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lePetitLittéraire.fr Fiche de lecture Document rédigé par Jean-Bosco d'Otreppe L’Or Blaise Cendrars

Blaise Cendrars - lePetitLitteraire.fr...- 4 - Blaise Cendrars Poète et romancier français d’origine suisse • Né en 1887 à La Chaux-de-Fonds • Décédé en 1961 à Paris

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Fiche de lectureDocument rédigé par Jean-Bosco d'Otreppe

L’OrBlaise Cendrars

lePetitLittéraire.fr

L’OrBlaise Cendrars

(Université catholique de Louvain)maitre en langues et littératures françaises et romanes

Document rédigé par Jean-Bosco d'Otreppe

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RÉSUMÉ 6

ÉTUDE DES PERSONNAGES 11Johann August Suter

CLÉS DE LECTURE 14Le choix de la fiction

Un style témoin de la modernité d’une époque

Le pouvoir de la parole

La Californie et la Nouvelle- Helvétie

PISTES DE RÉFLEXION 19

POUR ALLER PLUS LOIN 21

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Blaise CendrarsPoète et romancier français

d’origine suisse

•  Né en 1887 à La Chaux- de- Fonds•  Décédé en 1961 à Paris•  Quelques- unes de ses œuvres :

ʟ Les Pâques à New York (1912), recueil de poèmes ʟ La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de

France (1913), recueil de poèmes ʟ L’Or (1925), roman

Blaise Cendrars (Frédéric Louis Sauser de son vrai nom) est né en 1887 à La Chaux- de- Fonds, en Suisse. Emmené dès son plus jeune âge par ses parents à travers le monde, il prend son indépendance à 16 ans pour voyager. Très vite, il commence à écrire de la poésie : La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France (1913), Les Pâques à New York (1912), etc.

Durant la Première Guerre mondiale, il s’engage dans la Légion étrangère et est amputé du bras droit. C’est durant l’entre- deux- guerres qu’il se tourne vers le roman avec, notamment, L’Or (1925) et Moravagine (1926).

À la fin de sa vie, il prend la nationalité française et s’ins-talle à Aix- en- Provence. Il décède à Paris en 1961.

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L’OrUne œuvre entre fiction,

poésie et histoire

•  Genre : roman•  Édition de référence : L’Or, Paris, Gallimard, coll. « La

Bibliothèque Gallimard », 2004, 167 p.•  1re édition : 1925•  Thématiques : ruée vers l’or, colonialisme, ascension

sociale, industrialisation, histoire des États- Unis

L’Or (1925) raconte de manière fictionnelle l’histoire du général Johann August Suter. Ce général suisse débar-qué en 1834 à New York se forge un véritable empire en industrialisant les terres désertiques de la Californie. Cependant, la découverte de gisements d’or sur ses terres est pour lui un véritable cauchemar. Ses propriétés sont pillées et son avenir est brisé.

Écrit en six semaines en 1924, ce roman mêlant fiction, poésie et références historiques a été largement plébiscité par la critique comme par le public.

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RÉSUMÉ

L’action prend place en 1834. Poussé par le rêve améri-cain, le Suisse Johann August Suter abandonne sa patrie, son épouse et ses enfants, et rejoint New York de manière clandestine. Une fois là- bas, il exerce tous les métiers pos-sibles, rencontre une multitude de gens, et mémorise tout ce qu’on lui dit et tout ce qu’on lui apprend. Peu à peu, il forme le projet de s’installer dans l’ouest des États- Unis. Chaque rencontre le pousse en effet à gagner la Californie, où il fondera son domaine, la Nouvelle- Helvétie. Il est alors loin de se douter que la découverte de l’or va entrainer la ruine de sa Nouvelle- Helvétie et qu’il va tout perdre, avant de sombrer dans la folie et de finir seul, abandonné de tous.

L’ARRIVÉE EN CALIFORNIE

Quand il y débarque, Suter ne sait pratiquement rien de la Californie, sinon que c’est une vaste province appartenant à la République de Mexico. Tout y est quasiment désertique ; San Francisco n’est d’ailleurs qu’un village de huttes en terre battue édifié par des franciscains. Très vite, Suter annonce son intention de construire un ranch au gouverneur Alvarado. Ce dernier lui attribue alors une première propriété.

Le général et ses hommes se mettent au travail. Les chan-tiers se multiplient et Suter ne tarde pas à récolter les fruits de son travail. Mais de nombreux clans se battent pour pil-ler ou s’approprier la Californie. Néanmoins, Suter parvient à se faire des relations et, tout en recevant de nouvelles

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terres, se fait nommer Capitaine et Gardien de la fron-tière nord. Désireux de protéger son territoire des pilleurs indiens, il fait édifier autour de chacun de ses bâtiments de larges murs, et les met sous la protection de canons et de dizaines d’hommes. Grâce à cela, ses moulins, scieries, fermes, cultures, troupeaux, vergers et potagers prospèrent et lui rapportent énormément d’argent. Il s’entoure de col-laborateurs importants, qui lui assurent un avenir serein. Parvenu au faite de la gloire, il pense à rappeler auprès de lui son épouse et ses enfants.

LE DÉCLIN

Or, un jour, un coup de pioche fait apparaitre d’immenses quantités d’or enfouies sous la terre de ses propriétés. C’est alors la ruée vers l’or : des foules infinies débarquent à San Francisco démolissant, pillant et ravageant tout sur leur passage. La fièvre de s’abat sur la Californie, et menace de démolir l’empire de Suter.

Très vite, ses hommes et ses ouvriers se détournent de lui, et les nouveaux arrivants, non contents de le voler, occupent ses terres et ses cultures. Ses troupeaux sont abandonnés, ses tanneries désertées, ses moulins arrêtés puis pillés. Ne reste à Suter qu’à constater l’étendue du désastre :

Ʒ Du sommet de ces montagnes, je voyais tout l’immense pays 

que j’avais fertilisé, livré au pillage et aux incendies. Des coups

de feu montaient jusque dans ma solitude et le brouhaha des

foules en marche qui venaient de l’ouest. Au fond de la baie,

je voyais s’édifier une ville inconnue qui grandissait à vue d’œil 

et au large, la mer était pleine de vaisseaux.

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Je n’y pus plus tenir.

Je redescendis au fort. Je licenciai tous ceux qui s’étaient sauvés et qui ne voulaient pas m’accompagner. Je résiliai tous les contrats. Je réglai tous les comptes.

J’étais ruiné. (p. 131)

La Californie s’apprête alors à rentrer dans la confédé-ration des États- Unis, et San Francisco devient une des plus grandes capitales du monde. Cependant, à Bâle, on ignore encore la découverte des mines d’or. Madame Suter, accompagnée de ses trois fils et de sa fille, choisit ce moment pour aller rejoindre son mari, ayant reçu de celui- ci toutes les instructions nécessaires. Au cours du voyage, d’abord rapide, des rumeurs contradictoires se font de plus en plus présentes, évoquant à la fois la richesse infinie d’August Suter et la disparition de la Nouvelle- Helvétie suite à la découverte de l’or.

Au  terme d’un voyage  fatigant, Madame Suter  tombe malade ; à son arrivée, elle s’aperçoit que son mari est dorénavant un vieillard fatigué et ruiné. Elle meurt dans ses bras.

LA RUINE

Suter ne comprend ni son échec, ni le dessein que Dieu a pour lui. Essayant cependant de se remettre à l’ouvrage, il lègue vite son travail à ses enfants et s’enferme dans la lecture de l’Apocalypse. Devenu avare et sournois, il décide d’intenter un énorme procès pour récupérer les terres qui lui ont été spoliées et l’argent que tout l’or lui aurait rapporté. De ce fait, Suter ne tarde pas à

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devenir un homme haï des Californiens, qui n’hésitent pas à incendier ses biens. Mais le général résiste, lutte et tient bon.

En 1854, il gagne enfin son procès. Mais, alors qu’il se rend à Washington pour faire valider la décision du juge, l’entièreté de ses propriétés est incendiée par le peuple furieux. Cette fois, Suter a tout perdu :

Ʒ Le général Johann August Suter ne possède plus rien en

propre, sauf ce qu’il a sur le dos, son viatique de voyage 

et son Apocalypse en poche.

Lui qui pensait devenir l’homme le plus riche du monde.

[…] Alors il erre dans la contrée, va de ferme en ferme, de village en village. Partout on ricane, on se moque de lui, on le nargue. Des gens l’insultent. Les enfants lui jettent des pierres.

Suter fait le gros dos, ne dit rien, encaisse tout, avanies et méchancetés.

Il se sent énormément coupable.

Il bredouille une prière : « Notre Père qui êtes aux Cieux… »

Il tombe en enfance.

C’est un pauvre vieux. (p. 200-201)

Esseulé,  il  est accueilli par  le  juge Thompson, qui  lui a donné raison lors du procès. Malgré tout, il se rend à Washington dans l’espoir de saisir à nouveau la justice. Mais il est dorénavant sénile, et beaucoup profitent de sa folie pour le manipuler. En 1873, il entre dans la secte des Herrenrhütter, qui lui ment et le ruine. Abandonné

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de tous, il erre dans la capitale et, chaque après- midi, il se rend devant les marches du Congrès pour attendre le résultat du  jugement. Le 17  juin 1880, des gamins lui font croire en sa victoire et en son dédommagement : naïf, il se dresse alors face au soleil pour retomber mort sous le coup de la joie.

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ÉTUDE DES PERSONNAGES

JOHANN AUGUST SUTER

Pour ce personnage, Cendrars s’est librement inspiré de la vie de Johann August Suter (1803-1880) qui a réellement existé. Les deux vies sont à ce point semblable que l’on pourrait croire à un récit historique. Cependant, comme nous le verrons plus bas, Cendrars a délibérément fait le choix de la fiction pour raconter la vie du général.

L’histoire de Sutter, son ascension et sa déchéance, c’est d’abord l’aventure d’un solitaire. De sa Suisse natale à la Californie, Sutter est mis au ban d’une société qu’il a lui- même toujours rejetée. Dans un premier temps cependant, c’est un solitaire ambitieux et rien ne semble lui  résister.  Il  déjoue  les  pièges  du  voyage  et,  dans un contexte californien difficile, se crée un véritable empire appelé la Nouvelle- Helvétie. Pour arriver à ses fins, il n’hésite pas à rompre avec son passé, à quitter femme et enfants. En outre, « [c]e n’est pas changer de vie qu’il veut, ni même seulement changer sa vie, mais changer la vie. » (Leroy c., L’Or de Blaise Cendrars, p. 55) Chez Sutter, « aventure et solitude sont les deux faces d’une même passion » (Ibid.), celle de conquérir son destin, opiniâtrement et sans se retourner.

Sutter est donc un véritable pionnier. Il se nourrit de tout, écoute tout ce qu’on lui explique et, en homme d’action, met en application ce qui lui semble bon. Il ne recule devant

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rien, n’a aucune limite, aucun scrupule, et a un terrible sens des affaires. Son efficacité est sans faille. La Nouvelle- Helvétie, dont il est le maitre absolu, est gérée à merveille :

Ʒ Il était alors d’une rare perspicacité, ne commettait

jamais d’impair,  louvoyait,  promettait  tout  ce que  l’on 

voulait,  soudoyait  audacieusement  les  chefs  au  bon 

moment, abreuvait les hommes de beaux discours et

d’alcools. (p. 100-101)

Pourtant, rien n’est éternel. Le destin de Sutter s’avère tra-gique et paradoxal. Lui qui s’apprêtait à devenir l’homme le plus riche du monde est ruiné par la découverte de l’or sur ses propres terres. Pourquoi ? Sutter est le premier à se poser la question. Il ne cesse d’interroger ses contemporains et Dieu lui- même. Est- il responsable de cet échec ou victime d’un châtiment divin ? Son projet était- il trop ambitieux ?

Sutter est un homme complexe. Comme nous l’avons signalé plus haut, son rêve était de rompre avec le passé. Mais est- il vraiment parvenu à le faire ? En Californie, il a reproduit ce qu’avaient fait des missionnaires avant lui. Il a bâti son empire sur le modèle de son pays natal dont il a même repris le nom (Helvétie). Son modèle de gestion est un modèle très centralisé et très patriarcal, alors qu’à la même époque, partout en Europe, les révolutions pro-meuvent les libertés individuelles. De plus, son modèle économique est basé sur le monde rural alors que l’indus-trie est en plein essor. Suter s’avère donc finalement être un pionnier tourné vers le passé et fermé à la modernité. C’est en quelque sorte un « révolté sans révolution » (Leroy c., L’Or de Blaise Cendrars, p. 71).

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Face à la découverte de l’or, Sutter prend la posture du héros tragique aveugle à ce qui lui arrive. Lui qui avait pu s’adapter à tout ne se rend pas compte de l’ampleur de la découverte et se retrouve dépassé et impuissant. Alors que ses ouvriers chantent To Frisco sur un rythme endiablé et moderne, Sutter fait venir un piano classique d’Europe. Il croit au blé et au vin, alors que l’or et l’eau de vie sont les symboles de la nouvelle prospérité.

Quand il parle, ce n’est plus que pour constater son échec et la faillite de son entreprise. Il ne maitrise plus la parole comme il le faisait avant et est dès lors incapable de don-ner des ordres et de prendre de nouvelles initiatives :

Ʒ D’autres feront fortune.

Il laisse faire.

Il ne fait rien.

Il ne fait rien.

Il assiste impassible à la prise en possession et au partage de ses terres. (p. 141)

Après cette faillite financière, Sutter plonge dans une déchéance à la fois physique et morale. Fou et sénile, il est moqué de tous et meurt de façon misérable, victime d’une parole mensongère.

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CLÉS DE LECTURE

LE CHOIX DE LA FICTION

On l’a dit, pour écrire son roman, Cendrars s’est basé sur la véritable histoire de Johann August Suter. Dans L’Or, tout est décrit de manière réaliste, mais l’auteur n’hésite pas à jouer avec les dates pour les besoins de son texte. Dès lors, s’il fut reçu en France comme un texte de fiction, ce roman lui valut de nombreux procès auprès des Américains qui le considéraient comme une mauvaise biographie.

Pourtant, c’est bien un roman fictionnel que Cendrars a voulu écrire. Cela lui semblait bien plus intéressant, et l’explication qu’il donne à ce choix témoigne de sa vision de l’art littéraire :

Ʒ J’ai fait une œuvre d’artiste et non pas d’historien, un livre 

synthétique et non pas analytique, une multiplication et 

non pas une addition, un portrait vivant du général et non

pas le déshabillage d’une momie. (p. 14)

Ʒ La vérité historique, c’est le point de vue de Sirius. On ne

distingue plus rien de cette hauteur. Il faut descendre,

se rapprocher, faire un gros plan. Voir, voir de près. Se pen-

cher sur. Toucher du doigt. Découvrir l’humain. La vérité 

historique c’est la mort. (p. 15)

Dans un texte historique, les personnages sont décrits dans les moindres détails, épinglés comme des papillons que l’on aurait collectionnés. On a le temps de les voir,

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de les analyser et de  les classifier, mais  ils sont morts. À l’inverse, les personnages littéraires nous échappent toujours  :  ils sont présentés avec  leurs contradictions, leurs faiblesses et leurs incertitudes, qui font d’eux des êtres humains. L’auteur nous permet d’entrer dans leur intimité et d’entrevoir leurs failles. Ce ne sont pas des statues de marbre figées à tout jamais ; ils sont vivants. C’est ce choix que fait Cendrars. Il ne nous dit pas tout de Sutter, il ne lui attribue pas une identité prédéfinie. C’est à nous de compléter son identité, de la combler avec ce que nous sommes. Et c’est grâce à cela qu’un texte peut à son tour nous faire grandir. Cette vision de la littérature rejoint celle d’Antoine Compagnon (titu-laire, depuis 2006, de la chaire de littérature française moderne et contemporaine au Collège de France, né à Bruxelles en 1950). Pour ce dernier, la littérature est « le lieu par excellence de l’apprentissage de soi, décou-verte non d’une identité, mais d’un devenir lui- même toujours provisoire. C’est elle qui nous dit  : « Deviens qui tu es !« »

UN STYLE TÉMOIN DE LA MODERNITÉ D’UNE ÉPOQUE

Cendrars est un passionné de la modernité, de la civi-lisation mécanique, du train ou encore de l’avion, qui n’arrêtent pas d’ouvrir de nouveaux espaces à l’homme.  Son  écriture  très  lyrique  et  très  rythmique témoigne de cet amour. Dans ses poèmes, il n’hésite d’ailleurs pas à supprimer la ponctuation, à désarticuler la syntaxe, etc., pour rendre dans son texte le dynamisme de son époque.

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L’Or ne déroge pas à la règle. Les phrases sont très ryth-mées et l’écriture très imagée, fait preuve d’un grand souci du détail. On retrouve aussi des gros plans qui rappellent, tout comme les contrastes et les brusques retournements de situation, les techniques cinématographiques. Cela est perceptible dans la description que fait Cendrars de New York  au  chapitre  2,  5  notamment, mais  aussi  dans  de nombreux autres passages :

Ʒ Suter est seul sur le rivage. Les hautes lames du Pacifique

viennent mourir à ses pieds. […] D’innombrables

mouettes sont rangées immobiles au bord de la mer et

attendent le flot qui va leur apporter leur nourriture.

D’autres, dont il ne sait pas le nom, la tête en avant,

placée sur la même ligne que le dos, courent sur la

plage avec une extrême rapidité. Des hirondelles de

mer viennent se poser pour reprendre immédiatement

leur vol. Des oiseaux noirs, qui vont toujours par couple,

font les cent pas. Il y a aussi un gros oiseau au plumage 

d’un gris foncé mêlé d’une couleur plus pâle, son bec

paraît être celui d’un aigle, il a derrière la tête une longue

aigrette horizontale.

Quand Suter se met à marcher, il écrase un grand nombre de mollusques vésiculeux couleur de rose et qui éclatent avec bruit. (p. 60-61)

Pour Apollinaire (écrivain français, 1880-1918), grand ami de Cendrars, ce texte témoigne d’un esprit nouveau. Pour d’autres, c’est un véritable poème en prose. Ce qui est certain, c’est que le style de ce texte est en phase avec la vitesse et la mécanique de l’époque de Cendrars.

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LE POUVOIR DE LA PAROLE

Si, dans un premier temps, Suter a pu bâtir et gérer ce qu’il a construit, c’est grâce à sa parole qui était elle- même maitrisée. Dès le début, le général prête l’oreille aux conseils et fait boire ses hôtes pour leur soutirer des informations. Il écoute, enregistre, puis met en application ce qui lui semble juste et adéquat.

Au début de son aventure, sa propre parole affirme des évidences et donne des ordres. Mais, après la découverte de l’or, la parole de Suter, qui se fait plus hésitante, témoigne de la faillite de son entreprise. Elle ne peut plus  structurer  la  réalité  selon  sa  volonté  et  n’est même plus écoutée. Du coup, Suter, qui était si atten-tif aux avis de ses contemporains, pris par son orgueil, devient totalement sourd aux avertissements qu’on peut lui donner. Alors qu’il avait construit toute sa richesse par la force de son verbe, il se retrouve à la fin de sa vie pri-sonnier de la parole des autres qui le flouent, lui mentent et le volent. Incapable de discerner le vrai du faux, le réel du rêve, c’est d’ailleurs d’un mensonge qu’il mourra au pied du Congrès de Washington.

LA CALIFORNIE ET LA NOUVELLE- HELVÉTIE

La Californie est un territoire paradoxal. C’est tout d’abord une terre inexplorée, fertile et immense sur laquelle tout semble être possible, protégée par la mer, les fleuves, les lacs et d’immenses montagnes. Suter semble y arri-ver comme un maitre qui pourra tout organiser et tout

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régenter à sa guise. Cependant, Cendrars nous présente également la Californie comme un territoire sauvage qu’il faut pouvoir dompter. Si c’est une terre dans laquelle on peut mettre tout son espoir, elle a aussi un côté inquiétant et l’avenir y semble fragile :

Ʒ Ce qui bouleverse la métropole durant huit jours a

souvent,  dans  les  pays  perdus  aux  confins  du monde, 

des répercussions terribles, des conséquences capitales

qui transforment de fond en comble l’ancien ordre établi

ou la fragile vie civique à peine éclose. (p. 84)

Quant à la Nouvelle- Helvétie, elle ressemble à son créa-teur. C’est un domaine très organisé et très rationalisé. Tout y est rigoureux et le travail y est érigé comme une valeur absolue. Mais si elle peut se présenter comme moderne (on y emploie de nouvelles techniques agricoles, etc.), elle est essentiellement tournée vers le passé (mode de production basé uniquement sur l’agriculture, etc.). C’est sans doute ce côté traditionnel qui ne lui permet pas d’être en phase avec la révolution amorcée par la découverte de l’or.

En effet, alors que l’Europe est secouée par les multiples révolutions qui prônent la modernité, c’est l’or qui, en Californie, ruine le vieux monde et instaure l’industrie et l’économie capitaliste. Face au métal jaune, les foules sont prises d’une frénésie qui semble inaltérable. Si la ruée vers l’or est le rêve de beaucoup, c’est un cauchemar pour Suter qui n’a pu s’adapter à ce grand changement, figé qu’il était dans une tradition dépassée.

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PISTES DE RÉFLEXION

QUELQUES QUESTIONS POUR APPROFONDIR SA RÉFLEXION…

•  En quoi la Nouvelle- Helvétie peut- elle être considérée comme une utopie ?

•  En quoi l’écriture de Cendrars est- elle cinématogra-phique ?  Agrémentez  votre  réponse  de  différents extraits. Connaissez- vous d’autres auteurs dont l’écri-ture se rapproche également du cinéma ?

•  En quoi  le style de Cendrars se rapproche- t-il du  jeu d’acteur de Charlie Chaplin (cinéaste et acteur britan-nique, 1889-1977) ? Témoignent- ils de la même façon de leur époque ?

•  Pourquoi, selon vous, Suter a- t-il été si seul tout au long de sa vie ? Le désirait- il vraiment ?

•  À la lecture des différents recueils de poésie de Cendrars, retrouvez- vous le style employé dans L’Or ? Justifiez votre réponse à l’aide de différents extraits.

•  Quelle est votre vision de la littérature ? Selon vous, Cendrars a- t-il eu raison de raconter la vie de son héros de manière fictionnelle  ou un  récit  historique vous aurait- il paru plus pertinent ?

•  À votre avis, peut- on voir dans ce roman un texte politique qui condamne une société patriarcale et tra-ditionnelle incapable de s’adapter au monde moderne ou, au contraire, ce texte dénonce- t-il la ruée vers l’or et la société capitaliste qui en a découlé ?

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•  À votre avis, en quoi le premier chapitre (I,1) préfigure- t-il déjà la fin du roman ?

•  Selon vous, le général Suter a- t-il été volé et floué par la justice et les hommes ou sa déchéance résulte- t-elle de ses mauvais choix ?

•  Comparez l’ouvrage de Cendrars avec son adaptation cinématographique. Celle- ci rend- elle bien compte du style de l’auteur ?

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POUR ALLER PLUS LOIN

ÉDITION DE RÉFÉRENCE

•  Cendrars B., L’Or, Paris, Gallimard, coll. « La Bibliothèque Gallimard », 2004, 467 p.

ÉDITION DE RÉFÉRENCE

•  Leroy c., L’Or de Blaise Cendrars, coll. « Foliothèque », 1991.

ADAPTATION

•  Sutter’s Gold, film de James Cruze, avec Edward Arnold, Lee Tracy et Binnie Barnes, 1936.

SUR LEPETITLITTÉRAIRE.FR

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Martinez• Du domaine des murmures

Maupassant• Boule de suif• Le Horla• Une vie

Mauriac• Le Nœud de vipères

Mauriac• Le Sagouin

Mérimée• Tamango• Colomba

Merle• La mort est mon métier

Molière• Le Misanthrope• L’Avare• Le Bourgeois gentilhomme

Montaigne• Essais

Morpurgo• Le Roi Arthur

Musset• Lorenzaccio

Musso• Que serais-je  sans toi ?

Nothomb• Stupeur et Tremblements

Orwell• La Ferme des animaux

• 1984Pagnol• La Gloire de mon père

Pancol• Les Yeux jaunes des crocodiles

Pascal• Pensées

Pennac• Au bonheur des ogres

Poe• La Chute de la maison Usher

Proust• Du côté de chez Swann

Queneau• Zazie dans le métro

Quignard• Tous les matins du monde

Rabelais• Gargantua

Et beaucoup d’autres sur lePetitLittéraire.fr

Racine• Andromaque• Britannicus• Phèdre

Rousseau• Confessions

Rostand• Cyrano de Bergerac

Rowling• Harry Potter à l’école des sorciers

Saint-Exupéry• Le Petit Prince• Vol de nuit

Sartre• Huis clos• La Nausée• Les Mouches

Schlink• Le Liseur

Schmitt• La Part de l’autre• Oscar et la Dame rose

Sepulveda• Le Vieux qui lisait des romans d’amour

Shakespeare• Roméo et Juliette

Simenon• Le Chien jaune

Steeman• L’Assassin habite au 21

Steinbeck• Des souris et

des hommes

Stendhal• Le Rouge et le Noir

Stevenson• L’Île au trésor

Süskind• Le Parfum

Tolstoï• Anna Karénine

Tournier• Vendredi ou la Vie sauvage

Toussaint• Fuir

Uhlman• L’Ami retrouvé

Verne• Le Tour  du monde en 80 jours

• Vingt mille lieues sous les mers

• Voyage au centre de  la terre

Vian• L’Écume des jours

Voltaire• Candide

Wells• La Guerre des mondes

Yourcenar• Mémoires d’Hadrien

Zola• Au bonheur des dames• L’Assommoir• Germinal

Zweig• Le Joueur d’échecs

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ISBN version imprimée : 978-2-8062-1213-9ISBN version numérique : 978-2-8062-2043-1

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