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EDITORIAL Demain, peut-être... Premier bulletin trimestriel, dans un contexte national et mondial très tendu : en France, un projet de loi sur le travail, à la demande du patronat et avec le soutien de syndicats « réformistes ». En Europe, arrivée massive et continue de migrants et fermeture de quasiment tous les pays. Dans le monde, guerre en Syrie pour le contrôle du Moyen-Orient riche en pétrole, poursuite d'un extractivisme forcené aux dépens des peuples, spéculation et règne de la finance. En prime, le terrorisme, fruit de cette situation, qui frappe où ça fait mal en cherchant à déstabiliser les pays dominants. Le tableau est vraiment très sombre. Où trouver une lueur d'espoir dans ce monde pollué, gouverné par les appétits insatiables d'un infime minorité de puissants ? Nous sommes capables d'adhérer à de belles théories sur l'idéologie néolibérale qui a imprégné jusqu'à l'inconscient collectif au point qu'une majorité est convaincue qu'il n'y a pas d'alternative et sombre dans le désespoir fataliste ou le populisme manipulateur. Mais comment sort-on du néolibéralisme ? Comment passe-t-on d'une vision économiste à une conception humaniste du monde ? Comment peut s'opérer un tel changement de paradigme, un tel renversement des valeurs ? On pressent qu'il s'agit d'une vraie révolution, et surgit déjà la crainte de la violence. Mais la violence est bien présente dans les énormes et scandaleuses inégalités, entre classes sociales, entre pays et régions du monde. Plus d'égalité, d'équité, de justice pourrait la faire disparaître. En réalité cette vision humaniste et les valeurs qui l'accompagnent ne sont pas si loin et ont prévalu à certaines époques. La plus récente en France est celle de la Résistance, et nous sommes riches de son héritage. C'est une classe dirigeante, que l'on appelle parfois à l'échelle mondiale les 1 %, qui impose sa propre vision et son système de valeurs, et parvient à détourner à son profit les richesses produites et/ou extraites du sol. La solidarité est une de ces valeurs à remettre à l'honneur, une valeur-clé à mettre en pratique. Elle fait partie de l'ADN de toutes les espèces vivantes, et il a fallu toute la perversité de l'homme « intelligent » pour la contrarier et la remplacer par l'individualisme et la compétition permanente. A l'échelon individuel la (re)conversion est (presque) facile, et la plupart d'entre nous sont convaincus. Mais renoncer à la compétition nécessite un peu de réflexion. A l'échelon collectif c'est plus compliqué : comment arriver à des comportements collectifs solidaires permettant aux différents groupes (groupes sociaux, pays, continents…) de vivre en harmonie entre eux et avec leur environnement, conscients de leur interdépendance réciproque ? On se heurte à la question du pouvoir : comment décide-t- on ? Comment appliquer les décisions ? Comment gérer les différences et les conflits ? Et surtout, quelles valeurs, quel idéal pour servir de référence commune, universelle ? Les religions ont toutes cette ambition, mais toutes ont connu et connaissent encore des déviations, récupérations, rivalités, toujours liées à des questions de pouvoir. La démocratie est sans doute la moins pire, si elle reste fidèle à son objectif de permettre à chacun de vivre en harmonie avec ses semblables et avec son environnement. Sur ce dernier point, l'état actuel des connaissances et la réalité constatée amènent à dire qu'il est impératif et urgent d’abandonner l'idée d'une croissance indéfinie en termes de richesse accumulée et produite évaluable en monnaie. Que ce soit clairement exprimé ou confusément perçu, tout le monde ou presque a le sentiment d'une catastrophe globale gravissime, à la fois climatique et économique, susceptible selon certains de mettre en péril la survie-même de l'espèce humaine. Cette atmosphère de fin des temps, l'humanité en a déjà connu, et a inspiré de nombreux prophètes. Cette crainte est maintenant scientifiquement fondée, et elle suscite l'émergence de solutions de survie des mises en application d'alternatives locales, fondées sur des principes de développement durable, de respect et de régénération des ressources naturelles, de solidarité. De tels comportements sont en œuvre un peu partout dans le monde, si bien que l'on commence à entrevoir, à espérer, qu'ils constituent les prémices d'une transition pacifique vers un monde nouveau, qu'Attac (et bien au-delà) a toujours cru possible. C'est cela qu'exprime le film documentaire « Demain » de Cyril Dion, projeté à Vienne le 12 janvier et les deux semaines suivantes. C'est encore cela dont il est question dans l'article de ce bulletin qui s'y rapporte. Les porte-parole Bulletin Trimestriel Mars 2016

Bulletin Trimestriel€¦ · migrants et fermeture de quasiment tous les pays. Dans le monde, guerre en Syrie pour le contrôle du Moyen-Orient riche en pétrole, poursuite d'un extractivisme

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EDITORIAL

Demain, peut-être...

Premier bulletin trimestriel, dans un contexte national et mondial très tendu : en France, un projet de loi sur le travail, à la demande du patronat et avec le soutien de syndicats « réformistes ». En Europe, arrivée massive et continue de migrants et fermeture de quasiment tous les pays. Dans le monde, guerre en Syrie pour le contrôle du Moyen-Orient riche en pétrole, poursuite d'un extractivisme forcené aux dépens des peuples, spéculation et règne de la finance. En prime, le terrorisme, fruit de cette situation, qui frappe où ça fait mal en cherchant à déstabiliser les pays dominants. Le tableau est vraiment très sombre. Où trouver une lueur d'espoir dans ce monde pollué, gouverné par les appétits insatiables d'un infime minorité de puissants ?

Nous sommes capables d'adhérer à de belles théories sur l'idéologie néolibérale qui a imprégné jusqu'à l'inconscient collectif au point qu'une majorité est convaincue qu'il n'y a pas d'alternative et sombre dans le désespoir fataliste ou le populisme manipulateur. Mais comment sort-on du néolibéralisme ? Comment passe-t-on d'une vision économiste à une conception humaniste du monde ? Comment peut s'opérer un tel changement de paradigme, un tel renversement des valeurs ? On pressent qu'il s'agit d'une vraie révolution, et surgit déjà la crainte de la violence. Mais la violence est bien présente dans les énormes et scandaleuses inégalités, entre classes sociales, entre pays et régions du monde. Plus d'égalité, d'équité, de justice pourrait la faire disparaître. En réalité cette vision humaniste et les valeurs qui l'accompagnent ne sont pas si loin et ont prévalu à certaines époques. La plus récente en France est celle de la Résistance, et nous sommes riches de son héritage. C'est une classe dirigeante, que l'on appelle parfois à l'échelle mondiale les 1 %, qui impose sa propre vision et son système de valeurs, et parvient à détourner à

son profit les richesses produites et/ou extraites du sol. La solidarité est une de ces valeurs à remettre à l'honneur, une valeur-clé à mettre en pratique. Elle fait partie de l'ADN de toutes les espèces vivantes, et il a fallu toute la perversité de l'homme « intelligent » pour la contrarier et la remplacer par l'individualisme et la compétition permanente. A l'échelon individuel la (re)conversion est (presque) facile, et la plupart d'entre nous sont convaincus. Mais renoncer à la compétition nécessite un peu de réflexion. A l'échelon collectif c'est plus compliqué : comment arriver à des comportements collectifs solidaires permettant aux différents groupes (groupes sociaux, pays, continents…) de vivre en harmonie entre eux et avec leur environnement, conscients de leur interdépendance réciproque ? On se heurte à la question du pouvoir : comment décide-t-on ? Comment appliquer les décisions ? Comment gérer les différences et les conflits ? Et surtout, quelles valeurs, quel idéal pour servir de référence commune, universelle ? Les religions ont toutes cette ambition, mais toutes ont connu et connaissent encore des déviations, récupérations, rivalités, toujours liées à des questions de pouvoir. La démocratie est sans doute la moins pire, si elle reste fidèle à son objectif de permettre à chacun de vivre en harmonie avec ses semblables et avec son environnement. Sur ce dernier point, l'état actuel des connaissances et la réalité constatée amènent à dire qu'il est impératif et urgent d’abandonner l'idée d'une croissance indéfinie en termes de richesse accumulée et produite évaluable en monnaie. Que ce soit clairement exprimé ou confusément perçu, tout le monde ou presque a le sentiment d'une catastrophe globale gravissime, à la fois climatique et économique, susceptible selon certains de mettre en péril la survie-même de l'espèce humaine. Cette atmosphère de fin des temps, l'humanité en a déjà connu, et a inspiré de nombreux prophètes. Cette crainte est maintenant scientifiquement fondée, et elle suscite l'émergence de solutions de survie des mises en application d'alternatives locales, fondées sur des principes de développement durable, de respect et de régénération des ressources naturelles, de solidarité. De tels comportements sont en œuvre un peu partout dans le monde, si bien que l'on commence à entrevoir, à espérer, qu'ils constituent les prémices d'une transition pacifique vers un monde nouveau, qu'Attac (et bien au-delà) a toujours cru possible. C'est cela qu'exprime le film documentaire « Demain » de Cyril Dion, projeté à Vienne le 12 janvier et les deux semaines suivantes. C'est encore cela dont il est question dans l'article de ce bulletin qui s'y rapporte. Les porte-parole

Bulletin

Trimestriel

Mars 2016

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1 / Assemblée Générale ordinaire

Notre Assemblée Générale s’est déroulée samedi 23 janvier dans un lieu très accueillant : La Note Bleue à Chonas l’Amballan, une maison dédiée à la culture, accueil et résidence d’artistes. Cathy, plasticienne, et Jacques, musicien, ont réhabilité cette ferme avec des choix poétiques, politiques, écologiques : c’est un refuge LPO, l’énergie est fournie par Enercoop, leur banque est La Nef. Nous étions une bonne trentaine de personnes, entre 25 et 40 selon les moments de la soirée. Le bilan moral et d’activité a suscité la discussion. Concernant la communication d’Attac vpr, le site web a été revivifié et est régulièrement nourri, il faut le visiter souvent ! www.local.attac.org/vienne38 Pour les publications (Feuille du mois, Bulletin trimestriel), Michel suggère qu’on s’inspire plus souvent de Lignes d’Attac, l’organe d’Attac France. Tous les militants sont invités à participer aux manifestations nationales d’Attac : les CNCL (conférence nationale des comités locaux), les Assises nationales, l’Université d’été à Besançon les 7,8 et 9 juillet. Les projections de films suivies de débat, en partenariat avec la librairie Lucioles ont été une nouveauté. Les documentaires « Se battre », « Le prix à payer », et « Demain » ont fait salle comble. L’affluence sans précédent pour « Demain » a suscité des réactions : pourquoi cet engouement maintenant ? Sans doute parce que le film évoque des solutions locales et concrètes au malaise actuel. (voir « Demain » : Histoire d’un collectif en 2/ ci-après). Une expérience douloureuse est rapportée : Les Jardins de Lucie, entreprise d’insertion à Communay, axée sur le maraîchage et les circuits courts, mise en valeur dans le documentaire « Se Battre », a fait appel à des investisseurs tels que Carrefour et Vinci pour leur atelier de mise en conserve, ruinant ainsi la cohérence politique de leur activité. Le rapport financier est présenté par le trésorier : solde positif de l’exercice 2015 avec un excédent de 188.66 € (dépenses 1138.92€, recettes 1327.58€) portant le solde courant à 3518.99 €. Les cotisations des adhérents constituent 84% des recettes. Le nombre d’adhérents est faible : une grosse cinquantaine. Les rapports moral et financier mis au vote séparément sont approuvés à l’unanimité. Election des membres du conseil d’administration (CA). Le mandat des administrateurs est de un an. Ils peuvent se représenter. Leur nombre n’est pas limité. Les séances mensuelles du CA sont ouvertes à tous les adhérents. Les membres sortants se représentent, à l’exception de Mireille Ronzon. Nikolaz Berthomeau a quitté Vienne pour Grenoble. Myriam Thieulent se présente . Les candidats sont élus à l’unanimité. La composition de CA est donc la suivante : Jacques Alcelay, Michel Bazin, Chantal Boucher, Bernard Canevet, Henri Chardon, Nicolas Faivre d’Arcier, Jean Feschet, Madeleine Lagier, Christian Lagier, Jean Mary Lamarche, Aline Matagrin, Georges Monnet, Dominique Rodet, Myriam Thieulent, Yolande Vaillant, Edouard Ville. Cette partie formelle étant terminée, l’assemblée acceuille Nicolas Briet, invité à nous présenter La Gonette, monnaie locale, née à Lyon le 7 novembre 2015. Dans un contexte de dérives financières (évasion fiscale d’au moins 60 milliards annuels pour la France, spéculation effrénée, crises récurrentes, inégalités vertigineuses), une monnaie locale a plusieurs fonctions :

- donner une valeur aux choses - valoriser les écogestes sociaux et environnementaux - monnaie citoyenne portée par des citoyens - développer le commerce local ou de proximité - cesser d’alimenter la spéculation La Gonette est soutenue par une banque (à peu près) éthique : le Crédit Coopératif qui sert de fond de garantie. 1 gonette = 1 €. Elle est délivrée dans des comptoirs de change (une vingtaine) aux membres de l’association (adhésion obligatoire) qui l’utilisent auprès d’acteurs économiques volontaires, mis en réseau (p.ex. les 7 Biocoop de Lyon en sont). La monnaie tourne dans ce réseau local et n’en sort pas, elle enrichit les acteurs en restant extérieure au circuit financier mondial (et aux paradis fiscaux). Seuls les acteurs économiques peuvent la convertir en euros. Citons la formule d’un des soutiens : « La Gonette c’est un bulletin de vote quotidien ». Toutes les infos sur le site : www.lagonette.org

A la suite de cette AG, le CA s’est réuni le 11 février pour re-nouveler le Bureau qui reste inchangé : Porte parole : Christian LAGIER et Michel BAZIN Secrétaire : Henri CHARDON Trésorier : Jacques ALCELAY

2 / « Demain » : histoire d’un collectif

L'histoire se déroule à Vienne, Isère, elle a débuté le mardi 12 janvier 2016, et elle est loin d'être terminée. Que s'est-il passé ce jour-là ? Rien que de très ordinaire, en apparence : le cinéma Les Amphis projette à 20 h un film documentaire, Demain est son titre, Cyril Dion son réalisateur et il est présent à la fin de la projection pour un débat avec le public. Attac Vienne Pays Rhodanien et la librairie Lucioles ont organisé la soirée et invité leurs adhérents, sympathisants et connaissances à venir nombreux. Le succès dépasse leurs espérances : la salle de 400 places est remplie dès 19 h, 200 personnes repartent déçues de n'avoir pu entrer. Elles reviendront le lendemain ou les jours suivants : le film tiendra l'affiche 2 semaines.

Dans la salle, à la fin de la projection, l'assistance applaudit chaleureusement le film, et son réalisateur qui descend les marches pour animer le débat et répondre aux questions. Fait remarquable, tout le monde est resté à sa place. Les questions sont nombreuses, les compliments encore plus. Un certain sentiment d'exaltation se dégage du débat. De quoi est-il question ? Le film présente une série d'expériences réussies, dans toutes les parties du monde, et dans plusieurs domaines d'activité essentiels, tels que l'agriculture, plus précisément l'agro-

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écologie, la production d'énergie, la monnaie, une coopérative de production, le recyclage des déchets, le contrôle citoyen de la gestion financière d'un pays, l'éducation des enfants, l'organisation sociale en castes fermées et le moyen de casser ce modèle ancestral, et quelques autres encore. Dans chaque séquence, les citoyens-acteurs s'expriment, disant pourquoi ils agissent ainsi, et montrent les bienfaits collectifs de cette action. Quelques réflexions de spécialistes entrecoupent les actions. Le film insiste sur le lien qui existe entre ces expériences (car ce sont de vraies innovations) : des citoyens prennent des initiatives et arrivent à réaliser leur objectif, avec ou sans l'accord des autorités, voire contre elles, dans tous les domaines essentiels de la vie des collectivités. Ces initiatives réussissent car elles émanent des citoyens, elles répondent à un besoin, elles renforcent la solidarité, elles établissent ou rétablissent un fonctionnement social juste et égalitaire. L'ensemble est impressionnant de cohérence, et peut donner la certitude que nos rêves peuvent devenir réalité : des citoyens solidaires peuvent faire changer le monde. À la fin de la discussion, l'un d'entre nous dit : est-ce-qu'on pourrait faire pareil à Vienne ? Celles et ceux qui sont partants pour mettre en pratique des idées positives comme ce qui est montré dans le film pourraient se retrouver pour en parler et commencer à agir. Une autre personne invite : ceux qui le veulent peuvent venir chez moi samedi. Le samedi suivant, 44 personnes se retrouvent et mettent en place un collectif de réflexion, formation et action avec beaucoup d'idées et d'énergie. Des groupes thématiques s'organisent et commencent à travailler le jour-même, puis s'agrandissent dans les semaines qui suivent. Thèmes retenus : l'agriculture, les jardins partagés, les circuits courts, la mobilité, les transports doux, l'éducation, le lien social, les monnaies locales, la démocratie, les énergies, ainsi que la santé. Des actions sont entreprises, par exemple confections de bacs en bois de récupération, destinés à être disposés dans des espaces publics avec fleurs ou comestibles, à la disposition et aux bons soins de tout un chacun, élaboration de plans de circulation respectant la place de tous, cyclistes et piétons en priorité, à soumettre aux collectivités territoriales, formations à la permaculture, ateliers « tu perds watts » sur les économies domestiques d'énergie… Une Assemblée Générale du collectif le 12 mars rassemble 150 personnes ! La dynamique est amplifiée, les énergies bien affirmées. Chaque groupe thématiques a précisé ses objectifs et proposé des actions concrètes. Le collectif se donne le nom de « Demain ad'Vienne ». Il commence à mettre par écrit ses valeurs et ses objectifs. Beaucoup d'espoir dans ce collectif, et le désir de prendre ou reprendre un peu de pouvoir sur nos vies, notre environnement. Il porte, en creux pour le moment, le rejet de la société de consommation, de l'agriculture industrielle, de la mainmise des multinationales et de la finance sur la direction des affaires du monde. La réflexion porte sur comment se donner les moyens de nos ambitions. Prochainement, un site internet donnera accès à toute l'activité du collectif. Attac est présente et participe par plusieurs adhérents à ce collectif, qui est un rassemblement d'individus et non d'organisations. Nous lui souhaitons longue vie et de belles réalisations.

3 / LA PSYCHOLOGIE DES FOULES ET LA MON-TEE DU FN, LES VOTES SECURITAIRES ET LES REACTIONS AUX ATTENTATS.

La Psychologie des Foules explique autrement que la presse officielle la montée du Front national et le comportement de la population face aux attentats. Dans ces différents cas les mécanismes sont les mêmes. Nous sommes en effet, depuis plusieurs années, en pleine phase active de Psychologie des foules. Mais qu’est-ce à dire ? La science de la Psychologie des foules, ou Psychologie des masses, a été inventée au début du 20e siècle par deux français Tarde et Le Bon, inquiets du fait nouveau des populations manifestant dans les rues, suivis par Freud effrayé par la montée d’Hitler ainsi que par Wilhelm Reich. Leurs constats peuvent nous servir à comprendre ce qui s’est passé, prendre du recul et ne pas tomber dans le panneau comme la plupart.

Premier point : depuis l’industrialisation, l’ancienne civilisa-tion construite au 19ème siècle sur la valorisation de l’indivi-du et de la raison a peu à peu été supplantée par la civilisa-tion des masses Les manifestations de masses, ont toujours existé, (par exemple César faisant condamner Brutus par un seul discours au peuple). Mais elles sont devenues depuis un siècle en Europe une donnée fondamentale qui ébranle notre civilisation : Hitler, Mussolini… ont été des maîtres en ce domaine. De Gaulle, Mitterand connaissaient la Psycholo-gie des foules et s’en servirent… Les meneurs politiques actuels en utilisent des éléments. Point fondamental : la Psychologie des foules n’a rien à voir avec le comportement individuel des individus, comporte-ment basé sur la raison. La foule (la masse) n’est pas un ensemble d’individus tels qu’ils réagiraient quand ils sont seuls. La foule c’est « autre chose ». En foule, les gens ont des comportements autres qu’à l’état normal . Ils sont guidés par l’AFFECTIF. Qu’ils soient ouvriers, bourgeois, cadres, paysans ou artisans, tous réagissent de la même façon en foule. L’homme plongé dans la marée collective est dans un état « crépusculaire », c’est cet état qui permet à l’homme de s’incorporer à la masse. Ce sont les mêmes modifications dans l’individu que celles de l’hypnose, disent les spécialistes. Ajoutons qu’il n’y a pas besoin que les gens soient ensemble physiquement pour avoir des réactions de masse. Par exem-ple, à l’attentat de Charlie Hebdo, des milliers de français se sont retrouvés dans les rues spontanément, réaction affec-tive, sans aucun mot d’ordre, pour « être ensemble » simplement. Les défilés se sont organisés plus tard, récupé-

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rés par les politiques. Cela attire l’attention sur le deuxième point capital de la Psychologie des foules : c ’est la logique affective qui prend les commandes, à la place de la logique rationnelle. Dans cette phase, les gens deviennent insensibles aux arguments rationnels. C’est une autre partie de leur cerveau qui fonc-tionne. Totalement commandés par certains sentiments très archaïques de leur personnalité, négatifs la plupart du temps mais pas toujours heureusement. On a connu des foules généreuses dans l’histoire. Ces attitudes se sont manifestées clairement chez les électeurs du FN et en réaction aux attentats. Elles se développent souvent dans des périodes où les gens ont peur pour eux, pour l’avenir, ou pour leur sécurité quand ils ne savent plus à qui ou à quoi faire confiance. La situation est optimale pour se jeter dans les bras d’un meneur providentiel, s’il s’en trouve un à ce moment là. Ce meneur doit dénoncer, rassurer affirmer sans nuances avec autorité, suggestionner la foule. L’élément qui doit briller chez lui, c’est le prestige, un peu comme un pouvoir hypno-tique sur la foule, pas la force ni la raison. Quand le meneur est reconnu, les arguments rationnels dénonçant sa super-cherie ou ses mensonges sont sans effet. On est dans une autre logique. On n’en est pas encore là en France, pour le meneur. Mais cela peut éclairer les succès des Le Pen dans leurs campagnes électorales et le peu d’impact de leurs contradicteurs lors des débats… Et face aux attentats, c’est la peur et le réflexe sécuritaire qui ont joué. Toute mesure sécuritaire, même inefficace, est acceptée sans examen rationnel… Les contradicteurs à ces mesures sont marginali-sés facilement.

Pour contrer cette peur très affective, née dans la partie très profonde des individus, l’homme en foule cherche le meneur, à qui faire confiance, même et souvent de façon très irrationnelle. Ce meneur devient le sauveur. Mais pour cela, il doit séduire par son prestige, pas s’imposer par la force, ni par la raison. S’il réussit comme on l’a vu avec Hitler ou Mussolini, il peut mener la foule où il veut tant qu’il dit à la masse ce qu’elle veut entendre. Même si le meneur change totalement d’orientation, même si son comporte-ment devient contradictoire, la foule n’en a cure et le suit pourvu qu’il ne montre aucune hésitation. Par contre, il ne doit jamais rompre son lien avec la masse. Actuellement il ne semble pas qu’un tel meneur se dessine mais… Autres éléments à connaître : La situation favorable pour provoquer la réaction de masse, c’est quand les certitudes passées, qu’on croyait éternelles (la certitude d’avoir du travail, la confiance en l’avenir, les valeurs de base de la société,...) sont menacées et se déli-tent. La peur s’installe chez les individus qui ne savent plus à qui faire confiance ni à quoi se raccrocher. C’est bien ce qui se passe dans notre société depuis des années maintenant. Peur aussi parce que les gens ne se sentent plus protégés par les responsables et les dirigeants politiques (cas des

attentats). L’affectif étant touché, le terrain est prêt pour les réactions affectives irrationnelles qui obéissent à des lois irrationnelles du cerveau primitif. Le rationnel est mis hors jeu. (Sous cet aspect, Sarkosy est beaucoup plus dangereux que les Le Pen ). Les foules ne sont pas révolutionnaires. Elles sont trop régies par l’inconscient archaïque pour ne pas se montrer extrêmement conservatrices. Elles s’opposent à tout boule-versement. Si celui-ci a lieu, elles font machine arrière pour restaurer péniblement ce qu’elles ont renversé allègrement. La foule a besoin d’expliquer par une cause unique et visible une réalité mouvante (les ouvriers, les juifs, les capitalistes, l’impérialisme, les immigrés,...). Elle veut des réponses simples et impératives aux questions. Elle veut de la cohérence et de la certitude. Que faire ? Pas grand chose pendant les manifestations de foule, sinon ne pas se laisser entraîner, garder la raison. Continuer à s’appuyer soi-même sur des convictions ration-nelles même si elles sont niées par la foule en ébullition. Plus tard, on pourra faire réfléchir. De façon plus radicale, sur le long terme, agir sur les causes économiques politi-ques, idéologiques des peurs pour que les gens construisent peu à peu une nouvelle sérénité. Jean Feschet

4 / Agenda 2ème trimestre

samedi 2 et dimanche 3 avril - CNCL d'Attac France - Paris (2) mercredi 6 avril - 20 h - réunion du CA (1) mardi 10 mai - 20 h - réunion du CA (1) samedi 21 et dimanche 22 mai - rassemblement des Glières samedi 28 et dimanche 29 mai - Paris AG élective d’Attac-France Renouvellement du CA national lundi 13 juin - 20 h - réunion du CA (1) Du mardi 5 au samedi 9 juillet - Université d’été d’Attac-France à Besançon Événements prévus, non encore fixés : projections de films suivies de discussion au cinéma Les Amphis en partenariat avec la Librairie Lucioles. En projet « La Sociale » de Gilles PERRET (www.lasociale.fr).

(1) Les CA sont ouverts à tou-te-s et se tiennent de 20 h à 22 h 30, à Vienne, en salle Dauphiné (sous les arcades de la mairie). (2) La CNCL (conférence nationale des comités locaux (CL) d'Attac) a lieu 3 fois par an, elle est organisée par les CL volontaires, tous les adhérents peuvent s'inscrire. Des séances plénières alternent avec des ateliers en petits groupes. Chacun peut s'exprimer et enrichir le débat. Les comptes-rendus sont disponibles sur le site d'Attac-France : www.france.attac.org

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Renouvellement de votre adhésion

Avez-vous pensé à renouveler votre adhésion ? Si non, c’est le moment, c’est l’instant ! Alors, n’oubliez pas, conformément aux indications du bulletin, de régler votre adhésion par un chèque à l’ordre de attac pour la cotisation nationale et un chèque de 10,00 € à l’ordre de attac vienne-pays rhodanien pour la cotisation locale, et adresser le tout à : Jacques ALCELAY 6B avenue de Beauséjour 38 200 VIENNE.

Bulletin trimestriel

Comité de rédaction :

Michel BAZIN, Bernard CANEVET, Henri CHARDON, Jean FESCHET, Christian LAGIER, Georges MONNET.

Contact : [email protected] Site vpr : http://local.attac.org/vienne38/ Site attac France : www.france.attac.org