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BON ESPRIT

BON ESPRIT #2

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Vol. 2 - libre

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Le bon esprit c’est évident. Bien que faire preuve de bon esprit n’est pas un ob-jectif, au final, c’est un sen-timent qui nous rassemble. C’est comme boire un coup avec les collègues. C’est aus-si tirer parti de ce qui rend nos proches heureux et nous fait évoluer. Le bon esprit, il voyage pour mieux ren-trer chez lui, il est curieux et pluridimensionnel. Ce n’est pas nous, c’est eux, c’est vous, c’est ce pourquoi nous sommes fiers. En clair, le bon esprit c’est une idée simple, c’est le partage, promouvoir le talent, le laisser s’exprimer sans se répéter. La rédaction est fièrs de vous et tient à ce que vous le sachiez. Ce n’est pas l’esprit saint, c’est le bon esprit.

BO N

ES PR IT

The ‘good spirit’ is evident. Even if it is dis-played the good spirit itself is not the goal. In the end it’s a feeling which gathers people together. It’s like having a drink with your buddies. It also takes advantage of what makes our friends happy and makes us evolve. The Good Spirit travels to come home better, he is curious and mul-tidimensional. It’s not us, it’s them, it’s you, it’s the things we are proud of. Clearly ‘the good spirit’ is a simple idea, it’s about sharing and pro-moting skills, to let it speak without repeating itself. The editorial staff is proud of you and wants you to know that. It’s not the Holy Spirit, It’s the Good Spirit.

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LOLA SALVAGNIAC..............p6

ANTOINE GEIGER.............p14

LE REPORT..............p22

LA TRIBUNE..............p32

CELINE GARCIA..............p26

VALENTIN CHOU..............p38

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LOLA SALVAGNIAC

Après avoir terminé ses études il y a un an, Lola a commencé à travailler pour une grande agence d’architecture à Montréal. Dans cette interview, elle nous livre ses impressions sur le monde profession-nel mais surtout nous parle de ses projets et de son souhait de bouleverser son quotidien. Récit d’une discussion sur Skype, 00:01am heure française.

BE: Est ce que tu peux te présenter, parler de ta situa-tion ?L: Donc j’ai 21ans, je m’appelle Lola Salvagniac et dé-sormais ça fait un an que je travaille dans une agence d’architecture qui s’appelle Aedifica. Je suis conceptrice en architecture, ça veut un peu tout et rien dire ; je suis dans le plus petit département de la boite, on est 8 et on est comme un département satellite qui saute de projet en projet. On a parfois des petites et des grosses mis-sions mais principalement on est les créatifs de la boite ; on fait des concepts, parfois des projets du début à la fin comme des restaurants ou des petits espaces. Je travaille ici depuis un an et j’ai un contrat à durée indéterminée.

BE: Parlons de la fin de tes études, tu as reçu le prix du meilleur diplôme il y a un an. Est ce que tu peux nous en parler ?L: En fait j’ai fait un hôtel, un projet commercial, plus gros que certains projets qui étaient seulement résiden-tiels. J’ai eu beaucoup d’ambition, j’ai voulu tout déve-lopper dans le projet alors que certains n’avaient déci-dé d’aboutir que certaines parties de leur projet. Je me suis même rapprochée de l’architecture en concevant certaines des toitures et donc dépassé mon champ de compétence. J’ai fait des flyers pour l’ouverture de l’hô-tel, pleins de 3D, poussé le projet au bout. Ça doit être un peu de tout ça qui a fait que j’ai pu gagner le prix; je pense que j’ai réussi à retranscrire l’expérience que l’on pourrait avoir à l’intérieur. Ca m’a permis aussi de gagner une autre récompense au Grand Prix du design et être publiée dans un magazine (INT).

BE: Tu nous a dit que tu t’es rapprochée de l’architec-ture dans ton projet, est ce qu’un jour tu as le souhait de basculer dedans et de ne plus te limiter au design d’espace ?L: Je vais être honnête, si j’ai tout fait dans le projet c’est surtout parce que j’aime bien tout controller, en revanche si il y a d’autres domaines qui m’intéressent, ce n’est pas le cas de l’architecture dont je me sens assez loin après avoir fait un an dans une boite d’archi. J’ai

BE: Can you introduce yourself, talk about your situa-tion?L: So I’m 21, my name is Lola Salvagniac and actually I’ve been working for a year in an architecture agency called Aedifica. I’ m a designer in architecture, it means a lot of things; I am in the smallest department of the agency, we are 8 and we work like a satellite department jumping from project to project. We sometimes have small and important missions, but mainly we are the creatives of the group; we made concepts, sometimes projects from the beginning to the end, like restaurants or small spaces. I worked here for a year and I have a permanent contract .

BE: So at the end of your studies, you won the prize for the best diploma. Could you talk about it?L: Actually, I made a hotel, a commercial project, bigger than other students . I had a lot of ambition; I wanted to develop everything in the project while some only focused on some parts of their project. I got even clo-ser to architecture when I designed some parts of the roof and therefore went beyond my jurisdiction. I made flyers for the opening, lots of 3D, led the project to it’s end. It must be a bit of all these things that made me win the prize; I think I managed to recreate the experience that we could have from the inside. Thanks to this I also won another award at the ‘Grand Prix du design’ and was published in a magazine (INT).

BE: You told us that you got closer to architecture in your project, so would you like to switch to architec-ture one day and not limit yourself to the design?L: I’ll be honest, if I did everything in the project it’s mainly because I like to control everything however if other area interest me it isn’t the case of architecture from which I feel a little distant after a year in an archi-tecture agency. And I need to measure the impact of my work rapidly, see the effect on the spectator. I’m more

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After the end of her studies one year ago, Lola had started to work in a big architectural agency in Montreal. In this interview, she talk to us about her impressions on the professional world but mainly about her projects and her desire to change her daily. Story of a discussion on Skype, 00:01am french time.

Lola

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aussi besoin de mesurer l’impact de mon travail rapide-ment, voir l’effet produit sur le spectateur. Je suis plus intéressée par le graphisme, l’illustration, des choses que je n’ai pu continuer de pratiquer dans mon agence actuelle. Même le journalisme de design, d’architecture m’intéresse ; couvrir des évènements en relation avec le design. Les murs se construiront sans moi (rire).

BE: Est ce que tu peux nous parler de ton école à Mon-tréal ? Tu es contente de ce qu’elle t’a apporté ?L: Alors j’étais a la faculté d’aménagement de l’univer-sité de Montréal. Ce que cette fac a de bien c’est qu’on est tous regroupés sous le même toit peu importe le pro-gramme. Mais en aménagement on avait nos propres lo-caux nos propres ateliers ce qui était assez bien ! Après est ce que c’est une bonne école et qu’elle m’a apporté tout ce que je souhaitais ? Pas vraiment, le travail à l’ex-térieur de l’école apporte toujours plus. J’aurais souhai-té faire plus d’histoire, d’art et avoir des profs qui pra-tiquent plus à côté de la fac et non pas que cela reste dans un cadre trop scolaire. Je n’ai pas eu assez de cours théoriques aussi, je sais que ça fait chier tout le monde mais ça aurait été cool ; on a trop survolé certains as-pects. Mais l’école c’est quand même bien pour faire des erreurs et prendre le temps de se tromper et ça je pense qu’il faut que tout le monde en ait conscience.

BE: Que penses-tu de ta sphère professionnelle ac-tuellement ?L: Dans une grosse boite, il y a deux problèmes : la hié-rarchie, trop pesante, et que dans la masse on se retrouve rapidement à bosser sur des points isolés d’un projet. La communication devient donc difficile entre nous et le travail n’est plus stimulant comme il peut l’être à l’école. Tout ça fait que tu dépenses pas mal d’énergie mais tu apprends tout de même dans ces agences quelles sont tes limites, tes capacités de travail.

BE: Et c’est facile pour un jeune à Montréal de trouver du travail ?L: Alors si tu veux un chiffre; dans une promo de 49 élèves on est que 5 à avoir eu un job. Ça c’est parce que en ce moment à Montréal et au Québec ça va pas ter-rible l’archi et le design, un peu comme partout. Après si tu veux lancer ton agence tu auras des opportunités. En fait, ça dépend de ce que tu recherches, si tu veux travailler dans une grosse agence ou si tu veux aller dans de petites start-up.

BE: Toi, à terme, tu aimerais avoir ta propre structure de travail que ce soit à Montréal ou ailleurs ?L: Oui complètement, c’est en partie ce que le marché du travail m’a appris. J’aspire à avoir ma propre équipe, je n’en serais pas forcément à la tête mais je sais qu’on construit rien tout seul en tout cas. J’aimerais prendre une initiative qui serait soit une entreprise soit un ma-gazine ou bien un festival ou même une ONG je n’en sais rien. Et tout ça sûrement à Montréal pour commen-cer car c’est là que j’ai mes attaches, c’est la ville que je connais le mieux. En étant curieuse et motivée je pense que j’arriverais à me donner les outils pour être capable de monter ce projet ; je ne sais pas exactement quand mais ça serait plutôt à court terme que dans longtemps.

interested in graphic design, illustration, things that I wasn’t able to continue practicing in my current agen-cy. I’m even interested in architecture or design jour-nalism; covering events related to design. Walls will be built without me (laughs).

BE: Could you talk about your school in Montreal? Are you happy with what it brought you?L: So I was in the Faculty of Design at the University of Montreal. Something great about this school is that we’re all together whatever program we’re in. But we had our own workshops in design, which was pretty good! Is it a good school and did it it give me everything I wanted? Not really, working outside the school always brings more. I would’ve liked to have more history, art and have teachers who worked more outside the univer-sity, not stay in so much of a scholar environnement. I haven’t had enough theoretical classes, I know it annoys everyone but it would have been cool; we didn’t concen-trate enough on some aspects. But in school you’re still allowed to make mistakes and I think it’s an important thing to know and I think everyone should be aware of that.

BE: What do you think of your working sphere today ?L: In a big agency, there are two problems: the hierarchy, too oppressive, and the fact that having so many people working on a project leads you to working on a small part of it. Communication becomes difficult between us and the work isn’t as stimulating as it can be at school anymore. All this makes you invest a lot of your energy in this, but in these agencies you still learn about your limits and your work capacity.

BE: And is it easy for a young person to find work in Montreal? L: Well if you want a number, in a class of 49 students only 5 of us have a job. That’s because currently in Montreal and in Quebec, like everywhere else, the ar-chitecture and design industry isn’t doing so well. Then again, if you want to start your own agency you’ll have opportunities. In fact, it depends on what you’re looking for, if you want to work in a big agency or if you want to work in startups.

BE: Eventually, would you like your own company ? In Montreal or maybe somewhere else ? L: Sure, this is part of what the labor market has taught me. I’d like to have my own team, I wouldn’t necessarily be at the head of it but I know that we can’t build any-thing alone anyway. I’d like to take an initiative like that would be either a company or a magazine or a festival or even an NGO, I don’t know. And all of this probably in Montreal to start with because it’s the city I am the most familiar with. By being curious and motivated I think I’ll be able to give myself the possibility to manage brin-ging this project to life; I don’t know exactly when but it would be on a short-term rather than in a long time.

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Vue extérieure de l’hôtel / Vue d’une chambre

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BE: Est-ce que tu as le temps de continuer une pra-tique plus personnelle ou ton travail occupe tout ton temps ?L: Pour être honnête j’ai beaucoup moins l’occasion de pratiquer après la seule chose à laquelle je me tiens, c’est d’être au courant de tout ce qu’il se passe; expositions, vernissages, festivals. Le dernier auquel j’étais c’était MUTEK, c’est un festival de musique électronique où tout était impressionant. C’est vraiment quelque chose à laquelle je tiens, et j’espère m’y tenir malgré le travail et le fait que je puisse arriver crevée après un vernissage par exemple.

BE: Montréal est très convoité par les étudiants, dont une grosse partie des étudiants français, est ce tu peux nous aider à comprendre pourquoi ? Est-ce vraiment intéressant pour eux ?L: Au niveau de l’expérience personnelle je pense que tout le monde devrait venir faire un tour ici, tu vas res-sortir rempli d’expériences, de sensations, de belles rencontres car je pense que ce qui fait la force de Mon-tréal c’est les gens. La ville est hyper éclectique, c’est fou et il y a une bonne vibe, les choses se passent. Tout est fait avec passion ; les gens s’impliquent à fond dans tout ce qu’ils font, les rues sont très vivantes, ça bouillonne d’idées. C’est clair que je conseille ça à toute personne peu importe ce qu’elle fait, faut qu’elle vienne se res-sourcer et repartir avec pleins de belles choses.

B: Et toi en tant que montréalaise c’est vers quelle des-tination que tu souhaiterais aller ?L: Déjà je n’irais sûrement pas en France ! (rire) Selon mes coups de cœur j’irais sûrement au Japon parce que je suis trop curieuse et c’est trop différent. C’est l’oppo-sé d’ici, c’est une culture hyper intéressante ; je ne vais pas développer sur toutes les raisons qui me motivent à aller là-bas mais il y en a vraiment beaucoup. Et si je préférais rester dans le confort j’irais à New York car ce n’est pas loin d’être comme Montréal mais il y a en plus la touche, le plus qui fait que c’est un rêve accessible : je suis bilingue, c’est pas loin... Bon après c’est deux choix de luxe on va dire vu le coût de la vie que ce soit au Ja-pon ou à New York !

BE: Question fatidique, le Bon Esprit pour toi c’est quoi ?L: Je pense que c’est une plateforme qui promeut des artistes, c’est basé sur le partage, les échanges. C’est ra-fraîchissant, c’est vraiment une belle initiative. Je n’ai vu qu’un seul exemplaire et donc j’attends avec impatience de voir la suite mais plus personnellement je te dis bra-vo car j’aimerais bien moi aussi faire une telle chose.

BE: Bon dernière question, est-ce que tu as quelqu’un que tu aimerais nous faire découvrir ?L: Oui alors j’ai vraiment des gens très cool à vous faire découvrir. Ils sont 5 mecs qui sortent d’HEC, ils ont un collectif qui s’appelle La Bacchanale et ils organisent des soirées. C’est pas des soirées en mode grosse beuverie mais chaque soirée a un concept, une scénographie. A chaque fois il y a de l’art, des expos, des djs vraiment bons. C’est des mecs qui se bougent, leur devise c’est «provoquer les sens et l’imaginaire » et ça marche plu- tôt bien. Actuellement, ils font presque une soirée par

BE: Do you have time to continue a personal practice or does your work use up all your time?L: To be honest I have far less opportunities to put my knowledge to use, but then the only thing I want is to stay informed on everything that’s happening; exhibi-tions, openings, festivals. The last one I’ve been to was MUTEK; it’s an electronic music festival where every-thing was impressive. This is something that I really want and I hope to stick to it despite the work and the fact that I can get tired after an opening, for example.

BE: Montreal is highly coveted by students, including a large amount of French students; can you help us understand why? Is it really interesting for them? L: In terms of personal experience, I think everyone should come and visit this place, you’ll leave with plenty of experiences, sensations, beautiful encounters, be-cause I think what makes the strength of Montreal is the people. The city is very eclectic, it’s crazy and there’s a good vibe, things happen. Everything is done passio-nately; people are involved in everything they do, the streets are very lively, bubbling of ideas. It’s clear that I would recommend it to anyone no matter what they do, they should come and relax and go back full of beautiful experiences.

B: And you as a Montreal citizen, what destination you would like to go to? L: Well, not France! (laughs). My favorite is definitely Japan because I’m very curious and it’s really different from anywhere else. It’s the opposite of here, it’s an in-teresting culture; I won’t give you all the reasons that motivated me to go there but there are plenty. And if I wanted to stay in my comfort zone I’d go to New York because it’s quite like Montreal but there is something more to it, the fact that it’s an accessible dream: I am bilingual, it’s not far ... Then again, both of my choices are quite luxurious, because of the cost of life both in Japan and New York!

BE : what is the Bon Esprit for you? L: I think it’s a platform that promotes artists; it’s based on sharing, exchange. It’s refreshing, it’s really a great initiative. I only saw one copy so I look forward to seeing more but personally I wanted to say congratula-tions because I would like to do such a thing too.

BE: Ok, last question, is there someone you’d like us to discover? L: Yes, I have really cool people to introduce you to. They’re these 5 guys from HEC, they have a group called The Bacchanal and throw parties. It’s not a big party to finish drunk at, but each one has a concept, a design. Each time there are art exhibitions and really good DJs. They’re guys who get involved, their motto is «stimulate the senses and imagination» and it works pretty well. Currently, they do this almost once a week, they rent amazing places. But my advice is that you come here to

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[email protected]

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semaine, ils louent des salles exceptionnelles. Mais mon conseil c’est que tu viennes ici voir ça !

see it !

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Scénographie réalisée pour La Bacchanale

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Antoine

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ANTOINEGEIGER

Après tout juste 2 années post-bac, Antoine a su mener sa barque avec brio ! Bientôt exposé en Arles dans le cadre des prestigieuses rencontres photographiques, c’est dans un bon esprit qu’Antoine nous livre un aperçu de sa démarche artistique dans la cour de sa futur école potentielle, l’ESA.

BE: Tout d’abord est ce que tu voudrais bien te pré-senter aux lecteurs ?A: Je viens de ... Alors c’est difficile de dire d’où je viens parce que je suis né en région Centre mais j’ai grandi en Normandie où je suis allé dans un internat internatio-nal, j’ai été en Angleterre, l’an dernier j’étais à Paris et cette année j’étais à Amsterdam. Je suis orienté sur des études d’art, de design et d’architecture, en ce moment je suis à la Rietveld Académie à Amsterdam. C’est une grosse école très axée sur l’art conceptuel, plus proche de l’école berlinoise que de l’école parisienne. Pour moi c’est une étape très importante à passer parce que ça m’a beaucoup ouvert l’esprit, j’ai du explorer le concept, on a désacralisé tout ce que je faisais et j’en avais besoin. Maintenant que je vais aller en architecture j’ai le senti-ment de pouvoir être plus pertinent dans mes choix. Au départ je ne voulais pas faire ça parce qu’il se trouve que ma mère est architecte ainsi que mon grand- père, mais un matin je me suis levé en sachant que c’était ça qu’il fallait que je fasse.

BE: Donc tu t’apprêtes à passer le concours pour l’École Spéciale d’Architecture (Paris), qu’est ce que ça va t’apporter ? Tu penses que ça va aller dans la continuité de cette année à Amsterdam ?A: Alors non pas dans la continuité justement, je pense plutôt que ça va être un réel complément. C’est-à-dire qu’il y a de toute manière en architecture un aspect beaucoup plus concret que dans les études d’art dans le sens où il y a plus de travail de groupe, plus de respon-sabilité, tu n’es plus dans une recherche interne perma-nente, dont je me suis lassé. Et l’ESA je considère que c’est l’enseignement le plus ouvert en France par rap-port aux écoles publiques.

BE: Dans ton site tu nous donnes à voir photos, ins-tallations, dessins, design, illustrations... Ta pluridis-ciplinarité c’est un but en soi ou tu as quand même un medium de prédilection ?A: La pluridisciplinarité c’est pas quelque chose que j’ai choisi en fait, c’est venu assez naturellement, déjà petit j’ai été habitué à faire pleins de choses avec mes mains, j’ai du commencer Photoshop j’avais 10 ans, donc c’est

BE: First of all, could you introduce yourself please ?A: I come from ... Well, it’s hard to say where I come be-cause I was born in the Centre region but I grew up in Normandy where I went to an international boarding school. Then I went to England, last year I was in Paris and this year I was in Amsterdam. I am studying arts, design, and architecture and now I’m at the Rietveld Academy in Amsterdam. It is a very big school based on conceptual art, more related to the Berlin school style than the Paris’ one. For me this is a very important step to move on because it has opened my mind, I had to explore the idea of the concept in general, we have desecrated everything I was doing and it was needed. Now that I’m going into architecture, I have the feeling of being more relevant in my choices.At first I didn’t want to do that because my mother hap-pens to be an architect and so does my grandfather, but one day I woke up with the feeling that it was what I was meant to do.

BE: So you are about to take the exam for the École Spéciale d’Architecture (Paris), what is it going to bring you? Do you think it will be in the continuity of what you’ve just learned in Amsterdam?A: Well actually I don’t think it will an exact continuity, but I think it’s more about complementing what I’ve learned so far. Saying that when you study architecture, it’s way more concrete than what it is when you study arts because there is more work to do in groups, more responsibilities, as opposed to be in a permanent inter-nal research which I ended up being fed up with. And I consider that ESA offers the most open-minded educa-tion compared to the majority of public schools.

BE: On your website you give us to see photos, ins-tallations, drawings, design, illustration ... Is the mul-tidisciplinarity a goal in itself or do you still have a chosen medium?A: The multidisciplinarity isn’t actually something that I chose, it came quite naturally. Already when I was a kid I was used to doing a lot of things with my hands, I started Photoshop when I was 10, so it just came along.

Two years only after he graduated, Antoine was able to steer his boat with success! Soon exposed in Arles during the prestigious photographic meetings, it’s in a good mindset that Antoine gives us an over- view into his artistic process in the courtyard of his future potential school, ESA.

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venu tout seul. Aujourd’hui pour la plupart c’est des recherches que je fais pour moi, mais sans format de prédilection. Tout ce que je sais c’est que j’ai tout com-mencé par la photographie, le dessin est très récent chez moi, et c’est vraiment la photo qui a fait mon œil, qui m’a donné ma vision du monde, m’a rendu sensible à la lumière, aux textures, à toutes ces choses-là. J’essaye ensuite de retranscrire ces choses là en dessin, jusqu’ici mes sujets de prédilection ont été les paysages l’an der-nier, maintenant j’essaye de me mettre au dessin de mode. En général j’essaie de tout explorer au maximum. Je garde toujours cette idée de complémentarité en fait.

BE: Et la collaboration ?A: Oui c’est ça qui m’intéresse en architecture, tu peux collaborer avec qui tu veux, tu peux t’inspirer de tout. Tu vas voir des conférences sur la neuroscience et après tu vas bosser avec des gens dans le textile, tu vas sur le terrain travailler avec les ouvriers donc c’est vraiment intéressant et c’est pouvoir évoluer sur un champ d’ac-tion aussi large qui m’attire, plus que l’architecture en soi en fait, c’est plus un prétexte pour m’ouvrir à un certain état d’esprit parce que je ne veux pas forcément être architecte avec des études d’architecture mais je veux avoir une expérience dans toutes ces choses-là.

BE: Tu étais aux Ateliers de Sèvre en 2012/2013, c’est eux qui t’ont sensibilisé à une telle approche ?A: Les Ateliers de Sèvre c’était la première fois que je me suis autorisé vraiment à explorer parce que j’ai toujours étais très complexé vis-à-vis de l’art car j’ai une sœur qui est excellente dans ce domaine donc j’ai toujours laissé ça à ma sœur à la maison en fait, moi je m’étais toujours dit : « Toi, tu feras ça après tes études ». C’est donc aux Ateliers de Sèvres que j’ai vraiment exploré tout ça parce que je n’avais pas de bagage avant mon bac, je ne dessinais pas, je commençais vaguement la photo donc oui ça m’a apporté une grande ouverture mais qui est resté quand même très «parisianiste» en travaillant sur des choses toujours très graphiques etc alors qu’à la Rietveld on m’a mis en opposition totale avec ça parce qu’on n’est plus dans le visuel mais dans le concept.

BE: Cette interview se déroule quelques jours avant les élections européennes, tu as vécu au Royaume-Uni, au Pays-bas, en France bien sûr, est ce que tu sens concerné par ces élections ou tu es fidèle au cliché de l’artiste apolitique ?A: Je suis très divisé sur cette question, c’est-à-dire que oui je suis très pro- européen et oui je suis très eu-ropéen de par mon ancrage culturel très fort mais en même temps j’ai une double nationalité franco-suisse et j’ai grandi dans un environnement international donc je vois plutôt un village mondiale, je ne me pose pas de limites géographiques parce que j’ai une culture très internationale. Mais l’Europe pour moi est très im-portante, pour les pays de l’Union en tout cas, car j’ai pu avec un père industriel et une mère architecte, ap-prendre à comprendre les enjeux de gestion qu’il y a au sein d’un pays par exemple et ça m’embêterait que l’Eu-rope se fragilise.

Now, most of the research I do it just for myself but wi-thout any predefined format. All I know is that I started with photography, drawing is very new to me, and it’s really the photo that gave me my own vision of the wor-ld, and that gave me that sensitivity to the lightings, tex-tures, and all these things. Then I try to recreate these things through my drawings. My favorite themes were landscapes last year, but now I try to put myself into fashion design. In general I try to explore everything up. In fact I always try to stick with the idea of complemen-tarity.

BE: And the idea of collaboration as well, right?A: Yes. That’s what I am interested in in architecture, you can work with whoever you want, you can get your inspiration from anything. You’ll see lectures on neu-roscience and then you’ll work with people in the tex-tile, you will work on the field with workers so it’s really interesting and it’s about being able to work on such a wide range of elements that attracts me more than the architecture itself. It’s more of an excuse to open up to a certain state of mind because I don’t necessarily want to be an architect with architectural studies but I want to have an experience in all these things.

BE: You were at the Ateliers de Sèvres in 2012/2013, it’s during that period that you’ve been led towards such an approach. A: The Ateliers de Sèvres was the first time I really al-lowed myself to explore because I have always been very self conscious towards arts because I have a sister who is excellent in this area so I have always let it to her, I was always think to myself: «you, shall do that after finishing your studies.» So, it’s at the Ateliers de Sèvres that I really explored that because I had no experience before my degree, I had never used to do sketches, I had had just started photography. So in a way it was really mind opening even though it remained very “Parisian”. In Paris, we get to work on really graphic projects as opposed to Rietveld where they don’t work on a visual product but more on the idea of a concept.

BE: This interview takes place a few days before the European elections, you lived in the United Kingdom, the Netherlands, in France of course, do you feel concerned by these elections or you are faithful to the cliché of the apolitical artist?A: I’m very indecisive about that question. On one hand I’m pro-Europe and I really consider myself as a Euro-pean, due to my cultural roots but on the other hand I have both French and Swiss nationalities and I grew in a really international environment so I talk more about a worldwide village. I don’t set any geographical limita-tions or restrictions because I have a really international culture. I do think that Europe is really important, for the countries of the Union at least, because thanks to a father that used to work as an industrial and a mother that is architect, I had the chance the chance to learn and understand what kind of issues every country mi-ght have to deal with and that would annoy me to see the Europe getting weaker.

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‘Surface’

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BE: Si tu te sens international, c’est quoi la destination que tu convoites pour continuer à ouvrir ton panel d’expériences ?A: Et bien alors je reviens à Paris. Parce que pour le mo-ment c’est l’endroit où je me suis le mieux senti, en tout cas pour y vivre. C’est une ville qui me touche énor-mément tout simplement, je peux me balader sur les quais des heures durant, y a vraiment un attachement physique dirons-nous à cette ville. Ce qui est sûr en re-vanche c’est que je viens pas chercher les parisiens à Paris. Après j’aimerais aller passer 6 mois ou un an au Brésil par exemple parce que c’est un pays extrêmement dynamique, parce qu’il y a une culture vraiment inté-ressante et qu’il y a beaucoup de choses à faire là-bas. J’aimerais aussi voyager à Hong-Kong mais je ne sais pas encore bien si ce serait pour des raisons profession-nelles ou touristiques. J’aimerais passer ma retraite à Cuba enfin voilà, tout ça pour dire que j’ai pas de limites au niveau de mes horizons de voyages, je sais juste que j’ai une culture extrêmement française et qu’à l’interna-tional ça me colle à la peau.

BE: Et du coup si parmi les villes où tu as habité tu de-vais définir un port d’attache ce serait laquelle ?A: Je pense que je me sens habitant de Paris bien qu’Amsterdam m’ait touché aussi. Londres par exemple je ne pourrais pas y habiter, je ne pourrais pas y tenir le rythme, pour le coup c’est trop gros. Au final je n’ai pas de réel sentiment d’attache à cause de mes déplacements incessants depuis 6 ans, j’ai tellement été confronté à des milieux sociaux différents les uns des autres que je me suis constamment créé des masques pour m’intégrer et donc c’est plutôt cette flexibilité et ce recul qui me caractérisent et en fait mon gros soucis c’est que jamais je me suis identifié à une ville.

BE: À présent est ce que tu pourrais nous parler de tes futurs projets ?A: Je suis entrain en ce moment de finaliser une espèce de petite théorie qui est le résultat de mon attrait pour les représentations de personnes où le visage n’est pas visible. Alors pour le moment je rédige ça en anglais et il va y avoir une traduction en français dans le cadre de l’exposition potentielle que je vais faire en Arles. À tra-vers cette théorie, je décrypte ce processus de représen-tation – la représentation de personnes sans visibilité de leur visage – pourquoi il m’intéresse et pourquoi il est intéressant de manière générale, pour moi c’est un réel attrait physique. Ensuite je fais tout un constat sur la fra-gilité de l’identité dans notre monde contemporain par rapport aux réseaux sociaux, la surexposition de notre quotidien, les selfies, le scandale de Snowden, les logi-ciels de reconnaissance faciale etc. Et dans cette théo-rie j’imagine un monde fictif dans lequel je définis un troisième niveau de protection contre cette fragilité de l’identité. Parce que je distingue déjà deux niveaux de protection que j’appelle «shelter» en anglais, le premier c’est l’habillement, le deuxième niveau c’est l’architec-ture et il y aurait un troisième niveau aujourd’hui pour moi qui serait l’identité, il adviendrait alors de protéger cette identité visuellement. D’où ce dernier projet qu’on peut voir sur mon site qui est cette espèce de «hutte en miroir», qui est en fait une manière de se soustraire à son environnement et qui questionne la légitimité du

BE: As you consider yourself as international, what is the next destination you would like to go to keep on opening your mind? A: Well I’d come back to Paris. So far it’s the best city I have seen myself live. I have a good feeling here. That city moves me; here I can walk along the Seine’s docks for hours. I feel a real connection with Paris. However I’m definitely not looking forward to live with Parisian people. After that I would like to spend 6 months or a year in Brazil for instance, because it’s a really dynamic country, full of interesting cultural points and things to do. I would like to go to Hong-Kong also but I still don’t know if it would be for a professional purpose or for a touristic view. Once I retire, Cuba could be a great place to stay I guess… Anyways I don’t have any restrictions on the travelling side. I only know that anywhere I go, my French culture will stick to me.

BE: Among all the cities where you have lived, which one would say is your hometown? A: I see myself as a Parisian but Amsterdam touches me as well. I couldn’t live in London for instance; every-thing is going too fast, it’s too big. Finally, because of my constant travels in the past 6 years, I can’t really have a hometown. Every time I had to put some kind of mask in order to integrate myself so I never felt like I could identify myself to a city.

BE: Now could you talk about your future projects ?A: I am currently trying to finalize a sort of little theory, which is the result of my interest in representations of persons where the face isn’t visible. So for the moment I am writing it in English and there will be a French trans-lation for the potential exhibition that I will do in Arles. Through this theory, I analyze the process of repre-sentation - representation of persons without showing their faces. The reason why it got one’s attention and why it’s so interesting in general, for me it’s just a phy-sical feature. Then I make a statement on the fragility of identity in our contemporary world in relation to so-cial networks, overexposure of our daily routine, selfies, Snowden’s scandal, the facial recognition software etc.. And in theory I imagine a fictitious world in which I define a third level of protection against the fragility of our identity. Because I have two levels of protection that I call «shelter»; the first level is the clothing, the second one is the architecture and for me, nowadays, the third one would be the identity. Then it will be necessary to visually protect this identity. Whence this last project you can see on my website, it’s this sort of «mirror hut», which is in fact a way to escape from your environ-ment and questions the legitimacy of the body in public space. Therefore in relation to that I have a project that will come out indeed; I have a bunch of ideas of perfor-mances. I started a collaboration with dancers, we will make costumes… Anyways, it’s this theory that led to a

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Protection

corps dans l’espace public. Donc par rapport à ça j’ai un certain nombre de projets en effet qui vont sortir, j’ai des idées de performances, j’ai commencé une collabo-ration avec des danseuses, on va faire des costumes en-fin bref, c’est cette théorie qui aboutit à une espèce de silence visuel et c’est ça que je veux essayer de traduire dans les prochains mois.

BE: Ça pourrait être ça alors le BON ESPRIT pour toi ; le silence visuel ?A: Non, pour moi le bon esprit c’est l’ouverture, c’est-à-dire savoir oublier les préjugés, savoir les casser de manière à pouvoir être critique vis-à-vis de soi-même aussi. Le bon esprit c’est la tolérance aussi parce que je considère que tout le monde a toujours quelque chose à nous apporter même s’il s’estime en deçà de toi, tout le monde a toujours quelque chose à t’apporter.

BE: Donc tu serais prêt à nous lâcher quelques noms de personnes dont tu aimerais voir figurer le travail dans notre magazine à l’avenir ?A: Il y a une fille qui m’a toujours impressionné, je l’ai rencontrée aux Ateliers de Sèvres l’an dernier et elle s’appelle Soyoun Bae, elle est aux Arts-Déco de Stras-bourg et elle a un univers absolument incroyable qui me touche énormément. Ensuite en musique il y a Abraxas, ils tournent pas mal, c’est vraiment sympa ce qu’ils font j’invite tout le monde à allé les voir. Il y a aussi une fille qui s’appelle Pauline Brocart, je sais pas où elle en est en ce moment je sais juste qu’elle est partie à l’ECAL (École Cantonale d’Art de Lausanne) qui est une excel-lente école et l’an dernier aux ateliers Pauline avait un excellent travail aussi. Pour finir y a aussi Clara Montrial qui était aussi dans ma classe l’an dernier et qui est partie à l’École de design d’Eindhoven elle fait aussi des choses très sympathiques voilà.

kind of visual silence and this is what I want to try to convey in the coming months.

BE: Could that be what you consider as the BON ES-PRIT: visual silence? A: No, for me it is to be open-minded, to understand what you are surrounded by. It means to know how to forget preconceived ideas, to know how to break these wrong ideas in order to be able to be judgmental towar-ds ourselves

BE: Would you accept to give us some names of per-sons that you’d personally like to read something about in the next coming issues? A: There is a girl who always impressed me, I met her at the Atelier de Sèvres last year, her name is So-Hyun Bae, she is studying now at l’École des Arts-Décoratifs of Strasbourg and she has got a terrific universe which touched me a lot. Then there is a band called Abraxas, they make some good music. They start to have a good reputation,they tour around, I advise everybody to listen to them. There is also a girl called Pauline Brocart, I don’t know exactly what she does now but she is at the ECAL in Lausanne, she was in my course last year and she did a great work. I’ll finish with Clara Montrieul who was also in my course and she went to the Design school of Eindhoven and she does some good stuff.

contacthttp://geigerthanyou.tumblr.comhttp://cargocollective.com/geiger

expositionsArles, Galerie des editions Actes Sud du 7 Juillet au 30 AoutParis, Galerie Binôme (4e arr.) du 9 Juillet au 20 Septembre

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Le reportMARGOT COURGEON

Parmi les nouveautés de ce nouveau numéro, il y a la rubrique reportage. Celle-ci répond à deux objectifs : diversifier sur la forme le contenu du magazine et opérer un suivi auprès des artistes avec les-quels nous avons collaboré dans les numéros précédents.

Pour ce premier reportage nous avons choisi de couvrir pour vous le vernissage de l’exposition à la-quelle participait Margot Courgeon, dont nous vous pré-sentions les mobiles en verre dans le BE#1. Ça s’appelle «L’Harmonie des Sphères» c’était à l’Espace Quinze-Quinze (https://www.facebook.com/smaaks.street) dans le 3ème arrondissement de Paris et ça s’est déroulé entre le 15 et le 24 mai.

Nous arrivons là-bas aux alentours de 20h30. Des gens sont déjà là, discutent avec les artistes, pa-potent devant la vitrine, ou s’adonnent à l’expérience interactive d’une œuvre cinétique de Mounir Ayache au sous sol de l’espace d’exposition. La moyenne d’âge est de 23 ans, 24 tout au plus. La bière est à 3€, la sangria à 2€ ; Les marques sont prises, les bises sont faites, on attaque l’expo.

Les mobiles de Margot fascinent par leur fragi-lité, il y en a trois, ils sont éclairés par le bas grâce à un spot qui créait une très belle ombre portée des mobiles au plafond. Sur deux socles à hauteur d’homme sont disposées deux boules en verre chacune en enfermant une plus petite, colorée, baignée dans l’eau. L’univers de Margot se situe à la limite de l’immatériel tant la transparence est une donnée fondamentale des travaux qu’elle expose ici.

Le travail de Mounir lui, s’inscrit dans un re-gistre où le processus prend la place centrale de l’œuvre. Notamment dans ce dispositif mécanique tout de suite à gauche de l’entrée, où un plateau circulaire tournant est marqué de cercles concentriques bleus, rouges et verts tracés à l’aide de stylos fixés au contact du plateau en mouvement. Aussi, aux murs, sont accrochées ci et là de grandes feuilles bleues sur lesquelles apparaissent lignes et formes abstraites en nuance de bleu, résultat d’une impression manuelle en négatif. Enfin, au sous-sol siège une installation vidéo aux propriétés cinétiques dans laquelle le spectateur est invité à influencer les formes projetées au mur.

D’entrée, on regrette une scénographie plus éla-borée, la curation ne nous laisse que la possibilité d’ima-giner un réel dialogue entre le travail de Margot et celui de Mounir. L’espace est confus ; les œuvres, lorsqu’on

For the first report, we have chosen to talk about the opening of an exhibition attended by Margot Cour-geon, which we introduced in the BE#1 with her work based on glass. It’s called “Harmony of the Spheres”, on display at L’Espace Quinzequinze, in the 3rd district of Paris and it went from May 15th to May 24th.

We get there around 8: 30pm. We are not the first ones; some are already talking with the artists, chatting in front of the artworks. Some are even expe-riencing an interactive kinetic work of Mounir Ayache, located in the basement of the exhibition. The average population is 23 years old, 24 at the most.The beer is at 3€, sangria is at 2€. We are now familiar with the environment and done with the greetings; time for us to get started.

Margot’s glass works are fascinating by their fragility. There are three of them, they are lit from un-derneath which creates a really interesting shadow of the shapes onto the ceiling. On two human sized plinths are exposed two glass bowls, each including a smaller one inside, coloured and dipped in the water. Margot’s artistic world is almost immaterial, considering how much transparency is a major feature of the works she exposed tonight.

Mounir’s work, on the other hand, is rather the kind of work where the process is the main element of it. Especially with that mechanical installation located right on the left side of the entrance; we can see a spin-ning circular tray with blue, red and green concentric circles, being drawn every time the tray gets to touch the blue, red and green markers. Also, on the walls, are hanging here and there some big blue sheets of paper on which you can see lines and abstract forms in different shades of blue, result of manual impression in negative. Finally, in the basement sits a video installation with ki-netic features that invites the viewers to influence the shapes projected on the wall.

Straight from the beginning we wish the sceno-graphy were more elaborate, the curation only gets us to imagine a real dialogue between Margot’s and Mou-nir’s work. The space is puzzling; the organisation of the works and how they are exposed seems unable to share

As part of the new features of this latest issue, you can now find the category « report ». And that for two reasons; to broaden the content and the global idea of the magazine but also to follow up with the artists that we got to collaborate with in the previous issues.

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les confronte les unes aux autres semblent privées de leur dimension communicative. D’une manière géné-rale le lieu donne l’impression de desservir les œuvres, à commencer par une lumière jaune brouillant la clarté de la lecture. On déplore également la négligence qui s’abat sur les finitions. Il ne s’agit pas tant de ce qu’on aurait aimé voir mais plutôt de la manière dont on aurait aimé le voir. C’est en tout cas ce que nous confient deux spectateurs familiers du travail de Mounir.On pourrait émettre aussi une dernière réserve concer-nant le titre donné à l’exposition. Au regard des cri-tiques concernant la scénographie, nous aurions hésité à parler d’harmonie.

Quoiqu’il en soit, pour ma part, je vois dans cette expérience l’occasion de souligner l’importance primordiale du contenant sur le contenu, qui participe à la qualité intrinsèque de celui-ci. Ainsi, le désir ar-dent de voir d’ici peu une «vraie harmonie des sphères» nous habite en quittant l’exposition car si j’ose dire, là, le contenu nous a mis en appétit.

the communicative dimension of them as a group. Ove-rall it seems like the place is not helping the exhibition, to start with a yellow lighting that makes the reading really hard. We also regret that the details have not been treated more carefully. It’s not really about what we would have liked to see, but more about how we would have liked to see it. At least, that’s what we have been told by two persons that are familiar with the work of Mounir.We are also wondering about how accurate the name of the exhibition really is, because according to the critics in regard to the scenography, speaking of harmony mi-ght be tricky.

Anyways, for myself, I see through this expe-rience an opportunity to highlight the undeniable im-portance of the container on the content, which parti-cipates to the intrinsic quality of it. In a way, it created deep down, a real desire to see an authentic harmony of the spheres, because let me tell you that it just started working up my appetite for more.

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Vue de l’espace d’exposition

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Celine

CELINEGARCIA

Céline Garcia, plus connue sous le pseudonyme de Vénus Claude, est étudiante à Paris 1 Panthéon Sorbonne en arts-plastiques. Issue de la même promo que Margot Courgeon (cf. p.23), elle va entamer sa L3 à la rentrée prochaine. Elle nous livre ici spontanément quelques uns des tenants et aboutissants de sa démarche artistique.

BE: Bon alors pour rentrer directement dans le vif du sujet, si tu nous parlais de ton type de pratique, de ton médium fétiche.CG: Alors moi mon dada c’est la «sculpture contempo-raine», je suis dans le volume plus que dans le bidimen-sionnel, pour moi c’est plus instinctif, plus libre. À plat sur du papier je me sens frustrée, coincée, il me manque la dimension du «toucher».

BE: Et du coup tu ne«touches» qu’à cette pratique de la sculpture ?CG: Non j’ai fait un peu de sérigraphie au semestre der-nier ça m’a beaucoup plu, j’aime les collages aussi mais en ce qui concerne le dessin, c’est vraiment pas mon truc.

BE: Qu’est ce qui t’a poussé dans cette filière ? Tu pra-tiquais avant d’entrer à la fac ?CG: Alors pas du tout, ça s’est joué à quitte ou double parce qu’en réalité je ne savais pas ce que je voulais faire après le bac. Et puis sur un coup de tête, je me suis dis « tient j’aime bien l’art alors go ! ». C’est tombé comme un cheveu sur la soupe pour tout le monde parce que je n’avais pas eu de pratique auparavant. Bien que ce fût un virage assez serré, il s’est avéré que ça m’est venu assez naturellement et jamais j’ai eu le sentiment de débar-quer dans l’inconnu au final.

BE : Sans pratiquer tu entretenais déjà un rapport avec l’art avant de te lancer ?CG : Oui, de loin en fait, j’avais toujours cette idée en tête sans jamais oser me lancer.

BE: Et si tu nous parlais un peu de tes influences ?CG : Le Nouveau Réalisme déjà, c’est flagrant, avec l’uti-lisation des objets de la vie quotidienne en tant que mé-dium à part entière ; et ce, plutôt que l’utilisation de ma-tériaux de sculpture classique. Ensuite, je me sens bien dans mon époque, je me considère comme contem-poraine, donc l’art contemporain évidemment Puis je m’inspire de tout et rien, la vie de tous les jours,

BE: Okay, so to let’s go directly to the heart of the subject, could you tell us about your kind of practice, your favourite medium.CG: My thing is « contemporary sculpture », I really like volume, for me it’s more instinctive, more free. When I work on paper I am frustrated, stuck, it lacks a tactile dimension.

BE: So you only do sculptures ? CG: No, I did a bit of serigraphy last semester, I really enjoyed it, I also like collages, but drawing isn’t really my thing.

BE: Why did you choose to do art? Did you do it before going to university? CG: Actually, no, not at all, it was really random be-cause I didn’t know what I wanted to do after the end of high school. And then, just like that, I decided to go into arts. It was a surprise for everyone but in the end it’s quite natural to me, I never felt like I was going into the unknown.

BE: Without practice, did you already have a connec-tion with the arts? CG: yes, for a long time. Actually, I always had this idea in my mind but without daring to go for it.

BE: Can you tell us what your influences are ? CG: Well, New realism for a start, it’s quite transparent I think, with the use of objects from everyday life as a medium instead of the use of classic sculpture materials. Then, I feel good in my own era, I consider myself as contemporary person, so contemporary art obviously. I am also inspired by everything and anything. I get ideas when I take the subway, or when I’m in the toilet.

Better known by the pseudonym of Venus Claude, Celine Garcia is a fine art student at the Pan-théon Sorbonne University, Paris. Finishing the same year as Margot Courgeon, she will start her third year (?) in September. Here, she spontaneously brings us a glimpse of the thought pattern that inspires her artistic approach

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La règle d’or

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j’ai des idées en prenant le métro, en étant aux toilettes, un rien m’inspire !

BE : As-tu une sorte de « père spirituel » artistique ?CG : Alors ça risque de ne pas être vraiment original mais s’il n’y en avait qu’un seul ce serait Dali. Je le vois presque comme un dieu, il était complètement malade et à la fois génial, pour moi c’était vraiment un génie ! J’aimerais que ce soit mon mari, mon père, mon oncle en fait, tout, Dali j’adore.Il y a aussi Pierre Huygue que j’aime à la folie. Une expo-sition que j’ai vu de lui était incroyable, c’était complète-ment décalé, voir brouillon, les visiteurs étaient largués ,en tout cas moi je l’étais, et j’ai trouvé ça génial ! C’est sans doute la meilleure exposition que j’ai vue.

BE : Qu’est ce que tu essayes de faire passer à travers ton travail ?CG : J’essaie de faire réfléchir sur des choses auxquelles on ne pense pas nécessairement en premier lieu. Par exemple je pense à mes coussins avec des tétons d’homme, je trouve que trop souvent on oublie que les hommes ont des seins aussi, et donc je trouvais ça inté-ressant d’isoler le téton, une partie du corps qu’on attri-bue quasi exclusivement aux femmes mais qui est bien présent chez les hommes aussi.

BE : Alors pour les boîtes à mouchoir quelle est la ré-flexion à laquelle on n’aurait pas pensé ?CG : C’est de démontrer quelles fortes similarités il peut y avoir entre un objet banal : une boite de mouchoirs, et une partie du corps : ici la plus intime de la femme. Je trouvais ça drôle que dans une intervention plastique très légère - j’ai juste changé les couleurs - un objet tri-vial devienne un sexe féminin. Je voulais que ce soit assez suggestif pour ne pas tomber dans le facile de la représention grossière et trash de la «zézette».

BE : Et ton travail à qui s’adresse-t-il ?CG : Je m’adresse à toi, à vous, à tout le monde, je ne cherche pas de public précis. Enfin si peut-être les gens curieux, ouverts d’esprit, mais ceci dit les gens fermés d’esprit aussi dans l’espoir qu’ils s’ouvrent.

BE : La thématique du corps semble assez récurrente dans ton travail, est ce que c’est un fil rouge ou plus une obsession parmi d’autres ?CG : C’est vrai que c’est assez présent le corps. Le rap-port au corps m’intéresse en effet, peut-être pour sa matérialité, sa consistance particulière, je ne sais pas, je ne saurais pas vraiment l’expliquer. Après pour mes tra-vaux en général j’ai des pulsions créatrices, je suis très instinctive dans mon travail. Je vais trouver quelque chose qui m’inspire sur le coup, je vais le manipuler, le transformer, c’est assez aléatoire. Par exemple y a une matière que j’adore c’est le cellophane, parce que c’est à la fois transparent mais si tu le superposes ça peut devenir opaque voir virer au violet, aussi c’est à la fois très étirable et extensible et en même temps très facile à déchirer.

The most insignificant things can inspire me.

BE: Do you have a kind of « spiritual father » in art ?CG: Well, it isn’t very original but if there was only one, it would be Dali. He is almost a god to me, he was com-pletely mad, but to me he was a genius. I would have wanted him to be my dad, my husband, my uncle, eve-rything. I love Dali ! There is also Pierre Huygue that I love like crazy. I saw one of his exhibits, it was incredible. It’s quite untidy so the spectator is completely lost, I was lost and I found it awesome ! It’s probably the best art exhibit I’ve ever seen.

BE: what are you trying to convey through your work?CG: I try to make people think about things we don’t think about spontaneously. For example, if you take my pillows with nipples, I think that we forget too often that men also have breasts, so I found it interesting to isolate the nipple, a body part attributed almost exclusively to women, but that is present in men as well.

BE: So for the tissue box what is the thought that we wouldn’t have thought about naturally?CG: It’s to show the strong similitude between an ordi-nary object and a part of the body : here the most inti-mate part of the woman. I found it interesting that with a very discrete intervention,-I only change the colours- an ordinary object became a feminine sex. I want it to be suggestive and not vulgar or trashy. I think it is it too easy to be dirty.

BE: Who are you trying to reach through your work?CG: I am talking to you, to all of you, everybody, I am not looking for a specific public. Actually maybe for cu-rious people, with an open mind, but also people with a closed mind actually, in hope that they can be more open.

BE: The representation of the body seems to be a re-curring thematic in your work. Is it an underlying the-me or more of an obsession among many?CG: It is true that the body is very present in my work. The relation to the body does interest me maybe be-cause of its materiality, its specific feel, I don’t really know, I wouldn’t know how to explain properly. For my work in general, I have creative urges, I am very ins-tinctive when I work. I’m often stricken by something that inspires me and then I manipulate it, transform it, it’s quite random. One of the materials I prefer is cello-phane because it is both transparent and opaque when you superimpose lots of layers of it. It can even turn purple. It is also very stretchy and extensible but also easy to tear.

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Treize à la douzaine

BE : Est-ce que tu pourrai nous dire ce que représente pour toi le « Bon Esprit » ?CG : Je m’y attendais, j’y avais réfléchi, et au début je pensais à un dalmatien fou qui court partout mais fina-lement je dirai plutôt que c’est un esprit cool qui par-tage, un esprit qui ne serait pas égoïste du tout.

BE : Dis-nous, pour la suite, tu as des envie d’exposer ou pas encore ?CG : Pour l’instant non, je n’ai pas encore la prétention de me dire «artiste», pour moi je fais juste des produc-tions plastiques, alors si l’occasion se présente pourquoi pas mais pour l’instant de moi-même je ne ferais pas les démarches pour.

BE: Could you tell us what you think a “Bon Esprit”, a “good spirit”, is?CG: I was expecting this question and I thought about it. At first I thought of a mad Dalmatian running all around the place but after all I would rather say it is a relaxed spirit that shares, a spirit that wouldn’t be selfish at all.

BE: Tell us, do you plan on showing your work in art exhibits?CG: No, not for the moment. I don’t have the pretension to call myself an artist yet. I consider I only do plastic productions so if the occasion comes why not but I am not actively trying to make it happen.

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contacthttp://venusclaude.tumblr.com

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La tribuneDE DENIZ BASMAN

Whitewash is a series of 67 black & white pho-tographs of Los Angeles by the contemporary artist and photographer Nicholas Alan Cope. Whenever I look at these images, I am as fascinated and intrigued as the first I laid my eyes on them. They are captivating because of their transcendent and intriguing character. I get lost between the infinite white tiles and harsh black lines, and I have a hard time distinguishing which parts of the buildings are shown, what their dimensions must be, or when and where these photographs might be taken.There is a clear parallel to be made between Cope’s vi-sion of the city and its surroundings and the New To-pographics photographers’. The New Topographics: Photographs of a Man-Altered Landscape exhibition took place in 1975 and gathered many artists such as Lewis Baltz, Robert Adams, Frank Golhe and John Schott. Their works share many similarities with the Whitewash series and have evidently influenced Cope, even if the latter has never acknowledged this connec-tion.The main common denominator all these images have in common is a particular approach to the urban lands-cape. Based on this reading, how does Nicholas Alan Cope’s and the New Topographics photographers’ work depict an evolution in the perception of the city and its relationship to its inhabitants?In the first place, I will attempt to respond by analy-sing the Whitewash series. There are some interesting points about these images: the fact that they portray Los Angeles in a surprising manner, emptying it of all of its characteristic elements, as well as of any signs of human presence and any clues regarding space and time. I will then refer to the New Topographics exhibition, and how it showed a new, detached and alienated approach to the city and its surroundings. Finally, I will make the link between these two references from different periods by raising the question of the uncanny and the solitude that is revealed through these photographs.

In his foreword to Whitewash, Rick Owens writes “Bright hot incessant clear light, casting blackety-black shadows from Brutalist blocks that take the histo-ry of architecture and silently reduce and contain it like lunar tombs. Or Aztec temples morphed into foam-core cartoons.”. His words transpose accurately this bleached feeling of suspension that emerges from these black and white images of walls, lines and angles. This vision of Los Angeles is a peculiar one. As spectators, we are used to seeing the city from the same sun-kissed angle: a city of sunshine, blue skies, palm trees and beaches. From Sofia Coppola’s Somewhere to Tom Ford’s A Single Man, in most of my cinematic memories, L.A. is a warm and ethereal landscape. Cope frees the city of this pre

Abstractions of the cityDesolate landscapes of alienation

Whitewash est une série, en noir et blanc, de 67 photographies de Los Angeles prises par l’artiste contemporain et photographe Nicholas Alan Cope. A chaque fois que je regarde ces images je suis tout aussi fascinée et intriguée que la première fois que j’ai posé mes yeux dessus. Elles sont captivantes grâce à leurs personnages intrigants. Je me perds entre les dalles blanches infinies et les lignes noires, et j’ai du mal à définir quelle est la partie d’immeuble qui apparaît, ou quelle en est leur dimension, ou encore où et quand ces photographies ont été prises. Il y a un parallèle très vi-sible entre la vision de la ville et ses contours de Cope et celle des photographes de la New Topographics. L’expo-sition New Topographics: Photographs of a Man-Altered Landscape date de 1957 et réunit plusieurs artistes tel Lewis Baltz, Robert Adams, Franck Golhe et Jonh Scott. Leur travail est, en de nombreux points similaire à la sé-rie Whitewash et a évidemment inspiré Cope même si ce dernier n’a jamais eu conscience de leur connexion. Le point commun principal de ces images c’est une ap-proche particulière du paysage urbain. A partir de cette explication, comment le travail de Nicolas Alan Cope et des photographes de la New Topographics dépeint-il une évolution dans la perception de la ville et sa relation aux citadins ? Je vais essayer, de prime abord, d’amener une réponse par l’analyse de la série de photo Whitewash. Il y a plusieurs points intéressants à propos de ces images. Notamment le fait qu’elles dressent un portrait de Los Angeles d’une manière surprenante en écartant tous les éléments qui caractérisent habituellement cette ville, ainsi que toute présence humaine ou toute notion de temps ou de lieu. Ce qui me ramène à la New Topogra-phics exposition, et à comment elle montre une nou-velle approche à la fois détachée et aliénée de la ville et ses alentours. Enfin, je fais le lien entre ces deux ré-férences à travers différentes périodes en émettant la question du mystérieux et de la vérité en photographie. Dans son avant-propos à Whitewash, Rick Owens écrit : « Une incessante claire et chaude lumière, projetant les ombres noires et profondes des bâtiments brutalistes qui prennent l’histoire de l’architecture, la ré-duisent silencieusement et la contiennent tels des tom-beaux lunaires. Ou des temples aztèques transformés en dessins animés en mousse. ». Ces mots retranscrivent avec précision ce sentiment javellisé de suspension qui émane de ces images en noir et blanc, de murs, lignes et angles. Cette vision de Los Angeles est curieuse. En tant que spectateurs, nous sommes habitués à voir la ville d’un point de vue ensoleillé. Los Angeles apparaît comme une ville pleine de lumière, de palmiers et de plages au ciel bleu permanent. Du film Somewhere de

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Deniz

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conception, and reveals its contrasts and his otherwor-ldly graphics through its everyday, banal architecture. “This is Los Angeles as its most stripped down and raw”, he says. He takes a firm stand against the habitual por-trayal of this city and erases the images the spectator has of it.

Another distinctive characteristic of Cope’s se-ries is the complete absence of the inhabitant. Through his lens, the city is emptied of its people and of all the signs of their existence. There are no trash bins, no cars, no flowerpots on windows. All the practical signs and informal traces of the appropriation of the city are re-moved, as if it had never been occupied. This absence of human presence contributes to the eerie atmosphere of his photos. Cope’s city had never been lived in, and therefore hadn’t been worn out over the years by the people that has used it and shaped it. Therefore the buildings almost become sculptures, losing their role of accommodation, home and shelter. The connection between the human being and his built environment is non-existent and the architecture stands by itself.

It is as if the architecture had been suspended at its very beginning, at the exact moment that it has been built, which creates a temporal loophole. There are no signs of decay that give evidence of the passing of time. In parallel, there is also a confusion of scale, close-ups of small architectural details juxtaposed with snapshots of much bigger structures. The spectator has next to no clue regarding the size of the subjects of the photo-graphs. Therefore, Los Angeles seems suspended out of space and time. The spectator is disoriented, first by the lack of familiar objects, and then by this spatiotemporal void the Cope places the city in. The buildings are abs-tracted from their context, namely their location, their inhabitants and their past. He reduces the existence of the elements he photographs to their present. Nicholas Alan Cope applies the same filter to all the buildings he photographs with his black & white, high-contrast visual language. The result is a unified and standardized city, a city that he fabricates and that only exists through his lens.

Sofia Coppola en passant par A single man de Tom Ford, dans la plupart des films LA apparaît comme une ville chaude au paysage éthéré. Cope délivre la ville de ces idées préconçues, et révèle ses contrastes et ses gra-phiques éthérés à travers son architecture quotidienne et banale. « C’est Los Angeles, de la façon la plus brute et dépouillée possible » dit-il. Il prend fermement po-sition contre la représentation habituelle de la ville et efface l’image que le spectateur en a.

Une autre caractéristique distinctive de la série de Cope c’est l’absence complète d’habitant. A travers son objectif, la ville est vidée de sa population et de tout signe de leur existence. Il n’y a ni poubelle, ni voiture, ni pot de fleurs aux fenêtres. Tous les signes pratiques ou informels d’appropriations de la ville ont été effacé, comme si la ville n’avait jamais été habitée. Cette ab-sence d’humain contribue à l’ambiance étrange de ses photos. La ville de Cope n’a jamais été habité, et de ce fait ne s’est pas usée au fil du temps par des gens qui l’auraient utilisée et façonnée. Ainsi, les bâtiments de-viennent presque des sculptures en perdant leur rôle de logement, maison ou abri. Le lien entre l’être humain et ces bâtiments est rompu et seulement l’architecture apparaît.

C’est comme si l’architecture avait été suspen-due à ses origines, au moment-même où elle a été bâtie, créant ainsi une faille temporelle. Il n’y aucun signe de ruine qui témoigne du temps qui passe. En parallèle, la notion d’échelle est brouillée, avec des gros plans de minuscules détails architecturaux associés à des aperçus de structures bien plus imposantes. Le spectateur n’a presque aucune notion de la taille des structures photo-graphiées. En conséquence, Los Angeles semble hors de l’espace et du temps. Le spectateur est désorienté, tout d’abord par l’absence d’objet familier ainsi que par un vide spatio-temporel dans lequel Cope place la ville. Les immeubles sont extraits de leur contexte, à savoir leur localisation, leurs habitants et leur passé. Il réduit l’exis-tence des éléments qu’il photographie à leur présent.

Lewis Baltz, New Industrial Parks #45, 1974

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Nicholas Alan Cope applique le même filtre à tous les bâtiments qu’il photographie avec son noir et blanc à contraste élevé langage visuel. Le résultat est une ville unifiée et standardisée, une ville qu’il fabrique et qui n’existe que par son objectif. La série de photos de Nicholas Alan Cope fait fortement échos à celles des photographes de la New Topographics: particulièrement à Lewis Baltz, mais aussi à Robert Adams, Frank Golhe et John Schott. New Topographics: Photographs of a Man-Altered Landscape est une exposition de 1975 par William Jenkins à la George Eastman House à Roches-ter. Durant une période où le paysage urbain est en plein changement aux États-Unis: la grande mutation écono-mique est en train de transformer le visage des villes, et le résultat est un paysage répétitif et fade. L’architecture standardisée des maisons et des entrepôts se répand. L’Amérique est de plus en plus dominée par des édifices construits à la va-vite, et par un passage à des services axés sur l’économie au détriment de la culture urbaine et industrielle. C’est aussi un moment de crise écolo-gique avec la course spatiale et la pénurie d’essence,

Robert Adams, Colorado Springs, 1969

Nicholas Alan Cope’s series echoes powerful-ly with the photos of the New Topographics photo-graphers: especially Lewis Baltz, but also Robert Adams, Frank Golhe and John Schott. New Topographics: Pho-tographs of a Man-Altered Landscape was an exhibition that was set up in 1975 by William Jenkins at the George Eastman House in Rochester. It came at a time when the urban landscape was changing in the United States: the broad economic shift is transforming the face of the land, and the result is a repetitive and bland landscape. 3 The standardised architecture of the track houses and warehouses is spreading out. America is increasingly dominated by quickly built edifices, and by a shift to a service-oriented economy to the detriment of the urban industrial culture. It is also a time of environmental cri-sis with the space race and the gasoline shortage, which forges a new appraisal of ecology.4 In this context, the exhibition is seen as a reflection of the disillusionment of the American society of the mid-1970s. It gives a new definition of the country’s condition, one that contrasts with the dominant conceptions of the contemporary

is a far cry from the established codes of artful photo-graphy. For William Jenkins, this is “a new form of docu-mentary, one based on pure description, of observation over judgment”. But also one of observation over action, since this radical detachment of these photographers can be interpreted as passivity and indifference. Howe-ver, even though Jenkins understated the socio-political echoes of the exhibition in his description, this is a com-mon misreading of the New Topographics: in fact, their art is a cry for people to engage with the landscape. They observe, reflect and even criticize humanity’s shaping of the land. Baltz, and especially Adams, are more cri-tical than the others: the latter denounces, with power and a lot of nostalgia, the destruction of nature by men. Therefore, their descriptive clarity does not prevent the existence of a message to convey. Their approach is fal-sely understood as scientific, a misconception most of the photographers of the exhibition criticized. Toby Ju-rovics argues “many carried emotional depth and com-plexity, and a moral position just like the more popular and familiar photographers”. According to him, the si-gnificance of these images was understood in a

Tout comme celles de Cope, ces photographies semblent bloquer tout type de relation affective avec les bâtiments et les paysages qu’ils capturent. Ce sont des images de l’isolement et de la répétition. C’est un refus de la déformation expressionniste et un éloge de la fran-chise. Artistiquement parlant, cette attention portée au banal et au profane est loin des codes établis de la pho-tographie artistique. Pour William Jenkins, c’est «une nouvelle forme de documentaire, basée sur la descrip-tion pure, sur l’observation plutôt que sur le jugement». Mais aussi, l’observation plutôt que l’action car ce déta-chement radical des photographes peut être interprété comme de la passivité et de l’indifférence. Cependant, même si Jenkins sous-estime l’écho socio-politique de l’exposition, il s’agit d’une mauvaise interprétation com-mune de la New Topographics: en effet, leur art est un appel à s’engager avec et pour le paysage. Ils observent, réfléchissent et même critiquent le façonnage du pay-sage par l’homme. Baltz, et surtout Adams, sont plus critiques que les autres: ceux-ci dénoncent, avec force et nostalgie, la destruction de la nature par l’Homme. Par conséquent, leur clarté descriptive n’empêche pas

American life, and that is “insightfully, disturbingly more true” writes John Rohrbach.5 It becomes a culture characterized by corporate commerce rather than community.

Much like Cope, these photographs seem to block any kind of emotio-nal relationship with the buildings and landscapes they capture. Theirs are images of isolation and re-petition. It is a refusal of ex-pressionist distortion and is in praise of directness. Artistically speaking, this attention given to the unre-markable and the mundane

qui forge une nouvelle évaluation de l’écologie. Dans ce contexte, l’exposi-tion est considérée comme un reflet de la désillusion de la société américaine des années 1970. Il donne une nouvelle définition de l’état du pays, qui contraste avec les conceptions domi-nantes de la vie américaine contemporaine, et qui est «perspicace et d’autant plus inquiétante car très vraie », écrit John Rohrbach. La culture américaine devient une culture obsédée par le commerce de l’entreprise au détriment que de la com-munauté.

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reductive manner, and there was a failure dissociating the subject of the photo (what it is of) from the meaning of it (what it is about). 8 Frank Gohlke evokes a tension between the form and the meaning, and suggests that it is connected to the associations the spectators make between the subjects of the images and their practical uses and culture.

Moreover, giving these photographs a status of scientific documentation is paradoxical given the inherent characteristics of photography. In fact, these images are seen as an unbiased representation of the truth of the urban landscape, where as they unconditio-nally result of arbitrary and aesthetic choices of the pho-tographer. They have been planed and set up carefully by the artist. The composition, the light, and above all the framing are all determined subjectively in order to create the image that the photographer has in mind and convey a certain feeling. There are parts of the scenery that are inevitably left out of the chosen frame, and this fact alone compromises the image’s “reality”. Therefore, the scientific clarity and objectivity, that have been out-lined by Jenkins in his introduction and have been taken

l’existence d’un message à transmettre. Leur approche est faussement considérée comme scientifique, une idée fausse que la plupart des photographes de l’expo-sition désapprouvent. Toby Jurovics affirme que « la plupart portait dans leurs œuvres une profondeur et une complexité émotionnelle, et une position morale tout comme les photographes plus populaires et fami-liers ». Selon lui, la signification de ces images a été vue de façon réductrice, et ce serait une erreur de dissocier le sujet de la photo (ce qu’elle est) de la signification de celle-ci (ce dont il s’agit). Frank Gohlke évoque une tension entre la forme et le sens, et suggère qu’elle est reliée aux associations que les spectateurs font entre le sujet des images, de leurs usages pratiques et culturels.

De plus, donner à ces photographies une por-tée scientifique est paradoxal compte tenu des carac-téristiques intrinsèques de la photographie. En fait, ces images sont considérées comme une représentation biaisée de la vérité du paysage urbain, où tels qu’ils résultent sans condition de choix arbitraires et esthé-tiques du photographe. Ils ont été rabotés et mis en place avec soin par l’artiste. La composition, la lumière,

Nicholas Alan Cope, Burbank, 2007

up by many, cannot fully exist.

The urban lands-cape we see in Nicholas Alan Cope’s and the New Topographics’ work is an eerie one. It is a lands-cape that is very familiar to the spectator, yet one that remains strange and foreign at the same time. These desolate sceneries of alienation makes one think of the architectural uncanny as described by Anthony Vidler.11 Vidler explores the unsettling qualities of architecture and space, connecting them to “social and individual estrangement, alienation, exile, and homelessness.”.12 His starting point is an essay by Sigmund Freud written in 1919, where he articulates the notion of Unheimlich as being intrinsically connec-ted to the domestic environment, i.e. the Heimlich. 13 Freud discusses a state of unhomeliness which is an unease provoked by the absence of familiar and domes-tic elements. He critiques Ernst Jensch’s writings on the Unheimlichkeit in order to complexify this concept and open it up to many nuances rather than relating it ex-clusively to what is novel and therefore unfamiliar. 14 The idea of secrecy and dissimulation appears, the Un-heimlich being something hidden that reveals itself.

This disturbing condition, experienced sub-jectively and existing on an individual level for Freud, is explored on a broader scale in Vidler’s essay: archi-tecturally, and thus that at the extend of the city. His proposition echoes with the peculiar atmosphere of the aforementioned photographs. The Unheimlich is no more a distinctive experience for a single person, related to one’s past, family, education, and whatnot,

et surtout l’encadrement sont tous déterminés subjectivement afin de créer l’image que le pho-tographe a à l’esprit et de transmettre un senti-ment. Il y a des parties du paysage qui sont inévita-blement laissées de côté, et ce seul fait compromet la «réalité» de l’image. Par conséquent, la clarté et l’objectivité scienti-fique, qui ont été décrites par Jenkins dans son in-troduction et ont été re-prises par beaucoup, ne peuvent pas exister plei-

nement.

Le paysage urbain que nous voyons chez Nicho-las Alan Cope et chez les artistes de la New-Topogra-phics est un paysage sinistre. Pour le spectateur il est à la fois familier, étrange et étranger. Ces paysages aliénés font penser à l’architecture décrite par Anthony Vidler. Il explore les qualités troublantes de l’architecture et de l’espace, en les reliant à «l’aliénation sociale et indivi-duelle, l’exil, et l’itinérance.» .Son point de départ est un essai de Sigmund Freud écrit en 1919, où il expose la notion de unheimlich comme étant lié intrinsèquement à l’environnement domestique, c’est à dire au Heimlich. Freud décrit un état «  non-familier  » qui est un ma-laise provoqué par l’absence d’éléments familiers et domestiques. Il critique les écrits de Ernst Jensch sur le Unheimlichkeit afin de complexifier ce concept et de l’ouvrir à de nombreuses nuances plutôt que de le relier exclusivement à ce qui est nouveau et donc in-connu. L’idée du secret et de la dissimulation apparaît, l’unheimlich serait donc quelque chose de caché qui se révèle.

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but rather a feeling that is shared by all the spectators. The non-existence, or rather disappearance, of domes-tic elements in Nicholas Alan Cope’s works calls upon the characteristics of an inhabited space and therefore a feeling of homeliness that is common to everyone. This shared ground between the subjective and the collective is where the photographic explorations of Cope and the New Topographics photographers take place. Further-more, the lack of any attachment to home bringsinevitably a certain degree of solitude, a rather univer-sal feeling. In a way, the same kind of isolation and lo-neliness appear in the movie Persona of Ingmar Berg-man. They are provoked by the smoothed, minimalistic and cold decors of the interior spaces. While Bergman evokes an exclusion of the inhabited world through his characters, Cope does the same thing through his pho-tographs. There is a retreat from the home, and there-fore from everything familiar.

Nicholas Alan Cope’s work summons many references, the New Topographics being the primary one, and opens up a wide field of interpretation and re-flection. His whitewashed and minimalistic sceneries echo Lewis Baltz’s graphic doors and walls and Robert Adams’ desolate urban landscapes. His isolated and lonely architecture communicates with Ingmar Berg-man’s purified interiors and solitary characters. The Unheimlich reveals itself rather immediately, resulting from the absence of anything that might evoke a hu-man presence and the architectural decay that results from it. The spaces are too empty and too pure for the spectator to feel at ease. This “series of abstractions”, as Cope himself calls it in his introduction, blurs the limit between the subjective and the collective. 15 He addresses the universally shared references to home by negation, namely by removing any familiar objects from his settings. He reaches out to each and every one of his spectators through a common feeling of unease. By era-sing any human presence, he somewhat paradoxically universalizes his images.

Cette condition troublante, connue subjective-ment et existant au niveau individuel pour Freud, est explorée sur une plus grande échelle dans l’essai de Vidler: l’architecture, et donc sur l’extension de la ville. Sa proposition fait écho à l’atmosphère particulière des photographies ci-dessus. L’Unheimlich n’est plus une expérience unique pour une seule personne, liée à son passé, sa famille, son éducation et ainsi de suite. Mais plutôt à un sentiment qui est partagé par tous les spec-tateurs de la ville. La non-existence, ou plutôt la dis-parition, des éléments domestiques dans le travail de Nicholas Alan Cope fait appel, par négation, aux carac-téristiques d’un espace habité et donc à un sentiment d’appartenance à la maison qui est commun à tous. Ce terrain d’entente entre le subjectif et le collectif, c’est là où les explorations photographiques de Cope et celles des photographes de la New Topographics se rejoignent. En outre, l’absence de tout attachement à la maison, à la vie familiale entraîne inévitablement un certain degré de solitude, c’est un sentiment universel. En un sens, le même genre d’isolement et de solitude apparaît dans le film Persona d’Ingmar Bergman. Il est provoqué par les décors lisses, minimalistes et froids des espaces inté-rieurs. Bien que Bergman évoque l’exclusion du monde par ses personnages, Cope fait la même chose à travers ses photos. C’est un monde en retrait de la maison, et donc de tout ce qui est familier.

Le travail de Nicolas Allan Cope a de nom-breuses références, la New Topographics étant la plus importante, il ouvre ainsi un large champ d’interpréta-tions et de réflexions. Ses paysages minimalistes comme blanchis à la chaux font écho au graphique des portes et des murs de Lewis Baltz et aux paysages urbains dé-solés de Robert Adams. Son architecture isolée et so-litaire renvoie aux décors intérieurs épurés d’Ingmar Bergman et à ses personnages solitaires. Le unheimlich se révèle immédiatement, résultant de l’absence de tout ce qui pourrait évoquer une présence humaine et la dé-gradation architecturale qui en résulte. Les espaces sont trop vides et trop purs pour que le spectateur puisse se sentir à l’aise. Cette «  series of abstractions», comme Copé l’appelle lui-même dans son introduction, brouille les pistesentre le subjectif et le collectif. Il aborde les références universelles du familier en les supprimant. Il atteint chacun de ses spectateurs par un sentiment de malaise commun à tous. Paradoxalement, en effaçant toute présence humaine, il universalise ses images.

Nicholas Alan Cope, North Hollywood, 2007

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contacthttp://earthprojects.tumblr.comhttps://www.flickr.com/photos/girlandthesea/

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Valentin

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VALENTINCHOU

Il danse depuis l’âge de 5 ans et demi. Valentin nous offre ici l’opportunité d’ouvrir notre maga-zine aux arts du spectacle tels que la danse. À travers une interview, des photos et deux nouvelles petites rubriques découvrez ce qu’aurait pu être votre vie si comme Valentin il n’y avait plus eu de place au cours de judo le mercredi après- midi...

BE : On est particulièrement content de t’avoir par-mi nos artistes dans ce second numéro parce qu’on n’avait pas encore abordé les arts du spectacle, et on aimerait bien savoir ce que c’est un peu la vie d’un danseur professionnel. Tu nous présentes un peu ton parcours en guise d’introduction ?V: J’ai commencé la danse il y a 14 ans à Franconville, une petite ville de banlieue. Alors c’est un peu anecdo-tique parce qu’à la base j’ai voulu faire du judo mais en gros y avait plus de place dans le cours. En plus de ça j’avais des problèmes de genou et pour m’aider à les ré-gler on avait suggéré à ma mère de m’inscrire à la danse, donc j’ai pris mon premier cours à 5 ans et demi.Très vite mon professeur a vu que j’avais des facilités, elle a recommandé à ma mère de m’inscrire dans une école où la formation était plus soutenue. J’étais trop jeune pour cette école mais voyant que j’étais doué, cette nouvelle professeur nous a dit qu’elle ferait une exception à une seule condition : passer sous peu l’audi-tion pour l’Opéra de Paris. J’ai dit oui sans trop réfléchir et le 6 janvier 2003, après avoir réussi l’audition j’ai inté-gré l’Opéra. J’y ai passé 10 ans, rencontré mes amis, gra-vi les échelons jusqu’à ce qu’en avril 2013 je rencontre la directrice de l’école de Toronto à l’occasion du Gala du Tricentenaire de l’Opéra de Paris où ils se produi-saient. Je suis tombé en admiration devant leur travail, je leur ai demandé une place ; la compagnie étant pleine j’ai signé pour faire une année en fin de cycle dans leur école, aujourd’hui ça fait un an que je suis à Toronto, je m’apprête à rester un an de plus.

BE : À l’Opéra ta formation était très classique, c’est comment à Toronto ?V: Ce qui est bien à l’Opéra c’est que petit on a une formation vraiment classique et arrivé aux alentours de 15/16 ans on commence à travaillersur des choses plus variées qui nous sortent du classique pur, tel que le néo-classique voir le contemporain. Malgré avoir été re-tardé dans mes progrès par des blessures aux chevilles, j’ai réussi à faire mes preuves en contemporain. Je me suis familiarisé avec ce travail, et constatant le retard

BE: We are really pleased to count you among our ar-tists in this second issue, as we haven’t yet broached the topic of performing arts. We would like to know what the life of a professional dancer looks like. Can you present your career as an introduction?V: I started dancing 14 years ago in Franconville, a little suburban town. It is a bit anecdotic, because in fact I wanted to do judo, except the class was full and they could not have me. Besides, I had some problems with a knee, and they told my mother that I should join a dan-cing class to get rid of them. That’s why I had my first class at 5 and a half!My teacher realized very quickly that I had good aptitu-des and told my mother she should put me in a school with a more intensive training. I was too young for this school but the teacher under the impression I had a gift said she was redy to accept me under one condition : that I should audition for the Paris Opera very soon.I said yes without giving it a real thought and on Janua-ry 6, 2003 after auditioning with success I joined the Opera.I spent 10 years there, making friends, working my way up, until that day in April 2013 when I met the direc-tor of the Toronto opera school during the Paris Opera Tricentenary gala, during which they performed. I ad-mired their work so much that I asked if I could join. As the company was fully staffed, I registered for a year in their school en fin de cycle (que veut il dire ? a la fin de sa propre année scolaireà Paris???) I have been in To-ronto one year now and I intend to stay one more year.

BE: Your training at the Opera was very classical, what is it like in Toronto?V: What’s great with the opera is that we have a solid classical training as kids, but when we reach 15/16, we start to work on different things like neo classic or even contemporary. Although my progress was slowed down by some ankle injuries, I still earnt my spurs in contem-porary dancing. As I became really familiar with this type of work a as I realizec how behind I had become compared to some of my peers in classic dancing,

Valentin has been dancing since the age of 5 and a half. Here he is, giving us the opportunity to extend our editorial to performing arts such as dancing. Through an interview, some pictures and 2 new columns, we let you discover what your life might have been if, like for Valentin, there has been no possibility to practice judo on Wednesdays afternoons.

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que j’avais pris sur d’autres en classique j’ai décidé d’em-prunter la voix qui me correspondait le plus. Je m’éclate dans ce que je fais aujourd’hui.

BE : Alors dis moi, aujourd’hui quand on dit «contem-porain» ça raisonne un peu comme quelque chose d’inaccessible du point de vue de la perception, que ce soit en art ou en danse, le spectateur se sent parfois un peu sur la touche ; tu voudrais bien nous dire deux mots sur cette approche contemporaine pour y fami-liariser le lecteur ?V: Le problème aujourd’hui c’est que les artistes, que ce soit en peinture, en musique ou en danse cherchent à être toujours plus créatifs, plus novateurs. Cet élan les pousse parfois à aller beaucoup trop loin dans les concepts, à peut-être amener leurs œuvres vers des choses beaucoup trop personnelles, c’est sans doute pour ça que le public se sent perdu. Moi ma vision du contemporain c’est plus quelque chose dans le ressenti, sans dire au spectateur ce qu’il doit voir ou comprendre, générer une émotion auprès du public tout en le laissant libre d’adhérer ou pas.

BE : Géographie maintenant, ça fait quoi de vivre à Toronto après avoir passé son enfance et son adoles-cence en région parisienne ?V: Toronto je m’y plais beaucoup ! Après j’ai choisi cette ville un peu par défaut parce qu’à la base je savais juste que je voulais partir de Paris. Après 10 ans d’Opéra j’avais le sentiment de tourner en rond dans mon bo-cal donc dès ma dernière année je savais que je devrais partir pour continuer à m’épanouir en tant qu’artiste. Toronto ça s’est fait comme je le disais sur une opportu-nité, et aujourd’hui je pense que c’est le meilleur choix que j’aurais pu faire. Chaque ville dans laquelle on tra-vail nous inspire différemment, moi à Paris je supportais le poids de mes années passées, quand je me regardais danser dans le miroir je voyais plus rien, alors qu’ici j’ai un nouveau regard de nouvelles influences, j’ai réussi à m’affirmer en tant que danseur. Puis être à l’autre bout de la Terre c’est assez incroyable !

BE : En Off tu me parlais d’un projet auquel tu as par-ticipé y a pas longtemps, t’en as déjà d’autres en ré-serve ?V: J’ai un projet pour juillet qui a avorté à cause d’un nouveau problème à la cheville mais tout au long de l’an-née j’ai fais des créations en contemporain qui m’ont donné envie d’aller encore plus loin, de rencontrer de nouveaux chorégraphes, de participer à de nouveaux processus de création. Pour mes projets futurs j’ai en-vie d’aller vers l’émulation entre différents domaines de l’art. Ce qu’il y a de génial dans les créations c’est l’ap-port réciproque entre le chorégraphe et le danseur.

BE : Tu repartirais d’ici un ou deux ans en Europe ou ailleurs encore ?V: À partir de décembre prochain je vais faire la tournée des auditions en Europe pour tenter ma chance dans de grandes compagnies essentiellement basées en France, en Allemagne et aux Pays-Bas, de manière à décrocher un contrat professionnel pour la saison 2015-2016. Der-rière je passerai aussi une audition pour Vancouver, ça m’amènerait encore plus loin que Toronto et ce serait

I decided to follow the path that suited me most. I have a lot of fun with what I am doing now.

BE : so tell me, today, the word “contemporary” sort of conveys an obscure concept, whether we are talk-ing about arts or dancing, the spectator remains on the sidelines. Could you tell us in a few words what you mean by contemporary so that our readers get more familiar with this notion?V: The problem today is that artists, whether painters, musicians or dancers, want to be more and more crea-tive and innovative; this impulse makes them go too deep into their own concepts and render their work so personal, that the public is lost. My own vision of contemporary art is more to do with feeling, never tell the public what to see or understand but generate an emotion while letting him free to be committed or not.

BE: From a geographical point of view now, what is it like living in Toronto after spending your childhood and adolescence in the Paris region?V: I like Toronto a lot. The fact is I choose this city ac-cidentally, because I wanted to quit Paris. After 10 years at the Opera, I felt as if I was going round in circles in a fish bowl, and from the beginning of my last year I became aware I should go somewhere else if I wanted to progress as an artist. As I explained, Toronto was an opportunity and I believe it was the best choice I could have made.Each city where we live is a different source of inspira-tion, and in Paris I was like enduring the weight of the previous years; when I saw myself dancing, in the mir-ror, I could not see anything anymore, while here I have a new perception, new influences, I managed to assert myself as a dancer. Also, being on the other side of the planet is something incredible.

BE: Off the record you told me about a project in which you took part recently, do you have some more on the shelf?V: I had some plans for July that failed due to a new an-kle injury, but all the year round I was rather creative in contemporary dancing and that pushed me to go even further, meet new choreographers, be part of new crea-tive processes.In the future, I intend to create a bridge between various artistic areas. What is really fantastic in composition is the mutual contribution of both dancer and choreo-grapher.

BE: in the next 2 years, do you intend to come back to Europe or go somewhere else?VC: Next December I will start auditionning all around Europe trying my luck with big companies mainly in France, Germany and Netherland, to try and land a professional contract for the 2015-2016 season. At the same time I will also audition for Vancouver, because it would take me even further, and that would be a fantas-tic opportunity as things are happening there.

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une belle opportunité parce que ça bouge pas mal là-bas.

BE : Merci d’avoir accepter de partager avec nous un peu de ton expérience, la rédaction ainsi que nos lec-teurs te souhaitons le meilleur pour la suite !

UN JOUR AVEC VALENTIN

8h :Réveil9h-9h30 : Renforcement musculaire du haut du corps pour préparer au travail de portés et de manipulation avec une partenaire.10h-11h45 : Cours de danse classique organisé autour de ce qu’on appelle une barre (l’équivalent des gammes pour un musicien) puis d’un milieu, qui consiste à tra-vailler sur toutes les prouesses techniques réalisées sur scène.12h-13h : Pause déjeuner13h-14h30 : Cours de contemporain ; soit basé autour de différentes tâches d’improvisation pour nous amener à approcher notre propre mouvement d’une manière dif-férente. Ou cours basé sur l’apprentissage de répertoire contemporain qui débouche souvent sur un spectacle.15h-16h30 : Cours de variation classique. Apprentissage des variations les plus connues du répertoire classique pour nous obliger à travailler sur l’endurance technique et physique.17h-18h45 : Répétitions pour les différentes pièces en préparation pour le prochain spectacle.19h : Fin de journée, souvent suivi par une séance d’éti-rements puis retour a la maison, dîner, douche et repos pour la journée qui suit.Et ça 6 jours sur 7 !

Le planning type étant totalement bouleversé aux alen-tours d’un mois et demi avant un spectacle, puisque toutes les classes, mis à part le renforcement musculaire et le cours de classique, sont remplacées par des séances de répétitions.

A DAY WITH VALENTIN

8:00 – 9:00 Waking9:00 - 9:30: Muscle development exercises of the top half of the body to prepare the porté and partnering work 10:00-11:45: Ballet class organized around what we call a barre (the equivalent of scales for a musician) and then the center. The aim is to work on all the technical prowesses performed on stage.12:00-13:00: Lunch break13:00-14:30: Contemporary dance class based on either different improvisation tasks to bring us to have a diffe-rent approach of our movement or the learning of a contemporary repertoire that often gives birth to a per-formance. 15:00-16:30: Classical variations class. Learning of the most famous variations of the classical repertoire to force us to work on technical and physical endurance. 17:00-18:45: Rehearsals of the different parts of the next show.19:00: End of the day followed by a stretching session then journey home, dinner, shower and rest before the next day.And this 6 days out of 7!

This planning is completely stirred up about a month and a half before any performance, since all the classes a part from the muscle development exercises and the classical dance class are replaced by rehearsal sessions.

BE: Thanks for having accepted to share some of your experience with us, the ditors and the readers wish you the best of luck.

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Remerciement

Lola Salvagniac, Antoine Geiger, Céline Garcia et Valentin Chou pour leur coopération dans l’élaboration des articles les concernant.

Deniz Basman, Valentin Chou, Michèle Miro, Rebecca Travier, Sophie Pin, Pearl Pin pour nous avoir assisté dans les traduc-tions de ce BE#2.

Channel Roig pour nous avoir assisté dans la mise en forme des textes.

Camille Perrier pour avoir rejoint l’équipe de rédaction de BE.

Sylvie & Jacques Mounis, Laurence & Patrick Lacroix pour leurs soutiens.

Jamie Nix pour les photos de Valentin Chou.

Et merci à tous nos lecteurs.

Suggestions / Submission

Pour toutes suggestions / remarques / critiques / tribunes, merci de vous référez à la planche contact communiquée ci-dessous ; c’est avec grand plaisir que nous les considèrerons.

For every kind of submission thanks to contact us.

Contact

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Réseaux sociaux

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Page 47: BON ESPRIT #2

M O R G A NL A C R O I X

L O U I SM O U N I S

C A M I L L EP E R R I E R

Associate at Bon Espritage: 21past: Nîmespresent: Berlinstudies: art

m o rg a n la c ro i x . a r t @gmail.com

Fondator of Bon espritage: 21past: Nîmespresent: Parisstudies: architecture

[email protected]

NOUVELLE RECRUELe BON ESPRIT façon Ca-mille Perrier, c’est beaucoup de livres, beaucoup de culture G, et une bonne volonté à l’épreuve du surmenage. Forte de son cursus en «Lettres Modernes» à la Sorbonne, elle représente un atout linguistique et journalis-tique majeur pour le magazine. Ses racines sudistes alliées à sa vie parisienne ont fait d’elle quelqu’un à la fois dynamique et souriante, c’est donc spon-tanément qu’elle nous propose ses services au magazine ; et tout aussi spontanément qu’on les accueille à bras ouverts. Le plaisir d’entreprendre qu’elle manifeste vient consolider les fondements du projet BON ESPRIT, ses qualités littéraires viennent concrétiser une plu-ridisciplinarité en constant re-nouvellement au sein de notre rédaction. Bienvenue Camille !

Internship at Bon Espritage: 20past: Nîmespresent: Parisstudies: applied letters at Sorbonne

[email protected]

NEW RECRUIT Camille Perrier’s Bon Esprit is plenty of books, a lot of gene-ral knowledge, and a good will when it comes to overworking. Having studied Modern Lan-guages at La Sorbonne, she is a major asset for the magazine regarding language and journa-lism. Both dynamic and cheer-ful thanks to the union of her southern origins with her Pari-sian life, she has spontaneously offered her services to the ma-gazine; and it is with as much spontaneity that we are welco-ming her with open arms. The pleasure of undertaking projects that she shows strengthens the foundations of the project BON ESPRIT, and her literary qua-lities make our ever-renewing multidisciplinary approach a reality. Welcome Camille!

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