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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2007, N° 294 (4) 75 BOIS D’ÉNERGIE BURKINABÉ / CHRONIQUE ÉCONOMIQUE Boukary Ouedraogo Université de Ouagadougou 03 BP 7021 Ouagadougou 03 Burkina Faso Filière bois d’énergie burkinabé : structuration des prix et analyse de la répartition des bénéfices L’analyse de la filière bois d’énergie du Burkina Faso, présentée ici, s’inscrit dans un souci de pérenniser les politiques d’aménagement décidées en 1997, afin d’augmenter la rémunération des bûcherons et le fonds d’aménagement. Les résultats font ressortir une disparité des bénéfices tirés de leurs activités entre bûcherons et intermédiaires commerciaux, en faveur de ces derniers dont les investissements initiaux dans la filière sont plus importants. L’étude soulève le problème de tarification d’une ressource naturelle qui fait appel à l’internalisation des coûts sociaux, difficilement quantifiables. Photo 1. Le marché de bois de feu à Tampouy de la ville de Ouagadougou. Photo B. Ouédraogo.

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B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 7 , N ° 2 9 4 ( 4 ) 75BOIS D’ÉNERGIE BURKINABÉ / CHRONIQUE ÉCONOMIQUE

Boukary Ouedraogo

Université de Ouagadougou03 BP 7021Ouagadougou 03Burkina Faso

Filière bois d’énergieburkinabé :

structuration des prix et analyse de la répartition

des bénéfices

L’analyse de la filière bois d’énergie du Burkina Faso, présentée ici, s’inscrit dans un souci depérenniser les politiques d’aménagement décidées en 1997, afin d’augmenter la rémunération des bûcherons et le fondsd’aménagement. Les résultats font ressortir une disparité des bénéfices tirés de leurs activités entre bûcherons etintermédiaires commerciaux, en faveur de ces derniers dont les investissements initiaux dans la filière sont plusimportants. L’étude soulève le problème de tarification d’une ressource naturelle qui fait appel à l’internalisation descoûts sociaux, difficilement quantifiables.

Photo 1. Le marché de bois de feu à Tampouy de la ville de Ouagadougou. Photo B. Ouédraogo.

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RÉSUMÉ

FILIÈRE BOIS D’ÉNERGIE BURKINABÉ :STRUCTURATION DES PRIXET ANALYSE DE LA RÉPARTITION DES BÉNÉFICES

L’article met à profit les donnéesissues d’enquêtes menées auprès de355 producteurs de bois d’énergiede vingt-quatre villages riverains dehuit forêts aménagées du BurkinaFaso et de 98 intermédiaires com-merciaux de la ville de Ouagadougou.C’est l’approche filière qui a été utili-sée pour construire la structure desprix du bois d’énergie et analyser larépartition des bénéfices tirés del’exploitation et de la commercialisa-tion de cette source d’énergie entreles différents intervenants. Les résul-tats d’analyse font ressortir que lesbûcherons bénéficient moins desrevenus découlant de cette activitéque les intermédiaires commerciauxdont l’intervention dans la filièrerequiert des investissements initiauxplus importants. Cette étude soulèvele problème de tarification d’une res-source naturelle, qui fait appel à l’in-ternalisation des coûts sociaux diffi-cilement évaluables.

Mots-clés : bois d’énergie, structura-tion des prix, répartition des béné-fices, Burkina Faso.

ABSTRACT

THE FUELWOOD SECTOR IN BURKINAFASO: PRICE STRUCTURE ANDANALYSIS OF PROFIT DISTRIBUTION

The article draws on data from sur-veys conducted among 355 fuelwoodproducers in twenty-four villagesadjacent to eight managed forests inBurkina Faso, and 98 fuelwood deal-ers in Ouagadougou. We used thesector-based approach to reconstructthe price structure and analyse thedistribution of profits from woodcut-ting and fuelwood marketingamongst the different partiesinvolved. The results of our analysisshow that woodcutters derive fewerprofits from these activities thandealers, whose role requires largerinitial investments. Our study raisesthe issue of setting a price on a natu-ral resource, which requires the inter-nalisation of social costs that are noteasy to evaluate.

Keywords: fuelwood, price structure,profit distribution, Burkina Faso.

RESUMEN

SECTOR DENDROENERGÉTICOBURKINÉS: ESTRUCTURACIÓN DE LOS PRECIOS Y ANÁLISISDEL REPARTO DE BENEFICIOS

El artículo explota los datos resultan-tes de encuestas realizadas a 355productores de energía forestal deveinticuatro pueblos colindantes conbosques manejados de Burkina Fasoy de 98 intermediarios comercialesde la ciudad de Uagadugú. Se empleóun enfoque de cadena de valor paraelaborar la estructura de los preciosde la energía forestal y analizar la dis-tribución de los beneficios obtenidoscon la explotación y comercializaciónde esta fuente de energía entre losdistintos operadores. De los resulta-dos del análisis se desprende que losleñadores se benefician menos de lasrentas derivadas de esta actividadque los intermediarios comerciales,cuya intervención en el sectorrequiere inversiones iniciales másimportantes. Este estudio plantea elproblema de tarificación de unrecurso natural que recurre a la inter-nalización de costos sociales difícil-mente evaluables.

Palabras clave: dendroenergía,estructuración de precios, reparto debeneficios, Burkina Faso.

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Boukary Ouedraogo

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Introduction

Selon le dernier rapport généralsur la gestion durable des forêts auBurkina (Kaboré, 2004), l’aménage-ment forestier pour l’approvisionne-ment de Ouagadougou en boisd’énergie et la sauvegarde de l’envi-ronnement ont été mis en œuvre en1986 à travers le projet « Aménage-ment des forêts naturelles » par l’Étatburkinabé, avec l’appui financier duProgramme des Nations unies pour ledéveloppement (Pnud) et l’assistancetechnique de l’Organisation desNations unies pour l’alimentation etl’agriculture (Fao). Aujourd’hui, prèsde 667 600 ha sont aménagés dont50 % sont autonomes et gérés par lesunions de groupements villageois degestion forestière (Ugvgf) ; 202 400 hasont en instance d’aménagement. Ceszones aménagées comptent aujour-d’hui huit unions de gestion fores-tière officiellement reconnues, quirassemblent plus de 250 groupe-ments villageois de gestion forestière.

La demande globale de la villede Ouagadougou en bois d’énergieest estimée à 1,38 million de stèresen 2000. Or seulement 15 % de cevolume provient des zones fores-tières aménagées et/ou contrôléespar les services forestiers. Autrementdit, 85 % de l’offre est satisfaite pardes producteurs indépendants etoccasionnels de bois d’énergie(Ouédraogo, 2006). Ce même tauxde 15 % de production contrôléeavait déjà été établi par Ouédraogo(1996, 2002), et un taux de 17 % parDelnooz (1999). Ainsi, 85 % de lademande est couverte par une pro-duction hors zones forestières amé-nagées, outrepassant la réglementa-tion en vigueur.

L’exploitation forestière pourl’approvisionnement des populationsen bois d’énergie fait l’objet d’unepolitique forestière en vue d’uneexploitation durable des forêts exis-tantes. Le prix étant un mode de com-munication entre les agents et four-nissant à l’économie des incitations àutiliser efficacement les ressources

rares, livrer des informations globalessur la structure des charges et desproduits d’exploitation des différentsintervenants de cette filière contrôléedu bois d’énergie pourrait éclairer lesdécideurs dans l’élaboration des poli-tiques. La reconstitution de la struc-ture des prix dans ce domaine doitpermettre un réexamen des poli-tiques de prix pour une meilleure réal-location des richesses d’exploitationde la ressource ligneuse.

L’objectif de cette étude est doncde construire la structure des prix à laconsommation du bois d’énergie etde répartir les bénéfices d’exploita-tion de cette filière entre les différentsintervenants. Des études proches decelle-ci ont été réalisées par Ribot(1995), Hautdidier et al. (2004),Hautdidier et Gautier (2005) etAtchoumgaï (2003) sur les marchésruraux du bois d’énergie et le contrôledes forêts locales au Mali. Ces auteursse sont interrogés sur les effets de lagestion décentralisée et participativedes forêts sur les exploitants du boisd’énergie, et comment ces réformesont bénéficié économiquement et

socialement à ces producteurs locaux.Hautdidier et Gautier (2005)concluent que la création et l’installa-tion des marchés ruraux du bois dechauffe ont eu des effets significatifsau plan local et que la coupe de boiset la construction de fours ont uneinfluence croissante car elles sontconsidérées comme une intéressantestratégie de diversification de la sur-vie des ménages ruraux et aident àaccroître leur sécurité alimentaire ; ilsajoutent que, sur le plan économique,ces activités relatives au bois de feugénèrent des revenus non seulementchez les ménages et les individus,mais aussi à l’échelle du village rive-rain à travers la construction et la res-tauration des infrastructures commu-nautaires. Ces études utilisent laméthode « avant-après » pour appré-hender l’effet de la gestion décentrali-sée et celle participative sur les condi-tions de vie des ménages ruraux,méthode qui est fondée sur l’évalua-tion de la perception des bûcheronspar rapport à l’évolution des variablesciblées. Ces études restent focaliséessur les bûcherons.

Photo 2. Chargement d’un camion de bois de feu au village de Nimnilaye, dans le chantierforestier aménagé de Silly-Pouni-Zawara. Photo K. Somda.

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La méthode adoptée ici s’inscritdans une approche filière qui étudiel’activité des intervenants de l’amontet de l’aval de la filière bois d’éner-gie. La filière est définie par Hugon(2003) comme un système regrou-pant des agents ayant des objectifscommuns et liés par un ensemble derègles hiérarchiques. Selon Ribot(1995), « la filière est une séried’échanges inter-liés à travers les-quels un bien et ses constituantspassent de l’extraction ou de larécolte à travers la production jus-qu’à l’utilisation finale… L’analysefilière d’un bien est une méthodepour analyser à partir de qui et com-ment les canaux d’un marché s’opè-rent ». C’est un outil utile pour analy-ser quels acteurs bénéficient desressources naturelles, comment ilsen bénéficient, et comment les cri-tères de répartition du bénéfice pour-raient être changés. Ces approchespermettent de déterminer les profitsà chaque maillon de la filière, et fontde la filière un guide pour mieuxcomprendre les activités de coordi-nation et leurs relations de pouvoirau sein d’un groupe spécifique.

L’approche filière recense les diffé-rents postes de charges et de pro-duits de l’activité de chaque interve-nant, en vue de la détermination deleurs comptes de résultat et de laconstruction de la structure des prixau consommateur. L’analyse de lastructure des prix va permettre, à sontour, de comparer les gains des diffé-rents intervenants de la filière consi-dérée.

Cette étude s’articule autour dela répartition des bénéfices et notam-ment sur la base des deux hypo-thèses suivantes : ▪ Les bûcherons bénéficient moins del’exploitation de la ressourceligneuse que les autres intervenantsde l’aval de cette filière. ▪ Les intermédiaires commerciauxsont les principaux bénéficiaires del’exploitation du bois d’énergie.

La vérification de ces hypo-thèses a nécessité la mise en œuvred’enquêtes sur les activités d’exploi-tation des différents intervenants dela filière bois d’énergie approvision-nant Ouagadougou.

Sourcesstatistiques

Cette étude utilise des donnéesd’enquêtes réalisées dans 24 villagesde huit zones forestières aménagéessituées entre 70 km et 250 km deOuagadougou. La taille de l’échan-tillon était de 355 bûcherons. Lesbûcherons interrogés sont localisésdans les provinces de la Sissili, duSanguié, du Bazéga, du Kadiogo et duZiro. Ces zones forestières, dont la ges-tion est concédée aux groupementsvillageois de gestion forestière (Gvgf),sont gérées par ceux-ci, appuyés tech-niquement par des ingénieurs fores-tiers appelés directeurs techniques. Letableau I présente l’échantillonnagedes bûcherons enquêtés.

Ces enquêtes se sont étenduesaux intermédiaires commerciaux dubois d’énergie dont la taille respec-tive des échantillons par catégorieétait de 51 grossistes-transporteurs(35 grossistes en bois de feu et 16grossistes en charbon de bois), 37détaillants en bois de feu et 10détaillants en charbon de bois.

Les enquêtes se sont dérouléespendant les mois de mai et juin 2005.

Photo 3. Un camion chargé de 30 stères de bois dans le chantier forestier de Silly-Pouni-Zawara, à Nimnilaye. Photo K. Somda.

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Construction de lastructure des prix

Dans cette section, on identi-fiera, pour les différents interve-nants, leurs produits et leurs chargesd’exploitation, puis on établira leurrésultat d’exploitation, ce qui permetde construire la structure des prix.

La dynamique des pr ix au producteur

La structure des prix au produc-teur dans les zones forestières d’ex-ploitation du bois d’énergie a connudes changements notables à partirde 1997. Le tableau II montre ceschangements.

Certains postes de cette structuredes prix ont connu une hausse entre1995 et 1998 : c’est le cas de la rému-nération des bûcherons et du Fondsd’aménagement forestier, qui sont res-pectivement passés de 610 Fcfa et500 Fcfa par stère à 1 100 Fcfa et600 Fcfa par stère. Les prix au produc-teur sont administrés en amont decette filière contrôlée du bois d’éner-gie. Ainsi, le prix au producteur ou decession grossiste passe de 1 610 Fcfapar stère en 1995 à 2 200 Fcfa parstère en 1998. La hausse de la rému-nération des bûcherons, en mêmetemps qu’elle rétablissait la rente deposition, créait une plus grande incita-tion au sein des populations riverainesdes forêts aménagées vis-à-vis de lagestion communautaire des forêts.

Une préoccupation majeure duprojet « PNUD/FAO/BKF/85/011 »était de pérenniser les activitésd’aménagement à la fin du projet.Afin que l’arrêt du financement duprojet n’entraîne pas la fin du pro-gramme d’aménagement des forêtsnaturelles au Burkina Faso, il a falluimputer au prix au producteur unFonds d’aménagement forestier (Faf)dont le but est de couvrir les chargesd’aménagement forestier. Ce fondsappelé aussi redevance forestière, àcause de sa fonctionnalité, a étéinternalisé après de multiples concer-tations avec les Gvgf. C’est surtout

avec la concession des forêts natu-relles aux Ugvgf, en 2001, que le Fafsera officiellement créé par arrêtéconjoint n° 01-048/MEF/MATD/MEEdu 8 novembre 2001, portant institu-tion du Fonds d’aménagement fores-tier. Les articles 1, 2, 5, 6 et 8 de cetarrêté font ressortir les objectifs duFaf, sa gestion et les activités devantêtre assurées par le Faf. Dans leszones forestières aménagées, 600Fcfa par stère sont attribués au titre

du Faf. Ainsi, la hausse du Faf entre1995 et 1998 a eu pour objectif deconforter la pérennité du travaild’aménagement forestier.

Le fonds d’investissement oucaisse villageoise, d’un montant de200 Fcfa par stère coupé et vendu(photo 1), a pour finalité l’améliorationdu bien-être collectif du village (pourcréer et/ou entretenir des infrastruc-tures sociales telles que les écoles, lesforages et les dispensaires).

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Tableau I. Répartition des bûcherons enquêtés selon le chantier et la province.

Nom des chantiers Provinceaménagés Ziro Sissili Sanguié Bazega Kadiogo Total

Cassou 45 0 0 0 0 45

Silly-Pouni-zazwara 0 52 31 0 0 83

Sud-Ouest Sissili 0 48 0 0 0 48

Sapoui Bieha 46 0 0 0 0 46

Nazinon 43 0 0 0 0 43

Nakambé 0 0 0 32 0 32

Gonsé 0 0 0 0 18 18

Bougnounou 0 40 0 0 0 40

Total 134 140 31 32 18 355

Source : Analyse des données d’enquêtes bûcherons réalisées en mai et juin 2005.

Tableau II. Évolution de la structure des prix au producteur entre 1995 et 1998.

Libellé des postes Montant par stère Montant par stère de la structure en 1995 (Fcfa*) en 1998 (Fcfa)

Taxe forestière 300 300

Fonds d’aménagement forestier 500 600

Fonds de roulement 200 200

Rémunération bûcheron 610 1 100

Prix au producteur 1 610 2 200

Source : PNUD/BKF/93/003 (1999).* Les francs Cfa ont été maintenus car ils sont plus parlants pour lesresponsables des projets africains. Les parités respectives pour un euro et pour un dollar sont les suivantes : 1 euro = 655,957 Fcfa ; 1 dollar US = 500 Fcfa.

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En aval, les grossistes en boisd’énergie fixent librement le prix auxdétaillants selon la saison (sèche oupluvieuse), laquelle détermine lesdifficultés de cette activité. Onobserve une forme de marchéhybride dans cette filière organiséeoù, en amont, l’administration desprix au producteur se greffe avec unefixation libre des prix au détaillant etau consommateur.

La structure des pr ix au détail lant

L’analyse des données d’en-quêtes sur les grossistes-transpor-teurs a permis d’identifier les postesde la structure de leurs coûts d’ex-ploitation. Dans l’évaluation d’unestructure de prix d’un bien, un para-mètre important est l’intensité del’activité des unités de production oud’exploitation, qui détermine le

volume global de l’activité. Dans lecas des grossistes-transporteurs, l’in-tensité de leur activité est identifiéepar la variable « nombre de voyagespar mois », qui donne le nombre dechargements de bois transportésdepuis les zones forestières jusquechez le consommateur final àOuagadougou (photo 2). C’est cettevariable qui détermine le chiffre d’af-faires mensuel du grossiste et lemontant de son coût total d’exploita-tion. Le tableau III donne les indica-teurs de synthèse sur les postes decharges et de produits d’exploitationdes grossistes-transporteurs.

Sur un échantillon de 48 gros-sistes-transporteurs sondés, lenombre moyen mensuel de charge-ments de bois effectués par grossisteest de 7,2, avec un coefficient devariation de 48,21 % indiquant que,par rapport à cette moyenne, la fré-quence d’approvisionnement varied’un transporteur à l’autre de48,21 %, soit trois chargements.Cette fréquence moyenne correspondà un volume moyen mensuel de 131stères transportés à un coût d’achattotal mensuel de 288 137 Fcfa. Levolume moyen mensuel de carburantconsommé est de 758 litres de gasoilau coût total de 268 857 Fcfa.

L’agrément de vente et le permisde circulation ou de transport s’élè-vent respectivement à 15 000 Fcfa et25 000 Fcfa par an, ce qui correspondà des coûts mensuels de 1 250 Fcfa et2 083 Fcfa.

Le salaire moyen mensuel duchauffeur est de 35 314 Fcfa, mais enréalité le chauffeur est payé 5 000 Fcfapar chargement effectué. L’apprentichauffeur est payé mensuellement18 000 Fcfa. Sur une moyenne dequatre ouvriers chargeurs, le grossistepaie en moyenne, par mois, 60 743 Fcfapour les ouvriers chargeurs du bois surles chantiers.

L’âge moyen des véhicules utili-sés (photo 3) étant de six ans, et lecoût moyen d’acquisition de 5,42 mil-lions de Fcfa, on a estimé la durée devie de ces véhicules à 20 ans pourcalculer la valeur de l’amortissement

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ECONOMIC REVIEW / THE FUELWOOD IN BURKINA FASO

Tableau III. Les postes de charges et de produits d’exploitation des grossistes.

Caractéristiques et coûts Moyenne Écart-type Coefficient ded’exploitation variation (%)

Nombre de voyages (par mois) 7 3 48

Quantité transportée de bois 131 65 49en stères (par mois)

Nombre moyen des chargeurs 4 1 24par grossiste

Quantité carburant consommée 758 361 48(par mois)

Prix litre carburant (gasoil) 512 4 1

Prix au producteur 2 200 0 0

Coût agrément 1 250 0 0

Coût permis de circulation 2 083 0 0

Coût d’achat mensuel de bois d’énergie 288 137 142 222 49

Coût d’achat mensuel de carburant 268 857 123 078 46

Salaire mensuel chauffeur 35 314 17 716 50

Salaire mensuel apprenti 18 000 8 677 48

Salaire mensuel des ouvriers chargeurs 60 743 26 014 43

Salaire mensuel pour gardiennage 17 786 2 627 15

Amortissement du véhicule 16 923 7 426 44

Visite technique mensuelle du véhicule 13 881 4 590 33

Prime d’assurance mensuelle 20 412 9 021 44

Pneumatiques (par mois) 54 595 37 072 68

Maintenance véhicule 55 014 25 579 46

Charges totales mensuelles 852 900 252 725 30

Prix de vente unitaire 10 000 0 0

Chiffre d’affaires mensuel 1 309 714 646 463 49

Marge bénéficiaire mensuelle 456 814 470 169 105

Source : Analyse des données d’enquêtes bûcherons réalisées en mai et juin 2005.

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mensuel. Le coût de l’amortissementmoyen mensuel du véhicule est de16 923 Fcfa par véhicule. Les fraismoyens mensuels de la visite tech-nique sont de 13 881 Fcfa, ceux de laprime d’assurance de 20 412 Fcfa,pour les pneumatiques et la mainte-nance respectivement de 54 595 Fcfaet 55 014 Fcfa.

Les charges moyennes men-suelles s’élèvent à 852 900 Fcfa pour131 stères transportés à Ouagadougou.Puisque ces 131 stères sont vendus auxdétaillants 1 309 714 Fcfa, la margebénéficiaire moyenne mensuelle dugrossiste s’établit à 456 814 Fcfa, avecun coefficient de variation de 105 % ;cette forte fluctuation s’explique par lescoefficients de variation des quantitésmoyennes transportées (48 %) et de lafréquence moyenne d’approvisionne-ment du grossiste (49 %).

Sur la base des analyses précé-dentes, la structure des prix de ces-sion du stère au détaillant àOuagadougou est donnée dans letableau IV.

Le stère de bois vendu audétaillant 10 000 Fcfa procure augrossiste-transporteur une margebénéficiaire de 3 513 Fcfa.

La structure des pr ix au consommateur

Une analyse descriptive descharges et des produits d’exploita-tion des détaillants permettra d’éla-borer la structure des prix au consom-mateur. Le tableau V donne lesstatistiques relatives aux indicateursdu compte d’exploitation desdétaillants.

Comme dans le cas des gros-sistes, on tient compte de l’intensitéde l’activité des détaillants, identi-fiée par la variable « nombre men-suel de chargements vendus », quidétermine le chiffre d’affaires men-suel du détaillant et son coût totald’exploitation. Sur un échantillon de37 détaillants sondés dans la villede Ouagadougou, le nombre moyenmensuel de chargements de boiseffectués par grossiste est de 1,avec un coefficient de variation de

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 7 , N ° 2 9 4 ( 4 ) 81BOIS D’ÉNERGIE BURKINABÉ / CHRONIQUE ÉCONOMIQUE

Tableau V. Caractéristiques du compte d’exploitation des détaillants.

Caractéristiques de l’exploitation Moyenne Écart-type Coefficient devariation (%)

Fréquence d’approvisionnement 1 0 39(par mois)

Quantité de bois achetée (par mois) 19 10 51

Coût d’achat de bois (par mois) 187 297 95 762 51

Carte professionnelle 542 0 0

Agrément de vente 2 083 0 0

Taxe communale 1 250 0 0

Fendage du bois 20 541 12 431 61

Coût de revient 211 713 107 164 51

Chiffre d’affaires 240 168 122 793 51

Marge bénéficiaire mensuelle 28 455 16 604 58

Prix au consommateur 12 823 1 567 12

Source : Analyse des données d’enquêtes bûcherons réalisées en mai et juin 2005.

Tableau IV. Structure des prix de cession au détaillant.

Postes de la structure de prix du stère Montant Poids relatifde bois par stère (Fcfa) (%)

Prix de cession au grossiste 2 200 22

Agrément de vente 10 0

Permis de circulation 16 0

Coût du carburant 2 053 21

Salaire du chauffeur 270 3

Salaire de l’apprenti chauffeur 137 1

Salaire des chargeurs du bois 464 5

Salaire du gardien du bois 136 1

Amortissement véhicule 129 1

Visite technique du véhicule 106 1

Prime d’assurance véhicule 156 2

Pneumatiques 417 4

Maintenance 420 4

Prix de revient grossiste-transporteur 6 513 65

Marge bénéficiaire grossiste-transporteur 3 487 35

Prix de cession au détaillant 10 000 100

Source : Analyse des données d’enquêtes bûcherons réalisées en mai et juin 2005.

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39 % indiquant que, par rapport àcette moyenne, il varie d’undétaillant à l’autre de 39 %, soitl’équivalent de 0,46 chargementacheté. Cette fréquence moyennecorrespond à un volume moyenmensuel de 19 stères achetés etvendus à un coût d’achat moyentotal mensuel de 187 297 Fcfa. Lacarte professionnelle représente uncoût annuel de 6 500 Fcfa, soit uncoût mensuel de 542 Fcfa.

Les coûts annuels respectifs del’agrément de vente et de la taxecommunale sont de 25 000 Fcfa et15 000 Fcfa, soit, en termes de coûts

mensuels, 2 083 Fcfa pour l’agré-ment de vente et 1 250 Fcfa pour lataxe communale.

Le détaillant dépense mensuel-lement en moyenne 20 540 Fcfa pourle fendage du bois de gros calibreacheté auprès des grossistes. Le coûtde revient total des 19 stères achetéset vendus mensuellement par ledétaillant est de 211 712 Fcfa. Lechiffre d’affaires moyen mensuel estde 240 168 Fcfa, soit une marge com-merciale de 28 455 Fcfa.

Sur la base des produits etcharges d’exploitation desdétaillants, la structure des prix au

consommateur du stère de bois àOuagadougou est donnée dans letableau VI.

Le prix du stère au consomma-teur, établi à 12 823 Fcfa, procure audétaillant une marge bénéficiaire de1 519 Fcfa. En aval, les grossistes etles détaillants fixent librement leursprix de vente ; ces intermédiairescommerciaux déterminent à leur gréleurs marges bénéficiaires. Les gros-sistes, principaux vecteurs de lafilière, de par les moyens financiersqu’ils déploient dans l’approvision-nement de la ville, ont le privilège dedicter les prix aux détaillants qui, àleur tour, les répercutent sur lesconsommateurs. Dans certains cas,les conditions du marché affectentles prix au consommateur : c’est tou-jours le cas quand il y a un excédentd’offre sur le marché, contraignantles grossistes à écouler le stère à basprix. De même, pendant la saisonpluvieuse, les risques liés au trans-port du bois depuis les zones fores-tières étant forts, les grossistesréajustent les prix au détaillant à lahausse, ce qui se répercute sur lesprix au consommateur.

Les structures intermédiairesdes prix du stère de bois autorisent lasynthèse dans un tableau synoptiqued’une structure globale des prix dubois qui intègre les principaux inter-venants de cette filière.

Élaboration de la structureglobale des prix

Les analyses statistiques précé-dentes sur l’activité des grossistes etdes détaillants vont permettre d’éla-borer la structure globale des prix dustère de bois exploité dans les zonesforestières aménagées, et consomméà Ouagadougou (tableau VII).

Cette structure des prix est la cléde répartition des charges, des pro-duits et des marges bénéficiaires desdifférents intervenants de la filièrebois d’énergie. Elle permet égale-ment d’identifier le poids, c’est-à-dire l’importance économique, dechaque intervenant dans la filière.

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Tableau VI. Structure des prix de cession au consommateur.

Postes de la structure de prix Montant par stère (Fcfa)du stère de bois

Prix de cession détaillant 10 000

Carte professionnelle 29

Agrément de vente 111

Taxe communale 67

Fendage du bois 1 097

Coût de revient détaillant 11 304

Marge bénéficiaire détaillant 1 519

Prix au consommateur 12 823

Source : Analyse des données d’enquêtes bûcherons réalisées en mai et juin 2005.

Photo 4. Groupement de gestion forestière féminin du village de Nombam, dans lechantier forestier aménagé de Silly-Pouni-Zawara. Photo K. Somda.

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Analyse de la répartit iondes bénéfices

de la filière

On analysera ici les gains desdifférents intervenants de la filière eton discutera de leur poids relatifdans la filière bois d’énergie.

Les bénéfices de l’État

Les gains de l’État sont identi-fiés à travers les différents instru-ments réglementaires et écono-miques de la gestion forestière surl’amont et l’aval de la filière. Letableau VIII récapitule les revenusperçus par l’État.

Le poste le plus important desrecettes de l’État est le Fonds d’amé-nagement forestier dont la destina-tion est de couvrir les coûts d’aména-gement de la forêt. Le Faf représente5 % du prix au consommateur.

Le revenu issu de la taxe fores-tière, de 300 Fcfa par stère, est unerente pour l’État. Les agréments devente constituent une autorisationd’exercer la profession de commer-cialiser la ressource. La taxe commu-nale est un permis de dépôt du boisd’énergie chez les détaillants en vuede sa commercialisation. Le permisde circulation est une autorisationpour les grossistes de transporter laressource. Globalement, l’État reçoit1 132 Fcfa par stère de bois exploitédans ces forêts.

Les bénéfices despopulations r iveraines

des forêts

Les revenus des bûcheronsrecouvrent le fonds d’investissementou caisse villageoise, qui est unrevenu collectif, et la rémunérationdu bûcheron, qui est un revenu indi-viduel (ces revenus sont inscrits auxpostes 3 et 4 du tableau VII). Lebûcheron reçoit 1 100 Fcfa par stèreau titre de la main-d’œuvre : c’est larémunération du travail de coupe

dans les zones forestières. Cettesomme représente 9 % du prix auconsommateur du stère de bois et50 % du prix au producteur.

Il y a également un montant de200 Fcfa par stère de bois exploité quiest attribué au groupement de gestionforestière (photo 4), au titre desbesoins collectifs du village : ce poste

de la structure du prix au producteurest appelé fonds de roulement oucaisse villageoise. Le fonds de roule-ment est essentiellement utilisé pourréaliser des travaux d’intérêt communpour les populations du village d’ex-ploitation du bois commercialisé. Ilsert généralement à la réalisationd’infrastructures publiques (scolaires,sanitaires, points d’eau, etc.) ou à les

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Tableau VII. Structure globale des prix du stère de bois d’énergie.

Libellé des postes Montant par Poids relatifstère (Fcfa) (%)

1. Taxe forestière 300 2

2. Fonds d’aménagement forestier 600 5

3. Fonds d’investissement 200 2

4. Rémunération bûcheron 1 100 9

5. Prix au producteur 2 200 17

6. Agrément de vente 10 0

7. Permis de circulation 16 0

8. Coût du carburant 2053 16

9. Salaire du chauffeur 270 2

10. Salaire de l’apprenti chauffeur 137 1

11. Salaire des chargeurs du bois 464 4

12. Salaire du gardien du bois 136 1

13. Amortissement véhicule 129 1

14. Visite technique véhicule 106 1

15. Prime d’assurance véhicule 156 1

16. Pneumatiques 417 3

17. Maintenance 420 3

18. Prix de revient grossiste-transporteur 6 513 51

19. Marge bénéficiaire grossiste-transporteur 3 487 27

20. Prix de cession au détaillant 10 000 78

21. Carte professionnelle 29 0

22. Agrément de vente 111 1

23. Taxe communale 67 1

24. Fendage du bois 1 097 9

25. Coût de revient détaillant 11 304 88

26. Marge bénéficiaire détaillant 1 519 12

27. Prix au consommateur 12 823 100

Source : Analyse des données d’enquêtes bûcherons réalisées en mai et juin 2005.

Page 10: BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2007, N° 294 (4) BOIS D

entretenir. Ce fonds, d’une certainefaçon, permet de redistribuer une par-tie des revenus issus de l’exploitationforestière aux populations des villagesriverains. Globalement, par stère debois exploité, le bûcheron gagne1 300 Fcfa, dont 1 100 Fcfa pour l’in-dividu et 200 Fcfa pour tout le village.

Le tableau IX indique la struc-ture des revenus des producteurs dubois d’énergie.

Une analyse de la structure desrevenus des bûcherons fait appa-raître un revenu moyen total del’ordre de 166 276 Fcfa par bûche-ron, toutes activités confondues,dans les zones forestières approvi-sionnant Ouagadougou en 2004. Cerevenu se décompose comme suit. ▪ Le revenu issu de la coupe du bois,soit en moyenne 89 176 Fcfa parbûcheron.▪ Le revenu tiré de la production ducharbon de bois, soit en moyenne40 223 Fcfa par charbonnier.▪ Le revenu agricole des bûcherons,avec une moyenne annuelle de27 483 Fcfa par producteur.

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Tableau IX. Structure des revenus des producteurs de bois d’énergie.

Chantier Type de Revenus Revenus Revenus Autres Total desproducteur du bois du charbon agricoles revenus revenus

Kassou Bûcherons 46 360 0 29 512 17 740 93 612

Silly-Pouni-Zawara Bûcherons 106 156 0 3 333 8 594 118 083Charbonniers 30 303 178 182 56 063 727 265 406Total moyen 74 064 75 385 25 247 5 266 179 308

Sud-Ouest Sissili Bûcherons 82 766 129 574 112 447 24 223 349 011Charbonniers 160 000 120 000 0 0 280 000Total moyen 84 375 129 375 110 104 23 719 347 573

Sapoui Bieha Bûcherons 155 715 0 0 15 765 171 480

Nazinon Bûcherons 14 324 500 2 735 1 412 18 971

Nakambé Bûcherons 149 563 0 1 406 0 150 969

Bougnounou Bûcherons 90 000 0 3 684 3 368 97 053

Ensemble Bûcherons 96 187 22 873 24 160 10 749 153 969Charbonniers 34 118 176 471 54 364 706 265 848Moyenne 89 176 40 223 27 483 9 614 166 276

Source : Analyse des données d’enquêtes bûcherons (mai-juin 2005).

Tableau VIII. Bénéfices de l’État.

Postes des recettes de l’État Montant par stère (Fcfa)

Amont de la filière 900Taxe forestière 300

Fonds d’aménagement forestier 600

Aval de la filière 232

Grossistes 26

Agrément de vente 10

Permis de circulation 16

Détaillants 207

Carte professionnelle 29

Agrément de vente 111

Taxe communale 67

Filière 1 132

Source : Analyse des données d’enquêtes bûcherons réalisées en maiet juin 2005.

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▪ Les revenus issus de la cueillettedes produits forestiers non ligneux(néré, karité, miel, fourrage, etc.), quicontribuent en moyenne pour unmontant annuel de 9 614 Fcfa.

Le revenu moyen tiré du boisd’énergie s’élève à 129 399 Fcfa parbûcheron, soit 78 % de son revenumoyen total toutes activités confon-dues. Le revenu issu de la coupe oude la carbonisation prédomine dansla structure des revenus des bûche-rons ; c’est pourquoi on parle de pro-fessionnalisation des bûcherons.

Les bénéfices desintermédiaires commerciaux

Les intermédiaires commerciauxsont les acteurs majeurs de la filièreau regard de l’importance des fondsengagés dans leurs activités. Ilsdéploient d’importants investisse-ments mais reçoivent des revenusnets importants : une marge bénéfi-ciaire grossiste de 3 487 Fcfa par stèreet au titre de l’amortissement du véhi-cule 129 Fcfa par stère. Le grossiste-transporteur (photo 5) reçoit unrevenu total de 3 616 Fcfa par stère,soit 28 % du prix au consommateur(postes 13 et 19 du tableau VII).

Les détaillants (photo 6) déga-gent par stère de bois un bénéfice netde 1 519 Fcfa (poste 26 du tableauVII), soit 12 % du prix du stère debois. Ils sont les deuxièmes plusimportants bénéficiaires de la filière.

Globalement, les intermédiairescommerciaux obtiennent un bénéficetotal de 5 136 Fcfa par stère de boiscoupé et vendu au consommateur, soit40 % du prix au consommateur du bois.

Les bénéfices desemployés de la filière

La filière bois d’énergie emploieun nombre important d’ouvriers, quisont notamment les chargeurs de boisdans les camions en zone forestière,le chauffeur, l’apprenti chauffeur etles fendeurs de bois conditionnant lebois de gros de calibre pour la venteau consommateur (voir statistiquessur les revenus perçus aux postes 9,10, 11, 12 et 24 du tableau VII).

En général, ces acteurs sontrémunérés par chargement transportépar le grossiste. Pour chaque voyageeffectué, le chauffeur reçoit un salairede 5 000 Fcfa, l’apprenti chauffeurentre 2 000 et 3 000 Fcfa, les char-geurs 2 500 Fcfa. Ramenés au stère debois, les différents revenus sont ras-semblés dans le tableau VII. Par stèrede bois, le fendeur (photo 7), chez lesdétaillants, est le mieux rémunéréavec un revenu de 1 097 Fcfa ; quatrechargeurs reçoivent ensemble unmontant de 464 Fcfa par stère de boischargé au camion.

Le gardiennage du bois chez lesgrossistes est rémunéré mensuelle-ment entre 15 000 et 25 000 Fcfa.Cela correspond à un revenu par gar-dien de 139 Fcfa.

Globalement, ces ouvriers perçoi-vent par stère un revenu de 2 103 Fcfa,soit 16 % du prix du stère.

Les bénéfices des autresagents de la filière

Les autres agents de la filièresont essentiellement constitués parles partenaires des grossistes- trans-porteurs, notamment leur fournis-seur de carburant, la Ccva pour lavisite technique du camion transpor-tant le bois, leur fournisseur de pneu-matiques et les garagistes qui assu-rent la maintenance de leur camion.Ces intervenants reçoivent par stèreun revenu de 3 152 Fcfa, soit 25 % duprix du stère au consommateur. Lesfrais de carburant par stère représen-tent le montant le plus importantperçu par ces autres agents, à savoir2 053 Fcfa, soit 16,01 % du prix auconsommateur du stère de bois. Cesdifférents éléments de revenus sontrépertoriés aux postes 8, 14, 15, 16,17 du tableau VII.

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Photo 5. Un grossiste transporteur en provenance du chantier de Silly-Pouni-Zawara en partance pour Ouagadougou. Photo K. Somda.

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Discussion

Les analyses statistiques surl’intensité de l’activité au sein dechaque groupe d’intervenants ontpermis de relativiser et de justifier lesdifférences entre le poids descharges et des produits d’exploita-tion pour les intervenants de cettefilière. La variabilité de chacun despostes de charges et de produits enfonction de l’intensité de l’activitéjustifiait du même coup celle despostes de résultats et donc des diffé-rentes marges bénéficiaires pour lesintervenants d’un même groupe. Dece point de vue, plus la fréquencemensuelle de l’activité est élevéepour un intervenant au sein d’ungroupe, plus cet intervenant réduitses coûts et par conséquent maxi-mise sa marge bénéficiaire.L’utilisation de la méthode de lacomptabilité analytique d’exploita-

tion a permis d’établir les résultatsd’exploitation pour chaque grouped’intervenants.

Les résultats révèlent que lesbûcherons bénéficient moins de l’ex-ploitation de la ressource ligneuseque les autres intervenants de l’avalde cette filière. En effet, l’analyse dela structure des prix montre que lesgrossistes-transporteurs sont les pre-miers bénéficiaires de cette filière,avec un revenu représentant 28 % duprix de cession au consommateur dustère, suivis des détaillants qui reçoi-vent 12 % du prix de cession auconsommateur du stère. Les bûche-rons se trouvent en troisième posi-tion, avec 11 % du prix de cession auconsommateur du stère, dont 9 % autitre de revenu individuel et 2 % autitre de revenu collectif pour le villageentier. Les fendeurs perçoivent un

revenu de 1 097 Fcfa par stère, soit9 % du prix au consommateur.

C’est pour encourager davan-tage les populations riveraines desforêts et pérenniser les politiquesd’aménagement que les autorités ontdécidé, en 1997, d’augmenter larémunération des bûcherons et lefonds d’aménagement. L’objectifétait de prendre en compte les diffi-cultés de financement que connaît leprojet pour aménager ces forêts natu-relles et d’inciter davantage lesbûcherons à une meilleure participa-tion à la gestion forestière. L’analysemontre que c’est l’aval de la filièrequi tire le plus profit de l’exploitationdu bois d’énergie.

Il convient de noter que l’offrede bois d’énergie ne provenant pasdes zones aménagées, qualifiéed’offre non contrôlée ou de produc-

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ECONOMIC REVIEW / THE FUELWOOD IN BURKINA FASO

Photo 6. Fanta, détaillante au marché de bois de feu à Tampouy, Ouagadougou.Photo B. Ouédraogo.

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tion frauduleuse (Ouédraogo,2006), est celle dont les acteursexploitent le bois à proximité descentres urbains. Cette offre échappeaux écotaxes qui sont les principauxinstruments de la politique forestièreau Burkina Faso. Elle relève d’unefilière non organisée dont les modesd’approvisionnement se situent engrande partie dans le circuit commer-cial direct, où les exploitants, consti-tués de charretiers et de cyclistes,coupent le bois dans leur villaged’origine et notamment dans lesjachères, et le transportent àOuagadougou où il est vendu à desménages, à des artisans ou à desdétaillants. Les exploitants de cettefilière opèrent dans un rayon maxi-mal de 70 km autour de Ouagadou-gou. La spécificité de cette filière est

que les coûts externes ne sont pasinternalisés dans le prix de revient dubois vendu. Les bûcherons achemi-nent eux-mêmes le bois d’énergiejusqu’à Ouagadougou pour la vente.La filière est très importante au vu dunombre de charretiers et de cyclistesde plus en plus grand, mus par unenvironnement précaire et fragile dupoint de vue économique. Cette offrefrauduleuse, du fait qu’elle échappeaux instruments de la politique fores-tière, se maintient à des niveaux deprix faibles. Elle tire le prix d’équi-libre de l’offre globale vers le bas, sibien qu’elle décourage lesrecherches de substitut et interdit àune filière s’appuyant sur une refo-restation privée de voir le jour(Ouédraogo, 2006).

La présente étude met enlumière l’important problème de latarification des ressources naturelles,avec les difficultés d’évaluation descoûts sociaux de ces ressources etleur internalisation. Le niveau destaxes et redevances forestières dansla structure des prix du bois d’éner-gie reste très faible et cela empêchesinon contraint fortement la substitu-tion de l’énergie ligneuse puisque leprix unitaire de ces ressources neprend en compte que les coûts privés(coûts de collecte, de transport et decommercialisation), ce qui le main-tient à des niveau très bas, ne reflé-tant pas ses coûts sociaux (valeursd’usage diverses, fonctions écolo-giques…).

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 7 , N ° 2 9 4 ( 4 ) 87BOIS D’ÉNERGIE BURKINABÉ / CHRONIQUE ÉCONOMIQUE

Photo 7. Karim est un fendeur professionnel de bois de feu à Ouagadougou. Photo B. Ouédraogo.

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