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Universit ´ e Libre de Bruxelles Facult´ e des Sciences Appliqu´ ees Amortissement actif des structures cˆ abl´ ees : de la th´ eorie ` a l’impl´ ementation Fr´ ed´ eric Bossens Th` ese soumise pour l’obtention du grade de Docteur en Sciences Appliqu´ ees 30 octobre 2001 Laboratoire des Structures Actives epartement des constructions m´ ecaniques et de robotique

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Universite Libre de Bruxelles

F a c u l t e d e s S c i e n c e s A p p l i q u e e s

Amortissement actif des structures cablees :de la theorie a l’implementation

Frederic Bossens

These soumise pour l’obtention du gradede Docteur en Sciences Appliquees 30 octobre 2001

Laboratoire des Structures ActivesDepartement des constructions mecaniques et de robotique

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Remerciements

Je tiens tout d’abord a remercier chaleureusement le professeur Andre Preumont, su-perviseur de cette these et directeur du Laboratoire des Structures Actives de l’ULB,pour m’avoir accueilli durant ces presque 5 annees, pour ses conseils judicieux et pourl’enthousiasme qu’il a constamment manifeste a l’egard de ce travail. Je remercie en-suite mes collegues et anciens collegues du laboratoire, Vincent Piefort, EmmanuelMignon, Xavier Pitoiset, David Anckaert, Pierre De Man, Arnaud Francois, AhmedAbu-Hanieh, Nicolas Loix, ainsi que les autres membres du groupe, pour leur aide,tant sur le plan professionnel qu’extra-professionnel.Je tiens aussi a adresser un tout grand merci a Younes Achkire, ancien chercheur duLaboratoire des Structures Actives, qui m’a fait decouvrir l’amortissement actif desstructures cablees lors de mon travail de fin d’etudes, et dont la these de doctoratconstitue le point de depart de ce travail.L’experience d’amortissement des ponts haubanes a grande echelle presentee ici consti-tue l’un des elements les plus originaux de cette etude. Elle a ete realisee dans lecadre du projet europeen ACE (Active Control in Civil Engineering), sous la coordi-nation bienveillante de Claude Dumoulin, et son succes n’aurait pas ete possible sansl’excellente collaboration entre les differents partenaires : Bouygues (France), VSL(France), Mannesmann Rexroth (Allemagne), Technische Universitat Dresden (Alle-magne), Johs Holt (Norvege), Centre Commun de Recherche d’Ispra (Italie), DefenseResearch Agency (Angleterre) et Newlands Technology Ltd (Angleterre). En parti-culier j’exprime ma gratitude a Michel Auperin, pour sa contribution precieuse a laconception de la maquette et des experiences, son aide dans l’analyse des resultats,et les discussions fructueuses que nous avons eues.Mes remerciements vont egalement a Michel Geradin, chef de l’unite “Surete enMecanique des Structures” du Centre Commun de Recherche d’Ispra, ainsi qu’aGeorges Magonette et a toute l’equipe du laboratoire ELSA, dans lequel j’ai eu l’oc-casion d’effectuer un stage de recherche de 3 mois.Merci aussi a Jean-Louis Lilien pour la transmission d’informations sur les cables.Je tiens enfin a remercier mes proches pour leur bienveillance et leur support moral,qui ont sans aucun doute contribue a la realisation de cette these.Ce travail a ete partiellement supporte par la Region Wallonne (Convention First Eu-rope 991/4348), le Pole d’Attraction Inter-Universitaire IUAP-4/24 (Intelligent Me-chatronic Systems), le contrat Brite-EuRam n BRPR-CT97-0402 de la CommissionEuropeenne, ainsi que le programme ARCOP de l’ESA.

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iv 0. Remerciements

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Resume

Cette these s’inscrit dans la continuation du travail de Younes Achkire, consacreau controle actif des ponts haubanes. Elle traite de l’implementation d’un systemede controle actif sur des maquettes de structures cablees. Deux types de struc-tures sont etudies experimentalement : les ponts haubanes et les treillis spatiaux.Apres une breve introduction sur l’usage du controle actif dans ces domaines, lechapitre 2 traite numeriquement des mecanismes d’interaction entre le cable et lastructure. Au chapitre 3, nous presentons la strategie de controle que nous utili-sons pour stabiliser une structure cablee : il s’agit d’un controle decentralise, basesur des paires capteur/actionneur colocalisees, placees au niveau des ancrages descables, chacune equipee d’un controleur Integral Force Feedback. Nous presentonsune theorie lineaire simplifiee permettant de dimensionner le systeme et de prevoirson efficacite. Elle est illustree sur un exemple, et nous discutons de la validite decertaines hypotheses simplificatrices. Le chapitre 4 est consacre au controle actif desponts haubanes. Nous y presentons 2 maquettes. La premiere, de petite taille (3m)represente un pylone de pont haubane en construction. Elle est equipee d’actionneurspiezoelectriques. La seconde, installee au Centre Commun de Recherche d’Ispra (Ita-lie), mesure 30m de long, et est equipee d’actionneurs hydrauliques. Les experiencesrealisees sur ces maquettes ont demontre l’efficacite du controle et la fiabilite de latheorie predictive. Le controle actif du flottement aerodynamique des ponts est traitenumeriquement, puis experimentalement sur une maquette de laboratoire. Le chapitre5 relate nos experiences d’amortissement actif des treillis spatiaux. Deux structuresont ete etudiees : une colonne en treillis equipee de 3 cables actifs, et une structuretriedrique munie de cables actifs, suspendue a des cordons elastiques pour modeliserles conditions d’appui d’une structure flottant dans l’espace. Deux concepts d’action-neur piezoelectrique ont ete testes. Nous avons ensuite examine le probleme de lasaturation des actionneurs, et celui du controle actif des microvibrations (∼ 10nm)d’une structure cablee. Le chapitre 6 conclut ce travail, en souligne les aspects origi-naux et donne quelques perspectives de developpement.

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vi 0. Resume

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Table des matieres

Remerciements iii

Resume v

1 Introduction 11.1 Controle actif en genie civil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.2 Controle actif des treillis spatiaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.3 Organisation du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61.4 References . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

2 Modelisation de la dynamique d’une structure cablee 92.1 Approche semi-analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

2.1.1 Mise en equation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102.1.2 Equation des modes horizontaux de cable . . . . . . . . . . . . 152.1.3 Equation des modes verticaux d’un cable . . . . . . . . . . . . 162.1.4 Equation des modes globaux de structure . . . . . . . . . . . . 17

2.2 Validation du modele ; analyse des mecanismes d’excitation et de couplage 182.2.1 Excitation directe d’un cable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192.2.2 Excitation parametrique d’un cable . . . . . . . . . . . . . . . . 212.2.3 Excitation d’une structure cablee . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

2.3 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262.4 References . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

3 Amortissement actif d’une structure cablee 293.1 Amortissement actif d’un cable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

3.1.1 Application d’une force ponctuelle . . . . . . . . . . . . . . . . 303.1.2 Controle transversal du support . . . . . . . . . . . . . . . . . . 323.1.3 Controle longitudinal du support (tendon actif) . . . . . . . . . 323.1.4 Tendon actif colocalise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

3.2 Structure cablee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 363.2.1 Theorie lineaire simplifiee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 363.2.2 Treillis du JPL [21] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 403.2.3 Analyse modale en boucle fermee . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

3.3 References . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

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viii TABLE DES MATIERES

4 Ponts haubanes 474.1 Maquette de laboratoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

4.1.1 Tendon actif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 494.1.2 Lieu des poles en boucle fermee . . . . . . . . . . . . . . . . . . 494.1.3 Interaction cables-tablier, resonance parametrique . . . . . . . 51

4.2 Maquette “ACE” . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 544.2.1 Description de la maquette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 554.2.2 Actionneur hydraulique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 564.2.3 Implementation du controle actif . . . . . . . . . . . . . . . . . 584.2.4 Resultats experimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

4.3 Chargement statique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 684.3.1 Cable actif en presence d’un chargement statique . . . . . . . . 694.3.2 Effet d’un filtre passe-haut du premier ordre . . . . . . . . . . 704.3.3 Effet d’un filtre passe-haut du second ordre . . . . . . . . . . . 714.3.4 Regulation feedforward de la tension des cables . . . . . . . . . 74

4.4 Controle du flottement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 764.4.1 Chargement aerodynamique d’un tablier de pont [18, 20] . . . 784.4.2 Aerodynamique instationnaire d’une aile mince [21, 27] . . . . 804.4.3 Aerodynamique instationnaire d’un tablier de pont . . . . . . . 834.4.4 Controle actif du flottement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85

4.5 References . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92

5 Treillis spatiaux 955.1 Colonne en treillis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 955.2 Modele reduit du JPL-MPI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98

5.2.1 Dispositif experimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 995.2.2 Lieu des poles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1005.2.3 Saturation des actionneurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102

5.3 Microvibrations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1045.3.1 Instrumentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1065.3.2 Resultats experimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

5.4 References . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

6 Conclusion 1116.1 Aspects originaux de ce travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1126.2 Perspectives d’applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1136.3 References . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

A Dynamique d’un cable a faible fleche : grandeurs caracteristiques 117A.1 Energie potentielle de gravite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117A.2 Deformee moyenne du cable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117A.3 Energie cinetique du cable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118A.4 Efforts dynamiques aux ancrages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118

B Representation en variables d’etat d’une structure cablee 121

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TABLE DES MATIERES ix

B.1 Dynamique en boucle ouverte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121B.2 Dynamique en boucle fermee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125B.3 References . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126

C Identification modale basee sur la theorie des vibrations aleatoires 127C.1 Excitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127C.2 Excitation sismique de l’oscillatueur a 1ddl . . . . . . . . . . . . . . . 128C.3 PSD de la reponse a une excitation “bruit blanc” . . . . . . . . . . . . 129C.4 Identification des poles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130C.5 References . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132

Bibliographie generale alphabetique 141

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x TABLE DES MATIERES

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Chapitre 1

Introduction

Ce travail s’inscrit dans la lignee de la these de doctorat de Y. Achkire, consacree al’amortissement actif des ponts haubanes [1]. Nous traiterons plus specifiquement desproblemes lies a l’implementation du controle actif par cables sur des modeles reduits.Deux types de structures seront etudiees experimentalement : les ponts haubanes etles treillis spatiaux.

1.1 Controle actif en genie civil

Depuis quelques annees, il y a un intetet croissant pour le controle actif en genie civil,permettant d’attenuer les effets des sollicitations dynamiques sur des structures tellesque des buildings, des ponts, des plates-formes offshore, des tours de controle, ou desgrues. Les sollicitations peuvent provenir du vent, du trafic, des tremblements de terreou des vagues.Au Japon, plus de 20 buildings sont deja equipes de systemes de controle actif, lespremieres applications remontant a la fin des annees 80 [2]. Tous ces systemes sontbases sur l’acceleration d’une masse inertielle, produisant des forces de controle surla structure. Dans les systemes “Active Mass Dampers”(AMD), illustre a la figure1.1.(a), la force de controle est generee integralement par un actionneur (hydrauliqueou electrique) reliant la masse mobile au reste de la structure. Dans la version “Hy-brid Mass Damper”(HMD), illustree a la figure 1.1.(b), un systeme passif amorti,(“Tuned Mass Damper”), fournit la majeure partie de la force de controle grace ason mouvement d’oscillation naturelle ; l’actionneur permet d’augmenter l’efficaciteet d’adapter le systeme en cas de changements dans la dynamique de la structure.Presque tous les systemes actifs installes sur des buildings sont des HMD, plus fiableset plus economiques (en terme d’energie a fournir), que les AMD. Ces systemes sontsurtout destines a ameliorer le confort des occupants par grand vent, ou lors de seismesmoderes.

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2 1. Introduction

Fig. 1.1 – Amortissement actif d’un building (a)Active Mass Damper (b)Hybrid MassDamper

Les ponts haubanes

Les ponts haubanes ont connu un developpement spectaculaire depuis leur appari-tion en 1956 (pont de Stromsund, Suede, travee 183m) jusqu’a nos jours (Pont deNormandie, France, 1995, travee principale 856m et pont de Tatara, Japon, 1998,travee 896m), et on envisage dans un futur proche d’atteindre des travees d’une lon-gueur superieure au kilometre. Ces ponts possedent l’avantage de ne pas necessiterde point d’ancrage exterieur pour les haubans, contrairement aux ponts suspendus ;ils permettent egalement d’obtenir un support continu du tablier, en reduisant lemoment flechissant. Ils sont generalement elances et esthetiquement attractifs, maisde rigidite relativement faible (comparee aux ponts plus anciens, de conception plusconservative). Ceci les rend particulierement sensibles aux sollicitations dynamiques(sismiques, eoliennes ou liees au trafic). Parmi celles-ci, le flottement aerodynamique,pouvant conduire a la destruction, est le type d’excitation le plus dangereux [3].Jusqu’a present, seules des mesures de prevention passives ont ete prises au niveau dela conception du tablier : renforts lateraux pour augmenter la raideur, profilage pourameliorer l’ecoulement d’air, percage d’orifices pour attenuer les gradients de pressionde part et d’autre du tablier. Ces mesures donnent generalement satisfaction [4]. Ace jour, la litterature ne rapporte pas encore d’experience d’amortissement actif depont haubane en grandeur reelle, si ce n’est a Colombus (USA), sur un pont d’auto-route desaffecte, equipe de plusieurs AMD [5]. Le controle actif des ponts haubanes apourtant ete propose des la fin des annees 70 [6, 7], et depuis, de nombreuses etudestheoriques et experimentales laissent prevoir son efficacite [8]. Les difficultes techno-logiques, la maintenance, la fiabilite, des considerations esthetiques et bien sur le cout

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1 Controle actif en genie civil 3

Fig. 1.2 – (a) Pylone du “Rainbow Bridge” en construction (b) HMD employe durantla construction

ont retarde l’implementation du controle actif des ponts haubanes. Par contre, dessystemes temporaires d’amortissement hybride (HMD) ont deja ete employes pendantla construction des pylones (avant qu’ils ne beneficient de la rigidite des nappes dehaubans), pour reduire leur reponse au vent. La figure 1.2 montre un pylone du “Rain-bow Bridge”(Tokyo, 1991-92) pendant sa construction (a), et son systeme HMD (b).La dissipation est obtenue principalement grace au mecanisme de pendule amorti, lecontrole actif permettant d’augmenter l’efficacite, et d’adapter le systeme a la dyna-mique du pylone au cours de la construction. A l’heure actuelle, cette technique a eteutilisee pour la construction d’une dizaine de ponts au Japon.Les haubans, dont les plus longs avoisinent 500m, sont flexibles et legers (comparesau tablier) ; ils presentent un amortissement naturel tres faible (ξi < 0.002) [9]. Cesont donc des candidats potentiels aux problemes de vibrations. Des oscillations degrande amplitude (∼ 50cm) ont frequemment ete observees sur des ponts haubanes,specialement en presence simultanee de pluie et de vent [10, 11]. Ces oscillations nesont pas directement dangereuses pour l’integrite du pont, mais elles provoquent del’usure prematuree des cables par fatigue. Suite a ces problemes, des dispositifs decontrole (passifs) ont ete developpes. Une solution consiste a installer des amortis-seurs hydrauliques entre la base du hauban et le tablier (Fig.1.3.(a)) [12, 13, 10]. Onpeut aussi relier les haubans par des cables secondaires (Fig.1.3.(b)) [14]. Cette tech-nique marche dans beaucoup de cas, mais elle est assez empirique, et il n’existe pas demethodologie rigoureuse pour le choix du type et de l’emplacement des cables secon-daires. Le profilage de la gaine de protection recouvrant les haubans donne egalementde bons resultats (Fig.1.3.(c)) [9, 11, 15]. Son but est de reduire les forces de traıneea l’aide d’un revetement rugueux, ou d’empecher le mouvement destabilisant de l’eaude ruissellement a l’aide de proeminences axiales ou helicoıdales.

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4 1. Introduction

Fig. 1.3 – Controle des vibrations de haubans (a) amortisseur hydraulique (b) cablessecondaires (c) profilage de la gaine visant a reduire les forces de traınee par unesurface rugueuse, ou a empecher, a l’aide de proeminences axiales ou helicoıdales,l’effet destabilisant du ruissellement de l’eau de pluie

Dans ce travail, nous avons etudie et implemente un systeme d’amortissement des-tine a controler la dynamique globale du pont au moyen de tendons actifs installessur certains haubans. Apres avoir demontre l’efficacite du systeme sur un modele delaboratoire, une implementation grande echelle a ete realisee avec succes sur une ma-quette de 30m de long [16], etape intermediaire avant une implementation en vraiegrandeur. Ceci sera developpe au chapitre 4.

1.2 Controle actif des treillis spatiaux

On deploie actuellement beaucoup de moyens pour developper des instruments ca-pables de detecter des planetes susceptibles d’abriter des formes de vie, et ce jusqu’ades distances de plusieurs dizaines d’Annees Lumieres. C’est notamment le cas duprogramme “Terrestrial Planet Finder” de la NASA [17], ou du programme “DAR-WIN” de l’ESA [18]. Ces missions sont basees sur l’envoi de tres grands telescopesinterferometriques spatiaux, travaillant dans le spectre Infra Rouge (IR). Le choix del’IR est justifie principalement par deux raisons : (i) on retrouve dans ces longueursd’onde (0.7-100µm), les raies d’absorption de l’H2O, du O3 et du CO2, eventuellementpresents dans l’atmosphere d’une planete lointaine, et indispensables a toute formede vie (ii) l’observation d’une telle planete est rendue tres delicate par la brillancede l’etoile autour de laquelle elle gravite, plusieurs ordres de grandeur au dessus del’intensite lumineuse reflechie par la planete. Le rapport “brillance planete / brillanceetoile” est toutefois moins defavorable dans le spectre IR. D’autre part le cahier descharges prevoit une resolution angulaire (la plus petite separation angulaire entredeux astres pour que ceux-ci puissent etre distingues separement par le telescope) del’ordre du milli-arcsec (quelques nanoradians), soit un ordre de grandeur au-dessus

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1 Controle actif des treillis spatiaux 5

des performances du telescope spatial Hubble.

Fig. 1.4 – Vue schematique d’une future mission spatiale interferometrique

Fig. 1.5 – Configuration possible pour une future mission “Terrestrial Planet Fin-der”(vue d’artiste) [19]

Le choix du spectre IR, conjugue aux resolutions souhaitees, impose de dimensionnerun telescope de plusieurs centaines de metres de diametre (la resolution augmentantavec l’ouverture du telescope, et diminuant avec la longueur d’onde du signal ob-serve), ce qui est actuellement irrealisable d’un point de vue technique. Une resolutionsimilaire peut etre obtenue grace a l’interferometrie [20] : plusieurs petits telescopesdistants les uns des autres possedent une resolution equivalente a celle d’un grandtelescope de diametre egal a la plus grande distance les separant. Deux concepts detelescopes interferometriques sont envisages : l’un est base sur le vol en formationdes differentes unites optiques (Free-flyer), l’autre prevoit une structure rigide reliantles differents telescopes. Dans ce dernier cas, la structure portante sera probablementcomposee d’elements de treillis (faible poids, possibilite de deploiement). La figure 1.4montre une configuration possible d’un tel instrument, proche de celle envisagee parla NASA pour la mission “Terrestrial Planet Finder”(figure 1.5).Le controle de la longueur du chemin optique des differents telescopes vers le “beamcombiner” s’effectuera a l’aide de lignes a retard et de capteurs de front d’onde,avec une precision nanometrique. Le controle individuel des telescopes, montes sur

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6 1. Introduction

des plates-formes d’isolation, devra assurer un pointage precis au nanoradian, unsysteme de metrologie laser sophistique permettant de mesurer leurs positions re-latives. Ces exigences severes n’imposent cependant pas que la structure portantesoit geometriquement aussi precise dans l’absolu (ce qui serait impossible a realiser),mais bien qu’elle soit geometriquement stable (stabilite thermique, amortissement desvibrations, precontrainte pour la compensation les jeux).Des cables actifs auraient trois fonctions : rigidifier efficacement (pour une faible masseadditionnelle), compenser les jeux en appliquant une precontrainte, et amortir lastructure. La figure 1.6 montre schematiquement ce que pourrait etre l’amortissementactif d’une structure spatiale avec des cables.

Fig. 1.6 – Controle d’une structure spatiale a l’aide de cables actifs.

1.3 Organisation du travail

Ce travail s’articule en 5 chapitres apres cette introduction. Le chapitre 2 reprendle modele semi-analytique de structure cablee developpe par Y. Achkire [1], en yapportant des modifications mineures, et en illustrant differents modes d’interactioncable-structure avec des simulations numeriques. Dans le chapitre 3, nous abordonsle probleme du controle d’un cable, et nous introduisons une strategie decentraliseede controle actif d’une structure cablee a l’aide de paires capteur/actionneur colo-calises a l’ancrage des cables, et d’un controleur inconditionnellement stable. Nous

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1 References 7

exposons une theorie lineaire simplifiee, permettant de predire les performances ducontrole et de choisir simplement l’emplacement des cables actifs ; nous l’appliquons aun exemple numerique, et nous verifions sa validite en la comparant a un calcul plusrigoureux. Le chapitre 4 expose les resultats experimentaux de controle actif obte-nus sur des maquettes de ponts haubanes : d’abord sur une maquette de petite taille(3m d’envergure), equipee d’actionneurs piezoelectriques, ensuite sur une maquette de30m de long equipee d’actionneurs hydrauliques, realisee dans le cadre d’un projet derecherche CEE [16]. Nous examinons theoriquement le comportement de la structurecontrolee en presence d’une charge statique, pour expliquer des observations faitessur la maquette. La derniere section de ce chapitre montre, au travers d’une simu-lation numerique et d’une experience, l’efficacite de notre strategie pour le controledu flottement aerodynamique d’un pont. Le chapitre 5 relate nos experiences sur desmaquettes representatives de structures spatiales. Il s’agit d’une colonne en treillisequipee de barreaux et de cables actifs, et d’un treillis a 3 branches, modele reduitd’une structure du JPL. Le chapitre 6 conclut en soulignant les aspects originaux de cetravail, et en donnant quelques perspectives concretes d’application dans le domainedes ponts et des structures spatiales.

1.4 References

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8 1. Introduction

[9] H. Yamaguchi and Y. Fujino. Stayed cable dynamics and its vibration control. InInternational Symposium on Advances in Bridge Aerodynamics, pages 235–253,Copenhagen, Denmark, May 1998.

[10] J. Main and N. Jones. Full-scale measurements of stay cable vibration. In 10thInt. Conference on Wind Engineering, Copenhagen, June 1999.

[11] T. Saito, M. Matsumoto, and M. Kitazawa. Rain-wind excitation of cables oncable-stayed Higashi-Kobe Bridge and cable vibration control. In Proc. IABSE/FIP Int. Conference on Cables-Stayed and Suspension Bridges, pages 507–514,Deauville, France, October 1994.

[12] B.M. Pacheco, Y. Fujino, and A. Sulekh. Estimation curve for modal dampingin stay cables with viscous damper. ASCE Journal of Structural Engineering,119(6) :1961–1979, 1993.

[13] C. Geurts, T. Vrouwenvelder, P. van Staalduinen, and J. Reusink. Numericalmodelling of rain-wind-induced vibration : Erasmus Bridge, Rotterdam. IABSEJournal of Structural Engineering International, 2 :129–135, 1998.

[14] H. Yamaguchi. Control of cable vibrations with secondary cables. In Proc.International Symposium on Cable Dynamics, pages 445–452, Liege, Belgium,October 1995.

[15] O. Flamand. Rain-wind induced vibration of cables. In Proceedings of the SecondEuropean Conference on Structural Dynamics, Eurodyn ’93, pages 1019–1025,Trondheim, Norway, June 1993. Balkema, Rotterdam.

[16] ACE. Active control in Civil Engineering. EC Contract No. BRPR-CT97-0402,1997-2000.

[17] The TPF Working Group. The Terrestrial Planet Finder (TPF) : A NASAOrigins Program to Search for Habitable Planets. JPL Publication 99-003, 1999.

[18] DARWIN, The InfraRed Space Interferometer, Concept and Feasibility Report.ESA-SCI(2000)12, 2000.

[19] A. K. Noor, R. J. Doyle, and S. L. Venneri. Bringing life to space exploration.Aerospace America, pages 28–33, November 1999.

[20] P.R. Lawson. Principles of Long Baseline Stellar Interferometry, Course Notesfrom the 1999 Michelson Summer School. JPL Publication 00-09, 2000.

Page 19: Boss Ens 01

Chapitre 2

Modelisation de la dynamiqued’une structure cablee

La modelisation de la dynamique d’une structure cablee est un probleme parti-culierement delicat en raison du comportement non-lineaire des cables, faisant ap-paraıtre des couplages complexes entre les cables et le reste de la structure, et ausein des cables eux-meme. Au cours de ce chapitre, nous decrirons la methode semi-analytique developpee par Y. Achkire [1], en y apportant quelques modifications mi-neures, et en faisant ressortir les fondements physiques qui sous-tendent la dynamiqued’une structure cablee. L’approche semi-analytique presentee ici sera illustree au tra-vers de deux experiences numeriques.

2.1 Approche semi-analytique

Cette approche consiste a separer la structure cablee en deux domaines de calculdistincts : (i) la structure proprement dite, a l’exclusion des cables, discretisee parelements finis (ii) les cables, traites individuellement de facon analytique (figure 2.1).T. Susumpow et Y. Fujino ont developpe un modele semblable, en incluant la contri-bution des cables en tant que barres dans les modes globaux [2]. Plus recemment, V.Gattuli et A. Paolone ont propose un modele couple poutre-cable [3, 4] ; ils resolventle probleme aux valeurs propres pour le systeme global, en linearisant la contribu-tion du cable. Ils retrouvent des modes globaux ou de cable, suivant la valeur decertains parametres, comme la masse relative des cables par rapport au reste de lastructure, et la tension dans les cables. Le present modele est base sur les travauxde Y. Achkire [1]. Nous ne rentrerons pas ici en detail dans les differentes etapes desdeveloppements mathematiques (necessitant l’aide d’un logiciel de calcul symbolique,vu la lourdeur de certaines expressions), mais nous exposerons plutot les principesgeneraux suivis pour les etablir. Les resultats obtenus, quoique globalement similairesa ceux de Y. Achkire, font apparaıtre quelques contributions negligees par ce dernier.Sur base de la structure des equations du cable, nous mettrons en evidence certains

9

Page 20: Boss Ens 01

10 2. Modelisation de la dynamique d’une structure cablee

Fig. 2.1 – (a) Modes globaux de structure (calcul elements finis) (b) modes locaux descables (modelisation analytique non-lineaire)

modes de couplage et d’excitation du systeme. Ceci sera illustre par des experiencesnumeriques.

2.1.1 Mise en equation

Le principe de Hamilton permet d’exprimer l’equilibre dynamique d’une structurecablee en une seule relation. Dans le cas d’un corps elastique, celui-ci s’ecrit sous laforme [5] :

δ

∫ t2

t1

[K − (V + U)] dt = 0 (2.1)

ou K represente l’energie cinetique totale, U represente l’energie potentielle de defor-mation interne et V represente le travail des forces exterieures conservatives (en l’oc-currence la gravite). Si l’on peut exprimer les deplacements de la structure totale aumoyen de n coordonnees qi formant un ensemble independant (coordonnees de La-grange), dont sont fonctions K, V et U , le principe de Hamilton peut se developpersous forme d’un ensemble de n equations aux derivees partielles, les equations deLagrange :

∂L

∂qi− d

dt

(∂L

∂qi

)+Qi = 0 i = 1...n (2.2)

ou L = K−(U+V ) est le Lagrangien du systeme et Qi represente les forces exterieuresnon conservatives, associees aux degres de liberte qi.Il s’agit maintenant de choisir les coordonnees de Lagrange les plus adequates pourdecrire notre systeme. En ce qui concerne la structure, analysee au prealable par un

Page 21: Boss Ens 01

2 Approche semi-analytique 11

Fig. 2.2 – Decomposition de la deformee d’un cable incline avec ancrages mobiles

calcul elements finis, le choix des coordonnees modales ei s’impose naturellement.La deformee de la structure en coordonnees cartesiennes s’obtient simplement pardeveloppement modal :

X(t) =m∑

i=1

ei(t)φi(x) (2.3)

ou ei et φi sont respectivement la coordonnee et la deformee du mode i de la structurea laquelle on a retire les cables dont on veut simuler la dynamique non-lineaire.Voyons maintenant comment nous allons discretiser le mouvement de chaque cable.La deformee du cable, mesuree a partir de la corde, peut se decomposer en troiscontributions : (i) la deformee statique, due a l’action de la pesanteur, lorsque les an-crages sont fixes dans leur position initiale et le cable laisse au repos (ii) la deformeequasi-statique, due aux deplacements des ancrages par rapport a la position initiale,calculee en negligeant les effets dynamiques (iii) la deformee dynamique.La formulation adoptee pour decrire les mouvements d’un cable incline, pourvu desupports mobiles est decrite a la figure 2.2 ; nous adoptons ici un systeme de coor-donnees local au cable, x etant aligne suivant la corde, y et z respectivement situesdans un plan horizontal et dans le plan de la gravite. Les composantes de deplacementde chaque point materiel du cable dans ces axes sont denotees respectivement u(x, t),v(x, t) et w(x, t) (mesurees par rapport a la position du cable soustrait a la gravite,aligne suivant la corde). θ est l’angle d’inclinaison de la corde sur l’horizontale.La deformee statique, sous l’hypothese d’une faible fleche (γ = ρg cos θ σs),

Page 22: Boss Ens 01

12 2. Modelisation de la dynamique d’une structure cablee

prend une forme parabolique :

ws(x) =γl2

2σs

[x

l−(xl

)2]

(2.4)

ou σs est la contrainte statique dans le cable (supposee constante sur la longueur), ρest la masse volumique effective et l la distance entre les ancrages. A ce stade, il nousparaıt important d’introduire le parametre adimensionnel d’Irvine [6], permettant dequantifier la validite de l’hypothese de faible fleche :

λ2 =(ρgl cos θσs

)2E

σs=(

8dl

)2E

σs(2.5)

ou E est le module d’elasticite du materiau constituant le cable, et d est la flechea mi-corde. Par la suite, nous considererons qu’un cable est a faible fleche, lorsqueλ2 < 1 (nous verrons pourquoi ci-dessous). Il est egalement commode de definir lemodule de Young axial effectif, prenant en compte la diminution de raideur due a lapresence de la fleche :

Eq =1

1 + λ2

12

E (2.6)

La deformee quasi-statique due au deplacement des ancrages peut s’ecrire, moyen-nant les memes hypotheses :

uq(x, t) = ua −wb − wa

lws(x) + (ub − ua)

x

l

vq(x, t) = va + (vb − va)x

l(2.7)

wq(x, t) = wa + (wb − wa)x

l− Eq

σs

ub − ua

lws(x)

ou ua, ub, va, vb, wa et wb sont les mouvements imposes aux supports. Ceux-ciproviennent, pour un cable i, des mouvements de la structure (Lix) et de l’actioneventuelle d’un systeme de controle en position de l’ancrage (δi) :

(uia, v

ia, w

ia)T = Li

ax+ (δuia, δv

ia, δw

ia)T

= Lia(

m∑i=1

ei(t)φi(x)) + (δuia, δv

ia, δw

ia)T

(uib, v

ib, w

ib)

T = Libx+ (δui

b, δvib, δw

ib)

T

= Lib(

m∑i=1

ei(t)φi(x)) + (δuib, δv

ib, δw

ib)

T (2.8)

ou Li sont les matrices de projection permettant de passer du vecteur x des depla-cements de l’ensemble de la structure en coordonnees globales, aux deplacements desancrages du cable i en coordonnees locales. C’est par l’intermediaire des relations(2.8) qu’intervient le couplage cables-structure dans notre modele.

Page 23: Boss Ens 01

2 Approche semi-analytique 13

La discretisation de la deformee dynamique s’effectue par la methode de Ritz [7]consistant a approcher la solution d’un probleme variationnel par une somme finiede fonctions de formes, devant repondre aux criteres suivants : (i) etre continues etdifferentiables sur le domaine de definition, (ii) former un ensemble independant etcomplet (iii) respecter les conditions limites homogenes du probleme (deplacementsnuls aux ancrages). Moyennant ces conditions, l’approximation se rapproche de la so-lution exacte lorsque le nombre de fonctions de forme augmente. Nous avons adoptedes deformees sinusoıdales. La formulation en variables separees permet de scinderl’expression de la deformee dynamique en un facteur geometrique et un facteur tem-porel. En negligeant la composante axiale, les deplacements dynamiques du cables’ecrivent :

ud(x, t) ≈ 0

vd(x, t) =∑

n

yn(t)φn(x) =∑

n

yn(t) sinnπx

l

wd(x, t) =∑

n

zn(t)ψn(x) =∑

n

zn(t) sinnπx

l(2.9)

Les sinus sont les formes propres exactes des cordes vibrantes, et restent une bonneapproximation pour les cables si λ2 < 1 (hypothese de faible fleche mentionneeprecedemment) ; ceci est demontre dans [8]. Sous cette condition, la discretisationspatiale (2.9) est adequate pour un cable.La deformee totale du cable s’obtient en sommant les contributions statique, quasi-statique et dynamique :

u(x, t) = uq(x, t)v(x, t) = vq(x, t) + vd(x, t)w(x, t) = ws(x) + wq(x, t) + wd(x, t) (2.10)

Le deplacement total de chaque cable sera donc completement defini par l’ensemblede coordonnees ua, va, wa, ub, vb, wb︸ ︷︷ ︸

depl. struct. ei

, ..yi.., ..zi...

Energie totale de la structure cablee

Pour deriver les Equ.(2.2), il faut evaluer l’energie potentielle totale U+V et l’energiecinetique totale K de l’ensemble de la structure cablee, le tout exprime au moyen descoordonnees de Lagrange ei,yi,zi definies plus haut. Pour la structure, les termesd’energie cinetique et d’energie potentielle s’ecrivent respectivement :

Ks =12eTµe (2.11)

Us =12eTµω2e (2.12)

Page 24: Boss Ens 01

14 2. Modelisation de la dynamique d’une structure cablee

µ et ω sont les matrices diagonales des masses generalisees et des frequences propres,calculees precedemment par une analyse dynamique, par exemple a l’aide d’un logicield’elements finis.Pour le cable i, l’energie cinetique s’ecrit :

Kc,i =12ρA

∫ l

0

[u2 + v2 + w2

]dx =

12ρA

∫ l

0

[uq2

+ (vq + vd)2 + (wq + wd)2]dx

(2.13)et l’energie potentielle du cable provient d’une part de la deformation elastique interneet d’autre part du potentiel gravitationnel :

Uc,i =EA

2

∫ l

0

ε(x, t)2dx︸ ︷︷ ︸elastique

−∫ l

0

Aρg[(ws + wq + wd) cos θ − uq sin θ

]dx︸ ︷︷ ︸

gravitationnel

(2.14)

Dans cette derniere equation, ε est le taux de deformation axiale du cable, supposeetre la seule contribution a l’energie de deformation. En d’autres mots, notre modelefait l’hypothese d’une raideur nulle en flexion. ε est evalue en utilisant la mesure deGreen du tenseur de deformations :

εij =12(∂ui

∂xj+∂uj

∂xi+∂uk

∂xi

∂uk

∂xj) (2.15)

ou la somme sur les indices repetes est implicite. Dans notre cas, l’Equ.(2.15) se reduita :

ε(x, t) = εxx(x, t) =∂uq

∂x+

12

[(∂uq

∂x)2 + (

∂(vq + vd)∂x

)2 + (∂(ws + wq + wd)

∂x)2]

(2.16)Nous remarquons qu’etant donne la forme des expressions (2.11) a (2.14), l’energiecinetique K ne depend que des derivees qi d’ordre 1 des coordonnees de Lagrange, aucontraire de l’energie potentielle U+V qui ne depend que des coordonnees de Lagrangenon differentiees qi. Les equations de Lagrange (2.2) peuvent donc se simplifier en :

d

dt

(∂K

∂qi

)+∂(U + V )

∂qi= Qi i = 1...n (2.17)

Nous introduisons egalement l’hypothese que la deformation axiale ε (donc la ten-sion) est constante le long du cable. Ceci peut se justifier car la dynamique longitu-dinale (modes de vibration axiaux d’une barre encastree-encastree) s’effectue a desfrequences beaucoup plus elevees que les modes lateraux qui nous interessent ici, desorte qu’une difference de tension au sein du cable sera egalisee en un temps negligeablevis-a-vis de ces derniers. En fait, en supposant ud(x, t) ≈ 0 dans les Equ.(2.9), poursimplifier la mise en equations, nous avons artificiellement contraint le systeme. Le faitde considerer la tension constante le long du cable ne fait que relacher cette contrainte.Pour chaque cable, nous definissons donc une deformee moyenne dependant du tempsuniquement :

ε(t) =1l

∫ l

0

ε(x, t)dx (2.18)

Page 25: Boss Ens 01

2 Approche semi-analytique 15

Nous insistons particulierement sur cette hypothese car elle permet une simplificationsubstantielle du calcul de l’energie potentielle de deformation d’un cable (le premierterme du membre de droite de la relation (2.14), ainsi que de sa derivee intervenantdans (2.17)) :

Uc,d = EA2

∫ l

0ε(x, t)2dx = EA

2l (∫ l

0ε(x, t)dx)2 = EAl

2 ε(t)2

∂Uc,d

∂qi= EAlε ∂ε

∂qi

(2.19)

Le lecteur interesse trouvera en annexe A les expressions pour un cable, de l’energiecinetique totale Kc, la deformee moyenne ε et de l’energie potentielle de gravite Uc,g.Ces expressions font ressortir quelques differences par rapport au modele de Y. Ach-kire : celui-ci a neglige les termes (∂uq

∂x )2, (∂vq

∂x )2 et (∂wq

∂x )2 apparaissant dans l’ex-pression (2.16) de la deformation du cable. Nous les prendrons en compte car cestermes sont responsables, dans le calcul des forces de reaction aux ancrages, des ef-forts resultant du changement de direction de l’axe du cable lorsque ses ancragesbougent. Nous obtenons egalement une expression sensiblement differente pour le cal-cul de l’energie potentielle de gravite (2.14).Nous allons maintenant deriver les equations du mouvement successivement pour yi,zi et ei.

2.1.2 Equation des modes horizontaux de cable

En substituant les relations (2.11) a (2.14) dans les equations de Lagrange (2.17) pourqi = yn, nous obtenons l’equation differentielle regissant le mode horizontal d’ordre nd’un cable :

d

dt

(∂Kc

∂yn

)+ lEAε

∂ε

∂yn= Fyn

(2.20)

en remarquant que yn ne contribue pas a l’energie potentielle de gravite, et yn contri-bue uniquement a l’energie cinetique. Fyn est la composante modale assosiee a yn

des forces exterieures agissant sur le cable. Afin d’alleger l’ecriture, nous avons volon-tairement omis l’indice designant le numero du cable au sein de la structure, etantentendu que yn designe le mode n du cable considere. En developpant quelque-peu,et en ajoutant un terme d’amortissement, il vient :

12mlyn + 2ξynωnyn +

n2π2

ml2

(T0 +Tq +Td

)yn

= Fyn−

ml

nπ(va + (−1)n+1vb) (2.21)

ou m est la masse lineique du cable,T0 est la tension statique du cable a l’equilibre,Tq = T

(1)q + T

(2)q est l’increment de tension induit par le mouvement des ancrages,

scinde en une contribution du premier et une contribution du deuxieme ordre :

Page 26: Boss Ens 01

16 2. Modelisation de la dynamique d’une structure cablee

T (1)q = EqA

ub − ua

l

T (2)q = EA

(1 +

Eq

σs

λ2

12 + λ2

)(ub − ua)2

2l2+ EA

(vb − va)2

2l2

+ EA

(1 +

λ2σs

12E

)(wb − wa)2

2l2(2.22)

Td est l’increment de tension du aux mouvements dynamiques du cable (modes yn etzn), scinde de facon analogue :

T(1)d =

EA2γ

To

∑n

[ zn

nπ(1 + (−1)n+1)

]T

(2)d =

EA

2

∑k

(y2

k

k2π2

2l2

)+EA

2

∑k

(z2k

k2π2

2l2

)− EqEAγ

σ2s

ub − ua

l

∑k

(zk(1 + (−1)n+1)

kπ) (2.23)

Nous pouvons d’ores et deja mettre en evidence deux mecanismes distincts d’exci-tation du cable : (i) l’excitation directe via les termes agissant comme des forcesexterieures, qui se trouvent dans le membre de droite de (2.21) ; on y distingue unecontribution sismique des ancrages, et la composante modale des forces exterieures,(ii) l’excitation parametrique via les deplacements des supports, entraınant la modi-fication de la tension quasi-statique Tq. Celle-ci apparaıt comme un terme de raideur(le parametre) dans l’Equ.(2.21). Nous reviendrons ulterieurement sur les differentsmodes d’excitation du cable.

2.1.3 Equation des modes verticaux d’un cable

Par une procedure analogue, nous en deduisons l’equation des modes verticaux decable, pour lesquels apparaıt un terme du a la gravite :

d

dt

(∂Kc

∂zn

)+ lEAε

∂ε

∂zn+∂Uc,grav

∂zn= Fzn

(2.24)

pouvant encore s’ecrire :

12mlzn + 2ξznωnzn +

n2π2

ml2

(T0 + Tq + Td

)zn

= Fzn −

ml

nπ(wa + (−1)n+1wb)

+ml2Eqγ

σ2s

(1 + (−1)n+1)(nπ)3

(ub − ua)

−γAlT0

(1 + (−1)n+1)nπ

(T (2)q + Td)

Page 27: Boss Ens 01

2 Approche semi-analytique 17

+γAl

T0

(1 + (−1)n+1)nπ

T(1)q

T0(Tq + Td)

(2.25)

En faisant l’hypothese que T 2q

T 2o 1 et Td

To 1, et en limitant Tq au premier ordre, il

vient :

12mlzn + 2ξznωnzn +

n2π2

ml2

(T0 + Tq + Td

)zn

= Fzn −

ml

nπ(wa + (−1)n+1wb)

+ml2Eqγ

σ2s

(1 + (−1)n+1)(nπ)3

(ub − ua)

−γAlT0

(1 + (−1)n+1)nπ

Td (2.26)

Nous remarquons l’apparition de deux termes d’excitation supplementaires par rap-port a l’equation des modes horizontaux (2.21). Ceux-ci sont dus a la presence dela fleche statique, donc de la gravite, et n’affectent que les modes verticaux d’ordreimpair. Le premier est un terme d’inertie associe aux mouvements axiaux des an-crages (ub − ua) ; meme pour un cable a faible fleche, il n’est pas negligeable, et peutservir a controler les modes verticaux impairs au moyen d’un tendon actif [1, 9]. Lesecond, lineaire en Td, comprend donc des termes en zn (voir l’expression de T (1)

d dans(2.23)) et apparaıt comme une raideur. Il est responsable d’une frequence naturelleplus elevee pour les modes verticaux que pour les modes horizontaux. Pour le premiermode horizontal et vertical, nous trouvons respectivement [10] :

ωy1 =π

l

√σs

ρ(2.27)

ωz1 = ωy1

√1 +

8λ2

π4(2.28)

On constate logiquement que si l’on supprime l’effet de la gravite (γ = ρg cos θ = 0 ;λ = 0), les Equ.(2.21) et (2.25) deviennent identiques, se ramenant a l’equation d’unecorde vibrante.

2.1.4 Equation des modes globaux de structure

En substituant qi = ei dans l’Equ.(2.17), et en scindant les contributions de la struc-ture et des cables, nous trouvons l’equation du mode global i :

d

dt

(∂Ks

∂ei

)+∂Us

∂ei= Fi −

nc∑k

[d

dt

(∂Kc,k

∂ei

)+∂Uc,k

∂ei

](2.29)

avec, dans le membre de droite, les efforts dynamiques aux ancrages des cables,agissant comme des forces exterieures sur la structure. Il faut se rappeler que

Page 28: Boss Ens 01

18 2. Modelisation de la dynamique d’une structure cablee

Kc et Uc ont ete exprimes en fonction des coordonnees locales de chaque cableua, va, wa, ub, vb, wb, reliees aux coordonnees generalisees ei par la relation (2.8),si bien que ∂

∂eidevient :

∂ei= ( ∂ua

∂ei

∂va

∂ei

∂wa

∂ei

∂ub

∂ei

∂vb

∂ei

∂wb

∂ei)( ∂

∂ua

∂∂va

∂∂wa

∂∂ub

∂∂vb

∂∂wb

)T

(2.30)ou, en substituant les relations (2.8) dans (2.30) :

∂ei= φT

i

[LT

a LTb

] (∂

∂ua

∂∂va

∂∂wa

∂∂ub

∂∂vb

∂∂wb

)T(2.31)

Le developpement de ∂∂ei

est analogue. En substituant les expressions (2.11) pour Ks

et (2.12) pour Us dans le membre de gauche, et en utilisant le developpement (2.31)pour le calcul des efforts aux ancrages dans le membre de droite, l’Equ.(2.29) du modeglobal i peut se reecrire :

µi

ei + 2ξωiei + ω2

i ei

= Fi − φT

i

nc∑k

(Lk

a

TLk

b

T)

ddt

(∂Kc

∂ua

)+ ∂Uc

∂ua

ddt

(∂Kc

∂va

)+ ∂Uc

∂va

ddt

(∂Kc

∂wa

)+ ∂Uc

∂wa

ddt

(∂Kc

∂ub

)+ ∂Uc

∂ub

ddt

(∂Kc

∂vb

)+ ∂Uc

∂vb

ddt

(∂Kc

∂wb

)+ ∂Uc

∂wb

(2.32)

On voit clairement apparaıtre dans cette relation les forces de reaction aux ancragesdans les coordonnees locales :

Fua =d

dt

(∂Kc

∂ua

)+∂Uc

∂ua(2.33)

les autres composantes s’obtenant de facon analogue. Les expressions des forces dereaction dynamiques aux ancrages sont donnees explicitement a l’annexe A.

2.2 Validation du modele ; analyse des mecanismesd’excitation et de couplage

La figure 2.3 reprend les equations d’une structure cablee, en faisant ressortir lesdifferents termes d’excitation et de couplage. Nous n’allons pas traiter ici l’influencedes forces exterieures (termes 3 et 5 sur la figure 2.3), pouvant resulter de l’action duvent sur un hauban, ou de la pluie et du vent combines. Nous considerons unique-ment l’excitation provenant des mouvements des supports. Ce probleme est etudie endetail dans [10] pour le cas specifique des ponts haubanes. On a en effet observe desvibrations de haubans causees par les mouvements du tablier lors de campagnes demesures realisees sur des ponts instrumentes [11].

Page 29: Boss Ens 01

2 Validation du modele ; analyse des mecanismes d’excitation et de couplage 19

Fig. 2.3 – Dynamique d’une structure cablee

2.2.1 Excitation directe d’un cable

Par “excitation directe”, nous designons les termes apparaissant dans le membre dedroite des Equ.(2.21) et (2.26) qui gouvernent les cables. Ils proviennent soit d’unmouvement des supports perpendiculaire a l’axe du cable (termes 4 et 6 a la fi-gure 2.3), soit d’un mouvement axial dans le cas particulier des modes verticauxsymetriques (terme 7 de la figure 2.3). Pour mettre en evidence les non-linearites ty-piques de la reponse d’un cable soumis a une excitation directe, nous avons realisel’experience numerique suivante, decrite a la figure 2.4 : nous excitons un cable ho-rizontal a l’aide d’un deplacement vertical de l’un de ses supports. Les parametresutilises pour l’experience numerique presentee ici (provenant de [10]) sont regroupesdans le tableau 2.1. Le support est anime d’un mouvement “quasi-harmonique”, dontla frequence varie de facon monotone de 1.08ωo a 1.25ωo en 750sec. Le balayage de

Fig. 2.4 – Excitation sismique du premier mode vertical d’un cable

Page 30: Boss Ens 01

20 2. Modelisation de la dynamique d’une structure cablee

parametre valeurLongueur l 7,6 m

Tension statique To 36,28 NModule d’elasticite E 2, 1.1011Pa

Diametre 1, 085.10−3mAmortissements modaux ξi 0, 15%

Masse volumique ρ 1, 22.104kg/m3

Parametre d’Irvine λ 1.648Frequence “corde”(sans gravite) 23.43rad/sec

du premier mode ωo

Amplitude d’excitation X 0.4 mmFacteur de normalisationK utilise pour les courbes 0.0764 m

de resonance de la figure 2.5

Tab. 2.1 – Valeurs des parametres pour l’experience numerique de la figure 2.4 [10]

la plage de frequence est ensuite effectue en sens decroissant, egalement en 750sec.La reponse du cable est en permanence quasi-stationnaire. Les courbes 2.5.(a), (b) et(c) sont respectivement les courbes de resonance theorique obtenue par la methodedes echelles multiples [10], obtenue avec notre modele analytique et obtenue avecun modele elements finis non-lineaire [12]. Les figures (b) et (c) ont ete obtenues enportant en fonction de la frequence instantanee d’excitation, l’amplitude des oscilla-tions calculee sur une moyenne mobile centree de 20 sec. Ces courbes sont diviseespar le facteur de normalisation K = 4l

π

√εo

3 , introduit dans [10]. La courbe 2.5.(d)montre l’enveloppe du deplacement z1 du cable au cours de l’experience numerique.Nous remarquons que la resonance se produit a des frequences plus elevees que ωo,conformement a la relation (2.28). L’inclinaison du pic de resonance provient destermes quadratiques et cubiques (terme 2 de la figure 2.3) : ceux-ci font augmenterla valeur de la raideur moyenne lorsque l’amplitude d’oscillation augmente, ce qui apour effet de decaler la frequence naturelle du cable vers la droite. Si l’on augmentela frequence d’excitation, le systeme se maintiendra donc a la resonance (entre 1 et 2a la figure 2.5). Cependant, plus la frequence d’excitation augmente, plus la courbe1 → 2 se rapproche de la branche instable (en pointilles sur la figure 2.5.(a)), si bienque le systeme finira par “sauter” vers la branche de resonance inferieure (point 3 ala figure 2.5). Si l’on diminue la frequence d’excitation, il suivra la branche 3 → 4,jusqu’a ce qu’un autre saut se produise (4 → 5), la ou une solution stable n’existeplus que sur la branche superieure.Comme le montre la figure 2.5, notre modele analytique se comporte de maniere si-milaire au modele elements finis, les deux modeles etant conformes aux predictionstheoriques.Des resultats analogues peuvent s’obtenir avec un mouvement horizontal du sup-

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2 Validation du modele ; analyse des mecanismes d’excitation et de couplage 21

Fig. 2.5 – Courbe de resonance d’un cable horizontal excite par un mouvement verticald’un support (a) courbe analytique obtenue par la methode des echelles multiples [10],(b) modele semi-analytique (cable=Equ.(2.26)), (c) modele elements finis non-lineaire[12], (d) enveloppe du deplacement au cours de l’experience numerique

port ; l’excitation directe provient alors de l’inertie axiale induite par la deformeestatique (terme 7 sur la figure 2.3). L’influence de l’excitation parametrique estnegligeable dans ce cas (ceci sera montre a la section suivante). Une etude numeriqueet experimentale relative a cette configuration est presentee dans [1].

2.2.2 Excitation parametrique d’un cable

L’excitation parametrique (figure 2.6) provient de la variation de tension induite parles mouvements axiaux des supports (terme 1 a la figure 2.3). Si l’on considere un cablevertical ou tres tendu (λ = 0) , seule l’excitation parametrique subsiste. En negligeantles couplages quadratiques et cubiques (terme 2 de la figure 2.3), les Equ.(2.21) et(2.26) se ramenent toutes deux a l’equation d’une corde vibrante (de frequence ωo),

Page 32: Boss Ens 01

22 2. Modelisation de la dynamique d’une structure cablee

Fig. 2.6 – Excitation parametrique d’un cable

excitee par le deplacement axial d’un support (de frequence ωs et d’amplitude X) :yn + 2ξynωnyn + n2π2

ml2

(T0 +KcX sinωst

)yn = 0

n2π2

ml2 To = ω2o

KcX = Tq

(2.34)

L’Equ.(2.34) est conditionnellement stable, c’est a dire qu’il existe des combinaisons(ωs, Tq) qui conduisent a une reponse infinie en yn. On trouve dans la litterature,l’etude de stabilite de l’equation de Mathieu [13] :

x+ 2µx+ (δ + 2ε cos 2t)x = 0 (2.35)

Celle-ci se ramene a l’equation de l’excitation parametrique de la corde vibrante (2.34)moyennant les changements de variables suivants :

δ = 4(ωo

ωs)2; ε = 2

Tq

To(ωo

ωs)2; µ = 2ξ

ωo

ωs(2.36)

Les relations delimitant les zones stables et instables de l’equation de Mathieu enfonction des parametres δ, ε, µ sont tres complexes. Des expressions approchees deszones d’instabilite d’ordre 0,1 et 2, valables pour ε, µ 1 (c’est a dire un cablefaiblement amorti, et des petits mouvements des ancrages) sont donnees dans [13] :

δ = − 12ε

2 ordre 0

δ = 1± (ε2 − 4µ2)1/2 − 18ε

2 ordre 1

δ = 4 + 16ε

2 ± ( 116ε

4 − 16µ2)1/2 ordre 2

(2.37)

En general, ces zones sont representees graphiquement dans le plan (δ,ε). Nous avonsprefere projeter les relations (2.37) dans le plan (ωs

ωo,

Tq

To) - faisant apparaıtre claire-

ment les caracteristiques de l’excitation - a l’aide des changements de variable (2.36).La figure 2.7 montre les zones d’excitation parametrique (en hachure) d’ordre 1 et2 (l’instabilite d’ordre 0 n’est pas representee, car elle correspond a un support se

Page 33: Boss Ens 01

2 Validation du modele ; analyse des mecanismes d’excitation et de couplage 23

deplacant suivant une loi exponentielle, et non de facon harmonique). D’une manieregenerale, l’excitation parametrique d’ordre k d’un mode de frequence ωo corresponda une frequence d’excitation valant :

ωk =2ωo

k, k = 1, 2, 3, ... (2.38)

Comme le montre la figure 2.7, les regions d’instabilite deviennent d’autant plus

Fig. 2.7 – Zones d’instabilite d’un cable soumis a une excitation parametrique,representees dans le domaine “frequence / amplitude”

etroites que k est grand. On voit aussi que pour un amortissement donne, l’ampli-tude minimale d’excitation pour atteindre l’instabilite augmente avec k. Ceci expliquequ’en pratique, seule l’excitation parametrique d’ordre 1 (la frequence du mouvementdes supports vaut le double de la frequence fondamentale du cable) est potentielle-ment dangereuse.Dans le cas general, les mouvements des supports ne sont pas alignes avec l’axe ducable, si bien que les termes d’excitation directe existent aussi, combinant les deuxmecanismes d’excitation. L’angle entre l’axe du cable et les mouvements des sup-ports joue un role preponderant dans l’importance relative entre l’excitation directeet l’excitation parametrique. Dans certains cas, l’excitation parametrique d’ordre 1du mode 1 d’un cable n’est pas possible car elle est suppleee par la reponse du mode 2en excitation directe ; ceci est mis en evidence dans [14]. Il semble donc qu’en plus deslimites representees a la figure 2.7, il existe une autre limite liee a la reponse directedes modes d’ordres superieurs.

Page 34: Boss Ens 01

24 2. Modelisation de la dynamique d’une structure cablee

2.2.3 Excitation d’une structure cablee

Jusqu’a present, nous nous sommes surtout focalises sur la dynamique du cableproprement-dit. Ici, nous allons realiser une experience numerique impliquant uneinteraction cable-structure, ou les deux modes d’excitation d’un cable mentionnes ci-avant (i.e. directe et parametrique) seront presents. La structure cablee est representeea la figure 2.8 ; elle modelise une maquette de pont haubane pendant sa phase deconstruction. Nous avons expressement ajuste la frequence du premier mode verticalde l’un des haubans (denote a sur la figure 2.8) sur une frequence proche de celle dupremier mode de torsion asymetrique du tablier (13, 5Hz), et la frequence du pre-mier mode vertical d’un second hauban (denote b) sur une frequence proche de lamoitie de la frequence naturelle du premier mode asymetrique de torsion. Les pa-rametres des cables a et b sont regroupes dans le tableau 2.2. L’organigramme dumodele est representee a la figure 2.9. Il a ete implemente dans le module SIMULINKde MATLAB. L’excitation, une force harmonique (13, 7Hz) verticale a l’extremitedu tablier, est appliquee pendant 25 secondes avec une amplitude de 1N , et pendantles 25 secondes suivantes avec une amplitude de 0.2N . L’amplitude des deplacementsverticaux au droit des ancrages des cables a et b est indiquee a la figure 2.8. La figure2.10 montre les courbes de deplacement (a) du tablier au niveau de l’excitation (lesdeplacements au niveau des ancrages suivent des courbes similaires, a un facteur pres),(b) du premier mode plan (vertical) du cable a et (c) du premier mode plan du cableb. Des l’enclenchement de l’excitation (de frequence f), le tablier entre en resonancea sa frequence naturelle (proche de f). Le cable a, dont la frequence naturelle esttres voisine, est excite de facon directe par les mouvements de l’ancrage (termes 6et 7 de la figure 2.3). Le cable b rentre lui aussi en resonance, mais apres une phased’excitation plus longue, et apres etre passe progressivement d’une frequence f a unefrequence f/2 (ceci est mieux visible sur la figure 2.11, agrandissement de la figure2.10 entre t = 2 et t = 7s). Il s’agit ici d’une excitation parametrique (terme 1 a lafigure 2.3) d’ordre 1. En t = 25s, lorsque l’amplitude d’excitation est divisee par 5,

Cable a Cable bLongueur (corde) l 1,242 m 1,242 mTension statique To 55,4 N 12,4 NModule d’Young E 2, 25.1010Pa 2, 25.1010Pa

Diametre 10−3m 10−3mAmortissement modal ξi 0, 3% 0, 3%

Masse volumique ρ 6.104kg/m3 6.104kg/m3

Inclinaison sur l’horizontale θ 54o 54o

Parametre d’Irvine λ 0,109 1,026Frequence du premier 13, 7Hz 6, 75Hz

mode vertical (Eq.2.28)

Tab. 2.2 – Caracteristiques des cables de l’experience numerique de la figure 2.8

Page 35: Boss Ens 01

2 Validation du modele ; analyse des mecanismes d’excitation et de couplage 25

Fig. 2.8 – Experience numerique d’excitation d’une structure cablee

Fig. 2.9 – Architecture du modele numerique

les deplacements du tablier sont reduits dans la meme proportion. C’est egalementce qui se produit pour le premier mode plan du cable a, excite de facon directe. Parcontre, la resonance du cable b disparaıt completement : en reduisant l’amplitude dedeplacement de l’ancrage, nous sommes sortis de la zone d’existence de l’excitationparametrique d’ordre 1. Ceci est illustre a la figure 2.7, ou le point 1 represente l’ex-citation parametrique pendant les 25 premieres secondes, et le point 2 represente la

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26 2. Modelisation de la dynamique d’une structure cablee

Fig. 2.10 – (a) Deplacement vertical du tablier au niveau du point d’application del’excitation (b) premier mode vertical du cable a soumis a une excitation directe (c)premier mode vertical du cable b soumis a une excitation parametrique

situation apres la diminution d’amplitude des deplacements du tablier. Signalons quedes resultats experimentaux similaires a ces resultats numeriques ont ete obtenus surun demonstrateur semblable a la structure de la figure 2.8. Ils seront presentes auchapitre 4.

2.3 Conclusion

En utilisant une approche semi-analytique semblable a celle de Y. Achkire, nous avonsderive les equations regissant le comportement d’une structure cablee. Celles-ci ontete implementees dans le module SIMULINK de MATLAB, sous forme d’un element“cable” a parametrer. Nous avons ensuite analyse 2 modes d’excitation d’un cable :l’excitation directe et l’excitation parametrique. Au travers d’un exemple trouve dansla litterature, nous avons compare notre modele a un module commercial d’elementsfinis non-lineaire. Des resultats semblables ont ete obtenus, tant qualitativement quequantitativement. Enfin, une experience numerique representative d’un pont haubaneen construction a ete realisee. Elle fait intervenir des couplages de types direct etparametrique entre la structure et les cables. Des resultats experimentaux similairesseront presentes au chapitre 4.L’approche semi-analytique presentee ici possede l’avantage de pouvoir introduire

Page 37: Boss Ens 01

2 References 27

Fig. 2.11 – agrandissement de la figure 2.10 entre t = 2 et t = 7sec.

des parametres globaux, comme les amortissements modaux des cables, grandeursdifficiles a introduire dans une modelisation elements finis. De plus, le fait de separerla structure en sa partie lineaire (modelisee a l’aide d’un developpement modal limite),et sa partie non-lineaire (les cables) permet de reduire considerablement l’effort decalcul.

2.4 References

[1] Y. Achkire. Active Tendon Control of Cable-Stayed Bridges. PhD thesis, Uni-versite Libre de Bruxelles, Belgium, May 1997.

[2] T. Susumpow and Y. Fujino. Active control of cable and cable-structure system.In 1st Int. Conf. on Motion and Vibration Control, volume 1, pages 170–175,September 1992.

[3] V. Gattuli and A. Paolone. Planar motion of a cable-supported beam withfeedback controlled actions. J. of Intelligent Material Systems and Structures,8 :767–774, september 1997.

[4] V. Gattuli and A. Paolone. A Nonlinear Dynamic Model for a Cable-SupportedBeam. DISAT- REPORT n.1/98, Universita’ di L’Aquila, Italy, 1998.

[5] M. Geradin and D. Rixen. Theorie des Vibrations - Application a la Dynamiquedes Structures. Masson, 1993.

Page 38: Boss Ens 01

28 2. Modelisation de la dynamique d’une structure cablee

[6] H.M. Irvine. Cable structures. M.I.T. press, 1981.

[7] J.N. Reddy. Energy and Variational Methods in Applied Mechanics. Wiley-Interscience, 1984.

[8] H.M. Irvine and T.K. Caughey. The linear theory of free vibrations of a suspendedcable. In Proceedings of the Royal Society London, volume 341 of A, pages 299–315, 1974.

[9] Y. Fujino and T. Susumpow. An experimental study on active control of planarcable vibration by axial support motion. Earthquake Engineering and StructuralDynamics, 23 :1283–1297, 1994.

[10] A. Pinto da Costa, J. A. C. Martins, F. Branco, and J.L. Lilien. Oscillations ofbridge stay cables induced by periodic motion of deck and/or towers. Journal ofEngineering Mechanics, pages 613–622, July 1996.

[11] H.E. Langsoe and O.D. Larsen. Generating mechanisms for cable stay oscillationsat the Faroe Bridges. In International Conference on Cable-Stayed Bridges,Bangkok, Thailand, November 1987.

[12] Mecano : non linear finite-elements module. Samtech.

[13] A.H. Nayfeh and D.T. Mook. Nonlinear oscillations. John Wiley & sons, NewYork, 1979.

[14] M. Auperin and C. Dumoulin. Element-fini “cable” de haute precision. In ThirdInternational Symposium on Cable Dynamics, Trondheim, Norway, August 1999.

Page 39: Boss Ens 01

Chapitre 3

Amortissement actif d’unestructure cablee

Classiquement, le but recherche en ajoutant des cables a une structure est de la rendreplus rigide, en ne lui ajoutant qu’une faible masse. La rigidite apportee depend nonseulement des caracteristiques structurelles des cables (module de Young, diametreet longueur), mais egalement des tensions dans les cables, par le biais de la raideurgeometrique. Cette technique est applique couramment en genie civil (ponts haubanes,antennes de telecommunication, toitures de stades). Dans le cas des ponts haubanes,les cables servent bien entendu avant tout a soutenir le poids du tablier. Ils constituentegalement la principale contribution a la raideur.Les structures spatiales deployables comportent des jeux au niveau des mecanismes dedeploiement. Sur terre, les jeux sont compenses par le poids propre, ce qui n’est plusle cas dans l’espace. Ils sont genants dans la mesure ou ils rendent la dynamique dela structure incertaine. L’usage de cables permettrait, en plus de l’apport de raideur,de compenser les jeux en creant une precontrainte.Dans ce chapitre, nous allons montrer comment les cables peuvent servir a amortirla structure par le biais du controle actif. Nous envisagerons d’abord le controle actifpour amortir le cable lui-meme, ensuite nous verrons comment un cable controleactivement peut servir a amortir l’ensemble de la structure. Dans les deux cas, nouspronons l’usage d’une loi de controle robuste, independante d’un modele, basee surune configuration capteur/actionneur colocalises au niveau de l’ancrage.

3.1 Amortissement actif d’un cable

On trouve dans la litterature, trois grandes classes de methodes pour controler lesvibrations d’un cable : (i) par l’application d’une force ponctuelle (ii) par pilotagedu mouvement transversal d’un ancrage (iii) par pilotage du mouvement axial d’unancrage. Celles-ci sont illustrees a la figure 3.1.

29

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30 3. Amortissement actif d’une structure cablee

Fig. 3.1 – Configurations possibles pour l’amortissement actif d’un cable

3.1.1 Application d’une force ponctuelle

La premiere categorie, illustree a la figure 3.1 (a), a ete etudiee theoriquement dans[1]. Le principal inconvenient de cette strategie provient de la discontinuite dans lacourbure du cable, induite par la force ponctuelle. Cela peut poser des problemesde fatigue au point d’application de la force. Cependant, sa version passive (figure3.1 (b)) est couramment employee pour amortir des haubans de ponts (ce systemeest implemente notamment sur les pont de l’Iroise et d’Aratsu (figure 3.2) et sur lepont Erasmus de Rotterdam [2]). Pacheco et al. ont etudie l’influence de la positionet de la viscosite de l’amortisseur sur l’efficacite du systeme [3]. Ils effectuent uneanalyse modale du systeme cable + amortisseur dans la base des deformees modales(sinusoıdales) du cable seul. En prenant en compte un grand nombre de deformees, ilsobtiennent avec une bonne precision (numeriquement) la frequence et l’amortissementdes quelques premiers modes du systeme couple cable + amortisseur. Leurs resultatssont presentes a la figure 3.3, sous la forme d’une courbe universelle de l’amortissementξi du mode i en fonction de la position xc et de la viscosite c de l’amortisseur, de lamasse m du cable par unite de longueur, et de sa premiere frequence naturelle ω01 sansl’amortisseur. Le fait que cette courbe presente un optimum n’a rien d’etonnant : sic = 0, il n’y a aucune dissipation d’energie dans l’amortisseur et si c = ∞, on cree unpoint fixe avec pour seul effet de separer le cable initial en deux cables non amortis.Cette courbe n’est valable que pour les quelques premiers modes, a condition que

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3 Amortissement actif d’un cable 31

Fig. 3.2 – Controle d’un hauban a l’aide d’amortisseurs hydrauliques : (a) Pont del’Iroise (France) (b) Pont de Aratsu (Japon)

ixc/L < 0.15 (l’amortisseur doit etre situe bien avant le premier ventre du mode aamortir), et elle ne prend pas en compte l’influence de la gravite. Les auteurs ontcependant montre qu’elle reste valable pour des cables a faible fleche (λ < 1). Plus

Fig. 3.3 – Courbe universelle d’amortissement ξi du mode i d’un cable en fonctionde la viscosite (c) et de la position (xc) de l’amortisseur, et des parametres m,L, ω01

du cable

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32 3. Amortissement actif d’une structure cablee

recemment, Krenk [4] a etudie le meme probleme, utilisant des deformees modalescomplexes, separees en 2 domaines de calcul, de part et d’autre de l’amortisseur. Ilobtient la forme analytique de la courbe de la figure 3.3 :

ξixc/L

= π2 (cixc)/(mω01L2)

1 + π4(cixc)2/(mω01L2)2

ξmaxi

xc/L= 0.5 (3.1)

c(ξi=ξmaxi

) =L2ω01m

π2ixc

Ces relations constituent la solution asymptotique du probleme pour xc

L → 0. L’amor-tissement pour une position quelconque de l’amortisseur est obtenu en resolvantnumeriquement une equation transcendante [4].Signalons encore que des etudes sont actuellement en cours, visant a remplacer l’amor-tisseur passif par un amortisseur magnetorheologique (certaines proprietes mecaniquesdu fluide interne peuvent etre modifiees au moyen d’un champ magnetique) [5, 6].

3.1.2 Controle transversal du support

Dans la seconde categorie, illustree aux figures 3.1 (c) et (d), l’ancrage est pilote trans-versalement. Le mouvement ou la force imposee peuvent provenir d’un controleur,(figure 3.1 (c)), ou resulter de la dissipation passive du support (figure 3.1 (d)).Cette configuration a ete etudiee numeriquement par Lee et Mote [7], qui ont for-mule le probleme en terme de propagation d’onde. Leur controleur tend a minimiserle coefficient de reflexion que constitue le support vis-a-vis des mouvements transver-saux du cable. Yamaguchi et Fujino [8] ont constate experimentalement l’influencede l’amortissement transversal du support sur l’amortissement modal du cable. Plusrecemment, H. Canbolat et al. ont realise des experiences de controle actif dans laconfiguration de la figure 3.1 (c) [9]. Leur regulateur lineaire relie des mesures localesau niveau de l’ancrage (position, vitesse, pente, vitesse angulaire) a un actionneur enforce (un moteur DC) entraınant l’ancrage mobile. Les auteurs ont montre que cettetechnique est tres efficace, mais elle est nettement plus compliquee a mettre en oeuvreque l’application d’une force ponctuelle en un point du cable. En particulier, dans lecas d’un controle en force, elle implique une prise en compte de la friction entre lapartie fixe et la partie mobile de l’ancrage.

3.1.3 Controle longitudinal du support (tendon actif)

La troisieme classe de controle est basee sur le pilotage longitudinal de l’ancrage(tendon actif) (figure 3.1 (e) et (f)). La figure 3.4 permet de comprendre a quel ni-veau le controle longitudinal des supports intervient dans les equations du cable, enanalysant des configurations de complexite croissante. La figure 3.4 (a) se rapportea une corde vibrante, tendue entre deux supports fixes. L’equation lineaire negligela variation de longueur de la corde au cours de ses oscillations. Cette contribution,

Page 43: Boss Ens 01

3 Amortissement actif d’un cable 33

Fig. 3.4 – Dynamique d’un cable controle au moyen d’un tendon actif

denotee stretching est prise en compte dans les equations (non-lineaires) suivantes.Elle est responsable d’une augmentation de la frequence naturelle de la corde avecl’amplitude de vibration, et du phenomene de saut, evoques a la section 2.2.1. A lafigure 3.4 (b), nous introduisons le deplacement longitudinal d’un support, se tra-duisant par une modification huu de la tension (denotee “excitation parametrique”).En prenant en compte la gravite (figure 3.4 (c)), des termes supplementaires appa-raissent dans l’equation des modes verticaux. L’un d’eux (denote “inertie”) provientde l’acceleration longitudinale du support mobile αcu. Il peut s’utiliser pour controlerles modes verticaux symetriques (zn, n impair). On parle alors de controle activesag induced inertia. Y. Fujino et T. Susumpow ont etudie et implemente un telsysteme, avec un controleur Direct Velocity Feedback (DVF) [10, 11] (figure 3.1 (e)).Les strategies basees sur le terme d’excitation parametrique huu (terme 1 sur la fi-gure 2.3) peuvent se classer dans la categorie du controle active stiffness (figure 3.1(f)) [11, 12, 13, 14, 15]. La sortie du compensateur est une fonction quadratique dumode cible, si bien que le support - comme pour l’excitation parametrique d’ordre 1vue a la section 2.2.2 - se deplace a une frequence double de celle du mode controle.Le tableau 3.1 rassemble differentes strategies de controle d’un cable par tendon ac-tif, avec l’amortissement theorique qu’elles permettent d’obtenir. Dans ce tableau,

Page 44: Boss Ens 01

34 3. Amortissement actif d’une structure cablee

active sag induced inertia active stiffness

Controleur de Chen [13]u(t) = g

ωyn

ynyn

|yn|ξyn = 2

3π1ε0

1

1+ λ212

au

lu(t) = g

ωzn

znzn

|zn|ξzn = 2

3π1ε0

1

1+ λ212

1κn

au

l

Controleur de Onoda [14, 15]

u(t) =

au si ynyn > 0−au si ynyn < 0

ξyn = 1π

1ε0

1

1+ λ212

au

l

Controleurs de Fujino [10, 12, 11]

u(t) = gωzn

zn

ξzn = g λ

1+ λ212

1√ε0

1+(−1)n+1

u(t) = au2

ωyn

ynyn

y2n+( yn

ωyn)2

ξyn = 14

1ε0

1

1+ λ212

au

l

ξyn = 0

u(t) = au2

ωzn

znzn

z2n+( zn

ωzn)2

ξzn = 14

1ε0

1

1+ λ212

au

IFF [16]u(t) = gp

∫T (t)dt

ξzn = 2(nπ)4 (1 + (−1)n+1)λ2

gphuωzn

1+(

gphuωzn

)2 ξzn =√

28

1ε0

1

1+ λ212

1κn

au

l

ξyn = 0 ξyn =√

28

1ε0

1

1+ λ212

au

l

Tab. 3.1 – Differents controleurs pour l’amortissement d’un cable a l’aide d’un tendonactif

Page 45: Boss Ens 01

3 Amortissement actif d’un cable 35

εo = To/(EA) est le taux de deformation statique du cable, au est l’amplitude dedeplacement de l’ancrage et λ est le parametre d’Irvine (Equ. (2.5)). On observe quel’amortissement obtenu par controle active sag induced inertia est une fonction dugain de la boucle de retroaction, alors que dans le cas du controle active stiffness, ilest fonction de l’amplitude au du deplacement du support. κ represente le rapportω2

zn/ω2yn (≥ 1), traduisant une diminution d’efficacite du controle active stiffness pour

les modes verticaux, due a la presence de la fleche.Toutes les strategies de controle evoquees jusqu’ici sont basees sur une configurationnon-colocalisee : le capteur est un dispositif optique (camera CCD ou capteur PSD[17]), mesurant le deplacement transversal en un point du cable, alors que l’action-neur agit au niveau de l’ancrage. Comme pour toute configuration non-colocalisee, laconception de la loi de controle, ou la loi de controle elle-meme, sera basee sur unmodele de la structure, qui ne prend en compte qu’un nombre limite de modes. Cesstrategies sont donc toutes susceptibles d’etre affectees par le spillover, se produisantquand des modes de haute frequence - dont on n’a pas tenu compte dans la conceptiondu controleur - sont presents dans les signaux des capteurs (observation spillover), etsont excites par les actionneurs (control spillover).Ces problemes peuvent etre evites en adoptant une configuration de paires cap-teur/actionneur colocalises. Cela permet d’implementer des lois de controle incon-ditionnellement stables, sans faire intervenir de modele de la structure. La strategieadoptee dans ce travail est decrite a la section suivante.

3.1.4 Tendon actif colocalise

Fig. 3.5 – Controle actif dissipatif

Un systeme de controle actif utilisant des paires capteur/actionneur colocalises jouitde proprietes de stabilite interessantes [18], dues a une alternance des poles et deszeros de transmission dans la fonction de transfert en boucle ouverte. Cette confi-guration permet d’implementer des lois de controle garantissant en permanence unedissipation d’energie mecanique. Parmi celles-ci, on trouve le DVF (version actived’un amortisseur lineaire), utilisant une mesure de vitesse et un actionneur en force(figure 3.5 (a)), ou l’IFF, version duale du precedent, muni d’un capteur de force et

Page 46: Boss Ens 01

36 3. Amortissement actif d’une structure cablee

d’un actionneur en deplacement (figure 3.5 (b)). L’IFF peut s’ecrire (en utilisant lesnotations de la figure 3.6) :

u = gp

∫Tdt (gp > 0) (3.2)

ou gp represente le gain physique reliant la mesure du capteur de force au deplacementde l’actionneur (qu’il faut distinguer du gain normalise g introduit plus loin). Lesysteme est en permanence dissipatif, comme l’indique l’expression de la puissancemecanique entrant dans la structure : W = −T u = −gpT

2. On concoit bien quedans ces conditions, tous les modes observables et controlables seront amortis, et quela stabilite sera en principe garantie quelle que soit la valeur du gain gp (marge degain infinie), pour toute structure, au comportement lineaire ou non. En particulier,il peut s’appliquer au controle d’un cable (figure 3.1 (g)). Une etude theorique etexperimentale a ete realisee par Y. Achkire [16]. Les performances theoriques de l’IFFsont reprises dans le tableau 3.1, ou l’on observe qu’il controlera simultanement lesmodes verticaux (via les mecanismes active sag induced inertia et active stiffness) etles modes horizontaux (uniquement via le mecanisme active stiffness), tout en offrantune stabilite garantie.Dans la section qui suit, la meme strategie de controle est adoptee, mais dans le butde controler les modes globaux de la structure (tout en beneficiant de la stabilitegarantie des cables).

3.2 Structure cablee

La premiere application experimentale de l’IFF a l’amortissement actif d’une struc-ture cablee a ete realisee sur une maquette de laboratoire (dominee par la dynamiquedu premier mode), representee schematiquement a la figure 3.6 (a) [19]. La figure 3.6(b) montre la reponse frequentielle entre une force d’excitation et l’acceleration me-suree sur la structure. La reponse libre du systeme avec et sans controle est egalementrepresentee. Comme on le voit, le pic de resonance de la structure est considerablementamorti, sans pour autant destabiliser les modes locaux du cable. Notons que leconcept de cable actif presente ci-dessus peut etre etendu sans difficulte a une struc-ture munie de plusieurs cables actifs controles de maniere decentralisee (fonctionnantindependamment les uns des autres), chacun pourvu de la loi de controle (3.2). Cecia ete montre experimentalement a l’aide d’une structure en T munie de deux cablesactifs [16]. La section suivante presente une theorie lineaire simplifiee, qui, a partirde criteres tres simples, permet le choix du nombre et de l’emplacement des cablesactifs, ainsi qu’une estimation des performances en terme d’amortissement modal.

3.2.1 Theorie lineaire simplifiee

Les resultats presentes ici ont ete etablis lors d’etudes anterieures [16, 19]. Ils fontusage de deux hypotheses simplificatrices : (i) on peut negliger la dynamique descables : ceux-ci apparaissent comme des ressorts dans l’equation de la structure (ii) les

Page 47: Boss Ens 01

3 Structure cablee 37

Fig. 3.6 – Amortissement actif d’une structure cablee

deformees modales ne sont pas affectees par la presence des cables actifs. Moyennantces deux hypotheses, il est possible de developper une theorie lineaire simplifiee pourla prediction des poles de la structure en boucle fermee, que nous presentons ici.Considerons l’equation generale d’une structure non-amortie munie de cables :

Mx+Kx = −BT (3.3)

ouM etK sont respectivement les matrices de masse et de raideur de la structure sansles cables, T est le vecteur des tensions dans ceux-ci, apparaissant comme des forcesexterieures, et B est la matrice d’influence, permettant le passage des coordonneeslocales des cables aux coordonnees globales de la structure (B possede autant decolonnes qu’il y a de cables actifs et autant de lignes qu’il y a de degres de liberte).Comme nous l’avons mentionne plus haut, nous negligeons la dynamique des cables, sibien que les tensions ne sont fonctions que des elongations entre les points d’ancrages :

T = Kc

(BTx− u

)(3.4)

ou Kc = diag(hc) est la matrice diagonale contenant les raideurs des cables actifs,BTx represente les elongations des cables actifs dues aux mouvements de leurs pointsd’ancrages sur la structure, et u contient les deplacements actifs des tendons. Lameme matrice d’influence B apparaıt dans les Equ.(3.3) et (3.4), car le capteur (T )

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38 3. Amortissement actif d’une structure cablee

Fig. 3.7 – Lieu des poles d’une structure cablee en boucle fermee

et l’actionneur (u) de chaque tendon actif sont colocalises, alignes suivant la directiondu cable. La loi de controle decentralisee relie l’elongation u des elements actifs, a lamesure T de leurs capteurs respectifs. Si nous etendons l’equation du controle (3.2)au cas de plusieurs cable actifs, il vient, en variable de Laplace :

u =g

sK−1

c T (3.5)

Dans cette equation, K−1c T represente l’elongation elastique dans les cables actifs ;

T et u sont des vecteurs et le gain normalise g est identique pour chaque boucle decontrole ; il est relie au gain physique de l’Equ.(3.2) par la relation

gp =g

hc(3.6)

En combinant les relations (3.3) a (3.5), on trouve l’equation du systeme en bouclefermee en coordonnees globales x (en variable de Laplace) :[

Ms2 + (K +BKcBT )− g

s+ gBKcB

T

]x = 0 (3.7)

On remarque que lorsque le gain g tend vers l’infini, l’Equ.(3.7) convergevers

[Ms2 +K

]x = 0, c’est a dire l’equation de la structure originale sans les cables

Page 49: Boss Ens 01

3 Structure cablee 39

actifs. Si nous faisons l’analogie avec un systeme a une entree et une sortie (SISO),pour lequel les zeros du systeme en boucle ouverte correspondent aux poles du systemeen boucle fermee quand g → ∞, nous voyons que l’on peut assimiler les poles de lastructure sans ses cables actifs aux zeros de transmission de la fonction de transferten boucle ouverte de notre systeme (en realite, u et T etant des vecteurs, il n’y a plusune fonction de transfert, mais bien une matrice de transfert, et le concept de zeros detransmission n’a donc plus la meme signification. Cependant, nous l’utilisons car onle montrera plus loin, la formulation mathematique developpee ici etablit l’analogieentre la branche du lieu decrite par chacun des poles de la structure, et le lieu despoles d’un systeme SISO equivalent en boucle fermee). Moyennant l’hypothese que lapresence des cables actifs n’affecte pas les deformees modales, nous allons calculer latrajectoire de chacun des poles de la structure de facon decouplee. Pour cela, nousdesignons par ω = diag(ωi) la matrice des frequences naturelles de la structure sansles cables actifs, et par Ω = diag(Ωi) la matrice des frequence naturelles de la struc-ture avec les cables actifs (les actionneurs a l’arret), et nous normalisons les deformeesmodales suivant ΦTMΦ = I. Si nous projetons l’Equ.(3.7) en coordonnees modales(x = Φz), nous obtenons :[

s2I + ΦT(K +BKcB

T)Φ− g

s+ gΦTBKcB

T Φ]z = 0 (3.8)

Nous introduisons maintenant l’hypothese de deformees modales inchangees, nouspermettant d’ecrire :

ΦT(K +BKcB

T)Φ = Ω2 et ΦTKΦ = ω2 (3.9)

Nous avons donc neglige les termes non diagonaux de ΦTBKcBT Φ ; les termes diago-

naux donnent les energies modales de deformation dans les cables. En substituant lesrelations (3.9) dans (3.8), nous obtenons une equation decouplee pour chaque mode :

s2 + Ω2i −

g

s+ g

(Ω2

i − ω2i

)= 0

ou encores(s2 + Ω2

i

)+ g

(s2 + ω2

i

)= 0 (3.10)

qui peut etre interpretee comme l’equation caracteristique d’un systeme SISOequivalent en boucle fermee, dont la fonction de transfert en boucle ouverte serait :

G(s) = g

(s2 + ω2

i

)s (s2 + Ω2

i )(3.11)

Chaque pole de la structure decrit donc dans le plan d’Evans, une trajectoire partantdes poles (du systeme equivalent) en boucle ouverte ±jΩi pour g = 0 vers les zerosen boucle ouverte ±jωi pour g →∞ (figure 3.7). Chacune de ces boucles est stable,et l’on peut montrer que l’amortissement maximum vaut :

ξmaxi =

Ωi − ωi

2ωi(3.12)

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40 3. Amortissement actif d’une structure cablee

obtenu pour le gaing = Ωi

√Ωi/ωi (3.13)

Le lieu des poles de la figure 3.7 montre clairement que l’amortissement modal ξi serad’autant plus grand que la boucle fait une incursion importante dans le demi-planreel negatif, et donc que les frequences Ωi et ωi sont eloignees l’une de l’autre. Celasignifie que pour etre efficace, les cables actifs doivent etre places et dimensionnesde telle sorte que l’augmentation des frequences naturelles de la structure due a leurpresence soit aussi grande que possible pour les modes que l’on cherche a amortir. Onpeut egalement montrer [20] que pour les petites valeurs de gain g, l’amortissementmodal est bien approche par la formule :

ξi ≈gνi

2Ωi(3.14)

ou νi = (Ω2i−ω2

i )/Ω2i est une estimation de la fraction modale d’energie de deformation

dans les cables actifs. Les Equ.(3.11) a (3.14) constituent un ensemble d’outils simpleset efficaces pour dimensionner une structure cablee active. Dans les deux sections quisuivent, nous allons illustrer cette theorie lineaire simplifiee a l’aide d’un exemplenumerique, et nous la comparerons a un calcul plus elabore faisant intervenir lescouplages modaux.

3.2.2 Treillis du JPL [21]

Afin d’illustrer la theorie developpee au paragraphe precedent, nous presentons ici unexemple numerique, base sur une structure triedrique en treillis developpee par le JetPropulsion Laboratory dans le cadre du projet MPI (Micro Precision Interferometer)[22], dont nous avons obtenu le modele elements finis sous forme d’une matrice demasse et de raideur. Nous allons examiner l’effet produit en equipant cette structure de3 cables de Kevlar (E = 130GPa) de 2mm de diametre (figure 3.8) pour la rigidifier,

Fig. 3.8 – Disposition des cables actifs de Kevlar sur le treillis du JPL

Page 51: Boss Ens 01

3 Structure cablee 41

d’une part, et pour apporter de l’amortissement actif a l’aide de la loi de controledecentralisee (3.2), d’autre part. Cette structure etant destinee a flotter en apesanteur,les 6 premiers modes correspondent a des modes rigides (energie de deformation etfrequence nulle), approches dans le modele a l’aide d’elements de fixation de raideurtres petite comparee a celle des elements du treillis. Nous ne nous interessons iciqu’aux 3 premiers modes flexibles (7,8 et 9), dont les deformees sont representees ala figure 3.9. Comme le montrent les relations (3.11) a (3.14), un modele completde la structure n’est pas necessaire pour tracer le lieu des poles et evaluer la valeur

Fig. 3.9 – Deformee des 3 premiers modes flexibles

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42 3. Amortissement actif d’une structure cablee

i ωi Ωi ξmaxi (%)

(rad/sec) (rad/sec) (Equ.(3.12))7 51.4 74.6 238 76.4 101 169 83.3 106.4 14

Tab. 3.2 – Frequences propres avec et sans les cables, et amortissement des 3 premiersmodes flexibles

Fig. 3.10 – Lieu des poles des 3 premiers modes flexibles et position pour g = 116rad/s

maximale de l’amortissement actif dans chaque mode. Il suffit de connaıtre les valeursdes frequences propres avec et sans les cables. Dans notre exemple, les frequences avecles cables ont ete evaluees en calculant les valeurs propres de la matrice M−1Ktot,apres avoir ajoute la contribution des cables a la matrice de raideur initiale :

Ktot = K +BKcBT (3.15)

ou Kc est une matrice diagonale 3 × 3 contenant les raideurs des 3 cables et B estleur matrice de projection dans les coordonnees globales. Le tableau 3.2 resume lesresultats ainsi obtenus (Ωi et ωi designent respectivement les frequences naturellesavec et sans les cables). Notons que l’optimum ne pourra pas etre atteint simul-tanement pour les 3 modes, le gain optimum theorique (3.13) etant different pour

Page 53: Boss Ens 01

3 Structure cablee 43

chacun ; on trouvera cependant un tres bon compromis car la sensibilite de l’amor-tissement a une variation de gain est faible au voisinage de l’optimum. La figure 3.10montre ce resultat pour g = 116rad/s. On voit que l’on est proche de l’optimumdu tableau 3.2 pour les 3 modes. Cet exemple illustre l’efficacite et la simplicite deconception de l’amortissement d’une structure flexible avec des cables.

3.2.3 Analyse modale en boucle fermee

La theorie developpee et illustree ci-dessus constitue un outil simple et efficace pourconcevoir le controle actif d’une structure cablee, et predire l’amortissement apporte.Elle repose cependant sur l’hypothese que les deformees modales de la structure nesont pas modifiees par la presence des tendons actifs, ce qui sera d’autant moins vraique leurs raideurs augmentent.Pour etre plus rigoureux, il faudrait tenir compte des couplages introduits par lescables, c’est a dire des termes non diagonaux de ΦTBKcB

T Φ dans (3.8). Pour cela,nous avons etabli deux modeles, differant par la dynamique de la structure : dans lepremier elle est constituee d’une base modale (complete ou tronquee), et dans le secondmodele, nous avons complete le developpement modal tronque par la contributionquasi-statique des modes de haute frequence (H-F). La construction de ces 2 modelesest detaillee a l’annexe B, ou l’on a utilise les resultats de la methode des perturbationssingulieres pour introduire la contribution quasi-statique des modes H-F (le moderesiduel) [23]. La figure 3.11, montrant la convergence du lieu des poles en fonction dunombre de modes pris en compte, met clairement en evidence l’interet de completerla base modale par la contribution quasi-statique des modes H-F. Pour cette raison,dans la suite de cette section, nous prendrons comme reference le second modele (unebase de 100 modes + mode residuel), donnant la position quasi-exacte des poles debasse frequence sans demander un effort de calcul trop important.Pour estimer l’erreur commise en utilisant la theorie lineaire simplifiee, nous avons

Fig. 3.11 – Convergence des poles des 3 premiers modes (pour un gain g fixe) enfonction du nombre de modes pris en compte dans le modele

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44 3. Amortissement actif d’une structure cablee

compare les relations (3.12) et (3.13) (donnant l’amortissement maximum et le gainpour l’atteindre) aux resultats obtenus avec le modele de reference (100 modes +mode residuel). Cette comparaison a ete effectuee pour plusieurs diametres des cablesde Kevlar, variant entre 2 et 4 mm. Les resultats sont presentes a la figure 3.12.

Fig. 3.12 – Comparaison entre la theorie simplifiee et le modele de reference (a)comparaison des amortissements maximaux des modes 7, 8 et 9 (b) comparaison desgains necessaires pour atteindre l’amortissement maximum (c) comparaison du lieudes poles pour d = 4mm (d) evolution du lieu du pole 9 avec le diametre des cables

Les courbes 3.12.(a) comparent les amortissements modaux maximaux predits par latheorie lineaire simplifiee a ceux obtenus avec le modele de reference. Le diametredes cables de Kevlar est indique en abscisse. Nous avons egalement indique νi, definipar la relation (3.16), donnant une estimation de la fraction modale d’energie dedeformation dans les cables, c’est a dire le rapport, pour une deformee modale i, entrel’energie de deformation contenue dans les cables, et celle contenue dans l’ensemble

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3 References 45

de la structure :

νi =ΦTBKcB

T ΦµiΩ2

i

≈ Ω2i − ω2

i

Ω2i

(3.16)

On constate que meme pour des valeurs elevees de νi, la formule approchee (3.12)reste correcte a quelques pourcents pres, tout en etant basee sur un probleme decouple,d’une taille 100 fois moindre dans notre cas. Les courbes de la figure 3.12 (b) repre-sentent les gains de controle correspondant aux amortissements de la figure 3.12 (a).Les courbes 3.12 (c) montrent l’allure du lieu des poles pour un diametre de 4mm.On constate que le modele de reference s’eloigne quelque peu de la theorie simplifiee :les branches du lieu partant des frequences Ω8 et Ω9 ont interverti leurs comporte-ments asymptotiques par rapport au modele simplifie (rappelons que pour ce dernier,chaque pole de frequence Ωi se dirige asymptotiquement vers sa frequence “non-cablee” ωi). Ce changement dans l’allure du lieu est illustre a la figure 3.12.(d), mon-trant l’evolution de la branche correspondant au mode 9 pour un diametre croissantdes cables de Kevlar. Soulignons toutefois que nous sommes ici en presence d’amor-tissements modaux superieurs a 40%, et que les predictions (3.12) restent malgre toutremarquablement fiables.Nous en concluons donc que l’hypothese de deformees modales inchangees, meme sielle n’est pas rigoureusement verifiee, n’entrave pas la fiabilite du modele simplifiede la section 3.2.1 dans les applications que nous avons examinees. Nous pensonsque cette bonne concordance entre la theorie simplifiee et la solution exacte peut segeneraliser a l’ensemble des structures cablees, si l’on vise des taux d’amortissementraisonnables (∼ 10%).

3.3 References

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46 3. Amortissement actif d’une structure cablee

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[23] R.E. Skelton. Dynamic Systems Control. John Wiley & Sons, 1988.

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Chapitre 4

Ponts haubanes

Comme mentionne dans l’introduction, l’etude experimentale du controle actif desstructures en cables suit deux lignes directrices : les treillis spatiaux et les pontshaubanes. Le present chapitre est consacre aux resultats d’experiences realisees surdes modeles reduits de ponts haubanes [1] ; les treillis spatiaux font l’objet du chapitresuivant. Au travers de ces experiences, nos objectifs sont de demontrer la validite de

Fig. 4.1 – Deux configurations possibles pour le controle d’un pont haubane au moyende tendons actifs : (a) systeme permanent (b) systeme temporaire durant la construc-tion d’un pylone de viaduc (les actionneurs ne sont pas a l’echelle)

47

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48 4. Ponts haubanes

la theorie lineaire developpee au chapitre 3, d’en etablir eventuellement les limitesd’applications, et surtout d’aborder l’un des aspects les plus delicats du controleactif : sa realisation pratique et les problemes technologiques que cela represente.La figure 4.1 illustre 2 configurations possibles d’amortissement des ponts haubanes al’aide de tendons actifs ; dans la configuration 4.1.(a), on veut controler les vibrationseoliennes ou dues au trafic a l’aide de cables actifs permanents inclus dans les nappesde haubans ; dans la configuration (b), on rajoute des cables actifs temporaires destinesa amortir la structure dans sa phase de construction, quand celle-ci ne beneficie pasencore de la raideur d’ensemble du pont. Ces deux configurations sont examineesexperimentalement dans ce chapitre.

4.1 Maquette de laboratoire

Cette experience constitue une etape intermediaire entre l’etude menee par Y. Ach-kire sur une structure en “T”[2], et la realisation d’une maquette a grande echellequi sera decrite a la section suivante. Le demonstrateur (figure 4.2) represente unpont haubane durant sa phase de construction : il est constitue d’un pylone centralauquel est relie le tablier, libre a ses extremites. Chaque moitie du tablier est soute-nue par deux paires de haubans. Ceux-ci sont lestes a l’aide de plombs afin d’obtenir

Fig. 4.2 – Modele de laboratoire d’un pont haubane en phase de construction. Enmedaillon : le pont haubane de Skarnsund (Norvege) en construction

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4 Maquette de laboratoire 49

Fig. 4.3 – Detail de l’actionneur

un rapport masse/tension plus realiste (une discussion des aspects de similarite peutse trouver dans [3]). Le tablier et les pylones ont ete realises en acier, ainsi que leshaubans constitues de filins tresses de 1mm de diametre. L’ensemble mesure environ3m d’envergure. Les 4 haubans les plus longs sont munis de tendons actifs, assurantle pilotage en position de l’ancrage a l’aide d’un actionneur piezoelectrique. Le para-graphe suivant decrit le concept de tendon actif et la maniere dont il est realise enpratique.

4.1.1 Tendon actif

Chacun des 4 tendons actifs utilises dans cette maquette (figure 4.3) est composed’un actionneur piezoelectrique (de type PI 840.30), monte en serie avec un capteurde force (de type BK 8200). Il constitue donc en tres bonne approximation une pairecapteur/actionneur colocalises. Un systeme de bras de levier en arc de cercle permetd’obtenir une course maximale voisine de 100µm, tout en laissant une latitude de 90o

quant a l’orientation du cable. Une vis de reglage permet d’ajuster la tension.

4.1.2 Lieu des poles en boucle fermee

Pour verifier les predictions de la theorie lineaires, nous avons realise une serie dereponses frequentielles (figure 4.4), correspondant a differents gains de controle. Lesignal d’excitation (un bruit blanc en bande etroite) est applique au systeme vial’un des 4 actionneurs, utilise en meme temps pour realiser le controle. Les reponsesfrequentielles sont realisees entre le signal d’excitation applique et le signal de forcede l’actionneur correspondant. On remarque d’ores et deja que pour les grands gains,les pics de resonance s’attenuent fortement. Un logiciel d’identification modale (tool-box Frequency Domain Identification de MATLAB) nous a permis de recaler descourbes analytiques sur les courbes experimentales de la figure 4.4. Lorsque le gaindu controleur change, les poles correspondant aux pics de resonance de la structure

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50 4. Ponts haubanes

Fig. 4.4 – Reponses frequentielles entre un bruit blanc envoye a l’un des 4 actionneurset le signal du capteur de force colocalise, pour differents gains de controle

se deplacent dans le plan complexe. La figure 4.5 nous montre la trajectoire des polescorrespondant aux deux premieres frequences propres du systeme (le premier mode

Fig. 4.5 – Lieu des poles experimental compare aux predictions analytiques

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4 Maquette de laboratoire 51

de flexion et de torsion du tablier), pour des valeurs croissantes du gain de controle(identique pour chacun des 4 tendons actifs). La courbe continue correspond auxpredictions lineaires exposees au chapitre 3 (Equ.(3.10)).La concordance reste correcte pour des valeurs de gain moderees, au-dela desquellesles pics de resonance tres amortis deviennent difficilement discernables par le logicield’identification. Notons que l’on atteint des valeurs d’amortissement voisines de 20 %pour ces deux modes (ce qui equivaut, pour une reponse libre, a une reduction parun facteur 10 en 2 periodes d’oscillation).

4.1.3 Interaction cables-tablier, resonance parametrique

Fig. 4.6 – Excitation par le tablier de deux cables respectivement “en resonance”(f)et “en resonance parametrique”(f/2)

Jusqu’a present, nous ne nous sommes pas interesses a l’influence que pouvaient avoirles cables sur la dynamique de la structure, tout au plus s’est-on assure que les modeslocaux des cables etaient situes en dehors de la gamme de frequence des modes glo-baux, afin d’etre le plus proche possible de la theorie lineaire.Ici au contraire, on souhaite expressement ajuster les frequences propres de certainscables sur des modes globaux de la structure, car ce type d’excitation est a l’origine

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52 4. Ponts haubanes

Fig. 4.7 – Mouvements du tablier et des cables “accordes”

d’oscillations de haubans d’amplitudes notables enregistrees sur des ponts instru-mentes [4, 5]. Le dispositif experimental est decrit a la figure 4.6 : le tablier est excitea sa frequence de torsion (f = 13Hz) par un shaker electrodynamique ; la tensiondans deux des cables passifs a ete ajustee de facon a ce que l’un ait une frequencedans le plan vertical la plus proche possible de f (ce cable est dit en “resonance”)et l’autre ait une frequence dans le plan vertical voisine de f/2 (ce cable est dit en“resonance parametrique”).Le mouvement du tablier est mesure a l’aide d’un accelerometre ; les mouvementsdes cables sont quant a eux mesures a l’aide d’un dispositif optique, constitue d’unesource laser et d’un capteur PSD (Photo Sensitive Diode), permettant de determinerla position de l’ombre du cable situe entre l’emetteur et le capteur [6]. Notons quenous ne pouvons mesurer le deplacement d’un point du cable que dans une direc-tion (un deplacement parallele au faisceau ne modifiera pas la position du pointd’ombre sur le capteur). Lorsque nous parlerons par la suite du deplacement d’uncable, il s’agira en realite du deplacement du point milieu, projete sur un plan ver-tical. Nous mesurons ainsi en bonne approximation le premier mode “in-plane”. Lafigure 4.7 nous montre en parallele, les deplacements du tablier (deduits d’une me-sure d’acceleration : x = x/ω2 en regime harmonique), et les deplacements respectifsdes cables en resonance et en resonance parametrique. L’excitation du shaker etantharmonique a la frequence f du premier mode global de torsion, le mouvement du

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4 Maquette de laboratoire 53

Fig. 4.8 – Detail de la figure 4.7, montrant la transition de la vibration du cable enresonance parametrique

tablier entre immediatement en resonance. Simultanement, le cable “en resonance”repond a sa premiere frequence naturelle, suite a l’excitation sismique des supports(termes 6 et 7 de la figure 2.3). Sur l’autre cable, la “resonance parametrique” dumode 1, excitee par la variation de tension due aux mouvements des supports (terme1 de la figure 2.3), n’apparaıt qu’une dizaine de secondes plus tard, mais atteint deplus grandes amplitudes. Ceci est un comportement caracteristique de l’excitationparametrique, necessitant une longue phase d’excitation avant d’atteindre un com-portement stationnaire. La figure 4.8 est un agrandissement de la figure 4.7 durantla phase d’excitation. On voit clairement que le cable en “resonance parametrique”effectue une transition progressive de la frequence f vers la frequence f/2. Ceci cor-respond a la resonance parametrique d’ordre 1 reproduite numeriquement au chapitre2. Lorsque le controle actif est enclenche, on observe une diminution d’amplitude dumouvement du tablier. Le cable en resonance s’amortit lentement, par suite de la dimi-nution des termes d’excitation directe. La resonance parametrique disparaıt quant aelle presque immediatement. Comme l’illustre la figure 2.7, l’excitation parametriqueest extremement sensible aux modifications de l’amplitude d’excitation et a l’accorddes frequences (l’ajustement de la tension s’est d’ailleurs avere tres delicat). Dansnotre experience, la diminution d’amplitude des mouvements du tablier a suffi a sor-tir de la zone d’instabilite parametrique, comme cela a ete le cas dans la simulation

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54 4. Ponts haubanes

numerique de la section 2.2.3.En reduisant l’amplitude des mouvements du tablier, le controle actif a indirectementstabilise les cables passifs, par la diminution des termes d’excitation directe, et par ladisparition de la condition d’instabilite parametriques.

4.2 Maquette “ACE”

Dans la continuation des experiences realisees, d’abord sur une structure en “T”,ensuite sur la maquette a petite echelle decrite a la section precedente, nous avonspoursuivi la campagne de tests sur une structure d’une dimension plus proche de larealite. Cette opportunite nous a ete donnee dans le cadre du projet Europeen ACE[7], realise en collaboration avec plusieurs partenaires industriels et universitaires. Lebut de ce projet etait de demontrer la faisabilite industrielle d’un systeme de controleactif en genie civil. Cela a ete realise sur une maquette de pont haubane a une echelled’environ 1/10. Le developpement d’un actionneur hydraulique adequat, capable decombiner le chargement statique et les forces de controle, constituait la principaledifficulte technologique a surmonter.

Fig. 4.9 – (a) Vue d’ensemble de la maquette (b) actionneur hydraulique

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4 Maquette “ACE” 55

4.2.1 Description de la maquette

La maquette a ete concue et realisee par Bouygues (France). Elle est fixee sur lemur de reaction du laboratoire ELSA au Centre Commun de Recherche d’Ispra (Ita-lie). Il s’agit d’un tablier d’une portee de 30 metres, supporte a son encastrement, etpar quatre paires de haubans (figure 4.9). Le tablier en acier est constitue de deuxpoutrelles longitudinales (profile HEB-500) espacees de 3m, reliees par des traveeslaterales et diagonales, a intervalles reguliers. Le tout est assemble par soudage et bou-lonnage. Les haubans sont constitues de torons d’acier tresse de 13mm de diametre. Lapente de ceux-ci vaut 1/3, valeur representative pour un pont haubane reel. Les quatrehaubans les plus longs ont ete lestes par des cylindres en plomb repartis regulierementsur toute leur longueur. Ainsi, on atteint une masse lineique de 15kg/m, qui coupleeaux 60kN de charge statique reprise par les haubans les plus longs (29, 5m) conduita un rapport fleche/portee de 0,8%. Cette fleche relative est tres proche de celle desplus longs haubans du pont de Normandie. De plus cette configuration conduit a

Fig. 4.10 – Schema de la maquette avec les principaux instruments.

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56 4. Ponts haubanes

une grande proximite entre les frequences naturelles des principaux modes globaux etcelles des modes locaux des haubans ; ceci permettra d’etudier experimentalement lesinteractions non-lineaires haubans-tablier, non envisagees dans la theorie simplifieeexposee au chapitre 3. Pour mener a bien la campagne de tests, il fallait equiper lastructure du materiel necessaire pour l’exciter et pour mesurer sa reponse. La figure4.10 indique les principaux instruments installes sur la maquette.

4.2.2 Actionneur hydraulique

Un actionneur piezoelectrique s’est avere adequat pour des applications a l’echellede laboratoire, dont celle decrite a la section precedente. Cette technologie possedeneanmoins des limitations notamment au niveau de la course maximale (environ 0.1%de sa longueur) et des forces que l’actionneur est capable de supporter, incompa-tibles avec les ordres de grandeur presents ici : notre actionneur devra effectuer descourses de quelques centimetres, tout en reprenant une charge statique d’environ6 tonnes (le poids propre du tablier), a laquelle se superpose une composante dy-namique pouvant atteindre 2 tonnes pour les grandes amplitudes de vibration (detelles forces, mesurees pour des amplitude de vibration d’environ 20cm en bout detablier, sont, toutes proportions gardees, nettement exagerees pour un pont reel : enrapportant cela a l’echelle du pont de Normandie, on obtiendrait par exemple desdeplacements verticaux du tablier de l’ordre de 6m). Ces specifications ont conduitau choix d’actionneurs hydrauliques (figure 4.9.(b)). Ceux-ci ont ete developpes parla societe Mannesmann Rexroth (RFA), en collaboration avec la “Technisch Univer-sitat Dresden”(RFA). Leur conception est representee schematiquement a la figure

Fig. 4.11 – Schema de principe de l’actionneur hydraulique (Mannesmann Rexroth).

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4 Maquette “ACE” 57

Fig. 4.12 – Implementation du controle actif

4.11. Elle est basee sur une architecture a deux etages, interessante du point de vueenergetique : la charge statique permanente est reprise par une chambre de granddiametre, mise sous pression par un accumulateur a gaz, gonfle une fois pour toute,et l’etage dynamique se chargera de faire suivre au piston la consigne de deplacementimposee par le controle actif. Idealement, l’accumulateur doit fournir une pressionconstante, independante de la position du piston dans la chambre ; ceci se realisepar la presence de gaz sous pression dans l’accumulateur, dont la compressibilite estbeaucoup plus elevee que celle de l’huile. Les changements a long terme de la chargestatique ainsi que des variations thermiques peuvent necessiter un reajustement dela pression dans l’accumulateur. Notons encore que l’etage dynamique est pilote parune valve bi-directionnelle, repartissant la pression de part et d’autre du piston. Cedernier est de type “rod-in-rod”, c’est a dire que la chambre de gauche est constitueed’un volume annulaire entourant le piston, celle de droite etant creusee au centredu cylindre. Cette configuration permet la reduction de l’encombrement ainsi qu’uneeconomie d’energie hydraulique. Le tendon actif est constitue de l’actionneur decritci-dessus, sur lequel on a fixe une cellule de charge mesurant la tension dans le cable.On dispose ainsi d’une paire capteur/actionneur colocalises. En principe, pour fairel’economie du capteur de force, nous aurions pu deduire la tension dans le cable dela difference de pression de part et d’autre du piston ; nous n’y sommes pas parvenusen raison des frottements internes importants. Il est cependant envisageable d’utiliserun estimateur (base sur un modele de friction) pour reconstruire la force du piston apartir des pressions hydrauliques [8].

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58 4. Ponts haubanes

4.2.3 Implementation du controle actif

Le controle actif est realise de facon numerique a l’aide d’une carte digitale de traite-ment de signaux (DSP) installee dans un PC. Cette solution offre une grande flexibilitequant a des modifications eventuelles a apporter a la loi de controle. Celle-ci est es-sentiellement un Integral Force Feedback (presente au chapitre 3), chaque tendon actiffonctionnant de maniere independante. L’implementation (illustree a la figure 4.12)necessite cependant quelques amenagements par rapport a l’Equ.(3.2) : (i) La fonc-tion de transfert d’un integrateur etant par essence infinie a frequence nulle, il fauteliminer la composante statique de la force mesuree dans le cable, sans quoi nous se-rons confrontes a un probleme de derive de l’actionneur. Ceci est realise par un filtrepasse-haut du second ordre, possedant une frequence de coupure a 0.1Hz (le problemedu filtrage de la composante statique de la force sera aborde plus en detail a la section4.3). (ii) Etant donne la bande passante limitee de l’actionneur (comme nous le ver-rons plus loin, son retard de phase croıt rapidement avec la frequence), il faut filtrerles composantes haute frequence du signal de force, afin de garder des marges de gainet de phase positives. On utilise pour cela un filtre passe-bas a frequence de coupure20Hz ; les modes haute frequence les plus visibles par le capteur de force, et doncles plus dangereux sont des modes de cavite hydraulique des actionneurs, couples auxmodes longitudinaux des systemes masses-ressorts constitues par les cables lestes. (iii)Dans la loi de controle originale, le signal de commande est le deplacement du piston,ce qui convient bien pour un actionneur piezoelectrique puisque celui-ci est naturelle-ment pilote en deplacement (proportionnel a la tension appliquee). Dans le cas d’unactionneur hydraulique, le mouvement du piston est commande par une valve, dontl’ouverture fixe grosso modo le debit d’huile et donc la vitesse du piston. Il paraıt doncplus naturel d’avoir un signal de commande en vitesse. Ceci est facilement realisable enremarquant qu’appliquer un deplacement proportionnel a l’integrale du signal de force(la loi de controle IFF originale) equivaut a appliquer une vitesse proportionnelle ala force. L’implementation choisie est en realite un melange entre ces deux variantes :d’une part une consigne de position est envoyee, servant de reference a un controleurhydraulique interne reglant l’ouverture de la valve par rapport a l’erreur de suivi enposition, et d’autre part, une consigne de vitesse est directement envoyee a la valve.Cette configuration permet d’augmenter la bande passante de l’actionneur. La figure4.13 compare les reponses frequentielles d’un integrateur pur, du controleur digitalprogramme dans la carte DSP (entre 1 et 3 sur la figure 4.12), et du controleur effec-tivement realise en aval de l’actionneur, incluant ainsi la dynamique de l’actionneuret son controleur local (entre 1 et 2). On remarque que celui-ci suit bien la consignedu controleur a basse frequence, jusqu’environ 2Hz, au-dela de quoi il presente unechute de phase croissante. Les modes de vibration principaux de la structure sontheureusement situes en deca de 2 Hz, ou la loi de controle fonctionne correctement.Dans le cadre du projet ACE, la modelisation hydraulique etait sous la responsabi-lite de la Technische Universitat Dresden, qui nous a fourni une representation envariables d’etat de l’actionneur. Nous n’aborderons pas ce probleme ici, considerantqu’il sort du cadre de cette etude. Le lecteur interesse par la modelisation et l’etudedes systemes hydrauliques pourra se referer a [9].

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4 Maquette “ACE” 59

Fig. 4.13 – Reponse frequentielle u/T (1 et 2 sur la figure 4.12) ; la courbe en pointillesn’inclut pas la dynamique d’actionneur (1 et 3 sur la figure 4.12).

4.2.4 Resultats experimentaux

Reponse frequentielle en boucle ouverte

Afin d’identifier les modes controlables et observables de la structure, nous avonsreleve la reponse frequentielle en boucle ouverte (figure 4.14), c’est a dire que nousnous sommes servis de l’un des 2 actionneurs hydrauliques pour appliquer un signald’excitation de type bruit blanc et nous avons recueilli la reponse a la cellule de chargecolocalisee (entre 2 et 4 sur la figure 4.12). On observe bien une alternance de poles etde zeros, caracteristique des systemes colocalises. Ceci se traduit egalement par unephase constamment positive.

Excitation harmonique

Lors de ce test, le vibreur (equipe d’une masse mobile de 210kg) est anime d’unmouvement sinusoıdal dont la frequence est ajustee sur le premier mode de flexionverticale (1.04 Hz). La figure 4.15 montre le deplacement vertical a l’extremite dutablier. Lorsque le controleur est enclenche (t = 64sec), on observe une decroissancespectaculaire de l’amplitude, d’un facteur superieur a 10. Notons que le vibreur resteanime du meme mouvement apres que le controleur a ete enclenche.Il faut toutefois nuancer l’allure spectaculaire de la courbe presentee a la figure

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60 4. Ponts haubanes

Fig. 4.14 – Reponse frequentielle en boucle ouverte (T/u) vue depuis l’un des tendonsactifs

4.15 : lorsqu’une structure subit une excitation harmonique mono-frequentielle ajusteeprecisement sur un pic de resonance, une diminution de l’amplitude suite a l’enclenche-ment du controle actif peut provenir d’un apport d’amortissement (le pic est ecrete),ce que nous cherchons a obtenir dans le cas present, mais elle peut egalement traduireun deplacement du pic de resonance (la frequence d’excitation n’est plus ajustee sur lepic de resonance). Le resultat presente ci-dessus fait certainement intervenir ces deuxeffets. Ce test ne permet donc pas de deduire une valeur d’amortissement. Pour cela,il faudrait mesurer la reponse libre du systeme controle, ou se baser sur le spectrede reponse a un excitation aleatoire sur une plage de frequence comprenant le moded’interet. Ceci fera l’objet des trois paragraphes suivants.

Reponse libre

Ce test consiste a suspendre une masse de beton de 316kg a l’extremite du tablier(figure 4.10), et a couper simplement la corde d’attache, ce qui equivaut a appliquerbrusquement une sollicitation compensant exactement le poids de la masse suspendue.On obtient donc une reponse indicielle (reponse a une sollicitation en echelon). Lafigure 4.16 montre la reponse en deplacement du tablier, avec et sans controle. Onreconnaıt aisement les instants t1 ou la masse est suspendue lentement a l’aide d’une

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4 Maquette “ACE” 61

Fig. 4.15 – Deplacement vertical a l’extremite du tablier, pour une excitation harmo-nique a la frequence du premier mode de flexion verticale

grue, et t2 ou l’on coupe la corde. Le phenomene de battement observe sur la reponselibre est du a la proximite entre le mode de flexion et le mode de torsion. Ici encore,l’efficacite du controle est clairement demontree. Neanmoins, ce test met en evidenceun probleme important lie a la reprise des charges (quasi-)statiques : on remarqueen effet que la deflection du tablier sous l’effet de la masse suspendue est plus elevepour la reponse controlee ; les cables actifs semblent donc ne plus jouer correctement

Fig. 4.16 – Deplacement vertical a l’extremite du tablier, pour une excitation indicielle

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62 4. Ponts haubanes

leur role de raidisseurs. Le filtre passe-haut a 0.1Hz tend a ramener le piston verssa position zero, ce qui equivaut a un hauban normal, mais ce retour s’effectue treslentement. Le probleme de la reprise des charges statiques sera discute plus en detaila la section 4.3.

Reponse a une excitation “sweep-sine”

Pour mieux quantifier l’effet du controle actif sur la plage de frequence d’interet, ona impose a l’excitateur un mouvement sinusoıdal dont la frequence varie lineairemententre 0.5 et 2Hz en 1000s. On a donc en permanence une excitation quasi-harmonique,qui va provoquer la resonance successive des modes situes dans la plage de frequencebalayee. Ce test sera repete pour differentes valeurs du gain de retroaction gp des ten-dons actifs (Equ.(3.2)). La figure 4.17 montre l’enveloppe du signal de deplacement dutablier pour 3 valeurs croissantes du gain. Notons qu’en plus de la graduation de l’axedes abscisses en secondes, on a rajoute la frequence instantanee au cours du temps,permettant d’identifier les resonances successives. On observe que l’augmentation dugain s’accompagne d’une reduction remarquable de tous les modes (y compris lesmodes de haubans) situes dans la plage de frequence balayee. On peut egalement tra-cer la reponse frequentielle entre l’excitation (la vitesse absolue de la masse sismique,integrale de la force d’excitation), et le deplacement du tablier. Ceci est illustre a lafigure 4.18, pour les 3 memes valeurs du gain. On observe une attenuation substan-

Fig. 4.17 – Enveloppe du deplacement du tablier pour une excitation “sweep-sine”

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4 Maquette “ACE” 63

tielle des differents pics de resonance par rapport a la reponse libre, atteignant 30dBdans le cas du premier mode global de flexion du tablier.On peut enfin adopter une representation permettant de visualiser sur un memegraphe, l’evolution temporelle de la reponse du tablier, ainsi que sa repartition spec-trale : la figure 4.19 est une representation tridimensionnelle de l’energie du signaldans le domaine temps / frequence (spectre evolutif de Mark) [10]. On y retrouve lesignal temporel original (figure 4.17) sur un plan vertical parallele a l’axe du temps,ainsi que le spectre de Fourier du signal total sur un plan vertical parallele a l’axe desfrequences. Ici encore, l’effet du controle est incontestable.

Lieu des poles en boucle fermee

Si les graphes de la section precedente mettent clairement en evidence l’efficacitedu controle actif, ils ne permettent pas de verifier la theorie predictive lineairepresentee au chapitre 3. Pour ce faire, il faudrait reconstruire la trajectoire despoles de la structure en fonction du gain. Une possibilite consiste a utiliser unlogiciel d’identification modale pour approcher les courbes experimentales de la figure4.18 par des fonctions de transfert analytiques, dont les racines du denominateurconstituent les poles. Malheureusement, les non linearites introduites par les modes

Fig. 4.18 – Reponses frequentielles entre le vitesse absolue de la masse sismique del’excitateur et le deplacement du tablier

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64 4. Ponts haubanes

Fig. 4.19 – Spectre evolutif du deplacement du tablier pour une excitation a frequencebalayee (a) sans controle (b) avec controle

locaux des cables (leur tension statique ainsi que leur masse lineique elevees enaccentuent la repercussion sur le tablier) rendent l’identification problematique.

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4 Maquette “ACE” 65

On s’est alors tourne vers une methode utilisee en vibrations aleatoires, pourcaracteriser la reponse d’un oscillateur lineaire a un degre de liberte, soumis a uneexcitation sismique [11]. Cette methode, due a M. Auperin [12] permet de reduirel’identification a une plage de frequence limitee, contenant le pic de resonanced’interet. Nous l’avons appliquee au premier mode de flexion global de la structure,pour lequel la theorie lineaire du chapitre 3 predit un amortissement maximum de18 %. L’algorithme d’identification utilise est decrit en detail a l’annexe C. La figure4.20 compare, pour le premier mode global de flexion, le lieu des poles theorique(Equ.(3.10)) au lieu experimental deduit de la PSD de la reponse du systeme aune excitation aleatoire en bande etroite. Les asterisques sur la courbe theorique

Fig. 4.20 – Lieu experimental pole du premier mode de flexion

correspondent aux gains utilises pour realiser la courbe experimentale (“+”). L’alluredu lieu experimental est tres semblable aux predictions theoriques, meme si celles-ci prevoient un gain plus faible que l’experience pour atteindre un point donne du lieu.

Pour attenuer les non-linearites presentes dans les experiences decrites ci-avant, nousavons retire les masses additionnelles des cables actifs. Nous nous assurons ainsique l’expression de la tension dans les tendons actifs sera correctement decrite parla relation lineaire (3.4). Nous avons recommence les tests d’excitation aleatoireen bande etroite (0.6 → 1.3Hz) afin d’obtenir des fonctions de transfert entre ledeplacement du shaker et celui du tablier. Cette fois, l’identification modale a etepossible, et nous avons pu suivre simultanement les trajectoires des deux premiersmodes propres (flexion et torsion) pour des valeurs croissantes de gain (figure 4.21).Nous voyons que l’allure du lieu experimental est tres proche de la prediction, ycompris pour la valeur du gain.

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66 4. Ponts haubanes

Fig. 4.21 – Lieu experimental des poles de flexion et de torsion, sans lestage sur lescables actifs

Configuration alternative pour l’emplacement des cables actifs

Dans ce qui precede, les tendons actifs sont situes entre le tablier et le pylone (confi-guration de la figure 4.1.(a)). Ce systeme est destine a amortir le pont de faconpermanente. Une configuration differente pourrait etre utilisee temporairement pen-dant la phase de construction, particulierement delicate du point de vue de la reponseaux sollicitations eoliennes. La figure 4.1.(b) est une vue d’artiste de ce que pourraitetre l’amortissement actif d’un troncon de viaduc en construction a l’aide de haubansactifs secondaires [13]. Remarquons qu’ici, les actionneurs ne doivent plus supporterle poids propre du tablier (une certaine charge statique sera cependant necessairepour maintenir le cable en tension durant les oscillations). Une telle configuration aete simulee experimentalement en reliant le tablier de la maquette au sol, par l’in-termediaire de ressorts montes sur des petits verins hydrauliques (figure 4.22). Lesressorts (60KN/m) simulent ici la raideur axiale des haubans secondaires. Des testssimilaires a ceux decrits dans la section precedente ont ete realises, et donnent desresultats tres satisfaisants. Nous nous contenterons ici de montrer l’allure du lieu dupremier pole de flexion pour des valeurs croissantes du gain, obtenu par la techniquedeja utilisee dans la section precedente, decrite a l’annexe C. On voit que la corres-pondance est excellente, non seulement du point de vue de l’allure, mais egalementdu point de vue de la valeur du gain necessaire pour atteindre un point du lieu.L’amortissement maximum n’est ici que de 4%, ce qui traduit simplement le fait que

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4 Maquette “ACE” 67

Fig. 4.22 – Simulation experimentale de l’amortissement actif d’un pont en construc-tion a l’aide de haubans secondaires

Fig. 4.23 – Lieu experimental du pole du premier mode de flexion de la maquetteamortie a l’aide de haubans actifs secondaires (Figure 4.22)

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68 4. Ponts haubanes

la fraction d’energie de deformation du mode de flexion est nettement plus petitedans les ressorts (qui representent ici des haubans secondaires provisoirs) que dansles haubans principaux.

4.3 Chargement statique

Dans certaines applications, particulierement les ponts haubanes, le cable actif doit,en plus d’apporter de l’amortissement, garder sa fonction premiere de reprendre lescharges statiques, c’est a dire se comporter comme un ressort (retour a l’etat passif)aux basses frequences. Il y a malheureusement une certaine contradiction entre lesconcepts d’amortissement et de raideur. Il suffit pour s’en convaincre, de considererun simple amortisseur visqueux soumis a une force constante : celui-ci terminerasa course en butee, apres un temps plus ou moins long dependant de sa viscosite.Supposons maintenant que l’on place un ressort en parallele avec l’amortisseur etque l’on applique la meme force constante ; le mouvement va se stabiliser autourd’un point d’equilibre, grace a la presence de la force de rappel du ressort. Maissi l’on impose un deplacement relatif aux extremites, seule une fraction de l’energiemecanique sera dissipee dans l’amortisseur, le reste etant conserve sous forme d’energiepotentielle dans le ressort, et cette fraction sera d’autant plus elevee que le ressortsera rigide. Il y a donc on le voit, un compromis a trouver entre amortissement etraideur. La figure 4.24 met en evidence sur un modele a un seul degre de liberte,l’effet secondaire de diminution de raideur associe a l’IFF. J. Holterman et T. de

Fig. 4.24 – Reponse frequentielle entre une force perturbatrice et le deplacement dela masse, avec et sans controle IFF

Vries proposent une loi de controle IFF optimal, permettant de trouver le compromisraideur/amortissement minimisant les deplacements de la structure controlee [14]. Laloi n’est malheureusement optimale que pour une excitation de contenu frequentieldonne. Dans ce paragraphe, nous tentons d’apporter d’autres solutions a ce probleme

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4 Chargement statique 69

qui peut s’averer crucial dans certaines applications, par exemple dans le cas d’unpont, ou l’on ne souhaite pas avoir un affaissement anormal a chaque passage devehicule au voisinage d’un cable actif. Mentionnons a ce propos, les travaux theoriqueset experimentaux de Reckmann et Popp [15], visant a minimiser la deflection au droitd’une masse mobile se deplacant sur une poutre, a l’aide de lois de controle optimales,ainsi qu’une procedure iterative en boucle ouverte. Le controle est appliquee via untendon controle en force.

4.3.1 Cable actif en presence d’un chargement statique

La loi de controle ideale (3.2) etant un integrateur pur, on peut s’attendre intuiti-vement a ce qu’en cas de chargement statique, le deplacement impose a l’actionneurcroisse indefiniment de facon monotone. En realite, les choses ne se passent pas exac-tement comme cela en raison de la presence de la retroaction. Si l’on observe l’agen-cement du controle a la figure 4.25, on s’apercoit que l’on peut l’interpreter commeun controle de la tension dans le cable a l’aide d’un actionneur en deplacement.

Fig. 4.25 – Comportement d’un cable actif en presence d’un chargement statique

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70 4. Ponts haubanes

Imaginons maintenant que l’on place une consigne de force fictive Tc (en grise surla figure 4.25), la loi de controle integrale va minimiser l’erreur de suivi ∆T , entrela force mesuree et la consigne fictive. Autrement dit, elle va piloter l’actionneur endeplacement jusqu’a obtenir effectivement une tension Tc dans le cable. Cette consigneetant fictive, cela revient a considerer une consigne reelle de valeur 0, et donc la loide controle va en permanence garder une tension nulle dans le cable actif, (ou unecertaine valeur T0 si l’electronique du capteur de force inclut un “offset” Tc = T0).Autrement dit, pour un chargement statique (de contenu frequentiel inferieur auxmodes que l’on cherche a controler), le cable actif va se comporter vis-a-vis du restede la structure comme une force constante, independante du chargement ; ce cable neparticipe donc plus correctement a la raideur de la structure. Pour tenter d’apporterune solution a cet effet indesirable, nous allons etudier successivement 3 possibilites :(i) l’ajout d’un filtre passe-haut du premier ordre dans la boucle de retroaction (ii)l’ajout d’un filtre passe-haut du second ordre et (iii) l’usage de la consigne Tc avecune regulation Feedforward.

4.3.2 Effet d’un filtre passe-haut du premier ordre

Pour que le cable actif conserve sa rigidite naturelle en basse frequence, il faudrait quenotre actionneur en deplacement reste immobile dans sa position neutre (se ramenantainsi a un ancrage passif) a ces frequences. Il paraıt donc raisonnable de filtrer laconsigne de deplacement imposee a l’actionneur pour y supprimer les composantes debasse frequence. En presence d’un filtre, la loi de deplacement de l’actionneur (3.5)devient :

u =g

sK−1

c

Nf (s)Df (s)

T (4.1)

ou Nf (s) et Df (s) sont respectivement les numerateur et denominateur de la fonctionde transfert du filtre en variable de Laplace. On peut montrer, en suivant une approcheanalogue a celle du chapitre 3, et moyennant les memes hypotheses de deformeesmodales inchangees, que l’equation caracteristique en boucle fermee pour le mode is’ecrit :

s(s2 + Ω2

i

)Df (s) + gNf (s)

(s2 + ω2

i

)= 0 (4.2)

correspondant a une fonction de transfert en boucle ouverte :

G(s) = gs2 + ω2

i

s(s2 + Ω2i )Nf (s)Df (s)

(4.3)

Si nous munissons la loi de deplacement de l’actionneur (3.5) d’un filtre passe-hautdu premier ordre, (4.1) peut se reecrire :

u =g

sK−1

c Ts

s+ ωf=

g

s+ ωfK−1

c T (4.4)

Pour connaıtre le comportement statique de notre tendon actif, il suffit de substituers = 0 dans sa loi de comportement (4.4) (theoreme de Tauber ou de la valeur finale).

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4 Chargement statique 71

Si en plus on suppose que le gain est optimum pour le mode i (Equ.(3.13)), il vientque sa raideur effective statique vaut :

T

u|s=0 = Kc

ωf

Ωi

√ωi

Ωi(4.5)

Remarquons encore que la rigidite globale du cable actif s’obtient par la mise en seriede celle du cable (Kc) et celle du tendon actif (Equ.(4.5)) :

Keffectif =ωf√ωi√

Ω3i + ωf

√ωi

Kc (4.6)

Il faut donc augmenter la frequence de coupure ωf si l’on veut augmenter la rigiditestatique du tendon actif. La figure 4.26.(a) montre l’influence du filtre sur le l’alluredu lieu des poles. L’influence de la frequence de coupure ωf sur la raideur statiqueeffective et sur les performances de l’amortissement est illustre a la figure 4.26.(b). Larigidite du tendon actif est obtenue au detriment des performances de l’amortissementactif.Voyons maintenant si il en est de meme avec un filtre du second ordre, solution choisiepour l’experience a grande echelle decrite a la section 4.2.

4.3.3 Effet d’un filtre passe-haut du second ordre

La loi de controle filtree s’ecrit :

u =g

sK−1

c Ts2

s2 + 2ξfωfs+ ω2f

= gK−1c

s

s2 + 2ξfωfs+ ω2f

T (4.7)

ou ωf est la frequence de coupure du filtre passe-haut et sera choisie en dessous dela plus petite frequence naturelle a amortir. Contrairement au cas precedent, on arajoute un pole et un zero a la fonction de transfert en boucle ouverte, et lorsque l’onfait tendre s vers 0 dans la relation (4.7), il vient :

u = 0 (4.8)

Le tendon actif se comportera donc comme un ancrage rigide aux basses frequences.C’est ce que recherchons, mais il faut encore repondre a 2 questions : “Dans quellemesure les performances de l’amortissement sont elles degradees ?” et “Avec quellerapidite l’actionneur reprendra sa position zero lors d’un chargement statique ?”. Pourtenter de repondre a la premiere question, nous avons trace, comme pour le filtredu premier ordre, le lieu des poles de notre structure pour differentes valeurs ωf defrequence de coupure du filtre (l’amortissement ξf du filtre est fixe a 0.5) : sur la figure4.27, nous voyons qu’une augmentation de ωf deteriore nettement les performances,rendant meme le systeme instable lorsque ωf/Ωi se rapproche de l’unite. Lors desexperiences de controle actif sur la maquette d’Ispra, nous avons effectivement choisid’utiliser un filtre du second ordre (figure 4.12), avec une frequence de coupure a0.1Hz (ωf/Ωi < 0.1). Nous nous sommes cependant apercus qu’en cas de chargement

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72 4. Ponts haubanes

Fig. 4.26 – Effet d’un filtre passe-haut du 1er ordre sur la raideur effective du cableet sur les performances de l’amortissement actif

en echelon, l’actionneur revenait extremement lentement a sa position “zero”, troplentement par rapport a ce que nous esperions. Ceci est nettement visible lors detests de lachers, notamment celui illustre a la figure 4.16 : lorsque l’on coupe la corded’attache du bloc de beton, en t = t2, les composantes dynamiques des mouvementsdu tablier sont rapidement amorties sur la reponse contolee, mais celui-ci n’a pasencore retrouve sa position statique nominale apres 40 secondes. Or, notre filtre passe-haut ayant une frequence de coupure a 0.1Hz, on aurait pu s’attendre a ce que lacomposante statique soit eliminee apres une duree d’environ 10s = 1/(0.1Hz), ou dumoins a ce que le piston oscille a cette frequence. L’explication reside dans le fait

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4 Chargement statique 73

Fig. 4.27 – Effet d’un filtre passe-haut du 2nd ordre sur la dynamique du systeme

que les poles du filtre, localises a 0.1Hz en boucle ouverte, ont change de positionen boucle fermee. Ceci est illustre a la figure 4.28 : on observe que pour g = gopt,les deux poles du filtre se trouvent sur l’axe reel, l’un des deux situe tres proche del’origine (son module valant approximativement le dixieme de la frequence de coupurechoisie en boucle ouverte). La dynamique du systeme en basse frequence sera doncdominee par ce pole tres lent, expliquant notamment l’allure de la reponse controleede la figure 4.16.

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74 4. Ponts haubanes

Fig. 4.28 – Dynamique du filtre en boucle fermee

4.3.4 Regulation feedforward de la tension des cables

On l’a vu plus haut, le fait de filtrer la consigne de deplacement des actionneurs af-fecte immanquablement l’efficacite du controle, sans toutefois donner satisfaction dupoint de vue du maintien des charges statiques. Jusqu’a present, nous n’avons envi-sage qu’un controle decentralise, utilisant pour toute information, la force mesureea l’endroit du tendon actif. Cela possede l’avantage d’etre facile a implementer (unsimple filtre numerique dans l’algorithme de controle), mais par definition, un systemede regulation en retroaction ne pourra reagir qu’en retard par rapport a la cause quiproduit le deplacement de l’equilibre (un poids lourd roulant a proximite d’un tendonactif) ; a aucun moment l’algorithme de regulation n’a connaissance de cette per-turbation, mais seulement de l’effet produit dans les capteurs par la perturbation.Au contraire, un systeme qui, en temps reel connaıtrait l’etat des charges appliqueesa l’ouvrage (position et masse des vehicules) pourrait reagir instantanement en ap-pliquant la contre-mesure adequate. Ce type de regulation est dite feedforward, carelle necessite la connaissance a priori de la perturbation [16]. La strategie proposeeici consiste a imposer une tension moyenne dans les haubans actifs, au niveau de laconsigne Tc de la figure 4.25. Pour determiner la tension Tc a imposer dans chaquecable actif, on se sert de fonctions d’influence, reliant la force dans les cables au char-gement statique du pont (la position et la masse des vehicules). Ces fonctions peuvents’obtenir par essais calibres, ou sur base d’un modele statique de la structure. La miseen place d’une telle strategie necessitera, en plus des tendons actifs, un systeme demesure permettant de determiner a tout instant la position et le poids des vehiculessur le pont. Pour illustrer notre propos, nous avons realise une experience numerique,schematisee a la figure 4.29. Il s’agit d’une passerelle, dont la travee centrale est

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4 Chargement statique 75

Fig. 4.29 – Ajustement feedforward de la tension statique lors du passage d’un vehicule

constituee d’une poutre simplement appuyee, soutenue egalement par 4 haubans.Deux d’entre eux sont actifs (numeros 2 et 3 sur la figure 4.29). Deux sollicitationsdistinctes sont appliquees a la passerelle : une excitation dynamique, pouvant provenirdu vent ou de la suspension des vehicules, et une excitation quasi-statique, provenantdu poids du vehicule, se deplacant a vitesse constante. Les principaux parametres decette experience sont regroupes dans le tableau 4.1. Le modele dynamique de la pas-serelle est constitue des deux premiers modes de vibration (sinusoıdaux) d’une poutresimplement appuyee [17], completes par la contribution quasi-statique des modes dehaute frequence. Les fonctions d’influence de la tension a appliquer dans les haubansactifs 2 et 3 (pour que ceux-ci se comportent comme des haubans passifs) en fonc-tion de la position du vehicule ont ete obtenues par un calcul statique. Elles sontrepresentees a la figure 4.30. Les resultats de l’experience numerique sont presentesa la figure 4.31. La figure 4.31.(a) illustre ce qui a ete evoque a la section 4.3.1, asavoir qu’un cable actif ne participe plus a la raideur de la structure : avec controle,la deflexion moyenne obtenue a mi-portee est la meme que celle qu’aurait une passe-relle passive ou l’on aurait retire les cables 2 et 3. La figure 4.31.(b) montre commentcette situation peut etre amelioree. On voit que l’insertion du filtre passe-haut dusecond ordre (de frequence de coupure 0.02Hz) dans la loi de controle (Equ.(4.7))tend a ramener la deflexion de la passerelle a sa valeur nominale, mais trop lentementpar rapport au passage de la charge. Par contre, l’application d’une consigne de ten-sion moyenne (determinee par les fonctions d’influences statiques) permet d’obtenirsimultanement l’amortissement actif optimum, et la raideur nominale de la passerelle.

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76 4. Ponts haubanes

Longueur travee 100mmasse travee 1000kg/mMoment d’inertie vertical 0.0076m4

Module d’Young 210GPaFrequences naturelles avec les 4 haubans Ω1 = 1.78rad/sec

Ω2 = 5.18rad/secFrequences naturelles sans cables actifs (2 et 3) ω1 = 1.25rad/sec

ω2 = 4.96rad/secMasse voiture 1000kgVitesse de deplacement 1m/sExcitation dynamique bruit blanc filtre

(0.05-0.7Hz)Raideur verticale effective des cables passifs (1 et 4) 40KN/mRaideur verticale effective des cables actifs (2 et 3) 30KN/m

Tab. 4.1 – caracteristiques de l’experience numerique de la figure 4.29

Fig. 4.30 – Fonctions d’influence donnant les tensions a appliquer dans les haubans2 et 3 en fonction de la position d’une masse mobile unitaire, pour que ceux-ci secomportent comme des haubans passifs

4.4 Controle du flottement

Les effets aerodynamiques constituent un element determinant dans la conception desponts de grande portee actuels et futurs, car ces derniers presentent generalement unprofil elance, une raideur et une masse relativement faibles, ainsi qu’un amortisse-ment faible par rapport aux constructions plus conservatives du passe. Ces conditions

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4 Controle du flottement 77

Fig. 4.31 – Comportement statique et dynamique d’une structure amortie par IFF

constituent des facteurs aggravants du point de vue de la sensibilite au vent. Pour desportees de plusieurs kilometres (ce qui est envisage dans un futur proche), le problemede la resistance au flottement aerodynamique constitue un obstacle majeur, qui n’estpas encore totalement surmonte [18, 19]. Avant d’aborder le controle du flottementau moyen d’une simulation numerique et d’une experience de laboratoire, nous al-

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78 4. Ponts haubanes

lons passer brievement en revue les differents types de chargements aerodynamiquesqui s’exercent sur le tablier d’un pont ; nous examinerons egalement la modelisationdes forces aerodynamiques instationnaires sur un profil d’aile puis sur une section detablier de pont, necessaire pour la simulation numerique du flottement.

4.4.1 Chargement aerodynamique d’un tablier de pont [18, 20]

Le detachement de tourbillons (vortex shedding) cree des oscillations dans larepartition de pression autour d’un objet place dans un ecoulement laminaire. Cesoscillations sont dues au detachement alterne, a intervalle regulier, de tourbillonsdans le sillage. La frequence du phenomene est liee au nombre de Strouhal, fonctionde la geometrie et du nombre de Reynolds :

S = fsD/U (4.9)

ou U est la vitesse du vent, fs est la frequence de detachement des tourbillons et

Fig. 4.32 – Chargement aerodynamiques d’un tablier de pont

D est la largeur du sillage (voir figure 4.32). Ce phenomene est considere commeindependant du mouvement de la structure, sauf si l’une de ses frequences naturellesest proche de fs. Dans ce cas, un phenomene d’accrochage (lock-in) se produit (lafrequence de detachement des tourbillons ne depend plus de la vitesse U , mais resteconstante, egale a celle de la structure, jusqu’a une certaine vitesse au dela de laquellefs est a nouveau determinee par la loi (4.9)). La phase d’accrochage peut conduirea de l’auto-excitation. Ce phenomene est assez courant, car les vitesses de ventnecessaires pour atteindre l’accrochage sur les modes fondamentaux d’un pont sontrelativement moderees (15−20m/s). Les oscillations qui en resultent restent toujourslimitees a de faibles amplitudes grace a l’apparition d’un terme d’amortissementaerodynamique. Le vortex shedding doit malgre tout etre evite, car il provoque desdesagrements pour les usagers et des problemes d’usure par fatigue. La reduction dela reponse au vortex shedding s’obtient en ajoutant de l’amortissement ou par desdispositifs aerodynamiques empechant la formation de tourbillons coherents dans lesillage [18].

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4 Controle du flottement 79

La divergence aerodynamique est un phenomene d’instabilite statique. Ellese produit lorsque la raideur en torsion Kα ne suffit plus plus a retenir la sectiontournant sous l’effet du moment aerodynamique :

Kα <∂Mα

∂α(4.10)

La torsion se poursuivra jusqu’a la destruction. Ce phenomene est comparable auflambement d’une poutre. Dans le cas du tablier d’un pont, il n’est pas dangereux,car il ne se produirait qu’a des vitesses de vent tres elevees, qui ne se rencontrent pasnaturellement.

Le flottement est l’effet du vent le plus dangereux pour un pont de grandeportee. Il implique un couplage entre les forces aerodynamiques et les mouvements dutablier. Il apparaıt quand, au-dessus d’une certaine vitesse de vent (la vitesse critiquede flottement), l’amortissement aerodynamique negatif excede l’amortissementstructurel. Le pont de Tacoma en est le plus celebre exemple ; il s’est effondre le 7novembre 1940, des suites de ce qui a ete interprete comme du flottement en torsion,le vent soufflant a peine a plus de 60km/h. Les principales faiblesses de ce pontetaient l’extreme flexibilite (en torsion comme en flexion) de son tablier, ainsi que lesproprietes aerodynamiques destabilisantes des poutres a ame pleine situees de partet d’autre du tablier.L’etude et la modelisation du flottement a commence avec les ailes d’avions [21]. Dansce cas, l’interaction d’au moins deux modes de structure est necessaire (flottementcouple ou classique). Cette theorie n’est pas directement applicable aux grandsponts, qui peuvent se classer grossierement en deux categories, suivant la formedu tablier (voir figure 4.33) : les ponts du type truss stiffened girder, non profileset de conception generalement ancienne et plus massive, sont susceptibles de subirle flottement en torsion seule, alors que les ponts recents, profiles (streamlined boxgirder), auront tendance a subir le flottement couple, a des vitesses de vent pluselevees. Des modeles analytiques des efforts aerodynamiques ont ete obtenus pour un

Fig. 4.33 – Sections typiques d’un tablier de pont (a) truss stiffened girder, (b) stream-lined box girder

grand nombre de profils, en realisant des essais dynamiques sur des modeles reduitsde sections de tabliers places en soufflerie [22, 23].

Le buffeting est la reponse de la structure aux turbulences du vent ou a desrafales. On considere generalement que, contrairement au flottement, les forces de

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80 4. Ponts haubanes

buffeting sont decouplees du mouvement du tablier [20, 24] :Lh = − 12ρU

2B(2CL(αo)

u(t)U +

[dCL

∣∣αo

+ CD(αo)]

w(t)U

)portance

Mα = 12ρU

2B2(CM (αo)

2u(t)U + dCM

∣∣αo

w(t)U

)moment

(4.11)

ou u(t) et w(t) sont les composantes dynamiques longitudinale et transversale duvent, CL et CM sont les coefficients de portance et de moment statiques de la section.Les notations sont celles de la figure 4.32. Notons que l’apparition du flottement nenecessite pas de turbulences, mais celles-ci peuvent modifier la stabilite aeroelastique ;suivant le contenu spectral du vent, l’energie peut etre redistribuee des modes lesmoins stables vers les modes les plus stables (effet stabilisant), ou au contraire, seconcentrer a proximite des modes les moins stables (effet destabilisant) [25, 26].

4.4.2 Aerodynamique instationnaire d’une aile mince [21, 27]

Afin d’etudier le probleme du controle actif des systemes aeroelastiques, nous avonsbesoin d’une representation en variable de Laplace des forces aerodynamiques insta-tionnaires. Nous pourrons ainsi facilement les integrer dans un modele numerique destructure cablee active.Nous commencerons par decrire la modelisation des forces aerodynamiques insta-tionnaires s’exercant sur un profil d’aile mince. Dans ce cas une solution analytiqueexiste. Nous etendrons ensuite ces expressions au profil d’un tablier de pont.

Considerons le profil d’aile de largeur unitaire de la figure 4.34, place dans unecoulement incompressible de vitesse uniforme U . Imaginons que l’ecoulement passe

Fig. 4.34 – Portance et moment aerodynamiques d’une aile mince

brutalement du repos a la vitesse U . La portance Lh et le moment Mα (appliques aucentre elastique de la section, denote “E” sur la figure 4.34) qui s’exerceront par suite

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4 Controle du flottement 81

de la circulation du fluide autour du profil dependent du temps, et leurs expressionss’obtiennent en multipliant leurs valeurs statiques respectives par la fonction deWagner φ(τ) traduisant l’evolution instationnaire :Lh(τ) = −2πρbUwφ(τ)

Mα(τ) = πρb2Uwφ(τ)(4.12)

ou ρ est la masse volumique de l’air, b est la 1/2 corde, et w que nous definirons plusloin depend des coordonnees h et α. La figure 4.35 montre l’allure de la fonction deWagner. Celle-ci est exprimee en fonction de τ , mesurant le nombre de 1/2 cordes bparcourues par le profil dans l’ecoulement. Il est en effet de tradition en aeroelastiqued’utiliser des grandeurs adimensionnelles relatives au temps t et a la frequence ω :

τ = Ut/b

k = ωb/U (4.13)

Dans l’aerodynamique de l’aile mince, les points du profil situes au 1/4 corde et

Fig. 4.35 – Fonction de Wagner

aux 3/4 corde ont une importance particuliere. Le centre aerodynamique ou depoussee (denote “A” sur la figure 4.34), situe au 1/4 corde, est le point ou s’appliquela resultante des forces aerodynamiques agissant sur le profil, L1 = 2πρbUwφ(τ)(equivalente au systeme de forces (4.12) applique en “E”). L’influence du mouvementde l’aile dans le calcul de la resultante L1 (donc de Lh et de Mα), se rapporte a uneseule grandeur : la composante verticale w de la vitesse du fluide tangent au profil aux3/4 corde (denote “D” sur la figure 4.34). Cette grandeur est appelee le downwashaux 3/4 corde, et depend de la vitesse verticale h, de l’angle d’incidence α, et de lavitesse angulaire α :

w = Uα(t) + h(t) +b

2α(t) = Uα(τ) +

U

bh′(τ) +

U

2α′(τ) (4.14)

ou ˙( ) indique la derivee par rapport a t et ( )′ par rapport a τ . Dans cetteexpression, l’angle d’incidence α est suppose infinitesimal, et le centre elastique “E”

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82 4. Ponts haubanes

est suppose se trouver a mi-corde. Remarquons que nous negligeons ici les termesde portance et de moment d’origine non-circulatoire, lies a la masse d’air apparente,accompagnant l’aile en mouvement.

Considerons ensuite que l’aile se deplace de facon harmonique (suivant h et α)a frequence reduite k dans l’ecoulement de vitesse U constante. Les amplitudes et lesphases des efforts aerodynamiques dependent de la frequence k. Cette dependances’exprime au moyen de la fonction (complexe) de Theodorsen C(k) :Lh(k) = −2πρbU2

[αo + ikho

b + ikαo

2

]C(k)

Mα(k) = πρb2U2[αo + ikho

b + ikαo

2

]C(k)

(4.15)

ou ho et αo sont les amplitudes complexes des mouvements imposes suivant h et α.

Dans le cas plus general d’une aile se deplacant arbitrairement (suivant lesdegres de liberte h et α) dans un ecoulement uniforme de vitesse U , l’evolutiontemporelle de la portance Lh et du moment Mα s’obtient au moyen d’integrales deconvolution :

Lh(τ) = −2πρbU[∫ τ

−∞dw(τ0)

dτ0φ(τ − τ0)dτ0

]Mα(τ) = πρb2U

[∫ τ

−∞dw(τ0)

dτ0φ(τ − τ0)dτ0

] (4.16)

La fonction de Wagner apparaıt ici comme une fonction d’heredite, servant a pondererles contributions des mouvements infinitesimaux passes dw(τo) dans le calcul desforces aerodynamiques a l’instant present τ .Un produit de convolution dans le domaine temporel se transformant en un produitdans le domaine frequentiel, on calcule facilement les transformees de Laplace desforces aerodynamiques instationnaires (4.16) :

Lh(s) = −2πρbU2[α(s) + sh(s)

b + sα(s)2

]Φ(s)s

Mα(s) = πρb2U2[α(s) + sh(s)

b + sα(s)2

]Φ(s)s

(4.17)

ou s est la variable de Laplace adimensionnelle relative a τ et Φ(s) est la transformeede Laplace de la fonction de Wagner φ(τ).Nous pouvons faire quelques remarques a propos des relations (4.12) a (4.17) :1 La fonction de Theodorsen est, au facteur ik pres, la transformee de Fourier de lafonction de Wagner :

F(φ(τ)) =C(k)ik

(4.18)

2 La transfomee de Laplace de la fonction de Wagner, intervenant dans (4.17) peuts’obtenir en substituant k = −is dans (4.18) :

Φ(s) =C(−is)

s(4.19)

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4 Controle du flottement 83

3. Les fonctions de Theodorsen et de Wagner s’obtiennent a partir de fonctions de Bes-sel modifiees. Elles possedent neanmoins des expressions approchees (approximants dePade) correctes a quelques pourcents sur tout le domaine de definition, plus commodespour la representation sous forme de fonctions de transfert :

C(k) = 1− 0.1651−0.0455i/k −

0.3351−0.3i/k

φ(τ) = 1− 0.165e−0.0455τ − 0.335e−0.3τ

Φ(s) = 1s −

0.165s+0.0455 −

0.335s+0.3

(4.20)

Les expressions des forces aerodynamiques (4.17) peuvent alors facilement s’ecriresous forme de matrices de transfert, ou en variables d’etat.4 Nous voyons que dans le cas particulier des ailes minces, une fonction d’herediteunique (la fonction de Wagner) suffit pour exprimer la portance Lh et le moment Mα,en fonction des deplacements h et α. Cela n’est plus vrai pour le tablier d’un pont.

4.4.3 Aerodynamique instationnaire d’un tablier de pont

Contrairement a l’aile, il n’existe pas de formulation theorique des forces aero-dynamiques instationnaires agissant sur une section de tablier de pont. Il faut re-courir a des essais en soufflerie qui permettront d’ajuster des expressions empiriques.La formulation de Scanlan est sans doute la plus repandue [22, 23] :

Lh = ρU2B(KH∗

1 (K) hU +KH∗

2 (K)BαU +K2H∗

3 (K)α+K2H∗4 (K) h

B

)Mα = ρU2B2

(KA∗1(K) h

U +KA∗2(K)BαU +K2A∗3(K)α+K2A∗4(K) h

B

) (4.21)

Ces relations font intervenir a la fois des variables temporelles (h et α), etfrequentielles (K = ωB/U est une frequence adimensionnelle, dont dependent A∗iet H∗

i ; B = 2b est la largeur du tablier). Elles sont valables pour des mouvementsharmoniques uniquement. Les coefficients de Scanlan A∗i H∗

i sont l’equivalent dela fonction de Theodorsen pour l’aile, exprimant la dependance frequentielle desforces aerodynamiques (Equ.(4.15)) ; ils s’obtiennent experimentalement en imposantun mouvement harmonique a un modele reduit de section de tablier place ensoufflerie, et en mesurant les forces aerodynamiques generees sur la section. Lafigure 4.36 montre l’allure des coefficients adimensionnels de Scanlan, exprimes enfonction de U/(fB) = 2π/K, pour l’aile et differents profils de tablier. H∗

1 et A∗2correspondent (au signe pres) respectivement a l’amortissement aerodynamiquedans le mouvement vertical h et celui de torsion α. Pour l’aile, H∗

1 et A∗2 res-tent negatifs pour toute valeur de 1/K. Cela signifie que le vent stabilisera lesmouvements de torsion ou de flexion pure. Le flottement n’apparaıtra que parcouplage flexion-torsion, a cause des termes d’amortissement croises associes a H∗

2

et A∗1. Il s’agit la du flottement couple ou classique, susceptible d’affecter egalementcertains ponts modernes profiles (figure 4.33.(b)). En revanche, pour les ponts du

Page 94: Boss Ens 01

84 4. Ponts haubanes

Fig. 4.36 – Coefficients adimensionnels de Scanlan pour l’aile et differentes sectionsde tablier de pont [22]

type truss stiffened girder (figure 4.33.(a)), l’apparition du flottement correspondgeneralement au changement de signe du coefficient A∗2 a une certaine vitesse devent (sections 1, 2 et 3 sur la figure 4.36). Le flottement apparaıt alors en torsion seule.

Pour determiner les forces aerodynamiques dans le cas d’un mouvement arbi-traire de la section, Bucher et Lin proposent d’utiliser des integrales de convolution,separees en un terme relatif au deplacement vertical h et un terme relatif a l’angled’incidence α [28] :Lh(t) =

∫ t

−∞ fLh(t− to)h(to)dto +∫ t

−∞ fLα(t− to)α(to)dto

Mα(t) =∫ t

−∞ fMh(t− to)h(to)dto +∫ t

−∞ fMα(t− to)α(to)dto(4.22)

ou les fonctions f(t) sont des reponses impulsionnelles, definies comme l’evolutiontemporelle de la portance et du moment (dans un ecoulement stationnaire) apres uneexcitation impulsionnelle suivant h ou α. Les expressions (4.22) sont une generalisationdes expressions (4.16) utilisees pour l’aile. Nous ne sommes pas directement interesses

Page 95: Boss Ens 01

4 Controle du flottement 85

par les fonctions f(t), mais par leurs transformees de Laplace F (s), necessaires pourexprimer les forces aerodynamiques sous forme de fonctions de transfert :Lh(s) = FLh(s)h(s) + FLα(s)α(s)

Mα(s) = FMh(s)h(s) + FMα(s)α(s)(4.23)

Les fonctions F (s) peuvent etre approchees par une somme de filtres du premierordre [28], de maniere analogue a Φ(s) dans (4.20). Cette formulation est commodepour construire une representation en variables d’etat des forces aerodynamiques :

FLh(s) = ρU2

[C1,Lh + B

U sC2,Lh +n∑

k=3

Ck,Lhs

dk,LhUB +s

]FLα(s) = ρBU2

[C1,Lα + B

U sC2,Lα +n∑

k=3

Ck,Lαs

dk,LαUB +s

]FMh(s) = ρBU2

[C1,Mh + B

U sC2,Mh +n∑

k=3

Ck,Mhs

dk,MhUB +s

]FMα(s) = ρB2U2

[C1,Mα + B

U sC2,Mα +n∑

k=3

Ck,Mαs

dk,MαUB +s

](4.24)

Dans ces expressions, les coefficients C1 et C2 s’obtiennent a partir des proprietesaerodynamiques statiques du profil ; la suite du developpement (coefficients C3,4,...

et d3,4,...), modelisant l’aerodynamique instationnaire, est obtenue par un processusd’identification avec les coefficients experimentaux de Scanlan :

FLh(iω) = ρB2ω2(iH∗1 +H∗

4 )

FLα(iω) = ρB3ω2(iH∗2 +H∗

3 )

FMh(iω) = ρB3ω2(iA∗1 +A∗4)

FMα(iω) = ρB4ω2(iA∗2 +A∗3)

(4.25)

4.4.4 Controle actif du flottement

On peut distinguer 3 methodes pour reduire les vibrations eoliennes d’un pont : (i)ajouter de la masse et de la raideur (ii) profiler le tablier et (iii) installer des systemesd’amortissement additionnels.La premiere solution n’est pas acceptable d’un point de vue economique.Le profilage du tablier est couramment utilisee dans les ponts modernes de grandeportee. Il a cependant des limites : premierement la face superieure du tablier estamenagee avant tout pour le trafic, et ne pourra pas etre profilee idealement. Ensuite,le profil ideal (un bord d’attaque arrondi et un bord de fuite effile) ne peut pas etreadopte car, la direction du vent etant inconnue, le profil devra etre symetrique et untant soit peu arrondi, ce qui n’est pas optimal du point de vue de la reduction de latrainee et du detachement de tourbillons.

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86 4. Ponts haubanes

Actuellement, seuls des Tuned Mass Dampers (TMD) sont utilises comme dispositifsd’amortissement additionnels [29, 30]. Ils ont l’avantage d’offrir une stabilite garantie,mais ils rajoutent une masse non negligeable au tablier (1 a 2%), et leur efficacite estfortement conditionnee par l’ajustement precis des frequences naturelles des TMDssur les modes de structure. Ils permettent de reduire la reponse dynamique d’environ30% et d’augmenter la vitesse critique de flottement d’environ 15%. Le controle actif,plus efficace, pourrait etre une alternative prometteuse pour de futurs tres grandsponts. Des etudes theoriques et experimentales ont montre que l’on pouvait repousserla vitesse critique de flottement a l’aide de surfaces de controle, dont on pilotecontinument l’orientation ou la courbure en fonction des mouvements du tablier [31].Pour cette etude, nous limitons notre discussion au controle du flottement au moyende tendons actifs. Cette solution avait deja ete examinee analytiquement dans uneconfiguration capteurs/actionneurs non-colocalises [32, 33]. Comme on l’a evoqueauparavant, une telle configuration peut donner lieu a du spillover, alors que la loide controle que nous proposons est inconditionnellement stable. Ci-dessous, nouspresentons une simulation numerique et une experience de laboratoire, montrantl’efficacite de notre strategie d’amortissement actif pour augmenter la vitesse critiquede flottement d’un pont.

Simulation numeriqueL’approche proposee pour le controle du flottement est illustree schematiquementa la figure 4.37. Il s’agit d’un modele simplifie a 2 degres de liberte h et α.Les caracteristiques structurelles, geometriques et aerodynamiques de la section

Fig. 4.37 – Controle du flottement au moyen de tendons actifs

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4 Controle du flottement 87

correspondent au pont Vasco de Gama sur le Tage [34, 35] ; elles sont regroupeesdans le tableau 4.2, la masse et le moment d’inertie etant exprimes par unite delongueur. Les expressions des forces aerodynamiques (4.23) ont ete implementeessous forme de matrices de transfert, comme illustre a la figure 4.38. Dans notre

Fig. 4.38 – Matrice de transfert des forces aerodynamiques instationnaires

modele, contrairement a l’equation (3.3), les raideurs Kh et Kα incluent tous leshaubans, passifs et actifs. Les forces de controle F1 et F2 ne representent que lapartie active (generee par les deplacements actifs u1 et u2) des tensions T1 et T2,la partie passive (due aux mouvements du tablier) etant prise en compte dans Kh

et Kα. La raideur hc des cables actifs a ete choisie pour obtenir un amortissementmaximum de 5% en torsion avec la loi de controle (3.2) (IFF decentralise). La figure

Caracteristiques mecaniques et geometriquesLargeur B 30.5 mmasse M 53900 kg/m

Moment d’inertie I 6800000 (kg ·m2)/mDensite de l’air ρ 1.226 kg/m3

Frequence propre de flexion 0.324 Hz (ξh = 0.54%)Frequence propre de torsion 0.451 Hz (ξα = 0.57%)

Caracteristiques aerodynamiques instationnaires (Equ.(4.24))K C1,k C2,k C3,k C4,k d3,k d4,k

Mα 0.2797 0.1312 19.6878 -21.372 1.7175 1.991Mh 0 0 0 0 0 0Lα 0 0 0 0 0 0Lh 1.1282 -2.292 -0.9858 -1.1020 1.5931 0.821

Tab. 4.2 – Caracteristiques relatives a l’etude aerodynamique du pont Vasco de Gamasur le Tage [34, 35]

4.39 montre l’evolution des poles du systeme en fonction du gain g de la loi decontrole et de la vitesse U du vent. Les courbes en pointilles representent le lieudes poles en fonction de g, en l’absence de forces aerodynamiques, alors que les

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88 4. Ponts haubanes

courbes continues representent le lieu des poles lorsque la vitesse du vent augmente.On les a dessinees pour g = 0 (pas de controle, on retrouve la vitesse critiquedonnee dans [35], correspondant au franchissement de l’axe imaginaire par le pole detorsion), et pour un gain g proche de l’optimum d’amortissement en torsion (5%).On constate que la vitesse critique a augmente d’environ 60% (elle est passee de

Fig. 4.39 – Evolution des poles du systeme avec la vitesse du vent, pour g = 0, etpour g proche de l’optimum d’amortissement en torsion (par souci de clarte, seule lamoitie superieure du lieu symetrique est representee).

77.5 a 122.2m/s). Remarquons que la modelisation simplifiee adoptee ici pourraitsans difficultes s’etendre a une geometrie plus compliquee, en utilisant la theorie“strip” pour l’expression des forces aerodynamiques, et en projetant les equations dumouvement en coordonnees modales.Une experience de controle de flottement a ete realisee sur une maquette simplifiee depont, dans laquelle le flottement a ete simule a l’aide d’une loi de controle instable.Nous la decrivons au paragraphe suivant.

Experience [36]La simulation numerique de la section precedente a montre que la vitesse critiquede flottement augmentait en utilisant des cables actifs munis d’un controleur IFFdecentralise pour stabiliser le tablier. Dans cette section, nous allons le montrerexperimentalement. Le demonstrateur utilise est represente a la figure 4.40. Lastructure en “T” situee a droite est une modelisation simplifiee d’un tablier depont. Sa dynamique est dominee par un mode de torsion et un mode de flexion.La structure est equipee de deux cables actifs destines a stabiliser le “tablier”. Lestendons actifs pilotant les cables (a gauche sur la figure 4.40) sont bases sur le memeprincipe que ceux utilises pour controler la petite maquette de pont (figure 4.3).

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4 Controle du flottement 89

Fig. 4.40 – Dispositif experimental utilise pour simuler le controle du flottement entorsion

Chaque cable est pilote independamment avec la loi de controle (3.2).D’autre part, les forces aerodynamiques sont simulees a l’aide d’un shakerelectrodynamique. Pour reproduire l’instabilite de flottement en torsion, le shakerest pilote par un controleur volontairement instable, dont l’entree est une mesure del’acceleration angulaire α, obtenue en soustrayant les signaux de 2 accelerometresplaces aux extremites de la barre horizontale du “T”. Nous voulons deplacer lespoles du mode de torsion du demi-plan reel negatif (stable) du plan complexe, versle demi-plan reel positif (instable), a l’aide d’un gain g∗ (le gain de flottement),pouvant s’apparenter a la vitesse du vent. Ceci est possible grace a une retroactiond’etat, permettant d’amener les poles du systeme a un emplacement arbitraire. Lesetats n’etant pas directement mesures, il est necessaire d’implementer un estimateurd’etat, utilisant les signaux des capteurs et un modele de la structure [37].Considerons le modele de la figure 4.41.(a), representatif du mode de torsion. Lafigure 4.41.(b) montre la reponse frequentielle experimentale (utilisee pour recaler lesparametres du modele) entre la commande v du shaker et l’acceleration angulaire αmesuree sur la structure. Les equations regissant le modele de la figure 4.41 s’ecrivent

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90 4. Ponts haubanes

Fig. 4.41 – Mode de torsion de la structure cablee de la figure 4.40 : (a) modele lineaire(b) reponse frequentielle entre la commande du shaker v et l’acceleration angulaire α

en variables d’etat :

d

dt

(αα

)=(−2ξtΩt −Ω2

t

1 0

)(αα

)+(k0

)v = Ax+Bv

y = α =(−2ξtΩt − Ω2

t

)( αα

)+ kv = Cx+Dv (4.26)

ou Ωt et ξt sont respectivement la frequence propre et l’amortissement naturel du modede torsion ; x = (α α)T est le vecteur des etats du systeme. v et y sont respectivementl’entree (la commande du shaker) et la sortie (l’acceleration angulaire) du systeme.Les poles du mode de torsion peuvent etre replaces arbitrairement dans plan complexegrace a une retroaction d’etat :

v = −g∗Gx = −g∗G (α α)T (4.27)

ou les 2 gains du vecteur G ont ete choisis pour placer les poles dans le demi-planinstable. Le gain g∗ a ete introduit pour permettre une destabilisation graduelle, g∗ =0 correspondant a la structure en boucle ouverte (sans vent) et g∗ = 1 au flottementen torsion (une vitesse de vent superieure a la vitesse critique de flottement). La loi decontrole (4.27) necessite la connaissance de etats (α α)T . Ceux-ci n’etant pas mesuresdirectement, nous utiliseront un estimateur qui fournira une approximation des etats,x = (α ˆα)T , basee sur le modele recale (4.26) et sur la mesure de α.

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4 Controle du flottement 91

Fig. 4.42 – Schema bloc du compensateur simulant le flottement

L’estimateur s’ecrit en variables d’etat :

dx

dt= (A− LC) x+ (B − LD) v + Ly (4.28)

ou les elements de la matrice L sont choisis de telle sorte que les poles de l’estima-teur (les valeurs propres de A− LC), soient stables, et plus rapides que les poles duregulateur (les valeurs propres de A − BG, c’est a dire les poles de torsion deplacesvers le demi-plan reel positif). L’equation globale du compensateur s’obtient en com-binant l’equation du regulateur (4.27) et celle de l’estimateur (4.28). La figure 4.42montre le schema bloc du compensateur simulant le flottement. Ce compensateur a

Fig. 4.43 – Lieu des poles experimental du mode de torsion en fonction du gain deflottement g∗

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92 4. Ponts haubanes

ete implemente sur la structure de la figure 4.40. Lorsque g∗ passe progressivementde 0 a 1, les poles de torsion se deplacent des poles stables en boucle ouverte vers lespoles instables dans le demi-plan de droite. Ceci est illustre a la figure 4.43, montrantle lieu experimental des poles de torsion dans le plan complexe, en fonction de g∗,avec et sans controle (seule la partie superieure du lieu symetrique est representee).La valeur de g∗ pour la quelle le pole franchit l’axe imaginaire correspond a l’appari-tion de l’instabilite. Nous la definissons comme le “gain critique de flottement ”. Onconstate que le gain critique de flottement augmente nettement lorsque la structureest controlee au moyen des cables actifs. La figure 4.44 montre l’amortissement mesurepour le mode de torsion en fonction de g∗, avec et sans controle. La encore, l’augmen-tation du gain critique de flottement avec l’amortissement actif est nettement visible.

Fig. 4.44 – Amortissement du mode de torsion en fonction du gain de flottement g∗

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Chapitre 5

Treillis spatiaux

Comme on l’a dit dans l’introduction, 2 concepts sont envisages pour les futures mis-sions interferometriques spatiales : le premier est base sur le vol en formation desdifferentes unites optiques (free-flyer), le second sur une structure monolithique sup-portant les differents composants. Dans ce dernier cas, il faudra sans-doute faire usagede treillis de grande taille (Pour la mission “Terrestrial Planet Finder”, on envisageune distance atteignant 200m entre 2 telescopes [1]). Ceux-ci devront repondre a desexigences severes en matiere de stabilite dynamique. Etant legers, flexibles et peuamortis, ils seront sensibles aux sollicitations induites par le controle d’attitude, desphenomenes thermiques transitoires, ou l’impact de micrometeorites. Le controle actifdu treillis apparaıt des lors indispensables.Dans ce chapitre, nous presenterons les resultats experimentaux obtenus sur 2 ma-quettes en treillis, controlees au moyen de cables actifs [2, 3]. Pour ces experiences,nous avons utilise le meme concept de tendon actif qu’au chapitre 4 : chaque cableest equipe d’une paire capteur/actionneur colocalises, munie d’une loi de controleIFF decentralisee. Nous examinerons ensuite l’influence de la saturation d’un action-neur sur les performances du systeme, et finalement, nous envisagerons l’utilisationde cables actifs pour amortir des microvibrations.

5.1 Colonne en treillis

Pour cette experience, nous avons utilise une maquette existante (figure 5.1.(a)) [4].Dans sa configuration initiale, deux barreaux actifs sont integres dans la structure,pres de son encastrement, comme illustre a la figure 5.1.(b). La structure a ete equipeede trois haubans actifs ; les tendons actifs (figure 5.1.(c)), sont identiques a ceuxutilises pour l’experience decrite a la section 4.1. Les cables sont constitues d’unefibre synthetique (“Dynema”) de 1mm de diametre (EA ≈ 19000N). La tension dansles cables a ete ajustee de facon a ce que leurs frequences fondamentales se trouvent apeu pres a 500rad/s, soit bien au-dessus de la frequence des modes globaux a amortir.Les frequences naturelles des deux modes fondamentaux de la structure avec et sans

95

Page 106: Boss Ens 01

96 5. Treillis spatiaux

Fig. 5.1 – Colonne en treillis, munie de barreaux et de cables actifs (a) vue d’ensemble(b) detail des barreaux actifs (c) detail des tendons actifs

ses cables actifs sont regroupees dans le tableau 5.1.La figure 5.2 montre la reconstruction du lieu des poles experimental (obtenu a partirde l’identification de reponses frequentielles pour differents gains, entre un marteauinstrumente et un accelerometre place sur la structure), ainsi que le lieu predit parla theorie lineaire du chapitre 3. La concordance est assez bonne, meme si nous nesommes parvenus a reconstituer que la partie superieure de chacune des boucles. Lasuite du lieu n’a pu etre obtenue du fait de la course finie des actionneurs, condui-sant a la saturation pour des grands gains. Pour l’experience suivante, nous utilisonssimultanement les deux systemes de controle actif (cables + barreaux actifs), la confi-guration des barreaux actifs seuls ayant fait l’objet d’etudes anterieures [4]. La figure5.3 montre les reponses frequentielles obtenues pour les combinaisons suivantes : (a)boucle ouverte (pas de controle) (b) barreaux actifs (c) cables actifs (d) barreaux

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5 Colonne en treillis 97

Fig. 5.2 – Amortissement par cables actifs : comparaison entre le lieu des polesexperimental et theorique

+ cables actifs. Ces reponses frequentielles ont ete realisees entre un marteau ins-trumente et un accelerometre place sur la structure. La figure 5.3.(d) montre quel’utilisation combinee des deux systemes elimine presque completement les pics deresonance. Afin de mieux visualiser ce que cela represente en terme d’amortissementdu signal, la figure 5.4 montre une reponse temporelle, au cours de laquelle nousavons enclenche simultanement les deux systemes de controle (configuration (d)). Ony voit l’acceleration mesuree sur la structure, suite a une excitation impulsionnelle(en t = 4.5sec). Lorsque le controle est enclenche (t = 8sec), la vibration disparaıtpresque instantanement.

i 1 2ωi 53.8 66Ωi 67.9 78.9

Tab. 5.1 – Frequences naturelles (rad/s) des 2 modes fondamentaux de la colonne entreillis de la figure 5.1, avec (Ωi) et sans (ωi) les cables actifs

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98 5. Treillis spatiaux

Fig. 5.3 – Reponses frequentielles pour differentes conditions de controle.

Fig. 5.4 – Reponse temporelle avec et sans controle (cables + barreaux actifs).

5.2 Modele reduit du JPL-MPI

L’experience decrite ici a ete realisee sur un modele reduit similaire au Micro-Precision-Interfe-rometer (MPI) du Jet Propulsion Laboratory (JPL) [5]. La struc-

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5 Modele reduit du JPL-MPI 99

ture originale est destinee a etudier le comportement et l’amortissement vibratoire destreillis spatiaux. Nous nous en sommes inspires pour construire notre maquette, des-tinee a tester l’amortissement actif par cables ; ceci permettra de verifier les resultatsnumeriques prometteurs de la section 3.2.2.

5.2.1 Dispositif experimental

La figure 5.5 montre notre treillis, compose de 3 branches d’environ 1m de long,l’ensemble etant constitue de barres d’acier soudees de 4mm de diametre. A chaqueextremite sont fixees des plaques d’aluminium, supportant les tendons actifs. Deuxconcepts de tendons actifs ont ete utilises. Le premier concept (figure 5.6.(a)) estidentique a celui utilise aux sections 4.1 et 5.1 : la tension dans le cable est conver-tie en compression dans le barreau piezoelectrique a l’aide d’un bras de levier, ser-vant aussi a amplifier le mouvement. Cette configuration possede des inconvenients :elle est tres massive et comporte des mecanismes (pallier du bras de levier, point decontact avec l’actionneur piezoelectrique). Ceux-ci representent une source potentielled’imprecision due a la friction. Le second concept (Figure 5.6.(b)) est base sur un ac-tionneur avec systeme d’amplification integre ; l’element actif est situe sur le grand axede l’ellipse, le deplacement utile (amplifie) etant obtenu suivant le petit axe. L’ampli-fication est approximativement egale au rapport entre les axes de l’ellipse. Cet action-neur est moins rigide que dans l’ancienne configuration (7.105N/m < 2, 7.106N/m),mais cela reste toutefois deux ordres de grandeur au-dessus de la raideur du cable acontroler (≈ 104N/m). Dans ce qui suit, ces deux concepts seront denommes respec-tivement “tendon 1” et “tendon 2”.Deux types de cables ont egalement ete utilises pour realiser nos experiences : uncable de polyethylene relativement souple (EA ≈ 4000N), et un cable plus rigide(EA ≈ 19000N), constitue de fibre synthetique “Dynema”. Dans les deux cas, nous

Fig. 5.5 – Modele reduit inspire de la structure JPL-MPI

Page 110: Boss Ens 01

100 5. Treillis spatiaux

Fig. 5.6 – Deux concepts de tendon actif pour l’amortissement d’un treillisavec des cables : (a) capteur BK8200 ; actionneur PI840.30 ; course 100µm ;raideur 2, 7.106N/m ; masse 1, 5kg (b) capteur BK8200 ; actionneur APA100M ;course 110µm ; raideur 7.105N/m ; masse 55gr

i 1 2 3 4 5sans cables ωi 95.6 104.3 120 137.3 149

Tendon EA ≈ 4000N Ωi 107 114.7 126.5 146.4 162.91 EA ≈ 19000N Ωi 112.4 118.6 131.2 163 179

Tendon sans cables ωi 119.4 157.1 165.7 208.1 /2 EA ≈ 19000N Ωi 146.1 173.6 205.8 220.7 /

Tab. 5.2 – Frequences naturelles (rad/s) du treillis de la figure 5.5, avec et sans lescables actifs, pour les 2 concepts de tendon actif

avons ajuste la tension des cables de maniere a ce qu’ils aient une frequence natu-relle fondamentale d’environ 400rad/sec, soit bien au-dessus des modes de structureque nous voulons controler. En realisant des experiences avec les cables moins ten-dus, on s’est apercu que cette condition n’etait pas necessaire. Durant la campagneexperimentale, la structure etait suspendue a l’aide de cordons elastiques (d’une rigi-dite nettement inferieure a celle du treillis), afin de simuler l’absence de gravite.

5.2.2 Lieu des poles

Le tableau 5.2 donne les frequences naturelles des quelques premiers modes dyna-miques (que nous distinguons des modes de suspension, de frequences beaucoup plusbasses, et incontrolables avec les cables actifs) de la structure sans cables (ωi) et aveccables (Ωi), pour les deux concepts de tendons actifs. Les deux types de cables ont etetestes avec le tendon 1 ; seuls les cables rigides ont ete testes avec le tendon 2. Pouretablir la correspondance entre la frequence d’un mode avec (Ωi) et sans les cables(ωi), nous avons fait un releve des frequences naturelles en detendant progressivement

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5 Modele reduit du JPL-MPI 101

les cables. On observe ainsi, pour chaque mode, une transition continue entre Ωi et ωi.Le tendon 1 (1, 5kg) etant beaucoup plus massif que le tendon 2 (55gr), la dynamiquevarie d’une configuration a l’autre, et nous ne pourrons pas comparer rigoureusementles resultats obtenus avec les deux types de tendons. Dans la seconde configuration,seuls 4 modes ont ete observes correctement.La figure 5.7 compare le lieu des poles experimental en boucle fermee aux predictionsanalytiques (obtenues a partir des valeurs du tableau 5.2 et de la formule (3.11)),pour 3 configurations : (a) tendons 1, cables souples (b) tendons 1, cables rigides et(c) tendons 2, cables rigides. Nous remarquons que si la concordance est assez bonne

Fig. 5.7 – Comparaison entre le lieu des poles theorique et experimental des premiersmodes flexibles du treillis. (a) tendon actif n1 ; EA = 4000N (b) tendon actif n1 ;EA = 19000N (c) tendon actif n2 ; EA = 19000N

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102 5. Treillis spatiaux

Fig. 5.8 – Reponses frequentielles avec et sans controle (EA = 4000N)

dans le cas de cables souples (figure 5.7.(a)), elle l’est moins dans le cas des cablesrigides (figure 5.7.(b) et (c)). Nous constatons par exemple, dans la figure 5.7.(b), quele pole Ω5 semble tendre vers le zero ω4, alors que la branche du lieu partant de Ω4 sedirige vers le haut. Nous ne sommes pas parvenus a expliquer ces phenomenes ; tout auplus pouvons-nous souligner la difficulte d’appliquer la procedure d’identification mo-dale a des reponses frequentielles tres amorties, pouvant mener a une determinationimprecise des poles. Les reponses frequentielles ont ete realisees entre un marteauinstrumente et un accelerometre place sur l’une des extremites. La figure 5.8 montre,pour la configuration (a), leur allure caracteristique avec et sans controle.

5.2.3 Saturation des actionneurs

Pour estimer l’effet de la saturation des actionneurs sur l’efficacite de l’amortissementactif, nous avons realise une serie de tests sur le treillis de la figure 5.5, equipe destendons 2. Au cours de ces tests, une meme excitation est appliquee au treillis (unbruit blanc filtre a 100Hz) par un actionneur inertiel electromagnetique, et le gain de laloi de controle (3.2) reste le meme. Le test a d’abord ete effectue sans controle, ensuiteavec le controle sans saturation, puis avec trois niveaux de saturation des commandesde deplacement des actionneurs. La figure 5.9 montre, pour l’un des tendons actifs,la commande de deplacement pour les differents niveaux de saturation. Nous y avonsegalement indique le taux de saturation τsat que nous definissons comme la fractiondu temps pendant laquelle l’actionneur est immobilise en saturation. La figure 5.10montre la reponse frequentielle entre l’excitateur inertiel et un accelerometre placesur la structure, d’abord sans controle, puis avec controle pour les quatre niveaux desaturation illustres a la figure 5.9. Excepte pour la saturation la plus severe a 15µm,on constate que la reponse frequentielle est peu affectee. La premiere ligne du tableau5.3 (l’integrale de la PSD de l’acceleration entre 0 et 50Hz) confirme que l’acceleration

Page 113: Boss Ens 01

5 Modele reduit du JPL-MPI 103

Fig. 5.9 – Commande d’un actionneur (a) en regime lineaire (b) saturation a 45µm(c) saturation a 30µm (d) saturation a 15µm

Fig. 5.10 – Reponses frequentielles de la structure pour differents niveaux de satura-tion

mesuree sur la structure est peu influencee -en basses frequences- par la saturation.Ceci s’explique en considerant la puissance instantanee dissipee dans un tendon actif :

P = uT (5.1)

ou T est la tension du cable et u est le deplacement de l’actionneur. Par definition,la saturation se produit au voisinage d’un maximum du deplacement, autrement dit,

Page 114: Boss Ens 01

104 5. Treillis spatiaux

pas de saturation saturationpas de controle controle 45µm 30µm 15µm

RMS0−50Hz(m/s2) 0.616 0.137 0.139 0.134 0.168RMS0−500Hz(m/s2) 0.622 0.153 0.171 0.271 0.493RMStemporel(m/s2) 0.620 0.153 0.171 0.271 0.498

Tab. 5.3 – Accelerations RMS mesurees sur la structure pour differentes conditionsde saturation

lorsque u ≈ 0. Selon l’Equ.(5.1), la saturation se produit donc quand le controle actifdissipe peu d’energie, ce qui explique qu’elle degrade peu les performances.Cependant, la saturation introduit des non-linearites dans le systeme, creant du bruiten haute frequence. Cela se remarque en observant les lignes 2 et 3 du tableau 5.3 : onconstate que la valeur RMS en large spectre de l’acceleration mesuree sur la structure,augmente avec la saturation. Ce n’etait pas le cas pour la valeur RMS calculee enbande etroite (0 → 50Hz).Nous en concluons que la saturation des actionneurs ne pose pas de probleme pour desperturbations transitoires car les performances de l’amortissement actif sont mainte-nues pour les modes controles, et le bruit en haute frequence s’amortira naturellementlorsque la saturation s’arretera. Par contre la saturation devra etre evitee avec uneexcitation aleatoire.

5.3 Microvibrations

Le succes de futures missions interferometriques reposera entre autre sur la capacitea assurer une stabilite dynamique de l’ordre de quelques nanometres au treillis sup-port [6]. Dans cette gamme de fonctionnement, les proprietes dynamiques d’un treillisdeployable sont largement incertaines. Des etudes ont montre que la structure se com-porte principalement lineairement [7], ceci pouvant s’expliquer par des contraintesinternes tres faibles, insuffisantes pour vaincre les frottements aux joints. D’autresexperiences mettent en evidence divers phenomenes non-lineaires, comme des distor-sions harmoniques, des comportements viscoelastiques, ou des changements brusquesde configuration lors de variations thermiques (thermal snaps) [8]. La strategie decontrole presentee dans ce travail, basee sur un controleur IFF est en principe incon-ditionnellement stable, et doit donc pouvoir s’appliquer a une structure non-lineairede dynamique incertaine. Cependant, tous les resultats presentes dans les sections 5.1et 5.2 ont ete obtenus avec des vibrations d’amplitudes variant entre le millimetre etle micron. Il se pourrait tres bien que, pour de plus petites amplitudes, le comporte-ment du systeme de controle actif soit domine par les non-linearites de l’actionneur(hysterese) ou par le bruit des signaux electriques. Le but de l’experience presenteeici est de determiner la limite d’utilisation d’un tendon actif en petites amplitudes.Le dispositif experimental est represente schematiquement a la figure 5.11. Il s’agitd’une structure dont la dynamique est dominee par son mode fondamental, equipee

Page 115: Boss Ens 01

5 Microvibrations 105

d’un tendon actif. Le tout est place sur une table d’isolation. Pour les plus petitesamplitudes, les mesures ont ete realisees dans un environnement plus calme que celuide l’Universite Libre de Bruxelles, sur une dalle anti-sismique du Centre Spatial deLiege. Pour juger de l’efficacite de l’amortissement actif, nous avons enregistre les

Fig. 5.11 – Amortissement actif des microvibrations : dispositif experimental

signaux de force (T ) et de deplacement (d ou u) du tendon, et nous avons verifies’ils etaient bien dephases de 90 l’un par rapport a l’autre, comme le prevoit la loide controle (3.2). Pour notre analyse, nous avons utilise une excitation harmoniquemono-frequentielle ajustee sur le mode dominant, soit environ 10Hz. Ainsi, si la struc-ture reagit principalement a cette excitation, les courbes T = f(d) seront des ellipses(figures de “Lissajou”), que nous avons obtenues pour des amplitudes de plus en pluspetites.

Fig. 5.12 – Composants de la boucle de controle

Page 116: Boss Ens 01

106 5. Treillis spatiaux

5.3.1 Instrumentation

Les differents composants constituant la boucle de controle sont representes a la figure5.12. Le tableau 5.4 les reprend, avec pour chacun la sensibilite et la grandeur quilimitera l’utilisation en microvibration. La sensibilite du capteur de force doit etre

instrument sensibilite limite en microvibrationCapteur B&K 4pC/N resolution catalogue :1mN

8200Capteur sensible 280nC/N /

PI 840-30Ampli de charges max 10V/pC bruit d’entree equivalent : < 10fC

B&K NEXUS ≈ 2.10−3N avec capteur B&K 8200≈ 4.10−8N avec capteur PI 840-30

DSP / resolution d’entree (D/A) : 0.3mVDspace 1103 ≈ 10−5N avec capteur B&K 8200

≈ 10−10N avec capteur PI 840-30resolution de sortie (D/A) : 1.2mV

≈ 0.4nmAmpli de tension 10Vout/Vin Bruit de sortie ≈ 7mV rms

PI E-610 ≈ 0.2nm rms avec actionneur PhilipsActionneur Philips 30nm/V /

PXE HPA1

Tab. 5.4 – Sensibilite et limitation en microvibration des instruments de la boucle decontrole

la plus elevee possible. Pour cela, nous avons utilise un actionneur piezoelectrique (PI840.30) en mode capteur. Sa grande sensibilite (environ 70000 fois celle du capteurstandard B&K8200) provient du nombre n eleve de ceramiques qui le constituent. Onpeut montrer que la charge Q generee par un capteur (un empilement de n elementspiezoelectriques, connectes mecaniquement en serie, et electriquement en parallele)soumis a une force F est proportionnelle a n [9] :

Q = nd33F (5.2)

ou d33 est la constante piezoelectrique du materiau. Ceci est illustre a la figure 5.13,la configuration (b) ayant la plus grande sensibilite.La sensibilite de l’actionneur doit etre petite, pour augmenter la resolution dudeplacement. Le deplacement u de l’actionneur s’ecrit en fonction de la tension ap-pliquee V :

u = nd33V (5.3)

Pour des applications de micro-positionnement, on choisira donc la configuration (a)de la figure 5.13. Nous avons utilise un actionneur Philips (PXE HPA1), de faiblesensibilite (30nm/V ).

Page 117: Boss Ens 01

5 Microvibrations 107

Fig. 5.13 – Sensibilite d’un actionneur/capteur piezoelectrique.

Pour augmenter la resolution de sortie de la DSP (14 bits - 1.2mV/bit), nousavons place un diviseur resistif en aval, de rapport 10 ou 100. Les 214 niveaux serontalors repartis sur une plage de 2 ou 0.2V , au lieu de 20. On peut egalement realiserun controleur analogique, ce qui supprime les problemes de resolution de la DSP.

5.3.2 Resultats experimentaux

La figure 5.14 montre les courbes de “Lissajou”(u = f(T )) obtenues pour differentesamplitudes d’excitation. Etant limites par la resolution de notre interferometre laser(8nm), nous avons utilise la tension V aux bornes de l’actionneur, au lieu de la mesuredu deplacement d, pour tracer les courbes de la figure 5.14. Nous supposons une rela-tion lineaire entre V et d, ce qui s’est verifie jusque 8nm. Les courbes (a) et (c) ont eteobtenues avec le capteur de force B&K8200 (le moins sensible), toutes les autres avecle capteur PI 840-30. Pour les courbes (e) et (f), l’excitation provient uniquement del’environnement exterieur. Cette excitation n’etant pas mono-harmonique, les figuresde Lissajou ne sont plus de simples ellipses, mais il est encore possible d’en isolersur un morceau de signal. Cela montre que le dephasage de 90 impose par la loi decontrole est encore assure.Ces resultats encourageants montrent qu’il est possible de faire du controle actif al’echelle nanometrique, avec des composants standards. Dans cette experience, nousn’avons pas ete limites par l’instrumentation, mais par l’environnement. En analysantle tableau 5.4, on peut extrapoler qu’il serait possible de descendre a des amplitudesde l’ordre de 0.2nm (le bruit de l’amplificateur pilotant l’actionneur) dans un envi-

Page 118: Boss Ens 01

108 5. Treillis spatiaux

ronnement suffisamment calme.

Fig. 5.14 – Figures de “Lissajou” u = f(T ) en microvibration (a) excitation har-monique ; amplitude ≈ 60nm ; capteur BK8200 (b) excitation harmonique ; amplitude≈ 60nm ; capteur PI 840-30 (c) excitation harmonique ; amplitude ≈ 10nm ; capteurBK8200 (d) excitation harmonique ; amplitude ≈ 10nm ; capteur PI 840-30 (e) et (f)excitation ambiante ; amplitude ≈ 2.5nm capteur PI 840-30

Page 119: Boss Ens 01

5 References 109

5.4 References

[1] The TPF Working Group. The Terrestrial Planet Finder (TPF) : A NASA Ori-gins Program to Search for Habitable Planets. JPL Publication 99-003, 1999.

[2] A. Preumont, Y. Achkire, and F. Bossens. Active tendon control of large trusses.AIAA Journal, 38(3) :493–498, March 2000.

[3] A. Preumont and F. Bossens. Active tendon control of vibration of truss struc-tures : Theory and experiments. Journal of Intelligent Material Systems andStructures, 11(2) :91–99, February 2000.

[4] A. Preumont, J.P. Dufour, and C. Malekian. Active damping by a local forcefeedback with piezoelectric actuators. AIAA, J. of Guidance, 15(2) :390–395,March-April 1992.

[5] G. W. Neat, A. Abramovici, J. M. Melody, R. J. Calvet, N. M. Nerheim, andJ. F. O’Brien. Control technology readiness for spaceborne optical interferometermissions. Proceedings SMACS-2, Toulouse, 1 :13–32, 1997.

[6] L.D. Peterson, M.S. Lake, and L.M.R. Hardaway. Micron accuracy deploymentexperiments (MADE) : a space station laboratory for actively controlled precisiondeployable structures technology. In Proceedings of the Space Technology andApplications International Forum, Albuquerque (NM), February 1999.

[7] M.D. Ingham and E. F. Crawley. Microdynamic characterization of modal para-meters for deployable space structure. AIAA Journal, 39(2) :331–338, February2001.

[8] L. M. R. Hardaway and L.D. Peterson. Microdynamics of a precision deployableoptical truss. In SPIE Paper No. 3785-01, Proceedings of the SPIE Annual Mee-ting, volume 2, Denver (Colorado), July 1999.

[9] V. Piefort. Finite element modelling of piezoelectric active structures. PhD thesis,Universite Libre de Bruxelles, Belgium, June 2001.

Page 120: Boss Ens 01

110 5. Treillis spatiaux

Page 121: Boss Ens 01

Chapitre 6

Conclusion

La premiere partie de ce travail est consacree a la modelisation de la dynamiqued’une structure cablee. Nous avons etabli explicitement les equations du cable etde la structure a partir de la methode de Ritz. Une approche semi-analytique aete adoptee : un modele lineaire de la structure (etabli a partir des resultats d’uncalcul elements finis) est combine avec une formulation analytique non-lineaire pourles cables. Cette approche est semblable a celle presentee dans la these de doctoratde Y. Achkire. Nous y avons apporte des modifications mineures et nous avonsimplemente les equations du cable sous forme d’un bloc SIMULINK parametrable.Deux mecanismes distincts d’interaction cable-structure sont mis en evidence etillustres au travers d’exemples numeriques : l’excitation directe et l’excitationparametrique. Nous avons compare notre modele a des resultats publies dans lalitterature et a l’element “cable”du module MECANO de SAMCEF.

Au chapitre 3, nous avons examine differentes strategies de controle actif d’uncable et d’une structure cablee. Dans ce dernier cas, le cable servira a la fois deraidisseur et d’amortisseur. Nous proposons une strategie colocalisee au niveau del’ancrage, decentralisee, et basee sur une loi de controle inconditionnellement stable :l’Integral Force Feedback. Les principaux resultats d’une theorie lineaire simplifieeont ete presentes ; ils permettent de dimensionner et de choisir l’emplacement descables actifs, et de predire les performances en terme d’amortissement modal. Cesresultats sont bases sur les concepts de frequence naturelle et de fraction modaled’energie de deformation qui s’obtiennent facilement a partir d’un calcul elementsfinis. Nous avons verifie la fiabilite des predictions de la theorie lineaire simplifiee surun exemple numerique, en les comparant aux resultats obtenus avec un calcul plusrigoureux mais plus complique, pris comme reference.

Au chapitre 4, nous avons presente les resultats d’experiences d’amortissementactif de ponts haubanes. Une premiere maquette a ete realisee a petite echelle (3m).Elle represente un pont en construction equipe de 8 haubans, dont 4 sont controlesau moyen d’actionneurs piezoelectriques. Cette experience a demontre la grande

111

Page 122: Boss Ens 01

112 6. Conclusion

efficacite de notre strategie pour controler les quelques premiers modes du tablier. Elles’est egalement averee efficace pour attenuer l’excitation directe d’un cable, et pourstabiliser un cable soumis a l’excitation parametrique (dans la mesure ou la reductionde l’amplitude des deplacements du tablier fait disparaıtre la condition d’existence del’instabilite parametrique). Une seconde maquette a plus grande echelle (30m) a eteconstruite au JRC d’Ispra, dans le cadre d’un projet europeen du programme BriteEuram (projet ACE). Elle est equipee d’actionneurs hydrauliques sur deux haubans.L’efficacite de l’algorithme a egalement ete demontree au travers de reponses libres,et de tests en excitation aleatoire. Des amortissements modaux voisins de 10 et 20%ont ete obtenus respectivement pour le premier mode de torsion et de flexion dutablier. Les resultats de ces deux experiences confirment les predictions de la theoriesimplifiee du chapitre 3. Nous avons ensuite examine numeriquement le problemedu comportement d’un hauban actif en presence d’un chargement quasi-statique(passage d’un vehicule) ; nous proposons de superposer une loi feedforward a la loide controle originale, permettant de beneficier pleinement de la raideur du cable,sans degrader les performances de l’amortissement actif. Enfin, nous avons montrenumeriquement et experimentalement que la strategie de controle que nous utili-sons permet de repousser substantiellement la vitesse critique de flottement d’un pont.

Au chapitre 5, nous avons relate nos resultats experimentaux d’amortissementactif sur deux maquettes representatives de treillis spatiaux. La premiere est unecolonne encastree a sa base et la seconde, une structure a trois branches suspenduea des cordons elastiques pour simuler l’absence de gravite. Deux types d’actionneurspiezoelectriques ont ete utilises, l’un fonctionnant en compression avec un systemede bras de levier, l’autre fonctionnant en traction. Ici encore, la strategie de controlea donne de bons resultats. La saturation des actionneurs a ete examinee : elleintroduit des composantes de haute frequence sur le mouvement de la structure,mais affecte peu l’amortissement actif des modes de basse frequence vises par lecontrole. Enfin, nous avons presente les resultats d’une experience d’amortissementde microvibrations (quelques nanometres) ; ils mettent en evidence l’importanced’utiliser un actionneur de grande resolution, et un capteur de force de grandesensibilite.

6.1 Aspects originaux de ce travail

Ce travail est la continuation de la these de doctorat de Y. Achkire. Notre contributionoriginale peut se resumer comme suit :– Nous avons raffine le modele semi-analytique de structure cablee de Y. Ach-

kire. Nous l’avons implemente dans SIMULINK, et valide par rapport a desresultats trouves dans la litterature et a un logiciel existant. Nous avons pu repro-duire numeriquement une experience d’interaction cable-structure que nous avionsrealisee.

– Nous avons, sur un exemple numerique, valide les resultats de la theorie lineairesimplifiee permettant de predire l’amortissement actif d’une structure cablee. Pour

Page 123: Boss Ens 01

6 Perspectives d’applications 113

cela, nous avons etabli un modele de structure cablee active en variables d’etat, quenous avons pris comme reference.

– Nous avons concu, instrumente, et teste 2 maquettes de laboratoire equipees detendons actifs piezoelectriques specialement developpes : il s’agit d’un modele depont en construction (figure 4.2), et d’un treillis a 3 branches representant unestructure spatiale (figure 5.5). Nous avons egalement equipe une maquette existantede cables actifs. Les experiences realisees sur ces maquettes ont permis de verifierl’efficacite du systeme de controle, la fiabilite de la theorie predictive simplifiee,et d’examiner l’influence de la saturation des actionneurs. Un nouveau concept detendon actif (figure 5.6.(b)) a ete developpe dans la perspective d’une applicationspatiale.

– Nous avons implemente l’algorithme de controle de la maquette “ACE” sur unecarte DSP, et interface celui-ci avec les controleurs locaux des actionneurs hydrau-liques. Nous avons participe activement a la campagne de tests, et au depouillementdes resultats. Pour l’analyse de certains d’entre eux, nous avons developpe unemethode d’identification modale basee sur la theorie des vibrations aleatoires, sui-vant l’idee originale de Michel Auperin.

– Nous avons etudie theoriquement le probleme du chargement statique d’une struc-ture cablee active (observe lors des experiences sur la maquette “ACE”). Nous pro-posons une solution basee sur un controleur feedforward superpose a l’algorithmed’amortissement actif.

– Nous avons demontre numeriquement l’efficacite du systeme de controle pour aug-menter la vitesse critique de flottement, en utilisant les donnees aerodynamiques etstructurelles du pont Vasco de Gama.

– Nous avons realise avec succes une experience d’amortissement actif des microvi-brations (quelques nanometres) d’une structure cablee. Nous avons pu mettre enevidence certains elements critiques comme la resolution de l’actionneur ou la sen-sibilite du capteur de force.

6.2 Perspectives d’applications

En ce qui concerne les structures de genie civil, le projet ACE a montre que le point leplus critique du systeme de controle actif, l’actionneur (hydraulique), etait realisableindustriellement. L’application a une structure reelle est directement possible,moyennant une mise a l’echelle de l’actionneur. Cependant, l’acceptation de cettetechnologie par les constructeurs ne se fera qu’apres le succes d’une application envraie grandeur. Les figures 6.1 et 6.2 montrent 2 possibilites d’application examineespar M. Auperin et C. Dumoulin (Bouygues) [1]. La premiere concerne un pylone duviaduc de Millau en phase finale de construction, muni de cables actifs temporaires(figure 6.1 ; les actionneurs ne sont pas a l’echelle). Le tableau insere dans la figure6.1 indique l’amortissement qu’apporterait le systeme actif aux quelques premiersmodes. Pour ce calcul, les cables actifs sont chacun constitues de 31 torons d’acierde type T15, d’un diametre de 12, 7mm. Une force statique d’environ 1500kN seraitnecessaire pour assurer une pre-tension suffisante dans chacun des cables. La seconde

Page 124: Boss Ens 01

114 6. Conclusion

Fig. 6.1 – Amortissement actif d’un pylone du viaduc de Millau en phase finale deconstruction (vue d’artiste)

application est illustree a la figure 6.2. Il s’agit d’un modele plan du pont suspendud’Askoy, auquel ont ete rajoutes des cables actifs entre les extremites du tablier etle cable principal. Les cables actifs courts et longs sont constitues respectivementde 12 et 31 torons d’acier de type T15 (a comparer aux 1000 torons T15 du cableprincipal). On a represente les deformees des quelques premiers modes, ainsi quele taux d’amortissement actif potentiel correspondant (dans le tableau insere). Enplus des taux d’amortissement eleves que laisse prevoir cette simulation, ce systemepourrait etre installe sur un pont suspendu existant sans modifications majeures.

Lors de la presentation de nos travaux sur les treillis spatiaux a l’ESA, unediscussion a ete entamee pour mettre sur pied un programme de recherche sur lesstructures cablees actives. Ceci se ferait dans le cadre du programme DARWIN,visant a envoyer des telescopes dans l’espace pour detecter des planetes lointainespouvant abriter des formes de vie. Pour ces missions deux concepts de telescopes

Page 125: Boss Ens 01

6 References 115

Fig. 6.2 – Amortissement actif du pont suspendu d’Askoy

interferometriques sont envisages [2] : l’un est base sur le vol en formation desdifferentes unites optiques (Free-flyer) ; l’autre concept repose sur une structure enetoile supportant les differents telescopes, il est illustre a la figure 6.3.(a). Les figures6.3.(b) et (c) indiquent quelle pourrait etre la configuration des cables actifs. Certainsproblemes technologiques devraient toutefois etre adresses, comme le fonctionnementdans des conditions de temperature extremes, et l’adaptation a des changementsgeometriques importants lors des gradients thermiques.

6.3 References

[1] M. Auperin and C. Dumoulin. Structural control : point of view of a civil enginee-ring company in the field of cable-supported structures. In Proceedings of the 3rdInternational Workshop on Structural Control, pages 49–57, Paris, France, August2000.

[2] DARWIN, The InfraRed Space Interferometer, Concept and Feasibility Report.ESA-SCI(2000)12, 2000.

Page 126: Boss Ens 01

116 6. Conclusion

Fig. 6.3 – Possibilite d’amortissement actif de la version “structure rigide” du fu-tur interferometre infrarouge DARWIN (a) vue d’ensemble (b) disposition des cablesactifs dans un plan horizontal (c) disposition des cables actifs dans un plan vertical

Page 127: Boss Ens 01

Annexe A

Dynamique d’un cable afaible fleche : grandeurscaracteristiques

A.1 Energie potentielle de gravite

Uc,g = ν0 +Aρgl

∫ l

0

[−(wq + wd)cos(θ) + uqsin(θ)

]dx

=12Aρ gl sin(θ) (ub + ua)

+112

A3ρ g cos(θ)Eqγ l2

To2 (ub − ua)

−12Aρ gl cos(θ)(wb + wa)

− 112

A2ρ g sin(θ)l2γTo

(wb − wa)

−Aρ gl cos(θ)∑

n

1 + (−1)n+1

nπzn + ν0

(A.1)

A.2 Deformee moyenne du cable

ε(t) =T0

EA+Eq

E

ub − ua

l+γA

T0

∑n

[zn(t)nπ

(1 + (−1)n+1)]

Page 128: Boss Ens 01

118 A. Dynamique d’un cable a faible fleche : grandeurs caracteristiques

+12

∑k

(yk(t)2

k2π2

2l2

)+

12

∑n

(zn(t)2

n2π2

2l2

)+EqA

T 20

ub − ua

l

∑n

zn(t)((−1)n − 1)nπ

+(ub − ua)2

2l2

[1 +

Eq

σs

λ2

12 + λ2

]+

(vb − va)2

2l2

+(wb − wa)2

2l2

[1 +

λ2σs

12E

](A.2)

A.3 Energie cinetique du cable

Kc =12ρAl

( 11 + λ2

12

)2(13

+λ2

18+

λ4

432+

λ2

120E

σs

)(ub − ua)2

+ubua +13

(vb − va)2 + vbva +13

(wb − wa)2 + wbwa

− 112

λ

1 + λ2

12

√σs

E

[1 +

λ2

12+E

σs

](wb − wa)(ub − ua)

+λ2

120σs

E(wb − wa)2

−16

λ

1 + λ2

12

√E

σs(ub − ua)wa −

λ

6

√σs

E(wb − wa)ua

+∑

k

[2kπ

(va + (−1)k+1vb

)yk +

2kπ

(wa + (−1)k+1wb

)zk

−2γl

σs

(1 + (−1)k+1)kπ

1(kπ)2

Eq

σs(ub − ua)zk +

12y2

k +12z2k

](A.3)

A.4 Efforts dynamiques aux ancrages

Fua=

12ml

c1(ub − ua) + ub + c2(wb − wa) + c3wa + c4

∑n

1 + (−1)n+1

(nπ)3zn

Page 129: Boss Ens 01

A Efforts dynamiques aux ancrages 119

+ (T0 + Tq + Td)

c5 + c6

∑n

1 + (−1)n+1

(nπ)zn + c7(ub − ua)

Fub=

12ml

−c1(ub − ua) + ua + c8(wb − wa)− c3wa − c4

∑n

1 + (−1)n+1

(nπ)3zn

− (T0 + Tq + Td)

c5 + c6

∑n

1 + (−1)n+1

(nπ)zn + c7(ub − ua)

Fva=

12ml

−2

3(vb − va) + vb + 2

∑n

yn

− (T0 + Tq + Td)

vb − va

l

Fvb=

12ml

23(vb − va) + va + 2

∑n

(−1)n+1yn

+ (T0 + Tq + Td)

vb − va

l

Fwa=

12ml

c9(wb − wa) + wb − c10(ub − ua) + c11ua + 2

∑n

zn

+ c12(T0 + Tq + Td)(wb − wa)

Fwb=

12ml

−c9(wb − wa) + wa + c8(ub − ua)− c11ua + 2

∑n

(−1)n+1zn

− c12(T0 + Tq + Td)(wb − wa) (A.4)

ou les coefficients ci sont donnes par :

c1 = −2

(1

1 + λ2

12

)2(13

+λ2

18+

λ4

432+

λ2E

120σs

)c2 =

λ

12 + λ2

√σs

E

(E

σs− 1− λ2

12

)c3 =

2λ12 + λ2

√E

σs

c4 =2γlEq

σ2s

c5 = − 11 + λ2

12

c6 =EqA

T 20

c7 = −1l

(1 +

Eq

σs

λ2

12 + λ2

)

Page 130: Boss Ens 01

120 A. Dynamique d’un cable a faible fleche : grandeurs caracteristiques

c8 = − λ

12 + λ2

√σs

E

(1 +

λ2

12+E

σs

)c9 = −2

3− λ2σs

60E

c10 =λ

12 + λ2

√σs

E

(1 +

λ2

12− E

σs

)c11 = −λ

6

√σs

E

c12 = −1l

(1 +

λ2σs

12E

)(A.5)

Page 131: Boss Ens 01

Annexe B

Representation en variablesd’etat d’une structure cablee

Nous exposons ici une methode pour calculer les poles en boucle fermee d’une structurecablee controlee par IFF, en tenant compte des couplages modaux. Nous decrirons laconstruction de 2 modeles : dans le premier, la dynamique de la structure est repre-sentee par un developpement modal (complet ou tronque) ; dans le second, elle estrepresentee par un developpement modal limite aux basses frequences, complete parla contribution quasi-statique des modes restants (mode residuel).

B.1 Dynamique en boucle ouverte

Connaissant le vecteur T des tensions dans les cables, nous pouvons calculer la reponse(la deformee) dynamique de la structure en coordonnees modales :

z + 2ξωz + ω2z = −µ−1ΦTBT (B.1)

ou B est la matrice de projection permettant d’exprimer le vecteur des tensions Tdans la base des degres de liberte de la structure. ω, µ et ξ sont des matrices carreesdiagonales contenant respectivement les frequences propres, les masses modales etles amortissement modaux des modes propres consideres (pour tirer avantage descoordonnees modales, on ne prendra en general que les modes de basse frequence,dans la bande passante d’interet). Φ est une matrice contenant les deformees modalesrangees en colonnes.La figure B.1 montre comment obtenir le modele du systeme en boucle ouverte (u→T ) a partir des equations de la dynamique de la structure (B.1). Celles-ci peuvent se

Page 132: Boss Ens 01

122 B. Representation en variables d’etat d’une structure cablee

Fig. B.1 – Dynamique en boucle ouverte (u→ T )

Fig. B.2 – Representation en espace d’etat de 2 systemes lineaires en retroaction

representer en espace d’etat :

As =

O I

−ω2 −2ξω

Bs =

O

−µ−1ΦTB

Cs = [BT Φ O ] Ds = 0

(B.2)

Page 133: Boss Ens 01

B Dynamique en boucle ouverte 123

Introduisons maintenant les formules permettant d’exprimer en variables d’etat lamise en retroaction de deux systemes lineaires a plusieurs entrees et plusieurs sorties.Elles sont illustrees a la figure B.2. Nous les appliquons au schema bloc de la figureB.1 pour etablir la representation en variables d’etat du systeme en boucle ouverte :

Abo =

O I

−ω2 − µ−1ΦTBKcBT Φ −2ξω

Bbo =

O

µ−1ΦT1 BKc

Cbo = [KcB

T Φ O ] Dbo = −Kc

(B.3)

On remarque l’apparition d’un terme de feedthrough (matrice Dbo) lie a la colocali-sation du capteur et de l’actionneur sur un meme cable. Kc est une matrice carreediagonale, contenant la raideur des cables actifs.Cette modelisation ne sera exacte que si on prend en compte tous les modes, c’est adire que µ, Φ et ω sont des matrices carrees de dimension egale au nombre de degresde liberte du modele. On peut malgre tout ne prendre qu’un developpement modallimite en negligeant l’influence des modes de haute frequence. Cela va rigidifier arti-ficiellement le systeme, car ceux-ci ne participent plus a la matrice de flexibilite.Ci-dessous, nous decrivons une methode permettant de tenir compte de la contributionquasi-statique des modes de haute frequence en negligeant leur inertie (mode residuel).Considerons la representation en espace d’etat d’un systeme dont nous separons ladynamique en ses etats “basse frequence”(x1) ses etats “haute frequence”(x2) :

(x1

x2

)=[A11 A12

A21 A22

](x1

x2

)+[B1

B2

]u

y = [C1 C2 ](x1

x2

) (B.4)

La methode des perturbations singulieres permet de reduire le systeme a sa dynamiquede “basse frequence”en y incluant le mode residuel [1]. Le systeme reduit s’ecrit :

x1 =[A11 −A12A

−122 A21

]x1 +

[B1 −A12A

−122 B2

]u

y =[C1 − C2A

−122 A21

]x1 −

[C2A

−122 B2

]u

(B.5)

Page 134: Boss Ens 01

124 B. Representation en variables d’etat d’une structure cablee

Dans le cas de la dynamique de la structure, la decomposition (B.4) peut s’ecrire :

z1z1

z2z2

=

O I O O−ω2

1 −2ξ1ω1 O O

O O O IO O −ω2

2 O

z1z1

z2z2

+

O

−µ−11 ΦT

1 B

O−µ−1

2 ΦT2 B

T

∆ = BTx = BT Φz = [BT Φ1 O BT Φ2 O ]

z1z1

z2z2

(B.6)

ou l’indice 1 se rapporte aux modes de basse frequence, et l’indice 2 aux modes dehaute frequence. Pour faciliter le calcul de (A22)−1, nous n’avons pas associe d’amor-tissement aux modes de haute frequence (ξ2 = 0). Cela ne porte pas a consequencepuisque la dynamique de ces modes est negligee (z2 = 0). En appliquant les relations(B.5) a la dynamique de la structure (B.6), on trouve facilement le modele reduit :

A′s =

O I

−ω21 −2ξ1ω1

B′s =

O

−µ−11 ΦT

1 B

C ′

s = [BT Φ1 O ]

D′s = − [BT Φ2 O ]

[O I−ω2

2 O

]−1 [O

−µ−12 ΦT

2 B

]= −BT Φ2(ω2

2µ2)−1ΦT2 B

(B.7)

La notation ()′ signale que avons inclu la contribution quasi-statique des modes dehaute frequence, contrairement aux relations (B.2). Introduisons la decompositionmodale de la matrice de flexibilite statique G

G =∑

i

φiφTi

ω2i µi

= [Φ1 Φ2 ][

(ω21µ1)−1 OO (ω2

2µ2)−1

] [ΦT

1

ΦT2

](B.8)

permettant d’exprimer la matrice D′s sans faire intervenir les modes de haute

frequence :

D′s = −BT (G− Φ1(ω2

1µ1)−1ΦT1 )B (B.9)

En appliquant a nouveau les relations de la figure B.2 au schema bloc de la figureB.1, on trouve la representation en espace d’etat du systeme en boucle ouverte, tenant

Page 135: Boss Ens 01

B Dynamique en boucle fermee 125

compte de la contribution quasi-statique des modes “haute frequence” :

A′bo =

O I

−ω21 −2ξ1ω1

O

µ−11 ΦT

1 B

[I +KcBT (G− Φ1(ω2

1µ1)−1ΦT1 )B

]−1Kc [BT Φ1 O ]

B′bo = −

O

µ−11 ΦT

1 B

[I +KcBT (G− Φ1(ω2

1µ1)−1ΦT1 )B

]−1Kc

C ′bo = −

[I +KcB

T (G− Φ1(ω21µ1)−1ΦT

1 )B]−1

Kc [BT Φ1 O ]

D′bo = −

[I +KcB

T (G− Φ1(ω21µ1)−1ΦT

1 )B]−1

Kc

(B.10)

B.2 Dynamique en boucle fermee

Le schema bloc du controle IFF d’une structure cablee (Equ.(3.3)-(3.5)) est representea la figure B.3. Pour nc cables actifs, la loi de controle (3.5) peut s’ecrire (au signe

Fig. B.3 – Controle IFF d’une structure cablee

Page 136: Boss Ens 01

126 B. Representation en variables d’etat d’une structure cablee

pres) en espace d’etat : AIFF = Onc

BIFF = Inc

CIFF = −gK−1c Inc

DIFF = Onc

(B.11)

ou Onc est une matrice carree nulle de dimension nc et Inc est une matrice carreeunitaire de dimension nc. En appliquant les relations de la figure B.2 et en tenantcompte des equations du controleur (B.11), la matrice d’etat de la structure cableeen boucle fermee s’ecrit :

Abf =

Abo gBboK−1c

Cbo gDboK−1c

(B.12)

Suivant que l’on utilise les expressions (B.10) ou (B.3) pour le systeme en boucleouverte, on tiendra compte ou non de la contribution quasi-statique des modes dehaute frequence. Les poles du systeme en boucle fermee sont les valeurs propres deAbf .

B.3 References

[1] R.E. Skelton. Dynamic Systems Control. John Wiley & Sons, 1988.

Page 137: Boss Ens 01

Annexe C

Identification modale baseesur la theorie des vibrationsaleatoires

Cette section decrit les etapes successives effectuees pour estimer les valeurs de l’amor-tissement et de la frequence naturelle des modes fondamentaux de la maquette de pontd’Ispra. La demarche est globalement analogue a celle proposee initialement par Mi-chel Auperin [1]. Cette methode a ete utilisee pour obtenir les lieux des poles desfigures 4.20 et 4.23.

C.1 Excitation

La commande en deplacement de l’excitateur a masse mobile (figure 4.10) est com-posee d’une somme d’harmoniques de phases aleatoires et de frequences lineairementreparties sur une plage contenant les modes fondamentaux de flexion et de torsion dela maquette (0.6 → 1.3Hz) :

u =1434∑i=1

sin (ωit+ φi)ω2

i

(C.1)

ou le facteur 1/ω2i a ete introduit pour que l’amplitude des forces d’inertie generees par

la masse mobile soit constante sur la plage de frequence. Le signal a une duree de 330secondes. La meilleure resolution frequentielle obtenue par un calcul de Transformeede Fourier Digitale (DFT) sera donc de 1/330sec = 0.003Hz.

Page 138: Boss Ens 01

128 C. Identification modale basee sur la theorie des vibrations aleatoires

C.2 Excitation sismique de l’oscillatueur a 1ddl

La figure C.1.(a) represente le dispositif experimental, reduit a un oscillateur a unseul degre de liberte (la masse M modelisant le tablier du pont, m etant la massemobile de l’excitateur). Le signal d’excitation impose le deplacement relatif u de mpar rapport au pont. L’equation differentielle decrivant ce systeme est :

Fig. C.1 – (a) mecanisme d’excitation de la maquette a l’aide d’un excitateur inertiel(b) excitation sismique d’un oscillateur a 1ddl

(M +m)x+ cx+ kx = −mu (C.2)

ou, sous forme de fonction de transfert :

X(s)s2U(s)

= −(m

m+M)

1s2 + 2ξnωns+ ω2

n

(C.3)

avec ωn =√

km+M et ξn = c

2kωn.Montrons a present que les equations decrivant ce systeme sont totalement transpo-sables au cas de l’excitation sismique d’un oscillateur lineaire a 1ddl (figure C.1.(b)).L’equation decrivant la reponse du systeme est cette fois :

My + cy + ky = −Mxo (C.4)

ou l’on a effectue le changement de variable : y = x− xo ; sous forme de fonction detransfert :

Y (s)s2Xo(s)

= − 1s2 + 2ξnωns+ ω2

n

(C.5)

avec ωn =√

kM et ξn = c

2kωn.A un facteur multiplicatif pres, les Equ.(C.3) et (C.5) sont identiques. Cela nous au-torise a utiliser pour notre probleme (figure C.1.(a)) des resultats etablis initialementpour l’excitation sismique de l’oscillateur 1ddl (figure C.1.(b)).

Page 139: Boss Ens 01

C PSD de la reponse a une excitation “bruit blanc” 129

C.3 PSD de la reponse a une excitation “bruitblanc”

Si l’on excite (u sur la figure C.1.(a) ; xo sur la figure C.1.(b)) avec un bruit blancde PSD constante So sur toute la gamme de frequence, on montre que la PSD de lareponse X du systeme s’ecrit analytiquement [2] :

Φxx(ω) =So

(ω2n − ω2)2 + 4ξ2nω2ω2

n

(C.6)

Il decoule de cette relation, que les moments spectraux d’ordre 0 et d’ordre 2 de laPSD s’ecrivent respectivement :

mo =∫ ∞

−∞Φxx(ω)dω =

∫ ∞

0

Gx(f)df =πSo

2ξnω3n

m2 =∫ ∞

−∞ω2Φxx(ω)dω = 4π2

∫ ∞

0

f2Gx(f)df =πSo

2ξnωn(C.7)

ou Gx(f) est la PSD unilaterale rencontree frequemment dans la litterature. Cesrelations ne sont valables que si le spectre d’excitation est large. Sous ces conditions,on deduit immediatement la frequence naturelle du systeme a l’aide des Equ.(C.7) :

ωn =√m2

mo(C.8)

Cette relation est un cas particulier de la formule de Rice, permettant de calculerla frequence centrale d’un processus aleatoire a partir de ses moments spectraux ;pour un systeme a un seul degre de liberte, et en prenant des bornes d’integrationinfinies pour le calcul des moments, la frequence centrale donnee par la formule deRice correspond a la frequence naturelle du systeme.

Generalisation au cas de bornes d’integration finies

En pratique, le calcul de la PSD se fait sur un intervalle fini de frequences (0.6 →1.3Hz dans notre cas). Les Equ.(C.7) restent cependant valables, a condition d’intro-duire des fonctions correctives I et J tenant compte de la largeur de bande finie :

mo = 2∫ ω2

ω1

Φxx(ω)dω =πSo

2ξnω3n

[I(ω2

ωn, ξn)− I(

ω1

ωn, ξn)]

m2 = 2∫ ω2

ω1

ω2Φxx(ω)dω =πSo

2ξnωn[J(

ω2

ωn, ξn)− J(

ω1

ωn, ξn)] (C.9)

ou

I(ω

ωn, ξ) =

arctan2ξ ω

ωn

1− ( ωωn

)2+

ξ

2π√

1− ξ2· ln

1 + ( ωωn

)2 + 2√

1− ξ2( ωωn

)

1 + ( ωωn

)2 − 2√

1− ξ2( ωωn

)

J(ω

ωn, ξ) =

arctan2ξ ω

ωn

1− ( ωωn

)2− ξ

2π√

1− ξ2· ln

1 + ( ωωn

)2 + 2√

1− ξ2( ωωn

)

1 + ( ωωn

)2 − 2√

1− ξ2( ωωn

)(C.10)

Page 140: Boss Ens 01

130 C. Identification modale basee sur la theorie des vibrations aleatoires

ou, pour une ecriture plus compacte :

mo = 2∫ ω2

ω1

Φxx(ω)dω =πSo

2ξnω3n

Φ(ω1, ω2, ωn, ξn)

m2 = 2∫ ω2

ω1

ω2Φxx(ω)dω =πSo

2ξnωnΨ(ω1, ω2, ωn, ξn) (C.11)

C.4 Identification des poles

Calcul de la PSD de reponse de la structure

Pour chaque valeur du gain de controle, nous disposons d’un enregistrement de 330secdu deplacement mesure en un point du tablier . Plusieurs operations peuvent etre ef-fectuees sur cet enregistrement avant d’appliquer le calcul DFT :1 Decoupage en plusieurs sections (avec ou sans recouvrement).2 Application d’une fenetre (temporelle) pour reduire le phenomene de leakage (in-fluence parasite des frequences voisines les unes sur les autres) ; on utilise ici unefenetre de Hanning.3 Ajout eventuel d’une sequence de zeros pour rallonger artificiellement l’enregistre-ment (ameliorer artificiellement la resolution frequentielle). Cette operation n’apportepas d’information supplementaire dans le signal, mais permet de reduire l’aspect sac-cade de le PSD. Ces differentes etapes sont illustrees sur la figure C.2 Le resultat

Fig. C.2 – Traitement du signal temporel prealable au calcul de la PSD

Page 141: Boss Ens 01

C Identification des poles 131

Fig. C.3 – Calcul de la PSD avec 4 combinaisons de fenetres temporelles differentes

obtenu sera donc la moyenne des PSD des differentes sections auxquelles ont eteappliquees les operations 2 et 3 ci-dessus. La figure C.3 montre la courbe de PSDobtenue pour differentes combinaisons :(a) une seule section de 330sec avec fenetrede Hanning.(b) 4 section de 82.5sec sans recouvrement, avec fenetre de Hanning(c)13 sections de 82.5sec avec recouvrement de 3/4, avec fenetre de Hanning.(d) Idem(c), ou chaque section est completee par une sequence de zeros pour atteindre 330sec.On voit que l’allure generale de la courbe est sensiblement influencee par le choix dela methode de calcul. On devra donc s’assurer que l’algorithme de reconstruction dulieu de poles qui sera decrit a la section suivante est robuste vis a vis de ce choix.

Algorithme iteratif

Celui-ci est base sur les relations (C.11) vues precedemment ; pour le calcul des mo-ments spectraux, les limites d’integration devront bien sur rester a l’interieur dela plage de frequence du signal d’excitation, ou la PSD sera bien approchee parl’Equ.(C.6). Pour les calculs presentes ci-apres, on choisit f1 = 0.65Hz et f2 = 1.2Hz ;on evite ainsi la resonance des haubans, situee au-dela. La methode presentee ici estconcue pour l’identification d’un systeme a un seul degre de liberte, or la maquettepossede 2 modes propres (flexion et torsion) dans la plage de frequence d’excitation.Pour extraire du mouvement global du tablier des coordonnees en flexion ou en tor-sion seule, nous considerons la combinaison lineaire de 2 capteurs de deplacementverticaux situes de part et d’autre de l’axe de torsion. La coordonnee de flexion est

Page 142: Boss Ens 01

132 C. Identification modale basee sur la theorie des vibrations aleatoires

a peu de choses pres leur demi-somme, et la coordonnee de torsion a peu de chosespres leur demi-difference. Pour chaque valeur du gain (pour chaque point du lieu),on calculera la PSD Gx(f), suivant une des methodes illustrees a la figure C.3, et sesmoments spectraux mo et m2. La constante So est determinee une fois pour toute enmesurant l’amortissement naturel ξn du mode sur une reponse libre, et en resolvantensuite iterativement le systeme (C.11) par rapport aux 2 inconnues So, ωn :

ωn(i+1) =√m2

mo

√Φ(ω1, ω2, ωn(i), ξn)Ψ(ω1, ω2, ωn(i), ξn)

So =2moξnω

3n

πΦ(ω1, ω2, ωn, ξn)(C.12)

Pour chacun des tests suivants (pour des valeurs croissantes du gain de controle), onresout iterativement (C.11) par rapport aux 2 inconnues ωn, ξn :

ωn(i+1) =√m2

mo

√Φ(ω1, ω2, ωn(i), ξn(i))Ψ(ω1, ω2, ωn(i), ξn(i))

ξn(i+1) =πSoΦ(ω1, ω2, ωn(i), ξn(i))

2moω3n(i)

(C.13)

Le processus converge rapidement vers la solution. En procedant de la sorte pourchacun des tests, on obtient l’amortissement et la frequence naturelle du premiermode de flexion en fonction du gain de controle. Les parties reelles et imaginaires despoles s’obtiennent simplement par la relation :

< = −ξnωn

= = ωn

√1− ξ2n (C.14)

Les differentes etapes necessaires a la reconstruction du lieu de poles sont resumeesa la figure C.4. La figure C.5 compare le lieu experimental (pour les 4 methodes decalcul de la PSD illustrees a la figure C.3) aux predictions analytiques etablies apartir de la theorie lineaire. Dans ce cas, le lieu des poles correspond aux racines del’Equ.(3.10). On constate que la coıncidence entre theorie et experience est bonne.Le lieu experimental depend cependant de la methode utilitee pour calculer la PSD,mais l’ecart entre les points experimentaux d’une courbe a l’autre reste raisonnable.

C.5 References

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[2] A. Preumont. Random Vibration and Spectral Analysis. Kluwer Academic Publi-shers, 1994.

Page 143: Boss Ens 01

C References 133

Fig. C.4 – Etapes de la reconstruction du lieu.

Page 144: Boss Ens 01

134 C. Identification modale basee sur la theorie des vibrations aleatoires

Fig. C.5 – Lieu des poles du premier mode de flexion pour les 4 calculs de PSD de lafigure C.3

Page 145: Boss Ens 01

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