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T oulouse, 2008. Escrimeuse depuis ses dix ans et anesthésiste en cancéro- logie, Dominique Hornus-Dragne a une révélation en écoutant ses patientes fraîchement opérées d’un cancer du sein. « Tout en expliquant qu’elles avaient du mal à lever et utiliser le bras du côté du sein opéré, ces femmes, sous le choc, parlaient de mutilation, de leur crainte du regard des autres, de l’image de soi dévalorisée. Je me suis dit que mon sport, habillé et élégant, pouvait les aider », commente la médecin déjà bien consciente des bienfaits du sport dans les suites d’un cancer. « Selon une étude de l’Inserm, faire du sport diminue de 35 % les cas de récidive », ajoute-t-elle. « L’activité physique est plus efficace que les antidépresseurs pour lutter contre la fatigue induite par la maladie ou la chimiothérapie. » UNE ASSOCIATION ET UNE MÉTHODE Donc, le sport, oui. Mais pas n’importe lequel, et dans le cadre d’un suivi médical. Dominique Hornus-Dragne se met ainsi à prescrire l’escrime, convaincue des nom- breux bénéfices que peut apporter cette discipline qu’elle affectionne. « J’ai fait un essai avec quatre patientes », dit-t-elle. La faisabilité du projet, l’enthou- siasme des patientes, les évaluations positives sur la mobilité de leur épaule et la diminu- tion de leur fatigue l’encouragent à fonder Solution Riposte (pour Reconstruction, Image de soi, Posture, Oncologie, Santé, érapie et Escrime) en 2011. Cette formidable association permet aux femmes atteintes d’un cancer du sein de pratiquer une activité physique adaptée pen- dant leur traitement et leur rééducation, de se retrouver chaque semaine pour combattre au sabre, et redevenir actrice de leur maladie. Parrainée par une championne olympique, Laura Flessel, l’association est aussi le fruit d’un travail préparatoire avec des chirur- giens, oncologues, kinés, ainsi qu’un maître d’armes. De l’osmose entre toutes ces per- sonnes est également née une méthode. ELÉGANCE ET OUVERTURE Les bienfaits de l’escrime sur le cancer sont nombreux. A commencer par la tenue, iden- tique pour toutes et couvrant tout le corps. « Particulièrement élégante, elle ménage l’image de soi très perturbée de ces femmes qui, pour la plupart, malgré leur envie de plaire, sont gênées de reprendre d’autres sports qui ne camouflent pas les cicatrices », commente Dominique Hornus-Dragne. « L’escrime les aide à se réconcilier avec leur féminité. » Autre avantage : « Sachant que la plupart des femmes ayant subi une ablation du sein ont tendance à se tenir les épaules fermées, en position de repli, et qu’elles n’arrivent plus à effectuer certains gestes simples de la vie quotidienne, le sabre les pousse à mobiliser leur bras, à faire des grands gestes, à ouvrir le torse de façon inconsciente et à débloquer l’épaule. Ainsi, les participantes commencent par se mettre en position de garde, en un geste d’ouverture. Le maître d’armes attaque. Elles apprennent progressivement à parer toujours plus haut et plus en arrière, en levant le bras du côté du sein opéré, au point que cela de- vient un réflexe. » BIOTEMPO! 24 Solution Riposte : solutionriposte.monsite-orange. www.facebook.com/ Solutionriposte L’escrime après chirurgie d’un cancer du sein, une vidéo de Gil Decamp https://vimeo.com/66482994 RIPOSTER AU CANCER DU SEIN À COUPS DE SABRE ! Passionnée d’escrime, Dominique Hornus-Dragne a mis au point une technique de sabre pour aider les femmes touchées par le cancer du sein à se reconstruire. Un beau projet lancé à Toulouse qui a déjà essaimé à travers toute la France et qui, à coup sûr, s’implantera prochainement en Belgique. SPORT & SANTÉ PAR LUC RUIDANT Les patientes apprennent progressivement à parer toujours plus haut et plus en arrière, en levant le bras du côté du sein opéré, au point que cela devient un réflexe. 024-025-escrime.indd 24 7/11/15 02:30

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Toulouse, 2008. Escrimeuse depuis ses dix ans et anesthésiste en cancéro-logie, Dominique Hornus-Dragne

a une révélation en écoutant ses patientes fraîchement opérées d’un cancer du sein.« Tout en expliquant qu’elles avaient du mal à lever et utiliser le bras du côté du sein opéré, ces femmes, sous le choc, parlaient de mutilation, de leur crainte du regard des autres, de l’image de soi dévalorisée. Je me suis dit que mon sport, habillé et élégant, pouvait les aider », commente la médecin déjà bien consciente des bienfaits du sport dans les suites d’un cancer. « Selon une étude de l’Inserm, faire du sport diminue de 35 % les cas de récidive », ajoute-t-elle. « L’activité physique est plus efficace que les antidépresseurs pour lutter contre la fatigue induite par la maladie ou la chimiothérapie. »

UNE ASSOCIATION ET UNE MÉTHODEDonc, le sport, oui. Mais pas n’importe lequel, et dans le cadre d’un suivi médical. Dominique Hornus-Dragne se met ainsi à prescrire l’escrime, convaincue des nom-breux bénéfices que peut apporter cette discipline qu’elle affectionne.« J’ai fait un essai avec quatre patientes », dit-t-elle. La faisabilité du projet, l’enthou-siasme des patientes, les évaluations positives sur la mobilité de leur épaule et la diminu-tion de leur fatigue l’encouragent à fonder Solution Riposte (pour Reconstruction, Image de soi, Posture, Oncologie, Santé, Thérapie et Escrime) en 2011.Cette formidable association permet aux

femmes atteintes d’un cancer du sein de pratiquer une activité physique adaptée pen-dant leur traitement et leur rééducation, de se retrouver chaque semaine pour combattre au sabre, et redevenir actrice de leur maladie.Parrainée par une championne olympique, Laura Flessel, l’association est aussi le fruit d’un travail préparatoire avec des chirur-giens, oncologues, kinés, ainsi qu’un maître d’armes. De l’osmose entre toutes ces per-sonnes est également née une méthode.

ELÉGANCE ET OUVERTURELes bienfaits de l’escrime sur le cancer sont nombreux. A commencer par la tenue, iden-tique pour toutes et couvrant tout le corps. « Particulièrement élégante, elle ménage l’image de soi très perturbée de ces femmes qui, pour la plupart, malgré leur envie de plaire, sont gênées de reprendre d’autres sports qui ne camouflent pas les cicatrices », commente Dominique Hornus-Dragne. « L’escrime les aide à se réconcilier avec leur féminité. »Autre avantage : « Sachant que la plupart des femmes ayant subi une ablation du sein ont tendance à se tenir les épaules fermées, en position de repli, et qu’elles n’arrivent plus à effectuer certains gestes simples de la vie quotidienne, le sabre les pousse à mobiliser leur bras, à faire des grands gestes, à ouvrir le torse de façon inconsciente et à débloquer l’épaule. Ainsi, les participantes commencent par se mettre en position de garde, en un geste d’ouverture. Le maître d’armes attaque. Elles apprennent progressivement à parer toujours plus haut et plus en arrière, en levant le bras du côté du sein opéré, au point que cela de-vient un réflexe. »

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Solution Riposte : solutionriposte.monsite-orange.fr

www.facebook.com/ Solutionriposte

L’escrime après chirurgie d’un cancer du sein,

une vidéo de Gil Decamphttps://vimeo.com/66482994

RIPOSTER AU CANCER DU SEIN À COUPS DE SABRE !

Passionnée d’escrime, Dominique Hornus-Dragne a mis au point une technique de sabre pour aider les femmes touchées par le cancer du sein à se reconstruire. Un beau projet lancé à Toulouse qui a déjà essaimé à travers toute la France et qui, à coup sûr, s’implantera prochainement en Belgique.

SPORT & SANTÉ PAR LUC RUIDANT

Les patientes apprennent

progressivement à parer toujours

plus haut et plus en arrière, en levant le bras

du côté du sein opéré, au point

que cela devient un réflexe.

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EXUTOIRE ET LEÇON DE VIESport de combat, l’escrime est également un exutoire pour ces femmes. « C’est un excellent moyen pour libérer leur colère face à la maladie, en toute sécurité, car il n’y a jamais de duels avec d’autres pratiquantes, uniquement des oppositions avec le maître d’armes qui, lui, ne touche pas…. Le cancer du sein est un tsunami, une attaque en plein cœur et, en escrime, quand on est attaqué, on pare, on riposte et on gagne. Le duel, qui historiquement est l’emblème même de l’escrime, doit symboliquement empêcher la maladie de revenir. Il s’agit de vaincre le cancer à la pointe du sabre. »Solution Riposte participe aussi à la lutte contre l’isolement. « Prendre part à des cours permet aux femmes prises dans un engrenage médical de penser à autre chose pendant deux heures, de parler entre elles, de s’amuser, de s’entraider, de reprendre confiance en elles. La dynamique et la solidarité des groupes sont vraiment impressionnantes. Les femmes sont

conviviales, solidaires, extraordinaires et ont beaucoup d’humour. C’est une vraie leçon de courage et de vie. »

À TRAVERS TOUTE LA FRANCELa méthode a valu à son initiatrice le Prix national Femmes Version Femina 2014. Elle a connu un franc succès à Toulouse et s’est répandue à travers toute la France, avec l’aide de la Fédération française d’escrime. « De nombreux maîtres d’armes se sont passionnés pour notre action », relève Dominique Hornus-Dragne. « Après avoir reçu une formation adaptée, alliant théorie et pratique, ils ont accepté d’encadrer, bénévolement pour la plupart, ces escrimeuses particulières. Elles sont plus de 350 à s’affronter en duel dans la quarantaine de salles d’armes dont dispose notre association. »Ce n’est pas tout : Dominique Hornus-Dragne va utiliser les 10.000 € de son prix au déploiement de sa méthode dans des quartiers en difficulté, là où les femmes ne se déplaceront pas spontanément vers une salle d’armes.Autre objectif : obtenir le rembourse-

ment des leçons de sabre par la Mu-tuelle. « Nous avons prouvé la faisabilité et le bien-fondé de notre démarche. Les résultats sont éloquents chez les femmes qui ont osé. Elles sont moins fati-guées pendant la chimio et la radiothéra-pie, et parviennent à limiter médication et récidive. »

BIENTÔT EN BELGIQUE« Des cours d’escrime artistique, basés sur une chorégraphie, sont aussi proposés aux plus passionnées qui, après avoir suivi le programme, souhaitent continuer l’escrime mais n’ont guère envie d’aller dans une salle d’armes classique », indique encore Dominique Hornus-Dragne. « Elles préparent un spectacle en présence des débutantes qui sont ainsi encouragées et tirées vers le haut. »Enfin, Solution Riposte commence à faire des émules chez nous où des maîtres d’armes se sont inscrits au programme de formation. Vaincre le cancer du sein par l’escrime, c’est donc pour bientôt en Belgique, aussi et on ne peut que s’en réjouir...

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