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14 Les cahiers des EDC LA RSE RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE DE L’ENTREPRISE Un regard d’entrepreneurs et dirigeants chrétiens sur la mise en œuvre du développement durable Les Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens

brochure la RSE - Les Entrepreneurs et Dirigeants … · celle-ci, une dimension nouvelle à la responsabilité du dirigeant d’entreprise vis-à-vis de l’ensemble des parties

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Les cahiers des EDC

LA RSERESPONSABILITÉ SOCIÉTALE

DE L’ENTREPRISE

Un regard d’entrepreneurs et dirigeants chrétienssur la mise en œuvre du développement durable

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Les Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens

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Préface

La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est uneévidence pour beaucoup d’entre nous, car elle résonneparticulièrement avec notre engagement d’Entrepreneurs etDirigeants Chrétiens. En effet, nous sommes soucieux dudéveloppement intégral de tout homme et cherchons à lemettre en œuvre au quotidien dans nos entreprises par notremanière de diriger et de nourrir le dialogue social ; et noussommes attentifs au développement durable de nos activités,à la préservation des ressources naturelles et aux atteintes àl’environnement, car nous nous sentons responsables nonseulement devant les générations présentes mais aussidevant les générations futures.

Cette réflexion sur les défis du développement et de sesconséquences planétaires nous appelle à regarder au-delàde nos frontières, le respect des équilibres environnementauxet les limites des ressources de notre planète commune étantdes enjeux globaux comme le deviennent ceux desconditions de travail dans le cadre d’une concurrence ouverteà l’échelle du monde. Mais nous devons aussi agir devantnotre porte et apporter notre contribution, chacun à notreplace, à la construction d’un monde durable et d’uneéconomie davantage au service de l’homme.

Mais surtout, en tant que chrétiens, nous avons le doubledevoir d’être attentifs au sens de nos actes et d’aider lespersonnes avec qui nous travaillons dans nos entreprises àtrouver du sens aux leurs, au-delà de la reconnaissance de ladignité de chacun favorisée par la place prise dans la marchedu monde, si modeste puisse-t-elle sembler.

C’est pourquoi je souhaite que ce document nous incite àaller plus loin et à donner à travers la RSE, et au-delà decelle-ci, une dimension nouvelle à la responsabilité dudirigeant d’entreprise vis-à-vis de l’ensemble des partiesprenantes de l’entreprise.

Robert Leblanc,Président des EDC

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En résumé

L’ambition de ce document est de justifier pourquoi, et dansquels domaines, les dirigeants d’entreprise portent uneresponsabilité majeure pour promouvoir les changementsconduisant au développement intégral de l’homme sur uneterre habitable aujourd’hui et encore demain.

PREMIÈRE PARTIE - L’humanité aujourd’hui

La révolution industrielle, née de la science, de la technique,du faible coût et de l’abondance de l’énergie primaire et desmatières premières, a démultiplié la création de richesses quia permis le développement économique et desconséquences positives sur le mode de vie des hommesdans les pays du Nord. Ce processus s’étend désormais àl’ensemble de l’humanité, et c’est justice, mais néanmoinspose deux questions :

- Comment ne pas écraser ce qu’il y a d’humain dansl’homme ?

- Comment éviter l’épuisement des ressources naturelles etne pas dégrader l’environnement ?

Pour apporter des réponses à ces deux questions, l’humanitédoit relever au cours du XXIe siècle deux défis majeurs :

- Un défi d’ordre spirituel, éthique, éducatif et culturel.Dans le respect de la vérité, de la liberté et de la dignité dela personne humaine, comment préserver l’essentiel « nonchiffrable » : sa conversion personnelle, son ouverture auxautres et à Dieu, menacées par l’idolâtrie du « chiffrable »dans l’économie, par le relativisme, le matérialisme, et pardes applications aventureuses de la science, en particulierdans les domaines de la génétique et des techniques del’information et de la communication.

- Un défi politique, scientifique, industriel et organisa-tionnel. Développer les pays du Sud, aujourd’hui 6 milliardsd’hommes et demain 7 ou 8 milliards, sans créer des ten-sions conflictuelles et des pénuries de ressources naturellesmenaçant la paix et la justice, et sans des atteintes irréver-sibles à l’environnement et en particulier à la biodiversité,

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qui pourraient aller jusqu’à compromettre la survie de l’hu-manité.

DEUXIÈME PARTIE - Le Développement durable

À ce jour, les seules réponses crédibles sont proposées parle concept de Développement durable : « Un développementqui permet aux générations actuelles de satisfaire leursbesoins sans compromettre la capacité des générationsfutures de satisfaire les leurs. » (Rapport Brundtland,1987) Lanotion de besoin recouvre les attentes physiologiques, desécurité, de reconnaissance, d’estime et d’épanouissementaussi bien pour les habitants du Nord que pour ceux du Sud,même si la pondération peut être momentanémentprofondément différente en fonction de chacun. L’homme estau centre de cette définition : ce n’est pas la planète qu’il fautsauver, mais l’humanité. Néanmoins, protéger l’homme de sapropre destruction, c’est aussi protéger le milieu qui l’entoureet les ressources dont il a besoin.

Relever le défi essentiellement spirituel requiert une vigilanceparticulière de chacun afin de répondre aux aspirationsculturelles, spirituelles et religieuses des hommes et depréserver la nature démocratique, ainsi que le fondementéthique des sociétés. Les Églises chrétiennes se sontparticulièrement mobilisées dans ce domaine.

L’humanité dispose des solutions pour relever le défiessentiellement technique, pour autant que les dirigeantspolitiques et économiques du monde assument leursresponsabilités et mettent en place, à temps, les règles et lesinvestissements nécessaires. Nous sommes tous concernéset, désormais, les projets humains doivent être examinés enterme d’impact coût/efficacité/risque, correspondant aux troisvolets du Développement durable : l’économie, le social etl’environnement.

TROISIÈME PARTIE - La RSE, mise en œuvredu Développement durable

La norme ISO 26000 définit les contours de la responsabilitésociétale, mise en œuvre du Développement durable, et elleconcerne toutes les organisations. Pour l’entreprise, la

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responsabilité sociale devient responsabilité sociétale del’entreprise. Au Nord comme au Sud, c’est dans l’entrepriseque seront créés des conditions de travail, des procédés defabrication et des produits plus respectueux de l’homme et del’environnement. C’est également dans l’entreprise que sedégagent les gains de productivité et que se crée la richessequi est partagée directement, au moment de sa création,entre les actionnaires, les employés, les fournisseurs et l’État.C’est cette richesse encore qui, indirectement, est laressource pour les taxes et les impôts payés ensuite parchaque individu et toutes les parties prenantes aux fins definancer, par ces prélèvements, la protection sociale, la santé,la protection de l’environnement et les services régaliens.Dans de nombreux pays, la RSE fait l’objet derèglementations et les entreprises peuvent recevoirl’assistance d’organisations professionnelles. C’est le cas enFrance, notamment avec les publications du Medefmentionnées dans ce document.

QUATRIÈME PARTIE - La responsabilité sociétaledu dirigeant chrétien

Chrétiens, dirigeants d’entreprise, nous nous sommesinterrogés sur la manière d’exercer nos responsabilités pourcontribuer à promouvoir la grandeur et la spiritualité del’homme et garder une terre accueillante pour tous leshommes.

Par l’empreinte de l’économie sur l’évolution des modes devie, mais aussi parce que l’entreprise, avec la famille etl’école, est un lieu privilégié de fraternité, de solidarité, desubsidiarité et d’éducation, le dirigeant d’entreprise a uneresponsabilité sociétale considérable pour la mise en œuvredu Développement durable et, plus largement, sur ledéveloppement de l’humanité et l’épanouissement deshommes.

Le dirigeant chrétien doit garder une cohérence entre sesactivités professionnelles et sa foi, reconnaissant avechumilité ce que Dieu a fait pour lui, et s’appliquer à relever lesdéfis du monde avec les vertus de la charité et del’espérance, au service de ses frères et au service de Dieu.

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Sommaire

Préface ............................................................................................................................... 3En résumé ....................................................................................................................... 5Introduction ................................................................................................................. 11

Première partie : L’humanité aujourd’hui

1 - Un développement bien loin d’être idyllique ........... 13

2 - Deux défis majeurs ............................................................................... 17- Un défi spirituel, éthique, éducatif et culturel- Un défi politique, scientifique, industriel et organisationnel- L’énergie et le climat- Les pénuries prévisibles de certaines matières premières- Les atteintes irréversibles à la biodiversité

Deuxième partie : Le Développement durable

1 - Finalités .............................................................................................................. 23- Définition- Un concept souvent mal compris- Un regard sur l’écologie

2 - Relever le défi spirituel, éthique, culturel etéducatif ................................................................................................................ 30

- L’information, l’enseignement, la formation- La vision de l’Enseignement catholique- Quel sens chrétien donner au Développement durable ?- Un développement porteur d’une immense espérance

3 - Relever le défi politique, scientifique,industriel et organisationnel ....................................................... 36

- L’humanité responsable et capable- Une utopie, la décroissance du PIB

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- Le rôle du politique et des pouvoirs publics- Le rôle de l’entreprise- Le rôle de la société civile

Troisième partie : Mise en œuvredu Développement durable

1 - Norme ISO 26000 et responsabilité sociétale ....... 45- Un contexte international- L’élaboration de la norme- La gouvernance des organisations

2 - La RSE,responsabilité sociétale de l’entreprise ........................ 48

- Réglementations et engagements professionnels- L’engagement du Medef et

des fédérations professionnelles

Quatrième partie : La responsabilité sociétaledu dirigeant chrétien

Annexe 1 ..................................................................................................................... 55Guides du Medef- Reporting RSE - Les nouvelles dispositions légales et

réglementaires- Cap vers la RSE - Faire de la responsabilité sociétale

de l’entreprise un levier de performance

Annexe 2 ..................................................................................................................... 59Liste des membres du groupe de travaildes Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens

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Introduction

Nous choisissons, comme l’ont fait toutes les grandesentreprises, les fédérations professionnelles et les consultantsen RSE, d’attribuer au « s » de RSE la signification de« sociétale », néologisme qui désignera, dans le texte qui suit,toutes les parties prenantes de l’entreprise. La Commissioneuropéenne définit la RSE comme « l’intégration volontairepar les entreprises de préoccupations sociales etenvironnementales à leurs activités commerciales et à leursrelations avec les parties prenantes ».

Pour ne pas alourdir le texte par des nuances quin’apporteraient aucun éclairage supplémentaire aux sujetstraités, nous désignerons par pays du Nord, l’Amérique duNord, l’Europe, le Japon, la Corée du Sud et l’Australie, et parpays du Sud, d’une part les pays émergents (les BRICS :Brésil, Russie, Inde, Chine, ainsi que l’Afrique du Sud), etd’autre part tous les autres pays, pays en développement oupays les moins avancés.

Pays du Sud : 6 milliards de personnes. Pays du Nord : 1 milliard de personnes.

Nous avons choisi d’inclure des citations dans le textelui-même plutôt que de renvoyer le lecteur en fin d’ouvrageaux documents dont elles sont extraites. Nous ne voudrionspas, néanmoins, que ces références, émanant principalementd’autorités religieuses, soient considérées comme uneinstrumentalisation de ces écrits pour justifier sans réservece que nous écrivons nous-mêmes. Nous les donnons carelles ont fertilisé notre démarche et peuvent permettre àchacun d’approfondir sa réflexion en retournant à leurssources s’il le désire.

La RSE, responsabilité sociétale de l’entreprise, conceptpurement laïc, est la mise en œuvre du développementdurable dans l’entreprise, ce qui nous a conduits à revenir surles fondamentaux du concept de Développement durable quisera l’objet de la deuxième partie de notre document.

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Nous proposons des réflexions et des interrogations éclairéespar notre foi, concernant le Développement durable et la RSE,pour aider le dirigeant d’entreprise chrétien à répondre àl’appel de l’Évangile dans l’élaboration d’une vision sanslaquelle il ne peut pas y avoir de projet d’entreprise etd’appropriation par le personnel. Notre propos estd’inspiration chrétienne sur le fond. Il s’adresse aussi auxhumanistes et aux hommes de bonne volonté dont l’éthiquene prend pas sa source dans la foi, mais néanmoins les animepour agir par compassion, bienveillance, amour… au-delàdes obligations juridiques.

Notre ambition n’est pas d’apporter des solutions, mais dejustifier pourquoi, et dans quels domaines, les dirigeantsd’entreprise portent une responsabilité majeure pourpromouvoir les changements conduisant au développementintégral de l’homme sur une terre habitable aujourd’hui etencore demain.

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PREMIÈRE PARTIEL’humanité aujourd’hui

1 - Un développement bien loin d’être idyllique

La révolution industrielle est désormais en marche dans lespays du Sud. Par la création de richesses qu’elle engendre,les populations des pays les moins avancés pourront dansun premier temps satisfaire leurs besoins physiologiques etleurs besoins de sécurité. Dans un deuxième temps, cespopulations rejoindront le niveau de vie des pays émergents(BRICS) et souhaiteront, comme eux, atteindre le niveau devie des pays du Nord. Nous devons nous interroger sur lapertinence de notre modèle occidental et nous demanderjusqu’où et à quelles conditions ce chemin d’histoire peut êtrepris comme feuille de route et s’appliquer sans réserve audéveloppement des pays du Sud. Mais la dynamique dudéveloppement et ses conséquences est factuelle et nouspensons qu’il n’appartient pas aux habitants nantis du Nordque nous sommes d’en juger et d’intervenir autrement qu’enacceptant d’apporter des réponses à leurs demandes.

Le développement du Sud s’effectue dans des conditions etun environnement très différents de ceux qui ontaccompagné le développement du Nord :

- La mondialisation met en péril la compétitivité des entre-prises et les emplois dans les pays du Nord, mais leur ouvrede nouveaux marchés, favorise la création de richessesdans les pays du Sud et se traduit par l’interdépendancedes États qui devrait conduire à plus de solidarité entre euxpour humaniser la planète.

- Les migrations posent des problèmes d’intégration - soitparce que les étrangers ne la souhaitent pas vraiment, soitparce qu’on ne leur en fournit pas les moyens - mais par lamixité qu’elles entraînent, elles participent à la constructionde l’unité de la communauté humaine, rajeunissent les populations vieillissantes du Nord et alimentent de nou-veaux marchés.

- Les technologies de l’information et de la communication,en accélérant les changements de comportements des

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consommateurs et la fugacité des produits, fragilisent lespositions acquises, peuvent porter atteinte au jugement, àl’objectivité et à la liberté de l’homme, mais facilitent l’accèsaux marchés lointains, démultiplient le partage des connaissances, ainsi que l’efficacité des organisations, etaccélèrent les progrès scientifiques.

- Les progrès de la science et de la technologie conduisent,dans les entreprises, à des gains de productivité qui améliorent le pouvoir d’achat de ceux qui disposent de revenus, mais peuvent détruire des emplois à court terme.Dans le domaine de la biologie, les progrès améliorent lasanté et prolongent la vie, mais peuvent ouvrir la voie à desmanipulations illimitées sur la conscience, la vie, la mort.

- La financiarisation fragilise la stabilité économique mondiale,défavorise l’économie réelle, ignore le respect de l’hommeet les objectifs à long terme, mais accélère les mutations in-dustrielles.

- Les changements culturels se manifestent par l’individua-lisme, l’égalitarisme qui peut conduire à instaurer des servitudes plus fortes que les libertés individuelles, l’hédo-nisme, le relativisme qui mène à refuser tout repère absoluou transcendant, l’éclatement voire la destruction de la cellule familiale, la primauté des droits sur les devoirs, le consumérisme.

Dans les pays du Nord, au XIXe et au XXe siècles, ladisponibilité d’énergie et de matières premières abondanteset bon marché a été à l’origine de la prospérité qui atransformé radicalement la vie de milliards d’hommes sur lapériode écoulée, la richesse créée ayant permisprogressivement le financement de la protection sociale et lefinancement de l’amélioration des conditions sanitaires de lamajorité de la population. Mais dans ces pays, l’exclusion etla pauvreté touchent encore une part significative despopulations dont les besoins physiologiques élémentaires etde sécurité ne sont pas toujours satisfaits. D’autre part, lesbesoins d’appartenance, d’estime, d’accomplissement,d’épanouissement sont loin d’être pris en compte pour tous.L’écart entre le niveau de vie des pays du Sud et celui despays du Nord ne doit donc pas nous faire sous-estimer lagravité du « mal-être » des habitants du Nord, qui ne trouvent

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pas leur place dans la société ou qui vivent en décalage parrapport au milieu qui les entoure, principalement pour desraisons de précarité financière.

L’élévation du niveau de vie moyen permet à la majorité denos concitoyens de consommer toujours plus de produits etservices et d’en gaspiller beaucoup. Il en résulte des atteintesgraves à l’environnement et une accélération de l’épuisementdes ressources naturelles les moins abondantes, sansapporter pour autant une réelle paix intérieure à ces mêmescitoyens.

Dans les pays du Sud les moins avancés, des femmesdoivent mettre au monde six enfants pour que deux survivent,pour autant qu’elles ne meurent pas en couches ; chaquejour, trente mille enfants meurent de faim ou de manque desoins. Dans les pays du Sud les plus solidement engagésdans la voie du développement, des dizaines de millions depersonnes sortent chaque année de la pauvreté, mais lesdisparités de la croissance augmentent les écarts de revenuset les exclusions. En outre, cette mutation se fait souvent enaggravant les atteintes à l’environnement dans le cadre d’uneurbanisation galopante et au détriment des liens sociauxantérieurs.

Néanmoins, les habitants du Sud ont pleine légitimité àaspirer au développement économique afin que demain soitmeilleur qu’aujourd’hui et que la vie de leurs enfants soitmeilleure que la leur. Pour les pays du Sud, malgré desprogrès incontestables, perdure encore un état de famine, demaladies endémiques et d’extrême pauvreté.

Malgré les progrès enregistrés ces derniers temps, noussommes encore loin d’avoir tenu les Engagements dumillénaire adoptés à la 55ème session de l’assemblée généraledes Nations Unies en 2000 à New York par 193 pays et 23 organisations internationales. Rappelons ces objectifs :

- Réduire l’extrême pauvreté et la faim

- Assurer l’éducation primaire pour tous

- Promouvoir l’égalité et l’autonomie des femmes

- Réduire la mortalité infantile

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- Améliorer la santé maternelle

- Combattre le sida, le paludisme et d’autres maladies

- Assurer un environnement durable

- Mettre en place un partenariat mondial pour ledéveloppement

Le christianisme s’affaiblit dans de nombreux pays, surtoutdans les pays du Nord atteints par le matérialisme, par lepanthéisme ou par des idéologies se coupant volontairementde toute référence à Dieu, à la culture traditionnelle ou à la loinaturelle, comme on l’observe en France actuellement avecl’introduction de la « théorie du genre » et la promotion d’une« morale républicaine » à l’école.

De même, la démocratie est menacée dans bien des pays parle comportement despotique de partis majoritaires, commel’annonçait déjà Tocqueville il y a plus de deux siècles.

Or, par nos origines judéo-chrétiennes, depuis quatre milleans, par l’enseignement de l’Ancien Testament, puis par leChrist, nous avons été appelés à abattre le veau d’or et àn’idolâtrer ni le pouvoir, ni l’argent, ni la consommation… ninotre propre intelligence collective. Si nous ne sommes pascapables de maîtriser les « structures de péché » - pourreprendre une expression de Jean-Paul II - que les révolutionsindustrielles, financières, informatiques, biologiques et desociété induisent, nous trahirons par orgueil la confiance queDieu a mise en nous.

Ces remarques nous renvoient au Meilleur des mondesd’Aldous Huxley et à 1984 de George Orwell. Le premierouvrage, paru en 1932, s’appuie sur les manipulationsgénétiques et décrit un monde où les êtres « humains » sontcréés à la demande, exclusivement en laboratoire, en castesprédéfinies dont les membres sous l’effet d’anxiolytiquesperdent tout sens critique mais se réjouissent de leur sort etne revendiquent rien. Le second, publié en 1949, décrit unmonde dominé par des régimes policiers et totalitairesutilisant les techniques de l’information et de lacommunication pour asservir jusqu’aux pensées desindividus. Dans ces deux ouvrages, la propagande, ladésinformation et le lavage de cerveaux sont la règle : toutestraces du passé, de l’histoire, de la culture et de la religion

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ont été effacées. Est-ce vers ces mondes que noussouhaitons cheminer pour les générations futures ?

Aujourd’hui, l’humanité est en déficit de sens, dediscernement et de liberté. Déficit de sens, quand le« marchand » prend le pas sur le gratuit, et la finance sur laproduction de richesses. Déficit de discernement, quand lacourse à la consommation pourrait conduire à un désastreplanétaire. Déficit de liberté, quand les hommes sont esclavesde leurs idoles.

2 - Deux défis majeurs

- Un défi spirituel, éthique, éducatif et culturel

Les Églises chrétiennes, et l’Église catholique en particulierdepuis la publication de la première encyclique sociale RerumNovarum en 1891, ne sont pas restées indifférentes auxproblèmes posés par l’économie, le social et ledéveloppement de l’humanité. Lors de la Conférenceœcuménique de Bâle en 1989, elles ont rappelé que la justice,la paix et la sauvegarde de la création étaient indissociables.Sur les sujets éminemment sensibles de la bioéthique, l’Égliseécrivait en 2008 : « Attirée par l’agir technique pur, la raisonsans la foi est destinée à se perdre dans l’illusion de sa toutepuissance. La foi sans la raison risque de devenir étrangère àla vie concrète des personnes. » (Congrégation pour ladoctrine de la foi, Instruction Dignitas personae sur quelquesquestions de bioéthique, 8-9-2008)

L’encyclique Caritas in Veritate parue en 2010 est un messageuniversel d’espérance : l’humanité a le devoir et les moyensde maîtriser les dysfonctionnements qu’elle a pu engendrer.Benoît XVI nous rappelle que nous devons participer, là oùnous sommes, au développement intégral de l’homme, « c'est-à-dire promouvoir tout homme, et tout l’homme » (chap. 18).

Le mot intégral, déjà utilisé par des prédécesseurs de BenoîtXVI, signifie l’unité des dimensions temporelle etspirituelle. Cette unité engage les chrétiens à ne pasdissocier leur foi de leur comportement quotidien et imposela primauté de la personne humaine sur la société et le

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politique. Les organisations collectives doivent en effets’inspirer de cette dignité inaliénable de l’homme et être à sonservice.

La dimension spirituelle du développement intégral del’homme conduit au premier grand défi du XXIe siècle : undéfi d’ordre spirituel, mais aussi éthique, éducatif etculturel, défi que nous devons relever dans le respect de lavérité, de la liberté et de la dignité de la personne humaine.Bien que la condition et les besoins des habitants du Nord etdu Sud soient encore aujourd’hui différents, tous lesdécideurs doivent prendre en considération la soif detranscendance des personnes, tant au Sud qu’au Nord.

Synthèse actualisée de Rerum Novarum et de PopularumProgressio, Caritas in Veritate tient compte de « l’explosionde l’interdépendance planétaire » (chap. 33) et Benoît XVIsouligne que le développement intégral de l’homme,aujourd’hui et demain, ne peut se réduire aux seuls facteurséconomiques : « Il n’y a pas de développement plénier et debien commun universel sans bien spirituel et moral despersonnes. » (chap. 76) Ce constat rejoint les analyses sur lesbesoins primordiaux de l’homme, qui ne se résument pas àl’accès à la santé, à la sécurité matérielle ou même à un travaildécent, mais passe par la reconnaissance sociale, lesrelations humaines, la démocratie et la religion ou laspiritualité.

Cette responsabilité ne concerne pas seulement leschrétiens, elle concerne aussi tous les humanistes et tous leshommes de bonne volonté, c’est pourquoi nous ne pouvonsla passer sous silence.

Chrétiens en situation de responsabilité, nous devonsdéterminer ce qui est en notre pouvoir pour relever les défisqu’engendre la dynamique du développement. L’espérancechrétienne ne peut se limiter à notre propre recherche del’essentiel auquel nous appelle notre foi. Ces signes destemps et leurs conséquences nous interrogent sur l’avenir del’humanité et sur la place de l’homme dans la sociétéd’aujourd’hui et dans la société de demain. Les décideurschrétiens, prophètes et rois, ont le devoir d’être des veilleurset d’alerter lorsque l’économie libérale porte atteinte à lapersonne ou au bien commun, mais aussi le devoir de

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continuer d’être les promoteurs de la création de richesses. Ilssont à la fois « dans le monde » pour assurer la pérennitééconomique de l’organisation mondiale actuelle, ce qui lesoblige à être pleinement solidaires de leurs contemporains,mais « pas du monde » car ils portent en eux une vision del’avenir donnée par Dieu qui les pousse à rechercher leurconversion personnelle, à agir avec amour à l’égard des plusfaibles, à rester libres face aux idoles, pouvoir et argent, et àtémoigner de l’essentiel gratuit, leur espérance, au-delà dessecousses bonnes ou mauvaises de leurs projets humains.

Nous sommes appelés à « vivre autrement », mais si demainnous vivrons autrement parce que la science et la techniqueseront passées par là, nous n’aurons pas relevé pour autantle premier défi et conduit l’homme vers son développementintégral.

Le théologien protestant Karl Barth (1886-1968) disait que lepasteur devait avancer dans le monde « la Bible à la main etle journal dans l’autre ». Ce qui signifie que la lecture dujournal doit se faire à la lumière du message de l’AncienTestament et de l’Évangile.

- Un défi politique, scientifique, industriel et organisa-tionnel

Benoît XVI rappelle aussi la dimension temporelle dudéveloppement intégral de tous les hommes : « Par le termede “développement”, il (Paul VI) voulait désigner avant toutl’objectif de faire sortir les peuples de la faim, de la misère,des maladies endémiques et de l’analphabétisme. » (chap. 21)Paul VI qui, à la tribune de l’ONU en 1967, prononça cetteparole désormais historique : « Le développement est lenouveau nom de la Paix. » Et Benoît XVI ajoute que ledéveloppement, compris au sens humain, est « le cœur dumessage chrétien » (chap. 13), et plus loin que « L’idée d’unmonde sans développement traduit une défiance à l’égard del’homme et de Dieu. » (chap. 14)

Ces précisions d’inspiration chrétienne sur le contenu de lanotion de développement ont pour conséquence ledeuxième grand défi du XXIe siècle :

Comment l’incontournable développement industriel despays du Sud, qui concerne aujourd’hui 6 milliards

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d’hommes et demain 7 ou 8 milliards, pourra-t-ils’effectuer sans conduire à des tensions conflictuelles etdes pénuries de ressources naturelles menaçant la paixet la justice, et sans des atteintes irréversibles àl’environnement, en particulier à la biodiversité, quipourraient aller jusqu’à compromettre la survie del’humanité ?

Cette question, brûlante d’actualité, qui nécessite desréponses urgentes et d’ampleur planétaire, est rarementposée ainsi dans les pays du Nord par les médias et encoremoins par les hommes politiques qui préfèrent, en général,s’intéresser aux effets à court terme des désagréments deproximité qui en découlent pour leurs électeurs et occulter lesproblèmes de long terme posés par le développement despays du Sud, au même titre que des pays du Nord.

Les réponses à ce deuxième défi sont d’ordre politique,scientifique, industriel et organisationnel. Ce n’est pas enfaisant appel à la spiritualité, à la morale et à la vertu que l’onpourra convaincre 6 à 8 milliards d’hommes de renoncer audéveloppement économique qui, seul, peut apporter lanourriture, les soins et un toit pour les plus démunis dans lespays du Sud, et le confort « occidental » aux habitants desBRICS qui en rêvent. Ce deuxième défi concerne en premierlieu les politiques et les industriels du Nord, car pour quelquesannées encore, ce sont les pays du Nord qui sont lespremiers consommateurs d’énergie et de ressourcesnaturelles et ce sont eux qui possèdent le savoir et lesressources financières pour faire évoluer les produits deconsommation et d’investissement ainsi que leur mode deproduction.

Le deuxième défi concerne, en matière d’environnement,principalement trois domaines : l’énergie et le climat, lespénuries de ressources naturelles et les atteintes à labiodiversité. L’ampleur du risque, dans chacun de cesdomaines à lui seul, est une condition suffisante pour justifierun changement de paradigme organisationnel et industriel auniveau mondial.

Néanmoins, pour des chrétiens dirigeants d’entreprise,aucune réflexion stratégique ne devrait être menée pourapporter des solutions au deuxième défi sans la prise encompte du premier.

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- L’énergie et le climat

Sans énergie, pas de développement. Aujourd’hui, 80 % del’énergie primaire est d’origine fossile, dont la combustionlibère du gaz carbonique, principal gaz à effet de serre, dontl’accroissement de la concentration dans l’atmosphère a pourconséquence un accroissement du réchauffement climatiqueque plus personne ne conteste, même si d’autres facteurscomme l’activité solaire peuvent en être aussi la cause. Enquelques dizaines d’années, une picoseconde de l’histoire dela terre, l’humanité est devenue un agent géologique.

Les experts du GIEC invitent les gouvernements à réagir sanstarder pour construire un monde « dé-carboné ». Dans cecontexte, les nouvelles découvertes de carbone fossilerendent de moins en moins crédible toute solution par les loisdu marché (ce qui devient rare devient cher, donc ouvre àl’émergence de solutions alternatives). Or, il y a urgence à agir,les scientifiques disent qu’il est déjà trop tard pour espérerlimiter l’élévation de la température moyenne de la terre à 2°C(l’un des thèmes du prochain rapport du GIEC en 2014).

Aujourd’hui, le risque d’une nouvelle rupture se manifestantpar une amplification de l’accroissement actuel de latempérature n’est pas inenvisageable, si l’augmentation encours provoquait le dégagement des milliards de tonnes deméthane en état métastable dans les hydrates piégés au fonddes océans et dans le pergélisol (permafrost), méthane dontle pouvoir de réchauffement est 25 fois plus élevé que celuidu gaz carbonique.

- Les pénuries prévisibles de certaines ressources naturelles

La Chine achète, entre autres, des terres en Afrique, desmines en Indonésie ou en Afghanistan et se dote d’unemarine de guerre et d’une aviation impressionnantes pour nepas laisser aux États-Unis le monopole du contrôle des cinqdétroits où doivent passer obligatoirement les bateaux qui lesapprovisionnent en matières premières stratégiques. CertainsÉtats s’approprient l’eau des fleuves.

La pénurie ou l’accaparement de ressources naturelles ontdéjà conduit à des guerres et pourraient conduire à un chaosgéopolitique dramatique pour l’humanité. Si le libre accès aux

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ressources non renouvelables, le recyclage des matièrespremières et la réduction simultanée et drastique de notredépendance au carbone fossile ne sont pas assurés dans lesdécennies à venir, l’humanité risque de se fragmenter enforteresses égoïstes et concurrentes, compromettantgravement la paix et la justice dans le monde.

L’enjeu est essentiel : « L’accaparement des ressourcesénergétiques non renouvelables par certains États, groupesde pouvoir ou entreprises constitue en effet un grave obstacleau développement des pays pauvres. » (Caritas in Veritate,chap. 4)

- Les atteintes irréversibles à la biodiversité

Le nombre d’espèces actuellement vivantes ne représenteguère qu’1 % de toutes celles qui ont vécu sur la terre depuisles origines de la vie. L’extinction des espèces est unphénomène naturel et régulier, de l’ordre d’une espèce surmille par millénaire. À l’extinction de routine se sont ajoutéescinq grandes crises ayant exterminé de 12 à 75 % desfamilles et jusqu’à 95 % des espèces, la plus connue étant ladisparition des dinosaures il y a 65 millions d’années. Lacicatrisation des grandes crises nécessite plusieurs dizainesde millions d’années. Or, le taux actuel d’extinction est 100 à1000 fois plus rapide que le taux naturel. Dans les océans,l’abondance des grands stocks à l’échelle mondiale a étédivisée par dix. Tous les records de taille des poissons sontantérieurs à 1940, apportant la preuve de la disparitionsystématique de la faune marine.

Les causes des extinctions d’espèces et del’appauvrissement des fonctions éco-systémiques sont lasurexploitation des stocks, la transformation des habitats(notamment due à l’urbanisation et aux défrichagesagricoles), les intrants chimiques, l’invasion biologique et lechangement climatique (Jacques Blondel - Conférence desévêques de France, juin 2010).

Il est évident que, si nous ne faisions rien, nous entrerionsdans l’ère d’une sixième grande crise.

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DEUXIÈME PARTIELe Développement durable

1 - Finalités

- Définition

Quelles sont les voies d’action possibles face à de tels défis ?

La seule réponse crédible apportée aujourd’hui pour releverces défis est le concept de Développement durable quipropose :

- de découpler le développement de ses effets pervers, derompre le lien existant souvent actuellement entre crois-sance économique et dégradation de l’environnement,consommation des stocks de matières premières, pollutions, réchauffement climatique et atteintes à la biodiversité ;

- d’assurer du mieux possible le respect de chaque hommeainsi que le bien-être des populations actuelles et des générations futures.

Dans les années 60, le Club de Rome propose l’arrêt de lacroissance en affirmant que le développement des pays duNord n’est ni généralisable aux pays du Sud ni durable. Lacommunauté internationale prend conscience des enjeuxenvironnementaux, les scientifiques se mobilisent, les ONGémergent, les pays du Nord créent des ministères del’environnement (la France en 1971). L’ONU commande uneétude à Madame Brundtland, premier ministre de Norvège.

En 1987, le rapport Notre avenir à tous, dit RapportBrundtland, propose un nouveau mode de développement,le Développement durable : « Un développement quipermet de satisfaire les besoins des générations présen-tes sans compromettre la capacité des générationsfutures de satisfaire les leurs. Deux concepts sontinhérents à cette notion : le concept de besoins et plusparticulièrement des besoins des plus démunis, à qui ilconvient d’apporter la plus grande priorité, et l’idée deslimitations que l’état de nos techniques et de notre

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organisation sociale impose sur la capacité de l’environ-nement à répondre aux besoins actuels et à venir. »

L’homme est au cœur de la définition du Développementdurable. Pour le chrétien, ce développement doit être intégralpour l’homme, pour tout l’homme et pour tous les hommes,aujourd’hui et demain. La hiérarchie des valeurs ne doit pasêtre inversée, ce n’est pas la planète qu’il faut sauver, c’estl’humanité ! Par le mot de besoins, il faut entendre aussi bienles besoins de première nécessité, physiologiques et desécurité que les besoins d’appartenance, d’estime,d’accomplissement et d’épanouissement. Relever le premierdéfi répond à ces exigences.

Bien évidemment, l’humanité ne peut se désolidariser decette planète qui a valeur en soi et qui lui procure lesressources dont elle a besoin. Relever le deuxième défirépond à cette deuxième exigence.

La communauté internationale s’approprie progressivementle concept. En 1992, le Sommet de la Terre à Rio réunit lesdirigeants de 170 pays et les ONG qui prennent acte duréchauffement climatique. Ils signent une convention fixantles objectifs d’éradiquer la pauvreté, de lutter contre leréchauffement climatique et de préserver les ressourcesnaturelles, objectifs en apparence antinomiques. Le Protocolede Kyoto, adopté en 1997, mis en œuvre en 2005, vise ladivision par deux des émissions globales de gaz à effet deserre en 2050 par rapport à 1990. Les pays du Nords’engagent à diviser les leurs par quatre pour permettre auxpays du Sud de doubler les leurs. Cet accord avait pourobjectif de limiter l’augmentation de la température de la terreà 2°C au cours du XXIe siècle. Ce protocole, signé par 160 pays, fait apparaître le bras de fer entre la Chine et lesÉtats-Unis qui ne le signent pas. En 2002 à Johannesburg, leSommet mondial du développement durable renouvelle lesengagements de Rio et les recommandations du RapportBrundtland en validant les trois volets du Développementdurable : le social, l’économie et l’environnement, afin deconstruire un avenir équitable, viable et vivable, c'est-à-diredurablement compatible avec les ressources naturelles etéthiquement défendable (sustainable en anglais).

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Depuis la publication du rapport, l’explosion des échangesdue à la mondialisation conduit à introduire un quatrièmevolet, culturel, qui prend en compte le respect de la diversité,des libertés, des patrimoines locaux et de l’identité ethniqueet religieuse.

En 2010, la conférence de Copenhague confirme la rivalitéChine/États-Unis mais néanmoins, si les conférencessuivantes n’ont pas permis de donner une suite crédible auprotocole de Kyoto, l’espoir demeure de voir les Étatsprendre, dans le temps, des engagements chiffrés à lahauteur des défis.

Les milieux industriels, réticents au début, comprennentl’enjeu et intègrent progressivement la préoccupationenvironnementale dans leur mission. Pour prendre unedécision aujourd’hui, toute personne en situation deresponsabilité doit désormais s’interroger sur l’impact de sadécision en terme de coût, d’efficacité et de risque. Le coûtcorrespond au volet économique du développement durable,l’efficacité au volet social et le risque au voletenvironnemental. L’efficacité y est comprise dans le sens leplus large d’une réponse à la satisfaction des besoinshumains, du bien commun et de l’intérêt général.

Au plan macro-économique, le rapport de la Commission surla mesure des performances et du progrès social, dit RapportStiglitz, consacre l’un de ses trois chapitres auDéveloppement durable et souligne que « le bien-être à venirdépendra du volume des stocks de ressources épuisablesque nous laisserons aux prochaines générations. Il dépendraégalement de la manière dont nous maintiendrons la quantitéet la qualité de toutes les autres ressources renouvelablesnécessaires à la vie. D’un point de vue plus économique, ildépendra en outre de la quantité de capital physique(machines et immeubles) que nous transmettrons et desinvestissements que nous consacrons à la constitution du“capital humain” de ces générations futures, essentiellementpar des dépenses dans l’éducation et la recherche. Et ildépendra enfin de la qualité des institutions que nous leurtransmettrons, qui sont une autre forme de “capital” essentielau maintien d’une société humaine fonctionnantcorrectement. » (Rapport Stiglitz, page 67, §127)

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- Un concept souvent mal compris

Le concept de Développement durable est souvent médiatiséde façon tronquée, partielle, voire caricaturale pour répondreà la sensibilité des citoyens aux préoccupationsenvironnementales de proximité. Malgré les vingt annéespassées depuis Rio, ce concept est souvent « trahi » quandil est trop largement, voire exclusivement synonymed’écologie.

On parle volontiers de défi écologique sans l’associer auxcontraintes de l’économie et du social ainsi qu’au défi dudéveloppement. Ce contre-sens est le plus souvent du à laméconnaissance du concept et des enjeux qui en sont àl’origine. Nous sommes témoins que l’homme de la rue,lorsqu’il est interrogé au cours de micros-trottoirs, ne voitdans le Développement durable que son seul voletécologique. Dans un autre ordre d’idée, nombre deresponsables économiques l’assimilent à des contraintesréglementaires qui entraînent une charge de travail et descoûts supplémentaires, conduisant à une perte decompétitivité.

Au plan mondial, la dimension environnementale prend aussisouvent le pas sur la lutte contre la pauvreté, au désespoirdes dirigeants du Sud. Si l’on observe ce qui se passe depuisRio, force est de constater que les engagements d’aidesfinancières pris par les États du Nord n’ont pas été respectéset que les préoccupations des citoyens du Nord relèvent plusde la peur d’être empoisonnés par l’air, l’eau et la nourriturequ’ils absorbent que par les objectifs du millénaire au profitdes pays du Sud.

Nous devons cependant rejeter sans réserve l’idée avancéepar ceux qui affirment que l’expression « Développementdurable » est un oxymore, c'est-à-dire l’alliance de deux motscontradictoires. Les résultats obtenus dans les pays du Nordgrâce aux règlementations ou aux engagements volontairespris par des entreprises en matière d’environnement montrentqu’il n’en est rien et qu’un développement économique etsocial peut s’accompagner d’un meilleur respect del’environnement.

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- Un regard sur l’écologie

La prise en compte de l’environnement dans le concept deDéveloppement durable nous interroge sur les fondementsphilosophiques et théologiques de l’écologie.

La conscience écologique est antérieure au XIXe siècle, maisc’est au cours des deux derniers siècles que l’écologiesuscite l’intérêt des philosophes et des théologiens et investitle monde occidental. Les courants fondateurs de l’écologiemoderne sont divers. Pour l’historien Hans Jonas(1903-1993), la nature ne pouvait prendre de risque plusgrand que de laisser naître l’homme. Pour le philosophecontemporain Peter Singer et le « spécisme », une personnehandicapée profonde a moins de valeur qu’un singe en bonnesanté. Le philosophe Arne Naes (1912-2009), perçoitl’homme comme un épiphénomène dans un tout qui ledépasse. Pour la mouvance menaçante qu’est la Deepecology, la terre est un être vivant dont l’existence estmenacée par les activités humaines, l’homme est un singematricide et pervers qui s’approprie la nature et la conchie.Pour le New Age, c’est la critique de la société deconsommation, le retour à la sagesse primitive, au mythe dubon sauvage, à Gaia, la Terre Mère. Pour l’hédoniste, la natureest un objet de consommation pour le plaisir exclusif duconsommateur qui se concentre sur son bien-être personnel.L’historien américain Lynn White (1907-1985), se référant à laGenèse, met directement en cause le christianisme qui aplacé l’homme au dessus des autres êtres vivants, adésacralisé la nature et provoqué le saccage de la planète.Pour le penseur de l’écologie politique Ivan Illich (1926-2002),le christianisme fait la promotion de la croissance pourentretenir l’injustice sociale.

Ces raccourcis très simplificateurs n’ont pas la prétention devouloir résumer la pensée de leurs auteurs, ce qui seraitinexact et injuste car ces penseurs ont eu le mérite d’alertersur la dérive d’un anthropocentrisme excessif. Ils montrent ladiversité des courants philosophiques concernant le rapportde l’homme à la nature.

En revanche, il faut acter le fait que la majorité de cesconcepts ont été à l’origine de courants de pensée quis’appliquent à déconstruire tout à la fois le socle de

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l’humanisme et plus particulièrement le socle des traditionsjudéo-chrétiennes.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’émergence del’écologie dans nos sociétés s’est faite en deux étapes. Unepremière étape qui était une alerte lancée par desscientifiques et des économistes alarmés par le non respectdes équilibres naturels et de l’épuisement programmé decertaines ressources naturelles et par des catastrophesnaturelles plus fréquentes ou plus violentes. Merci à eux,personne ne conteste l’intérêt de cette mise en garde, la prisede conscience des risques que court l’humanité est salutaire.

Une seconde étape est en cours, où le meilleur voisine avecle pire, les différents enjeux étant souvent amalgamés, nonhiérarchisés, quelquefois par ignorance, souvent pour en tirerdes profits personnels ou politiques divers et variés.

Le meilleur, c’est l’émergence d’une saine conscienceécologique et l’ensemble des mesures prises au cours desdernières décennies, d’une part, pour commencer à restaurerl’intégrité de la planète là où elle était meurtrie et, d’autre part,pour interdire de nouvelles dégradations de notreenvironnement. Là où le niveau de vie est le plus élevé, laqualité de l’air, de l’eau et des paysages est en constanteamélioration. Grâce aux réglementations mises en place, etsauf exception, le modeste taux de croissance du Nord neconduit plus à une augmentation des pollutions. L’exemplede la qualité de l’air dans les villes européennes estsignificatif : celle-ci s’améliore globalement régulièrementchaque année depuis les années 50 malgré un trafic routiermultiplié par cinq.

Le pire, ce serait le retour à des théories malthusiennes, voireà une peur millénariste qui aboutiraient à récuser tout à la foisla science, le progrès, les valeurs chrétiennes, et àpromouvoir un retour à la nature présenté comme synonymed’âge d’or.

On le constate dans certaines dérives actuelles. Lesinstances internationales, ONU, UNESCO, des gouver-nements en place ou des personnalités comme MichaëlGorbatchev et Al Gore qui font la promotion d’un changementde civilisation peuvent aussi devenir, consciemment ou non,

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le relais de pensées qui travaillent à l’affaiblissement desreligions. La mise en œuvre du Développement durable autravers des Programmes des Nations Unies pourl’Environnement (PNUE) est ainsi fondamentalement orientéeen fonction des valeurs et de l’éthique du décideur et peutsusciter des réserves.

À Rio en 1992, « l’écologisme » a plutôt pris le pas sur ledéveloppement, ce qui n’a d’ailleurs pas été apprécié despays du Sud, et on y a même vu le panthéisme tenter des’imposer comme une nouvelle religion pour un mondeglobal. Le secrétaire général de l’ONU, BoutrosBoutros-Ghali, a conclu son allocution de clôture en cestermes : « Pour les anciens (…) partout dans le monde, lanature était la demeure des divinités. Celles-ci ont conféré àla forêt, au désert, à la montagne une personnalité quiimposait adoration et respect. La terre avait une âme. Laretrouver, la ressusciter, telle est l’essence de Rio. »

Et que dire également de l’assemblée générale des NationsUnies qui déclare le 22 avril « Journée internationale de laTerre-Mère » ? Lors d’une de ces cérémonies à Cochabambaen Bolivie, les responsables ont appelé au respect d’une sériede « droits » dont devrait désormais bénéficier la Terre-Mère !Le chrétien ne peut souscrire au retour de la sacralisation dela nature.

Le risque zéro et la décroissance peuvent paralyser larecherche ou conduire à des utopies dangereuses. Enrevanche, le principe de précaution est nécessaire, car ils’inscrit dans la logique de la maîtrise des risques engendréspar le développement exponentiel des nouvellestechnologies, mais s’il est appliqué sans discernement, ilpourrait priver l’homme de son pouvoir créateur en entravantles progrès de la science. La difficulté se situe dans la miseen œuvre de ce principe : où place-t-on le curseur ?

Les chrétiens peuvent être attirés par des manifestationsd’inspiration écologique qui apparaissent commel’application de valeurs universelles, mais sur le fond, ilsdoivent rester vigilants car ils ne peuvent pas se reconnaîtredans certains paradigmes qui ne sont, ni plus ni moins, quede nouvelles idéologies, voire de nouvelles religions, oùl’homme est noyé dans la nature et la nature idolâtrée.

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Nous pensons de même qu’il serait excessif de réduire lapensée de François d’Assise au chant des oiseaux et aucantique de la Création !

Les hommes n’ont pas à rougir du progrès ni à se défendred’avoir été à l’origine du développement industriel etéconomique. Les acquis sociaux, les soins pour tous etl’espérance de vie qui en découle dans les pays du Nordrépondent par eux-mêmes à certaines accusationsdénonçant l’anthropocentrisme chrétien.

2 - Relever le défi spirituel, éthique, culturelet éducatif

Le Développement durable n’est pas un concept figé, c’estune démarche qui sous-tend une conception éthique de lanature, de la personne et de la société. Pour le chrétien, ledéveloppement de l’humanité ne se réduit pas aux seulsaspects économiques, sociaux et environnementaux. LeDéveloppement durable doit aussi inclure de relever lepremier défi, le défi spirituel, éthique, culturel et éducatif.Benoît XVI nous le rappelle : « Un tel développementdemande en outre une vision transcendante de la personne,il a besoin de Dieu. » (Caritas in Veritate, § 11)

Et il insiste sur cette vision nécessaire : « Exiger des nouvellesgénérations le respect du milieu naturel devient unecontradiction, quand l’éducation et les lois ne les aident pasà se respecter elles-mêmes. Le livre de la nature est unique etindivisible, qu’il s’agisse de l’environnement comme de la vie,de la sexualité, du mariage, de la famille, des relationssociales, en un mot du développement intégral. » (Caritas inVeritate, chap. 51)

- L’information, l’enseignement, la formation

Dans les démocraties, rien ne peut se faire sans lacompréhension des enjeux et l’adhésion des citoyens. Ladynamique des changements nécessaires à la mise en œuvredu développement durable passe d’abord par l’information,l’éducation et la formation.

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La famille, l’école, l’entreprise et les médias sont les vecteursqui permettent la transmission des connaissances et dusavoir « vivre ».

Le berceau de l’éducation est la famille, c’est là que se fera,en premier, la sensibilisation à la frugalité, au respect de lanature et du prochain. Les éco-gestes doivent être enseignés,moins pour leur efficacité, qui est difficilement chiffrable et,en tout état de cause, négligeable, que pour la dimensionpositive qu’ils portent, les valeurs de solidarité dont ilstémoignent et pour leur valeur pédagogique, afin de rappelerla prise en compte de l’environnement et de la solidaritésociale dans les futures activités professionnelles et dansl’invention d’un avenir durable.

Depuis le Grenelle de l’environnement, l’État a inscritl’enseignement du Développement durable dans lesprogrammes de l’Éducation nationale, non pas comme unediscipline à part entière, mais comme une disciplinetransverse fertilisant toutes les disciplines et les appelant àcontribuer au Développement durable. Ainsi le socle commundes connaissances et compétences précise depuis 2006 :« Maîtriser le socle commun, (…) c’est être en mesure decomprendre les grands défis de l’humanité, la diversité descultures et l’universalité des droits de l’homme, la nécessitédu développement et les exigences de la protection de laplanète. »

Au cours de ce long apprentissage, les trois volets duDéveloppement durable doivent être équitablement pris encompte, en expliquant notamment que les dimensionssociales, sociétales, environnementales sont indissociablesde la dimension économique qui en apporte le financement.Il appartient aussi à la famille et à la société civile de veiller,dans les écoles, au contenu de l’enseignement duDéveloppement durable qui n’est pas une science exacte etdont la qualité dépend de l’éthique de l’enseignant aussi biendans le domaine du premier que du deuxième défi. Lesmêmes remarques s’appliquent à l’information diffusée parles médias.

La formation se prolongera dans l’activité professionnelle, enparticulier dans l’entreprise. Les très grandes entreprises onten général une direction Développement durable rattachée à

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la direction générale en charge, entre autres, de veiller à laformation. C’est bien évidemment par la formation dispenséeau personnel que le professionnalisme pourra effectivementfertiliser l’entreprise dans ce domaine. Pour les PME / PMI,c’est au dirigeant qu’il en reviendra la tâche. Ceprofessionnalisme s’apprend, il a un coût et il appartient auresponsable de le budgéter. La diffusion des connaissancesdoit se faire vers les fournisseurs de l’entreprise pour quetoute la chaîne d’approvisionnement soit homogène. Elle doitse faire également vers le consommateur, quand cela estpossible, par une publicité honnête et vraie pour les produitset leur usage.

- La vision de l’Enseignement catholique

La commission permanente de l’Enseignement catholique aadopté le 15 mars 2013 un texte intitulé Une dimensionessentielle de l’éducation- L’éducation à l’universel, audéveloppement, à l’engagement solidaire – Enjeux et repèrespour l’enseignement catholique. Ce texte souligne que « Ladémarche entreprise dans cette réflexion a été de partir del’éducation au développement durable, point incontournabledans la mesure où il est inscrit dans les programmes, pourl’élargir progressivement à ce qui apparaît comme unecontribution essentielle au projet éducatif de l’Enseignementcatholique ».

L’éducation à l’universel consiste à vivre la solidarité etl’engagement ici et là-bas, à éduquer à la paix, à vivre lamondialisation avec un esprit ouvert et à être responsable dumonde et de son développement. Le projet se veut centré surle développement intégral de la personne au cœur de lacréation : « La formation intégrale de la personnalité au cœurdu projet éducatif de l’enseignement catholique incite àpenser la question du développement et son éducation seloncinq dimensions. Ainsi, aux quatre premières déjà citées :économique, environnementale, sociétale, culturelle, il paraîtopportun d’ajouter la dimension spirituelle. »

- Quel sens chrétien donner au concept deDéveloppement durable ?

Au premier chapitre de la Genèse, « Dieu dit : faisons l’hommeà notre image (…) qu’il soumette les poissons de la mer, lesoiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre… » Dieu affirme

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ainsi que l’homme n’est pas un animal comme les autres etque la nature ne doit pas être idolâtrée, libérant ainsil’humanité de toute aliénation vis-à-vis d’elle. Au deuxièmechapitre, « Le Seigneur Dieu prit l’homme et l’établit dans lejardin d’Eden pour cultiver le sol et le garder ». Loin d’êtrecontradictoire avec le premier chapitre, il le complète enaffirmant que la nature doit être reçue comme un don accordéà l’homme pour qu’il en prenne soin en bon intendant. Cesrécits, sans visée historique ou scientifique, sont la réponsejudéo-chrétienne donnée par les sages à l’éternelquestionnement de l’homme sur le sens de son existence.L’harmonie de la création ne se situe pas dans un passémythique, un paradis originel perdu et retrouvé, mais dansune alliance et une promesse en devenir.

Pour la première fois dans une encyclique, Benoît XVI aabordé le rapport de l’homme avec l’environnement naturel,c'est-à-dire avec le troisième volet du concept deDéveloppement durable. Il propose « une sorte d’écologie del’homme » (Caritas in Veritate, chap. 51). En peu de mots, cinqchapitres sur 79 (48, 49, 50, 51, 52), mais l’essentiel est dit.Le chapitre 48 nous appelle à respecter la Création :« (L’environnement naturel) a été donné à tous par Dieu et sonusage représente pour nous une responsabilité à l’égard despauvres, des générations à venir et de l’humanité touteentière. » (chap. 48) Les chapitres 49 et 50 sont consacrés àla problématique énergétique et à la gestion des ressourcesnaturelles et le chapitre 51 associe le respect de la nature aurespect de l’homme.

En effet, protéger le milieu qui nous entoure, c’est aussiprotéger l’homme de sa propre destruction. On observesouvent que c’est là où sévissent l’extrême pauvreté et laguerre que l’environnement subit les atteintes les plus graves.Seuls les pays riches peuvent financer la protection de lanature. Les deux vont donc de pair.

Nous adhérons sans réserve aux valeurs portées parl’écologie lorsqu’elles nous conduisent à prendre en comptela durabilité de la planète et de la vie qui s’y développe. Ilnous appartient de « garder la Création toute entière, labeauté de la création… Soyez les gardiens des dons de Dieu »(Homélie du pape François, 19-03-2013). De même que leConseil économique et social est devenu en France le Conseil

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économique, social et environnemental, Benoît XVI, avecCaritas in Veritate, n’était-il pas sur le chemin de remplacer ladoctrine sociale de l’Église, en réalité doctrine qui était, dès1891, une doctrine sociale et économique, par une doctrinesociale, économique et environnementale ? Les auteurs dece document souhaitent et espèrent que son successeur surle trône de saint Pierre poursuivra dans cette voie !

En revanche, nous considérons que l’écologie n’est plusporteuse des valeurs chrétiennes quand l’idéologie latransforme en « écologisme ». La préoccupation écologiquedoit être associée aux aspects économiques et sociétaux dudéveloppement, sans lesquels elle risque de conduire à despropositions qui, dans le pire des cas, sont irréalistes, voirenuisibles au développement intégral de l’homme et, dans lemeilleur des cas, n’optimiseront pas l’impact coût/efficacité/risque. Benoît XVI s’est exprimé de façon claire etprécise : « Toutefois, il faut souligner que considérer la naturecomme plus importante que la personne humaine elle-mêmeest contraire au véritable développement.» (Caritas in Veritate,chap. 48)

- Un développement porteur d’une immense espérance

« L’action de l’homme au sein de l’univers, et singulièrementl’activité économique qui en fait partie, sont une réponse audessein de Dieu sur lui. L’activité économique a pour finalitéle bien de l’homme, mais en référence au dessein de Dieu età sa gloire. » (Face au défi du chômage : Créer et partager, § 16 - Commission sociale de la Conférence des évêques deFrance - 1988)

La démarche du développement durable peut être, pour lesdirigeants chrétiens, tout autant le résultat d’une conversionintérieure de la conscience se traduisant par une nouvellemanière d’être, que le résultat de l’accès à un savoir capabled’entraîner la volonté d’agir. « C’est l’universalité descomposantes mêmes de la vie de l’homme qui est expriméepar les trois composantes du développement durable : lesocial pour sa dignité, son intégrité physique et morale,l’économie pour ses activités ses échanges, son bien-être etl’environnement pour le patrimoine naturel et culturel del’homme. » (in Tous gagnants, La dynamique dudéveloppement durable, Dominique Bidou, Ibis Press, 2004)

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Le Développement durable nous met sur la voie del’application des principes évangéliques : destinationuniverselle des biens, option préférentielle pour les pauvres,unicité de la communauté humaine et subsidiarité.

La tâche peut paraître hors de portée par l’immensité desenjeux et par l’aveuglement ou l’inertie que l’on observe, maispour des entrepreneurs, n’est-ce pas prodigieusementexaltant et pour des chrétiens, porteur d’une immenseespérance ? « Nous avons besoin de voir la lumière del’espérance et de donner nous-mêmes l’espérance. Garder laCréation, tout homme et toute femme, avec un regard detendresse et d’amour, c’est ouvrir l’horizon de l’espérance,c’est ouvrir une trouée de lumière au milieu de tant de nuages,c’est porter la chaleur de l’espérance. » (Homélie du papeFrançois, 19-03-2013)

Le Développement durable est l’expression de la solidaritédes riches vis-à-vis des pauvres, des pays du Nord vis-à-visdes pays du Sud et des générations actuelles vis-à-vis desgénérations futures. Cette solidarité ne doit pas se concevoircomme un transfert d’argent, mais comme la mise en placed’investissements, le transfert de technologies et la formationdes hommes qui seront localement chargés de leur mise enœuvre.

Comme pour les pays du Nord, le développement des paysdu Sud a son origine dans l’activité des entreprises et dans lacréation locale de valeur ajoutée, qui permettent leséchanges de richesses et de biens, fruits de la terre, del’esprit créateur et du travail des hommes. Au Nord comme auSud, le partage de la richesse entre le capital, les salariés etla cité se fait principalement et de façon durable au momentde sa création. Le financement, par la cité, de la redistributiondans les domaines régaliens, sociaux, éducatifs, sanitaires,et de l’aménagement de la cité ne peut être pérenne que s’ila son origine dans les prélèvements sur les richessesproduites localement. Il ne faut pas compter simplement« prendre aux riches » pour donner aux pauvres. De même,« prendre aux pays du Nord » pour donner aux pays du Sud,par un partage des richesses existantes, ne conduit pas lespays du Sud à leur autonomie.

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« On ne peut aujourd’hui se satisfaire de rechercher plus dejustice au moyen du partage, même s’il demeure nécessaire.Il faut de plus combattre l’inertie et le découragement quicompromettent la créativité et l’esprit d’entreprise ; il ne s’agitpas simplement de répartir l’acquis, mais aussi de libérerl’imagination créatrice pour l’augmenter. » (Face au défi duchômage : Créer et partager, § 34 - Commission sociale de laConférence des évêques de France - 1988)

Mais nous devons aussi rappeler que, si le développementéconomique devient fin première et suffisante, il ne sera pasdurable. Il doit permettre l’ouverture à l’essentiel gratuit :l’amour, l’amitié, la beauté, la bonté, l’ouverture à Dieu et auprochain, et être placé en serviteur et non en maître. Lamondialisation et les moyens de communication quil’accompagnent entraînent notre raison, par l’interdé-pendance qui en résulte, à promouvoir l’égalité et unecommunauté globalisée entre les hommes, mais néanmoinssans la foi et la charité elle ne permettra pas l’émergenced’une vraie fraternité indispensable pour atteindre ledéveloppement intégral de l’homme.

Entrepreneurs et dirigeants chrétiens, nous sommes d’abordà la recherche d’une prospérité où l’économie est au servicede l’homme, mais un homme en relation avec les autres etavec Dieu, et nous nous intéressons évidemment à sa miseen œuvre : « Dieu veut un peuple qui, dans l’abondance,continue de mendier sa grâce » et « Être mendiant de la grâcedans l’abondance n’est pas une belle formule rassurante pourla conscience, comme pour le corps, mais une exhortation etun aveu, sans lesquels l’abondance économique engendre lafermeture, l’orgueil et la peur. » (Pasteur André Dumas)

3 - Relever le défi politique, scientifique, industriel et organisationnel

- L’humanité responsable et capable

Croire en Dieu, c’est aussi croire en l’homme et à sa capacitéd’accompagner et de poursuivre la création divine.

Il y a 60 ans, le plan Marshall mobilisait la puissance

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financière et industrielle des États-Unis pour relever l’Europede ses ruines et, il y a 40 ans, les États-Unis mettaient enœuvre toute la puissance de leur technologie pour envoyerun homme sur la lune. Ces deux exemples démontrent que,lorsqu’il existe une vision d’où naît un projet, il s’ensuit uneappropriation populaire et il est alors possible d’atteindre desobjectifs extrêmement ambitieux sur les plan humain ettechnologique.

En quarante ans, le rythme des progrès scientifiques s’estaccéléré et les techniques d’information et de communicationpréparent une nouvelle révolution dans l’organisation detoutes les activités humaines. Au début des années 2000,l’Agence Internationale de l’Énergie affirmait que 54 % del’objectif de réduction des gaz à effet de serre proposé àKyoto pouvait être atteint avec les technologies déjàopérationnelles. Qui peut dire que nous ne disposons pasaujourd’hui des moyens organisationnels et technologiquespour faire muter notre paradigme industriel vers une sociétésobre en carbone fossile, où les matières premières nonrenouvelables seront recyclées, les polluants traités, ladéforestation stoppée, les terres cultivées de façon équilibréepour nourrir l’humanité de demain ?

Dans le paradigme de 1960, il fallait sans doute cinq planètespour faire vivre harmonieusement 9 milliards d’habitants, maisdepuis, le contexte industriel et organisationnel a changé etva continuer de changer probablement plus vite encore.Aussi, gardons-nous de regarder demain avec les yeuxd’aujourd’hui et de raisonner à organisation et technologieconstantes.

Nous avons vu que la disponibilité de l’énergie est le moteurincontournable du développement économique. Contrai-rement à ce qui est perçu par une grande partie de l’opinionpublique, l’énergie primaire existe en abondance. Pétrole, gazet charbon sont pratiquement interchangeables et lesréserves de gaz et de charbon sont encore très importantes.Néanmoins, il faut remplacer au plus vite le carbone fossilepar des énergies non émettrices de gaz à effet de serre et leréserver pour les besoins en atome de carbone de l’industriechimique. Rappelons ici deux sources alternatives : le soleilqui nous envoie chaque seconde environ 8 000 fois ce quetoutes les activités humaines consomment dans le même

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temps et l’énergie géothermique qui est quasi inépuisable. Cequi n’exclut en rien, d’une part, la recherche parallèle del’efficacité énergétique maximale des organisations, procédésde fabrication et produits et, d’autre part, le souci individuelpermanent d’économiser l’énergie.

Malgré l’abondance de ces ressources, des pénuriestemporaires sont toutefois tout à fait envisageables si lesinvestissements sont insuffisants ou mal planifiés. Cetteremarque s’applique aussi à l’exploitation des terrescultivables et aux ressources en eau potable quand celles-cine sont pas équitablement réparties.

La révolution numérique démultiplie les possibilitésd’organiser de façon plus efficace toutes les activitéshumaines. Organiser un espace aérien commun européenréduirait considérablement la consommation de kérosène.Créer une filiale « virtuelle » de deux entreprises travaillant surun même projet réduit les coûts et les délais de mise sur lemarché du produit.

Deux points méritent une attention particulière : l’économiecirculaire et l’économie de fonctionnalité.

L’économie circulaire consiste à organiser un monde sansdéchet en produisant avec des matières recyclées, enutilisant la moindre quantité de matière, en prévoyant uneréutilisation éventuelle des produits et en revalorisant lesdéchets. Le gain n’est possible que dans une économiemature où le stock initial a été constitué, c’est le cas dans lespays du Nord, c’est loin d’être le cas dans les pays du Sud etc’est bien ce qui pose problème.

L’économie de fonctionnalité consiste à remplacer la ventedu bien par celle de son usage. Dans de nombreusessituations, le capital employé, la consommation d’énergie etde ressources naturelles seront moindres.

- Une utopie, la décroissance du PIB

Aujourd’hui, le PIB mondial est réparti approximativementpour 2/3 dans les pays du Nord et 1/3 dans les pays du Sud.En 2050, le PIB mondial pourrait être multiplié par deux et sarépartition inversée : 1/3 pour les pays du Nord et 2/3 pour lespays du Sud. Ces ordres de grandeur donnent une idée de lamutation en cours, des ressources financières qui seront

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investies et des ressources naturelles qui serontconsommées. Le monde entier aimerait remplacer le PIB parun BIB, bonheur intérieur brut. Le rapport Stiglitz a ouvert desvoies, mais nous sommes très loin d’un consensus sur unnouvel indice et, quel que soit celui qui pourrait remplacer lePIB pour mesurer le développement économique et humain,il serait illusoire de penser que les pays du Sud pourraientsortir de la misère autrement qu’en créant localement de larichesse, donc autrement qu’en se développantéconomiquement. Le développement du Sud se fait déjà etcontinuera de se faire par la production et l’usage de biensd’équipement, de biens industriels, de biens deconsommation et de services qui, directement ouindirectement, requièrent énergie et ressources naturelles.

Proposer la non croissance au Sud est injuste et, en tout étatde cause, irréaliste. Proposer une décroissance au Nord quipourrait compenser la croissance du Sud est égalementirréaliste. Il suffit pour s’en convaincre de faire le calcul encomparant les PIB par habitant et le nombre d’habitants auNord et au Sud et d’y associer, au Nord, la sensibilité du tauxde chômage à la variation du taux de croissance pourdécourager toute tentative dans cette direction : un point decroissance en moins correspond à des dizaines de milliers dechômeurs de plus. Quel gouvernement oserait proposercela ? Quel citoyen serait prêt à l’accepter ?

La décroissance globale est une utopie : les démocraties duNord ne se résigneront jamais à une régression économiqueprogrammée et les dirigeants du Sud ne freineront pas ledéveloppement économique de leurs pays, même s’ils ontune conscience claire des problématiques environne-mentales.

- Le rôle du politique et des pouvoirs publics

L’intervention des États est indispensable quand les lois dumarché ne peuvent, seules, assurer la protection de l’individuou la sauvegarde du bien commun. Il appartient donc auxÉtats de conduire le développement en changeant lesrèglementations quand elles entravent l’action desentreprises dans la mise en œuvre du Développementdurable. De plus, l’autorité politique a une missiond’animation, de soutien et de contrôle des activités

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économiques afin d’atteindre les objectifs fixés à Rio et àKyoto. Les États ont la responsabilité de favoriser larecherche et le développement de nouvelles technologies oude nouveaux produits, quand leur rentabilité est soit aléatoire,soit trop lointaine. Ils doivent veiller également à ne pascompromettre la survie des entreprises nationales. Ils peuventen outre négocier et signer avec les entreprises desengagements contractuels mettant en œuvre les meilleurespratiques.

Les États ont également le devoir de se rapprocher pourinstituer, dans le respect du principe de subsidiarité, desrègles de gouvernance mondiale afin d’éviter les distorsionsde concurrence.

Il faut aussi que les hommes qui nous gouvernent soientlucides et pragmatiques, qu’ils évitent la démagogie. Desindustries disparaîtront, d’autres apparaîtront. Il est vain decroire que l’on peut maintenir en vie une industrie qui n’a plusles moyens d’être concurrentielle ou dont le marché disparaît.Dans ces conditions, l’État ne doit pas faire de l’acharnementthérapeutique pour maintenir artificiellement en vie uneindustrie condamnée. En revanche, l’État et les dirigeants del’entreprise concernée ont le devoir de se préoccuper del’avenir des employés dont l’emploi disparaît et tout faire pourque ces hommes et ces femmes trouvent une reconversion.Un seul exemple : le recyclage de l’acier a pourconséquences la fermeture de mines de fer et de hautsfourneaux, mais en « compensation » la construction denouvelles aciéries électriques.

Manifestement aujourd’hui, les crises financières récentes,dues à la complexité et à la dérégulation excessive de lafinance internationale, dont les effets ont été accentués parles technologies de l’information et de la communication et lamondialisation des échanges, ainsi que les exigences derentabilité à court terme des capitaux, sont des obstacles à lamise en œuvre du Développement durable. Seuls les Étatspeuvent changer les règles du jeu dans ces domaines par lesréglementations, les incitations, les taxes. La finance doit êtreencadrée pour être au service de l’économie, économie quidoit être elle-même au service de l’homme. C’est le rôle desrégulateurs.

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Nous approuvons également sans réserve Al Gore quand ilpropose au début des années 90 un nouveau « PlanMarshall » pour venir en aide aux pays du Sud, plan qui auraitle mérite supplémentaire, comme son prédécesseur pour lesÉtats-Unis, de sortir les pays du Nord des situations de crisedues au sous-emploi de l’outil industriel et des hommes. À condition bien sûr que ce plan aboutisse à donner descannes à pêche et non des poissons aux peuples qui veulentse nourrir !

- Le rôle de l’entreprise

La mission première de l’entreprise n’est ni charitable, niphilanthropique. Sa première mission a été de tout tempséconomique et sociale : l’investisseur, qui y risque son argent,le dirigeant et les employés, qui créent la valeur ajoutée, sontà l’origine de la richesse, dont dispose ensuite le pays pourfinancer la protection sociale, la santé, l’éducation, la sécuritéet les conditions de vie des citoyens. Les gains deproductivité sont générés dans l’entreprise et contribuent àaugmenter le pouvoir d’achat de ceux qui disposent d’unrevenu. À cette mission traditionnelle s’ajoute désormais defaçon incontournable une responsabilité à l’égard del’environnement et à l’égard d’autres parties prenantes :clients, fournisseurs, cité, etc.

Les entreprises ont ainsi une responsabilité particulière pourla mise en œuvre du Développement durable, tout d’abordparce que ce sont elles qui vont diffuser les découvertes dela science et du savoir-faire technologique, dont elles sont enquelque sorte les courroies de transmission, ensuite dans leseffets de leur mode de production, et enfin dans la prise encompte de l’impact des services proposés et des produitsfabriqués sur l’environnement. Ceci ne conduit pas àrenoncer à tout développement, à toute croissance del’activité, mais à en revoir les modalités, en raison même dela rapidité des progrès potentiels et des effets collatérauxbénéfiques ou quelquefois pervers de technologiesinsuffisamment maîtrisées.

Les chefs d’entreprise doivent désormais montrer l’exemple,compte tenu de leurs responsabilités et des moyens dont ilsdisposent. C’est principalement les produits et servicesdispensés par les entreprises qui changent le mode de vie

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des hommes et c’est aussi par elles que seront mises enœuvre les économies circulaires et de fonctionnalité pour faireplus et mieux avec moins. En corollaire de ce constat, lesclients sont de mieux en mieux informés sur l’impact de leurconsommation sur l’environnement et de plus en plusdésireux d’en limiter les effets pervers. Ainsi, les entreprisesdisparaîtront si elles ne prennent pas en compte cechangement de paradigme dans leur stratégie.

Les entreprises joueront un rôle fondamental dans la mise enœuvre du Développement durable par l’exemplarité qu’ellesmanifesteront pour la prise en compte des deux défis àrelever. Cette exemplarité commencera avec l’attitudepersonnelle du dirigeant, elle se prolongera ensuite dans ladéfinition de la mission de l’entreprise, son organisation (lamajorité des très grandes entreprises ont une directionDéveloppement durable rattachée à la direction générale) etl’attention prodiguée à l’examen des moyens de production etdu cycle de vie des produits. C’est bien évidemment par laformation dispensée au personnel de l’entreprise que leprofessionnalisme pourra effectivement fertiliser tous cesdomaines. Ce professionnalisme s’apprend, il a un coût et ilappartient au chef d’entreprise de le budgéter.

La diffusion de ces connaissances doit se faire égalementvers les fournisseurs de l’entreprise pour que toute la chaîned’approvisionnement soit homogène, et vers les clients afinque l’usage des produits corresponde au cahier des chargesdu concepteur.

Le document du Conseil pontifical Justice et Paix La vocationdu dirigeant d’entreprise - Une réflexion présente ainsi le rôlede l’entreprise :

« Les bonnes décisions d’affaires sont celles qui sont ancréesdans les principes sociaux de fond, tels que le respect de ladignité de la personne humaine, le service au bien commun etune vision de l’entreprise en tant que communauté depersonnes. Des principes concrets permettent au dirigeant decentrer son activité sur :

- La production de biens et la prestation de services qui ré-pondent à de véritables besoins humains tout en assumantla responsabilité quant aux coûts sociaux et environnemen-taux de la production, de la chaîne d’approvisionnement et

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de celle de la distribution (en agissant au service du biencommun et en restant attentif aux occasions d’agir au ser-vice des pauvres).

- L’organisation d’un travail productif et porteur de sens, c'est-à-dire qui reconnaît la dignité humaine des salariés et leursdroits et devoirs de s’épanouir dans leur travail et qui prévoitl’aménagement des conditions de travail à la lumière de lasubsidiarité permettant aux salariés d’accomplir leurs tâchesau meilleur de leur capacité en leur donnant les bons outilset de la confiance.

- L’utilisation judicieuse des ressources en vue de générer desrecettes ainsi que du bien-être, de produire des richessesdurables et de les distribuer équitablement : un juste salairepour les employés, des prix équitables pour les clients etfournisseurs et des gains justes pour les propriétaires. »

- Le rôle de la société civile

Le Développement durable est à notre portée. En démocratie,la chose publique est confiée aux citoyens et nécessite queceux-ci comprennent ce qui est nécessaire pour le bien detous les hommes et comprennent l’enjeu pour avoir la volontéde s’engager. Avoir personnellement la volonté d’agir et ledire est déjà un acte important pour la mise en œuvre d’undéveloppement durable. Il est important de faire partagercette vision et cette volonté en toute objectivité en se formant,en s’informant, en informant, en enseignant. C’est ainsi queles citoyens pourront accepter, le cas échéant, sans révolte etsans regret des mesures qui pourraient être impopulaires.Une bonne information et l’éducation des citoyens sur lesvrais défis sont incontournables pour pouvoir les relever.

Les citoyens peuvent agir dans les démocraties en pesant surles choix politiques des gouvernements, mais la faiblesse denos démocraties réside aussi dans les risques de démagogiedes partis politiques qui peuvent vouloir exploiter ainsi desniches de savoir et de croyances, qui se limitent à l’universimmédiat de chacun, et se garder de faire œuvre éducativesur les vrais enjeux planétaires. Le politique, à l’écoute del’électeur, ne prendra pas généralement de décisionscontraires au verdict des urnes. De même, les services demarketing des entreprises, à l’affût des désirs desconsommateurs, ne proposeront des produits plus

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respectueux de l’environnement que s’il existe des acheteurspotentiels ou des contraintes réglementaires.

Le citoyen peut également dans ses placements financiersfavoriser les entreprises qui, par leur comportement,contribuent le mieux au Développement durable. Dans lesOPCVM qualifiées Investissement Socialement Responsable,le choix des émetteurs tient compte à la fois de critèresfinanciers et de critères extra financiers dits ESG,Environnement Social et Gouvernance. Seules sont retenuesles entreprises ayant les meilleurs comportements. La gestionISR s’accompagne d’un questionnement qui permetl’amélioration des acteurs.

Les citoyens, selon leurs compétences, ont également ledevoir de participer aux grands débats démocratiques àl’initiative ou non des pouvoirs publics : nanotechnologies,transition énergétique, débats éthiques sur la vie, la mort, laprotection des enfants…

Les syndicats et les ONG sont aussi des parties prenantes etdes contrepoids utiles, qui ont le devoir d’alerter sur lesrisques et les excès, tant au plan économique et socialqu’environnemental, et leur rôle est positif lorsques’établissent une écoute et un dialogue avec l’entreprise.

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TROISIÈME PARTIEMise en œuvre

du Développement durable

1 - Norme ISO 26000 et responsabilité sociétale

- Un contexte international

Le Développement durable concerne toutes les organisationset chacun d’entre nous. Sa mise œuvre est une responsabilitésociétale. L’appropriation du concept de Développementdurable par les acteurs avance de façon chaotique, maisnéanmoins avance : des signataires s’engagent, mais neréalisent pas, souvent l’argent public ne suffit pas à fairechanger de trajectoire, mais heureusement le marché,production et services, apparaît comme une voie performantequi passe aux réalisations. De nouvelles réglementations,volontaires ou obligatoires, internationales ou nationales semettent en place. Dès le Sommet de la terre à Rio en 1992,l’Agenda 21 (21 pour XXIe siècle) trace la voie en élaborant unguide destiné aux pouvoirs publics. Des normes thématiquessont instituées, ISO 14001 pour l’environnement, SA 8000pour le social, ISO 50001 pour l’amélioration de l’efficacitéénergétique… En 1997, le lancement de la Global ReportingInitiative (GRI), puis en 2001 la loi NRE en France sur lesNouvelles Régulations Economiques instituent des lignesdirectrices pour l’élaboration de rapports de développementdurable par les entreprises. En 1999, Kofi Annan à Davoscontourne le dogme de la souveraineté nationale enproposant aux patrons de multinationales de signer le Pactemondial (Global Compact), dix engagements portant sur lerespect des droits de l’homme, les normes du travail etl’environnement.

- L’élaboration de la norme

La prise de conscience de l’universalité du concept dedéveloppement durable conduit, en 2005, au lancement del’étude de la norme ISO 26000, fortement inspirée del’initiative française SD 21000 qui proposait dès 2003 un

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guide pour la prise en compte du Développement durabledans la stratégie et la gouvernance des entreprises.

L’implication des différents acteurs dans la recherche derègles pour une conception mondiale de la responsabilitésociétale, pour une méthodologie commune et unegouvernance internationale s’est faite progressivement :limitée aux gouvernements et aux organismes internationauxau sommet de Johannesburg et pour la signature de laconvention Climat, elle s’est progressivement étendue àtoutes les autres parties prenantes.

L’élaboration de la norme ISO 26000 a suscité un débat surla conception de l’entreprise et le rôle de l’entreprise dans lasociété. Elle a impliqué syndicats, entreprises, ONG,scientifiques, consultants et consommateurs, 90 pays,40 organisations, 426 experts et 170 observateurs.

La norme ISO 26000 est une étape d’un processus impliquanttous les acteurs pour conduire à des principes degouvernance internationale. Elle apporte une synthèse dedeux visions différentes : d’une part, la conception américainede logique contractuelle s’appuyant sur des principeséthiques et la négociation entre parties prenantes d’oùémergerait de façon spontanée le bien commun, d’autre part,la conception européenne de logique institutionnelleconsidérant la responsabilité sociétale comme le moyen demettre en œuvre le Développement durable. La norme estfondée sur des textes négociés, elle implique plus et« mieux » d’État.

La responsabilité sociétale se définit selon cette normecomme la responsabilité d’une organisation vis-à-vis desimpacts de ses décisions et de ses activités sur l’individu, lasociété et l’environnement, se traduisant par uncomportement éthique et transparent qui contribue auDéveloppement durable et inclut la santé et le bien-être del’homme et de la société.

La norme s’applique à tous types d’organisations et à toussecteurs d’activité, partout où ils opèrent et dans leur sphèred’influence. Elle est utilisable par des petites, moyennes ougrandes organisations. Elle ne donne pas lieu à certificationpar une tierce partie et elle n’est pas une norme de systèmede management. Elle est stratégique et globale.

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Dans le cas de l’entreprise, on parle désormais deresponsabilité sociétale de l’entreprise.

- La gouvernance de l’organisation

Deux pratiques fondamentales sont nécessaires pourappréhender la responsabilité d’une organisation :

- déterminer les domaines d’actions pertinents à partir desimpacts des activités et des décisions ;

- identifier les parties prenantes et ouvrir le dialogue avecelles sur les impacts qui les concernent.

La gouvernance de l’organisation doit porter des valeursfortes de comportement. Elle est garante de la mise en œuvredes sept principes de responsabilité sociétale suivants :

- Rendre compte

- Être transparent

- Avoir une conduite éthique

- Respecter les intérêts des parties prenantes

- Se conformer aux dispositions légales des pays d’accueil

- Appliquer les normes internationales de comportement

- Respecter les droits humains

La gouvernance de l’organisation doit intégrer la dimensionéconomique et répondre elle-même aux critères qu’elle vacontrôler dans le but de guider les actions et les décisions del’organisation dans les six domaines de responsabilitésuivants :

- Les droits de l’homme

Devoir de vigilance, identifier les situations présentant unrisque pour les droits de l’homme, prévenir la complicité,remédier aux discriminations et aux atteintes vis-à-vis desgroupes vulnérables, respecter les droits civils, politiques,économiques, sociaux et culturels, respecter les principesfondamentaux et les droits du travail…

- Les relations et conditions de travail

Veiller à l’établissement d’un bon dialogue social couvrant les

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relations employeur/employé, les conditions de travail, laprotection sociale et le développement du capital humain…

- L’environnement

Réduire l’usage d’énergie, accroître l’efficacité énergétique,éradiquer les pollutions en les supprimant ou en les traitant,réduire l’usage de matières premières en intégrant desmatériaux recyclés, en proposant des produits recyclables,toutes ces mesures intégrant toutes les parties prenantes…

- Des pratiques loyales

Lutter contre la corruption, veiller à des pratiques loyales deconcurrence, promouvoir la responsabilité sociétale dans lachaîne de valeur, respecter les droits de propriété…

- Les questions relatives aux consommateurs

Rédiger des contrats et informer en matière decommercialisation et d’information de façon loyale. Protégerla sécurité et la santé des consommateurs. Assurerl’après-vente, l’assistance et la résolution des litiges. Protégerles données et la vie privée des consommateurs…

- Le développement et les communautés locales

Investir socialement, créer richesses emplois et revenus.Développer l’éducation et la culture. S’impliquer dans lessyndicats professionnels et dans les politiques dedéveloppement et d’aménagement.

2 - La RSE, responsabilité sociétalede l’entreprise

Pour certains, RSE signifie encore responsabilité « sociale »de l’entreprise. En 2001, la loi sur les Nouvelles RégulationsEconomiques (NRE) en donne effectivement cette définitionqui est due à une erreur de traduction du mot anglais social.Chez les anglo-saxons où est né le concept, social désigne cequi est relatif à l’homme et à la société, c’est-à-dire ce quitouche toutes les parties prenantes de l’entreprise(stakeholders en anglais), alors qu’en français, « social »désigne exclusivement ce qui est relatif à l’homme et à sesrelations dans l’entreprise. Pour respecter la langue française

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et rester dans l’esprit du concept, nous devrions donc parlerde responsabilité « sociale et citoyenne » de l’entreprise maisl’usage veut désormais que le néologisme « sociétal » désignedéfinitivement cette responsabilité étendue.

- Réglementations et engagements professionnels

Le concept de la RSE a été antérieur à l’élaboration de lanorme ISO 26000, mais l’entreprise n’est qu’une organisationparticulière parmi toutes les organisations des activitéshumaines et elle entre donc, avec ses spécificités, dans lecadre des applications de cette norme ISO. La responsabilitésociétale s’appliquera donc à toutes les conséquences desactivités de l’entreprise sur son environnement : matièrespremières, procédés de fabrication, production, produits,usage, devenir et recyclage des produits ; ainsi qu’à ce quitouche l’homme en tant qu’individu : employés, actionnaires,clients, consommateurs ; et l’homme dans sesappartenances à la société et à des entités collectives :fournisseurs, sous-traitants, banques, assureurs, syndicats,État, société civile, communautés locales, associations, ONG,etc. La prise en compte de l’environnement doit s’entendredans son sens le plus large, c'est-à-dire les parties prenantesainsi que la protection de la nature et la sauvegarde desressources naturelles. Il en est de même pour l’aspectsociétal qui inclue le voisinage, le bien commun relatif àl’individu et l’intérêt général relatif à l’humanité dans sonensemble. Les parties prenantes sont variables d’uneentreprise à l’autre, la liste ne peut donc en être codifiée.Depuis 2011, la norme ISO 26000 est un guide pour la miseen œuvre du Développement durable. Comme pour touteautre organisation, elle ne donne pas lieu à certification del’entreprise, mais vise à proposer des guides pour déterminerle champ d’application de sa responsabilité sociétale. Ledéploiement de cette norme, dont l’application dépend de lavolonté du dirigeant, permet d’espérer la réduction desconcurrences déloyales en généralisant les bonnes pratiques.La norme ISO 26000 a été adoptée par une centaine de paysdont, récemment, la Chine.

Au total, la RSE convient bien aux entreprises. Après desannées de pression naturaliste qui tentait d’imposer une seulevision écologique, la mise en œuvre du Développementdurable leur permet de rééquilibrer les trois pôles de l’humain,

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de l’économie et du respect de l’environnement. Soulignonsque nombre de dirigeants n’ont pas attendu la formalisationde ces concepts pour ajouter aux volets traditionnelséconomique et social la responsabilité du voletenvironnemental, mettant ainsi en pratique la RSE commeMonsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir.

Notons qu’il est plus aisé de se sentir partie prenante d’unmilieu naturel lorsque l’on est une PME industrielle ouartisanale immergée dans un territoire ou une région, quelorsque l’on est une multinationale de services dont lesbureaux sont implantés dans un grand ensemble urbain. Quesignifie dans les mégapoles la notion de milieu naturel ou derelation de proximité avec la société qui vous entoure ? Pourles multinationales ou simplement pour les entreprises àétablissements multiples, il s’agit en outre de tenir compte debesoins spécifiques, de réalités diverses et de culturesvariées. On pourrait résumer cela par la prise en compte deterritoires : territoires sur lesquels nous sommes implantés,territoires sur lesquels nous prélevons des ressources,territoires sur lesquels nous distribuons nos produits.

La prise en compte de cette responsabilité fait l’objet deréglementations que les dirigeants d’entreprise doiventconnaître (voir annexes du Medef).

Plus largement, la RSE comme mise en œuvre du concept deDéveloppement durable entraîne pour le dirigeant de revisiterla mission de son entreprise en réexaminant les risques et lesopportunités courues ainsi que les forces et faiblesses quivont apparaître.

- L’engagement du Medef et des fédérations professionnelles

La prise en compte du développement durable par le Medefs’est faite progressivement et l’engagement de sa présidentedurant les cinq années passées, en particulier, a été total :« Je voudrais que le développement durable soit unespécialité de l’offre France, qu’elle soit au cœur de l’offreFrance », déclarait-elle.

De même, cette prise en compte est sans ambigüité danstoutes les fédérations professionnelles. Le déploiement decette norme volontaire permet d’espérer un accroissement

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de la compétitivité des entreprises ainsi que l’améliorationdes relations commerciales internationales.

Les lois du marché sont de plus en plus influencées par descritères sociétaux et environnementaux. Intégrés dans lastratégie de l’entreprise, ils peuvent devenir des atoutsconcurrentiels et non simplement des contraintesréglementaires. La RSE est un moyen de renforcer les profitsde l’entreprise à court, moyen et long terme, c’est bien sûrce qui intéresse le plus le Medef, dont on trouvera lesrecommandations dans le résumé en annexe de deuxdocuments : Reporting RSE. Nouvelles dispositions légaleset réglementaires et Cap vers la RSE. Faire de laresponsabilité sociétale de l’entreprise un levier deperformance.

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QUATRIÈME PARTIELa responsabilité sociétale

du dirigeant chrétien

Notre foi chrétienne implique, bien au-delà, que nous nousposions des questions : « Au nom de Qui faisons-nous toutcela ? » Car de l’esprit dans lequel nous agirons dépendra lesens de notre action et, prioritairement, son impact sur lesautres hommes, nos frères. Option préférentielle pour lespauvres, destination universelle des biens, unicité de lacommunauté humaine et subsidiarité trouvent naturellementleur place au centre d’une démarche RSE. Le chefd’entreprise chrétien ne peut s’abstraire des réalitéséconomiques, mais l’application de la RSE peut et doitdépasser très largement la vision matérialiste que l’on pourraitavoir d’une mise en œuvre du Développement durable. Ilpourra s’engager bien au-delà, en référence à ses valeurs etselon sa conscience. Il est libre en effet de se différencier parla pondération qu’il affectera aux critères de la norme ISO26000 dans son business model.

L’être humain naît dans une famille, où il est élevé et où ilgrandit, il est instruit à l’école et pour le chrétien par l’Égliseafin, ensuite, de s’intégrer dans une communauté où,conscient de ce qu’il a reçu de ses parents, de ses maîtres,de la société, il devra donner en conséquence pour contribuerau bien-être des hommes et au bien commun. Il aura undevoir de vérité, d’efficacité, d’espérance et de charité. Lechef d’entreprise n’est pas différent de tout homme,seulement le Christ lui rappelle dans Luc 12, 49 : « À qui onaura donné beaucoup, il sera beaucoup demandé et à qui onaura confié beaucoup on réclamera davantage. »

Cette injonction retentit de façon toute particulière quand elles’adresse au chef d’entreprise. Celui-ci dispose en effet depouvoir et d’argent pour animer le capital humain de sonentreprise et porter le projet qui assurera la pérennité del’entreprise. Comme le conseille l’apôtre Paul (1Co 7, 29), « ilen usera comme n’en usant pas ». Ce détachement vis-à-visdes idoles n’exclut pas un engagement sans limite : faire deson mieux, sérieusement, sans se prendre au sérieux.

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Le document du Conseil pontifical Justice et Paix La vocationdu dirigeant d’entreprise - Une réflexion explicite le rôle deschefs d’entreprise pour la mise en œuvre de leurresponsabilité sociétale :

« Les dirigeants d’entreprise peuvent transformer leursaspirations en réalité, en suivant leur vocation, s’ils sontmotivés par un sentiment qui va au-delà de la réussitefinancière. En s’assurant que les dons de la vie spirituelle lesvertus et les principes sociaux éthiques fassent partieintégrale de leur vie et de leur travail. Ils peuvent surmonter ladivision dans leur vie et recevoir la grâce de promouvoir ledéveloppement intégral de toutes les parties prenantes desaffaires. (…)

Lorsqu’elles fonctionnent correctement, et sont axées sur lebien commun, les entreprises et les économies de marchécontribuent grandement au bien-être matériel voire mêmespirituel de la société. Cependant, des expériences récentesont mis en évidence les conséquences fâcheuses quirésultent de l’exploitation dysfonctionnelle des entreprises etdes marchés. (…) Les dirigeants dans le domaine des affairesqui sont guidés par des principes sociaux éthiques traduitspar une vie vertueuse, illuminée dans le cas des chrétiens parl’Évangile, peuvent néanmoins réussir et contribuer au biencommun.

Les obstacles au bien commun existent sous maintes formes :l’absence de règles de droit, la corruption, les tendances versl’avarice, une mauvaise gestion des ressources. Maisl’obstacle le plus important pour un dirigeant d’entreprise estde mener une double vie. La division entre la foi et les activitésd’affaires quotidiennes peuvent entraîner des déséquilibres etun déplacement vers une dévotion à la réussite matérielle. (…)

Nous disposons peut-être de plus de biens privés mais lesbiens communs ont diminué de façon significative. Les chefsd’entreprise accordent de plus en plus d’importance à lamaximisation de richesses ; les salariés tiennent sans relâcheà leurs droits et les consommateurs exigent une gratificationimmédiate pour le prix le plus bas possible. Dans une sociétéoù les valeurs sont devenues relatives et les droits plusimportants que les devoirs, l’objectif de servir le bien communest souvent éclipsé.

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(…) L’Église fait appel au dirigeant d’entreprise pour recevoir,reconnaissant avec humilité ce que Dieu a fait pour lui, et pourdonner, c’est-à-dire entrer en communion avec les autres,pour créer un monde meilleur. Un savoir-faire pratiqueoriente sa façon d’aborder les affaires et lui donne la force derelever les défis du monde, non avec peur ou cynisme, maisavec les vertus de la foi, de l’espérance et de l’amour (…) auservice de Dieu. »

On est bien là au cœur de la mise en œuvre concrète duDéveloppement durable par la responsabilité sociétale del’entreprise.

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ANNEXE 1Afin que cette brochure ne soit pas seulement une réflexionthéorique sur le changement de paradigme auquel sontconfrontées les entreprises, et dont elles seront un desacteurs, nous avons résumé en annexe le contenu de deuxdocuments édités par le Medef que les chefs d’entreprisepourront, s’ils le souhaitent, se procurer pour passer auxapplications pratiques : Reporting RSE. Les nouvellesdispositions légales et réglementaires et Cap vers la RSE.Faire de la responsabilité sociétale de l’entreprise un levier deperformance.

Le Medef ne détient évidemment pas le monopole del’information sur le sujet de la RSE. Les fédérationsprofessionnelles, les consultants, Internet entre autres sontd’autres sources facilement accessibles.

Les deux guides résumés ci-dessous portent un regard nonconfessionnel sur ces dispositions et soulignent les bienfaitsde leur application pour un Développement durable desactivités de l’entreprise, quelle qu’elle soit. Au-delà de larecherche de la performance, rappelons qu’un souci éthiquedoit être également partagé, comme tente de le montrerl’ensemble du document établi à l’intention des entrepreneurset dirigeants chrétiens.

D’autres références plus spécifiquement chrétiennes peuventêtre trouvées dans le guide de l’Uniapac Corporate socialresponsability protocol. Focused on the human person.

Reporting RSE. Les nouvelles dispositions légales etréglementaires (Guide du Medef)

Ce guide, comme le suivant, s’adresse en priorité aux chefsd’entreprise de PME et PMI qui souhaitent engager unedémarche RSE, mais il s’adresse aussi aux collaborateurs degrandes entreprises qui sont tenus de répondre à desobligations légales depuis plus de dix ans et qui souhaitentperfectionner une démarche en cours.

Dès 2001, les grandes sociétés étaient tenues de publier dansleur rapport de gestion des informations sur la manière dontla société prend en compte les conséquences sociales et

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environnementales de son activité. Les lois Grenelle 2 etWarjsmann 4 augmentent le nombre des sociétés concernéeset sévérisent l’ancienne réglementation.

1 - Les nouvelles dispositions réglementaires en matière de RSE

- Extension de l’obligation de publier des informations deRSE à des sociétés dont le chiffre d’affaires, le bilan ou lenombre d’employés dépasse certains seuils

- Extension aux mutuelles d’assurance, coopératives agri-coles, établissements de crédit…

- Obligation de faire vérifier ces informations par un orga-nisme tiers indépendant

- Application différenciée de ces obligations selon les entre-prises

2 - Les échéances de ces obligations

- Pour les sociétés dont les titres sont admis à négociation :1er janvier 2012

- Pour les autres sociétés concernées : 1er janvier 2012, 2013,2014 selon la taille

3 - La nature des informations à publier

Le rapport de gestion doit exposer les actions menées et lesorientations prises pour prendre en compte les conséquencessociétales et environnementales de leurs activités et pouréventuellement remplir leurs engagements en faveur dudéveloppement durable. Les informations peuvent êtrequalitatives ou quantitatives. Les sociétés peuvent s’appuyersur des référentiels existants en matière de RSE, sinon ellesdoivent expliciter les définitions, périmètres et méthodologiesretenus.

- Les informations sociales : emploi, organisation, relationssociales, santé, sécurité, formation, égalité de traitement,respect des conventions de l’OIT

- Les informations environnementales : politique générale,pollution et gestion des déchets, utilisation durable des res-sources, gaz à effet de serre, biodiversité

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- Les informations sociétales : loyauté des pratiques vis-à-visdes parties prenantes, impact des activités de la société surle territoire et les parties prenantes, sous-traitants, fournis-seurs

4 - Correspondance avec les référentiels internationaux de la RSE

Détails donnés dans le guide

Cap vers la RSE. Faire de la responsabilité sociétale del’entreprise un levier de performance (Guide du Medef)

Comment définir une stratégie RSE ? Comment en faire unfacteur de réduction des coûts, d’innovation technologique,sociale, managériale, de réduction des risques, dechangement culturel et comment obtenir l’adhésion del’ensemble du personnel ?

1 - La boîte à outils

- Aides et financements

- Normes, certifications et labels

- Cadres de référence, lignes directrices pour la RSE

- Outils de diagnostic, d’évaluation et de reporting

- Principales dates du développement durable en France

- Liens utiles

2 - Des fiches pratiques

2.1 - Volet environnement- Bilan carbone

- Économie de ressources : eau, papier

- Économies d’énergies : électricité, chauffage carburants

- Bâtiments « durables »

- Tri des déchets, recyclage, valorisation

- Éco conception, analyse du cycle de vie

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- Green IT, informatique verte

- Limiter la consommation et les émissions de la flotte de véhicules

- Optimiser le transport de marchandises

- Optimiser le transport des collaborateurs

- Risques naturels et technologiques

- Protection de la biodiversité

2.2 - Volet sociétal- Santé et sécurité au travail, bien-être en entreprise

- Développement des compétences et formation

- Égalité professionnelle hommes/femmes

- Diversité, handicap et insertion

- Emploi des jeunes et des seniors

- Engagement citoyen des entreprises et des salariés

- Épargne salariale

2.3 - Volet économique, gouvernance- Achats responsables et politique d’approvisionnement

- Produits et services responsables

- Mesurer l’impact des actions RSE

- Mesurer l’évolution de l’état d’esprit du personnel

- L’Investissement Socialement Responsable (ISR) et l’éva-luation extra financière

- L’éthique des affaires, la déontologie et la lutte contre la pol-lution

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ANNEXE 2

Membres du groupe de travail des Entrepreneurs etDirigeants Chrétiens

• Jacques Brégeon

• Bernard Cabaret

• Jean Cayot

• Anne Duthilleul

• François Guiraud

• Thierry du Parc

• Marie-Laure Payen

• Père Pascal Roux

Novembre 2013

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