7
y'. LE SENS (HrNw, SIXIbME ÉIUON DU SENSIBLE LnvrNes, FneNcr) r. vERs u¡¡B pnÉNoruÉNorocm nnÉrrqun Dans le tome I des ldées directrices, Husserl évoque la possibilité d'une recherche phénoménologique qui traiterait exclusivement des con(enus se.rsoriels de la conscience et formerait ainsi un domaine théo- ,iqrr. propr.: la u phénoménologie hylétique ''. A dire vrai, remarque Hussed, ielle-ci constitue déj} une u discipline auronome u qui posséde une u valeur en elle-méme D ,, er cela indépendamment de toute relation aux acres intentionnels. La phénoménologie, en tant qu'elle se veut science de la subjectivité constituante, doit donc investir le domaine des composantes originelles de la formation intentionnelle de la conscience, ) savoir les données hylétiques sur lesquelles et I partir desquelles opé- rent les actes donateurs de sens. Force est de constater que ce domaine esr resré, dans I'auvre ulté- rieure de Husserl, rarement exploité, comme tombé en jachéres' On ne peut pas considérer en effet que les travaux phénoménologiques qui r. Husserl, Ideen I, S 85, P. ,g4. z. Ibid., $ 86, p. 298.

Bruce Bégout_Le Phénomène Et Son Ombre (2008)

Embed Size (px)

DESCRIPTION

BB

Citation preview

  • y'.

    LE SENS(HrNw,

    SIXIbME IUON

    DU SENSIBLELnvrNes, FneNcr)

    r. vERs uB pnNoruNorocm nnrrqunDans le tome I des ldes directrices, Husserl voque la possibilit

    d'une recherche phnomnologique qui traiterait exclusivement descon(enus se.rsoriels de la conscience et formerait ainsi un domaine tho-,iqrr. propr.: la u phnomnologie hyltique ''. A dire vrai, remarqueHussed, ielle-ci constitue dj} une u discipline auronome u qui possdeune u valeur en elle-mme D ,, er cela indpendamment de toute relationaux acres intentionnels. La phnomnologie, en tant qu'elle se veutscience de la subjectivit constituante, doit donc investir le domaine descomposantes originelles de la formation intentionnelle de la conscience,) savoir les donnes hyltiques sur lesquelles et I partir desquelles op-rent les actes donateurs de sens.

    Force est de constater que ce domaine esr resr, dans I'auvre ult-rieure de Husserl, rarement exploit, comme tomb en jachres' On nepeut pas considrer en effet que les travaux phnomnologiques qui

    r. Husserl, Ideen I, S 85, P. ,g4.z. Ibid., $ 86, p. 298.

  • 4 LE pHNoMi,NB r soN oMBRE

    succdent au projet des ldes directrices s'orientent dans cette direction.certes, dans les annes rgzo et r93o, surtout dans des manuscrits d.erecherches de cette poque, Husserl revient de temps en remps sur I'ided'une hyltique gnrale'. Mais il n'labore pas piopremeni p"rler uneanalyse complte et prcise dela hyl,.om-. il a pu ie faire p"r.*.-pl.pour les..autres problmes fondamentaux de I'intersubjeciivit, de latemporalit interne, de la corporit vivante et du monde de la vie. onpeut mme penser que la modification qu'il fait subir au concept d.e fuldans ces derniers travaux, au sens o la matire sensible de la cnscience.:: 9. plus en plus congue comme tanr une forme originelle dudveloppement intentionnel lui-mme dans le prsent vivanr, iend quel-que p-eu caduque le projet originel d'une phnomnorogie e*cluiive-ment hyltique.

    Il est tentant d'interprter ce dfaut comme le signe d'une dpr-ciation philosophique-de la !lh. Si Husserl n'a pas pu*ou r,, dvelopperune telle phnomnologie hyltique, c'est qu'ii dwait considrer sansdoute que d'autres aspecrs du program-. phrro-nologique taientplus essentiels et donc plus urgents i tudier. Aussi peut-on lug.. qu'iln'a jamais vritablement dpass la dvalorisarion de la bvl' aniiestedans le tome I des ldes direcnices (o il souligne que les iecherches lesn plus imporrantes er les plus frucrueuses > 'se siiuent du c6t de Iaphnomtnologie notique,.er non de cette phnomnologie hyltique),puisqu'il esdme alors que la conscience intintionnelle relte lL. nrirr-"ott.ij,l'iIi:;H ra phnomnologie post-husserlienne

    " ,.r,,u o.

    remdier cet tat de fait. une grande partie de la phnomnologiefrangaise ( I'exception notoire de sartre) s'.rt .rot"--.nt efforce deremertre au_ got du jour cette phnomnologie hyltique, de creuserplus avant dans la mise a' jour des phnomn-es sensibles originels quiservenr de coup d'envoi de la constitution subjective de |expiience. Le

    _ _

    t. l"l exemple dans le cours de ry25 sur la psychologie phnomnologique, g 3r("!".a Qle -

    ks data hyltiques en ranr que matire pout i., fonctions"intention-nelles

    '), trad. Ph. cabestan et al., revte par Fr. Dastur, psychotogie phnomnorogrque(rgzyrgz|), Paris, Vrin, zoor, p, r5t-19.z. Ideenl, S S, p. 294. De mme, ) la fin du g 86, Husserl indique, comme pourjustifier ce trairemenr de dfaveur, que si I'on considre o non seule.nt ta difficutt.

    T"k "rr:i_ I'ordre de prsance des problmes par rapport i l'ide d'une connaissanceabsolue, 1'hyltique se situe manifestemenr trs-"u-desio.rs de la phnomnologie no-tique et fonctionnelle n (p. zqg).

    175

    monde sensible a mme t, toutes choses tant gales par ailleurs, sondomaine quasi exclusif de recherches, laissant trs souvent (trop souvent)le monde social de la vie quotidienne, le monde thorique de la scienceou le monde idal de la logique et des mathmatiques en dehors de sesproccupations fondamentales. La qute d'un fondement de I'apparaitrequi ne soit pas I'encombrant sujet transcendantal husserlien l'a conduith voir dans le sensible en sa donation originelle,et immdiete, le lieud'une telle refondation de la phnomnologie. Ce faisanr, afin de metrreen valeur la dimension hyltique de I'apparaitre de toutes choses, la ph-nomnologie frangaise a d, dans un premier temps, se dfaire du schmahylmorphique de la conscience intentionnelle qui faisait des contenushyltiques uge

    .simple matire bruqe ) lpprltpqdgl par les oprationssuprieures de I'aperception intentionnelle. Aussi s'est-elle attache, enpmTr lieu, une remise en question profonde de la subordination deI'hyltique au notique, expression dsute, selon elle, d'une conceptionintellectualiste de la perception.

    Toutefois, il existe deux manires bien particulires de dmonter leschma hylmorphique de la conscience et de dfaire les liens de subor-dination qui commandent la byl : (a) la manire statiqae qui consiste conserver cette distinction mais en radicalisant la sparation de sestermes, I savoir en poussant I'opposition ) son maximum, de telle sortequ'aucune liaison de I'hyltique et du notique ne soit plus possible nienvisageable ; c'est la fagon qu'a choisie Michel Henry ; (b) la maniredynamique qui vise I surmonter I'opposition en conftrant la hyl) elle-mme une certaine puissance d'autoformation, une morph propre, c'est-i-dire en reconnaissant aux donnes sensorielles une forme d'intention-nalit spcifique ; c'est la perspective dialectique qu'adoptent Emmanuelkvinas et plus rcemment Didier Franck. Pour comprendre pourquoila remise en question du schma hylmorphique hussedien des ldesdirectrices conduit un double dpassement, il faut tout d'abord, noussemble-t-il, resituer les enjeux mmes de la phnomnologie hyltique.

    Premirement, il s'agit pour les partisans d'une phnomnologiehyltique de dvelopper une approche de I'exprience sensible qui fassedroit. selon les indications de Husserl lui-mme mais en radicalisant sesvues et en les errachant au contexte d'une simple thorie de la connais-sance, I ses modes de donation spcifiques. Cette fidlit )r la donationdu sensible lui-mme entraine selon les phnomnologues post-husser-liens la sortie hors du cadre pistmologique o Husserl a enfermI'analyse de la sensibilit, en n'en faisant qu'une simple condition de

    d!

    lo

  • 176 LE PHNoMiNE ET soN oMBR-E

    l'lucidation transcendantale de la constitution du monde objectif ipartir de la chair corporelle (c'est patent dans les ldeen I o la dvalori-sation effective de I'hylrique esr essenriellement lgitime par le projeterkenntnistheorisch de conqute de la connaissance absolue). A cet gard,la byl ne peut tre pose comme un simple lment constitutif deI'objectivit. On ne peut la rduire i n'tre que ce simple marriau sen-sible sur lequel vonr rre difis la conscience intentionnelle er, parranr,le monde consriru par elle. Il faut donc de roure urgence :dliet,touteesthtique transcendantale d'une logique transcendanrale, mme gn-tique dans le cas du dernier Husserl, qui revient toujours en dernier lieu)r englober I'exprience sensible dans le cadre de la problmatique logi-que et constitutive. L'autonomisation du sensible doit ainsi permerrrede rcrire sur de nouvelles bases une esrhdque rranscendantale qui serait elle-mme sa propre logique rranscendanrale, mais pas seulement.

    Deuximement, et de manire plus radicale encore,'il s'agit de mon-trer en quoi la hyb peut assumer I elle seule les exigences d'une phno-mnologie transcendantale asubjective, et non cartsienne, et sadsfair )rses rquisits principaux, en ranr qu'elle consrirue l'origine et le fondementde toute phnomnalit. De ce point de vue, il faut tour de suite faireremarquer que si la phnomnologie frangaise conrsre le modle cart-sien de la constitution de I'exprience rerenu par Husserl, elle conservenanmoins (parfois sans s'en rendre compte) de son projet gnosologiquegnral I'ide d'une philosophie fondationnelle, i telle enseigne qu'elleen vient )r proposer I son tour, sur le mode principiel, ses propres fon-dements transcendantaux de toute exprience. Dans cette perspective, laphnomnologie hyltique est voue i endosser I'habit er le sratur d'unepbilosophie prernire.

    Mais, avant d'examiner et d'valuer cette refondation frangaise de laphnomnologie hyldque, il convient tout d'abord de s'entendre sur Ianature mme de la hyli qui doit en porrer le poids. En effet, comme onva Ie voir, la conception que Henry et Franck se font de Ia hyl esr assezdifferente, et cette diffrence ne compre pas pour peu dans le diffrendqui va les opposer au regard du r6le philosophique respectif qu'ils veu-lent lui faire jouer. Pour norre parr, nous adopterons la dfinition hus,serlienne, puisqu'elle consrirue aprs tout le modle en question ici.Husserl dfinit en effer la byl comme la madre sensorielle non inren-tionnelle de la conscience. Dans les ldeen I, Ia hyl englobe la fois lescontenus de sensation, les sentiments non intentionnels (tonalits affec-

    LE SENS DU SENSIBLE

    tives) et les pulsions '. Dans les manuscrits de recherches ultrieurs ', ilreprcisera sa pense en classant plus clairement ces impressions qui affec-tent la conscience selon trois espces diffrentes :

    - les sensations externes et internes (affections au sens large) ;

    - les instincts, les pulsions, les tonalits affecdves et les sentiments ;

    -

    les sensations kinesthsiques.

    Dans cette prsentation triplice de Ia hyl, en tant qu'elle renvoie(r) aux sensations, (z) aux modes de I'affectivit pulsionnelle et $) auxmouvements corporels, nous donnetons un clairage particulier ) ladeuxime espce qui, chez Henry et Franck, va jouer un rle central. Eneffet, au sein mme de cette hylb protiforme, les phnomnologuespost-husserliens vont avant tout traquer l'lment vritablement originelqui met en mouvement la vie hyltique et lui confbre son caractrevivant et phnomnal. Bien souvent le moteur de ce dveloppementhyltique va tre dcouvert dans la pulsion, car elle rassemble ) la foisl'lment sensuel, affectif et kinesthsique. Toutefois, I'analyse de la fulainsi re-comprise risque de mettre mal le but que Husserl s'tait assi-gn dans sa tentative d'une phnomnologie constitutive, )r savoir ren-dre compte de la formation graduelle et tage de I'exprience. En effet,on peut se demander si la place massive et exclusive que la phnom-nologie frangaise accorde ila fuli ne fait pas peser plus largement sur leprojet d'une lucidation de I'exprience le risque d'une dsarticulation.La focalisation sur la dimension hyltique ne masque-t-elle pas la conti-nuit interne, voulue par Husserl, de l'exprience sensible avec les dimen-sions suprieures, pratiques et thoriques, de l'tre-au-monde ? Ne faut-il pas ds lors penser cette dimension hyltique dans son enchevtre-ment interne avec les couches notiques de la conscience thorique,morale, sociale, esthtique ? En d'autres termes, la lryli ne doit-elle pas

    r lbid., S 85, p. 288 : n De mme les sensations de plaisir, de douieur, de dman-geaison, erc., ainsi que les moments sensuels de la sphre des "impulsions" o.

    z. Notamment dans le manuscrit B III 9 (6 dcembre ry)r), p. rz4: < Das Erste der'Vebkonstitation in der Primordialitit itt die Konstitution der "Natur" aus dtr h/etiscbenUrnarur, oder uielmehr aus dzm dreifachen Urmaterial: sinnlicher Kern, sinnliche Geflhl,sinnliche Kiniisthese (Le premier moment de la constitution du monde dans laprimordialit est la consrirution de la "nature" ir partir de la nature originaire hyltique,ou plurt I partir des trois matriaux originaires: noyau sensible, sentiment sensible,kinesthse sensible) n.

    ,N,

    f. 1',tr.

    -'q,l-'*"11.FeJ

    1o

    {l!"b

    L

    v

    f

  • 8 -r pHNonNr sr soN oMBREtre d'emble lie au sens qui se constirue en elle et au-del. d'elle, dansles champs de la vie non plus seulement sensible mais aussi sense ?

    z. nyrb ET AUTo-AFFEcrroN (HrNnv)

    .

    La.phnomnologie matrielle que dveloppe Henry )L partir de r99odans I'ouvragc ponyme se prsente .o-*. *. critique radicale de ladpendance dela hyli vis-ir-vis de toute morph intentionnelle. La dmar-che henryenne consisre ds lors dissocier, au sein de tout phnomnevivant d'une subjectivit incarne, ce qui relve des compsants hyl-tiques de ce qui revient aux diverses activits notiques. Hnry sait gr irHusserl d'avoir vu dans la vie sensible une dimension positirr. j. lasubjectivit et d'avoir cuvr, aprs Kant, mais en un sens plus radical, une rhabilitation de la sensibilit. Nanmoins il lui reproche de ne pasavoir su mener jusqu'au bour cefte reconnaissance de la vie hyltique dusujet pour elle-mme en I'assujettissant toujours au dernier

    -o*.nt "u*oprations intentionnelles de la conscience qui font des donnes hyl-

    tiques de simples matriaux informer. on peut tout de suire remar-quer que Henry ne conresre pas la distinction husserlienne de la hyh etde la morph, ni mme la dfinidon respective qu'il donne de ces deuxlments fondamentaux de la conscience intentionnelle. En bloc, ilaccepte les donnes du problme telles que Husserl les a fixes dans letome I d,es Ides directrces, et il ne reviendra jamais sur cer.re conceptionduelle de la conscience et de la phnomnalit. ce qu'il rprouve dansla prsentation husserlienne, c'est uniquement sa volont de subordon-ner la hll, la morph dans une conception gnosologique de la cons-cience o I'exprience subjective est oriente dans le ss-d'une lucida-tio.n de sa_ propre connaissance. Autrement dit, Henry dsavoue princi-palement I'articulation fonctionnelle que Husserl instaure entre la atirehyltique et I'activit intentionnelle, et qui le conduit poser une rela-tion hirarchique entre elles.

    Pour le resre, ) savoir nonobsrant ce r6le de fondement imparti laconscience pure, Henry fait sienne la dtermination husserlienne de la@l (9e qui, comme on va le voir, le distingue dj) de Levinas ou deFranck). La dfinition qu'il en donne correspond en efFet parfaitementI la comprhension personnelle que Husserl pouvait a.rroir ie la hyl enr9r1, , telle enseigne qu'elle I'intgre littralement :

    t _J*

    179

    n L'lment sensuel qui en soi n'a rien d'intentionnel... "

    [= Iden I, S8S,p. 289] Ainsi se trouve dtermine I'essence de la hyl : positivement parson appartenance )r la ralit mme de la subjectivit absolue, comme cons-titutive de son toffe, de son tre propre'.

    Par consquent, la diffrence entre Husserl et Henry ne se situe pasdans la comprhension qu'ils se font de I'essence de la hyl), mais seu-lement dans la fonction philosophique qu'ils lui font jouer. A cet gard,deux questions principales animent la phnomnologie matrielle deHenry et portent directement sur le statut que celle-ci confbre 5,la hflb tcelle tout d'abord du fondtment de I'apparattre, ce que Henry nommen la matire o ou o la substance phnomnologique > ' ; et ensuite celle,intimement le, du fondement de la subjectiuit elle-mme dans sa dona-tion originairement auto-affective.

    Concernant la premire interrogation fondamentale, Henry indiquetrs clairement que la phnomnologie, qu'elle soit husserlienne ou non,n'est pas l'tude descriptive des phnomnes ou des apparitions-de-choses, mais celle de leur apparaitre mme, c'est-I-dire de leurs modesd'apparaitre. La question que la phnomnologie pose aux phnomnesne les concerne donc pas en tant que tels, mais elle concernedirectement n le mode de leur donation, leur phnomnalit

    -

    non cequi apparait, mais I'apparaltre > . Dans Incarnation, il raffirme cetteorientation de la recherche phnomnologique, en ce qu'elle ne s'int-resse pas aux phnomnes, mais leur essence, ( ce qui fait de chacund'eux un phnomne : I'apparaitre en lequel ils se montrent i nous

    -cet apparaitre en tant que tel > o, En ce sens, et comme d'autres phno-mnologies post-husserliennes

    ', la phnomnologie henryenne n'est pas

    une tude des phainomena, mais plutt du phaino lui-mme, non desdivers phnomnes, mais du fait d'apparaitre, une < phno-logie )) enquelque sorte. Cette dfinition de la phnomnologie comme tude del'apparahre comme tel, son o thme unique > 6, nous semble dterminerpar avance ce que doit tre la phnomnologie matrielle elle-mme.

    r Phnomnologie matielle abr. Pfull, Paris, PUF, ry9o, p. 14.z. Ibid.,p.7;cf. Incarnationlabr. ht.1, S r, p.18.). PM, p. 6 ; cf. p.24.+. In., S r, p. j6.. C'est ce que nous avons essay de dmontrer au sujet de la phnomnologie asub-

    jective de Jan Patoka dans la troisime tude de ce livre.6. In., $ r, p. 38.

  • 3. HyL ET TNTENTToNNALTT (LnvrNas)Le divorce du sensible et de I'inrentionnel n'esr pas l'unique possi-

    bilit i laquelle peut conduire une phnomnologie hyltique.-D"rr r.,articles o l ruine de la reprsentation o, n Inteniionnalit-et mtaphy-sique > et < Intenrionnalit er sensation >, crits r la fin des annes igioet au dbut des annes 196o, Emmanuel Levinas a dvelopp une autreinterprtation de Ia hyh husserlienne. En tant qu'elle porrd. la facultde s'auto-ordonner sans I'aide des actes conscienis du iogito,lasensationfait montre i ses yeux d'une forme d'intentionnalit paiticulire; celle-ci, en tant qu'elle trouve son origine dans Ia matire e la sensation, esreffectivement trs diffrente de I'intentionnalit thtique et objectivantequi rgne sur la vie cognitive du sujet. La conscienc. pt.rr donc sasource dans un horizon d'implications caches, d'intenti,ons implicites,bref dans une vie inactuelle ' que la vie sensible va incarner s,r, *od.de l'motion, de la temporalit interne er du mouvement corporer. Lasensation reprsente ce momenr originel d'enchevtre-ent du sujet etde I'objet qui rend encore impossible leur contre-distinction. gn .ff.t,elle ne-constitue plus

    "l'9,o.ft dont est faite la forme catgoriale [dt lapensel, mais la situatirli',48)suj.t se place dj pour aompli, ,rrr.intention catgoriale >'. De ce fait, pour Levinas, la remise en cause duschma hylmorphique des lden I s'efFecue par I'intronisation d'unemorph spcifique la byl, d'un glissemgnt d la forme intentionnelledans la matire sensible. Face ) I'opposition radicale revendique parF:lV, il.$,vgif;n-imrnixi.on originelle qui djoue, par en i.rrour,le lien dfirbEfdifuoh'ffla marire sensible vis--vis ie la consciencenotique. La sensation n'est plus ce matriau mort qui est en attent.rdesa. Beseelung (animation) par les actes de la conscience thoriquefnaiselle recouvre une puissance d'autoformation qui ne doit rien personne..Elle dvoile une prsence auprs des choses qrri n. passe pas par I'inter-

    r puwouiNE ET soN oMBRE

    ( u.1.-t . \ i r i-"-;r. o La ruine de la reprsentation, (1919), in En dicouu,rant I'existence auec Husserl et

    Heidegger fabr. EDEHIfl, dition suivie d'Fssais nouveaux, paris, vrin, 3 d. co.'ige,2oor' p. r8r : o I'intentionnalit porte en elle les horizons innombrables de ses implica-tions et pense infiniment plus de "choses" qu'iL I'objet o elle se fixe. Affimer I'inten-tionnalit, c'est apercevqir la pense comme lie i I'implicite o elle ne tombe pas acci-denrellement, mais o, par_essence, elle se tient. Par l,-lapense n'estrlus ni pur prser,ni-p-rxe-represeql"liglr n. Cerre vie n aqyms .r irE l'iri Lil;"r

    "; .r!;;i.il.io..,t l"situer dans la o sensibilii et les qualits sensibles , (p. rg3).z. Ibid., p. rg.

    ,h

    ...:

    t/.;

    i:t, r' .lf

    U." i' t-.- . L?t Ns.-n-'-f

    U 1..: i r'\

    F5, !''"..l;

    ;$t -i - s-. u_

    ".

    '1".r!,,.*

    r-Lt- t

    or*? L*

    f_ ;rr _ ,1.rc ' :...d.

    ,j; .# ,f F" 1-,-rE-go"N-s.D-:r..1l.tt*t" tn t

    mdiaire de la reprsentation I distance, mais englobe un empitementoriginel de I'immanence sentante et de la rranscendance sentie' AttenduquZ nl'Urimpression lest) h la fois premier sujet-et.premier objet' don-,i.r.r, .. dorr.r,', elle donne le .up d'envoi de la vie intentionnelleelle-mme. A ce titre, pour Levinas, l mlange du notique et de I'hyl-tique ne constitue pt" utt danger comme pour Henry, mais, au contraire' 4')L iartir d,, mom.nt o cette iie infra-notique est clairement spare det fu a YLLTL

    rur, *r la conscience thtique, une chance :

    ,cells de 3uvoir ?]tj ::,t^ "-l:

    intentionnelle propi. aux donnes hyltiques' C'est en effet au sein de'--*--cetis vie sensible ei originelle du corps propre que, selon Levinas' o I'in-

    ,.rriiilr rvle sa irai. ,r"tur. ' '. Bien comprise, une phnomno-logie de la sensation autqrise par suite la rvlation d'une intentionnalitplis originaire que celle del'objectivation thorique,_ savoif une tra'ns-,undonr rduible ' k rePirselntation' En n dformalisant > I la relation

    'L-, du sujet au monde, en la dpcluillant des formes thoriques que la cons-cience connaissante est toujurs encline I orendre pour les donnes ori-ginelles de l'exprience, nous pouvons atteindre le sensible en tant que

    -rr iel. Mais cette-dfrmalisationn'aboutit pas, commechtltY',1.Y"'

    o*, ;; i"frr-., flrr.t. er mouvanre, ,ort. . magme affectif en bullitionqui se refroidit et se fige ds qu'il est expuls dans le monde, mais )r unesensibilit originelle e ffain d.e seformer, ) une autreprrnalisation plus

    . originelle .t ,ioirr. obiectivante. i.tt. ,,o,r.t lle fagon de comptendre larelation intentionnell

    "u mond. implique de se dfaire surJe-champ

    i tionnel, d emble dirig vers quelque chose qu'il n'est pas' L'a ( tran-g',-I rt,* t que la conscilt.. n'"p7.eoiu. ..ttt ttlation indfectible' trouve son ori-

    I

    4" d. l" o logique de I'objet > r, des formis toutes faites de I'objectivit fon-,,- -r,] de sur d*es-reprsentarions conventionnelles et arbitraires,.pourretrou-

    ver, sous l.s cou.he, constirues de I'objectivation traditionnelle, nonp", l.

    "h"o, hyltique non intentionnel, mais, point imponant' o d'au-

    tr., forln., de transc"ndanc vers l'tre o. cela revient )r dire, pourX ,, * .' i.r,irr"r, que le sensible, en sa matrialit mobile, est d'emble inten-

    t.Ibid. I f* w *,+L Y"h n';-\4.z. Ibid. i1 1tA., r.r85. L'op$iation de la dformelisarion consiste I arracher t., .br:,: l_t:i:

    fi*it dar* l" ,.piet.ttgion pour les faire t' scintiller dans le jeu de rayons qui vont etviennent entre le donn(ur et le donn o'

    4. n Intentionnalit, et mtaphysique I (1959)' EDEHH' p' t99'{ s. lbid', P. t96.\ $,, ur'ry-^- i''{rl]r'^,j'" r

    L*" t*[rt:i:'Ja,J

    .l'', I i{?+ &1

    t7^- L ,, ^./

  • 196 LE pHNoMtNE ET soN oMBR_E

    gine dans la sensation proto-intentionnelle et nulle part ailleurs. Loin dele dnaturer, de le subordonner ) l'tre neurre du monde, n I'inten-tionnalit rhabilire le sensible > '. Le sensible est peut-tre la source viveet essentielle de route intentionnalit avant sa subordination . uneconscience thtique et thmarique. si I'u exprience sensible est privi-lgre >' note Levinas, c'esr parce qu'u en elle, se joue cette ambiguit dela constitution D ', o sujet et objet se susciteni I'un l'aurre .",

    "rroi,pris encore une forme dfinitivement fixe.sans conresre, l'intentionnalit pr-objectivante du sensible possde

    en soi, pour Levinas comme pour Henry, une ( fonction transcencian-tale , t, prcismenr celle d'instituer, antrieurement i toute prise deposition rflchie, norre. rapporr originel ) I'exprience. Mais )r prsentcette vie concrte qui s'exprime par excellence dans l'(Irimpresiion esto elle aussi intentionnelle n *. Si_le grand apport de la phnmnologiehusserlienne tient, comme l'affirme Levin-s d"rrs ,o., article u Inten-tionnalir et mtaphysique r, < cerre ide que l'intentionnalit ou larelation )r I'altrit, n'e se fige pas en se polarisant comme sujet-objet u ,,alors force est de reconnaitre que la sensation, dans la *.r.rr. o, n elle,lljet gr objet ne sonr pas encore disdncts mais originellement imbriqusl'un dans I'aurre, en consrirue l'lment cenrral. est prcis-.rrt J"r,ce sens que vonr les dveloppemenrs de cer article remarquable quiposenr que le sensible reclerqre prsence au monde et aux chlses qui setienr en deph de

    -toute object\ion, alors mme qu'elle met au jourl'intentionr{alit elle-mme dans rbq -ourr.-ent transitif vers le monde

    etl'autre, \ n. ,{ .4,4- - 4-+f-y j,/ ., !J..

    Dans le sensible cerres Husserl distingue r nouveau entre sentir et senti,mais le senti, ce niveau, n'esr pas qualit d'un objet, rpondant commeI'objet

    -

    pour l'accomplir ou la dcevoir -

    i une intendon vide. Le sentirdu senri ne consisre pas, ici, ir galer une anticipation. Des u horizons o sedessinent sans que le sujet les ait dessinr .o--. d., < projets > .

    r. < La ruine de la reprsentation >, p. r75.z. Ibid., p. 186.3. n Intenricnndit et mtaphysique >, p.rg2. La mme ide est reprise dans

    olntentionnalit et sensarion, Q96), EDEHH, p.16z: upar sa thorie du sensible,Husserl restitue l'vnemenr impressif sa foncrion transcendantale. ,

    4. u Intentionnalit et rntaphysique ,, p' r9r.5. Ibid.6. Ibid., p. r93.

    LE SENS DU SENSIBLE

    ^fr$r t-i. altn( 14^ v11rucu,'

    C'est en raison de ce caractre transitif de la fuli que la phnom-nologie de la sensation n'est Pas ( un retour Pur et simple au sen-sualisme de la statue qui devient odeur de rose )' car, soutient Levinas,o l'ide d'intentionnalit domine toutes ces analyses de la sensibilit u '. l;Malheureusement, il serait trop long ici de dvelopper cette phnom- ,nologie hyltique pour elle-mme, mais Levinas indique nanmoins Iquelques voies suivre pour celui qui souhaite aller dans cette direction l'originale. Il repre tout d'abord lui-mme cette intentionnalit du sen- r' I'sible,cetteuintentionnalitoriginaleo.,dansleskinesthsg5l,danslatemporalit interne de la consiience er dans les sensarions localises(Empfndniss,r) qu'il traduit par le terme de n sentances u. Dans la vie :r..tribl. originelle, I'intentionnalit ne correspond pas ir la relation de laconscience un ob.iet, telle que Husserl Ia dfinit au moins jusque dansles lden1; mais o [i]ci, dit-il, I'intentionnalit au sens fort [est] transi-tivit n ,. Cette reconnaissance d'une intentionnalit propre au sensiblelui-mme permet i la phnomnoloeie hvltique, selon Levinas, d'viter,-ffi=;*-i*-"--.

  • LE PHNOMTNB BT TOI{ MFT

    ..mps esr o Ie scndr dg h.cnrtlon, fetluel rr,ect pirs sil,Ple co.mcidencedu sentir ct du entlr nd une intertlnnnlir ei, par.inrq,r".,i, ur,.minimalc distenee

    ncE lG enti et le enri,,, l,r'proto_impr.ssion ned1mur; jrmdr, euprk d'elle=mnre, nrnis ellc iistitue . d"phnrog,minimal du entlr t du renti, de lc rCtcntion et de la protention, d'onalt h eonclenee Intlme du tenrl,s lui-mme. Il semile lu.-i."i"",redoute prdchment iel ee qrre ttinry clbre de son ct, savoir lar.ure colncidenee de le rcnrlti.r avec elle-mme, raquelle .oirr.id.r,.., ,ic.llc tait porrible, relrdruir nulle et non avenue roure perception possibledu tcmpt ,. Il cn va tle rnme, selon lui, pour les ,.rrr*tio.rs kinesthsi_qucs et le ensrtions localises o I'interpntration de la matire et dele formc donnc au sensible cette densit charnelle er vcue qui concilie,avant leur scparation dans la reprsentation, la subjectirri,e rpor.il. .,fe mondc r l'tat naissant :

    * ,1 arr ., 6s. iw ), l\ .*,EIle [se la sensation] introduit, dans une relation qui se maintienr commepolarit sujet-objet,.une apparrenance du sujet )r i'objet. Non p", i titr.d'effet causal dans I'ordre olectif, ni r titre de partie intgran,il*, ..,ordre, ni' non plus' en incruanr l'objer dans re iujet par li' mediation de

    'A

    i: "e'.;'7t-'-

    I

    -i t-]'--r f' V ,^,* t *' {r' i* .v" q. f .r--- L-\/'

    Les travaux phnomnologiques de Didier Franck sont ceux qui,( actuellement, poursuivent avec rigueur les intuitions de Levinas concer-nant I'intentionnalit originelle de la vie corporelle et hyltique. Ras-sembls dans Dramatiqae des pbnomnes, ils dveloppent I'ide d'une

    , g.nse intentionnelle du sens dans le sensible qui confbre ce dernier lestarut transcendantal d'une condition de possibilit de toute exprience.Comme Levinas, Franck repart de la lecture de la Phnomnologie de laconscience intirne du temps de Husserl, afin de montrer I'ancrage de toute( rnorphi intentionnelle dans I'impression sensible :

    En recherchant I'origine constituante du temps dans la yl), Husserl vise

    li::1T::fr'.'iil.;;,:l;:i;:HT.,';,i:k!tf,;'^!;];;xffi il:T"*'A la diffrence notoire de Henry et de sa lecture de ce mme texte danssa Pbnomnologie matrielle, Franck considre que cette Archi-Hyl| ne

    { s'puise pas dans la pure et simple relation auto-affective, mais qu'ellen-

    r lbid, p. zzr.z. Ibid, p. zz3.3. Ibid., p. zz4.a. Ibid.;. n La chair et le problme de la constitution temporelle , Gg8+), in Dramatique des

    phnomnesebr. DPl, Paris, PUF, 2oor, p. r7. Ce livre rassemble des articles crits entre1984 et t998.

    :. , .".,

    ,r r '1,"""

    Ln

    -Ff.+5 'ra',"r'(-L- )

    -.5 (-.'

    A.

    Ilj

    -- / .-J