dénigré, il prend même letemps de décrire la couleur dela cuisine dans laquelle elle gît.Pourtant il avait prévenu, elleen est là seulement « puisqu’elle n’a pas suivi laconsigne ». Biolay en maître dela vie et de la mort, à la foisDieu créateur et purgatoire, ilsemble inarrêtable.

L’abstinence, une délivranceEn six albums, deux femmesont pu lui résister : Marlène et

une inconnue. Dans salettre/chanson Chère incon-nue, Biolay conserve tout demême son côté primitif, avec latraque. Il la suit, la désire, maissans la posséder. Son impuis-sance le pousse alors à unedélicatesse de style, fini lesputes et les putains. QuandMarlène déconne et ne couchepas avec lui il lui répète qu’ill’aime : « toi, mon amour, jet’aime, mais la chambre estd’un froid, mon amour, j’ensaigne. » La douleur ne lepousse pas à se retournercontre elle mais à chercher àobtenir ce qu’il veut autrement.Avec elles, plus de violence.Sans le sexe, la passion n’estplus physique, et la rupturenon plus. Comme une bête assagie, Biolay se révèle « j’aimême pas vu que j’étais nul…crétin, crâneur, cassant, crédule » trop tard, nous si.

Héléna Ghis (3C)