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ASSEMBLÉE NATIONALE TREIZIEME LEGISLATURE ANNÉE 2009 BULLETIN de la COMMISSION CHARGEE des AFFAIRES EUROPEENNES N o 1 janvier - février ________ Publié par le Service des Affaires européennes

BULLETIN de la COMMISSION CHARGEE des … · français, on peut fournir les exemples suivants : en mars 2007, appeler la ... facturation d’au plus 30 secondes pour les appels passés

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ASSEMBLÉE NATIONALE

TREIZIEME LEGISLATURE

ANNÉE 2009

BULLETIN de la COMMISSION CHARGEE des AFFAIRES EUROPEENNES

No 1

janvier - février

________

Publié par le Service des Affaires européennes

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Commission de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne

SOMMAIRE

Pages

REUNIONS DE LA COMMISSION............................................... 1

Réunion du mercredi 7 janvier 2009............................................. 3

Itinérance téléphonique...................................................................3 Communication de M. Michel Herbillon sur l’itinérance téléphonique (E 3997).......................................................................3

Temps de travail des travailleurs indépendants du transport routier .................................................................................8

Communication de M. Gérard Voisin sur l’aménagement du temps de travail des travailleurs indépendants du transport routier (E 4047).................................................................................8

Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution ...................................12

Nomination d’un rapporteur........................................................15

Réunion du mercredi 14 janvier 2009..........................................17

Bilan et perspectives de la présidence française de l’Union européenne.........................................................................................17

Audition de M. Pierre Sellal, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, sur le bilan et les perspectives de la présidence française de l’Union européenne ......................................................................................17

Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution ...................................36

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Bulletin n° 1

Réunion du mercredi 21 janvier 2009..........................................39

Conseil « Ecofin » ..........................................................................39 Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, après le Conseil « Ecofin » du 20 janvier 2009 (ouverte à la presse) ..............................................39

Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution ...................................54

Réunion du mercredi 28 janvier 2009..........................................55

Don d’organes ................................................................................55 Communication de MM. Jérôme Lambert et Didier Quentin sur le test de subsidiarité organisé dans le cadre de la COSAC sur la proposition de directive relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation (E 4173)..................................................................55

Sécurité énergétique de l’Europe .................................................60 Audition de M. Claude Mandil, ancien directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, sur la sécurité énergétique de l'Europe...................................................................60

Informations relatives à la Commission ......................................75

Réunion du mardi 3 février 2009 .................................................77

Industrie aérospatiale européenne ...............................................77 Audition de M. Louis Gallois, président exécutif de EADS, sur les enjeux civils et militaires de l’évolution de l’industrie aérospatiale européenne..................................................................77

Réunion du mercredi 4 février 2009 ............................................95

Marché intérieur de l’énergie.......................................................95 Audition de M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie, sur le marché intérieur de l’énergie (ouverte à la presse)......................................95

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Bulletin n° 1

Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution .................................105

Réunion du mercredi 11 février 2009 ........................................109

Données des dossiers passagers (PNR) à des fins de répression.........................................................................................109

Examen du rapport d’information de M. Guy Geoffroy sur les données des dossiers passagers (PNR) à des fins répressives ......109

Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution .................................116

Réunion du mercredi 18 février 2009 ........................................119

Sécurité routière ..........................................................................119 Examen du rapport d’information de M. Gérard Voisin sur l’application transfrontière de la législation dans le domaine de la sécurité routière....................................................................119

Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution .................................126

Réunion du jeudi 19 février 2009 à 10 h 30...............................131

Adhésion de la Croatie ................................................................131 Audition, conjointe avec la Commission des affaires étrangères, de M. Ivo Sanader, Premier ministre de Croatie (ouverte à la presse) ......................................................................131

Réunion du jeudi 19 février 2009 à 11 h 30...............................145

Adhésion de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine........................................................................................145

Audition, conjointe avec la Commission des affaires étrangères, de M. Ivica Bocevski, Vice-Premier ministre pour l’intégration européenne de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM) (ouverte à la presse)............145

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Bulletin n° 1

Désignation de Rapporteurs......................................................153

ACTIVITES EXTERIEURES DE LA COMMISSION..................155

L’UNION EUROPEENNE A L’ASSEMBLEE NATIONALE..............................................................................161

Questions au Gouvernement sur des thèmes européens .................................................................................163

Séance du mardi 20 janvier 2009 ....................................................163 Séance du mercredi 11 février 2009 ................................................163 Séance du mercredi 18 février 2009 ................................................163

Conférence des Présidents des parlements de l’Union européenne des 27 et 28 février 2009...........................165

ADOPTION PAR L’ASSEMBLEE NATIONALE DE RESOLUTIONS PORTANT SUR DES PROJETS OU PROPOSITIONS D’ACTES COMMUNAUTAIRES ...................167

Soins transfrontaliers..............................................................169

Résolution sur l’application des droits des patients en matière de soins transfrontaliers ...................................................169

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Bulletin n° 1 1

REUNIONS DE LA COMMISSION

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 7 janvier 2009 3

Réunion du mercredi 7 janvier 2009 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,

Itinérance téléphonique

Communication de M. Michel Herbillon sur l’itinérance téléphonique (E 3997)

M. Michel Herbillon, rapporteur. « La présente proposition est importante car elle concerne de nombreux consommateurs européens. Il s’agit là d’une illustration de l’Europe concrète.

Sur l’initiative de la commissaire Viviane Reding, la Commission européenne propose, en effet, de renforcer la réglementation des prix des appels téléphoniques, donnés ou reçus, à l’aide d’un portable, sur le territoire d’un Etat de l’Union autre que le sien. C’est ce que l’on appelle le roaming, ou pour s’exprimer en français, l’itinérance. On se souvient que, le 27 juin 2007, le Conseil et le Parlement européen ont adopté un règlement établissant des plafonds tarifaires, sur les prix de gros et de détail, pour les appels vocaux en itinérance et améliorant la fourniture d’informations aux utilisateurs. Il est désormais proposé d’étendre la durée et le champ d’application de ce règlement. Plus précisément, il s’agit de prolonger et d’amplifier la réglementation de l’itinérance vocale et d’élargir l’intervention communautaire aux services de SMS et aux transferts de données en itinérance.

La mise en œuvre d’un plafond – appelé l’« eurotarif » – a permis aux consommateurs d’économiser 36,4 % sur les appels sortants et 42,9 % sur les appels entrants par rapport aux prix pratiqués début 2007 en matière d’itinérance vocale. Pour s’en tenir aux consommateurs français, on peut fournir les exemples suivants : en mars 2007, appeler la France depuis l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, coûtait, le plus souvent, 4 euros pour quatre minutes lorsque l’opérateur de l’abonné était Bouygues ou Orange et 4,72 euros chez SFR ; en septembre 2008, le tarif de ces divers opérateurs est passé à 2,2 euros.

Malgré ces progrès, la Commission européenne estime que des problèmes structurels demeurent et limitent le jeu de la concurrence

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Réunion du mercredi 7 janvier 2009 Bulletin n° 1 4

sur ce marché. La Commission constate que les prix appliqués ne varient pas suffisamment en deçà des niveaux maximaux fixés par le règlement pour permettre une saine concurrence.

Entré en vigueur le 1er juillet 2007, le plafonnement des tarifs de l’itinérance vocale devait prendre fin le 30 juin 2010. La Commission européenne préconise de le proroger de trois ans, jusqu’en 2013. Durant ce délai supplémentaire, les plafonds de l’eurotarif vont continuer à baisser annuellement de manière linéaire. De plus, la Commission européenne souhaite renforcer la concurrence des opérateurs sur les prix de détail en optant pour une forte réduction du tarif de gros. En tout état de cause, le prix de détail (hors TVA) ne devra pas dépasser 0,34 euro à la minute pour les appels passés et 0,10 euro pour les appels reçus à compter du 1er juillet 2012 (au lieu de 0,43 euro pour les appels passés et 0,22 euro pour les appels reçus actuellement).

Il est aussi proposé de clarifier la méthode de facturation des appels vocaux en itinérance. Les exigences de facturation à la seconde devront s’appliquer au prix de gros comme au prix de détail, sous réserve – dans ce dernier cas – d’une première tranche incompressible de facturation d’au plus 30 secondes pour les appels passés en itinérance.

Les problèmes rencontrés dans le domaine de l’itinérance vocale se retrouvent également dans la tarification des SMS et des transferts de données en itinérance. Dans le cas des données, certains consommateurs sont parfois même redevables de factures dont le montant peut s’élever à plusieurs milliers d’euros.

Les prix des SMS en itinérance ont peu évolué ces dernières années et ils s’élevaient, en moyenne, à 0,285 euro au premier trimestre 2008. La Commission européenne prévoit de fixer une limite supérieure aux redevances que les opérateurs de réseau mobile peuvent prélever au titre de la fourniture en gros de SMS envoyés à l’intérieur de la Communauté. Elle impose également un eurotarif SMS en faveur des abonnés, applicable à partir du 1er juillet 2009. Cet eurotarif SMS ne devra pas dépasser 11 centimes et il s’appliquera à tous les abonnés itinérants, sauf s’ils ont choisi délibérément une formule spécifique leur faisant bénéficier d’un tarif de SMS en itinérance réglementé différent. Il est enfin indiqué qu’aucun fournisseur ou opérateur ne doit modifier les caractéristiques techniques des SMS en itinérance de façon à les rendre différentes de celles fournies sur son marché national.

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 7 janvier 2009 5

Là aussi, la transparence des prix est recherchée en étendant l’obligation qu’ont d’ores et déjà les fournisseurs de transmettre à leurs abonnés itinérants des informations tarifaires personnalisées lorsqu’ils entrent dans un autre Etat membre à la fourniture d’informations sur le coût d’envoi d’un SMS en itinérance.

La proposition de règlement vise enfin le transfert de données. Le téléchargement d’une simple chanson nécessite le transfert de 2 à 5 mégabits. Sachant que le coût du transfert en itinérance peut atteindre 10 euros par mégabit pour les clients de Bouygues et 9,20 euros pour ceux d’Orange, on constate que le téléchargement d’une chanson en itinérance dépasse facilement les 20 euros. Il s’agit d’un prix souvent bien supérieur à l’achat d’un CD regroupant, quant à lui, une dizaine de chansons et, si l’opération de téléchargement est répétée à de nombreuses reprises, les consommateurs s’exposent à une sérieuse déconvenue lors de la réception de leurs factures de téléphonie mobile.

L’approche de la Commission européenne est néanmoins distincte de celle retenue pour la téléphonie vocale et pour les SMS : elle intervient moins fortement au niveau tarifaire mais accentue l’information des consommateurs.

La Commission européenne ne prévoit pas, à ce stade, de plafonnement pour les prix de détail et se contente donc de fixer un plafond pour les tarifs de gros entre opérateurs, afin qu’ils puissent anticiper les coûts de fourniture avec davantage de certitude.

Elle se veut beaucoup plus exigeante sur la transparence de la tarification des services de données en itinérance. Les fournisseurs sont tenus d’informer correctement leurs abonnés itinérants du tarif applicable par un message automatique. En outre, au plus tard le 1er juillet 2010, ils devront offrir une fonction « seuil d’interruption » pour faire en sorte que l’abonné ait toujours la possibilité, gratuitement, de fixer à l’avance un plafond financier sur les dépenses à acquitter pour les services de données en itinérance. Lorsque ce seuil sera atteint, le fournisseur devra cesser immédiatement le transfert de données, sauf si l’abonné itinérant demande expressément la poursuite de ce service. Le fournisseur devra aussi veiller à ce qu’un message d’avertissement soit envoyé avant que l’un ou plusieurs des paliers de facturation convenus préalablement soient atteints. Ainsi, les factures astronomiques non prévues devraient pouvoir être évitées.

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Réunion du mercredi 7 janvier 2009 Bulletin n° 1 6

La consultation organisée par la Commission européenne au printemps 2008, dans le cadre de la préparation de la présente proposition de règlement, a fait apparaître un large soutien des Etats membres, des autorités de régulation et des associations de consommateurs. L’accord des Etats s’est confirmé lors du Conseil « Télécommunications » du 27 novembre 2008. Il importe d’observer que cette position traduit une évolution significative de pays ayant des opérateurs puissants, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France. En 2007, ces trois Etats avaient multiplié les objections techniques pour retarder l’adoption du premier règlement sur l’itinérance, donnant l’impression de faire prévaloir les intérêts des opérateurs sur ceux des consommateurs. Notre commission n’avait d’ailleurs pas suivi la position gouvernementale et avait pleinement soutenu la démarche de la Commission européenne. Aujourd’hui, les autorités françaises approuvent la nouvelle proposition de règlement.

La seule véritable opposition provient – sans surprise – de la plupart des opérateurs. Leurs griefs sont fort bien résumés dans une note transmise à votre rapporteur par France Telecom/Orange. Ils estiment, tout d’abord, que le marché du mobile est déjà concurrentiel et qu’au premier trimestre 2008, par exemple, les deux tiers des Etats pratiquaient des tarifs inférieurs à l’eurotarif de l’itinérance vocale. Ils pointent, ensuite, plusieurs défaillances que la proposition comporterait selon eux : le plafond de l’eurotarif pour les SMS serait arbitrairement bas, ne tenant pas compte du fonctionnement propre à chaque marché et l’extension de la réglementation aux services de données apparaîtrait prématurée sur un marché émergent et dynamique. Le secteur des télécommunications a formulé des réticences similaires à l’occasion du débat sur la réforme de l’audiovisuel, alors même que son chiffre d’affaires annuel est de l’ordre de 40 milliards d’euros.

La commissaire Viviane Reding a confirmé que le règlement devrait rogner les bénéfices des opérateurs, mais elle souligne que sa démarche demeure « très raisonnable » car, selon ses estimations, le prix du SMS en itinérance revient à seulement 1 centime et le prix de gros pour un mégabit varie entre 25 et 50 centimes. Je rappelle que les plafonds établis par la Commission sont de 11 centimes pour les SMS et d’1 euro pour les données.

La prochaine étape devrait être l’adoption de la proposition par le Parlement européen, juste avant qu’il ne mette fin à ses travaux

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 7 janvier 2009 7

pour cause d’échéances électorales, en avril 2009. La proposition de règlement pourrait ainsi être applicable dès le 1er juillet 2009.

Compte tenu de ces divers éléments, il est proposé à la Commission d’approuver cet acte communautaire.

M. Pierre Forgues. J’approuve ce projet car il vise à protéger les consommateurs et à lutter contre un libéralisme effréné que la majorité défend trop souvent. Je crains cependant que cet état d’esprit positif ne s’arrête rapidement. Je suis favorable aux « eurotarifs » pour les appels vocaux et les SMS. Quelles sont les propositions de la Commission européenne concernant les transferts de données ?

M. Michel Herbillon, rapporteur. Un plafonnement est prévu.

M. Pierre Forgues. Le seuil d’interruption est une mesure de protection positive.

M. Michel Herbillon, rapporteur. L’information du consommateur à chaque dépassement va aussi dans le bon sens.

M. Pierre Forgues. Enfin, je tiens à souligner la beauté du mot « itinérance » et j’espère que celui-ci sera conservé.

M. Michel Herbillon, rapporteur. Je l’espère également car le mot « roaming » est peu compréhensible. »

La Commission a approuvé cette proposition de règlement.

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Réunion du mercredi 7 janvier 2009 Bulletin n° 1 8

Temps de travail des travailleurs indépendants du transport routier

Communication de M. Gérard Voisin sur l’aménagement du temps de travail des travailleurs indépendants du transport routier (E 4047)

M. Gérard Voisin, rapporteur. « La protection sociale des transporteurs routiers constitue un sujet permanent de préoccupation des autorités européennes car elle emporte des conséquences à trois niveaux : la sécurité routière, à laquelle nous sommes très attachés, la protection sociale des personnes, le respect d’une concurrence loyale entre les divers transporteurs de l’Union.

Actuellement, les règles applicables en matière de temps de travail ne sont pas les mêmes selon le statut des transporteurs. Les « indépendants » bénéficient en effet d’une dérogation qui leur épargne l’application de certaines règles sociales, en particulier celles relatives au temps de travail. Cette situation n’est pas sans conséquences sur les différences de compétitivité entre les transporteurs ainsi qu’en matière de sécurité routière.

La directive 2002/15/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 relative à l’aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier, en vigueur depuis le 23 mars 2005, a amélioré la situation en limitant les périodes de travail trop longues et les rythmes de travail perturbateurs.

Toutefois, cette directive ne s’applique aux travailleurs indépendants qu’à compter du 23 mars 2009. Le projet de directive pérennise purement et simplement cette dérogation. En d’autres termes, si cette directive est adoptée, les transporteurs routiers indépendants ne se verront définitivement pas appliquer les mêmes règles de durée de travail que les transporteurs salariés.

Certes, une pâle contrepartie est proposée par une définition plus précise du « faux travailleur indépendant », nous y reviendrons.

La majorité des Etats membres n’a pas réussi à transposer la directive de 2002 au cours de la période de trois ans prévue.

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 7 janvier 2009 9

L’inclusion des transporteurs indépendants a été voulue par le Parlement européen dans le cadre de la procédure de conciliation. Deux Etats membres, l’Espagne et la Finlande, ont ensuite tenté, sans succès, de faire annuler ce texte par la Cour de justice des Communautés européennes, dans le but d’exclure de manière permanente les conducteurs indépendants du champ d’application de la directive.

Le débat sur les horaires des transporteurs indépendants ne porte pas exclusivement sur le temps de conduite, qui ne représente que 66% du temps de travail total des chauffeurs routiers. L’exclusion des conducteurs indépendants du cadre de la directive permet d’éviter d’intégrer leurs activités annexes dans la durée maximale hebdomadaire de travail.

Il convient de rappeler que le règlement (CE) n°561/2006 prévoit une durée maximale de conduite hebdomadaire de 56 heures (contre 74 précédemment).

Si nous persistons à ne pas vouloir appliquer aux transporteurs indépendants les mêmes règles de plafonnement, ces derniers pourront atteindre des durées de travail très élevées. Cet état de fait sera forcément générateur d’un état de fatigue certain, incompatible avec la conduite automobile.

Cette négation du droit social explique en partie les faibles coûts du transport routier dans certains pays de l’Union européenne. Elle contribue ainsi à favoriser les délocalisations.

Cette situation est dommageable aux entreprises françaises qui sont soumises à une réglementation plus contraignante et mieux respectée que dans certains pays.

Je souhaite qu’il soit mis fin à ces abus, non seulement pour des raisons évidentes de lutte contre l’insécurité routière, mais également pour des raisons économiques et sociales.

Dans son projet de directive, la Commission opère un recul en proposant de ne pas appliquer aux conducteurs indépendants la même limitation de durée de temps de travail qu’aux salariés.

Je suis convaincu que les impératifs économiques s’imposent à tous, mais l’amélioration de la sécurité routière constitue à ses yeux une ardente obligation.

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Réunion du mercredi 7 janvier 2009 Bulletin n° 1 10

De plus, le projet de directive précise que la législation sur le travail de nuit implique une durée minimale de deux heures pour être appliquée, alors qu’aujourd’hui il suffit de quelques minutes pour qu’un travail soit considéré comme ayant été accompli de nuit. L’aggravation des conditions de travail nocturne constitue un motif supplémentaire de rejet de ce projet de directive.

Pour éviter d’accroître encore les distorsions de concurrence, la Commission propose d’inclure les « faux indépendants » dans le champ d’application de la directive.

La jurisprudence constante de la Cour de cassation en France est rigoureuse. La haute juridiction n’hésite pas à opérer une requalification du contrat de louage de services en contrat de salariat dès qu’apparaît un lien de subordination.

La Commission européenne propose de retenir trois critères pour définir le faux indépendant : ne pas être libre d’organiser son activité professionnelle, que les revenus ne dépendent pas de l’activité réalisée, l’impossibilité d’entretenir des relations commerciales avec d’autres clients. Or, à la lecture du projet de directive, il n’est pas possible de déterminer si ces critères doivent être cumulés pour qualifier un « faux indépendant » ou si un seul critère est suffisant. Si la requalification d’un contrat d’un « faux indépendant » ne peut s’opérer qu’en cas de cumul des trois conditions précitées, nous nous situerions en retrait par rapport à la législation actuelle.

En conséquence, je vous propose de rejeter le projet de directive présenté, afin de soumettre les transporteurs routiers indépendants au droit commun communautaire de la durée du travail, dès le 23 mars 2009, contribuant ainsi à améliorer la sécurité routière et mettre fin à des distorsions de concurrence basées sur une réglementation sociale moins protectrice.

M. Pierre Forgues. Je suis entièrement d’accord avec le rapporteur. L’expérience montre que le mot « indépendant » n’a guère de signification dans la profession et que l’application d’une législation différente de celle des salariés ne revient qu’à amplifier leur nombre. Cinquante six heures hebdomadaires représentent déjà une durée de travail substantielle. Il convient également de veiller à limiter le nombre des accidents routiers provoqués par les poids lourds. Certains pays

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 7 janvier 2009 11

européens souhaitent cependant préserver l’application pour eux de règles moins sociales que les nôtres.

Le Président Pierre Lequiller. Quelle est la position du Gouvernement ? Il semble que la présidence tchèque soit favorable à ce texte.

M. Gérard Voisin, rapporteur. Celui-ci n’a pas fait partie des priorités de la présidence française en raison des réserves de fond qu’il appelle. Le Parlement européen ne s’est pas encore, pour sa part, prononcé. »

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission a rejeté la présente proposition de directive.

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Réunion du mercredi 7 janvier 2009 Bulletin n° 1 12

Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point B Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a

approuvé les textes suivants :

Energie

- projet de règlement de la Commission portant application de la directive 2005/32/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences d’écoconception relatives à la consommation d'électricité hors charge et au rendement moyen en mode actif des sources d'alimentation externes (E 4150) ;

- projet de règlement (CE) n° .../… de la Commission mettant en oeuvre la directive 2005/32/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences en matière d’écoconception applicables aux lampes fluorescentes sans ballast intégré, aux lampes à décharge à haute intensité, ainsi qu'aux ballasts et aux luminaires qui peuvent faire fonctionner ces lampes, et abrogeant la directive 2000/55/CE du Parlement européen et du Conseil (E 4155).

Espace de liberté, de sécurité et de justice

- proposition de règlement du Conseil fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation (E 4156).

PESC et relations extérieures

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 859/2005 du Conseil instituant certaines mesures restrictives à l'encontre de l'Ouzbékistan (E 4196).

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 7 janvier 2009 13

Politique régionale

- règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1083/2006 sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, en ce qui concerne certaines dispositions relatives à la gestion financière (E 4144) ;

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1081/2006 relatif au Fonds social européen en vue d'ajouter de nouveaux types de coûts éligibles à une contribution du FSE (E 4145) ;

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1080/2006 sur le Fonds européen de développement régional et portant sur l'éligibilité des investissements en efficacité énergétique et énergies renouvelables liée au logement (E 4171).

Questions budgétaires

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation de l'instrument de flexibilité (E 4194) ;

- projet de modification de l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière (E 4195).

Transports

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil abrogeant les directives 71/317/CEE, 71/347/CEE, 71/349/CEE, 74/148/CEE, 75/33/CEE, 76/765/CEE, 76/766/CEE et 86/217/CEE du Conseil relatives à la métrologie (E 4163).

Procédure d’examen en urgence

La Commission a pris acte de l’approbation, selon la procédure d’examen en urgence, des textes suivants :

- décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre l'Union européenne et la république de Somalie relatif au statut des forces placées sous la direction de l'Union européenne en république de Somalie, dans le cadre de l'opération militaire de l'Union européenne Atalanta (E 4167) ;

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Réunion du mercredi 7 janvier 2009 Bulletin n° 1 14

- projet de décision du Conseil concernant le soutien d'activités de l'Union européenne visant à promouvoir auprès des pays tiers le processus d'élaboration d'un traité sur le commerce des armes, dans le cadre de la stratégie européenne de sécurité (E 4179)

- projet de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre l'Union européenne et la république de Djibouti relatif au statut des forces placées sous la direction de l'Union européenne dans la république de Djibouti dans le cadre de l'opération militaire de l'Union européenne Atalanta (E 4180) ;

- projet d'action commune du Conseil visant à soutenir le Code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie de l'Union européenne contre la prolifération des armes de destruction massive (E 4181) ;

- projet de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres entre l'Union européenne et le Kenya relatif aux conditions et modalités concernant le transfert, de la force navale dirigée par l'Union européenne (EU NAVFOR) au Kenya, des personnes soupçonnées d'avoir commis des actes de pirateries ou des vols à main armée dans les eaux territoriales de la Somalie ou du Kenya et retenues par l'EU NAVFOR et des biens saisis et détenus par l'EU NAVFOR, ainsi que leur traitement après ce transfert (E 4182).

Accord tacite de la Commission En application de la procédure adoptée par la Commission le

23 septembre 2008 (textes antidumping), celle-ci a approuvé tacitement le document suivant :

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 367/2006 du Conseil instituant un droit compensateur définitif sur les importations de feuilles en polyéthylène téréphtalate (PET) originaires de l'Inde et modifiant le règlement (CE) n° 1292/2007 du Conseil instituant un droit antidumping définitif sur les importations de feuilles en polyéthylène téréphtalate (PET) originaires de l'Inde (E 4178).

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 7 janvier 2009 15

Nomination d’un rapporteur

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Commission a nommé M. Michel Herbillon, rapporteur d’information sur la réforme du fonds européen d’ajustement à la mondialisation.

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 14 janvier 2009 17

Réunion du mercredi 14 janvier 2009 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,

Bilan et perspectives de la présidence française de l’Union européenne

Audition de M. Pierre Sellal, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, sur le bilan et les perspectives de la présidence française de l’Union européenne

Le Président Pierre Lequiller. Monsieur l’ambassadeur, je suis très heureux de vous recevoir ici pour évoquer le bilan de la présidence française de l’Union européenne, qui a été assez unanimement reconnue comme un grand succès, et surtout ses perspectives. J’inaugurerai la liste des questions en commençant par les relations franco-allemandes. Malgré les différences de méthode et d’appréciation qui existent indubitablement, il me semble que le lien franco-allemand reste indispensable, ou plutôt son extension, le Triangle de Weimar. Quelle est votre position sur la question ?

Pour ce qui est de la ratification du traité de Lisbonne et lorsque l’hypothèque tchèque et celle du président polonais seront levées, bientôt je l’espère, le débat en Irlande changera de sens. Etant les seuls à ne pas avoir procédé à cette ratification, les Irlandais devront exprimer clairement une volonté de faire partie de la maison ou d’en sortir. Mais, dans la perspective des prochaines élections européennes, comment gérer le passage des 72 députés français qui seront élus aux 74 que prévoit le traité de Lisbonne ? Et comment évoluera aussi la composition de la Commission européenne, modifiée par le traité ?

Enfin, dans un contexte institutionnel compliqué où la présidence tchèque risque de souffrir de l’influence de son propre président de la République, on voit bien la nécessité d’une présidence stable de l’Union. L’Europe politique a fait des progrès extraordinaires sous la présidence française. Comment faire en sorte que cet élan se poursuive ? Si la France ne joue pas un rôle majeur dans la troïka qu’elle a constituée avec la République tchèque et la Suède, le soufflé ne risque-t-il pas de retomber très vite ?

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18 Réunion du mercredi 14 janvier 2009 Bulletin n° 1

M. Pierre Sellal. C’est toujours un honneur et un plaisir que de me retrouver parmi vous, et d’autant plus que la délégation est devenue commission. Avant de répondre aux questions, et sans passer en revue l’ensemble des dossiers traités par la présidence française, sur lesquels vous êtes très bien informés, je voudrais résumer l’esprit de cette présidence que j’ai vécue de l’intérieur et la comparer aux autres que j’ai connues, françaises ou étrangères.

Il y a un an, notre mot d’ordre avait été défini : « une Europe qui agit pour répondre aux défis d’aujourd’hui ». Il n’aurait pu être plus approprié ! Conformément au sentiment du Président de la République d’avoir œuvré pour une Europe qui ne subit pas, mais qui agit et qui protège, on nous crédite d’avoir défini un cap, pris les décisions nécessaires, érigé l’Union en acteur international et réagi aux crises qui se sont présentées.

Le premier trait caractéristique de cette présidence est qu’elle a été globale, exhaustive. Comme cela était attendu d’elle – et ne l’est pas d’un plus petit pays – la France a appréhendé, au-delà des grands dossiers prioritaires, l’ensemble des sujets et des politiques de l'Union, de l’espace à l’éducation en passant par la santé ou la politique maritime. Certes, cela correspond à notre conception d’une Europe acteur global, mais cette ligne directrice a aussi directement servi l’autorité même de la présidence française et sa capacité de négociation. Ne rien laisser de côté, répondre aux préoccupations de chacune des délégations donne un crédit très utile dans le reste des négociations. Ainsi, la façon dont la France a pris en considération les préoccupations majeures des Roumains – la question des relations avec la Moldavie et celle des Roms – lui a donné un crédit considérable auprès d’eux.

Le deuxième trait est l’articulation entre ce qui était programmé et l’imprévu. Certains dossiers ont obéi au calendrier très rigoureux qui avait été fixé. Ce fut le cas de la politique européenne de sécurité et de défense : tout au long de ces six mois, il s’est d’abord agi de faire émerger une analyse commune sur les menaces encourues, puis de réunir un consensus sur les capacités nécessaires, et donc sur leur insuffisance actuelle, et enfin de définir des voies d’action – complémentarité avec l’OTAN, organisation interne… Ce programme rigoureusement respecté a permis à la défense européenne de franchir une étape supplémentaire. D’autres dossiers ont été en revanche complètement bouleversés par les événements. Ainsi, alors qu’une des

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 14 janvier 2009 19

priorités du mandat français devait être la mise en place du traité de Lisbonne pour le 1er janvier 2009, l’objectif est devenu de réunir les conditions pour permettre aux autorités irlandaises de lancer une deuxième consultation dans des délais compatibles avec les besoins institutionnels. Sur d’autres sujets enfin, il a fallu estimer à quel point les événements modifiaient ou non la programmation établie. Ainsi, nous avons puisé dans la crise géorgienne un surcroît de mobilisation en faveur de la défense européenne et un moyen d’affirmer l’Europe en tant qu’acteur international. En revanche, la crise économique et financière aurait pu faire changer la donne pour ce qui est de la lutte contre le réchauffement climatique. Nous nous sommes battus pour que l’on réaffirme, au contraire, l’objectif environnemental, tout en rendant sa mise en œuvre soutenable dans le contexte économique actuel. La présidence française a donc articulé en permanence les actions programmées et les événements auxquels elle a eu à faire face.

Par ailleurs, et c’est encore plus singulier par rapport aux présidences antérieures, y compris françaises, ces six mois ont été marqués par une coopération totale entre les institutions. La présidence française étant à l’avance créditée d’un grand savoir-faire, on craignait de sa part une certaine mise à l’écart de ses partenaires. Mais elle a travaillé en permanence avec la Commission – le Président de la République a constamment associé M. Barroso à ses initiatives – et de manière encore plus spectaculaire avec le Parlement européen. Le renforcement du Parlement, qui est une des réformes qui a le plus sensiblement transformé le système européen, a pris encore plus d’acuité. Le Président de la République s’est rendu trois fois à Strasbourg et les membres du gouvernement cent onze fois, mieux que la performance allemande. Les présidents de groupes politiques ont plusieurs fois été invités à Paris, une manifestation de considération sans précédent qui a certainement facilité le travail de négociation et la mise au point des textes. Aucun accrochage avec le Parlement n’a eu lieu de toute la présidence.

Le Président Pierre Lequiller. Sauf avec M. Cohn-Bendit.

M. Pierre Sellal. Mais pas d’un point de vue institutionnel.

Une autre caractéristique a été l’ambition de la France de restaurer la vocation du Conseil européen. Créé pour être l’instance centrale du système, il s’en est éloigné au point que ses conclusions,

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20 Réunion du mercredi 14 janvier 2009 Bulletin n° 1

redoutablement soporifiques, étaient devenues une sorte de bilan semestriel d’activité au lieu de la définition d’un cap politique. D’aucuns nous garderont reconnaissance d’avoir réduit leur volume des deux tiers. Surtout, nous aurons rétabli le Conseil dans un rôle d’instance qui fixe un cap, décide sur l'essentiel et oriente le travail. La France a aussi essayé d’utiliser tous les formats de réunion existants, ou non d’ailleurs, le Président de la République ayant su se montrer très imaginatif. Du G4 de Paris à la session extraordinaire du Conseil en passant par le sommet de l’Eurogroupe à Paris – une novation – ou le sommet fondateur de l’Union pour la Méditerranée, les rencontres se sont multipliées sans jamais paraître excessives aux yeux de nos partenaires. Un seul exemple : M. Zapatero, lors du conseil européen extraordinaire qui, le 7 novembre, préparait le sommet de Washington du 15 novembre, considérait qu’il n’était pas question d’attendre le 12 décembre pour se revoir !

La France a aussi veillé à tenir compte des positions de chacun. Lorsqu’un grand pays assure la présidence de l’Union, on craint toujours qu’il fasse cavalier seul ou qu’il privilégie ses grands partenaires. Cela n’a pas été le cas. Ainsi, pour ce qui est du paquet « changement climatique », le Conseil européen d’octobre était censé préparer une prise de décision en décembre alors même que, la crise économique débutant, de nombreux pays doutaient de sa pertinence – la Pologne, mais aussi l’Allemagne ou l’Italie par la voix de M. Silvio Berlusconi avaient fait part de leurs hésitations. Le Président Nicolas Sarkozy a alors déclaré qu’il ne chercherait pas à obtenir une décision à la majorité mais qu’il voulait un consensus, en s’engageant à trouver une réponse pour chacun. C’était prendre un risque considérable. Compte tenu de la difficulté du dossier, beaucoup pensaient que l’unanimité bloquerait toute décision. Mais tout au contraire, si la présidence avait cherché une majorité, des alliances se seraient formées et les positions durcies jusqu’au blocage. En l’occurrence, l’assurance qu’un consensus serait recherché a rendu les négociations beaucoup plus fluides et malgré l’importance de l’enjeu, l’accord a été trouvé en décembre sans le moindre drame, avec le plein soutien du Parlement européen dont les prérogatives auront été pleinement respectées… La visite du Président de la République à Gdansk a d’ailleurs probablement contribué à convaincre les pays que le paquet « changement climatique » mettait en difficulté que leurs points de vue seraient pris en considération.

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 14 janvier 2009 21

Cette présidence a donc été marquée à la fois par l’ambition et par le compromis. Ainsi que l’a remarqué le Président de la République, l’un favorise l’autre car si l’on ne poursuit que des objectifs restreints, rien ne justifie qu’on bouscule les positions nationales ! La volonté de compromis de la France, sa capacité à tenir compte des positions de chacun a permis de tenir le cap sans jamais abâtardir les ambitions fixées au départ. Ainsi, aucun des objectifs du paquet « changement climatique » n’a été abandonné.

Enfin, la présidence aura été marquée par une volonté d’équilibre entre l’intergouvernemental et le communautaire. On l’a décrite comme une période de retour des Etats au détriment de la Commission. C’est excessif, même si en situation de crise les gouvernements, l'Etat qui apporte la garantie ultime, sont bien sûr au centre du jeu. Les Etats ont été mobilisés dans leur capacité d’impulsion, d’initiative, mais toujours au profit de la recherche d’une solution communautaire. Sur le plan économique et financier par exemple, il faut tout leur engagement et toute leur légitimité pour rétablir la confiance et lancer une réaction, qui doit être poursuivie par la mise en place de règles communautaires de supervision et de protection des épargnants. Quant au paquet « changement climatique », seul l’engagement fort des Etats permettra de mettre en oeuvre les politiques qu'impliqueront les nouvelles disciplines communautaires.

Quatre leçons me semblent devoir être tirées de cette présidence. La première, c’est que l’on peut prendre des décisions dans l’Europe élargie. Les structures sont lourdes, mais il a été possible d’agir vite. Le paquet « changement climatique », le dossier législatif le plus lourd de ces dernières années, a été résolu en quatre mois, fait sans précédent dans les annales de la codécision !

Mais, et c’est la deuxième leçon, cela n’est possible que si un leadership se manifeste. Ce rôle, qui n’est évidemment pas celui d’un Parlement, même aux pouvoirs renforcés, et qui ne peut être exercé par la Commission, concurrencée qu’elle se trouve par le Parlement dans l’expression de l’intérêt général européen, revient donc au Conseil, doté d'une présidence effective, d’où la nécessité de ratifier le traité de Lisbonne.

La troisième leçon est que nous avons besoin de solutions collectives qui tiennent compte de la diversité des positions.

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22 Réunion du mercredi 14 janvier 2009 Bulletin n° 1

La dernière – compte tenu que la prochaine présidence française, dans l’état actuel des choses, s’exercera au premier semestre 2022 ! – est que la clef de notre influence est notre capacité d’initiative et de proposition, notre goût de formuler des solutions qui n’apparaissent pas dictées par l’intérêt national.

J’en viens à vos questions, Monsieur le Président. Pour ce qui est de l’Allemagne, nos différences de style et d’organisation sont apparues durant ces six mois plus crûment que d’habitude. L'unité de commandement qui caractérise le système français, de l’Elysée à la représentation permanente, la réactivité que cette chaîne directe autorise, contrastent avec les contraintes d’un système fédéral et d’un gouvernement de coalition, qui expliquent une bonne part de ce qu’on a appelé parfois les « lenteurs » et les « hésitations » de notre partenaire. Mais il n’y a pas eu de divergence de fond majeure durant ces six mois. La discussion a été permanente. Des difficultés ponctuelles se sont certes présentées, comme sur la question des émissions de CO2 des automobiles – et comme depuis vingt ans dans ce domaine ! – mais c’est la volonté de trouver un compromis qui a primé, compromis lui-même voué à devenir la matrice de l’accord collectif. Il n’y a pas eu de divergence au sujet de la Géorgie et de la Russie, ni du bilan de santé de la PAC. Quant à la réflexion sur la PAC du futur, elle n’est pas allée aussi loin que prévu. Nous avons considéré dès le début de septembre que le sujet, compte tenu de la crise économique et à l’approche des élections européennes, ne pouvait pas être traité à fond.

Vous vous demandez ensuite si la présidence tchèque peut pérenniser ce qui a été accompli sous la nôtre. Pour ce qui est du rôle du Conseil européen, elle a déjà dit vouloir poursuivre dans la même voie et ne semble pas non plus vouloir se contenter d’attendre les réunions prévues en cas de crise, comme témoignent ses initiatives dans le contexte de la crise gazière actuelle. Elles dispose de personnalités fortes, comme le vice-Premier ministre Alexandre Vondra, qui lui permettront de faire face aux difficultés intérieures et au défi que représente pour un pays l'exercice pour la première fois de la présidence européenne.

Pour ce qui est de la ratification du traité de Lisbonne, ces six mois ont démontré la vertu d’un leadership. Le traité est la seule solution pour éviter l’aléa et la discontinuité inhérents aux présidences tournantes. Il fallait donc placer le gouvernement irlandais dans les

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 14 janvier 2009 23

meilleures conditions pour tenter une deuxième consultation. Cela impliquait que les Irlandais se prononcent en dernier, ce qui rend l’enjeu plus important, mais aussi que M. Cowen obtienne ce dont il estime avoir besoin pour interroger à nouveau le peuple irlandais. La présidence française n’a pas voulu faire valoir sa propre analyse : elle lui a tout simplement demandé à quelles conditions il serait prêt à tenter ce deuxième référendum et s’est engagée à essayer de les faire accepter aux autres partenaires. Ces conditions sont simples : réaffirmer que le traité n’affecte en rien la neutralité, la fiscalité ou le droit de la famille irlandais et donner la certitude à l’Irlande qu’elle sera toujours représentée au sein de la Commission. Ce deuxième point, qui implique que chaque Etat dispose d’un commissaire et qui impose une modification du traité de Lisbonne, a fait l’objet d’un consensus pratiquement immédiat.

M. Jérôme Lambert. D’un point de vue juridique, cela rend-il une modification du traité obligatoire dans chacun des Etats ?

M. Pierre Sellal. Oui, mais pas dans l'immédiat; ce devra être fait avant 2014, date à laquelle le traité de Lisbonne prévoit la diminution du nombre des commissaires alors que le traité de Nice, sous l’empire duquel nous sommes, l’imposait dès 2009. Nous devons donc faire en sorte que le référendum irlandais ait lieu avant l’expiration du mandat de la Commission actuelle le 1er novembre. Dans ce cas, il y aura un commissaire par Etat membre jusqu’en 2014 et pour la suite, il faudra concrétiser la décision prise de ne pas réduire le nombre des commissaires, en faisant ratifier cette modification du traité par chaque Etat membre. Pour éviter d’engager une procédure spécifique, il est possible d’adjoindre ce point à un autre traité européen soumis à ratification – le premier devant être le traité d’adhésion de la Croatie. C’est la seule des garanties demandées par l’Irlande qui appelle une modification du droit primaire. Pour le reste, il est évident que le traité de Lisbonne n’affecte ni la neutralité du pays, ni son droit fiscal, ni son régime de l’avortement.

Pour ce qui est du nombre des députés, le Parlement européen sera élu sur la base du traité de Nice puisque le référendum irlandais ne peut avoir lieu avant juin. Mais plusieurs Etats, dont la France, ont déjà demandé que si le traité de Lisbonne était adopté, on n’attende pas la fin de la législature pour procéder aux ajustements. Sauf qu’il n’est bien sûr pas question de priver de leur siège les députés élus

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24 Réunion du mercredi 14 janvier 2009 Bulletin n° 1

dans les pays qui verront leur représentation réduite, comme l’Allemagne.

Le Président Pierre Lequiller. La France n’aura élu que 72 députés. Comment seront désignés les deux supplémentaires ?

M. Pierre Sellal. Il serait difficile d’organiser des élections pour deux députés. La solution sera sans doute une sorte de liste complémentaire. Ce pourrait être un peu compliqué, puisque le scrutin est régional, mais je ne veux pas préjuger de la solution qui sera retenue; elle relève en tout cas de notre responsabilité au plan national.

Le Président Pierre Lequiller. Nous en venons aux questions des députés.

Mme Marietta Karamanli. Merci, Monsieur l’ambassadeur, pour cette intervention. D’abord, quelle est la position de la France concernant la proposition allemande d’un pacte européen pour l’emploi ? Ensuite, le plan européen de l’innovation pourrait mobiliser des crédits du fonds européen d’ajustement à la mondialisation doté de 500 millions par an. Ces crédits sont-ils disponibles, et ont-ils été sollicités ? Sont-ils suffisants, alors que certains économistes parlent plutôt de 5 milliards ? Par ailleurs, quelles sont les sommes nouvelles dégagées pour les grands travaux d’infrastructures dans le cadre du plan de relance, et quels sont les secteurs concernés ? Enfin, quelles sont les suites données aux recommandations concernant Chypre et la Turquie que MM. Gérard Voisin et Bernard Deflesselles et moi-même avions adjointes à notre rapport sur le règlement de la question chypriote ?

Mme Chantal Brunel. Ces six derniers mois, grâce à la présidence française et à cause de la crise, la Grande-Bretagne a donné le sentiment de s’investir beaucoup plus que d’habitude en Europe. Quelles seront les conséquences sur ses relations avec l’Union ? Par ailleurs, l’ambassade a-t-elle disposé de moyens supplémentaires pour gérer l’intense activité générée par la présidence française ?

M. Michel Herbillon. Nous connaissons tous ici l’agenda de la présidence française mais votre très intéressant exposé, Monsieur l’ambassadeur, nous a donné les notes d’ambiance qui nous manquaient.

Je voudrais d’abord savoir quels sont les aspects de la présidence française qui seront selon vous pérennisés. Les événements extraordinaires auxquels elle a été confrontée, tels que le conflit de

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 14 janvier 2009 25

Géorgie ou la crise financière, auraient pu avoir des effets très différents sous une autre présidence et ont fait apparaître la capacité de leadership de notre Président de la République, mais une telle capacité ne se décrète pas. Le fait de veiller à tenir compte des positions de chacun tranche nettement avec l’arrogance qui est toujours prêtée à la France. En revanche, si les institutions ont travaillé de concert et si les réunions se sont multipliées, nous avons le sentiment que cela a été au détriment de la Commission européenne, et le retour à un commissaire par pays ne nous semble pas de nature à renforcer son rôle. Par ailleurs, et dans l’hypothèse funeste d’un échec du second référendum irlandais, quelles seraient les solutions de sortie de crise ?

M. Pierre Sellal. Pour ce qui est des enjeux sociaux, la France et l’Allemagne, confrontées aux mêmes difficultés, rapprochent leurs positions et travaillent à élaborer des outils pour préserver l’emploi. Dans le secteur automobile notamment, un cadre a été défini par le Conseil européen qui doit être dorénavant rempli par les actions nationales. Les crédits du fonds d’ajustement à la mondialisation, 500 millions par an, ne sont que faiblement utilisés parce que les critères, imposés à sa création par les délégations les plus orthodoxes sur le plan budgétaire, sont extrêmement restrictifs. Le Conseil européen de décembre a donc prévu de les retravailler afin de rendre le fonds, comme d'autres instruments existants, plus efficace. Quant aux crédits nouveaux, 5 milliards sont proposés pour des projets d’infrastructures notamment en matière d’interconnexion énergétique ou d’internet à haut débit.

S’agissant de Chypre, nous avons depuis septembre, discrètement mais activement, encouragé le dialogue direct entre les deux parties de l’île. Cela n’a pas encore donné grand résultat, mais la démarche est positive. Quant à la Turquie, les négociations se poursuivent. Deux chapitres supplémentaires ont été ouverts et le processus de rapprochement continue, même si les Turcs ont été marris de ne pas le voir qualifié de négociation d’élargissement. C’était un sujet délicat pour la présidence française. Nous avons pu à la fois maintenir le consensus européen, prévenu une dégradation des relations entre l’Union et la Turquie et évité tout drame tout en restant parfaitement en ligne avec la position de la France telle que définie par le Président de la République en 2007.

En ce qui concerne le Royaume-uni, une solution originale a été trouvée lorsqu’il a été question de réunir l’Eurogroupe au plus haut

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26 Réunion du mercredi 14 janvier 2009 Bulletin n° 1

niveau. Il était évident que Gordon Brown, après dix années en charge des finances de son pays, connaissait parfaitement la question bancaire et financière et qu’il avait beaucoup d’idées sur le sujet. Mais il était déjà délicat pour la présidence vis-à-vis des autres Etats membres de ne réunir que l’Eurogroupe, et donc inenvisageable d’inviter en outre la seule Grande-Bretagne. La solution a été d’inviter le Premier ministre britannique, M. Gordon Brown, juste avant la réunion, pour une rencontre avec le Président de la République et d’en profiter pour lui demander de s’exprimer au début de celle-ci. M. Gordon Brown est donc parti après avoir présenté ses idées mais le Royaume-Uni a pleinement participé au travail européen pendant ces six mois, et la préparation des conclusions du Conseil n’a donné lieu, contrairement à l’habitude, à aucune difficulté particulière avec ce grand partenaire.

Mme Chantal Brunel. Cela va-t-il durer ? Un certain nombre de pays commencent à apprécier la fermeté de l’euro !

M. Pierre Sellal. Les pays qui ont choisi de rester à l’écart de l’euro ont pris conscience de leur vulnérabilité. Cela n’a pas encore provoqué une lame de fond dans les opinions des pays concernés pour l’admission dans la zone euro, mais la crise a mis les vertus de l'euro en évidence et peut-être le calendrier de certains va-t-il être accéléré. Les pays qui ne remplissent pas aujourd'hui les conditions d'admission dans la zone euro sont dans une situation différente, même s'ils sont tentés eux aussi de revoir leur calendrier. Pour ce qui est de la régulation financière, la Grande-Bretagne souscrit à l'objectif de règles renforcées, mais veille à ce que le surcroît de surveillance qu'il implique soit compatible avec sa vision des intérêts de la City et son organisation. Le gouvernement britannique devra préciser ses vues sur ce sujet.

En ce qui concerne la pérennité des changements de posture tels que constatés ces derniers mois, les crises qui ont eu lieu ont certes permis d’affirmer l’Europe en tant qu'acteur politique, mais elles auraient pu être le fossoyeur de nos ambitions. L’Europe aurait pu éclater dès le mois d’août, la Russie étant le sujet le plus porteur de divisions parmi les 27, et la crise économique et financière aurait pu conduire à l’abandon complet du programme de lutte contre le changement climatique. Il est heureux que ces crises aient plutôt entraîné un surcroît de détermination. Ce qui est sûr, c’est que le besoin de travailler en commun à des solutions collectives s’est fortement affirmé. Il me semble que les chefs d’Etat et de gouvernement ont pris le goût et

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 14 janvier 2009 27

mesuré tout le prix de réunions régulières. Le fait, ainsi que je l’ai déjà dit, que nous ayons mobilisé tous les formats de réunions possibles montre d’ailleurs la plasticité de ce système institutionnel qu’on disait dépassé après l’élargissement. Encore faut-il que la présidence le veuille et apporte l'impulsion nécessaire : le système a besoin d’un leadership et tant que le traité de Lisbonne ne sera pas adopté, cela ne sera pas acquis de manière pérenne. La taille du pays n’est pas en cause : la présidence luxembourgeoise, bien qu’elle ait été desservie par l’échec des négociations sur le paquet financier dû au Royaume-Uni, s’est révélée remarquable. En revanche, il n’y a pas de doute que dans les circonstances que traversons, il y a un net avantage à ce que le pays présidant l’Union dispose d' un siège au Conseil de sécurité et soit membre du G8 !

Le Président Pierre Lequiller. La réunion au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement sur la zone euro est sans précédent. Sera-t-elle pérennisée ?

M. Pierre Sellal. Il y aura sans doute une suite, parce que les Etats ayant l'euro comme monnaie ont cette responsabilité en partage et que l’ampleur de la crise implique une mobilisation au plus haut niveau.

Le Président Pierre Lequiller. Mais qui prendra l’initiative, alors que les Tchèques ne font pas partie de la zone euro ?

M. Pierre Sellal. Il n’est pas question que ces réunions soient institutionnalisées. Mais si les circonstances ou l'importance des mesures à prendre le justifient au cours des prochains mois, je suis convaincu que les Etats membres de l'Eurogroupe, son président au niveau des ministres des finances, Jean-Claude Juncker, qui est aussi Premier ministre, et la présidence tchèque sauront déterminer pragmatiquement de quelle manière une telle réunion pourrait se tenir.

Enfin, en cas d’absence ou d’échec d’un second référendum irlandais, nous en resterions au traité de Nice. Nous devrions alors nous passer d’une présidence stable du Conseil européen, de représentants supplémentaires au Parlement européen et de possibilités étendues de décision à la majorité qualifiée. Mais je ne pense pas que les négociations institutionnelles repartiraient immédiatement, parce que la lassitude est grande sur la question.

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M. Guy Geoffroy. Pour ce qui est de l’euro, il me semble que la BCE s’est montrée beaucoup plus réactive et constructive qu’on ne s’y attendait, et qu’elle a été loin de démériter face à l’inventivité et la mobilité de la présidence française. Quel est l’Etat des lieux de l’élargissement de la zone euro ? Peut-on mesurer son impact sur la sécurisation de nos économies ? Quels sont les pays qui envisagent d’accélérer leur calendrier d’adhésion ? Je sais par exemple que l’accession à l’euro a littéralement transformé la relation à l’Europe des Chypriotes. L’euro permet d’enraciner une véritable citoyenneté. Par ailleurs, il est très regrettable que la France n’ait pas augmenté sa contribution financière aux actions menées pour rapatrier les restes des disparus de Chypre entre le nord et le sud de l’île, comme d’autres pays l’ont déjà fait. Est-ce envisagé ? Il s’agit de sommes indispensables à la réussite du projet et tout à fait acceptables pour notre pays.

M. Jean Dionis du Séjour. J’ai moi aussi été très intéressé par vos propos, Monsieur l’ambassadeur, mais je me demande si votre lecture de la présidence française n’est pas quelque peu optimiste. Il y a eu de grandes divergences entre la France et l’Allemagne sur les réponses à apporter à la crise – le plan allemand vient d’ailleurs seulement d’être adopté, en dehors de la présidence française – et la réponse britannique est encore plus spécifique, avec la nationalisation des banques en difficulté. Peut-être les réunions se sont-elles multipliées, mais le résultat politique ne paraît pas flagrant ! Des mots très durs ont été prononcés au sein du couple franco-allemand. Quel avenir lui voyez-vous tant que le leadership voulu par le traité de Lisbonne ne sera pas instauré, surtout dans le contexte de la présidence tchèque ? Enfin, sur le sujet de l’équilibre entre l’intergouvernemental et le communautaire, le recul du rôle de la Commission, qui devrait porter l’intérêt général communautaire, est loin d’être neutre pour des militants européens tels que nous. Revenir à un commissaire par pays est un contresens ! Que va-t-il rester de cette présidence d’aussi important que le Conseil européen, issu de la présidence exercée par M. Valéry Giscard d’Estaing et qui est devenu l’axe central du système ? L’intergouvernemental va-t-il monter en puissance, par le biais notamment de l’Eurogroupe, ce qui affaiblirait encore la dimension communautaire ?

M. Thierry Mariani. Comment l’Union pour la Méditerranée, l’un des grands projets du Président de la République, va-

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 14 janvier 2009 29

t-elle évoluer ? Nous sommes déjà très en deçà des ambitions de départ, à cause notamment des réticences allemandes. Presque aucun financement n’est dégagé. Avec les présidences tchèque et suédoise qui n’en feront certainement pas une priorité, le soufflé ne va-t-il pas retomber ? Il s’agit pourtant d’une idée généreuse, et indispensable du point de vue des flux migratoires. Par ailleurs, pouvez-vous nous en dire plus sur votre vision de l’évolution des discussions avec la Turquie ? Enfin, n’est-il pas préjudiciable que chaque présidence veuille privilégier sa zone propre – l’Asie centrale pour l’Allemagne, la Méditerranée pour la France, les pays de l’ex-URSS pour la République tchèque et, peut-être, bientôt, l’Amérique latine pour l’Espagne ? Il ne faudrait pas que l’Europe en vienne à diluer toutes ses intentions dans des discours, sans moyens pour mener aucune action.

M. Didier Quentin. Merci, Monsieur l’ambassadeur, pour votre exposé très argumenté. Je voudrais juste savoir s’il est des points où le bilan de cette présidence a été inférieur à vos attentes.

M. Pierre Sellal. S’il est une institution qui s’est imposée dans le contexte de la crise financière, en faisant preuve de réactivité et en bâtissant un plan d’action reconnu des plus pertinents dans le monde entier, c’est bien la Banque centrale européenne. Chaque rencontre au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement a été marquée par une forte présence de son président Jean-Claude Trichet, et par l'instauration d'un véritable dialogue entre eux, comme la France l'appelait de ses voeux. Les vertus stabilisatrices voire protectrices de l’euro sont apparues pleinement dans cette situation, alors que la crise a touché de plein fouet les pays extérieurs à la zone tels que l’Islande.

Cela va-t-il accélérer l’élargissement de la zone euro ? Le débat est ouvert au Danemark et en Suède, il commence peut-être en Grande-Bretagne ; tous pays qui avaient choisi de rester en-dehors de l’euro. La situation est très différente pour ceux qui ne remplissent pas encore les critères. Les pays concernés, la Pologne par exemple, doivent évaluer, s'ils entendent accélérer leur adhésion, l’effort d’ajustement qui serait exigé, et qui s'ajoute aux conséquences de la crise. La zone euro elle-même doit veiller à sa propre stabilité et intégrité, qui passe par une convergence suffisante des situations économiques en son sein. Il faut donc rester prudents.

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Pour ce qui est de Chypre, il est clair que la France a un rôle spécifique à jouer. C’est d’ailleurs un des pays qui ont salué avec le plus de chaleur la présidence française, en saluant la compréhension qu'elle avait manifesté pour ses difficultés spécifiques. La France doit tenir sa place sur la question des disparus, et peut-être se montrer encore plus présente.

Pour répondre à M. Jean Dionis du Séjour sur le couple franco-allemand, le besoin de bâtir un plan européen de réponse à la crise n’a pas été contesté par l’Allemagne, loin s'en faut : le problème était le degré d’harmonisation des mesures à adopter. La France et l’Allemagne sont très vite tombées d’accord sur une action européenne vigoureuse dont chaque Etat membre déterminerait le contenu en fonction de sa situation nationale. La différence de rythme tient à celle des situations objectives, et à une différence d’appréciation sur l’urgence à agir, mais il n’y avait pas de divergence sur le besoin d’une action collective et concertée, que Mme Angela Merkel a elle-même sollicitée, de même que la réunion de l’Eurogroupe. Elle doit peut-être gérer plus de contraintes que la France, mais sur le fond, le travail en commun a été très important. Notre souci de nous montrer à l’écoute de chaque délégation a eu pour contrepartie la volonté d’éviter un affichage ostentatoire de la relation franco-allemande, a fortiori d'un condominium franco-allemand. Pour autant, la coopération entre nos deux pays reste un devoir pour chacun d'entre eux, et une nécessité pour que le système fonctionne – aucun dossier ne pourrait avancer en cas de divergence majeure.

Pour ce qui est de l’intergouvernemental et du communautaire, je n’ai pas vécu ces six derniers mois comme un affaiblissement de ce dernier. La crise a rendu l’implication des gouvernements plus nécessaire et plus visible que précédemment. C’était indispensable : les Etats se sont révélés être la garantie de dernière instance, celle qui protège les citoyens. Leur place était immanquablement au centre du système. Mais cette implication doit déboucher sur la recherche d’une solution communautaire, sur la mise au point de règles de surveillance et d’encadrement. Le paquet « changement climatique » est la démarche communautaire la plus intégrée et la plus juridiquement contraignante que nous ayons connue depuis longtemps ! Quant à la Commission, le renoncement à la réduction de ses membres ne me paraît pas nécessairement un recul de

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l’esprit communautaire, à moins qu’elle ne devienne un nouveau Conseil où chacun défendrait une position nationale. Nous avons besoin d’une Commission capable de prendre des décisions, et donc dotée de la légitimité nécessaire. Or, bien qu’ayant défendu le traité de Lisbonne, je n’ai jamais été convaincu par le principe de rotation égalitaire des commissaires. Une Commission réduite aux deux tiers des Etats membres qui compterait toujours deux Etats baltes sur trois et quatre des Etats des Balkans occidentaux sur six, mais une fois sur trois pas l’Allemagne ou la France ne me paraît pas forcément très légitime. L’idéal eût été une Commission restreinte sans rotation égalitaire, mais puisqu’il n’a pas été atteint, la représentation de chacun des Etats donne une légitimité plus assurée à la Commission. C’est pourquoi la modification du traité sur ce point n’a pas été contestée.

Le lancement de l’Union pour la Méditerranée, le 13 juillet 2008, a constitué un très efficace et spectaculaire lancement de la présidence française, car beaucoup de nos partenaires doutaient de la possibilité de réunir ces 43 chefs d’Etat et de gouvernement autour d'une même table. Je pense pour ma part qu’elle sera pérenne. Nous avons en effet commencé par bâtir une structure. L’UPM dispose de règles d’organisation, d’un périmètre composition, d’un secrétariat, de procédures et d’un programme de travail. Cela ne suffit certainement pas à forcer un esprit de coopération, mais le cadre est néanmoins posé. Ce cadre a été complété à la fin de l’année par un effort de rehaussement des relations bilatérales de l’Union avec chacun des grands partenaires méditerranéens. Nous disposons ainsi des bases pour développer effectivement, car tel est le véritable enjeu, des coopérations concrètes. Cela ne se fera pas sans la persévérance de la France, qui doit rester présente, mais de façon compatible avec les responsabilités incombant aux présidences tchèque et suédoise. L'engagement de la France a été et reste capital, mais il faut aussi veiller à ce que les autres pays européens s’approprient le dossier.

En ce qui concerne la Turquie, l’année 2009 sera certainement délicate car le rythme des réformes et le règlement de la question chypriote marquent le pas. Le nombre de chapitres susceptibles d’être ouverts, compte tenu du défaut de règlement de la question chypriote et des diverses réserves, est de plus en plus restreint. Il est donc possible que le rapprochement concret soit ralenti.

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Quant à la succession des « marottes » de chaque présidence, elle constitue à la fois un inconvénient et une vertu – elle permet de couvrir un champ plus large, mais au risque d’un manque de continuité. La France, qui s’est intéressée à tous les dossiers en cours, apporte un soutien très actif aux projets de la République tchèque et de la Suède, y compris à propos du Partenariat oriental.

Au chapitre des déceptions, il est clair que le lancement de l’UPM, la nomination de deux secrétaires généraux adjoints, palestinien et israélien et le rehaussement des relations politiques entre l’Union et Israël n’ont pas suffi à éviter le déclenchement des violences à Gaza, ni même à conférer à l’Europe une capacité à peser de manière décisive sur le conflit. Mais l’Europe, qui a toujours eu des difficultés à influer dans cette partie du monde, est peut-être en train de réunir les conditions pour y parvenir.

Par ailleurs, s’il n’y avait pas eu la crise économique et financière, peut-être aurions-nous eu le temps d’engager une réflexion sur l’avenir des politiques communes après 2013. Nous n’en avons pas eu l’occasion, faute de maturité de la question et de disponibilité des autres institutions, mais cela ne peut pas être considéré comme une déception. Les circonstances ne nous ont pas permis non plus de redéfinir notre stratégie commerciale après l'échec au mois de juillet des négociations de l'OMC à Genève. C’est un dossier à reprendre.

M. Daniel Garrigue. On nous a poussés à donner un avis favorable à l’accord de coopération euro-israélien sous prétexte qu’il contribuerait à rapprocher les points de vue et à créer des instances de dialogue. Ce n’est pas le cas. Les engagements pris par Israël en matière de colonisation de la Cisjordanie par exemple ne sont pas plus respectés qu’à Gaza. La question de la pérennité de cet accord se posera-t-elle ?

M. Pierre Forgues. Si la présidence française a couvert tous les champs, elle s’est donc intéressée aux services sociaux d’intérêt général. A-t-elle obtenu un bilan concret ? L’insécurité juridique et la perspective de la transposition de la directive sur les services inquiètent les associations concernées. Par ailleurs, peut-être vaudrait-il mieux attendre un ou deux ans avant de se livrer à une description aussi positive de la présidence française. Il me semble en effet qu’il n’y a pas de réponse européenne à la crise financière, simplement un empilement de plans nationaux sans coordination, certains fondés sur la demande,

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d’autres sur l’offre. L’engagement de crédits européens reste très faible et le total des plans nationaux n’arrive pas à la moitié du plan américain pour une population comparable. Restons donc prudents sur l’efficacité de cette présidence ! Par ailleurs, lorsque le Président Nicolas Sarkozy, qui a marqué de sa personnalité la présidence de l’Union, se rend quelques jours après la fin de son mandat en Israël, comme ne pas se croire revenu à une politique des Etats ?

M. Gérard Voisin. Vos explications limpides, Monsieur l’ambassadeur, nous ont permis de passer deux heures remarquables. Je suis heureux que vous considériez l’UPM comme d’une importance capitale. Je note aussi tout l’intérêt de la politique de proximité pratiquée par le Président de la République. Enfin, il serait tout à l’honneur de la France d’augmenter sa contribution à l’opération qui permet de rapatrier les ossements des disparus de Chypre. C’est le seul pays en Europe où subsiste un mur !

M. Daniel Fasquelle. On pourra certes mieux apprécier la présidence française dans quelque temps, mais je me félicite tout de même aujourd’hui de sa grande réussite. Je voudrais savoir où en sont les dossiers relatifs au marché intérieur – libre circulation des services, reconnaissance des qualifications professionnelles, remise en cause de certaines professions réglementées, paramédicales ou juridiques par exemple… La Commission est-elle toujours aussi déterminée sur ces dossiers ? Et quelles sont les chances de succès d’une directive sur la libre circulation des patients en Europe pour 2009 ?

Par ailleurs, je voudrais m’inquiéter de la situation de la langue française en Europe. Il y a quinze ans, on l’entendait parler partout dans les bureaux. On n’entend plus aujourd’hui que de l’anglais, même parmi les fonctionnaires français. C’est choquant. L’Europe, c’est l’unité dans la diversité. Si tout le monde parle anglais, on se retrouve aux Etats-Unis ! La présidence française a-t-elle permis de soutenir l’emploi du français et de l’allemand ?

M. Pierre Sellal. On ne peut pas reprocher au Président de la République son déplacement au Proche-Orient. D'abord, l'action internationale de la France ne s'est pas achevée le 31 décembre 2008. Ensuite, l’enjeu humanitaire était tel qu’il était légitime d’essayer de profiter du capital acquis sous la présidence française. L’Europe, qui a toujours eu du mal à peser sur le Proche-Orient, a l’ambition d’être

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écoutée. L’UPM est la première base pour cela, l’accord d’association entre l’Europe et les grands partenaires de l’UPM la deuxième. Mais l’objectif de rehausser ces relations ne doit pas nous conduire à ignorer le contexte, ou certaines pratiques, notamment colonisatrices.

Pour ce qui est des services d’intérêt économique général, nous avons organisé un forum entre la Commission, les Etats membres et les parties prenantes pour faire le point sur leur rôle dans le maintien de la cohésion sociale. Le traité de Lisbonne nous donnera une base juridique supplémentaire qui les confortera. Dans le contexte actuel, ces services ont poursuivi leur activité sans difficulté notable. L’approfondissement du marché intérieur reste un enjeu fondamental, qui a donné lieu à des négociations et à des décisions dans de très nombreux domaines. Nous avons soutenu les efforts de la Commission pour que les principes fondamentaux du marché intérieur, en particulier l'interdiction des discriminations entre les Etats membres et leurs citoyens, ne soient pas malmenés par les mesures prises dans l'urgence de la crise financière, alors que certaines mesures nationales de soutien aux banques faisaient litière de ses principes fondateurs, en accordant par exemple une garantie à certains particuliers ou établissements selon leur nationalité. Il était important de rappeler que les principes du marché intérieur demeurent intangibles et s’imposent aux mesures nationales, et de les distinguer des règles de concurrence, qui sont nécessairement d’une application plus flexible, notamment pour ce qui concerne les délais de procédure, en fonction des circonstances.

Le plan européen, pour ce qui est de sa partie financière, a posé les principes du soutien au secteur bancaire qui devaient être mis en oeuvre. Les mesures nationales ont été prises en fonction des situations respectives, mais dans un cadre très cohérent. Il n’y a pas eu de Lehman Brothers européen. Quant au soutien à l’économie, les objectifs quantitatifs, qui n’étaient pas tout à fait atteints en décembre, sont probablement dépassés maintenant que l’Allemagne a adopté son plan. Nous ferons en mars le point sur la mise en œuvre du plan, et nous verrons alors de quelle manière le compléter, si nécessaire

Enfin, la présidence française a été un grand moment de francophonie à Bruxelles. J’ai, pour ma part, constamment présidé en français. C’est non seulement notre devoir, mais aussi un avantage considérable que de pouvoir négocier dans sa propre langue. En outre, si

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nous savons bien que le français recule dans le monde, je reste convaincu que l'Union et son fonctionnement sont des facteurs de résistance à cette érosion. Ainsi, pour chacune de nos initiatives, le texte français était disponible dans les capitales avant la traduction anglaise. Ceux qui voulaient réagir rapidement devaient l’utiliser. Le système européen est donc un levier formidable pour endiguer le déclin du français. Soyez assuré que durant toutes mes années à Bruxelles, j’ai veillé en toute occasion à soutenir la langue française.

M. Thierry Mariani. Je voudrais juste faire remarquer que tous les pays africains qui sont reliés à l’euro par l’intermédiaire du franc CFA en ont retiré une stabilité exceptionnelle. C’est un grand succès pour l’euro.

Le Président Pierre Lequiller. Il me reste à vous remercier, Monsieur l’ambassadeur, pour la grande précision de vos réponses. C’est toujours un plaisir de vous accueillir ici.

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Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :

Point B

Agriculture

- proposition de décision du Conseil concernant la mise sur le marché, conformément à la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil, d'un oeillet (Dianthus caryophyllus L., lignée 123.8.12) génétiquement modifié pour change la couleur de la fleur (document E 4127) ;

Commerce extérieur

- proposition de décision du Conseil relative à la signature au nom de la Communauté et à l'application provisoire de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse modifiant l'accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif aux échanges de produits agricoles. Proposition de décision du Conseil approuvant l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse modifiant l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif aux échanges de produits agricoles (document E 4189) ;

- proposition de décision du Conseil arrêtant la position de la Communauté au sein du Conseil général de l'Organisation mondiale du commerce concernant l'adhésion du Monténégro à l'Organisation mondiale du commerce (document E 4199) ;

- proposition de décision du Conseil sur la position à adopter par la Communauté en ce qui concerne la proposition visant à modifier la Convention douanière relative au transport international de marchandises sous le couvert de carnets TIR (Convention TIR 1975) (document E 4205).

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Industrie

-projet de directive de la Commission .../.../CE du [...] modifiant, aux fins de son adaptation au progrès technique, la directive 72/245/CEE du Conseil concernant les parasites radioélectriques (compatibilité électromagnétique) produits par les véhicules à moteur (document E 4202) ;

Institutions

- proposition de la réglementation commune des institutions des Communautés européennes modifiant la réglementation commune fixant les modalités de composition du comité du statut (document E 4201) ;

- décision du Conseil portant nomination de deux membres allemands au Comité économique et social européen (document E 4208) ;

- décision du Conseil portant nomination d'un membre espagnol du Comité économique et social européen (document E 4209) ;

Procédure d’examen en urgence Par ailleurs, la Commission a pris acte de l’approbation,

selon la procédure d’examen en urgence, du texte suivant :

- décision du Parlement européen et du Conseil portant nomination du contrôleur européen de la protection des données et du contrôleur adjoint (document E 4210).

Accord tacite de la Commission Enfin, en application de la procédure adoptée par la

Commission le 23 septembre (textes antidumping), celle-ci a approuvé tacitement le document suivant :

- proposition de règlement du Conseil instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (document E 4211).

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 21 janvier 2009 39

Réunion du mercredi 21 janvier 2009 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,

Conseil « Ecofin »

Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, après le Conseil « Ecofin » du 20 janvier 2009 (ouverte à la presse)

Le Président Pierre Lequiller. Nous sommes heureux de vous accueillir, Madame la ministre, à la commission des affaires européennes, d’autant plus que votre audition s’inscrit dans une période cruciale à plus d’un titre.

Pourriez-vous tout d’abord dresser un bilan de votre action au cours de la présidence française de l’Union européenne ? Quelles ont été les réactions européennes et nationales à la crise financière et économique que nous traversons, étant entendu que la nécessaire concertation entre les différents Etats membres n’implique pas une identité de vues ? M. Jean-Claude Juncker ayant par ailleurs lancé lundi dernier, lors de la réunion de l’Eurogroupe, un nouvel appel aux banques afin qu’elles accordent plus facilement des crédits, notamment aux PME, quelles seront selon vous les prochaines étapes de la réponse européenne aux difficultés que nous connaissons ? Comment, en outre, préparez-vous le prochain sommet du G20 qui se déroulera le 2 avril à Londres ? Enfin, considérez-vous qu’un consensus franco-allemand ait été effectivement amorcé à l’issue du Conseil « Ecofin » d’hier s’agissant du taux réduit de TVA ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Je vous remercie de votre accueil et je vous présente mes excuses pour avoir dû reporter cette réunion.

Sans pour autant négliger notre calendrier de long terme – qui concerne notamment des améliorations structurelles à apporter au fonctionnement des marchés financiers – la crise que nous traversons a bouleversé notre agenda. Elle a également été l’occasion de montrer combien l’Union européenne a joué un rôle important pour l’ensemble de nos pays.

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40 Réunion du mercredi 21 janvier 2009 Bulletin n° 1

La Chancelière Angela Merkel l’a dit : nous avons dû naviguer par gros temps. En effet, je rappelle combien, avant cet « accélérateur de crise » que fut la faillite de la banque Lehman Brothers, le 15 septembre dernier, le contexte économique international se caractérisait déjà par une très grande volatilité : au début du mois de juillet dernier le prix du baril de pétrole se situait entre 147 et 148 dollars alors qu’il est aujourd’hui redescendu aux environs de 40 dollars ; un euro valait alors 1,60 dollar contre 1,35 ou 1,40 aujourd’hui.

La méthode que nous avons suivie a été déterminante. Elle repose sur trois piliers. Nous avons d’abord été force de proposition innovante dans les domaines banquier, assurantiel, financier ou s’agissant des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) mais, également, pour l’élaboration d’une « doctrine » européenne. Nous avons ensuite fait preuve d’un grand sens de l’écoute en tenant compte des spécificités de chacun des Etats membres, notamment de leur tissu bancaire. Nous avons enfin considéré qu’il était de notre devoir de rassembler l’ensemble des pays membres afin d’agir collectivement et de trouver un terrain d’entente, notamment en matière fiscale, où l’unanimité est nécessaire.

C’est ainsi que nous sommes parvenus à faire entendre la voix européenne non seulement sur la scène internationale mais également, n’en déplaise aux souverainistes, sur le plan national en rendant l’Europe plus crédible auprès de nos concitoyens qui, selon un sondage récent d’Euro RSCG sur les termes qui rassurent ou qui inquiètent les Français, jugent que les mots « euro », « Banque centrale européenne » (BCE) et « Europe » comptent parmi les termes rassurants. J’ai la faiblesse de penser que la présidence française n’est pas étrangère à ce phénomène. Pour le moins, elle a remis l’Europe au centre du jeu.

La priorité absolue de notre présidence, en ce qui concerne la gestion de la crise, a été de s’assurer de la solidité du secteur financier via le fonctionnement du crédit à l’ensemble de l’économie – entreprises, collectivités locales et ménages. Il ne faut pas oublier que la crise des subprimes avait commencé dès le mois d’août 2007. Sous les présidences portugaise et slovène, on avait déjà établi une feuille de route afin de renforcer la stabilité financière et la supervision. Il nous appartenait de la mettre en œuvre.

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 21 janvier 2009 41

Notre réponse à la crise de l’après 15 septembre – lorsque cette crise a pris une dimension systémique – s’est par ailleurs fondée sur une méthode coordonnée et des plans d’action concrets. Elle a en outre été assez hétérodoxe et même « transgressive » puisque, si nous en avons bien entendu discuté entre ministres des finances de la zone euro, nous nous sommes également concertés par exemple avec les Britanniques, Londres étant une place financière déterminante même si elle ne se situe pas dans la zone euro. De la même manière, nous avons été confrontés à des situations inédites chaque fois qu’il s’est agi de sauver des établissements financiers transnationaux – je songe, en particulier, à Fortis ou à Dexia. Ces multiples « transgressions », s’agissant notamment du format des rencontres, ont été les bienvenues.

Je tiens, de surcroît, à souligner la réactivité exemplaire de la Commission européenne, en particulier de la DG Concurrence, – s’agissant notamment de l’adoption de mécanismes de garantie standardisés – mais aussi du Parlement européen – lequel a statué rapidement sur le texte relatif à la garantie des dépôts – et de la BCE, à travers la mise à disposition de liquidités dans des délais très brefs mais aussi l’admission of collateral et un important rôle de conseil juridique ainsi que financier afin d’élaborer de nouveaux standards.

Je vous parlerai donc d’abord de la gestion de crise, thème que nous n’imaginions pas avoir à traiter. En la matière, nous avons travaillé autour de quatre axes.

Premier axe : la recapitalisation et l’apport de garanties. Après la faillite de Lehman Brothers – et l’abandon par les Etats-Unis de la doctrine en vertu de laquelle il était impératif de soutenir les établissements dont l’échec aurait des conséquences systémiques, – il est apparu impératif, lors du Conseil « Ecofin » du mois d’octobre, de définir une doctrine commune, en étroite concertation avec la BCE. Contrairement à ce qui a été dit parfois, nous ne nous sommes pas contentés de suivre purement et simplement les Britanniques, lesquels ont d’ailleurs travaillé à partir d’une réflexion que nous avions engagée et étaient obligés de s’engager dans cette voie car nombre de leurs établissements financiers étaient entrés dans une spirale négative. Nous avons renforcé les fonds propres des établissements dont la situation était satisfaisante et recapitalisé massivement ceux qui étaient en perdition avec, si nécessaire, prise de contrôle et remplacement des équipes dirigeantes. En quelques semaines, les Etats membres ont ainsi

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42 Réunion du mercredi 21 janvier 2009 Bulletin n° 1

dégagé 280 milliards d’euros pour la recapitalisation et 1 800 milliards au titre de la garantie.

Deuxième axe : la protection des épargnants afin d’éviter que les épargnants ne commencent à faire la queue devant les établissements pour retirer leurs dépôts, comme on l’a vu avec l’affaire Northern Rock en Grande-Bretagne. L’Irlande ayant commencé à garantir les dépôts de ses propres épargnants, nous avons réagi collectivement, en portant le minimum garanti à 50 000 euros par déposant et à 100 000 euros d’ici 2011. J’ajoute que nous avons su là encore trouver un accord grâce à la concertation, en particulier avec les nouveaux Etats membres tels la Pologne ou la Roumanie pour lesquels ces sommes sont considérables par rapport à leurs standards de vie.

Troisième axe : le soutien aux pays européens en difficulté, notamment en nous portant au chevet de la Hongrie – qui a bénéficié d’une aide de 6,5 milliards d’euros, en plus des sommes débloquées par le FMI et la Banque mondiale – et de la Lettonie, avec un soutien de 3,5 milliards.

M. Jacques Myard. Ce financement a-t-il été le fait de l’Union européenne ou des Etats ?

Mme Christine Lagarde. De l’Union, dont le plafond de l’aide a été porté à 25 milliards.

Plusieurs pays de l’Union européenne ont également contribué à aider l’Islande, qui ne fait pas partie de l’Union mais qui se trouvait en Etat de faillite virtuelle.

Quatrième axe : le Conseil européen a adopté un plan de relance. Dès le 15 septembre, nous avons compris que nous allions devoir à la fois réparer les tuyaux et soutenir la machine économique, la zone euro étant entrée, pour la première fois de son histoire, en récession. En lien étroit avec la Commission et en conformité avec la doctrine établie collectivement, nous avons souhaité mettre à la disposition de chaque Etat une « boîte à outils » qu’il pourrait utiliser en fonction de ses spécificités. Nous sommes simplement convenus d’ordres de grandeur, la Commission ayant souhaité que soient consacrés à des mécanismes de relance « temporaires, ciblés et à effet rapide » 1,2 % du PIB européen au titre des contributions des Etats et 0,3 % au titre de la mobilisation des instruments communautaires. Tout

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 21 janvier 2009 43

ceci s’inscrit dans le cadre du pacte de stabilité et il a bien été rappelé, lors des Conseils « Ecofin », que les stabilisateurs automatiques doivent jouer et qu’il n’est absolument pas question de compenser les pertes de recettes par des impôts ou des charges supplémentaires.

Nous avons également mobilisé des ressources européennes en demandant à la Banque européenne d’investissement (BEI) de doper son programme en faveur des PME et du secteur automobile, à concurrence de crédits supplémentaires qui varieront entre 10 et 15 milliards chaque année. Le conseil d’administration de la BEI doit délibérer prochainement de ma proposition visant à augmenter la contribution à l’industrie automobile européenne à des fins d’investissement en recherche et développement.

Cette crise a favorisé la formation d’alliances inattendues : la Suède, les Pays-Bas et l’Angleterre, en particulier, ont considérablement soutenu la présidence française. Elle a aussi montré qu’il était possible de travailler en commun en dépit de grandes différences, par exemple, entre l’Angleterre, avec un système financier très structuré mais très affecté ; la France, avec un business model garantissant une bien meilleure stabilité des établissements ; la Pologne et la Hongrie, qui ont beaucoup de succursales d’établissements financiers sur leurs territoires mais peu de sièges sociaux, donc des impératifs différents.

S’agissant des réformes structurelles, nous entendions avancer sur quatre grandes directives concourant également à la stabilité du système financier et adoptées toutes quatre lors du dernier Conseil sous présidence française en décembre : la Capital requirements directive (CRD) applicable au système bancaire, « Solvabilité 2 » applicable quant à elle au secteur de l’assurance, la directive concernant la garantie des dépôts des particuliers et, enfin, celle relative aux OPCVM. Toutes témoignent d’une exigence de transparence accrue – la directive CRD, par exemple, a permis une harmonisation de la définition des fonds propres – et de responsabilité – les banques faisant de la titrisation et émettant des produits financiers sophistiqués devront en garder au moins 5 % dans leur bilan.

Nous avons aussi voulu renforcer la régulation, donc les organes de contrôle, notamment en confortant les pouvoirs des collèges de superviseurs et en constituant des plateformes de surveillance dans les grands établissements financiers implantés dans plusieurs Etats

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membres. Enfin, nous avons modernisé le marché des OPCVM en créant un passeport européen permettant une gestion des actifs indépendamment des frontières.

Je tiens également à saluer l’action de mes secrétaires d’Etat : M. Hervé Novelli, qui a contribué à mettre en place le Small business act (SBA), et M. Luc Chatel, qui a négocié et fait adopter le « paquet télécoms », ce qui lui a valu d’être qualifié de « magicien » par Mme Viviane Reding…

Par ailleurs, nous avons fait sensiblement progresser la lutte contre la fraude à la TVA et nous avons lancé un débat sur l’élargissement de la directive « Fiscalité de l’épargne » ainsi que sur la TVA à taux réduit. Sur ce dernier point, j’aurais aimé que l’on ait avancé de manière plus concrète avant la fin de la présidence française. Je me console en constatant que les travaux que nous avons engagés ont permis de bâtir un accord solide entre la France et l’Allemagne afin d’examiner cette question pour les secteurs à forte intensité de main d’œuvre ou favorisant l’environnement.

Sous la présidence française, l’Europe a joué un rôle moteur sur la scène internationale, en particulier sur les plans économique, financier et fiscal. Cela tient à la détermination et à l’enthousiasme du Président de la République, ainsi qu’à l’émergence d’un leadership. Des propositions concrètes ont été formulées afin de rassembler les pays membres du G20 autour d’un agenda très large, depuis le refus du protectionnisme jusqu’à la négociation du cycle de Doha en passant par la régulation du système financier, la lutte contre les paradis fiscaux, la réforme de la gouvernance de l’International Accounting Standards Boards (IASB) ou la pondération de l’application des normes IFRS – International Financial Reporting Standards – pour tenir compte des effets contracycliques.

M. Michel Herbillon. Je vous remercie pour ce très intéressant exposé retraçant l’action de la présidence française, que l’imprévu a rendue plus importante encore.

L’hétérodoxie – voire les méthodes transgressives dont vous avez parlé en vous aventurant sur le terrain de la psychanalyse – n’est-elle pas en l’occurrence un progrès, surtout si elle perdure ? Selon vous, que faudrait-il pérenniser en la matière ?

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Qu’en est-il, plus précisément, de ce serpent de mer qu’est la TVA à taux réduit sur la restauration mais, également, sur certains biens culturels comme le disque, sujet abordé récemment par le Président de la République lors de ses vœux au monde de la culture ?

Quel est par ailleurs le point de vue du Gouvernement sur les propositions de la Commission visant à élargir le champ d’action du fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) afin de mieux répondre aux conséquences de la crise financière ? Dispose-t-on d’une simulation permettant d’évaluer les conséquences des mesures destinées à ramener de 1.000 à 500 le seuil des licenciements, à rationaliser le mode de comptabilisation du nombre de licenciements, à porter de 50 % à 75 % le taux de cofinancement européen maximum ? Serait-il possible d’aller au-delà en prenant en compte, par exemple, le volume total des emplois supprimés et pas seulement des licenciements – non remplacement des départs en retraite, suppression d’emplois temporaires, départs volontaires ?

M. Guy Geoffroy. Si Mme Christine Lagarde a eu raison d’insister sur le dynamisme de la présidence française de l’Union et sur le rôle essentiel de la BCE, les instruments qui ont été mis en place seront-ils pérennisés indépendamment des prochaines présidences de l’Union ou faut-il, au contraire, s’inquiéter d’éventuels changements si d’aventure la volonté politique était moins forte ?

M. Daniel Fasquelle. Je remercie à mon tour Mme Christine Lagarde et je la félicite pour son action.

Est-il raisonnable d’espérer que la TVA à taux réduit dans l’hôtellerie et la restauration sera bientôt effective ?

Quid, par ailleurs, des conséquences de la quasi-parité entre la livre sterling et l’euro, en particulier – c’est le député du Pas-de-Calais qui s’inquiète – sur le plan touristique, et de la directive dite « timeshare » sur les biens à temps partagé, qui est un des rares textes européens en matière de tourisme, secteur qui demeure trop souvent de compétence nationale ?

Qu’en est-il, en outre, de la mise en place d’un brevet communautaire ?

Enfin, quel est l’apport réel du SMA aux PME ?

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Mme Christine Lagarde. Compte tenu du fait que la situation particulière que nous avons connue perdure, l’« hétérodoxie » ne me semble pas menacée. L’articulation des niveaux technique – les ministres des finances – et politique – la prise de décision par les chefs d’Etat et de gouvernement – me semble en l’occurrence bénéfique. La réunion de l’Eurogroupe avec les chefs d’Etat et de gouvernement a d’ailleurs montré son efficacité.

M. Michel Herbillon. Continuera-t-elle ?

Le Président Pierre Lequiller. Ni la République tchèque ni la Suède ne faisant partie de la zone euro, qui prendra les initiatives ?

Mme Christine Lagarde. M. Jean-Claude Juncker, compte tenu de sa situation, me semble particulièrement habilité à le faire alors que le prochain G20 devrait être l’occasion d’exprimer une position commune forte. J’ajoute qu’une monnaie commune implique une politique monétaire commune et, autant que faire se peut, une politique économique commune. De ce point de vue, le pacte de croissance et de stabilité ne me paraît pas suffisant pour naviguer par gros temps.

Sur les 500 millions dont est doté le FEM – dont je rappelle que la France avait soutenu la création –, seuls 65 avaient été utilisés à la fin de 2008, notamment par les constructeurs automobiles français. La Commission a donc en effet formulé des propositions afin que cet instrument soit mieux utilisé : abaissement du seuil, extension de son champ d’application aux restructurations et aux pertes d’emplois résultant de la crise économique et financière, hausse du taux de cofinancement par le fonds des mesures d’aides prises à l’échelon national, extension de la période de mise en œuvre des crédits. J’y suis bien entendu favorable et je crois que nous aurions tout intérêt à utiliser ces ressources, de même d’ailleurs que celles de la BEI.

S’agissant des services à forte intensité de main d’œuvre – dont la restauration –, nos partenaires qui étaient jusqu’à présent hostiles à l’application d’un taux réduit de TVA m’ont confirmé leur volonté d’évoluer. Ils souhaitent également que cette question soit examinée en même temps pour les produits « verts », en particulier s’agissant de l’établissement de la liste des produits concernés. La Commission est chargée de formuler des propositions d’ici la réunion du Conseil « Ecofin » au mois de mars. J’espère, en particulier, que nous pourrons concrétiser et finaliser un dossier qui nous tient à cœur depuis

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 21 janvier 2009 47

très longtemps. En l’état, je ne peux cependant en dire plus car l’unanimité reste la règle en la matière : je ne voudrais pas susciter de vains espoirs.

Même si elle a mis un certain temps avant de baisser ses taux, la BCE a quant à elle admirablement joué son rôle de pourvoyeur de liquidités et de « vigie », en particulier pour des établissements et des pays en situation de quasi-banqueroute. Compte tenu de la situation monétaire et de la nécessité d’une politique économique commune, la question qui se pose maintenant est de savoir elle doit évoluer vers un rôle de coordination et de supervision, ce qui n’est pas envisagé pour l’instant.

Les marchés monétaires, par ailleurs, s’inquiètent de la tenue de la livre sterling. Certes, la Banque d’Angleterre fait ce qu’elle peut mais jusqu’à présent, sa politique des taux n’a pas été particulièrement efficace pour soutenir cette monnaie. L’avantage d’une livre basse, en effet, n’est pas patent compte tenu de la structure de l’économie britannique.

M. Jacques Myard. Ils ont désindustrialisé leur pays !

Mme Christine Lagarde. C’est exact.

Le SBA permet aux PME de bénéficier de plus de financements et d’accéder plus facilement aux marchés publics. Je précise, à ce propos, qu’il n’a pas été facile de convaincre le commissaire Charlie Mc Creevy, hostile à toute mesure visant à privilégier ces dernières.

Si je ne dispose pas d’éléments techniques suffisants pour répondre précisément à la question du brevet communautaire, je peux néanmoins vous dire que nous n’avons pas obtenu le soutien de l’Espagne. Les positions s’étant toutefois rapprochées, il n’est pas exclu que des avancées sensibles se produisent, notamment sous la présidence suédoise.

M. Pierre Forgues. Il faut faire preuve d’un grand optimisme pour parler de « plan de relance européen » : outre que la part spécifiquement européenne des crédits s’élève à seulement 15 milliards d’euros, ce plan n’a pas encore été adopté par le Parlement européen et les plans nationaux qui l’accompagnent ne sont guère coordonnés. Qu’en est-il donc de sa mise en œuvre effective ? De plus, quelles sont les

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conséquences de la dette et de la situation de chaque Etat – je pense en particulier à l’Espagne – pour la zone euro ?

M. Jacques Myard. S’agissant de l’Europe, Madame la ministre, ne vous fiez pas excessivement aux sondages : le peuple, lorsqu’il vote, dit souvent le contraire !

Quelle est la place des G4, G8 ou G20 dans l’organisation institutionnelle de l’Europe ? De ce point de vue, la présidence française ayant été, me semble-t-il, emblématique du retour des Etats, il importe d’affirmer le principe selon lequel c’est le Conseil qui commande et non la Commission ; il convient également d’intégrer la nécessité d’une politique industrielle dans les textes relatifs à la concurrence et de recadrer le Conseil vis-à-vis de la BCE.

Si je suis par ailleurs d’accord avec M. Jean-Claude Juncker lorsqu’il affirme la nécessité de coordinations prudentielles et de supervisions bancaires, en revanche les directives bruxelloises doivent sans cesse être remises sur le métier en raison des oublis ou des lacunes. Ne serait-il donc pas préférable d’y substituer des codes de bonne conduite ? Avoir cadenassé les taux de TVA est par exemple une ânerie monumentale et l’on s’en mord les doigts !

Quid, en outre, de la réforme des normes IFRS ?

Enfin, Madame la ministre, comment se porte l’euro ?

Le Président Pierre Lequiller. A ce dernier propos, certains de nos partenaires, en Islande, au Danemark, en Suède, vous ont-ils fait part de leur regret de ne pas faire partie de la zone euro ?

M. Jacques Myard. Rêve toujours, mon cher Pierre !

M. Lionel Tardy. M. Günter Verheugen, vice-président de la Commission chargé des entreprises et de l’industrie, était hier aux Etats généraux de l’automobile qui se sont déroulés à Bercy où les constructeurs et les équipementiers ont, quant à eux, souhaité une meilleure harmonisation des politiques industrielle et fiscale. Quel est, Madame la ministre, votre point de vue à ce sujet, sachant que les Etats-Unis ont consacré 13 milliards au sauvetage de leurs deux constructeurs automobiles ?

Par ailleurs, quel sera le rôle de la BEI dans le cadre du plan de relance européen ?

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 21 janvier 2009 49

M. Daniel Garrigue. Comment gérer la contradiction consistant à relancer l’économie tout en tenant compte des contraintes du pacte de stabilité ? Ne faut-il pas poser cette question de manière beaucoup plus forte au sein de la zone euro ? Quelle est la priorité ? Dispose-t-on d’un calendrier ? Qui mènera ces différentes actions ?

Si des collèges de régulateurs ont par ailleurs été institués, est-il envisageable d’aller au-delà et de mettre en place une autorité européenne de régulation ? Dans ce cas, son champ d’action se limiterait-il à la seule zone euro ?

M. Thierry Mariani. Avez-vous des contacts, Madame la ministre, avec la nouvelle administration américaine ? Quelles seront, selon vous, les conséquences de sa politique pour l’Europe ?

En tant que président du groupe d’études sur l’hôtellerie et la restauration, je suis bien entendu favorable à l’application d’un taux réduit de TVA dans ce secteur – on le promet aux professionnels depuis douze ans… – mais la France pourrait-elle aujourd’hui se le permettre ?

M. Gérard Voisin. Je note que M. Valéry Giscard d’Estaing, dont je rappelle qu’il a été ministre des finances, doute que l’Europe sorte renforcée de cette crise.

J’ai par ailleurs assisté la semaine dernière aux premières Rencontres de l’« équipe de France » de l’export, Ubifrance, agence française pour le développement international des entreprises. Ne pensez-vous pas qu’il y a là un potentiel économique extraordinaire insuffisamment exploité, et que « l’Europe des entreprises » doit être renforcée ?

Sur le plan politique, ne conviendrait-il pas que les parlementaires européens se montrent plus combatifs afin que l’Europe soit plus puissante ?

M. Jérôme Lambert. Que pensez-vous des deux propositions de l’OCDE visant à créer des organismes de supervision des autorités bancaires, le premier supervisant les autorités de contrôles nationales, le second, les institutions financières ? Selon l’étude de l’OCDE, l’actuel dispositif européen demeure en effet très inadapté à la détection des risques systémiques émergents en dépit de l’amélioration des processus de coopération entre les autorités de contrôles des différents pays.

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50 Réunion du mercredi 21 janvier 2009 Bulletin n° 1

Quid, par ailleurs, de l’élaboration d’une position commune de l’Union s’agissant de la réforme du système financier mondial alors que se profile la prochaine réunion du G20 ?

Mme Christine Lagarde. Le plan de relance européen ne mobilise pas des ressources nouvelles en créant un nouveau budget, le Conseil du mois de décembre ayant simplement approuvé des ordres de grandeur de dépenses sur le plan national, complétés par une mobilisation de ressources européennes existantes, notamment celles de la BEI, qui vont être augmentées. S’agissant du secteur automobile, j’ai non seulement demandé l’utilisation des trois milliards de la réserve par la BEI mais également l’assouplissement d’un certain nombre de critères d’appréciation des aides d’Etat. Pour éviter toute ambiguïté, sans doute conviendrait-il de parler plus exactement d’une relance européenne coordonnée avec la mobilisation d’instruments communautaires plutôt que d’un plan de relance européen.

S’agissant de la dette des pays membres, celle de l’Espagne s’élève par exemple à 53 % du PIB, ce qui est loin d’être catastrophique. Plus préoccupants, en revanche, sont les écarts d’appréciation des « risques pays » par le marché, en particulier concernant les pays du sud de l’Europe, dont l’Espagne, précisément, et la Grèce.

Le Président de la République l’a dit : l’Europe n’est pas l’ennemie des Etats. Mieux : elle n’est véritablement puissante que lorsque ces derniers sont assez forts au Conseil, organe déterminant en la matière, une présidence faible risquant en revanche de laisser la main à la Commission.

Par ailleurs, l’harmonisation règlementaire, en l’état, ne peut se faire en dehors des directives.

La réforme – déterminante – des IFRS sera quant à elle abordée à la mi-mars dans le premier groupe de travail préparatoire à la réunion du G 20, le 2 avril.

M. Jacques Myard. Les Européens ne sont donc pas capables d’élaborer eux-mêmes des normes comptables ?

Mme Christine Lagarde. Bien sûr que si, mais il importe, d’une part, de mettre en place collectivement des mesures contracycliques nécessaires aux normes IFRS, d’autre part, de réformer l’IASB.

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 21 janvier 2009 51

M. Jacques Myard. Les Européens n’auront aucun poids en la matière.

Mme Christine Lagarde. Nous avons adopté ce matin en conseil des ministres une ordonnance créant en France une autorité des normes comptables composée de comptables, de commissaires aux comptes et de représentants des entreprises. Je serai très attentive à ses travaux car l’instrument de mesure et l’organe qui, éventuellement, serait appelé à le réformer sont particulièrement importants pour la régulation financière que nous mettons en place.

S’agissant de l’euro, je note que dix ans après sa création il est la deuxième monnaie de réserve mondiale et que les grands épargnants que sont notamment les Chinois rééquilibrent leurs réserves à son bénéfice.

M. Jacques Myard. Qui sortira le premier de la zone euro ?

Mme Christine Lagarde. La vraie question est de savoir qui y entrera prochainement ! A l’invitation du président du Parlement danois, j’exposerai d’ailleurs demain la pertinence d’un tel système devant cette institution.

M. Jacques Myard. Avez-vous lu le dernier rapport du Conseil d’analyse économique sur le change de l’euro selon lequel la monnaie unique nous a coûté 1,1 point de croissance par an ces dernières années ?

Mme Christine Lagarde. Et elle nous a sauvés de combien de dévaluations ?

M. Jacques Myard. Ce n’est pas le problème. Il faut que la monnaie fluctue.

Mme Christine Lagarde. J’ajoute que certains pays baltes sont également intéressés par une entrée dans la zone euro.

La contradiction dont vous avez fait état, Monsieur Garrigue, est surtout valable dans des circonstances ordinaires ; or, tel n’est pas le cas aujourd’hui comme la Commission l’a d’ailleurs rappelé. Nous devons en effet tenir compte de la baisse de la croissance mondiale et des échanges mais également des objectifs de relance que nous nous sommes fixés. En outre, selon la Commission, 16 Etats membres sur 27 risqueraient, en l’état, des procédures pour déficit excessif. Même si le

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52 Réunion du mercredi 21 janvier 2009 Bulletin n° 1

retour à l’équilibre doit rester notre objectif à moyen et long terme, tel n’est pas en ce moment la priorité des priorités. En l’occurrence, il importe de concentrer nos efforts d’une part sur les circuits de financement, la régulation financière et la réorganisation des établissements financiers afin que l’économie soit financée plus normalement, d’autre part, sur la mise en œuvre efficace, ciblée et provisoire du plan de relance.

Par ailleurs, s’agissant des autorités de régulation, les directives « CRD » et « Solvabilité 2 » prévoient un renforcement des comités de niveau 3, la possibilité de recommandation et de production de normes ainsi que la constitution de groupes de supervision adaptés à chacun des acteurs financiers transnationaux à l’intérieur de l’Union. L’Italie a quant à elle préconisé la mise en place d’un « super superviseur » européen mais les Etats n’y étant pas prêts, il me semble préférable de procéder par étapes.

En ce qui concerne la nouvelle administration américaine, j’ai été en contact avec Mme Madeleine Albright, missionnée par le nouveau Président, et je connais bien mon homologue, M. Tim Geithner, qui se montrera, j’en suis certaine, ouvert aux propositions européennes et qui aura à cœur de travailler à l’amélioration de la régulation mondiale.

S’agissant de la TVA à 5,5 % dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, nous devrons réaliser des chiffrages.

M. Thierry Mariani. La profession accepterait un taux intermédiaire.

Mme Christine Lagarde. Si je crois par ailleurs beaucoup à l’Europe des entreprises et à la mobilisation en faveur des politiques industrielles – ce sont autant d’impératifs absolus – je crois également à des politiques de recherches européennes autour de grands projets plutôt qu’à des politiques communes d’exportation.

M. Jacques Myard. Nous sommes concurrents !

Mme Christine Lagarde. Vous avez raison. Pour filer la métaphore sportive, notre « équipe de l’export » Ubifrance dispose avec les chambres de commerce et de métiers de bons arrières et, à l’avant, de solides missions économiques et commerciales.

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 21 janvier 2009 53

S’agissant du G20, j’ai convoqué un Conseil « Ecofin » informel le 18 décembre afin de faire valider par nos partenaires un certain nombre de propositions européennes sur la régulation internationale, le financement du FMI ou le rôle de la Banque mondiale.

M. Jérôme Lambert. Quelles en sont les suites ?

Mme Christine Lagarde. Ces documents ont été soumis aux quatre groupes de travail constitués à l’initiative des Britanniques dans le cadre de l’organisation du prochain G20.

Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie vivement, Madame la ministre, pour votre intervention.

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54 Réunion du mercredi 21 janvier 2009 Bulletin n° 1

Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point B Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a

approuvé les textes suivants :

Commerce extérieur

- CDE - Nomination du directeur du Centre pour le développement de l'entreprise (2009-2010) (document E 4217) ;

- recommandation de la Commission au Conseil visant à ce que la Commission soit autorisée à ouvrir des négociations avec la Principauté d'Andorre et la République de Saint-Marin en vue d'étendre aux mesures douanières de sécurité le champ d'application de l'accord sous forme d'échanges de lettres avec la Principauté d'Andorre et de l'accord de coopération et d'union douanière avec la République de Saint-Marin (document E 4220).

Institutions

- décision du Parlement européen, du Conseil, de la Commission de la Cour de justice, de la cour des comptes, du Comité économique et social européen et du Comité des Régions, relative à l'organisation et au fonctionnement de l'Office des publications de l'Union européenne (E 4212).

Procédure d’examen en urgence

La Commission a pris acte de l’approbation, selon la procédure d’examen en urgence, des textes suivants :

- décision du Conseil portant nomination d'un membre et de deux suppléants danois du Comité des régions (document E 4213) ;

- décision du Conseil portant nomination d'un membre autrichien au Comité des régions (document E 4214).

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 28 janvier 2009 55

Réunion du mercredi 28 janvier 2009 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,

Don d’organes

Communication de MM. Jérôme Lambert et Didier Quentin sur le test de subsidiarité organisé dans le cadre de la COSAC sur la proposition de directive relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation (E 4173)

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. « Cet examen au titre de la subsidiarité et de la proportionnalité intervient dans le cadre informel décidé en liaison avec la Commission européenne, avant l’entrée en vigueur des dispositions donnant explicitement cette compétence aux parlements nationaux, lesquelles figurent dans le traité de Lisbonne.

Ce test concerté de subsidiarité sur la proposition de directive relative aux transplantations d’organes a été décidé par la COSAC des 3 et 4 novembre dernier, qui s’est déroulée à Paris lors de la présidence française.

La Commission européenne a présenté sa proposition de directive le 9 décembre et c’est le 10 décembre, le lendemain, que le délai de huit semaines imparti aux parlements nationaux pour se prononcer sur les éventuelles atteintes aux principes de subsidiarité et de proportionnalité a commencé à courir.

Ce délai, déjà bref, est raccourci par l’interruption des travaux due aux fêtes de fin d’année. La dernière fois, la Commission avait présenté sa proposition en juillet, peu de temps avant l’interruption du mois d’août. Il conviendrait qu’à l’avenir, elle tienne mieux compte de tels éléments.

C’eût été, en l’espèce, d’autant plus nécessaire que la question des dons et transplantations d’organes est très délicate puisqu’elle met en jeu le plus profond des convictions de chacun. C’est un dossier sensible où les choix sont, en définitive, assez peu simples.

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56 Réunion du mercredi 28 janvier 2009 Bulletin n° 1

Le contexte est, en outre, difficile, marqué par une pénurie d’organes avec une estimation de 56.000 patients en attente de transplantation pour les pays de l'Union européenne. S’agissant de la France, 360 décès en liste d’attente sont intervenus en 2007. Ces personnes étaient dans l’espoir de bénéficier d’un don.

Après consultation tant de l’Agence de biomédecine, organisme national compétent, que de la Direction générale de la santé, il apparaît que la proposition de la Commission ne porte pas atteinte au principe de subsidiarité ni non plus au principe de proportionnalité.

En ce qui concerne la question de la subsidiarité, il faut préalablement remarquer que la Communauté européenne dispose d’une compétence claire en la matière, prévue à l’article 152 du traité. D’une part, elle peut adopter des mesures fixant des normes élevées de qualité et de sécurité des organes et substances d’origine humaine sans que ces mesures empêchent un Etat membre de maintenir ou d’établir des mesures de protection plus strictes. D’autre part, il est prévu que l’action de la Communauté dans le domaine de la santé publique respecte pleinement les responsabilités des Etats membres en matière d’organisation et de fourniture de services de santé et de soins médicaux et, qu’en particulier, les mesures ne doivent pas porter atteinte aux dispositions nationales relatives aux dons d’organes ou à leur utilisation à des fins médicales.

Le traité de Lisbonne n’apporte aucune modification de fond à ces éléments.

C’est d’ailleurs sur la même base juridique que sont déjà intervenus plusieurs textes sur le sang et les composants sanguins ainsi que les tissus et les cellules.

M. Didier Quentin, co-rapporteur. J’insiste également sur les délais. La présente proposition a été diffusée avant la « trêve des confiseurs », la précédente l’avait été avant celle des « baigneurs ». La Commission européenne doit modifier ses pratiques.

Pour ce qui concerne le texte proposé, il n’y a pas matière à réserve ni sur la subsidiarité, ni sur la proportionnalité.

Sur le premier point, on doit ajouter cinq précisions.

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 28 janvier 2009 57

D’une part, les différences actuelles de niveau entre les Etats membres peuvent justifier une intervention communautaire au regard des objectifs du haut niveau de protection de la santé fixés par le traité. Néanmoins, il ne faut pas méconnaître que les échanges de greffons sont extrêmement peu nombreux d’un Etat à l’autre. C’est le résultat de la faiblesse de la durée de conservation des organes, même lorsqu’il ne s’agit pas d’organes vitaux.

D’autre part, la proposition de directive ne comprend pas la totalité des actions souhaitées par la Commission européenne en la matière, puisqu’une partie d’entre elles est prévue dans le plan d’action sur le don et la transplantation d’organes (2009-2015), qui propose des actions prioritaires dans le cadre de la compétence communautaire d’encouragement à la coopération entre les Etats membres et d’appui à leurs actions.

Dans ces circonstances, le texte proposé s’en tient au plus important avec, notamment, un programme national de qualité dans chaque Etat membre, l’obligation de prévoir une autorité nationale de contrôle des prélèvements et des greffes, des règles précises pour les organismes d’obtention comme pour les centres de transplantation, l’obligation de caractériser les organes et les donneurs afin d’éviter les transmissions de pathologie, une traçabilité entre donneur et receveur, un système de notification des incidents et réactions indésirables, ainsi que le cadre de l’échange d’informations entre les autorités compétentes des Etats membres et celui des échanges avec les pays tiers, pour éviter les trafics. Ces précautions d’ordre éthique et vital sont nécessaires, notamment dans les relations avec quelques pays très peu développés.

De plus, la proposition permet aux Etats qui coopèrent déjà entre eux dans le cadre des trois organismes existants, Scandiatransplant, pour l’Europe du Nord, Eurotransplant, pour certains pays d’Europe continentale, et UKtransplant, pour les îles britanniques, de poursuivre ces coopérations.

En outre, la proposition de directive respecte bien les compétences des Etats membres sur les éléments bioéthiques, à savoir le consentement et les autorisations préalables à l’obtention d’un organe. Le principe de subsidiarité va d’ailleurs assez loin en la matière puisqu’il

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rend, en pratique, impossible la mise en œuvre d’une carte européenne de donneur en dépit de l’intérêt que l’on peut lui porter a priori.

Enfin, la proposition de directive fixe, du point de vue de la France, un cadre administratif et sanitaire incontestable et d’autant plus acceptable qu’il est proche de celui déjà en vigueur en France. Celui-ci est d’ailleurs le résultat de plusieurs années de travail au sein d’un groupe d’experts.

En ce qui concerne le principe de proportionnalité, la proposition n’appelle pas non plus d’observation.

Il convient d’être uniquement vigilant sur le statut de la liste des données servant à caractériser les organes. Cette liste doit être indicative et non impérative, de manière à éviter tout risque de difficulté pour les Etats qui voudraient aller au-delà.

D’une manière générale, il doit d’ailleurs être clair que l’adoption de la future directive ne doit entraîner aucune régression dans aucun Etat membre. Les niveaux d’excellence atteints par certains ne sauraient, en effet, être remis en cause.

M. Jérôme Lambert. Ces conclusions positives, selon lesquelles les principes de subsidiarité et de proportionnalité sont respectés, rejoignent celles des commissions de certains parlements nationaux, notamment de Slovénie, de Lituanie, du Portugal, d’Italie et de Chypre. Au Royaume-Uni, la Chambre des Communes a demandé quelques précisions complémentaires. Il est en tout état de cause difficile de dresser, à l’heure actuelle, un bilan précis car les examens, notamment lorsqu’ils exigent l’intervention d’une commission permanente à côté de la Commission des affaires européennes, ne sont pas encore achevés.

M. Didier Quentin. A titre complémentaire, pour la France, il faut signaler l’intérêt de la carte de donneur d’organes et de tissus humains, que l’on peut directement obtenir auprès de l’Agence de biomédecine, qui a succédé à l’Etablissement français des greffes.

M. Jérôme Lambert. Cette carte facilite les procédures. Si, dans notre pays, tout le monde est présumé donneur, car il n’existe qu’un registre national des refus, en pratique, la famille des personnes décédées

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 28 janvier 2009 59

est toujours consultée et il est considéré qu’elle peut faire part d’un refus. »

Conformément à la proposition des rapporteurs, la Commission a adopté, au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité, les conclusions suivantes sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation COM (2008) 818 final :

« La Commission chargée des affaires européennes considère que la proposition de directive n’est pas, à ce stade et en l’état des informations dont elle a pu disposer, contraire aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. »

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Sécurité énergétique de l’Europe

Audition de M. Claude Mandil, ancien directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, sur la sécurité énergétique de l'Europe

Le Président Pierre Lequiller. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Claude Mandil, ancien directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, pour faire le point sur la sécurité énergétique de l’Europe. Je lui demanderai d’abord quelle est son analyse de la dernière crise gazière et quels enseignements l’Union européenne doit tirer de l’interruption inédite de la fourniture de gaz par la Russie. Je lui demanderai ensuite son opinion sur la deuxième analyse stratégique de la politique énergétique présentée par la Commission européenne en décembre 2008. Je lui demanderai enfin quelle appréciation il porte sur le « paquet énergie-climat » et quelles sont les perspectives pour l’accord post-Kyoto au sommet de Copenhague. Au terme de son exposé, j’appellerai les questions de mes collègues.

M. Claude Mandil. Je me dois de rappeler en préambule que je n’ai ni fonction ni mission. Je suis maintenant retraité, et même si je continue à m’intéresser de très près à ce sujet, je ne dispose peut-être pas de toutes les informations pertinentes. Il y a un an, alors que se préparait la présidence française de l’Union européenne, le Premier ministre m’a demandé de rédiger un rapport relatif à la sécurité énergétique de l’Union, que je lui ai remis en avril 2008. Il contient des recommandations qui restent valables, mais il est empreint d’une tonalité bienveillante à l’égard de la Russie que je ne reprendrais peut-être pas aujourd’hui.

Si l’on envisage l’Europe globalement, l’inquiétude qui se manifeste est parfois excessive, car la situation énergétique n’est pas mauvaise. En effet, le bouquet énergétique européen est assez bien réparti entre le pétrole, le gaz, le nucléaire et les énergies renouvelables, et les fournisseurs sont également diversifiés. Ainsi, le gaz représente un quart de l’énergie primaire consommée en Europe et la Russie fournit le quart de ce quart, soit moins de 7 % de la consommation énergétique européenne globale. Ce ne devrait donc pas être un sujet d’angoisse – si ce n’est qu’un très grand « mais » justifie que l’on s’en préoccupe : cette proportion est une proportion moyenne, qui recouvre des situations très

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 28 janvier 2009 61

disparates. Certains pays, dont le nôtre, consomment très peu de gaz ; d’autres, comme les Pays-Bas et l’Italie, en consomment beaucoup. Certains pays, tels l’Espagne et le Portugal, ne dépendent pas du tout de la Russie pour leur approvisionnement en gaz ; d’autres, tels la Slovaquie, la Pologne ou les pays baltes, en dépendent entièrement. Ce n’est donc pas simple spéculation intellectuelle de se demander si, en cette matière, les données pertinentes sont les données moyennes ou les données nationales.

Or, pour que les données européennes moyennes soient pertinentes, il faudrait qu’existe une parfaite solidarité européenne telle que, si une rupture d’approvisionnement se produit en un lieu, la relève est prise immédiatement. C’est ce qui se passe au niveau national : personne ne se préoccupe du taux de dépendance de la Bretagne ou de l’Alsace, et l’on sait que si un tuyau se rompt en Alsace, on trouvera quoi qu’il en soit le moyen d’alimenter la région en gaz.

Les choses ne se passent pas ainsi au sein de l’Union européenne actuellement. Cela explique, même si c’est très regrettable, que chaque pays cherche à assurer seul sa sécurité d’approvisionnement en gaz et, cela explique par ricochet le caractère incantatoire des appels à la solidarité qui jalonnent les Conseils européens successifs. Ils restent lettre morte et cette absence de solidarité a eu pour conséquence, il y a quelques jours encore, les très grandes difficultés que certains pays ont connues.

Une des conclusions de mon rapport reste donc valable : il est vain de parler de sécurité énergétique européenne si l’on ne commence pas par assurer la solidarité. Cette prise de position n’est pas seulement celle d’un partisan convaincu de la construction européenne idéaliste ou naïf ; c’est un avis presque cynique. En effet, la solidarité est en soi une assurance, car elle permet de garantir la sécurité au moindre coût. De plus, elle permettrait d’éviter que des gens qui ne nous sont pas spécialement favorables tentent en permanence d’enfoncer un coin entre les Etats membres. Ainsi a-t-on vu M. Dmitri Medvedev refuser à la présidence tchèque ce qu’il a accordé à Mme Angela Merkel ; ainsi a-t-on assisté à des interférences inadmissibles pour amener la Bulgarie à accepter des discussions bilatérales avec la Russie. Rien de tout cela ne se produirait s’il existait une solidarité européenne complète. Comment y arriver ?

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Il faut, en premier lieu, une volonté politique. Or, elle ne va pas de soi. Pour préparer mon rapport, j’ai parcouru les capitales européennes ; à Berlin et à Prague, j’ai reçu un accueil très frais. On m’y a indiqué ne pas du tout aimer cette idée, que l’on m’a prié de ne pas retenir. Ce serait une version contemporaine de « La cigale et la fourmi », ont fait valoir mes interlocuteurs : nous ferions toutes les dépenses et nous prendrions toutes les précautions pour que certains de nos voisins se sentent protégés sans avoir consenti aucun effort. Allemands et Tchèques n’ont pas entièrement tort. C’est pourquoi j’ai adjoint, dans mon rapport, la notion de responsabilité à celle de solidarité.

Chacun doit faire des efforts. Des textes existent qui l’exigent, mais ils ne sont malheureusement pas appliqués. Ainsi, la directive 2004-67 concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel prévoit que chaque Etat membre doit établir et communiquer à la Commission européenne un plan de crise – mais qui a seulement songé demander à la Bulgarie, il y a quinze jours, quel était son plan d’urgence ? Comme cela arrive très souvent, il suffirait parfois, pour améliorer une situation, que les décisions prises soient appliquées…

La solidarité responsable ne suffit pas néanmoins. Il faut aussi des interconnexions permettant de transporter le gaz là où on a besoin. Or, elles font si singulièrement défaut que certains pays européens, les Pays baltes par exemple, sont isolés du reste de l’Union pour ce qui concerne la distribution du gaz – comme de l’électricité. On a encore prétendu que certains tuyaux ne pourraient fonctionner que dans un sens ; cela me paraît peu vraisemblable mais, si tel est le cas, il est urgent de prendre les dispositions techniques permettant qu’il en aille autrement.

Pour que le système fonctionne, il faut aussi mettre au point un mécanisme efficace de décision et d’application des décisions. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a créé un tel mécanisme pour la gestion des crises pétrolières. Ce dispositif de solidarité – les Etats ayant adhéré à l’AIE sont astreints à constituer des stocks de pétrole représentant 90 jours d'importation nette – a fait la preuve de son utilité en 2005. Après que des ouragans eurent détruit les raffineries du Texas et de Louisiane, il a suffi d’une demi-journée au conseil d’administration de l’AIE pour constater la crise, mettre 60 millions de barils sur le

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marché et juguler immédiatement la rupture d’approvisionnement qui menaçait les Etats-Unis. Mais, on le sait, certains Etats membres de l’Union ne sont pas encore membres de l’AIE. L’Union européenne devrait donc mettre au point un dispositif spécifique pour le gaz – et aussi pour l’électricité, qui pose un problème différent en ce qu’elle ne peut être stockée. Il ne peut s’agir que d’un mécanisme supranational à confier à la Commission européenne ; sous le contrôle du Conseil, les décisions nécessaires pourraient être prises en quelques heures.

En résumé, ce qui manque à l’Union européenne, c’est un mécanisme pratique et actif de solidarité, assorti d’investissements urgents pour le transport transfrontalier du gaz et de l’électricité.

Quelques mots sur l’attitude de la Russie. Il y a un an, j’invitais à ne pas exagérer les difficultés avec ce pays et à tenir compte du fait que le gaz russe ne représente qu’une fraction de l’approvisionnement en gaz de l’Union européenne – à condition, encore une fois, que l’on parle de l’approvisionnement européen comme d’un tout, mais pas si l’on envisage, par exemple, la seule Slovaquie. J’observais que l’Union européenne, en se montrant plus inquiète qu’elle ne devrait l’être, donnait des armes à la Russie, qui se croit plus forte qu’elle ne l’est. Je plaidais pour que l’Union européenne fasse savoir à la Russie que certes son gaz lui plaît mais qu’elle dispose de solutions alternatives pour le gaz marginal : l’efficacité énergétique et le gaz naturel liquéfié. Ce dernier présente la caractéristique très attrayante pour la sécurité d’approvisionnement d’être « flexible ». Qui est alimenté par un tuyau dépend de son fournisseur ; en revanche, les méthaniers peuvent charger du gaz dans tout terminal méthanier et débarquer leur cargaison là où on la leur paye plus cher. Cette souplesse a un coût, mais elle procure une sécurité d’approvisionnement incomparable. Pour cette raison, la multiplication des terminaux méthaniers en Europe est une nécessité absolue. Il faut ajouter que dans la plupart des pays le gaz est utilisé pour fabriquer de l’électricité. Dans ce contexte, demander la fermeture de certaines centrales nucléaires qui ne demandent qu’à tourner n’est pas le meilleur des signaux à adresser à MM. Poutine et Medvedev.

A ce que je disais il y a un an, j’ajouterai aujourd’hui qu’au cours de la dernière crise, l’attitude du gouvernement russe a été inqualifiable ; ce n’est pas celle d’un gouvernement civilisé. Sans prendre parti dans la querelle entre l’Ukraine et la Russie, je constate

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qu’elle a initialement été présentée comme un différend commercial. Pour régler ce type de litige, on a recours aux tribunaux d’arbitrage, qui sont faits pour cela. En France, on a admis progressivement qu’un locataire doit payer son loyer mais que s’il ne le paye pas, on ne l’expulsera pas avant le mois de mars. Couper l’approvisionnement en gaz de populations entières au plus froid de l’hiver n’est pas la marque d’un pays civilisé. Il n’est que trop clair que la motivation du gouvernement russe était au moins autant politique que commerciale ; il a jugé utile de faire exploser la coalition au pouvoir en Ukraine et considéré que c’était une manière intelligente de le faire.

De plus, le système gazier russo-ukrainien est d’une opacité complète. L’entreprise gazière ukrainienne Naftogaz Ukraïny n’achetait pas directement à Gazprom mais par le biais de l'intermédiaire RosUkrEnergo. Cette entreprise, dont le siège se trouve dans le canton suisse de Zoug, est détenue pour moitié par Gazprom et pour moitié par des hommes de paille dont nul ne sait pour qui ils travaillent. Personne ne sait non plus à qui vont les bénéfices réalisés. Il a été convenu que RosUkrEnergo n’interviendrait plus dans le processus, mais on ignore ce que devient l’entreprise : est-elle dissoute ? Sert-elle de conseil à quelqu’un qui encaisse les bénéfices ?

En conclusion sur ce point, j’ai le regret de dire qu’il faut moins faire confiance au fournisseur russe que je ne le pensais il y a un an. Cela rend plus urgente la nécessité de renforcer l’efficacité énergétique de l’Union européenne et la répartition de ses sources d’approvisionnement. Pour plus de transparence, il faut aussi exiger des protagonistes, dont l’Ukraine, qu’ils se dotent d’un régulateur.

Il faudra aussi tirer de cet épisode des enseignements quant aux projets de gazoducs Nord Stream, South Stream et Nabucco. Dans le rapport que j’ai rendu au Premier ministre, je soulignais que l’Union européenne devait tenir un discours beaucoup plus entreprenant aux pays producteurs de gaz riverains de la Caspienne. Jusqu’à présent, ils ont cherché à ménager la chèvre et le chou, encouragés qu’ils étaient à garder de bonnes relations avec la Russie par la grande faiblesse politique d’une Union européenne qui ne parle pas d’une seule voix, ce qui est bien dommage. Ils ont donc conclu avec la Russie des contrats de livraison de gaz considérables, si considérables qu’il restera bien peu de gaz à transporter dans le gazoduc Nabucco. Au Turkménistan, au Kazakhstan, il faut dire : « Voyez ce qui se passe quand vous dépendez

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de Gazprom ; on n’hésite pas à couper les tuyaux. Considérez qu’il serait peut-être utile de garder une part significative de votre gaz pour la vendre à l’Union européenne ».

Pour m’en tenir au temps que vous m’avez imparti, je m’arrêterai là, mais je suis à la disposition des commissaires qui voudraient m’interroger.

Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie pour cet exposé passionnant.

M. Philippe Tourtelier. Vous avez en partie répondu aux questions que M. André Schneider et moi-même, désignés par notre commission comme rapporteurs d’information sur la deuxième analyse stratégique de la politique énergétique, nous nous posions. Je vous demanderai toutefois quelques éclaircissements. Selon vous, la Russie constitue-t-elle un risque réel ou bien, l’interdépendance économique étant avérée, sommes-nous engagés dans une partie de poker menteur ? Après tout, la Russie doit écouler son gaz. Peut-on par ailleurs considérer comme un partenaire politiquement crédible, avec lequel négocier des accords, un gouvernement que vous décrivez comme n’étant pas civilisé ? Ne sera-t-on pas constamment engagé dans un rapport de forces ? S’agissant de l’opacité dans le secteur gazier, on a souvent l’impression d’une connivence ; pensez-vous, par exemple, que des actions contentieuses seront lancées par les compagnies gazières européennes, comme elles devraient l’être puisque des contrats n’ont pas été respectés ? Qui, selon vous, contrôle les réseaux de transport de gaz – les constructeurs, les pays de transit, d’autres ?

Lors de la réunion de la XLème COSAC, vous avez déclaré qu’il fallait à la fois plus d’énergies renouvelables et plus d’énergie d’origine nucléaire – mais dans quelles proportions respectives ? Même si la Chine mène à bien son programme de construction de vingt centrales nouvelles à l’horizon 2020, cela ne fera passer sa consommation d’énergie d’origine nucléaire que de 1,5 à 3 % de sa consommation énergétique totale. Cela signifie-t-il que le nucléaire restera toujours une source d’énergie marginale dans le monde ?

L’électricité n’étant pas stockable, vous appelez à une mutualisation européenne. Mais quelle conséquence la mutualisation aura-t-elle sur les tarifs tant pour les entreprises que pour les ménages, le

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tarif réglementé étant dès lors voué à disparaître ? Que deviendra la rente nucléaire ? Considérez-vous, comme d’autres, qu’il faut, par l’augmentation du prix de l’énergie, donner un signal aux consommateurs, et utiliser la rente nucléaire pour aider les ménages les plus modestes pendant la période de transition ?

Vous avez indiqué, lors de la même réunion de la COSAC, que le bilan coût-efficacité de certaines énergies renouvelables n’est pas forcément le meilleur ; pourriez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet ? D’autre part, dans un entretien accordé à L’Usine nouvelle en septembre 2007, vous indiquiez que l’« on ne peut guère aller plus loin sur l'efficacité énergétique des véhicules » ; mais alors, que pensez-vous des normes définies à ce sujet dans le « paquet énergie-climat » ? Enfin, pensez-vous que les contrats conclus entre les pays de la mer Caspienne et la Russie pourraient être remis en cause ?

Le Président Pierre Lequiller. Quels pays seraient favorables à l’instauration d’une solidarité européenne complète ? Selon vous, la France l’est-elle vraiment ?

M. Christophe Caresche. Le Président de la République et le Gouvernement s’interrogent sur la possibilité de lancer un nouveau réacteur nucléaire EPR, dont l’utilité pour le marché français n’apparaît pas de manière flagrante. Serait-ce une stratégie visant à faire de la France le fournisseur d’énergie nucléaire de l’Europe pour desserrer un peu l’étreinte gazière ?

M. Claude Mandil. La Russie représente-t-elle un risque réel ? L’expérience du mois dernier incite à répondre par l’affirmative. Elle ne représente pas un très, très gros risque, mais un risque, oui, puisqu’elle a administré la preuve qu’elle pouvait décider de fermer les vannes. Il faut savoir qu’il est difficile et périlleux d’intervenir sur le niveau de la production d’un gisement de gaz ; ce qui n’est pas produit doit être stocké sans mettre le gisement en péril. Or, il est intéressant de se reporter à une annonce faite par l’AIE et passée inaperçue : en novembre et en décembre derniers, les stockages de Gazprom en Russie étaient anormalement bas. Cela signifie que « l’opération ukrainienne » était préméditée : la Russie avait pris les dispositions nécessaires pour couper le gaz sans porter préjudice au gisement, sans que l’on puisse dire pour combien de temps.

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La question des grands gazoducs est très perturbante, et je n’ai pas d’idée arrêtée à ce sujet. Trois projets sont envisagés : Nord Stream, South Stream et Nabucco. Nord Stream, qui passerait au fond de la mer Baltique pour relier directement la Russie à l’Allemagne, a été présenté de façon si calamiteuse que la Pologne y a vu une agression dirigée contre elle. Cela étant, je pense qu’il s’agit d’un projet utile, bon pour la Russie, bon pour l’Allemagne et indirectement bon pour l’Union européenne car dans quelques années le gigantesque gisement de Shtokman, dont Total possède 25 %, sera mis en exploitation dans la mer de Barents, et Nord Stream sera très utile pour acheminer ce gaz en Europe. Il faut démontrer à la Pologne que ce gazoduc est aussi utile pour elle ; ce n’est pas difficile puisque, pour alimenter la Pologne, il suffit de prévoir une petite bretelle de raccordement au-delà de l’Oder. Mais la tension politique est apparemment telle entre la Pologne et l’Allemagne que l’entremise d’un pays tiers – peut-être celle de la France ? – serait nécessaire pour l’apaiser.

South Stream a été uniquement conçu pour contourner l’Ukraine et porter un coup fatal à Nabucco, lequel cumule les handicaps. Le premier est qu’actuellement il n’a pas, ou plus assez, de gaz à transporter, l’essentiel du gaz provenant des gisements des pays riverains de la mer Caspienne faisant l’objet de contrats de vente à Gazprom – et je ne puis vous dire s’il est possible de modifier ces contrats, car l’opacité la plus grande règne. A terme, il y aura le gaz iranien, et c’est pourquoi le projet Nabucco est intéressant, mais cela ne se fera que lorsqu’on pourra travailler avec un Iran civilisé – quand ? Autre handicap : Nabucco traverse la Turquie, dont les dirigeants, outre qu’ils font savoir qu’ils ne laisseront dans le tuyau que le gaz dont leur pays n’aura pas besoin, se livrent à un chantage en indiquant qu’ils détermineront leur position sur le projet en fonction de la position que prendra l’Union européenne sur leur demande d’adhésion.

Dans ce contexte, si l’on me disait qu’un seul de ces projets se fera, et qu’on me demandât lequel, je répondrais Nord Stream.

La Russie est-elle un partenaire crédible ? Je l’avais espéré, j’en suis moins sûr. On pourrait encore faire un test. Boris Eltsine étant président, la Russie a signé le traité instituant la Charte de l’énergie mais elle refuse de le ratifier pour différentes raisons, bonnes – « Vous nous demandez de ratifier la Charte mais vous ne le demandez pas à la Norvège, qui est notre principal concurrent » – ou mauvaises. Toutefois,

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les chefs d’Etat et de gouvernement du G8, réunis en 2006 à Saint-Pétersbourg sous la présidence de M. Poutine, ont déclaré « adhérer aux principes » de la Charte. Cette déclaration étant à la fois très forte et très creuse, il serait utile que la prochaine réunion du G8, sous présidence italienne, soit l’occasion d’en préciser la signification et de dire par quels outils juridiques ou diplomatiques, existants ou à créer, on la fera appliquer. On verra alors comment réagit la Russie ; si elle dit considérer ces principes comme caducs, elle donnera une nouvelle preuve de ce qu’elle n’est pas un partenaire fiable.

Hors de l’Union européenne, l’opacité est totale, notamment pour ce qui concerne le transit du gaz en Ukraine. L’Union européenne a fait d’énormes progrès en matière de transparence par le biais de la directive sur le gaz, en séparant les fonctions de transporteur, de fournisseur et de régulateur. Je suis favorable à la séparation patrimoniale des activités de production, distribution et de transport – ownership unbundling –, et la crise a donné une preuve supplémentaire de son utilité. L’Union européenne, ayant besoin d’experts à dépêcher en Ukraine, les a trouvés là où ils sont, dans les réseaux de transport. Ce sont des gens éminemment compétents, mais ils appartiennent à GDF-Suez, une entreprise en concurrence avec les autres opérateurs ; on ne peut donc s’attendre à ce qu’ils portent une appréciation équitable sur ce qui se passe en Ukraine. S’il y avait eu séparation patrimoniale – qui n’existe pas davantage en Allemagne –, il en aurait été tout autrement. Il faut prendre son parti de la nouvelle donne : désormais, en Europe, les opérateurs sont en concurrence les uns avec les autres.

Y aura-t-il des actions contentieuses ? Je crains que non, car le fonds de commerce des intéressés, ce sont les accords avec Gazprom…

Qui contrôle les réseaux ? Les gestionnaires de réseau, un peu trop souvent liés aux opérateurs. En Russie, c’est Gazprom, en Ukraine, formellement c’est Naftogaz Ukraïny mais en réalité on ne sait pas ; on peut demander avec force à l’Ukraine une plus grande transparence.

Il est très difficile de dire avec précision quelle sera, sur le long terme, la part des énergies renouvelables. L’ampleur de l’objectif est si considérable qu’on a du mal à l’appréhender. Actuellement, les rejets de gaz à effet de serre, tous pays confondus, sont de 25 milliards

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de tonnes par an. Si nous laissons la tendance se prolonger, le total des émissions sera de 65 milliards de tonnes en 2050. Or, selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), si l’on veut limiter l’augmentation moyenne de la température, il faut qu’à cette date les émissions d’équivalent CO2 ne dépassent pas 13 milliards de tonnes. Je suis pessimiste.

Cette situation signifie en tout cas que l’on ne peut privilégier une solution plutôt qu’une autre. Il faudra beaucoup de tout – nucléaire et énergies renouvelables –, avec tout le monde et, serais-je tenté de dire, tout de suite. A cet égard, l’action qui a l’effet le plus immédiat et le plus important est l’efficacité énergétique, c’est-à-dire une moindre consommation énergétique pour un même PIB. On peut en espérer entre le tiers et la moitié de l’objectif fixé. Pour le reste, il faudra beaucoup d’énergies renouvelables, avec les limites qu’on leur connaît, beaucoup de nucléaire, beaucoup de capture et de séquestration de carbone. L’une des difficultés spécifiques au nucléaire, que perçoivent même ceux qui, comme moi, y sont extrêmement favorables, c’est qu’il doit lui-même se renouveler. La plupart des centrales en activité arriveront en fin de vie en 2020, et leur seul remplacement demandera à l’industrie des efforts gigantesques. Cela signifie qu’en valeur relative l’augmentation de l’énergie d’origine nucléaire ne sera pas considérable.

Vous m’avez interrogé sur le devenir des prix réglementés. Je suis favorable à l’achèvement du marché intérieur, et je considère que les prix réglementés – c’est-à-dire subventionnés – sont une mauvaise chose, pour trois raisons. En premier lieu, ils indiquent aux producteurs qu’ils ne pourront pas augmenter leurs prix, ce qui les dissuade d’investir. Ensuite, des prix bas n’incitent pas les consommateurs à économiser l’énergie. Enfin, les prix réglementés ont un effet contraire à la volonté politique de ceux qui les promeuvent puisqu’on subventionne plus les riches – qui consomment plus – que les pauvres.

Plutôt que de maintenir des prix réglementés, il faut parvenir à un marché vraiment concurrentiel – et il y a beaucoup à faire pour cela. Certes, la libéralisation du marché est achevée au sein de l’Union européenne, mais à quoi est-on arrivé à ce jour ? A vingt-sept marchés libéralisés, avec des possibilités pratiques d’échanges très limitées faute d’interconnexions suffisantes, les réseaux de transport n’ayant pas les mêmes particularités. Pour ne donner qu’un exemple, la teneur en

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impuretés admissible n’étant pas la même en France et en Belgique, nous ne pouvons pas exporter du gaz vers la Belgique. C’est absurde.

En France même, on ne peut dire que le marché « libéralisé » fonctionne correctement quand l’opérateur historique détient 85% des parts de marché. J’ai beaucoup d’estime pour les petits opérateurs qui se sont créés, mais je ne pense pas qu’ils suffiront à susciter une concurrence réelle à EDF. Elle sera le fait des grands groupes que sont GDF-Suez, E.ON, Enel ou RWE. Le consommateur doit pouvoir négocier pour acheter son électricité en base.

Je suis très favorable aux énergies renouvelables, mais je sais que l’argent va manquer. Il faut donc commencer par ce qui est obtenu au moindre coût. A cet égard, l’éolien sur terre n’est pas loin d’être compétitif ; il faut l’accepter, et plus il y en aura mieux ce sera. Il en va autrement pour l’éolien offshore, terriblement coûteux et donc rigoureusement non rentable ; je ne suis pas certain qu’il soit judicieux de faire supporter ce surcoût par les consommateurs.

La production d’énergie photovoltaïque est encore bien plus onéreuse. Or, au lieu de privilégier les programmes de recherche et développement sur le photovoltaïque du futur, dont les scientifiques s’accordent à dire qu’il diffèrera complètement de ce qui existe actuellement, on permet, par des subventions considérables, le maintien sur le marché d’une technologie sans avenir et on dépense en pure perte l’argent des consommateurs.

M. Philippe Tourtelier. Cet avis n’est pas unanimement partagé, et bien des communes se lancent dans des projets d’envergure.

M. Claude Mandil. C’est qu’il y a un effet d’aubaine que je juge pernicieux, car l’argent serait beaucoup mieux utilisé s’il était consacré à la recherche sur le photovoltaïque de la génération suivante.

Si j’ai dit à l’Usine nouvelle ce que vous avez mentionné, j’ai eu tort ! Je pense qu’il existe encore de très importantes possibilités de progrès avec les moteurs actuels. Les constructeurs les chiffrent à 30 %, ce doit donc être davantage encore… Certaines pistes d’amélioration relèvent du législateur. Ainsi, les normes de consommation énergétiques des véhicules doivent maintenant être affichées. Ce qu’on ne dit pas, c’est que, la réglementation étant muette sur ce point, les essais sont faits phares, chauffage, radio et climatisation

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éteints. Il en résulte, puisque l’on ne mesure jamais leur consommation énergétique spécifique, que l’on n’a aucun moyen de savoir lesquels de ces accessoires consomment peu, ni aucune incitation à les choisir. Or si certains systèmes de climatisation sont très efficaces, d’autres ne le sont pas, et ils devraient être chassés du marché.

Quels pays ont donné leur accord à la mutualisation énergétique ? La Pologne, avec enthousiasme ; la Grande-Bretagne, après quelques hésitations, a estimé que c’était une très bonne idée. Il ne me revient pas de dire quelle est la position du gouvernement français mais il s’y est déclaré très favorable, et la présidence française a repris cette partie de mes conclusions dans les documents préparatoires au Conseil « Transports, Télécommunications et Energie » et au Conseil européen. Je suis convaincu que les problèmes énergétiques en Europe ne peuvent plus être traités prioritairement au niveau des Etats – il faut désormais une vision européenne.

M. Christophe Caresche m’a interrogé sur le nucléaire. J’y suis, je vous l’ai dit, très favorable. Cela me met très à l’aise pour dire que si la politique suivie est uniquement nationale, la France aura trop d’énergie d’origine nucléaire : 80 % d’électricité ainsi produite, c’est risqué – mais aussi inefficace. Il faut en effet savoir que le taux de disponibilité de nos centrales est sensiblement inférieure à celui de l’Allemagne car, notre marché étant essentiellement national, certains doivent être arrêtés durant les heures creuses. Si le nucléaire français ne représentait plus 80 % de la production d’électricité française mais 15 à 20 % de la production d’électricité européenne, les centrales tourneraient sans cesse – temps de maintenance excepté – et, durant les heures creuses, elles exporteraient massivement. Ce serait bon pour les consommateurs et pour les opérateurs et très bon pour la planète car on remplacerait par cette électricité d’origine nucléaire un peu de l’électricité allemande produite au charbon. Ce serait donc un très grand progrès. En résumé, ce n’est pas la France qui a besoin de deux EPR, mais l’Europe ; s’ils sont en France, pourquoi pas ? Mais pour qu’il soit simple à un Allemand d’acheter de l’électricité nucléaire française, il faut des interconnexions et un marché intérieur achevé.

Le Président Pierre Lequiller. Quelles sont précisément les entraves ?

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72 Réunion du mercredi 28 janvier 2009 Bulletin n° 1

M. Claude Mandil. Si un consommateur allemand veut acheter de l’électricité à EDF, il doit négocier avec deux opérateurs de réseau qui n’ont pas les mêmes normes et avec deux régulateurs dont l’un est tout récent et connaît mal son métier. Il doit aussi s’assurer que les capacités de transport sont suffisantes ; or les lignes manquent.

M. Christophe Caresche. Si l’on vous comprend bien, la France aurait tout à gagner à favoriser une politique énergétique européenne ?

M. Claude Mandil. Oui. Notre pays a été l’un de ceux qui ont le plus traîné les pieds pour l’achèvement du marché énergétique intérieur, alors même que nous avons le premier électricien, le premier constructeur de centrales nucléaires, une des premières entreprises gazières et une des cinq premières entreprises pétrolières mondiales ! Nous aurions dû nous battre pour que le marché intérieur soit achevé au plus vite, et les autres Etats membres être pétrifiés d’angoisse à l’idée que nos champions allaient pouvoir surgir chez eux !

Le Président Pierre Lequiller. Pourquoi n’en a-t-il rien été ?

M. Claude Mandil. C’est à vous plus qu’à moi qu’il revient de répondre. Je pense que l’opinion publique n’est absolument pas consciente de ce qui se joue. Prenons l’exemple de la ligne à haute tension entre la France et l’Espagne. Que l’on ne soit pas très heureux d’avoir une de ces lignes au-dessus de son jardin, soit, mais les arguments avancés laissent pantois : « La ligne ne sert à rien sinon à engraisser les actionnaires d’EDF » – alors que celle-ci est à 80 % propriété de l’Etat… Surtout, on n’a pas compris que cette ligne est essentielle à la sécurité de l’Espagne – qui, très dépendante de son réseau hydraulique, est gravement handicapée en cas de grande sécheresse – et qu’elle serait d’un intérêt majeur pour le consommateur français : si une panne affectait une de nos centrales nucléaires, nous serions heureux de pouvoir bénéficier de l’électricité provenant d’Espagne… Rien de tout cela n’a été expliqué.

Enfin, je suis très favorable aux terminaux méthaniers, y compris au Verdon-sur-mer et au Havre.

M. Didier Quentin. On voit cela autrement à Royan, ville dont je suis le maire. Toute la population de la rive droite de l'estuaire de

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 28 janvier 2009 73

la Gironde s’y oppose, et 75 à 80 % des habitants de la rive gauche. Le projet d’implantation d’un terminal méthanier au Verdon-sur-Mer a été très mal présenté par l’opérateur néerlandais, qui s’appuie sur le fonds d’investissement américain Carlyle. Nous ne nous y opposons pas par obscurantisme ou par égoïsme: nous avons déjà une centrale nucléaire dans le Blayais, en amont, et nous étions prêts à nous lancer dans le photovoltaïque, mais vos propos sur ce sujet donnent à penser.

Si nous sommes contre le projet de terminal, c’est en raison d’un risque de pollution majeure, notamment paysagère ; mais aussi du risque pour la biodiversité avec le passage de méthaniers de 300 mètres de long et 15 mètres de tirant d'eau, faisant remonter les métaux lourds dans le chenal d'accès, ce qui inquiète beaucoup les ostréiculteurs et les plaisanciers très nombreux. Si l’on a besoin de plus de GNL et donc de plus de terminaux méthaniers, pourquoi ne pas doubler les installations à Montoir-de-Bretagne, où cela ne pose aucun problème et où l'on est demandeur, et qui n'est pas un grand site touristique comme le nôtre. Je rappelle que la Charente-Maritime est le deuxième département touristique après le Var. Il y a aussi d'autres lieux d'accueil possibles, sans les mêmes problèmes à Dunkerque et à Antifer par exemple. Alors que nous sommes, nous dit-on, en surcapacité de stockage, pourquoi installer un terminal méthanier dans le dernier estuaire naturel d’Europe ?

Il n’est donc pas étonnant que les manifestations contre le projet d’implantation rassemblent de grandes foules. Ce serait un contresens énergétique, économique et surtout écologique. Il y a des lieux à aménager, d'autres à ménager ! J’aimerais que vous parveniez à en convaincre les instigateurs de ce projet. Quant à l’interconnexion dont vous nous dites qu’elle serait très utile pour l’Espagne, pourquoi l’Espagne ne l'accueille-t-elle pas ?

M. Claude Mandil. L’Espagne a déjà bien avancé les travaux lui incombant. Mon rôle n’est pas de convaincre qui que ce soit, et ce n’est pas l’objet de notre rencontre. Quoi qu’il en soit, l’implantation d’un terminal méthanier ne peut se faire contre l’opinion publique : si elle le refuse, cela ne se fera pas là. Vous avez évoqué Montoir-de-Bretagne ; la plage de La Baule est à cinq kilomètres, Saint-Brévin est encore plus près, et l’implantation du terminal méthanier n’a rien changé à l’affluence touristique.

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74 Réunion du mercredi 28 janvier 2009 Bulletin n° 1

M. Didier Quentin. La configuration des lieux n’est pas du tout la même. On ne voit absolument pas les cuves de Montoir-de-Bretagne depuis La Baule...

M. Claude Mandil. Vous tenez un raisonnement uniquement français, alors que les terminaux méthaniers ont un usage européen. C’est le syndrome « pas dans mon jardin », « not in my backyard », qui conduit insidieusement au « build absolutely nothing anytime any place », autrement dit « ne rien construire, nulle part, jamais » ! En tout cas, si je voulais acheter une maison à Saint-Georges-de-Didonne, la présence d’un terminal méthanier ne me gênerait en rien !

Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie, Monsieur Mandil, pour cet échange de vues particulièrement intéressant.

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 28 janvier 2009 75

Informations relatives à la Commission

Nomination Le groupe UMP a désigné M. Thierry Mariani Vice-

président de la Commission chargée des affaires européennes, en remplacement de M. Daniel Garrigue.

Accords tacites sur les actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) au titre de l'article 88-4 de la Constitution

A la suite de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, le champ d’expression du Parlement est étendu « à tout document émanant d’une institution de l’Union ».

Certains projets d’actes PESC sont concernés par l’extension du champ d’intervention du Parlement. Ils sont généralement adoptés très rapidement par le Conseil de l’Union.

Le Gouvernement propose de nous adresser tout projet d’acte PESC examiné par le groupe des conseillers pour les relations extérieures (RELEX), en version française si elle est disponible, ou en version anglaise, en nous indiquant dans son envoi les éléments de calendrier prévus pour son adoption.

Dans des délais compatibles avec les éléments de calendrier précités, la Commission chargée des affaires européennes indique au service de la PESC que le projet d’acte PESC peut être considéré comme faisant l’objet d’une approbation tacite par la Commission ou qu’il doit faire l’objet d’un examen en réunion de Commission.

Dans le cas où le projet d’acte PESC est considéré comme faisant l’objet d’une approbation tacite par la Commission, le service de la PESC ne sollicite pas, auprès de la Représentation permanente, le dépôt d’une réserve parlementaire. Une fois disponible la version française du projet d’acte concerné, il saisit officiellement le Secrétariat général du Gouvernement aux fins de saisine de l'Assemblée nationale.

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76 Réunion du mercredi 28 janvier 2009 Bulletin n° 1

Lorsque le projet d’acte PESC est considéré comme devant faire l’objet d’un examen par la Commission, le service de la PESC s’assure de disposer d’une version française du texte dont il saisit officiellement le Secrétariat général du Gouvernement aux fins de saisine de l'Assemblée nationale. Il s’assure auprès de la Représentation permanente du dépôt d’une réserve parlementaire sur le projet d’acte. En fonction du délai d’adoption du texte, il décide ou non, de recourir à la procédure d’examen accéléré.

En pratique, cette procédure d’approbation tacite concernera la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations.

En revanche, tout projet d’acte PESC établissant une mission civile ou une opération militaire de l'Union européenne, au titre de la PESD, et tout projet d’acte PESC nommant un nouveau représentant spécial de l'Union européenne ou modifiant le mandat d’un représentant en place sont considérés comme devant faire l’objet d’un examen par la Commission chargée des affaires européennes.

La mise en œuvre de cette procédure sera évaluée à la fin de l’année 2009.

Le Président Pierre Lequiller a proposé à la Commission d’approuver cette procédure.

La Commission a approuvé cette procédure.

Accords tacites sur les projets de décisions de nominations

Le Président Pierre Lequiller a proposé à la Commission d’étendre aux projets de décisions de nominations soumises au Conseil de l'Union européenne la procédure d’approbation tacite mise en place le 23 septembre 2008 pour les décisions antidumping, puis le 29 octobre 2008 pour les virements de crédits, dans le cadre de l’application de l’article 88-4 modifié de la Constitution.

La Commission a approuvé cette décision.

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Bulletin n° 1 Réunion du mardi 3 février 2009 77

Réunion du mardi 3 février 2009 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,

Industrie aérospatiale européenne

Audition de M. Louis Gallois, président exécutif de EADS, sur les enjeux civils et militaires de l’évolution de l’industrie aérospatiale européenne.

Le Président Pierre Lequiller. Nous accueillons M. Louis Gallois, président exécutif d’EADS.

Lorsque l’on évoque en Europe les enjeux civils et militaires de l’évolution de l’industrie aérospatiale, le nom d’EADS vient spontanément à l’esprit. EADS se trouve en effet présent sur l’ensemble du secteur aérospatial, tant d’un point de vue civil que militaire, et représente un exemple de coopération industrielle entre plusieurs Etats membres de l’Union européenne, autour du couple franco-allemand.

Nous vous remercions donc, monsieur Gallois, de venir nous faire part de votre point de vue sur l’avenir de l’aéronautique et du spatial européens, en particulier sur l’évolution de l’aéronautique civile, sur l’évolution de la concurrence internationale, notamment avec Boeing, et sur les difficultés résultant du niveau de l’euro.

S’agissant du militaire, nous souhaitons recueillir votre sentiment sur l’état actuel et les évolutions souhaitables de la base industrielle et technologique de défense européenne, la BITD. Au-delà de l’Agence européenne de défense, l’AED, qui existe déjà, et du paquet défense, qui vient d’être adopté, quels instruments européens convient-il de mettre en place ? Quelle est votre opinion, en particulier, sur les coopérations actuelles ? Quel est votre point de vue sur la coopération franco-allemande ? Pour aller au fond des choses, quelle place voyez-vous pour la France en matière d’industrie de défense, entre le Royaume-Uni, avec BAE Systems, et l’Allemagne, qui, selon son ministère de l’économie, semble être le premier exportateur européen d’armements ?

Nous aborderons également des questions précises concernant EADS, notamment son plan de redressement, la réorganisation récente de ses structures et les programmes A400M et

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A380, ainsi que des questions générales relatives à la politique de recherche, à la politique énergétique et au paquet énergie-climat mais qui ont une incidence sur votre secteur.

M. Louis Gallois. Je vous remercie de votre invitation.

EADS a réalisé une bonne année 2008. Le chiffre d’affaires, en progression de plus de 9 %, excède 42 milliards d’euros. Les prises de commandes au prix « catalogue » ont atteint une centaine de milliards d’euros, soit plus de deux années de chiffre d’affaires. Notre trésorerie nous place parmi les meilleures entreprises européennes, 12 milliards de trésorerie brute et 9 milliards de trésorerie nette. Ce niveau s’explique par les acomptes versés par nos clients civils et militaires.

Nous avons livré beaucoup d’appareils : 483 Airbus et 588 hélicoptères. Dans le domaine spatial, l’année a été exceptionnelle : lancement du cargo ATV – véhicule de transfert automatique –, qui relie la terre à la station spatiale orbitale ; livraison du laboratoire Columbus ; six lancements d’Ariane 5 et neuf lancements de satellites ; enfin et surtout, réalisation du troisième tir d’essai du M51, en fosse, c’est-à-dire dans les conditions réelles d’expulsion sous-marine, qui s’est déroulé de manière optimale.

Notre plan d’économies se déroule comme prévu, avec les performances escomptées et même un peu d’avance. Voyant venir l’orage, nous avons lancé, il y a quelques mois, le plan Power 8 Plus.

Depuis sa création, en 2001, EADS a créé 15 000 emplois directs, performance inégalée dans toute l’industrie lourde européenne. En 2008, nous avons accru nos effectifs de 1 500 personnes. Nous sommes la seule entreprise à faire face aux trois grands maîtres d’œuvre américains, Boeing, Lockheed Martin et Northrop Grumman.

L’entreprise où je travaille réunit une somme de technologies sans équivalent dans le monde en dehors de Boeing. Elle fait donc partie du patrimoine européen. La France y a beaucoup contribué mais elle n’est pas la seule. Nous menons en effet des activités de très haute technologie en Allemagne, au Royaume-Uni et en Espagne.

Après les turbulences traversées en 2007, EADS a montré qu’elle est capable de « délivrer », comme nous disons, avec deux défis majeurs à relever pour 2009 : l’A400M et la crise.

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Bulletin n° 1 Réunion du mardi 3 février 2009 79

Le problème de l’A400M est simple. Aucun avion aussi sophistiqué au monde n’a jamais été livré en moins de dix ou douze ans à compter de la signature du contrat. Or nous avons promis par contrat que nous le livrerions en six ans et demi. Pourquoi ? Parce que la date de livraison a été fixée non pas en fonction de la capacité des industriels à délivrer l’avion mais en fonction des besoins des armées française et britannique. Ce calendrier initial est intenable. L’A400M sera cependant un excellent avion, opérationnel durant quarante-cinq ou cinquante ans ; je ne pense donc pas qu’il soit trop sophistiqué. Le Transall, conçu dans les années cinquante, vole encore et reste un très bon appareil. Les Américains amortissent leur ravitailleur en vol sur quarante-cinq ans.

Le problème, c’est que nous ne sortirons pas l’A400M en six ans et demi mais trois ans plus tard en fonction de la disponibilité de l’ensemble propulsif. Un tableau comparant les calendriers des principaux programmes d’avions militaires permet de constater que celui de l’A400M était ambitieux, aucun autre appareil n’étant sorti en moins de douze ans. Il y a eu, à l’époque, consensus pour signer un contrat dont chacun savait pourtant qu’il était presque irréalisable. EADS l’a accepté.

Première conséquence, le coût du programme est d’autant plus élevé que le développement dure car il faut payer le personnel chaque mois. Or 6 000 employés d’EADS travaillent actuellement sur ce produit. Cet effectif est même plus près de 10 000 en comptant le personnel des fournisseurs.

Deuxième conséquence, nous ne serons pas au rendez-vous des besoins des armées, notamment de l’armée française et de l’armée britannique. Nous devons donc proposer des solutions transitoires pour la période courant entre la date de livraison qui était prévue, l’automne 2009, et la date de livraison effective, qui sera fixée le jour où l’on connaîtra la date du premier vol. Ce dernier dépend d’un équipement complexe, le calculateur moteur. Nous proposons actuellement aux ministères de la défense français et britannique des solutions intérimaires : des A330 cargo, la prolongation de certains Transall ou la mise à disposition de CASA.

L’A400M fait l’objet d’une mission d’information du Sénat, constituée de M. Jean-Pierre Masseret et M. Jacques Gautier, ainsi que d’une mission d’évaluation de l’OCCAR, l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement. Au terme de cette dernière

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procédure, j’espère qu’une négociation sera ouverte pour remettre contractuellement sur pied cet avion, qui ne rencontrera pas de concurrence dans le monde et intéressera par conséquent tous les pays, Etats-Unis compris.

La crise financière ne nous a pas « impactés » car nous ne sommes pas emprunteurs nets, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Certains industriels bien connus de la place empruntent à 1 000 points de base, c’est-à-dire 10 % au-dessus du marché monétaire. Dans cette période extrêmement turbulente – et, à mon avis, la crise financière n’est pas terminée –, notre premier objectif doit être de préserver notre trésorerie.

Quel est donc l’impact de la crise économique sur EADS ? Si l’espace, la défense et les activités de services restent, pour le moment, à l’abri, nos activités « commerciales » sont en revanche touchées : les hélicoptères commerciaux et les avions commerciaux, c’est-à-dire 30 % d’Eurocopter et la totalité d’Airbus.

Eurocopter est affecté parce que ses clients renoncent à des acquisitions ou ne disposent pas de la capacité financière pour les conclure. Pour le moment, les désistements concernant l’exercice 2009 sont compensés par la vente d’hélicoptères à d’autres clients mais il ne faudrait pas que cette situation perdure. Eurocopter peut cependant faire face, dans la mesure où les hélicoptères commerciaux ne représentent que 30 % de son chiffre d’affaires.

L’enjeu est supérieur pour Airbus, qui représente 65 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Les clients et les fournisseurs d’Airbus sont « impactés ».

Les fournisseurs – qui ont aussi le secteur automobile pour client – ont une capacité d’amortissement des variations d’emploi plus réduite que la nôtre. Nous sommes prêts à ajuster nos commandes pour aider nos sous-traitants mais, de leur côté, les pouvoirs publics doivent engager une action ayant pour finalité, par exemple, la création d’un fonds stratégique.

Quant à nos clients, ils sont confrontés à deux défis.

D’abord, le trafic aérien n’atteint pas le niveau espéré. Habituellement, sa croissance excède de 2 points celle du PNB. Dès lors que la croissance est négative, l’IATA (International Air Transport

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Bulletin n° 1 Réunion du mardi 3 février 2009 81

Association), organisme qui réunit les compagnies aériennes conventionnelles, table sur une réduction de trafic de 3 à 6 %. A cet égard, l’ORCI (International Civil Aviation Organization), organisme des Nations unies chargé de l’aéronautique, qui couvre également les compagnies à bas coûts, prévoit plutôt une évolution comprise entre 0 et moins 2 %, loin en tout cas des 5 % de croissance antérieurement escomptés. Il existe deux moyens de faire face à la surcapacité : reléguer des avions dans le désert de Mojave ou différer des réceptions.

Ensuite, les compagnies aériennes ne trouvent pas les financements pour régler le dernier acompte – qui représente 80 % du prix total –, y compris sur des crédits bénéficiant de la garantie de la COFACE, la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, c’est-à-dire de l’Etat. À cet égard, il est extrêmement utile que, dans le cadre de la recapitalisation des banques par l’Etat, le Gouvernement ait demandé que, sur les financements qu’elles pourront consentir, 7 milliards d’euros soient réservés pour l’exportation, dont 5 milliards d’euros pour Airbus et 700 millions pour ATR. J’espère que cette mesure inspirera l’Allemagne.

Face à cette crise, que faisons-nous ?

Premièrement, nous aidons nous-mêmes nos clients à se financer, d’autant que le niveau de nos engagements envers eux est actuellement très bas, un peu plus d’1 milliard d’euros. Nous proposons cependant ce financement avec beaucoup de précaution car ce n’est pas notre métier. Nous apportons en fait des paquets financiers : dès lors qu’Airbus finance une compagnie aérienne, celle-ci peut bénéficier de financements bancaires associés. Nous avons donc indiqué que nous étions prêts à accroître notre engagement en la matière, dans des proportions raisonnables.

Deuxièmement, nous suivons la conjoncture de très près, compagnie par compagnie, avion par avion, afin d’ajuster notre rythme de production aux livraisons effectives, et en tenant compte des annulations et des reports. Nous ne pouvons pas dire non à toutes les demandes de nos clients car nous voulons demeurer en bons termes avec eux et notre intérêt est de ne pas les acculer. Airbus, qui a traversé d’autres crises, dispose d’une expertise dans ce domaine.

Troisièmement, nous devons poursuivre notre plan d’économies. Si nous n’avons pas procédé à un plan social – à la

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différence de Boeing, qui a annoncé 10 000 suppressions d’emplois –, c’est parce que nous avons déjà agi en 2007, dans le cadre du plan Power 8. Les réductions d’emplois auxquelles nous avons alors procédé, à cause du cours du dollar, révèlent aujourd’hui leur utilité. Je vous rappelle qu’il n’y a eu aucun licenciement sec mais des mesures comme le non-remplacement de départs en retraite. Le plan a été mené sans choc social, d’autant qu’Airbus embauchait dans le même temps sur des postes de production et EADS en France pour ses autres activités. En 2008, malgré Power 8, EADS a créé environ 1 500 emplois.

Quatrièmement, nous devons préserver notre trésorerie, en évitant le stockage de « queues blanches », (avions en attente dont les clients se sont désistés) en concentrant nos dépenses d’investissement sur nos priorités, c’est-à-dire la recherche et l’A350, et en renonçant temporairement aux acquisitions envisagées. Nous cherchons à faire diminuer le poids d’Airbus au sein d’EADS car nous voyons actuellement combien le transport aérien est cyclique et donc risqué. Airbus représente 65 % de notre activité alors que les avions commerciaux ne comptent que pour moins de la moitié de la production et seulement 25 % des bénéfices chez Boeing, le reste étant presque exclusivement couvert par des contrats militaires gouvernementaux, qui assurent la pérennité du groupe et subventionnent l’activité avions civils.

La visibilité est très faible, la situation est très instable, et il faut la suivre de très près ; il est possible, d’ailleurs, que le budget adopté fin décembre par notre conseil d’administration soit amendé fin mars.

Nous avons livré douze A380 en 2008 et nous avons indiqué que nous en livrerions dix-huit en 2009. La croissance de la production reste tendue car elle requiert beaucoup de ressources mais les choses rentrent progressivement dans l’ordre.

La coopération européenne présente encore beaucoup de défauts. Le Président de la République, dans son intervention devant les forces armées, a dénoncé les limites de la loi du juste retour, en vertu de laquelle les pays exigent de faire ce qu’ils ne savent pas faire. Ce fut le cas par le passé dans le spatial et c’est maintenant le cas dans l’aéronautique. L’OCCAR, qui gère le programme A400M, a accompli des progrès mais n’a encore ni la puissance ni l’expérience de l’Agence spatiale européenne, l’ESA, et ne dispose pas d’autonomie par rapport

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Bulletin n° 1 Réunion du mardi 3 février 2009 83

aux pays qui la composent. Quant au NH90, géré par la NAHEMA – la Helicopter Management Agency de l’OTAN, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord –, il est produit en vingt-trois versions différentes, à partir de six chaînes d’assemblage. Mais il faut insister sur le fait que les difficultés de l’A400M résident d’abord dans son extrême complexité technique et, seulement et accessoirement, dans les difficultés d’organisation du projet industriel.

Des progrès sont encore nécessaires mais je ne vois pas comment nous pourrions éviter la coopération européenne. Je vous rappelle que le couple franco-allemand est à l’origine d’Airbus, d’Ariane et d’Eurocopter. En outre, nous savons les budgets et les marchés nationaux européens insuffisants face à la concurrence américaine, qui produit des séries énormes – les Etats-Unis doivent en être au trois millième Black Hawk et le Pentagone a lancé une compétition pour mille appareils supplémentaires.

J’ajoute qu’il n’existe pas de coopération européenne stable et de long terme ne s’appuyant pas sur le couple franco-allemand. En dépit des difficultés qu’il nous arrive de rencontrer, c’est, dans la majorité des cas, avec l’Allemagne que nous avons réalisé les programmes qui fonctionnent.

Il faut progresser dans la gestion intergouvernementale. L’ESA, à cet égard, est un assez bon exemple. Il faut nommer un industriel responsable et non un consortium. C’est d’ailleurs le cas pour l’A400M. Lorsque nous réfléchirons à l’advanced UAV – unmanned aerial vehicle –, le drone futur de surveillance de théâtre, il faudra nommer un maître d’œuvre unique. Les Etats commencent à prendre conscience qu’ils doivent se discipliner du point de vue de la spécification des matériels. En tout cas, il n’y a pas d’avenir pour des grands programmes échappant à la coopération européenne, hormis quelques domaines très précis, comme la force de dissuasion, avec une politique purement nationale très efficace, et peut-être le porte-avions, parce qu’il ne s’exporte pas.

La clarification progressive entre l’AED et l’OCCAR est positive.

M. Bernard Deflesselles. Nous voulons exprimer une nouvelle fois notre attachement viscéral et affectif à votre entreprise.

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84 Réunion du mardi 3 février 2009 Bulletin n° 1

Quelles seront les contreparties de la ligne de 5 milliards d’euros de crédits en faveur de votre secteur ? Il ne faudrait pas, en effet, qu’Airbus ou EADS délocalisent. Des projets existent, notamment avec la Tunisie, mais, par les temps qui courent, il faut se montrer prudent. Quand le dollar était à 1,50 euro, vous n’excluiez pas de délocaliser dans la zone dollar ; aujourd’hui, il est retombé à 1,27 ou 1,28 euro, ce qui milite en faveur de la conservation de notre outil industriel.

Par ailleurs, le retard de l’A400M va poser à nos armées un vrai problème capacitaire. Il faut y prêter attention car cela nuit un peu au concept d’Europe de la défense, vis-à-vis duquel certains pays traînent les pieds. L’Europe de la défense ne peut être construite que sur des projets industriels européens. Or, dans le secteur de la défense, il n’y a guère de projets européens, et les difficultés de l’A400M, projet emblématique, rejaillissent sur l’image que les Vingt-sept se font de l’Europe de la défense.

En outre, même si Eurocopter est un autre fleuron extraordinaire, nous rencontrons quelques difficultés de livraison avec le NH90 et le Tigre. La France vient de vous passer une commande de vingt-deux NH90 et le Brésil vous a commandé cinquante Caracal : pourrez-vous les fournir en respectant les échéances ?

M. Daniel Garrigue. La politique spatiale est désormais pour partie européanisée. Comment souhaitez-vous voir évoluer sa gouvernance, qui se caractérise aujourd’hui par un système à trois étages, avec l’Union européenne, l’ASE et les établissements publics nationaux comme le CNES, le Centre national d’études spatiales ? Cette architecture vous paraît-elle satisfaisante et durable ?

Le problème principal rencontré par les projets européens est évidemment celui du financement. D’autres canaux que celui du budget communautaire peuvent-ils être envisagés, notamment celui du financement des investissements de long terme ? Je crois savoir que les grands établissements concernés – la Banque européenne d’investissement, la Caisse des dépôts et ses homologues allemande, italienne, etc. – cherchent à se rapprocher. Des alliances avec certains fonds souverains ont même été envisagées. Qu’en pensez-vous ?

Les relations franco-allemandes paraissent un peu plus difficiles depuis deux ans. Chez EADS, tout n’a pas été toujours très simple, des divergences d’objectif étant souvent constatées en matière

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aérospatiale. Une mise à plat n’est-elle pas nécessaire pour redéfinir des objectifs partagés ?

M. Louis Gallois. Monsieur Deflesselles, la dotation en capital n’est pas une aide à Airbus mais une aide aux banques qui vise à renforcer leurs fonds propres et, par conséquent, à faciliter les financements, à fluidifier le marché financier compte tenu des ratios prudentiels, 10 milliards de capital supplémentaires permettent aux banques d’emprunter environ 100 milliards d’euros. Le Gouvernement a seulement demandé aux banques de s’engager à assurer des financements, dont certains sont garantis par la COFACE. Bref, l’action du Gouvernement vise à dégeler le financement de l’économie, ce qui est vital. Je tiens à rappeler que personne ne peut dire qu’il s’agit d’une aide, ce qui serait faux et pourrait, en outre, provoquer une réaction infondée de la Commission européenne et de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce.

Actuellement, 97 % des effectifs d’EADS sont répartis dans les quatre pays européens concernés; c’est globalement excessif. Safran, par exemple, n’est pas du tout dans cette situation. Une entreprise qui réalise 60 % de son chiffre d’affaires à l’exportation hors Europe – et même 75 % pour le seul Airbus – ne gagne pas des contrats avec les Chinois si elle ne leur achète rien ; or nous achetons moins en Chine que Boeing. Et si notre part de marché en Chine a progressé de 4 à 40 %, c’est parce que nous y avons installé une chaîne d’assemblage. Si nous voulons vendre notre ravitailleur en vol aux Etats-Unis, nous devrons y créer une ligne d’assemblage.

J’ajoute que nous ne trouvons plus d’ingénieurs en Europe, les carrières scientifiques y ayant perdu de leur lustre, même si c’est un peu moins vrai en France, grâce à nos grandes écoles. Il faut aller chercher ailleurs les 3 000 à 4 000 professionnels manquants. C’est la raison pour laquelle nous nous installons en Inde.

Enfin, il faut trouver des contreparties à l’effet dollar. Si nous nous installons en Tunisie, c’est parce que la vente d’avions conclue par le Président de la République lors de sa visite avec la compagnie nationale tunisienne était conditionnée par la construction d’une usine. En outre, il s’avère que la monnaie tunisienne est beaucoup moins forte que l’euro.

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De plus, les marchés sont incroyablement volatiles, et nous ne disposons d’absolument aucune visibilité sur la parité euro/dollar. Nous avons actuellement plus de 60 milliards d’euros de couverture de change. Et les banques qui acceptent de nous couvrir sont de moins en moins nombreuses. Nous ne songeons pas à quitter l’Europe – mon passé peut en témoigner : j’ai tout de même occupé le poste de directeur général de l’industrie –, mais il faut trouver un équilibre, à l’instar de celui qu’a trouvé Safran.

Si les retards de l’A400M peuvent jeter le doute sur l’efficacité des grands programmes européens, je rappelle qu’à ce jour, aucun programme national actuel, aux Etats-Unis ou en Europe, n’est sorti en six ans et demi. Par ailleurs, ces coopérations européennes nous ont permis de proposer à l'Europe une offre alternative aux programmes américains. Peut-être avons-nous projeté des perspectives trop optimistes, mais cet avion va sortir.

Nous avons déjà livré vingt-cinq NH90 dans sa version terrestre ; la France sera servie en 2011 parce qu’elle a été l’une des dernières à passer commande. Quant aux Tigre, nous en avons livrés quinze à la France, dans ses versions Step 1 et Step 2. Nous venons d’en livrer trois au Standard 1 susceptibles d’être déployés en Afghanistan, dès que le chef d’état-major des armées et le Président de la République auront donné le feu vert. Je le répète, Eurocopter a livré 588 hélicoptères l’an dernier.

Monsieur Garrigue, le juste retour existe : c’est une contrainte industrielle inévitable. À l’instar de Mme Thatcher, les dirigeants de tous les pays – y compris les Français – proclament : « I want my money back ! » Les déclarations de certains chefs d’Etat ou de gouvernement étrangers montrent que la crise favorise le repli national.

Le CNES est un organisme national partie prenante de l’ESA ; cette superposition n’est pas anormale. L’articulation avec l’Union européenne est plus problématique. Je pense que l’ESA a bâti sa compétence sur trente ans d’expérience, que personne ne propose sa disparition et qu’il serait suicidaire d’instituer au niveau de l’Union européenne une structure concurrente suivant des règles différentes. Le financement communautaire peut parfaitement transiter par l’ESA, cet outil mis à la disposition des Etats et de l’Union européenne.

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Il existe donc des financements intergouvernementaux, des financements communautaires, des financements nationaux et des financements émanant d’institutions comme celles que vous avez citées. Pour diversifier les financements, nous avons proposé de développer les partenariats public-privé.

Pour les satellites de télécommunication militaires, par exemple, nous sommes prêts à prendre à notre charge les investissements considérables requis puis à louer le service, comme nous le faisons au Royaume-Uni. Si nous sommes capables de le faire au niveau européen, en associant les Italiens, les Français et les Britanniques, nous économiserons un voire deux satellites.

Je n’ai pas à juger les relations interétatiques entre la France et l’Allemagne. Les contacts sont nombreux et divers ; il ne faut pas en avoir une vision cauchemardesque. En tout cas, à l’intérieur de l’entreprise, les relations se sont considérablement améliorées, sans qu’un pays ne l’emporte sur l’autre – certains éléments prouvent même que les Français ne sont pas défavorisés. Je discute autant avec nos amis espagnols qu’avec les Allemands. Il est de l’intérêt de tout le monde que l’entreprise réussisse et ne soit pas un champ de bataille franco-allemand ou entre nationalités ; elle ne l’est plus, et je m’attacherai à ce qu’elle ne le redevienne pas.

M. Jérôme Lambert. Comment les résultats d’EADS seront-ils employés ? Quel signal donnerez-vous ? Distribuerez-vous des dividendes plus ou moins élevés à vos actionnaires ou privilégierez-vous une relance de l’investissement ? La question concerne toutes les grandes entreprises, et c’est un sujet auquel les Français sont très sensibles.

Quelles technologies de rupture permettraient à l’industrie aéronautique et spatiale européenne de poursuivre la course en tête ? Les efforts de recherche européens sont-ils à la hauteur ?

M. Jacques Myard. Iriez-vous jusqu’à prendre des participations dans le capital de vos sous-traitants ?

Comment envisagez-vous d’aider vos clients à se financer ?

En matière de coopération, le tropisme européen est parfois trop étroit. N’existe-t-il pas des projets industriels dépassant les frontières étroites de l’Europe, en particulier avec les Etats-Unis ?

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Dassault n’a pas développé le Falcon 7X en suivant un concept de coopération égalitaire : tout part d’un maître d’œuvre, sur lequel les autres opérateurs viennent s’agréger en apportant leur savoir faire. C’est tout le contraire de ce qui s’est passé pour le NH90 : il a fallu donner des cours du soir aux Allemands pour qu’ils apprennent à fabriquer des hélicoptères… Au passage, l’arrangement administratif concernant le programme du NH90 est intervenu en 1984 ou 1985.

L’idée de politique industrielle européenne, à laquelle certains d’entre nous sont très attachés, progresse-t-elle en Allemagne ? La notion de Standort Deutschland, connue depuis longtemps, revient en réalité à une politique industrielle tacite, secrète et efficace.

Enfin, je vous recommande la dernière publication du Conseil d’analyse économique du Premier ministre, relatif aux politiques de change. En page 73, il est indiqué qu’une augmentation de 10 % de l’euro par rapport aux autres monnaies se traduit par 1,1 point de croissance économique en moins dans toute la zone euro.

M. Louis Gallois. Monsieur Lambert, ne connaissant pas le montant de nos résultats de 2008, je ne puis vous indiquer ce que le conseil d’administration décidera. Mais nous avons versé de dividendes extrêmement faibles à nos actionnaires en 2007 et en 2008. Si nous avons des résultats corrects en 2008, il faudra bien tenir compte des attentes de nos actionnaires, qu’il nous arrive de mettre à contribution lorsqu’il s’agit de financer l’entreprise. Il est clair que les bonus, paquets de départ et autres dividendes n’ont plus bonne réputation, sans parler des stock-options que le conseil d’administration a supprimées sur ma proposition et remplacées par des distributions d’actions gratuites.

En matière de recherche, Boeing est allé plus vite qu’Airbus pour les matériaux composites. Nous sommes en train de rattraper notre retard. Les problèmes rencontrés par le B787 nous confirment néanmoins qu’une certaine prudence est de mise dans le tout-composite. Par ailleurs, notre métier, aujourd’hui, consiste à intégrer des systèmes déjà extrêmement sophistiqués eux-mêmes. Il importe de rester à l’avant-garde de la recherche systémique et informatique. Enfin, Airbus, qui n’est pas motoriste, consacre 80 % de ses efforts de recherche et technologie à la lutte contre l’impact environnemental des avions, qu’il s’agisse du bruit, de la consommation d’énergie ou des émissions, non par philanthropie mais parce que nous savons que nos produits ne seront

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plus acceptés si nous ne prenons pas en considération la protection de l’environnement.

Mme Chantal Brunel. La crise vous a-t-elle contraints à réviser votre budget de recherche ?

M. Louis Gallois. Non. Nous préservons la recherche et nous continuerons aussi longtemps que possible.

Mme Chantal Brunel. Hormis l’impact environnemental, travaillez-vous sur les différentes caractéristiques de l’avion prévu pour dans quinze ans ?

M. Louis Gallois. Dans quinze ans, les avions consommeront moins, feront moins de bruit et pollueront moins. Voilà ce qui nous est demandé. Mais d’autres éléments sont étudiés : le confort, les automatismes, la sécurité.

Monsieur Myard, nous n’envisageons pas de prendre des participations chez nos sous-traitants car ce n’est pas notre métier. Toutefois, pour aider le tissu de sous-traitants à se réorganiser, nous avons créé, avec la Caisse des dépôts et Safran, un fonds baptisé Aerofund. Si nous interférions dans la gestion de nos sous-traitants, nous risquerions de devenir juge et partie. Aider nos clients signifie simplement leur prêter de l’argent quand ils n’ont pas le choix et cela leur permet parfois d’accéder au financement bancaire.

Nous vendons des Airbus équipés de moteurs General Electric ou IAE, structure qui associe Rolls-Royce, MTU et Pratt & Whitney ; ce sont nos clients qui choisissent leurs moteurs. Même si, pour plus de commodité, EADS souhaitait acheter un Pratt & Whitney, je comprends parfaitement que le Gouvernement ait choisi de développer un moteur européen pour l’A400M. Il faut seulement tirer les conséquences de ce choix industriel : cela coûte plus cher et cela prend davantage de temps. Au demeurant, je ne suis pas certain que Pratt & Whitney aurait conçu si facilement un moteur de 11 000 chevaux, le plus gros jamais fabriqué, à l’exception d’un moteur russe des années soixante-dix.

Le 7X est certainement un très bon avion. Le concept de Dassault est très proche de celui d’Airbus : un maître d’œuvre associe des partenaires à son travail. Dassault ne traite pas ces problèmes avec une originalité particulière mais a su très vite appliquer le concept

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d’entreprise étendue, qui consiste à insérer tous les partenaires dans un environnement informatique commun. Tout le monde est maintenant à ce niveau d’intégration mais Dassault a montré la voie.

Je n’accepte pas que l’on prétende que les Allemands sont venus prendre des cours du soir pour le NH90. Si vous allez visiter le site de Donauworth, vous verrez qu’ils savent gérer leurs usines. Nous étions certes en avance dans le secteur aéronautique car nous n’avons pas subi quarante ans d’interdiction de maîtrise d’œuvre. Plus généralement, les Allemands sont des partenaires industriels solides ; leur production industrielle est d’ailleurs deux fois supérieure à la nôtre. En matière d’hélicoptères, nous sommes alliés avec eux depuis 1989 ou 1990. Ils ont beaucoup appris et se situent à un niveau technique comparable au nôtre. Par ailleurs, ils ont apporté une forte contribution financière essentielle au développement d’Airbus, d’Eurocopter et, aujourd'hui, d’EADS.

La semaine dernière, le ministre président de Bavière m’a invité à une réunion avec tous les industriels régionaux, à commencer par Siemens et BMW, pour réfléchir à la crise et aux solutions à lui apporter. C’est un type de réunion que je ne vois pas souvent en France, paradis de la politique industrielle… Lorsqu’il faut choisir la localisation d’une technologie, chaque pays – l’Espagne, l’Allemagne, la France et surtout le Royaume-Uni – mais aussi les Länder avancent chacun leurs cartes maîtresses.

Mme Odile Saugues. L’Atelier industriel de l’aéronautique, l’AIA, situé à Clermont-Ferrand, qui assure l’entretien des aéronefs militaires, se trouve en grande difficulté à cause du retard pris par l’A400M. Le tiers du personnel devrait disparaître d’ici à 2012. Est-il réaliste de chercher des solutions de compensation pour cinq ans en attendant l’A400M ? Le savoir faire clermontois risque d’être complètement perdu.

M. Hervé Gaymard. Les financiers, souvent aidés par les politiques voire les industriels, adorent faire du meccano industriel en recomposant la carte européenne des localisations. Quels regroupements et coopérations renforcées jugeriez-vous pertinents pour rendre plus active l’Europe industrielle de la défense ?

M. Louis Gallois. Madame Saugues, je n’ai jamais évoqué un délai de cinq ans. L’avion sera en retard ; j’espère que ce retard sera

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contenu mais je ne peux pas donner de délai. Trois ans seront encore nécessaires à compter du premier vol, qui devrait avoir lieu à l’automne 2009 ; nous aurons donc trois ans de retard, dès lors que le premier vol aurait lieu à l’automne 2009.

Parmi les solutions de transition pour assurer le transport logistique longue distance des armées, il est envisageable d’acquérir des A330, plus tôt en version cargo pour les transformer plus tard en version ravitailleur (MRTT).

Monsieur Gaymard, je n’ai pas d’idée formidable sur la question que vous soulevez. On observe actuellement une tendance assez naturelle au repli national. Croire possible de constituer une base solide en France puis de passer des alliances européennes est assez illusoire.

La stratégie de Thales au Royaume-Uni a été intéressante ; la nature d’EADS est différente puisque nous procédons d’une construction politique. Il doit être possible de mener au niveau européen des opérations de rapprochements nous permettant d’affronter la concurrence. Le problème de l’Europe n’est pas tellement l’insuffisance de grands groupes – on compte d’assez nombreuses entreprises françaises parmi les cent plus grandes mondiales – mais la faiblesse de son tissu d’entreprises de 5 000 à 8 000 salariés, qui peuvent être très exportatrices et très bien spécialisées internationalement.

Dans le secteur nucléaire, des considérations liées à la souveraineté peuvent justifier des alliances européennes. Ce n’est pas vrai dans tous les secteurs.

Le Président Pierre Lequiller. Et en matière d’industrie de défense ?

M. Louis Gallois. Dans ce domaine, il ne reste plus grand-chose à faire, si ce n’est pour les chantiers navals et les véhicules terrestres.

Dans l’électronique, il reste trois grosses entreprises : EADS, Thales et Finmeccanica. L’entreprise espagnole Indra Sistemas, de taille moyenne, qui bénéficie pratiquement de l’exclusivité sur son marché national, constitue vraisemblablement le seul enjeu européen. Les trois acteurs européens cherchent à nouer des alliances aux Etats-Unis pour accéder au marché américain.

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Dans le domaine du matériel terrestre, nous avons un tissu d’entreprises qui ne se portent pas très bien.

Quant au secteur des chantiers navals, les Américains en sont absents car ils n’exportent pas de matériel naval. La compétition y est donc totalement différente de celle que nous connaissons dans les autres industries, où les Américains se comportent en « bulldozer ». Ceci, pourtant, justifierait un regroupement des chantiers navals français, allemands et espagnols.

Le Président Pierre Lequiller. La présidence française a poussé l’idée d’une industrie de défense européenne. En dehors de la France, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de l’Espagne, quels pays pourraient participer à des coopérations structurées ?

M. Louis Gallois. L’Italie et la Suède. En dehors de ces six pays, dits « de la LOI » – letter of intent –, qui dépensent de l’argent en faveur de la défense, à des degrés d’ailleurs très divers, et qui sont animés par une préoccupation industrielle, c’est le désert. En Suède, Saab est plutôt lié à BaAE Systems. L’Italien Finmeccanica a opéré un mouvement de première importance aux Etats-Unis, avec une stratégie offensive de pénétration, en rachetant DRS.

M. Bernard Deflesselles. Je pense, tout comme vous, que l’Europe de la défense ne pourra se faire que si elle s’appuie sur des projets industriels communs entre les six pays consentant un effort budgétaire en faveur de la défense.

M. Louis Gallois. EADS, qui procède d’une alliance entre quatre pays, est un peu en avance.

M. Bernard Deflesselles. Le budget de l’AED – laquelle a été créée en 2004 –, est insuffisant ; les Britanniques ne veulent pas y mettre de l’argent. Elle a tout de même pour rôle, en parallèle avec l’OCCAR, de faire émerger des programmes européens, mais, avec des moyens aussi réduits, elle n’y parvient pas.

Je rappelle qu’à une époque, il fut question d’un « EADS naval » entre la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, mais ce projet n’a pas abouti.

De même, l’industrie terrestre est un peu morcelée.

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Bulletin n° 1 Réunion du mardi 3 février 2009 93

Il est crucial que l’A400M, destiné à répondre au problème capacitaire du transport de troupes, réussisse, car c’est ce qui tirera les autres projets européens.

M. Louis Gallois. Trois projets européens sont en cours : le MUSIS, Multinational Space-Based Imaging System, dans le domaine de l’observation ; le drone advanced UAV ; l’alerte avancée, dans le domaine de la protection contre les missiles balistiques. Pour que la France joue son rôle au sein du commandement intégré de l’OTAN, dans lequel elle s’apprête à entrer, il faut être présent dans ce dernier secteur, qui est décisif. La France possède un atout formidable : c’est le seul pays européen qui maîtrise le missile balistique.

Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie pour ces réponses précises et éclairantes.

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 4 février 2009 95

Réunion du mercredi 4 février 2009 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,

Marché intérieur de l’énergie

Audition de M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie, sur le marché intérieur de l’énergie (ouverte à la presse)

Le Président Pierre Lequiller. Monsieur le président, vous êtes à la tête de la Commission de régulation de l’énergie, autorité administrative indépendante chargée de veiller au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz naturel. Nous vous recevons au moment où les discussions communautaires sur le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie sont sur le point de reprendre. Vous aviez déjà accepté d’être auditionné lorsque nous avions constitué avec la Commission des affaires économiques un groupe de travail sur ce sujet.

L’actualité du secteur énergétique est également marquée par la récente crise gazière, dont l’Europe doit tirer les leçons. Nous souhaiterions tout d’abord connaître votre position sur la délicate question de la séparation patrimoniale. Si en effet les grands groupes estiment que la crise entre l’Ukraine et la Russie a démontré la nécessité des entreprises intégrées, susceptibles de peser face à Gazprom, M. Claude Mandil a défendu devant nous la semaine dernière le point de vue inverse. Par ailleurs, nous aimerions entendre votre appréciation sur le niveau des infrastructures de transport, notamment dans le domaine de l’électricité, et sur les besoins en interconnexions. Au-delà des informations que vous nous donnerez concernant la France, sans doute pourrez-vous, en tant que membre du Groupe des régulateurs européens, élargir votre analyse à la dimension communautaire.

M. Philippe de Ladoucette. Je suis heureux de venir devant votre commission à un moment où l’énergie se trouve au cœur de l’actualité, tant du fait de la crise du gaz russe et des tensions sur le réseau électrique provoquées par la récente tempête que des discussions européennes sur le troisième paquet relatif au marché intérieur et de l’adoption du paquet « énergie-climat » à la fin de l’année dernière.

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96 Réunion du mercredi 4 février 2009 Bulletin n° 1

L’énergie était, à l’origine, au centre de la construction européenne – qui a commencé avec le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, signé le 18 avril 1951 et entré en vigueur le 23 juillet 1952. Mais par la suite et pendant de longues années, elle fut absente du débat européen. Il fallut attendre l’Acte unique européen de 1986 pour que la Commission européenne décide d’appliquer les principes du libre-échange à l’énergie. Cependant en 1992, le « deuxième paquet Cardoso », qui comportait déjà l’ensemble des orientations encore en débat aujourd’hui – libre circulation de l’énergie, libre implantation des producteurs, choix par le consommateur de son fournisseur – ne fut pas accepté par les Etats membres. Les premières directives jetant les bases de l’ouverture du marché intérieur ont été adoptées respectivement en 1996 pour l’électricité et en 1998 pour le gaz. Elles ont été transposées dans le droit français par la loi de 2000, qui a créé la Commission de régulation de l’énergie.

La CRE est constituée d’un collège de neuf commissaires, aux expériences professionnelles diverses. Depuis la loi de décembre 2006, certains sont à temps complet et d’autres à temps partiel ; de plus, siègent désormais un représentant des consommateurs domestiques et un représentant des grands consommateurs.

Les services de la CRE réunissent environ 125 personnes, réparties entre une direction financière, une direction du gaz, une direction de l’accès au réseau électrique, une direction internationale et une direction des marchés de l’électricité et du gaz. Mais tandis que notre direction internationale compte cinq personnes, son homologue anglaise en compte quarante. L’attention des pouvoirs publics doit être appelée sur la nécessité pour les autorités de régulation de disposer des moyens dont elles ont besoin, surtout lorsqu’il est question de leur donner des responsabilités supplémentaires, comme c’est le cas pour l’énergie dans le cadre du troisième paquet.

La CRE appartient au Conseil européen des régulateurs de l’énergie (CEER), association qui regroupe les régulateurs des vingt-sept Etats membres et qui se réunit tous les mois. Elle fait également partie du Groupe des régulateurs européens pour l’électricité et le gaz (ERGEG), qui joue un rôle de conseil auprès de la Commission européenne et qui se réunit tous les trimestres. Elle participe à la plupart des groupes de travail mis en place par le CEER et l’ERGEG et en

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 4 février 2009 97

préside plusieurs, en particulier celui qui traite des sujets concernant les consommateurs et celui qui s’occupe de la stratégie internationale.

J’en viens au troisième paquet énergie. Il porte non seulement sur la séparation patrimoniale, mais aussi sur l’évolution des pouvoirs des autorités de régulation nationales et sur la création, au niveau européen, d’une Agence de coopération des régulateurs de l’énergie.

En ce qui concerne la séparation patrimoniale, le Conseil est arrivé à un consensus en faveur d’une solution alternative, défendue par un groupe de pays mené par la France et l’Allemagne, consistant à donner la possibilité de conserver les entreprises intégrées verticalement tout en renforçant l’indépendance des gestionnaires de réseaux. Les discussions se poursuivent avec la Commission et le Parlement, celui-ci ayant, en première lecture, voté pour le gaz des dispositions assez proches de ce schéma, mais n’ayant pas, en revanche, retenu cette option, dite « ITO », pour l’électricité. Nous espérons que les points de vue pourront se rapprocher, mais la question n’est pas encore réglée.

On parle moins du deuxième sujet en débat, qui concerne les compétences des régulateurs nationaux. Les divergences essentielles entre le Parlement européen et le Conseil portent sur l’autonomie financière des régulateurs, sur l’approbation des programmes d’investissement – et à cet égard nous avons été un peu surpris (mais il s’agit certainement d’une erreur !) de voir l’administration française s’opposer à l’amendement donnant aux régulateurs des pouvoirs que la loi française nous reconnaît déjà –, ainsi que sur la possibilité de prendre des mesures pour promouvoir la concurrence sur le marché intérieur.

Quant à la création d’une Agence de coopération des régulateurs de l’énergie, elle fait l’objet d’un relatif consensus entre les Etats. Le souhait du Parlement européen de donner à cette instance de véritables pouvoirs se heurte à la jurisprudence fixée par l’arrêt Meroni, rendu le 13 juin 1958 par la Cour de justice des Communautés, qui empêche la Commission européenne de déléguer des pouvoirs de décision. Quoi qu’il en soit, alors que dans le secteur des télécoms les régulateurs nationaux n’étaient pas très favorables à la mise en place d’une agence européenne, dans celui de l’énergie ils le sont, en raison de la problématique des interconnexions. L’existence d’une vision générale permet en effet de faire prévaloir l’intérêt commun.

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On peut penser que l’agence sera opérationnelle dans le courant de l’année 2010. La France pourrait, me semble-t-il, proposer de l’implanter à Paris, puisqu’elle est plutôt en pointe en matière de régulation des réseaux énergétiques.

Quelques mots sur l’impact du paquet énergie-climat, brillamment défendu par la présidence française, sur le fonctionnement et la régulation du marché intérieur.

Nous serons très attentifs à la manière dont sera transposé le principe de l’accès prioritaire des énergies renouvelables aux réseaux, défini à l’article 16 de la directive relative aux énergies renouvelables. La première difficulté est sa conciliation avec le principe d’accès non discriminatoire qui régit actuellement le marché intérieur. Cette priorité pose également problème pour le dispatching d’électricité. En effet, l’intégration d’une production conséquente d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables, en raison de leur caractère intermittent, difficilement prédictible et décentralisé, n’est pas sans conséquence sur le fonctionnement des réseaux. Enfin, cette priorité risque de remettre en cause les installations de production d’électricité utilisant des sources d’énergie conventionnelles, qu’elles soient déjà raccordées ou à l’état de projet. La priorité d’injection des énergies renouvelables entraînerait, pour les producteurs conventionnels, de fortes incertitudes sur les volumes susceptibles d’être vendus par eux. Il s’agit donc là d’un sujet important pour l’équilibre du réseau, en termes de fonctionnement comme de sécurité d’approvisionnement.

J’en arrive à la constitution du marché intérieur, dont la crise du gaz russe a bien montré la nécessité. Elle progresse pas à pas, par le biais des initiatives régionales.

Pour l’électricité, celles-ci sont au nombre de sept, et la France participe à quatre d’entre elles. Elles visent à passer de vingt-sept marchés théoriquement libéralisés, mais en fait juxtaposés, à un véritable marché intérieur. Les avancées ne pouvant être que graduelles, le couplage se fait région par région. Nous avons déjà couplé en 2006 le marché français avec les marchés belge et néerlandais, ce qui nous a permis d’avoir un prix commun sur le marché de gros pendant 70 % du temps en 2008 – et même pendant 95 % du temps si l’on considère seulement deux marchés – France et Belgique ou Belgique et Pays-Bas. Un accord signé en juin 2007 vise à étendre ce mécanisme de couplage à

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la totalité de la région Centre-Ouest, c’est-à-dire la France, l’Allemagne et le Benelux ; l’échéance, initialement fixée à janvier 2009, a été repoussée à mars 2010. L’Allemagne essaie par ailleurs de réaliser un couplage avec le Danemark. Une plateforme continentale de l’électricité se constitue donc progressivement.

Nous commençons à nous rapprocher des Espagnols et des Portugais, entre lesquels le couplage fonctionne déjà très bien mais dont le système a l’inconvénient majeur de poser des problèmes de compatibilité avec celui que nous construisons. Il faut donc parvenir à dépasser ces particularismes, ce qui techniquement n’est pas simple. La Commission européenne, consciente de la complexité du sujet, organise une réunion tous les six mois avec l’ensemble des acteurs pour faire le point.

Le Président Pierre Lequiller. Pouvez-vous préciser la nature de cette incompatibilité ?

M. Philippe de Ladoucette. Le modèle de marché ibérique est très différent du nôtre. Il est d’ailleurs important de veiller aux spécificités de chaque marché afin, par exemple, de ne pas reproduire les erreurs qui ont conduit l’Allemagne et le Danemark à l’échec lorsqu’ils ont tenté de coupler leurs marchés il y a quelques mois.

En ce qui concerne le gaz, la crise récente a montré qu’il était difficile de faire jouer la solidarité au sein de l’Europe. En particulier, on ne peut pas toujours utiliser les tuyaux dans les deux sens. Ayant lu le compte rendu de l’audition de M. Mandil, je me suis renseigné sur le sujet : en ce qui concerne la France, la réversibilité, à condition de faire les investissements nécessaires, est possible avec les pays du Sud, notamment l’Espagne, ainsi qu’avec la Suisse ; mais elle ne l’est pas avec les pays du Nord, notamment la Belgique et l’Allemagne, pour des raisons réglementaires. En effet le gaz est odorisé en France et en Espagne, alors qu’il ne l’est pas en Allemagne et en Belgique. Entre le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Allemagne, en revanche, la circulation peut se faire dans les deux sens, les investissements nécessaires ayant été réalisés. De ce fait, nous n’avons pas été directement concernés par le mécanisme de solidarité qui a été mis en œuvre, pendant la crise du gaz russe, entre les pays du Nord et de l’Est de l’Europe.

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100 Réunion du mercredi 4 février 2009 Bulletin n° 1

Il faut donc impérativement faire un gros effort d’investissement pour développer les interconnexions. Comme l’a dit M. Andris Piebalgs, commissaire européen chargé de l’énergie, il est essentiel de tisser progressivement une toile de réseaux, dans toutes les directions – du nord vers le sud et du sud vers le nord, de l’est vers l’ouest et de l’ouest vers l’est. Le Livre vert de la Commission européenne intitulé Vers un réseau énergétique européen sûr, durable et compétitif, publié en novembre dernier, donne une idée des investissements requis : environ 1000 milliards d’euros pour l’électricité et 150 milliards d’euros pour le gaz. Il expose une stratégie de développement des liaisons régionales et transfrontalières autour de six grandes initiatives : interconnexion balte, réseau éolien en mer du Nord, anneau énergétique méditerranéen, corridor Sud d’acheminement du gaz de Caspienne, intégration des systèmes électriques et gaziers d’Europe centrale et du sud-est, stratégie pour le GNL. Considérant, comme l’ensemble des régulateurs européens, que le GNL est un élément essentiel de diversification et de sécurité d’approvisionnement en gaz, nous avons mis en place l’année dernière un groupe de travail pour examiner la problématique des terminaux méthaniers sur le plan de la tarification et de l’éventuelle dérogation à la règle de l’accès des tiers aux réseaux au titre de l’article 22 de la directive gaz de 2003.

Le couplage des marchés n’a pas pour seul but d’harmoniser le prix de l’énergie en Europe. C’est aussi une manière d’optimiser les moyens de production. En matière de consommation électrique, par exemple, quand l’heure de pointe est à 19 heures en France, elle est à 21 heures en Espagne et à 17 heures en Angleterre. Du fait de ce décalage, une bonne interconnexion permettrait de bénéficier partout d’une énergie moins chère et moins polluante. On ne le dit pas assez : le développement des interconnexions est un facteur d’efficacité.

S’agissant de l’exercice de la solidarité, la récente tempête a montré tout l’intérêt de nos interconnexions avec l’Espagne : la région de Perpignan, par exemple, ne pouvant plus être alimentée par le réseau français, l’a été par le réseau espagnol.

Sans entrer dans plus de détails afin de répondre à vos questions, je conclurai mon propos en exprimant une conviction. A la question de savoir si, dans le contexte économique et financier actuel, il faut ou non continuer à construire l’Europe de l’énergie, les régulateurs que nous sommes répondent sans hésiter que ce projet, fondamental pour

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 4 février 2009 101

la construction européenne et pour la sécurité de notre approvisionnement énergétique, doit impérativement se poursuivre.

M. André Schneider. Monsieur le président, j’aurais trois questions à vous poser.

La Commission européenne a annoncé qu’elle engagerait des procédures à l’encontre d’EDF et GDF-Suez pour manquement aux règles de la concurrence. Selon vous, les griefs formulés, en particulier l’abus de position dominante qui résulterait des contrats d’EDF avec les grands clients industriels, sont-ils justifiés ?

La semaine dernière, M. Mandil disait ici même que le régulateur allemand « connaît assez mal son métier ». Le même jour, M. Philippe Tourtelier et moi-même auditionnions M. Jean-Marie Chevalier, universitaire spécialiste des questions énergétiques, qui jugeait « dramatique » la situation énergétique allemande. Quel est votre sentiment sur le marché de notre voisin ? La vente par E-ON et RWE d’une partie de leurs réseaux de transport, sous la pression de la Commission européenne, va-t-elle selon vous le faire évoluer ?

Enfin, pensez-vous nécessaire de mettre en place un régulateur européen ?

M. Philippe de Ladoucette. EDF a reçu, le 23 décembre 2008, de la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne une communication de griefs relative aux contrats à long terme de fourniture d’électricité conclus en France avec des grands consommateurs industriels. Selon elle, ces contrats pourraient empêcher les clients de s’adresser à d’autres fournisseurs et relever de l’abus de position dominante. Cette communication de griefs est la première étape d’une procédure contradictoire, mais contrairement à ce qui se passe en général, nous n’avons pas été directement interrogés par la Direction européenne de la concurrence.

L’Allemagne a libéralisé les marchés de l’électricité et du gaz avant la France. Les Allemands avaient alors considéré qu’il s’agissait d’activités comme les autres et que l’autorité de concurrence allemande serait en mesure d’assurer la régulation nécessaire. Constatant au bout de quelques années que ce n’était pas le cas, ils ont créé un régulateur sectoriel ; mais celui-ci, contrairement à ses homologues, n’a que trois ans d’expérience, puisqu’il a été créé en 2005. En outre, la

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102 Réunion du mercredi 4 février 2009 Bulletin n° 1

situation à laquelle il est confronté est beaucoup plus complexe que la nôtre : il existe en Allemagne quatre réseaux de transport, correspondant aux quatre grandes entreprises qui se partagent le marché – E-ON, RWE, Vattenfall et EnBW –, et ils n’ont pas du tout le niveau d’indépendance dont RTE bénéficie en France, ce dont on a d’ailleurs vu les conséquences lors de la grande panne de novembre 2006 ; concernant la distribution, alors que chez nous il y a un réseau de distribution électrique et un nombre relativement limité d’entreprises locales de distribution (ELD), en Allemagne il y en a 900 à gérer. C’est d’ailleurs largement en raison de la situation allemande, et non de la situation française, que la Commission européenne a voulu faire le troisième paquet.

Enfin, je suis très favorable à la création d’une entité de régulation européenne, qui ait de réels pouvoirs. Mais l’Agence s’occupera principalement des interconnexions et sera avant tout une instance de coopération entre les régulateurs, bien loin d’être un régulateur européen.

M. Philippe Tourtelier. Ma première question concerne l’adaptation des réseaux français et européens à l’accueil de la production décentralisée, mais je reviens d’abord sur ce que vous avez dit à propos de l’accès prioritaire des énergies renouvelables aux réseaux : qu’il y ait une remise en cause de la production d’énergie conventionnelle, c’est une évidence, puisque c’est le but !

En France, RTE a déclaré vouloir adapter le réseau français, très centralisé, à la collecte d’énergies renouvelables. Je pensais que les choses seraient plus faciles au niveau européen, d’autant que la critique faite à l’énergie éolienne d’être intermittente ne vaut pas si l’on raisonne à l’échelle de l’Europe, où il est rare que le vent ne souffle pas quelque part : si les interconnexions étaient réalisées, l’éolien deviendrait un élément de sécurité. Je suis un peu inquiet de constater qu’en ce qui concerne l’Allemagne, vous avez parlé des réseaux de transport et de distribution, mais pas du tout de la collecte.

Ma deuxième interrogation porte sur le marché. Vous avez parlé de petits pas, mais avez-vous une idée du calendrier ? A quelle échéance peut-on penser que les interconnexions et l’organisation seront suffisantes pour qu’il y ait un vrai marché ? N’a-t-on pas mis la charrue

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 4 février 2009 103

avant les bœufs, en libéralisant la concurrence sans en avoir réuni les conditions ?

Cela m’amène à ma troisième question, l’une de vos missions étant de concilier concurrence et service public : quelles répercussions ce développement à petits pas du marché européen aura-t-il sur les tarifs que paieront les entreprises et les ménages ?

Enfin, considérez-vous, comme plusieurs personnes que nous avons auditionnées, que les prix de l’énergie vont évoluer à la hausse ? Dans ce cas, peut-on imaginer en France un système comportant un tarif de base, réglementé, pour le niveau de fourniture considéré comme de service public – tant de kWh pour un ménage de tant de personnes –, et appliquant au reste de la consommation le prix du marché, éventuellement majoré pour compenser le tarif de base ?

M. Philippe de Ladoucette. En ce qui concerne l’accès prioritaire des énergies renouvelables aux réseaux, je voulais simplement souligner qu’il peut entrer en contradiction avec le principe légal de non-discrimination – la priorité d’accès étant une discrimination. C’est tout le problème de la combinaison entre le paquet énergie-climat et la construction du marché intérieur. Il faut savoir si l’on est dans le « peut » ou dans le « doit », dans le « may » ou dans le « shall » : ce principe d’accès prioritaire relève-t-il de la simple recommandation, ou de l’obligation ? Dans ce dernier cas, certains projets d’investissement qui existent en France, notamment en centrales à gaz, risqueraient de ne pas être réalisés. En la matière, il faut avoir à l’esprit un principe de précaution, d’autant que la production des éoliennes peut souffrir de l’absence de vent.

S’agissant du calendrier, en ce qui concerne la France, le couplage avec l’Allemagne et le Benelux pourrait être réalisé en mars 2010. L’étape suivante sera le couplage avec la péninsule ibérique.

Le système fonctionnera sur les prix de gros, qui ont un lien avec les prix de détail dans certains pays, mais non en France, où les tarifs réglementés en sont totalement déconnectés. Le Parlement nous a donné en 2006 la responsabilité de surveiller la formation de ces prix de gros, et notre premier rapport sur le sujet vient de sortir. Il montre que le « marginal nucléaire », c’est-à-dire la période pendant laquelle c’est le coût marginal du nucléaire qui détermine le prix de gros, représente 15 % du temps annuel – même si le nucléaire représente 80 % de la

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104 Réunion du mercredi 4 février 2009 Bulletin n° 1

production française d’électricité. Le « marginal » est de 25 % pour l’hydraulique et entre 25 et 30 % pour le charbon – brûlé en France ; il se situe entre 20 et 25 % pour l’électricité venant des autres pays par les interconnexions. En conclusion de notre rapport, nous constatons n’avoir rien découvert d’anormal dans la formation des prix, mais nous demandons des explications supplémentaires à EDF sur la valorisation du nucléaire et de l’hydraulique. En effet lorsque le nucléaire est marginal, il est valorisé à un coût supérieur au coût de production, et c’est encore plus vrai pour l’hydraulique. Nous allons lancer un audit sur ce sujet.

En ce qui concerne les tarifs, la commission présidée par M. Champsaur, qui comprend deux députés, deux sénateurs et des experts, doit remettre ses conclusions à la fin du mois de mars. Pour notre part, nous avons expertisé deux grands modèles mis en avant par les acteurs du marché, à savoir maintien des tarifs réglementés, avec ouverture du marché et cession d’une part de l’énergie nucléaire aux nouveaux entrants, ou suppression de ces tarifs, moyennant compensation pour que les consommateurs continuent à bénéficier de l’avantage compétitif du nucléaire. Reste à savoir quel est le modèle le plus « eurocompatible ». Le sujet n’est pas simple, et l’on aurait sans doute pu se poser en 1995 les questions que nous nous posons aujourd’hui.

Le Président Pierre Lequiller. Merci beaucoup.

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 4 février 2009 105

Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point B Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a

adopté les textes suivants :

PESC et relations extérieures

- action commune du Conseil prorogeant le mandat du représentant spécial de l'Union européenne pour le processus de paix au Moyen-Orient (document E 4245) ;

– projet de position commune du Conseil concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Somalie et abrogeant la position commune 2002/960/PESC (document E 4246) ;

– position commune du Conseil modifiant la position commune 2003/495/PESC sur l'Iraq (document E 4247) ;

– position commune du Conseil prorogeant et modifiant la position commune 2004/133/PESC concernant des mesures restrictives à l'égard d'extrémistes dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM) (document E 4248) ;

– projet de position commune du Conseil renouvelant les mesures restrictives à l'encontre des dirigeants de la région de Transnistrie (République de Moldavie) (document E 4249) ;

– action commune 2009/PESC du Conseil du … 2009 prorogeant le mandat du représentant spécial de l'Union européenne pour la région des Grands Lacs africains (RSUE) (document E 4251) ;

– règlement du Conseil du … 2009 modifiant le règlement (CE) no 1210/2003 concernant certaines restrictions spécifiques applicables aux relations économiques et financières avec l’Iraq (document E 4252) ;

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106 Réunion du mercredi 4 février 2009 Bulletin n° 1

– action commune 2009/PESC du Conseil du … 2009 prorogeant le mandat du représentant spécial de l'Union européenne pour la crise en Géorgie (document E 4253) ;

- action commune 2009/PESC du Conseil du … 2009 prorogeant le mandat du représentant spécial de l'Union européenne dans l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (RSUE ARYM) (document E 4257).

Questions budgétaires

- avant-projet de budget rectificatif no 1 au budget général 2009 - Etat des dépenses par section - Section III – Commission (document E 4243-1) ;

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union européenne (E 4244).

Transports

- projet de règlement (CE) no …/.. de la Commission du […] complétant les normes de base communes en matière de sûreté de l'aviation civile figurant à l'annexe du règlement (CE) no 300/2008 (document E 4236) ;

- projet de directive .../…/CE de la Commission du modifiant la directive 2006/87/CE du Parlement européen et du Conseil établissant les prescriptions techniques des bateaux de la navigation intérieure (document E 4238).

Procédure d’examen en urgence Enfin, la Commission a pris acte de l’approbation, selon la

procédure d’examen en urgence, des textes suivants :

- position commune du Conseil renouvelant les mesures restrictives à l'encontre du Zimbabwe (document E 4224) ;

- projet de position commune du Conseil modifiant la position commune 2008/369/PESC concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de la République démocratique du Congo (document E 4225) ;

– projet de position commune du Conseil portant mise à jour de la position commune 2001/931/PESC relative à l'application de

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 4 février 2009 107

mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme et abrogeant la position commune 2008/586/PESC (document E 4226) ;

– projet de décision du Conseil mettant en oeuvre l'article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2008/583/CE (document E 4227) ;

– action commune du Conseil prorogeant le mandat du représentant spécial de l'Union européenne pour le Soudan (document E 4228).

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 11 février 2009 109

Réunion du mercredi 11 février 2009 Présidence de M. Thierry Mariani, Vice-président,

Données des dossiers passagers (PNR) à des fins de répression

Examen du rapport d’information de M. Guy Geoffroy sur les données des dossiers passagers (PNR) à des fins répressives

M. Guy Geoffroy, rapporteur. « Je rends ici compte d’un travail de réflexion sur le projet de PNR européen en présence de notre Président de séance, grand spécialiste de ces questions. Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet, notamment au moment de l’approbation, en des circonstances assez contraintes, de l’accord entre l’Union et les Etats-Unis sur l’échange de données PNR. Ce projet de décision-cadre, en cours d’élaboration, propose de créer un dispositif de collecte et de traitement à l’échelle européenne. Une telle mesure améliorerait la lisibilité des politiques nationales pour les Etats et les citoyens de l’Union et permettrait d’harmoniser les pratiques. Le Royaume-uni est indéniablement l’Etat le plus en avance sur ce thème, ce qui n’est pas étonnant. D’autres partenaires européens continuent à avoir des réserves sérieuses. Ce texte a été mis en avant par le volontarisme de la présidence française et à raison, car le sujet est important et doit encore faire l’objet de débats. Les données PNR sont les données collectées par les transporteurs internationaux au stade de la réservation commerciale. Les grands pays de la planète traitent ces données ou s’y intéressent de près afin de lutter contre le terrorisme.

La première question venant à l’esprit est celle de la compatibilité avec la préservation des libertés publiques, au premier rang desquelles le droit au respect de la vie privée sur lequel la France est très sourcilleuse à juste raison. Je suis à titre personnel convaincu de la nécessité d’un tel instrument, tout comme les autorités françaises. Si l’Europe disposait d’un outil commun, elle serait mieux armée pour négocier les prochains accords internationaux.

Les régimes existants sont principalement celui des Etats-Unis, sur lequel je ne reviendrai pas, et qui est particulièrement problématique avec une durée de conservation de quinze ans et des possibilités de transmission à des tiers trop larges, et celui du Royaume-

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110 Réunion du mercredi 11 février 2009 Bulletin n° 1

Uni qui connaît une progression très rapide depuis 2005 avec le projet pilote Semaphore puis le programme E-borders. La France a mis en place le fichier des passagers aériens à partir des données figurant sur les documents de voyage.

Cet instrument européen cherche à encadrer la collecte et le traitement de données PNR par les autorités publiques nationales à des fins de lutte contre le terrorisme et les formes graves de criminalité. Ces données ont plusieurs utilités : en temps réel avec des analyses de risque sur la base de critères élaborés par les services opérationnels avec une possibilité d’anticiper les interventions, sur moyen terme avec la réalisation d’analyses en matière de terrorisme et de criminalité sur la base des données conservées et en réponse à des demandes au cas par cas dans le cadre d’enquêtes policières ou de poursuites judiciaires.

La collecte viserait l’ensemble des passagers des vols en provenance ou à destination des pays tiers, chaque Etat membre étant destinataire des données relatives aux vols au départ ou à l’arrivée sur son territoire.

Les unités de renseignements passagers auraient la charge de la conservation et de la protection des données PNR sur une durée qui reste à définir. Cette question fera d’ailleurs l’objet d’un point dans la proposition de résolution afin de réduire le délai maximum de conservation actuellement en négociation.

La proposition initiale de la Commission européenne était très insuffisante, notamment en termes de la protection des droits fondamentaux et de protection des données, mais les choses ont bien progressé. Le Parlement européen a adopté une résolution critique sur l’état actuel du projet et il serait très intéressant de prendre l’initiative de rencontrer les parlementaires afin de dialoguer avec eux sur ce dossier.

Les principales questions soulevées au cours des débats sont les suivantes :

-dans quelle mesure ce nouvel instrument est-il nécessaire et quelles preuves peuvent être apportées de son utilité, au-delà des déclarations générales ?

- quel sort serait réservé aux données sensibles pouvant apparaître dans un dossier passager : demandes relatives au repas à bord, à une place spécifique du fait d’un problème de santé, indications

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 11 février 2009 111

indirectes qui pourraient nourrir des supputations sur une appartenance politique, syndicale ou religieuse (par exemple avec une adresse mail) ?

- comment seraient réalisées les analyses de risque, qui sont du profilage ? Que pouvons-nous accepter et que devons-nous refuser ?

- quel régime de protection des données serait applicable ?

- la durée de conservation initialement fixée à 13 ans est apparue largement excessive.

S’agissant de l’utilité des données PNR, ma conviction est faite. Elles sont une source essentielle et non redondante avec d’autres systèmes de collecte. Il ressort notamment de l’audition de la douane française que de 60 à 80 % des saisies de stupéfiants sur les aéroports de Roissy et d’Orly sont réalisées grâce aux données PNR.

En ce qui concerne le champ de la décision cadre, en l’état actuel des négociations, seuls les vols vers ou à destination d’un pays tiers seraient concernés (y compris, le cas échéant, leur segment intra européen). Les unités de renseignements passagers, qui seraient des autorités publiques créées dans chaque Etat membre, seraient destinataires des données PNR brutes pour les vols au départ ou à l’atterrissage sur leur territoire.

Ces unités devraient effectuer des analyses de risque, avec toutes les interrogations que suscite le profilage, sur les données transmises en fonction des directives établies par les services opérationnels.

Les données collectées seraient relativement nombreuses et posent principalement la question des données sensibles, qui pourraient porter atteinte au socle de nos libertés fondamentales. A l’heure actuelle, deux options sont possibles : soit exclure totalement l’utilisation des données sensibles à quelque étape que ce soit, soit permettre une utilisation des données sensibles au cas par cas, dans le cadre de procédures policières et judiciaires bien spécifiques.

En l’état actuel du texte, les données sensibles pourraient être utilisées uniquement à des fins d’enquête en cours ou de poursuites déjà engagées.

En matière de durée de conservation, il existe un fossé entre les partisans d’une durée limitée et ceux d’une durée très longue.

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112 Réunion du mercredi 11 février 2009 Bulletin n° 1

Vraisemblablement, le choix d’une fourchette entre un minimum (trois ans) et un maximum (dix ans) autorisés se dessine. Je vous proposerai de réduire cette fourchette à une durée de trois à six ans car il ne devrait pas y avoir une telle différence entre le minimum et le maximum.

Je vous propose donc d’adopter une proposition de résolution.

Le Président Thierry Mariani. C’est un sujet important pour l’avenir. Ces données sont certainement un outil nécessaire pour prévenir des actions terroristes et la proposition de ramener leur délai de conservation à une durée de trois à six ans est certainement plus raisonnable. Trois questions se posent : quelle est la position de la nouvelle administration américaine dans ce domaine, comment assurer le respect des libertés à chaque étape de la collecte et du traitement des données et qu’en sera-t-il de la réciprocité de leur accès pour les pays tiers ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il n’y a pas encore d’information précise quant à l’attitude de la nouvelle administration américaine même si on peut estimer qu’elle ne changera guère.

La protection des données à chaque étape est essentielle, de la transmission par les compagnies aériennes jusqu’à, le cas échéant, la transmission d’un Etat membre vers un pays tiers. Le recueil des données doit être encadré, tout comme leur traitement ultérieur, bien que l’utilisation faite par les autorités répressives relève bien entendu du droit national.

En matière de réciprocité, l’établissement d’un recueil de données PNR au niveau européen permettra de négocier, avec nos principes, sur des bases solides et équilibrées avec des pays comme les Etats-Unis et l’Australie. Il faut relever que la Grande-Bretagne a bien pris part au débat sur le projet alors qu’elle-même dispose déjà de son propre régime de collecte et de traitement.

M. Jérôme Lambert. Il est nécessaire de tout mettre en œuvre pour lutter contre le terrorisme mais il est permis d’être dubitatif sur le fait de récolter ainsi des milliards de données. Sommes-nous face à une forme de dérive ?

La proposition de résolution insiste de façon positive sur le nécessaire respect de la vie privée mais celui-ci apparaît contradictoire

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 11 février 2009 113

avec le principe même du recueil de données comme, par exemple, celui des habitudes alimentaires. L’atteinte à la vie privée est indéniable. Je ne méconnais pas la nécessité de la lutte contre le terrorisme, mais un certain scepticisme est de mise quant à l’efficacité d’une collecte de données sur une aussi vaste échelle.

Les terroristes voulant arriver à leurs fins emploieront un certain nombre de moyens afin de ne pas être découverts. Il me semble donc que le point crucial est de repérer le terroriste avant qu’il ne monte dans l’avion, les moyens les plus importants devant être employés en amont.

Je ne m’oppose pas à cette résolution mais le Parlement européen a émis des réserves compte tenu des possibilités de dérives. Le risque terroriste existe mais ce n’est pas avec de telles mesures qu’on s’attaquera aux racines du mal.

M. Gérard Voisin. Je rejoins un peu notre collègue Jérôme Lambert car on s’expose à se noyer dans les détails. J’approuve le rapport mais toutes ces mesures consomment du temps et sont coûteuses. Finalement, trop de sécurité tue la sécurité.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Les demandes de certains repas sont des informations sensibles. Je suis persuadé qu’on ne pourra pas échapper au recueil de ces données qui ne devraient être utilisées que dans le cadre de poursuites déjà engagées. Mais ce point fait encore l’objet de discussions. Le problème central est de rendre conciliables la défense des libertés individuelles et la lutte contre le terrorisme. Il est certain que cet outil touche aux libertés fondamentales mais ces atteintes doivent être proportionnées et strictement encadrées. Il est préférable d’avoir un dispositif cohérent en Europe qui minimisera les inconvénients plutôt que des régimes disparates et de se trouver en grand déséquilibre avec les Etats auxquels les données PNR sont transférées et qui n’ont pas d’état d’âme.

Le Président Thierry Mariani. Les terroristes sauront probablement trouver des parades. Il me semble qu’on réagit continuellement avec retard comme le montre le fait que le contrôle des explosifs persiste alors que cette menace contre les avions a pratiquement disparu.

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114 Réunion du mercredi 11 février 2009 Bulletin n° 1

Les attentats du 11 septembre 2001 ont montré que le problème essentiel résidait dans l’utilisation de faux papiers. J’estime donc que le moyen le plus efficace réside dans le contrôle des attributions de papiers d’identité, notamment de la part de certains pays.

Enfin il ne faut pas se cacher que ces recueils de données PNR sont utilisés comme un moyen d’espionnage économique autant que comme arme de lutte contre le terrorisme. Je suis vraiment persuadé que la lutte contre les faux passeports devrait être prioritaire en ce domaine. »

Sur proposition du rapporteur, la Commission a ensuite adopté la proposition de résolution suivante :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de décision cadre du Conseil relative à l’utilisation des données des dossiers passagers (Passenger Name Record, PNR) à des fins répressives (COM [2007] 654 final/n° E 3697),

1. juge que les données PNR constituent un outil nécessaire à la lutte contre le terrorisme et les formes graves de criminalité et que l’institution d’un régime de transfert et de collecte harmonisé au niveau européen permettrait de renforcer l’efficacité des mesures prises au plan national par les Etats membres ;

2. estime que certaines questions ne sont pas résolues et souhaite, dans le cadre des débats menés en 2009 :

- que le plein respect des droits fondamentaux et, notamment, du droit à la vie privée et du droit à la protection des données soit assuré à chaque étape de la collecte et du traitement des données ;

- que la durée de conservation soit ramenée à un délai raisonnable compris entre trois et six années ;

- que la question des données sensibles fasse l’objet de protections spécifiques et cohérentes, quelle que soit l’option qui sera retenue entre l’exclusion de toute utilisation ou la possible utilisation à des fins d’enquêtes ou de poursuites en cours ;

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 11 février 2009 115

- qu’un encadrement plus strict soit obtenu s’agissant des transferts de données vers des Etats tiers, de sorte qu’un Etat membre ne puisse être source de fuite de masses de données brutes vers un Etat tiers,

- que les problèmes soulevés par les futures demandes d’accès aux données PNR à titre de réciprocité soient étudiés. »

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116 Réunion du mercredi 11 février 2009 Bulletin n° 1

Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Thierry Mariani, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point B Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a

adopté les textes suivants :

PESC et relations extérieures

- action commune 2009/PESC du Conseil du … 2009 prorogeant le mandat du représentant spécial de l’Union européenne pour l’Afghanistan (document E 4258) ;

- action commune 2009/PESC du Conseil du … 2009 prorogeant le mandat du représentant spécial de l’Union européenne pour la République de Moldavie (document E 4259) ;

- action commune 2009/PESC du Conseil du … 2009 prorogeant le mandat du représentant spécial de l’Union européenne au Kosovo (document E 4260) ;

- action commune 2009/PESC du Conseil du … 2009 prorogeant le mandat du représentant spécial de l’Union européenne pour le Caucase du Sud (document E 4261) ;

- action commune 2009/PESC du Conseil du … 2009 prorogeant le mandat du représentant spécial de l’Union européenne pour l’Asie centrale (document E 4262).

Propriété intellectuelle

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2006/116/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins (document E 3947).

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 11 février 2009 117

Accord tacite

En application de la procédure adoptée par la Commission le 29 octobre 2008 (virements de crédits), celle-ci a approuvé tacitement le document suivant :

- proposition de virement n° V/01/AB/09. Demande présentée en vertu de l'article 179, paragraphe 3, du règlement financier. Extension bâtiment K3 de la Cour des comptes. Troisième demande adressée à l'autorité budgétaire (document E 4256).

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 18 février 2009 119

Réunion du mercredi 18 février 2009 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,

Sécurité routière

Examen du rapport d’information de M. Gérard Voisin sur l’application transfrontière de la législation dans le domaine de la sécurité routière

M. Gérard Voisin, rapporteur. « La politique des transports constitue l’une des politiques majeures de l’Union européenne dont la sécurité est une composante essentielle. Si dans le domaine routier, les infractions commises par les conducteurs sont fréquentes et régulièrement sanctionnées, les automobilistes non résidents bénéficient d’une impunité de fait, si l’infraction constatée n’est pas suivie d’une interception par les forces de l’ordre.

En effet, quand l’automobiliste est arrêté par la police et qu’il ne réside pas en France, il doit s’acquitter d’une consignation garantissant le paiement de l’amende. Par contre, les amendes résultant des radars fixes ne sont pas envoyées aux titulaires d’une plaque étrangère, exception faite du Luxembourg.

En France, sur les 17 millions d’infractions à la réglementation sur les excès de vitesse constatées par les radars fixes, le quart environ est commis par des plaques étrangères. Au-delà d’une perte d’environ 170 millions d’euros pour les finances publiques, cette situation est décourageante pour les responsables de la sécurité routière.

C’est pourquoi je me félicite de la proposition de directive de la Commission européenne destinée à assurer le paiement effectif des amendes routières indépendamment du lieu d’immatriculation du véhicule.

Malheureusement, la proposition de directive est encalminée dans la mécanique européenne. Il faut donc comprendre les raisons de cet échec et analyser les solutions de repli en cours d’élaboration. L’origine première des difficultés de ce projet réside dans la divergence d’appréciation entre la Commission européenne qui considère que ce texte relève du « premier pilier » (politique des transports) et une minorité de blocage d’Etats membres du Conseil qui estime qu’il relève

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120 Réunion du mercredi 18 février 2009 Bulletin n° 1

du « troisième pilier » (coopération judiciaire) et, par conséquent d’une procédure impliquant l’unanimité des 27 Etats membres et excluant la codécision avec le Parlement européen.

Pour sortir de l’impasse, la présidence française a tenté d’aboutir à un compromis en scindant le projet en deux textes, relevant respectivement des premier et troisième piliers, mais elle n’est pas parvenue à un accord. Aujourd’hui, cette situation de blocage risquant de perdurer, les Etats membres les plus concernés développent des accords bilatéraux qui, dans une démarche analogue au traité de Prüm, pourraient être intégrés un jour dans une politique communautaire.

Il est toujours regrettable de parler d’un échec dans le processus de décision européenne mais j’estime que les chances sont faibles de voir aboutir, rapidement, une directive européenne autorisant la perception transfrontalière des amendes routières.

Les quatre infractions visées par la proposition sont les excès de vitesse, la conduite en état d’ivresse, le non-port de la ceinture de sécurité et le franchissement d’un feu rouge. Ces infractions sont à l’origine de 75 % des tués sur les routes.

La proposition de directive prévoit que l’Etat membre où l’infraction a été commise transmet, par l’intermédiaire d’un réseau électronique, le numéro d’immatriculation et autres informations utiles aux autres Etats membres, ou à l’Etat d’immatriculation si celui-ci a pu être identifié, et demande des informations concernant le propriétaire du véhicule. Une fois que l’Etat d’infraction a reçu ces informations, il est tenu d’envoyer une notification d’infraction au propriétaire du véhicule, à l’aide d’un formulaire normalisé fournissant les informations nécessaires pour le paiement du montant dû ainsi que sur les possibilités de contestation et d’appel. En dernier recours, en cas de non paiement par le contrevenant, la décision-cadre 2005/214/JAI du 24 février 2005 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires peut être appliquée et permettre l’exécution du paiement de la contravention.

Les premiers débats sous présidence française ont montré l’existence d’un large consensus des Etats sur l’objectif de la proposition, qui vise à remédier à une vraie lacune en termes de sécurité routière.

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 18 février 2009 121

La Commission européenne, dans sa proposition de directive, s’appuie sur le premier pilier des compétences communautaires, point contesté par une partie des Etats membres qui a émis des doutes sur le bien-fondé de la base juridique retenue par la Commission dans sa proposition : 1er pilier (marché intérieur – art. 71.1c du traité CE : sécurité des transports) et non pas 3ème pilier (coopération policière et judiciaire) de l’Union.

Face à ces difficultés, la Présidence française a proposé des options qui n’ont pas pu rassembler une majorité au sein du Conseil.

Deux solutions permettraient de régler ce problème : l’adaptation des textes existants pour permettre la perception transfrontalière des amendes routières ou le développement d’accords bilatéraux.

Les dispositions du traité de Prüm pourraient être utilisées pour identifier le propriétaire du véhicule en infraction et la décision-cadre 2005/214/JAI du 24 février 2005 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires permettrait le recouvrement de l’amende.

La France a signé, le 13 octobre 2008, des accords bilatéraux pour la recherche des contrevenants avec l’Allemagne, le Luxembourg, la Suisse et la Belgique. Des conventions ont été finalisées mais ne sont pas encore signées avec l’Italie et l’Espagne, des négociations sont en cours avec les Pays-Bas et il semblerait qu’une négociation avec la Grande-Bretagne puisse s’engager à brève échéance.

La procédure de ratification allemande semble, d’après les interlocuteurs que j’ai pu rencontrer lors de mon déplacement à Berlin, bloquée par un épineux problème juridique : la possibilité offerte par la loi française d’engager la responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule, même s’il n’est pas l’auteur de l’infraction, est jugée par la partie allemande contraire à leur ordre constitutionnel.

Le développement d’accord internationaux, permettant de percevoir les amendes perçues par les étrangers, implique probablement que notre législation soit modifiée sur certains points.

Trois dispositions de notre droit paraissent poser des problèmes : la responsabilité du propriétaire du véhicule, même s’il n’en est pas le conducteur, l’exigence d’une consignation préalablement à un

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122 Réunion du mercredi 18 février 2009 Bulletin n° 1

recours, l’exclusion des non-résidents du bénéfice d’une amende minorée du fait de difficultés pratiques pour le paiement de l’amende.

Le rapporteur regrette que la proposition de directive sur le règlement transfrontalier des amendes ne voie pas rapidement le jour car la préservation des vies humaines ne peut pas attendre.

Le fait que l’examen de la proposition de directive n’ait pas progressé est d’autant plus regrettable qu’il existe un consensus des Etats membres et des institutions européennes sur le contenu du texte et que le désaccord ne porte que sur des questions d’ordre juridique. C’est-à-dire sur le choix entre 1er et 3ème pilier de l’Union. Il est néanmoins une illustration de la difficulté pour l’Union d’avancer dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, alors que ce domaine intéresse particulièrement le citoyen.

Pour régler la question du paiement transfrontalier des amendes, trois pistes pourraient être envisagées :

La première autoriserait la mise en œuvre de procédures automatisées pour l’exécution de la décision-cadre 2005/214/JAI du Conseil, du 24 février 2005, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires, afin de permettre le recouvrement forcé des amendes routières.

La seconde permettrait la communication, aux autorités de l’Etat membre où a été commise l’infraction, de l’identité des propriétaires des véhicules dans le cadre de la décision 2008/615/JAI du Conseil du 23 juin 2008 relative à l’approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière (traité de Prüm). On peut cependant noter que cet instrument est destiné à la lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière dont ne fait pas partie le recouvrement des amendes pour contraventions au code de la route.

La troisième serait l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui supprime les « trois piliers » de l’Union. En conséquence, les conflits de base juridique entre premier et troisième pilier disparaîtront du débat. Le rôle du Parlement européen sera conforté par la généralisation de la procédure de codécision. Dans ce cadre, il sera plus simple et plus efficace à la Commission européenne de proposer un nouveau texte.

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 18 février 2009 123

M. Jérôme Lambert. Le projet de rapport mentionne des statistiques sur la proportion des infractions imputables aux étrangers, mais il manque des éléments d’information sur leur implication dans les accidents. Même si je comprends bien les motivations de sécurité routière, il pourrait être utile pour les débats portant sur les limitations de vitesse de disposer de statistiques sur le caractère accidentogène de ces véhicules conduits par des étrangers, souvent plus puissants que les automobiles françaises, mais dotés d’une meilleure tenue de route et de systèmes de freinage plus performants.

M. Gérard Voisin, rapporteur. Si ces statistiques existent, nous nous efforcerons de les faire figurer dans le rapport. Il faut néanmoins souligner que les ressortissants étrangers empruntent essentiellement le réseau autoroutier, moins accidentogène que le reste du réseau.

M. Jérôme Lambert. L’impunité présumée des étrangers mérite d’être relativisée. S’ils peuvent échapper au paiement d’amendes liées à des infractions constatées par les radars automatiques, ils sont soumis aux mêmes obligations que les automobilistes français dans les cas de contrôle par radars mobiles. De plus, même si les radars fixes ont pu conduire à une diminution statistique de la vitesse des véhicules, ils ne constituent pas la panacée en matière de sécurité routière. La large diffusion des GPS et autres matériels embarqués permet à de nombreux conducteurs d’adapter leur conduite en fonction de l’implantation de ces radars. Enfin, la consignation obligatoire m’a toujours paru socialement anormale, compte tenu des effets financiers qu’elle peut avoir sur les personnes modestes. Si l’adoption de la proposition de directive pouvait conduire à remettre en cause cette obligation, ce ne serait pas une mauvaise chose.

M. Gérard Voisin, rapporteur. Le Médiateur de la République s’est effectivement ému de ce problème, qui est aujourd'hui en débat. Au-delà de la question de la consignation, on pourrait aussi s’interroger sur la faculté offerte au titulaire de la carte grise de ne pas subir de retrait de points sur son permis, en affirmant qu’une tierce personne – sa belle-mère, par exemple – était au volant. Cette possibilité est d’autant plus aisée à mettre en œuvre que, comme je l’ai déjà indiqué, la majeure partie des photographies est prise de dos. Ce n’est pas le cas en Allemagne où l’on n’hésite d’ailleurs pas à diffuser

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124 Réunion du mercredi 18 février 2009 Bulletin n° 1

largement ces photographies, ce qui peut soulever des difficultés d’un autre ordre.

Sur la question des radars fixes, il faut toutefois souligner que le matériel embarqué n’empêche pas 17 millions d’automobilistes d’être sanctionnés chaque année, ce qui contribue certainement à un renforcement de la sécurité routière.

M. Lionnel Luca. Ce rapport apporte un éclairage sur des difficultés que nos concitoyens rencontrent au quotidien, et l’on peut regretter qu’à des difficultés juridiques liées à la construction européenne s’ajoute une certaine mauvaise volonté. Je remarque que parmi les pays cités ne figure jamais la principauté de Monaco. Dans le département des Alpes-Maritimes, zone montagneuse où les limitations de vitesse sont nombreuses et indispensables, beaucoup de conducteurs dont les véhicules sont immatriculés à Monaco ne tiennent absolument pas compte de ces limitations de vitesse ni des radars. Au-delà du problème de sécurité, ce comportement révèle un sentiment d’impunité inacceptable. En est-il de même avec les conducteurs immatriculés par exemple en Andorre ?

M. Gérard Voisin, rapporteur. Je n’ai pas mené d’investigation sur le comportement des conducteurs immatriculés à Monaco et à Andorre, mais j’ai constaté des comportements similaires de la part de conducteurs suisses en Bourgogne.

Le Président Pierre Lequiller. Ce rapport nous donne encore une raison supplémentaire pour souhaiter la ratification du traité de Lisbonne !

Je m’interroge sur l’amendement adopté par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, qui dispose que « Le titulaire [de la carte grise] n’est pas tenu pour responsable s’il ne conduisait pas le véhicule et s’il n’est pas en mesure d’indiquer l’identité du conducteur ».

M. Gérard Voisin, rapporteur. Cela couvre par exemple le cas d’un chef d’entreprise, propriétaire de toute une flotte de véhicules pour les besoins de son entreprise, et qui en toute bonne foi peut ne pas savoir qui conduisait tel véhicule à un moment donné. »

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 18 février 2009 125

A l’issue de ce débat, la Commission a adopté les conclusions suivantes :

« La Commission chargée des affaires européennes,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil facilitant l’application transfrontalière de la législation dans le domaine de la sécurité routière (COM [2008] 151 final/n° E 3823),

1. Regrette que cette proposition de directive n’ait pas été adoptée par les institutions européennes, car l’amélioration de la sécurité routière constitue un objectif majeur de la politique des transports ;

2. Prend acte des divergences entre les institutions européennes sur le rattachement de cette proposition au « premier » ou au « troisième pilier » de l’Union ;

3. Propose que la décision-cadre 2005/214/JAI du Conseil, du 24 février 2005, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires permette la communication automatisée des amendes routières en vue de leur recouvrement ;

4. Suggère que les mécanismes prévus par la décision 2008/615/JAI du Conseil du 23 juin 2008 relative à l’approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière, soient applicables aux amendes routières ;

5. Estime que l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne permettrait à la Commission européenne de proposer un nouveau texte sur le paiement transfrontalier des amendes routières. »

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126 Réunion du mercredi 18 février 2009 Bulletin n° 1

Examen d’un texte soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point A Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a

adopté les textes suivants :

Agriculture

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 3/2008 du Conseil relatif à des actions d’information et de promotion en faveur des produits agricoles sur le marché intérieur et dans les pays tiers (document E 3907).

Commerce extérieur

- proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l’application provisoire de l’accord de partenariat intérimaire entre la Communauté européenne, d’une part, et les Etats du Pacifique, d’autre part (document E 4203) ;

- proposition de règlement (CE) du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires pour certains produits industriels (3ème série 1995) et modifiant les règlements (CE) n° 2874/94 et (CE) n° 915/95 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires pour certains produits industriels et de la pêche (document E 4206) ;

- recommandation de la Commission au Conseil autorisant la Commission à ouvrir des négociations en vue de modifier le régime d’importation du riz décortiqué (document E 4216) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (document E 4232) ;

- accord intérimaire établissant le cadre d’un accord de partenariat économique entre les Etats d’Afrique orientale et australe,

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 18 février 2009 127

d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part. Accord intérimaire établissant le cadre d’un accord de partenariat économique. Annexe 1 (document E 4254).

PESC et relations extérieures

- proposition de décision du Conseil concernant la signature et la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre la Communauté européenne et la République arabe d’Egypte relatif aux mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, au remplacement des protocoles nos 1 et 2, de l’annexe du protocole n° 1 et de l’annexe du protocole n° 2, et aux modifications de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et la République arabe d’Egypte, d’autre part (document E 4241) ;

- proposition de décision du Conseil sur la position de la Communauté au sein du Conseil d’association UE-Tunisie afin de modifier la décision n° 1/99 du Conseil d’association UE-Tunisie relative à la mise en oeuvre des dispositions concernant les produits agricoles transformés prévues à l’article 10 de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la République tunisienne, d’autre part (document E 4242).

Pêche

- proposition de décision du Conseil établissant la position à adopter au nom de la Communauté européenne à l’égard des propositions de modification de la convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine et de son annexe (document E 4133).

Politique économique

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil accordant une garantie communautaire à la Banque européenne d’investissement en cas de pertes résultant de prêts et de garanties de prêts en faveur de projets réalisés en dehors de la Communauté (document E 4231).

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128 Réunion du mercredi 18 février 2009 Bulletin n° 1

Questions budgétaires

- avant-projet de budget rectificatif n° 2 au budget général 2009. Etat des dépenses par section. Section III. Commission (document E 4243-2).

Point B

La Commission a adopté les textes suivants :

Communications

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 808/2004 concernant les statistiques communautaires sur la société de l'information (document E 4072) ;

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil instituant le programme Média Mundus de coopération audiovisuelle avec les professionnels des pays tiers (document E 4218).

Environnement

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un système de label écologique communautaire (document E 3932).

Espace de liberté, de sécurité et de justice

- recommandation de la Commission au Conseil afin d'autoriser la Commission à engager des négociations en vue de la conclusion, entre la Communauté européenne et le Cap Vert, d'un accord visant à faciliter la délivrance de visas de court séjour (document E 4146) ;

- recommandation de la Commission au Conseil afin d'autoriser la Commission d'engager des négociations en vue de la conclusion d'un accord de réadmission entre la Communauté européenne et le Cap Vert (document E 4165) ;

- projet de décision du Conseil modifiant la décision du Conseil du 27 mars 2000 autorisant le directeur d’Europol à engager des négociations concernant des accords avec des Etats tiers et des instances non liées à l'Union européenne (document E 4223) ;

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Bulletin n° 1 Réunion du mercredi 18 février 2009 129

- budget de SISNET pour l'exercice 2009 (document E 4230) ;

- demande de mandat de négociation pour la présidence dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale sur la base des articles 38 et 24 du traité UE. Accord éventuel en matière d'entraide judiciaire entre l'Union européenne et le Japon (document E 4233).

Accord tacite

En application de la procédure adoptée par la Commission le 29 octobre 2008 (virements de crédits), celle-ci a approuvé tacitement le document suivant :

- proposition de virement de crédits nº DEC1/2009 à l'intérieur de la section III. Commission du budget général pour l'exercice 2009 (DNO) (document E 4269).

Textes adoptés par le Conseil

Enfin, la Commission a pris acte de l’adoption, lors du Conseil du 18 décembre 2008, des trois textes suivants, dont le délai de transmission n’a pas permis à la Commission de les examiner, ni en procédure normale, ni en procédure d’examen en urgence :

- projet de règlement (CE) n° .../… de la Commission du […] modifiant le règlement (CE) n° .../2008 de la Commission portant adoption de certaines normales comptables internationales conformément au règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, concernant des modifications à la norme internationale d'information financière IFRS 1 et à la norme comptable internationale IAS 27. Amendements de IFRS 1. Première adoption des normes internationales d'information financière et de IAS 27 Etats financiers consolidés et individuels. Coût d'une participation dans une filiale, une entité contrôlée conjointement ou une entreprise associée (document E 4151) ;

- projet de règlement (CE) n° .../… de la Commission du [...] modifiant le règlement (CE) n° .../2008 de la Commission portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, pour ce qui concerne des améliorations aux normes internationales d'information financière (IFRS) (document E 4152) ;

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130 Réunion du mercredi 18 février 2009 Bulletin n° 1

- projet de règlement (CE) n° .../… de la Commission du […] modifiant le règlement (CE) n° .../2008 de la Commission portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, pour ce qui concerne la norme comptable internationale IAS 32 et la norme comptable internationale IAS 1 (document E 4154).

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Bulletin n° 1 Réunion du jeudi 19 février 2009 à 10 h 30 131

Réunion du jeudi 19 février 2009 à 10 h 30 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,

et de M. Axel Poniatowski, Président de la Commission des affaires étrangères

Adhésion de la Croatie

Audition, conjointe avec la Commission des affaires étrangères, de M. Ivo Sanader, Premier ministre de Croatie (ouverte à la presse)

M. Axel Poniatowski, Président de la Commission des affaires étrangères. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, d’avoir accepté l’invitation de nos deux commissions réunies. Nous sommes heureux de vous recevoir à l’occasion de votre visite en France. Outre vos entretiens avec le Président de la République et le Premier ministre, votre journée comportera aussi l’inauguration de la nouvelle chancellerie de l’ambassade de Croatie à Paris. Cette célébration de l’entente entre nos deux pays fait écho à l’attention portée par la France, au cours de sa présidence du Conseil de l’Union européenne, à la question de l’adhésion de la Croatie.

Vos réponses à nos interrogations, monsieur le Premier ministre, seront d’autant plus éclairées que vous avez, depuis de nombreuses années, fait du rapprochement avec l’Union européenne votre ligne de conduite politique. Ayant pris vos fonctions actuelles en décembre 2003, environ deux ans avant le début des négociations d’adhésion, vous avez été l’acteur privilégié de ce rapprochement, et la nouvelle victoire de votre parti aux élections législatives de novembre 2007 vous a conforté dans la poursuite de cet objectif.

En parallèle de ce mouvement, la Croatie, invitée à rejoindre l’OTAN lors du sommet de Bucarest, en avril 2008, va en devenir membre à part entière au prochain sommet de Strasbourg-Kehl. La loi française autorisant la ratification du protocole relatif à cette entrée de votre pays dans l’OTAN vient d’être publiée.

Nous sommes également heureux d’accueillir un homme de culture qui, avant de s’engager dans une carrière politique de député puis

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132 Réunion du jeudi 19 février 2009 à 10 h 30 Bulletin n° 1

de ministre, a été directeur de théâtre et qui, au cours de ses études littéraires, s’est notamment intéressé à l’œuvre de Jean Anouilh.

Monsieur le Premier ministre, vous avez la parole.

M. Ivo Sanader, Premier ministre de Croatie. J’ai accepté avec grand plaisir votre invitation, qui me donne la possibilité d’engager un dialogue ouvert avec vous. Permettez-moi d’abord exprimer ma reconnaissance au Parlement français pour le soutien qu’il a apporté à la Croatie en vue de son adhésion à l’Union européenne et de son entrée dans l’OTAN. Je tiens à souligner l’importance de la décision prise par l’Assemblée nationale et le Sénat d’autoriser la ratification du protocole relatif à l’adhésion de la Croatie à l’Alliance atlantique, qui ouvre la voie à d’autres, jusqu’à l’achèvement du processus de ratification. Aussi, je l’espère, nous apprêtons-nous à célébrer dans un mois et demi, à Strasbourg et à Kehl, en même temps que le soixantième anniversaire de l’OTAN, le retour de la France dans sa structure militaire intégrée et l’adhésion de la Croatie, une adhésion qui contribuera également à accroître la capacité de défense européenne. La Croatie est déterminée à soutenir le renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense, ce qu’elle fait déjà en participant aux missions de l’Union européenne au Tchad, en Afghanistan et au Kosovo. Le partenariat transatlantique, auquel notre pays apporte son plein soutien, a besoin d’une Europe forte, unie sur les principes du droit, de la solidarité et de la coopération.

C’est cette vision d’une Europe unie qui a inspiré des générations de Croates. Ils ont rêvé du jour où la Croatie, à nouveau aux côtés de la France et des autres démocraties occidentales, apporterait son concours à la construction de l’Europe de l’avenir. Nous n’oublions pas la déclaration de Robert Schuman, dans laquelle il affirmait : « Il n’est plus question de vaines paroles, mais d’un acte hardi, d’un acte constructif. La France a agi, et les conséquences de son action peuvent être immenses. Nous espérons qu’elles le seront. » Elles l’ont été, conduisant à l’intégration européenne. Ce processus doit aujourd’hui se poursuivre et s’approfondir.

A cet égard, je souligne mon plein accord avec le Président Nicolas Sarkozy quant à la nécessité d’achever le processus de ratification du traité de Lisbonne. Je ne le dis pas seulement à Paris : je l’ai dit l’an dernier à Dublin, et je l’ai redit à Prague, à la convention de

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l’ODS, à l’occasion de la réélection de M. Topolánek à la tête du parti au pouvoir.

Au moment où nous sommes confrontés à une crise financière et économique mondiale, il est plus que jamais indispensable que l’Europe se dote de mécanismes modernes lui permettant d’agir efficacement. Cette crise représente un grand défi, mais c’est également une chance pour approfondir de manière résolue l’intégration européenne. C’est pourquoi je soutiens ardemment le traité de Lisbonne, qui doit permettre le bon fonctionnement d’une Union européenne comptant en son sein la Croatie, vingt-huitième Etat membre. Le Président Sarkozy a clairement exposé cette perspective en décembre dernier, à Bruxelles et à Strasbourg. La Croatie s’en félicite car elle correspond aux valeurs fondatrices de l’Union européenne.

Notre pays a déjà accompli de grands progrès pour répondre aux critères d’adhésion. C’est pourquoi la Commission européenne a élaboré, en novembre dernier, une feuille de route en vue de la conclusion des négociations en 2009, processus confirmé en décembre par le Conseil européen, sous présidence française.

Toutefois, une semaine seulement après les conclusions de ce Conseil européen de décembre, le Gouvernement de la Slovénie a décidé de bloquer nos négociations d’adhésion en raison d’un contentieux frontalier bilatéral non résolu. Ce faisant, les Slovènes ont négligé le fait qu’ils avaient eux-mêmes rejoint l’Union européenne sans que ce problème ait été réglé. À l’époque, nous ne l’avions pas porté au niveau européen ; au contraire, nous nous étions félicités de l’adhésion de nos voisins à l’Union. Aujourd’hui, les mêmes règles doivent s’appliquer à la Croatie. Les deux processus, celui des négociations d’adhésion et celui du règlement de la question frontalière, sont tout à fait indépendants et doivent être clairement distingués.

Permettez-moi de rappeler que pour éviter toute nouvelle tension, l’ancien Premier ministre slovène Janez Janša et moi-même, forts du soutien des dirigeants des partis de l’opposition, en Slovénie comme en Croatie, sommes convenus en août 2007, à Bled, de soumettre ce litige à la Cour internationale de justice de La Haye. Nous avions alors conclu d’un commun accord – et cette conclusion vaut toujours – que, le droit international et les conventions auxquelles nos deux pays ont souscrit constituant la pierre angulaire de l’ordre européen, la seule

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solution durable était de nous en remettre à l’arbitrage de la Cour internationale de justice.

Conformément à l’accord de Bled, la Slovénie et la Croatie ont installé des commissions mixtes chargées de préparer la procédure à engager auprès de la Cour de La Haye. Mais, alors que ces commissions sont allées très loin dans l’harmonisation des critères à retenir dans la procédure auprès de la Cour, nous assistons à une tentative visant à résoudre notre litige frontalier en pesant sur le cours de nos négociations d’adhésion avec l’Union européenne. Nous rejetons ce faux dilemme. La Croatie rejoindra l’Union européenne comme la Slovénie l’a fait, et sous les mêmes conditions.

Je tiens à souligner aussi que, demain, la Croatie, membre de l’Union européenne, s’engagera en faveur d’une perspective européenne pour tous ses pays voisins d’Europe du Sud-Est, et que jamais elle ne bloquera leurs négociations d’adhésion en raison de questions bilatérales. N’est-ce pas la force même de l’Union européenne que la primauté du droit, la solidarité, la tolérance ? N’est-ce pas la force de la déclaration Schuman d’avoir mis fin aux affrontements frontaliers et fait prévaloir la paix et la prospérité dans un espace élargi ? Au cours de ces six dernières décennies, par son influence et son autorité, la France a contribué, avec les autres démocraties européennes, à l’aboutissement de ce projet. Je suis convaincu que le temps des « actes hardis et constructifs » est à nouveau venu, celui de la consolidation des principes fondamentaux d’une Union européenne forte, à l’avenir de laquelle la Croatie entend apporter sa contribution en tant que vingt-huitième État membre.

M. Pierre Lequiller, Président de la Commission chargée des affaires européennes. Monsieur le Premier ministre, je suis heureux de vous accueillir en ces murs pour vous dire combien nous souhaitons tous voir la Croatie devenir le vingt-huitième Etat membre de l’Union européenne. Avec M. Jérôme Lambert, rapporteur d’information de notre Commission sur le processus d’adhésion de la Croatie à l’Union, nous sommes favorables à cette adhésion. Nous nous réjouissons des progrès que votre pays a accomplis vers sa future intégration, en particulier sous la présidence française puisque, sur les vingt-deux chapitres ouverts, dont sept ont été clos depuis le début des négociations, cinq ont été ouverts et quatre ont été clos au cours du second semestre 2008.

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Nous nous félicitons par ailleurs que les députés tchèques aient approuvé, hier, le traité de Lisbonne. On peut espérer que le Sénat tchèque se prononcera sous peu, puis l’Irlande, son Premier ministre s’y étant engagé. La perspective d’une ratification du traité avant octobre 2009 se rapprocherait donc, ce qui faciliterait l’adhésion de la Croatie.

Cependant, le différend frontalier auquel vous avez fait allusion a eu pour effet que la Slovénie a bloqué l’ouverture ou la clôture de dix chapitres de la négociation en cours. Nous comprenons très bien votre point de vue mais nous aimerions savoir si vous entendez privilégier un règlement politique ou une approche juridique par la saisine de la Cour internationale de justice. Par ailleurs, vous avez clairement indiqué que vous ne vous opposerez pas à l’adhésion d’autres pays des Balkans. Toutefois, ne serait-il pas judicieux d’engager dès maintenant des discussions avec les pays voisins pour éviter la répétition de tels blocages ?

S’agissant de la réforme du système judiciaire et de la lutte contre la corruption et le crime organisé, vous avez déjà accompli d’importants progrès en créant des forces spéciales de police de lutte contre la corruption et le crime organisé ainsi qu’un département spécialisé au sein du bureau du procureur et des tribunaux spécialisés. Vous avez aussi adopté le principe de la confiscation des biens d’une personne accusée de corruption ou de crime organisé. On reproche toutefois au gouvernement croate de ne pas faire tout ce qu’il faudrait, et l’assassinat du propriétaire de l’hebdomadaire National et du directeur du marketing de ce groupe de presse a relancé ces accusations.

On vous reproche aussi de tarder à remettre au procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie – le TPIY – les documents militaires qu’il vous a demandés. Pourriez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

Quel est, par ailleurs, l’impact de la crise économique et financière sur les finances publiques croates ? La crise aura-t-elle des conséquences sur le programme de privatisation des six chantiers navals, principal critère d’ouverture de la négociation sur le chapitre de la concurrence ?

Dans quelle mesure le dernier conflit gazier a-t-il touché la Croatie et quelles conclusions en tirez-vous pour le renforcement de la Communauté de l’énergie constituée par l’Union européenne et l’Europe

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du Sud-Est et, par ailleurs, comment voyez-vous le partenariat oriental que la République tchèque a fait figurer dans le programme de sa présidence de l’Union ?

M. Ivo Sanader. Je remercie une nouvelle fois M. Axel Poniatowski et M. Pierre Lequiller de m’avoir invité à m’exprimer devant vous. Je les remercie aussi de leurs paroles d’encouragement et du désir qu’ils ont exprimé de voir la Croatie devenir le 28e Etat de l’Union européenne.

En engageant les démarches d’adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne, la Croatie n’a pas pour autant tourné le dos à ses voisins. Elle continue de coopérer avec tous les pays de l’Europe du Sud-Est. Ainsi, je me rendrai le mois prochain en visite officielle à Belgrade pour poursuivre le dialogue fructueux engagé de longue date avec la Serbie. La Croatie et la Serbie ont, en particulier, signé dix accords bilatéraux relatifs à la protection croisée des minorités nationales - les Croates de Serbie et les Serbes de Croatie. Le dialogue entre Zagreb et Belgrade a un effet bénéfique pour tous les pays de la région. Certes, après que la Croatie a reconnu le Kosovo, des problèmes ont surgi entre nos deux pays, mais je suis convaincu que nous les surmonterons. Dans tous les cas, le dialogue serbo-croate est nécessaire, et la Croatie appuie la candidature de la Serbie à l’Union européenne et à l’OTAN.

D’autre part, j’ai reçu les représentants des trois communautés de Bosnie-Herzégovine. Dans ce pays, la réforme de la Constitution doit impérativement conduire à garantir à la fois l’unicité d’une Bosnie indivisible, l’égalité entre les trois communautés – serbe, bosniaque et croate – qui la constituent et une orientation euro-atlantique. La Croatie appuie sans faillir le dialogue entre les chefs de file des trois peuples qui, dans la Yougoslavie de Tito, étaient des peuples souverains traitant sur un pied d’égalité. Le maintien de la force multinationale de paix est encore nécessaire en Bosnie-Herzégovine, mais il serait bon que ce pays parvienne à s’émanciper politiquement et à devenir réellement indépendant.

La semaine dernière, j’ai reçu le Premier ministre albanais. Je m’apprête à me rendre en visite officielle au Monténégro et je suis aussi allé en Turquie. Comme vous le constatez, les efforts que nous déployons pour adhérer à l’Union européenne et à l’OTAN ne signifient

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pas que nous nous soyons le moins du monde détournés du reste de la région.

S’agissant de la Slovénie, je m’entretiendrai, la semaine prochaine, avec mon homologue, le Premier ministre Borut Pahor. Cette rencontre a bien entendu été préparée par des contacts diplomatiques. Je souhaite revenir un instant sur la question litigieuse du tracé de certaines de nos frontières communes, qui préexistait à l’adhésion de la Slovénie à l’OTAN et à l’Union européenne. Outre que le problème ne se pose que pour des segments limités de nos frontières communes, j’observe que la Slovénie a pu adhérer à ces deux organisations internationales alors que la question était déjà en suspens. Il n’y a aucune raison qu’il n’en soit pas de même pour la Croatie, d’autant que la situation était plus délicate lors de l’adhésion de la Slovénie : ce qui était alors en jeu était le tracé des frontières extérieures de l’Union européenne. La Slovénie étant désormais membre de l’Union, le différend porte sur des frontières intérieures ; le problème est donc beaucoup moins important. En 2004, la Croatie s’était félicitée de l’adhésion de la Slovénie à l’Union, sans avoir songé à bloquer le processus.

Le mieux serait de trouver une solution fondée sur les principes du droit international, en chargeant la Cour internationale de justice de La Haye de définir le tracé des frontières. Il faut que Zagreb et Ljubljana s’engagent, avant même l’ouverture de la procédure, à accepter la décision de la Cour. Les deux Parlements doivent faire une déclaration en ce sens. Même s’il en va autrement, les décisions de la Cour internationale de justice, organe judiciaire de l’Organisation des Nations unies, doivent s’appliquer. Privilégier une solution politique ne serait pas judicieux car le tracé des frontières ainsi déterminé ne pourrait que susciter des frustrations dans les deux pays. Mieux vaut, sans conteste, que la Cour tranche. Un différend du même type a opposé la Roumanie à l’Ukraine ; il leur a fallu dix ans pour trancher, mais elles y sont parvenues. En ce qui concerne la Croatie et la Slovénie, le litige est déjà vieux de dix-huit ans... Cela étant, la Slovénie est un pays ami et nous considérons que ce qui nous lie est bien plus important que ces quelques questions en suspens. En résumé, si la Slovénie a pu adhérer à l’Union européenne et à l’OTAN sans que le litige ait été réglé, la Croatie doit pouvoir le faire elle aussi.

La question m’a été posée des relations entre la Croatie et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie – le TPIY – et, en

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particulier, de la remise au bureau du procureur des registres d’artillerie dont il a demandé la transmission. Je tiens à vous faire savoir qu’hier, le procureur du TPIY, M. Serge Brammertz a souligné devant le Coreper que la coopération entre la Croatie et le tribunal était très bonne et qu’il pensait avoir communication des documents demandés d’ici fin juin. La Croatie tient à respecter tant ses engagements internationaux que la loi constitutionnelle relative à la coopération avec le TPIY qu’elle a adoptée en 1995. Le TPIY, émanation du Conseil de sécurité des Nations Unies, est une excellente institution, puisqu’il est destiné à punir les auteurs de crimes et d’atteintes au droit international. Je me félicite donc de l’opinion très favorable exprimée hier par son procureur sur la coopération apportée par la Croatie.

Vous m’avez demandé quel a été l’impact de la crise financière sur la Croatie. Pour l’instant, les banques croates ont plutôt bien traversé la crise. Le système bancaire croate est assez stable. Quatre-vingt-dix pour cent des banques ont été privatisées ; elles sont désormais pour la plupart filiales de banques italiennes, allemandes et autrichiennes. La Société générale a aussi une forte présence dans notre pays. Notre système bancaire est solide et la crise ne l’a pas bouleversé. Les sociétés mères n’ont pas l’intention de retirer les dépôts constitués en Croatie, et les bénéfices des filiales croates des établissements bancaires étrangers continueront d’être réinvestis dans notre pays. J’ai eu des assurances à ce sujet, en particulier du nouveau gouvernement autrichien.

On peut craindre, en revanche, un plus fort impact de la crise économique, ce qui nous a poussé à constituer, il y a deux mois, un conseil économique composé d’experts chargés de conseiller le Gouvernement et les partenaires sociaux. Il est difficile de savoir si la saison touristique sera aussi bonne cette année que les années précédentes mais nous l’espérons ; nous nous félicitons en tout cas de ce que le nombre de touristes français en villégiature en Croatie ne cesse de croître. Le plus grave sera, à n’en pas douter, l’augmentation du chômage. Les experts du Conseil économique nous aideront à trouver des mesures évitant que nos PME soient contraintes de licencier.

S’agissant de la privatisation des chantiers navals, nous entretenons des contacts permanents avec la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne. En accord avec elle et avec les partenaires sociaux croates, nous allons lancer des appels d’offres

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internationaux concernant nos six chantiers navals les plus importants. A l’époque yougoslave, 90 % des chantiers navals de la Fédération étaient situés en Croatie. Nous disposons ainsi d’une main-d’œuvre très qualifiée, et nous souhaitons maintenir cette activité et les emplois qu’elle représente. Nous attendons des nouveaux investisseurs qu’ils renforcent ce secteur important pour notre économie. Bien entendu, les appels d’offres seront faits avec l’aval de la Commission européenne.

La production gazière croate, qui provient d’une part des plateformes offshore situées en mer Adriatique, d’autre part des gisements exploités en Slavonie, couvre 60 % des besoins du pays. Les 40 % manquants sont importés de Russie, aux termes d’un accord passé avec Gazprom. La Croatie, membre de la Communauté de l’énergie, contribuera à ce titre à trois projets européens. Elle entend par ailleurs participer à trois projets lui permettant de diversifier l’origine de ses importations de gaz. Il s’agit en premier lieu de l’édification d’un terminal de regazéification de gaz naturel liquéfié, situé sur l’île de Krk. La construction et l’exploitation seraient assurées par un consortium au capital duquel Total et une société allemande participeraient à hauteur de 75 %, et la Croatie à hauteur de 25 %. Toutes les études techniques et d’impact environnemental ont déjà été faites et nous souhaitons que les travaux commencent au plus tôt. Je me suis par ailleurs entretenu avec M. Erdogan, Premier ministre de Turquie, de la construction d’un gazoduc reliant la mer Caspienne à l’Italie, et nous sommes convenus d’organiser une conférence ministérielle en Turquie à ce sujet. Ce projet intéresse un consortium constitué d’une société suisse et d’une société norvégienne. S’il aboutit, une interconnexion vers l’Albanie est prévue. Enfin, nous souhaitons importer du gaz d’Algérie, via l’Italie, en utilisant pour cela le gazoduc existant. Pour autant, nous ne souhaitons pas interrompre nos relations avec Gazprom, avec lequel notre accord arrive à échéance fin 2009 ; des contacts ont eu lieu hier encore, mais nous ne voulons pas dépendre de ce seul fournisseur.

Le Président Axel Poniatowski. La Croatie a obtenu, en novembre 2004, le statut d’observateur auprès de l’Organisation internationale de la francophonie. Pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, nous dire les raisons de cette démarche ?

M. Robert Lecou. Comment la Croatie envisage-t-elle le respect des droits des minorités et des réfugiés ? Quelle appréciation votre Gouvernement porte-t-il sur l’Union pour la Méditerranée ? Qu’en

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attendez-vous et comment pouvez-vous y contribuer, en particulier dans les domaines économique et culturel et en matière d’environnement et de pêche durable ?

Mme Marietta Karamanli. Une enquête menée à l’été 2008 concluait à un fort scepticisme des Croates à l’égard de l’Europe, moins de 30 % d’entre eux disant souhaiter voir leur pays adhérer à l’Union européenne alors que la proportion était de 50 % en Turquie, et de 70 % dans l’Ancienne République yougoslave de Macédoine. Il ressortait aussi de cette enquête que les préoccupations principales de vos concitoyens portaient sur la sécurité et la justice, dont la réforme demeure inachevée. Qu’en est-il actuellement ?

M. Jérôme Lambert. Après avoir été, il y a quelques années, chargé du rapport sur le processus d’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne, je suis aujourd’hui, avec mon collègue Thierry Mariani, chargé d’un rapport sur l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne qui sera soumise au vote du Parlement, et j’en suis fort heureux. Sachez, monsieur le Premier ministre, que notre disponibilité est entière, car nous avons le souci de construire une relation plus solide encore entre nos deux pays dans le cadre de l’Union européenne.

La Croatie a donc décidé d’adhérer à l’OTAN, comme l’ont fait de très nombreux membres de l’Union européenne. Mais quelle est votre vision de la politique de défense européenne ?

M. Patrick Bloche. En ma qualité de président du groupe d’amitié France-Croatie de l’Assemblée nationale, je me félicite des relations entre nos deux Parlements. Nous recevrons à nouveau une délégation du Sabor en juin, car nous avons voulu intensifier nos relations pour promouvoir l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne. Je me réjouis par ailleurs que le président croate du groupe d’amitié Croatie-France ne soit autre que M. Petar Selem, ancien directeur du Théâtre de l’Europe à Paris, dont je sais l’amitié qui vous lie.

M. Ivo Sanader. La Croatie a effectivement demandé et obtenu le statut d’observateur auprès de l’Organisation internationale de la francophonie. Les jeunes Croates, de plus en plus nombreux, apprennent le français. Je m’en félicite. Cet intérêt croissant s’explique par l’attraction que la France, et Paris en particulier, exercent depuis toujours sur nos artistes et nos écrivains. La littérature française a nourri

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Bulletin n° 1 Réunion du jeudi 19 février 2009 à 10 h 30 141

plusieurs générations de Croates. Ce fut mon cas : j’ai suivi des études de philologie romane et de littérature française, consacrant mon doctorat à Jean Anouilh.

Vous m’avez interrogé sur la situation dans les Balkans. Je considère que tout élargissement de l’OTAN et de l’Union européenne contribue à réduire l’instabilité dans la région. Je me félicite donc que la Croatie et l’Albanie rejoignent l’Alliance atlantique dans quelques semaines. S’agissant de l’Union européenne, il faut favoriser l’adhésion des pays de l’Europe du Sud-Est qui le souhaitent, si les conditions nécessaires sont remplies. Comme on l’a vu jusqu’à présent, l’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN est un moteur de réforme. Nos voisins voient en la Croatie une nation qui s’est déjà beaucoup réformée, et ils constatent que ces réformes paient. La perspective de l’adhésion est une incitation à faire siennes les valeurs européennes. L’entrée de la Croatie dans l’OTAN n’est pas seulement une adhésion à une alliance militaire ; c’est avant tout une adhésion à des valeurs communes de paix, de respect des droits de l’homme et de démocratie, et à l’économie de marché.

Mme Marietta Karamanli a évoqué la faible adhésion des Croates à l’idée européenne. Il en a été de même lorsque l’hypothèse d’une adhésion à l’OTAN a été évoquée pour la première fois. À cette époque, un quart seulement de la population était favorable à cette idée. Mais lorsque nous avons expliqué qu’il s’agissait de partager des valeurs communes, l’image de l’OTAN a changé au sein de la population et la proportion de refus a diminué. Je suis convaincu qu’il en ira de même s’agissant de l’adhésion à l’Union européenne. Le problème vient de ce que, en cas de difficultés, les gens ont tendance à rejeter la faute sur l’Union, qui impose ceci ou cela à la Croatie – ce qui fait reculer leur soutien à l’idée européenne. Ainsi, en 2005, les négociations d’adhésion auraient dû commencer en mars, mais elles ont été reportées de sept mois à cause du cas Ante Gotovina. Inutile de dire qu’en mars, le soutien à l’entrée dans l’Union européenne était au plus bas. Mais, aussitôt les négociations lancées, la proportion de citoyens croates favorables à l’adhésion a remonté dans des proportions spectaculaires. Je suis certain que ce soutien se renforcera encore et que le référendum se soldera par 60 à 65 % de « oui ». Il est logique que les citoyens suivent les négociations d’adhésion avec attention, mais ils doivent avoir une vision exacte des choses.

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M. Robert Lecou m’a interrogé sur le respect des droits des minorités nationales. En 2003 déjà, mon gouvernement a demandé aux représentants de ces minorités de rejoindre notre coalition. Actuellement, le Sabor compte 153 députés, dont huit appartiennent à une minorité – trois Serbes, un Italien, un Hongrois, un Bosniaque, un Tchèque et, pour la première fois, un Rom. J’ajoute que l’un des vice-présidents est un Serbe. Le peuple croate doit faire preuve de sa largesse d’esprit en soutenant ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les minorités nationales. L’accord conclu à ce sujet avec la Serbie est des plus importants ; je l’ai co-signé en 2004 avec mon homologue de l’époque, M. Koštunica.

La Croatie est membre de l’Union pour la Méditerranée, qui instaure de nouvelles collaborations sans aller contre l’Union européenne. Tous les pays riverains de la Méditerranée devraient renforcer leur coopération car la crise énergétique les touche tous. Les propositions formulées à cet égard par la Commission européenne sont excellentes.

En Croatie, un nouveau ministre de l’intérieur et un nouveau ministre de la justice ont été nommés il y a quatre mois, et ils ont déjà obtenu d’excellents résultats. La réforme de la justice est lancée, et la Croatie bénéficie des conseils d’un expert français. Nous avons d’ailleurs décidé de nous conformer au modèle français pour ce qui est de la formation des juges, et une école de la magistrature ouvrira à l’automne à Split. Comme à l’école de Bordeaux, les candidats reçus au concours seront formés pour devenir des juges professionnels indépendants, et seule la compétence prévaudra.

Nous considérons que l’appartenance à l’OTAN et la définition d’une politique de défense européenne sont compatibles. Le partenariat transatlantique est la condition sine qua non de la stabilité, aussi bien pour les États-Unis que pour l’Europe. L’utilité de l’Alliance n’est plus à démontrer, ce qui n’empêche pas que la politique de défense et de sécurité européenne devra s’en émanciper.

Je ne conclurai pas sans remercier M. Patrick Bloche du travail accompli dans le cadre du groupe d’amitié France-Croatie et de ses aimables propos.

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Bulletin n° 1 Réunion du jeudi 19 février 2009 à 10 h 30 143

Le Président Axel Poniatowski. Au nom de M. Pierre Lequiller et en mon nom personnel, je vous remercie, monsieur le Premier ministre, d’avoir accepté de répondre à nos questions. Nous nous réjouissons tous de la future entrée de la Croatie dans l’Union européenne.

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Bulletin n° 1 Réunion du jeudi 19 février 2009 à 11 h 30 145

Réunion du jeudi 19 février 2009 à 11 h 30 Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,

et de M. Axel Poniatowski, Président de la Commission des affaires étrangères

Adhésion de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine

Audition, conjointe avec la Commission des affaires étrangères, de M. Ivica Bocevski, Vice-Premier ministre pour l’intégration européenne de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM) (ouverte à la presse)

M. Axel Poniatowski, Président de la Commission des affaires étrangères. Monsieur le Vice-Premier ministre, nous sommes heureux de vous accueillir devant nos deux commissions réunies. Votre jeune âge n’a échappé à personne mais votre expérience européenne est déjà riche, en tant qu’étudiant puis comme jeune chercheur en sciences politiques. Vous avez également été journaliste dans la presse écrite et à la télévision. La combinaison de ces divers talents est certainement utile à la nécessaire pédagogie du rapprochement avec l’Union européenne, auquel vous êtes très attaché. Nous nous réjouissons de pouvoir dialoguer avec vous ce matin.

M. Ivica Bocevski, Vice-Premier ministre de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine chargé de l’intégration européenne. Permettez-moi de m’adresser à vous d’abord dans ma langue maternelle, comme je le fais à chacun de mes déplacements à l’étranger.

Vous les Français, vous avez pour habitude d’envoyer les meilleurs d’entre vous à l’étranger pour qu’ils y deviennent des héros nationaux : il y a deux cents ans, vous avez envoyé La Fayette aux Etats-Unis ; il y a vingt ans, vous avez envoyé M. Robert Badinter en Macédoine, où il est devenu un héros ! C’est la raison pour laquelle j’ai eu ce matin un entretien très intéressant avec M. Badinter, personne avec laquelle l’histoire des perspectives européennes de la Macédoine a commencé. Je remercie la France de la part qu’elle a prise à la création

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146 Réunion du jeudi 19 février 2009 à 11 h 30 Bulletin n° 1

d’un Etat moderne de Macédoine, et je suis profondément convaincu que l’avenir européen de mon pays est impossible sans son appui.

Je vais maintenant poursuivre mon propos en langue anglaise.

Nous tous ici souhaitons être membres à part entière de l’Union européenne. L’intégration est l’aboutissement logique du processus d’européanisation – développement du marché, droits de l’homme, protection des droits des minorités, renforcement des institutions politiques – qui est à l’œuvre dans l’ensemble de l’Europe centrale et orientale et en Europe du Sud-Est.

L’Union européenne nous a aidés à parvenir à la stabilité, et à long terme elle peut nous apporter la prospérité. C’est ce à quoi aspirent, bien sûr, non seulement les Macédoniens, mais tous les peuples des Balkans. Nous partageons l’histoire, la civilisation et les valeurs de l’Europe ; néanmoins, il nous a fallu assez longtemps pour parvenir à cet objectif stratégique. Le processus est en cours dans toute la région, il est un peu plus long chez nous que chez certains de nos voisins.

Les Balkans ont été stigmatisés dans le passé comme une région de troubles. Ses perspectives ont longtemps été incertaines. L’instrument de l’européanisation n’a pas été perçu partout de la même façon. Sans refaire l’histoire, force est de reconnaître que les Balkans ont manqué beaucoup d’occasions. Il n’est cependant pas trop tard, et je veux aujourd’hui parler des étapes à venir et de l’avenir européen que nous voulons offrir à nos concitoyens.

Dans la région, certains pays sont plus avancés que d’autres dans le processus d’adhésion, mais notre dénominateur commun est bien la perspective d’intégrer l’Union. Nous, dirigeants politiques des Balkans, avons devant nos concitoyens et devant l’Histoire la responsabilité d’atteindre ce but et de défendre les valeurs qui sont celles de l’Union européenne.

Cela dit, il faut aussi relever les défis immédiats, et 2009 ne sera pour personne une année facile. Compte tenu de la crise monétaire et financière et des difficultés dans la ratification du traité de Lisbonne, je ne pense pas que l’élargissement soit cette année une priorité pour l’Union européenne. Je salue l’engagement de la présidence tchèque sur le dossier des Balkans, nous attendons également beaucoup de la

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présidence suédoise. Mais c’est dans l’ensemble de l’Union comme dans les Balkans et à Bruxelles qu’il faut une implication politique forte pour que le processus d’élargissement puisse se poursuivre. Malheureusement, l’avenir de celui-ci manque de clarté, de même que les critères d’adhésion. L’Agenda de Thessalonique garantissait une perspective d’intégration à tous les pays participant au processus de stabilisation et d’association et satisfaisant aux critères de Copenhague, mais depuis le récent élargissement à deux de nos voisins, la Bulgarie et la Roumanie, la procédure est transformée. Désormais, il nous faut remplir des critères définis non seulement par l’Union, mais aussi par certaines capitales européennes – Athènes en ce qui nous concerne. Le processus d’origine est perverti par l’introduction de négociations sans fin et de critères de conditionnalité stricte.

Chers amis, le temps est compté. A tout processus, il faut un point de départ et un point d’arrivée clairement définis. Dans l’ensemble des Balkans occidentaux, nous avons besoin d’avoir des perspectives claires et de connaître précisément les critères qui nous sont imposés, faute de quoi nous allons nous épuiser. La Commission et les Etats membres doivent aujourd’hui comprendre notre message. L’évolution actuelle amoindrit le rôle, jusqu’à présent moteur, de la commission dans le processus d’élargissement de l’Union, qui a pourtant été sa plus belle réussite.

Le temps est venu de remettre le dossier à plat au niveau de l’Union européenne –et sans doute aussi à Paris. Il faut tout d’abord établir un plan d’ensemble pour chacun des pays des Balkans, non en se limitant à la prochaine étape de la procédure d’élargissement, mais en vue d’une intégration pleine et entière dans l’Union. Ce plan doit préciser tous les critères et le calendrier ; dans le contexte difficile qu nous connaissons, c’est indispensable pour nous.

Permettez-moi d’évoquer enfin le processus de libéralisation des visas. Il est paradoxal que ma mère et les personnes de sa génération, qui avaient des passeports yougoslaves, établis du temps de la Yougoslavie de Tito, régime totalitaire communiste, aient eu la possibilité de circuler librement en Europe de l’Est et de l’Ouest et qu’à ma génération, avec un passeport macédonien, et alors que la Macédoine démocratique est candidate à l’adhésion à l’Union européenne, nous ayons été confinés en Macédoine pendant des années. En outre, dans une période difficile comme celle que nous vivons aujourd’hui avec la crise

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économique, les gens qui vivent coupés du monde sont des proies faciles pour les démagogues, les populistes, les xénophobes et autres nationalistes. Il ne faut pas permettre cela dans les Balkans. En Macédoine, plus de 70 % des jeunes de 16 à 30 ne sont jamais allés dans un pays de l’Union européenne ; et actuellement, les visas coûtent à notre population plus de 5 millions d’euros par an.

Pour conclure, je vous rappelle que la Macédoine est candidate à l’adhésion depuis trois ans, mais qu’aucune date n’est encore fixée pour le début des négociations d’adhésion. Dans ce contexte, je suis heureux de pouvoir engager un débat avec vous.

M. Pierre Lequiller, Président de la Commission chargée des affaires européennes. A mon tour, je tiens à vous dire combien nous sommes heureux de vous accueillir. Bien évidemment, nous souhaitons à terme l’adhésion de votre pays à l’Union européenne. Parmi les diverses questions qui se posent, je voudrais insister sur la réforme du système judiciaire et la lutte contre la corruption et le crime organisé. C’est en effet l’un des points-clés des discussions avec l’Union. Je souhaiterais également vous entendre à propos du nom de votre pays, point de litige important avec la Grèce.

M. Ivica Bocevski. Je vous remercie d’avoir évoqué ces sujets. Dans le dernier rapport de la Commission européenne, il est écrit que la Macédoine a progressé dans le domaine judiciaire et dans la lutte contre la corruption, mais comme nous le savons tous il faut en la matière un effort continu. Après le programme de réformes judiciaires de 2004, nous envisageons une nouvelle étape, et nous sommes actuellement en train d’informatiser nos tribunaux. Par ailleurs, la Macédoine a considérablement amélioré depuis deux ans son rang dans le classement selon l’indice de perception de la corruption (IPC) effectué par Transparency International. Après un gain de 21 places entre 2006 et 2007, la Macédoine figure en 2008 à la 72ème place, ce qui montre la détermination du Gouvernement. Le conseil anti-corruption est présidé par le Premier ministre lui-même. Nous avons prévu de relier toutes les bases nationales de données entre elles. Tout est mis en œuvre pour faire progresser la lutte contre la corruption.

Mais j’en reviens au sujet principal. Les Macédoniens ont eu une histoire tumultueuse, particulièrement au cours du dernier siècle. Ils voient se développer en provenance de Grèce une nouvelle rhétorique

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qui remet en question leur identité. Or pour ma part, je ne peux pas me désigner autrement que comme Macédonien, je ne peux pas donner à ma langue un autre nom que le macédonien, mon Eglise est l’Eglise macédonienne. Ainsi, quand je vois, même dans les publications de l’Union européenne, présenter ma langue comme l’une des langues de l’ARYM, je trouve cela très insultant et provocateur.

L’histoire très mouvementée que nous avons connue explique que le projet d’adhésion à l’Union européenne soit chez nous si populaire. 92 % des Macédoniens le soutiennent. Il apparaît en effet comme le moyen de mettre un point final à ces tourments et de donner toute sa place à la Macédoine dans le concert des nations. L’Union européenne est une société post-moderne, où l’on ne remet pas en question l’identité des autres.

Les négociations ont repris avec un nouveau négociateur. Après les élections en Macédoine et les élections européennes en Grèce, je pense que le processus pourra avancer.

M. Robert Lecou. Auteur d’un rapport sur l’adhésion de la Croatie et de l’Albanie à l’OTAN, j’ai pu mesurer l’importance de ce litige sur le nom. Pour ma part, je souhaiterais vous interroger sur l’image de la France en Macédoine. Comment notre pays est-il perçu et comment jugez-vous la présidence française de l’Union européenne ?

Mme Odile Saugues. Concernant le contentieux du nom, je souhaite qu’une médiation politique puisse accélérer la résolution du problème, qui dure depuis trop longtemps et handicape votre entrée dans l'Union européenne.

En ce qui concerne la lutte contre la corruption évoquée par le Président Pierre Lequiller et le problème des visas dont vous souhaitez l’abolition, il est important de souligner que la liberté de circulation des honnêtes citoyens en Europe doit progresser parallèlement à la lutte contre les réseaux criminels.

Quant à la crise économique et financière, quel en est l’impact sur les finances publiques et sur le développement du secteur privé, avec la chute des investissements directs étrangers et la crise du crédit, en particulier dans une région où la dépréciation des monnaies nationales aggrave l’endettement des entreprises et des ménages ?

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Enfin, dans quelle mesure la récente crise gazière a-t-elle frappé votre pays ? Quelles conclusions en tirez-vous quant au renforcement de la Communauté de l’énergie entre l’Union européenne et l’Europe du Sud-Est, en particulier en matière d’interconnexion et de sécurité d’approvisionnement ?

M. Loïc Bouvard. Monsieur le Vice-Premier ministre, j’ai eu la chance d’aller à de très nombreuses reprises dans votre pays, notamment dans la très belle région d’Ohrid avec l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Nous avions été très frappés par l’opposition entre communautés slave et albanaise. Une guerre civile a été évitée de justesse. Quelle est la situation aujourd’hui ?

Le Président Axel Poniatowski. Il semble qu’au sein même de ces deux communautés, et en particulier des partis albanais, les oppositions soient assez fortes. Nous aimerions avoir votre éclairage sur cette situation politique particulièrement complexe.

Mme Marietta Karamanli. En 2007, le Parlement européen a déploré la ratification par l’Ancienne République yougoslave de Macédoine et les Etats-Unis d’un accord bilatéral d’immunité, lequel permet aux citoyens de l’un des deux pays qui sont arrêtés sur le territoire de l’autre d’échapper à la juridiction de la Cour pénale internationale de La Haye, ce qui va à l’encontre des principes de l’Union européenne. Quelle est aujourd’hui votre position sur ce point alors que le Parlement européen avait demandé un alignement de votre pays sur les principes de l'Union européenne soutenant la Cour et s’opposant aux accords bilatéraux d’immunité ?

S’agissant de la question du nom, au-delà du différend avec la Grèce, il semble que la population albanaise rejette toute appellation qui évoque l’idée d’un Etat ethniquement pur. Selon le président du Parti démocratique albanais Arben Xhaferi, le problème ne vient pas du nom lui-même, mais du fait que celui-ci renvoie uniquement à la population macédonienne, ce qui est contraire à l’Accord d’Ohrid, lequel prévoit dans son Préambule l’identification de l’Etat macédonien à toutes les communautés nationales qui le composent. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

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M. Ivica Bocevski. Sur la question du nom, les partis politiques albanais soutiennent la position des autorités macédoniennes. D’ailleurs, depuis notre indépendance, la tradition non écrite est que tout gouvernement de coalition doit intégrer un partenaire représentant les intérêts de la population albanaise en Macédoine. Au demeurant, après les accords d’Ohrid, nous avons eu un processus législatif complexe pour répondre aux préoccupations des différentes composantes de la population. A cet égard, les actions les plus récentes ont été l’adoption de nouvelles règles de procédure au Parlement et celle d’une loi relative à l’usage officiel de l’albanais dans l’administration. Les minorités représentent actuellement 16,78 % des fonctionnaires, et ce taux augmente d’année en année, au fur et à mesure des recrutements. Nous nous employons à refléter au sein de l’administration la composition de notre population.

Nous sommes fiers que notre pays soit pluriethnique, et nous sommes fiers de le montrer. Le fait que la deuxième place dans la hiérarchie de la diplomatie macédonienne soit occupée par un albanais en dit beaucoup sur les efforts que nous faisons représenter notre diversité interne.

En ce qui concerne la lutte contre la corruption, j’ai déjà évoqué le saut que nous venons de faire dans le classement international. Mais nous poursuivons nos efforts, notamment à travers un programme d’harmonisation de notre législation. La politique du Gouvernement est la tolérance zéro pour la corruption, de quelque niveau qu’elle soit.

Le conflit du gaz a beaucoup affecté la Macédoine, qui est approvisionnée par un pipeline unique venant de Bulgarie. Les difficultés ont culminé le 6 janvier, jour du réveillon de Noël orthodoxe. Les familles ont été extrêmement gênées. Quant aux entreprises macédoniennes, ces problèmes d’approvisionnement ont nécessairement entravé leurs efforts pour se construire une réputation à l’étranger. L’impact est difficile à estimer.

J’en viens à la manière dont la France est perçue chez nous. Le français était la langue étrangère dominante en Macédoine, où la France est tenue en haute estime. L’année dernière, j’ai participé à Skopje à la cérémonie qui a eu lieu au cimetière français de la Première guerre mondiale. Quant à la présidence française, elle a correspondu à une période très difficile. Avec la crise géorgienne, puis la crise

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152 Réunion du jeudi 19 février 2009 à 11 h 30 Bulletin n° 1

financière et économique, le sujet qui nous importe le plus, celui de l’élargissement, ne faisait pas partie des priorités. Mais nous savons que les Balkans n’auront pas d’avenir au sein de l’Union européenne sans la France. Nous fondons beaucoup d’espoirs sur les relations avec votre pays. Nous escomptons en particulier votre soutien au sujet de la libéralisation des visas, très important pour l’avenir des citoyens macédoniens et l’aboutissement de notre projet européen.

Le Président Axel Poniatowski. Merci beaucoup, monsieur le Vice-Premier ministre. Et bon séjour en France !

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Bulletin n° 1 153

Désignation de Rapporteurs

Le mercredi 7 janvier 2009

- M. Michel Herbillon, pour le rapport d’information sur la réforme du fonds européen d’ajustement à la mondialisation.

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Bulletin n° 1 155

ACTIVITES EXTERIEURES DE LA COMMISSION

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Bulletin n° 1 157

Réunion des Présidents de la COSAC à Prague les 9 et 10 février 2009

Le Président Pierre Lequiller a participé à la réunion des Présidents de la COSAC à Prague les 9 et 10 février 2009.

Au cours de cette réunion, M. Alexandr Vondra, Vice-premier ministre chargé des affaires européennes du gouvernement de la République tchèque a présenté les priorités de la présidence tchèque au Conseil de l'Union européenne et le partenariat oriental qu’il entend promouvoir.

Les parlementaires ont également débattu du principe de subsidiarité - possibilités et limites du contrôle judiciaire dans l'Union européenne avec M. Pavel Holländer, Vice-président de la Cour constitutionnelle de la République tchèque.

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Bulletin n° 1 159

Rencontre interparlementaire Parlement européen – parlements nationaux à Bruxelles les 16 et 17 février 2009

La délégation parlementaire à cette réunion intitulée « Un new deal pour la reprise économique européenne ? » était composée de :

– M. Pierre Lequiller, Président de la Commission chargée des affaires européennes (UMP) ;

– M. Serge Poignant, Vice-président de la Commission des affaires économiques (UMP) ;

– M. Jérôme Lambert, membre de la Commission chargée des affaires européennes (SRC) ;

– M. Daniel Garrigue, membre de la Commission chargée des affaires européennes (non inscrit).

M. Serge Poignant est intervenu dans le groupe de travail I « L’Europe compétitive : promotion des investissements, de l’entreprenariat et des PME ».

M. Daniel Garrigue a débattu au sein du groupe de travail II « L’Europe sociale : créer des emplois, lutter contre la pauvreté, assurer la liberté de mouvement ».

M. Jérôme Lambert a participé au groupe de travail III « L’Europe durable : développement économique et défi climatique ».

Le Président Pierre Lequiller est intervenu en séance plénière le mardi 17 février sur les plans de relance économiques nationaux.

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Bulletin n° 1 161

L’UNION EUROPEENNE A L’ASSEMBLEE NATIONALE

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Bulletin n° 1 163

Questions au Gouvernement sur des thèmes européens

Séance du mardi 20 janvier 2009

- Question de M. Philippe Folliot (NC) sur les taxes douanières sur le Roquefort.

Séance du mercredi 11 février 2009

- Question de Mme Josette Pons (UMP) sur les dispositions européennes sur les vins rosés.

Séance du mercredi 18 février 2009

- Question de Mme Catherine Vautrin (UMP) sur le bilan de la politique agricole commune.

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Bulletin n° 1 165

Conférence des Présidents des parlements de l’Union européenne des 27 et 28 février 2009

La Conférence des Présidents des parlements de l’Union européenne, co-présidée par le Président Bernard Accoyer et le Président Gérard Larcher, s’est déroulée à l’Assemblée nationale les 27 et 28 février 2009.

Les Présidents des parlements de l’Union européenne ont débattu des sujets suivants :

– l’avenir institutionnel de l’Union et la mise en œuvre des dispositions du Traité de Lisbonne par les parlements nationaux ;

– l’Europe et la gestion des crises - l’implication des parlements ;

– la préparation du volet parlementaire d’une présidence de l’Union européenne :

– l’Avenir de l’Europe à l’horizon 2030.

A l’issue de leur réunion, ils ont adopté des conclusions figurant à l’adresse internet suivante :

http://www.assemblee-nationale.fr/europe/

Les Présidents des parlements ont été reçus le vendredi 27 février 2009 par M. Nicolas Sarkozy, Président de la République.

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Bulletin n° 1 167

ADOPTION PAR L’ASSEMBLEE NATIONALE DE RESOLUTIONS PORTANT SUR DES PROJETS OU

PROPOSITIONS D’ACTES COMMUNAUTAIRES

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Bulletin n° 1 169

Soins transfrontaliers

Résolution sur l’application des droits des patients en matière de soins transfrontaliers

(TA no 241 du 11 février 2009)

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment ses articles 23, 39, 49, 137 et 152,

Vu le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, ainsi que le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, qui le remplacera,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers (COM [2008] 414 final/n° E 3903]),

Constatant la pratique croissante des ressortissants des Etats membres pour bénéficier de prestations de santé dans un État membre autre que celui de leur affiliation ;

Constatant également que l’actuelle juxtaposition des dispositions des règlements précités et des principes dégagés par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes sur les droits directement conférés au patient par le Traité, notamment au titre de la libre prestation de services, conduit à une situation complexe, confuse et aux modalités d’application incertaines, tant pour les patients que pour les États membres, avec deux voies parfois contradictoires pour la prise en charge des soins de santé ainsi délivrés dans un autre État membre ;

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170 Bulletin n° 1

Considérant que les capacités de régulation et de planification des États membres en matière d’offre de prestations de santé doivent être intégralement préservées ;

1. Se félicite de ce que la proposition de directive précitée vise à opérer en matière de soins transfrontaliers une indispensable clarification et à prévoir le cadre d’une plus grande coopération européenne en la matière ;

2. Constate avec satisfaction qu’elle reconnaît explicitement, selon le principe de subsidiarité, la compétence des États membres dans l’organisation et la prestation des soins de santé et qu’elle ne concerne que la seule mobilité des patients, sans modifier le cadre communautaire actuel sur la mobilité des professionnels de santé ;

3. Estime qu’elle atteint un point d’équilibre entre les droits individuels des patients et le rôle des États membres en matière de régulation et de planification des équipements de soins, grâce à l’autorisation préalable de prise en charge pour les prestations hospitalières et les soins spécialisés, qui constitue une clause de sauvegarde, et que ce point d’équilibre constitue une base de négociation adaptée ;

4. Considère cependant que ses dispositions doivent mieux répondre aux besoins du patient, dont l’information doit ainsi être renforcée, de manière à ce que celui-ci soit en mesure d’exercer un choix librement éclairé, en disposant notamment :

a) D’informations plus précises sur le droit comme sur les normes de qualité et de sécurité sanitaires en vigueur dans l’État de traitement ;

b) D’éléments détaillés sur les conditions financières applicables, notamment quant à l’avance des frais et au montant restant en définitive à sa charge ;

5. Considère également qu’il convient de s’appuyer davantage sur les compétences des États membres, en appliquant pleinement, autant que le permet le traité, le principe de subsidiarité, et ainsi :

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Bulletin n° 1 171

a) De leur réserver, et non à la Commission européenne, la faculté de fixer eux-mêmes les normes de qualité et de sécurité applicables aux soins de santé dispensés sur leur territoire ;

b) De s’en remettre au droit national pour définir les soins hospitaliers et les soins spécialisés susceptibles de faire l’objet d’une autorisation préalable de prise en charge, compte tenu des spécificités du mode d’organisation de chaque pays ;

c) De conforter les capacités de régulation nationales grâce à une seconde clause de sauvegarde, spécifique, permettant aux prestataires de soins de santé d’un État membre, notamment dans les régions transfrontalières, de faire face, le cas échéant, à des flux trop importants de patients affiliés dans d’autres États membres, sans enfreindre le principe d’égalité de traitement envers les autres ressortissants communautaires dans la gestion des files d’attente ;

6. Souhaite aussi, pour prévenir tout risque d’une « troisième voie » de prise en charge, mieux faire prévaloir le principe de sécurité juridique, grâce à une harmonisation tant de la définition des soins de santé que du régime de l’autorisation préalable aux soins hospitaliers et aux soins spécialisés avec les règlements précités comme avec les décisions de la Cour de justice intervenues en la matière ;

7. Estime nécessaire, au-delà des améliorations du texte de la proposition de directive et afin de réellement protéger et promouvoir les droits des patients, que la Commission européenne prenne, en accord avec les États membres, plusieurs initiatives visant à :

a) Mettre en place, sous réserve des conclusions d’une étude de faisabilité, un mécanisme européen de règlement des éventuels litiges relatifs aux soins transfrontaliers, notamment sur le plan financier, pour éviter au patient d’avoir à mener une procédure dans un autre État membre avec un droit qui ne lui est pas familier ;

b) Améliorer la carte européenne d’assurance maladie, de manière à permettre, à terme, le transfert de données médicales personnelles, sa durée étant par ailleurs prolongée et son utilisation sécurisée, sachant que, dans cette attente, le patient doit être en mesure de donner son autorisation pour de tels transferts d’un État membre à l’autre, après avoir été préalablement informé des différences éventuelles

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172 Bulletin n° 1

entre les règles applicables dans l’État membre de traitement et celles de son État membre d’affiliation ;

c) Prendre en compte les facultés et les futurs développements de la télémédecine, en ce qu’elle représente à côté de la mobilité des patients et de la mobilité des professionnels, une autre déclinaison du principe de la libre prestation de services ;

8. Considère, enfin, qu’il conviendra de parvenir à un texte unique, à l’avenir, en fusionnant les dispositions de la future directive et celles du règlement de coordination des régimes de sécurité sociale. ________________________ Travaux préparatoires :

Assemblée nationale. – Texte soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (no E 3903). – Rapport d’information de M. Daniel Fasquelle, au nom de la commission chargée des affaires européennes (no 1308). – Proposition de résolution (no 1309). – Rapport de M. Yves Bur, au nom de la commission des affaires culturelles (no 1408). – Texte considéré comme définitif, en application de l'article 151-3, deuxième alinéa, du règlement, le 12 décembre 2008 (TA no 241).