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Buffalo-Bill et l'emplumé

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N° 117 Irne MICHELA

BUFFALO-BILL ET

L'EMPLUMÉ

Loi N° 49.956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la Jeunesse Dépôt d'Octobre 1953

EDITIONS DES REMPARTS 38, rue des Remparts-d'Alnay, LYON (Rhône)

J. 117 — I

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Buffalo - Bill et l'Emplumé

I

EN ROUTE POUR PECOS CITY !

Quand, pendant des semaines et des semaines, on a parcouru la Prairie en tous sens, tantôt pourchas- sant les Visages-peints et leur chef le plus redoutable, Sitting Bull, tantôt traqué par eux, on aspire à un repos bien mérité, sur un lit de camp pas trop rem- bourré de noyaux de pêches et on se dit :

— Je vais enfin pouvoir dormir sur mes deux oreilles et être sûr de me réveiller avec mon bonnet sur les cheveux !

Aussi, foi de Jérôme Latulipe, sergent-éclaireur au service des Américains, lorsque Buffalo-Bill — par- don, je veux dire : le capitaine William Cody — et moi, nous eûmes aidé les « Jaquettes Bleues » à gagner la belle contre Sitting Bull et ses alliés (1), je n'eus rien de plus pressé que d'aller m'enrouler dans la couverture de daim brodée que m'avait lé- guée, bien involontairement, le Taureau Assis, et de

(1) Voir Junior 95 : Buffalo-Bill et Latulipe.

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piquer quelques bons sommes, aussi insouciants que ceux que je faisais jadis à Winnipeg, à l'ombre d'un arbre au bord de la rivière ou mollement étendu sur la mousse des bois.

Quand j'eus dormi tout mon saoûl, je commençai à m'ennuyer et, pour passer le temps, je regardai la fameuse couverture indienne, faite de quatre peaux de daim finement brodées et décorées de signes rela- tant les principales actions de tous ceux qui l'avaient portée. Au bas d'une peau, une large main peinte en rouge rappelait que Sitting Bull avait échappé à un accident mortel ; une autre main imprimée en noir disait qu'il n'était pas mort de ses blessures. Lune- de-Mai, la fille du grand chef sioux, aurait sans doute voulu y ajouter un dernier motif décoratif pour apprendre à ses descendants la mort du « Napoléon des Peaux-Rouges ».

Je pensais un peu à Lune-de-Mai, avec sa bonne grosse figure, ses pieds en dedans et la persistante odeur de rance qui caractérisait toutes celles de sa race mais j'en eus bien vite assez de « farnienter » sur ma couverture. J'avais à peine plus de dix-huit ans et à cet âge on aime bien donner un peu de mou- vement à ses rêves.

Je partis donc à la recherche de mon ami Buffalo- Bill que je trouvai à bichonner son cheval :

— Hello, capitaine, par tiriez-vous sans moi ? — Pas question de partir sans toi, fiston... Va te

préparer, je vais prévenir le Général que tu accep- tes de m'accompagner à Pécos City...

Je courus fourbir Nicolas II, mon fusil, puis j'allai harnacher Tornade qui n'en croyait pas ses yeux et commençait à frémir d'impatience sous sa selle.

Lorsque tout fut prêt, je vis arriver le capitaine Cody, botté et sanglé de frais, flanqué d'un quidam à la silhouette inénarrable. Imaginez l'homme le plus long, le plus dégingandé, au visage le plus mobile, perché sur un long cou émergeant d'une chemise à carreaux à faire hurler de désespoir le caméléon le plus dégourdi. Pour compléter le tableau : un boléro de cuir surchargé d'ornements et de broderies, une culotte de peau aux coutures renforcées par des

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rivets et prise dans de hautes bottes rouges armées d'éperons impressionnants et, glissé dans la large ceinture cloutée, le choix le plus étonnant d'armes que j'aie jamais vu.

Le capitaine Cody nous présenta : — Voici mon compagnon, le sergent Latulipe, dont

le général vient de vous parler. Et toi, Jérôme, tu vas faire la connaissance de Jim Gardner, dit Pécos Jim, le cow-boy le plus courageux de Pécos City et que les colons de la région ont délégué aux autorités américaines pour demander aide et protection contre les pillards de corrals.

Lorsque le capitaine prononça : « le cow-boy le plus courageux », je vis le visage de Pécos Jim s'épa- nouir d'aise et dès qu'il le put, il m'empoigna par les épaules — il me dépassait d'une bonne tête — et se mit à me secouer comme un noyer :

— Enchanté, sergent, de vous ramener avec moi à Pécos City. Comme vous l'a dit le capitaine Cody, je n'ai peur de rien et c'est pour cela qu'on m'a choisi pour venir vous exposer les doléances des colons de chez nous. Nous aurions très bien pu régler la ques- tion nous-mêmes mais nous voulons que les choses soient faites pour ainsi dire officiellement...

— Mais, coupai-je, n'y avait-il pas de fort améri- cain plus proche du Texas que le nôtre ?

— Si fait ! Mais partout on m'a conseillé de m'a- dresser au capitaine Cody, car lui seul est capable de régler l'affaire sans qu'elle dégénère en conflit armé... Tout le Sud parle du Capitaine... et de vous, sergent... depuis la défaite spectaculaire du « Tau- reau Assis ».

— Trêve de bavardages, les enfants ! En route ! ordonna le Grand Eclaireur.

Et comme nous quittions le fort au galop de nos montures, ivres d'aventures, j'entonnai mon chant de guerre, repris en chœur par mes compagnons : « En avant, Fanfan la Tulipe, en avant ! »

— Droit sur Pécos City !

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II

OU JACK L'EMPLUME FAIT SA PREMIERE APPARITION

Nous galopions dans la Prairie à bride abattue comme s'il se fût agi d'aller décrocher la timbale. Après les journées d'inaction passées au fort, cette course folle me faisait l'effet d'un bain de jouvence. Tornade, en pleine forme, semblait voler littérale- ment et mon chapeau, arraché par le vent, me don- nait l'illusion d'avoir un parachute dans le dos. Il y a des moments dans la vie, n'est-ce pas, où l'on a vraiment l'impression d'avoir des ailes. Je ne me sentais plus sur terre et j'étais heureux au delà de toute expression.

Je planais si haut dans les nuages que je ne vis pas le geste que fit Pécos Jim. Mon vieux Tornade le vit, lui, et stoppa net des quatre fers. Ce qui me valut de réussir le plongeon le plus étourdissant de ma carrière. Je passai proprement par-dessus l'en- colure de mon cheval, reprenant un contact plutôt brutal avec la dure réalité terrestre, et mon chapeau, qui s'était révélé un bien piètre parachute, retomba sur mon nez, juste à point pour cacher ma honte.

Le capitaine Cody me tira heureusement de cette

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fâcheuse posture et m'évita l'humiliation devant Pécos Jim :

— Bravo, Jérôme, tu as réussi le plus magnifique saut périlleux que j'aie jamais vu.

Pécos Jim ouvrait de grands yeux ahuris : — A quoi jouez-vous donc ? — Le sergent Latulipe s'entraîne, chaque fois qu'il

le peut, à tomber de cheval, assura le plus sérieu- sement du monde mon ami Bill. Je crois qu'il va bien- tôt pouvoir faire breveter sa méthode de chute.

Je pris le parti d'en rire mais je ne pus dissimuler la grimace que je fis pour me relever. Pécos Jim l'in- terpréta mal et crut bon de me rassurer :

— Serait-ce cette troupe disparaissant à l'horizon qui vous cause quelque crainte ? N'ayez cure, je vous ai entraîné dans cette direction afin de rejoindre la piste de Santa-Fé. Ainsi nous avions neuf chances sur dix de rencontrer un convoi d'émigrants et de faire une partie de la route en bonne compagnie. Si je ne me trompe, c'est une caravane de squatters qui traverse la Prairie, piquons des deux et joignons- nous à eux !

— Une seconde, old boy. Quel intérêt avons-nous à aller au pas des bœufs qui tirent ce c bull-train », au lieu de filer tout droit sur Pécos City ?

— Mais, capitaine, vous ne savez donc pas que la région est infestée par une bande de brigands, com- mandée par un métis, un certain Jack l'Emplumé ?

— Jack l'Emplumé ? Drôle de nom ! — Il le doit à l'originale cape faite de plumes de

vautour dont il aime à se parer. — Sa cape doit puer la charogne. Enfin tous les

goûts sont dans la nature. Moi je préfère utiliser l'eau de Cologne ! . Parler d'eau de Cologne dans cette plaine aride du Texas, alors que nous empestions déjà l'écurie, nous parut si comique que nous fûmes pris d'un fou-rire inextinguible.

— Qu'ai-je dit là de drôle, messieurs ? fit le Grand Eclaireur. Sachez que je ne parle jamais à la légère et que je joins toujours le geste à la parole. Je pré-

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fère l'eau de Cologne à toute autre odeur et je le prouve !

Et je vis cette chose ahurissante : en pleine Prairie, alors que des Visages-Peints étaient peut-être dissi- mulés dans les bosquets à nous espionner, le capi- taine Cody tira posément une petite fiole d'eau de Cologne de sa ceinture et en mit quelques gouttes sur son abondante chevelure.

— Au moins, dit-il simplement, si je rencontre Jack l'Emplumé, pourrai-je le tenir en respect sans être obligé de me boucher le nez.

Cher Buffalo Bill, quel humoriste délicieux ! Et quelle chance j'avais de pouvoir faire mes preuves sous la conduite d'un héros qui s'en allait en guerre contre les Comanches avec un petit flacon d'eau de Cologne dans son paquetage.

— Votre chevelure parfumée va avoir une valeur inestimable pour vos amis à la face rouge, plaisan- tai-je.

— Et ils vont nous renifler à dix lieues à la ronde, grogna Pécos Jim.

— Je ne tiens pas à passer inaperçu, répliqua le capitaine. Oubliez, voulez-vous ma véritable iden- tité, je ne suis plus le capitaine Cody mais un simple officier chargé d'acheter des chevaux pour le compte du Gouvernement. A ce titre, je ne veux pas éviter les tribus comanches mais, au contraire, entrer en relations avec elles et démasquer les coupables.

Ce plan n'avait pas' l'air de plaire à Pécos Jim. S'était-il imaginé que nous allions traverser le Texas à quatre pattes, rampant comme des Sioux et met- tant, sans bruit, notre pistolet sous le nez de tous les Comanches qui nous tomberaient sous la patte : « Est-ce toi et les tiens qui dévalisez Pécos City ? » Peut-être avait-il prévu que l'interpellé lèverait aus- sitôt les bras et avouerait sans difficulté : « Que mon frère blanc ne se fâche pas, je suis coupable, mes frères sont coupables, nous sommes tous coupa- bles. Pardon, pardon ! ». Pécos Jim connaissait sans doute bien les taureaux, les veaux et les chevaux, mais je crois qu'il n'avait encore jamais eu à pren- dre un Indien au lasso.

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C'ETAIT UN RUDE CAVALIER AU LARGE CHAPEAU DE FEUTRE.

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COMITE DE DIRECTION DE LA PUBLICATION Jean Liard, Directeur-Gérant, Marius Costes, Administrateur. Félix Buffière, Rédacteur en chef. Maurice Forgé, Rédacteur.

Louis Carrière, Dessinateur. Inscrit sous le n° 169 au registre des travaux

des Editions des Remparts 38, rue des Remparts-d'Ainay, Lyon. Directeur-Responsable : Jean Liard.

N° 12.302. Comm'ssion paritaire des papiers de presse 669. — Imp. Bellacour (S.N.E.P.), Lyon — C.O.L. 31.1258 Dépôt légal : 4 trimestre 1953.

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