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Bonzon J-P Ponpon à la Ville

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A LA MEME LIBRAIRIE

LIVRES DE LECTURES SUIVIES.

P.-J. BONZON

• Le château de Pompon. Cours préparatoire.

• Le jardin de Paradis. Cours préparatoire, C.E, 1re année.

• La maison aux mille bonheurs. Cours élémentaire.

• Le cirque Zigoto. Cours élémentaire.

• Le chalet du bonheur. C.E, C.M. 1r* année.

• Le relais des cigales. Cours moyen.

• La roulotte du bonheur. Cours moyen, 2e année.

M. PÉDOJA

• Exercices pratiques et logiques de langage et d'orthographe. C.E. 1,Un volume. Un cahier d'exercices.

• Exercices pratiques et logiques de langage et d'orthographe. C.E. 2.Un volume. Un cahier d'exercices.

• Exercices pratiques et logiques de français. C.M. 1.(avec M. de FREMQNT), Un volume. Un cahier d'exercices.

H. et J.DENISE et R.POLLE

• Mathématiques des petits.Deux cahiers d'exercices dessinés de mathématique moderne.

• Mathématique cours élémentaire 1re année. Trois cahiers. Mathématique cours élémentaire 2e

année. Trois cahiers.

• Mathématique cours moyen 1re année.Un volume. Un cahier d'exercices.

• Mathématique cours moyen 2* année.Un volume. Un cahier d'exercices.

• Du C.M. 1 vers le C.M. 2.Un cahier d'exercices de mathématique, accompagné d'un cahier de corrigés.

R. POLLE

• Du C.M. 2 vers la 6e.Un cahier d'exercices de mathématique,accompagné d'un cahier de corrigés.

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P.-J. BONZON

Instituteur honoraire, lauréat des prix :•Jeunesse*

"Enfance du monde"' New York Herald tribune '

Grand prix de littérature du Salon de l'enfance

POMPONà la ville

PREMIER LIVRE DE LECTURE COURANTE (SUITE)

DELAGRAVE

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AVANT-PROPOS

En écrivant le « Château de Pompon », je ne prévoyais pas le succès qu'obtiendrait le petit âne, tant auprès des maîtres et maîtresses de cours préparatoire qu'auprès des enfants.

De nombreux enseignants m'ont demandé une suite ou, si on préfère, un complément aux aventures de Pompon... une suite justifiée d'abord par l'engouement des enfants, ensuite par le fait que le « Château de Pompon » ne « couvre » pas toujours la fin de l'année scolaire dans les classes où l'apprentissage de la lecture est relativement rapide.

Voici donc de nouvelles aventures de Pompon... qui peuvent d'ailleurs être lues même si on ignore l'ouvrage précédent. Le niveau de ce livre est à peine plus élevé que celui du « Château de Pompon ». // comporte également, au début, des révisions de sons toujours utiles, mais l'appareil pédagogique, selon les dernières instructions, se réduit à l'explication de mots difficiles.

Bien que qualifié de premier livre de lecture courante cet ouvrage aura également son utilité, au début du cours élémentaire première année quand, après les longues vacances d'été, l'enfant a un peu perdu la pratique de la lecture.

J'espère ainsi satisfaire à la fois élèves et maîtres, et je souhaite que ces nouvelles aventures du petit âne gris confirment chez les jeunes enfants leur goût pour la lecture.

P.J. Bonzon.

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TABLE DE LECTURES

Pompon. 8Un projet de papa. 10L'attente. 12La bonne nouvelle. 14La remorque. 16Le grand départ. 18Un drôle d'incident. 20Un drôle d'incident (suite). 22Une arrivée mouvementée. 24La rue des Ouistitis. 26La première nuit. 28La première nuit (suite). 30Une nouvelle école. 32Les admirateurs de Pompon. 34Où est passé Pompon ? 36Les macaronis. 38L'indigestion. 40Une idée de Guitou. 42Les patins à roulettes. 44Une idée farfelue. 46Pompon patineur. 48Pompon chez le droguiste. 50La punition. 52Voici le froid. 54Les grands magasins. 56Les culottes de Pompon. 58Le travail de maman. 60Pompon se fâche. 62Le propriétaire. 64Une idée de papa. 66Un paradis. 68Un réveil brutal. 70La neige. 72Le bonhomme de neige. 74La patinoire. 76Bientôt Noël. 78La fête de l'école. 80Les petits pains. 82

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Les mauvais jours. 84Le projet de Guitou. 86Le bonbon. 88Pompon se venge. 90La charrette anglaise. 92La fugue. 94Le verglas. 96Le bulldozer. 98La patte dans le plâtre. 100Une nuit agitée. 102Le transistor. 104Le chiffonnier. 106Le chiffonnier (suite). 108La langue de Pompon. 110Le chef-d'œuvre. 112Premiers beaux jours. 114Le voyage en ville. 116Circulez!... Circulez!. 118Le parking souterrain. 120Pin-Pon !... Pin-Pon!.... 122La Casquette galonnée. 124Vive la campagne, 126

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Vous ne connaissez pas Pompon ?C'est un joli petit âne gris, avec des sabots noirs bien cirés

et une longue queue qu'il agite comme un chasse-mouches.Le papa de Guitou et de Finette l'a acheté à un fermier

voisin pour faire plaisir à ses enfants. Pompon est très gâté. Papa, Guitou et Finette lui ont construit une cabane qu'ils appellent son « château ».

Toutes sortes d'aventures sont arrivées à Pompon... et ce n'est pas fini. En effet, papa a décidé de déménager. Papa est artiste-peintre. Il compose de magnifiques tableaux, des paysages, des portraits, des natures-mortes (1), etc.

Il doit faire une exposition dans une grande ville, loin du village où il habite. Cette exposition durera plusieurs mois. Aussi faudra-t-il déménager pour résider (2) quelque temps dans cette ville.

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— Oh! non, papa, se récrient les enfants. Restons ici avec Pompon, il est si heureux dans son château, dans son pré... Ou alors, emmenons-le.

— Vous n'y pensez pas, mes enfants, répond papa. Un âne dans une ville? J'ai décidé de vendre Pompon. Plus tard, nous rentrerons ici, à Favantines, je vous en achèterai un autre.

— Non, non et non, proteste Finette, indignée. Jamais nous n'accepterons d'autre âne que Pompon.

— Alors, dit papa, je ne vois qu'une solution. Je partirai seul.

Mais Guitou et Finette ne veulent pas non plus être séparés de leur papa... et maman de son mari. Comment résoudre ce difficile problème?

1. RÉVISION DES SONS :EAU : tableau — oiseau — moineau —tonneau — seau. ION : exposition — solution — confection— construction.

2. JE COMPRENDS CES MOTS

(1) Nature-morte : Une nature-morte est une peinture qui représente des choses mortes ou des objets : par exemple, des fleurs dans un vase, des fruits dans une* coupe, une cruche sur une table... sans aucun personnage ni animal vivants.(2) Résider : Habiter, demeurer.

3. JE DESSINE : la tête de Pompon.

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C'est le soir. Guitou et Finette sont couchés, chacun dans sa chambre. Cependant, ils ne dorment pas encore. Tous deux pensent à Pompon, qu'on va vendre. Ils en ont les larmes aux yeux.

Finette a trop de chagrin. Elle se lève, en pyjama, et va trouver son frère.

- Comment faire, Guitou, pour conserver Pompon? Rappelle-toi, l'an dernier, pour ne pas le quitter pendant les vacances, je m'étais piquée aux orties. J'avais voulu faire croire à maman que j'avais la rougeole.

- Oui, approuve Guitou. A mon tour, je pourrais inventer une maladie, mais laquelle?... Non, ce serait mal de mentir.

La chambre de Guitou est contiguë (1) à celle des parents. Aussi parlent-ils à voix très basse. Mais tout à coup, les enfants comprennent que papa et maman ne dorment pas eux non plus. Ils discutent tout haut.

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— Non, dit maman. Je le regrette beaucoup pour Guitou et Finette, mais nous ne pouvons pas emmener Pompon en ville.

Papa soupire et répond :— Pourtant ils seront si malheureux. On pourrait peut-

être louer une maisonnette, dans la banlieue, (2) une maisonnette qui posséderait un jardin.

— Ce n'est pas un jardin qu'il faudrait à Pompon mais un pré, comme ici.

— Écoute, reprend papa, demain je partirai seul, en voiture, pour la ville. Je chercherai quelque chose. Nous nous débrouillerions alors pour emmener aussi Pompon... Mais pas un mot aux enfants! Ils seraient trop déçus (3) si je ne trouvais rien.

1. RÉVISION DES SONS :GUE : la bague, la langue — la gigue — la bogue. GUë : contiguë — la ciguë — une lame aiguë.

2. JE COMPRENDS CES MOTS :(1) Contiguë : La chambre de Guitou touche celle de ses parents, elle n'en est séparée que par une cloison.(2) Banlieue : Ensemble des villes qui se sont construites autour et tout contre une grande ville.(3) Déçus : Les enfants auraient trop de chagrin si papa apportait une mauvaise nouvelle après en avoir laissé espérer une bonne.

3. JE DESSINE : le lit de Finette.

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Guitou et Finette ont tout entendu. Ah ! que papa est gentil !

— Je retourne dans ma chambre pour dormir, dit alors Finette.

Le lendemain, Guitou est éveillé de bonne heure par un bruit de moteur. Il bondit de son lit et regarde par la fenêtre. C'est papa qui démarre.

Il court alors éveiller sa sœur qui dort encore. — Papa vient de partir. Il a tenu sa promesse!Ils descendent vite déjeuner dans la cuisine.— Vous êtes bien matinaux, (1) aujourd'hui, dit maman.— Je sais, répond Finette. Nous aurons le temps de dire

bonjour à Pompon.Leurs bols vidés, ils courent vers le « château ». Le petit

âne est encore couché sur sa paille, les yeux fermés.

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— On vient t'apprendre une bonne nouvelle, Pompon, dit Guitou, en lui parlant dans le creux de sa longue oreille velue (2). Nous allons peut-être t'emmener à la ville.

On dirait que Pompon comprend. Il se dresse sur ses quatre pattes et pousse un hi-han de joie.

— Pourtant, dit Finette, en regardant vers la fenêtre, tu ne le méritais pas. Oh ! le vilain ! Tu as encore mangé tes rideaux. La première fois, tu as pris les jaunes pour de la paille, la deuxième fois les verts pour de l'herbe et sans doute, aujourd'hui, les rouges pour des carottes.

Pompon sait quand on le gronde. Il rabat ses oreilles et prend un air contrit (3). Il a l'air de dire :

— Ce n'est pas ma faute si j'aime l'étoffe des rideaux, elle est si tendre à déchiqueter (4).

1 RÉVISION DES SONS :S entre deux voyelles égale Z.La bise — close — chose — la toison — le poison — la fusée — la pesée —

l'Asie —la brise.

2. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Matinaux : On est matinal quand on se lève de bon matin. Ce jour-là, Guitou et Finette ont été matinaux.(2) Velue : Une oreille velue est une oreille où poussent les poils.(3) Contrit : Un air malheureux, comme si on regrettait d'avoir fait quelque

chose de mal.(4) Déchiqueter : Déchirer par petits bouts, en tirant dessus.

3 JE DESSINE : une fenêtre avec des rideaux rouges.

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A sept heures du soir, papa n'est pas encore rentré. Pourtant la distance de Favantines à la ville n'est pas très grande : une centaine de kilomètres.

— Papa n'a pas trouvé de maison avec un pré autour, dit Finette, toute triste, à son frère.

Dehors, la nuit tombe. C'est le moment de passer à table. Les enfants manquent d'appétit, ils mangent du bout des dents.

— N'attendez pas le retour de votre papa, dit maman. Pensez à l'école, demain ! Allez vous coucher.

— Donne-nous simplement le temps de dire bonsoir à Pompon, dit Guitou.

Ils traversent le pré envahi par les ténèbres (1) et pénètrent dans le « château » du petit âne. Celui-ci n'est pas encore couché, on dirait qu'il attend, comme les enfants, le retour de papa.

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Finette l'embrasse sur l'étoile blanche de son front et elle rentre à la maison avec son frère.

A neuf heures. Finette et Guitou sont au lit. Mais ils ont juré de rester éveillés. Il est déjà très tard, dans la nuit quand Guitou reconnaît le bruit de l'auto. Il se lève prestement (2), court chercher sa sœur, et tous deux dégringolent l'escalier en pyjama.

— Bonsoir papa !— Bonsoir mes enfants !Ils n'osent demander à leur père ce qu'il est allé faire à la

ville car ils sont censés l'ignorer (3). Mais papa annonce aussitôt :

— Une bonne nouvelle! Nous pourrons emmener Pompon. J'ai trouvé à louer, une maison sans étage avec un pré autour.

— Un pré? répète Guitou... un pré aussi grand qu'ici?— Plutôt un jardin. Il sera tout de même assez grand pour

Pompon.Les enfants sautent au cou de leur père. Ils n'ont jamais

été aussi heureux.

1. RÉVISION DES SONS :« S » entre une consonne et une voyelle se prononce S. La distance — toute triste — prestement — censés — la danse— la piste — la

veste.

2. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Les ténèbres : La nuit, l'obscurité.(2) Prestement : Très vite, vivement, lestement.(3) Censés l'ignorer : Les enfants savent ce que papa est allé faire mais ils

ne doivent pas montrer qu'ils le savent : ils sont censés l'ignorer.

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C'est donc décidé. On emmènera Pompon... mais comment? Le petit âne ne serait pas capable de faire d'une seule traite(1) cent kilomètres à « pattes ».

— C'est simple, dit maman, louons une remorque à bétail (2). Souvenez-vous de l'an dernier. Quand Pompon avait perdu un fer, un paysan avait emmené Pompon chez le forgeron, dans sa remorque à bestiaux.

Impossible, répond papa. Une telle remorque serait trop lourde pour notre petite cinq-chevaux... surtout avec Pompon dedans.

— Alors, propose Guitou, fabriquons-en une avec des planches, une sorte de grande caisse basse et légère.

— D'accord, approuve papa. C'est l'idée qui m'était venue, à moi aussi. On la montera sur des roues de bicyclette.

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Papa distribue les consignes (2). Tandis qu'il se rend à la scierie pour acheter des planches, Guitou s'occupe de dénicher de vieilles roues de vélo. Quant à Finette, elle court au village chercher des clous et des vis.

Toute la journée, on n'entend qu'ordres, contre-ordres, coups de marteaux et grincements de scie.

Enfin, le soir, la remorque est prête, bien plus légère que celle du paysan de l'an dernier. Papa, fier de lui et de ses enfants, la fixe solidement à l'arrière de la cinq-chevaux pour un essai. Pompon est alors invité à monter dans la caisse. Il ne se fait pas prier. On dirait qu'il comprend que c'est pour l'emmener très loin.

Est-elle solide, au moins? s'inquiète maman, en voyant les planches plier sous le poids de Pompon.

— Très solide, affirme papa. Je mets ma main au feu que le trajet s'effectuera (4) sans le moindre incident.

1. RÉVISION DES SONS :É-È-Ê : (attention à la prononciation). Une idée — on emmènera — une bête — légère — une fête — le père.un invité — la journée — le bétail

2. JE COMPRENDS CES MOTS :(1) D'une seule traite : Sans s'arrêter, sans se reposer, en une seule étape.(2) Le bétail : Comprend tous les gros animaux de la ferme : les vaches, les chevaux, les porcs, les moutons, etc.(3) Les consignes : Les ordres. Ce que chacun doit faire.(4) S'effectuera : Le trajet se fera jusqu'au bout; se réalisera.

3. JE DESSINE : un marteau, une scie.

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Tout est prêt! La veille, les enfants ont rassemblé leurs affaires, leurs jouets. Finette emporte ses deux poupées, Guitou son tracteur en bois et ses quilles, pour jouer dans le pré.

Maman, elle, s'est chargée des vêtements et du linge. Cependant on n'emporte pas les meubles car la maison louée est toute meublée.

Papa a fait le plein d'essence. Il n'en manque pas une goutte dans le réservoir.

— En route! C'est l'heure.Finette s'assied à l'avant, entre ses parents. Guitou est

relégué (1) à l'arrière avec son teckel (2) et Mizou, le chat de Finette. Il disparaît sous les bagages. Ah! ces bagages! Le toit de la pauvre cinq-chevaux plie sous le poids des valises et des paquets.

Enfin, papa actionne le démarreur. Le moteur tousse deux ou trois fois avant de vrombir aussi fort que celui d'un tank.

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Adieu Favantines! Ou plutôt au revoir! On ne reviendra que dans six mois, après l'hiver. Pour Finette, c'est une éternité (3).

Déjà, la voiture atteint la grande route. Elle roule lentement, à cause du poids des bagages et de Pompon. Dans les côtes, le moteur s'échauffe. Le radiateur fume comme une cocotte-minute. Papa est obligé de s'arrêter pour laisser l'eau refroidir. Maman s'inquiète :

— Tu crois que nous allons pouvoir continuer ?— Parbleu ! répond papa qui est optimiste (4).

Guitou, lui non plus, n'est pas très tranquille, sous son monceau de bagages. Il croit entendre, par moments, de sourds craquements qui proviennent de la remorque de Pompon.

— Ce n'est rien, dit papa. Cette caisse est aussi solide qu'un roc.

1. RÉVISION DES SONS :AIN - AIM - EIN - IN : le matin — le frein — la voiture atteint — le rein — le

train - la fin — la faim — le teint — le patin — la cathédrale de Reims.

2. JE COMPRENDS LES MOTS DIFFICILES :(1) Relégué : Guitou est mis 'à l'arrière, loin des autres : il occupe la plus

mauvaise place.(2) Teckel : Race de chien, généralement brun de poil, au corps allongé et

aux pattes courtes.(3) Éternité : Un très long temps qui ne finira jamais.(4) Optimiste : Papa ne s'inquiète pas pour un rien. Il voit les choses du bon

côté. Le contraire d'un optimiste est un pessimiste qui voit tout en noir.

3. JE DESSINE : la remorque de Pompon.

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On roule depuis trois heures déjà mais on n'a pas parcouru plus de quatre-vingts kilomètres. La malheureuse cinq-chevaux, que papa appelle « Gertrude », se fait tirer l'oreille. (1)

— Allons Gertrude! Un peu plus de nerf, s'il te plaît!

Miracle ! Soudain, l'auto qui s'essoufflait, se met brusquement à rouler plus vite, sans que papa appuie davantage sur l'accélérateur.

— Elle a compris que nous sommes en retard, dit Finette. Elle veut rattraper le temps perdu.

Mais, au même moment, Guitou, qui regarde par la fenêtre arrière, s'écrie à son tour ;

— Pompon! Je ne sais pas ce qui lui arrive. Il ouvre tout grands ses naseaux (2) et sa bouche. Il balance sa tête d'une drôle de façon.

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Maman et Finette se retournent. C'est vrai, Pompon a l'air malade. Il transpire, la sueur fume sur son dos.

— Papa, arrête-toi !La voiture stoppe au bord de la route. Tout le monde met

pied à terre.— Oh ! regarde, papa, dit Guitou en montrant le bas de la

remorque.Stupeur! (3) Le plancher de la caisse s'est complètement

effondré. Il ne reste plus qu'un grand vide.— Ah! s'exclame Guitou, je m'explique à présent la sueur

de Pompon et ses naseaux grands ouverts. Puisqu'il n'y a plus de plancher il était obligé de courir pour suivre Gertrude.

Papa ne peut s'empêcher de rire.— Et moi aussi, je comprends pourquoi, subitement

la voiture s'est mise à aller plus vite. Elle n'avait plus à traîner Pompon.

Pauvre Pompon! Il est encore tout essoufflé de sa course derrière la cinq-chevaux.

— Mon Dieu ! qu'allons-nous faire?, s'inquiète maman.

1. RÉVISION DES SONS :ACC : accélérateur —

accident — accidentel — accès — accorder — accaparer — accumuler — accéder — accumulateur —

accordéon.

2. JE COMPRENDS LES MOTS DIFFICILES :(1) Se fait tirer l'oreille : Obéit mais à regret sans mettre aucune bonne

volonté.(2) Naseaux : Ce sont les narines (les trous du nez) d'un gros animal, en particulier du cheval, de l'âne et du mulet.(3) Stupeur : Grande surprise, grand étonnement qui fait presque peur.

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Maman, qui est la sagesse même, propose d'abandonner ce qui reste de la remorque et d'attacher Pompon à une corde, à l'arrière de la voiture.

— On roulera très lentement, dit-elle. Pompon suivra en trottinant. Il ne nous reste plus qu'une vingtaine de kilomètres à parcourir.

Papa n'est pas de cet avis. D'abord, Pompon n'a pas l'habitude d'être tiré par une corde. Il regimberait (1). Ensuite, en arrivant en ville, l'intense (2) circulation l'effraierait. Il ferait des écarts qui pourraient être dangereux.

— Pourtant, intervient Guitou, on ne peut tout de même pas retirer tous les bagages de la voiture pour fourrer Pompon dedans. Il n'y entrerait pas.

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Finette ne peut s'empêcher de rire en imaginant le petit âne assis sur une banquette.

— Alors, demande maman à papa, que proposes-tu ?

— Voici mon idée ! Laissons Pompon tel qu'il est dansla caisse privée de son fond. Il se croira protégé par les

montants de la remorque. Je roulerai très lentement. Il trottera derrière nous sans être attaché. Quand nous atteindrons la ville, je suis persuadé (3) qu'il se tiendra tranquille.

— Oui, approuve Guitou... et si je montais sur son dos? Il se sentirait encore plus à l'aise. Il m'obéit bien... Et puis, je ne serai plus empêtré (4) dans cette ribambelle (5) de bagages.

— Très juste! dit papa.Guitou saute donc sur le dos de Pompon tandis que papa

maman et Finette regagnent leur place à l'avant de la voiture qui démarre lentement.

— Hue Pompon! crie Guitou, en lui chatouillant le cou avec une badine. (6)

Et le petit âne se met à trottiner derrière Gertrude dans sa caisse sans fond.

1. RÉVISION DES SONS :Y = ii : je voyais — il nettoyait — balayer — effrayer — il croyait — monnayer — ployer — noyer — soudoyer.

2. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Regimberait : II protesterait en ruant sur place.(2) Intense : Très grande circulation.(3) Je suis persuadé : Je suis sûr; je suis certain.(4) Empêtré : Guitou était pris dans l'amas de bagages. Il avait du mal à en

sortir.(5) Ribambelle : Un grand nombre. Le plus souvent une ribambelle est une

suite d'animaux ou d'objets, les uns après les autres.(6) Badine : Petite branche fine et droite, arrachée à un arbre et effeuillée,

3. JE DESSINE la silhouette de Guitou sur le dos de Pompon.

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Pompon trotte tranquillement dans sa caisse sans fond. Il n'a qu'à suivre l'auto qui roule à une allure très réduite (1). Guitou est fier d'être sur son dos.

Les dix premiers kilomètres sont parcourus facilement. Les cinq suivants un peu moins vite. Le petit âne commence à se fatiguer. Bref, c'est au pas qu'il arrive dans la ville.

Cette entrée dans la cité (2) est très remarquée. Les gens s'arrêtent pour regarder cet étrange équipage. A un carrefour, papa doit s'arrêter à un feu rouge. Pompon est ravi de cette halte, si ravi qu'au moment où le feu passe au vert, il refuse de repartir.

Derrière la remorque, des automobilistes impatients se fâchent, klaxonnent sans arrêt. Ce bruit infernal (3) agace le petit âne qui secoue les oreilles comme s'il était piqué par des mouches.

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Pour décider le récalcitrant (4) à repartir, papa met Gertrude en marche. Pompon s'arc-boute (5) de toutes ses forces dans la caisse et papa cale son moteur.

Un agent intervient :— Circulez!... Circulez!...L'ordre reste sans résultat. Pendant ce temps,

l'embouteillage s'accroît.Soudain Guitou a une idée en apercevant l'étalage d'un

marchand de légumes. Il saute à bas de sa monture, enjambe la caisse et court acheter une botte de carottes. Il suspend la botte devant le nez de Pompon, au bout d'un bâton. Du coup, le petit âne se décide à repartir, attiré par ces beaux légumes rouges qui se balancent devant lui.

— Ouf ! soupire maman. Heureusement, nous sommes presque arrivés.

1. RÉVISION DES SONS :X = CC : axe — klaxonnent — anxieux — une taxe — un taxi un oxyde —

l'oxygène — toxique — boxer — la boxe.

2. JE COMPRENDS LESMOTS :(1) Allure très réduite : Très ralentie.(2) La cité : Autre nom de la ville. L'habitant de la cité est un citadin.(3) Infernal : On dit aussi un bruit d'enfer. Un très grand bruit.(4) Récalcitrant : Un récalcitrant est celui qui refuse de faire ce qu'on lui

commande.(5) S'arc-boute : Pompon prend appui sur ses pattes pour résister.

3. JE DESSINE : une botte de carottes.

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Maman se trompe en se croyant presque arrivée. L'équipage doit traverser toute la ville avant d'atteindre la rue des Ouistitis, où papa a loué la maison pour l'hiver.

— Quel drôle de nom, dit Finette. Qu'est-ce que c'est, des ouistitis?

— De petits singes très malicieux (1), répond maman.

— Oh ! des singes, fait Finette en battant des mains, nous en verrons?

— Certainement pas. Les ouistitis ne vivent qu'en Amérique. Je ne vois pas pourquoi on a donné un pareil nom à cette rue.

D'ailleurs, où la trouver, cette rue? Papa tourne en rond, dans le quartier, sans la découvrir. Il doit s'adresser à des passants. Enfin, il s'écrie :

— Voici la maison !

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Oh ! qu'elle est petite, s'exclame maman. Elle n'a qu'un rez-de-chaussée (2). Les pièces doivent être minuscules (3).

— C'est vrai, reconnaît papa, mais le grenier est vaste. Je pourrai y installer mon atelier de peintre.

Et le pré? demande Finette. Où est le pré de Pompon?... Est-ce simplement ce jardin, devant la maison?

- Que veux-tu, ma petite Finette, la ville n'est pas la campagne. Pompon s'habituera comme nous à un espace plus réduit.

Sorti de sa caisse, le petit âne est aussitôt introduit dans son domaine. Oh! Merveille! Dans ce jardin, Pompon découvre des choux que les premières gelées de l'automne n'ont pas encore abimés. Il se précipite, en mange quatre ou cinq de suite et fait le tour du jardin au grand galop en poussant des hi-hans de joie.

— Voyez comme il est heureux! dit papa...

1. RÉVISION DES SONS :X = GZ : j'exige — il s'exerce —

exigu -examen — exemple — l'exil.

2. JE COMPRENDS CES MOTS :(1) Malicieux : Qui a beaucoup de

malice, c'est-à-dire qui joue de mauvais tours, qui commet de petites méchancetés.

(2) Rez-de-chaussée : Au ras de la chaussée, c'est-à-dire au ras de la route ou de la rue, au niveau du sol.

(3) Minuscules : Très petites.

3. JE DESSINE : un gros chou.

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Page 28: Bonzon J-P Ponpon à la Ville

C'est le premier soir dans la nouvelle maison. A sept heures et demie, on a dîné dans la salle de séjour. A présent, Guitou et Finette sont couchés.

Ils n'ont pas chacun leur chambre comme à Favantines. Ils partagent la même pièce où leurs lits sont séparés par un paravent (1). Ils pourront bavarder. Le petit âne, lui, est enfermé dans le garage, à la place de la cinq-chevaux que papa a laissée dans la rue.

— C'est drôle, dit Finette, je ne me sens pas tranquille. — Pourquoi? demande Guitou.

— Parce que notre chambre est au niveau de la rue. Un voleur pourrait entrer par la fenêtre... As-tu fermé les volets?

— J'ai mis les crochets; tu peux être tranquille, Finette.

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Page 29: Bonzon J-P Ponpon à la Ville

Ils se taisent, ferment les yeux, mais le sommeil ne vient pas. Dehors, on entend des bruits insolites (2), des ronflements de moteur, des grincements de freins, des voix de passants.

— A Favantines, dit Finette, on n'écoutait que le cri des chouettes et des hiboux.

— Dors, Finette! dit Guitou. Demain, tu ne sauras pas t'éveiller à l'heure pour que maman nous conduise à notre nouvelle école.

Finette obéit, mais son sommeil est agité. Elle fait des rêves bizarres. Quelqu'un lui frappe la tête à coups de marteau. Ce n'est pas drôle du tout.

Et soudain, elle s'éveille. Non, elle ne rêve pas. De l'autre côté du mur, à l'emplacement de la tête de son lit, quelqu'un frappe de grands coups pour démolir la maison. Elle se lève, toute tremblante, pour alerter (3) son frère. Mais elle a oublié le paravent, entre leurs lits. Elle le renverse et le paravent s'abat sur Guitou qui pousse un cri de frayeur.

1. RÉVISION DES SONS : GA-GE-GI-GL-GN...Le rouge-gorge --la nageoire --la geôle --la rougeole

— la géologie — la règle — la gloire -la baignoire — la guigne — le quignon — Georges — rougeâtre — rougeoyer.

2. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Paravent : Panneaux articulés qui servent à

cacher quelque chose. Les paravents servent rarement à parer du vent comme leur nom semble l'indiquer.

(2) Bruits insolites : Bruits qu'on ne reconnaît pas, bruits mystérieux.

(3) Alerter : Avertir, prévenir d'un danger.

3. JE DESSINE : un paravent.

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— Qu'y a-t-il? s'inquiète Guitou, en frottant la bosse faite par le paravent en tombant sur sa tête.

Ecoute!... De l'autre côté du mur!... Ça fait : pan! pan ! pan ! Quelqu'un est en train de démolir la maison.

Guitou n'a pas besoin de déboucher ses oreilles avec son petit doigt pour percevoir les pan, pan, pan !

— C'est vrai. Finette, la maison tremble. Elle va s'effondrer. Mais, aussitôt il réfléchit.

— Non, ce ne sont pas des démolisseurs.— Qui, alors?— Pompon ! Le garage est juste contre le mur de la

maison. C'est Pompon qui fait tout ce bruit. Il est peut-être malade.

— Alors, dit Finette, réveillons papa et maman.Ils courent frapper à la porte de la grande chambre.— Papa, lève-toi vite !

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Papa apparaît. Lui aussi entend les coups frappés contre le mur.

— Allons voir au garage, dit-il.Tous trois sortent dans la nuit étoilée. Guitou aide papa à

tirer la porte coulissante (1) du garage. La tête du petit âne apparaît dans l'entrebâillement. (2)

— Eh bien, Pompon, qu'as-tu?Pompon pousse un grand hi-han de satisfaction en levant

la tête vers la lune.— Je comprends, dit Guitou. A Favantines, il pouvait

regarder par la fenêtre de son « château ». Ici, il se croit prisonnier.

— Demain, promet papa, je pratiquerai (3) une ouverture dans la porte. Il pourra contempler la lune à loisir... En attendant allez vite vous recoucher, mes enfants. Vous grelottez!...

1. RÉVISION DES SONS : (Attention aux prononciations différentes).EMM — ENN — ennuyeux — ennui — emmener — emmitoufler — emmurer — ennoblir — ennemi.

2. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Coulissante : Qui glisse sur le côté pour disparaître.(2) Entrebâillement : Une porte est entrebâillée quand elle bâille très peu, c'est-à-dire quand elle est à peine ouverte.(3) Je pratiquerai : On pourrait dire aussi, je ferai, je creuserai, je ménagerai.

3. JE DESSINE : la tête de Pompon dans l'entrebâillement de la porte.

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Ce matin, maman conduit Guitou et Finette à leur nouvelle école, au bout de la rue des Ouistitis. Guitou n'est pas trop intimidé. Finette, elle, se sent mal à l'aise. Elle demande à maman :

- Comment sont les garçons et les filles de la ville? Sont-ils plus savants que nous?

- Pourquoi plus savants? Ce sont des enfants comme les autres. Les garçons doivent jouer aux billes et les filles à la corde ou à la marelle.

L'école de la rue des Ouistitis est toute neuve, bien plus grande que celle de Favantines. Elle est mixte. (1) La directrice accueille aimablement les arrivants. Elle appelle tout de suite Finette et Guitou par leurs prénoms.

Malgré tout, quand maman s'en va. Finette éprouve un

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serrement de cœur. Elle se sent une étrangère parmi ces petits citadins (2).

Cependant dès le début de la classe, elle s'aperçoit qu'elle lit aussi bien qu'eux... peut-être mieux, ce qui lui vaut un compliment de la maîtresse.

A la récréation, les deux nouveaux sont très entourés, dans la cour. On leur demande d'où ils viennent, ce que fait leur papa.

— Papa est artiste-peintre, explique fièrement Guitou. Il est venu ici faire une exposition.

— Nous n'avons pas apporté nos meubles, ajoute Finette, mais on a emmené Pompon.

— Qui est Pompon?— Notre âne.— Un vrai âne?— Un vrai âne, qui fait hi-han!Du coup, les écoliers restent confondus (3). Un âne, un

vrai âne en pleine ville... Non, ce n'est pas possible.

1. RÉVISION DES SONS :CH = CH : une bâche — une bûche — le manche — le machiniste — un chat — une biche.CH - K : l'enseignement technique — la chorale — l'écho — Christian — un chrysanthème.

2. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Mixte : Une école mixte est une école où sont mêlés les garçons et les filles.(2) Citadins : Les habitants de la cité, c'est-à-dire de la ville.(3) Confondus : Très étonnés. Si surpris qu'ils en restent immobiles et muets.

3. JE DESSINE : une fillette sautant à la corde.

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— C'est vrai?., bien vrai?... tout à fait vrai? répète une petite fille haute comme trois pommes. Un âne vivant?... qui remue la queue ?... qui gambade ?... qui trotte ?...

—Oui, affirme Finette. Je le jure; un vrai petit âne. Dans la journée, il se promène dans le jardin. La nuit, il dort dans le garage.

— Oh! on pourrait le voir?— Bien sûr. Nous habitons tout près, à l'autre bout de la

rue des Ouistitis.Les enfants n'en croient pas leurs oreilles. Certains n'ont

jamais vu d'âne autrement que sur des images.A la sortie de l'école, c'est une envolée vers la maison de

Guitou et de Finette. Ils sont bien cinquante enfants à vouloir admirer Pompon.

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Guitou saute alors, à califourchon (1), sur le dos de son âne qui se met à trotter autour du jardin.

— Je voudrais essayer, dit un garçon au nez retroussé et à l'air fanfaron. (2)

— C'est facile, répond Guitou en sautant à terre, mais je te préviens, Pompon ne sera peut-être pas aussi docile (3) avec toi.

— Bah ! répond le fanfaron, nous allons voir.Il grimpe sur le dos du petit âne et crie de toutes ses

forces :— Hue! hue!Pompon ne bouge pas. Alors, pour montrer qu'il n'a pas

peur, le garçon, qui s'appelle Jojo, donne une grande tape sur l'encolure (4) de sa monture. Du coup, Pompon se fâche. D'un coup de rein, il lève très haut ses pattes de derrière. Projeté en avant, Jojo passe par-dessus la tête du petit âne et tombe dans les choux qui amortissent (5) la chute.

— Je te l'avais bien dit, fait Guitou, il n'obéit pas à tout le monde.

1. RÉVISION DES SONS :Ç devant « A », « 0 » ou « U » = SS : un garçon le maçon — perça le mur — un hameçon — un caleçon — je suis déçu — nous avons été reçus — un aperçu — un arçon.

2. JE COMPRENDS LESMOTS :(1) A califourchon : Une jambe de chaque côté de l'âne.(2) Fanfaron : Qui se vante de faire des choses qu'il est incapable de réaliser.(3) Docile : Pas seulement doux mais facile à conduire. Qui obéit facilement.(4) Encolure : Le cou de l'âne.(5) Amortissent : Les choux rendent la chute moins dure, moins douloureuse.

3. JE DESSINE : le visage de Jojo au nez retroussé.

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Le jardin n'était pas grand. Les choux furent vite dégustés(1 ). Un matin, Pompon s'éveilla le ventre creux.

— Hi-Han! Hi-Han! J'ai faim! J'ai faim!Bien entendu, les marchands de légumes du quartier

vendaient à discrétion (2) : carottes, salades, raves, navets, haricots etc., mais ces denrées coûtaient cher, très cher en cette saison.

— Pompon est trop coûteux à nourrir, déclara maman. Je l'avais bien dit. Quelle idée d'amener un âne en pleine ville? Il faudra se résoudre (3) à s'en débarrasser.

A ce mot, « débarrasser » Guitou et Finette protestèrent farouchement (4) Pompon faisait leur joie, à eux, mais aussi celle des enfants du quartier.

— Je sais, dit maman, mais l'exposition de papa ne rapporte pas autant que nous l'avions escompté (5). Il n'a vendu que trois toiles, jusqu'à présent. Les fins de mois vont devenir difficiles. Il faudra prendre une décision.

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Or, à quelques jours de là, en se levant, plus tard que d'habitude, parce que c'était jour de congé, Guitou et Finette poussèrent une exclamation.

— Pompon?... Où est Pompon?Le petit âne n'était ni dans le garage ni dans le jardin.

Finette pensa que maman l'avait vendu sans rien dire.— Je vous jure que non, mes enfants, assura celle-

ci. Je ne sais pas où est Pompon. A huit heures il était encore dans le jardin.

— C'est bien vrai?Voyons, est-ce qu'une maman pourrait mentir?— Alors, il s'est sauvé?— Il a peut-être sauté par dessus la palissade (6). Allez

vite à sa recherche., mais attention aux voitures !

1. RÉVISION DES SONS :Attention, le « P » ne se prononce pas (voyez bien le « M » qui est devant) : compter — escompter — comptoir — un compte — un acompte — un décompte — la comptabilité — exempt — exempté.

2. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Dégustés : Mangés en appréciant le bon goût.(2) A discrétion : Les marchands vendaient autant de légumes qu'on en voulait(3) Se résoudre : Se décider à vendre Pompon malgré toute la peine que cela coûte.(4) Farouchement : Très violemment.(5) Escompté : Nous avions espéré que la vente des toiles rapporterait davantage. Nous avions fait un meilleur compte.(6) Palissade : Clôture, barrière faite de lattes de bois.

3. JE DESSINE : un cageot de légumes.

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Finette et Guitou se mirent aussitôt en quête (1) de Pompon. Ils en oublièrent leur petit déjeuner.

— Demandons aux voisins s'ils l'ont vu, dit Finette. Ils s'adressèrent à celui de droite, un bonhomme grincheux (2) qui déclara :

— Si le diable pouvait avoir emporté votre âne, je serais bien soulagé. Il me rebat les oreilles avec ses hi-han ! hi-han ! à longueur de jour et de nuit.

Dans la maison de gauche habitait une vieille femme. Elle, ne se plaignit pas de Pompon car elle était sourde. Mais elle ne comprit pas un mot.

Enfin, un facteur les renseigna :— Un petit âne gris? Oui, j'en ai aperçu un du côté de

cette usine qui fabrique des pâtes alimentaires.

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Finette et Guitou coururent jusque là. Ils risquèrent un œil dans un grand entrepôt (3) où travaillaient des ouvrières en blouse blanche. Soudain, Guitou tendit le doigt : Regarde, Finette!

Il montra Pompon. On ne voyait du petit âne, que sa croupe (4) et sa queue. Le cou et la tête étaient plongés dans un grand sac. Guitou se précipita.

— Laissez-le faire, dit une ouvrière en riant. Il ne nous cause aucun préjudice (5). C'est nous qui lui avons donné ces déchets de macaronis.

Rassurés, les deux enfants contemplèrent Pompon qui, la tête dans son sac, n'avait même pas reconnu la voix de ses petits maîtres. Soudain, Finette s'écria :

— Oh! Guitou, regarde son ventre. Il est rond comme une barrique.

Ils durent se mettre à deux pour arracher le petit âne à ses macaronis.

1. RÉVISION DES SONS :La dernière lettre ne se prononce pas : le mors de l'âne — le vent — le champ -le radis — la souris — le banc — le bois — l'oie — le rang — le sang — le tamis.

2. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) En quête : Se mettre en quête de quelqu'un ou de quelque chose c'est chercher partout ce quelqu'un ou ce quelque chose.(2) Grincheux : Hargneux, maussade, de mauvaise humeur, qui parle avec un ton méchant.(3) Entrepôt : Endroit où l'on dépose une grande quantité de marchandises.(4) Croupe : La partie arrière du dos de Pompon.(5) Préjudice : Un tort. Pompon n'a causé aucun tort puisqu'il s'agit de débris qui ne devaient pas être vendus.

3. JE DESSINE ; Pompon, la tête enfouie dans un sac de macaronis.

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Le sac à peine éloigné. Pompon voulut y replonger sa tête.- Ah! non, dit Finette. Si tu te voyais dans une glace!Elle aida Guitou à ramener le petit âne à la maison.

Pompon pouvait tout juste marcher, tant les macaronis lui pesaient sur l'estomac.

Au moment où il entrait dans le garage, il s'affaissa et tomba comme une masse sur le sol. Finette courut chercher maman.

— Viens vite ! Nous avons retrouvé Pompon. Son ventre est gros comme un tonneau. Il a trop mangé de macaronis.

— Quoi ? des macaronis ? Où les a-t-il trouvés ?— Dans une fabrique de pâtes. Viens vite!Pompon paraissait très mal en point (1). Il bâillait,

gémissait, comme s'il allait trépasser (2). Finette se souvint avec

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effroi du jour où le petit âne avait léché toute la peinture, sur la palette de papa. Il avait failli mourir. On avait dû appeler le vétérinaire, et le pharmacien avait fourni une potion (3).

— Non, dit maman, ce n'est pas la même chose. Les macaronis ne sont pas nocifs (4) puisqu'ils sont destinés à notre alimentation. Pompon est simplement victime d'une indigestion.

Tous trois restèrent un moment auprès du petit âne qui bâillait toujours, tirant une langue longue comme ça, et gémissait sourdement. Enfin, il ferma les yeux et se mit à ronfler.

— Laissons-le dormir tout son saoul (5), dit maman, c'est le meilleur remède.

Pompon dormit ainsi toute la journée, toute la nuit, et encore toute la matinée suivante. Il ne s'éveilla qu'à midi, quand les enfants revinrent de l'école. Il se mit alors à braire en regardant du côté de la fabrique de pâtes.

- Ah ! non, dit maman, une fois suffit. A te gaver (6) de macaronis tu finirais par tomber malade pour de bon.

1. RÉVISION DES SONS :PH = F : le pharmacien — la photographie — la diphtérie — Alphonse — un phoque - le télégraphe — le téléphone — un phare.

2. JE COMPRENDS LES MOTS :(1 ) Mal en point : Être mal en point c'est se sentir très malade, être très mal à l'aise, prêt à mourir.(2) Trépasser : Mourir, passer de la vie à la mort.(3) Potion : Remède, médicament sous forme liquide.(4) Nocif : Dangereux pour la santé.(5) Dormir tout son saoul : Dormir autant qu'on en a envie (saoul se prononce : sou).(6) Se gaver : Trop manger. Manger encore, alors qu'on n'a plus faim.

3. JE DESSINE : Pompon en train de bâiller ou tirant la langue.

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Depuis son escapade à la fabrique de macaronis, Pompon ne cesse de regarder du côté de l'usine. Il a oublié sa magistrale (1) indigestion pour ne se souvenir que de la saveur des pâtes.

Hélas! un petit âne ne peut pas se nourrir que de macaronis, de nouilles ou de vermicelle (2). Il lui faudrait autre chose. C'est bien l'avis de papa, de maman et des enfants.

Cependant, cet incident a fait réfléchir maman. Elle est moins décidée qu'avant à vendre Pompon. Finette et Guitou ont eu trop de chagrin quand ils ont encore cru que le petit âne allait mourir.

— Il faut absolument trouver une solution, dit-elle,... mais laquelle?

— Ça y est, dit un matin Guitou au saut du lit, j'en ai découvert une. Le dimanche, au lieu de flâner (3) sur les

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boulevards de la ville à lécher (4) les vitrines, nous irons

dans la campagne. Nous demanderons à un paysan de nous vendre du foin.

D'accord, approuve maman, mais dans quoi le transporterons-nous?

Dans la remorque de Pompon.Elle n'a plus de fond.- Je vais la réparer avec des planches neuves. Elle sera

assez solide pour porter du foin.— Et ce foin, où l'entasserons-nous ? demande

Finette.Dans le grenier, répond papa. Il me restera

encore assez de place pour peindre.Le jour même, Guitou se met à l'œuvre, avec des

planches trouvées dans le grenier. Le lendemain, la remorque est remise en état. Il ne reste plus qu'à attendre dimanche pour partir dans la campagne malgré le froid de novembre qui commence à sévir (5).

1. RÉVISION DES SONS :EUIL — UEIL : la feuille — le bouvreuil — le deuil — le treuil — l'écureuil — un écueil — le cercueil — l'accueil — accueillir — l'orgueil.

2. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Magistrale : Très importante, très réussie; ici on pourrait dire : très grave.(2) Vermicelle : Le vermicelle est composé de petites pâtes très fines (grosses comme de petits vers) qu'on met généralement dans la soupe.(3) Flâner : Se promener au hasard, sans trop savoir où on va.(4) Lécher : Lécher les vitrines c'est s'en approcher d'une telle façon qu'on pourrait les lécher.(5) Sévir : C'est punir avec une grande rigueur. Ici, c'est le froid qui se montre rigoureux, c'est-à-dire, très vif.

3. JE DESSINE : ce que je trouve amusant dans la lecture.

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A l'école de Favantines, les garçons comme les filles ignoraient les patins à roulettes. Où auraient-ils pratiqué ce sport? Les trottoirs n'étaient ni cimentés ni goudronnés.

Il en était autrement à la ville. La rue des Ouistitis était bordée de trottoirs aussi lisses que des miroirs. Presque tous les enfants du quartier possédaient leurs patins, et se rendaient même en classe sur leurs roulettes.

Naturellement Guitou et Finette grillaient (1) de les imiter, surtout Guitou. Mais de bons patins coûtaient cher.

Or, un jour papa déclara :— Mes enfants, je viens de vendre une toile à la galerie

(2). Pour marquer cet événement, j'ai décidé de vous faire un cadeau. Que diriez-vous de patins à roulettes?

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— Oh! des patins! s'écrièrent à la fois Guitou et Finette en sautant au cou de leur père. Rien ne pouvait nous faire plus plaisir!

Le soir même, en revenant de son exposition, papa rapporta les patins convoités (3). Malgré la nuit déjà tombée et -l'air vif, les enfants voulurent les essayer.

- Attendez demain, conseilla sagement maman. Vous êtes inexpérimentés (4). Un accident est si vite arrivé!

Mais Guitou et Finette étaient trop impatients. Ils sortirent dans la rue, éclairée par des lampadaires (5). Assis au bord du trottoir, ils fixèrent solidement les courroies sur leurs chaussures.

Le résultat fut ... foudroyant, c'est bien le mot. A peine se relevait-elle pour esquisser un pas que Finette sentit les patins partir en arrière. Patatras! Elle s'aplatit le nez sur la chaussée.

Quant à Guitou, ce fut exactement le contraire. Les roulettes s'enfuirent en avant et il se retrouva sur le derrière. Décidément, le patin à roulettes n'était pas un sport facile.

1. RÉVISION DES SONS :Le « E » ne se prononce pas : il criera — il s'écriera — il aboiera — il nettoiera -nous balaierons — vous crierez — ils joueront — nous paierons.

2. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Grillaient : On peut dire aussi qu'ils « brûlaient » d'envie. Ils avaient une très grande envie mêlée d'impatience.(2) Une galerie : Dans la lecture le mot galerie désigne un magasin où on expose les tableaux d'un peintre.(3) Convoités : Désirés avec une grande envie.(4) Inexpérimentés : Qui manquent d'expérience, qui ne sont pas habitués aux patins à roulettes.(5) Lampadaire : Un lampadaire est une lampe fixée à un très long pied pour éclairer la rue.

3. JE DESSINE :

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Si leurs débuts furent laborieux (2), Finette et Guitou se rattrapèrent vite. En quelques jours, ils se tinrent bien en équilibre sur leurs patins pour rouler le long du trottoir.

Puis, ils surent s'arrêter, ce qui n'était pas le plus facile, tourner et décrire toutes sortes de circonvolutions (3).

Certes, il leur arrivait encore de tomber mais ils avaient appris à se méfier des traîtres écarts des roulettes et ils en étaient quittes pour quelques bleus sans gravité.

Guitou était devenu tout de suite un enragé du patin. Dès qu'il rentrait de l'école, il déposait son cartable dans la salle de séjour en disant :

Vite, Finette! Nos patins!Par chance, la rue des Ouistitis accusait (4) une légère

pente. C'était commode pour des débutants. En prenant leur élan devant la maison, ils descendaient jusqu'au carrefour sans avoir à bouger les pieds.

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— C'est merveilleux ! disait Finette. Regarde, Guitou, à présent j'arrive à rouler sur un seul pied.

Si les deux enfants s'émerveillaient de leurs propres prouesses(5), Pompon n'était pas moins attentif à leurs exploits. Il dressait la tête par-dessus la palissade pour assister aux évolutions de ses petits maîtres, sur le trottoir. Il avait l'air de se dire :

— C'est drôle, ils ne bougent pas les pieds et pourtant, ils avancent. Moi, quand je ne remue pas les pattes, je reste sur place.

Lorsque les enfants s'éloignaient, en direction du carrefour, il se penchait en avant pour ne pas les perdre de vue.

C'est alors qu'une idée farfelue traversa l'esprit de Guitou. Un jour, il dit à Finette :

— Si on apprenait à Pompon à faire du patin !...

1. RÉVISION DES SONS :Quelques mots difficiles à prononcer : la physique — le pneu — une pneumonie — un excitant — un vasistas — un wagon — la phtisie — le phylloxéra — un phlegmon.

2. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Farfelue : Une idée bizarre, extraordinaire, drôle,(2) Laborieux : Les débuts de Guitou et Finette furent difficiles. Ils exigèrent beaucoup de labeur, c'est-à-dire de travail.(3) Circonvolutions : En patinant, les enfants décrivaient des courbes dans tous les sens.(4) Accusait : Ici, ce mot signifie que la rue était en légère pente.(5) Prouesses : Exploits, exercices difficiles et bien réussis.

3. JE DESSINE :

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— Oh! oui, dit Finette enthousiasmée (1), apprenons à patiner à Pompon... mais comment? Il a quatre pattes; il lui faudrait quatre patins.

— Justement deux et deux font quatre. Les tiens et les miens !

— Tu crois que maman nous permettra?— Bah! dit Guitou, nous ne lui dirons rien... seulement

quand Pompon saura patiner.Un matin de congé, tandis que maman était au marché, ils

sortirent Pompon dans la rue.— Commençons par les pattes de devant, dit

Guitou. Fixer les courroies sur les sabots noirs du petit âne ne fut pas chose aisée (2). Heureusement Pompon était docile. Il ne broncha (3) pas. II sentit pourtant qu'à présent, ses

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pattes de devant glissaient sur le trottoir, mais il pouvait se retenir avec ses sabots de derrière.

Pas pour longtemps, car ceux-ci furent bientôt équipés comme les autres. Ainsi chaussé, le petit âne comprit tout de suite que s'il bougeait, il risquait de perdre l'équilibre. Il se raidit sur ses pattes, immobile.

— Hue ! cria Guitou.Pompon se contenta de secouer les oreilles. Il s'obstina(4)

à ne pas remuer d'une patte.Hue! Pompon, cria Finette à son tour. Rien n'y fit.

Pompon était comme vissé sur le trottoir.— Aide-moi! dit alors Guitou à sa sœur, nous allons le

pousser.Ils s’arc-boutèrent (5) contre sa croupe et poussèrent de

toutes leur forces.— Ça y est! s'écria Guitou, il démarre!Lentement, raide sur ses pattes comme si elles étaient en

bois, Pompon glissa sur le trottoir en pente...

1. RÉVISION DES SONS : (Plus de révision à partir de cette lecture).

2. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Enthousiasmée : Emplie d'une grande joie.(2) Aisée : Facile.(3) Broncha : Le petit âne ne broncha pas signifie qu'il ne bougea pas. M ne protesta pas.(4) S'obstina : S'obstiner c'est s'entêter dans une idée.(5) (Nous avons déjà vu ce mot) Ils s'arc-boutèrent : Ils prirent appui d'une part sur le sol, d'autre part sur la croupe de Pompon, tendus comme un arc.

3. JE DESSINE

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Guitou, Finette et les enfants du quartier qui se trouvaient là éclatèrent de rire. Jamais ils n'avaient vu un spectacle aussi cocasse (1). Pompon avait vraiment l'air d'un de ces petits ânes en bois qui tournent en rond sur les manèges.

Cependant très vite, les rires cessèrent. A cause de la pente, la vitesse de Pompon s'accentuait (2).

Courons vite après lui! cria Guitou. Il ne saura pas s'arrêter à temps.

Les enfants se précipitèrent et se cramponnèrent à la queue du petit âne pour freiner son allure. Hélas ! Si Pompon n'était pas très gros, il était tout de même d'un poids respectable (3). Même solidement retenu par la queue, le petit âne continuait de dévaler la pente.

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— Malheur! s'écria Guitou. Il va arriver au carrefour de la rue des Ouistitis.

C'est bien ce qui se produisit, en effet. Dans une grande secousse, Pompon quitta le trottoir pour atteindre la chaussée (4). Par chance, le feu du carrefour était au vert. Il ne risquait pas de se faire écraser.

Tirez plus fort! cria Finette affolée.Mais Pompon était parti et bien parti. II traversa toute la

chaussée, comme une flèche. Puis, brutalement il heurta le trottoir d'en face.

Ce fut la catastrophe. Emporté par son élan mais retenu par ses sabots, Pompon piqua une tête en avant. On entendit un craquement sec suivi de bruits de verre. La glace d'une droguerie n'avait pas résisté au choc. Pompon venait de s'effondrer dans le magasin, les pattes en l'air, au milieu de bouteilles, de bidons, de balais et de je ne sais quoi encore.

1. JE COMPRENDS LES MOTS(1) Cocasse : Très drôle, très amusant qui fait rire.(2) S'accentuait : La vitesse devenait de plus en plus grande.(3) Respectable : Un poids respectable est un poids qui impose le respect, donc un poids important.(4) Chaussée : La chaussée est la partie de la rue ou de la route, entre les trottoirs ou les bordures.

2. JE DESSINE :

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En quelques instants, ce fut la cohue (1) devant la droguerie. Tout le quartier avait entendu le bris de la vitrine et les cris des enfants. Honteux, Guitou et Finette auraient voulu être à cent lieues (2) sous terre.

— Garnements du diable! Rugit(3) le droguiste en blouse blanche, a-t-on idée de mettre des patins aux sabots d'un âne?... D'abord, d'où vient-il, à qui appartient-il, cet animai?

— A nous deux, avouèrent en même temps Guitou et Finette. Ce n'est pas notre faute, monsieur le droguiste.

— Comment? Pas votre faute?Nous pensions arrêter Pompon à temps.— Vous pouvez vous vanter d'avoir de la chance. A part

la vitre, les dégâts ne sont pas trop graves. Imaginez ce qui serait arrivé si l'animal s'était renversé sur le dos ce bidon d'acide sulfurique (4).

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Pauvre Pompon ! affalé (5) dans la boutique, il ne parvenait pas à se relever, à cause des patins.

— Eh ! bien, dit le droguiste, qu'attendez-vous pour lui enlever ces engins de malheur?

Le frère et la sœur débouclaient les courroies fixées aux sabots quand maman passa devant la droguerie, son panier au bras.

— Mon Dieu ! s'écria-t-elle en reconnaissant Pompon. Qu'est-il arrivé?

Guitou et Finette sentirent leur visage se décomposer. La gorge serrée, ils furent incapables de dire un mot. Le droguiste se chargea d'expliquer les faits.

- Oh ! maman, supplia Finette, ne nous gronde pas. Nous sommes si ennuyés.

Ils étaient tous deux si pâles que maman se contint (6).— C'est bon, dit-elle seulement. Vous connaissez le

proverbe? Qui casse les verres les paie. En rentrant à la maison vous vicierez vos tirelires pour régler le prix de la vitre.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Cohue : Grand rassemblement de personnes, foule en désordre.(2) Lieues : La lieue était une mesure, autrefois. Elle valait quatre kilomètres.(3) Rugit : Poussa un cri de rage. (Le rugissement est plus souvent le cri du lion.)(4) Acide sulfurique : Liquide très dangereux capable de brûler la peau.(5) Affalé : Affaissé, effondré, tombé à terre.(6) Se contint : Maman rentra en elle son mécontentement. Elle se retint de gronder les enfants.

2. JE DESSINE :

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Les jours deviennent de plus en plus courts. Le soir, quand Guitou et Finette reviennent de l'école, la nuit est presque venue. Ils ne manquent quand même jamais de dire bonjour à Pompon avant de rentrer se chauffer.

Ce soir, l'air est particulièrement mordant (1).— C'est bientôt l'hiver, dit Finette. Crois-tu, Guitou, que

Pompon aura froid, la nuit, dans son garage?— Je ne sais pas, avoue Guitou. L'hiver dernier

nous n'avions pas Pompon.Mais il ajoute, pour jouer au savant, auprès de sa sœur :— Je crois que les ânes n'ont jamais froid.— Ce n'est pas vrai, proteste Finette. Les ânes sont

comme nous. Quand on court, on a chaud. Quand on reste sur place, le froid vient vite.

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— Pompon n'a pas l'air frileux (2).— Si, ce soir, il tremblait. Son jardin est trop petit II lui

faudrait un grand pré pour courir.— On ne peut tout de même pas le promener en ville, dit

Guitou, ni installer un poêle dans le garage.Non, mais on pourrait l'habiller. Guitou éclata de rire.— L'habiller?— Avec un manteau sur le dos. Pourquoi pas aussi

avec des culottes?— Justement, un jour, sur une image, j'ai vu un âne qui

portait des culottes pour lui tenir chaud aux pattes.C'est vrai? Alors, demandons à maman de lui couper des

vêtements. Tu crois qu'elle acceptera?

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Mordant : Le froid est si vif qu'on dirait qu'il mord le bout des doigts et des oreilles.(2) Frileux : Qui craint le froid.

2. JE DESSINE :

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Guitou et Finette vont donc trouver maman. Ils lui confient leur idée. Tout d'abord, maman reste ébahie (1 ).

— Comment? Un costume pour Pompon? Cependant elle réfléchit. Après tout, cette idée n'est pas stupide (2). Les dames du quartier mettent bien des manteaux à leurs petits chiens quand elles les promènent.

— C'est vrai, dit-elle. Pompon ne doit pas avoir très chaud dans le jardin, à rester immobile. Après demain, je vous emmènerai dans un grand magasin, au centre de la ville.

Guitou et Finette sont ravis, pour Pompon d'abord, mais aussi pour eux. Le centre de la ville est plein d'attraits (3) en cette période de fin d'année.

Le surlendemain, tandis que papa peint assidûment (4) dans le grenier, tous trois prennent l'autobus, au carrefour

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de la rue des Ouistitis. La grosse voiture rouge les dépose bientôt au cœur de la cité où les magasins sont très nombreux.

— Entrons dans celui-ci, dit maman. On y vend de tout. Finette est séduite par de belles étoffes de laine épaisse.

Mais maman explique :— Non, pas cela. Finette.— Pourtant maman, c'est chaud la laine! Mon manteau

est en laine, n'est-ce pas?— Certes, mais quand il pleut la laine devient une

véritable éponge. Les jours de mauvais temps, Pompon serait trempé.

— Alors, dit Guitou, il vaudrait mieux une toile imperméable.

Très juste, approuve maman, une nappe de cuisine, par exemple.

Du rayon (5) des lainages, les visiteurs passent à celui des articles ménagers.

— Oh ! la belle toile cirée verte avec des marguerites, s'écrie Finette!

La vendeuse demande à maman ce qu'elle désire. Maman est bien embarrassée. Peut-elle dire qu'elle cherche un vêtement pour un âne?

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Ébahie : Maman est très étonnée, stupéfaite.(2) Stupide : Une idée stupide est une idée qui n'a aucun sens, qui n'est pas raisonnable.(3) Attraits : Des attraits sont des choses qui attirent, qui retiennent l'attention qui font envie.(4) Assidûment : Avec application, sans s'arrêter, régulièrement.(5) Rayon : Ne pas confondre avec un rayon de bicyclette. Ici, un rayon est l'endroit d'un magasin où l'on vend des articles de même nature : le rayon des jouets, le rayon des chaussures...

2. JE DESSINE :

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La toile cirée verte à marguerites est achetée. A présent, il faut faire l'emplette (1 ) d'une étoffe pour confectionner les culottes.

— Que désirez-vous encore? demande la vendeuse. Maman est de nouveau embarrassée. Elle a peur d'être ridicule (2).

— Euh !... Je voudrais du tissu pour une paire de pantalons.

— Non, maman, rectifie Guitou, une paire pour les pattes de devant et une autre pour celles de derrière.

En entendant parler de « pattes », la vendeuse prend un air étonné.

— C'est pour qui? demande-t-elle.— Un âne, répond Guitou.

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— Notre petit âne, ajoute Finette. Nous l'avons amené de Favantines. Il grelotte dans le jardin.

— Nous ne vendons pas d'articles pour les ânes, explique la vendeuse, seulement des paletots (3) pour chiens et chats.

— Je m'en doutais, dit maman. Alors, donnez-moi le tissu nécessaire pour confectionner moi-même ces culottes.

La vendeuse ne peut s'empêcher de sourire. A-t-on jamais vu un âne habillé? Cependant elle est là pour vendre la marchandise. Elle déploie toutes sortes de coupons (4).

Guitou penche pour du bleu. Il aime beaucoup le bleu. Maman préférerait du vert pour harmoniser (5) les culottes avec le manteau. Mais Finette opte (6) pour le jaune. Et c'est elle qui l'emporte.

— Quelle longueur ? demande alors la marchande. Maman n'est pas très fixée. Heureusement, Guitou a tout prévu.

— J'ai mesuré les pattes de Pompon, dit-il. Elles m'arrivent jusqu'au cou.

La vendeuse coupe la longueur nécessaire. Maman règle son achat et on sort du magasin.

— Ah ! que Pompon va être beau ! s'exclame Finette.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Emplette : Achat. On dit aussi acquisition.(2) Ridicule : Être ridicule c'est se faire remarquer et faire rire de soi par une

parole, un acte ou une attitude étrange.(3) Paletot : Sorte de manteau. Ce mot ne s'emploie plus guère que pour

les animaux.(4) Coupon : Ce qui reste d'une grosse pièce, d'un gros rouleau d'étoffe.

Ce mot vient de couper.(5) Harmoniser : Mettre en harmonie, c'est-à-dire en accord. Maman

voudrait des couleurs qui s'accordent bien ensemble.(6) Opte : Opter c'est choisir. Finette se décide pour le jaune, qu'elle

préfère.

2. JE DESSINE :

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Le vrai froid est venu. Ce matin, en partant pour l'école, Guitou et Finette ont aperçu une pellicule (1) de glace sur l'eau du caniveau (2). Il est grand temps d'habiller Pompon.

En rentrant de classe, le frère et la sœur sont heureusement surpris de constater que maman s'est mise à l'œuvre.

— Ce n'est pas aussi simple que vous l'imaginez, dit-elle. Je n'ai pas eu de problèmes pour le paletot... mais les culottes !

— Elles sont déjà faites? demande Finette.— Celles de devant seulement.Guitou tient à les essayer. Ah! quel spectacle! Elles sont si

longues qu'elles lui remontent jusqu'aux yeux. Et encore traînent-elles sur le plancher. On mettrait deux petits bonhommes comme lui à l'intérieur, un dans chaque jambe.

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Finette et maman rient aux éclats.— Et celles de derrière? demande Finette.— J'ai dû m'interrompre (3) pour préparer le

déjeuner, explique maman, je les coudrai cet après-midi.Finette s'inquiète de la façon dont ces culottes seront

fixées.— Avec des ficelles, qui serviront de bretelles. Je ne vois

pas d'autre solution. Pourvu que Pompon les supporte.Les enfants sont ravis. Le déjeuner terminé, ils reprennent

le chemin de l'école. Pendant la classe, ils pensent à Pompon et se l'imaginent habillé de vert et de jaune.

Enfin, voici l'heure de la sortie. Au lieu de papoter (4) avec leurs camarades, le frère et la sœur se précipitent vers la maison. Par chance, le ciel est dégagé. La nuit ne viendra pas trop vite.

— Alors, maman, le costume est prêt?— Oui, allons habiller Pompon !

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Pellicule : Très mince couche. (Pellicule signifie : petite peau.)(2) Caniveau : Petit creux en bordure du trottoir pour l'écoulement des eaux.(3) S'interrompre : S'arrêter un moment de faire quelque chose.(4) Papoter (mot familier) : Bavarder, discuter sans trop élever la voix.

2. JE DESSINE : par exemple Guitou dans les culottes.

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A cause du froid, Pompon s'est retiré dans son garage. Guitou l'invite à sortir dans le jardin. Maman lui jette alors la toile cirée verte à marguerites sur le dos. Puis, elle attache solidement cette toile sous le ventre, avec des cordelettes (1) de nylon.

Pompon ne bronche pas. Il paraît même satisfait.— A présent, dit maman, aidez-moi à lui passer

les culottes... d'abord celles de devant.Guitou, lui soulève un sabot, puis l'autre. Après quoi, il

remonte les culottes qu'il attache à l'encolure de l'animal. Le petit âne ne proteste pas.

— Il a compris que c'est pour lui tenir chaud, dit Finette. Hélas! la suite de l'habillage est plus laborieuse (2). Guitou doit se gendarmer (3) pour obliger Pompon à lever les pattes de derrière. Le petit âne se monte rétif (4) lui si obéissant d'habitude. Enfin, les culottes sont passées, les cordelettes nouées sur la croupe.

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— Ça y est! s'écrie Finette. Regardez comme il est beau! Et elle ajoute :

— Fais le marcher, Guitou!Pompon avance de deux pas, de trois, mais les culottes,

surtout celles de derrière, le chatouillent. Il lève un sabot, puis l'autre. Affolé, il se dresse sur ses pattes de devant pour lancer une ruade.

Crac ! les belles culottes jaunes se déchirent d'un seul coup. Effrayé par le bruit de la déchirure le petit âne part au galop dans le jardin, s'empêtre (5) dans l'étoffe et, finalement, roule à terre, les pattes en l'air, comme un hanneton retourné sur sa carapace. En moins de deux minutes, les culottes ne sont plus que des lambeaux d'étoffe éparpillés sur le sol.

Le petit âne se redresse alors... sans culottes. Il n'a gardé que la toile cirée qui, elle, ne le gêne pas... Et il se met à tirer la langue pour lécher les marguerites.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Cordelette : Petite corde assez mince.(2) Laborieuse : Difficile.(3) Se gendarmer : Se transformer en gendarme, c'est-à-dire se montrer sévère.(4) Rétif : Difficile à conduire : entêté, qui fait le contraire de ce qu'on lui demande.(5) S'empêtre : Les pattes de Pompon sont prises dans l'étoffe, il ne peut plus les sortir.

2. JE DESSINE : par exemple Pompon sur le dos!

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Malgré le froid opiniâtre (1), Pompon se promenait à longueur de journée dans le jardin. Sa toile cirée verte à marguerite le protégeait de la pluie. Il ne rentrait au garage que pour manger son foin et dormir.

En somme, il n'était pas malheureux. Depuis que papa avait ouvert une fenêtre dans la porte du garage, le petit âne pouvait à loisir contempler les étoiles et la lune.

C'était trop beau pour durer. Un jour un gros homme ventru et moustachu se présenta en disant :

— Je suis le propriétaire de cette maison. Qui a percé ce trou dans la porte du garage?

— Moi, dit papa, pour que notre âne ait un peu d'air et de lumière.

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— Vous avez détérioré (2) ma propriété. Un garage n'est pas une écurie.

— Où voulez-vous que nous mettions Pompon, dit maman.

—Cela ne me regarde pas. La place des ânes est à la campagne. Si demain le trou n'est pas obturé (3), vous aurez affaire à moi.

Bien, dit papa, je ferai le nécessaire. Là-dessus, l'homme ventru et moustachu se retira en bougonnant (4).

Quand il fut parti. Finette demanda à son père : • C'est vrai, papa ?... tu vas boucher la fenêtre de Pompon ?

— Tu l'as entendu comme moi, le propriétaire l'exige (5)... Si nous ne faisions pas ce qu'il demande, il serait capable de nous expulser.

— Qu'est-ce que cela veut dire, expulser? demanda Finette.

— Qu'il nous ferait partir d'ici.—Oh! le méchant bonhomme. Je le déteste, fit Guitou. Il

ne comprend rien aux animaux.— Moi aussi, ajouta Finette, je le déteste.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Opiniâtre : Un froid opiniâtre est un froid

qui dure longtemps, comme si le temps ne voulait jamais se radoucir.

(2) Détérioré : Abîmé, causé des dégâts.(3) Obturé : Bouché.(4) En bougonnant : En murmurant des

choses désagréables entre les dents.(5) Exige : Exiger c'est obliger quelqu'un à

faire ce qu'on lui demande.2. JE DESSINE : le propriétaire ventru et

moustachu.

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Le soir même, papa boucha hermétiquement (1) la lucarne ... Et ce qui devait arriver arriva. Privé de l'air frais du dehors et de la pâle lumière de la nuit le petit âne se sentit de nouveau en prison.

Toute la nuit, il donna des coups de sabot à en ébranler les murs. Finette et Guitou ne purent fermer l'œil.

Le lendemain matin, le frère et la sœur se levèrent en bâillant. Ils se seraient volontiers recouchés au lieu d'aller à l'école. Maman s'inquiéta :

— Si Pompon fait ce vacarme (2) toutes les nuits, dit-elle, vous allez tomber malades, mes enfants. Il faut trouver une solution.

Rouvrons la lucarne, dit Finette. Tant pis pour le propriétaire !

— Ou construisons un autre « château » dans le jardin, proposa Guitou.

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Non, objecta (3) papa, ce n'est pas possible. Le propriétaire nous accuserait d'avoir élevé une construction hideuse (4) à ses yeux... Et puis, où se procurer des planches en quantité suffisante? Nous n'avons pas de scierie à proximité (5) comme à Favantines.

- Alors papa? dit Guitou.Laissez-moi réfléchir. En peignant, je trouverai un moyen

de tout arranger. Déjeunez vite, mes enfants, et partez pour l'école !

Quand Guitou et Finette rentrèrent, à midi, papa avait trouvé. Il expliqua :

— Je vais tout simplement installer Pompon au grenier.— Au grenier ? s'exclama Finette... Comment

Pompon y grimpera-t-il? Il a horreur des escaliers et il ne sait pas les redescendre.

— Justement, je vais lui fabriquer un plan incliné (6). Le grenier n'est pas haut. Rien de plus facile... et le propriétaire ne trouvera plus rien à dire.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Hermétiquement : Boucher hermétiquement c'est boucher soigneusement de façon à ce que ni l'air ni la lumière ne puissent pénétrer.(2) Vacarme : Très grand bruit.(3) Objecta : Papa n'est pas d'accord avec la proposition de Guitou.(4) Hideuse : Très laide.(5) A proximité : Tout près, très proche.(6) Plan incliné : Assemblage de planches qui monte en pente vers le grenier.

2. JE DESSINE :

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Le soi-même, le plan incliné était construit. Papa avait trouvé assez de planches pour fabriquer quelque chose de solide qui ne s'effondrerait pas sous le poids de Pompon.

Ainsi, au lieu de rentrer dans son garage, Pompon fut invité à gravir (1) les planches en pente. Tout d'abord, il secoua la tête. Il n'avait pas oublié son aventure de Favantines quand il était monté au premier étage de la maison. Il n'avait pas osé redescendre et papa avait dû lui bander les yeux.

— En somme, se dit Pompon, dans sa tête de petit âne, il n'y a pas de marches. Je ne risque rien.

Hue ! Pompon ! cria Guitou en le poussant.Et c'est ainsi que Pompon pénétra dans le grenier où papa

avait installé son chevalet (2), ses toiles, ses pinceaux et ses flacons de toutes sortes.

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Le petit âne aperçut tout de suite la provision de foin entassée sous les combles (3).

Oh ! Oh ! se dit-il, je vais pouvoir manger à mon aise. C'est le paradis.

Puis, il s'approcha du vasistas (4) et regarda dehors.

— Hi-Han! Comme je suis haut!... Je vois des maisons que je n'apercevais pas par la lucarne de mon garage. Je suis beaucoup mieux ici.

Finette voulut lui enlever son paletot en toile cirée. Pompon refusa. Il n'avait pu supporter les culottes mais il adorait son imperméable.

Le petit âne poussa deux ou trois hi-hans! très puissants, puis se roula dans le foin.

Laissons-le s'endormir, dit papa. Au moins, cette nuit, tout le monde reposera en paix.

Papa se trompait...

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Gravir : Monter, grimper, escalader.(2) Chevalet : Sorte de tréteau utilisé par un peintre pour placer la toile qu'il est en train de peindre.(3) Combles : La partie d'une maison juste sous le toit. On emploie toujours ce mot au pluriel.(4) Vasistas : Petite fenêtre pratiquée dans le toit pour éclairer le grenier.

2. JE DESSINE :

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Ce soir-là, Guitou et Finette se couchèrent de bonne heure pour rattraper le sommeil perdu la veille.

Le frère et la sœur dormaient depuis un moment quand Finette s'éveilla en sursaut (1). Elle entendait du bruit. Ce bruit ne venait pas du garage mais d'en haut.

Écoute, Guitou! Pompon est réveillé. Il marche dans le grenier.

Bah ! il s'est levé pour regarder les étoiles par le vasistas.— Ou il a entendu des souris. Il y a des souris dans le

grenier. Papa en a vu.— Tais-toi, Finette, dit Guitou, grognon (2), laisse-

moi dormir, je meurs de sommeil.Finette resta coite (3) et finit pas se rendormir elle aussi.

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Mais tout à coup, au beau milieu de la nuit un « crac » formidable les réveilla tous les deux. Guitou sentit des plâtras (4) lui tomber sur la tête. Il donna la lumière... et poussa un cri. Le plafond était percé. Une longue patte terminée par un sabot s'agitait au-dessus de lui. Le petit âne avait marché sur une planche pourrie et traversé le plafond.

Le frère et la sœur coururent alerter papa et maman qui avaient entendu, eux aussi. Tous quatre grimpèrent au grenier.

Pompon faisait peine à voir. Il avait beau essayer d'extirper (5) sa patte, il n'y parvenait pas. Il fallut se mettre à quatre pour le tirer de sa fâcheuse position.

Pauvre Pompon ! soupira Finette, en caressant l'étoile blanche de son front, il t'en arrive des malheurs!

— Il n'est pas blessé, c'est l'essentiel, dit papa. Demain, je remplacerai la planche pourrie... Non, pas demain, tout de suite. Guitou et Finette, redescendez vous coucher.

Mais ni Guitou ni Finette ne purent retrouver leur sommeil, cette nuit-là encore.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :

(1} En sursaut : Brutalement, tout à coup , en sortant de son lit. (2) Grognon : Être grognon c'est être de mauvaise humeur et le montrer en poussant des sortes de grognements.(3) Rester coite : Finette ne dit plus un mot. Elle se tait.(4) Plâtras : Débris de plâtre.(5) Extirper : Tirer fortement pour arracher sa patte du trou.

2. JE DESSINE :

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Depuis quelques jours le ciel est uniformément (1) gris, triste et bas. Le méchant hiver est arrivé... Mais l'hiver a tout de même de bons côtés.

Ce matin, en se levant, Finette et Guitou poussent un cri de joie.

— Il neige!...De gros flocons descendent doucement du ciel, sans bruit,

comme pour ne pas se faire remarquer. Le jardin est déjà tout blanc. Guitou et Finette adorent la neige. La dernière, celle de l'hiver précédent, remonte à si loin!

— La neige ! La neige ! clame Finette. Pourvu qu'elle tombe longtemps, que la couche soit bien épaisse!

Folle de joie, elle monte au grenier où le petit âne dort encore.

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— Eh bien! Pompon?... tu n'as pas vu?... Dehors, tout est blanc. C'est la neige !

Le petit âne descend avec précaution le plan incliné mais il s'arrête net au bas des planches. Il a l'air de se dire :

— C'est drôle, je ne reconnais plus rien. Que s'est-il passé pendant que je dormais?

Il avance à pas feutrés (2) dans cette couche immaculée (3). Il constate que ce blanc est très doux sous ses sabots, doux comme un tapis. Alors, il se vautre (4) dans cette blancheur, les pattes en l'air. Guitou et Finette en profitent pour le bombarder de boules de neige. Pompon se remet vivement sur ses pattes, pour esquiver (5) les pelotes blanches.

Vlan! une boule éclate sur son échine (6)... Vlan! une autre sur sa croupe. Vlan ! une autre sur son front. Il secoue les oreilles mais ne paraît pas agacé. Il comprend que c'est un jeu.

Mais tout à coup, Finette se met à pleurer. Elle a l'onglée (7). C'est terrible l'onglée!

— Mets tes gros gants, comme moi, lui conseille son frère.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Uniformément : D'une manière uniforme, c'est-à-dire que le ciel est partout du même gris, sans une tache plus sombre ou plus claire.(2) Feutrés : Des pas qui ne font pas de bruit comme si les sabots de Pompon se posaient sur une étoffe appelée feutre.(3) Immaculée : Sans aucune tache.(4) II se vautre : II se roule avec plaisir dans la neige.(5) Esquiver : Éviter.(6) Échine : Le dos de l'âne.(7) Onglée : Douleur très violente au bout des doigts gelés.

2. JE DESSINE :

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En classe, Guitou et Finette écoutent distraitement les leçons de leurs maîtresses. Ils regardent à chaque instant par la fenêtre.

— Pourvu que la neige ne s'arrête pas de tomber, se répète inlassablement (1 ) Finette.

A midi, quand le frère et la sœur quittent l'école, la couche atteint bien vingt centimètres. Ils s'y enfoncent plus haut que la cheville.

— Rentrons vite chez nous! dit Guitou.Pompon les attend dans le jardin. De temps à autre, il

essaie de happer (2) un gros flocon. Il est tout étonné de constater que celui-ci fond immédiatement sur sa langue.

— Faisons un bonhomme de neige, dit Guitou. Aide-moi, Finette, à rouler d'abord une grosse boule.

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En quelques minutes, la boule est devenue énorme, presque impossible à remuer. Il s'agit à présent d'en faire un bonhomme en tassant encore de la neige sur la boule. C'est fait. Le blanc personnage est aussi haut que Finette.

— Il faudrait lui faire des yeux, dit celle-ci.— Avec des marrons, répond Guitou... et à la place du nez

je vais mettre une pomme de pin.— Oh ! une idée, ajoute Finette, nous allons lui

fixer une des pipes de papa et son grand chapeau de paille.Quel curieux bonhomme! Il n'a pas l'air commode du tout.

Les deux marrons sombres lui donnent un regard perçant. Pompon n'est pas très rassuré. Il a l'air de se dire :

— Qui est cet étranger dans mon jardin? Il me regarde avec de drôles d'yeux. Est-ce que j'aurais fait quelque chose de mal ?

Pris de panique (3), il se met à trembler. Il pousse trois ou quatre hi-hans de peur et s'enfuit vers son grenier pour ne plus en sortir.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Inlassablement : Sans se lasser, sans arrêt, sans cesse.(2) Happer : Saisir vivement avec la bouche ou la gueule.(3) Panique : Très grande peur.

2. JE DESSINE : par exemple le bonhomme de neige.

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Hélas! la neige ne dura pas longtemps. Elle cessa de tomber dès le début de l'après-midi. En quelques heures, la belle couche blanche fondit en un véritable bourbier (1).

Là-dessus, un froid de nouveau très vif sévit (2) sur la ville. L'eau produite par la fonte de la neige se transforma en glace. Dans le jardin, une longue flaque se mua (3) en patinoire.

— Quelle chance! dit Guitou. Nous allons pouvoir glisser. La flaque avait bien une dizaine de mètres de long. C'était

suffisant.— Attention! dit Guitou.Il prit son élan et, comme une flèche, sans tomber,

traversa de bout en bout la patinoire improvisée (4).— A mon tour, dit Finette, en prenant du recul sur la

terre ferme.

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Mais à peine eut-elle un pied sur la glace qu'elle tomba sur le derrière et c'est dans cette position qu'elle atteignit le bout de la patinoire.

Du coup. Pompon lança un formidable hi-han ! comme s'il se moquait d'elle.

Le petit âne, lui aussi, était tenté par cette surface lisse et brillante.

Non, Pompon, ne t'avance pas ! Tu ne te souviens donc pas des patins à roulettes?

Rien n'y fit. Pompon n'était pas un âne pour rien. Quand il avait une idée, elle lui sortait difficilement de la tête.

Tout à coup, lui aussi prit son élan. Guitou et Finette se précipitèrent pour se cramponner à sa queue et le retenir. Trop tard!

A peine toucha-t-il la glace qu'il dégringola, entraînant dans sa chute Guitou et Finette... Décidément, Pompon n'était pas doué (5) pour le patinage. Il faudrait lui trouver un autre sport...

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Bourbier : La neige fondue mélangée à la terre, forme une sorte de boue où les pieds s'enfoncent.(2) Sévit : Le froid devient très vif comme s'il voulait punir la ville.(3) Se mua : Se transforma.(4) Improvisée : La patinoire n'a pas été faite pour glisser. C'est simplement une grande flaque d'eau gelée.(5) Doué : Être doué c'est avoir toutes les qualités pour faire un métier ou pratiquer un sport. Pompon n'a pas de qualités pour le patinage.

2. JE DESSINE

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On était à la mi-décembre. Noël approchait. A l'école, on ne pensait qu'à la fête qui aurait lieu le dernier dimanche avant les vacances.

Pour cette fête, les enfants préparaient des numéros (1). Ces numéros seraient présentés sur une estrade dressée dans le gymnase (2).

Un jour, la maîtresse de Finette proposa à sa classe :— Pour que la fête soit plus réussie, vous devriez

demander à vos mamans de vous costumer... Par exemple si l'un d'entre vous a une grand-mère lorraine, il se déguisera en Lorrain. Si vous êtes d'origine bretonne, vous vous habillerez en Breton ou Bretonne. Avez-vous compris ?

— Oui, dit Finette en levant la main. Ma grand-mère à moi est normande. Est-ce que je pourrais m'habiller en Normande ?

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— Bien sûr.— Et mon frère aussi, en Normand? N'avez-vous

pas la même grand-mère?En rentrant à la maison, Finette répéta aussitôt ce qu'on lui

avait dit.Bonne idée, en effet, approuva maman. Je vais d'abord

confectionner une coiffe blanche, pour toi, Finette, et un bonnet de coton à pompon pour ton frère. Nous nous occuperons du costume ensuite.

Et maman ajouta :— Autrefois, votre arrière-grand-mère allait traire ses

vaches en costume, avec sa coiffe. Elle se juchait (3) sur un petit âne gris qui portait les cruches de cuivre de chaque côté, sur les flancs (4).

— Un âne? s'exclama Guitou. Elle montait sur un âne?... Un vrai âne comme Pompon?

Maman comprit qu'elle aurait mieux fait de se taire; mais c'était trop tard.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Numéro : Un exercice, une petite scène.(2) Gymnase : Une grande salle couverte où on fait de la gymnastique et d'autres sports.(3) Se jucher : Se percher, se hisser, monter.(4) Les flancs : Ce sont les côtés du ventre de Pompon.

2. JE DESSINE :

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Non, maman n'avait pas pensé qu'en parlant de l'âne de l'arrière-grand-mère une idée viendrait à Guitou.

Quand celui-ci fut seul, avec Finette, il proposa :— Le jour de la fête, nous grimperons sur le dos de

Pompon. Ainsi, nous aurons l'air de vrais Normands.— Oh ! protesta Finette. Jamais maman ne voudra. — Pour la fête de l'école, tout est permis. Tu verras,

maman sera très fière, au contraire.Le grand jour fut vite là. Naturellement les parents étaient

invités à voir évoluer (1) leurs enfants sur l'estrade. Papa avait décidé d'accompagner maman.

— Nous finirons de nous habiller seuls, dit Guitou. Partez les premiers, papa et maman. Il n'y aura peut-être pas de place pour tout le monde.

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Maman ne comprit pas pourquoi Guitou était si pressé de les voir partir. Restés seuls, les deux enfants firent sortir l'âne du jardin. Puis ils sautèrent sur son dos, Guitou devant, Finette sur la croupe.

Cependant, sur le trottoir, Pompon hésita. Il regarda ses sabots. Non, il n'avait pas de patins à roulettes. Alors, il descendit d'un pas léger la rue des Ouistitis. Il arriva ainsi devant l'école.

Les portes du gymnase étaient ouvertes. Sans hésiter, il s’engouffra (2) dans la vaste salle. Aussitôt des dizaines de voix d'enfants s'écrièrent :

— Un âne!... Un âne!...Sans se soucier (3) de ces cris, Pompon suivit l'allée

centrale et grimpa sur l'estrade. A ce moment, une maîtresse mit en marche un tourne-disques. Les flons-flons (4) d'une valse emplirent le gymnase. Séduit par cette musique, Pompon se mit à tourner en balançant la tête. Il faisait son numéro. Dans la salle ce fut du délire (5), les applaudissements éclatèrent.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Évoluer : Se déplacer d'une certaine façon, par exemple en exécutant

des pas de danse.(2) S'engouffra : Pompon entra très vite dans la salle, comme s'il tombait

dans un gouffre.(3) Sans se soucier : Sans se faire de souci, sans s'inquiéter, sans penser

que c'était peut-être mal.(4) Flons-flons : Des refrains, des airs qui reviennent sans cesse, toujours

les mêmes.(5) Délire : Les enfants sont si heureux qu'ils ne savent plus comment

montrer leur joie. Ils disent et font n'importe quoi.

2. JE DESSINE :

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La valse terminée. Pompon continua à se trémousser (1) sur l'estrade comme s'il attendait un autre air.

— Ah ! non, dit Guitou. Ton numéro est terminé.Il eut toutes les peines du monde à le faire

descendre pour le conduire au fond de la salle.Reste-là et tiens-toi tranquille! dit Finette en

sautant à terre en même temps que son frère.Pour plus de sécurité, elle attacha le petit âne à un

pilier. Puis, elle courut vers la scène, car c'était à son tour de danser, le ballet (2) des libellules.

Vraiment, la fête était réussie. Parents et enfants étaient ravis. Après un dernier disque, une maîtresse annonça :

- A présent, nous allons distribuer les goûters. Chacun aura droit à un petit pain au chocolat, un sac de

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papillotes et une orange. Les paniers sont au fond de la salle.

Tous les enfants se retournèrent pour apercevoir les paniers de friandises (3)... et que découvrirent-ils?

Finette avait mal noué la corde de Pompon. Le petit âne s'était détaché. Le nez dans les corbeilles, il se régalait de petits pains, de papillotes, qu'il croquait avec le papier, et d'oranges qu'il mangeait avec leur peau.

Guitou et Finette se précipitèrent pour le gronder.— Oh ! Pompon ! qu'as-tu fait ? Tu as encore les babines

(4) pleines de chocolat. Tu mériterais une bonne correction. Que va dire la maîtresse?

Non, la maîtresse se contenta de sourire.— Bah ! dit-elle, le dommage n'est pas grand.

Après tout, ce petit âne n'a-t-il pas droit au goûter puisqu'il a fait son numéro?...

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Se trémousser : Se donner du mouvement, s'agiter, remuer en cadence, c'est-à-dire en mesure.(2) Un ballet : Un ballet est une danse groupant plusieurs danseuses qui exécutent les mêmes mouvements. (Ne pas confondre avec balai pour balayer le plancher.)(3) Friandises : Petites choses bonnes à manger, gâteaux, bonbons, chocolats, etc.(4) Babines : Les babines sont les lèvres d'un animal.

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2. JE DESSINE :

Les fêtes sont passées. La vie a repris son cours habituel. A la maison, maman fait la cuisine et tricote. Au grenier papa continue de peindre de beaux tableaux... mais il ne siffle plus en travaillant.

Il n'est pas très satisfait de son exposition. Jusqu'à présent, il n'a trouvé que quatre acquéreurs (1) pour ses toiles. Pourtant il faut bien vivre, acheter de la nourriture, payer le loyer (2), fournir du foin à Pompon qui a toujours bon appétit.

Aujourd'hui, dimanche, papa décide d'aller à la campagne chercher du .fourrage pour le petit âne. Il accroche la remorque à la cinq-chevaux et en route.

Pour Guitou et Finette ces sorties à la campagne sont presque une fête. A la ferme où papa s'approvisionne, ils voient

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toutes sortes d'animaux : des moutons, des chèvres, des porcs, des lapins, des poules, des pigeons, etc...

Cependant, aujourd'hui, ils éprouvent une grosse déception (3).

— Je n'ai plus de foin à vendre, déclare le fermier. Il m'en reste juste assez pour mes propres bêtes. Cet hiver est trop rude.

Papa insiste. Finalement, le fermier se laisse fléchir (4)... mais en vendant son foin beaucoup plus cher que les autres fois.

Rentrée à la maison, maman s'inquiète. Le soir, de leur chambre, Guitou et Finette entendent leurs parents discuter, de l'autre côté de la cloison.

- Je l'avais bien dit, répète maman, Pompon nous ruine. Je ne peux pourtant pas priver les enfants pour lui. Il faut s'en débarrasser... ou rentrer dès maintenant à Favantines. Tant pis pour l'exposition.

Guitou et Finette se regardent, navrés (5) de voir papa et maman dans l'embarras. Comment s'arranger pour que Pompon ne coûte plus rien à nourrir?

— J'ai une idée! dit soudain Guitou.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Acquéreurs : Acheteurs.(2) Loyer : La somme que l'on paie, chaque mois, pour occuper une maison qui ne nous appartient pas.

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(3) Déception : Chagrin de voir que ce qu'on espérait ne s'est pas réalisé.(4) Fléchir : Finir par céder, par accepter ce qu'on nous demande.(5) Navrés : Très ennuyés, très tristes.

2. JE DESSINE :

— Une idée? répéta Finette. Dis vite!— Souviens-toi du jour de la fête de l'école. Tes

camarades voulaient tous grimper sur le dos de Pompon.— C'est vrai !... Alors?— Les jours de congé, et pendant les vacances, nous

pourrions conduire Pompon dans le jardin public. Tes camarades viendraient, les miens aussi. Nous les promènerions, à califourchon sur le petit âne.

— Et nous les ferions payer pour acheter du foin?— Non, Finette, nous ne leur demanderions pas

d'argent. Ils apporteraient seulement, de quoi nourrir

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Pompon, par exemple, des feuilles de salade, des fanes (1) de carottes, des épluchures de pommes de terre. Pompon n'est pas difficile, il mange de tout.

— Oh ! oui, s'écria Finette... mais crois-tu que maman permettra ?

— Elle aime bien Pompon. Elle serait aussi ennuyée que nous si nous devions le vendre.

Alors, un jour, tandis que papa peignait dans le grenier, Guitou et Finette s'approchèrent de maman. Ils lui exposèrent (2) leur projet.

— Hélas! répondit maman; hors du jardin. Pompon ne commet (3) que des sottises.

— Je te jure, maman, insista Gutiou, qu'avec nous Pompon sera sage. Il adore porter quelqu'un sur son dos. Cela le distrairait. Il s'ennuie... et nous aussi. La banlieue d'une ville n'est pas gaie l'hiver.

Maman réfléchit.— C'est bien, dit-elle, j'en parlerai à papa. En attendant

préparez-vous pour l'école. Il est temps de partir.Le frère et la sœur s'en allèrent le long de la rue des

Ouistitis, se demandant ce que dirait papa.— Je suis sûre qu'il acceptera, dit Finette. Il voit bien,

comme nous, que Pompon a maigri.

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1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1 ) Fanes : Les fanes de carottes sont les feuilles vertes des carottes qui se fanent très vite.(2) Exposèrent : Ils expliquèrent à maman, en donnant des détails.(3) Commet : Fait.

2. JE DESSINE :

Papa avait accepté. Le jour même, Guitou et Finette annoncèrent dans leurs classes que, le dimanche suivant, ils emmèneraient Pompon dans le jardin public.

— Tous ceux qui voudront monter sur son dos, pourront faire le tour du jardin.

Est-ce qu'il faudra payer? demanda un camarade de Guitou. Je n'ai plus rien dans ma tirelire.

Non, ce sera gratuit... mais tu diras à ta maman qu'au lieu de jeter les feuilles fanées de salade, les épluchures de légumes, elle te les donne pour Pompon. Papa ne trouve plus rien pour le nourrir.

Par chance, le dimanche suivant fut magnifique. Il avait gelé dans la nuit, mais le ciel était clair et le soleil déjà tiède (1).

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Guitou et Finette n'avaient compté que sur quelques amateurs (2), une demi-douzaine tout au plus... Il en vint plus de cinquante.

Beaucoup étaient accompagnés de leurs parents. Tous apportaient quelque chose pour le petit âne... et pas seulement des épluchures.

Le fils d'un marchand de primeurs remit à Finette un panier entier d'artichauts quelque peu défraîchis, certes, mais comestibles (3).

La nièce (4) d'un boulanger offrit à Guitou deux gros pains rassis (5) en demandant si Pompon aimait le pain.

Quant aux épluchures de légumes, il y eut vite de quoi en emplir un sac.

Seul, un petit garçon de cinq ans n'avait rien à donner. Il avait l'air très malheureux. En tout et pour tout, il ne possédait que le bonbon qu'il suçait. Timidement, il le sortit de sa bouche en disant.

— Est-ce que Pompon aime les bonbons?Pourquoi pas, dit Finette... mais garde-le pour toi.

Viens, tu seras le premier à grimper sur le petit âne.Et c'est ainsi que commença le nouveau métier de

Pompon.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Tiède : Légèrement chaud.(2) Amateurs : Un amateur est celui qui se passionne pour quelque chose, qui a une distraction préférée.

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(3) Comestibles : Bons à manger. Qui ne risquent pas d'empoisonner.(4) Nièce : La nièce du boulanger est la fille du frère ou de la sœur du boulanger.(5) Rassis : Qui n'est plus frais. Du pain que le boulanger ne peut plus vendre parce qu'il a été fait depuis trop longtemps.

2. JE DESSINE :

Ce mois de janvier est exceptionnel (1 ). On ne se croirait pas au cœur de l'hiver. Chaque jour de congé, Guitou et Finette peuvent emmener Pompon dans le jardin public.

Les enfants l'attendent avec impatience. Ils sont si nombreux que, parfois, Guitou est obligé de jucher deux ou trois bambins sur le petit âne. Pompon ne proteste pas. Il semble comprendre qu'il doit gagner sa nourriture.

Les plus grands ne sont pas les moins acharnés (2) à vouloir le chevaucher. Jojo par exemple. Ah ! ce Jojo au nez en trompette! Pourquoi veut-il toujours faire le malin?

- J'ai apporté deux grosses salades, dit-il, j'ai droit à deux tours de jardin... mais pas seulement au pas, au galop.

Pourquoi as-tu coupé cette badine? lui demande Guitou.

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Page 91: Bonzon J-P Ponpon à la Ville

— Euh!... pour le faire aller plus vite.— Méfie-toi. Tu le sais. Pompon n'aime pas être brutalisé.

— Bah ! dit Jojo, on verra bien.Lestement, il saute sur le dos de Pompon et le fouette de

sa badine.— Au galop!....Le petit âne a compris que ce cavalier est plus exigeant

(3) que les autres. Cependant, il part à toute allure. Encore plus vite. Pompon I...

Le petit âne, n'aime pas ces caresses brutales de la badine. Comment se débarrasser de ce cavalier. Bien sûr, il pourrait s'arrêter brutalement et projeter Jojo en avant. Non, il a trouvé mieux pour le désarçonner (4). Soudain, il avise une haie épaisse. Il fonce à travers, tête baissée... et Jojo reste pris dans les branchages.

— Aïe! Aïe ! Aïe !...Guitou et Finette accourent. Ils retirent Jojo à grand peine.

Des épines sont enfoncées partout dans sa peau. Il faut les retirer une à une et cela fait mal.

— C'est ta faute, dit Guitou; tu étais prévenu.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Exceptionnel : Qui n'est pas comme les autres. Qui fait exception. Ce mois de janvier est plus beau que les années passées.(2) Acharnés : Les enfants ont une envie folle de monter sur Pompon. On pourrait dire aussi qu'ifs sont « enragés ».(3) Exigeant : Quelqu’un d'exigeant est quelqu'un qui demande beaucoup. Jojo demande beaucoup à Pompon.

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(4) Désarçonner : Jeter à terre, en parlant d'un cheval ou d'un âne.

2. JE DESSINE :

Depuis que Guitou et Finette amènent Pompon dans le jardin public, ils remarquent une petite fille très blonde et très timide, toujours accompagnée de son grand-père.

Elle brûle d'envie de grimper sur Pompon, mais elle n'ose pas et en est toute contrite (1). Elle se contente de regarder les autres se promener sur les allées. Elle s'appelle Églantine et n'a que quatre ans.

Bien des fois, Guitou a insisté pour lui faire faire un tour de jardin, avec lui, en la tenant solidement. Elle a toujours refusé.

Non, non, j'ai trop peur!Aujourd'hui, le grand-père semble s'intéresser

particulièrement à Pompon. Ne voilà-t-il pas qu'il mesure le petit âne avec un mètre pliant. Quelle idée !...

Mais Guitou et Finette ne tarderont pas à comprendre,

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En effet, quelques jours plus tard, le grand-père reparaît avec sa petite fille. Il dit à Guitou et à Finette :

Quand vous aurez fini de promener tous ces bambins (2), vous viendrez chez moi... avec Pompon.

— Chez vous?- Je reste ici à vous attendre, avec Églantine. Le

soir venu, Guitou et Finette, montés sur leur âne, suivent donc le grand-père. Ils arrivent ainsi dans une cour. Oh ! Quelle surprise!

— Oui, dit le grand-père, une surprise! Je suis menuisier de mon état (3). J'ai fabriqué cette charrette anglaise (4) pour Pompon. Ainsi, le petit âne pourra promener Églantine et les autres enfants qui n'osent pas encore grimper sur son dos.

Quelle merveille ! cette charrette anglaise, avec ses vraies roues en bois, à rayons et gros moyeu (5), ses deux bancs! Guitou et Finette restent confondus... mais Églantine, elle, a le sourire.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Contrite : Très ennuyée, contrariée.(2) Bambins : Enfants très jeunes qui sont presque encore des bébés.(3) État : Ici ce mot veut dire métier, profession.(4) Charrette anglaise : Voiture légère à deux grandes roues avec deux sièges; l'un tourné vers l'avant, l'autre vers l'arrière.(5) Moyeu : Le moyeu est la pièce de bois ronde au centre de la roue, sur laquelle s'attachent les rayons.

2. JE DESSINE

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La charrette anglaise mit tous les enfants du quartier en joie. Il en vint même de partout. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre qu'un petit âne gris promenait les écoliers dans une charrette, les jours de congé.

Jamais, Pompon ne fut aussi bien nourri. On lui apportait de tout... et il mangeait tout. On ne voyait plus ses côtes comme auparavant. Il prenait même de l'embonpoint (1).

Hélas! c'était trop beau pour durer. Après un mois de janvier très clément (2), le temps se remit au froid, à l'humidité, à la neige, au brouillard.

Finies les sorties dans le jardin public ! Pompon fut de nouveau condamné à tourner en rond dans son étroit jardin pour se réchauffer,

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Page 95: Bonzon J-P Ponpon à la Ville

— Pompon s'ennuie, dit Finette à son frère. Comment le distraire?

Bah ! répondit Guitou, le beau temps reviendra. Or, un matin qu'ils s'étaient levés tard parce que c'était jour de congé, Guitou et Finette constatèrent que le petit âne n'était pas dans le jardin.

— II dort peut-être encore, dit Finette. Montons au grenier. Pompon n'était pas non plus là-haut.

— Oh! regarde. Finette, s'écria soudain Guitou. Il a fait un trou dans la palissade. Il s'est sauvé.

Ils parcoururent la rue d'un bout à l'autre, descendirent jusqu'au carrefour qu'il avait traversé avec ses patins. Pas de petit âne !

— Je parie, dit Finette, qu'il est retourné au jardin public. Il connaît le chemin par cœur.

Le frère et la sœur coururent jusque là. Pas de Pompon dans le parc, où le verglas (3) avait rendu les allées glissantes.

— Rentrons vite prévenir papa, dit Finette.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Embonpoint : Avoir de l'embonpoint c'est être gros. Pompon commençait à avoir un gros ventre.(2) Clément : Doux, agréable. Un temps clément est un temps sans trop de froid ni de pluie.(3) Verglas : Glace produite par le brouillard qui gèle en se déposant sur le sol.

2 . JE DESSINE :

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Ils allaient sortir du jardin public quand Guitou crut entendre un drôle de bruit derrière une haie de troènes (1). Il contourna cette haie et découvrit le petit âne étendu au pied des feuillages.

— Pompon! Que fais-tu là? Pourquoi restes-tu couché sur la terre glacée?

— Il a l'air malade, dit Finette. Il a pris froid.D'une voix douce, Finette l'encouragea à se lever.

Pompon ne bougea pas. Cependant, au bout de quelques instants, pour faire plaisir à ses maîtres, Pompon fit un effort. Il ne réussit qu'à lever son arrière-train (2).

- Oh! regarde, Guitou, s'écria Finette, une de ses pattes de devant est enflée, celle de droite. Il ne peut pas s'appuyer dessus. Il a dû glisser sur le verglas. Pauvre Pompon!

- Va vite chercher papa, dit Guitou. Moi, je reste auprès de lui.

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Papa abandonna ses pinceaux et accourut. Il tâta la patte blessée. Le petit âne poussa un cri de douleur.

- Probablement une fracture (3), dit papa. Restez là, mes enfants, je vais téléphoner à un vétérinaire.

Papa repartit en courant. Il resta longtemps absent... si longtemps que Finette crut que son père, lui aussi avait glissé sur le verglas.

Enfin, il reparut en annonçant :- Les deux premiers vétérinaires avec lesquels j'ai pris

contact (4) ne consentent pas à se déplacer. Ce sont des vétérinaires de ville. Ils ne soignent que les chiens, les chats et autres petits animaux.

- Alors, s'inquiéta Guitou, qu'allons-nous faire? — Heureusement, le troisième, a naguère (5) travaillé à la campagne, il va arriver.

- Tu crois, papa, demanda Finette qu'il faudra couper la patte de Pompon?

Papa ne répondit pas et Finette sortit son mouchoir pour essuyer une larme.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Troènes : Arbustes utilisés pour faire des haies et dont certaines espèces gardent leurs feuilles toute l'année.(2) Arrière-train : La partie arrière du corps de Pompon, c'est-à-dire la croupe et les deux pattes de derrière.(3) Fracture : Brisure d'un os à cause d'un choc.(4) Contract : Papa avait pris contact avec des vétérinaires, c'est-à-dire qu'il leur avait parlé.(5) Naguère : Autrefois, il y a un certain temps.

2. JE DESSINE :

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Page 98: Bonzon J-P Ponpon à la Ville

Enfin, voici le vétérinaire. Il se penche sur Pompon et examine la patte blessée.

- Non, dit-il, pas de fracture ouverte, une fêlure du métacarpe (1).

- C'est plus grave? demande Finette. - Au contraire... mais tout de même sérieux. Pour

commencer, il faudrait transporter ce petit âne, bien au chaud, dans son écurie.

- Il n'a pas d'écurie, dit Guitou. Il couche dans le grenier de la maison.

- Dans le grenier! Comment le hisser là-haut? Malgré sa petite taille, il pèse au moins deux cents kilos. Tous réfléchissent. Soudain, Guitou s'exclame :

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Page 99: Bonzon J-P Ponpon à la Ville

- Écoutez! De l'autre côté du jardin, des ouvriers sont en train de creuser la terre pour construire une maison. Vous entendez ronfler leur bulldozer?... Si on leur demandait de transporter Pompon avec leur engin ?

- Excellente idée ! approuve le vétérinaire.Quelques instants plus tard, le bulldozer est là.- Attendez, dit le vétérinaire. Avant de déposer l'âne dans

la benne (2), je vais lui placer des attelles pour qu'il ne souffre pas pendant le transport.

- Des attelles? demande Finette; qu'est-ce que c'est?— Tu vas voir.Le vétérinaire coupe deux solides branches de troènes. Il

les place de chaque côté de la partie blessée et les fixe solidement avec des bouts de corde. Ainsi la patte est parfaitement immobilisée.

Ensuite, les deux ouvriers, papa et le vétérinaire soulèvent délicatement Pompon pour le placer dans la large pelle... Et voilà le petit âne soulevé dans les airs. Guitou et Finette ne peuvent s'empêcher de rire. Pompon a l'air si drôle, dans la benne. Peut-être se croit-il dans un ascenseur?

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Fêlure du métacarpe : Une fêlure est une fissure, une fente produite dans l'os. Le métacarpe est la partie de la patte située entre le genou et le boulet, c'est-à-dire la partie renflée au-dessus du sabot.(2) Benne : Partie creuse du bulldozer, qui sert à recueillir la terre arrachée au sot.2. JE DESSINE :97

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L'énorme bulldozer vient de déposer Pompon à l'entrée de son grenier. Le petit âne paraît soulagé de se retrouver chez lui. Il cesse de grelotter.

— Qu'allez-vous lui faire, à présent ? demande Guitou au vétérinaire.

— Je vais repartir chez moi chercher le nécessaire, c'est-à-dire du plâtre, de la toile et une scie.

En entendant parler de scie, Finette sent son cœur battre à grands coups.

— Oh! Vous allez lui couper la patte?— Non, ma petite. On ne coupe jamais la patte

d'un cheval ou d'un âne. Quand la blessure est trop grave, il faut abattre l'animal.

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— Vous... vous voulez dire qu'on le tue?— Hélas! Il faut s'y résigner (1)... mais ce n'est pas le

cas de votre Pompon. A mon retour, je vais lui fabriquer un plâtre qui immobilisera la patte plus sérieusement que ces bouts de bois provisoires (2).

Une demi-heure plus tard, le vétérinaire est de retour. Il réclame de l'eau pour diluer (3) le plâtre. Il fabrique une sorte de bouillie qu'il colle autour de la patte blessée. Pour faire adhérer (4) ce plâtre, il se sert d'une bande de toile. Puis, l'opération terminée, il coupe les bouts qui dépassent avec sa scie.

- Voilà, dit-il, c'est fait. Dans deux heures le plâtre aura pris. Il sera dur comme de la pierre.

Et Pompon pourra se lever?- II tiendra debout, mais qu'il ne quitte pas son grenier. Je

reviendrai dans trois semaines lui enlever cette gaine (5).- Dans trois semaines! soupire Finette. Pas avant? Oh!

qu'il va s'ennuyer!...

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Se résigner : C'est finir par accepter quelque chose qu'on ne désirait pas voir arriver.(2) Provisoire : Qui n'est pas fait pour durer. On a posé des attelles à Pompon en attendant de fixer un plâtre.(3) Diluer : Mélanger dans un liquide, dans de l'eau.(4) Adhérer : Fixer en collant bien faire tenir.(5) Gaine : Enveloppe rigide.

2. JE DESSINE :

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Les premiers jours, Pompon resta sagement couché sur sa litière. Il regardait son plâtre obstinément (1) avec l'air de se dire :

— Qu'est-ce que j'ai à la patte ? Pourquoi est-elle si lourde?

Enfin, il se décida à se lever et constata qu'il ne souffrait pas. Du coup, il redevint tout guilleret (2).

Par exemple, il ne comprit pas pourquoi on le maintenait enfermé. Il voulait sortir. Il frotta sa tête contre la porte du grenier pour soulever le loquet (3).

— Non, Pompon, pas encore, dirent Guitou et Finette. Attends la permission du vétérinaire.

Il arriva alors une chose curieuse. Ainsi cloîtré (4), le petit âne prit l'habitude de dormir pendant le jour et de rester éveillé la nuit.

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Le soir venu, il quittait sa litière et déambulait (5) dans le grenier. Les premières fois, il se contenta de marcher à petits pas sans faire trop de bruit mais bientôt il s'énerva. Dans leur chambre, Guitou et Finette entendaient de sourds martèlements (6) au-dessus d'eux.

Les enfants se gardèrent bien de dire à papa et à maman que le petit âne les empêchait de dormir. Mais une nuit. Pompon se livra à une telle sarabande (7) que la maison sembla s'effondrer... Et il poussa de si tonitruants (8) hi-hans que tout le quartier fut ameuté.

Le lendemain, les voisins affluèrent.- Si ce vacarme se reproduit la nuit prochaine, dit un

grincheux, je me plaindrai à la police.Moi, dit une femme, j'avertirai le propriétaire de cette

maison. Il vous fera déguerpir (9) avec votre bourricot.Finette et Guitou comprirent que ce remue-ménage de

Pompon ne pouvait pas durer. Il fallait trouver une solution... mais laquelle?

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Obstinément : Pompon regardait sans cesse son plâtre. Il ne le quittait pas des yeux.(2) Guilleret : Tout gai, joyeux.(3) Loquet : Pièce de bois qui se soulève pour l'ouverture d'une porte.(4) Cloîtré : Enfermé sans pouvoir sortir, comme un moine dans un cloître ou un monastère.(5) Déambulait : Pompon se promenait, au hasard, dans le grenier.(6) Martèlements : Coups répétés qui ressemblent à ceux produits par un marteau.(7) Sarabande : Danse agitée, endiablée, bruyante.(8) Tonitruants : Aussi bruyants que des coups de tonnerre.(9) Déguerpir : Partir rapidement parce qu'on est chassé de sa maison.

2. JE DESSINE :

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Toute la journée, Guitou et Finette se demandèrent comment empêcher Pompon de s'agiter la nuit et surtout de braire. Maman proposa une solution.

— Ce soir, on devrait lui administrer (1) un somnifère (2).— D'accord, approuva papa, mais comment lui faire

avaler le comprimé ?. D'ailleurs, un seul comprimé suffirait-il ?

Et il ajouta :— Rassurez-vous, le ciel est en train de se découvrir.

Tout à l'heure, la lune se montrera. Pompon passera son temps à la regarder, par le vasistas.

Guitou et Finette se couchèrent inquiets. Tout d'abord, au début de la nuit, Pompon se tint tranquille. Il devait contempler la lune. Puis les enfants l'entendirent aller et venir, au-dessus d'eux. Finalement, le petit âne recommença sa sarabande en poussant des hi-hans à faire trembler les vitres.

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— Levons-nous vite, dit Guitou et montons sans bruit au grenier.

Ils jetèrent leur manteau sur leurs épaules et grimpèrent sous les combles. Ravi de voir ses petits maîtres, Pompon se calma un peu... mais pas pour longtemps. Ayant dormi tout le jour, il avait de l'énergie (3) à dépenser.

Pour l'apaiser, Finette se mit alors à chanter. Elle avait une jolie petite voix. Pompon fut charmé. Cependant Finette ne pouvait pas passer toute sa nuit à fredonner (4) des chansons. Elle tombait de sommeil.

Guitou chanta à son tour... mais lui aussi avait envie de dormir. Soudain, il posa la main sur le bras de sa sœur.

— Encore une idée, Finette!Il descendit dans la maison et revint avec le transistor qu'il

avait eu pour Noël. Il tourna le bouton. L'effet fut immédiat. Le petit âne tendit les oreilles pour mieux écouter. Puis, bercé par la musique, il se recoucha et s'endormit.

— Redescendons sans bruit, dit Guitou. Nous aussi, nous allons passer une bonne nuit.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Administrer ; Dans la lecture ce mot signifie : donner, faire avaler.(2) Un somnifère : Un médicament qui donne sommeil.(3) Énergie : De la vigueur, de la force.(4) Fredonner : Chanter doucement du bout des lèvres.

2. JE DESSINE :

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Enfin, les trois semaines sont écoulées (1 ). Un matin, en rentrant de l'école, Guitou et Finette sont tout surpris d'apercevoir Pompon dans le jardin. Sa patte avant-droite ne porte plus de plâtre.

- Oui, explique maman, le vétérinaire est revenu pendant votre absence. Il a coupé le plâtre avec sa scie.

- Il a dit que Pompon était guéri?- Presque. Pompon peut se promener à sa guise...

Cependant, il ne lui est encore pas permis de porter quelqu'un sur son dos ou de traîner la charrette anglaise.

— Quand pourra-t-il retourner dans le jardin public?

— Pas avant quinze jours, quand sa patte sera consolidée (2).

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Et maman ajoute :- De toute façon, le temps est si maussade (3) que le parc

est désert.Peu importe. Pompon est guéri. Fous de joie, Guitou et

Finette l'embrassent sur le front. Mais pourquoi maman n'est-elle pas aussi joyeuse qu'eux?

- Qu'as-tu maman ? demande Finette. Tu n'es pas contente de voir Pompon dans le jardin ? Maman pousse un soupir.

Hélas! mes enfants. Votre papa et moi, nous avons beaucoup de soucis en ce moment. Il a fallu payer le vétérinaire... et puis Pompon a épuisé sa nourriture. Nous devrons de nouveau lui acheter du fourrage, en attendant que vos camarades lui apportent de quoi manger.

- Oh! demande vivement Guitou, nous ne serons pas obligés de le vendre?

- Justement, répond maman, ce matin un chiffonnier est passé, avec sa voiture à bras (4). Il a remarqué Pompon dans le jardin. Il a demandé s'il était à vendre. Je lui ai dit : non... Mais il repassera dans quelques jours,

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Écoulées : Terminées, finies, passées.(2) Consolidée : Rendue de nouveau solide.(3) Maussade : Un temps maussade est un temps désagréable, triste.(4) Voiture à bras : Petite voiture à brancards qu'on pousse avec les bras.

2. JE DESSINNE

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Depuis le jour où maman a parlé du chiffonnier, Guitou et Finette vivent dans la terreur (1) de voir reparaître l'homme à la voiture à bras.

Chaque midi et chaque soir, ils rentrent vite de l'école pour s'assurer que Pompon est toujours dans le jardin. Maman voit bien qu'ils sont inquiets, mais elle ne dit rien. Elle explique seulement :

— Bien sûr, vous auriez beaucoup de chagrin... Moi aussi. Mais les toiles de papa ne se vendent pas très bien. J'ai du mal à joindre les deux bouts.

— Qu'est-ce que cela veut dire : « joindre les deux bouts» demande Finette.

— Que nous manquons d'argent, à la fin du mois. Guitou et Finette proposent à maman de vider leurs tirelires mais ils ne sont pas riches, eux non plus.

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Or, un matin de congé, le frère et la sœur jouent dans la rue quand ils aperçoivent le chiffonnier, avec sa barbe noire, ses cheveux en broussaille (2). Maman est sortie faire des provisions. Une idée vient à Finette.

— Si on disait que Pompon est déjà vendu?— Non, répond Guitou, ce serait un mensonge.— Alors, expliquons que Pompon s'est blessé, qu'il

n'a pas la patte solide. Ce n'est pas mentir, n'est-ce pas?Le chiffonnier s'est arrêté pour souffler. Guitou et Finette

s'approchent, avec crainte. Cet homme barbu leur fait peur. Vous... vous venez acheter Pompon ? bredouille (3) Guitou. Il n'est pas à vendre.

L'homme sourit.— Je sais, dit-il. Je viens de rencontrer votre

maman. Elle m'a dit que ses enfants y tenaient trop... et elle aussi. Tant pis! Je continuerai de pousser ma charrette à bras.

Tandis que le chiffonnier se remet en route, Guitou et Finette poussent un soupir de soulagement.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Terreur : Grande peur; grande crainte,(2) Broussaille : Les cheveux du chiffonnier sont mal peignés en désordre, comme les branches d'un arbuste.(3) Bredouille : Guitou n'arrive pas à prononcer correctement ce qu'il veut dire. Il bafouille.

2. JE DESSINE :

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Ainsi, pour faire plaisir à ses enfants, maman avait définitivement renoncé à se séparer de Pompon. Elle ne se doutait pas que le petit âne allait la remercier, à sa façon. Comment aurait-elle pu penser que Pompon lui permettrait de joindre les deux bouts comme elle disait?

En effet, après chaque séance de travail, papa rangeait soigneusement son attirail (1) de peintre dans le grenier. Il n'oubliait pas qu'un jour Pompon avait failli s'empoisonner en dégustant (2) la peinture déposée sur la palette.

Or, un soir, papa omit (3) de mettre à l'abri la toile qu'il était en train de peindre. Le tableau représentait une vue de la rue des Ouistitis avec ses hauts immeubles.

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Quelle surprise, le matin, pour les enfants, en montant chercher le petit âne dans le grenier! Pompon n'avait pas seulement passé sa nuit à écouter le transistor. Il avait aussi promené sa langue de long en large sur la grande toile.

Du coup, la peinture avait changé d'aspect. Les traînées de peinture produisaient un curieux effet de brouillard. Trouvant cet effet très drôle, Guitou et Finette appelèrent leurs parents.

— Venez vite voir!...Papa fut un peu choqué (4) de voir sa toile ainsi

transformée mais maman trouva le tableau mirobolant (5).— Surtout, recommanda-t-elle à papa, n'y touche

plus. Laisse-le tel qu'il est.— Oh! oui, papa, approuva Guitou, emporte-le à la

galerie. Papa hocha la tête, sceptique (6). Il reconnut cependant

que ces teintes fondues donnaient à son œuvre une certaine originalité (7).

D'accord, dit-il, dès qu'il sera sec je l'emporterai. Après tout, il se vendra peut-être aussi bien qu'un autre.

1. JE COMPRENDS LES MOTS:(1) Attirail : L'ensemble de tous les objets nécessaires pour peindre : la toile, le chevalet les tubes de couleurs, les pinceaux, etc.(2) En dégustant : En mangeant avec plaisir.(3) Omit : Papa ne rangea pas sa toile. Il l'oublia probablement.(4) Choqué : Ennuyé, vexé, désagréablement surpris.(5) Mirobolant : Merveilleux, extraordinaire, fantastique.(6) Sceptique : Papa n'est pas très sûr que ce tableau aura du succès. Il doute.(7) Originalité : Le tableau ne ressemble à aucun autre. Il est le seul à être peint de cette manière. Il est original.

2 JE DESSINE :

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Sitôt la toile sèche, papa l'a emportée à la galerie d'art. Il y a quatre jours de cela. Depuis, papa n'est pas retourné en ville. Il ne sait rien du fameux tableau retouché (1) par Pompon.

Or, aujourd'hui, à midi, pendant que toute la famille est à table la sonnerie du téléphone grésille (2). Papa se précipite vers l'appareil et demande qui l'appelle.

Guitou, Finette et maman écoutent. Ils comprennent que c'est le directeur de la galerie qui demande à papa de venir le voir.

- C'est urgent ? demande papa... Bien, je passerai à la galerie au début de l'après-midi.

- Qu'arrive-t-il? demande maman, quand papa a reposé l'appareil.

— Je ne sais pas... peut-être une nouvelle toile vendue.

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— Si cela pouvait être vrai.Tout l'après-midi, Guitou et Finette s'interrogent. Ils ont

hâte de rentrer de l'école. Quand ils arrivent à la maison, papa n'est pas encore de retour.

Mais tout à coup, vers six heures, Guitou reconnaît le ronflement de « Gertrude », dans la rue des Ouistitis. C'est lui ! C'est papa !

Ils se précipitent. A peine descendu de voiture, papa s'écrie :

— Une bonne nouvelle! mes enfants. Le tableau retouché par Pompon a séduit (3) un amateur. Il me l'a acheté, un très bon prix... autant que toutes mes autres toiles réunies. Il a même dit que c'était un chef-d'œuvre (4).

— Et tu lui as raconté, demande Guitou, que c'est Pompon qui l'a achevé? (5).

Non, mais Pompon m'a fait comprendre ce qui manquait à ma peinture. Grâce à lui, je vais connaître le succès.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Retouché : Changé, transformé, modifié. Faire une retouche c'est changer quelque chose pour rendre le travail mieux fait.(2) Grésille : Le téléphone grésille. La sonnerie fait un petit bruit qui tremble.(3) Séduit : (Nous avons déjà vu ce mot). L'amateur aime beaucoup le tableau. M l'admire et ne peut en détacher ses yeux.(4) Un chef-d'œuvre : Un travail parfait tout à fait réussi, sans défauts.Fini, terminé.(5) Achevé

2. JE DESSINE

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Papa a suivi la leçon de Pompon. A présent, il peint des toiles plus floues (1) qui produisent un effet mystérieux (2). Ses nouveaux tableaux sont très appréciés (3). Ils ne restent pas longtemps en vitrine à la galerie. Les amateurs se les disputent et les paient un bon prix.

Moins que jamais, il n'est question de se séparer de Pompon. D'ailleurs, le petit âne est complètement guéri. Il ne boite plus du tout... et il est très impatient de retourner au jardin public.

Au premier jour de beau temps. Finette et Guitou l'attellent de nouveau à la charrette anglaise et le conduisent dans le parc. Il y retrouve les enfants qu'il promenait le mois précédent. Il reconnaît leurs petites frimousses (4) rosés.

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Cependant il regarde avec étonnement les quelques arbres du jardin. Il y découvre des bourgeons... les premiers bourgeons de la saison nouvelle.

Tiens tiens! se dit-il, dans sa tête de petit âne, est-ce que ce serait bientôt le printemps?

L'herbe des pelouses est plus verte. Oh! qu'il ferait bon la brouter! Hélas! le gardien du jardin veille. Il est terrible ce gardien. Comme si l'herbe n'était pas faite pour être mangée.

Pour tout dire, malgré sa joie, Pompon éprouve une sorte de nostalgie (5). Il en a assez de la ville. Toujours marcher sur du goudron, du bitume (6) ou des pavés! Pompon voudrait retourner dans le pays où il est né. Finette le comprend. Elle aussi regrette la campagne.

Bientôt nous repartirons, lui glisse-t-elle à l'oreille. Tu retrouveras ton grand pré couvert de pâquerettes et tu pourras t'y rouler à ton aise.

Pompon devine ce que lui dit sa petite maîtresse. Pour la remercier, il penche la tête et Finette l'embrasse sur l'étoile blanche de son front.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1 ) Floues : La séparation entre les différentes couleurs n'est pas très nette.(2) Mystérieux : Un effet mystérieux est un effet qui n'est pas net. On s'interroge sur ce que papa a voulu représenter.(3) Appréciées : Les clients aiment les toiles de papa. Ils pensent que ces peintures valent un bon prix.(4) Frimousses : Petits visages d'enfants.(5) Nostalgie : C'est le regret d'une chose qu'on a connue, le regret d'un pays par exemple.(6) Bitume : Sorte de goudron.

2. JE DESSINE :

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La vie était redevenue heureuse à la maison de la rue des Ouistitis. Papa sifflait de nouveau en peignant. Maman chantonnait en essuyant sa vaisselle. Quant à Pompon, depuis qu'il prenait l'air toute la journée dans le jardin, il n'avait plus besoin de transistor, la nuit, pour dormir.

Guitou et Finette travaillaient bien à l'école. L'unique marronnier de la cour y laissait éclore (1) ses bourgeons. Le jardin public connaissait une affluence(2) record.

Oui, le printemps approchait. Cette arrivée de la belle saison se voyait à peine, mais on la devinait. Guitou et Finette pensaient à toutes les fleurs qui allaient envahir la campagne. Ils avaient hâte de retourner chez eux.

— Avant de partir, dit maman, j'aimerais faire quelques achats en ville. J'aurais besoin de tissu pour te couper une robe. Finette, et de drap pour un nouveau costume, Guitou.

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Elle demanda à papa :Voudrais-tu nous conduire en auto vers les grands

magasins du centre. Demain est jour de congé pour les enfants. Nous les emmènerions.

D'accord ! approuva papa. J'en profiterai pour faire ma provision de toiles et de couleurs.

Hélas! le lendemain, au moment de partir, Gertrude refusa obstinément (3) de démarrer. Sa batterie d'accumulateurs avait rendu l'âme (4). Mais papa ne s'embarrassa pas pour si peu.

Tant pis, dit-il. Attelons Pompon à la charrette anglaise.Ce sera plus agréable que de prendre l'autobus.Pompon, lui, ne refusa pas de démarrer. Il avait de

l'énergie à revendre depuis qu'on lui donnait de l'avoine.Papa et maman grimpèrent sur le siège avant. Les enfants

s'installèrent à l'arrière. Et, fouette cocher! En route pour le centre de la ville.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Éclore : Ouvrir; les bourgeons sortent de leur enveloppe comme les poussins de leur coquille.(2) Affluence : Grande quantité de personnes qui se rassemblent au même endroit.(3) Obstinément : (Nous avons déjà vu ce mot.) D'une façon têtue sans vouloir céder ni obéir.(4) Rendu l'âme : Façon amusante de dire que les accumulateurs étaient inutilisables. Ils étaient comme morts. On les compare à des personnes.

2. JE DESSINE :

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Quelle foule grouillante (1 ) dans le centre de la ville ! Pompon en était affolé. Jamais de sa vie de petit âne, il n'avait vu autant de piétons sur les trottoirs, autant d'autos dans les rues.

— Nous avons mal choisi notre jour, dit maman. C'est la période des soldes (2). Où garer Pompon?

— Bah ! répondit papa, j'en fais mon affaire. Tiens ! Voici justement une voiture qui quitte son stationnement.

Docilement, Pompon se laissa conduire à la place de l'auto qui venait de démarrer. Papa l'attacha au montant du parcmètre (3) et glissa une pièce dans la fente de l'appareil. La pièce était à peine tombée dans l'espèce de tirelire que surgit (4) un agent.

Vous n'avez pas le droit de stationner ici, dit-il. Ce bord de trottoir est réservé aux véhicules (5).

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Mais, protesta papa, cette charrette est un véhicule. Pardon, trancha l'agent, aux véhicules à moteur et non aux véhicules à crottin.

— Ce n'est écrit nulle part, dit papa. Pour toute réponse, l'agent donna un coup de sifflet.

— Circulez!... Circulez!... Papa ne l'entendait pas ainsi.Dans ces conditions, rendez-moi la pièce que je viens de

glisser dans la fente du parcmètre.Impossible, répondit l'agent. Je n'ai pas la clef pour

l'ouvrir. Circulez ! Circulez !...Papa s'énerva. Il voulait d'abord récupérer (6) sa pièce.

On verrait ensuite. Un attroupement s'était formé pour écouter la discussion. Maman était gênée comme si elle se trouvait en défaut. Finalement, un passant déclara :

Pourquoi cette charrette ne se garerait-elle pas dans le parking souterrain? Il y a toujours de la place.

— Oh ! oui, approuva maman. Au moins, nous serons tranquilles.

1 JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Grouillante : Qui remue, qui s'agite, qui va dans tous les sens.(2) Soldes : Marchandises vendues moins chères parce que la saison de les porter est finie.(3) Parcmètre : Appareil en forme de tirelire dans lequel on met de l'argent pour avoir le droit de stationner pendant un certain temps.(4) Surgit : Arrive brusquement au moment où on ne l'attend pas.(5) Véhicule : Un véhicule est un moyen de transport. Une voiture à âne est donc un véhicule.(6) Récupérer : Reprendre, retrouver quelque chose qu'on avait donné, perdu ou oublié.

2. JE DESSINE :

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— Où est-il, ce parking souterrain ? demande papa.— Là-bas, dit le passant, sous la place de la poste. D'ici

on aperçoit l'entrée.Maman et Finette descendent de voiture. Guitou, lui, reste

avec son père. Tous deux conduisent le petit âne vers le parking. Mais, à l'entrée du grand trou noir, Pompon se montre rétif (1). Il refuse d'avancer. Cette demi-obscurité l'effraie. Les mauvaises odeurs lui chatouillent désagréablement les narines. Le gardien qui distribue les tickets s'impatiente :

— Eh bien ! Allez-vous vous décider à entrer, oui ou non? Papa est obligé de descendre de la charrette pour tirer

Pompon par la bride. Le petit âne finit par obéir. Cependant, la descente est raide. Pompon glisse sur ses fers.

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— Serre le frein de la charrette! crie papa à Guitou. Hélas! le premier sous-sol est plein d'autos. Pas une place libre! Il faut descendre au second. Pompon n'est pas rassuré. Oh ! non, pas du tout.

Enfin, Guitou découvre un endroit où placer le petit âne... et un pilier pour l'attacher. Pauvre Pompon ! Il a l'air bien malheureux. Il secoue ses oreilles comme si cela pouvait chasser les mauvaises odeurs d'essence, d'huile et de gaz-oil (2) qui emplissent ce sous-sol.

Au moment où Guitou et papa vont le quitter, il pousse un hi-han de détresse (3) qui a l'air de dire :

— Si j'avais su qu'on m'abandonne dans ce trou, je ne me serais pas laissé atteler.

Pour le calmer, Guitou lui donne une tape amicale sur le cou et l'embrasse au front.

— Remontons vite papa ! et dépêchons-nous de faire nos commissions, je ne suis pas tranquille pour Pompon.

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Rétif : (Nous avons déjà vu ce mot). Difficile à conduire, qui refuse d'avancer. Qui se montre têtu.(2) Gaz-oil : Sorte de carburant utilisé par les gros véhicules, par exemple les camions.(3) Détresse : Grand désespoir. Le petit âne se sent perdu.

2. JE DESSINE :

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Page 122: Bonzon J-P Ponpon à la Ville

Papa est parti chez son marchand de couleurs et à la galerie où il expose ses tableaux. Maman a emmené Guitou et Finette dans un grand magasin. Que de tentations!... pas seulement pour maman mais pour les enfants.

Finette contemple les poupées du rayon des jouets. Guitou regarde un train électrique.

- C'est fou comme le temps passe vite dans un grand magasin ! Enfin, au bout de trois heures qui ont dû paraître interminables, à Pompon, la famille se retrouve devant le parking souterrain.

— Dépêchons-nous, dit Guitou, inquiet.Le premier, il arrive au deuxième sous-sol. Il pousse un

cri.— Oh ! Pompon.

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Le petit âne gris gît (1), effondré, entre les brancards de la charrette. On le dirait mort. Finette fond en larmes. Guitou et papa se précipitent pour le relever. Peine perdue. Pompon ne réagit pas.

— J'aurais dû m'en douter, dit papa navré (2). Cet air pollué (3) l'a asphyxié. Je vais prévenir le gardien. Il demandera du secours.

Un quart d'heure plus tard, les pompiers arrivent sur la place :

— Pin-Pon... Pin-Pon!...Une voiture rouge de première urgence (4) descend dans

le parking. Deux pompiers essaient de faire respirer de l'oxygène au petit âne. Hélas, celui-ci reste inerte (5).

Alors, un des pompiers court téléphoner pour réclamer une voiture de dépannage. Celle-ci arrive aussitôt. Pompon est accroché par les pattes au crochet d'une grue. Pauvre Pompon, il fait pitié, la tête en bas. Mais aussitôt dehors, au grand air, il pousse deux hi-hans formidables qui ameutent les passants. A peine détaché de la grue, il se remet sur ses quatre pattes. Guitou et Finette poussent un soupir de soulagement. Ah ! on s'en souviendra du voyage en ville et du parking souterrain !,..

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Gît : Repose sans bouger.(2) Navré : Papa est très ennuyé, contrarié.(3) Air pollué : Air mélangé à des gaz ou des poussières dangereux à respirer.(4) Urgence : Une voiture rapide arrive tout de suite sur les lieux de l'accident. Il y a urgence quand il faut faire vite pour sauver un être en danger.(5) Inerte : Qui ne bouge pas; qui paraît mort.

2. JE DESSINE

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Le printemps est arrivé, mais c'est à peine si, en ville, on s'en aperçoit. Seul, le jardin public s'est revêtu d'une parure (1) nouvelle.

Pour Pompon, c'est sa dernière sortie dans le parc. Demain, on repartira à la campagne. Pour ce dernier jour, tous les enfants du quartier sont venus lui dire adieu. Ils ont le cœur gros. Pompon va leur manquer. On dirait que le petit âne le devine. Pour leur faire plaisir, il en supporte trois, quatre sur son dos et deux fois plus dans la charrette.

Il se dévoue (2) tant, qu'il transpire. Il se rafraîchirait volontiers en happant quelques bonnes touffes d'herbe, sur la pelouse.

Pourquoi le gardien lui défend-il d'y goûter? Ce doit être un méchant homme qui n'aime pas les animaux.

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Mais, justement le gardien, surpris par ces premières chaleurs, s'est étendu de tout son long sur le gazon. Il dort, sa casquette dorée à côté de lui.

Pompon a-t-il compris qu'il ne risquait pas d'être grondé? Il quitte l'allée et s'avance sur la pelouse vert tendre.

— Laissons-le faire, dit Finette, puisque le gardien ne le verra pas.

Le petit âne se régale. Il happe les plus belles touffes. Mais comme par hasard, ces plus belles touffes se trouvent du côté du gardien. Lentement, Pompon se rapproche de l'homme endormi. Guitou et Finette n'osent pas s'avancer pour l'empêcher d'aller plus loin.

Finalement, Pompon arrive tout près du gardien... et de sa casquette galonnée. Soudain, il happe la casquette, la déchire entre ses dents... et l'avale.

Cela s'est passé si vite que ni Guitou ni Finette n'ont eu le temps d'intervenir (3).

- Sauvons-nous! dit Finette, affolée. Si le gardien s'éveille nous sommes perdus!...

1. JE COMPRENDS LES MOTS :(1) Parure : Vêtement, ornement qui rend plus beau, qui « pare ».(2) Se dévoue : Le petit âne considère comme un devoir de promener le plus d'enfants possible.(3) Intervenir : C'est empêcher quelque chose d'arriver ou, au contraire, tout faire pour que cet événement se produise.

2. JE DESSINE :

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Papa et maman se sont levés de bonne heure pour préparer les bagages... Guitou et Finette également. Tous sont radieux (1 ), même Pompon.

Le voyage a été ainsi organisé. Papa emportera valises, sacs et colis dans la cinq-chevaux qu'il conduira. Maman et les deux enfants partiront dans la charrette anglaise traînée par Pompon.

— Quelle chance I s'écrie Finette, ce soir nous allons coucher sous la tente.

En effet, le petit âne ne peut pas effectuer d'une seule traite les cent kilomètres qui séparent la ville de Favantines. On fera une halte et on couchera à la belle étoile. C'est merveilleux!

Guitou et Finette se chamaillent (2) un peu. Qui conduira Pompon ?

— Moi, dit Guitou, je suis le plus grand.

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— Tous les deux, chacun à votre tour, rectifie maman.

Pour ce grand départ, tous les enfants du quartier se sont réunis dans la rue des Ouistitis. Finette et Guitou sont un peu tristes de les laisser mais, c'est promis, papa reviendra l'an prochain puisque ses tableaux se vendent si bien, à présent... Et puis, certains petits citadins iront faire un tour à Favantines, cet été.

Cette fois, Gertrude ne refuse pas de démarrer. Papa part le premier, avec son monceau (3) de bagages. Il allumera un grand feu en arrivant pour chasser l'humidité de l'hiver dans la maison.

Au tour de Pompon à présent.Hue Pompon !...Le petit âne refuse de tirer la charrette. Il tourne sans

cesse la tête vers la maison. Aurait-il du regret de partir? Hue! Pompon !

Rien à faire... Mais tout à coup, Finette s'écrie :•Oh! je comprends! Nous avons oublié Mizou, mon

petit chat.Elle court chercher Mizou et l'installe sur ses genoux.

Cette fois. Pompon n'hésite pas. Il démarre en flèche, Adieu la ville! Vive la campagne!...

1. JE COMPRENDS LES MOTS(1) Radieux : (Nous avons déjà vu ce mot.) Qui rayonne, qui éprouve une grande joie et qui le montre.(2) Se chamaillent : Guitou et Finette se disputent mais sans méchanceté.(3) Monceau : Petit mont... ou plutôt un gros tas.

2 JE DESSINE :

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