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Yann GUILLAUD * Paris, 6 juin 2003. LE TRAVAIL FORCÉ EN FRANCE Une étude préliminaire * Consultant auprès du Programme d’action spéciale pour combattre le travail forcé, Programme focal pour la promotion de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, Bureau international du Travail, Genève (Suisse). Courriel : [email protected]

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Yann GUILLAUD* Paris, 6 juin 2003.

LE TRAVAIL FORCÉ EN FRANCE Une étude préliminaire

* Consultant auprès du Programme d’action spéciale pour combattre le travail forcé, Programme focal pour la promotion de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, Bureau international du Travail, Genève (Suisse). Courriel : [email protected]

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Sommaire

LISTE DES ABRÉVIATIONS UTILISÉES....................................................................................................... 2

AVERTISSEMENT .............................................................................................................................................. 3

SYNTHÈSE ET RECOMMANDATIONS.......................................................................................................... 4

INTRODUCTION ................................................................................................................................................. 6

I- L’EXPLOITATION À DES FINS SEXUELLES ........................................................................................... 8

1) LE STATUT JURIDIQUE DE LA PROSTITUTION ................................................................................................... 8

2) LA RÉPRESSION DU PROXÉNÉTISME ............................................................................................................... 11

II- LES CATÉGORIES LIÉES À L’EXPLOITATION À DES FINS DE TRAVAIL.................................. 17

1) LA RÉPRESSION DE L’EXPLOITATION DE LA VULNÉRABILITÉ OU DE LA DÉPENDANCE.................................... 17

2) LE TRAVAIL ILLÉGAL..................................................................................................................................... 21 a- La définition du travail illégal ................................................................................................................. 21 b- Ses caractéristiques ................................................................................................................................. 22 c- La répression du travail illégal hors étrangers en situation irrégulière ................................................. 28

3) LA QUESTION SPÉCIFIQUE DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE ....................................................... 31 a- La répression de l’emploi d’étrangers sans titre de travail..................................................................... 35 b- La répression du séjour irrégulier des étrangers .................................................................................... 40

III- LE TRAVAIL FORCÉ DANS L’ÉCONOMIE FRANÇAISE ................................................................. 49

1) OÙ CHERCHER DU TRAVAIL FORCÉ ? ............................................................................................................. 50

2) ÉBAUCHE DE L’ÉTUDE DE QUELQUES CAS ..................................................................................................... 53 a- Le travail des enfants et les faux stages................................................................................................... 53 b- L’emploi domestique, ou le travail invisible............................................................................................ 54 c- Les faux bénévoles des sectes .................................................................................................................. 57 d- Construction et transports, fausse sous-traitance et faux indépendants.................................................. 57 e- La confection, ou le droit inactivé ........................................................................................................... 59 f- L’agriculture, ou la précarité internationalisée ....................................................................................... 61

IV- L’INCRIMINATION DE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS ........................................................... 63

1) ORIGINE DE L’INCRIMINATION DE LA TRAITE ................................................................................................ 63

2) CONTENU JURIDIQUE..................................................................................................................................... 65

CONCLUSION.................................................................................................................................................... 69

RÉFÉRENCES CITÉES..................................................................................................................................... 72

ANNEXE 1 : AUTRES RÉFÉRENCES............................................................................................................. 78

ANNEXE 2 : EXTRAIT DE LA LOI N° 2003-239 DU 18 MARS 2003 POUR LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE ............................................................................................................................... 82

ANNEXE 3 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES.................................................................................. 89

Liste des abréviations utilisées

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BIT Bureau international du Travail, siège de l’OIT.

BTP Bâtiment et travaux publics.

CCEM Comité contre l’esclavage moderne.

CES Conseil économique et social.

CP Code pénal.

CT Code du travail.

DILTI Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal.

EEE Espace économique européen (les pays de l’Union européenne -UE- et les trois de l’Association européenne de libre échange -Islande, Norvège, Liechtenstein).

HCI Haut Conseil à l’intégration.

HCR Hôtels, cafés, restaurants.

INSEE Institut national de la statistique et des études économiques.

OCRIEST Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre.

OCRTEH Office central pour la répression de la traite des êtres humains.

OE Ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.

OIM Organisation internationale pour les migrations.

OIT Organisation internationale du Travail.

OMI Office des migrations internationales.

ONU Organisation des Nations Unies.

Avertissement Les infractions dont nous faisons état sont réprimées par le code pénal ou par le code du travail. Afin d’alléger le texte, seules les pe ines principales encourues par les personnes physiques sont indiquées, ce qui permet néanmoins de discuter de l’importance accordée par le législateur à la répression des agissements considérés et du risque, théorique et réel, qu’encourent les personnes en infraction. Les peines indiquées ne peuvent pas être exhaustives dans la mesure où, dans de nombreux cas, sont aussi prévues des peines complémentaires (publication du jugement, confiscation du matériel et des fonds en relation avec l’infraction, interdiction durant une période déterminée d’exercer une activité professionnelle, de participer à des marchés publics…), des peines à l’encontre des personnes morales (amende, confiscation du matériel et des fonds en relation avec l’infraction, fermeture de l’ent reprise…) et des sanctions plus lourdes en cas de récidive (doublement des peines principales et, parfois, introduction d’une peine d’emprisonnement).

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Synthèse et Recommandations Selon la définition de l’OIT, le travail forcé ex iste dès lors que “ tout travail ou service [est] exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré ”. Or, les situations typiquement associées à ce type de travail sont celles de travailleurs du Tiers-Monde, le plus souvent en zone rurale mais pas seulement, exploités en raison d’un endettement ou sous une menace armée. Malgré une ratification des conventions 29 et 105 de l’OIT relatives au travail forcé, ce concept n’est pas utilisé en France. D’où une difficulté majeure pour l’étudier, car seul le “ travail illégal ” a cours ici. Or, tout travail illégal n’est bien évidemment pas du travail forcé, bien que tout travail forcé soit illégal. Des articles du code pénal répriment, depuis 1994, l’exploitation de la vulnérabilité (225 -13 et 225-14 pour les cas simples et 225-15 pour les conditions aggravantes), ce qui se rapproche le plus de la définition du travail forcé. Mais ils restent très peu utilisés pour l’instant. Cela va peut -être changer car, depuis mars 2003, l’incrimination de la traite des êtres humains a été introduite dans le code pénal et les peines liées à l’exploitation de la vulnérabilité ont été aggravées. Enfin, la nouvelle législation prévoit pour les étrangers en situation irrégulière un statut de victime du proxénétisme et de la traite des êtres humains, leur donnant la possibilité de rester en France si la procédure judiciaire aboutit à la condamnation de la personne mise en cause. Pourtant, il s’agit d’un recul par rap port à une première loi qui envisageait en la matière une possibilité de rester en France, même dans le cas de non condamnation des personnes mises en cause. En France, deux domaines collent à l’image la plus typique du travail forcé.

• L’exploitation domestique. C’est le premier domaine où une mobilisation importante s’est faite sur le thème du travail forcé. Depuis 1998, 261 victimes (à 99 % étrangères) ont été recensées par une association qui leur apporte aide et soutien. Un cinquième des victimes étaient au service de diplomates, ce qui a poussé le gouvernement français à modifier la procédure d’octroi de permis de travail pour les inciter à respecter la législation ; mais leurs 640 employés sont très minoritaires par rapport aux 900 000 employés de maison en France. La proportion d’entre eux subissant un travail forcé n’est pas connue, en raison des difficultés, pour les inspecteurs du travail ou la police judiciaire, à enquêter auprès de particuliers.

• L’exploitation de la prostitution d’autrui. C’est le domaine le mieux connu, en raison d’une politique ancienne qui autorise la prostitution mais réprime sévèrement le proxénétisme. Il y a environ 800 personnes par an (à 70 % étrangères) recensées comme victimes dans des procédures judiciaires. En considérant les caractéristiques de la prostitution en France, il est possible d’estimer à 8 000 personnes environ le nombre de prostituées victimes de la traite et du travail forcé à des fins d’exploitation sexuelle. Mais, bien que la juridic tion en vigueur soit complète et très sévère, une application plus rigoureuse des peines pour proxénétisme semble indispensable pour lutter efficacement contre cette forme d’exploitation. Une plus grande sensibilisation des juges sur sa réalité actuelle, contrôlée par des filières aux ramifications internationales et souvent très violentes, est donc nécessaire.

Deux autres domaines se rapprochent de cette même image du travail forcé, tout en étant plus délicates à prendre en compte.

• Les conditions d’exploitation faites à des étrangers en situation irrégulière, comme dans le milieu asiatique de la confection. Si les migrants chinois sont effectivement endettés, ils le sont la plupart du temps envers leur propre famille ou des proches restés au pays, et non pas vis-à-vis de leurs employeurs. Par conséquent, il ne s’agit pas strictement d’une servitude pour dettes, puisqu’il n’y a pas imbrication des facteurs aboutissant à l’endettement. En revanche, malgré leur volonté d’immigrer – connaissant le plus souvent les conditions de vie et de travail difficiles qui les attendent –, il est possible de considérer qu’il s’agit d’un travail forcé car, une fois arrivés, ces étrangers en situation irrégulière sont contraints d’accepter ce type d’exploitation auquel les employeurs ont recours, pour bénéficier des avantages liés à la délocalisation sur place qui inactive le droit du travail. D’ailleurs, selon l’incrimination de la traite, dès qu’il y a intervention d’un passeur et qu’il y a, ensuite, exploitation de l a vulnérabilité du migrant, celui-ci est considéré comme une victime de la traite. Mais s’il est venu sans l’aide de quiconque, il n’entre plus dans la définition de la traite et se voit donc considéré comme un délinquant au regard de la réglementation sur l’entrée et le séjour des étrangers – peu importe que sa vulnérabilité, induite par sa condition d’étranger en situation irrégulière, soit pourtant exploitée. En 1998, environ 13 500 Chinois étaient

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“ sans-papiers ” et il est probable qu’un grand nombre é tait dans une dépendance extrême, tout comme les quelques 180 000 étrangers actuellement en situation irrégulière. Mais il est difficile d’en savoir plus sans enquête spécifique.

• Les travailleurs saisonniers dans l’agriculture (dit contrats OMI). Cela concerne environ 10 000 personnes. Les autorités ont conscience des abus que ces contrats peuvent engendrer en raison de la précarité des travailleurs dues à la dispersion géographique des exploitations, à l’isolement social et culturel, au différentiel de pouvoir d’achat entre la France et les pays d’origine qui pousse ces étrangers à accepter de tels emplois. Or, comme les saisonniers extra-communautaires sont privés de la possibilité de changer d’employeur et qu’ils sont dans l’impossibilité pratique de remettre en cause leurs conditions de travail et d’hébergement, sauf à perdre leur emploi, cela revient à favoriser la condition de travail forcé, d’autant que leur situation est rendue encore plus vulnérable par l’absence de certains droits accordés aux a utres contrats à durée déterminée (assurance maladie annuelle, prime de précarité, priorité à la réembauche). Sans enquête de terrain, il est cependant très difficile d’évaluer la part des saisonniers OMI en situation d’exploitation de leur vulnérabilité.

Cette interprétation du travail forcé, qui le limite aux situations les plus extrêmes, est peu adaptée à la France en dehors de ces cas précis. Pourtant, des situations moins violentes, mais qui sont des cas d’exploitation de la vulnérabilité sont à inte rroger. Or, les analyses les plus courantes les ignorent largement, comme le montre les rapports de l’Assemblée nationale ou du Conseil économique et social. En assimilant “ l’esclavage contemporain ” au travail forcé, cela a pour conséquence de ne pas met tre en relief les conditions socio-économiques qui engendrent, en France, une forme d’exploitation de la vulnérabilité issue d’une déréglementation en cours depuis une vingtaine d’années. Toute la question à ce propos est alors de savoir s’il est judicieux ou non de considérer la vulnérabilité comme une forme de contrainte assimilable au travail forcé, au sens de l’OIT. Il nous semble que si la contrainte est indéniable, l’assimilation est alors justifiée, même si elle n’est pas aussi violente que dans le c as standard. Selon une telle perspective, assimiler l’exploitation de la vulnérabilité au travail forcé permet de sortir le débat de la seule dimension “ esclavagiste ” du travail forcé, puisque la définition de l’OIT a l’ambition d’embrasser toutes les situations d’exploitation extrême. La marge d’autonomie que possède les acteurs sociaux dans le système productif est alors l’élément clé. Car, selon les sociétés, la contrainte prend des formes variables – comme toute l’histoire de l’esclavage le montre. Or, le seul trait commun aux diverses formes de contrainte est l’absence d’une Loi indépendante des maîtres. Ainsi, une forme d’exploitation devient extrême – devenant un travail forcé pour reprendre l’expression de l’OIT – lorsque le droit du travail est, dans les faits, impossible à mobiliser. Le fait que cela s’explique par un endettement, une menace armée ou une identification à l’entrepreneur et à ses contraintes (en raison de sa situation de sous -traitant par exemple) importe peu. L’évolution économiq ue récente favorise le développement du travail forcé en rendant les salariés plus vulnérables. Ainsi, une forme de salariat archaïque réapparaît. Elle est caractérisée par une situation où l’employeur contrôle le processus de production, sans avoir aucune obligation liée à la protection sociale et à la réglementation du travail, jusque-là associées au rapport salarial issu de la construction de l’État soucieux de justice sociale. Ce déliement du salariat est le résultat d’un recours systématique à “ l’exte rnalisation ” d’activités précédemment intégrées à la production, permettant de sous-traiter des tâches à faible valeur ajoutée pour faire face à l’accentuation de la concurrence et à l’application partout de la règle de gestion des flux -tendus. La logique, portée à son extrémité, transforme en auto-exploitation un lien d’exploitation pourtant bien réel. Le travail forcé n’est donc pas une conséquence d’une défaillance du marché, mais la mesure même de sa déréglementation et de la parfaite adaptation au marché de ce nouveau type de salarié : le salarié néolibéral, dépourvu de couverture sociale et parfaitement flexible en raison d’une dépendance économique totale envers un donneur d’ordre unique. Par conséquent, il ne s’agit plus seulement de prendre en c ompte les seuls étrangers en situation irrégulière – les plus vulnérables de par leur situation administrative –, mais aussi les étrangers en situation régulière et les nationaux. Plusieurs situations peuvent alors être recensées, qui ne sont pas exhaustives.

• Le travail des enfants et les faux stages. Le travail des enfants est peu présent en France, en revanche environ 450 000 jeunes par an suivent des stages en entreprise. Or, ces stages peuvent aboutir à des situations de travail forcé en raison d’ho raires abusifs, de conditions de sécurité non conformes à la réglementation, ou de l’affectation à des tâches ne correspondant pas à la définition du stage. Enfin, des entreprises peuvent recourir à de faux stagiaires, à la rémunération presque inexistante et bénéficier ainsi également des exonérations sociales et fiscales prévues pour l’accueil de stagiaires.

• Les faux bénévoles des sectes. L’intensité de l’adhésion et l’état de dépendance envers les dirigeants des sectes sont des facteurs qui favorisent le recours au faux bénévolat. Celui-ci peut

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s’expliquer par la nécessité de rembourser des dettes contractées auprès de la secte, ou pour compenser les bienfaits qu’elle leur aurait prodigués. Enfin, des formes plus extrêmes consistent à effectuer des tâches subalternes dans des conditions dégradantes pour assurer la “ rééducation ou la réhabilitation ” de ceux qui en auraient besoin. Il y aurait, en 1995, environ 160 000 adeptes de sectes, une partie d’entre eux – mais la proportion est mystérieuse – sont en situation de travail forcé, puisque s’opposer aux pratiques de la secte revient à en être exclu (sans même évoquer les risques physiques et morales encourus) et l’assujettissement implique l’absence totale d’autonomie de choix.

• Les faux indépendants dans la construction, les transports, l’agriculture… Différentes pratiques aboutissent à déclarer comme indépendants des personnes qui dépendent d’un donneur d’ordre unique qui fixe la prestation et la tarification, les contrats à effectuer et établit l es factures, le soit-disant indépendant n’apparaissant jamais en tant que tel pour le client. La subordination est donc effective. La sous-traitance en cascade, dans la construction, permet de recourir à un intermédiaire qui embauche ou utilise la main-d’œ uvre d’une autre entreprise sans que le statut d’employeur ne soit assumé par aucun entrepreneur. Dans les transports, la sous -traitance est telle que 40 % des sociétés en 1995 n’emploient aucun salarié. Déclarés indépendants, les chauffeurs sont en fait des salariés dissimulés, supportant la charge de contourner la législation du travail. Mais il n’est pas question de considérer que sont du travail forcé les deux tiers des embauches dans les entreprises industrielles et commerciales de plus de dix salariés qui, en 2001, sont des emplois temporaires, tout comme 90 % des emplois agricoles en 1998. Car la difficulté pour en connaître l’ampleur réside dans l’interprétation de la contrainte exercée sur le prétendu indépendant. Seules des études de la verbalisation du travail illégal pourront distinguer les situations où le dépendant est dans l’impossibilité pratique de recourir au droit.

Dans ce contexte, il nous semble qu’il faudrait :

• Reconnaître le statut de victime à toutes les personnes en situation d’ exploitation de la vulnérabilité, y compris donc les étrangers en situation irrégulière qui ne sont pas victimes de la traite, mais sont en situation de travail forcé de par leur situation administrative.

• Créer une base de données sur toutes les victimes de l’exploitation de la vulnérabilité et de la traite, puisqu’il est en tout cas prévu d’apporter un soutien spécifique aux victimes de la traite selon la nouvelle législation.

• Donner la possibilité de changer d’employeur aux saisonniers étrangers. • En ce qui concerne directement le BIT, il faudrait favoriser la diffusion de la prise en compte

de la problématique du travail forcé au-delà de la seule dimension de la traite, pour que la France donne la priorité à la réhabilitation des victimes de tout type de travail forcé, non seulement celles de l’exploitation à des fins sexuelles (comme c’est déjà le cas), mais aussi celles de l’exploitation du travail dans des conditions sordides.

• Ainsi, des enquêtes par les organismes en charge de la lutte contre le travail illégal (DILTI et police judiciaire) seront possibles pour mieux connaître l’ampleur du travail forcé en France, ce que la nouvelle loi devrait favoriser.

• Si le concept du travail forcé est restreint aux formes les plus typiques (assimilables à “ l’esclavage ”), les étrangers en situation irrégulière sont alors la population la plus susceptible d’être soumise à un tel travail forcé, sans pour autant représenter des effectifs importants. En revanche, si la question de la précarité des relations de travail reliée à l’absence de recours au droit est assimilé à du travail forcé, son ampleur serait alors plus significative. Mais sa connaissance dépend d’une analyse des procès-verbaux pour travail illégal et donc de la modernisation en cours du traitement de l’information à la DILTI et de la compilation des données par l’OCRIEST.

INTRODUCTION

La France a ratifié les deux conventions concernant le travail forcé de l’Organisation internationale du

Travail (OIT) – les conventions n° 29 qui le réglemente (BIT 1930) et n° 105 qui l’abolit (BIT 1957) – et

pourtant ce concept n’est pas utilisé dans ce pays. Il y est limité à certaines conditions pénitentiaires et au

recrutement obligatoire de populations colonisées, en particulier pour la construction d’infrastructure. La

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fermeture du bagne en Guyane française en 1945 et la décolonisation des années 1960 sont censées l’avoir

éliminé. Cependant, la définition du travail forcé ou obligatoire est bien plus générale, car elle fait référence à :

“ tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré ” (BIT 1930, article 2 -1).

La traite des êtres humains, pratique intimement liée au travail forcé mais qui ne se confond pas avec lui, a

officiellement disparu en 1848 avec la seconde abolition de l’esclavage. La France a ainsi ratifié tous les textes

internationaux comportant l’interdiction de ce type de traite, comme la Convention relat ive à l’esclavage (1926),

la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de la prostitution d’autrui (1949), et la

Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et

pratiques analogues à l’esclavage (1956). Il en est de même pour les textes les plus récents, comme les deux

protocoles additionnels (ONU 2000a et 2000b) à la Convention des Nations Unies contre la criminalité

transnationale organisée (dite Convention de Palerme), mais qui ne sont pas encore applicables faute d’un

nombre suffisant de ratifications. Et pourtant, jusqu’en mars 2003, la traite des êtres humains était ignorée en

tant que telle par le code pénal français.

Pour éviter toute ambiguïté sur le fait de savoir où commence la coercition et la négation de la liberté dans le

choix du travail, l’OIT précise, dans ses études, les catégories qui relèvent du travail forcé. Ses principales

formes actuelles comportent les pratiques suivantes (BIT 2001 : 2) :

i) l’ esclavage et l’enlèvement ;

ii) la participation obligatoire à des travaux publics ;

iii) le travail forcé dans l’agriculture et le recrutement forcé dans les zones rurales éloignées ;

iv) les employés de maison en situation de travail forcé ;

v) la servitude pour dettes ;

vi) le travail forcé imposé par les militaires ;

vii) le travail forcé lié à la traite des êtres humains ;

viii) les travaux pénitentiaires effectués dans certaines conditions et la rééducation par le travail.

La variété de ces pratiques – qui peuvent d’ailleurs se combiner – et la multiplicité des situations socio-

économiques montrent que cette liste n’est pas exhaustive. Loin d’être figées, les formes d’exploitation du travail

qui correspondent à un travail forcé se caractérisent par leur opportunisme.

Or, depuis la fin des années 1990, la recrudescence de l’exploitation de la prostitution, de la mendicité, du vol

et du travail illégal d’étrangers par des réseaux internationaux, met en lumière la persistance de la traite et du

travail forcé en France. La mondialisation libérale fait resurgir, dans les économies développées, des modes

d’exploitation extrême à des fins sexuelles ou de travail, qui avaient presque disparu avec la généralisation du

rapport salarial. La prise de conscience de l’importance de cette question, aussi connue sous l’appellation

“ d’esclavage moderne ”, est donc très récente. Mais elle est surtout centrée sur l’exploitation sexuelle, comme le

montre le débat lors du processus parlementaire qui vient d’introduire l’incrimination de la traite des êtres

humains dans le code pénal. Toutefois, lorsque la problématique n’est pas limitée à la seule question de

l’exploitation sexuelle, elle aborde pour l’essentiel la question des étrangers en situation irrégul ière, ces “ sans-

papiers ” exceptionnellement régularisés ou reconduits à la frontière, mais sans cesse stigmatisés, craignant en

permanence les contrôles et donc toujours “ invisibles ” et exclus de tout recours au droit. La France n’ayant

toujours pas signé la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des

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membres de leur famille (ONU 1990), montre ainsi son peu d’empressement à se soucier des droits des sans -

papiers – comme tous les pays développés dont aucun n’a encore signé ce texte (au 5 mai 2003). Or, cette

convention, qui va entrer en vigueur le 1er juillet 2003, proclame explicitement l’égalité des droits avec les

nationaux pour les migrants en situation irrégulière – que cela soit vis-à-vis des lois sur le séjour ou sur l’emploi

– en ce qui concerne la rémunération et d’autres conditions précisées de travail et d’emploi (art. 25), les soins

médicaux (art. 28) et la scolarité des enfants (art. 30).

La perception partielle, qui prévaut actuellement à propos du travail forcé, évite ainsi de mettre en relief les

conditions socio-économiques qui l’engendrent, non seulement pour les étrangers en situation irrégulière, mais

aussi pour ceux en situation régulière ou pour les nationaux. Nous passerons donc en revue la législation jusqu’à

présent appliquée et les modifications introduites par la loi de mars 2003, tout en présentant les données

statistiques disponibles pour l’exploitation à des fins sexuelles, puis à des fins de travail. Nous discuterons

ensuite comment aborder la notion de travail forcé à partir du seul concept vraiment utilisé en France : le travail

illégal. Et nous présenterons enfin la partie de la nouvelle loi qui incrimine la traite des êtres humains et devrait

faciliter, à l’avenir, la co nnaissance de la problématique du travail forcé et de la traite.

I- L’EXPLOITATION À DES FINS SEXUELLES

L’exploitation à des fins sexuelles est assez bien documentée en France. C’ est aussi le domaine, avec le

travail des enfants, où la qualification de “ travail forcé ” est le plus souvent spontanément considérée. C’est

certainement la conséquence de l’importance de la médiatisation du calvaire de certaines prostituées en

provenance d’Europe de l’Est, de l’assimilation de la traite des être humains à une “ traite des blanches ” et

d’une certaine perception sociale de la prostitution.

1) Le statut juridique de la prostitution

La fermeture des maisons closes en 1946 marque l’éloignement français de sa position longtemps

réglementariste, qui encadrait l’exercice de la prostitution, par des autorisations et des contrôles sanitaires, et qui

n’incriminait pas, en tant que tel, le fait pour autrui d’en tirer des b énéfices, mais seulement certains de ces

agissements. En ratifiant, en 1960, la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de la

prostitution d’autrui, la France devient clairement abolitionniste.

Il est important de souligner que, selon l’abolitionnisme (Sénat 2000 : 85-87), aucune distinction entre

prostitution “ libre ” et “ forcée ” n’a de sens, et par conséquent qu’aucune activité bénéficiant de la prostitution,

même “ libre ”, n’est acceptable. Et peu importe le consentement de la personne à se prostituer, puisque c’est

toujours sous une contrainte forte qu’elle soit psychologique (traumatismes et abus sexuels dans l’enfance…),

économique (financer l’achat de drogue, sortir de la pauvreté…) ou sociale (ruptures familiales…), san s compter

le cataclysme des guerres et les contraintes physiques (Ibid. : 40, 44). La violence physique extrême – qui peut

aussi viser les proches des récalcitrantes – est omniprésente envers les personnes qui sont sous l’emprise de

réseaux de proxénétisme, en particulier ceux d’Europe de l’Est. D’autres formes de contrainte sont aussi presque

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toujours présentes : la tromperie sur l’emploi proposé en France, la confiscation des papiers d’identité à l’arrivée

et l’obligation de rembourser des frais les plus divers (de voyage, de nourriture et d’hébergement, “ d’achat ” de

la personne…). Et même les personnes moins dupes n’imaginaient en aucun cas les conditions de vie qui leur

seraient imposées. Le lien qui uni prostitution et proxénétisme oscille en permanence entre contrainte et

protection, la séduction n’en étant pas exclue, au moins au départ.

La constitution d’une dette, qu’elle soit financière ou morale, est au cœur de la relation entre prostituée et son

“ protecteur ”, suggérant ainsi la légitimité de sa domination. D’ailleurs, le discours le plus commun des

prostituées est de légitimer leur activité en la présentant comme volontaire, occultant ainsi toute soumission

envers un proxénète (Ibid. : 52, 63). Introduire une distinction entre prostitution “ libre ” et “ forcée ” revient à

transférer sur la prostituée la charge de la preuve de l’existence d’une contrainte, alors qu’elle est déjà très

vulnérable. Une telle distinction revient aussi à légaliser le proxénétisme et à discuter des modalités de la traite,

plutôt que de sa finalité. Or, le protocole à la Convention de Palerme relatif à la traite des personnes, stipule

clairement que leur consentement ne fait aucune différence au regard de leur statut de victimes (ONU 2000a, art.

3-b), lorsque ce consentement a été obtenu :

“ par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avanta ges pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ” ( Ibid., art. 3-a).

Ces circonstances sont suffisamment générales, en particulier la tromperie et l’abus d’une situation de

vulnérabilité, pour que le consentement soit la plupart du temps sans effet. En tant qu’activité rémunératrice, la

prostitution relève, par conséquent, de la définition du travail forcé (ou plus précisément d’un service forcé) et

donc, d’une forme d’exploitation inacceptable. C’est ce que proclame la convention relative à la répression de la

traite et de la prostitution, en considérant que :

“ la prostitution et le mal qui l’accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine ” (ONU 1949, préambule).

L’abolitionnisme cherche à éliminer la prostitution par des mesures de prévention et de soutien apporté aux

prostitué(e)s, considéré(e)s comme des victimes. Si la prostitution en France n’est ni réglementée, ni interdite,

les actes qui la favorisent et le proxénétisme sont en revanche punissables ; mais ni les personnes qui se

prostituent, ni leurs clients ne le sont. Une exception existe : depuis 2002, lorsque la personne qui se prostitue est

mineure (moins de 18 ans), le client risque trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende dans le cas

simple (art. 225-12-1 du code pénal1, partie législative), cinq ans et 75 000 ������������� ����������������������� �!�"�#�%$&�

manière habituelle, et sept ans et 100 000 ')(#*,+�-/.1032#(�4�5�5�076�89*:(#0/.;2�4&(�<�* <"810=0�(�<>8�510/?!*@590A8&2B0�C�0ED�FG-A5H( 2 (art. 225-

12-2 du CP). La prostitution reste donc libre pour les personnes majeures.

1 Abrégé en CP, disponible sur internet à l’adresse : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/ListeCodes 2 Ce dernier cas était le seul envisagé, avant 2002, mais dans le cadre d’une atteinte sexuelle sur mineure de 15 ans sans référence spécifique à la prostitution ; les peines étant de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 'd’amende (art. 227 -25 du CP). Les condamnations prononcées en matière de recours à la prostitution de mineur

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Mais le racolage étant considéré comme un trouble à l’ordre public, la prostitution de voie publique peut, par

ce biais, être réprimée. Jusqu’en mars 2003, le racolage était une contravention de cinquième classe, ce qui

impliquait que l’amende de 1 500 euros3 soit prononcée par un juge. Le nouveau code pénal, entré en vigueur le

1er mars 1994, précise simplement que le racolage “ par tout moyen [et] publiquement ” est punissable (art.

R 625-8, partie réglementaire). Si cela est très extensible, la jurisprudence l’a toutefois limité à ce qui était, avant

1994, défini comme du racolage actif (“ par gestes, paroles, écrits ou par tous autres moyens ”), supprimant de

fait la référence au racolage passif (“ attitude sur la voie publique de nature à provoquer la débauche ”),

auparavant tous deux punissables (Sénat 2000 : 53-54). Jusqu’à présent, les peines d’amende pour racolage actif

étaient peu nombreuses (Graphique 1), même si en 1996, et surtout en 1997, le nombre de contraventions pour

racolage a augmenté.

Graphique 1 : Nombre de contraventions pour racolage actif (1990-2000)

0

250

500

750

1000

1250

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000

Source : Ministère de la Justice (1995 : 131 [pour 1990-1994] ; 2001 : 151 [1995-1998] ; 2002a : 159 [1999-2000])

Le racolage – actif et passif –, est considéré comme un délit depuis mars 2003, et il est punissable d’une

peine d’emprisonnement de deux mois et 3 750 euros d’amende (voir infra, Annexe 2, art. 50-2). Le

gouvernement justifie cette mesure par la volonté de sortir les victimes de réseaux de proxénétisme de la

prostitution. La baisse de la peine d’emprisonnement, au départ de six mois dans le projet initial (Ministère de

l’Intérieur 2002, art. 18 -I), et le rappel dans la loi que toute personne victime de l’exploitation de la prostitution

doit être protégée et doit bénéficier d’une assistance (Annexe 2, art. 42), seraient la preuve de la bonne foi

gouvernementale. Pourtant, toute prostitution n’est pas soumise au proxénétisme, alors que l’incrimination

concerne toute prostitution. Transformer en délinquants des victimes que l’on prétend aider, est une conception

de 15 ans sont inexistantes entre 1994 et 1996. Il y en a 2 en 1997, 6 en 1998, 16 en 1999 et 5 en 2000 (AN 2001 : 64).

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pour le moins abrupte de l’assistance. Il serait préférable de les protéger au titre, par exemple, de personnes en

danger. Les personnes qui se prostituent ne sont donc plus vraiment considérées comme des victimes, bien que

cette orientation soit timidement réaffirmée dans la loi (Id., art. 52).

Appliquée depuis à peine deux mois, la nouvelle loi est déjà très contestée. Les prostituées étrangères en

situation irrégulière doivent être jugées en comparution immédiate (Garcia 2003a), ce qui va à l’encontre d’une

enquête approfondie pour démanteler les réseaux, puisqu’il s’agit d’une procédure de flagrant délit. Il semblerait

que les réseaux aient pris les devants, peut-être de manière temporaire, en transférant les prostituées qu’ils

contrôlent en d’autres lieux (Mathieu M. 2003). Depuis l’entrée en vigueur de la loi, cinq réseaux ont été

démantelés et douze proxénètes déférés devant la justice (Garcia 2003b). En comparaison de la répression

effectuée en 2000-2001 (voir infra, 2), un à deux réseaux de plus sont démantelés en moyenne, mais le nombre

de proxénètes par réseau est dix fois moindre. En 2000 et 2001, il y avait en moyenne 156 arrestations

quadrimestriels en France, tandis que depuis le début de l’année 2003, il n’y a eu que 57 proxénètes arrêtés à

Paris. Or, la capitale concentre la moitié de la prostitution et 70 % de la prostitution féminine de voie publique y

est étrangère. En outre, en raison de la difficulté à définir les frontières du racolage, peu de prostituées

interpellées sont déférées devant le tribunal correctionnel : 19 (dont dix jugements pour l’instant : quatre relaxes,

quatre interdictions du territoire, deux peines d’amende avec sursis) sur les 103 arrêtées à Paris depuis l’e ntrée

en vigueur de la loi. Sur les 84 autres, toutes étrangères, seules 31 ont reçu une autorisation de séjour temporaire

(15 ont été reconduites dans leur pays d’origine, 26 sont sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière, 12

attendent une décision relative à leur demande d’asile). La loi est donc, pour l’essentiel, utilisée envers les

prostituées étrangères (au moins 85 % sont étrangères selon ces données), sans aucune garantie quant à leur

sécurité lorsqu’elles sont reconduites dans leur pays . Si cela se poursuivait, au lieu d’intensifier la lutte contre les

réseaux pratiquant la traite, le délit de racolage passif l’aurait plutôt renforcée ! Une visibilité moindre de la

prostitution étrangère aux mains de réseaux ne signifiant pas sa disparition, mais seulement une poursuite plus

discrète de ses agissements ou sous d’autres cieux.

2) La répression du proxénétisme

Les moyens juridiques pour lutter contre cette exploitation sont pourtant très complets, alors que le délit de

racolage a pour seule fin de réprimer la visibilité de la prostitution. Le proxénétisme est ainsi pris en compte sous

toutes ses formes par le code pénal (art. 225-5, 225-6 et 225-10), qui le défini comme :

“ le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit : 1° D’aider, d’assister ou de protéger la prostitution d’autrui ; 2° De tirer profit de la prostitution d’autrui, d’en partager les produits ou de recevoir des subsides d’une personne se livrant habituellement à la prostitution ; 3° D’embau cher, d’entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle se prostitue ou continue à le faire ” (art. 225 -5 du CP).

Les peines encourues pour proxénétisme, ou sa tentative, sont très lourdes (art. 225-5 à 225-11 du CP),

puisqu’elles s’échelonnent ainsi :

3 Pour faciliter la comparaison et alléger le texte, les valeurs monétaires sont données en équivalent euro (6,55957 francs français) même avant sa mise en circulation le 1er janvier 2002.

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i) sept ans d’emprisonnement, depuis novembre 2001, et 150 000 euros d’amende dans le cas simple, y

compris pour ne pas être en mesure de justifier de ses ressources tout en étant en relations habituelles

avec une personne se livrant à la prostitution ;

ii) dix ans et 750 000 euros en cas de participation à l’instauration d’un établissement de prostitution, de

tolérance de la prostitution dans un lieu ouvert au public, de mise à disposition pour l’exercice de la

prostitution d’un local non ouvert au public ou, depuis mars 2003 (Annexe 2, art. 51), d’un véhicule ;

iii) dix ans et 1 500 000 IGJAKML�N�OQP;JRL�S@TBL�U;K9O�V�NAK9L�J�OWN�X;X�T�NZY1NAK;V[J�O 4 ; iv) vingt ans et 3 millions d’euros en cas de bande organisée ;

v) la réclusion perpétuelle et 4 500 000 I!JAKML�N�OQP&J\TBJ�L�U�]�T#O à la torture ou à des actes de barbarie.

Depuis dix ans, les peines encourues pour proxénétisme deviennent plus lourdes. Avant 1994, le cas simple

n’était punissable que de trois ans d’emprisonnement (porté à cinq ans en 1994) et 75 000 ̂`_ba�cAd!eAf9_�e/g[h9i�j�k�l�e à

150 000 monZprq�s&s;t&u ; tandis qu’en cas de c irconstances aggravantes, l’amende était dix fois moins importante

qu’aujourd’hui et les deux dernières incriminations n’existaient pas.

La conséquence en est sans doute la diminution du proxénétisme dans la prostitution française (sauf dans le

sud-est du pays), bien que la baisse des condamnations en justice pour proxénétisme précède le durcissement de

la législation et qu’elles s’établissent, depuis, à environ 400 par an (Graphique 2). Il s’agit donc moins d’un effet

direct de la législation que d’un dé sintérêt du grand banditisme pour la prostitution, ce qui se traduit par une

moindre organisation en réseaux du proxénétisme (OCRTEH cité in Sénat 2000 : 103). Cependant, la part du

proxénétisme aggravé dans l’ensemble des condamnations pour proxénétisme a ugmente dans la seconde moitié

des années 1990, puisqu’elle passe de 11 % en moyenne en 1990-1995 à 19 % en 1996-2000 (14 % pour toute la

période).

Graphique 2 : Nombre de condamnations pour proxénétisme (1990-2000)

4 Il s’agit de cas où l’infraction est commise : i) envers un mineur ; ii) envers une personne particulièrement vulnérable de manière apparente ou connue ; iii) envers plusieurs personnes ; iv) envers une personne située hors du territoire national ou à son arrivée ; v) avec l’emploi de la contrainte ou de violences ; vi) par une personne en charge de la santé ou de l’ordre public ; vii) par une personne porteuse d’armes ; viii) par un ascendant légitime ; ix) par plusieurs auteurs ou complices sans qu’ils ne constituent une bande organisée ; x) par la diffusion de messages à des personnes non déterminées à l’aide d’un réseau de télécommunication.

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0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000

Proxénétisme aggravé

Proxénétisme simple

Source : Ministère de la Justice (1995 : 131 [pour 1990-1994] ;

2001 : 151 [1995-1998] ; 2002a : 159 [1999-2000])

Depuis quelques années, de profondes transformations ont lieu dans la prostitution, selon l’Office central

pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH). Ce service, créé en 1958 auprès de la direction

centrale de la police judiciaire du ministère de l’Intérieur en prévision de la ratification de 1960, a pour mission

de centraliser les renseignements en matière de proxénétisme, de coordonner les actions de répression et

d’assurer les analyses statistiques. Malgré son nom, l’OCRTEH ne s’occupe que de proxénétisme, et non des

autres formes de la traite. Selon ses analyses (OCRTEH 2002 et cité in Sénat 2000 : 102-105), entre 1995 –

développement massif de la prostitution en provenance de pays d’Europe de l’Est – et 2000 – prostitution

majoritairement étrangère en France –, le nombre de personnes qui se prostituent a augmenté de 25 à 50 %, selon

les estimations effectuées à partir des contrôles des forces de l’ordre sur la voie publique. Ces contrôles restent

fiables tant que la prostitution est visible, comme c’est actuellement le cas. Mais ils rendent moins bien compte

de l’ expansion d’autres formes de prostitution, comme par l’intermédiaire d’internet. Quoi qu’il en soit, les

extrapolations effectuées à partir des contrôles estiment qu’en 2001, il y a entre 15 000 et 18 000 personnes qui

se prostituent en France (la moitié en région parisienne) ; dont 80 % sur la voie publique, tandis que le reste –

prostitution essentiellement française – a lieu dans des bars, salons de “ massage ” et via internet. La prostitution

de voie publique concerne surtout la prostitution masculine – en hausse, mais encore très minoritaire (14 % de la

prostitution contrôlée en 1999, mais jusqu’à 30 % de la prostitution à Paris) et qui est à 80 % française – et la

prostitution féminine étrangère.

La prostitution féminine de voie publique est actuellement majoritairement étrangère (Tableau 1), et provient

principalement d’Europe de l’Est (Bulgarie, Albanie et République tchèque surtout) et d’Afrique noire (Sierra

Leone, Cameroun et Nigeria). Les pays d’origine montrent l’importance des crises économiqu es sévères et des

guerres comme facteurs expliquant l’entrée dans la prostitution. Les femmes recensées dans les procédures

judiciaires comme victimes de proxénétisme (environ 800 en 1999, indication minimale en raison de difficultés

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d’identification) sont en majorité étrangères et proviennent des pays, outre la Moldavie, qui sont les plus

fortement représentés dans la prostitution de voie publique. Toutefois, les femmes est-européennes sont sur-

représentées. Cela peut signaler deux éléments, qui ne s’exclu ent d’ailleurs pas. D’une part, elles seraient

presque toutes contrôlées par des proxénètes. Et d’autre part, les forces de l’ordre seraient plus vigilantes à leur

égard, en raison des horreurs maintenant assez connues que certaines d’entre elles subissent , en comparaison aux

conditions d’exploitation, par exemple, des Asiatiques dont la prostitution est moins visible, puisqu’elle

s’effectue surtout en appartements.

Tableau 1 : Répartition par nationalité (en %) de la prostitution féminine de voie publique ayant fait l’objet d’un contrôle des forces de l’ordre, des femmes victimes de proxénétisme et des personnes mises en cause pour proxénétisme dans les procédures judiciaires (1999 et 2001)

Prostitution féminine Proxénétisme de voie publique Femmes victimes de Accusé de

Nationalité 1999 2001 1999 2001 2001 Française 55,9 44,2 48,7 30,6 52,2 Étrangère 44,1 55,8 51,3 69,4 47,8 Europe de l’Est (23,5) (25,5) (33,7) (48,6) (21,2) Afrique noire (9,3) (20,7) (5,4) (15,0) (9,2) Maghreb (8,1) (4,6) (4,9) (1,7) (8,1) Europe de l’Ouest (2,2) (2,0) (1,7) (1,0) (2,6) Amérique du Sud et Caraïbes

(0,8) (2,0) (5,3) (0,5) (1,1*)

Asie (y compris Proche- Orient)

(0,2) (1,0) (0,3) (2,6) (5,6)

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

* Y compris les personnes mises en cause pour proxénétisme d’Amérique du Nord (0,2 %).

Source : OCRTEH (2002 : 6, 11, 15 [pour 2001] ; cité in Sénat 2000 : 38-39 [1999]) La répartition géographique de la prostitution féminine étrangère est très marquée (Tableau 2). Elle est

fortement présente dans des villes frontalières, comme Strasbourg et Nice, mais beaucoup moins à Marseille où

le proxénétisme français est encore vivace, ce qui confirme qu’elle est structurée en réseaux, contrairement à la

prostitution française.

Tableau 2 : Répartition selon les villes et par nationalité de la prostitution féminine de voie publique ayant fait l’objet d’un contrôlée des forces de l’ordre (2001)

Ville Française Étrangère Strasbourg 11 % 89 % (73 % d’Europe de l’Est)

(13 % d’Afrique noire) ( 3 % d’ailleurs)

Nice 14 % 86 % (74 % d’Europe de l’Est) ( 6 % d’Afrique noire) ( 6 % d’ailleurs)

Paris

30 % 70 % (34 % d’Afrique noire) (24 % d’Europe de l’Est) ( 9 % du Maghreb) ( 3 % d’ailleurs)

Bordeaux 35 % 65 % (41 % d’Europe de l’Est) (22 % d’Afrique noire) ( 2 % d’ailleurs)

Toulouse 47 % 53 % (25 % d’Europe de l’Est) (23 % d’Afrique noire)

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( 4 % du Maghreb) ( 1 % d’ailleurs)

Marseille 52 % 48 % (19 % du Maghreb) ( 9 % d’Afrique noire) ( 9 % d’Europe de l’Est) (11 % d’ailleurs)

Source : OCRTEH (2002 : 19)

Mais les personnes mises en cause pour proxénétisme dans les procédures judiciaires sont en majorité

françaises, ce qui souligne la difficulté à remonter les filières aux connexions internationales. C’est la raison

pour laquelle, les dispositifs existant à propos du trafic de stupéfiant et du blanchiment sont étendus au

proxénétisme par la loi de mars 2003, en ce qui concerne la confiscation de tout ou d’une partie des biens du

condamné (Annexe 2, art. 37), et pour ce qui est de la procédure de saisie-conservatoire de n’importe quels types

de biens avant la condamnation, pendant la phase judiciaire de l’instruction ( Id., art. 40). Le titre de séjour

temporaire peut être retiré à l’étranger passible de poursuites pénales pour proxénétisme ( Id., art. 75). Quoi qu’il

en soit, grâce aux téléphones mobiles et aux virements internationaux de fonds en espèces hors des circuits

bancaires (comme la Western Union), les différents maillons des réseaux exercent leurs activités criminelles à

distance, depuis des pays aux législations plus permissives, s’éloignant ainsi des actes constitutifs d’infractions.

Le contrôle direct des prostituées est laissé à de petits délinquants français qui n’occupent que des positions

subalternes. Les étrangers néanmoins mis en cause pour proxénétisme proviennent d’Europe de l’Est (Bulgarie,

Albanie et Yougoslavie surtout) et d’Afrique noire (Nigeria, Cameroun et Sierra Leone presque exclusivement),

ce qui confirme le lien étroit entre ces agissements criminels, des crises économiques sévères et des situations de

guerre. En revanche, cela signifie aussi qu’il n’y a pas de chevauchement complet entre la provenance des

prostituées et celle des réseaux de proxénètes, impliquant des ramifications multiples et complexes. Le nombre

de réseaux démantelés est d’une vingtaine par an (24 en 2000, dont 14 est -européens et 2 africains ; 18 en 2001,

dont 8 est-européens et 5 africains), mais le nombre de personnes mises en cause baisse : de 589 en 1999, à 472

en 2000 et 466 en 2001. L’OCRTEH y voit l’efficacité de ses actions de répression. Les réseaux se ré -

orienteraient vers des destinations où le proxénétisme est moins réprimé ou même légal. Mais, ce qui est à

craindre avec le nouveau délit de racolage, c’est que ces filières, parce que très adaptables, mettent en œuvre des

pratiques bien moins visibles que la prostitution de voie publique. Pour l’instant, les filières internationales de

proxénétisme, constituées de cinq à vingt personnes, ne sont pas, à proprement parler, mafieuses, car elles ne

cherchent pas à pénétrer les institutions administratives, politiques ou économiques des pays où elles opèrent, ni

à y recycler leur profit, et ne sont pas organisées de manière hiérarchiquement cloisonnée.

En raison de cette évolution du proxénétisme, la proportion d’étrangers dans les condamnations est en forte

augmentation depuis la seconde moitié des années 1990, et en particulier en 2000 (Tableau 3). Ils sont plus âgés,

puisque la tranche d’âge de 40 -60 ans prend de plus en plus d’importance, et la part des femmes est en hausse, ce

qui peut s’expliquer par une forte présence féminine dans le proxénétisme africain. Mais si le proxénétisme est

sévèrement punissable, la jurisprudence est toute autre. Bien que les condamnations à des peines

d’emprisonnement ferme soient plus longues en 2000 qu’auparavant, la répression est loin des peines

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envisageables. Les amendes infligées, si on met de côté l’année 1994 5, sont aussi en augmentation, mais restent

négligeables, au regard des bénéfices générés par le proxénétisme.

Tableau 3 : Nature des peines et caractéristiques des condamnés pour proxénétisme (1990-2000)

Moyenne 1990-1993

1994 Moyenne 1995-2000

2000

Nature des peines Emprisonnement Avec une partie ferme 57 % 51 % 53 % 56 % (Durée ferme moyenne, en mois)

(15,3) (16,8) (19,8) (23,0)

Avec un sursis total 34 % 38 % 36 % 31 % Amende 7 % 8 % 9 % 11 % (Montant moyen de l’amende ferme, en vHw

(4 768) (6 284) (5 134) (5 735)

Autres 2 % 3 % 2 % 2 %

Caractéristiques des condamnés Sexe Hommes 82 % 75 % 78 % 77 % Femmes 18 % 25 % 22 % 23 % Âge Moins de 20 ans 3 % 2 % 2 % 2 % 20 à moins de 25 ans 25 à moins de 30 ans 30 à moins de 40 ans 40 à moins de 60 ans 60 ans et plus

13 % 20 % 36 % 26 % 2 %

10 % 16 % 36 % 32 % 4 %

10 % 16 % 34 % 34 % 4 %

14 % 18 % 29 % 32 % 5 %

Nationalité Française 78 % 80 % 72 % 59 % Étrangère 18 % 17 % 24 % 35 % Non déclarée 4 % 3 % 4 % 6 %

Source : Ministère de la Justice (1995 : 133 [pour 1990-1994] ; 2001 : 153 [1995-1998] ; 2002a : 161 [1999-2000])

Bien qu’il soit difficile d’en estimer l’ ampleur, le produit global de la prostitution en France serait en effet

compris entre 2,3 et 3,1 milliards d’euros par an, sur la base de dix “ prestations sexuelles ” par personnes se

prostituant (OCRTEH cité in Sénat 2000 : 41). Ainsi, une personne qui se prostitue récolte environ 13 000 vyx1z�{mois et un proxénète, contrôlant cinq prostituées et leur laissant 10 % de leurs gains (pour se loger, se nourrir et

se vêtir), dispose donc d’un revenu net d’environ 700 000 v x1zA{WzZ| !

*

* *

5 Le nouveau code pénal étant entré en vigueur le 1er mars, le nouveau et l’ancien ont donc été appliqués en 1994, ce qui rend la prise en compte de cette année délicate. D’autant plus, qu’au cours des premiers mois d’application, il est possible que le nouveau code l’ait été plus sévèrement.

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Alors que la juridiction en vigueur est non seulement très complète, mais aussi très sévère, une application

beaucoup plus rigoureuse des peines pour proxénétisme semble donc indispensable pour lutter efficacement

contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle. Une plus grande sensibilisation des juges sur

sa réalité actuelle est nécessaire. La nouvelle législation de mars 2003 sur la traite des êtres humains facilitera

sans doute leur tâche en mettant en exergue la gravité de tels agissements. Le nouveau statut de victime – certes

encore perfectible comme nous le verrons lors de la présentation de cette législation – reconnu aux prostituées

étrangères exploitées par des réseaux de proxénétisme modifiera peut-être la donne.

II- LES CATÉGORIES LIÉES À L’EXPLOITATION À DES FINS DE TRAVAIL

La répression de ce type d’exploitation, que cela soit du travail forcé au sens de l’OIT, ou de la traite des

êtres humains selon le protocole de Palerme relatif à la traite, était possible dans la législation française avant

mars 2003, mais de manière indirecte. Historiquement, les mises en cause pouvaient se faire sur la base des

infractions relatives au travail et au séjour des étrangers, au travail illégal ensuite, et à l’exploitation de la

vulnérabilité. Mais ces infractions sont plus récentes, et surtout nettement plus défectueuses que celle sur le

proxénétisme. Pour la clarté du propos, nous présenterons d’abord celle qui s’applique le plus directement au

travail forcé. Si les agissements concernent plusieurs infractions, les peines peuvent alors se cumuler.

1) La répression de l’exploitation de la vulnérabilité ou de la dépendance

Comme le concept de travail forcé n’est toujours pas utilisé en France, il n’existe pas d’infraction spécifique

en la matière. Mais deux articles du nouveau code pénal, entré en vigueur en 1994, font référence aux conditions

qui prévalent dans le travail forcé, au sens de l’OIT, et dans la traite des êtres h umains avant que l’incrimination

spécifique de la traite ne soit adoptée en 2003. Il s’agit des infractions liées à l’absence ou l’insuffisance

manifeste de rétribution au travail (art. 225-13 du CP) et celles liées aux conditions de travail ou d’hébergeme nt

contraires à la dignité humaine (art. 225-14 du CP), punissables de deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros

d’amende dans les cas simples. Les peines sont portées à cinq ans et 150 000 }�~#���"��~���9�������3�"�����H~\~��;���Q�����!�!�"~#��~envers plusieurs personnes (art. 225-15 du CP), seules circonstances considérées comme aggravantes lors de leur

introduction dans le code pénal. La répression de l’exploitation de la vulnérabilité ou de la dépendance d’une

personne est le fondement commun à ces deux articles. Mais la rédaction initiale était ambiguë et difficile à

appliquer (AN 2001a : 53-56). En effet, si aucun profit particulier n’était retiré de la vulnérabilité ou de la

dépendance, le juge pouvait très bien considérer l’insuffisance manifeste de rétribution, ou l’exi stence de

conditions de travail ou d’hébergement indignes comme incomplètes pour caractériser l’infraction, puisque ces

situations n’étaient pas en soi des infractions ! Par ailleurs, l’absence de critères précis pour déterminer ce qui

constitue une situation abusive ou des conditions indignes, de travail ou d’hébergement, a rendu leur application

très aléatoire selon les juridictions.

Depuis 1994, ce type de condamnations sont presque inexistantes, même si elles augmentent (Graphique 3a).

Mais le faible nombre de cas empêche de tirer une conclusion fiable sur la tendance en cours. C’est la raison

pour laquelle, il est préférable d’analyser toute la période 1994 -2001 en bloc. Dans 60 % des cas, les

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condamnations sont des circonstances simples d’une part, e t sont relatives au travail de l’autre, qu’il s’agisse de

rétribution insuffisante ou de conditions de travail indignes (Graphique 3b). Cependant, parmi ces infractions

aggravées, l’hébergement indigne est proportionnellement plus sanctionné que les autres , parce qu’il est peut -

être plus facile à établir. Pourtant, hébergement et conditions de travail indignes concernent le plus souvent une

pluralité de personnes.

Même s’il est très difficile d’estimer les bénéfices tirés de telles pratiques, un donneur d ’ordre qui recourait à

un atelier clandestin dans la confection parisienne les évaluait, par exemple, à 105 000 euros par trimestre

(OCRIEST 2000 : 7). Dans ces conditions, les sanctions pénales prévues, et surtout celles prononcées à

l’encontre des auteur s de ces infractions, sont notoirement insuffisantes (Tableau 4). Ainsi, sur la période 1999-

2001, qui représente plus de la moitié des condamnations de 1994 à 2001, la peine la plus fréquente est un

emprisonnement avec un sursis total (63 % des condamnations), tandis que la prison ferme est rare (18 %) et

d’une assez courte durée (à peine 10 mois), et les amendes encore plus rares (14 %) et d’un montant très faible (à

peine 2 700 euros).

Graphiques 3 : Condamnations pour exploitation de la vulnérabilité (1994-2001)

a- Nombre de condamnations

02468

1012141618

1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

b- Répartition de l’ensembles des condamnations par types d’infractions

pour toute la période 1994-2001

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19

Rétribution inexistante simple

24%

Rétribution inexistante aggravée

4%

Travail indigne simple21%

Travail indigne aggravé

11%

Hébergement indigne simple

15%

Hébergement indigne aggravé

25%

Source : SED (2003)

(Nombre de condamnations : 80)

Tableau 4 : Nature des peines (1999-2001) et caractéristiques des condamnés (1994-2001) pour exploitation de la vulnérabilité

Nature des peines (moyenne 1999-2001)

Emprisonnement Avec une partie ferme 18 % (Durée ferme moyenne, en mois)

(9,8)

Avec un sursis total 63 % Amende 14 % (Montant moyen de l’amende ferme, en euros)

(2 668)

Autres 5 %

Caractéristiques des condamnés (moyenne 1994-2001)

Sexe Hommes 75 % Femmes 25 % Nationalité Française 75 % Étrangère 19 % Non déclarée 6 %

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20

Source : SED (2003)

Or, la raison d’être de ces deux articles est de prendre en compte les situations où les mécanismes protecteurs

du droit social ne sont pas en mesure d’intervenir. C’est la raison pour laquelle la loi de mars 2003 supprime

l’ambiguïté signalée dans la rédaction de ces deux articles (Annexe 2, art. 33 et 34). Ce n’est plus l’abus de la

situation de vulnérabilité ou de dépendance qui est une infraction, mais :

“ le fait d’obtenir d’une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, la fourniture de services non rétribués ou manifestement sans rapport avec l’importance du trav ail accompli ” (art. 225 -13 du CP) et

“ le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine ” (art. 225 -14 du CP).

La difficulté liée à la détermination de ce qui fait une situation abusive est donc également supprimée. Si

l’insuffisance manifeste de rétribution correspond au versement d’un salaire très inférieur à ce que prévoit la loi

ou la convention collective, ou à l’instauration d’un système de paiement – au rendement ou à la tâche – qui

empêche toute rémunération décente, la définition des conditions indignes est, en revanche, plus délicate (DILTI

2002b : 74-75). L’accumulation de pratiques illégales au regard de la législation du travail – comme imposer des

horaires de travail particulièrement longs et sans repos, ou de faire des remontrances permanentes et des retenues

sur salaires illégales… – permet de préciser les conditions de travail indignes. Tandis que la vétusté des locaux,

l’absence d’électricité, de chauffage, d’eau courante, de sanitaires, un nombre insuffisant de matelas… sont des

critères dont l’accumulation caractérise un hébergement contraire à la dignité humaine. Car la seule indicatio n

sur ce qui correspond à un traitement indigne est ce qui :

“ humilie l’individu grossièrement devant autrui ou le pousse à agir contre sa volonté ou sa conscience ” (Cour européenne des droits de l’homme, citée in AN 2001a : 56).

Enfin, ces infractions étaient peu punissables puisque, dans leur cas simple, la peine d’emprisonnement était

de deux ans contre sept pour le proxénétisme. Pour renforcer la lutte contre des formes de travail forcé commises

hors de réseaux, et non prises en compte par l’incrimi nation de la traite, les peines liées à l’exploitation de la

vulnérabilité sont aggravées, et les procédures de saisies des biens sont renforcées concernant les sanctions

existantes contre les personnes physiques et morales. La nouvelle loi porte ainsi les peines simples des articles

225-13 et 225-14 du CP (Annexe 2, art. 33 et 34) à cinq ans d’emprisonnement (au lieu de deux ans auparavant)

et 150 000 euros d’amende (au lieu de 75 000 �H�B�����=����G���@�������H���[�Z�1�����G���&���B�3�1�3�&����� ���B��� �"�����G�A���"�y�!�3��� ère par

l’articl e 225-15 sont élargies et s’échelonnent ainsi ( Id., art. 35) :

i) sept ans d’emprisonnement et 200 000 �� H¡��A�!�A�1 &���#�\���� �@�9¢��������������H�!�����&�£���&�M�!�������M�A�&���A���7¤1�¦¥H�#�"�Z¥&���personnes ou à l’encontre d’un mineur ;

ii) dix ans et 300 000 �G�3¡��@�b�3¡"���;�¦�b ��§¤��@¥H�����3¥���� personnes dont un ou plusieurs mineurs.

En outre, toute personne arrivant sur le territoire national, mineure ou non, est considérée d’office comme étant

dans un état d’apparente vulnérabilité ( Id., art. 36) et, pour les personnes mineures, le délai de prescription de

trois années court à partir de leur majorité (Id., art. 38). Enfin, les pouvoirs des inspecteurs du travail sont

étendus aux rémunérations inexistantes, ou manifestement insuffisantes, et aux conditions de travail ou

d’hébergement contraires à la dignité humaine (Id., art. 41), alors qu’il s’agissait auparavant d’une prérogative

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des forces de l’ordre, mais les pouvoirs d’entrée dans les domiciles, par exemple, ne sont pas modifiés. Il s’agit

donc d’une mesure leur donnant la possibilité de con stater ces infractions.

2) Le travail illégal

a- La définition du travail illégal

Jusqu’en 1997, le travail illégal était appelé “ travail clandestin ”, et il était communément assimilé à

“ l’ immigration clandestine ”. Or, cela est non seulement un abus de langage, mais aussi un contresens juridique

qui débouche sur une fausse appréciation de la réalité (Marie 1997b). Le “ travail clandestin ” peut, en effet,

prendre les formes les plus variées. L’objectif constant est de soustraire le bénéficiaire de la réglementation du

travail, par l’absence de déclaration auprès des organismes sociaux et fiscaux concernés. Il s’agit donc d’une

dissimulation d’activité ou de salarié effectuée par l’employeur. Par conséquent, cela représente une

subordination clandestine qui ne concerne pas uniquement les travailleurs étrangers, et n’est pas de la

responsabilité des salariés. Au lieu d’en être les auteurs, ils en sont les victimes par absence de couverture

sociale. Les étrangers peuvent être en situation irrégulière soit vis-à-vis de la réglementation sur le séjour, soit

par rapport à celle sur le travail. En matière de “ travail clandestin ”, il n’est donc question que d’emploi

d’étrangers sans titre de travail , puisque la réglementation sur le séjour ne concerne pas le code du travail. Ainsi,

il n’existe aucune corrélation univoque entre “ travail clandestin ” et “ immigration clandestine ”, qui ne

correspond d’ailleurs qu’à l’entrée sur le territoire sans titr e de séjour ou, plus fréquemment, d’y rester au -delà

de la validité d’un tel titre.

Le travail illégal, tel que défini par le décret de 1997 (France 1997, art. 1), recouvre :

i) le travail dissimulé, qui consiste à occulter soit une activité soit l’emplo i de salariés ou d’heures

travaillées ;

ii) le prêt illicite de main-d’œuvre, qui consiste à contourner les règles du travail temporaire ;

iii) le marchandage, qui correspond au cas d’un prêt illicite de main -d’œuvre avec des préjudices pour

les salariés prêtés ;

iv) le placement payant ;

v) les fraudes constatées lors de l’intervention d’entreprises étrangères en France, c’est -à-dire la fraude

à la prestation de service, au monopole de l’OMI ou au détachement de travailleurs étrangers ;

vi) l’ emploi direct ou indirect d’étrangers sans titre de travail ;

vii) le cumul irrégulier d’emplois ;

viii) la fraude aux revenus de remplacement (assurance chômage…).

Ces agissements délictueux sont imputables aux employeurs, à l’exception des deux dernièr es catégories qui sont

de la responsabilité des salariés. La lutte contre le travail illégal vise à sauvegarder les droits des salariés,

protéger les entreprises d’une concurrence déloyale et prémunir la collectivité des évasions fiscales et sociales.

Présent dans tous les secteurs économiques, même s’il n’est pas aussi fréquent partout, le travail illégal est

difficilement quantifiable en raison de la multiplicité des activités occultes en cause. Les fraudes qu’il génère

représenteraient 1 % du produit intérieur brut selon l’INSEE (cité in DILTI 2002b : 5), soit 15,2 milliards

d’euros en 2002. Les contrôles mis en œuvre cherchent à vérifier la régularité des conditions d’emploi des

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salariés, d’exercice de l’activité de l’entreprise et de la régularité de so n existence même. La Délégation

interministérielle à la lutte contre le travail illégal (DILTI) s’est substituée, avec des prérogatives plus larges, à la

MILUTMO en 1997. Basée au ministère du Travail, elle a pour mission d’assister les différents services de

contrôle (inspection du travail et autres administrations sociales, police et gendarmerie, fisc et douane) et de

coordonner leurs actions, d’effectuer des analyses statistiques et des études, et de promouvoir la prévention. À ce

dernier titre, la DILTI met en place des conventions de partenariats avec les organisations professionnelles pour

les sensibiliser à la lutte contre le travail illégal et les inciter à instaurer de bonnes pratiques. En 1999, dernière

année dont les données sont publiées, il y avait 11 conventions nationales et 247 départementales (DILTI 2000 :

31, 36), dont 41 % dans le bâtiment, 17 % dans la coiffure, 9 % dans l’automobile, 6 % dans l’agriculture -

foresterie et 6 % dans les hôtels-cafés-restaurants (HCR) en 1998 (DILTI 1999b : 46).

Le travail illégal a donc une acception plus large que le travail forcé, au sens de l’OIT. Toutefois, certaines de

ses pratiques, comme le marchandage, la fausse sous-traitance ou le faux travail indépendant, entrent en partie

dans la définition du travail forcé, comme nous le discuterons par la suite (voir infra, III-1). En outre, comme le

concept de travail illégal est le seul utilisé par l’Administration française, il convient donc d’en présenter les

grands traits ; tout en gardant à l’esprit que to ut travail illégal n’est pas du travail forcé, même si tout travail

forcé est illégal.

b- Ses caractéristiques

Les données en matière de travail illégal sont centralisées par la DILTI, sur la base des procès-verbaux

dressés par les différents services de contrôle. Mais, en raison de difficultés informatiques, une modernisation est

en cours et devrait aboutir en 2004, avec 2003 comme première année traitée. Les seules données actuellement

disponibles sont donc celles déjà publiées, qui portent sur la période 1992-1998. Ainsi, en 1998, les services de

contrôle ont dressé 10 100 procès-verbaux, correspondant à 17 700 infractions dans 10 700 entreprises. Ils ont

proposé aux parquets compétents la mise en cause de 13 000 personnes et ont constaté l’embauche illégale de

21 300 salariés (DILTI 2000 : 17-20). Afin d’avoir une idée de l’évolution du travail illégal, le nombre de

procès-verbaux a tout de même été compilé jusqu’en 2001 (Graphique 4). Les raisons de la baisse de la

verbalisation après 1998 n’ont pas été analysées (DILTI 2002 c : 1). Les plus plausibles portent à la fois sur une

baisse effective des infractions, sur des défaillances dans la transmission des procès-verbaux à la DILTI et sur la

sophistication accrue des infractions, entraînant soit un plus grand délai pour les qualifier, soit leur non détection

par les services.

Graphique 4 : Nombre de procès-verbaux relatifs au travail illégal (1992-2001)

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23

0

1 500

3 000

4 500

6 000

7 500

9 000

10 500

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Source : DILTI (2002c : 1)

Précisons que le nombre de procès-verbaux dressés lors des contrôles ne correspond pas au nombre

d’infractions constatées, puisque plusieurs types d’infractions peuvent être notés lors d’un même contrôle. Ce

critère n’est donc qu’une indication sur l’évolution des infractions, dont l’évolution est légèrement différente

(Graphique 5a). Si le nombre de procès-verbaux dressés reste stable en 1995-1998, le nombre d’infractions

diminue en 1997 et reste à ce niveau plus faible en 1998. Que cela soit en termes de verbalisation ou

d’infractions, l’année 1994 correspond à une forte augmentation due, en partie, à l’obligation pour les entreprises

d’établir une déclaration préalable à l’embauche depuis le 1 er septembre 1993, ce qui rend l’i nfraction d’emploi

salarié dissimulé plus visible pour les services de contrôle. Ce type d’infractions se stabilise avant de diminuer.

Le travail dissimulé est la principale infraction constatée pour travail illégal (Graphique 5d) : 71 % du total

en 1998 (65 % en 1992). Il se décompose en dissimulation de salariés pour 58 % des cas (34 % en 1992),

dissimulation d’activité pour 31 %, recours à une entreprise tiers exerçant l’une ou l’autre de ces dissimulations

pour 9 %, le reste étant une dissimulation fiscale et sociale (1 %) et une dissimulation d’identité commerciale

dans la publicité (1 %). En dehors des autres infractions (cumul d’emplois, entrave aux inspections…), qui sont

en pleine augmentation (Graphique 5b), le reste converge vers 500 infractions recensées en 1998. L’emploi

d’étrangers sans titre baisse en permanence (de 13 à 3 % de 1992 à 1998). Le prêt illicite de main-d’œuvre et le

marchandage oscille autour de 3 % des infractions et la fraude aux revenus de remplacement a d’abord augmenté

jusqu’en 1995 avant de diminuer ensuite. Mais cette dernière catégorie de travail illégal ne concerne en rien le

travail forcé, puisqu’il s’agit d’une fraude effectuée en toute liberté par les salariés.

Le travail illégal se concentre surtout dans trois secteurs (Graphique 5e) : bâtiment et travaux publics (BTP),

hôtels-cafés-restaurants (HCR) et commerce. Si l’évolution du nombre d’infractions dans le BTP est cyclique

(Graphique 5c), leur part dans l’ensemble des infractions diminue, de plus de 31 % en 1992 à 25 % en 1998. Les

HCR, en revanche, augmentent en nombre et en proportion, passant de 13 % en 1992 à 16 % du total des

infractions en 1998. Le commerce suit la même tendance jusqu’en 1996, passant d’environ 16 % en 1992 à 22 %

du total des infractions en 1996, pour redescendre ensuite à 17 % en 1998. Les infractions, en nombre et en

proportion, augmentent de manière régulière dans les transports. Les autres services suivent la même tendance

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que les HCR. Le secteur des services, qui est le secteur par ailleurs le plus créateur d’emplois, représente dans

son ensemble, en 1998, 62 % des infractions. Cela est, globalement, en conformité avec la structure économique

nationale, puisque le tertiaire représente 70,0 % de la valeur ajoutée de l’économie française en 1998 (INSEE

2003). En revanche, la proportion des infractions dans l’agriculture (environ 7 %) est nettement plus importante

que sa part dans la valeur ajoutée nationale (3,4 %), tout comme la construction (25 % des infractions contre

4,3 % de la valeur ajoutée). La part des activités industrielles (hors BTP) ne représente que 6 % des infractions,

dont la moitié pour la confection, contre 22,3 % de la valeur ajoutée.

Graphiques 5 : Infractions relatives au travail illégal (1992-1998)

a- Nombre de victimes et d’infractions du travail illégal, dont les infractions au titre du travail dissimulé

0

4 000

8 000

12 000

16 000

20 000

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998

Infractions pour travail illégal

Victimes du travail illégal*

Dont infractions pour travail dissimulé

* Le nombre de victimes du travail illégal pour 1993, 1994 et 1996 ne sont pas disponibles.

b- Nombre d’infractions par types d’infractions (hors travail dissimulé)

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25

0

500

1 000

1 500

2 000

2 500

3 000

3 500

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998

Prêt de main-d'œuvre, marchandage

Fraude aux revenus de remplacement

Emploi d'étrangers sans titre de travail

Autres infractions

c- Nombre d’infractions par secteurs d’activité

0

1 000

2 000

3 000

4 000

5 000

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998

Agriculture

BTP

Confection Autres industries

HCR

Autres services Commerce

Transports

* HCR : hôtels, cafés, restaurants. ** BTP : bâtiment et travaux publics.

d- Répartition des infractions par type d’infractions

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0%

20%

40%

60%

80%

100%

1992 1993 1994 1995 1996* 1997 1998

Travail dissimulé

Emploi d'étrangers sans titre de travail

Fraude aux revenus de remplacement

Autres infractions

Prêt illicite de main d'œuvre, marchandage

* Les données repose sur l’analyse de 62 % des procès-verbaux seulement.

e- Répartition du total des infractions par secteurs d’activité

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Agriculture

Bâtiment et travaux publics

Confection

Autres

Commerce

Hôtels, cafés, restaurants

Transports

Autres services

0%

20%

40%

60%

80%

100%

1992 1993* 1994* 1995** 1996*** 1997 1998

industries

* La répartition entre confection et autres industries est celle de 1992, la source ne les distinguant pas en 1993 et 1994. ** La part des transports est la même que dans l’ensemble des services de 1994, la source ne les distinguant pas des autres services en 1995. *** Les répartitions entre confection et autres industries, d’une part, et commerce, hôtels -cafés-restaurants et autres services, de l’autre, sont celles de 1995, la source ne les distinguant pas en 1996. En outre, la part des transports est la même que dans l’ensemble des services de 1994, la sourc e ne les distinguant pas des autres services en 1996.

Sources : DILTI (1998 : 31-33 [pour 1996] ; 1999a : 9-10, 14, 42 [1992, 1995, 1997] ; 2000 : 17-20 [1998]) et MILUTMO citée in Lebon A. (1996 : 113 [1993, 1994])

Le nombre de victimes du travail illégal augmente entre 1992 et 1995, puis se stabilise (Graphique 5a) ; sa

répartition suit la répartition des infractions pour travail illégal (Graphique 6). Ainsi, en 1997, seule année

disponible en la matière, parmi les 21 107 victimes recensées dans les procès-verbaux, 8 % des victimes sont

employées dans l’agriculture, plus de la moitié proviennent du BTP, des HCR et du commerce. Les services

représentent 63 % des victimes et un peu moins de la moitié issues de l’industrie (hors BTP), proviennent de la

confection. La part des nationaux est majoritaire et en croissance, alors que celle des étrangers sans titre de

travail ne cesse de diminuer (Graphique 7).

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(Nombre de victimes : 21 107)

Autres services24%

Agriculture8%

Bâtiment et travaux publics19%

Confection4%

Autres industries6%

Hôtels, cafés, restaurants

18%

Commerce15%

Transports6%

Graphique 6 : Répartition des victimes du travail illégal par secteurs d’activité (1997)

Source : DILTI (1999a : 42)

Graphique 7 : Répartition des victimes du travail illégal par statut administratif (1992-1997*)

51%

32%

32%29%

17%9%

60% 65%

6%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

1992 1993 1994 1995 1996 1997

Etrangers sans titre detravail

Etrangers autorisés àtravailler

Nationaux

* Le nombre de victimes du travail illégal pour 1993, 1994 et 1996 ne sont pas disponibles.

Source : DILTI (1999a : 14)

c- La répression du travail illégal hors étrangers en situation irrégulière

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La répression du séjour ou de l’emploi irrégulier d’étrangers soulève des questions particulières, c’est

pourquoi nous le traiterons de manière spécifique ensuite. Nous n’abordons ici que les infractions qui concernent

l’emploi de nationaux ou d’étrangers autorisés à travailler en France. Le travail illégal alors étudié correspond

essentiellement au travail dissimulé, au prêt de main-d’œuvre et au marchandage.

Le recours au travail dissimulé (“ travail clandestin ” avant 1997), d’activité ou de salariés, était punissable

jusqu’en mars 2003 de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende (art. L 362-3 du code du travail6).

Pour renforcer la lutte contre ce type d’activité, la nouvelle loi porte les peines à trois ans et 45 000 ̈E©�ª/«&«1¬A­9¬�®9¯art. 46). Le prêt de main-d’œuvre et le marchandage sont punissables de deux ans d’emprisonnement et 30 000 ̈

d’amende (art. L 152-3 du CT). Toute personne qui recourt sciemment (art. L 324-9 du CT), même

indirectement, à celui qui exerce un travail dissimulé, est solidairement responsable du paiement des cotisations,

taxes et impôts obligatoires, et au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues au titre de l’emploi

d’un salarié dissimulé (art. L 324-13-1 du CT). Pour preuve de sa bonne foi (art. R 324-4 du CT), un donneur

d’ordre doit demander, lors de l’établissement du contrat, à son co -contractant la preuve qu’il exerce son activité

légalement (attestation de déclarations sociales ou avis d’imposition, extrai t d’inscription professionnelle,

attestation sur l’honneur que les éventuels salariés sont employés régulièrement). Une fois ces documents

obtenus, le donneur d’ordre n’est pas tenu de les demander régulièrement. Il est donc difficile de le poursuivre et

il faut avoir recours à une discussion d’experts sur le nombre de salariés nécessaires pour effectuer la prestation

commandée. Rappelons que toutes ces sanctions ne concernent que les employeurs, l’employé étant considéré

comme une victime, puisque l’employ eur porte atteinte à ses droits sociaux en le dissimulant ou en le prêtant de

manière illicite. Par conséquent, en cas de rupture de la relation de travail, la victime d’un travail dissimulé a

droit à une indemnité forfaitaire de six mois de salaire, à moins que d’autres règles ne soient plus favorables (art.

L 324-11-1 du CT). L’entreprise qui recourt, en dehors des règles du travail temporaire, au prêt de main -d’œuvre

dans un but lucratif est responsable du paiement des salaires, des congés payés et des obligations relatives aux

assurances sociales (accident du travail, maladies professionnelles et prestations familiales) des employés lésés

lorsque leur employeur est défaillant et s’il n’est pas propriétaire d’un fonds de commerce ou artisanal (art.

L 125-2 du CT). Le prêt de main-d’œuvre se distingue de la sous -traitance, en particulier, par le fait que

l’entreprise sous -traitante conserve l’autorité directe sur la main -d’œuvre qu’elle emploie, accomplit une tâche

définie avec une obligation de résultat et reçoit en paiement de sa prestation une rémunération forfaitaire (DILTI

2002b : 49). Les sanctions relatives au travail illégal n’ont pas pour vocation de réprimer la traite ou le travail

forcé, ce qui explique que les peines encourues soient moins importantes qu’en matière de proxénétisme ou

d’exploitation aggravée de la vulnérabilité.

Le nombre de personnes condamnées pour travail dissimulé, prêt de main-d’œuvre et marchandage est, après

1994, en forte augmentation, suivant l’évolution des infractions relevées par les services de contrôles (Graphique

8). Le nombre de condamnations progresse en 1996 et 1997, après l’infléchissement du nombre d’infractions

constatées, ce qui s’explique par le délai des procédures judiciaires, de 23 mois en correctionnelle (Lebon S. et

Marie 1999 : 2). Après 1998, la baisse des condamnations suit celle du nombre de procès-verbaux pour

l’ensemble du travail illégal. Ce qui n’est pas surprenant vu que l’essentiel du travail illégal se compose de

6 Abrégé en CT, disponible sur internet : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/ListeCodes

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travail dissimulé, prêt de main-d’œuvre et marchandage. Le taux d’infractions relevées ne donnant pas lieu à des

condamnations est loin d’être négligeable, puisqu’il oscille entre un maximum de 58 % en 1994 et un minimum

de 43 % en 1997 (51 % en moyenne en 1992-1998). Ce décalage entre les infractions relevées par les services de

contrôle et les condamnations prononcées par la justice s’explique par les procédures de régularisation des

infractions, qui ne sont donc pas transmises à la justice, les décisions de classement sans suite et les relaxes

prononcées par la justice.

Graphique 8 : Nombre d’infractions et de condamnations relatives au travail dissimulé, prêt de main -d’œuvre et marchandage (1990-2001*)

0

1 500

3 000

4 500

6 000

7 500

9 000

10 500

12 000

13 500

15 000

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Condamnations

Infractions

* Les infractions ne sont disponibles que pour 1992-1998. Les condamnations, en 2001, concernent l’ensemble du travail illégal, y compris donc l’emploi d’étrangers sans titre de travail, la fraude aux revenus de remplacement et d’autres infractions.

Sources : DILTI (voir supra, Graphiques 5 [pour les infractions]) et Ministère de la Justice (1995 : 151, 161 [1990-1994] ; 2001 : 171, 181 [1995-1998] ;

2002a : 179, 189 [1999-2000] ; 2002c : 18 [2001])

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En ce qui concerne les condamnations prononcées (Tableau 5), la structure des peines est assez stable depuis

1994, la majorité d’entre elles correspondent à des amendes, dont le montant moyen est en forte augmentation en

comparaison de la période 1990-1993. La grande majorité des condamnés sont des hommes, de nationalité

française et près de la moitié ont entre 40 et 60 ans, proportion qui augmente tout au long de la décennie.

Tableau 5 : Nature des peines et caractéristiques des condamnés pour travail dissimulé, prêt de main-d’œuvre et marchandage (1990-2000)

Moyenne 1990-1993

1994 Moyenne 1995-2000

2000

Nature des peines Emprisonnement Avec une partie ferme 7 % 6 % 6 % 5 % (Durée ferme moyenne, en mois)

(4,6) (5,0) (5,0) (5,1)

Avec un sursis total 26 % 29 % 28 % 28 % Amende 63 % 59 % 59 % 59 % (Montant moyen de l’amende ferme, en °H±

(883) (1 014) (1 229) (1 388)

Autres 4 % 6 % 7 % 8 %

Caractéristiques des condamnés Sexe Hommes 88 % 87 % 86 % 86 % Femmes 12 % 13 % 14 % 14 % Âge Moins de 20 ans 1 % 1 % 1 % 1 % 20 à moins de 25 ans 25 à moins de 30 ans 30 à moins de 40 ans 40 à moins de 60 ans 60 ans et plus

8 % 13 % 35 % 40 % 3 %

8 % 13 % 33 % 42 % 3 %

6 % 11 % 32 % 46 % 4 %

5 % 9 % 31 % 49 % 5 %

Nationalité Française 71 % 69 % 73 % 71 % Étrangère 25 % 27 % 24 % 25 % Non déclarée 4 % 4 % 3 % 4 %

Source : Ministère de la Justice (1995 : 151 [pour 1990-1994] ; 2001 : 171 [1995-1998] ; 2002a : 179 [1999-2000])

3) La question spécifique des étrangers en situation irrégulière

Depuis 1932, l’entrée et le séjour des étrangers en France ne sont plus libres. En pleine crise économique, les

premières réglementations en la matière sont prises. L’Office national d’immigration (devenu Office des

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migrations internationales – OMI – par la suite) est créé en 1945 pour monopoliser le recrutement et

l’introduction de travailleurs étrangers en France 7. Mais la reconstruction du pays, puis la période de forte

croissance économique stimulent le recours à une main-d’œuvre étrangère. Non pas tant en raison d’un besoin

démographique, mais parce qu’ elle est en adéquation avec les conditions alors recherchée pour l’amélioration de

la productivité industrielle (Marie 1997a : 170-171). Les travailleurs immigrés recrutés, faiblement qualifiés et

peu revendicatifs, s’adaptent ainsi rapidement aux tâches p arcellisées, au travail en équipe et en continue. Ils sont

aussi très mobiles, en termes géographique et sectoriel. La réglementation est donc largement contournée et, au

cours des années 1960, 80 % des immigrés sont en situation irrégulière (Costa-Lascoux 1999 : 38). Cependant,

des mesures de régularisation existent jusqu’en 1973, mais leur fin annoncée en 1972 provoque les premiers

mouvements de sans-papiers (Lochak 1997 : 32). Une régularisation est effectuée au cas par cas, sur la base

d’une année de tr avail en France ou de la détention d’un contrat de travail d’au moins six mois. Elle bénéficie

alors à 40 000 personnes (Sénat 1998, 1re partie, II.A.1.a2). Le ministère du Travail estime, en 1974, à 285 000

les travailleurs en situation irrégulière, se concentrant pour moitié dans le bâtiment et 22 % dans l’agriculture et

la foresterie (Wihtol de Wenden 1999 : 65-67). Cette même année, l’immigration de travail est suspendue.

Depuis, les mesures pour en limiter l’importance se sont multipliées et l’ordonnan ce n° 45-2658, du 2 novembre

1945, relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France 8 est sans cesse modifiée (près d’une

trentaine de fois depuis son adoption). La justification en est la protection du marché du travail et la priorité, au

regard de la situation de l’emploi, accordée aux nationaux et aux étrang ers en situation régulière.

Le contrôle des flux migratoires est dès lors assez efficace. Ainsi, le solde migratoire de la France depuis une

décennie est stable, se situant aux environs de 120 000 entrées nettes par an (Héran 2002 : 13), tout comme la

proportion d’immigrés (c’est -à-dire d’étrangers et de Français par acquisition) dans la population française, de

7,4 % depuis 1975 (Aoudaï et Richard 2002 : 150-155). En revanche, la composition de la population immigrée

change, puisque l’immigration en prov enance d’Afrique noire, d’Asie et de Turquie augmente, celle du Maghreb

progresse légèrement, tandis que celle d’Europe diminue nettement (Boëldieu et Borrel 2000 : 1-2). Mais les

Maghrébins (30,1 % de la population immigrée en 1999 au lieu de 28,9 % en 1982) et les Portugais-Italiens-

Espagnols (29,4 % au lieu de 41,6 %) restent encore majoritaires (DPM 2001 : 18). Enfin, l’immigration n’est

plus une immigration strictement de travail, elle est aussi marquée par le regroupement familial et

l’augmentation de s demandes d’asile. Il faudrait ajouter à ces données officielles entre 20 000 et 30 000 entrées

irrégulières par an, selon le ministre de l’Intérieur (Sarkozy cité in Zappi 2003), soit entre 19 et 28 % des visas

de long séjour délivrés en 2000 (HCI 2001b : 96). La crispation du discours sur l’immigration a, depuis plusieurs

années, centré le débat politique sur cette immigration irrégulière, dite “ clandestine ”. D’où la création, en 1996,

de l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre

(OCRIEST). Ce service, qui s’occupe des filières d’immigrations illégales et d’emploi d’étrangers sans titre de

séjour, dépend de la direction centrale de la police aux frontières du ministère de l’Intérieur, alors qu ’auparavant

ces infractions étaient traitées par un service de police judiciaire simple.

7 À présent, l’OMI accom pagne aussi le retour des étrangers dans leur pays d’origine, conseille les candidats de toute nationalité à l’expatriation hors de France et participe à la réinsertion en France des expatriés. Il ne faut pas confondre l’OMI avec l’Organisation internation ale pour les migrations (OIM), dont le siège est à Genève. 8 Abrégée en OE, disponible sur internet : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/RechercheSimpleLegi.jsp

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Trois régularisations, présentées comme exceptionnelles, ont cependant eu lieu, dont deux assez ouvertes, en

1981 et 1997-1998, et une en 1991 ne concernant que les déboutés du droit d’asile à la suite d’une longue

procédure et qui pouvaient arguer d’une insertion en France (Sénat 1998, Id.). Cette mesure spécifique a

régularisé 14 456 personnes, sur 49 123 demandes. L’opération de 1981, prise en charge par le ministè re du

Travail sur la base d’être entré en France avant le début de l’année et d’occuper un emploi stable, a régularisé

131 000 personnes (sur 149 000 demandes), dont 95 % avaient un emploi, surtout dans le bâtiment et travaux

publics (30 %) et dans les services (36 % se décomposant en 12 % dans les hôtels-cafés-restaurants et 10 % dans

les services domestiques), le reste étant dans l’agriculture (11 %) et surtout dans la confection pour le secteur

industriel hors construction (Marie 1995 : 31-32). Ils étaient entrés en France au cours des trois années

précédentes (pour 69 % d’entre eux), y restant après l’expiration de leur visa touristique (pour 68 %), étaient des

hommes (83 %), jeunes de moins de 32 ans (80 %), célibataires (60 %) et sans enfant (64 %).

L’opération de 1997 -1998, sur la base d’une batterie de critères 9 sensés évaluer la bonne insertion dans la

société française des demandeurs, a régularisé 79 459 personnes selon le ministère de l’Intérieur. Mais une étude

de ces données, centralisées de manière peu rigoureuse, considère que la mesure a plutôt régularisé entre 87 000

et 100 000 personnes (Thierry 2000 : 597-604). Le nombre de demandeurs est également problématique : si le

ministère l’a établi à 143 948, la réévaluation le corrige à 135 000. Le taux officiel de régularisation passe ainsi

de 55 % à une fourchette comprise entre 64 et 74 %. Mais ces données ne concernent que les dossiers traités par

l’Administration, dont sont décomptés un petit nombre de demandes multiples déposées dans différents

départements. Les candidats espèrent ainsi augmenter leur chance de régularisation. Pourtant, 179 264 demandes

initiales ont été déposées (Sénat 1998, 1re partie, II.B.1.b1). Si la réévaluation corrige les imperfections de la

centralisation statistique, elle ignore, en revanche, la non prise en compte par l’Administration de demandes

invalidées du fait de l’absence du demandeur à l’entretien individuel. Cette absence peut s’expliquer par la non

réception de la convocation (changement ou fausse adresse), l’aba ndon de la demande par crainte de se rendre en

préfecture ou des conséquences d’un éventuel refus, la prise de conscience de ne pas remplir les critères, ou la

non résidence en France (des demandes auraient ainsi été déposées pour des personnes en situation irrégulière

dans un autre pays de l’espace Schengen ou n’y étant pas encore entrées). En considérant le nombre initial de

demandes, corrigé par l’existence de doublons (6,2 %, ce qui donne 168 150 demandeurs), le taux de

régularisation chute alors entre 52 et 59 %. Une enquête sur un échantillon de régularisés montre que 85 %

d’entre eux avaient déjà travaillé avant leur régularisation (Brun et Laacher 2001 : 57-59), occupant un emploi

dans le service aux particuliers (employés de maison, garde d’enfants et ménages) dans 22 % des cas, le bâtiment

22 %, la restauration 19 %, la confection 10 %, l’agriculture 6 % et le reste 21 %, surtout dans la vente sur les

marchés et les services aux entreprises. Les régularisés étaient en moyenne en France depuis six ans (Thierry

2000 : 604-607), et les demandeurs arrivés majeurs étaient des hommes (pour 61 %), jeunes de 35 ans en

9 Sous condition d’absence de menace à l’ordre public (comprise comme l’absence d’inscription au casier judiciaire), les populations concernées sont les suivantes (Sénat 1998, 1re partie, II.A.2.b1) : i) les conjoints de Français ou d’étrangers en situation régulière mariés depuis au moins un an (sauf si leur entrée a été régulière) ; ii) les conjoints de réfugiés mariés avant l’obtention du statut ou ayant une communauté de vie d’un an ; iii) les familles constituées de longue date en France ; iv) les enfants d’étrangers entrés hors regroupement familial ; v) les ascendants dépendants de leurs enfants, Français ou résidant régulièrement en France ; vi) les étrangers sans charge de famille résidant en France depuis sept ans ou ayant été en règle pendant au moins six mois (hors étudiants et demandeurs d’asile) ; vii) les étrangers gravement malades et leur famille ; viii) les étudiants qui poursuivent leurs études ; ix) les personnes courant des risques vitaux en cas de retour dans leur pays d’origine.

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moyenne et célibataires (52 %). Cette régularisation est donc moins marquée que les précédentes du sceau de

l’immigration de travail. Les femm es et les non célibataires étant plus en phase avec les critères établis (Ibid. :

610), leur taux de régularisation est nettement plus élevé (77 % pour les femmes contre 52 % pour les hommes ;

78 % pour les non célibataires contre 47 % pour les célibataires).

Ainsi, en dehors de la régularisation de 1981 qui a régularisé 88 % des demandes, ces opérations ne sont pas

générales (29 % de régularisés en 1991), et laisse, en fin de régularisation, de très nombreux “ clandestins

officiels ”, selon l’expression de la commission d’enquête sénatoriale. En 1998, ceux -ci seraient entre un

minimum de 35 000 et un maximum de 81 150, si l’on prend en compte toutes les demandes déposées. Pourtant,

elles ne représentaient que 5,2 % de la population étrangère installée en France, soit une partie infime de la

population du pays (0,3 %) ! Comme il ne s’agit que des personnes qui ont osé déposer une demande de

régularisation, il est difficile d’en déduire une estimation sur le nombre total de personnes en situation

irrégulière. Toutes les analyses s’accordent, cependant, sur le fait que, lors d’une telle opération, au moins la

moitié de ces personnes déposent une demande, si ce n’est les trois quart (Ma Mung 2002 : 185). Par conséquent,

il y aurait eu entre 224 200 et 336 300 cas en 1997 ; soit une évaluation intermédiaire entre celle d’un rapport de

l’Assemblée nationale de 1995, qui estime à au moins 200 000 les étrangers en situation irrégulière, et celle du

rapport sénatorial de 1998 qui les estime entre 350 000 et 400 000 (Sénat 1998, 1re partie, I.B.1). L’évaluation

sénatoriale semble peu réaliste, car moins de la moitié des sans-papiers aurait alors déposé une demande de

régularisation. Si les déboutés de la régularisation sont censés être reconduits à la frontière, les effectifs en cause

(entre 35 000 et 48 000 personnes) ne permettent pas de véritablement l’envisager (voir infra, b), dès lors que la

politique migratoire est un minimum soucieuse de respect de la dignité humaine. Si le flux d’entrée irrégulière

(entre 20 000 et 30 000) est le même depuis 1998, il y aurait alors, à la mi-2003, environ 180 000 étrangers en

situation irrégulière10, soit 4,2 % de la population étrangère résidant en France (en 1999) ou toujours la même

proportion de la population du pays (0,3 % en 2003). Régulariser sur la base de critères d’insertion à la société

française ne règle donc pas la situation dans son ensemble. D’autant plus que la régularisation ne correspond, à

de très rares exceptions près, qu’à l’octroi d’une carte de séjour temporaire 11 d’une validité d’un an.

Si les étrangers régularisés disposant d’un titre cour t voient leur situation rapidement s’améliorer en termes

de conditions de travail et de revenu, la crainte du non renouvellement de leur titre les maintient – par peur du

chômage – dans les secteurs d’activité qui emploient traditionnellement les irrégulie rs, ce qui ne favorise pas le

recours au droit (Brun 2003). Pourtant, la pratique administrative consiste généralement en un renouvellement du

titre de séjour. Ainsi, sur la période 1994-1996, 98 % des demandes effectuées par des ressortissants hors Espace

10 Cela repose sur des hypothèses aléatoires et très approximatives, qu’il faut affiner et compléter. Sur cette base, il y aurait entre 110 000 et 165 000 entrées irrégulières, auxquelles il faut ajouter les déboutés de la régularisation et ceux qui n’ont pas été pris en compte (entre 68 150 et 81 150 personnes), et soustraire les personnes reconduites à la frontière (environ 33 000 sur la base des données 1998-2000 et 2000 ensuite). Soit entre 145 150 et 213 150 personnes. 11 La validité de la carte de séjour temporaire ne peut excédée un an, mais elle est renouvelable (art. 11 de l’OE) et permet d’exercer une activité qui n’est pas soumise à autorisation (art. 12). Au bout de trois ans de séjour ininterrompu, l’étranger peut demander une carte de rési dent s’il souhaite s’établir durablement (art. 14). Si la durée d’une carte de séjour était inférieure à un an, un troisième renouvellement est donc nécessaire pour obtenir les trois années complètes. La carte de résident a une validité de dix ans, est renouvelable “ de plein droit ” (art.

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économique européen (EEE) sont satisfaites (Thierry 2001 : 57-58). La carte de résident étant renouvelée de

plein droit, la question du renouvellement se pose pour les cartes de séjour temporaire. Or, leur renouvellement

se fait surtout sous forme d’un ti tre lui-même temporaire. En considérant, non plus seulement les demandes

effectuées, mais tous les titres émis, on suit alors l’évolution d’une cohorte donnée. Le non renouvellement d’un

titre de séjour de courte durée correspond ainsi soit au départ du territoire, soit à l’entrée dans une situation

d’irrégularité, suite à l’absence d’une démarche pour le renouveler ou, très rarement, au refus de l’administration

– la courte durée permettant de négliger la mortalité et la naturalisation. En 1994, 60 % de titres émis sont des

titres courts ; lors de leur premier renouvellement : 61 % le sont pour un an, 27 % ne sont pas renouvelés et 12 %

deviennent des titres de dix ans. Lors du deuxième renouvellement, les titres courts du premier renouvellement le

sont à 77 % pour un an, 18 % ne sont pas renouvelés et 5 % deviennent des titres de dix ans. Enfin, lors du

troisième renouvellement, ces taux sont respectivement de 74, 14 et 12 %. Ce qui signifie qu’au bout du

troisième renouvellement : 21 % des étrangers sont encore titulaires d’une carte d’un an, 52 % d’une carte de dix

ans et 27 % n’ont pas été renouvelés. Ces proportions globales sont néanmoins très variables selon le statut

administratif des étrangers. Ainsi, 39 % des travailleurs disposent encore d’une cart e d’un an au bout du

troisième renouvellement, 21 % d’une carte de dix ans et 40 % n’ont pas été renouvelés. En revanche, 89 % des

membres de la famille d’un étranger ont une carte de dix ans dès leur admission lors du regroupement familial

(94 % au bout du troisième renouvellement, 4 % ont une carte d’un an et 2 % n’ont pas été renouvelés). Il en est

de même pour les étrangers conjoints de Français ; en revanche, la proportion de titulaires d’une carte de dix ans

pour les personnes entrées en tant qu’étudi ants n’est que de 1 % au bout du troisième renouvellement (38 % de

cartes d’un an et 61 % de non renouvellement). Si l’obtention de la carte de résident n’intervient pas dès la

délivrance du premier titre, son obtention est ensuite très longue. Par conséquent, même pour les régularisés,

l’horizon de la précarité ne s’éloigne pas définitivement.

Un étranger peut être en situation irrégulière soit au regard du droit du travail, car il a un titre de séjour en

règle, mais qui interdit de travailler (demandeurs d’asile, étudiants, retraités étrangers, visiteurs, raisons

médicales) ; soit au regard de la réglementation sur le séjour, et il est donc également en infraction par rapport au

droit au travail s’il occupe un emploi. La nuance est importante, car selon la situation, l’infraction ne relève pas

de la même catégorie. Dans le premier cas, les sanctions font appel au code du travail et ne concernent que

l’employeur, tandis que dans le second, elles sont d’ordre pénales et frappent l’étranger concerné et toute

personne qui a participé à l’établissement de l’irrégularité.

a- La répression de l’emploi d’étrangers sans titre de travail

Pour pouvoir travailler en France, un étranger non ressortissant de l’EEE ou de quelques autres pays

privilégiés12 doit, avant son arrivée, obtenir un contrat de travail auprès d’un employeur et un titre l’autorisant à

16), mais est périmée au bout de trois années consécutives hors de France (art. 18), et permet d’exercer l’activité de son choix (art. 17). 12 Pour les nationaux de certains pays (Andorre, Monaco, Centrafrique, Gabon et Togo ; Algérie à condition d’avoir un certificat de résidence ; Liban, Cambodge, Laos et Vietnam à condition de ne pas demander le statut de réfugiés), il n’est pas nécessaire d’obtenir un contrat de travail avant l’arrivée, ni d’autorisation de travail – ou

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travailler délivré par un organisme départemental qui peut le lui refuser en raison de la situation locale de

l’ emploi. L’étranger recevable doit ensuite passer par l’OMI pour entrer en France. Une possibilité,

exceptionnelle, de régularisation existe cependant si l’étranger est déjà sur le territoire.

Il existe toute une série de peines à l’encontre des employeu rs, considérés comme les seuls bénéficiaires de la

fraude. L’emploi d’un étranger sans titre de travail est punissable de trois ans d’emprisonnement et 4 500 euros

d’amende (art. L 364-3 du CT). L’amende est appliquée autant de fois qu’il y a d’étrangers c oncernés. La

tentative ou le fait de se faire remettre des fonds, quelle qu’en soit la nature, à l’occasion de l’introduction en

France d’un travailleur étranger, ou de son embauche, est puni de trois ans d’emprisonnement et 45 000 ²d’amende (art. 364 -5 du CT). La violation du monopole accordé à l’OMI pour le recrutement de travailleurs

étrangers issus d’autres pays que l’EEE est punissable de trois ans d’emprisonnement et 3 750 ³�´Hµ�¶A·!¸A¹�´&¸7º�¶A»�¼#½L 364-6 du CT).

En outre, sans préjuger des poursuites pénales, l’employeur est astreint à la contribution spéciale due à l’OMI

(art. L 341-7 du CT), pénalité administrative pour chaque étranger concerné. La base de cette contribution est de

1 000 fois le minimum garanti (soit 2 950 ³y¶A¾%¿ er juillet 2002), pouvant être soit réduite à 500 fois, soit majorée

à 2 000 fois. Pour tout contrat commercial dépassant trois mille euros (art. L 341-6-4 du CT), un donneur d’ordre

(autre qu’un particulier pour son usage familial) est tenu pour responsable de la fraude s’il ne s ’est pas fait

remettre une déclaration sur l’honneur de la part de l’employeur attestant que, s’il embauchait des étrangers,

ceux-ci ne seraient que des étrangers autorisés à travailler en France (DPM 2000, point 1.2). Cela permet de

recouvrir la contribution spéciale en cas de défaillance, réelle ou feinte, de l’employeur et, surtout, d’atteindre les

véritables bénéficiaires de l’emploi d’étrangers sans titre de travail. Son montant ne peut alors dépasser le

montant de base, mais peut être réduite à 500 fois le minimum garanti (Ibid., II.d). Pour son paiement, les

donneurs d’ordre sont solidairement responsables, au prorata de leur nombre.

Enfin, depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal en 1994, l’interdiction du territoire pour une durée

de cinq ans au plus est une peine complémentaire possible pour tout étranger coupable de l’une de ces infractions

(art. L 364-9 du CT). La conséquence en est l’annulation de l’autorisation de séjour temporaire. Quant à

l’étranger titulaire d’une carte de résident : jusqu’en 1997, si l’interdiction était supérieure à trois ans cela

revenait à la lui retirer. Depuis, l’annulation est possible du seul fait d’une condamnation pour emploi

d’étrangers sans titre de travail 13 (art. 15 ter de l’OE).

L’absence de titre de travail n’est passible que de peines administratives pour l’étranger, sauf s’il y a eu

fraude pour obtenir un titre de travail (art. L 364-2 du CT) ou usage de faux documents (art. 441-1 à 441-3, 441-

6, 441-7, 441-9 et 441-11 du CP). Les employés sans titre de travail ayant les mêmes droits que ceux

régulièrement engagés en termes de réglementation du travail (niveau de salaire, ancienneté…), ils ont droit, en

cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire d’un mois de salaire, à moins qu’il n’y ait une

alors elle est automatiquement délivrée – et la situation de l’emploi ne leur est pas opposable ; même si, selon les cas, un visa peut leur être demandés pour entrer en France (DILTI 2002b : 146-147). 13 Pour les deux autres infractions, remise de fonds lors de l’entrée d’un travailleur étranger et violation du monopole de l’OMI, la situation est celle qui prévalait avant 1997 pour l’emploi d’étrangers sans titre de travail.

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solution plus favorable (art. L 341-6-1 du CT). Un syndicat peut exercer ce recours en justice sans en avoir le

mandat de la part de l’employé, à condition qu’il ne s’y oppose pas (art. L 341-6-2 du CT).

Contrairement aux idées reçues, les employeurs ont de moins en moins recours à des étrangers sans titre de

travail (Graphique 9). Depuis dix ans, ce type d’emploi est, en effet, en baisse dans les condamnations pénales et

les infractions relevées lors des contrôles pour travail illégal. Il n’y a donc pas un manque d’action en justice,

même si un certain nombre d’infractions ne donnent pas lieu à des poursuites pénales, comme le montre le

niveau plus élevé des contributions spéciales notifiées par l’OMI par rapport aux condamnations.

Graphique 9 : Nombre d’infractions et de condamnations pour emploi d’étrangers sans titre de travail et nombre de contributions spéciales notifiées par l’OMI (1990-2001)

0

400

800

1 200

1 600

2 000

2 400

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Contributions spéciales OMI***

Condamnations EST**

InfractionsEST*

* Les infractions pour emploi d’étrangers sans titre de travail (EST) relevées dans les procès -verbaux relatifs au travail illégal ne sont disponibles que pour la période 1992-1998. ** Les condamnations pénales pour emploi d’étrangers sans titre de travail ( EST) ne sont pas encore disponibles pour 2001. *** Le nombre de contributions spéciales m’est inconnu pour 1990 et n’est pas disponible pour 1999.

Sources : DILTI (voir supra, Graphiques 5 [pour les infractions EST]), Ministère de la Justice (1995 : 161 [1990-1994] ; 2001 : 181 [1995-1998] ; 2002a : 189 [1999-2000]) et

OMI (voir infra, Tableau 7 [contributions spéciales])

Les données à propos de ces condamnations sont très parcellaires (Tableau 6). Il s’agit surtout, en 1997, de

peine d’amende. Une im portante transformation est cependant intervenue entre 1990 et 1997. En 1990, sur les

1 137 personnes condamnées pour emploi d’étrangers sans titre de travail, 56 % sont elles mêmes étrangères,

dont près de 40 % proviennent du Maghreb. Mais, en 1997, les Français sont majoritaires parmi les 348

condamnés pour cette infraction. Leur proportion est cependant plus faible que dans l’ensemble des

condamnations pour travail illégal, où les nationaux représentent 72 % des condamnés en 1997 (Lebon S. et

Marie 1999 : 3). Si les étrangers font désormais moins appel à l’emploi d’étrangers sans titre de travail, ils y

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recourent encore proportionnellement plus qu’à d’autres formes de travail illégal. Désormais, les Maghrébins ne

sont pas les plus fréquemment condamnés : ils viennent après les Asiatiques et les Turcs qui sont,

respectivement, près du tiers et 17 % des étrangers condamnés pour avoir employé des étrangers sans titre de

travail.

Tableau 6 : Nature des peines et nationalité des condamnés pour emploi d’un ét ranger sans titre de travail (1990 et 1997)

1990 1997 Nature des peines

Emprisonnement Avec une partie ferme ? 7 % (Durée ferme moyenne, en mois)

(?) (?)

Avec un sursis total ? 37 % Amende ? 49 % (Montant moyen de l’ amende ferme, en ÀHÁ

(?) (?)

Autres ? 7 %

Nationalité des condamnés Française 44 % 54 % Étrangère 52 % 41 % Union européenne (9 %) (6 %) Europe hors UE (1 %) (1 %) Turquie (7 %) (8 %) Maghreb (22 %) (7 %) Afrique hors Maghreb (2 %) (3 %) Asie hors Turquie (9 %) (15 %) Amérique (2 %) (1 %) Non déclarée 4 % 5 %

? Statistiques qui me sont inconnues.

Source : Lebon S. et Marie (1999 : 3, 4)

La baisse des condamnations et des contributions spéciales confirme la chute du recours aux étrangers sans

titre de travail par les employeurs, leur préférant l’emploi dissimulé de nationaux ou d’étrangers autorisés à

travailler. Mais la répartition de ce type de contributions montre que ce recours est très concentré sur certains

secteurs (Tableau 7) : hôtels-cafés-restaurants (en hausse), bâtiment et travaux publics (en baisse), et agriculture-

foresterie. La répartition par nationalité varie selon la conjoncture internationale : la forte présence de

Maghrébins, au début de la décennie, diminue ensuite pour être remplacée, en particulier, par des Polonais et des

Chinois.

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Tableau 7 : Nombre et répartition des contributions spéciales dues à l’OMI par nationalité et secteurs d’activi té des employés concernés (1991-2002)

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 2000 2001 2002 Total des contributions spéciales dues à l’OMI

1 220

2 498

2 523

1 206

612

1090

682

437

806

1187

1164

Nombre (et %) par nationalité Tunisie 257 (21,1) 466 (18,7) 401 (15,9) 100 (8,3) 44 (7,2) 91 (8,3) 39 (5,7) 31 (7,2) Nd 47 (4,0) Nd Maroc 248 (20,3) 488 (19,5) 376 (14,9) 133 (11,0) 64 (10,4) 93 (8,4) 63 (9,3) 37 (8,6) Nd 53 (4,5) Nd Portugal* 190 (15,6) 146 (5,8) – – – – – – – – – Algérie 105 (8,6) 232 (9,3) 193 (7,7) 95 (7,9) 55 (9,0) 73 (6,6) 37 (5,4) 31 (7,2) Nd 62 (5,2) Nd Chine 88 (7,2) 118 (4,7) 200 (7,9) 122 (10,1) 79 (12,9) 127 (11,5) 96 (14,1) 36 (8,4) Nd 109 (9,2) Nd Turquie 51 (4,2) 249 (10,0) 209 (8,3) 93 (7,7) 39 (6,4) 56 (5,1) 36 (5,3) 34 (7,9) Nd 77 (6,5) Nd Pologne 7 (0,6) 42 (1,7) 251 (9,9) 256 (21,2) 52 (8,5) 74 (6,7) 71 (10,4) 39 (9,1) Nd 227 (19,2) Nd République tchèque ? ? ? ? ? 112 (10,1) 4 (0,6) 2 (0,4) Nd 8 (0,7) Nd Haïti ? ? ? ? ? 37 (3,4) 9 (1,3) 18 (4,2) Nd 2 (0,2) Nd Égypte ? ? ? ? ? 35 (3,2) 32 (4,7) 6 (1,4) Nd 32 (2,7) Nd Pakistan ? ? ? ? ? 20 (1,8) 16 (2,4) 11 (2,6) Nd 24 (2,0) Nd Russie ? ? ? ? ? 20 (1,8) 2 (0,3) 2 (0,4) Nd 47 (4,0) Nd Sénégal ? ? ? ? ? 18 (1,6) 35 (5,2) 11 (2,6) Nd 19 (1,6) Nd Roumanie ? ? ? ? ? 12 (1,1) 10 (1,5) 11 (2,6) Nd 41 (3,5) Nd Autres** 274 (22,4) 757 (30,3) 893 (35,4) 407 (33,8) 279 (45,6) 335 (30,4) 230 (33,8) 161 (37,4) Nd 434 (36,7) Nd

Nombre (et %) par secteurs d’activité*** Bâtiment et travaux publics 552 (45,2) 979 (39,2) 715 (28,3) 261 (21,6) 104 (17,0) 180 (16,6) 107 (15,7) 78 (17,8) Nd Nd Nd Agriculture et foresterie 152 (12,5) 252 (10,1) 365 (14,5) 241 (20,0) 76 (12,4) 92 (8,4) 38 (5,6) 55 (12,6) Nd Nd Nd Textile et habillement 141 (11,6) 232 (9,3) 351 (13,9) 183 (15,2) 82 (13,4) 83 (7,6) 61 (8,9) 30 (6,9) Nd Nd Nd Commerce 139 (11,4) 356 (14,2) 375 (14,9) 124 (10,3) 101 (16,5) 177 (16,2) 115 (16,9) 36 (8,2) Nd Nd Nd Hôtels, cafés et restaurants 111 (9,1) 426 (17,1) 399 (15,8) 207 (17,2) 131 (21,4) 233 (21,4) 154 (22,6) 121 (27,7) Nd Nd Nd Services aux entreprises et services domestiques

?

?

?

?

?

84 (7,7)

105 (15,4)

54 (12,4)

Nd

Nd

Nd

Autres 125 (10,2) 253 (10,1) 318 (12,6) 190 (15,7) 118 (19,3) 241 (22,1) 102 (14,9) 63 (14,4) Nd Nd Nd

* Ne figure plus dans les statistiques à la suite de la libre circulation intra-communautaire. ** À partir de 1996, sans compter les nationalités non déclarées qui s’élèvent à : 4 en 1996, 3 en 1997, 4 en 1998 et 5 en 2000. *** À partir de 1996, le total des contributions notifiées par l’OMI par nationalité et par secteur est différent. Le total par nationalité (y compris les nationalités non déclarées) est de : 1107 en 1996, 683 en 1997 et 434 en 1998. ? Statistiques qui me sont inconnues. Nd : Statistiques non disponibles.

Sources : OMI citée in Lebon A. (1996 : 111-112 [jusqu’en 1995]) et OMI (2003b [à partir de 1996])

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b- La répression du séjour irrégulier des étrangers

L’ aide à l’entrée ou au séjour irrégulier d’un étranger en France (ou sa tentative) est punissable de cinq ans

d’emprisonnement, 30 000 euros d’amende et une interdiction de séjour pour les é trangers de trois ans au plus

dans le cas simple (art. 21 de l’OE). Lorsque l’infraction est commise en bande organisée (seule circonstance

aggravante actuellement considérée), les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 750 000 Â:ÃL’interdiction du territoire peut atteindre dix ans et, en cas de condamnation, tout produit directement ou

indirectement lié à l’infraction peut aussi être confisqué.

Les peines existantes sont nettement plus lourdes que celles relatives à l’emploi d’étrangers sans t itre de

travail. Il s’agit ici de poursuivre les passeurs, transporteurs et tout autre intermédiaire, ainsi que les employeurs

et les personnes qui hébergent, en toute connaissance de cause, un étranger sans titre de séjour. Mais la famille

de l’étranger e n situation irrégulière (à savoir son conjoint ou vivant en situation maritale, ses ascendants,

descendants, frères, sœurs, et leurs conjoints) ne peut pas être poursuivie pour lui avoir apporté son concours.

Cette ordonnance était très utilisée par les juges pour réprimer le travail forcé, au sens de l’OIT, jusqu’à

l’introduction en 1994 des deux articles sur l’exploitation de la vulnérabilité. Leur avantage, par rapport à

l’ordonnance, est de ne pas se limiter aux seuls étrangers, même s’ils sont très att eints par ce type d’exploitation.

Les juges s’appuient aussi sur l’ordonnance en question pour poursuivre les cas qui relèvent de la traite des êtres

humains, selon la définition du protocole de Palerme, en tout cas jusqu’à l’incrimination récente de la tr aite dans

le droit pénal.

Or, un projet de loi en cours de discussion vise à modifier l’ordonnance en complétant l’infraction aggravée

par les circonstances où la vie des étrangers dépourvus de titre de séjour est mise en danger, ou lorsque leurs

conditions de vie, de transport, de travail ou d’hébergement sont incompatibles avec la dignité humaine

(Ministère de l’Intérieur 2003, art. 17). En cas de condamnation pour circonstance aggravante, la confiscation de

tout ou d’une partie des biens, quelle qu’en s oit la nature, pourrait être décidée. De telles modifications sont dans

la logique du protocole de Palerme, mais elles viennent d’être prises en compte par l’incrimination de la traite

(voir infra, IV-2). Ce qui rend cette partie du projet de loi inutile, sauf en ce qui concerne l’interdiction définitive

du territoire pour les étrangers qui, pour l’instant, ne peut excéder dix ans pour cette infraction.

Contrairement à l’irrégularité par rapport au droit du travail, l’irrégularité au regard de l’entrée ou du séjour

peut entraîner pour l’étranger concerné une condamnation pénale et la reconduite à la frontière. Le séjour

irrégulier est, en effet, punissable d’un an d’emprisonnement, 3 750 ÄÆÅbÇ�ÈAÉ!ÊAË9Å�ÊÌÊ3Í Í"Î�Ï&Ð"Ñ)È3ËHÑ�ÅHÇ�ÐË;Í�ÊAÎBÅ&ÐÒZÍ[Ð@Ï;Ëd’entrée sur le territoire (ar t. 19 de l’OE). Une peine de six mois à trois ans d’emprisonnement est prévue pour

l’étranger qui se soustrait à une mesure d’éloignement du territoire, ou tente de le faire, ou revient sans

autorisation alors qu’il était sous le coup d’une interdiction du territoire, laquelle peut alors être portée à dix ans

(art. 27). Mais des mesures administratives plus rapides peuvent se limiter à l’éloignement de l’étranger en

situation irrégulière.

Il existe trois possibilités pour éloigner un étranger présent sur le territoire : la reconduite à la frontière14,

l’expulsion et l’interdiction du territoire. Les deux premières sont de nat ure administrative et concernent, pour la

14 Un cas dérogatoire de reconduite à la frontière concerne les étrangers en provenance directe de pays avec lesquels la France a signé des conventions internationales de renvoi, ou qui ont été admis à entrer, ou à séjourner

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première, explicitement l’étranger en infraction au regard de l’entrée et du séjour (art. 22, 22 bis et 26 bis à 28

bis de l’OE) et, pour la deuxième, l’étranger dont la présence est “ une menace grave pour l’ordre public ” (art.

23 à 28 bis), peu importe qu’il soit en situation régulière ou non. L’interdiction du territoire est, en revanche, de

nature judiciaire et complète, pour un étranger, les peines encourues pour certaines infractions qui la prévoit (art.

131-30 du CP).

Les deux volets, condamnations pénales et décisions administratives d’éloignement, doivent donc être prises

en compte pour avoir une description globale de la répression du séjour irrégulier des étrangers en France.

Depuis dix ans, les condamnations pénales relatives au séjour irrégulier des étrangers sont, comme pour

l’emploi d’étrangers sans titre de travail, en baisse (Graphique 10). Les peines d’emprisonnement diminuent

aussi (Tableau 8), mais elles concernent encore près des deux tiers des condamnations, sauf en 2000 où la chute

est plus marquée. En revanche, la durée de la peine augmente fortement, tout comme le montant des amendes

infligées et la part d’interdiction du territoire comme peine principale. La très forte proportion d’hommes , parmi

les condamnés, montre que cette inculpation vise moins les femmes, afin de leur laisser la charge d’enfants

éventuels qui, mineurs, ne peuvent faire l’objet d’une mesure d’éloignement.

Graphique 10 : Nombre de condamnations pour aide à l’entrée ou séjour irrégulier d’un étranger (1990-2001)

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

12 000

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Source : Ministère de la Justice (1995 : 161 [pour 1990-1994] ; 2001 : 181 [1995-1998] ;

2002a : 189 [1999-2000] ; 2002c : 18 [2001])

Quoi qu’il en soit, les condamnations répertoriées pour séjour irrégulier d’étrangers concernent à la fois les

personnes qui effectuent un trafic de migrants, les étrangers qui en font l’objet et ceux qui sont en situation

irrégulière, mais sans aide de quiconque. Or, ces peines sont faibles si elles punissent des personnes pour traite

d’êtres humains, mais ne sont pas négligeables s’il s’agit de punir des étrangers en simple irrégularité au regard

dans ces pays. Le retour contraint, dit de “ réadmission ”, est alors exécutable d’office sans recours au juge (art. 33 de l’OE). Cette procédure s’applique surtout aux entrées illégales en France, plutôt qu’au séjour. C’est la

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de la réglementation sur le séjour. Bien que les statistiques ne permettent pas de faire la distinction, les

caractéristiques des condamnations indiquent plutôt que les peines concernent surtout l’infraction au regard du

séjour, plutôt que l’aide à l’entrée ou au séjour irrégulier que l’on peut assimiler (en deh ors des cas de solidarités

familiales ou amicales) au trafic de migrants ou à la traite d’êtres humains. Car, si la proportion des condamnés

en provenance du Maghreb diminue, alors que celle en provenance du reste de l’Afrique et de l’Asie augmente,

suivant en cela les flux migratoires récemment constatés, les condamnations concernant l’Europe hors Union

européenne (UE) restent assez faibles, alors que des pratiques de traite sont recensées en provenance de cette

région. Enfin, la faible part de condamnés dans la tranche d’âge des 40 -60 ans, en comparaison de leur

proportion parmi les condamnés pour proxénétisme (voir supra, Tableau 3), semble confirmer qu’il y a peu de

trafiquants parmi les condamnés pour entrée ou séjour irrégulier d’étrangers. Cette appré ciation mérite cependant

d’être plus étudiée.

Tableau 8 : Nature des peines et caractéristiques des condamnés pour aide à l’entrée ou séjour irrégulier d’un étranger (1990-2000)

Moyenne 1990-1993

1994 Moyenne 1995-2000

2000

Nature des peines Emprisonnement Avec une partie ferme 67 % 64 % 64 % 57 % (Durée ferme moyenne, en mois)

(4,0) (4,5) (5,7) (5,8)

Avec un sursis total 15 % 13 % 16 % 18 % Amende 3 % 2 % 2 % 3 % (Montant moyen de l’amende ferme, en ÓHÔ

(585) (674) (890) (859)

Interdiction du territoire 13 % 20 % 16 % 18 % Autres 2 % 1 % 2 % 4 %

Caractéristiques des condamnés Sexe Hommes 95 % 96 % 94 % 92 % Femmes 5 % 4 % 6 % 8 % Âge Moins de 20 ans 7 % 7 % 5 % 5 % 20 à moins de 25 ans 25 à moins de 30 ans 30 à moins de 40 ans 40 à moins de 60 ans 60 ans et plus

29 % 31 % 26 % 7 % 0 %

27 % 32 % 27 % 6 % 1 %

20 % 28 % 36 % 10 % 1 %

21 % 25 % 36 % 12 % 1 %

Nationalité Française 3 % 3 % 3 % 4 % Étrangère 95 % 94 % 92 % 89 % Union européenne (1 %) (1 %) (3 %) (5 %) Europe hors UE (3 %) (4 %) (7 %) (10 %) Turquie (3 %) (2 %) (2 %) (3 %) Maghreb (53 %) (56 %) (39 %) (28 %) Afrique hors Maghreb (25 %) (23 %) (29 %) (27 %) Asie hors Turquie (6 %) (6 %) (10 %) (13 %) Amérique (4 %) (2 %) (2 %) (3 %) Non déclarée 2 % 3 % 5 % 7 %

Source : Ministère de la Justice (1995 : 133 [pour 1990-1994] ;

raison pour laquelle, les personnes en infraction sont moins susceptibles que les autres irréguliers d’être en situation de travail forcé ou victime de la traite.

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2001 : 153 [1995-1998] ; 2002a : 161 [1999-2000])

L’incrimination spécifique de la traite d’êtres humains, depuis mars 2003, permettra de mieux distinguer les

différentes situations. Elle devrait, en effet, permettre de séparer sans ambiguïté les condamnations pour entrée

ou séjour irrégulier des étrangers et pour traite d’êtres humains, à condition que les juges recourent à cette

nouvelle disposition et non plus à l’ordonnance de 1945 pour réprimer l’aide à l’entrée d’un étranger sans titre de

séjour, dont l’article 21 réprime les situations qui correspondent au trafic de migrants. Mais la confusion

continuera si ces condamnations ne sont pas séparées de celles au titre de l’article 19, qui frappe les étrangers en

situation irrégulière.

La France ayant ratifié le protocole de Palerme relatif au trafic de migrants sans émettre aucune réserve, elle

aurait dû supprimer la peine d’emprisonnement prévue par l’article 19, en tous cas pour les migrants faisant

l’objet d’un tel trafic. Car, lorsque l’entrée ou le séjou r d’un étranger en situation irrégulière sont assurés contre

n’importe quel type d’avantage matériel, le protocole stipule que les migrants ayant fait l’objet de ce trafic ne

peuvent être poursuivis pénalement (ONU 2000b, art. 5), même si des mesures sont possibles pour sanctionner

toute infraction au droit interne (Ibid., art. 6-4). Le protocole ne va pourtant pas jusqu’au bout de sa logique, car

s’il affirme que ces migrants doivent être protégés ( Ibid., art. 16), aucun statut de victime ne leur est accordé. Il

prévoit simplement que le retour dans le pays d’origine (ou dans un pays où ils disposent d’un droit de séjour

permanent) soit organisé “ de manière ordonnée et en tenant dûment compte de la sécurité et de la dignité de la

personne ” ( Ibid., art. 18-5). Quoi qu’il en soit, la législation française continue à ne faire aucune distinction :

tout étranger en situation irrégulière au regard du séjour est considéré comme un délinquant. Sauf, depuis mars

2003, s’il est victime de la traite d’êtres humains, laquelle ne concerne que certaines formes d’exploitation

organisées au profit d’un tiers (Annexe 2, art. 32), et non l’aide contre rémunération pour entrer illégalement ou,

après une entrée légale, se maintenir en situation irrégulière. Selon les dispositions du protocole, seuls les

étrangers en situation irrégulière, mais sans aide de quiconque, pourraient être inculpés par l’article 19 de

l’ordonnance de 1945. Mais cette adaptation de la législation française ne semble pas à l’ordre du jour, et mettra

la France en infraction avec le droit international lorsque le protocole de Palerme relatif au trafic de migrants

entrera en vigueur.

En ce qui concerne les mesures d’éloignement, il faut clairement distinguer celles qui sont prononcées, et

celles qui sont mises à exécution et sont exécutées. Les décisions prises ne peuvent pas, dans certains cas, être

immédiatement réalisées, en raison, par exemple, du délai d’une semaine prévu pour la mise à exécution d’une

reconduite à la frontière lorsqu’elle est notifi ée par courrier (art. 22 bis de l’OE), ou en raison d’une

condamnation pour une peine de prison ferme à purger avant l’interdiction du territoire ou l’expulsion, ou encore

d’une décision prise par défaut. Les décisions mises à exécution sont celles qui peu vent l’être effectivement et

servent de base pour les statistiques d’effectivité de l’éloignement.

En moyenne, sur la période 1997-2000, les mesures d’éloignement ainsi mises à exécution s’élèvent à 40 731

par an, dont 32 792 reconduites à la frontière15 (Graphique 11a). Ces effectifs ne sont pas négligeables, en

15 Auxquelles il faut ajouter, sur la période 1997-2000 en moyenne, 10 018 reconductions par an dues à la procédure dérogatoire des “ réadmissions ” (voir supra, note 14), en forte augmentation en 1998 par rapport à

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comparaison du nombre de déboutés de la régularisation de 1997-1998 (entre 35 000 et 48 000). Mais, en raison

de la procédure de régularisation lancée par la circulaire du 24 juin 1997 et la possibilité, pour certaines

catégories d’étrangers, de déposer une demande jusqu’à la promulgation de la loi du 11 mai 1998 (la date limite

étant sinon le 1er novembre 1997), les reconduites à la frontière étaient de fait suspendues et les refus de

régularisation n’ont pas entraîné de reconduite immédiate. L’aide au retour était privilé giée pour assurer le

départ des personnes dont la régularisation était rejetée (Sénat 1998, 2e partie, II.A.3b). Par conséquent, les

reconduites à la frontière exécutées ont nettement baissé en 1998 par rapport à l’année précédente ( -19 %),

augmentant ensuite à nouveau. Les interdictions du territoire continuent leur baisse après 1997 (Graphique 11b),

la multiplicité d’éléments attestant l’insertion durable de personnes sous le coup d’une telle interdiction étant un

frein à leur mise en application (Héran 2002 : 73). Si la situation particulière de 1998 explique le faible taux

d’effectivité des mesures d’éloignement, celui -ci caractérise en fait toute la période, s’établissant à 21 % en

moyenne en 1997-2000 (Graphique 11c). Ce taux global cache cependant une grande disparité selon le type

d’éloignement considéré : 58 % d’effectivité en moyenne pour les expulsions, 37 % pour les interdictions du

territoire et 17 % pour les reconduites à la frontière. Mais ces données sont très délicates à manier, car les

différentes mesures peuvent se cumuler et concerner une même personne d’une part, et comprennent toutes les

invitations à quitter le territoire émises par l’Administration de l’autre (courriers, contrôles de sans -papiers sur la

voie publique, mesures d’éloignem ent décidées en zones d’attente et de rétention).

Graphiques 11 : Mesures d’éloignement d’étrangers en situation irrégulière (1997 -2000)

a- Nombre d’éloignements à exécuter par type

1997, passant de 3 623 à 12 211 personnes. Le taux d’effectivité de cette procédure est, de par sa nature, très élevée, de 98 % en moyenne sur la période (HCI 2001a : 36 ; HCI 2001b : 118).

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45

0

5 000

10 000

15 000

20 000

25 000

30 000

35 000

40 000

45 000

1997 1998 1999 2000

Total des éloignements

Reconduite à la frontière

Interdiction du territoire

Expulsion

b- Nombre d’éloignements effectifs par type

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

1997 1998 1999 2000

Expulsion

Interdiction du territoire

Reconduite à la frontière

Total des éloignements

c- Taux effectifs d’éloignement par type (en %)

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46

0

10

20

30

40

50

60

1996 1997 1998 1999 2000 2001

Interdiction du territoire

Total des éloignements

Reconduite à la frontière

Expulsion

d- Répartition des éloignements effectifs par type (en %)

59% 60% 66% 71%

35% 33%29% 24%

7% 5% 5%6%

0%

20%

40%

60%

80%

100%

1997 1998 1999 2000

Expulsion

Interdiction duterritoireReconduite à lafrontière

Sources : HCI (2001a : 36 [pour 1997] ; 2001b : 118 [1998-2000]) et

Sarkozy (2003 : 13 [1996, 2001])

En se concentrant sur les seules personnes réellement susceptibles d’être reconduites à la frontière, c’est -à-

dire celles qui sont placées en centre de rétention, le taux d’effectivité oscille depuis dix ans, selon l’unique

association habilitée à assister juridiquement les étrangers retenus (la Cimade, citée in Zappi 2003), entre 45 et

53 %. Le ministre de l’Intérieur explique la faible effectivité des éloignements – qui n’est alors pas si négligeable

–, par la difficulté à connaître le pays d’origine en cas d’absence de papier d’identité, le manque de coopération

de certains consulats dans la délivrance de laissez-passer pour leurs ressortissants et la complexité de la

procédure (Sarkozy 2003 : 13). D’où le projet en cours de discussion d’étendre jusq u’à 32 jours le délai

maximum de rétention d’un étranger lors d’une reconduite à la frontière (Ministère de l’Intérieur 2003, art. 33),

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au lieu des douze jours en vigueur actuellement. Cette extension est considérable et transforme, insidieusement,

une mesure de rétention administrative en peine d’emprisonnement. C’est la raison pour laquelle le Conseil

constitutionnel a déjà, par le passé, censuré ce genre de proposition et devra, certainement encore se prononcer.

Quoi qu’il en soit, un tel allongement est inutile, car plus de 85 % des éloignements exécutés, le sont au cours

des sept premiers jours et la rétention moyenne est de 5,3 jours en 2002, soit beaucoup moins que la durée déjà

autorisée (Zappi 2003). La question centrale n’est donc pas celle du déla i, mais celle de l’existence d’éléments

intrinsèques, tels que l’insertion à la société française, qui rendent l’éloignement difficile.

Le risque d’éloignement est donc assez réduit, et il l’est d’autant plus si on le rapporte au nombre estimé

d’étrangers actuellement en situation irrégulière. Ainsi, en prenant pour référence le nombre moyen

d’éloignements en 1997 et 2000 (soit 9 504 personnes), pour éviter la baisse due à la régularisation, ce risque

oscille actuellement entre un maximum d’environ 8 % (si le nombre de déboutés de la régularisation est pris

comme base16) et un minimum d’environ 5 % selon notre estimation grossière. Or, la pression politique pour

accroître l’effectivité des reconduites à la frontière, si elle ne peut éloigner tous les étrangers en situation

irrégulière, entraîne déjà de graves manquements au respect des droits humains – allant récemment jusqu’à la

mort de deux personnes lors de leur reconduite –, en raison de la volonté de maîtriser et de réduire au silence les

personnes à reconduire pour que leur départ n’échoue pas (Smolar 2003). La menace de reconduite à la frontière

qui pèse sur tout sans-papier, combinée à une forte présence policière en zone urbaine et à une intense

médiatisation de la lutte contre l’immigration irrégulière suffisent, néanmoins, pour instaurer la peur p armi les

étrangers en situation irrégulière, tout en permettant, à certains secteurs économiques, de continuer à les

employer !

D’autant que la loi crée un espace où des situations inextricables se développent, engendrant l’état de sans -

papiers (Ferré 1997). Pour être conforme aux engagements internationaux de la France et à ses propres principes

constitutionnels, la réglementation prévoit, d’une part, la délivrance “ de plein droit ” d’une carte de séjour

temporaire (art. 12 bis de l’OE) ou d’une carte d e résident (art. 15) à des étrangers dans toute une série de

situations et, de l’autre, l’impossibilité d’en éloigner certains. Sauf que les catégories d’étrangers en question ne

se confondent pas et les restrictions fixées à la délivrance d’un titre de sé jour (“ menace pour l’ordre public ” ou

“ la régularité de l’entrée ou du séjour ” qu’il s’agit pour l’étranger de démontrer) accentuent le décalage. Ainsi,

en dehors des mineurs qui sont protégés de toute forme d’éloignement, la loi protège certaines caté gories

d’étrangers de manière très alambiquée. Le projet de modification de l’ordonnance sur l’entrée et le séjour des

étrangers ne déroge pas à la règle. Dans son contenu actuel, il n’assainit pas, en effet, les situations d’imbroglios

administratifs de sans-papiers car il ne procède ni à une régularisation, ni n’élargit les catégories d’étrangers

pouvant accéder de plein droit à un titre de séjour. Le projet tend à les restreindre, puisque pour obtenir de plein

droit la carte de résident, la durée du mariage nécessaire aux époux de Français passerait de un an à deux ans ;

l’exercice de l’autorité parentale et le fait de subvenir aux besoins d’un enfant français se cumuleraient, au lieu

que l’une ou l’autre de ces conditions ne suffise comme actuellement, e t une durée d’au moins deux ans serait

introduite. Le cas du conjoint et des enfants qui ont bénéficié du regroupement familial serait supprimé ;

“ l’intégration satisfaisante ” à la société française deviendrait nécessaire pour délivrer une carte de résid ent à la

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place d’une carte temporaire et seulement au bout de cinq années au lieu de trois pour l’instant (Ministère de

l’Intérieur 2003, art. 10 à 14). Dans ces conditions, protéger certains étrangers de la reconduite à la frontière 17 –

bien que bénéfique en soi – va néanmoins augmenter le nombre de personnes qui ne peuvent être éloignées, sans

qu’elles ne puissent pour autant être régularisées, accentuant encore le nombre de situations ubuesques !

Les catégories d’étrangers qui seraient ainsi protégées, sans aucune restriction, de la reconduite à la frontières

sont les mêmes que celles déjà protégées de l’expulsion 18. Mais cette protection de l’expulsion est pour l’instant

très relative, car elle n’est pas appliquée en raison d’une interprétation très vaste de la dérogation justifiée au titre

d’une “ nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État ou la sécurité publique ” (art. 26 de l’OE). Le projet de

modification propose d’en préciser le contour pour mieux les en protéger. En limitant, tout d’abord, cette

dérogation aux seules personnes qui portent atteintes aux intérêts fondamentaux de l’État, ont des activités à

caractère terroriste, ou incitent à la haine raciale ou religieuse (Ministère de l’Intérieur 2003, art. 22 et 24). En

repoussant, ensuite, la durée de la peine de prison ferme définitive, de un à cinq ans et sans infractions

dérogatoires, à partir de laquelle un étranger relevant des catégories ii) à v) (voir supra, note 17) peut être

expulsé, lorsqu’il représente une “ menace grave pour l’ordre public ” (art. 23 de l’OE). En déterminant, enfin,

qu’un étranger ayant de fortes attaches en France ne peut en aucun cas être expulsé. Il s’agit des étrangers

(Ministère de l’Intérieur, art. 22 et 24) qui :

i) résident habituellement en France depuis l’âge de treize ans ;

ii) résident en situation régulière depuis vingt ans ;

iii) résident en situation régulière depuis dix ans et : sont mariés depuis trois ans à un ressortissant

français (ou étranger en situation i) ci-dessus) à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé ;

ou sont parents d’un enfant français résidant en France à condition d’exercer, même partiellement,

l’autorité parentale et de subvenir à ses besoins.

16 En prenant le nombre minimum de déboutés de la régularisation de 1997-1998 (35 000), auquel on ajoute le minimum des nouvelles entrées (110 000) dont sont soustraites les reconduites effectuées (33 000). 17 Ce sont les étrangers qui (Ministère de l’Intérieur 2003, art. 22 et 24) : i) résident habituellement en France depuis qu’ils ont atteint au plus l’âge de treize ans ; ii) sont parents d’un enfant français qui réside en France à condition d’exercer, même partiell ement, l’autorité parentale et de subvenir à ses besoins ; iii) sont mariés à un conjoint français depuis au moins un an à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé ; iv) résident habituellement en France depuis quinze ans ou sont en situation régulière depuis dix ans (dans les deux cas sauf s’ils sont étudiants pendant toute cette période) ; v) sont titulaires d’une rente d’accident du travail dont le taux d’incapacité permanente est au moins égale à 20 % ; vi) résident habituellement en France et dont l’état de santé nécessite un traitement médical non disponible dans le pays de renvoi et dont le défaut aurait de graves conséquences. 18 Il faut ajouter à ces catégories (voir supra, note 17), celle des étrangers en situation régulière n’ayant pas été condamnés définitivement à au moins un an de prison sans sursis (la durée minimale de la peine tombe en cas de condamnation pour hébergement collectif dégradant, aide à l’entrée ou au séjour irrégulier d’un étranger, emploi d’un étranger sans titre de travail, fraude à l’obtention d’un titre de travail ou lors de l’intr oduction d’un travailleur étranger en France, recours au travail dissimulé, proxénétisme ou racolage). En outre, actuellement (art. 25 de l’OE) : l’âge du i) est plus restrictif, puisque fixé à dix ans ; mais les conditions du ii) le sont moins, car l’exer cice de l’autorité parentale ou le fait de subvenir aux besoins de l’enfant suffit.

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De même (Ibid., art. 38), l’interdiction du territoire ne pourrai t plus être prononcée à l’encontre des étrangers

dans l’une de ces catégories 19, sauf en cas d’atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, de terrorisme ou

d’infractions en matière de groupes de combat ou mouvements dissous, ou de fausse monnaie.

La “ double peine ” – ou éloignement de l’étranger ayant commis une infraction après avoir purgé sa peine –

verrait ainsi son champ d’application restreinte. Mais elle resterait toujours d’actualité pour des étrangers, même

en situation régulière, condamnés définitivement à cinq ans de prison ferme et qui ne seraient pas dans l’une des

catégories très restrictives d’étrangers protégés.

Les situations individuelles étant d’une grande diversité et la réglementation sur l’entrée et le séjour des

étrangers très complexe et changeante, il y a des étrangers en situation irrégulière qui – légitimement – ne sont

pas susceptibles d’être éloignés du territoire, mais qui ne sont pas non plus régularisés – ou de manière

discrétionnaire et rarissime – en dehors d’opérations spécifiques, to ujours présentées comme exceptionnelles.

L’existence de sans -papiers provient donc, en grande partie, d’un choix politique qui n’assume pas

l’impossibilité légale d’éloigner de nombreux étrangers, plutôt que de considérer qu’ils sont le résultat d’une

entrée volontairement clandestine en France pour y résider et y travailler. Or, c’est ce que présume en fait le

terme même de “ clandestins ” utilisés à leur encontre, occultant ainsi la production de sans -papiers par la loi et

des pratiques administratives souvent abusives, en raison d’une fréquente suspicion envers les étrangers (Ferré

1997).

*

* *

Jusqu’aux adaptations effectuées lors de l’incrimination de la traite des êtres humains, en mars 2003, il

existait une incohérence frappante dans le droit pénal : l’exploitation simple de la vulnérabilité – qui est au

fondement du travail forcé – était moins réprimée (deux ans d’incarcération au lieu de trois) que l’emploi

d’étrangers sans titre ou la violation du monopole de l’OMI. L’incrimination de la tra ite a donc été l’occasion

d’introduire une plus grande cohérence parmi les différentes peines encourues, par l’aggravation de celles qui

existaient déjà et par l’introduction de nouvelles, comme nous le verrons par la suite (voir infra, IV-2). Malgré

l’abs ence de qualification juridique spécifique du travail forcé et de la traite, il était cependant possible de

sanctionner, certes de manière indirecte, les agissements qui leur étaient liés avant mars 2003. En revanche,

l’inconvénient majeur de ce manque jur idique était l’insignifiance des sanctions, par rapport aux atteintes à la

personne en cause.

III- LE TRAVAIL FORCÉ DANS L’ÉCONOMIE FRANÇAISE

19 Il faut aussi pour le iii) : que le mariage, ou la naissance selon le cas, soit antérieur aux faits ayant entraîné la condamnation. De plus, l’interdiction du territoire reste possible si ces faits étaient envers le conjoint ou l’enfant.

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Sur la base de la législation en vigueur, et des données statistiques dont nous disposons, il est maintenant

possible de s’interroger sur l’ampleur – qualitative et si possible quantitative – du travail forcé, au sens de l’OIT.

Malgré les difficultés à l’appréhender, puisqu’il recouvre des pratiques illégales en infraction non seulement au

code pénal, mais aussi au code du travail, il est nécessaire de centraliser les informations disponibles auprès des

diverses structures répressives, essentiellement la DILTI, qui s’occupe des infractions au code du travail, et la

police judiciaire (OCRTEH, OCRIEST et 12e section des Renseignements généraux de la Préfecture de police)

qui traitent des infractions au code pénal. Il est cependant très difficile d’estimer l’ampleur du travail forcé et de

la traite des êtres humains en France à partir de ces sources d’information. La DILTI, en effet, n’utilise pas le

concept de travail forcé et si elle utilise une classification du travail illégal qui permet de préciser la nature de la

relation de travail, la relier au travail forcé reste délicat. L’OCRTEH ne s’occupe que d’exploitation à des fins

sexuelles, ce qui donne cependant un aperçu assez précis de la situation de la traite et du travail forcé dans ce

domaine. L’OCRIEST et la 12 e section des Renseignements généraux enfin, en s’occupant de l’infraction à la

réglementation sur l’entrée ou le séjour des étrangers, perçoivent des situations qui relèvent de la traite et du

travail forcé, mais ne les distinguent pas en tant que telle et ignorent les autres formes d’exploitation qui ne

concernent pas les étrangers. Quoi qu’il en soit, si l’on se réfère simplement aux activités répressives – qu’il

s’agisse des procès -verbaux dressés pour travail illégal ou activités illicites reliées au travail forcé ou à la traite

d’êtres humains, ou des condamnations pour ces i nfractions prononcées par la justice –, il est clair que ces

pratiques sont peu nombreuses, même si la législation jusque-là en vigueur était insuffisante et qu’il n’y a

toujours pas de données systématiques et centralisées relatives aux victimes.

En revanche, l’évolution récente du milieu de la prostitution et l’existence, structurelle, d’un volant

d’étrangers en situation irrégulière, laissent supposer qu’il existe en France des conditions favorables au

développement de formes d’exploitation relevant du travail forcé. Comme nous avons déjà décrit l’exploitation à

des fins sexuelles, aussi bien en termes qualitatifs que quantitatifs (voir supra, I-2), nous ne traiterons ici que des

aspects liés au travail – la prostitution et le proxénétisme n’en étant pa s à strictement parler. Même si certains

secteurs, comme la construction, l’hôtellerie -restauration et la confection, utilisent toujours une part importante

d’étrangers sans titre de travail, il ne s’agit pas pour autant de la partie la plus importante du travail illégal – et de

loin ! Il convient donc de s’interroger sur l’existence du travail forcé au -delà de sa fréquence probablement

élevée parmi les sans-papiers et de la seule signification économique soulevée par leur persistance dans la

société française.

1) Où chercher du travail forcé ?

Si le recours aux étrangers en situation irrégulière est de moins en moins fréquent, c’est sans doute parce que

la précarisation du travail, depuis une vingtaine d’années, a ouvert de nouve lles opportunités d’exploitation sans

qu’il ne soit nécessaire de recourir à une population, certes vulnérable, mais dont l’emploi est tout de même

risqué. C’est la raison pour laquelle, il est fondamental d’aborder la question plus générale des domaines o ù le

travail forcé peut aussi exister pour la main-d’œuvre nationale ou étrangère, mais en situation régulière. Il n’est

d’ailleurs pas sans intérêt de remarquer que la plupart des études, comme le rapport parlementaire sur

“ l’esclavage moderne ” (AN 2001a) ou ceux sur le même thème du Conseil économique et social (CES 2001 et

2003), ignorent la précarisation des conditions de travail comme facteur possible d’incitation à l’apparition, ici et

là, d’un travail forcé.

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L’explication réside peut -être dans la persistance – en apparence en tout cas – d’une forte protection et d’une

flexibilité réduite des salariés en France, alors qu’ailleurs la concurrence accrue par la mondialisation bouleverse

les relations de travail (BIT 2003 : 11-14). Si le salariat concerne près de 90 % de l’emploi total et qu’il se

caractérise par une stabilité globalement assez forte, avec une moyenne d’ancienneté dans les entreprises de 11,1

ans en 2000, soit une progression de 6,7 % depuis 1992 ; les salariés ayant une ancienneté inférieure à un an

(16 % des salariés en 2000) augmentent, en revanche, à un rythme nettement plus rapide que ceux ayant une

ancienneté égale ou supérieure à dix ans (45 % des salariés), puisque leur taux de croissance sont respectivement

de 14,5 % contre 4,4 % entre 1992 et 2000 (Ibid. : 22-23, 94). En outre, les contrats à durée indéterminée dans

les embauches dans le secteur des entreprises industrielles et commerciales, de plus de dix salariés (seules

données disponibles), n’ont représenté, en 2001, que 32 % des embauches en moyenne (26 % dans l’habillement

et le cuir, 30 % dans le commerce, 32 % dans les services domestiques, 39 % pour l’hôtellerie -restauration, 35 %

dans l’industrie, 51 % dans la construction par exemple), avec des taux de rotation très élevés qui ne sont pas

dus, pour l’essentiel, à des licenciements économiques (DARES 2003). La précarisation de la relation de travail

est donc bien réelle, mais elle prend une forme encore peu visible en termes de données globales. Elle s’exprime

sous la forme des contrats de travail à durée déterminée et d’intérim, mais se cache aussi derrière toute une série

de création d’emplois qui, pour lutter contre le chômage des jeunes et de longue durée (contrats d’emploi -

solidarité, de retour à l’emploi, d’apprentis sage, de qualification…), permettent aux entreprises de déroger aux

règles communes de protection des salariés et d’obtenir des réductions en matière de prélèvements sociaux et

fiscaux, parfois même supprimés pendant une durée déterminée. Ainsi, sous couvert d’une apparente protection

de l’emploi (celui à durée indéterminée), la flexibilité est assurée par le recours à des emplois précaires d’un

faible coût salarial. Les sans-papiers n’ont donc plus la prérogative de ce type d’emploi qui, à l’origine, était non

qualifié, mais s’est élargi depuis à des emplois qualifiés.

Cette transformation de la relation de travail s’accompagne également d’un processus, en hausse, de

dissimulation de sa nature réelle. Sa connaissance dépend cependant de la vigilance face aux pratiques illégales

qui s’adaptent en permanence et pâtit de la faiblesse des moyens accordés aux inspections et à la DILTI (voir

supra, II-2b). Le fait que la moitié des 150 réseaux démantelés par l’OCRIEST, depuis sa création (Aoudaï et

Richard 2002 :152), proviennent d’Asie du Sud -Est ne signifie pas uniquement que cette région soit le principal

acteur dans le domaine de compétence de l’OCRIEST, mais aussi que cet organisme a développé une expertise

sur ce milieu (OCRIEST 2001). Expertise qu’il ne po ssède pas, par exemple, pour la construction où la

prolifération de la sous-traitance en “ cascade ” – et qui rend tout travail d’enquête très complexe – que le

donneur d’ordre ne maîtrise d’ailleurs pas non plus ! Une étude de chaque situation est en effet nécessaire pour

découvrir la nature de la dissimulation en cause, qui peut s’effectuer de plusieurs manières (BIT 2003 : 27-32).

Tout d’abord, en donnant à la relation de travail une forme juridique différente (civile, commerciale, coopérative,

familiale…) qui ne correspond pas à la réalité, d’où des faux statuts (faux travail indépendant, fausse sous -

traitance, faux stage, faux bénévoles….). Cela permet à l’employeur de ne pas assumer les obligations d’un

contrat de travail tout en contrôlant la production. Ensuite, sans nier la relation de subordination et la nature du

travail à effectuer, elles sont présentées de façon à soustraire l’employeur à certaines de ses obligations, comme

celle d’un contrat de travail indéterminé pour de faux employés occasionn els. L’évolution de certaines pratiques

professionnelles favorisent aussi une nouvelle forme de salariat, dans la mesure où l’absence d’une relation de

subordination ne va pas sans l’instauration d’une dépendance économique, permettant de requalifier un tr avail

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apparemment indépendant en travail salarié de fait. Il en est ainsi, par exemple, pour les travaux qui, au lieu

d’être rémunérés à l’acte en tant qu’honoraires, sont mensualisés pour faciliter la gestion, et dont la rémunération

n’est pas vraiment fi xée par le prestataire en raison d’une dépendance envers le donneur d’ordre. Il peut s’agir

d’une variété de professions (de santé, intellectuelles travaillant à domicile, des nouvelles technologies,

transporteurs…). Enfin, la dissimulation de la relation devient encore plus complexe avec l’instauration d’une

relation de dépendance “ triangulaire ” ( Ibid. : 41, 51-52), qui consiste pour un même employé à dépendre d’une

multiplicité de responsables sans qu’ils n’assument le rôle d’employeurs. Il s’agit alors d’une sous -traitance en

cascade – comme dans la construction ou l’informatique –, ou du partage d’une main -d’œuvre par plusieurs

entités – comme pour le personnel qui approvisionne les rayons des supermarchés qui est rétribué par des

fournisseurs sous l’a utorité des supermarchés mais non reconnus, puisqu’ils sont assimilés à des intermédiaires

indépendants. En définitive, la possibilité pour des employeurs de s’extraire des obligations légales, sociales et

fiscales qui leur incombent, par une “ externalisation ” de la relation de travail, tout en conservant la maîtrise

complète de l’activité économique, représente un déliement du contenu du rapport salarial, plutôt que d’un

abandon du salariat. Cette évolution, difficile à quantifier, mais partout en développement, n’est pas aussi

marginale que l’on pourrait le croire au premier regard. Son enjeu est, pour reprendre l’expression de Claude -

Valentin Marie (1997a : 164-170), l’avènement d’un “ salarié néolibéral ”.

Comme le seul concept véritablement utilisé en France en relation au travail forcé est celui de travail illégal,

il s’agit alors d’en étudier les formes qui recourent à l’exploitation la plus extrême, puisque si tout travail forcé

est illégal, tout travail illégal n’est pas forcé (Figure 1). La capa cité à isoler les activités qui se chevauchent va

déterminer la possibilité de définir les activités – outre le proxénétisme – qui correspondent au travail forcé dans

ce que recouvre le travail illégal. Par leur nature, la fausse sous-traitance, les faux indépendants et le

marchandage en particulier, sont susceptibles d’être du travail forcé, dans la mesure où l’employé, victime de ces

formes de travail illégal, ne choisit pas ce statut, risquant de perdre son emploi en cas de refus. Mais la diversité

des situations nécessiterait d’étudier tous les cas répertoriés, pour ne pas considérer de manière sommaire et trop

rapide que ces formes de travail illégal sont congruentes au concept de travail forcé.

Figure 1 : Quelques exemples de chevauchement du travail illégal, du travail forcé et de la traite des être humains

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Travail illégal (infract ion au

code du travail)

Travail forcé et traite (infract ion au code pénal)

Fausse sous-traitance Faux indépendants Marchandage...

Travail contraire à la digni té humaine

Rétribution inexistente

ou manifestement insuffisante

Exploitation de la mendicité , de la

prostitution...

Cumul irrégulier d’emploi

Fraude aux revenus

remplacements...

Selon les analyses de la DILTI (citée in AN 2001b, vol. I, 1re partie : 58-66), les critères pour définir des

pratiques qui se rapprochent du concept de travail forcé, au sens de l’OIT, se fondent sur :

i) l’état de vulnérabilité, pour des raisons telles que l’âge, un handicap physique ou psychique, une

situation administrative comme l’illégalité…

ii) ou l’existence de conditions dégradantes, en termes d’hébergement ou de condition de travail.

Si un de ces critères peut suffire, ils se combinent généralement, renforçant la situation de dépendance, et

facilitant l’exploitation extrême de la personne à des fins de travail. Celle-ci peut exister dans une multitude

d’activités. La DILTI signale, en particulier, le travail des enfants, l’emploi domestique, les faux bénévoles des

mouvements à caractère sectaire et les “ ateliers clandestins ” dans les secte urs les plus variés. Considérons donc

à présent ces situations, et quelques autres.

2) Ébauche de l’étude de quelques cas

a- Le travail des enfants et les faux stages

En dessous de seize ans, le travail des enfants est interdit en France mais il est possible pour des catégories

spécifiques (spectacle et publicité sous certaines conditions, entraide familial surtout dans le commerce,

l’artisanat et l’agriculture) en dehors du temps scolaire. À partir de sei ze ans, le travail des mineurs est

quantitativement limité. En 1998, 129 155 jeunes sont titulaires d’un contrat de travail (à peine 0,7 % de

l’ensemble des salariés), essentiellement des apprentis, pour 19 % dans la construction, 18 % dans l’hôtellerie -

restauration, 15 % dans l’agro -alimentaire et 10 % dans le commerce et la réparation automobile (DRT 1998 : 5-

11). En revanche, les stages en entreprise sous statut scolaire, dans le cadre d’une formation professionnelle, sont

nettement plus importants, puisque cela concerne 450 000 jeunes de moins de 18 ans. En termes de travail forcé

des enfants, en dehors de l’emploi domestique (voir infra, b), la question se pose surtout pour les stages en

entreprise où les horaires seraient abusifs, les conditions de sécurité et de travail non conformes à la législation et

l’affectation à des tâches ne correspondant pas au diplôme préparé. Mais le phénomène serait assez marginal, si

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on en croit les quatre décisions de justice en matière d’infractions relatives à l’âge d’a dmission à l’emploi (sur 48

procès-verbaux) et les 18 décisions de justice pour infractions à la durée du travail des jeunes travailleurs (pour

28 procès-verbaux) entre 1994 et 1996 (DRT 1998 : 43). En ce qui concerne le travail des enfants qui aident leur

famille, comme aucune déclaration n’est nécessaire, la situation est très mal connue et, en dehors de l’agriculture

où l’aide est interdite en dessous de 14 ans depuis 1997, il n’y a pas de législation spécifique. En 1998, il n’y a

eu que 18 infractions relatifs au travail de mineurs de seize ans dans l’agriculture ( Ibid. : 14).

Mais la question de l’utilisation abusive de stagiaires n’est pas limitée aux mineurs, car l’obligation

d’effectuer un stage en entreprise au cours de la scolarité est de plus en plus répandue. Lorsque le scolarité les

prévoit, des conventions de stage lient l’entreprise d’une part et le stagiaire et l’école de l’autre, mais des stages

peuvent aussi être effectués en dehors de toute convention. Celle-ci stipule explicitement que l’ entreprise ne peut

retirer aucun profit du stagiaire mais, dans tous les cas de figure, il se doit de participer à la vie de l’entreprise,

mais pour ses seuls intérêts. Un stage a des objectifs pédagogique et personnel dans le cadre d’une formation,

sans que le stagiaire ne consacre exclusivement son temps à l’accomplissement de tâches professionnelles utiles

à l’entreprise d’accueil, et sans qu’il n’occupe un poste de travail, ni ne soit intégré au fonctionnement de

l’entreprise (DILTI 2002 b : 40). Selon les conditions de travail et de séjour dans l’entreprise, un faux stage

pourra ainsi être requalifié en relation de travail. Dès lors, l’entreprise sera considérée comme ayant recours à un

travail dissimulé, avec toutes les conséquences pénales associées (voir supra, II-2c). Entre 1995 et 1998, dix

procès-verbaux ont été dressés pour travail dissimulé concernant 24 mineurs (DRT 1998 : 13). Une autre

infraction est aussi envisageable, car le stagiaire peut recevoir une gratification de stage qui est exonérée de toute

charge sociale pour l’employeur dès lors qu’elle ne dépasse pas, pour un stage obligatoire, 30 % du salaire

minimum (actuellement fixé à 6,83 euros bruts de l’heure) et 25 % pour un stage facultatif. Rien n’est donc fait

pour inciter les entreprises à rémunérer leur stagiaire, stipulant ainsi que la relation en question n’est pas un

contrat de travail. Dès lors, selon l’importance du travail accompli et la dépendance du stagiaire envers

l’entreprise, en particulier dans le cadre d’un stage obligato ire pour l’obtention de son diplôme (Hautefort 2003),

l’entreprise peut être poursuivie au titre de l’article 225 -13 du code pénal qui sanctionne l’insuffisance manifeste

de rétribution au travail. Mais, pour l’instant, peu de cas sont répertoriés de maniè re générale (voir supra, II-1).

b- L’emploi domestique, ou le travail invisible

Le Comité contre l’esclavage moderne (CCEM), association créée en 1994 mais qui n’a véritablement

commencé à apporter son assistance sociale et juridique aux victimes qu’à partir de 1998, ne s’occupe, malgré

son nom, que de travail domestique. Pour les victimes adultes, le CCEM a ainsi pallié à l’inexistence des

structures étatiques dans ce domaine, les mineurs pouvant bénéficier des structures de la protection judiciaire de

la jeunesse. Pour qualifier une situation “ d’esclavage domestique ”, le CCEM dispose de cinq critères qui sont

tous nécessaires (O’DY 2001 : 23-24) :

i) la confiscation des papiers d’identité ;

ii) l’isolement de l’employé , que cela soit par une séquestration totale ou partielle, en exerçant une

pression morale, en insinuant la crainte de la police… ;

iii) des horaires de travail sans commune mesure avec la rémunération, laquelle est très faible ou même

inexistante ;

iv) des conditions d’hébergement contraires à la dignité humaine ;

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v) un isolément culturel total, par rapport à la communauté d’origine ou sa famille…

Les maltraitances (physiques ou sexuelles) ne sont pas nécessaires, même si elles sont présentes dans la plupart

des cas. Ces différents éléments correspondent sans aucune ambiguïté à du travail forcé.

Depuis ses débuts en 1998 (CCEM 2001), le CCEM a apporté son soutien direct à 261 personnes jusqu’à la

fin avril 2001, a réussi une médiation dans 40 cas (avec versement d’une compensation financière à la victime) et

a porté devant la justice 53 employeurs, dont 14 devant la justice du travail (7 condamnations et 7 procédures en

cours) et 39 devant la justice pénale (15 classés sans suite, 7 non-lieux, 11 condamnations et 6 en attente de

jugement). La nature des atteintes à la personne est multiple et se combine (il y a même eu le décès d’un mineur

à la suite de mauvais traitements), le versement d’un salaire est assez rare et, lorsqu’il existe, est très fai ble et pas

toujours versé à l’employé (Tableau 9). Ce type d’exploitation est pour l’essentiel invisible pour les forces de

police, puisqu’elles sont à l’origine d’à peine 4 % des dénonciations, les autres provenant de personnes

anonymes (25 % des cas), de voisins (20 %), d’associations (13 %), de services sociaux (11 %) et des victimes

elles mêmes dans 8 % des cas (19 % ne sont pas précisées).

Les deux tiers des victimes parlaient déjà le français à leur arrivée et près d’un tiers étaient mineures. Elles

proviennent surtout d’Afrique (12 % de Côte d’Ivoire, 8 % de Madagascar, 7 % du Maroc et 5 % du Bénin) et

d’Asie (10 % du sous-continent indien, 9 % des Philippines et 1 % de Chine) et leur niveau d’instruction est très

bas pour l’essentiel (31 % n’ont au cune scolarité, 31 % au niveau du primaire, 21 % au niveau du collège, 10 %

du lycée et 3 % du supérieur, et 4 % inconnu). Le recrutement est effectué le plus souvent directement par

l’employeur (66 % des cas), puis par l’intermédiaire d’agences (27 %) et d’autres intermédiaires (6 %), tandis

que la venue seule en France est très minoritaire (1 %). Au moment des faits, 81 % des victimes étaient en

situation irrégulière. Actuellement, 25 % des victimes détiennent un titre de séjour, 22 % sont sans-papiers, 20 %

sont retournées dans leur pays et la situation des autres est inconnue.

En ce qui concerne les employeurs, 18 % sont sans profession, 17 % sont employés, 14 % des hauts

fonctionnaires, 10 % des commerçants, 5 % des professions libérales, 4 % des cadres supérieurs, 2 % des

dignitaires et la situation des autre est inconnue. La proportion de Français n’est pas négligeable, du même ordre

de grandeur que la proportion d’employeurs bénéficiant d’une immunité diplomatique (20 %). D’ailleurs, près de

18 % des victimes étaient titulaires d’une carte de séjour spéciale délivrée par le ministère français des Affaires

étrangères pour les employés au service privé de diplomates. Ce qui montre, pour le moins, une lenteur à ce

conformer aux nouvelles dispositions. Car, en 1996, la procédure d’attribution de permis pour l’emploi de

personnel privé aux services des diplomates a été modifiée.

Tableau 9 : Caractéristiques des victimes “ d’esclavage domestique ” et de leurs employeurs (1998-2001) Victimes Employeurs

Nature des infractions Atteinte à la personne Violences psychologiques 89 % (Dont sur mineurs) (100 %) Violences physiques 44 %

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(Dont sur mineurs) (58 %) Violences sexuelles 18 % (Dont sur mineurs) (25 %) Tortures 6 % (Dont sur mineurs) (11 %) Séquestre total 8 % (Dont sur mineurs) (6 %) Salaire mensuel Aucun salaire 73 % Versement d’un salaire 24 % (Versé à l’employé) (14 %) (Versé à la famille) (7 %) (Versé à l’intermédiaire) (3 %) Situation inconnue 3 % Montant du salaire Moins de 30 euros 21 % De 30 à moins de 75 euros 34 % De 75 à moins de 150 euros 18 % De 150 à moins de 300 euros 18 % Plus de 300 à 375 euros 9 %

Caractéristiques Sexe Hommes 24 % Femmes 76 % Âge d’arrivée en France Moins de 10 ans 5 % 10 à moins de 16 ans 16 à moins de 18 ans 18 à 25 ans Plus de 25 ans Inconnu

20 % 8 % 26 % 37 % 4 %

Nationalité Française 1 % 21 % Étrangère 99 % 79 % Europe (2 %) (1 %) Afrique noire (57 %) (44 %) Maghreb (8 %) (9 %) Proche-Orient Asie hors Proche-Orient

(3 %) (26 %)

(20 %) (4 %)

Amérique du Sud (3 %) (1 %)

Source : CCEM (2001) Dorénavant, l’employé au service d’un diplomate doit ê tre majeur, ne pas faire partie de sa famille, ni être au

service d’un autre employeur. Son contrat de travail doit être conforme à la législation française, indiquant : la

fonction, la rémunération et les avantages en nature, la durée du travail hebdomadaire, les repos hebdomadaires

et les congés, l’engagement de lui souscrire une assurance et de lui laisser la libre disposition de ses documents

d’identité (MAE 2003). Le permis est délivré pour un an et l’employé s’entretien seul avec les autorités

françaises. Selon le ministère des Affaires étrangères (cité in AN 2001b, vol. I, 3e partie : 583-596), les cas

litigieux semblent avoir disparu, mais la question de l’immunité diplomatique reste un obstacle en cas de litiges.

Quoiqu’il en soit, entre 1996 et 200 1, le nombre d’employés de maison aux services de diplomates en France a

chuté de 1 200 à 640, la moitié d’entre eux sont Asiatiques (surtout des Philippins, Indonésiens et Sri Lankais).

L’absence d’information sur la nature des fonctions ou des conditions de travail des personnels avant 1996, ou

sur l’existence actuelle de fraude en matière d’emploi de personnel privé, rend l’interprétation de cette

diminution très délicate. Le nombre de diplomates n’a, lui, pas diminué pour autant !

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Le nombre d’employé s de maison au service de diplomates est très réduit comparé aux 900 000 employés de

maison travaillant en France (CES 2003 : II-8). Là encore, la proportion des victimes du travail forcé est

impossible à estimer, pénétrer dans un domicile privé pour enquêter sur les conditions de travail nécessitant de

sérieuses présomptions d’irrégularité.

c- Les faux bénévoles des sectes

En ce qui concerne les pratiques des mouvements sectaires, l’intensité de l’adhésion et l’état de dépendance

envers ses dirigeants, sont des facteurs qui favorisent le recours au faux bénévolat. Le bénévolat s’entend comme

un concours non sollicité, spontané et désintéressé au bénéfice d’organismes sans but lucratif (DILTI 2002 b :

42). Or, les membres de mouvements sectaires effectuent une variété d’activités productives destinées à la vente

(AN 1999 : 171-176) : production et diffusion de livres, de supports pédagogiques, de produits cultuels et

paramédicaux… Mais ces travaux sont souvent peu ou pas rémunérés. L e faux bénévolat peut aussi s’expliquer

par la nécessité de rembourser des dettes contractées auprès de la secte, ou pour compenser les bienfaits qu’elle

leur aurait prodigués. Enfin, des formes plus extrêmes consistent à effectuer des tâches subalternes dans des

conditions dégradantes pour assurer la “ rééducation ou la réhabilitation ” de ceux qui en auraient besoin ( Ibid. :

63-65). Ces agissements sont des infractions pénales, sociales et fiscales qui sont justifiées par l’adhésion à une

éthique du mouvement sectaire.

Les sectes représentent une puissance financière considérable. Ainsi, le chiffre d’affaire annuel des deux

sectes les plus riches en France serait de 30,5 millions d’euros pour les Témoins de Jéhovah et d’au moins 9,1

millions pour la Scientologie (Ibid. : 163). Il y aurait en 1995, selon les Renseignements généraux (cités in AN

1995, I.B), environ 160 000 adeptes de sectes, dont 130 000 Témoins de Jéhovah et environ 7 000 Scientologues.

Une partie d’entre eux – mais la proportion est mystérieuse – effectue une activité assimilée à un travail

dissimulé. Ce faux bénévolat, correspond également à un travail forcé, puisque s’opposer aux pratiques de la

secte revient à en être exclu (sans même évoquer les risques physiques et morales encourus) et l’assujettissement

implique l’absence totale d’autonomie de choix.

d- Construction et transports, fausse sous-traitance et faux indépendants

Si la construction est le secteur économique qui est le plus verbalisé pour travail illégal (voir supra,

Graphique 5c), utilisant toutes ses formes et de manière directement corrélée au cycle de la conjoncture, les

transports sont un symbole des effets d’une dérégulation poussée à l’extrême. Dans les deux cas, la concurrence

exacerbée a favorisé le recours à la sous-traitance et aux indépendants pour réduire les coûts de production. Avec

une particularité pour la construction où la sous-traitance prolifère et s’instaure “ en cascade ” et utilise tous les

types de contrats de travail précaires (contrats à durée déterminée, intérim, stages…). Le recours aux étrangers

sans titre de travail y est en diminution, même si la construction reste un secteur d’emploi facile mais,

globalement, ils ne représentent plus une partie significative des infractions pour travail illégal, comme d’ailleurs

dans les autres secteurs économiques – à l’exception notable de la confection (DILTI 1999 a : 13).

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Depuis les années 1980 (Marie 1997a : 162-164), les transports sont atteints par la déréglementation, la

libéralisation des tarifs et la multiplication des licences sans contrôle. La politique de gestion des entreprises, dite

des “ flux tendus ”, s’est généralisée à toutes les activités économiques. En outre, la délocalisation des unités

productives, a donné au transport une place essentielle dans le processus de production, avec des délais de

livraison très courts et des créneaux horaires très stricts, comme dans la grande distribution ou la production

automobile. Dans les transports et la construction, la concurrence accrue a entraîné une concentration de

quelques grandes entreprises sur les activités à forte valeur ajoutée : activités annexes pour les transports

(emballage, étiquetage et gestion des stocks) et grands travaux, coordination des activités et commercialisation

de produits fabriqués par d’autres pour la construction ; tandis que la situation financière de nombreuses petites

entreprises se dégrade, certaines acceptant même de travailler à perte dans la construction. Pour faire face à cette

concurrence en hausse, l’augmentation de la sous -traitance a été le moyen pour transférer à d’autres la charge de

contourner la législation du travail, en particulier les normes de sécurité (dépassement des horaires de travail et

de la vitesse autorisée dans les transports et restriction des dépenses de sécurité sur les chantiers). Ainsi, en 1995,

40 % des sociétés de transports n’employaient plus aucun salarié, se reposant entièrement sur des chauffeurs au

statut d’indépendants (BIT 2003 : 33). Cependant, la dépendance économique du chauffeur envers la société de

transport caractérise une situation de faux indépendant, donc de fausse sous-traitance, et par conséquent instaure

un travail dissimulé (Marie 1995 : 39-42). En effet, la société fixe la prestation et la tarification, c’est elle qui

fournit au chauffeur les marchandises ou les contrats à effectuer et qui établit les factures, le soit-disant

indépendant n’apparaissant jamais en tant que tel pour le client. Le chauffeur dépend donc entièrement de la

société qui est son unique donneur d’ordre, la subordination étant effective. Cependant, l’acquisition du camion

et son entretien sont à la charge du chauffeur, tout comme les infractions à la législation du travail, à condition

que la situation de subordination et de dépendance économique ne soit pas démontrée – permettant alors de

requalifier la situation en travail dissimulé. Le même phénomène existe dans la construction, où une entreprise

fait travailler d’anciens salariés incités à se déclarer en tant qu’artisans, alors qu’ils restent subordonnés à

l’entreprise qui leur procure les chantiers ( Ibid. : 35-36). D’autres modalités sont également envisageables dans

le transport, comme le prêt illicite de main-d’œuvre qui prend la forme de sociétés de partic ipation ou en nom

collectif. Dans le premier cas, des conducteurs prétendument indépendants sont réunis sur une base associative,

alors qu’ils sont en fait subordonnés au gérant qui leur fournit les camions ; dans le second cas, il s’agit d’une

société qui n’a pas le statut de transporteur mais prête des chauffeurs à de telles sociétés comme le ferait une

entreprise intérimaire, sauf que la société en nom collectif n’en est pas une. Pour la construction la procédure est

un peu différente, un intermédiaire étant utilisé pour recruter ou recourir à la main-d’œuvre d’une autre

entreprise lors d’un besoin urgent, mais peu durable. La flexibilité accrue du secteur a pour effet de dégrader les

conditions de travail, sans qu’il n’y ait forcément de recours à une po pulation particulièrement vulnérable

comme les étrangers sans titre de travail20.

20 Quoique cette possibilité soit en recrudescence (DILTI 2002a : 5-7), en particulier avec le recrutement, dans les transports, la construction, l’agriculture, l’hôtellerie -restauration…, de personnes issues de pays d’Europe de l’Est dispensées de visa pour les courts séjours (comme la Pologne). Les sociétés de transport ou de construction sont françaises et souvent délocalisées en Grande-Bretagne, Belgique ou Luxembourg, alors qu’elles n’interviennent qu’en France. Les employés, travailleurs illégaux, ne sont pas pour autant des travailleurs forcés, car leur séjour est souvent conçu comme temporaire, rendant acceptable une exploitation fondée sur le différentiel de pouvoir d’ach at entre la France et les pays d’origine. La crainte de l’irrégularité est inexistante

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Ces différentes pratiques relèvent du travail forcé dès lors que le transfert de statut est imposé aux chauffeurs

par les sociétés de transport. S’ils veulent garder leur emploi, les chauffeurs ne peuvent pas refuser. La difficulté

pour en connaître l’ampleur réside dans cette interprétation de la contrainte qui, grâce à un contrat de prestation

de services dévoyé, transforme en auto-exploitation un lien d’exploitation bien réel.

e- La confection, ou le droit inactivé

Comme la construction et les transports, la confection est marquée par la gestion des flux-tendus, une

concurrence aiguë, la spécialisation d’une partie du secteur sur les domaines à forte valeur ajoutée et le recours à

la sous-traitance. La confection est, cependant, le seul secteur d’activité où le recours aux étrangers sans titre de

travail reste important, bien qu’en baisse là aussi (DILTI 1999a : 15, 30). Ainsi, ils représentent 18 % des

verbalisations pour travail illégal, alors que la moyenne nationale est de 4 % en 1997 ; soit 20 % des infractions

alors relevées dans la confection contre 40 % en 1992, le travail dissimulé représentant 80 % et 60 % des

infractions respectivement (Iskander 2000 : 48). La confection étant très largement concentrée dans la région

parisienne et dans la capitale elle-même (57 % des établissements), elle est particulièrement vulnérable aux

contrôles (80 % de la verbalisation de la confection est effectuée en Île-de-France).

L’accentuation de la concurrence, internationale certes, mais aussi nationale alimentée par la baisse des prix

comme unique moyen pour de nouvelles vagues d’ouvriers immigrés et les nouvelles générations de façonniers

d’entrer sur le marché (Green 1998 : 386), a segmenté l’activité. Deux stratégies économiques, correspondant à

deux localisations géographiques, se distinguent à présent clairement (Ibid. : 48-52). D’une part, les entreprises

spécialisées sur la production à forte valeur ajoutée utilisent une main-d’œuvre qualifiée pour obtenir des

produits de qualité dans un temps très bref. Elles sont localisées à Paris, dans le quartier du Sentier, et les

infractions pour travail illégal sont surtout une dissimulation partielle de salariés (heures non déclarées, faux

indépendants utilisés en fonction d’une activité très saisonnière), plutôt qu’un recours à des étrangers sans titre

de travail. Seuls les sans-papiers très qualifiés sont ici embauchés, à un salaire raisonnable (deux fois le salaire

minimum pour les meilleurs mois), la plupart du temps par des entrepreneurs eux-mêmes étrangers en situation

régulière (voir supra, II-3a). L’autre stratégie est celle d’entrepris es spécialisées dans la production de faible

qualité, disposant d’une activité légale et des unités de production totalement dissimulées. Si, au début des

activités de l’OCRIEST en 1994, il existait des structures de grande taille, ces unités sont, depuis l’an 2000, de

petites tailles (2-3 couples) installés dans le 11e arrondissement de Paris et surtout, dans des pavillons en

banlieue, moins facilement repérables. Ces entreprises utilisent une main-d’œuvre peu qualifiée, exclusivement

étrangère en situation irrégulière, payée à la pièce et atteignant difficilement la moitié du salaire minimum pour

de très longues journées de travail (jusqu’à quinze heures par jour, sept jours sur sept) dans des conditions

sordides sans que la rémunération, à la pièce, ne prennent en compte ces conditions (OCRIEST 2000 : 6).

Cette seconde stratégie est particulièrement mise en œuvre par le milieu asiatique (abusivement assimilé aux

seuls Chinois) de la confection qui, selon les analyses de l’OCRIEST, n’est pas lié à des fil ières d’entrée

pour des ressortissants dont les pays entrent dans l’Union européenne à la mi -2004. Le recours, dans une moindre mesure, à des Portugais, Espagnols et Britanniques, montre que l’entrée dans l’UE, en l’absence d’une

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irrégulière en France. En revanche, un grand nombre de migrants ont une dette à rembourser, en général à la

famille, aux proches et aux voisins restés au pays, auprès desquels ils se sont endettés pour payer les passeurs et

autres intermédiaires qui ont facilité leur entrée irrégulière en France (Cattelain 2002 : 55, 69-71). Comme la

dette contractée l’est dans le pays d’origine, et que l’employeur direct n’est pas le créancier, il ne s’agit pas à

proprement parler d’une servitude pour dettes , puisqu’il n’y a pas imbrication des facteurs conduisant à la

servitude. Mais, pour être en mesure de rembourser et ignorant tout du pays d’accueil, les possibilités de travail

en France sont limitées. Ainsi, 38 % des Chinois à leur arrivée travaillent dans la confection, 26 % dans la

restauration, 9 % dans la construction et 15 % sont nourrices ; leur patron étant Chinois à 81 % (dont 65 % du

Zhejiang) et 9 % Turcs (Ibid. : 132). Le remboursement est effectué par des envois directement en Chine et

prend, en 2000-2002, de cinq à huit ans d’un intense labeur, alors qu’il n’en fallait que deux, en 1986 -1992, en

raison d’une concurrence moins forte dans la confection. Au bout d’une dizaine d’années, le migrant installé est

souvent tenu de recevoir un jeune à son tour comme solde de tout compte, celui-ci devra payer pour tout à un

prix élevé. Le montant du salaire mensuel d’un migrant chinois, compris entre 300 et 915 euros, ne montre que

très partiellement cette précarité. La contrainte financière, et morale, est donc forte pour celui qui bénéficie ainsi

d’une telle solidarité. Mais l’acceptation de l’exploitation a pour ressort l’espoir de devenir à son tour

entrepreneur, les solidarités familiales et amicales jouant, à nouveau, pour financer l’accès à ce statu t, grâce au

système dit de la “ tontine ”. En accueillant de nouveaux migrants dépendants corvéables, la reproduction du

système est assurée (Ibid. : 133-139). Par conséquent, bien qu’il soit volontairement candidat à l’émigration, le

débiteur n’a ensuite plus le choix du type de travail, ni de ces conditions d’exercice. Contraint pas la dette, sa

situation relève donc d’un travail forcé. Il est difficile d’estimer le nombre de personnes concernées, mais selon

les données de la dernière régularisation, il y avait probablement entre 13 000 et 14 000 Chinois sans-papiers en

1998 (Ma Mung 2002 : 185).

Si l’ensemble de la confection recherche, par le contournement de la législation sociale, fiscale et du travail, à

gagner en compétitivité, c’est surtout la pr oduction de faible qualité qui correspond le mieux à la maximisation

des avantages liés à une “ délocalisation sur place ”, pour reprendre l’expression d’Emmanuel Terray (1999 : 15-

21). Pour les entreprises, délocaliser leur production se justifie par des avantages multiples (faiblesse des

prélèvements sociaux et fiscaux, des salaires, flexibilité du temps de travail selon la demande, absence de

revendications…), mais comporte un coût de transport, non négligeable selon la valeur de la marchandise, pour

atteindre leur marché. La délocalisation sur place en revanche combine ces avantages de la délocalisation, mais

sans son inconvénient. Exclus de toute règle de protection de par leur situation administrative, les étrangers en

situation irrégulière perçoivent un salaire à la pièce, donc dépendant de la demande, et maintenu très bas en

raison de la faiblesse de leur pouvoir de négociation et de la situation de sous-traitant de l’employeur. Recrutés

sur une base ethnique, ils s’assimilent volontiers à lui, espéra nt accéder un jour eux-mêmes au statut

d’entrepreneurs, limitant ainsi toute action revendicative. Cette connivence, entre employés et employeur, est la

conséquence de la sous-traitance qu’ils perçoivent tout deux du même côté, contraint par elle, puisque dépendant

des exigences du donneur d’ordre (appelé “ fabricant ”, même si c’est le façonnier qui fabrique). Dès lors, même

pour des étrangers en situation régulière, le droit est inactivé car on le mobilise rarement (Brun 2002). Si la

législation sociale commune, n’est pas une garantie contre ces opérations de “ dumping ” social.

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flexibilité et la précarité du travail sont donc intériorisées par tous, elles sont cependant totales pour les sans-

papiers.

f- L’agriculture, ou la précarité internationalisée

Comme pour les autres secteurs déjà présentés, l’agriculture a connu une nette différenciation économique et

le travail illégal, s’il diminue depuis 1995 (voir supra, Graphique 5c), recourt moins à l’emploi d’étrangers sans

titre, en lui substituant la dissimulation de salariés et d’heures travaillées (Marie 1995 : 36-39), totalement ou

partiellement. Schématiquement, la ligne de fracture est la suivante : au Nord, de grandes exploitations fortement

mécanisées et profitant pleinement des financements de la politique agricole commune de l’Union européenne,

au Sud, une agriculture intensive en main-d’œuvre, peu mécanisée, endettée et confrontée à la concurrence de la

production des autres pays méditerranéens et aux pressions à la baisse des prix d’achat par les grands circuits de

distribution qui pratiquent, comme ailleurs, la gestion des stocks en flux-tendus (Bell 2003 : 6). La précarité de

l’emploi agricole est très nette. Ainsi, en 1998 (MAP 2001 : 6-7), les 66 000 exploitations qui emploient de la

main-d’œuvre (10 % de l’ensemble des exploitations) utilisent 140 000 permanents (dont 64 % à plein temps) et

800 000 saisonniers (12 % pour une durée de plus de trois mois, 25 % de plus de 20 jours à moins de trois mois

et 63 % de moins de vingt jours). L’emploi permanent, qui représente à peine 10 % de l’emploi agricole, est

relativement stable parce que d’une part, l’emploi salarié augmente en raison de l’agrandissement des

exploitations (arboriculture et maraîchage) mais, de l’autre, les emplois à plein temps sont remplacés par des

temps partiels. Limités au strict minimum, ceux-ci occupent les mêmes rôles que les permanents dans le

processus de production lorsqu’ils sont de longue durée. L’emploi saisonnier d’une durée inférieure à vingt jours

augmente régulièrement et comporte une proportion importante de femmes, puisqu’elles repré sentent 40 % des

saisonniers, mais seulement 20 % de ceux embauchés sur plusieurs mois (20 % parmi l’emploi permanent). Les

régions qui emploient le plus de saisonniers de courte durée sont les départements viticoles et ceux qui

produisent des fruits et des légumes. Nécessitant une main-d’œuvre abondante lors des récoltes, ces secteurs sont

des cas exemplaires d’une agriculture fragilisée, où la baisse des coûts de production – pour améliorer la

compétitivité ou simplement pour éviter la faillite – repose sur la réduction des dépenses salariales. Pour freiner

cette dynamique régressive dans la production de fruits et légumes, les contrats à durée indéterminée par

intermittence sont, depuis l’an 2000 ( Ibid. : 19-21, 31-34), exonérés de l’ensemble des charges sociales

patronales sur la maladie, la maternité et la vieillesse (15 % restant dus au titre du chômage et d’autres

cotisations diverses). Si l’exonération est un moyen de lutter contre le travail dissimulé, c’est aussi une façon

d’officialiser la précarit é, la durée du travail saisonnier par intermittence ne devant pas dépasser 154 jours à

effectuer auprès d’un même employeur ou d’un groupement d’employeurs. Mais ces contrats sont encore rares et

l’incitation à la professionnalisation – espérée par le renouvellement des périodes d’emploi – butte sur la non

reconnaissance de la qualification dans les conventions collectives agricoles, un chef d’équipe ne gagnant guère

plus que le salaire minimum et un grand nombre de saisonniers ne percevant même pas le salaire minimum

horaire. La professionnalisation est d’ailleurs limitée en raison de la répétitivité du travail, soumis en outre aux

intempéries, et des conditions de transport et d’hébergement difficiles – les meilleurs logements ou leur

réhabilitation étant affectés en priorité au tourisme rural. Ce qui explique la mobilisation des organismes

professionnels auprès des pouvoirs publics pour qu’ils autorisent le recrutement de saisonniers étrangers ( Ibid. :

10).

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S’il est impossible de connaître le nombre de ressortissants de l’UE travaillant comme saisonniers dans

l’agriculture française, en raison de la libre circulation des personnes et de l’embauche, le nombre d’étrangers

extra-communautaires est, lui, en baisse régulière. Le nombre moyen de saisonniers introduits par l’OMI est

passé de 30 614 en 1946-1959, à 116 096 en 1960-1982, 74 405 en 1983-1991 et 9 139 en 1992-2001 (OMI

2003a). En 1998, ils représentaient donc à peine 1 % de l’ensemble des saisonniers. Après une baisse continue,

les entrées augmentent en 2000 (7 696 saisonniers agricoles) et 2001 (10 407), dernière année disponible. Des

conventions bilatérales sont signées avec le Maroc et la Tunisie en 1963 (respectivement complétées en 1987 et

1988) et avec la Pologne en 1992, ce qui explique la prépondérance de leurs ressortissants parmi les saisonniers

agricoles : en 2000 et 2001, 50 % sont Marocains, 44 % Polonais et 5 % Tunisiens (1 % de Yougoslaves et

autres). Ils travaillent à 40 % dans les travaux agricoles multiples, 24 % dans la récolte de fruits et légumes et

24 % dans les vendanges (12 % dans les autres secteurs). Enfin, le seul département des Bouches-du-Rhône

concentre 42 % des saisonniers, à 81 % dans les multi-travaux agricoles et 14 % dans la récolte de fruits et

légumes.

Or, selon le ministère de l’Agriculture lui -même (MAP 2001 : 28-29), les autorités dans ce département ne

vérifient pas la nécessité démontrée de recourir à une main-d’œuvre étrangère avant d’accéder aux demandes des

employeurs, ni l’obligation de respecter les règle s du travail, en particulier les conditions de logement. Un

renforcement de la répression du travail illégal et de la vigilance lors de l’embauche de saisonniers est donc

nécessaire, mais les moyens en inspecteurs sont insuffisants. Les règles d’embauches des saisonniers sont ainsi

rappelées et des dispositifs organisées pour en assurer l’application : leurs contrats ne peuvent excéder six mois

sur une période de douze mois consécutifs, les employeurs doivent d’abord consulter l’Agence nationale pour

l’empl oi – afin de vérifier qu’il n’y ait pas de main -d’œuvre locale disponible –, être en règle en matière de

cotisations sociales et les services compétents doivent vérifier les conditions de logement et le respect de la

réglementation du travail sur place (DPM 2002, points IV, V-1). Quoi qu’il en soit, ces contrats OMI

officialisent une précarité internationalisée, puisque les bénéficiaires n’ont aucune priorité à l’embauche l’année

suivante, aucun droit au chômage ou au revenu minimum d’insertion bien qu’ils aient cotisé, ni droit au

regroupement familial car le séjour est temporaire, ni prise en compte de leur présence cumulée sur le territoire

pour l’obtention d’une carte de séjour comme la résidence n’est pas continue… (Herman 2003 b). Il faut y ajouter

de nombreuses pratiques illégales (CODETRAS 2002 : 3-4) : avant l’arrivée (paiement d’une commission

pouvant atteindre 7 600 euros pour être embauché), pendant le séjour (dépassement d’horaires, absence de repos

hebdomadaires, de protections contre les polluants, mise à disposition auprès d’un autre exploitant…) et après le

séjour si le saisonnier souhaite revenir travailler (renégociation de la commission). C’est que la dispersion

géographique des exploitations, l’isolement social et culturel, le différentiel de pouvoir d’achat entre la France et

les pays d’origine…, rendent ces saisonniers étrangers particulièrement susceptibles d’être soumis aux pires

conditions de travail et d’hébergement, sans possibilité de pouvoir revendiqué le respect de leur droits (Her man

2003a).

Par conséquent, ces conditions de travail relèvent du travail forcé, puisque le saisonnier extra-communautaire

est dans l’impossibilité pratique de remettre en cause ses conditions de travail et d’hébergement, sauf à perdre

cet emploi temporaire dont le salaire représente une source de revenu essentielle pour la famille restée au pays.

En outre, si le statut administratif n’organise pas le travail forcé, il en facilite l’instauration en interdisant aux

saisonniers de changer d’employeur et les rend encore plus vulnérables en leur refusant des droits accordés aux

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autres contrats à durée déterminée (assurance maladie annuelle, prime de précarité, priorité à la réembauche). Il

est cependant très difficile d’évaluer la part des saisonniers OMI ains i exploités car, espérons-le, tous (10 000

personnes environ chaque année) ne sont pas dans ce cas ! Au regard des effectifs en cause, le nombre de

personnes en situation de travail forcé parmi les autres saisonniers est potentiellement nettement plus élevé,

d’autant que l’isolement géographique et social peut en faciliter le développement. Il s’agit alors surtout des

pratique de fausse sous-traitance en ayant recours à des faux indépendants, comme dans la foresterie, et de

conditions indigne d’hébergement.

IV- L’INCRIMINATION DE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS

1) Origine de l’incrimination de la traite

La plus grande prise en compte dans le débat public du travail forcé et de la traite des êtres humains provient

certainement des modifications qui ont affecté certaines activités socio-économiques depuis les années 1990. En

font partie, bien sûr, l’apparition de réseaux de proxénétisme, en particulier en provenance d’Europe de l’Est et

d’Afriqu e noire, et le militantisme actif d’organisations non gouvernementales – d’ailleurs récemment

regroupées en un Collectif contre la traite des êtres humains – apportant leur soutien au prostituées. La

revendication publique des mouvements de sans-papiers pour leur régularisation en est aussi un élément fort.

Tout comme la prise de conscience par des organismes de défense des droits de l’Homme et de soutien aux

immigrés, des conditions indignes d’exploitation qui sont faites à des étrangers en situation irrég ulière.

L’activisme du CCEM sur les abus commis à l’encontre d’employés domestiques est aussi à prendre en compte.

Enfin, les célébrations en 1998 du 150e anniversaire de la seconde abolition de l’esclavage en France et du 50 e de

la Déclaration universelle des droits de l’Homme ont été l’occasion d’aborder les stigmates de l’esclavage dans

les sociétés contemporaines, ainsi que la question des réparations. L’interrogation sur la persistance de modalités

contemporaines ou analogues à l’esclavage a commencé a lors à prendre forme.

Ces éléments ont trouvé un écho politique au sein du Conseil économique et social qui s’est saisi de la

question de “ l’esclavage contemporain et ses réseaux ” (CES 2003) dans le cadre de sa section des Relations

extérieures après avoir publié un premier rapport sur “ l’esclavage moderne en France ” (CES 2001). Les

grandes catégories répertoriées sont : la servitude pour dettes, certaines conditions d’exercice d’emploi

domestique, l’exploitation (y compris sexuelle) du travail des en fants, et la prostitution. Le prélèvement et le

trafic d’organes est considéré comme un nouveau domaine à risque d’exploitation des êtres humains en raison de

l’évolution des techniques. L’Assemblée nationale, avec sa Mission d’information sur “ les diverses formes de

l’esclavage moderne ” (AN 2001 a), reprend et étudie plus en détail ces grandes catégories, en particulier dans

leur organisation en réseaux, mais à l’exception du prélèvement et du trafic d’organes. Commence alors un long

et tortueux processus parlementaire pour introduire l’infraction de traite des êtres humains dans le droit pénal

français (Figure 2).

Figure 2 : Cheminement de la proposition d’incriminer la traite des êtres humains

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Proposition de loi sur l’esclavage aujourd’hui

(24 janvier 2002)

Projet de loi pour la sécurité intérieure (19 novembre 2002)

Projet de loi pour la sécurité intérieure

(28 janvier 2003)

Rapport Vidaliès sur l’esclavage moderne

(12 décembre 2001)

Projet de loi Sarkozy pour la sécurité intérieure

(23 octobre 2002)

Assemblée nationale

Commission mixte paritaire

(accord sur un texte commun, 4 février 2003)

Transmis pour discussion (date d’adoption) Intégré dans un autre texte Tentative d’harmoniser les textes

Proposition de loi sur l’esclavage aujourd’hui

Sénat Gouvernement

Projet de loi pour la sécurité intérieure

(13 février 2003)

Projet de loi pour la sécurité intérieure

(12 février 2003)

Promulgation de la loi (18 mars 2003)

Décrets d’application

Conseil constitutionnel (13 mars 2003)

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Pour remédier à l’indulgence des juges vis -à-vis du proxénétisme, ou à l’incapacité d’atteindre les

responsables de réseaux, et surtout pour englober l’ensemble des agissements qui instaurent un travail forcé, tout

en renforçant les peines encourues en la matière, l’Assemblée nationale a voté le 24 janvier 2002 la proposition

de loi21 sur “ la lutte contre les différentes formes de l’esclavage aujourd’hui ” (AN 2002). Adoptée lors de la

législature précédente en première lecture et à l’unanimité, l’actuelle majorité a donc aussi soutenue cette

proposition de loi. Elle introduit dans le code pénal l’infracti on de la traite des êtres humains, donne un statut aux

victimes étrangères, aggrave les sanctions existantes contre les personnes physiques et morales, et instaure pour

lutter contre la traite et le proxénétisme certains dispositifs existant en matière de trafic de stupéfiant et de

blanchiment. Mais ce texte n’est ensuite pas inscrit à l’ordre du jour du Sénat et n’y sera donc pas discuté en tant

que tel.

Il faut attendre la discussion du projet de loi “ pour la sécurité intérieure ” du nouveau gouvernemen t, pour

que des sénateurs y introduisent le texte, en partie modifié, voté par l’Assemblée nationale près d’un an

auparavant. Englobé dans un projet de loi qui débute son cheminement parlementaire22, le texte qui nous

intéresse recommence alors le processus qu’il avait déjà, en partie, parcouru. Mais le projet de loi étant déclaré

urgent par le gouvernement, les navettes parlementaires sont limitées. Ainsi, après les modifications introduites

par l’Assemblée nationale au projet voté par le Sénat, une commission mixte paritaire composée de députés et de

sénateurs réussit à harmoniser les versions en présence, aboutissant au texte définitif enfin adopté, sans

modification, par les deux assemblées. Mais, l’incrimination de la traite faisant partie d’un texte contesté sur la

sécurité intérieure, le Conseil constitutionnel est saisi par des sénateurs et députés de l’opposition. Le Conseil

confirme la constitutionnalité de la loi (CC 2003) et le président de la République l’a signe le 18 mars. Publiée le

lendemain au Journal officiel (France 2003), la loi est donc applicable, même si quelques décrets sont

nécessaires pour la rendre exécutoire pour certaines de ses dispositions.

2) Contenu juridique

La définition de la traite (Annexe 2, art. 32), introduite dans le code pénal dans son article 225-4-1, est en

conformité avec la définition donnée par le protocole de Palerme relatif à la traite. Cependant, la définition

française y ajoute explicitement l’exploitation de la mendicité – ce que le protocole peut prendre en compte sous

l’appellation de “ services forcés ” –, mais ne discute pas du consentement ou non de la personne. En droit

français, lorsqu’une infraction est constatée, peu importe que la victime soit ou non consentante. La traite,

comme le proposait déjà la loi “ sur l’esclavage aujourd’hui ” votée par l’Assemblée nationale, est alignée sur ce

21 Quand une loi est d’initiative parlementaire, c’est une “ proposition de loi ” ; mais c’est un “ projet de loi ” quand l’initiative en revient au gouvernement. 22 Tous les documents sur la proposition d’incriminer la tra ite des êtres humains et le compte rendu des débats à l’Assemblée nationale sont disponibles sur sa page internet traitant du projet de loi “ pour la sécurité intérieure ” : http://www.assemblee-nationale.fr/12/dossiers/securite-interieure.asp#lsi. Pour le compte rendu des débats au Sénat, sa page internet est la suivante : http://www.senat.fr/dossierleg/pjl02-030.html. Enfin, les documents du Conseil constitutionnel à propos de sa décision sont aussi disponibles sur sa page internet traitant du projet de loi : http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2003/2003467/index.htm.

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qui existe en matière de proxénétisme. Ainsi, la traite d’êtres humains est punie des mêmes peines (à l’exception

du ii) ci-dessous) :

i) sept ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende dans le cas simple ;

ii) sept ans et 750 000 Õ Ö9×�Ø�Ù�Ú9Û§Ö9Ü�Ý être en mesure de justifier de ses ressources tout en étant en relations

habituelles avec une personne victime ou auteur de la traite ;

iii) dix ans et 1 500 000 ÞGßAàMá�â�ãQä;ßRá�å@æBá�ç;à9ã�è�âAà9á�ß�ãWâ�é;é�æ�âZê1âAà;è[ß�ã 23 ;

iv) vingt ans et 3 millions d’euros en cas de bande organisée ;

v) la réclusion perpétuelle et 4 500 000 Þ!ßAàMá�â�ãQä&ß\æBß�á�ç�ë�æ#ã à la torture ou à des actes de barbarie.

Comme pour le proxénétisme, la tentative de commettre l’ infraction de traite est punissable de la même manière.

Mais, contrairement à ce qui est prévu en matière de proxénétisme, où les peines d’amende sont égales

(150 000 ìHíBî&ï�ð�ñAò!óAô9õ�óRö¦ô9÷�ïö�ø&ù�óRó�ú�ûbô9ó3ûû[óAò!óAô;ûýü�ïþ9ú�ù�ïó3ÿ1ù�ó\ü���þ��Qï�ñ\ü1ó���ú��;ô&ô1ó��;þ9ö9ô1ó\ü1ó3þ;û��þ1úBû�ö�÷[ö�ó� de son train de vie

par rapport à celle qui commet directement l’infraction de traite (750 000 � ���������������������� 000 du cas simple).

Cette différence ne peut s’expliquer que par le souci d’atteindre les commanditaires des filières, sinon il ne serait

pas très logique de punir les auteurs directs moins lourdement que ceux ayant un rapport éloigné. Toutefois, en

précisant que les personnes visées sont aussi bien les auteurs des infractions de traite que les personnes en

relation avec la victime, une confusion possible est introduite entre la famille de la victime et les trafiquants. Car

la famille peut recevoir des subsides de la victime sans pour autant connaître sa situation réelle. Au cas où la

famille serait cependant complice des trafiquants, la famille devenant co-auteur de l’infraction, la précision

semble alors inutile.

Les dispositifs qui existent à propos du trafic de stupéfiant et de blanchiment sont étendus à la traite, en ce

qui concerne la confiscation de tout ou d’une partie des biens du condam né (Annexe 2, art. 37). Le blanchiment,

qui s’applique d’ailleurs aux produits de la traite, est puni de cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros

d’amende dans son cas simple (art. 324 -1 du CP) et dix ans et 750 000 ����� !�#"�%$&���'���)(+*���,-,.�/�0���1,.��23� ère

habituelle, en utilisant les facilités dues à une profession, ou en bande organisée (art. 324-2 du CP). La loi de

mars 2003 donne une compétence nationale au juge en matière de trafic de stupéfiant et de blanchiment (Annexe

2, art. 39). En ce qui concerne les étrangers passibles de poursuites pénales pour traite d’êtres humains ou

exploitation de la mendicité, la loi stipule que la carte de séjour temporaire peut leur être retirée (Id., art. 75).

Pour les mineurs, le délai de prescription de dix années court à partir de leur majorité lorsqu’ils sont victimes de

la traite d’êtres humains ( Id., art. 38), comme dans le cas du proxénétisme.

Un statut de la victime est également instauré. Les victimes de la traite doivent bénéficier de places d’accueil

dans des centres de réinsertion avec des conditions sécurisantes (Id., art. 43). Mais la distinction est faite entre

victimes sexuelles et les autres, qui ne semblent pas avoir la possibilité de bénéficier de protection et d’assistance

prévue pour les premières (Id., art. 42). Cela est cependant en contradiction avec le fait que des places leurs

soient réservées. La distinction est assez étrange et s’explique sans doute par la volonté d’aider uniquement les

23 Avec quelques modifications. La plus importante est que l’emploi de la contrainte ou de violences est aussi pris en compte lorsqu’elles sont employées envers la famille et les personnes en relation habituelle avec la personne contre laquelle l’infraction est commise, ce qui n’est pas le cas en matière de proxénétisme. L’existence d’un r isque de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente pour la personne contre laquelle l’infraction est commise, remplace le cas, prévu dans le proxénétisme, où l’infraction est commise avec un port d’armes. Tout com me, logiquement, les personnes en charge de la lutte

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associations de soutien aux personnes qui se prostituent, et non celles soutenant les autres victimes de la traite.

Le gouvernement risquerait en effet de subventionner des associations soutenant les sans-papiers alors qu’il se

refuse à les régulariser, au titre qu’ils ne sont pas de vraies victimes, mais simplement des “ clandestins ” au

mieux qualifiés de “ réfugiés économiques ”. Les débats au Sénat – moins à l’Assemblée nationale – ont montré,

de manière symptomatique, l’assimilation constante par les intervenants de la traite des êtres humains au

proxénétisme ; alors qu’elle concerne aussi l’exploitation de la main -d’œuvre pour son travail.

La différence essentielle entre la loi qui incrimine finalement la traite d’êtres humains et la proposition de loi

votée par l’Assemblée nationale, au cours de la législature précédente, consiste dans la possibilité offerte aux

victimes étrangères de rester en France.

La proposition de loi votée “ sur l’esclavage aujourd’hui ” (AN 2002, art. 2) accordait aux victimes

étrangères un véritable statut de victime. En effet, à la demande du procureur de la République ou du juge

d’instruction, une carte de séjour temporaire (avec la possibilité de travailler) “ est délivrée ” à la suite du dépôt

d’une plainte ou d’un témoignage. Si la procédure aboutissait à la condamnation de la pe rsonne mise en cause,

une carte de résident “ est délivrée ” au plaignant étranger. En revanche, si la procédure n’aboutissait pas, le

plaignant pouvait soit obtenir un renouvellement de sa carte de séjour temporaire, s’il justifiait “ d’efforts

d’insertio n ” et prouvait qu’il était en mesure de “ vivre de ses seules ressources ”, soit obtenir une carte de

résident, s’il justifiait “ d’une résidence ininterrompue d’au moins trois années ”. En ne considérant plus les

victimes de la traite comme des délinquants au regard de la réglementation sur l’entrée et le séjour des étrangers,

ce statut devait faciliter les dépôts de plainte et permettre concrètement de sortir les personnes de

l’assujettissement, qu’il s’agisse d’exploitation sexuelle ou du travail.

Or, la loi finalement adoptée par l’actuelle majorité gouvernementale est en net recul sur cette question

(Annexe 2, art. 76). Le texte prévoit qu’une carte de séjour temporaire “ peut être délivrée ” à l’étranger qui

dépose plainte ou témoigne dans une procédure de proxénétisme ou de traite d’êtres humains. En cas de

condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident “ peut être délivrée ” à l’étranger qui

a déposé plainte ou témoigné. La formule montre qu’il n’y a plus d’automaticité , mais qu’il s’agit d’une simple

possibilité et rien n’est prévu au cas où la personne mise en cause n’est pas condamnée. Ce statut très restrictif de

la victime est d’ailleurs en conformité avec le protocole de Palerme relatif à la traite, puisque celui -ci n’appelle

les parties qu’à “ envisager ” des mesures d’assistance aux victimes (ONU 2000 a, art. 6-3) et, pour les pays

destinataires de la traite, qu’à “ envisager ” des mesures pour permettre aux victimes de rester sur leur territoire

(Ibid., art. 7-1). Notons enfin que ni le projet gouvernemental (Ministère de l’Intérieur 2002, art. 29), ni la

première mouture du texte sur la traite qu’y introduit le Sénat (CMP 2003, art. 29), ne concernaient les victimes

de la traite, mais seulement celles du proxénétisme. Il ne s’agissait alors que d’une carte de séjour temporaire.

Les autres victimes des filières qui trafiquent des êtres humains, pour exploiter leur mendicité ou leur travail

dans des conditions sordides, n’étaient ainsi pas prises en compte.

Enfin, la loi prévoit des condamnations à l’encontre des personnes qui exploitent la mendicité en dehors de la

traite (Annexe 2, art. 64). Les peines alors prévues sont plus faibles que si l’exploitation avait lieu dans le cadre

contre la traite se substitue à celles en charge de la santé, et le cas de la pluralité d’auteurs sans former une bande organisée est supprimé, puisque par définition la traite implique plusieurs auteurs.

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d’une traite d’êtres humains (qui inclut explicitement l’exploitation de la mendicité). Dans le cas simple, les

peines sont de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende ; elles passent à cinq ans et 75 000 405�6.798�:de circonstances aggravantes (les mêmes que pour le proxénétisme, mais sans les cas de bande organisée et

d’actes de barbarie) et sont portées à dix ans et 1 500 000 euros en cas de bande organisée. De la même manière

que pour la traite d’êtres humains, le proxénétisme ou le trafic de stupéfiants, le fait de ne pas pou voir justifier de

son train de vie alors qu’existe une influence sur des personnes qui se livrent à la mendicité, ou qu’existe une

relation habituelle avec elles, est assimilé à l’exploitation de la mendicité. Mais ces sanctions financières sont

notoirement insuffisantes pour réprimer ces agissements (AN 2001a : 25-28), même s’il est encore plus difficile

que pour le proxénétisme d’estimer le revenu de l’exploitation de la mendicité.

Pour finir, la loi transforme en infraction la mendicité agressive (Id., art. 65). Celle-ci est punie de six mois

d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. L’article permet de considérer toute mendicité non isolée, ou tout

mendiant accompagné d’un chien, comme représentant une forme d’agression, puisque cette notion n’est pas

définie et qu’il n’est pas fait référence de manière explicite à la mendicité dans cet article, intitulé “ demande de

fonds sous contrainte ”. Afin d’affirmer que la mendicité n’était pas incriminée en tant que telle, un

amendement, dit de l’abbé Pierre, s tipulait que :

“ Nul ne peut être poursuivi pour avoir mendié, cherché un abri dans un logement ou un terrain non occupé ”.

Mais il est rejeté lors des discussions parlementaires. Elles assimilent, en revanche, la mendicité accompagnée

d’un enfant de moi ns de six ans à une privation de soins au point de compromettre sa santé (Annexe 2, art. 44),

ce qui est puni de sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende (art. 227 -15 du CP). Le premier mois

d’application de la nouvelle loi en la matière prévoit , comme pour le racolage, la comparution immédiate des

personnes en infraction (Garcia 2003a), ce qui, là encore, permet simplement de lutter contre les personnes

mendiant, et non contre ses véritables bénéficiaires.

Par rapport à la législation sur l’ai de à l’entrée ou au séjour irrégulier d’un étranger, qui jusqu’à présent était

le seul moyen de réprimer la traite, la nouvelle loi complète les circonstances aggravantes en la matière et alourdi

les peines financières déjà prévues. En donnant une telle définition de la traite, toutes les formes de travail forcé

organisées par des réseaux (trafic de main-d’œuvre, servitude pour dettes, exploitation de la mendicité,

conditions de travail sordides, non rémunération ou rémunération manifestement sans rapport avec l’importance

du travail…), et non pas uniquement l’exploitation sexuelle comme avec le proxénétisme, entrent dans le champ

pénal.

*

* *

La comparaison des deux textes législatifs qui abordent, uniquement ou en partie, la question de la traite et,

indirectement, du travail forcé montre un recul dans l’élaboration d’un statut de la victime. Le texte présenté par

le gouvernement actuel à propos de la sécurité intérieure faisait complètement l’impasse non seulement sur

l’incrimination de la traite de s êtres humains – malgré l’affirmation récurrente du ministre de l’Intérieur d’agir

contre les réseaux qui pratiquent ce type de trafic –, mais aussi sur une réforme cohérente des différentes peines

déjà existantes en matière d’exploitation de la vulnérabi lité. En introduisant un chapitre spécifique à la traite des

êtres humains, le Sénat incorporait en grande partie la loi votée par l’Assemblé nationale, tout en restreignant le

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statut de la victime. Or, ce recul écorne la ferme volonté affichée d’éradiquer les réseaux qui alimentent le travail

forcé, bien que celui-ci soit, presque uniquement, perçu comme relevant du proxénétisme. Les premières

applications de la loi laissent peu de doute sur la priorité choisie : réprimer les manifestations sociales

dérangeantes, prostitution et mendicité dite agressive, plutôt que de vraiment lutter contre les réseaux. Car les

autres mesures nécessaires, de l’augmentation du nombre de policiers spécialisés (par ailleurs annoncée) et

d’inspecteurs du travail, à la mise en œ uvre d’actions de prévention, de développement économique en

collaboration avec les pays d’origine et de transit, et une plus grande ouverture des frontières, sont peu ou pas

mises en avant. Quoi qu’il en soit, avec l’introduction dans le code pénal de l’i nfraction de la traite d’êtres

humains et le statut donné aux victimes – qu’il faut encore améliorer –, les pouvoirs publics sont, en théorie,

mieux à même de démanteler les réseaux et de rendre aux victimes liberté, justice et dignité.

CONCLUSION

En mars 2003, la traite d’êtres humains devient un crime dans le droit pénal français, mais l’organisation

administrative n’est pas pour autant transformée : la traite étant toujours assimilée au proxénétisme. Les débats,

lors de l’adoption de cette loi, ont persisté dans ce biais et les autres formes d’exploitation sont le plus souvent

ignorées ou réduites à celle de la mendicité ou du vol. L’exploitation d’étrangers en situation irrégulière pour

leur travail, abordée parfois à propos des pratiques illégales dans le milieu asiatique de la confection, est surtout

perçue comme relevant de la police des frontières, plutôt que de la seule politique pour faire partout respecter le

droit du travail. La contradiction centrale réside ici dans la mise sur un même plan des infractions relatives aux

règles administratives sur l’entrée et le séjour des étrangers et les délits relatifs à l’exploitation de la

vulnérabilité. Ceux-ci correspondent dans le droit français à ce que l’OIT ap pelle le travail forcé. Or, la volonté

de lutter contre le crime organisé butte sur l’absence d’une politique cohérente de soutien aux victimes, même

envers celles du proxénétisme ou de la traite. Le droit de rester en France n’est finalement concédé que s i une

procédure judiciaire aboutit à la condamnation de la personne mise en cause. Une telle restriction n’encourage

pas les victimes à se faire connaître, n’ayant aucune sécurité sur leur avenir après avoir dénoncé leur exploiteur,

omnipotent à leurs yeux. En outre, les victimes de l’exploitation de la vulnérabilité sont totalement ignorées dans

cette prise en compte très sélective des victimes de l’exploitation extrême.

La loi incriminant la traite d’êtres humains et renforçant les peines relatives à l’ exploitation de la

vulnérabilité, devrait tout de même faciliter la connaissance de la situation de la traite et du travail forcé en

France, largement ignorée actuellement en dehors du cas du proxénétisme et de “ l’esclavage domestique ”. Une

plus grande attention aux victimes devrait ainsi en résulter et mettre en exergue l’absence cruelle d’information

centralisée sur les victimes – toute l’attention statistique de la Justice étant portée sur les personnes condamnées !

Il manque une structure centrale pour réprimer ce qui correspond au concept de travail forcé, au sens de l’OIT, à

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savoir toutes les formes extrêmes d’exploitation : qu’il s’agisse d’exploitation sexuelle ou d’exploitation de la

main-d’œuvre pour son travail dans des conditions sordides, que cela soit par l’intermédiaire d’un trafic

international de migrants ou en dehors de tout réseau. Avec la modernisation statistique et une meilleure

centralisation des données relatives au travail illégal, la question de l’information quantitative devrait ê tre réglée

au début de 2004, cependant la production d’études qualitatives sectorielles restent beaucoup trop parcellaires.

La très brève description menée pour quelques secteurs économiques susceptibles d’héberger du travail forcé

montre l’ampleur poten tielle du phénomène, dès que la vision restrictive de “ l’esclavage moderne ” est

abandonnée, pour interroger toutes les formes éventuelles de travail forcé. Autrement dit, interroger toutes les

situations où le producteur ne dispose d’aucune autonomie éco nomique et politique vis-à-vis de la figure du

maître incarnant la figure de la Loi. La question se résume alors de manière lapidaire : existe-t-il effectivement

des droits indépendants des maîtres ?

Si l’utilisation de l’expression “ esclavage moderne ” peut se concevoir à des fins médiatiques, pour

stigmatiser certaines formes contemporaines extrêmes d’exploitation – d’ailleurs interdites par les conventions

internationales et la loi française –, il n’en reste pas moins que la distinction sociologique e ntre esclavage et

travail forcé est primordiale. Assimiler les deux concepts reste difficile, même en prenant une définition aussi

ouverte que celle, issue d’une étude comparative de l’esclavage, qui le définit comme :

“ un dépendant : 1) dont le statut (juridique) est marqué par l’exclusion d’une dimension considérée comme fondamentale par la société et 2) dont on peut, d’une façon, ou d’une autre, tirer profit. ” (Testart 2001 : 25)

Il en résulte que l’esclave, dans les sociétés lignagères africaines, est celui qui est exclu de la parenté ; dans

l’Antiquité grecque et romaine, c’est l’exclu de la citoyenneté ; et dans la chrétienté et l’islam, c’est l’exclu de la

communauté des croyants… Mais comment définir l’esclave moderne ? Par l’exclusion de papiers a ttestant de la

régularité de sa situation ? Cela est indéniablement trop vaste, et pourtant comporte une certaine réalité. Il est

évident, en effet, que des situations qui ont actuellement cours en France peuvent à première vue correspondre à

une cette définition de l’esclavage. Il en est ainsi de “ l’esclavage domestique ” ou de l’exploitation de la

vulnérabilité d’étrangers en situation irrégulière, mais les exploités perdent ici rarement leur caractère de parent

et ne deviennent pas des étrangers absolus vis-à-vis de leur maître, bien au contraire. La traite de femmes et

d’enfants livrés à la prostitution par des réseaux les rapprochent encore plus d’une telle définition, par la

violence extrême des rapports sociaux et leur transformation en marchandises, mais les situations ne sont pas

partout aussi nettes. Les réseaux apparemment les plus effroyables, en France, sont ceux structurés depuis

l’Europe de l’Est avec la séquestration comme règle, alors qu’une prostituée en provenance d’Afrique de l’Ouest

se libérerait de sa dette au bout de quelques années. Les pratiques, aussi révoltantes soient elles, de servitude

pour dettes, d’utilisation d’enfants pour mendier ou voler…, ne sont pas assimilables à l’esclavage. Tout comme

les situations décrites de faux stages, faux bénévoles, faux indépendants…, qui ne peuvent qu’être négligées par

une analyse en termes d’esclavage. Par conséquent, si l’estimation du nombre d’esclaves en France, entre 10 000

et 20 000 (Bales 2003 : 28), est assez correcte à propos des victimes de l’exploitation sexuelle aux mains de

réseaux et “ d’esclavage domestique ”, elle est sans aucun doute très sous -estimée si la question du travail forcé

est considérée dans toute son ampleur. Mais actuellement, il est impossible d’avancer une quelco nque estimation

qui nécessiterait d’effectuer des enquêtes par activités.

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Le terme d’esclavage, qui peut pourtant être légitime dans quelques cas bien précis, à l’inconvénient de

considérer qu’il s’agit de formes d’exploitation archaïques (Bormans 1996). Il en est de même pour l’expression

“ travail forcé ” puisqu’elle fait, immédiatement en France, référence aux colonies et au bagne. Par conséquent,

dans une perspective moins normative et plus analytique, nous leur préférons l’usage de “ formes extrêmes

d’exploitation ”. Ce qui a l’avantage de ne pas considérer ces formes de mise au travail comme marginales, ou

issues de rapports sociaux désuets. Car il s’agit, bien au contraire, de les intégrer dans les bouleversements

économiques en cours pour rappeler la tentation constante du capitalisme d’asservir le travail par les formes les

plus diverses (Moulier Boutang 1998).

Dans cette perspective, il apparaît alors nettement que l’évolution économique récente – due en partie à la

mondialisation, mais surtout à la conséquence d’une dérégulation volontariste – favorise la réapparition d’une

forme archaïque du salariat où l’employeur contrôle le processus de production, sans avoir aucune obligation liée

à la protection sociale et à la réglementation du travail. Elles étaient jusque-là associées au rapport salarial issu

de la construction de l’État soucieux de justice sociale – abusivement appelé “ État-providence ”. Ce déliement

du salariat résulte d’un recours systématique à “ l’externalisation ” d’activités précé demment intégrées à la

production, permettant de sous-traiter des tâches à faible valeur ajoutée pour faire face à l’accentuation de la

concurrence et à l’application partout de la règle de gestion des flux -tendus. La multiplication des possibilités

légales de contourner la réglementation du travail, justifiée par la lutte contre le chômage, a rendu possible

l’émergence de faux indépendants, qualifiant une fausse sous -traitance. Une bonne partie de la lutte contre le

travail illégal, et donc contre le travail forcé, même si la situation d’exploitation de la vulnérabilité est peut -être

plus aisée à caractériser, réside dans la possibilité de requalifier en travail salarié des situations de travail qui

soit-disant n’en relèvent pas. Or, rendre plus difficile l a requalification de ces situations, revient à laisser libre

cours à une aggravation de la précarité des relations de travail, sous prétexte de protéger la liberté d’entreprendre

en considérant que cela donnerait un pouvoir exorbitant aux juges menaçant la liberté économique – comme le

prétend systématiquement le libéralisme économique.

Le travail forcé n’est donc pas une conséquence d’une éventuelle défaillance du marché, mais bien au

contraire la mesure même de sa déréglementation et de la parfaite adaptation au marché de ce nouveau type de

salarié : le salarié néolibéral, dépourvu de couverture sociale et parfaitement flexible, grâce à la précarisation

continue de la relation de travail.

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Annexe 1 : Autres références

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Annexe 2 : Extrait de la LOI n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure

TITRE Ier DISPOSITIONS RELATIVES AUX FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

ET A LA PROTECTION DES PERSONNES ET DES BIENS […]

CHAPITRE VIII Dispositions relatives à la lutte contre la traite des êtres humains

et le proxénétisme

Article 32 Après l’article 225 -4 du code pénal, il est inséré une section 1 bis ainsi rédigée :

“ Section 1 bis “ De la traite des êtres humains

“ Art. 225-4-1. - La traite des êtres humains est le fait, en échange d’une rémunération ou de tout aut re avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage, de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir, pour la mettre à la disposition d’un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre cette personne des infractions de proxénétisme, d’agression ou d’atteintes sexuelles, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit. “ La traite des êtres humains est punie de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 EUR d’amende. “ Art. 225-4-2. - L’infraction prévue à l’article 225 -4-1 est punie de dix ans d’emprisonnement et de 1 500 000 EUR d’amende lorsqu’elle est commise : “ 1° A l’égard d’un mineur ; “ 2° A l’égard d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ; “ 3° A l’égard de plusieurs personnes ; “ 4° A l’égard d’une personne qui se trouvait hors du territoire de la République ou lors de son arrivée sur le territoire de la République ; “ 5° Lorsque la personne a été mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de télécommunications ; “ 6° Dans des circonstances qui exposent directement la personne à l’égard de laquelle l’infraction est commise à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ; “ 7° Avec l’emploi de menaces, de contraintes, de violences ou de manœuvres dolosives visant l’intéressé, sa famille ou une personne étant en relation habituelle avec lui ; “ 8° Par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de la personne victime de l’infraction prévue à l’article 225-4-1 ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ; “ 9° Par une personne appelée à participer, par ses fonctions, à la lutte contre la traite ou au maintien de l’ordre public.

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“ Art. 225-4-3. - L’infraction prévue à l’article 225 -4-1 est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 3 000 000 EUR d’amende lorsqu’elle est commise en bande organisée. “ Art. 225-4-4. - L’infraction prévue à l’article 225 -4-1 commise en recourant à des tortures ou à des actes de barbarie est punie de la réclusion criminelle à perpétuité et de 4 500 000 EUR d’amende. “ Art. 225-4-5. - Lorsque le crime ou le délit qui a été commis ou qui devait être commis contre la personne victime de l’infraction de traite des êtres humains est puni d’une peine privative de liberté d’une durée supérieure à celle de l’emprisonnement encouru en application des articles 225-4-1 à 225-4-3, l’infraction de traite des êtres humains est punie des peines attachées aux crimes ou aux délits dont son auteur a eu connaissance et, si ce crime ou délit est accompagné de circonstances aggravantes, des peines attachées aux seules circonstances aggravantes dont il a eu connaissance. “ Art. 225-4-6. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121 -2, des infractions prévues à la présente section. Les peines encourues par les personnes morales sont : “ 1° L’amende, suivant les modalités prévues par l’article 131 -38 ; “ 2° Les peines mentionnées à l’article 131 -39. “ Art. 225-4-7. - La tentative des délits prévus à la présente section est punie des mêmes peines. “ Art. 225-4-8. - Le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes victimes ou auteurs des infractions prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6, est puni de sept ans d’emprisonnement et de 750 000 EUR d’amende. ”

Article 33 Dans l’article 225 -13 du code pénal, les mots : “ en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance ” sont remplacés par les mots : “ dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur ”, et les mots : “ deux ans d’emprisonnement et de 75 000 EUR d’amende ” sont remplacés par les mots : “ cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 EUR d’amende ”.

Article 34 Dans l’article 225-14 du code pénal, les mots : “ en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance ” sont remplacés par les mots : “ dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur ”, et les mots : “ deux ans d’emprisonne ment et de 75 000 EUR d’amende ” sont remplacés par les mots : “ cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 EUR d’amende ”.

Article 35 L’article 225 -15 du code pénal est ainsi modifié : 1° Les mots : “ cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 EUR d’amende ” sont remplacés par les mots : “ sept ans d’emprisonnement et de 200 000 EUR d’amende ” ; 2° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés : “ Lorsqu’elles sont commises à l’égard d’un mineur, elles sont punies de sept ans d’emprisonnement et de 200 000 EUR d’amende.

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“ Lorsqu’elles sont commises à l’égard de plusieurs personnes parmi lesquelles figurent un ou plusieurs mineurs, elles sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 300 000 EUR d’amende. ”

Article 36 Après l’article 225 -15 du code pénal, il est inséré un article 225-15-1 ainsi rédigé : “ Art. 225-15-1. - Pour l’application des articles 225 -13 et 225-14, les mineurs ou les personnes qui ont été victimes des faits décrits par ces articles à leur arrivée sur le territoire français sont considérés comme des personnes vulnérables ou en situation de dépendance. ”

Article 37 Après l’article 225 -24 du code pénal, il est inséré un article 225-25 ainsi rédigé : “ Art. 225-25. - Les personnes physiques et morales reconnues coupables des infractions prévues aux sections 1 bis et 2 du présent chapitre encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. ”

Article 38 Dans l’article 8 d u code de procédure pénale, après la référence : “ 222-30, ”, il est inséré la référence : “ 225-4-2, ”, et, après la référence : “ 225-7 ”, il est inséré la référence : “ 225-15, ”.

Article 39 L’article 706 -30 du code de procédure pénale est ainsi modifié : 1° Dans le premier alinéa, les mots : “ le président du tribunal de grande instance ou un juge délégué par lui ” sont remplacés par les mots : “ le juge des libertés et de la détention ” ; 2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé : “ Pour l’application des dispositions du présent article, le juge des libertés et de la détention est compétent sur l’ensemble du territoire national. ”

Article 40 Après l’article 706 -36 du code de procédure pénale, il est inséré un article 706-36-1 ainsi rédigé : “ Art. 706-36-1. - En cas d’information ouverte pour une infraction entrant dans le champ d’application de l’article 706 -34 et afin de garantir le paiement des amendes encourues ainsi que, le cas échéant, la confiscation prévue par l’ article 225-25 du code pénal, le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République, peut ordonner, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par le code de procédure civile, des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen. “ La condamnation vaut validation des saisies conservatoires et permet l’inscription définitive des sûretés. “ La décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement emporte de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevé e des mesures ordonnées. Il en est de même en cas d’extinction de l’action publique. “ Pour l’application des dispositions du présent article, le juge des libertés et de la détention est compétent sur l’ensemble du territoire national. ”

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Article 41 Le deuxième alinéa de l’article L. 611-1 du code du travail est complété par les mots : “ et les infractions prévues par les articles 225-13 à 225-15-1 du même code ”.

Article 42 Toute personne victime de l’exploitation de la prostitution doit bénéficie r d’un système de protection et d’assistance, assuré et coordonné par l’administration en collaboration active avec les divers services d’interventions sociales.

Article 43

L’article L. 345 -1 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé : “ Des places en centres d’hébergement et de réinsertion sociale sont ouvertes à l’accueil des victimes de la traite des êtres humains dans des conditions sécurisantes. ”

Article 44 L’article 227 -15 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé : “ Constitue notamment une privation de soins le fait de maintenir un enfant de moins de six ans sur la voie publique ou dans un espace affecté au transport collectif de voyageurs, dans le but de solliciter la générosité des passants. ”

[…]

Article 46 Dans l’article L. 362-3 du code du travail, les mots : “ deux ” et “ 30 000 ” sont respectivement remplacés par les mots : “ trois ” et “ 45 000 ”.

[…]

CHAPITRE X Dispositions relatives à la tranquillité et à la sécurité publiques

[…]

Article 50 Le code pénal est ainsi modifié :

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1° L’intitulé de la section 2 du chapitre V du titre II du livre II est ainsi rédigé : “ Du proxénétisme et des infractions qui en résultent ” ; 2° Après l’article 225 -10, il est inséré un article 225-10-1 ainsi rédigé : “ Art. 225-10-1. - Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 EUR d’amende. ” ; 3° L’intitulé de la section 2 bis du chapitre V du titre II du livre II est ainsi rédigé : “ Du recours à la prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables ” ; 4° L’article 225 -12-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé : “ Est puni des mêmes peines le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération, des relat ions sexuelles de la part d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse. ” ; 5° Aux 1° et 2° de l’article 225 -12-2, les mots : “ mineurs ” et : “ le mineur a été mis ” sont respectivement remplacés par les mots : “ personnes ” et : “ la personne a été mise ”.

Article 51 Avant le dernier alinéa de l’article 225 -10 du code pénal, il est inséré un 4° ainsi rédigé : “ 4° De vendre, de louer ou de tenir à la disposition, de quelque manière que ce soit, d’une ou plusieurs personnes, des véhicules de toute nature en sachant qu’el les s’y livreront à la prostitution. ”

Article 52 A compter de 2004, le Gouvernement déposera chaque année sur le bureau de l’Assemblée nationale et sur celui du Sénat, à l’ouverture de la session ordinaire, un rapport faisant état de l’évolution de la situation démographique, sanitaire et sociale des personnes prostituées ainsi que des moyens dont disposent les associations et les organismes qui leur viennent en aide.

[…]

Article 64 I. - Le code pénal est ainsi modifié : 1° Après l’article 225 -12-4, il est créé une section 2 ter ainsi rédigée :

“ Section 2 ter “ De l’exploitation de la mendicité

“ Art. 225-12-5. - L’exploitation de la mendicité est le fait par quiconque de quelque manière que ce soit : “ 1° D’organiser la mendicité d’ autrui en vue d’en tirer profit ; “ 2° De tirer profit de la mendicité d’autrui, d’en partager les bénéfices ou de recevoir des subsides d’une personne se livrant habituellement à la mendicité ; “ 3° D’embaucher, d’entraîner ou de détourner une personn e en vue de la livrer à la mendicité, ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle mendie ou continue de le faire ;

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“ 4° D’embaucher, d’entraîner ou de détourner à des fins d’enrichissement personnel une personne en vue de la livrer à l’exercice d’un service moyennant un don sur la voie publique. “ Est assimilé à l’exploitation de la mendicité le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en exerçant une influence de fait, permanente ou non, sur une ou plusieurs personnes se livrant à la mendicité ou en étant en relation habituelle avec cette ou ces dernières. “ L’exploitation de la mendicité est punie de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 45 000 EUR. “ Art. 225-12-6. - L’exploitation de la mendicité e st punie de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 EUR lorsqu’elle est commise : “ 1° A l’égard d’un mineur ; “ 2° A l’égard d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ; “ 3° A l’égard de plusieurs personnes ; “ 4° A l’égard d’une personne qui a été incitée à se livrer à la mendicité soit hors du territoire de la République, soit à son arrivée sur le territoire de la République ; “ 5° Par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de la personne qui mendie ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ; “ 6° Avec l’ emploi de la contrainte, de violences ou de manœuvres dolosives sur la personne se livrant à la mendicité, sur sa famille ou sur une personne étant en relation habituelle avec elle ; “ 7° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteurs ou de compli ces, sans qu’elles constituent une bande organisée. “ Art. 225-12-7. - L’exploitation de la mendicité d’autrui est punie de dix ans d’emprisonnement et de 1 500 000 EUR d’amende lorsqu’elle est commise en bande organisée. ” ; 2° A l’article 225 -20, les mots : “ 2 et 2 bis ” sont remplacés par les mots : “ 1 bis, 2, 2 bis et 2 ter ” ; 3° A l’article 225 -21, les mots : “ à la section 2 ” sont remplacés par les mots : “ aux sections 1 bis, 2 et 2 ter ” ; 4° L’article 227 -20 est abrogé. II. - Dans l’articl e L. 261-3 du code du travail, la référence : “ 227 -20 ” est remplacée par la référence : “ 225 -12-6 ”.

Article 65 Après l’article 312 -12 du code pénal, il est créé une section 2 bis ainsi rédigée :

“ Section 2 bis “ De la demande de fonds sous co ntrainte

“ Art. 312-12-1. - Le fait, en réunion et de manière agressive, ou sous la menace d’un animal dangereux, de solliciter, sur la voie publique, la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien est puni de six mois d’emprisonnement et de 3 750 EUR d’amen de. ”

[…]

Article 75

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L’ordonnance n° 45 -2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France est ainsi modifiée : 1° Le dernier alinéa de l’article 12 est complété par une phrase ainsi rédigée : “ La carte de séjour temporaire peut être retirée à l’étranger passible de poursuites pénales sur le fondement des articles 225-4-1 à 225-4-4, 225-4-7, 225-5 à 225-11, 225-12-5 à 225-12-7, 311-4 (7°) et 312-12-1 du code pénal. ” ; 2° Le I de l’article 21 e st ainsi modifié : a) Dans le premier alinéa, après les mots : “ se trouvait en France ”, sont insérés les mots : “ ou dans l’espace international des zones aéroportuaires situées sur le territoire national ” ; b) Dans le même alinéa, après les mots : “ d’un étranger en France ”, sont insérés les mots : “ ou dans l’espace international précité ” ; c) Dans la première phrase du troisième alinéa, après les mots : “ en France ”, sont insérés les mots : “ ou dans l’espace international mentionné au premie r alinéa ” ; 3° Le 2° du I de l’article 22 est complété par les mots : “ ou si, pendant la durée de validité de son visa ou pendant la période de trois mois précitée, son comportement a constitué une menace pour l’ordre public ”.

Article 76 Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l’étranger ayant déposé plainte ou témoigné. Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. Il détermine notamment les modalités de protection, d’accueil et d’hébergement de l’étranger auquel est délivrée une autorisation provisoire de séjour dans les conditions visées au premier alinéa.

[…]

La présente loi sera exécutée comme loi de l’État. Fait à Paris, le 18 mars 2003.

Jacques Chirac Par le Président de la République :

[…]

© Direction des Journaux Officiels J.O n° 66 du 19 mars 2003 page 4761

Sur internet : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=INTX0200145L

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Annexe 3 : Liste des personnes entendues

Association Pierre Ducerf * Véronique POISSON ([email protected]). Centre d’études de l’emploi * François BRUN ([email protected]). Confédération française démocratique du travail * Bruno VANNONI, Fédération générale agroalimentaire ([email protected]). Confédération générale du travail

* Alphonse VÉRONÈSE, service des relations internationales ([email protected]). Confédération paysanne * Guy MARIGOT ([email protected]), syndicat des Bouches-du-Rhône. École des hautes études en sciences sociales * Nancy GREEN ([email protected]). Forum civique européen * Nicholas BELL ([email protected]). Groupe d’étude et de lutte contre les discriminations

* Claude-Valentin MARIE ([email protected]), sociologue et directeur du GELD, ancien responsable des études à la Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal.

Institut national de la recherche agronomique * Jean-Pierre BERLAN ([email protected]). Ministère de l’Intérieur

* Jean-Michel COLOMBANI, directeur, Office central pour la répression de la traite des êtres humains (01 40 97 81 17). * Émile LAIN, directeur-adjoint, Office central pour la répression de la traite des êtres humains (01 40 97 81 17). * Bertrand MEIGNE, Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (01 60 37 10 79). * Denis PAJAUD, directeur, Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (01 60 37 10 79). * Jean-Michel TRABOUYER (01 53 73 35 63), commissaire, 12e section des Renseignements généraux de la Préfecture de police.

Ministère de la Justice

* Marie-Line ASTÉ ([email protected]), Sous-direction de la statistique, des études et de la documentation. * Monsieur VILA (01 49 96 26 55), Bureau de la formation et de l’emploi.

Ministère des Affaires sociales, du travail et de la solidarité

* Thomas COUTROT, conditions de travail et relations professionnelles, Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (01 44 38 38 38). * Bruno DUPUIS, Direction des affaires européennes et internationales ([email protected]). * Alberte FLORION ([email protected]), Mission de coordination et d’appui aux services déconcentrés. * Hervé GUICHAOUA (01 40 56 43 74), chargé de mission, Direction de la population et des migrations. * André LEBON (01 40 56 41 12), études et statistiques, Direction de la population et des migrations.

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* Caroline PINEAU ([email protected]), documentaliste, Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal. * Raymond POINCET ([email protected]), inspecteur du travail, Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal.

Office des migrations internationales

* Chantal DAUFRESNE ([email protected]), Service des statistiques, des études et de la communication. * Valérie GILTON ([email protected]), Service des statistiques, des études et de la communication. * Véronique TOUCHARD ([email protected]), Service de l’animation, de la coordination et du développement des activités.

Louis ROUVE (04 90 54 34 71), prêtre-ouvrier dans les Bouches-du-Rhône.