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© Masson, Paris. COMMUNICATION Ann. Fr. Anesth. Reanim., 3: 325-327, 1984. BREVE Bloc auriculo-ventriculaire Iors d'une hypotension contr616e au sous anesthesie g6nerale labetalol Atrio-ventricular block during hypotension induced with labetalol during general anaesthesia D. BERTRAND *, P.E. BOLLAERT *, A. BALAUD **, M.C. LAXENAIRE * • Departement d'Anesthesiologie, et ** Service de Cardiologie, H5pital Central, 29, avenue du Marechal-de-Lattre-de-Tassigny, CO n ° 34, F54037 Nancy COdex Le lab6talol (Trandate®), agent bloqueur des r6cep- teurs ct- et [3-adr6nergiques, utilis6 essentiellement comme agent anti-hypertenseur, peut trouver actuelle- ment des indications en anesth6siologie, notamment dans la r6alisation d'une hypotension d61ib6r6e en microchirurgie otologique [1, 3]. Bien qu'aucun incident ou accident relatifs ~t cette utilisation ne semblent avoir 6t6 d6crits jusqu'5 pr6sent, nous avons eu l'occasion d'observer r6cemment un 6pisode de bloc auriculo- ventriculaire du second degr6. OBSERVATION Mr X., 27 ans, 64 kg, sans ant6c6dent m6dicochirurgical, en bon 6tat g6n6ral, dolt subir une tympanoplastie droite pour otite chronique cholest6atomateuse compliqu6e de paralysie faciale. L'examen clinique pr6anesth6sique ne retrouve qu'une discr6te bradycardie sinusale ~ 55-60 b. min i. L'ECG est strictement normal. Apr6s administration d'un suppositoire de Nembutal 120®, un cath6ter de Swan-Ganz est mont6 sous amplificateur de brillance. Quarante-cinq minutes apr6s injection de 100 mg d'hydroxyzine, l'anesth6sie est induite par 0,4 mg.kg t de drop6ridol, 1,5 ~tg - kg -1 de fentanyl et une perfusion de 30 ml d'Alfat6sine ® dilu6s dans 125 ml de s6rum glucos6 h 5 %. L'entretien de l'anesth6sie est assur6 par Alfat6sine en perfusion lente et r6injections it6ratives de fentanyl (environ 0,75 lxg ' kg toutes les 30 min). La ventilation est assist6e, en normocapnie, avec un m61ange 6quimol6culaire d'oxyg~ne et de protoxyde d'azote. Le malade est install6 en position proclive h 30 °. A l'incision, 0,4mg. kg -~ de lab6talol sont inject6s par voie intraveineuse lente. Trente minutes apr6s l'injection, on note l'apparition d'un bloc auriculo-ventriculaire (BAV) du premier degr6 (allongement de l'espace PR de 0,12 a 020 s, la fr6quence se maintenant h 65 b. min ~ et la pression art6rielle h 100- 60 mmHg (fig. 1 a); ces ph6nom6nes sont suivis quelques minutes plus tard par des lambeaux de BAV du second degr6 de type 2/1 (fig. 1 b) qui font descendre la pression art6rielle h 90-40 mmHg, sans modifier la fr6quence cardiaque. L'atropine (0,5 mg i.v.) reste sans effet; la perfusion de faibles doses d'isopr6naline (0,1 mg dilu6 dans 250 ml de glucos6 isotonique) fait d6finitive- merit disparattre les troubles (fig. 1 c). Les suites op6ratoires sont simples. Une 6tude 61ectrophysiologique de la conduction, r6alis6e quelques semaines plus tard sans anesth6sie ni pr6m6dication particuli~re, se r6v61e normale : le temps de conduction suprahi- sien (AH) est de 65 ms (normale = 60 ~ 140 ms), le temps de conduction dans le syst6me de His-Purkinje (HV) de 50 ms (norrnale = 35 h 55 ms); le point de Wenckebach est atteint pour une stimulation ~ 130 par minute. La fonction sinusale et les p6riodes r6fractaires auriculaires droite et nodale sont normales. L'injection de deux fois 25 mg de lab6talol h 30 min d'intervalle n'objective qu'une discr6te bradycardie sinusale, l'espace PR restant normal; sur le plan 61ectrophysiologique, on ne note aucune modification des temps de conduction. COMMENTAIRES I1 semble s'agir de la premi6re constatation clinique publi6e d'un trouble de conduction auriculo-ventriculaire avec le lab6talol, quelle qu'en soit l'indication. Ces troubles de conduction sont peu expliqu6s par l'action pharmacologique du lab6talol, comme en t6moignent les travaux de CLEMENTY et coll. [2] qui mentionnent seulement, fa la dose de 0,5 mg - kg -~ chez 17 sujets normotendus 6veill6s, un ralentissement de la fr6quence sinusale (-18 %), un ralentissement de la conduction intranodale (-l0 %) et une augmentation de la p6riode r6fractaire auriculaire (+8 %). Ces effets t6moignent Re~u le 25 octobre 1983; accept6 sous forme r6vis6e le 13 f6vrier Tires a part: M.C. Laxenaire. 1984.

Bloc auriculo-ventriculaire lors d'une hypotension contrôlée au labétalol sous anesthésie générale

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Page 1: Bloc auriculo-ventriculaire lors d'une hypotension contrôlée au labétalol sous anesthésie générale

© Masson, Paris. C O M M U N I C A T I O N Ann. Fr. Anesth. Reanim., 3: 325-327, 1984. B R E V E

Bloc auriculo-ventriculaire Iors d'une hypotension contr616e au sous anesthesie g6nerale

labetalol

Atrio-ventricular block during hypotension induced with labetalol during general anaesthesia

D. BERTRAND *, P.E. BOLLAERT *, A. BALAUD **, M.C. LAXENAIRE *

• Departement d'Anesthesiologie, et ** Service de Cardiologie, H5pital Central, 29, avenue du Marechal-de-Lattre-de-Tassigny, CO n ° 34, F54037 Nancy COdex

Le lab6talol (Trandate®), agent bloqueur des r6cep- teurs ct- et [3-adr6nergiques, utilis6 essent ie l lement c o m m e agent anti-hypertenseur, peut t rouver actuelle- ment des indications en anesth6siologie, no tamment dans la r6alisation d ' u n e hypotension d61ib6r6e en microchirurgie o to logique [1, 3]. Bien qu ' aucun incident ou accident relatifs ~t cette util isation ne semblent avoir 6t6 d6crits ju squ '5 pr6sent, nous avons eu l ' occas ion d ' obse rve r r6cemment un 6pisode de bloc auriculo- ventr iculaire du second degr6.

OBSERVATION

Mr X., 27 ans, 64 kg, sans ant6c6dent m6dicochirurgical, en bon 6tat g6n6ral, dolt subir une tympanoplastie droite pour otite chronique cholest6atomateuse compliqu6e de paralysie faciale. L'examen clinique pr6anesth6sique ne retrouve qu'une discr6te bradycardie sinusale ~ 55-60 b . min i. L'ECG est strictement normal. Apr6s administration d'un suppositoire de Nembutal 120 ®, un cath6ter de Swan-Ganz est mont6 sous amplificateur de brillance. Quarante-cinq minutes apr6s injection de 100 mg d'hydroxyzine, l'anesth6sie est induite par 0,4 m g . k g t de drop6ridol, 1,5 ~tg - kg -1 de fentanyl et une perfusion de 30 ml d'Alfat6sine ® dilu6s dans 125 ml de s6rum glucos6 h 5 %. L'entretien de l'anesth6sie est assur6 par Alfat6sine en perfusion lente et r6injections it6ratives de fentanyl (environ 0,75 lxg ' kg toutes les 30 min). La ventilation est assist6e, en normocapnie, avec un m61ange 6quimol6culaire d'oxyg~ne et de protoxyde d'azote. Le malade est install6 en position proclive h 30 °. A l'incision, 0 , 4 m g . kg -~ de lab6talol sont inject6s par voie intraveineuse lente. Trente minutes apr6s l'injection, on note l'apparition d'un bloc auriculo-ventriculaire (BAV) du premier degr6 (allongement de l'espace PR de 0,12 a 020 s, la fr6quence

se maintenant h 65 b . min ~ et la pression art6rielle h 100- 60 mmHg (fig. 1 a); ces ph6nom6nes sont suivis quelques minutes plus tard par des lambeaux de BAV du second degr6 de type 2/1 (fig. 1 b) qui font descendre la pression art6rielle h 90-40 mmHg, sans modifier la fr6quence cardiaque. L'atropine (0,5 mg i.v.) reste sans effet; la perfusion de faibles doses d'isopr6naline (0,1 mg dilu6 dans 250 ml de glucos6 isotonique) fait d6finitive- merit disparattre les troubles (fig. 1 c). Les suites op6ratoires sont simples. Une 6tude 61ectrophysiologique de la conduction, r6alis6e quelques semaines plus tard sans anesth6sie ni pr6m6dication particuli~re, se r6v61e normale : le temps de conduction suprahi- sien (AH) est de 65 ms (normale = 60 ~ 140 ms), le temps de conduction dans le syst6me de His-Purkinje (HV) de 50 ms (norrnale = 35 h 55 ms); le point de Wenckebach est atteint pour u n e stimulation ~ 130 par minute. La fonction sinusale et les p6riodes r6fractaires auriculaires droite et nodale sont normales. L'injection de deux fois 25 mg de lab6talol h 30 min d'intervalle n'objective qu'une discr6te bradycardie sinusale, l'espace PR restant normal; sur le plan 61ectrophysiologique, on ne note aucune modification des temps de conduction.

COMMENTAIRES

I1 semble s ' ag i r de la premi6re constatat ion cl inique publi6e d ' un trouble de conduct ion auriculo-ventr iculaire avec le lab6talol, quel le q u ' e n soit l ' indica t ion . Ces troubles de conduct ion sont peu expliqu6s par l ' ac t ion pharmacologique du lab6talol, c o m m e en t6moignent les t ravaux de CLEMENTY et coll . [2] qui ment ionnent seulement , fa la dose de 0,5 mg - kg -~ chez 17 sujets normotendus 6veill6s, un ralent issement de la f r6quence sinusale ( - 1 8 %), un ra lent i ssement de la conduct ion intranodale ( - l 0 %) et une augmentat ion de la p6riode r6fractaire auriculaire ( + 8 %). Ces effets t6moignent

Re~u le 25 octobre 1983; accept6 sous forme r6vis6e le 13 f6vrier Tires a part: M.C. Laxenaire. 1984.

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326 D. BERTRAND ET COLL.

Fig. 1. - - Enregistrement de la pression art6rielle systolique et de l '61ectrocardiogramme apr6s injec- tion i.v. de 25 mg de lab6talol. En hau t : apr~s 30 min (bloc du 1 °r degr6); au mi l ieu : apr~s 40 rain (bloc du 2 ° degr6 2/1); en bas : apr~s 45 min (bloc du 2 ~ degr6 3/1, puis correction avec l'isopr6naline)_

Page 3: Bloc auriculo-ventriculaire lors d'une hypotension contrôlée au labétalol sous anesthésie générale

BAV LORS D'UNE HYPOTENSION CONTROLC:E AU LABI~TALOL 327

essentiellement des propri6t6s ~-bloquantes de la mol6cule.

Dans notre observation, il n 'existe aucun trouble 6lectrocardiographique patent ou infraclinique pouvant expliquer l ' incident observ6. Seule la bradycardie sinusale pourrait 8tre un 616ment favorisant; en effet, MOREL et coll. [4] signalent la plus grande fr6quence des troubles du rythme postop6ratoires chez les corona- riens h pouls lent, au repos. Le trouble de conduction n ' a pu ~tre reproduit avec la m~me dose de lab6talol, en dehors de toute anesth6sie. Cette tentative chez le patient 6veill6 ne permet gu6re de conclure; le patient, relativement vagotonique ~ l '6tat de veille, se trouve partiellement d6connect6 sur le plan neurov6g6tatif lorsqu' i l est plac6 sous anesth6sie g6n6rale [5]. Une potentialisation 6ventuelle des effets cholinergiques du fentanyl (bradycardie, hypotension) [6] par le lab6talol

ne peut pas non plus 8tre exclue_ L'inefficacit6 de l 'a tropine sur le bloc auriculo-ventriculaire pourrait plaider contre cette hypoth6se, mais la dose inject6e est insuffisante pour permettre de l 'affirmer.

Bien que les troubles de conduction pr6c6demment d6crits n 'aient pas trouv6 d 'explicat ion satisfaisante, leur constatation impose une surveillance 61ectrocardiosco- pique permanente lors de l 'emploi du lab6talol sous anesth6sie g6n6rale.

[1] BERTRAND D. et coll. Ann. Fr. Anesth. R~anim., 1 : 387, 1982. - - [2] CLEMENTY J. et coll. Arch. Mal. Coeur, 1 : 65, 1980. - - [3] COPE D.H.P., CRAWEORD M.C. Br. J. Anaesth., 51 : 359, 1979. - - [4] MOREL D.R et coll. Br. J. Anaesth., 54 : 1191, 1982. - - [5] ROBERTS J.G. Anaesth. Intensive Care, 8 : 1980. - - [6] ROQUEBERT J. et coll. Arch. Int. Pharmacodyn. Ther., 167 : 297, 1967.

Intravenous nitroglycerin in transfusion therapy failure, - - P. Variale, R.P. Kwa, P. Vyas. Arch.

Les auteurs rapportent 4 observations d'anemie s~vere, secondaire a. des hemorragies darts 3 cas; les h~moglobinemies sont comprises entre 4 et 7 g - d1-1. Les 4 patients sont &g~s, 3 ont une insuffisance cardiaque ant6cedente, 1 developpe une insuffisance cardiaque secondaire a. I'anemie. La transfusion sanguine est difficile chez de tels patients, m~me avec I'apport de concentr6s globulaires, car ceux-ci ne peuvent depasser habituellement 250 a. 500 ml; certains auteurs s'aident de diur6tiques. II n'est pas Iogique chez le sujet anemique d'agir sur les resistances arteriolaires puisque la post- charge est en principe diminuee. L'absence de cette

for severe anemia : association with congestive heart Intern. Med., 144: 401-402, 1984.

constatation intrigue les auteurs; il faut peut-(~tre incri- miner I'hypovolemie associee, la masse sanguine n'ayant pas ete mesuree. Quoi qu'il en soit, les auteurs ont prefere, compte tenu des donnees classiques, agir sur la pr6charge sous contr61e hemodynamique. La perfusion de nitroglycerine a permis avec la surveillance de la pression capillaire bloquee de corriger rapidement I'anemie : les apports de concentres globulaires ont ete de 1 200 ,~ 2 000 ml sur 10 .~ 24 h, sans complication cardiaque.

V. BANSSILLON.

Respiratory complications following surgery : improved prediction with the preoperative spirometry. - - J.E. Wiren, L. Janzon. Acta Anaesthesiol. Scand., 27: 476-479, 1983.

Les sujets &ges, obeses, tabagiques et bronchitiques chroniques pr6sentent un risque elev6 de complications respiratoires postoperatoires. Les donnees cliniques a. elles seules ne permettent pas de definir un risque individuel. Les auteurs proposent de definir le risque d'at61ectasie et d'hypoxemie postoperatoire a. partir de mesures de ia capacit6 r6siduelle et du volume de fermeture par la technique du rin~:age (,, washout -). Si la difference entre capacite residuelle et volume de fermeture est negative, le volume de fermeture survient pendant le volume courant; le risque d'atelectasie posto- p~ratoire est alors eleve. La valeur predictive du test dans la population choisie est comprise entre 67 et 75 %. Les sujets presentant une augmentation de la capacite residuelle fonctionnelle etablie ~, partir d'une augmenta-

tion du volume de rincjage ont un risque d'hypoxemie postoperatoire eleve. Ces tests ameliorent la prevision du risque, qui passe de 47 & 60 % sur les donnees cliniques a. des valeurs comprises entre 54 et 67 %. Specificite et sensibiiite variant en sens inverse, les limites de valeur pathologique doivent ~tre assez larges pour identifier 75 % des sujets a haut risque darts la population definie au debut : la difference entre capacite residuelle fonction- helle et volume de fermeture doit (~tre superieure a 0,11, et la valeur du rin(~age superieure ~. 35 I. Si les risques atelectasique et hypoxique sont caracterises par des donnees spirometriques preoperatoires differentes, den ne permet pour le moment de dire qu'il s'agit de deux complications de cause differente.

V. BANSSILLON.