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Analyse | 07 | 2017 BROKENNEWS Un colloque pour repenser les médias Actes et synthèse de la matinée

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Analyse | 07 | 2017

BROKENNEWSUn colloque

pour repenser les médias

Actes et synthèse de la matinée

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BROKENNEWS - Un colloque pour repenser les médias 3

Le 10 mars 2017, le CPCP organi-sait à l’IHECS (Institut des Hautes Études des Communications So‑ ciales ‑ Bruxelles) le colloque Bro-ken News. Rassemblant autour de la table des citoyens et des acteurs du monde médiatique (journalistes, spécialistes et étudiants en com-munication, associations d’éduca-tion aux médias, acteurs culturels, etc.), la matinée fut l’occasion d’échanger autour des grandes problématiques conditionnant le monde de l’information contemporain.

Ce livret a pour objectif de revenir sur les différents éléments de débat mis en lumière durant l’événement. Il rassemble une brève analyse des cinq théma-tiques clé autour desquelles des tables de discussion se sont déroulées, ainsi qu’une synthèse des interventions de nos invités. Il vise également à susciter la réflexion et à permettre aux lecteurs, sur base de sources et interventions diverses, de prolonger le débat sur leurs rapports aux média, ce qu’ils en at-tendent et ce en quoi ils pourraient s’investir personnellement ou collective-ment.

I. CONSTATS

Les raisons qui ont poussé les organisateurs à organiser cet événement sont multiples. Tout d’abord, un constat alarmant : le lien de confiance qui lie opi-nion publique et médias d’information semble, aujourd’hui plus que jamais, fragilisé. Fruit de la couverture épineuse et brûlante de faits d’actualité hors du commun, de l’amplification considérable du phénomène des fake news et de la multiplication à l’excès des contenus proposés, un sentiment de scepti-cisme pousse les lecteurs les plus assidus à se détourner des sources d’infor-mation traditionnelles.

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Ensuite, un sentiment relatif à une forme de complot médiatique semble ga-gner du terrain, davantage encore auprès des plus jeunes. En conséquence, certains choisiront de se tourner vers des sources d’information soutenant leur propre point de vue, elles‑mêmes à tendance complotistes ou extrêmes.

Enfin, le fossé qui se dessine sous le coup des révélations de scandales entre nos représentants politiques et la société civile impacte également notre rap-port à l’info. Lassés de ces feuilletons sans fin et de ne pas être représentés dans le paysage médiatique, les publics fragilisés, isolés ou en difficulté dé-laissent une information qu’ils considèrent comme pseudo-élitiste.

« J’utilise surtout les réseaux sociaux pour trouver de l’info… » Yasmine, 14 ans

« On nous occupe l’esprit pour nous endormir et nous endoc-triner… »

Tyron, 19 ans

« Il faut trier, à l’heure actuelle. Il y a beaucoup de faux. Beau-coup d’intox. On sent la mise en scène. »

Salim, 20 ans

« La fiabilité n’est pas sûre, on ne nous dit pas la vérité » Frank, 19 ans

« Quand on compare, on remarque qu’il y a de la désinforma-tion »

Chadia, 20 ans

« On se focalise sur les mêmes personnes, on s’intéresse pas à ce que le bas pense. Il faut plus d’églaité. On est noyés d’infos inintéressantes. »

Michèle, 67 ans

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II. INTERVENTIONS

1. Cédric Loriaux – RTBF

Cédric Loriaux (38 ans) est diplômé en Communication, Information et journalisme (ULB). Entré à la RTBF en 2004 comme journaliste sportif, puis successivement journaliste d’info quotidienne générale dans les rédactions régionales de Mons, Charleroi, Namur et Bruxelles, il est désormais le chef d’édition de la rédaction de la RTBF Charleroi depuis juillet 2015. Il a également présenté les journaux parlés sur Vivacité et sur le décrochage de Vivacité Charleroi.

Axée principalement autour des contraintes liées au métier de journaliste, l’intervention de Cédric Loriaux a permis de souligner l’importance du web dans l’évolution des médias d’information. « Lorsque l’on voit l’évolution en dix ans, on se demande où nous en serons en 2027… Grâce au web, les formats de l’info se sont multipliés. Snapchat, Whatsapp, Facebook, tant d’applications qui parlent et plaisent aux jeunes et relaient les médias d’info traditionnels au quatorze ou quinzième rang. » Par conséquent, nous dit‑il, « (…) les codes sont bouleversés, et l’information appartient désormais à des business man de la Silicon Valley …Ou on ne sait pas trop à qui, finalement ! Le problème avec l’information sur les réseaux sociaux, c’est qu’il est difficile d’y trouver un interlocuteur pertinent, qui saura exposer des faits pour le plus grand nombre, de façon objective et pertinente. A cause de ces nouveaux supports, l’infor-mation perd en qualité, la forme réductrice et les formats courts prennent le pas sur le fond, il devient complexe de savoir d’où l’info provient, qui est la personne qui l’a postée en premier lieu. Face à ces nouvelles tendances, nous avons du mal à nous positionner, bien que nous soyons conscients qu’il y a un créneau à prendre dans ces nouvelles technologies. »

Et lorsqu’une participante lui indique qu’il n’est peut‑être pas forcément obli-gatoire de se calquer sur ces modèles (ceux‑ci favorisant une forme de « caté-gorisation » des publics) et qu’une information « différente » aurait sa place, Cédric Loriaux répond : « Aux contraintes de temps de notre métier ‑ nous sommes amenés à devoir résumer des faits très complexes en quelques lignes,

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rendant une prise de recul difficile – s’ajoutent des contraintes d’argent. Nous devons être compétitifs. Pour rester dans la course et continuer d’exister, il faut que nous restions rentables. Nous sommes un média traditionnel, et il faut remplir nos journaux. Et qu’est‑ce qui fait vendre ? Les mauvaises nou-velles. Les médias adorent les mauvaises nouvelles ! Les analyses pointues, ça n’intéresse pas les gens. Regardez les chiffres : les meilleurs tirages, c’est quand il y a des catastrophes. »

2. Catherine Joie – 24H01

26 ans, diplômée en Information et Communication, mas-ter en Journalisme (UCL). Rédactrice en chef adjointe de 24h01 depuis début janvier 2017, à mi‑temps. En paral-lèle : journaliste freelance pour différents titres de presse (24h01, Le Vif, Le Soir). De l’été 2013 à l’été 2016, Cathe-rine était journaliste au Soir pour les questions internatio-nales et européennes. Elle a notamment été en charge du dossier « Asile et Migration » pour Le Soir.

24h01 est un mook : il se situe au croisement entre le magazine et le book. Ce format innovant propose un journalisme narratif, faisant le pari de la slow info à travers des études de fond, une écriture proche du roman et des récits de vie. Catherine Joie, rédactrice en chef adjointe du trimestriel, nous explique la raison qui l’a poussée à rejoindre l’aventure : « L’idée de prendre son temps, d’aller à contre‑courant me plaît. En travaillant comme nous le faisons, nous sortons du matraquage quotidien pour aller vers quelque chose de différent. Faire le choix d’un support papier est également un vrai challenge à l’heure du digital. Mais il y a de la place pour nous sur le marché : nos seuls vrais concur-rents, ce sont les français de Revue XXI. »

« Les contraintes liées à notre production sont assez différentes des autres médias », poursuit‑elle. « Nous sommes plutôt confrontés à une contrainte de talents, étant donné notre format et notre style d’écriture particulier (journa-lisme narratif). L’équipe ne compte que 2,5 contrats à temps plein, il faut donc que nous soyons dans une relation de confiance avec les auteurs avec lesquels nous travaillons. Nous essayons de rencontrer le plus de spécialistes possible pour écrire nos articles, mais cela a également un coût et prend du temps.»

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La question des spécialistes et des personnes à qui donner la parole dans les médias a, par ailleurs, été abordée durant la matinée : « nous rencontrons un maximum de monde, spécialistes, experts, citoyens, tant que ces personnes ont une plus‑value à apporter à nos reportages. Nous relisons ensuite beau-coup en interne puis retravaillons les textes, à plusieurs reprises. Les experts sont donc bien évidemment présents dans le processus, mais surtout en amont. C’est le récit qui transparaît davantage, et le citoyen y sera d’ailleurs bien souvent l’acteur principal. »

Bien que le rythme de publication de 24h01 (un numéro par trimestre) soit relativement faible, Catherine Joie n’en fait pas moins l’éloge de la presse quo-tidienne et locale. Selon elle, « cette presse est un exemple à suivre, ne serait‑ce que dans sa capacité à créer du lien. Les mécanismes qu’elle développe pour tenter de survivre sont parfois critiquables, mais sans cette presse, nous ne survivons pas. Elle est le point de départ à nos enquêtes et reportages à long terme. Elle nous alimente. Nous sommes moins présents sur les réseaux sociaux qu’elle, mais nous nous situons ‑ d’une certaine façon ‑ au bout de sa chaîne. »

Le magazine se vend au prix de 14,50 euros en kiosque. « Un prix élevé pour les publics avec lesquels travaille le CPCP, nous nous en rendons bien compte. Toutefois, nos ouvrages sont soignés, rassemblent plusieurs mois de travail et sont de qualité en termes de fond. Le journalisme de qualité mérite, à notre sens, une rémunération de qualité. L’information a une valeur monétaire. »

3. Hughes Dorzée – Imagine Demain le monde

Hugues Dorzée (45 ans) est diplômé en philosophie et communication (ULg). Il est le rédacteur en chef du maga-zine slow press Imagine Demain le monde (Ecologie, Socié-té, Nord‑Sud) depuis 2014. Auparavant, il fut journaliste pendant 18 ans au quotidien Le Soir (service Politique & Société), et auteur de différents projets d’écriture (nou-velle littéraire, théâtre et cinéma).

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Faut‑il encore présenter Imagine Demain le monde ? Acteur médiatique de référence en Belgique francophone en ce qui concerne l’information Nord‑Sud, l’écologie, la slow info et le journalisme de solution, le bimestriel se veut « positif mais critique », selon son Hughes Dorzée, son rédacteur en chef. « Nous nous opposons à cette fâcheuse tendance à l’info low‑cost, facile, rapide, à bas coût. Nous voulons prendre le temps et nos distances vis‑à‑vis de cette ère du buzz, du spectaculaire, du format court, du journalisme girouette et de l’info kleenex. »

Ce philosophe de formation tient à rester optimiste. « Les généralisations occultent bien souvent des réalités : la presse fait son boulot. La publication des Panama Papers en est, par exemple, une preuve tellement concrète. » Il souligne plus que jamais l’émergence des médias alternatifs dans un certain capharnaüm ambiant : « On parle d’un dialogue de sourds entre info et débat d’idées. Il est vrai, pour avoir vécu l’évolution du métier ces dernières années, qu’une crise de légitimité a fait son apparition avec les nouvelles technologies. Une logique marchande s’est imposée au sein des rédactions et le statut de journaliste se fragilise. Nous nous précarisons, devons être flexibles, polyva-lents, on nous en demande toujours plus et on nous reproche une forme de conformisme dans la manière d’appréhender l‘info. Info qui circule de façon horizontale, la presse ne disant plus ce qu’il doit penser au citoyen. Toutefois, on voit émerger des médias alternatifs, portés par des journalistes qui ont une autre vision du monde. Ces personnes sont indépendantes, désireuses de réinventer le journalisme, passionnées et optimistes. Ils ont simplement besoin de temps.»

Citant Michel Serre, Hughes Dorzée poursuivra : « Il est urgent que les médias puissent renverser l’échelle des vérités. Ils doivent redevenir un lieu de débat sur les enjeux prioritaires, en réaction à la dépolitisation actuelle des débats d’opinion. Les formats innovants sont, dans ce contexte, une arme à double tranchant. Ils sont un danger car la frénésie " sans mémoire " et l’emballe-ment qu’ils provoquent, tout comme les représentations en boucle qu’ils sup-posent, portent atteinte à une info de qualité et à un esprit critique. Mais ils permettent également de revenir à un " temps long ", et offrent des oppor-tunités nouvelles de narration (il cite le BD journalisme) qui sont aujourd’hui plus que jamais nécessaires. Ils peuvent être la clé lorsqu’il s’agira de renouer avec le public. »

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III. LES GRANDS THÈMES DE LA MATINÉE

Outre les références bibliographiques spécifiées, les extraits d’interventions et les citations relayées ci‑dessous sont crédités aux différents participants à la matinée.

1. Experts, citoyens, minorités… à qui donner la parole dans les médias ?

Le métier de journaliste est sujet à diverses contraintes (temps, moyen, ligne éditoriale…) qui influencent l’angle de couverture d’une info et, parfois, le choix des intervenants ou des spécialistes interrogés. Toutefois, ces experts sont‑ils les référents les plus pertinents dans les domaines sur lesquels on les interroge ? Les personnes qui s’expriment dans les médias représentent‑elles réellement la société ? Et faut‑il que ce soit le cas ? De plus, parmi ces experts, le manque de diversité est souvent pointé du doigt, tant du point de vue du genre que des origines ou encore du handicap et de l’âge. À qui donner la parole dans les médias de demain pour que qualité s’accorde avec réalité ?

Quelques pistes de réflexion proposées durant la matinée…

L’Association des Journalistes Professionnels (AJP) a mis en ligne en 2016 la base de données Expertalia, sur laquelle sont répertoriées toutes les personnes spécialistes en fonction d’un algorithme de re-cherche spécifique par l’utilisateur. Cette plateforme a été créée à l’attention des journalistes (aide quotidienne dans leur travail et re-cherche de contacts) et des experts (augmentation de leur visibilité et reconnaissance). Bien que portée sur la diversité, son accès est limité (nécessitant un compte d’utilisateur sur demande argumentée) et ne propose pas de profil citoyen.

http://expertalia.be

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Le compte Twitter national de la Suède est géré par ses citoyens. Chaque semaine, un habitant est proposé par un de ses amis au comi-té de sélection, qui analyse le profil et attribue ou non la responsabilité de gérer le compte du réseau social. Une bibliothécaire a, à ce titre, été amenée à répondre officiellement à Donald Trump suite à ses affirma-tions erronées d’attentats sur le sol suédois en février 2017.

Hivert, A-F., « @sweden, le compte Twitter de la Suède tenu par les citoyens », LeMonde.fr, 21 février 2017

Alors qu’une étude récente envisage les réseaux sociaux comme un « cinquième pouvoir citoyen » tant leur rôle vis à vis de l’information est déterminant dans la critique, la réception et le partage de contenus, d’autres soulignent le fait que 70 % des articles postés sur Facebook ou Twitter ne sont même pas lus par les utilisateurs qui les relaient. Quelle est la valeur d‘un avis citoyen au sein de la collectivité ? Cette valeur est-elle la même dans les médias ? Y a-t-il une confusion entre réseaux sociaux et information d’actualité ?

Dewey C., « 6 in 10 of you will share this link without reading it, a new, depressing study says », WashingtonPost.com, 16 juin 2016

À l’image du Bondy Blog (site web d’information citoyen lancé en France en 2005 puis décliné aussi dans d’autres pays), des opinions et cartes blanches sur certains sites d’information ou encore du travail de terrain de l’associatif, la participation citoyenne dans les médias peut mener à des résultats porteurs de sens. Cette participation est cependant souvent teintée d’engagement, à visée éducative et infor-mative, ou est le fruit d’une démarche revendicative. La participation citoyenne dans les médias est-elle devenue davantage prétexte à un acte de résistance sociale plutôt qu’un comportement sociétal légi-time ?

Linart A., « Le journalisme citoyen n’existe pas », LaLibre.be [Opinions], 30 septembre 2016

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Ce qui ressort des échanges…

Deux nécessités prioritaires ont été soulevées lors des tables de discus-sions liées à cette thématique. D’une part, le besoin de revaloriser la notion de débat, bien souvent associée à des publics dits « élitistes ». « Les citoyens ne sont pas invités aux débats politiques. Que ce soit au sein des institutions fédérées ou lors émissions télévisées, nous ne sommes jamais représentés. C’est fou… Et même au sein des écoles, quels sont les moments de réel débat ? Les cours sont descendants, et les enseignants n’ont pas le temps d’accorder des plages horaires complètes aux discussions argumentées. » Pour contrer ce phéno-mène, la création d’une plateforme « experte » en ligne rassemblant des témoignages de citoyens, des réactions sur des sujets d’actualité ou encore des lieux de rencontre et d’échange (tels qu’un « sénat ci-toyen ») a été soulevée.

D’autre part, un participant a souligné l’importance de combler cer-taines carences en termes de connaissances préalables et d’intérêt chez une maojrité de la population. « Demander à des personnes qui n’y connaissent rien de s’exprimer sur des sujets d’actualité qu’ils ne maîtrisent pas, cela serait presque dangereux. Et imposer un débat à des personnes qui ne veulent pas prendre position ou qui ne sont pas intéressées par certains sujets n’est pas utile non plus. Ce qu’il faut, c’est « donner l’opportunité », tout en assurant des prérequis solides. Les premiers concernés par cette responsabilité sont les éta-blissements scolaires. Qu’attend-t-on pour imposer l’apprentissage du fonctionnement politique de la société dans les classes de secon-daires ? Tant que le citoyen n’y mettra pas du sien pour s’informer de façon pointilleuse sur les événements qui se déroulent autour de lui, je préférerai avoir l’avis de spécialistes et me forger ma propre opinion.»

La dénomination péjorative de « citoyen » vis-à-vis de celle des « ex-perts » a également été soulignée et mise en cause, mettant en lumière la perpétuelle hiérarchisation des intervenants dans la profession jour-nalistique. Faut-il être expert pour parler dans les médias d’info ? Être citoyen et expert est-il fondamentalement incompatible ? Pourquoi le concept de citoyenneté est-il si difficile à valoriser aujourd’hui ?

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2. Info et débat d’idées : un dialogue de sourds ?

Quelques années après l’introduction des espaces commentaires sur les sites d’information, certains sites font marche arrière. En effet, loin du but initial de participation citoyenne au débat public, ces lieux sont parfois devenus un espace de diffusion d’opinions racistes, haineuses ou populistes. Une modé-ration externe, lorsqu’elle existe, semble cependant complexe à mettre en place. Comment, dès lors, faire éclore un débat citoyen en ligne, démocratique et constructif par rapport à l’actualité ?

Quelques pistes de réflexion proposées durant la matinée…

Extrait d’un communiqué de France Info, quelques heures après la publication d’une vidéo couvrant la fuite de migrants vers la France (octobre 2016) et ayant suscité une déferlante de réactions violentes sur les réseaux sociaux : « Il y a la loi. Et puis il y a l’esprit. L’esprit, redi-sons-le, c’est celui de permettre au plus grand nombre de s’exprimer. Mais laisser le droit à l’expression n’empêche pas d’avoir un avis. (…) Nous avons fait le choix de ne pas fermer les commentaires sur Face-book mais sur certains sujets, des internautes, sous pseudonymes ou leur véritable identité, font tout pour nous pousser à restreindre la li-berté d’expression. Nous ne voulons pas nous y résoudre mais nous ne pouvons pas laisser dire des choses fausses et laisser publier des pro-pos insupportables sur notre page Facebook sans réagir. »

Valery F., « Certains de vos commentaires sur Facebook sur l’arrivée des migrants dans la région sont insupportables »,

Francetvinfo.fr [France 3], 27 octobre 2016

« (…) Il y a trois ans, en rendant impossible la publication anonyme de commentaires sur nos sites, Le Vif / L’express pensait avoir trouvé une parade à la haine qui envahit trop souvent ces lieux d’échanges. Las, la hargne de certains n’a pas de limite, les plus virulents n’hésitant pas à polluer ces forums à l’aide de faux profils qu’il nous est difficile de

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détecter. (…) Ces différents constats nous ont amenés à la conclusion que notre système de commentaire actuel ne sert pas l’intérêt de la majorité de nos lecteurs. Nous avons donc décidé de les fermer, tout en poussant notre lectorat à continuer d’interagir avec la rédaction (et les autres lecteurs), à l’aide d’opinions ou de courriers électroniques. »

Genot V., « Propos haineux et racistes : Roularta ferme les commen-taires sur ses sites », LeVif.be, 10 janvier 2017

« En cliquant, en likant, est-ce que je contribue vraiment à construire une discussion plus sereine ou est-ce que je ne fais qu’ajouter un tom-bereau d’invectives et créer une situation encore plus illisible ? » Oli-vier Glassey, sociologue et spécialiste des nouveaux médias, déplore le fait que, sur les réseaux sociaux, la réactivité (l’émotif) a désormais remplacé la pertinence (le rationnel). Et plutôt que la formation de l’opinion publique, on a ainsi développé une culture de la participation où l’invective est devenue la règle. Les réseaux sociaux sont-ils un lieu propice au débat et à la participation citoyenne ?

RTSInfo, « Les réseaux sociaux sont devenus «une forme de dépotoir à ciel ouvert» », RTS.ch, 6 février 2017

L’accès à l’information et la possibilité de participer aux débats publics se sont largement accrus grâce au web et aux réseaux sociaux, notam-ment, mais pas de façon équitable. Certains n’hésiteront pas à dire qu’il s’agit là d’une victoire pour la démocratie, mais la technologie, par son aspect exclusif, n’est-elle pas aussi une menace pour la souve-raineté populaire ? « Tous les individus ne reçoivent pas forcément la même information et une partie de la réalité peut être occultée plus facilement. Le débat national est de moins en moins effectif. »

Duval A., « La technologie peut-elle améliorer la démocratie? », RadioCanada.ca, 12 février 2017

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Ce qui ressort des échanges…

Dans un premier temps, l’idée de réaliser des études approfondies en sociologie et psychologie sur ce phénomène a été énoncée. « Avant que les réseaux sociaux ne se développent, ce genre de propos étaient simplement moins visibles. De l’ordre du privé. Aujourd’hui on constate l’apparition de conflits de groupes contre d’autres groupes, parce que les gens s’inventent une identité en ligne et se rassemblent autour de celle-ci. Ce qui m’échappe, c’est l’initiative prise par certains de créer de faux profils sur les réseaux sociaux dans le simple but de partager de la haine ou de monter les gens les uns contre les autres. »

Pour répondre aux commentaires hors-sujet, haineux ou discrimi-nants, il pourrait être envisagé de nommer des modérateurs issus d’entreprises privées au sein des rédactions. En plus de créer de l’em-ploi et de jeunes start-ups, cette proposition améliorerait la qualité des échanges et pourrait redorer l’image d’un média d’information. Les missions des personnes seraient doubles : dans un premier temps, l’objectif serait d’entrer en contact avec les personnes commentant les articles et leur proposer de développer leurs idées à travers une interaction directe avec le modérateur (un système relativement com-parable est déjà développé par l’application Quartz). Ensuite, le modé-rateur répondrait publiquement aux différentes affirmations en ligne par des arguments et sources bibliographiés (ou issus de textes de lois et responsabilisants) dans l’espace de commentaires.

Enfin, l’importance d’instaurer une forme d’éducation aux médias dès le plus jeune âge pour déconstruire les clichés, étayer notre sens de la communication et apprendre à argumenter de façon critique et sans dangers en ligne a été mise en avant par des enseignants présents durant la matinée.

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3. La presse locale, un exemple a suivre ?

Le 9 décembre 2016, MaTélé organise la grande soirée de clôture de son pro-jet #tousàtable visant à dépoussiérer l’image de la presse locale par l’utilisa-tion des nouvelles technologies. Depuis plus d’un an maintenant, la rédaction de Nice‑matin s’est engagée sur la voie du journalisme de solutions… Les exemples de médias locaux qui cherchent à repenser leurs métiers sont de plus en plus nombreux, avec des succès plus ou moins concluants. L’urgence de réinventer la presse transpire de ces initiatives. Un exemple à suivre pour les médias nationaux ?

Quelques pistes de réflexion proposées durant la matinée…

Les médias locaux peuvent parfois paraître un peu ringards ou pous-siéreux tant sur la forme (qualité de l’image, plateaux, etc.) que sur le fond (pourquoi s’informer sur le dernier fait divers du coin alors qu’en deux clics, j’ai les infos sur la Syrie ou Trump ?) Comment rendre au-jourd’hui l’information locale plus attrayante ?

Avec l’action #tousàtable, MaTélé a réussi le pari de rassembler ses té-léspectateurs afin de rétablir le contact avec eux autour d’un thème : l’alimentation. Grâce à des auberges espagnoles organisées partout dans la région par les habitants eux-mêmes, les participants étaient encouragés à partager du contenu numérique sur le thème de l’ali-mentation : présentation d’un producteur du coin, partage de recettes, réflexions sur l’alimentation, photos, tweets, etc. Des contenus des-tinés au web donc, pour cette télé locale qui, ce jour-là, avait mis sa programmation en veilleuse …

RedacMaTélé, « #tousàtable – le 9 décembre, le jour le plus long », MaTélé, 22 décembre 2016

De nouveaux formats sont rendus possibles grâce à l’évolution tech-nologique. En décembre 2016, MaTélé réalise un duplex à 360° (180° dans un champ à Dorinne avec Luc, un agriculteur du coin et 180°

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au Parlement européen, Place du Luxembourg avec Marc Tarabella, député à la Commission Agriculture) où les deux interlocuteurs se répondent, à des kilomètres de distance, en se regardant dans les yeux. L’objectif ? Une fois encore, intégrer le citoyen à l’information et immerger les utilisateurs dans deux réalités radicalement différentes.

MaTélé, « 360 degrés: L’agriculteur et le député, le face-à-face vir-tuel » [vidéo], 16 décembre 2016

D’autres types de journalisme sont également mis en avant pour re-nouveler le métier : journalisme citoyen, journalisme de solution, jour-nalisme prospectif, et bien d’autres ! À Nice-Matin, les employés de la rédaction en difficulté ont racheté leur journal et cette désormais coopérative s’est lancée de plein pied dans le journalisme de solution. Choisissant leurs sujets en sondant les lecteurs, les journalistes de Nice-Matin partent en recherche de solutions à des problèmes socié-taux. Cela exige de plus grands moyens et, pour fonctionner, la rédac-tion réserve ses articles solutions à ses abonnés. Une expérience qui dure depuis plus d’un an maintenant…

Wery A., « Comment Nice-Matin développe le journalisme de solu-tions ? », aurnaudwery.wordpress.com, 07 novembre 2016

La presse locale a-t-elle, selon vous, un rôle à jouer en termes de ci-toyenneté et de vivre-ensemble ? Est-ce réellement important de s’in-former au niveau local ? Pourquoi ?

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4. Entre consommation, loisir et information, quels formats innovants et éthiques pour partager l’info ?

À l’image de Snapchat et de Facebook, des applications initialement créées pour les loisirs s’emparent de l’information et en bouleversent les codes. Par ailleurs, l’information se consomme désormais de façon nomade (ta-blettes, smartphones…). Les conséquences de tels changements peuvent por-ter préjudice à la qualité et à l’exhaustivité des informations auxquelles nous sommes confrontés. Quelles formes prendront les médias d’info de demain ?

Quelques pistes de réflexion proposées durant la matinée…

Selon le rapport annuel (2016) du Reuters Institute sur base d’une étude concernant 50 000 personnes dans 26 pays dont la Belgique, une majorité de répondants (51 %) déclare utiliser les réseaux sociaux (Facebook en tête) pour accéder à l’information. Pour 12 % d’entre eux, cette source est la première – un taux qui atteint 28 % chez les 18-24 ans. Toujours selon la même enquête, l’usage du smartphone est en très forte hausse quand il s’agit de l’accès à l’information, atteignant désormais le taux de 53 % des participants. On observe également, depuis 2014, une augmentation de la consommation de vidéos d’in-formation. L’information aujourd’hui ne peut donc plus se permettre d’être absente des plateformes web, des réseaux sociaux et du format mobile.

Newman N., « Overview and Key Findings of the 2016 Report », digitalnewsreport.org, 2016

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L’Université de Columbia et le chercheur français Arnaud Legout ar-rivent à cette conclusion surprenante dans leur étude commune : 59 % des URL relayées sur Twitter n’auraient jamais été lues. Parallèlement à cela, il est démontré que 6 personnes sur 10 relaient des articles sans les avoir lus sur les réseaux sociaux. Ceci nous démontre tout de même que, si l’information est présente sur Internet, sa réception peut encore largement être améliorée !

Dewey C., « 6 in 10 of you will share this link without reading it, a new, depressing study says », WashingtonPost.com, 16 juin 2016

« Merci d’essayer notre appli ! C’est une conversation autour des news – sur le mode texto. On vous envoie des messages et vous pou-vez répondre en appuyant sur les boutons qui apparaissent. Ça vous convient ? » Moi : « yep, ça me convient ! » Eux : « ok, on vous envoie la dernière news ».

En 2016, Quartz lance un nouveau format d’information : la conver-sation SMS. Le but ? Attirer notre attention sur des informations dans une discussion sur base de textos et de gif, donner des infos sélection-nées sur l’article ou nous permettre d’aller le lire en entier. C’est donc l’application qui choisit quel contenu est susceptible de nous intéres-ser et qui sélectionne les informations « importantes » de l’article en question.

Danthe M., « Avec Quartz, l’info, c’est une conversation cool », LeTemps.ch, 16 février 2016

Et les anciens formats n’ont pas encore dit leur dernier mot ! Le Drenche : un média pour parler politique. Aux jeunes. En format papier. A priori, pas vraiment une recette de succès … Et pourtant, il semblerait que ça marche ! Des articles ciblés sur des idées plutôt que sur des personnes, des arguments pour et contre pour aider à sor-tir des bulles de filtres et un format court, le tout dans le but d’amener les jeunes à prendre position sur les sujets traités.

https://ledrenche.fr

Le MoJo (Mobile Journalism) réalisé à l’aide de smartphones et de ma-tériel plus léger (et donc, par définition, plus mobile) fait doucement son chemin au travers des rédactions. Le matériel technologique ne doit plus être un frein à la créativité !

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Ce qui ressort des échanges…

Les participants à cette table de discussion ont relevé deux approches dans la façon de s’informer à l’heure actuelle. L’utilisateur « distan-cié », à la rechrche d’exhaustivité, se dirigera vers les médias tradi-tionnels (JT, presse écrite, radio) et multipliera les ressources afin de recouper ses sources et diversifier les points de vue. L’utilisateur « connecté », pour sa part, veillera à « se faire son propre média » en s’abonnant à des personnes spécifiques sur les réseaux sociaux ou en utilisant des agrégateurs.

On constate également deux raisons principales pour lesquelles l’on décide de s’informer, qu’il convient d’associer à cette observation : d’une part, l’objectif sera de répondre à des besoins professionnels ou liés à nos activités quotidiennes (comprendre la société dans laquelle nous évoluons). D’autre part, il s’agira de répondre à notre besoin de loisirs (période durant laquelle nous multiplierons les supports et for-mats de diffusion, grands et petits écrans, appareils connectés, livres, écouteurs, etc.) Notons toutefois qu’aucun temps « officiel » n’est ac-cordé, au quotidien, à la recherche d’information d’actualité. Il s’agit d’un choix que chacun décidera de faire ou non, bien souvent durant les temps libres.

Les premiers uilisateurs, les « distanciés », seront en théorie mieux outillés à développer un esprit critique vis-à-vis de l’information. Il semblerait donc que ce soit la deuxième catégorie d’utilisateurs, les « connectés », qu’il conviendrait de sensibiliser à une info plus éthique. Et la période des loisirs semble donc être plus propice à cet exercice (les nouvelles technologies tendent d’ailleurs de plus en plus à trans-former l’information en un moment de détente et d’amusement).

« Happy Geek est une application qui propose à ses utilisateurs une série de contenus multimédiatiques qui pourraient leur plaire, à partir d’un algorithme et d’une analyse de leurs habitudes de surf », nous explique un participant. « L’app’ fera le tri parmi toute une série de contenus en fonction de ce qu’on apprécie, pour nous proposer des produits qui, vraisemblablement, nous plairont. ». Il poursuit : « Mais pourquoi ne pas prendre le contrepied de ce type d’algorithme ? Je pense à une app’ qui éclate les bulles, et poussera les gens vers des contenus qu’ils n’ont pas l’habitude de voir. Plutôt que de leur dire « vous allez aimer ceci ou cela », elle leur dirait « vous n’auriez pas

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aimé ceci, mais laissez moi susciter votre curiosité ». L’idée serait de mener les utilisateurs « connectés » vers des contenus plus fouillés. Si une personne est fan des formats courts, on lui proposerait des for-mats plus longs. Aux habitués des vidéos sous-titrées, on proposerait des formats audio, et ainsi de suite. »

5. Information et opinion publique : je t’aime moi non plus

Les rumeurs et les fausses informations parcourent aujourd’hui le monde en-tier en quelques heures. L’information gratuite en ligne a ouvert la voie à une forme de concurrence inédite : celle du clic, poussant parfois les journalistes à relayer des informations sans aucun travail de vérification. Dans ce contexte, on observe une perte de confiance dans les médias d’information par un large pan de la société, qui se laissera dès lors plus aisément convaincre par les dis-cours à contre‑courant. Comment un média peut‑il renouer avec son public et redonner du crédit aux informations qu’il diffuse ? Images choc en unes et en télévision, abondance de directs – parfois non contextualisés sur les réseaux sociaux, choix des illustrations d’articles porteurs de stéréotypes... alimentent le buzz pour générer du clic et flirtent parfois avec les limites de la déontolo-gie. Que voulons‑nous voir dans les médias de demain ?

Quelques pistes de réflexion proposées durant la matinée…

Les internautes sont de plus en plus habitués à voir des titres racoleurs sur les réseaux sociaux. Au point que certains perdent tout esprit cri-tique et prennent pour comptant tout ce qu’ils lisent sur le web. Les élections américaines en ont été témoin. Paul Horner, rédacteur pour le blog ABC News (site satirique imitant ABC News, le vrai) a publié une fausse information signalant que les manifestants anti-Trump

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étaient payés 3 500 dollars pour démontrer leur mécontentement lors des meetings du futur 45e président des USA. L’article a été partagé en masse, même par l’équipe de Donald Trump.

Jacobson L., « No, someone wasn’t paid $3,500 to protest Donald Trump; it’s fake news », Politifact, 17 novembre 2016

L’augmentation du nombre de fake news devient tellement préoccu-pante que V. Flibustier, fondateur de Nordpresse, se lance dans un par-tenariat avec Enseignons.be pour améliorer l’esprit critique des jeunes lecteurs.

Publication de Enseignons.be sur sa page Facebook

Les stéréotypes et affirmations sexistes ou discriminatoires sont sou-vent utilisés pour augmenter la visibilité des articles. Un article qui sus-cite la colère ou l’indignation des internautes est un article qui devient viral. C’est l’une des conséquences de l’algorithme de Facebook qui dit que plus un article est commenté, liké et partagé, plus il sera mis en avant. On peut rapprocher cette tendance au concept de bulles de filtre qui suppose que les informations auxquelles accède un inter-naute sur Internet sont le résultat d’une personnalisation à son insu, permise grâce à des algorithmes provenant de données collectées sur l’internaute. Ce mécanisme enferme l’internaute dans une bulle unique et optimisée pour lui.

Gunthert A., « Et si on arrêtait avec les bulles de filtre ? », L’image sociale, 13 novembre 2016

Selon une étude de la Commission européenne, 44 % des Européens et 35% des Belges ne croient pas que les médias de leur pays diffusent une information « digne de confiance ». Pour 51 % des Belges, l’infor-mation délivrée par leurs médias n’est pas libre « des pressions com-merciales et politiques ». Ce sont surtout les réseaux sociaux qui sont pointés du doigt. Pour 64 % des sondés, les réseaux sociaux ne sont pas dignes de confiance.

LeVif, « La fiabilité des médias remise en cause par plus d’un tiers des belges », LeVif.be, 17 novembre 2016

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Le Monde.fr a mis en place un outil appelé Décodex dont l’objectif est de vérifier la véracité des informations qui circulent sur Internet. Il permet de faire le tri entre les informations fiables et les rumeurs, exagérations et déformations. Il propose également un guide qui aide à reconnaître les fausses informations des vraies. Certains sites consi-dérés comme peu fiables contestent cet outil en parlant d’une forme de censure. D’autres se demandent quelle est la légitimité du Monde pour faire ce travail.

http://www.lemonde.fr/verification/

Le Drenche est un média papier pour les jeunes qui parle de politique. « L’objectif : encourager les jeunes à la participation citoyenne en les invitant à prendre position. Pour y arriver, la recette est simple. Pour chaque débat, Le Drenche propose les arguments pour et les argu-ments contre, sous forme de billet d’expert, très court. » Ce média est gratuit et marche plutôt bien. Ce qui fait son succès ? Le média ne se concentre pas sur des personnes mais sur des idées. « Le politique n’intéresse pas les jeunes. La politique, oui. »

Raphael B., « Le média jeune qui a fait ‘tout le contraire’ de ce qu’il fallait faire … et pourtant », Lab Davanac, 28 février 2017

Ce qui ressort des échanges…

« Les gens choisissent de croire ce qu’ils veulent bien croire… Implici-tement, rien que par le choix des articles que nous décidons de lire ou non, nous hiérarchisons l’info, son intérêt, son importance. C’est un point de départ à une remise en question de l’intérêt des médias d’info et de la légitimité de leur mission en général : nous cherchons priori-tairement de l’info qui rencontrera nos attentes. Ce mécanisme joue sur l’affect, nous viserons davantage une forme de satisfaction et de valorisation du Soi à travers la confirmation de nos propres opinions », nous explique une participante. « Evidemment, il est impossible de lire tout ce qui est publié en ligne. Mais diversifier nos sources, nos centres d’intérêt et sortir de notre zone de confort est nécessaire au dévelop-pement d’un esprit critique. »

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« Le problème », poursuit son voisin, « c’est qu’une fausse info répétée en boucle et non contextualisée devient une vraie info. Il faut parfois avoir de la chance pour tomber sur un démenti ou un erratum… »

Face à ce constat, la nécessité est double : responsabiliser encore et encore les journalistes quant à la charge émotionelle qu’ils distillent dans leurs articles, dans les titres proposés ou dans les images d’illus-tration sélectionnées semble nécessaire. « A aucun moment, et c’est ici une question de déontologie et de professionnalisme, les contraintes et pressions de temps ou d’argent subies par un journaliste ne doivent le détourner de sa mission première : informer. La question des contraintes d’audimat est à relativiser : un journal récupérerait sans aucun doute dans une autre frange de la popuation les lecteurs perdus en augmentant la qualité de ses contenus ».

Ensuite, sortir de l’ère d’une « citoyenneté de consommation, crédule et passive, qui se contente de si peu ». Cela passera par un rapport dif-férent aux médias et à nos habitudes de consommation, inculqués au sein de l’enseignement scolaire et de la famille. « Il est nécessaire de reconstruire la parole, de s’échapper des écrans que l’on regarde pour saisir l’opportunité de la caméra que l’on prend. »

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IV. EN BONUS : NOS OUTILS PÉDAGOGIQUES !

En partenariat avec le pôle Éducation aux médias de l’IHECS, nous avons réa-lisé deux outils pédagogiques sur le monde de l’information et les fake news ! Ceux‑ci sont disponibles en prêt sur demande.

Mediaquest

Un jeu collaboratif qui permet au public de matérialiser son interaction avec les médias dans le but d’aborder la théorie du complot sous un angle non culpabilisant. Concrètement, les joueurs seront amenés dans un premier temps à passer par différentes étapes dont la progression des réponses est incarnée visuellement sur un plateau de jeu. Ainsi, les joueurs obtiennent un aperçu clair de leur parcours, influencé par les choix qu’ils effectuent étape après étape. Dans un second temps, ils seront invités à observer et interpréter les parcours de chacun de manière collective. Pour ce faire ils auront comme support le plateau et leur feuille de route dûment complétée pendant la première partie du jeu. Les animateurs se chargeront d’orienter l’analyse des parcours médiatiques grâce à leurs fiches thématiques.

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PRESS’ion

Réunion de rédaction au programme ! Durant ce jeu de rôle, vous et votre équipe aurez pour objectif de maintenir votre journal en bonne santé, tant au niveau de l’éthique que de la popularité et de l’écono-mie. Création d’une ligne éditoriale, tenue de rôle aux responsabilités diverses (rédacteur en chef, journaliste, éditeur, etc.), choix et déci-sions à l’impact direct sur votre équipe ou sur la renommée de votre Maison… Durant une heure, vous serez amenés à réagir en direct à di-vers événements du quotidien propres au milieu du journalisme… Et à assumer ou justifier des décisions d’une importance parfois capitale !

Entre citoyenneté, journalisme et esprit critique, ce jeu est le point de départ de tout atelier d’éducation aux médias.

Pour plus d’infos sur ces outils pédagogiques, contactez Benjamin Bruyninx via l’adresse [email protected] ou au 02 238 01 87

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Avec le soutien du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles

DÉSIREUX D’EN SAVOIR PLUS !

Animation, conférence, table ronde… n’hésitez pas à nous contacter, Nous sommes à votre service pour organiser des activités sur cette thématique.

www.cpcp.be

Avec le soutien de la Loterie Nationale

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Centre Permanent pour la Citoyenneté et la Participation

Rue des Deux Églises, 45 – 1000 Bruxelles02 238 01 00 – [email protected]

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