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1 BUENOS AIRES SERAIT-ELLE PRISONNIÈRE DE SON PORT? L’INFLUENCE DU PORT SUR SA VILLE THOMAS CARTIER - DOM A DIRECTEUR DE MÉMOIRE J.M BILLA MÉMOIRE FEVRIER 2014

Buenos Aires, Thomas CARTIER

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BUENOS AIRES SERAIT-ELLE PRISONNIÈRE DE SON PORT?L’INFLUENCE DU PORT SUR SA VILLE

THOMAS CARTIER - DOM A DIRECTEUR DE MÉMOIRE J.M BILLA

MÉMOIREFEVRIER 2014

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L’INFLUENCE DU PORT SUR SA VILLEBuenos Aires serait-elle prisonnière de son port?

Thomas CARTIER

Introduction au sujet

I. Le Port comme moteur et image de la ville

1 - La fondation de Buenos Aires 2 - La Manzana, la base de toute l’urbanisation de Bue nos Aires 3 - Une Ville encore tournée vers l’intérieur 4 - L’ouverture vers le monde 5 - Le port comme image de la ville A- Un grave problème de Port B- La nouvelle douane de Taylor

6 - Le Port du Riachuelo 7 - La décadence de l’Aduana Nueva et la nécessité d’un nouveau port:

II. Une prison Portuaire ( 1885-1964)

1 - Puerto Madero, la première rupture avec le fleuve A Projet de Huergo B Projet de Madero 2 - Puerto Nuevo, le coup de grâce donné au fleuve 3 - Archétype de la ville port 4 - Une friche Urbaine convoitée A «El balnéario de los pobres», un éphémère retour au fleuve (1918-1955) B Le plan Le Corbusier et Pierre Jeanneret en collabora-tion avec Jorge Ferrari Hardoy y Juan Kurchan (1938-1940)

C Le plan régulateur de Buenos Aires (1959-1960) D Le schéma directeur de l’année 2000- ORDAM/CONADE (1969) E Plan de rénovation de la zone Sud de Buenos Aires (1971) 5 - La paralysie de la dictature, 1976-1982 A Autoroute et remblais B Un dernier projet pour Buenos Aires

Le bilan de la conquête du fleuve

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III. Puerto Madero, une libération conditionnelle ? 1 - La reconversion des friches portuaires 2 - L’espoir du renouveau urbain de Puerto madero A Prise de conscience politique B La CAPM un nettoyage administratif C Mise en place d’un plan stratégique D Développement du nouveau quartier 3 - Puerto Madero deux décennies plus tard A Dock Ouest B Secteur Est: C Reserva écologiqua

Le Bilan de Puerto Madero

IV. Puerto Nuevo, Libérons Buenos Aires ! 1 - La place du Port dans la capitale Porteña A - L’inscription du port dans le territoire 1 Un port à l’échelle nationale 2 Un port à l’échelle régionale B-Ville contre le port, ville par rapport au port 2 - Enjeux urbains liés au port A- Une puissance économique indéniable 1 Le Port de Buenos Aires un Puissant centre logistique 2 le Tourisme B - Une réalité administrative complexe C - Une situation physique désavantageuse 1 Une situation fluviale compliquée 2 Un impact fort sur les circulations

3 Une mauvaise liaison avec le système ferroviaire 4 Une incapacité d’extension 5 L’impact sur l’environnement D - De graves problèmes sociaux liés à la zone 3 - Quel avenir pour le Port de Buenos Aires A la création d’un nœud modal régional 1 Une Organisation portuaire modifiée 2 Une valorisation du transport ferroviaire 3 Une gestion globalisée des transports 4 Une pôle urbain de circulation B la reconquête des berges du fleuve 1 L’intégration à une suite de Parc 2 Une continuité avec la ville Une libération?

Conclusion générale

Bibliographie

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Argentine

Buenos AiresRio de la Plata

Uruguay

Montévidéo

Buenos AiresCapitale fédérale

Bordeaux

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Introduction au sujet La ville de Buenos Aires, se situe au fond de l’estuaire du Rio de la Plata, embouchure du Rio Uruguay, qui sépare l’Argen-tine de l’Uruguay, et du Rio Parana, venant du Brésil. C’est un im-mense estuaire, large de 45 km à sa base, au niveau de Buenos Aires, de plus de 100 km à son embouchure, pour une longueur de 290 km. Peu profond, et parsemé de haut fond, la navigation y est compliquée et aléatoire. la ville historique s’implante sur un plateau surplombant l’estuaire, la Baranqua, les protégeant des inondations, mais aussi des attaques de pirates. Cette butte n’est autre que la fin de la grande plaine humide de la Pampa, qui fait la richesse agricole de l’Argentine. C’est dans un espace illimité, sans contrainte physique, entre l‘horizon vert des plaines et l’hori-zon argenté du fleuve que s’est installée une des plus grandes métropoles au monde, la deuxième d’Amérique du Sud. La métropole de Buenos Aires s’étend sur 2.590 km² pour 14,5 millions d’habitants, Soit 1/3 des habitants d’Argentine. La ville intra-muros s’étend sur 203 km² pour 3 million d‘habitants; en comparaison la ville de Bordeaux s’étend sur 49 km² pour 240 000 hbts soit 12 fois moins. J’ai eu la chance de passer une année d’échange à Bue-

nos Aires dans la FADU (Facultad de Arquitectura, Diseno y Urba-nismo), qui fait partie de l’immense Université de Buenos Aires (UBA) avec près de 300 000 étudiants. Ce choix de thématique, s’appuie sur un ressenti personnel dès mon arrivée sur place, qui se confirma au fil d’une année à arpenter les rues de la capitale Argentine. Quand l’on regarde un plan de la ville on est intrigué par un bord d’eaux artificiellement découpé face au centre ville et cette immense zone industrielle portuiare qui encercle le «front de Mer» du Nord au Sud. On ne voit jamais le fleuve et les rares moments où nous pouvons l’entrevoir, un bosquet insalubre nous en sépare...Mes rêves de déjeuner les pieds dans l’eau se sont envolés dès la première vision des marécages en bordure de la FADU. J’ai donc passé une année au bord d’un des plus grands fleuves du monde, sans jamais avoir pu le toucher, ni même me balader sur ses rives pour le contempler... Alors que d’autre ville voisine comme Montévideo en Uru-guay ou encore Rosario en Argentine, ont réussi à faire cohabiter la ville et son port, celui de Buenos Aires semble avoir pris le dessus sur la Capitale, empêchant tout contact avec le fleuve.Pourtant l’histoire de la ville et de son port sont indissociables. Bien qu’à l’origine leurs fondations furent séparées, la ville pris finalement le nom de son port, «Buenos Ayres», Bons Vents. Ses

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habitants devinrent les Porteños, littéralement «les habitants du port». Comment une ville aussi liée à son port à t’elle pu se re-trouver autant en désaccord avec celui qui fut à la base de son développement. Buenos Aires serait-elle prisonnière de son port? L’enjeu de ce mémoire est de comprendre l’influence du port sur le développement de la ville et les mécanismes qui ont conduit à la situation actuelle. Nous allons analyser les différentes étapes de l’histoire commune entre la Ville et le Port de Buenos Aires, pour tirer un bilan de la situation actuelle et ouvrir sur des solu-tions d’avenirs pour la ville et son port. PUERTO MADERO

PUERTO RIACHUELO

MICROCENTRO

LA BOCA

RECOLETA

RETIRO

PUERTO NUEVO

SAN TELMO

Zone d’étude

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I. Le Port comme moteur et image de la ville

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«Santa Maria Del Buen Ayre atacada por los Querandies» gravure de Ulrico schmidl, 1537

Huile «fundacion de Buenos Aires,Léonie Matthis,1580

Topographie de la ville de Buenos Aires

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1 - La fondation de Buenos Aires La fondation de Buenos Aires s’est faite en deux vagues successives. En 1536, l’envoyé du gouverneur d’Espagne, Pedro Mendoza, fonde la colonie de Santa Maria del Buen Ayre, cepen-dant environ 2 ans seulement après sa création, elle fut détruite, suite au siège de la ville par les Indiens et la famine qu’il provo-qua1 . La seconde vague date de 1580, Juan Garay venant du Paraguay avec 66 pobladores (Colons) fondent la ville de Santi-sima Trinidad et construient le port de Santa Maria de los Buenos Ayres. Le choix de l’implantation de la ville est avant tout d’ordre militaire, elle s’installe sur une colline dominant le fleuve d’une dizaine de mètres, où le fleuve tourne vers l’Est, permettant de contrôler tout l’estuaire du Rio de la Plata et de se protéger des éventuelles attaques de pirates, venant de la mer ou des Indiens venant des terres . Le jésuite Cayeton Catteno, dit en 1729 «Je ne sais pas comment les premiers conquistadors sur cette terre choisirent un tel site pour fonder Buenos Aires et établir un port, si cela ne fut pas pour être le plus en sécurité de n’importe quel ennemi venant d’Europe2»

1 SCHNEIDER-MADANES Graciela, BUENOS AIRES « portrait de ville »,CNRS et institut francais de l’architecture, 1995, p 82 VARAS Alberto equipo de investigacion, Buenos Aires 2000, Buenos Aires Metropolis, FADU Argentina, 1997, p 34

L’organisation sociale de la ville est encore profondément influencée par l’implantation originelle. Les quartiers résidentiels riches se trouvent sur le haut du plateau, alors que les terres en pied de colline, où se situé le port, sont réservées aux classes populaires.3

Buenos Aires s’est fondée sur un espace infini, une «île urbaine» perdue entre l’horizon vert de la Pampa et l’horizon ocre du Rio. Bien que favorable à l’extension urbaine, les berges peu profondes du Rio ne sont pas propices à la création d’un port 4. Dès l’origine le Port et la ville sont séparés. Le premier port s’im-plante sur les bords du Riachuelo au Sud, À l’embouchure de celui-ci, la profondeur était un peu plus importante et permettait le mouillage des bateaux. La colonie s’installa plus haut, sur la Baranqua, nom de la colline dominant le fleuve. Cette configu-ration géographique est l’endroit idéal pour créer la ville coloniale parfaite, respectant les règles établies pour la fondation d’une colonie 5.

3 SCHNEIDER-MADANES Graciela, BUENOS AIRES « portrait de ville »,CNRS et institut francais de l’architecture, 1995, p 9 4 SCHNEIDER-MADANES Graciela, BUENOS AIRES « portrait de ville »,CNRS et institut francais de l’architecture, 1995, p 8 5 VARAS Alberto equipo de investigacion, Buenos Aires 2000, Buenos Aires Metropolis, FADU Argentina, 1997, p 30

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Plan de fondation Santisima Trinidad Juan de Garay 1580

Implantation de Buenos Aires 1580

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2 - La Manzana, la base de toute l’urbanisation de Buenos Aires

La loi des Indes «Quand vous tracerez le plan de la ville, il faudra le partager en places, rues et parcelles (solares) à la corde et à la règle, en com-mençant par la Plaza mayor, (...) et bien que la population augmente, elle doit pouvoir continuer à se développer de la même façon (...) Quand elle sera sur le bord de mer, la Plaza doit être située au débarquement du port(...) Que dans la place on n’attribue point des terrains pour des particuliers. Qu’ils soient pour la construction de l’église, des maisons du roi et de la ville» extrait traduit du livre LEYES DE INDIAS 1

Cette urbanisation coloniale est basée sur une grille en damier qui s’étend de la Plaza Mayor (l’actuelle Plaza de Mayo) où se trouve le lieu des pouvoirs ( église, mairie ou cabildo, école), suivie de la traza, ou tissu urbain, qui s’entend perpendiculaire-ment au tracé orignal. La ville était entourée de l’éjido, zone laissée libre et servant de réserve foncière pour l’extension de la Colonie. En recul au Nord et au Sud, s’étendent les chacras, zones maraî-

1 VARAS Alberto equipo de investigacion, Buenos Aires 2000, Buenos Aires Metropolis, FADU Argentina, 1997, p 30

chères, perpendiculaires aux berges du Rio, puis dans l’arrière-plan se trouvent les estancias, ou zones de pâturage, lieu des célèbres gauchos, version argentine des Cowboys nord-améri-cains, qui s’occupaient d’immenses élevages extensifs de bovins et de chevaux dans les plaines de la Pampa. Le port situé sur le riachuelo 2 se développe sur une trame indépendante aux manzanas de la ville haute, cette trame perpen-diculaire au fleuve formera le quartier de la Boca. Quand la ville s’est étendue, les damiers se sont rencontrés, ce qui donne ces variations d’orientation dans le plan actuel. Les anciens villages satellites, aujourd’hui des quartiers de Buenos Aires (Palermo,La Boca, Charcas, Villa Crespo, Mataderos...) se sont développés sur le même principe de place centrale, concentrant la mairie, l’église, l’école, les commerces, le commissariat... Le damier est de base carrée, les îlots formés (manzanas) ont un cuadras (coté) de 140 aunes, équivalant à un pas d’humain, soit environ 121 m. Les rues sont d’une lar-geur de 11 à 13 aunes ( 9 à 11 m ). A l’origine, chaque colon se voyait attribuer un Solar ( 1/4 de manzana, soit un carrée de 60 m) ainsi qu’une parcelle en zone rurale. Les colons importants, recevaient une manzana entière, proche de la Plaza Mayor. De

2 SCHNEIDER-MADANES Graciela, BUENOS AIRES « portrait de ville »,CNRS et institut francais de l’architecture, 1995, p 8

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Plano Ozores Buenos Ayres 1608

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cette base plutôt rigide, découle tout l’urbanisme de la capitale et sa forme urbaine. Alors que dans d’autres villes coloniales comme Bogota, Gayaquil ou Cartagena l’organisation en cuadra, ne se retrouve que dans les quartiers historiques de la ville. A Buenos Aires, elle est devenue une base qui fit office de plan d’urbanisme jusqu’en 1994, cette habitude est si profondément ancrée dans les mentalités, que même les constructions illégales, sont bâties en respectant cette organisation, dans l’espoir un jour d’être légali-sées. Les parcelles que nous rencontrons aujourd’hui proviennent de la division des solares ( 1/2/4/8 solar) pour arriver à la largeur minimale de 10 aunes soit 9 m, instaurée en 1824, formant des parcelles longues et fines, qui sont courantes dans le paysage urbain porteño et donnant les maisons dites «chorizo».

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Fuerte de Buenos Aires, 1673

Plan buenos aires,Buenos Aires, 1750Plan buenos aires,Buenos Aires, 1750

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3 - Une Ville encore tournée vers l’intérieur

Les premiers échanges commerciaux commencent en 1586, La première opération d’importation de marchandise arrive du Brésil par la caravelle «Nuestra Senora del Rosario», un an plus tard en 1587, la frégate “San Antonio”, fut la première embarcation construite entièrement dans la ville, dans le port de la Boca, puis envoyée en Espagne avec une cargaison composée, d’habits, chapeaux, draps de lit, et d’autres articles artisanaux provenant de la région. En 1595 est créé le fort, devançant la ville sur le fleuve et dominant les marécages et vasières du Rio. Il sera détruit et remplacé en 1715. Buenos Aires n’est alors qu’une bourgade de 1000 habitants, et ressemble plus à un village, (vivant des ressources du fleuve et des élevages provenant des plaines de la pampa) qu’à la capitale multi-millionaire que l‘on connaît. Il y alors deux ports distincts; un situé sur l’embouchure du Riachuelo, qui est le port d’origine dédié au commerce. À proximité directe sont construits des baraques et entrepôts pour le stockage de cuir, un autre port situé face au fort et à l’entrée de la ville, est un port d’apparat, dédié au transport de passagers, la profondeur n’étant pas suffisante, des charrettes à grandes roues permettent de faire débarquer les bateaux et les acheminent

jusqu’au port. C’est à cette période que l’on pose les premières pierres de plusieurs églises et cathédrales, sous l’impulsion de la communauté jésuite très influente en Amérique du Sud. Elles seront autant de centres urbains satellites autour desquels se for-meront les villages alentours. Le patronyme de leur église sera souvent celui du quartier. L’organisation actuelle, découle de la disposition des villages et de leurs spécialités, souvent liées à leurs implantations géographiques, pêcheurs, maraîchers, éle-veurs. Autrefois formés d’une constellation de hameaux, organi-sés autour de places centrales, ils sont aujourd’hui incorporés à un tissu urbain continu. Près d’un siècle après sa fondation, en 1680 Buenos Aires compte environ 5000 habitants. La ville est encore coupée du commerce avec l’Europe, la position excentrée du port de Buenos Aires (C’est le port colonial espagnol le plus au Sud) le tient à l’écart des échanges commerciaux et ne lui permet pas de rivaliser avec le port de Cartagena de Los Indians, en Colombie, premier lieu de la conquête espagnole. Lima, qui est la capitale du royaume des Andes, possède le monopole du commerce avec l’Espagne jusqu’en 1776, Bue-nos Aires est alors cantonné aux commerces illicites et devient un port de contrebande et de trafic d’esclaves, notamment avec la colonie portugaise de Colonia del Sacramento située de l’autre

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coté de la rive du Rio de la Plata. Durant toute cette première phase de développement, le Port joue un rôle mineur dans le développement de la ville qui est plutôt tournée vers l’intérieur, vers l’immense richesse agricole qu’offrent les plaines de la Pampa avoisinantes. Il reste exploité de manière primaire, son utilisation pour le commerce est freiné par la main mise de Lima sur le commerce avec l’Espagne et reste limité à l’activité de contrebande et au commerce négrier avec les colonies portugaises et anglaises. Cela contribua à la mauvaise image que les classes supé-rieures eurent du port. Les jésuites, bien implantés dans la ville, s’opposaient fermement à la traite des esclaves, aux trafics illicites et négriers. Le Port ne fait pas partie intégrante de la ville. Cette séparation Ville/Port a contribué à installer profondément une sé-grégation sociale découlant des différentes activités et qualités de vie, entre la ville haute surplombant le fleuve, lieu des élites et la ville basse, dit «el Bajo», (réservée aux classes populaires travaillant dans le port), fondée sur des marécages et soumise aux aléas du fleuve, inondations et insalubrité faisant partie du quotidien des habitants des berges.

Gravure, «Camino carreteras» Buenos Ayres, 1720

Gravure, «côte Sud» Buenos Ayres, 1796

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4 - L’ouverture vers le monde

En 1726 les espagnols fondent la ville de Montévideo en Uruguay, pour contrôler les intrusions portugaises et anglaises en Uruguay et sur le Rio de la Plata. En 1744 Buenos Aires compte près de 12 000 personnes, elle a l’apparence d’un «grand vil-lage», d’où dépassent les Clochers des églises surplombant les berges du haut de la Baranqua, le tissu urbain est encore dé-cousu, les rues en terre mal tracées, mais le cuadra règne en maître pour clarifier l’organisation urbaine. En 1765 les jésuites sont expulsés, 1776, Buenos Aires est nommée capitale du vice royaume de la Plata, qui regroupe les territoires de Buenos aires, Cordoba et Cuyo ainsi que de la Bolivie, le Paraguay et l’Uruguay. Enfin en 1778, le roi d’Espagne Carlos III créé la douane de Bue-nos aires. Cette suite d’événements permit d’ouvrir la ville sur le commerce international, devenant la nouvelle porte d’entrée du continent Sudaméricain; cela eut pour conséquence de limiter le commerce illégal de contrebande. C’est un tournant dans le développement de la ville et son arrivée sur la scène mondiale. La ville autre fois tournée vers l’intérieur et la Pampa, regarde vers l’Europe et les richesses qui s’ouvrent à elle. Le Port devient alors un élément majeur de

l’économie de la ville. Les élites, qui réprouvaient ses activités, reviennent vers celui-ci, il devient alors la vitrine de la grandeur de la capitale et le moteur de son développement. Celle qu’on appelait autre fois «la grande aldea» ( le grand village) se déve-loppe rapidement grâce aux taxes que lui rapporte le commerce maritime et fluvial et se dote d’équipements, on aménage des promenades, des places, des trottoirs, on effectue le pavage des rues principales et la ville se dote même de l’éclairage public. Au début du XIX ème siècle, le pouvoir espagnol est en déclin, une première défaite à Trafalgar contre les anglais, puis l’invasion de L’Espagne par Napoléon en 1810, favorise le sou-lèvement des colonies. Buenos aires qui compte environ 45 000 habitants est, avec Caracas au Venzuela, un des centres d’où partiront les soulèvements, débouchant sur l’indépendance des colonies en 1816. Symbole de cette liberté gagnée, la Bannière espagnole qui flottait au dessus du fort de la ville est remplacée par le drapeau de Belgrano. La même année Buenos Aires est nommée capitale du pays.

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Evolution de Buenos Aires de 1580 à 1805

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5 - Le port comme image de la ville

Récit d’ancien: Les passagers, fréquemment mouillés par le voyage en charrette ressemblaient plus à des criminels à la veille de leurs adieux au monde qu’à des voyageurs sur le point d’entrer dans une grande capitale. ( R. Gutierrez, «buenos aires: Evolu-cion historia», Bogota Fondo Editorial Escala Argentina, 1992)

Malgré ce nouveau statut de capitale du pays, la ville de Buenos Aires, mais surtout son image, ne sont pas encore à la hau-teur de l’influence économique et politique qu’elle exerce sur le pays et même sur le reste du Monde. Bien que la ville se soit nettement assainie, elle a du mal à compenser sa croissance démographique énorme, liée à une première vague d’émigra-tion européenne venant de France, après la chute de l’Empire Napoléonien. En 1821 le premier président des provinces unies, B. Rivadavia entame une politique d’ouverture économique vers L’Angleterre et une nouvelle politique culturelle faisant appel à des professionnels européens, comme Prosper Catelin, Pierre Benoit et Charles-Henri Pellegrini. On fait cartographier préci-sément la ville et promulguer des normes d’urbanisme, comme l’obligation des pans coupés sur les manzanas pour sécuriser les croisements aveugles des rues et l’élargissement d’une rue

sur quatre, perpendiculaire au fleuve ( ceci donnera le rythme actuel de la ville, alternant rue à sens unique et avenue à double sens). C’est le début de «l’européanisation» de la ville. Cependant Buenos Aires n’a pas de port à proprement parler et parmi les projets d’urbanisme retenus, personne ne semble se préoccuper de donner un port à la ville.

A- Un grave problème de Port

Les bateaux arrivant en vue du port de Buenos Aires ne pouvaient pas accoster sous peine d’échouer ; ils devaient jeter l’ancre dans un des mouillages naturels comme « las balizas inte-riores ». Ensuite les passagers descendaient dans de plus petites embarcations afin de se rapprocher de la plage. Enfin, quand les chaloupes ne pouvaient plus progresser, des charrettes tirées par des chevaux prenaient en charge les voyageurs afin de les mener jusqu’à la terre ferme, «rien ne peut être plus désagréable pour un passager d’un bateau de débarquer à Buenos Aires selon le mode actuel. Les embarcations ayant du mal à s’approcher des rives, elles restent donc à une distance de quarante ou cinquante « varas » (30-40m), elles sont ensuite prises d’assaut de toutes parts par des charrettes»1; «Les hommes qui guident les che-vaux crient, jurent, n’ont aucune considération pour ces animaux.

1 « El muelle », La Tribuna n°242 du 9 juin 1854

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Photographie, Buenos Aires, 1793

Gravure,Buenos Aires, 1780

Paseo Colon, 1810

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L’auteur rapporte qu’un écrivain anglais arrivant pour la première fois en Argentine, se demandait si vraiment il débarquait dans un pays chrétien» 1

La manière dont les marchandises sont conduites jusqu’à la ville de Buenos Aires est préjudiciable et ruineux pour le port. On peut imaginer que les marchandises n’étaient pas ménagées par les charretiers et qu’elles devaient parfois tomber dans les eaux boueuses du Rio De La Plata. L’image que la ville de Bue-nos Aires donne d’elle même est désastreuse. La construction d’un quai salubre à la hauteur de l’ambition de la ville devient plus que nécessaire. En 1852, la province de Buenos Aires se sépare avec le reste des 13 autres provinces Argentine pour se former en confédération de provinces indépendantes. Pendant 10 ans, la province s’appellera « Estado de Buenos Aires ». Le contexte impose ainsi à la ville de Buenos Aires de construire une douane de grande dimension ainsi qu’un quai afin de débarquer les marchandises dans de bonnes conditions. La ville a besoin d’un grand entrepôt pour stocker les marchandises nécessaires à la population, car du fait de la rupture avec les autres provinces, Buenos Aires ne peut plus compter sur les autres ports argen-tins pour s’approvisionner.

1 « El muelle », La tribuna n°242 du 9 juin 1854 extrait de «Archivos Nacionales del Puerto»

La nouvelle douane n’aurait pas seulement un aspect fonctionnel mais aussi une volonté de magnifier l’entrée du port de Buenos Aires par une impressionnante construction publique. Il y a donc urgence à construire un quai et une grande douane qui servira aussi d’entrepôt.2

2 “Eduard Taylor: el muelle de pasajeros y la Aduana de Buenos Aires (1854-1857)”, Daniel Schávelzon, extrait du livre “Haciendo un mundo mo-derno: la arquitectura de Eduard Taylor (1801-1868)”, Editions Olmo, Ciudad Autónoma de Buenos Aires en 2010

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Vue panoramique de Buenos Aires,1870 , coleccion Guillermo H. Moores

Projet pour le port de Buenos Aires,1886

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B- La nouvelle douane de Taylor

S’entame alors la modernisation du port et de la façade sur le fleuve, en l’occurrence la voie Libertador et le Paseo Colon qui sont créés à la manière des parkways anglais. En 1853, “el Estado de Buenos Aires”, décide de réaliser un concours afin de construire une nouvelle douane. Trois projets étaient en compétition dont celui d’un architecte peu connu rési-dant à Montevideo, E. Penot et celui de Edouardo Taylor, un ar-chitecte anglais, né en 1801 à Chelsea près de Londres, résident à Buenos Aires depuis ses 23 ans1. Le 24 juin 1854, paraît dans le n° 254 du quotidien “La Tri-buna”, un article intitulé “Proyecto del Ejecutivo para la construc-cion de una Aduana”, signé par l’ingénieur et architecte Edouardo Taylor où il expose son projet. Il s’agit de la construction d’une nouvelle douane et d’un quai afin de permettre aux marchandises d’être débarquées et entreposées dans de bonnes conditions. Le coût de son projet est estimé à 12 784 472 pesos. Il propose donc de bâtir un édifice “digne de la ville” de Buenos Aires. Il s’agit d’une construction semi - circulaire de 5 étages avec une tour centrale, qui servirait de phare, de 25 m de hauteur. Ce bâtiment

1 “Eduard Taylor: el muelle de pasajeros y la Aduana de Buenos Aires (1854-1857)”, Daniel Schávelzon, extrait du livre “Haciendo un mundo mo-derno: la arquitectura de Eduard Taylor (1801-1868)”, Editiones Olmo, Ciudad Autónoma de Buenos Aires en 2010

serait divisé en 51 salles afin d’entreposer les marchandises.Afin de relier la nouvelle douane aux mouillages des bateaux, il propose de construire un quai. Ce quai reposerait sur des pieux en «quebracho», un bois très dur poussant dans le nord de l’Ar-gentine, sur lesquels il ferait poser des planches d’urunday, un autre bois de la forêt tropicale argentine. Ce quai aurait 226 varas de longueur soit 200 mètres et 70 varas de largeur (soit 50m). Sur ce quai, il serait prévu d’installer un chemin de fer avec des chariots tirés par des chevaux. Ces chariots, une fois chargé de marchandises, iront directement dans la douane. L’ingénieur pré-voit cependant que ces véhicules pourraient être tirés par la suite par des machines à vapeur. Il iprécise bien que ces machines ne seraient pas des locomotives car l’espace serait trop limité mais par des cabestans, reliés à une machine à vapeur fixée sur le sol, qui tirerait les chariots d’un point à l’autre.2

La nouvelle douane devrait se situer selon Taylor, juste derrière le vieux fort. En 1854, commence la construction de la nouvelle douane de Taylor, c’est la nouvelle porte d’entrée de la ville, elle symbolise à la fois le pouvoir, mais aussi la richesse de la ville qui retire beaucoup de bénéfices de la taxation de tout ce qui transite

2 24 juin 1854, n° 254 du quotidien “La Tribuna” extrait de «Archivos Nacio-nales del Puerto»

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Aduana nueva de Taylor depuis le muelle de los pasajeros, 1870

Aduana nueva de Taylor, 1860 La gare de train de marchandise, 1863

Les grues de la Aduana Nueva, 1863

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par le port. Le quai des passagers (muelle de los pasajeros), est équipé d’un chemin de fer et de grues, ce qui était d’une grande modernité pour l’époque 1. Jusqu’à l’inauguration de la nouvelle douane et de son quai en 1857, le quai des passagers permettait aussi aux marchandises d’être débarquées des bateaux.Vers les années 1860, l’usage des machines à vapeur se géné-ralise. L’ingénieur Taylor prévoyait que les chariots à l’origine tirés par des chevaux seraient remplacés par des machines à vapeur fixes. Le quai fonctionnait avec deux locomotives à vapeur, 8 grues à vapeur et une grue manuelle.

1 “Eduard Taylor: el muelle de pasajeros y la Aduana de Buenos Aires , Daniel Schàvelzon (1854-1857)”,

Les grues de la Aduana Nueva, 1863

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Projet Coghlan ,1859

Port de la Boca sur le Riachuelo, 1873

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6 - Le Port du Riachuelo Le Riachuelo est l’embouchure du Rio Matanza, une rivière qui jette se dans le Rio de la Plata. Le conquérant espa-gnol Juan de Garay avait décidé la construction de la ville de Santa Maria del Buen Ayre en raison de la présence de cette rivière abritée. Cependant, les alluvions du Rio Matanza forment des bancs de sable qui ne permettent pas à des grands navires de s’ancrer au niveau du Riachuelo.

Le projet Coghlan (1859) En 1856, peu de temps après l’inauguration du « muelle de los pasajeros », un projet de loi est présenté au parlement de la Province de Buenos Aires : il s’agit de rechercher un ingénieur en hydraulique spécialiste dans la construction de port. L’ingé-nieur Juan Coghlan est choisi pour élaborer le projet. Il vient en Argentine en 1858 et en 1859, il présente les plans pour le nou-veau port : il s’agit de construire deux « darsenas », c’est à dire deux bassins séparés de la côte reliés au Riachuelo. A quelques centaines de mètres de la côte, le fond du fleuve serait dragué afin d’avoir un canal profond pour permettre l’accès aux navires de haute mer. Ce projet devrait permettre d’offrir à la ville de Bue-nos Aire, un port abrité des vents et des courants. Pour pouvoir mener à bien ce projet, la province et la confédération des pro-vinces argentines devaient s’entendre ; ce ne fut pas le cas. Le

projet fut présenté à un collège d’ingénieurs argentins; ceux ci ont répondu défavorablement, pour eux, la variation des marées ordi-naires ne permettait pas d’envisager la construction de bassins. Le projet n’a pas abouti. Cependant, les études faites par Co-ghlan vont être reprises par les ingénieurs lui succédant quelque années plus tard1.

Ci joint un plan de Coghlan : on y voit les deux bassins ou docks, le canal reliant ces bassins au Riachuelo et enfin le canal profond. Buenos Aires veut laisser derrière elle l’image du «grand village» pour entamer une phase de modernisation. À cette époque la ville est dynamique et attire beaucoup de capitaux étrangers, européens en majorité, qui voient en elle des pro-messes de développement. Son port est alors le symbole de la puissance et de l’ouverture de la ville sur le commerce mondial, et n’est plus seulement un port vivrier. L’Argentine se spécialise dans le commerce du cuir, de viande et de suif provenant des troupeaux dans la Pampa avoisinante.

1 «Memoria y plano del Proyecto de Puerto de Buenos Aires» ,Ingeniero D. Juan Coghlan en 30 de junio 1859

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28Vues des quais du port de Buenos Aires, 1877

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7 - La décadence de l’Aduana Nueva et la né-cessité d’un nouveau port: Le quai de bois se détériore rapidement et pose de vrais problèmes d’entretien. En 1877, une note au ministre de la Guerre et de la Marine commente l’état déplorable de conserva-tion du “muelle de los pasajeros”1. Le quai se trouve très dété-rioré même si des réparations sont faites. Le quai serait, à refaire complètement car les réparations sembleraient très couteuses. En 1880, une autre note au ministre insiste sur le problème de la réparation; l’auteur sollicite des crédits pour permettre la conser-vation du “muelle de los pasajeros” en faisant remarquer que si le sujet n’est pas pris au sérieux, du fait du mouvement constant des passagers, des marchandises, des marées et de l’action du sol et des pluies, les réparations seraient encore plus coû-teuses. L’ensemble des réparations sont finalement effectuées en 1888. À partir des années 1883, la douane Taylor, son quai ainsi que le quai des passagers entre en phase d’obsolescence. Cette

1 Maria del Carmen Magaz et Daniel Shavelzon “ El edificio de la capitania central de puertos y el telegrapho nacional (I)” paru dans la revue “Junta de Estudios Historicos del Puerto de Nuestra Señora Santa Maria de Buen Ayre y Barrio Puerto Madero” de juillet 2002, n°24, page 38-39

année là, le parlement vote une loi pour donner un nouveau port à la ville de Buenos Aires. Un port abrité des vents et des courants est nécessaire au bon fonctionnement de la construction et de la réparation navale. Le quai de la douane, est soumis aux aleas des marrées et aux violentes «Sudestadas». La douane et les quais se détériorent rapidement En 1884, le quai de la douane est démonté. Le quai des passagers sera utlisé jusque dans les années 1890. Finalement en 1894 La douane et le quai des pas-sagers sont détruits pour la construction du futur port de Buenos Aires, Puerto Madero.il ne reste rien des quais, Par contre, il reste deux niveaux de la douane sur les cinq existants. En 2010, à l’occasion des deux cents ans de la République Argentine, le gouvernement a fait res-taurer le « patio de maniobras » pour y installer le musée du bicen-tenaire. On peut voir à l’occasion de la visite du musée, les arcs maçonnés de la Aduana Taylor 2.

2 El puerto de Buenos Aires. Historia técnica del puerto de Buenos Aires, preparada para el Congreso internacional de ingenieria á celebrarse del 3 al 8 de octubre de 1904 en San Louis, Missouri, Estados Unidos de Amé-rica

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II. Une prison portuaire

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Suite à une croissance démographique importante, due à une immigration venue d’Europe, Buenos Aires atteint ses limites en terme d’étalement urbain, délimité à l’Ouest par l’avenue géné-ral Paz, à l’Est par le Rio de la Plata et le Riachuelo au Sud. C’est une période où la ville recherche des solutions pour aménager et améliorer ses côtes. Les berges, très basses, du fleuve sont favorables à une extension par powlder, ses remblais se feront sur une période d’environ 150 ans, composés majoritairement des gravats des grands chantiers de voirie ou d’autoroute de la métropole. Cette période de conquête du fleuve est un tournant dans la relation entre la ville et son fleuve. Alors qu’elle s’avance «physiquement» sur le fleuve, la vie «porteña», elle, s’éloigne du fleuve, la cause principale est la nature des ouvrages réalisés et leurs dimensions ainsi que l’incapacité des pouvoirs publics à maintenir une cohérence et une continuité dans les aménage-ments. Le front urbain de la ville, malgré les remblais, est resté cantonné derrière l’avenue del Libertador et le Paseo Colon, qui se retrouve aujourd’hui par endroit à plus de 3 kilomètre du Rio alors qu’il était autre fois la façade de la ville sur le fleuve, avec une «costanera aménagée» traversant toute la ville.

Vue de Puerto Madero en 1920 à l’abandon

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1 - Puerto Madero, la première rupture avec le fleuve

En 1880 Buenos Aires accède au rang de capitale de la République fédérale d’Argentine. La province doit céder la ville de Buenos Aires à l’état et le pouvoir est transféré à la ville nouvelle de LaPlata au Sud de la Métropole. La ville regarde vers l’Europe et va mettre en place une politique d’ouverture pour favoriser l’entrée des capitaux et de main de oeuvre qualifiée pour «coloniser» le pays, encore sous peuplé à l’exception de la capitale. Il en découle une explosion démographique (la ville passe de 200 000 hbts en 1880 à en-viron 1 000 000 en 1900 puis 2 millions en 1930), et l’arrivée massive de capitaux, anglais notamment. C’est à cette époque que commencent les grands travaux de modernisation de la ville, inspirés par l’urbanisme Haussmanien. La préparation de la ville pour l’exposition internationale de 1910 célébrant les 100 ans d’indépendance est un bon moyen d’accélérer les opérations et les expropriations, pour la création des percées depuis la Plaza Mayo décidées par le maire Noel et formant des îlots triangulaires, donnant une typologie nouvelle à ville. Le début de l’aire industrielle et l’apparition des premiers moteurs, vont favoriser le développement des chemins de fer. En parallèle du port, 3 gares vont être construites entre 1886 et 1914. Elle vont rayonner dans le pays et «drainer vers le port les

produits de la Pampa» et indirectement vers le reste du monde. C’est le début de l’industrialisation du fleuve. A partir de 1850 l’idée de développement et d’agrandissement du port devient une nécessité, le port principal, situé sur le Riachuelo, est sensible à l’ensablement et ses infrastructures sont obsolètes. Malgré le projet de Taylor, les navires de gros tonnages, mouillent encore loin des côtes et sont sujets aux vents violents du sud est (sudes-tadas) et aux tempêtes. Le chargement et le déchargement des navires pouvaient prendre plusieurs semaines! Un concours est lancé pour le nouveau port. Il devra être abrité et muni d’un canal pour permettre aux navires de hautes mer de s’approcher des côtes où il sera aisé de charger et de déchar-ger les bateaux venant d’Europe1. Un concours est lancé entre en 1876 et 1886 pour le nouveau port. Deux projets retiennent l’attention

1 «Actualidad del sistema portuario nacional en el marco de los nuevos para-digmas portuarios de la globalizacion » de Gonzalo Yurkievich (p73), Revue «Hablemos Puertos » publié par le GESmar, le 23 septembre 2009.

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Projet Huergo pour le port de Buenos Aires

Projet Madero pour le port de Buenos Aires

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A Projet de Huergo

L’Ingénieur Huergo propose un port «ouvert» en peigne, un grand malécon ou digue, venant protéger le port des vents et de la houle. Il s’étend de la Plaza Mayo et rejoint l’embouchure du Riachuelo, où se situerait l’entrée unique du port. C’est le projet le plus fonctionnel et le plus évolutif. Avec début de la révolution industrielle et l’invention des moteurs, les bateaux ont considérablement augmenté leur taille et l’on ne sait pas encore à cette époque jusqu’où le gigantisme naval va aller. Un grand remblai est créé avec les gravats du drainage du Riachuelo, alors envasé, sur lequel la ville peut avancer. Les éle-veurs et agriculteurs de la Pampa soutiennent le projet. L’Argen-tine est alors un modèle d’économie «agroexportatrice libérale» où les agriculteurs sont dépendants de l’efficacité de l’exportation de la production et du cours des produits.

B Projet de Madero

C’est cependant le projet de l’Ingénieur Madero qui gagne le concours. Fraîchement revenu d’un voyage en Europe, il pense un projet s’inspirant du port de Liverpool qui est le premier port à écluses au monde et fonctionne sur un système de port tra-vaillant 24h sur 24h. Le projet que propose l’ingénieur est une

succession de 4 écluses en cascade, 4 bassins de 600 mètres de long, entourés de part et d’autre d’un terre-plein réservé aux activités portuaires, d’entrepôts et de docks. Le port s’étend sur tout le «casco historico» qui sont les premières manzanas lors de la fondation de la ville. Ce projet-ci est soutenu par les ouvriers portuaires de la Boca et les investisseurs anglais, qui financeront l’ensemble du projet. À cette époque l’influence économique an-glaise est si forte que l’Argentine roule à gauche et son économie vivra au rythme de la City londonienne jusqu’à la crise de 1929,.Les revenus de l’exportation dépendant du cours de la bourse, cela rend les éleveurs de la Pampa tributaires des traders lon-doniens. Le projet sera finalement terminé en 1897. Pensé d’un point de vue économique, il ne fait pas l’unanimité sur le plan de l’urbanisme. En effet, il marque un tournant dans la relation que la ville entretenait avec son fleuve. Alors qu’il est la conséquence d’un développement très important de la ville grâce au fleuve, ce projet va définitivement couper la relation Ville historique /Rio. Quelques années plus tard l’arrivée des chemins de fer, avec la gare de Retiro, les barrières se cumulent devant la Plaza Mayo et la vision du fleuve n’est plus qu’un souvenir pour les habitants de la ville.

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Plan de Buenos Aires de 1928 Évolution historique de la zone de Puerto Neuvo

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2 - Puerto Nuevo, le coup de grâce donné au fleuve

«À peine terminé, déjà désuet».Avant même la fin des travaux, la croissance incroyable du tra-fic fluvial rendit inutilisable Puerto Madero, la taille des écluses n’offrant pas un tirant d’eau suffisant. On projette en urgence la construction un nouveau port, pour accueillir les nouveaux «géants des mers». C’est encore une fois une compagnie anglaise appelée CH Walker & Co, dirigée par les ingénieurs Levesey et Son & Henderson qui s’occupe de la construction de projet. C’est une projet ambitieux qui s’avance sur les eaux du fleuve par terre-pleins formant un suite de quais dentiformes ouverts comme l’avait proposé l’Ingénieur Huergo. Il décide de l’implanter dans la continuité de Puerto Madéro, au Nord de celui ci, face au quartier Recoleta et l’ancienne gare fer-roviare du «Bajo» devenu celle de «Rétiro». Le projet se compose d’un «Antepuerto» (avant port) en jonction avec Puerto Madero, de cinq bassins de haute mer ( A, B, C , D et E) séparés par des digues , et une zone de cabotage pour les bateaux circulant dans les eaux du fleuve ( F ). Leur accès est protégé par deux digues brise-lames de 2720 et 950 mètres de long . les travaux commencèrent 1910, soit 13 ans après Puerto Madero. La première digue fut inauguré en 1919 Les travaux de remblai s’étalèrent sur plusieurs décennies avec

l’inauguration de la zone F en 1940.

Organisation de la zone de Puerto Neuvo actuellement

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38diagramme extrait de CHALINE Claude, Ces ports qui créèrent des villes, Editions l’Harmattan, 1994

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3 - Archétype de la ville port

Au cours du début du XX siècle, appuyé par la construc-tion successive de Puerto Madero et Puerto Nuevo; Buenos Aires s’est développé dans un système Ville-Port établi sur une logique de transport privilégiant le navire et le chemin de fer, soumise aux moyens techniques de l’époque. Cela impliqua une concentra-tion des activités et des marchandises au niveau de l’espace cô-tier et utilisant une énorme quantité de main d’oeuvre. Les temps de stationnement et de rotation des navires étaient très longs et les temps de mouillage pouvaient durer plusieurs semaines. Les équipages, eux aussi nombreux, étaient logés dans des quartiers jouxtant le port à forte homogénéité sociale,1 comme le quartier de la Boca à la fin du XIX siècle, puis le quartier de San Telmo au XX siècle. Le Port regroupait toutes sortes d’activités directement associées comme le transport, la maintenance, et la construction des navires, le transport de passagers et les activités de pêche, mais regroupait aussi des activités manufacturières, agro-alimen-taire, stockage de marchandises, import export, ainsi que des activités spécialisées lié à la vie du port, hôtel, restauration, com-merce)

1 CHALINE Claude, Ces ports qui créerent des villes, Editions l’Harmat-tan, 1994 p 32

L’inscription spatiale de ces activités se traduisit par une très importante consommation d’espaces linéaires sur la zone d’interface ville/eau, directement en confrontation avec le centre historique de la ville. S’ajoutant au linéaire des quais venaient s’ajouter d’immenses zones de stockage atteignant plusieurs centaines d’hectares, dans le cas de Puerto Madero, il s’en suivit un effet global de coupure physique, visuelle et psychologique entre la ville et l’eau, d’autant plus intense que s’y ajoutent les contraintes douanières et sécuritaires matérialisées par des murs ou des clôtures en continu. Globalement, l’ambiance polluée, fonctionnelle et l’accessibilité réduite éloignèrent les citadins qui «perçurent ces espaces comme répulsifs»

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Photographie du balnéario le jour de l’inauguration,11 septembre 1918

Plan d’aménagement Jean Claude Forestier et Charles Thays

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4 - Une friche Urbaine convoitée Depuis la désertion des bassins marchands cette im-mense zone sera laissé à l’abandon durant près de 30 ans. Dans les deux première décennies, il y a une prise de conscience de l’enjeu que comporte cette zone libre située en plein centre ville. Les architectes et les ingénieurs prennent la mesure son potentiel ce qui entraîna un foisonnement de réflexions projectuelles quant à la reconversion de ce quartier s’étalant jusqu’au année 1980. Bien qu’aucun n’ai réussi à se concrétiser sur la durée, cet en-semble de projet influenceront très fortement les projets actuels de la zone et les grandes directives urbaines prise par la ville.

A «El balnéario de los pobres», un éphémère retour au fleuve (1918-1955)

«Sur les rives boueuses du Rio et les terrains côtiers, fréquemment inondés par les crues, rodaient les «orilleros» (littéralement «les gens des berges»), personnes marginales, parfois sinistres et des animaux abandonnés. Durant les mois d’été, les habitants des «conventillos»,des suffocants et surchargés, avaient pour habitude d’y aller pour un soulageant rafraîchissement, dans les eaux du fleuve. C’est pour cela que ce lieu s’appelait « el Balneario de los Pobres» (les bains du pauvre)» 1

1 http://www.arcondebuenosaires.com.ar/balnearios

En 1891 la zone de Puerto Madero est déclarée «juridic-tion municipale» et est laissée à l’abandon, il ne reste qu’un caba-non où les baigneurs venant des quartiers populaires peuvent se changer. En 1917, sur ordonnance municipale, on construit une digue pour protéger le terre-plein de la houle ainsi qu’un espace public. Le but était de sortir la côte de son état d’abandon et permettre de nouveau aux porteños de profiter de leur fleuve. Un grand remblai de 10 m dédié aux piétons est créé et une haie de peuplier vient séparer cette voie piétonne d’un espace de loisir avec des terrains de foot et de tennis. Le balnéario fut inauguré 1 an Après, le 11 septembre 1918, bien que ce fut en hiver, l’inau-guration eut un grand succès. «... Ia chaleur était étouffante, cependant, de nombreuses familles et voisins se sont rassemblés sur la rive pour assister à l’événe-ment. Divers véhicules et carrosses ont été réquisitionnés par les dames qui portaient de longues robes et des chapeaux fantaisies, les messieurs s’étaient vêtus de leurs plus beaux habits et se diri-gèrent ensemble vers les nouvelles installations de la promenade. Dans l’après midi, une forte averse tomba sur la ville, malgré cela, l’abondante pluie n’intimida pas l’enthousiasme des participants et ils restèrent sur les lieux, profitant des nouveaux aménagements» 2

2 http://www.arcondebuenosaires.com.ar/balnearios

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Vue aérienne du balnéario, ministerio del desarollo urbano, 1925

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A partir de 1922 on commence à travailler sur la trans-formation et l’embellissement urbain et paysager de la zone. Le président Alvear et le maire Noel, habitués aux cités balnéaires européennes et Mar Del Plata (ville côtière argentine plus au Sud), pensaient que Buenos Aires méritait son «Balnéario». C’est à Jean Claude Forestier et Charles Thays, très prolifiques pay-sagistes français de l’époque et auteurs du parc 3 de febrero, qu’est confiée la tache d’aménager l’ancien Puerto Madero. Une partie des travaux est inaugurée en 1924. Le reste est achevé en 1925 avec les travaux d’extension du littoral Sud, qui est appelé Avenida 9 de Julio, nom qu’elle perdit à l’ouverture de la grande avenue éponyme reliant les deux gares ferroviaires du Retiro et de Constitution. Buenos Aires avait enfin un lieu de baignade, ce n’était pas aussi agréable que Mar del Plata que la «haute bourgeoi-sie» avait l’habitude de fréquenter depuis les années difficiles de la Première Guerre Mondiale. La transformation était importante, avec sa digue de protection, ses larges escaliers en béton armé qui donnaient sur l’eau, facilitant ainsi la baignade, les jardins dans le style des palais européens, décorés avec des lanternes et des grands pots de cuivre et les milliers d’arbres plantés pour donner de l’ombre aux baigneurs, à la fois le long de la rive et sur la pro-menade, des pergolas antiquisantes ainsi que de nombreuses satues ponctuaient le Balneario. Pour le confort de ces nouveaux

plagistes urbains, sont construits des douches et des casiers individuels pour stocker vêtements et objets personnels. Le long des avenues sont installées les premières brasseries locales, possédant une petite scène, elles offraient nourriture et divertisse-ment en plein air. Plus tard, elles seront transformées en établis-sements de bonne qualité comme La Rambla, La Pilsen, El Nido, La Pearl, The Juan de Garay et Brisas del Plata, tout en conser-vant leur scène où des artistes de premier plan effectuaient des représentions diverses et variées qui se prolongeaient jusqu’au petit matin. La zone était devenue une des promenades favorite des familles de la classe moyenne en fin de semaine ou de ceux qui ne pouvaient pas se permettre de se rendre sur la côte atlan-tique en été. C’était la sortie la plus proche, la plus populaire et la plus économique, cependant elle avait depuis longtemps cessé d’être le «Resort» des pauvres, selon les estimations de l’époque jusqu’à 20 000 personnes venaient les week-ends. Dès 1923, le maire Noel , avait réglementé l’utilisation des installations, il était obligatoire «... l’utilisation de maillots de bain en maille (Type salo-pette) ouun pantalon et une veste, et les vêtements devaient être en bon état» et «Il était interdit d’utiliser slip «commun» ou tricoté pour la baignade, les baigneurs devaient avoir des serviettes et ne pouvaient rester plus d’une demi-heure dans l’eau. Par ailleurs, il y avait bien sûr, une délimitation stricte des zones susceptibles d’être fréquentées par les hommes (côté sud) ou par les femmes

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Vue de la costenra Sur en 1919, Arcon de Buenos Aires Vue de la Costenra Sur en 1956, Arcon de Buenos Aires

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(côté nord).Cette période de faste, marqua l’apogée de la Costanera Sur, c’était une victoire des porteños, qui avaient regagné le fleuve qu’on leur avait confisqué durant près de 20 ans.

La crise de 1929 va marquer un tournant dans l’économie de l’Argentine et l’utilisation de son port. L’économie Anglaise est au plus bas et le système agro-exportateur est remis en question au profit du développement industriel, notamment dans le bassin du Riachuelo, avec la création des raffineries de pétrole et de Gaz. Le lien privilégié qu’entretenait l’Argentine avec L’Angleterre disparaît peu à peu et l’influence des Etats Unis devient de plus en plus forte sur le domaine industriel et sur les nouveaux modèles culturels. Symbole de cette rupture, en 1935, la municipalité qui roulait à gauche décide de passer à la conduite à droite. Buenos Aires et sa banlieue atteignent 3 millions d’habitants, soit 30% du pays. A partir des années 40, en parallèle, le commerce et le transport maritime se développent, notamment sur la baie du Riachuelo où l’on construit les premières raffineries de pétrole et des usines pétrochimiques sur les powlders, à l’embouchure du Riachuelo. Tous les déchets sont alors rejetés dans le fleuve sans traitement, il en résulte une pollution lourde et profonde du Ria-chuelo et de son embouchure sur le Rio de la Plata. Des panneaux commencent à apparaître sur les berges

du balnéario los pobres. mettant en garde sur les risques de pol-lution de L’eau. En 1955 l’eau du fleuve est déclarée impropre à la baignade et c’est le début d’une longue agonie pour la Costanera Sur.

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Plan de le Corbusier pour la ville de Buenos Aires, 1940 Croquis de la cité des affaires vue depuis la mer

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B Le plan Le Corbusier et Pierre Jeanneret en collabo-ration avec Jorge Ferrari Hardoy y Juan Kurchan (1938-1940)

Le Corbusier dénonce les problèmes d’urbanisme de la Ville «Parce que je me sens une grande commisération pour les gens de Buenos Aires, bloqués dans une ville sans espoir, sans ciel et sans artères et parce que je trouve de la plus élémentaire sagesse que la ville ouvre sur la mer...» Après un séjour à Buenos Aires, l’attachement et les re-lations de le Corbusier avec la capitale vont durer près de 20 ans. Sa vison va profondément influencer l’organisation de la ville, sans pour autant rien construire de concret. Il dénonce déjà les problèmes qui existent entre la capitale et son fleuve, alors que le balnéario de la Costanera Sur est à son apogée.« Aille! Buenos Aires a tourné le dos au fleuve de la Plata, elle ne le sait jamais, elle ne sait même pas qu’il existe! » Le Corbusier. Il propose en 1930, le Plan Voisin pour la ville de Buenos Aires et publie le célèbre croquis de la cité d’affaire au milieu de l’eau. En 1938, il prépare à Paris avec les architectes argentins Kurchan et Ferrari Hardoy le plan directeur de la ville, publié 10 ans plus tard après la guerre. Il propose une forte densification de la ville, restructurée autour de super manzanas, desservies par un réseau d’autoroute. Pour Puerto Madero, il proposa:l’élimination de ce dernier, donnant lieu à la création d’un site

ample, aux distractions publiques, avec des usages culturels et sportifs à l’échelle métropolitaine ; tels un projet de grand stade municipal multifonctions (sport, théâtre, défilé, fêtes publiques) et un « musée vivant » dans le but de connaître la Vie Argentine. - la division des fonctions portuaires à l’image de la pro-position de Briano de « Port Commercial ». Quant aux zones du Riachuelo (rivière au sud de Puerto Madero) et du Dock Sud, elles seraient destinées au « Port industriel ». - un front côtier comme élément emblématique de Buenos Aires, renforcé par le prolongement de l’axe de l’avenida de Mayo à travers un bras qui s’élancerait sur le fleuve vers une île artificielle où s’élèverait la « Cité des affaires », composée de cinq gratte-ciel. L’image nocturne des tours depuis l’eau devint une icône qui pénétra le subconscient de toute une génération, comme un destin qui devait s’accomplir. La proposition tend à nier le Puerto Madero alors existant et à parier sur la transformation, vers un modèle de ville ouverte en blocs isolés, une claire matrice fonctionnelle propre à l’époque. Pour rééquilibrer le Nord et le Sud, il prévoit un quartier de tours dans le Sud de la ville. Ce plan ne sera jamais appliqué, mais influencera les travaux de restructuration de la Boca ainsi que le plan régulateur de 1960, ainsi que les grands travaux auto-routiers de la junte militaire.

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Plans régulateurs pour Buenos Aires et la zone métropolitaine,1960

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C Le plan régulateur de Buenos Aires (1959-1960)

Dans les années 60, l’Etat lança une politique à travers tout le pays, le plan régulateur des grandes villes suite au constat du manque de directives urbaines générales de planification sur le grand territoire. A Buenos Aires, le centre s’est consolidé grâce à un système de rues spécialisées. La pratique de la démolition I’a transformé à tel point que l’histoire se lit aujourd’hui comme un collage de fragments. Le plan régulateur de cette ville mor-celée, s’appuyant sur une grande analyse (la première réalisée), comprend la situation régionale dans son ensemble et non plus seulement celle de la Capitale. Elle situe la ville dans son réseau complet d’interdépendances au niveau national. Elle met en évidence que l’extension du grand Buenos Aires se produit sans planification et génère des déséquilibres importants. En conséquence, il est proposé de contrôler le pro-cessus d’extension.La planification est pensée en trois échelles géographiques: - l’aire régionale: qui propose la déIocalisation des zones industrielles et la concentrations de population vers des centres urbains éloignés, du centre historique de la ville - l’aire métropolitaine: qui oriente le développement de l’aire dans le sens Nord-Sud en réorganisant toute l’aire côtière et en définissant une structure viaire basique de type autoroutier - l’aire urbaine: qui permet une distribution plus équilibrée

de la population, réduisant le déséquilibre du développement des zones Nord et Sud grâce à la mise en place d’un powlder de 400 ha. Sur le fleuve, il est proposé la création d’espaces récréa-tifs et la restructuration portuaire avec la suppression de Puerto Madero, l’amplification de Puerto Nuevo, la création d’une station maritime et celle d’une île où est construit un aéroport à échelle régionale sur le fleuve, en face de « l’Aeroparque », le désactivant pour le transformer en aire de détente.Concernant l’aire de Puerto Madero, il est proposé: -L’élimination des vieux bassins, récupérant l’aire pour des usages administratifs, culturels, de sport et de distraction. -Établissement d’un grand parc récréatif central dans la zone L’ancien parc de Retiro, fut transformé en cité adminis-trative et judiciaire. Ces nouvelles constructions, dynamisèrent le secteur alors très pauvre, Le 29 Octobre 1964, l’Assemblée législative donne à C. A. Boca Juniors (club de football) les terres obtenues par le rem-blaiement du fleuve juste au sud du Balnéario Municipal afin de créer un centre sportif. C’est l’abandon définitif de la zone par les porteños. Elle ne sera plus jamais la même, les intérêts privés pri-mant sur les intérêts publics, menant la zone dans un cul-de-sac. Le projet d’installation sportive n’est finalement jamais terminé, seul les vestiges de quelques équipements à l’abandon et un immense terrain vague subsistent.

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50Plans régulateurs Buenos aires 2000,1969

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D Le schéma directeur de l’année 2000- ORDAM/CO-NADE (1969) En 1969, se forma l’Office Régional de l’Aire Métropoli-taine, dépendant du Conseil Nationale du Développement. Sous la direction de l’architecte Juan Ballester Pena, se formula un programme de « Systématisation de l’Aire Centrale Régionale » ayant pour base des projections d’extension de la ville, dues à une augmentation démographique. Ces tracés s’étendaient sur une période de 30 ans, jusqu’en 2000.Les propositions pour Puerto Madero alors immobile, interdit, et laissé à l’abandon furent:- certains des hangars « devraient être respectés [car ils ont une] beauté qui émanait de [leur] noble construction ». - l’installation d’un parc central métropolitain avec des aires d’ac-tivités culturelles et éducatives: expositions ...Etc.- une aire résidentielle entre les bassins 2 et la prolongation à l’Est de l’Avenue Brasil. [à situer sur une carte]Pour la premières fois, l’idée de préservation des hangars appa-raît.

E Plan de rénovation de la zone Sud de Buenos Aires (1971) Ce plan de récupération de la zone Sud fut réalisé par l’architecte Juan Kurchan. Il se basait sur la redéfinition de deux secteurs, à usages différenciés:- Au sud de l’Avenue Belgrano, il proposait la codification d’aires privilégiant les destinations à l’habitat, les équipements, les com-merces, la santé, la détente, et le sport et éradiquant les usages industriels. [à situer sur une carte] - Dans L’aire de Puerto Madero, il privilégiait l’extension du sec-teur tertiaire établi dans l’aire centrale (100 000 emplois), com-plété de commerces, hôtels, salles de spectacle publiques et privées. Les bâtiments sont agrémentés d’un parc métropolitain, destiné à des activités récréatives et culturelles, réunies dans un seul complexe articulé.- Pour la zone nord, étaient prévues des activités portuaires, commerciales et sportives.Ici, les usages résidentiels ne conviennent pas.

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Réseau autoroute du grand Buenos Aires

Autoroutes et voies ferrées de Buenos Aires

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5 - La paralysie de la dictature, 1976-1982

La venue de la dictature en 1976 a complètement gelé le pays, le coupant de toute relation internationale et bloquant la possibilité de toute dynamique urbaine. A Autoroute et remblais

Dès 1976 de grands projets autoroutiers pour désencla-ver la ville sont lancés. Ils avaient pour but premier de rendre accessible Buenos Aires aux gens extérieurs, avec la création d’axes rayonnants dans tout le pays à partir de la capitale, mais ces autoroutes, bien qu’ayant facilité l’accès à la capitale, n’ont pas contribué à faciliter la circulation à l’intérieur de celle-ci. Elles ont eu un impact très important sur la ville, mais surtout sur la Costanera. Créant une véritable barrière entre la ville et la côte qui paralyse la circulation urbaine. L’exemple le plus impressionnant est l’autoroute panamé-ricaine qui traverse tout le continent Sud américain, desservant d’un coté le Brésil et de l’autre le Perou, la Bolivie, l’Equateur et la Colombie et passe le long de la côte, suivant un tracé parallèle à l’ancienne voie Libertador et du chemin de fer du «bajo». De l’autre coté cette autoroute dessert tout le Sud du pays, la Pata-gonie, qui est une région possédant de grande ressources natu-

relles. Toute le trafic routier argentin et Sudaméricain se concentre sur cette voie et passe par les berges du fleuve. En 1978, le «tout-puissant» maire de l’époque Cacciatore ( maire sous la gouvernance militaire) décide de construire une «ville administrative satellite» dans l’esprit du projet de le Corbusier et commence à remplir des gravats provenant des autoroutes en construction, une grande zone devant la Costanera Sur. Ils sont ensuite complétés par la boue du dragage des canaux environ-nants. Au total ce sont trois cent cinquante hectares qui sont ga-gnés sur l’eau. Ce projet pharaonique n’a jamais été achevée et laisse place à un immense désert côtier et deviendra de manière involontaire 30 ans plus tard la fututre «reserva écologique».

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Terrains gagnés sur le fleuve depuis la douane de Taylor

1836 - Maraicages de Palermo

1911 - Puerto Nuevo

1862-1897 remblaiement de protection

1927-1937 costanera norte et UBA

1887- 1897 Puerto Madero et dock Sur

1937- 1964 remblaiement

1897-1910 remblaiement costanera norte

1964-1991 Reserva ecologica et c.d.Boca

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B Un dernier projet pour Buenos Aires En 1981, peu avant la chute de la dictature, fut demandé à un Conseil d’architectes, formé par Mario Roberto Alvarez et Associés, Rafia Veloso et Serra Valera Arquitectos, la réalisation d’une étude du territoire conforme pour Puerto Madero, zone refoulée, qui serait destinée à l’expansion de l’aire centrale. Le programme qui surgit de cette étude, identifiait de manière plus spécifique les opportunités et typologies structurantes du projet spatial d’ensemble. C’est alors que des organismes publics et privés qui, à ce moment, opéraient dans la zone, se réveillèrent, l’orientant vers une stratégie urbaine qu’ils définirent en deux par-ties: une qui se réfère aux usages des surfaces et une autre à la projection de constructions et au peuplement du territoire. Sur cette aire de 800 hectares de terains vague, il fut proposé: `- L’augmentation de la superficie du sol pour localiser les activités tertiaires supérieures -la création d’un parc métropolitain d’usage public, à ca-ractère récréatif et culturel, avec des équipements (Musée Métro-politain et auditorium) qui requièrent une situation centrale. - un total de 5 000 000m2 qui logerait 135 000 emplois et 50 000 résidents (27% de tertiaire) et 6 500 places de parking d’usage public pour stationner en sous-sol

Après la dictature en 1982, le pays s’est rouvert petit à petit se préoccupant du cas urgent de Puerto Madero, quartier pourris-sant en coeur de ville.

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Le bilan de la conquête du fleuve

La ville eut un essor commercial important au début du XIX siècle et commença à se moderniser, notamment au niveau des berges où l’on effectua des remblais afin de gagner sur le fleuve et l’on assécha les marécages comme dans le parque 3 de febrero. Au milieu du XIX, le début de l’industrialisation venue d’Angleterre toucha Buenos Aires qui entretenait alors des liens étroits avec le Royaume-Uni. Le commerce et l’exportation agricole prirent alors des dimensions beaucoup plus Importantes. Des voies de chemin de fer firent leur apparition et irradièrent le pays pour « drainer les produits de la pampa vers l’Europe. Fut alors lancé en 1887, un concours pour le nouveau port de Buenos Aires, qui devait symboliser la grandeur de la ville et du pays. On décida de l’implanter face à la Plaza Mayo, lieu symbolique de la fondation de la ville et porte d’entrée du continent Sudaméricain. «la ville est alors dans une logique internationale de la ville Port qui favorise le transport ferroviaire et les zones de stockage terrestres» On hésita entre un port ouvert, soutenu par les éleveurs argentins et un port fermé soutenu par les traders britanniques. S’enorgueillissant d’être «la ville la plus européenne» d’Amérique du Sud, la pression financière de la City londonienne fit pencher la balance en faveur du projet de l’ingénieur Madero, une suite

de 4 bassins séparés par des écluses. Aussitôt terminé aussitôt dépassé par le gigantisme naval de l’époque. Les ports fermés ne pouvant plus accueillir les bateaux, on construisit un nouveau port, Puerto Nuevo, au Nord de celui-ci en face du quartier de Recoleta. Ces deux étapes ont constitué un virage dans la relation que la ville entretenait avec son fleuve et son port. Après 3 siècles de développement parallèle, la façade noble de la ville, vitrine de sa grandeur et de sa prospérité, se voit coupée, en l’espace de 2 décennies seulement, de son fleuve par une immense zone industrielle portuaire, Il y eut cependant un regain d’intérêt pour le fleuve au dé-but du XX siècle avec l’aménagement, sur les vestiges de Puerto Madero, du «balnéario de los pobres». Ce fut une deuxième jeu-nesse pour le fleuve. En parallèle la Costanera Norte se déve-loppa, avec la création du parc de la Raza, puis de la Cuidad Universitaria, qui devaient créer une continuité de parcs linéaires le long de la Costanera Norte. Le Corbusier de visite à Buenos Aires dénonça les problèmes d’urbanisme, et la relation perdue entre la ville et son fleuve. Finalement l’instabilité politique et l’industrialisation de masse eurent raison de la Costanera. Les eaux du fleuve ayant été déclarées impropres à la baignade, ce fut la fin du balnéario

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de la côte Sud, la dictature militaire de 1970 se lança dans de grands travaux autoroutiers, reprit les remblaiements, notamment devant le balnéario Sur et bloqua l’aménagement de la Cuidad Universitaria par peur d’une révolte contre le pouvoir. Il ne reste donc de cette côte qu’un ensemble morcelé de travaux inachevés, discontinus, ou règne un chaos et une imperméabilité totale.

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III. Puerto Madero, une libération conditionnelle ?

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60diagramme extrait de CHALINE Claude, Ces ports qui créerent des villes, Editions l’Harmattan, 1994

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« Le slogan « ville port » est à la mode et symbolise une quête de l’identité urbaine.(...) Aujourd’hui, le renouvellement urbain est un phénomène de changement, de renouveau, permettant ainsi le remplacement ou la régénération d’éléments déjà présents sur ce territoire qu’est la ville » Ariane Wilson 1

1 Wilson Ariana, article « Villes ports, Quand l’urabin prend le large », architecture d’aujourd’hui n~332, p.29

Aux début du XX siècle en Amérique du Nord, puis plus tardivement dans le reste du monde, le système Ville-Port dans lequel Buenos Aires s’était inscrite commence à vaciller. Il provient essentiellement d’un changement radical de l’utilisation du port, et la remise en question de la surconsommation foncière alloué au port dans des centres urbains asphyxiés par ses infrastruc-tures. Le système ville-port est définitivement brisé au milieu du XXe siècle par le « gigantisme naval »1. Le besoin de liaison avec l’arrière pays entraîne un étalement des ports et une fragmenta-tion en pôles dédiés à une distribution spécifique 2 La Fonction port entrepôt disparaît et avec elle, son inte-raction avec la ville.. Il était autre fois la zone tampon entre un transport maritime aléatoire assuré par des navires qui faisaient de nombreuses escales et un transport avec l’arrière pays iné-gal, dépendant du transport ferroviaire qui nécessitait une grande capacité de stockage pour encaisser les variations de flux. Le port n’est plus un moteur de développement économique local mais un vecteur de flux, simple étape d’une chaîne de distribution internationale. Dans les années 1950, la standardisation du transport par

2 CHALINE Claude, Ces ports qui créerent des villes, Editions l’Har-mattan, 1994 p 32

1 - La reconversion des friches portuaires

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portes conteneurs, aux tonnages croissants et aux normes de tirant d’eau tels, qu’il rendit de nombreux port à travers le monde désuets. Puerto Madero en est un exemple avant l’heure puisqu’il ne supportât pas le passage de voiliers aux bateaux à moteur avant même l’arrivée des supertankers. La manutention et le stockage des conteneurs, s’effec-tuant moins en vrac, exige des grues spéciales et des zones de stockage dégagées, rendant les immenses hangars inutili-sables. Le rythme des rotations des navires s’est intensifié grâce au nouvelles techniques de manutention, mais aussi pour limiter les coûts de droit au quai, réduisant également la taille des équi-pages, il s’en suit un tarissement de la demande en services liés à la vie des équipages à quai, logement, restauration, commerce, divertissement, le port n’interagit plus avec la ville directement et devient une île urbaine autonome séparé de la ville. Aujourd’hui les ports sont en tête ou en terminus de chaîne logistique et la capacité des infrastructures à accélérer les liaisons entre le port et l’arrière pays a fait perdre au port son rôle de stockage. Ajouté à cela l’utilisation croissante du trans-port routier, plus flexible que le train, qui nécessité la création de voies adaptées aux poids lourds en parallèle du port, comme l’avenue Libertador et l’autoroute urbaine ajoutant une barrière de plus entre la ville et son fleuve tout en congestionnant le trafic routier secondaire et toutes les nuisance qui en découlent, bruit, pollution, embouteillages.

Une des raisons qui pouvait justifier l’implantation en centre ville des ports est le transport maritimes des passager sur moyennes et longues distances. A partir des années 1950, on assiste à un effondrement du transport de passager en concur-rence avec le transport aérien. Ce qui était autre fois la porte d’entrée de la ville et du nouveau continent n’est plus qu’une immense zone industrielle déshumanisée, les quais, moles d’es-cales, gares maritimes, sont devenues en l’espace d’une décen-nie pratiquement sans usage. Cette transformation dans les usages du port transforme totalement le paysage de la ville et laisse une immense friche industrielle entourant généralement le centre historique comme c’est le cas à Buenos Aires. S’offrait donc aux villes la possibilité d’une reconversion urbaine de leurs zones portuaires. Différents modèles de reconversion urbaine ont été éta-blis. Les premiers nommés «Waterfront revitalisation»1 dans les années 60 à Baltimore aux Etats-Unis, montrent que l’accent était porté sur la relation directe et désormais possible avec l’eau plus que sa liaison avec le centre ville limitrophe. L’évolution des mor-phologies de ces deux zones distinctes, ville et port, n’a fait que renforcer la division entre les deux.

1 Wilson Ariana. article « Villes ports, Quand l’urbain prend le large », architecture d’aujourd’hui n°332, p.30

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Un deuxième modèle appelé « Festival Markets »1 s’axe-lui sur le prolongement du centre ville en une aire récréative de loisir et de détente. Beaucoup de villes asiatiques mais égale-ment Puerto Madero, ont affirmé grâce à un panoramique de tours depuis le fleuve, leurs forces dans la place financière et commerciale à l’échelle mondiale. Ces projets, pour la plupart multifonctionnels, ont souvent eu la préoccupation de la mémoire du lieu, s’appuyant sur le patrimoine encore présent (hangars, grues silos...). On s’est rendu compte que « faire valoir la spé-cificité culturelle de chaque lieu permettait d’intéresser les par-tenaires économiques», et donc d’aider financièrement à la re-conversion de ces zones urbaines stratégiques. Beaucoup de ces aménagements portuaires ont vu leur reconversion guidée par les intentions urbaines des anciens plans. Par exemple, les canaux d’Amsterdam dépourvus de leur fonction d’infrastructures ont toujours un rôle structurel dans la ville grâce à leur respect du contexte urbain originel, chose visible le long des bassins de Puerto Madero. Tous ces exemples très différents se rejoignent autour de la reconnaissance de la valeur géographique privilégiée du site, orientant la ville vers l’eau et l’interprétation de la mémoire du lieu pour l’unir à la ville. Ariane Wilson nomme ce phénomène « le fantasme portuaire ».

1 idem

Buenos aires a déjà dû faire face à une reconversion por-tuaire de grande ampleur, sur la zone de puerto madero, mais pour sortir totalement de l’enclave portuaire dans laquelle elle étouffe depuis près d’un siècle, elle doit songer à une remise en question de son port actuel et analyser les enjeux de la zone de Puerto Nuevo pour retrouver une vraie cohésion entre la Ville et son Port et s’ouvrir totalement sur son fleuve, qu’elle avait presque oublié. Nous allons dans un premier temps analyser la reconver-sion urbaine de la zone de Puerto Madero pour comprendre les facteurs qui ont permis sa reconversion, puis ensuite se tourner vers le port actuel de Puerto Nuevo situé sur le quartier de Retiro en examinant les enjeux et les possibilités d’une reconversion portuaire future.

PUERTO MADERO

PUERTO RIACHUELO

MICROCENTRO

LA BOCA

RECOLETA

RETIRO

PUERTO NUEVO

SAN TELMO

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2 - L’espoir du renouveau urbain de Puerto ma-dero

A Une prise de conscience politique

Le secteur sur lequel se situait l’ancien puerto Madero fut laissé à l’abandon durant des décennies, devenant une des zones les plus dégradées de la capitale, plein de dépôts et de terrains vagues. En 1925, 1940, 1960, 1969, 1971, 1981, on émit une succession de propositions tendant à urbaniser le vieux port, ou alors le démolir complètement et reconstruire autre chose par-dessus. Mais aucun de ces plans n’aboutit. En 1985, à la sortie de la dictature militaire, des conseils d’architectes et d’urbanistes s’organisèrent dans tout le pays, pour constater les dégâts urbains causés par le régime et mettre

en place au plus vite des plans directeurs pour les agglomérations des grandes villes (Buenos Aires, Rosario, Cordoba), laissées au bon vouloir des citadins et des maires tous puissants depuis les années 70. Ces planifications territoriales traitaient aussi bien, des zones de renouvellement urbain (zones d’infrastructures laissées à l’abandon: port, chemin de fer...) que de futures extensions urbaines, jusqu’alors réalisées à l’échelle de morceaux de ville indépendants, sans logique de continuité, comme ce fut le cas des remblais de Buenos Aires. Cette même année, la «Municipalidad de la Ciudad de Buenos Aires» (Municipalité de la Ville de Buenos Aires) établit la proposition dénommée CPU, se référant spécialement à l’en-semble de la Costanera Sud et de la friche portuaire de Puerto Madero à l’abandon depuis près de 30 ans. Les propositions pour Puerto Madero furent: - de créer une continuité de parcs, intégrés au fleuve - de créer une réserve naturelle pour sauvegarder les es-pèces de ce territoire ( en utilisant l’immense île de gravats laissés par les remblais d’autoroutes construits sous la dictature) - de créer une aire à usage récréatif, avec des pépinières et des lieux pour des expositions rurales - de créer une aire d’usage restreint, pour la recherches et des contrôles. - de récupérer les friches de la Costanera Sud Une convention fut signée entre la Faculté d’Architecture

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et d’Urbanisme de la Capitale (UBA) et le Secrétariat de l’État au Transport. Ils proposèrent la récupération et le développement de l’aire de Puerto Madero et de la Costanera Sud. Les étudiants furent mis à contribution et les études commencèrent dans l’ate-lier d’étude de l’architecte Juan Manuel Borthagaray puis se dé-veloppèrent dans tous les ateliers de l’école d’Architecture. Les principales idées préliminaires et règles programmatiques furent: - formuler un plan général de l’aire de Puerto Madero pour opérer par étapes. - prévoir la gestion privée en liaison avec les actions du marché - urbaniser la zone, la considérant comme l’extension de l’aire centrale, avec une totale liberté de choix des usages du sol. - de préserver et de restaurer autant que possible les édi-fices, espaces verts et équipements portuaires de valeur histo-rique, culturelle et économique: hangars, silos, grues, Costanera sud ...Etc. L’usage du patrimoine industriel est laissé au libre choix de l’équipe en charge du projet en fonction de son état et du coût de sa réutilisation. B La CAPM un néttoyage administratif A la fin de 1989, la réalité économique ne permettait pas encore de voir des signes efficaces de sortie de la récession. Les lois d’urgence économique et de réforme de L’Etat fournis-saient un nouveau marqueur juridique pour le remaniement des

biens de celui-ci. Néanmoins, les années de spéculation finan-cière laissèrent l’Etat argentin méfiant face aux éventuelles propo-sitions des nouveaux investisseurs. C’est dans ce contexte que le Gouvernement National et Municipal impulsa la requalification de la ville comme un facteur de réactivation économique. Pour cela, L’Etat devait mettre en place une transformation des modes de gestion et de représentation citadine et demandât l’aide de Barcelone qui a démontré son efficacité en termes économiques et sociaux, se basant sur les travaux réalisés depuis la fin des années 70 par le maire Pascual Maragall à Barcelone pour ré-ur-baniser la côte et récupérer le port. Ces deux axes amenèrent l’intendant Grosso à affirmer la volonté de quitter la grille de quadra qui formait la ville et de pro-poser à Buenos Aires un nouveau souffle, de nouveaux usages, avec comme étendard, le site du vieux Puerto Madero. En effet à ce moment précis, deux faits mirent en avant la nécessité urgente du renouvellement urbain de Puerto Madero. Une information de la Rogge Marine Consulting analysa le port de Buenos Aires à l’intérieur du système national de ports, affirmant l’inutilité portuaire des bassins 1 à 3. Également, la pro-mulgation de l’ordonnance municipale déclarant « réserve éco-logique » les terrains gagnés sur le fleuve, imposant ainsi leur préservation. Les 170 hectares de la zone de Puerto Madéro avaient des juridictions superposées : -Administración General de Puertos (Administration géné-

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rale des Ports), -Ferrocarriles Argentinos (Chemins de fer argentins) -Junta nacional de los Granos (Junte nationale céréalière) Le 15 novembre 1989, le ministère des Travaux publics, le ministère de l’Intérieur et la municipalité de la ville de Buenos Aires signèrent l’acte de constitution d’une société anonyme dé-nommée «Corporación Antiguo Puerto Madero» (Corporation de l’ancien Puerto Madero). L’accord signé impliquait le transfert de la totalité des hectares à la Corporación Antiguo Puerto Madero S.A., tandis que le gouvernement de la ville avait la charge de la réglementation des normes de développement urbain. Ce système de gestion rendit possible la récupération de cette zone stratégique, représentant par son envergure et sa répercussion, le développement urbain d’importance majeure en-trepris par Buenos Aires. Ce fut dès lors la Corporación Antiguo Puerto Madero qui s’occupa de passer des actes notariés

C Mise en place d’un plan stratégique

En parallèle des changements institutionnels qui s’opé-rèrent, Une équipe de professionnels composée de Tony Diaz, Luis Ibarlucia, R.Gil, D.Silberfaden et M.F. De Luco fut primée dès 1986 pour leurs propositions urbaines sur ce territoire: .Ils établirent les propositions suivantes: -3 033 505 m2 pour édification à l’Est des bassins, divisés en : 55% d’usages tertiaires, 37,3% de résidentiel, 3,3% de com-

mercial et 4,4% d’équipements. -la bande adjacente à la Costanera qui se destinait à des résidences de haute densité, le tertiaire mixte adjacent aux bas-sins et l’espace interstitiel entre les deux bandes réservé pour le résidentiel de densité intermédiaire. -l’enceinte du bassin 1, à part du système général de bandes, qui se proposait de devenir un centre d’expositions -60 Ha d’espaces verts -la création d’un parc central en correspondance avec l’axe de L’Avenida De Mayo -des aires de stationnement automobile sur deux niveaux enterrés, dans tous les îlots de haute densité. En 1989, une convention fut signée entre les deux ad-ministrations communales de Barcelone et de Buenos Aires. Le résultat de cette gestion fut le Plan Stratégique pour l’Aménage-ment de Puerto Madero, produit en 1990 par des consultants européens associés (Joan Busquets, architecte y Joan Alemany, économiste). Cette proposition s’est appuyée sur des réflexions venant d’Europe, qui travaillaient déjà sur ce type de recyclage portuaire et sur la manière dont il affectait les grandes villes.

D Développement du nouveau quartier

La réalisation de ce plan signifia un investissement total d’un milliard de dollars de la part de l’Etat.

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L’enjeu de ce renouvellement urbain était de rééquilibrer la ville, entre le Nord riche et le Sud pauvre, grâce à la mise en place d’un pôle de développement (équipements, habitats, espaces verts) sur la zone de Puerto Madero. C’est ainsi que furent définis les différents points programmatiques du Concours d’Idées : - activités tertiaires et résidentielles, manquantes sur le ter-ritoire - préservation des éléments constitutifs de l’histoire por-tuaire, représentant l’identité ancestrale de la capitale « porteña» (la ville du port) - l’accès aux habitants de la mégapole à la réserve et au fleuve, relation au grand paysage jusqu’alors absente dans la vie des porteños. Suite à ce Concours, la Corporacion travailla sur un mon-tage financier basé sur une succession d’étapes autonomes. Elle commença par la réhabilitations des seize hangars suivant une ordonnance patrimoniale. Ces réhabilitations furent réalisées par les plus grandes agences d’architecture du pays et vendues au fur et à mesure de l’avancement des travaux. En parallèle, les travaux d’infrastructures furent réalisés pour la viabilisation des terrains sur toute la zone, et sa liaison au centre-ville. Les tours et bâtiments se sont développés suivant le plan urbain d’origine, hébergeant des entreprises et programmes de prestige (France télécom, Axa, Paroisse, Yacht Club, Hilton ...). Puis, en 1994, le concours pour les « nouveaux espaces

verts » marqua une nouvelle étape. Ce fut le plus important projet jamais réalisé à Buenos Aires. Il donna lieu à un grand nettoyage sur ce territoire (habitats non réglementaires, prostitution, trafic ...). il fut justifié par une politique territoriale de récréation et de loisirs. Des interventions ponctuelles de grands architectes internatio-naux comme celle de Calatrava, complétèrent ce panorama avec le fameux «Puente de la Mujer».

Projet gagnant pour Puerto Madero, 1992 Juan Manuel Borthagaray, Cristian Carnicer, Pablo Doval, Enrique García Espil, Mariana Leidemann, Carlos Marre, Rómulo Pérez, Antonio Tufaro y Eugenio Xaus

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Dock Ouest

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3 - Puerto Madero deux decennies plustard

A Dock Ouest

Le plan du secteur pour la zone des «docks » (=hangars) comprise entre l’avenue Madero-Huergo et les bassins, fut pensé comme une étape autonome de la mise en oeuvre du secteur, indépendante du plan urbain et de son développement. La stra-tégie de la CAPMSA fut la vente échelonnée des hangars étape par étape. Elle consistait à transmettre la confiance autant aux investisseurs privés qu’aux organismes publics. Les hangars seraient munis de nouvelles fonctions, re-cyclés et commercialisés au travers d’investigations publiques.

Sous forme d’appels à idées et de prix, elles donneraient la prio-rité aux propositions basées sur la mixité forme/fonction, en adé-quation avec les nouvelles activités. La possibilité d’occuper les hangars avec différents usages impulsa une nouvelle dynamique à la vente. Avec les bénéfices produits, la Corporation réalisa les travaux d’infrastructures nécessaires pour que l’aire fonctionne au maximum. Elle assura ainsi le marché passé avec ses inves-tisseurs. Les édifices préexistants, sujets à des règles de pré-servations du patrimoine, s’incorporent à la nouvelle trame. Les dix-sept anciens dépôts de brique, s’alignent les uns après les autres, sur une longueur de 2,5 km, à intervalles réguliers, sur le bord ouest des bassins. Construits entre 1900 et 1905 pour le stockage, ils présentent une galerie et des plateformes vers les bassins. Ils disposent de trois ou quatre étages et d’un sous-sol. Ces dépôts furent dessinés en Angleterre et construits pièce par pièce sur le lieu où ils sont toujours debout. Ils représentent une trace de l’architecture anglaise présente dans le pays, fai-sant partie du patrimoine historique et culturel national. Les grues adossées aux murs étant utilisées pour charger et décharger des marchandises, sont aujourd’hui rénovées et symboles de l’ancien port. Derrière la ligne bâtie formée par les « docks » et le long de l’avenue Madero-Huergo, de nouveaux réseaux d’infrastructures de services sont réalisés sur une longueur de 3 km, changeant la vieille ligne de chemin de fer en un cheminement public attractif (tramway ...Etc.).

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Bassin 3Bassin 4

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B Secteur Est:

Dans le secteur Est, la berge, le long des bassins, pré-sentait une édification peu élevée, avec un ensemble d’usages mixtes, dotant d’une meilleure attractivité des promenades pu-bliques. Une seconde ligne derrière celle-ci se projetait à plus grande hauteur. Enfin, deux grappes de tours achevaient les bou-levards centraux en se projetant vers la Costanera, rappelant ainsi l’image de la « Cité de negocios » de Le Corbusier (1938).

Bassin 4 C’est la Grande Porte Nord au fleuve de la Plata. Sur la jetée, la présence de rez-de-chaussée commerciaux, la situation

de la Marina de Plaisance du Yacht Club de Puerto Madero et le Musée de Collection Fortabat confortent l’offre récréative. La promenade a été projetée suivant une construction de places ouvertes le long de la jetée, en correspondance avec chacun des bassins. Le prolongement de l’avenue Cordoba, futur boulevard Cecilia Grierson, articule le quartier avec la zone de Retiro (Ubs de la Capitale). Le long de cet axe, l’emblématique édifice Télé-com, siège administratif central de l’entreprise, fut la deuxième tour à structure métallique construite dans le pays. Les édifices de bureaux (Colonos Plaza, Puerto del Centro, MAPFRE, IRSA et RAGHSA) sont répartis en alternance avec les édifices d’habi-tat (Terrazas del Yacht, Madero Center, Forum Puerto Madero et Tours du Yacht).

Bassin 3 Situé à la hauteur de la Plaza de Mayo, c’est le bassin phare où se dresse le «Puente de la Mujer» (pont de la femme). Icône du nouveau quartier, il génère un dialogue entre les deux rives, arrivant jusqu’à la place de Reina de Holanda où se situent les silos de la JNG2, point persistant de la mémoire du site. Le front construit sur la jetée Pierina Dealessi est composé d’édifices de bureaux avec leurs murs rideaux, leurs panneaux d’aluminium et de verre. Les rez-de-chaussée animent l’esplanade du bord de l’eau par des bars, des restaurants, des magasins ou des salles de sport. C’est une aire où convergent les équipements, le résidentiel, les bureaux et le parc central, situées entre les bou-

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Bassin 2 Bassin 1

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levards d’accès Macacha Guemes et Azucena Villaflor. Les tours soulignent l’axe de l’avenue de Mayo et établissent la limite entre le nouveau front urbain et le fleuve. La tour d’YPF (pétrole) cha-peaute toute la zone. Derrière le front bâti des bassins, se situe le parc central: Mujeres Argentinas (femme argentine) qui conserve les «réserves vertes» établies dans le projet initial, entamant une transition avec la Costanera. Plus de la moitié de la superficie du Plan Maestro a été destiné aux espaces récréatifs et de détente, d’usage public indifférenciés et gratuits, apportant plus de cin-quante hectares d’espaces verts en plein centre ville.

Bassin 2 Ici, l’unique préexistence importante est l’édifice des Mou-lins du fleuve de la Plata, qui actuellement loge le Faena Hotel aménagé par Ph.STARCK. En correspondance avec cet édifice, reflet de l’architecture industrielle de Buenos Aires, se situent les parcs Micaela Bastidas et Virginia Bolten, marqués par la grappe des tours. Le boulevard interne Juana Manso, avec un terre-plein central arboré, parallèle au bassin, sert de générateur à un sys-tème d’ilot fermés, un linéaire bâti de chaque côté. La prédomi-nance y est résidentielle.

Bassin 1 Ce secteur est marqué par le boulevard Elvira Rawson de Dellepiane qui jouxte le quartier encore pauvre de la Boca (bidonvilles visibles), et le boulevard Rosario Vera PeSaloza, en continuité avec Estados Unidos, la rue principale de San Telmo qui se connecte au fleuve. Les bâtiments s’implantent avec un retrait de 30m par rapport au bord du bassin. De grands espaces de loisirs s’y établissent. Ils confirment l’importance la mise en place d’équipements urbains et de services à l’échelle de la ville.

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Réserve Écologique

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C Reserva écologiqua

Une des caractéristiques les plus singulières de Puerto Madero, est sans doute la présence dans le quartier, de la ré-serve écologique de Buenos Aires, située sur des terrains gagnés sur le río de la Plata dans les années 1970 et 80 sous la dictature militaire. Ils devaient servir à l’origine de terre plein à la future cité des affaires de Buenos Aires face. La réserve fut ouverte à partir des années 90, on y traçât des chemins en terre autour de deux grands marécages. La réserve peut être considérée comme un des plus grands espaces publics de Buenos Aires. Ce n’est pas officiellement un parc, mais un pré couvert par la faune et la flore autochtones s’étant adaptées à cette immense île de gravas et détritus en tout genre. De nombreuses activités récréatives s’y sont développé, vélo, course à pied et cet endroit constitue une

attraction touristique chaque année plus importante. C’est l’un des seuls endroits de Buenos Aires où l’on peut accéder direc-tement au Rio. Ce parc offre un contraste saisissant entre, d’un coté l’horizon ocre du rio interrompu par quelque tanker croisant au large, et de l’autre, la vision des tours de Puerto Madero sem-blant flotter au dessus de la végétation.

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Le Bilan de Puerto Madero

« Puerto Madero est perçu aujourd’hui comme un quartier insu-laire et chic de Buenos Aires, où il fait bon vivre et où s’élabore un nouveau « style de vie »1 Graciela Schneier-Madane C’est durant la récession que l’Argentine dut affronter (entre 1999 et 2002) que bien des travaux de grande envergure, furent suspendus. Mais l’intense récupération de sortie de crise depuis 2003 a donné une nouvelle et forte impulsion. Puerto Ma-dero y est défini comme le moteur d’une réorganisation spatiale et d’une régénération urbaine en front de fleuve, pour les citadins et pour la façade de cette capitale mondiale. Il est devenu l’icône de la nouvelle Buenos Aires, jeune, dynamique et économiquement florissante. Bien qu’au début le projet ait eu quelques détracteurs, ses résultats démontrèrent que les estimations de départ, même les plus optimistes, avaient été trop modestes. Le quartier se métamorphosa en un centre de grande expansion commerciale, avec l’insertion de bureaux et de logements familiaux ainsi que la construction de divers centres culturels. Ce qui engendra de plus un nouveau courant touristique Sous son apparente diversité d’équipements et en dépit de son intention première: un rééquilibrage Nord/Sud; Puerto Madero favorise toujours le Nord. La frénésie architecturale et la logique de surenchère immobilière ont fait capoter cette straté-

gie d’interaction sociale avec la ville. Les prix atteints par les édi-fices sont astronomiques, consolidant la place de Puerto Madero comme quartier le plus cher de la capitale. Il est vrai que les habi-tants de ce quartier sont en majorité des personnes sans enfants et relativement fortunés : jeunes couples ou couples dont les en-fants sont partis, personnes âgées riches, maisons de vacances. Ils font donc partie d’une classe sociale élevée. Les activités absentes de ce territoire sont avant tout les équipements de quartier, restreignant l’appropriation et l’implica-tion des habitants. Les gens passent, se promènent, contemplent, mais aucune vie de quartier ne s’y développe. De plus, la sépa-ration physique avec le centre ville persiste (autoroute, rail de voie ferrée) malgré les axes et les perspectives qui s’accrochent au tissu existant. Il est devenu une île urbaine, indépendante de la ville et reliée par quatre passerelles, comme prête à larguer les amarres et prendre le large. Le contenant de la mémoire collective désormais absent de son contenu à perdu de la force et du lien avec la ville. Ils ont ainsi créé un hubs économique basé sur une identité forte et spécifique, générant ainsi une forte intériorité et une apparente autonomie dans la Métropole Argentine.

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IV. Puerto NuevoLibérons Buenos Aires !

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Complexe portuaire de la zone métropolitain, Alberto VARAS, 2011

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D’un point de vue général, deux éléments majeurs ont remis en question la présence du port en centre ville: - le bouleversement qu’a provoqué le passage du port de stockage au port comme simple étape dans le transport des marchandises dans les années 1950. Ceci entraîna la chute la du transport de marchandises par train, au profit du transport routier, plus flexible et permettant au port de s’implanter, indépendam-ment des grandes infrastructures ferroviaires, dans des zones

péri-urbaines plus reculées, où il dispose du foncier nécessaire à son expansion. - La chute du transport maritime international de passager, au profit du transport aérien plus rapide et moins coûteux, le port n’étant plus la seule porte d’entrée à un pays où à une ville, il perd peu à peu son rôle de façade urbaine et la nécessité de sa place au coeur de la ville1. De nombreux exemples de délocalisation du port existent dans de grandes villes américaines et européennes, mais c’est toujours la cause d’une incapacité technique à faire évoluer le port. Dans le cas de Buenos Aires, le port à réussi jusqu’a pré-sent sa mise à niveau, s’étendant par polder sur le fleuve, mais au détriment de la ville. Cependant cette extension et ses consé-quences urbaines sont aujourd’hui à un point de rupture. Le port de Buenos Aires veut s’affirmer comme un centre important à l’intérieur d’un complexe portuaire intégré à la métro-pole en formation s’étendant de Rosario au Nord et Mar del Plata au Sud. La ville doit alors jongler entre, une volonté d’expansion du port à une échelle nationale et internationale et les répercus-sions, économiques, physiques, politiques et sociales à une échelle urbaine déjà compliquée. Cependant la ville ne semble pas vouloir laisser partir son port, reconnaissante de son histoire partagée et des intérêts économiques et financiers communs.

1 CHALINE Claude, Ces ports qui créerent des villes, Editions l’Harmattan, 1994 p 32

1 - La place du Port dans la capitale Porteña

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«Il est essentiel que le port de Buenos Aires soit «DE» Bue-nos Aires. (...) Le port a toujours été notre porte d’entrée et de sortie sur le monde. Il y a de nombreuses années il a été la porte d’une Argentine par laquelle arrivèrent nos parents et grands-pa-rents. la porte de bienvenue dans un pays d’avenir. Il continue d’être la porte de sortie de notre production, le fruit d’une terre florissante. Par conséquent, nous ne pouvons pas laisser cette porte se fermer» .1

A - L’incription du port dans le territoire

La possible mutation du port de Buenos Aires s’intègre dans une logique portuaire métropolitaine, pour devenir l’un des principaux opérateurs de service de conteneurs à l’échelle natio-nale et internationale. Il faut garder à l’esprit que l’impact du port n’est pas li-mité à l’espace physique occupé, mais sa zone d’influence se propage vers la périphérie et par conséquent il est associé aux problématiques de transport, mobilité, habitat, et de qualité envi-ronnementale à une échelle interterritoriale, faisant entrer en jeu de nombreux acteurs politiques et sociaux. Le transport terrestre est l’un des aspects les plus impor-tants dans le positionnement du Port et a une importance pri-

1 El Puerto de Buenos Aires | Lic. Horacio Rodríguez Larreta extrait de Visiones estratégicas sobre el Puerto de Buenos Aires - 1a ed. - Ciudad Autónoma : Unidad de Coordinaciónde Planes Estratégicos, 2013. p 27

mordiale dans la hiérarchie des activités et la gestion des voies fluviales difficilement navigables de l’estuaire de la Plata qui né-cessite un dragage permanent. Autre facteur important, la liaison avec l’arrière pays et le raccordement aux réseaux de transport de marchandises. La mauvaise gestion des différents réseaux ferroviaires, oblige le transport de passagers, publics et le transport de marchandises lourdes, privé, à partager le même réseau de transport limitant considérablement l’efficacité du transport de marchandise à l’échelle régionale et pénalisant les flux de passager dans l’es-pace métropolitain. Le dédoublement des voies serait nécessaire mais créerait une nouvelle barrière physique le long du fleuve. Un port est une porte d’entrée dans un pays, un terri-toire, un marché, une société. Dans le cas de Buenos Aires cette définition prend d’autres dimensions. «Depuis Buenos Aires, la République d’Argentine s’élargit autour du port, et l’on peut dire que lorsque Juan de Garay , en 1580 , a fait la deuxième et der-nière fondation de Buenos Aires sous le nom de la ville de Sainte Trinité et le Port de Santa María del Buen Ayre, il ne cherchait pas l’abondance en argent et en or, mais il a essayé d’occuper une zone stratégique et une porte de sortie importante sur la mer».2

2 El Puerto de Buenos Aires | Lic. Horacio Rodríguez Larreta extrait de Visiones estratégicas sobre el Puerto de Buenos Aires - 1a ed. - Ciudad Autónoma : Unidad de Coordinaciónde Planes Estratégicos, 2013. p 29

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1 Un port à l’échelle nationale Avec la création du Mercosur et l’intégration de l’Argen-tine dans un espace commercial international de plus grande envergure, la stratégie d’intégration du port à la région et non plus seulement à la ville semble indispensable. Le Mercosur est la plate-forme de transfert entre un modèle d’organisation nationale fortement dépendante de l’économie internationale à un modèle d’insertion dans l’économie mondiale, mais à partir d’une solide organisation régionale qui donne aux gouvernements la possibili-té de récupérer la souveraineté pour mettre en oeuvre leur propre stratégie de développement 1

Un des grands défis des gouvernements impliqués dans le processus de l’intégration sud-américaine est d’articuler avec succès des stratégies communes visant à réduire les conditions minimales de commerce d’un point de vue global tout en sou-tenant la production à l’échelle régionale. Les ports se situent en bout de chaîne logistique pour l’exportation et l’importation des biens provenant des productions locales et sont des points de confluences non plus régionaux, mais internationaux, visant à créér des réseaux de ports unis et complémentaires pour répondre à la demande mondiale

1 Odilia Suárez, La Trayectoria ejemplar de una arquitecta y urbanista en Latinoamérica (CPAU, 2010)

2 Un port à l’échelle régionale En Argentine, la positon centrale du port de Buenos Aires au niveau national est primordiale. De plus, son intégration et sa prédominance à l’intérieur de l’agglomération s’étendant de Ro-sario à La Plata. Cette aire métropolitaine en formation, concentre actuellement plus de la moitié de la population argentine, la plus grande diversité d’entreprises, les meilleures infrastructures flu-viales, et le plus gros trafic de containers du pays. Tout converge vers le renforcement de cette aire métropo-litaine et l’intégration à une logique globale de développement du pays, mais aussi du Mercosur. La région métropolitaine concentre environ 90% du trafic de containers du pays réparti à travers cinq terminaux: trois à Puerto Nuevo, un Dock Sud et un, à Zárate plus au Sud Cette force de centralisation nationale a toutefois plusieurs faiblesses pas encore résolues à l’échelle régionale. La concen-tration des activités portuaires, consommatrice d’espace et de transport peut provoquer une forte congestion des complexes urbains et portuaires dans un contexte urbain dense et déjà éta-bli. La mise à niveau des ports et des voies d’accès fluviales sont le principal facteur limitant pour l’exploitation de grands na-vires de transport, ainsi que la création de centres de transfert charges (ferroviaire et routier) pour transférer les marchandises vers l’arrière pays, où se trouvent les principaux centres de pro-duction industriels nationaux et internationaux. Il est donc judi-

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cieux d’utiliser les infrastructures déjà en place sur l’agglomération en favorisant une meilleure communication et spécialisation des ports selon leur capacité, sous une gestion commune pour qu’ils fonctionnent à l’uni son.

B Ville contre le port, ville par rapport au port La présence du port fait partie intégrante de l’histoire de la ville de Buenos Aires, et s’intègre dans la culture “porteña”, marquant le rapprochement et les liens forts entre la ville et son port. La suppression physique du port de la ville parait difficilement envi-sageable tant leur destin est lié. Aujourd’hui , le port couvre 28 % du linéaire de terre côtier de la ville, ce pourcentage est resté constant depuis 1925 [ Abra-mian, Capitainerie 2030, 2010] bien qu’il fut largement supérieur au début du XX siècle. Alors que la ville a toujours eu un intérêt dans les zones côtières grâce à un complexe d’espaces de parcs et d’équipe-ments sportifs (costanera norte, reserva eclolgica) on ne peut pas dire la même chose du port. La pression de la ville de Buenos Aires pour accéder à une meilleure ouverture sur le fleuve et occuper les zones vacantes laissées par le Port est constante. Le port souffre actuellement d’une mauvaise image oubliant le glorieux passé que la ville a partagé avec lui. Pour les habitants de Buenos Aires , le port est considéré comme l’un des respon-sables de la détérioration de la qualité de vie et à l’origine des principaux conflits à l’intérieur de la Ville - il est associé aux travailleurs des classes populaires et aux immigrants venus jadis d’Europe et aujourd’hui d’Amérique du Sud - Pendant longtemps, en particulier pendant l’ère mili-

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taire, le port a été fermé entièrement au public et a été considéré comme une zone stratégique, coupant toute interaction avec la ville - Les changements dans les modes de fonctionnement au début du XX siècle avec l’arrivée des porte-conteneurs et le dé-placement des zones de stockage, ont accéléré l’obsolescence de certaines installations portuaires, et de grandes parties du port se retrouvèrent à l’abandon. Certains ministères se sont attribués diverses parties à l’intérieur la zone portuaire qui furent déclarées, domaine public. Elles ont été utilisées comme dépôts où s’accu-mulait du vieux matériel devenu indésirable et des équipements nationaux encombrants en désuétude (locomotive, pont, dechets routiers...), généralisant une idée de négligence et de saleté1 L’analyse des enjeux que représente le port actuel et son intégration dans le territoire est primordiale pour déterminer l’ave-nir de celui-ci.

1 Ing. Jorge Abramian, Necesidad del puerto y conflictos puerto-ciudad , extrait de Visiones estratégicas sobre el Puerto de Buenos Aires - 1a ed. - Ciudad Autónoma : Unidad de Coordinaciónde Planes Estratégicos, 2013. p 43

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RECOLETA

RETIRO

PUERTO NUEVO

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2 - Enjeux urbains liés au port

La situation économique centrale du port de Buenos Aires est un élément constitutif de l’histoire de l’Argentine. Il était un centre commercial informel au moment de la vice-royauté, il fut la porte d’entrée pour les masses d’immigrants venues d’Europe, devenant la principale force de travail et de progrès au début du XXe siècle et aujourd’hui, il est l’accès aux biens importés et la principale sortie de produits à haute valeur ajoutée générée par l’industrie Argentine. On ne va ne pas essayer de se plonger dans les chiffres, mais nous allons essayer de définir les aspects posi-tifs et négatifs du développement des activités portuaires d’un point de vue économique. « Ne pas trouver de côté positif, priverait la capitale de la possibilité de donner une impulsion à son activité économique la plus importante. Ignorer les difficultés conduirait vers un chemin que les Argentins connaissent bien, cacher les problèmes sous le tapis en attendant qu’ils entrent en éruption, généralement avec consé-quences graves qui pourraient tout simplement empêcher toute pla-nification future1» Toutefois, le port a fait l’objet de très peu d’études. des études récentes ( Ghiglione ABRAMIAN, impacts des activités

1 Ing. Jorge Abramian, Necesidad del puerto y conflictos puerto-ciudad , extrait de Visiones estratégicas sobre el Puerto de Buenos Aires - 1a ed. - Ciudad Autónoma : Unidad de Coordinaciónde Planes Estratégicos, 2013. p 43

économiques du port de Buenos Aires , Rapport technique , 2005) ont été réalisées, et permettent de mettre en perspective, le port, son impact et les conséquences économiques.Le port en quelques chiffres: - il transite par le port de marchandises de Buenos Aires une valeur similaire à la valeur totale des exportations de soja du pays, soit environ 25 milliards par an, dont on estime que 1,25 milliards dollars ( 5%) restent dans la capitale2

- L’investissement du port dépasse les 1,5 milliards de dollars . - L’investissement dans les accessoires d’équipements portuaires (remorqueurs , bateaux, camions, etc ) est supérieur à 1 milliard dollars . - Le port génère 20 mille emplois directs et autour de 100 mille emplois indirects liés aux entreprises qui en dépendent - Environ 70 % des charges transitant par le port ne passent jamais par une zone de stockage et transitent directe-ment vers l’arrière pays. - En 2011 , le port de Buenos Aires à déplacé 1.151.900 EVP3 et si on ajoute le port de Dock Sud avec son 605 410 EVP, le total s’élève à plus de 1,7 millions d’EVP qui en font, l’un des plus gros port d’Amérique du Sud, derrière 2 ports brésiliens.

2 Ing. Jorge Abramian, Necesidad del puerto y conflictos puerto-ciudad , extrait de Visiones estratégicas sobre el Puerto de Buenos Aires - 1a ed. - Ciudad Autónoma : Unidad de Coordinaciónde Planes Estratégicos, 2013. p 44

3 EVP L’équivalent vingt pieds ou EVP (en anglais, twenty-foot equiva-lent unit : TEU) est une unité approximative de mesure de conteneur

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88Quantité de marchandises transportés par port, VARAS Alberto, 2011

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A- Une puissance économique indéniable 1 Le Port de Buenos Aires un Puissant centre logistique La place centrale du port de Buenos Aires au coeur de la ville a toujours été un facteur déterminant dans sa croissance et le développement du pays. Le port de Buenos Aires est le principal moyen d’exportation de produits manufacturés à haute valeur ajoutée. La proximité entre les entreprises de tous types et une plateforme modale d’exportation, est une des clefs de la réussite du système port/industrie. Il transforme la ville en un véri-table centre logistique et commercial à échelle internationale. Si le port se déplaçait, certainement beaucoup des activités liées à la gestion des importations et exportations se maintiendraient dans la capitale qui est le principal centre économique du pays, mais la proximité physique avec les zones d’échanges serait perdue et avec elle une partie de l’intérêt des entreprises à s’installer dans la capitale. Cependant, l’industrie à proprement parler ne représente que 17 % du PIB de la ville contre 74 % dans le tertiaire, la majo-rité des centres de production sont situés dans l’arrière pays Une délocalisation du port pourrait être compensée par une amélioration d’autres moyens de transport. En termes strictement économiques le port reste le moyen le plus économique pour exporter les 370 millions de dollars que produit la ville pour l’exportation. Actuellement , trois des quatre opérateurs portuaires les plus importants au monde sont pré-

sents à Buenos Aires. Sur le port de Buenos Aires est installé un centre logis-tique s’occupant de la maintenance la plupart des voie fluviales de la zone. Ces opérations comprennent le dragage des voies fluviales, la mise en place de bouées et la réparation et construc-tion de navires. A échelle locale, différents services fluviaux fonctionnent également avec le port Buenos Aires, favorisant non seulement le tourisme, mais aussi générant un pont de communication avec l’Uruguay situé juste sur l’autre rive du fleuve et les différentes villes situées sur le delta (Entre-Rios, Tigre, Rosario), et ainsi facili-ter les échanges commerciaux. Ces activités sont en plein déve-loppement et sont un plus dans l’utilisation des moyens de com-munication de la zone du Grand Buenos Aires permettant une meilleure cohésion de la zone. On peut penser que cette activité portuaire deviendra de plus en plus présente dans les années à venir, et cette alternative doit être analysée pour permettre de réduire la congestion du trafic routier sur tout l’Estuaire du Rio de la Plata

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2 le Tourisme Au delà de l’aspect économique, le transport fluvial est la solution la plus économique et rapide pour se déplacer dans l’estuaire où rejoindre la rive Uruguayenne, de nombreuses villes du delta ne sont desservies que par bateaux, et à une échelle locale le transport aérien n’est pas économique. Avec la mise en place de différentes lignes de ferry qui relient quotidiennement Buenos Aires aux villes du delta plus en amont où à son pays voisin, l’Uruguay, composé d’un flux mixte de touristes et de tra-vailleurs faisant la navette quotidienne vers la capitale Argentine. A une échelle internationale, l’augmentation substantielle du nombre de navires de croisière dans le port de Buenos Aires au cours des dernières années ( 73 en 2006 et 141 en 2011 ) est un phénomène global du renouveau des croisière en ferry. Elles s’adresse principalement à une clientèle possédant un pou-voir d’achat élevé venu d’Europe ou d’Amérique du nord, très exigeante sur la qualité et la sécurité des services. C’est une im-portante source de revenus. La dépense moyenne des touristes arrivant par ces bateaux de croisière à Buenos Aires est d’environ 232 $ par jour et par personne en 2012, pour un flux de 357 405 passagers dans le port de Buenos Aires, soit un marché non négligeable de 82 millions de dollars 1.

1 Ing. Jorge Abramian, Turismo Necesidad del puerto y conflictos puerto-ciudad , extrait de Visiones estratégicas sobre el Puerto de Buenos Aires - 1a ed. - Ciudad Autónoma : Unidad de Coordinaciónde Planes Estra-tégicos, 2013. p 44

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B - Une réalité administrative complexe Dans le cas du port de Buenos Aires, la privatisation et la décentralisation menées par le gouvernement fédéral depuis les années 90, associées à la volonté de la Ville d’affirmer pleinement son autonomie, ont retardé le traitement des questions liées à un système de port global par les trois juridictions ( L’Etat Argentin, la ville de Buenos Aires et La région de Buenos Aires) à travers la réalisation d’un plan global dans une perspective métropolitaine. Il en résulte un mille feuille administratif rendant compliqué la ges-tion globale d’un port Métropolitain à l’image de ce que fut Puerto Madero. «[...] la réorganisation portuaire nécessite une décentralisation de son administration, en le transferant aux provinces, municipalités ou au secteur privé par le biais de concessions, ce qui implique la dissolution de l’AGPSE (l’ Administración General de Puertos Sociedad del Estado.»1

Avant 1992, Les ports argentins étaient nationaux et administrés par AGPSE, mais le gouvernement a transféré la gestion de tous les ports à leurs provinces respectives, à l’ex-ception du Port de Buenos Aires. A noter qu’un décret établit

1 Ing. Jorge Abramian, Necesidad del puerto y conflictos puerto-ciu-dad , extrait de Visiones estratégicas sobre el Puerto de Buenos Aires - 1a ed. - Ciudad Autónoma : Unidad de Coordinaciónde Planes Estratégicos, 2013. P 26

la création d’une société anonyme provisoire pour la gestion de Puerto Nuevo (la Sociedad Administradora del Puerto, SAP) qui remplace le rôle de l’ancienne AGPSE, en attendant la création d’une administration globale pour gerér les deux parties du port de buenos Aires incluant le deuxième secteur de Puerto Sur où se trouve l’actuelle marine militaire argentine restée nationale. Finalement cette société à l’origine temporaire est toujours d’ac-tualité et continue de gérer Puerto Nuevo. À l’intérieur de la ville de Buenos Aires le port reste divisé en deux, Puerto Nuevo en gérance privée et Puerto Sur géré par l’état. Cependant la Na-tion et la province de Buenos Aires ont convenu d’un «transfert de compétences» pour le Port des Dock Sud (historiquement, il fonctionnait comme une partie opérationnelle du port de Bue-nos Aires ), à la province de Buenos Aires. En conséquence, le nouveau Port des Dock Sud passerait en gestion provinciale, ne laissant que Puerto Nuevo comme exception nationale à la gestion d’une entreprise privée sous la direction de la capitale 2.

2 Ing. Jorge Abramian, Necesidad del puerto y conflictos puerto-ciudad , extrait de Visiones estratégicas sobre el Puerto de Buenos Aires - 1a ed. - Ciudad Autónoma : Unidad de Coordinaciónde Planes Estratégicos, 2013. P 27

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La Plata

Mar del Plata

Montevideo

Buenos Aires

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C - Une situation physique désavantageuse

1 Une situation fluviale compliquée Le port est le point de jonction entre deux milieux phy-siques, l’espace maritime et l’espace terrestre, et son implan-tation est autant influencée par l’un ou par l’autre et se doit de répondre aux exigences des deux parties sans distinction. Malgré de très bonnes conditions de communication avec le reste du pays et sa grande capacité de gestion, le port de Buenos Aires à toujours eu de nombreux problèmes liés à la faible profondeur de l’estuaire de la Plata, accentué par l’augmentation constante de la taille des bateaux. Ceci nécessitant un dragage permanent, la signalisation précise des bans de sables, en perpétuel mouve-ment et le nettoyage des coques des navires naviguant dans les eaux boueuses [ City Foundtion, 2008] qui représente un coût énorme et un perpétuel risque d’accident ou de complications avec d’énormes bateaux peu manœuvrants. Le port de La Plata ( le deuxième plus important d’argentine) à un accès directe sur la mer et peut supporter les tirants d’eau demandés par les nou-veaux bateaux. Le transfert des portes-conteneurs vers ce port et une limitation du tonnage des bateaux dans l’estuaire pourraient être une solution perrène et moins coûteuse dans l’avenir.

2 Un impact fort sur les circulations Un des principaux problèmes soulevés par les enquêtes faites sur le Port de la ville, est lié au chaos qu’il génère sur la circulation, principalement dans la zone portuaire la plus proche du centre-ville. Ceci se justifie par l’afflux massif de camions vers le port, se mélangeant au flux automobile est créant régulière-ment une paralysie de la zone qui se répercute économiquement, «Time is money», chaque minute gaspillée dans les transports est du temps de travail perdu, des émissions de gaz polluants et du carburant consommé inutilement. Ceci est lié à un problème structurel de la Ville: - l’Autoroute côtière permettant l’accès par le Nord et le Sud du pays, au port et l’énorme fréquentation par des camions en connexion avec l’activité portuaire- le haut niveau de bruit, de vibrations et les émissions des gaz par les véhicules lourds autour de l’accès au port . - la Présence de camions en relation avec la zone por-tuaire utilisant le réseaux routier secondaire avec des marchan-dises directement distribuées en ville.- la discontinuité de la route côtière qui garde son gabarit mais traverse la zone urbaine centrale l’obligeant à réduire sa vitesse et donc occasionnant des bouchons. Cependant , ce point de vue ne tient pas compte de tout les facteurs. Le port n’est pas le seul responsable des problèmes de circulation. Seulement 40 % des camions circulant dans la zone sont liés à l’activité portuaire. En d’autres termes , six des

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dix camions que les habitants considèrent comme un problème lié au port sont en fait des camions transitant par la région.

3 Une mauvaise liaison avec le système ferroviaire Bien que le port ne soit pas le seul responsable, les pro-blèmes de circulation urbaines ne peuvent être résolus sans une volonté de la ville de favoriser d’autres mode de transport. Les problèmes d’infrastructure du matériel ferroviaire n‘aident pas à promouvoir l’accès au port par ce mode de transport, qui se-rait moins cher et moins polluant. Le port s’articule mal avec le réseau ferroviaire, les trains de marchandises ne sont autorisés à circuler que dans des «fenêtres de temps» entre les trains de voyageurs, et les services métropolitains de passager très actifs dans la capitale1. Seul Ferrosur Rocher possède un accès direct au réseau ferré général. Ceci entraîne une sous-exploitation des réseaux ferrés, avec seulement 5% des charges ( 75 000 EVP / an ) transportée par voie ferroviaire.

1 Los accesos ferroviarios al Puerto de Buenos Aires y el Área Metropo-litana Ings. Roberto Carretero y Juan Basadonna Visiones estratégicas sobre el Puerto de Buenos Aires - 1a ed. - Ciudad Autónoma : Unidad de Coordina-ciónde Planes Estratégicos, 2013. P 42,

4 Une incapacité d’extension La situation centrale du port dans la ville empêche toute extension physique, ce qui oblige à compenser en optimisant au maximum les services, limiter les zones de stockage et diminuer les temps de déchargement. Ceci se fait au détriment de la qua-lité des services.

5 L’impact sur l’environnement La zone du port est une zone critique soumis à de graves problèmes environnementaux dont pâtissent la population et la qualité des ressources impliquant les activités productives, ser-vices et tourisme. Le port renvoie une image de pollution du fleuve liée aux usines en periphérie des infrastructures et l’évacuation des eaux usées de la ville au niveau de l’ancienne radio City au milieu de Peurto Nuevo. Le bassin de la Plata possède un niveau élevé de contamination dû à la décharge généralisée de produits toxiques dans les affluents (Riachuelo) à proximité des grandes usines de tanneries, produits laitiers, textiles, papier, entre autres. Un autre facteur important de déstabilisation de l’environnement que peut provoquer un port est lié à son implantation nouvelle dans un lieu. Question qui ne correspond pas au cas actuel , étant donné que le port, dans sa configuration actuelle est pré-sent depuis plus d’un siècle sur la côte. Les principaux facteurs à prendre en considération lors de la construction d’un bâtiment ou de l’extension du port, sont liés à une altération qui pourrait se produire dans les courants et ma-

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rées, et l’influence que cela a sur les espèces qui peuplent l’éco-système, L’une des seules possibilités pour diminuer l’impact envi-ronnemental d’un port est la sensibilisation et la pénalisation des rejets des déchets polluant dans l’estuaire. L’on peut aussi sen-sibiliser à l’optimisation des énergie primaires liées à l’utilisation massive de camions très polluants au profit du transport ferro-viaire. Cette notion devant être totalement intégrée au fonctionne-ment du port pour limiter au maximum son impact environnemen-tal.

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D - De graves problèmes sociaux liés à la zone

Il existe sur la zone portuaire de Puerto Nuevo un très im-portant clivage social, entre le quartier résidentiel de Recoleta, qui est occupé par les classes supérieures et le quartier du Rétiro près de la gare occupé par les populations très défavorisées vi-vant dans la plus grande «Villa miseria» sorte de «Favela» Argen-tine. L’enjeu social est primordial et doit tendre à une intégration des différents groupes sociaux au sein d’un même quartier, en tentant de diminuer la séparation Nord Sud présente dans la ville. En raison de l’absence de stratégie de planification dé-finie, les zones portuaires ont subi un processus d’occupation des espaces vacants par des constructions informelles appelées «villa» en Argentine, provoquant la fragmentation des tissus et la perte de l’accès à certain rails sous l’emprise des villas. A Buenos Aires, il y a plus d’une vingtaine de villas, principalement autour de la zone portuaire : «Villas» 31 et 31bis autour du Rétiro où envi-ron 40.000 personnes vivent, la «villa» Rodrigo Bueno où vivent 2000 habitants et celle située au bas de l’autoroute Pedro Avenue Mendoza, avec 800 habitants. Dans tous les cas, la population dominante se compose d’enfants (0-10 ans) et de jeunes adultes (20 - 35 ), des pays voisins et possédant très faible niveau d’édu-cation 1.

1Socio economia Lic. Horacio Rodríguez Larreta, El Puerto de Buenos Aires, extrait de Visiones estratégicas sobre el Puerto de Buenos Aires - 1a ed. - Ciu-dad Autónoma : Unidad de Coordinaciónde Planes Estratégicos, 2013 p36

Les villas de Buenos Aires sont les zones ayant le plus fort taux de croissance d’aujourd’hui, concentrant environ 200 mille personnes, sur environ 300 hectares. Près d’un dixième de la population réside dans des conditions de vie d’une extrême précarité et insalubrité. Les «villas» sont une forme de production habitat urbain dont la reproduction est effectuée par une occupa-tion irrégulière du sol qui implique généralement l’occupation de terres publiques ayant une bonne accessibilité aux zones cen-trales. Ils offrent un labyrinthe circulatoire qui dissuade l’accès à toute personne non résidente, y compris aux ambulances ou aux pompiers. Elles sont construites par superposition de «boites de fortune», mal desservies et très fortement surpeuplées. De ce fait, ces zones fracturent le tissu urbain, à partir de bords étanches stigmatisant et consolidant la ségrégation sociale et formant des barrières physiques et sociales infranchissables2.Au cours des dernières années, les «villas» ont augmenté en taille et en densification, avec des maisons qui s’élèvent sur plus de cinq étages sans aucune véritable une logique structurelle, sorte d’agrégation infinie de boites les unes sur les autres. Elles ont aussi gagné en autonomie avec la création de magasins, de services communautaires, d’écoles, d’activités culturelles et d’espaces de sport et de loisir. Cette forme de dé-

2 Ing. Jorge Abramian, Necesidad del puerto y conflictos puerto-ciudad , extrait de Visiones estratégicas sobre el Puerto de Buenos Aires - 1a ed. - Ciudad Autónoma : Unidad de Coordinaciónde Planes Estratégicos, 2013. P40

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Villa 31, Autopista, Puerto Nuevo

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veloppement autonome réduit les possibilités d’organisation et de développement réfléchi de ces espaces en intégration avec la ville. L’autonomie sociale de la «villa» complique beaucoup l’inté-gration à la ville, l’entre-soi créé par la «villa» discrimine fortement à l’embauche, ce qui ne favorise pas l’ascension sociale, renfor-çant cette «entre-soi» contraint, rendant les relations externes à la «villa» très rares. Dans ce contexte , le gouvernement a lancé en 2009 un recensement de la population des villas 31 et 31a et un an plus tard, l’Assemblée législative Ville de Buenos Aires a approuvé un plan l’urbanisation établi en collaboration avec l’Université de Bue-nos Aires. Ce projet a suscité un débat sur les possibilités de réussite d’une telle intervention avant de l’appliquer à d’autres cas similaires. Les actions dans les villas doivent être fondées sur l’inclusion, et la participation de la population dans les processus de prise de décision et l’intégration spatiale avec le reste du tissu urbain. Seulement un regard inclusif permettra des changements importants. Il est donc nécessaire d’intégrer au développement de cette zone portuaire de nouvelles perspectives pour le déve-loppement de logements des secteurs populaires, soutenues par des politiques visant à consolider le processus d’intégration pro-gressive et à promouvoir l’accès à un environnement décent.

Villa 31, Autopista, Puerto Nuevo

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Schéma métroplitain de circulation, Buenos Aires 2060

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3 - Quel avenir pour le Port de Buenos Aires

La reconversion de la zone du Retiro est un enjeu majeur pour la ville. Nous avons pu constater que c’est un espace de grand conflit urbain sur le plan social comme physique. La remise en question du Port et de la zone est freinée par une économie puissante mais fonctionnant au détriment de la ville. L’enjeu ma-jeur des projets de reconversion de la zone est l’accord que doit trouver la capitale entre une économie forte et prospère et une interaction avec la ville plus cohérente. En m’appuyant sur une étude de la ville de Buenos Aires nommée «Buenos Aires 2010-2060» parue en 2013, je vais énoncer les points essentiels de ce projet de reconversion. A La création d’un nœud modal régional

Avant de penser à la reconquête de friche urbaine, il faut penser en premier lieu à une réorganisation profonde des trans-ports à une échelle régionale et déterminer qu’elle sera la place du port dans ce nouveau système. Ceci doit prendre soin d’équi-librer l’économie et la qualité environnementale en assurant une meilleure coordination entre les besoins du port, et ceux de la ville.

1 Une Organisation portuaire modifiée Nous avons constaté que les problèmes techniques liés à la faible profondeur du Rio et les complications que cela entraîne pour la navigation des gros bateaux, qui peuvent passer jusqu’a 12 heures pour remonter l’estuaire1. Une des possibilités, serait le transfert du port international de gros tonnage vers le port de la Plata, qui est le premier port important de pleine mer, Il ne dispose cependant pas des infrastructures nécessaires à cette activité et un lourd investissement serait nécessaire. Le transport s’effectuerait vers le centre de la métropole par voie ferroviaire ou par voie maritime de plus faible tonnage. Ce port ne sera qu’un port de réception et Buenos Aires conser-vera sa place centrale au sein de la métropole. Cela implique la création d’un nœud modal à l’échelle de la région et de tous l’estuaire. Puerto Nuevo servant de plateforme d’échanges prin-cipale à l’échelle régionale, qui représente la majorité du transport de conteneurs du pays et son principal centre économique. Il se chargera du transport de moyen tonnage sur l’ensemble de l’estuaire aussi bien du coté Argentin jusqu’au port de Rosario que des échanges avec l’Uruguay.

1 Thalassa replay, Buenos Aires, un port sous surveillance ,Diffusion : 01/03 à 20h45

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Schéma des transport modaux pour Buenos Aires 2060

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2 Une valorisation du transport ferroviaire L’un des principaux problèmes liés à l’utilisation du port dans la ville est l’asphyxie qu’il provoque sur le réseau routier. La valorisation du transport ferroviaire est une solution envisageable pour diminuer la circulation de poids lourds, permettant une éco-nomie financière et une plus grande efficacité, tout en diminuant l’impact environnemental des gaz à effet de serre. La création de lignes de transports de charges, indépendantes du transport public de passagers augmenterait le rendement et faciliterait la gestion des infrastructures.

3 Une gestion globalisée des transports La parfaite coordination des différentes structures de transport de charges ( port, ferroviaire, routier ) nécessite une organisation et surtout un centralisation des décisions. La mise en place d’une organisation indépendante, prenant en charge la gestion logistique de l’ensemble des moyen de transport de l’aire métropolitaine semble une nécessité, un peu à la manière de CAPM pour Puerto Madero. Pour cela le port de Buenos Aires doit renoncer à son statut d’exception nationale (il est le seul port géré par l’état) pour s’intégrer dans une logique globale de plus grande échelle.

4 Une pôle urbain de circulation En dehors du transport de marchandises, la restructura-tion de la zone doit être profitable au citoyen de la ville en créant

un nouveau centre modal urbain. La capitale conservera son port de tourisme, en plein renouveau. S’ajoutant à cela la présence de l’Aéroparque, cette zone deviendra la porte d’entrée et de sorti de la zone métropolitaine. Elle possède déjà la plus grande gare d’autobus extra-urbains du pays, avec des départs nationaux et internationaux. La ville se doit également de développer les trans-ports publics, pour décourager l’utilisation des voitures particu-lières, afin d’améliorer les conditions de mobilité, la sécurité et la qualité de l’environnement urbain. Une limitation de la fréquen-tation des poids lourds peut être envisagée avec une meilleur utilisation des voies de contournement de la ville et une mise en valeur des voies de SUBTE (métro) fortement délabrée et sous exploitée par rapport au Bus privé de la capitale. Ce rééquilibrage des moyens de transport renforcera la position centrale de la capitale Argentine et cette zone jouera de nouveau son rôle de façade urbaine, vitrine de la puissance de la ville.

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Schéma des espaces publics pour Buenos Aires 2060

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B la reconquête des berges du fleuve Dans un deuxième temps, la nouvelle centralité créée par ce centre modal permettra d’insuffler un nouveau dynamisme à la zone en vue de la reconversion et l’intégration des espaces va-cants en parallèle des grands équipements de la zone du port et de Retiro. Le transfert de certaines parties du port international et une meilleure gestion du territoire permettront à la ville d’avancer jusqu’à son fleuve. Le projet territorial Buenos Aires 2010 2060 propose l’extension du front de mer permettant de créer une rela-tion plus intense et définie entre la ville et son fleuve. Ce plan stratégique part du principe qu’une communion entre le Port et la Ville est bénéfique pour les deux parties et que leur séparation n’est pas envisageable compte tenu de leur histoire commune.

1 L’intégration à une suite de Parc Ce projet souhaite créer une suite de parc partant de la Boca jusqu’a la Costanera Norte en s’appuyant sur la réussite de la Reserva Ecologica au niveau de Puerto Madero. Ces zones de réserve naturelle peuvent être utilisées comme espaces publics permettant la redécouverte de l’univers du Rio. Elles peuvent aussi atténuer les risques d’inondation en servant de zone tampon en absorbant les variations du niveau d’eau et ainsi diminuer les charges pesant sur le réseau d’égout de la ville, qui déborde régulièrement. Elle peuvent également servir de zones de production d’énergie alternative en utilisant l’énergie des marais et du vent.

2 Une continuité avec la ville La nouvelle zone de Puerto Nuevo, compte tenu de son emplacement stratégique dans la ville et à l’intérieur de la Métro-pole, risque d’être soumise de très fortes pressions financière de la part d’entreprises et d’investisseurs. Cela risque d’entraî-ner la création d’un «ghetto urbain» pour les classes supérieures, comme l’est devenu Puerto Madero. La ville ne doit pas retom-ber dans l’impasse de cette précédente tentative et donner un signal fort contre les inégalités sociales que symbolise cette zone.Contrairement à Puerto Madero qui était une grande zone vacantes, la zone de Retiro est actuellement occupée par une immense favela. Ces espaces d’appropriation illégale sont très difficiles à déplacer car il ne se soumettent pas au plan d’urba-nisme. Pour cela le projet doit intégrer un maximum de mixité so-ciale, urbaine et environnementale autour du paysage retrouvé de la rivière et du port réunis. Une revalorisation culturelle semble envisageable, comme l’a effectué Bilbao pour son port industriel. Les principaux enjeux de cette reconversion tient à l’intégration harmonieuse des différents acteurs tout en conservant la mémoire du lieu chère aux «porteños». La création d’un nouveau pôle éco-nomique et culturel sur la zone comme signe d’un renouveau de l’économie et de la culture de la ville venant reconquérir sa liberté face à une friche portuaire qui l’avait emprisonnée durant près d’un siècle.

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Conclusion - Une libération ?

Depuis près d’un quart de siècle, Buenos Aires s’affaire à reconquérir les zones urbaines qui l’emprisonnaient et la sépa-raient de son fleuve, par lequel les premiers colons étaient arri-vées.La ville a du dans un premier temps, reconquérir la zone de Puerto Madero. Bien que ce fut une réussite sur le plan de la gestion et de la mise en oeuvre, la séparation physique et sociale que cela créât est venu ternir le tableau. Puerto madero est devenu une île urbaine. Malgré la volonté de conserver la mémoire du lieu et de créer un maximum de diversité, l’explosion spéculative destina se quartier à une élite sociale. Pensé pour diminuer la séparation Nord/Sud présente dans la ville, il créé un quartier destiné aux habitants du Nord dans une zone du Sud de la ville.L’un dès vrais points positifs de cette reconversion est la nouvelle ouverture de la ville sur son fleuve. Cependant les problèmes de transport et les multiples barrières qui séparent ce quartier du centre ville limitent un peu son intégration à la ville ancienne. Dernier rempart à la reconquête totale du fleuve, le port de Puerto Nuevo synthétise tout les problèmes d’une ville mar-quée par la dictature et la succession de projets non aboutis. Il symbolise le conflit séculaire de la ville et son port, entre deux entités qui n’ont plus de contact depuis près d’un siècle et qui se

paralysent l’une l’autre. Reformuler la relation entre Buenos Aires et son port exige nécessairement la création d’une nouvelle et meilleure forme d’interaction entre ces deux acteurs. Le rôle du port ne doit plus être seulement économique, mais doit faire par-tie d’une logique régionale urbaine, dans laquelle il joue un rôle central. La gestion de son impact sur la ville est le premier facteur qui détermine son intégration au tissu urbain existant, le port ne peut plus exister indépendamment de la ville, fermant les yeux sur la congestion qu’il provoque sur le trafic urbain. Londres , Jakarta , Amsterdam, New York , San Francisco, Guangzhou , Shanghai et Venise sont des villes emblématiques et innovantes, car elles ont exploité les richesses leurs «nouveaux» espaces côtiers à proximité des centres historique. Ces expé-riences montrent que le port peut et doit faire partie de la politique de développement économique de la ville. La reconversion de cette zone donne à la ville la capacité de récupérer sa relation historique avec son fleuve en créant un nouveau centre urbain à l’échelle régionale. Cependant Buenos Aires n’est pas encore sortie d’af-faires. L’intégration au tissu de la ville est l’enjeux principal de cette reconversion. Le nouveau quartier de rétiro /puerto nuevo doit impérativement éviter les impasses urbaines du projet de Puerto Madero en essayant de créer un maximum de mixité urbaine tout en freinant les spéculations foncières que suscitent ces zones

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privilégiées. Il faut éviter que la ville, à peine sortie de sa prison portuaire, soit de nouveau prisonnière d’un ghetto doré qui la pri-verait à nouveau de son fleuve.

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Conclusion générale du Mémoire

Parler de Buenos Aires sans parler de son port s’est ou-blier même les fondements de cette ville. Bien qu’ historiquement la ville et son port furent fondés séparément, seul le nom du port à subsisté, Buenos Ayres, « Bon vent ». L’évolution du port et de sa ville sont intimement liés, mais n’ont pas toujours fonctionné en parfaite harmonie. Le port de Buenos Aires n’était pas forcément promis à un bel avenir. Implanté au fond de l’estuaire du rio de la Plata, très peu profond et soumis aux forts vents, il fut laissé à l’écart du commerce international jusqu’à la chute de l’empire espagnol en 1776. Buenos Aires qui n ‘était alors qu’un petit port de contre-bande, devient une des place forte du commerce avec l’Europe. L’importance du port dans l’économie de la ville explose jusqu’a son apogée au XIX siècle avec la création de l’Aduana Nueva de Taylor. La modification des besoins et l’arrivée de l’aire industrielle ont transformé le visage des ports dans le monde. Pour répondre aux nouvelles demandes, Buenos Aires a du s’adapter et s’enfer-ma en l’espace de 20 ans dans une prison portuaire, la séparant de son fleuve et paralysant sa vie urbaine. Près d’un siècle plus tard, se pose alors la question de la reconversion de ces zones urbaines pour redonner un peu d’air à la ville, et lui permettre de retrouver son fleuve. La création successive puis l’abandon des ports de Bue-

nos Aires suivent un schéma cyclique, comprenant des phases de besoin, s’en suivant la création d’un port répondant à la de-mande, puis des phases d’exploitation et enfin de désuétude entraînées par un nouveau besoin entamant un nouveau cycle. Les temps de chaque période ne sont par réguliers; l’ex-ploitation de Puerto Madero fut très courte,10 ans, alors que celle de Puerto Neuvo continue 100 ans plus tard. La capacité à anti-ciper les phases d’obsolescence et comprendre les besoins en devenir, permet de diminuer les phases de transition entre deux cycles. L’Obsolescence accélérée de Puerto Madero précipitât la fin d’un cycle et ne permis pas d’envisager sa reconversion. Ceci entraînât la construction en hâte d’un nouveau port laissant Puerto Madero en suspend. Cette longue transition urbaine, eut des répercussions importantes sur l’image du port et la relation que la ville entretenait avec son fleuve. Buenos aires si situe à nouveau dans une période de tran-sition entre deux cycles portuaires, celui de Puerto Madero vient de se terminer et alors que Puerto Nuevo semble entrer en phase d’obsolescence, avec l’arrivée de nouveaux besoins urbains et économiques qu’il ne peut plus satisfaire. L’une des questions que l’on peut se poser, est la constance de ces cycles, et la pos-sibilité de s’en sortir. Les Porteños prisonniers de leur port? (Littéralement, les gens du port prisonnier de leur port ?) cela peut prêter à sourire mais l’imaginaire portuaire et l’attachement de la ville au port est

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si fort qu’il empêche le recul nécessaire pour analyser la situation et les complications liées au port de manière claire. La ville prend le pari d’un compromis au travers d’une entente Ville, Port. Cette option, bien qu’ayant fonctionné par le passé, prend le risque de retomber dans un nouveau cycle aux conséquences désas-treuses sur la ville. L’anticipation d’une reconversion radicale et intelligente, basée sur une analyse fine et objective des facteurs, permettrait à la ville de passer un cap et d’entrer dans une phase plus linéaire de progrès venant enrayer ce système qui étouffa la ville durant plus d’un siècle et libérer définitivement Buenos Aires de son port.

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Emission télévisé

Thalassa replay, Buenos Aires, un port sous surveillance ,Diffusion : 01/03 à 20h45