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Article paru dans La lettre de Défense de la langue française Champagne - Ardenne Lettre n° 44 mars 2005 Bref regard sur l’imparfait, le passé simple et le passé composé dans la presse française contemporaine Il ne saurait être question d’exposer ici le système verbal français, mais simplement de nous limiter à un aperçu de quelques emplois de trois temps verbaux du mode indicatif : imparfait, passé simple et passé composé, qui donnent très souvent du fil à retordre aux étudiants étrangers. Grâce à notre expérience personnelle et à des conversations avec des étudiants et des enseignants vietnamiens, nous nous apercevons que les Vietnamiens appréhendent très difficilement le système verbal français en général et le trio imparfait, passé simple et passé composé en particulier. Ces difficultés sont dues en grande partie à la situation d’apprentissage. Les Vietnamiens qui n’ont pas encore acquis une maîtrise suffisante du français commettent très souvent des erreurs concernant l’emploi de ces trois temps verbaux. Après avoir présenté très succinctement les clichés perçus par un apprenant 1 vietnamien, relatifs à l’emploi de l’imparfait, du passé simple et du passé composé, nous aborderons quelques emplois spécifiques de ces trois temps verbaux dans la presse française contemporaine. PERCEPTION DE CES TROIS TEMPS VERBAUX PAR LES VIETNAMIENS De ces trois temps verbaux, l’imparfait est le temps le plus riche en emplois ; il est très difficile à maîtriser par un étranger en général et un Vietnamien en particulier. Les témoignages des linguistes suivants corroborent cette opinion : L’imparfait est de tous nos temps passés l’un des plus caractéristiques de notre langue, l’un des plus riches aussi en significations délicates. Les étrangers ont parfois de la peine à en bien saisir les complexes et très fines valeurs. Il convient donc d’en analyser avec soin la nature, de s’en faire une idée exacte. (G. et R. Le Bidois, Syntaxe du français moderne, 1935, t. 1, p. 427) De tous les temps qui forment notre système verbal, l’imparfait de l’indicatif est certainement le plus riche de valeurs diverses et celui dont l’emploi soulève le plus de problèmes. Faut-il rappeler, à ce propos, que l’anglais ne possède pas d’imparfait et que l’allemand n’a qu’un temps, le prétérit, qui correspond à la fois à notre imparfait et à notre passé simple ? Mais il faut reconnaître cependant que même pour nous, Français, l’imparfait présente des emplois très délicats. (R. Le Bidois, La défense de la langue française, Le Monde du 22/04/1964) L’imparfait est décidément le temps le plus fascinant qui soit, le plus subtil, le plus chatoyant, en tout cas celui qui monte face à un passé simple qui ne cesse de baisser. Et c’est le temps le plus difficile à interpréter et le plus dur à manier pour l’étranger, notamment pour les étudiants germanophones. (F. J. Hausmann, L’imparfait avec et sans mystère, 1997, p. 175). Selon certains manuels d’apprentissage du français, l’imparfait sert à exprimer des actions longues et répétitives. On ne sera donc pas surpris d’entendre les Vietnamiens 1 D’après le Dictionnaire historique de la langue française, Tome 1, « le mot moderne apprenant est une recréation (mil. XXe siècle) suscitée pour traduire l’anglais learner (de to learn « apprendre »), là où étudiant, élève ne conviennent qu’imparfaitement ». 1

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Article paru dans La lettre de Défense de la langue française Champagne - Ardenne

Lettre n° 44 mars 2005

Bref regard sur l’imparfait, le passé simple et le passé

composé dans la presse française contemporaine

Il ne saurait être question d’exposer ici le système verbal français, mais simplement de

nous limiter à un aperçu de quelques emplois de trois temps verbaux du mode indicatif :

imparfait, passé simple et passé composé, qui donnent très souvent du fil à retordre aux

étudiants étrangers.

Grâce à notre expérience personnelle et à des conversations avec des étudiants et des

enseignants vietnamiens, nous nous apercevons que les Vietnamiens appréhendent très

difficilement le système verbal français en général et le trio imparfait, passé simple et passé

composé en particulier. Ces difficultés sont dues en grande partie à la situation

d’apprentissage. Les Vietnamiens qui n’ont pas encore acquis une maîtrise suffisante du

français commettent très souvent des erreurs concernant l’emploi de ces trois temps

verbaux.

Après avoir présenté très succinctement les clichés perçus par un apprenant1 vietnamien,

relatifs à l’emploi de l’imparfait, du passé simple et du passé composé, nous aborderons

quelques emplois spécifiques de ces trois temps verbaux dans la presse française

contemporaine.

PERCEPTION DE CES TROIS TEMPS VERBAUX PAR LES VIETNAMIENS

De ces trois temps verbaux, l’imparfait est le temps le plus riche en emplois ; il est très

difficile à maîtriser par un étranger en général et un Vietnamien en particulier. Les

témoignages des linguistes suivants corroborent cette opinion :

L’imparfait est de tous nos temps passés l’un des plus caractéristiques de notre langue, l’un des

plus riches aussi en significations délicates. Les étrangers ont parfois de la peine à en bien saisir

les complexes et très fines valeurs. Il convient donc d’en analyser avec soin la nature, de s’en faire

une idée exacte. (G. et R. Le Bidois, Syntaxe du français moderne, 1935, t. 1, p. 427)

De tous les temps qui forment notre système verbal, l’imparfait de l’indicatif est certainement le

plus riche de valeurs diverses et celui dont l’emploi soulève le plus de problèmes. Faut-il rappeler,

à ce propos, que l’anglais ne possède pas d’imparfait et que l’allemand n’a qu’un temps, le prétérit,

qui correspond à la fois à notre imparfait et à notre passé simple ? Mais il faut reconnaître

cependant que même pour nous, Français, l’imparfait présente des emplois très délicats. (R. Le

Bidois, La défense de la langue française, Le Monde du 22/04/1964)

L’imparfait est décidément le temps le plus fascinant qui soit, le plus subtil, le plus chatoyant, en

tout cas celui qui monte face à un passé simple qui ne cesse de baisser. Et c’est le temps le plus

difficile à interpréter et le plus dur à manier pour l’étranger, notamment pour les étudiants

germanophones. (F. J. Hausmann, L’imparfait avec et sans mystère, 1997, p. 175).

Selon certains manuels d’apprentissage du français, l’imparfait sert à exprimer des

actions longues et répétitives. On ne sera donc pas surpris d’entendre les Vietnamiens

1 D’après le Dictionnaire historique de la langue française, Tome 1, « le mot moderne apprenant est une

recréation (mil. XXe siècle) suscitée pour traduire l’anglais learner (de to learn « apprendre »), là où étudiant,élève ne conviennent qu’imparfaitement ».

1

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Lettre n° 44 mars 2005

débutants formuler des phrases fautives comme Je visitais la France trois fois au lieu de

J’ai visité la France trois fois. J’habitais Paris pendant cinq ans (ou de 1980 à 1985) au lieu

de J’ai habité Paris pendant cinq ans (ou de 1980 à 1985).

Pourquoi enseigne-t-on dans les manuels que le passé simple exprime des procès2 brefs,

alors qu’en réalité, des phrases comme Il marcha trente jours, il marcha trente nuits. (Hugo,

La légende des siècles) ; Nous restâmes longtemps à table. (Radiguet, Le Diable au corps) ;

Le Moyen Âge dura mille ans, sont abondantes, et montrent que ce ne sont pas les procès

qui sont brefs, mais leur perception qui est globale.

Les Vietnamiens apprennent que le passé composé traduit un fait proche, que le passé

simple exprime un fait éloigné, et qu’en outre le choix du passé simple relève d’un style

soutenu. Les deux extraits « Le général Beauvallet a commandé la 2e région militaire en

1965 avant de devenir gouverneur militaire… De février 1970 à juin 1973, il fut secrétaire

général de la Défense nationale (Le Figaro, Disparitions, 19/01/2000) » « D’abord, il y a eu le

Journal de monsieur Nabe… Ensuite, il y eut les réflexions du même acabit de monsieur

Camus dans son Journal de campagne… (Epok, Edito, n° 8, 2000), empruntés à la presse

française sont susceptibles de les dérouter. Il convient donc, pour un étudiant vietnamien, de

ne pas imiter ce type de mélange de temps verbaux.

L’emploi de l’imparfait peut modifier le contenu d’une phrase. Ainsi, les nuances

exprimées dans les phrases ci-après sont-elles difficilement perçues par les Vietnamiens :

Le général attaqua l’ennemi qui se retira (le retrait est dû à l’attaque). Le général attaqua

l’ennemi qui se retirait (l’attaque a lieu au moment où le retrait est déjà entamé). Lorsqu’il a

annoncé cette nouvelle, j’ai été triste (je suis triste à cause de cette nouvelle). Lorsqu’il a

annoncé cette nouvelle, j’étais triste (la nouvelle est annoncée au moment où je suis déjà

triste, pour une autre raison).

Les clichés relatifs à l’imparfait, au passé simple et au passé composé étant ainsi très

brièvement résumés, situons-les dans le tableau ci-dessous qui présente les cinq couples de

temps verbaux du mode indicatif.

Mode Formes simples Formes composées

Indicatif

Je mange (présent)

Je mangeais (imparfait)

Je mangeai (passé simple)

Je mangerai (futur)

Je mangerais (conditionnel présent)

J’ai mangé (passé composé)

J’avais mangé (plus-que-parfait)

J’eus mangé (passé antérieur)

J’aurai mangé (futur antérieur)

J’aurais mangé (conditionnel passé)

Dans ce tableau, à chaque forme simple correspond une forme composée. Les formes

simples expriment l’aspect3 non accompli 4 qui saisit l’action (chanter) en cours de

déroulement ou en cours d’accomplissement. Quant aux formes composées, elles traduisent

2 R. Martin (« Temporalité et classes de verbes », 1988 : 5) : « on entend par procès, l’action ou l’état décrit par

la phrase entière et non seulement par le verbe ».

3 Le mot aspect vient du mot russe vid qui signifie « vue ». L’aspect peut se définir comme le regard d’une

personne porté sur le fait dont elle parle. Ce fait peut être perçu dans son déroulement, dans sa globalité, ou

dans son achèvement, etc.

4 L’étiquette non accompli est source de confusion car elle peut laisser croire que l’action est incomplète, alors

que le passé simple (forme simple) envisage l’action dans sa globalité (début-déroulement-fin).

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l’aspect accompli, qui envisage l’action au-delà de son terme, comme étant réalisée ou

achevée.

L’IMPARFAIT

Dans leur ouvrage Syntaxe du français moderne, (t. 1, p. 436), G. et R. Le Bidois écrivent

ceci à propos de l’apparition de l’imparfait sur la « scène » de la littérature française :

L’imparfait, dont la langue moderne use si fréquemment et d’une façon si nuancée, était

relativement rare en ancien français. Dans La Chanson de Roland (4.000 vers), on n’en compte

guère qu’une quarantaine… Ce n’est que vers le XIIe siècle, avec Chrestien de Troyes, que

l’imparfait devient d’un assez fréquent usage ; et au XIVe siècle (moyen français) Froissard,

Commynes, etc. savent très bien l’art de l’opposer avec exactitude au passé simple, comme le fait

la langue moderne.

De nos jours, les linguistes français distinguent trois types d’emplois de l’imparfait : les

emplois temporels, les emplois modaux et les emplois stylistiques.

SES EMPLOIS TEMPORELS

L’imparfait indique qu’un fait est situé hors de l’actualité présente du locuteur. Autrement

dit, un fait à l’imparfait n’est plus valable au moment de la parole (ou au moment de

l’énonciation t°). Du point de vue aspectuel, l’imparfait présente un fait dans son

déroulement, en cours d’accomplissement, comme toutes les formes simples. Il donne du

fait une image vue de l’intérieur, dans laquelle les limites initiale et finale ne sont pas prises

en compte : Hier, lorsque le téléphone a sonné, je lisais un journal (on ne connaît ni le début

ni la fin du fait lire un journal). L’imparfait exprime de ce fait l’aspect sécant (du latin secare,

signifiant couper).

En considération de ces propriétés aspectuelles de l’imparfait, lorsqu’on a affaire à des

groupes nominaux comme trois fois, quatre fois, x fois, etc., qui précisent la fréquence

exacte du fait, ou aux circonstanciels pendant X ans et de 19XX à 19XX qui déterminent

explicitement la durée du fait, on peut utiliser le passé composé (ou le passé simple), et non

l’imparfait : Paul a visité (ou visita) la France trois fois. Paul a habité (ou habita) Paris

pendant cinq ans (ou de 1980 à 1985).

En revanche, l’imparfait est compatible avec des adverbes ou des circonstanciels de

temps comme de temps en temps, de temps à autre, parfois, tous les jours, tous les matins,

tous les soirs, etc., qui ne précisent pas la fréquence exacte, pour marquer la répétition d’un

fait passé : Paul le voyait de temps en temps (ou de temps à autre ou parfois). Tous les

matins, Paul se levait à huit heures, mais Paul l’a vu (ou le vit) trois fois 5. Trois matins de

suite, Paul s’est levé (ou se leva) à huit heures, car la fréquence est bien précisée dans ces

deux dernières phrases. Toutefois, ces observations sont loin d’être absolues, car on peut

rencontrer Je l’ai vu plusieurs fois plutôt que Je le voyais plusieurs fois,6, ou Il était directeur

pendant la guerre, où la préposition pendant est suivie d’une durée moins précise.

Privé de contexte, une phrase comme Paul était journaliste peut recevoir trois

interprétations, dont la première : Paul est décédé au moment de la prise de parole t°. Le

5 Mais A cette époque-là, Paul le voyait trois fois par jour.6 Mais Je le voyais plusieurs fois par an.

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locuteur évoque le métier de Paul lorsque celui-ci était encore vivant (De son vivant, Paul

était journaliste) ; la deuxième : Paul est encore vivant7 à t°, mais il a changé de métier. Le

locuteur évoque l’ancien métier de Paul (Avant, Paul était journaliste, et maintenant il est

écrivain) ; et la troisième : Paul est encore vivant à t°, mais il est à la retraite (Avant de

prendre sa retraite, Paul était journaliste).

SES EMPLOIS MODAUX

Dans les emplois modaux, l’imparfait n’est plus inséré dans un cadre temporel passé. En

d’autres termes, il ne décrit plus un fait passé, mais sert à traduire la prise de position du

locuteur sur le fait considéré. Celui-ci est envisagé comme possible hors de l’univers réel,

c’est-à-dire hors de l’univers de croyance du locuteur : Si j’avais beaucoup d’argent,

j’achèterais une voiture de luxe.

L’imparfait de politesse : Je voulais vous demander un petit renseignement. Je venais

vous demander un petit service, est très usité à l’oral. Par politesse, le locuteur feint de

rejeter hors de son univers de croyance un fait qui pourtant le concerne au moment de la

prise de parole t°. Le recul dans le passé lui permet d’éviter le ton péremptoire engendré

éventuellement par les présents veux et viens, et de rendre ses propos plus courtois à

l’égard de son interlocuteur.

L’imparfait hypocoristique : Ah ! Il était joli, joli (zoli zoli), mon petit Maurice ! Qu’il était

gentil, le chienchien ! D’origine grecque, hypocoristique signifiant « caressant, atténuatif »

exprime une affection tendre. Les hypocoristiques sont souvent des diminutifs (bichette,

frérot, Jacquot…) ou des redoublements expressifs (fifille, foufou, bébête, Popaul…).

L’imparfait hypocoristique est souvent utilisé par les mères françaises pour parler à leurs

jeunes enfants comme si elles en racontaient l’histoire à une tierce personne. On se sert

aussi de cet imparfait pour s’adresser aux animaux de salon. On notera l’emploi de la

troisième personne pour désigner l’enfant ou l’animal, car il n’existe pas de véritable dialogue

entre le locuteur et l’enfant ou l’animal interpellé.

L’imparfait forain : Qu’est-ce qu’elle voulait, la dame ? Elle désirait du beurre, la petite

dame ? A la différence du choix de la troisième personne dans le cas de l’imparfait

hypocoristique dont on se sert pour s’adresser à un enfant ou à un animal de salon,

l’imparfait forain est souvent utilisé par un marchand pour parler à une cliente. Selon Cohen

(Encore des regards sur la langue française, 1966), le choix de la troisième personne pour la

deuxième, utilisée aussi entre adultes, est intermédiaire entre le tutoiement et le

vouvoiement. D’après Wilmet (L’imparfait forain, 1983), l’emploi de l’imparfait voulait ou du

conditionnel présent voudrait, permet de « corriger la relative agressivité du présent : Qu’est-

ce qu’elle veut, la dame ? »

L’imparfait préludique : Toi, tu étais le gendarme et moi, j’étais le voleur. D’après Léon

Warnant (L’imparfait préludique et quelques remarques…, 1966,) et Jacques Pohl (Les

7 A noter l’existence de l’imparfait de mépris qui présente un cas d’utilisation de l’imparfait où la personne

concernée est encore vivante : « Elle a des yeux bleus, que votre mari n’avait pas ». C’est une phrase dite à

une femme divorcée en parlant de son enfant et de son mari, encore vivant : l’enfant est considéré comme

présent, l’éloignement psychologique du mari est évoqué par l’éloignement temporel qu’exprime l’imparfait (P.

Imbs, L’emploi des temps verbaux en français moderne, 1960, p. 97).

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variétés régionales du français, 1979) l’imparfait préludique, quant à lui, est très fréquent

chez les enfants de Belgique, aussi bien du côté francophone que du côté flamand.

Géographique-ment, il est répandu dans les régions de Liège, de Bruxelles, de Verviers et

de Saint-Mard (sud de la Belgique, parler gaumer). En revanche cet imparfait ne semble

guère connu en France8 : des enquêtes ont néanmoins signalé son usage dans le Nord et la

région lyonnaise (Wilmet, L’éternel imparfait, 1987). Quant à l’histoire de cet imparfait, Léon

Warnant avoue l’ignorer. Comme son nom l’indique, l'imparfait préludique précédant le jeu

des enfants, vise à distribuer les rôles.

SES EMPLOIS STYLISTIQUES (IMPARFAIT NARRATIF)

Examinons les trois phrases suivantes dont l’action principale est le verbe mourir.

1. Hier Paul mourait, aujourd’hui il se porte bien.

2. Paul mourait tous les soirs au troisième acte.

3. Trois jours après, Paul mourait.

La phrase 1 oppose l’imparfait (mourait) au présent (se porte) : Paul mourait signifie Paul

était mourant. La phrase 2 exprime une répétition dans le passé : Paul est un comédien

professionnel et tous les soirs il feignait de mourir dans son spectacle. La phrase 3, extraite

d’un texte littéraire, diffère des phrases 1 et 2 en ce que Paul est réellement décédé. Paul

mourait équivaut à Paul mourut ou Paul est mort.

4. En 1996, Michael Jackson épousait Debbie Rowe, une infirmière de trente-sept ans. Un

an plus tard, naissait Prince Joseph Junior. Sa petite sœur… a vu le jour en avril 1998

(Télé Magazine, 1999) »

5. Vingt jours avant moi, le 15 août 1768, naissait dans une autre île, à l'autre extrémité de

la France, l'homme qui a mis fin à l'ancienne société, Bonaparte (Chateaubriand,

Mémoires d'outre-tombe) »

6. Il y a cent ans, Zola prenait la défense de Dreyfus. (Le Figaro, 1998).

7. Et lorsque le notaire arriva […], elle les reçut elle-même et les invita à [...] Un mois plus

tard, elle signait le contrat de vente, et achetait en même temps une petite maison […].

Puis jusqu'au soir elle se promena toute seule... (Maupassant, Une vie)

Les imparfaits de (3 à 7) se distinguent de leurs emplois dans (1 et 2) en ce qu’ils peuvent

commuter avec les passés simples ou les passés composés. Ces imparfaits, d’usage

stylistique, sont nommés imparfaits narratifs ou de rupture. Ceux-ci se développent à partir

de 1850 dans les romans et les nouvelles de Flaubert, Maupassant, etc. (H. Weinrich, 1973).

Ces imparfaits sont nommés imparfaits des anniversaires (naissance, mariage, décès,

etc.) selon C. Muller (1966). On constate très souvent l’usage de cet imparfait dans la presse

écrite pour rappeler au lecteur l’anniversaire du décès ou de la naissance d’une personnalité,

ou d’un événement important. Les journalistes recourent très souvent à l’imparfait narratif,

qu’on a fini par appeler imparfait journalistique.

Dans (7), les faits signait et achetait ne sont pas simultanés, mais postérieurs d’un mois

aux faits arriva, reçut et invita au passé simple. Au lieu d’utiliser le passé simple pour

poursuivre la trame narrative, l’auteur fait appel à l’imparfait pour souligner les actes signait

8 En France, on recourt au conditionnel présent : Toi, tu serais le gendarme et moi, je serais le voleur.

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et achetait (c’est l’aboutissement de la visite du notaire). Ainsi ces imparfaits, volant la

vedette aux passés simples, attirent vivement l’attention du lecteur. En effet, son regard,

habitué au rythme rapide de la narration au passé simple, semble en effet changer de

vitesse de perception à la vue des imparfaits. De plus, un alinéa, détachant la phrase à

l’imparfait des paragraphes au passé simple, crée un effet de rupture, d’où l’appellation

imparfait de rupture. Après la phrase à l’imparfait, Maupassant reprend le passé simple pour

écrire la suite du roman Puis, jusqu’au soir elle se promena toute seule….

Ces imparfaits, en rompant la suite des passés simples, jouent à la fois le rôle d’images au ralenti,

et celui d’images de ‘premier plan’. […] La reprise presque immédiate des passé simples vient

imprimer un nouvel élan au mouvement de la narration : alternance entre le passé simple et

l’imparfait constitue le rythme caractéristique de la narration moderne… Ce sont les passés

simples qui rendent au mouvement du récit sa vitesse normale, qui le rétablissent dans son plan

d’optique naturel, et qui satisfont pleinement la curiosité de l’esprit. (Georges et Robert Le Bidois,

Syntaxe du français moderne, 1935, p. 438)

8. La clef tourna dans la serrure de la porte d’entrée. M.Chabot retirait son pardessus qu’il

accrochait au portemanteau, pénétrait dans la cuisine et s’installait dans son fauteuil

d’osier. (G. Simenon, La danseuse du Gai-Moulin)

L’imparfait dit narratif n’est pas toujours accompagné d’un complément de temps comme

dans (3 à 7). Dans (8), une suite de quatre actions à l’imparfait serait perçue comme un

tableau, dont chaque détail serait filmé par une caméra rouillée, qui procéderait par à-coup,

d’une vue statique à une autre, sans livrer la représentation normale et fluide du mouvement

que donnerait une succession de passés simples (P. Le Goffic, 1995).

9. Près de cent mille personnes ont assisté hier à un fabuleux Grand Prix, dominé une fois

de plus par Ferrari. Dès le départ, les deux voitures de l’écurie italienne, celle du Sud-

Africain Jody Scheckter et celle du Canadien Gilles Villeneuve, prenaient l’ascendant sur

leurs rivaux, et notamment sur les Ligier. A cet instant, en effet, Depailler et Lafitte, en

quatrième et en cinquième positions, faisaient partie du peloton de chasse emmené par

l’Autrichien Niki Lauda sur sa Brabam. Mais, bien vite la course allait connaître des

rebondissements inattendus. C’était d’abord l’Anglais James Hunt qui rentrait à pied à

son stand, le volant à la main. Puis c’était le tour de Jacques Lafitte, obligé de s’arrêter à

son stand également. Le pilote français repartait aussitôt, après avoir perdu un minimum

de temps, mais occupait alors l’avant-dernière position, à plus d’une minute de Ferrari,

qui menait la ronde. Enfin, Patrick Depailler, luttant farouchement pour la troisième place

avec Lauda, faisait un écart dans le village de Mirabeau et perdait lui aussi une minute

sur ses adversaires… (Le Matin, le 28 mai 1979, cité par Maingueneau, L’énonciation en linguistique française, 1994).

L’extrait de presse (9) présente un cas où l’imparfait est omniprésent.Toutefois l’abus de

cet imparfait dans la presse risque d’aplatir un texte en homogénéisant toutes les actions, et

le lecteur fait alors difficilement la distinction entre les actions importantes et les

commentaires. Dans Exercices de style (passé simple, imparfait, passé indéfini), R.

Queneau fait remarquer qu’il est difficile de recourir à un seul temps verbal, qu’il soit le passé

simple ou l’imparfait, et qu’il faudrait les faire alterner à bon escient.

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LE PASSE SIMPLE ET LE PASSE COMPOSE

Dans son article intitulé La disparition du prétérit, paru en 1920, Lucien Foulet a pour

thème principal de dater la disparition du passé simple, qu’il appelle le prétérit, de la langue

parlée. Selon ce linguiste, le passé composé et le passé simple sont déjà en concurrence,

en ancien et en moyen français, pour l’expression du passé. En effet, le passé simple, entre

le XIIe siècle et le XVIe siècle, a été éliminé de l’usage oral par le passé composé, dont la

valeur primitive de parfait s’était doublée, comme il était arrivé au parfait latin, d’une valeur

de prétérit :

Un emploi, né dans la langue familière, évité longtemps par la langue de la prose et le parlé soigné

des gens cultivés, puis accueilli timidement au XIVe siècle par la langue de la conversation

relevée, se répand de plus en plus au XVe siècle, où il se montre fréquemment dans des textes

non littéraires pour triompher enfin au XVIe siècle au point de pénétrer dans la littérature.

Voici trois textes datés respectivement des XIIIe, XIVe et XVIe siècles dans lesquels le

passé composé remplace le passé simple. Il faut souligner que le passé composé, vers la fin

du XIIIe siècle, s’utilise de façon sporadique au moment où l’on aurait attendu le passé

simple, car, selon L. Foulet, l’emploi du passé composé, encore à ses débuts, constitue un

écart à la norme de l’époque.

Quant or voit li quens Garins / de son enfant Aucassin / qu’il ne pora departir de Nicolete au cler

vis en une prison l’a mis / en un celier sosterin / qui fu fais de marbre bis. / Quant or i vint

Aucassins / Dolans fu, ainc ne fu si. (Aucassin et Nicolette)

[…] En nom Dieu, seigneur, oil. Adonc se sont le Aleman mis en cace apriés les François de

Mortagne, et ont sievis les bonhommes dou pays qui les avoiièrent parmi le bois ; et adevacièrent

les dessus dis assés priés de Nostre Dame ou Bois. (Chroniques, Froissart)

De Rome, le 28 janvier 1536. Monsr, j’ay receu les lettres que vous a pleu m’escrire, dattées du

second jour de décembre, […] Depuis, vous ay escrit bien amplement du XXIVe de novembre […].

Car le sire Michel Parmentier, […], m’a escrit, du cinqe de ce mois present, qu’il les avoit receus et

envoyé à Poictiers. » (Lettres, Rabelais)

Il faut rappeler aussi la règle académique des 24 heures, édictée en 1636 par

l’Académie, à propos de la pièce Le Cid de Corneille, selon laquelle les événements au delà

de la nuit sont exprimés au passé simple (J’écrivis hier) et ceux en deçà au passé composé

(J’ai écrit ce matin).

Mais le passé simple n’est pas seulement concurrencé par le passé composé, car

l’imparfait dit narratif peut aussi le remplacer dans certains contextes. Dans les articles

nécrologiques, le présent dit historique entre également en concurrence avec le passé

simple. En dépit de cette concurrence très rude, le passé simple est encore très fréquent tant

en littérature que dans la presse. Wilmet (Cahiers de Praxématique, 1991, n°19) écrit :

Par conséquent, des origines au XXe siècle, progrès continu du passé composé, mais résistance

opiniâtre du passé simple… Le passé simple survit tranquillement, des essais aux biographies et

aux romans policiers, jusque dans les reportages sportifs et les rédactions scolaires, que les

enfants émaillent de formations incongrues : *je prenai, *il disa, *nous partirent…

LE PASSE SIMPLE

Le passé simple situe un fait dans le passé, comme l’imparfait, mais à la différence de ce

dernier, le passé simple donne du fait une vision globale : il en présente tout à la fois le

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terme initial, le développement complet et le terme final. Autrement dit, le fait est perçu de

l’extérieur, dans sa globalité, considéré comme un noyau indivisible. Les faits au passé

simple sont complètement coupés de t°. De ce fait, le passé simple traduit l’aspect global en

opposition avec l’imparfait qui exprime l’aspect sécant.

Dans Il monta l’escalier, ouvrit la porte, entra dans l’appartement, alluma la lumière et

prit place sur une chaise, les passés simples correspondent à une série de cinq faits

successifs (monta - ouvrit - entra - alluma - prit place), où le premier précède le deuxième, et

n’est achevé que lorsque le deuxième commence. Il en va de même pour chacun des trois

faits suivants qui s’enchaînent ensuite.

A la différence de l’exemple précédent, dans Un des rares après-midi où il tomba de la

neige, mes frères me remirent un message du petit Grangier (Le Diable au corps,

Radiguet), tomba et remirent sont présentés, d’après le contexte, comme deux faits

indépendants, qui ont eu lieu en même temps.

Le passé simple convient aussi aux vérités d’expérience (dans les maximes ou dictons)

généralement sous forme négative. Dans Jamais mauvais ouvrier ne trouva bon outil, le fait

au passé simple (trouva bon outil) n’est pas inclus dans une trame narrative, mais il est situé

dans le passé. Grâce à l’emploi des adverbes temporels comme jamais ou toujours, ce fait

passé a une portée générale de fait bien connu ou de fait d’expérience. Ici, le passé simple

peut commuter avec le passé composé (Jamais mauvais ouvrier n’a trouvé bon outil).

LE PASSE COMPOSE

Le passé composé, forme composée du présent, exprime l’aspect accompli et marque

l’antériorité par rapport au présent. Mais cette valeur d’antériorité s’oriente vers le passé

lorsque le passé composé prend dans l’énonciation de discours une valeur équivalant à celle

du passé simple dans l’énonciation historique (Benveniste, Problèmes de linguistique

générale,1966, tome 1, Chapitre XIX). Sur le plan aspectuel, le passé composé s’oppose au

présent comme toute forme composée vis-à-vis de la forme simple correspondante. Riegel

et al. (Grammaire méthodique du français, 1994) distinguent trois emplois de base du passé

composé.

Accompli du présent : le passé composé peut marquer l’état résultant de l’achèvement

du fait au moment de la prise de parole t°. Autrement dit c’est le résultat acquis au moment

de la parole qui compte. Les trois énoncés suivants : Paul est arrivé. Maintenant, j’ai

compris. Tiens, il a plu., peuvent être paraphrasés respectivement par trois énoncés au

présent : il est là ; je suis capable de comprendre ou de discuter avec toi ; la chaussée est

mouillée.

Antérieur du présent : dans une structure où il est utilisé en corrélation avec le présent,

le passé composé marque l’antériorité par rapport au présent. Selon Benveniste

l’antériorité est une autre fonction des formes composées distincte de la valeur d’accompli.

Dans Quand il a écrit une lettre, il l’envoie, le fait (envoyer) ne commence qu’une fois le fait

(écrire une lettre) achevé. Quand il a écrit une lettre équivaut à après avoir écrit une lettre.

Temps du passé : le passé composé peut situer totalement un fait dans le passé, le

repère du fait étant décalé avant t°. Dans ce cas, le passé composé peut remplacer le passé

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simple de l’usage oral moderne. Prenons l’exemple suivant : Le semaine dernière, Paul est

arrivé à midi, il a déjeuné à 13 heures et il est parti à 16 heures. Cependant, ces deux

temps verbaux ne sont pas tout à fait interchangeables. Avec le passé composé, compte

tenu de sa morphologie9, les faits racontés ne sont pas coupés du présent, mais ils sont

envisagés par le locuteur, à partir de t°, avec une certaine « proximité psychologique »

(Imbs, L’emploi des temps verbaux en français moderne, 1960).

J’ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, c’est à cause de tout cela

sans doute, ajouté aux cahots, à l’odeur d’essence, à la réverbération de la route et du ciel, que je

me suis assoupi. J’ai dormi pendant presque tout le trajet. Et quand je me suis réveillé, j’étais

tassé contre un militaire qui m’a souri et qui m’a demandé si je venais de loin. J’ai dit « oui » pour

n’avoir plus à parler. L’asile est à deux kilomètres du village. J’ai fait le chemin à pied. J’ai voulu

voir maman tout de suite. Mais le concierge m’a dit qu’il fallait que je rencontre le directeur.

Comme il était occupé, j’ai attendu un peu. Pendant tout ce temps, le concierge a parlé et ensuite,

j’ai vu le directeur : il m’a reçu dans son bureau. C’est un petit vieux, avec la Légion d’honneur. Il

m’a regardé de ses yeux clairs. Puis il m’a serré la main qu’il a gardée si longtemps que je ne

savais pas trop comment la retirer. Il a consulté un dossier et m’a dit : « Mme Meursault est

entrée ici il y a trois ans. Vous étiez son seul soutien. » J’ai cru qu’il me reprochait quelque chose

et j’ai commencé à lui expliquer. Mais il m’a interrompu : « Vous n’avez pas à vous justifier, mon

cher enfant. J’ai lu le dossier de votre mère. Vous ne pouviez subvenir à ses besoins. Il lui fallait

une garde. Vos salaires sont modestes. Et tout compte fait, elle était plus heureuse ici. »

(L’Etranger, A. Camus)

Dans l’Etranger, Camus a donné ses lettres de noblesse au passé composé, utilisé par

Meursault dans sa chronique pour conter des faits passés qu’il revit au moment où il écrit.

Selon Benveniste (Problèmes de linguistique générale, 1966, tome 1), « Le passé composé

établit un lien vivant entre l'événement passé et le présent où son évocation trouve place.

C'est le temps de celui qui relate les faits en témoin, en participant ; c'est donc aussi le

temps que choisira quiconque veut faire retentir jusqu'à nous l'événement rapporté et le

rattacher à notre présent.

En application de ce point de vue de Benveniste, nous pensons que les rapports de

stage, les comptes-rendus, ou les mémoires réalisés par les étudiants devraient être rédigés

au passé composé pour souligner le lien vivant entre les faits passés et le moment où

l’étudiant rédige son travail.

POINT DE VUE DICHOTOMIQUE DE BENVENISTE

Dans le chapitre intitulé Les relations de temps dans le verbe français (op. cit.),

Benveniste distingue deux systèmes complémentaires : l’Histoire et le Discours.

Dans le premier (Histoire), qui relève de la « langue écrite » et caractérise « le récit des

événements passés », on note l’emploi fondamental du passé simple (du passé antérieur,

du conditionnel) et l’absence du locuteur. Dans le second (Discours), qui appartient aussi

bien à l’écrit qu’à l’oral, il existe un locuteur qui dit je, un interlocuteur qui dit tu. Les tiroirs

fondamentaux sont le passé composé, le présent et le futur. Le plus-que-parfait et

l’imparfait sont communs au Discours et à l’Histoire.

9 Le passé composé (par exemple ai chanté) a un pied dans le présent et un pied dans le passé, ce qui n’est

pas le cas du passé simple (chanta)

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L’extrait suivant, emprunté à Une vie de Maupassant, illustre bien ce point de vue. Dans

ce texte, le passé simple n’est utilisé que dans la partie narration (Histoire), tandis que dans

la partie dialogue (Discours), on note l’utilisation du passé composé et du présent.

Soulignons que l’imparfait peut être employé aussi bien dans la partie dialogue que dans la

partie narration.

Le baron, un matin, entra dans la chambre de Jeanne avant qu’elle fût levée, et, s’asseyant sur les

pieds du lit : « M. le vicomte de Lamare nous a demandé ta main. »

Elle eut envie de cacher sa figure sous ses draps. Son repère reprit : « Nous avons remis notre

réponse à tantôt. » Elle haletait, étranglée par l’émotion. Au bout d’une minute le baron, qui

souriait, ajouta : « Nous n’avons voulu rien faire sans t’en parler. Ta mère et moi ne sommes pas

opposés à ce mariage, sans prétendre cependant t’y engager. Tu es beaucoup plus riche que lui,

mais, quand il s’agit du bonheur d’une vie, on ne doit pas se préoccuper de l’argent. Il n’a plus

aucun parent ; si tu l’épousais donc, ce serait un fils qui entrerait dans notre famille, tandis qu’avec

un autre, c’est toi, notre fille, qui irais chez des étrangers. Le garçon nous plaît. Te plairait-il… à

toi ? »

Elle balbutia, rouge jusqu’aux cheveux : « Je veux bien, papa. » Et petit père, en la regardant au

fond des yeux, et riant toujours, murmura : « Je m’en doutais un peu, Mademoiselle. ».

Elle vécut jusqu’au soir comme si elle était grise, sans savoir ce qu’elle faisait, prenant

machinalement des objets pour d’autres, et les jambes toutes molles de fatigue sans qu’elle eût

marché. Vers six heures, comme elle était assise avec petite mère sous le platane, le vicomte

parut. (Maupassant, Une vie)

COOCCURRENCE SIMPLE DU PASSE SIMPLE ET DU PASSE COMPOSE DANS LA PRESSE

ENVOL TRAGIQUE : L’aérostier français L. D., âgé de 50 ans, a effectué, dimanche, un envol qui

lui a coûté la vie. Alors qu’il tentait de maintenir au sol sa montgolfière gonflée d’air chaud, le

ballon plus léger que l’air se mit en mouvement et enleva le pilote suspendu au panier d’osier.

Après avoir essayé, vainement, de saisir une amarre de la nacelle avec ses pieds, il lâcha prise

d'une hauteur de 20 mètres et s’écrasa sur l'aire de départ. Très grièvement blessé (fractures

multiples, hémorragies internes), L. D., transporté d'urgence à l’Hôpital de Belfort, est décédé

quelques heures après son admission. (LM) (Le Matin, 02/09/1986, cité par M-J Reichler-Béguelin,

Ecrire en français, 1988)

LA VIE DE SCARAMOUCHE (par Angelo Costantini)

Tiberio Fiorilli (1608-1694), l’illustre comédien et génial pantomime, a diverti le Paris du XVIIe

siècle pendant près de cinquante ans. Pilier de la troupe italienne des comédiens du roi, il savait

transformer en rires les cris de colère de Louis XIV, l’enfant-roi. Applaudi dans le personnage de

Scaramouche, bouffon séducteur et vénal le plus ancien de la commedia dell'arte, il fut le maître

de Molière, avec lequel il partageait la salle du Petit-Bourbon puis celle du Palais-Royal. Il a laissé

des souvenirs vivaces, que son compère Mezetin, alias Costantini, s'est employé à relater. (R.V)

(Le Nouvel Observateur, n° 1784, 14-20/01/1999)

Dans les deux articles de presse ci-dessus, le passé composé n’est utilisé que dans les

première et dernière phrases, alors que le passé simple est employé dans les deuxième et

troisième phrases.

Le passé composé dans la première phrase occupe deux fonctions : psychologique et

« résumative ». Fonction psychologique : le passé composé sert à établir le premier contact,

d’une part entre le lecteur et le fait évoqué, d’autre part entre le lecteur et le journaliste, et

cela quelle que soit la distance temporelle réelle entre le moment du fait et celui de la

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rédaction de l’article : deux jours dans Envol tragique, et 3 siècles dans La vie de

Scaramouche. En effet, le passé composé, compte tenu de sa morphologie, parvient à

gommer psychologiquement cette distance temporelle effective entre ces deux moments. Le

passé simple n’est donc pas apte à y remplacer le passé composé. En d’autres termes, le

passé simple ne peut être utilisé dans la première phrase de ces articles. Fonction

« résumative » : employé exclusivement dans la première phrase, le passé composé lui

confère la fonction de résumé du texte. Le lecteur pressé pourrait presque se dispenser de

prendre connaissance de la partie au passé simple, car, en jetant un coup d'œil au début et

à la fin de l’article au passé composé, il aurait en gros une bonne idée de ce qui s’est passé.

S’il veut connaître plus de détails, il lira le fragment au passé simple et à l’imparfait.

Après avoir présenté les informations essentielles au passé composé dans la première

phrase, le journaliste retrace l’évolution des actes du personnage. Pour ce faire, il change de

perspective énonciative en quittant le passé composé et en faisant appel au passé simple

dans la deuxième et la troisième phrase du texte.

COOCCURRENCE COMPLEXE DU PASSE SIMPLE ET DU PASSE COMPOSE DANS LA PRESSE

Nous présentons ci-dessous cinq types de combinaisons possibles du passé simple et du

passé composé dans la presse.

Changement de sujets, changement de temps verbaux : dans les deux extraits ci-

après, lorsque le journaliste change de sujets (Le Rhône et la Méditerranée Les hommes ;

Monsieur Nabe Monsieur Camus), il change de temps verbaux : il se sert d’abord du

passé composé (se sont donné, a eu), puis du passé simple (ajoutèrent, eut). D’après le

contexte, les faits au passé composé sont antérieurs à ceux au passé simple.

Le Rhône et la Méditerranée se sont donné rendez-vous en Camargue, vaste plaine alluvionnaire

jouant de ses étangs, de ses marais, de ses salines. Les hommes y ajoutèrent les digues, les

chemins à fleur d’eau, les rizières et les célèbres manades… (La Camargue, un monde amphibie,

J’aime la France, La Provence, Eds. Atlas, août 1995)

D’abord, il y a eu le Journal de monsieur Nabe… Ensuite, il y eut les réflexions du même acabit de

monsieur Camus dans son Journal de campagne… (Epok, Edito, n°8, 2000).

Changement de sujets, changement de temps verbaux : malgré la continuité de sujets

dans les deux extraits suivants, nous constatons le changement de temps verbaux dans

l’ordre : passé simple - passé composé. Le passé simple permet d’évoquer un fait passé à

caractère historique ou un souvenir d’enfance. Les résultats des faits au passé composé (a

décidé, ont changé) sont encore valables au moment de la rédaction t°.

En politique, François Mitterrand fut d’abord profondément respectueux de la personne humaine,

et c’est pourquoi il a décidé d’abolir la peine de mort. (Discours de J. Chirac, 10/01/1996)

Ces lieux furent mon terrain de jeu en 1945. Ils ont bien changé, goudron et voiture ayant envahi

l’espace… » (Extrait d’une publicité)

Le passé composé dans la principale, le passé simple dans la subordonnée : Il est

fréquent de rencontrer dans la presse écrite des phrases complexes dans lesquelles le

passé simple est placé dans les propositions relatives (où, date à laquelle), alors que le

passé composé est situé dans les propositions principales. Dans les deux extraits ci-

dessous, le journaliste recourt au passé composé pour dresser des bilans (ont assuré, a

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été), et au passé simple (demanda, fut élevé) pour souligner l’information très importante

dans la carrière de R. Crespin (incarner une Brünnhilde humaine et fragile), ou dans celle de

B. V. Pallier (élevé à la dignité d’ambassadeur de France)

Puissance vocale, chaleur du timbre, présence dramatique irrésistible lui (Régine Crespin) ont

assuré pendant quarante ans une suprématie naturelle, auréolée de la gloire d’avoir chanté à

Bayreuth (Kundry et Sieglinde) et à Salzbourg, où Karajan lui demanda d’incarner une Brünnhilde

humaine et fragile. (Le Monde Télévision, 26-27/12/1999)

B.Vernier Pallier a ensuite été ambassadeur de France aux Etats-Unis de 1982 à 1984, date à

laquelle il fut élevé à la dignité d’ambassadeur de France. (Le Figaro, Disparitions, 26/12/1999)

Le premier fait au passé composé, le deuxième fait au passé simple précédé de

Cela, Ce : on trouvera une autre combinaison assez fréquente du passé composé et du

passé simple dans la presse écrite, où le premier temps verbal est utilisé dans la première

phrase (a organisé, n’a pas eu lieu, a inventé), et le second (donna, fut) figurant dans la

phrase suivante.

En l’honneur de la fête nationale du Viet nam, le 2 septembre 1996, (…), le centre de langues

étrangères de Stafol, de Huê, a organisé un concours de français pour les étudiants et élèves

âgés de vingt ans. Cela donna l’occasion, aux étudiants et élèves participant à ce concours, de

tester leur connaissance du français (…). (DLF, 1997, n° 183, Le Français au Viêtnam)

L’AN MIL n’a pas eu lieu. C’est Raoul Glaber qui l’a inventé. Ce fut une année plutôt morne (…)

(Le Monde, 18/07/2000)

Le passé composé dans la première phrase suivie des deux points (:), le passé

simple dans la deuxième phrase à fonction explicative : dans les deux extraits ci-après,

la première phrase au passé composé (ont rencontré, a payé) sert à annoncer un fait et la

deuxième phrase au passé simple (durent, fut détruite), vise à expliquer ce fait.

Les femmes compositeurs ont souvent rencontré préjugés et interdits : elles ne durent la plupart

du temps leur formation musicale qu’à l’initiative de leur famille… (Le Monde de la Musique Radio

Classique, n° 237, 11/1999, Femmes compositeurs)

Brest a payé très cher d’avoir servi de base pour les sous-marins allemands pendant la Seconde

Guerre mondiale : la ville fut totalement détruite par l’aviation alliée en 1944. (J’aime la France, La

Bretagne, Eds. Atlas, septembre 1995, Brest, amoureuse de la marine)

COOCCURRENCE DE PLUSIEURS TEMPS VERBAUX DANS LES ARTICLES NECROLOGIQUES

C’est dans les textes nécrologiques (empruntés au Figaro ou au Monde) que nous

rencontrons un mélange de plusieurs temps verbaux. Prenons l’exemple de l’article ci-

dessous (L’homme qui relança la Régie) qui compte environ une vingtaine de lignes et fait

appel à sept temps verbaux différents : plus-que-parfait (était entré), imparfait (interdisait),

passé simple (relança), passé composé (a présidé), présent (c’est), futur (conservera) et

prospectif (allait dérouler).

Pourquoi le journaliste doit-il recourir à plusieurs temps verbaux dans un article

nécrologique ? Nous pensons que le journaliste, immergé dans l’actualité, doit reconstituer

mentalement le parcours professionnel d’une personnalité : il remonte dans le passé pour

raconter des faits, tantôt ayant des liens vivants avec le moment de la rédaction de son

article, tantôt coupés de ce moment. Parfois il a besoin de mettre en relief un détail

significatif, ou bien il veut gommer fictivement la distance temporelle réelle entre un fait

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important et le lecteur : c’est comme s’il disposait d’une caméra pour filmer les actes de cette

personnalité pour les transmettre ensuite au lecteur. Le journaliste se trouve aussi confronté

à des faits sur lesquels le temps n’a pas prise (faits dits intemporels). Autrement dit, il doit se

livrer à un véritable exercice acrobatique !

BERNARD VERNIER-PALLIER - L’Homme qui relança la Régie

L’ancien PDG de la Régie Renault, Bernard Vernier-Pallier, est décédé le 18 décembre à l’âge de

81 ans. Diplômé d'HEC, de l’école libre des sciences politiques et en droit, Bernard Vernier-Pallier

était entré en 1945 à la Régie Renault. Il allait y dérouler, trente-six années durant, la quasi-

totalité de sa carrière. Débutant comme chef du service du contrôle social, il avait exercé

successivement les responsabilités de secrétaire de la direction générale, le secrétariat général

avant d'être nommé en 1967 directeur général adjoint. Il était également devenu à cette époque le

numéro un de Saviem et de Berliet.

C’est en 1975, peu après l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République,

qu’il allait être nommé à la présidence de la Régie Renault. Poste qu’il conservera jusqu’en

1981. Un mandat marqué par les difficultés d’un groupe auquel, vitrine sociale de la France, l’Etat

actionnaire interdisait de mener les nécessaires nationalisations. Il avait été remplacé à la tête

de Renault par Bernard Hanon.

Bernard Vernier-Pallier a ensuite été ambassadeur de France aux Etats-Unis de 1982 à 1984, date

à laquelle il fut élevé à la dignité d'ambassadeur de France. Président pendant quelques années

de l’Ifri (l’Institut français des relations internationales), du conseil international de l'assureur AIG

(American International Group) et du conseil de surveillance du Bipe (Bureau d’informations et de

prévisions économiques), il a également présidé le comité du Mondial de l'automobile de 1988 à

1998, le comité d’organisation du Salon de l’automobile. Marié en 1952 à Denise Silet-Pathé, il

avait quatre enfants. (Le Figaro, Disparitions, 25-26/12/1999)

En conclusion, lorsqu’on enseigne l’emploi de l’imparfait, du passé simple et du passé

composé, qui pose des problèmes non seulement aux francophones mais aussi aux non

francophones, il convient de combattre les clichés évoqués succinctement au début de cet

article. La notion d’aspect s’avère donc indispensable pour mieux appréhender ces trois

temps verbaux et le système verbal français.

L’imparfait, exprimant l’aspect sécant, donne du fait une image vue de l’intérieur, dans

laquelle les limites initiale et finale ne sont pas prises en compte. En d’autres termes,

l’imparfait représente un fait en cours d’accomplissement (ou non complètement fait). Cette

propriété aspectuelle permet d’expliquer ses trois types d’emplois. Avec ses emplois

temporels, l’imparfait indique qu’un fait n’est plus valable au moment de la parole t°. Dans

ses emplois modaux, l’imparfait ne décrit plus un fait passé, mais sert à traduire la prise de

position du locuteur sur un fait présent. Avec ses emplois stylistiques, l’imparfait concurrence

le passé simple dans le récit. Cela peut se vérifier dans la presse contemporaine et surtout

dans la presse sportive. Mais l’abus de l’imparfait risque d’aplatir le texte et il en résulte que

le lecteur fait alors difficilement la distinction entre les faits de premier plan et les faits de

second plan.

Le passé simple désigne l’aspect global (à l’antipode de l’imparfait) en ce sens qu’il donne

du fait une vision vue de l’extérieur, dans laquelle le terme initial, le développement complet

et le terme final sont pris en compte. C’est le temps de la narration par excellence, faisant

progresser les faits. Par conséquent, il est considéré comme l’épine dorsale dans un récit, à

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la différence de l’imparfait servant à décrire des faits de second plan. Cependant, les emplois

du passé simple sont moins riches que ceux de l’imparfait.

Le passé composé, forme composée du présent, traduit l’aspect accompli et marque

l’antériorité par rapport au présent. Lorsqu’il exprime l’état résultant de l’achèvement d’un fait

au moment de la parole, il ne peut commuter avec le passé simple, mais lorsqu’il situe le fait

totalement dans le passé, il peut remplacer le passé simple. Toutefois, compte tenu de sa

morphologie, il représente une certaine « proximité psychologique ». Autrement dit, le passé

composé permet au scripteur de revivre les faits passés au moment de la rédaction.

Le passé composé et l’imparfait sont des concurrents du passé simple dans la presse

moderne. Mais ce dernier n’est pas en voie de disparition pour autant. En effet, nous avons

constaté quelques combinaisons du passé composé et du passé simple dans une phrase ou

un paragraphe, où les faits au passé composé sont antérieurs aux faits au passé simple,

contrairement au point de vue traditionnel. Ces types de combinaisons semblent contredire

la théorie dichotomique de Benveniste, laquelle ne se prête plus à l’explication des textes

nécrologiques, pourvus de plusieurs temps verbaux.

Danh Thành DO-HURINVILLE

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