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Rapport n°38377 - BF Burkina Faso Réussir la décentralisation Version transmise au Gouvernement du Burkina Faso le 12 juin 2007 pour commentaires. Réforme du secteur public et renforcement des capacités (AFTPR) Région Afrique Document de la Banque mondiale Le présent document fait l’objet d’une diffusion restreinte et ne peut être utilisé par ses destinataires que dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Son contenu ne peut être divulgué sans l’autorisation de la Banque mondiale. .

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Rapport n°38377 - BF Burkina Faso Réussir la décentralisation Version transmise au Gouvernement du Burkina Faso le 12 juin 2007 pour commentaires. Réforme du secteur public et renforcement des capacités (AFTPR) Région Afrique

Document de la Banque mondiale Le présent document fait l’objet d’une diffusion restreinte et ne peut être utilisé par ses destinataires que dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Son contenu ne peut être divulgué sans l’autorisation de la Banque mondiale. .

EQUIVALENTS MONETAIRES (au 29 avril 2007)

Unité monétaire = XOF

USD 1 = XOF 481

ANNEE BUDGETAIRE 1er janvier – 31 décembre

POIDS ET MESURES

Système métrique

ABREVIATIONS ET SIGLES

AEP Adductions d’eau potables simplifiées AMBF Association des maires du Burkina Faso AME Association des mères éducatives APE Association des parents de l’école CDMT Cadre de dépenses à moyen terme CDP Congrès pour la démocratie et le progrès CEB Circonscription de l’enseignement de base CGCT Code général des collectivités territoriales CL Collectivité locale CM Contrats municipaux CR Communauté CR Communes rurales CSLP Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté CT Collectivités territoriales CU Communes urbaines CVD Conseil villageois de développement CVGT Commission villageoise de gestion des terroirs DGAEP Direction générale de l’adduction d’eau potable DGE Dotation globale d’équipement DGF Dotation globale de fonctionnement DGH Direction générale de l’hydraulique DGIRH Direction générale des ressources hydriques DPEBA Direction provinciale de l’enseignement de base DRI Direction régionale des impôts FPDCT Fonds permanent de développement des collectivités territoriales FPT Fonction Publique Territoriale GRH Gestions des ressources humaines IDH Indice de développement humain MAHRH Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources hydriques MATD Ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation MEBA Ministère de l’Education de base et de l’Alphabétisation MFB Ministère des Finances et du Budget MFPRE Ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l’État MKSS Mazdoor Mishan Shakli Sangathan OMD Objectifs du Millénaire pour le développement

ONEA Office national d’eau et d’assainissement ONG Organisation non gouvernementale PAGIRE Plan d’action pour la gestion intégrée des ressources en eau PDC-AEPA Plan de développement Communal pour l’approvisionnement en eau potable et

l’assainissement PDDEB Plan décennal de développement de l’éducation de base PEA Postes d’eau autonomes PN-AEPA Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement PNUD Programme des Nations Unies pour le développement PRSC Crédit de soutien pour la réduction de la pauvreté RAF Réorganisation agraire et foncière SSBR Systèmes de subventions basés sur les résultats TOD Texte d’orientation de la décentralisation TVA Taxe à la valeur ajoutée USAID United States Aid for International Development WDR Rapport sur le Développement dans le Monde

Vice-Président Directeur pays

Directeur sectoriel Responsable sectoriel

Chef de projet

- Obiageli K. Ezekwesili - Mats Karlsson Sudhir Shetty - Helga Muller - Hélène Grandvoinnet

REMERCIEMENTS

Ce rapport a été préparé par une équipe dirigée par Hélène Grandvoinnet (Chef de Projet) et Sylvie Debomy (Chef de Projet adjoint) et comprenait Eric Champagne (préparation et coordination de l’étude de terrain, expérience internationale, eau), Zoé Druilhe (préparation et coordination de l’étude de terrain, expérience internationale, éducation), Christian Eghoff et Abdoulaye Kane (décentralisation fiscale). Parmi les autres collaborateurs, citons Daniel Murphy (rural) et Janette Uhlmann (expériences internationales). Madeleine Chungkong(AFTPR) a apporté un soutien à l’équipe, ainsi que Suzanne Rayaisse et Yolande Bougouma (AFMBF). L’équipe souhaite remercier tous ceux qui, au Burkina Faso, ont collaboré à ce rapport et ont partagé leur expérience et leurs connaissance. L’équipe souhaite remercier en particulier le secrétaire permanent du MATD et son personnel, les membres de la commission ad hoc sur la décentralisation pour leurs contributions, ainsi que tous les participants aux deux « Semaine de réflexion » organisées en 2006 et 2007. Les principales sources du rapport comprennent des études de terrain menées par Ben Mamadou Ouedraogo (consultant) et une note contextuelle sur l’économie politique rédigée par René Otayek et Dominique Darbon, tous deux du Centre d’Etude d’Afrique Noire (CEAN). A toutes les étapes, le rapport a bénéficié de la collaboration très appréciée de : Catherine Laurent et Ezzedine Moudoud (ensemble du rapport), Stephen Ndegwa (analyse politique), Michael Drabble et Pierre Kamano (éducation), Christophe Prévost, Aguiratou Savadogo-Tinto et Seydou Traore (eau) et Célestin Bado et Siaka Coulibaly (dialogue avec le gouvernement et les donateurs). Les « peer-reviewers » (en charge d’effectuer le contrôle de qualité interne) sont :

Michael Drabble - Spécialiste de l’éducation, AFTH2

Maria Emilia Freire - Conseiller, TUDDR

Catherine Laurent - Spécialiste du secteur public, MNSED

Stephen Ndegwa - Spécialiste du secteur public, PRMPS

Doris Voorbraak - Spécialiste de la gestion du secteur public, PRMPS

Table des matières

SYNTHESE ................................................................................................................................................. 1 A. Comprendre le contexte de la décentralisation ................................................................................ 2 B. Surmonter les défis de la décentralisation ....................................................................................... 3

1) Défis administratifs .............................................................................................................................. 4 2) Défis financiers .................................................................................................................................... 6 3) Défis en matière de capacités humaines............................................................................................... 7

C. Réussir la décentralisation des secteurs de l’enseignement primaire et des services de l’eau ..... 8 1) Enseignement primaire......................................................................................................................... 9 2) Eau potable......................................................................................................................................... 11

D. Renforcer la participation et la responsabilité ............................................................................... 12 1. Comprendre le contexte de la decentralisation .................................................................................. 15 A. A propos du present rapport............................................................................................................ 15 B. La chaine des responsabilités ........................................................................................................... 17 C. Contexte socioéconomique et administratif .................................................................................... 18

1) Un pays à faible revenu au faible développement social ................................................................... 18 2) Une démocratie qui n’est pas encore passée par une transition ......................................................... 19 3) Un système politique dans lequel l’ethnicité est une préoccupation secondaire................................ 19 4) Un héritage administratif de centralisation et d’uniformité ............................................................... 20 5) Une histoire de réforme qui se cantonne essentiellement à la déconcentration ................................. 21

D. La reforme de decentralisation des années 1990 ............................................................................ 22 1) Les opposants et les partisans de la décentralisation.......................................................................... 23 2) Le rôle des chefs traditionnels............................................................................................................ 24

E. Le code de décentralisation 2004 ..................................................................................................... 25 1) Grands principes et mission ............................................................................................................... 28 2) Défis de la mise en œuvre .................................................................................................................. 29 3) Les leçons de la décentralisation urbaine ........................................................................................... 29 4) La diversité des Collectivités territoriales .......................................................................................... 30

2. Surmonter les défis posés par la décentralisation .............................................................................. 32 A. Défis administratifs ........................................................................................................................... 33

1) Simplifier des structures déconcentrées complexes ........................................................................... 33 2) Clarifier les missions entre l’administration centrale et les collectivités territoriales ........................ 35 3) Rationaliser les administrations centrales et déconcentrées ............................................................... 37 4) Institutionnaliser la coordination........................................................................................................ 38 5) Equilibrer l’autonomie et la tutelle..................................................................................................... 39 6) Recommandations pour surmonter les défis de la décentralisation administrative............................40

B. Défis financiers .................................................................................................................................. 44 1) Leçons à tirer de la décentralisation urbaine ...................................................................................... 48 2) Mise en œuvre des transferts financiers ............................................................................................. 53 3) Gestion des finances publiques locales .............................................................................................. 58 4) Recommandations pour relever les défis de la décentralisation fiscale ............................................. 61

C. Défis liés aux ressources humaines .................................................................................................. 62 1) Difficulté liée au personnel dans les communes urbaines.................................................................. 62 2) Transfert du personnel et reddition des comptes................................................................................ 63 3) Statut de la fonction publique territoriale........................................................................................... 64 4) Recommandations pour relever les défis liés au renforcement des capacités .................................... 66

3. Réalisation de la décentralisation pour l’enseignement primaire et les services d’approvisionnement en eau .................................................................................................................... 70 A. Similitudes et différences entre les deux secteurs.................................................................................. 70 B. L’enseignement primaire........................................................................................................................ 74

C. Eau potable...................................................................................................................................... 95 4. Renforcement de la participation et de la responsabilisation ......................................................... 112 A. Contraintes à la participation et à la mise en responsabilite à l’échelon local ..................................... 112 B. Renforcement du rôle des parents et des communautés dans l’enseignement primaire....................... 121 C. Renforcer le rôle des usagers et des prestataires de services dans le secteur eau................................. 126

Liste des Annexes

Annexe 1. Le cadre stratégique de la mise en œuvre de la décentralisation ............................................. 131 Annexe 2. Aperçu de l’histoire institutionnelle et politique du Burkina Faso.......................................... 133 Annexe 3. Allocations de crédits délégués des ministères aux administrations déconcentrées, 2000–2006.................................................................................................................................................................. 135 Annexe 4. Compétences pour les fournitures d’eau et d’électricité et pour l’enseignement primaire...... 136 Annexe 5. Rôle de la tutelle sur le régions et les communes.................................................................... 137 Annexe 6. Caractéristiques des Collectivités Territoriales ....................................................................... 138 Annexe 7. Méthodologie des études qualitatives...................................................................................... 144 Annexe 8. Bibliographie ........................................................................................................................... 147

Liste des Tableaux Tableau 1. Indicateurs sociaux fondamentaux au Burkina Faso et en Afrique subsaharienne ................... 19 Tableau 2. L’héritage administratif français et ses défis en matière de décentralisation............................ 20 Tableau 3. Modifications de l’architecture d’Etat à la suite de la déconcentration et de la décentralisation.................................................................................................................................................................... 23 Tableau 4. Structure territoriale du Burkina Faso....................................................................................... 28 Tableau 5. Déconcentration des administrations centrales ......................................................................... 34 Tableau 6. Grille de « dégroupage » / identification des rôles et responsabilités par type ......................... 41 Tableau 7. Répartition des dépenses dans le budget des communes urbaines ............................................ 62 Tableau 8. Étalonnage du Burkina Faso par rapport à un modèle décentralisé de gestion du personnel.... 66 Tableau 9. Moyens pour maximiser les ressources humaines .................................................................... 69 Tableau 10. Gestion des finances et des ressources humaines au Ministère de l’Éducation ...................... 80 Tableau 11. Effectifs actuels et besoins en personnel des DRAHRH....................................................... 108 Tableau 12. Pourcentage du budget de fonctionnement exécuté par « Crédits délégués », par ministère 135 Tableau 13. Champ et volume des crédits délégués, par ministère et nature de dépenses........................ 135 Tableau 14. Densité de population des Collectivités Territoriales ........................................................... 139 Tableau 15. Population des communes rurales, par taille de commune ................................................... 139 Tableau 16. Taille et densité de population des provinces par région ...................................................... 139 Tableau 17. Population et revenus des communes urbaines, 2001–2004 ................................................. 140 Tableau 18. Population et revenus des villes, 2001–2004 ........................................................................ 141 Tableau 19. Investissement dans les villes, 2001–2004............................................................................ 142 Tableau 20. Investissements dans les villes, 2001–2004 .......................................................................... 143 Tableau 21. Caractéristiques des échantillons .......................................................................................... 144

Liste des Encadrés Encadré 1. A propos du présent rapport........................................................................................................ 1

Encadré 2. Résumé des recommandations pour la décentralisation administrative...................................... 5 Encadré 3. Résumé des recommandations en matière de décentralisation fiscale........................................6 Encadré 4. Résumé des recommandations pour le renforcement des capacités humaines au niveau local .. 7 Encadré 5. Résumé des recommandations pour la décentralisation de l’enseignement primaire ...............10 Encadré 6. Résumé des recommandations pour la décentralisation des services de gestion de l’eau ........ 11 Encadré 7. Résumé des recommandations pour renforcer la participation et la responsabilité .................. 13 Encadré 8. Les CT et leurs compétences .................................................................................................... 26 Encadré 9. Problèmes en matière de capacités de base au niveau local...................................................... 31 Encadré 10. Règles s’appliquant aux transferts dans le Code 2004............................................................ 32 Encadré 11. Statut et avenir de la déconcentration budgétaire : les Crédits délégués ................................ 36 Encadré 12. Perception de la tutelle par les Communes ............................................................................. 40 Encadré 13. L’exercice de « dégroupage » au Rwanda .............................................................................. 42 Encadré 14. IMIHIGO : outil de gestion des résultats pour la réforme de décentralisation au Rwanda .... 43 Encadré 15. Le financement adéquat des services de base – quelques principes ....................................... 44 Encadré 16. Dispositions du Code 2004 sur la décentralisation fiscale......................................................46 Encadré 17. Principes d’exploitation pour les dotations d’utilité générale et les fonds d’investissement..55 Encadré 18. Dotations basées sur les résultats ............................................................................................ 56 Encadré 19. Contrats municipaux ............................................................................................................... 57 Encadré 20. Recouvrement des impôts : faiblesse de l’assiette et faible légitimité des impôts.................. 59 Encadré 21. Deux exemples de réussite dans l’accroissement des recettes locales .................................... 60 Encadré 22. Ressources humaines dans les communes urbaines................................................................ 63 Encadré 23. Incitations et mécanismes pour attirer et conserver le personnel dans les zones défavorisées68 Encadré 24. Coopération inter municipale avec un pool de professionnels qualifiés pour le compte de plusieurs collectivités territoriales .............................................................................................................. 70 Encadré 25. Caractéristiques des secteurs de l’enseignement primaire et de l’eau au Burkina Faso ......... 71 Encadré 26. Performance des services d’enseignement primaire au Burkina Faso .................................... 76 Encadré 27. Le rôle des CT et des acteurs non étatiques dans le financement de l’enseignement primaire.................................................................................................................................................................... 77 Encadré 28. Modèles de gestion locale dans l’enseignement primaire....................................................... 78 Encadré 29. Etudes qualitatives : les ouvertures d’écoles se décident de manière ad-hoc ......................... 79 Encadré 30. Etudes qualitatives : construction d’écoles dans les communes urbaines............................... 82 Encadré 31. Etudes qualitatives : le rôle des communes dans les dépenses de fonctionnement................. 84 Encadré 32. School-Based Management (la gestion au niveau des écoles) ................................................ 85 Encadré 33. Élaboration et gestion du budget : identification des ressources à transférer aux communes 86 Encadré 34. Subventions par tête dans les écoles secondaires.................................................................... 87 Encadré 35. Planification et contrôle du corps enseignant ......................................................................... 88 Encadré 36. Raisons principales de l’absentéisme des enseignants selon les Etudes qualitatives.............. 88 Encadré 37. Décentralisation des services d’enseignement primaire au Rwanda.......................................94 Encadré 38. Performance des services de l’eau potable au Burkina Faso .................................................. 96 Encadré 39. Le processus d’urbanisation au Burkina Faso......................................................................... 97 Encadré 40. Gestion de l’eau dans trois types de territoires ..................................................................... 101 Encadré 41. Les leçons apprises de l’expérience de réseaux de distribution d’eau gérés de façon autonome par les communes...................................................................................................................................... 102 Encadré 42. Résultats des études qualitatives sur les services de l’ONEA............................................... 103 Encadré 43. Accords d’affermage à Bittou et à Diagapage ...................................................................... 103 Encadré 44. Le coût élevé de l’eau : résultats des études qualitatives ...................................................... 106 Encadré 45. Enquêtes qualitatives : élections locales et influence du centre............................................ 113 Encadré 46. Des maires absentéistes......................................................................................................... 114 Encadré 47. Attentes de la population vis à vis de son maire et perception du rôle des communes......... 114 Encadré 48. Sentiments de la population sur les élections locales et le rôle des communes .................... 115 Encadré 49. Connaissances limitées du Code 2004 de la part des officiels élus et de la population........ 115

Encadré 50. Le Code 2004 et la participation locale ................................................................................ 116 Encadré 51. Insuffisance des informations financières à l’échelon local ................................................. 116 Encadré 52: Décentralisation - une occasion de renforcer la participation des femmes........................... 118 Encadré 53. L’opinion de la population sur les débats du conseil municipal ........................................... 119 Encadré 54. Bangalore : « bulletin de note citoyen » sur les services publics.......................................... 121 Encadré 55. Contrôle de la participation au Rajasthan ............................................................................. 121 Encadré 56. Relations de responsabilité dans le secteur de l’éducation ................................................... 122 Encadré 57. La faiblesse de la voix citoyenne des parents dans l’enseignement primaire ....................... 123 Encadré 58. Relations de responsabilité dans le secteur de l’adduction d’eau ......................................... 127 Encadré 59. Expérience internationale de la décentralisation dans le secteur de l’eau............................. 128 Encadré 60. Architecture institutionnelle et grandes dates de la décentralisation, depuis l’époque coloniale jusqu’aux aujourd’hui ............................................................................................................................... 133 Encadré 61. Grandes dates politiques du parti au pouvoir, de 1991 à 2006 ............................................. 134

Liste des Figures Figure 1. La chaine des responsabilités ...................................................................................................... 17 Figure 2. La chaine des responsabilités au Burkina Faso ........................................................................... 18 Figure 3. Une structure territoriale complexe ............................................................................................. 27 Figure 4. Recettes moyennes par habitant et par taille d’agglomération .................................................... 48 Figure 5. Répartition des recettes annuelles dans les 49 communes urbaines entre 2001 et 2004 ............. 49 Figure 6. Répartition des investissements annuels moyens dans les 49 communes urbaines entre 2001 et 2004 ............................................................................................................................................................ 51 Figure 7. Investissements moyens par habitant et par taille d’agglomération ............................................ 52 Figure 8: Crédits délégués, budget récurrent, MEBA (2000-2006)............................................................ 83 Figure 9. Cartes des 13 régions et 45 provinces du Burkina Faso ............................................................ 138

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SYNTHESE 1. Avec les élections municipales de 2006, le Burkina Faso est entré dans une nouvelle phase de la mise en œuvre de sa stratégie de décentralisation. Le Code général des collectivités territoriales (adopté en décembre 2004 et auquel on se référera dans ce rapport par « Code 2004 ») représente un tournant dans le processus de décentralisation. Après plus d’une décennie de débats passionnés sur la forme que devrait prendre la décentralisation, le nouveau code confirme le maintien de trois échelons d’administration territoriale et de deux niveaux d’administration décentralisée. Il a immédiatement été suivi d’étapes concrètes pour la mise en place des nouvelles Collectivités territoriales (CT). Peu de temps après la création des CT, des élections se sont tenues en 2006 et les transferts de compétences aux organismes nouvellement élus pour la plupart des fonctions de prestations de services de base sont en cours.

Encadré 1. A propos du présent rapport

Le présent rapport recommande des mesures pour aider le gouvernement du Burkina Faso à mettre en œuvre sa stratégie de décentralisation et à améliorer la prestation de services à sa population. Le rapport décrit l’environnement économique et politique pour aider à comprendre le contexte du processus de décentralisation au Burkina Faso, il décrit les récents progrès et les choix faits pour approfondir la mise en œuvre dans le pays et s’attache aux enjeux d’une décentralisation réussie pour une prestation de services plus efficace et une participation accrue. Le rapport insistera sur deux problèmes centraux : a) surmonter les défis en matière de capacité administrative, financière et humaine que représente les transferts des compétences et des ressources aux CT et b) renforcer la participation et les moyens de mise en responsabilité au niveau local, notamment en matière de prestation de services de base. Ces deux sujets sont au cœur de la stratégie de décentralisation. Deux secteurs sont étudiés en profondeur : l’enseignement primaire et les services d’approvisionnement en eau potable. C’est en coordination avec les autorités que ces deux secteurs ont été choisis parce qu’ils sont au cœur du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP). En outre, la sélection d’un secteur d’infrastructure et d’un secteur social démontre que la décentralisation ne saurait être mise en œuvre de façon uniforme : ces secteurs diffèrent fortement par leur structure, leur type d’organisation et leurs pratiques de gestion. Le rapport repose sur des entretiens menés dans le pays, sur des résultats issus d’études qualitatives sur la prestation de services au niveau décentralisé, sur une étude historique de l’économie politique ainsi que sur la documentation existante sur la décentralisation au Burkina Faso. Des exemples internationaux sont fournis lorsqu’ils apportent une valeur ajoutée à la discussion. Les études qualitatives commandées pour ce rapport ont été conduites dans 12 communes (8 urbaines et 4 rurales) de quatre régions. La recherche sur le terrain a évalué les niveaux de décentralisation administrative, budgétaire et politique et les dispositifs de prestation des services d’adduction d’eau et d’éducation primaire. Une équipe multisectorielle a préparé le rapport en étroite concertation avec des représentants de l’administration burkinabè.

2. Pour suivre et évaluer le processus de décentralisation, un décret présidentiel a été publié le 1er mars 2007 qui crée le Cadre stratégique de mise en œuvre de la décentralisation (CSMOD). Ce Cadre

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s’applique à tous les acteurs participant au processus : élus aux niveaux nationaux, régionaux et communaux ; administration publique à tous les niveaux ; organisations de la société civile ; bailleurs de fonds ; population et autres protagonistes. Il décrit la situation actuelle, définit les grandes orientations, les principes de décentralisation et les grands axes qui doivent sous-tendre l’action de l’Etat dans le processus de décentralisation. 3. La décentralisation ambitieuse du Burkina Faso progresse dans sa conception et dans sa mise en œuvre, à mesure que les collectivités territoriales sont établies et que des compétences leur sont transférées. La politique de décentralisation repose sur des principes de progressivité et de subsidiarité (principe d’organisation sociale qui affirme que les fonctions exécutées avec efficacité par les organisations locales leur appartiennent plus justement qu’à une organisation centrale dominante). En établissant les nouvelles collectivités territoriales, la distinction entre communes urbaines et rurales et, notamment, un calendrier différent pour les transferts de compétences, répond aux différences fondamentales entre ces deux types de communes et entre les secteurs soumis à la décentralisation. 4. La décentralisation est mise en œuvre « progressivement » parce que le renforcement des capacités des collectivités territoriales a été considéré comme une condition préalable à la délégation effective des pouvoirs. Ce principe a conduit à un processus de décentralisation qui, au départ, a privilégié les centres urbains (communes urbaines élues en 1995 et 2000) et s’est caractérisé par des mesures prudentes visant à accorder une autonomie politique et administrative à ces collectivités territoriales urbaines. Même dans les plus grandes communes, l’absence de ressources financières ou humaines met en péril le succès de la décentralisation. Les communes rurales seront confrontées à des défis encore plus grands, même si elles peuvent compter sur l’expérience des comités villageois. 5. Ce rapport évalue l’expérience du Burkina Faso en matière de décentralisation et recommande des mesures spécifiques pour certains enjeux qui pourraient menacer le processus de décentralisation :

1. Le risque d’empiler des structures administratives complexes (les textes prévoient trois échelons d’administration territoriale qui pourraient conduire à une inflation des niveaux de déconcentration sectorielle) sans distinction claire des rôles et responsabilités.

2. L’absence de cadre financier pour la décentralisation et le risque de transfert aux communes de compétences qui ne seraient pas financés de manière adéquate.

3. La difficulté d’attirer et de retenir un personnel qualifié au niveau local, le vivier de personnel éduqué étant de petite taille et la plupart des fonctionnaires ne souhaitant pas quitter l’administration centrale.

4. La difficulté de faire de la responsabilité au niveau local une réalité dans un contexte d’analphabétisme répandu et dans un cadre politique qui reste régi par des relations clientélistes.

6. Les prochaines mesures clés sont : (i) plus de clarté en matière de transferts financiers aux CT et (ii) fournir des règles claires pour la déconcentration de l’administration centrale pour mieux soutenir (et non submerger) les CT. Un complément d’information sur le contexte et l’élaboration du présent rapport figure à l’Encadré 1.

A. COMPRENDRE LE CONTEXTE DE LA DECENTRALISATION

7. Trois caractéristiques économiques, sociales et politiques essentielles du Burkina Faso sont cruciales à la compréhension du contexte de la réforme de décentralisation et à son impact probable. Tout d’abord, le Burkina Faso est un pays à faible revenu avec un taux très faible d’alphabétisation, ce qui affecte directement le niveau de participation qui peut être attendu de la population, au moins dans ses relations avec le système formel. Ensuite, le pays est, certes, une démocratie depuis le début des années

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1990, mais le Burkina Faso n’a encore jamais connu de transition politique. Le parti au pouvoir contrôle l’appareil de l’Etat et le clientélisme1 demeure le principal mode de régulation politique. Ceci sous-tend la motivation de création de centres locaux de pouvoir par la décentralisation, qui dans le cas présent, signifie la création d’un nombre accru de postes à distribuer à ses alliés. Enfin, bien que le pays ne soit pas homogène sur le plan ethnique, l’ethnicité ne constitue qu’une variable secondaire de la politique, ce qui protège le Burkina Faso de certaines des tensions observées au moment de la décentralisation dans certains pays de la sous-région. 8. L’Etat a une tradition forte d’administration centralisée et directive, ce qui rend plus ardue la mise en œuvre d’une stratégie de décentralisation. En tant qu’ancienne colonie française, le Burkina Faso a hérité d’une administration peu disposée à accorder une autonomie à un niveau inférieur à l’échelon national. A l’heure actuelle, l’Etat conserve un niveau élevé de contrôle sur la plupart des décisions administratives, sur les systèmes centralisés de gestion publique transversale (finances, ressources humaines) et une architecture double d’administration territoriale et déconcentrée en dehors du centre. Il est donc peu surprenant que l’histoire postindépendance du Burkina Faso montre peu d’expérience de la décentralisation, malgré les réformes radicales de la structure territoriale entreprises sous la houlette de Thomas Sankara dans les années 1980. 9. L’ouverture politique et économique de l’Afrique subsaharienne au cours des années 1990 a fait de la décentralisation une priorité au Burkina Faso. Alors que le cadre de décentralisation avait été établi dans la constitution de 1991 du pays, la résistance à la décentralisation explique une décennie d’allées et venues sur l’ampleur et la forme qu’elle devait prendre. Pour autant, la décentralisation urbaine a pris corps entre 1995 et 2005 et a apporté une expérience utile aujourd’hui pour étendre cette politique à tout le pays. 10. L’adoption en 2004 du Code de décentralisation et l’organisation en avril 2006 des premières élections municipales urbaines et rurales ont envoyé des signaux forts que le gouvernement était décidé à mettre en œuvre la décentralisation. Le Code 2004 s’applique aux trois principaux types de CT : les régions, les communes urbaines et les communes rurales. Les communes sont les points d’ancrage pour la prestation des services de base et sont responsables de la construction et de l’entretien de la plupart des services et infrastructures de base : routes de campagnes, des centres de soins de santé primaires, des écoles primaires, des systèmes d’approvisionnement en eau potable et des services d’assainissement. 11. Au Burkina Faso, le processus politique de décentralisation est, de fait, une forme de délégation (par opposition à une « dévolution »). La décentralisation au Burkina Faso suppose la création de corps élus qui sont loin d’être totalement indépendants de l’administration centrale. Cette dernière conserve le contrôle de ces organismes et doit approuver ou autoriser les décisions importantes, notamment pour les questions budgétaires à travers l’autorité de tutelle. Malgré tout, des compétences et des ressources spécifiques sont transférées aux corps locaux élus, qui sont directement responsables devant la population. De pair avec le processus de décentralisation, la « déconcentration » transfère les compétences du centre vers la périphérie et renforce les directions déconcentrées.

B. SURMONTER LES DEFIS DE LA DECENTRALISATION

1 Le clientélisme constitue une composante clé de la prise et de la conservation du pouvoir politique et est défini comme la fourniture par un homme politique de tout bien ou service à un individu en échange de son soutien politique. Des biens et services de cette nature peuvent être un emploi dans le secteur public, un accès privilégié à des biens rares comme un crédit subventionné ou l’exonération de licences, taxes et honoraires (Rius, Andres et Nicolas van de Walle, 2003).

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12. Avec l’adoption du Code 2004 et l’élection des communes en 2006, le Burkina Faso est entré dans une période intense d’activités pour la mise en œuvre de la réforme de décentralisation. Le chapitre 2 analyse les principaux défis en matière de capacités administratives, financières et humaines à surmonter pour rendre opérationnel le transfert de compétences et de ressources, pour que la décentralisation apporte les avantages attendus d’efficacité accrue de l’administration publique :

1. Défis administratifs. Comment devraient être réalignées les administrations centrales et déconcentrées pour servir la politique de décentralisation ? Comment améliorer la collaboration et la coordination à l’échelon local entre les différentes structures (administrations territoriales et déconcentrées, CT) ? Quelles sont les mesures nécessaires pour garantir que la tutelle maintiendra le fragile équilibre entre le besoin d’autonomie des CT et les nécessaires contrôles de leurs opérations ?

2. Défis financiers. Quelles leçons tirer d’une décennie de décentralisation urbaine ? Les options actuelles en cours d’élaboration pour fournir des ressources aux CT (transferts intergouvernementaux, fond d’investissements, taxation locale, emprunts) sont-elles claires et adaptées ? Quelle est la capacité locale de gestion des finances publiques ?

3. Défis en matière de capacités humaines. Quelles leçons tirer de la difficulté de pourvoir en personnel les communes urbaines ? Quels sont les défis découlant des décisions relatives aux modalités de transfert de personnel (mise à disposition) ? Dans quelle mesure le nouveau statut de la Fonction Publique Territoriale est-il capable de répondre aux besoins des CT ?

1) Défis administratifs

13. Eu égard aux ressources dont le pays dispose, le Burkina Faso n’a pas les moyens de déléguer les responsabilités de la prestation de services essentiels à 13 nouvelles régions, 49 communes urbaines et 302 nouvelles communes rurales sans restructurer son administration existante. La décision de faire de la déconcentration un parallèle nécessaire à la décentralisation est justifié dans une certaine mesure, mais doit être mise en œuvre de manière prudente et sélective. Pour de nombreuses raisons, les services déconcentrés ont peu de personnel qualifie et leurs incitations à soutenir le travail de CT autonomes ne sont pas évidentes (puisqu’elles aboutiraient au final à leur propre rationalisation ou disparition). Dans la phase de transition, leur rôle d’accompagnement dans leur développement des CT nouvellement créées est important, mais comporte le risque de retranchement des administrations déconcentrées dans des fonctions qui auraient dû être directement déléguées aux CT. Les ressources ne seront pas suffisantes pour dédoubler les compétences entre les administrations déconcentrées et décentralisées. Le défi pour le gouvernement central est comment organiser, au plus tôt, le transfert d’une partie de ses structures et de son personnel aux CT et comment ajuster ses ressources et effectifs restants conformément à la nouvelle politique de décentralisation. 14. Des questions fondamentales ont besoin d’être éclaircies pour veiller à ce que les administrations centrales et déconcentrées assistent réellement les CT à prester des services à la population. En premier lieu, il est nécessaire de clarifier les responsabilités respectives entre le centre et les CT, particulièrement en matière de « compétences communes ». Le Code 2004 est précis par secteur, mais, à l’intérieur de ceux-ci, identifier précisément les sous-activités par protagoniste aidera à clarifier les responsabilités. En second lieu, l’étendue et les modalités de l’aide apportée par l’administration déconcentrée aux CT devra être étudiée avec réalisme (nombre de fonctionnaires n’accepteront pas d’être déployés en dehors des grands centres urbains). Un problème lié à la déconcentration qui a besoin d’être traité ouvertement est la pratique qui consiste à demander aux CT un financement en échange de l’appui des services déconcentrés. Il faut décider si elle est légale et acceptée ou si elle devrait être interdite ou, au moins, réglementée. En troisième lieu, les modalités de coordination entre toutes les administrations doivent être fixées et appliquées (avec au moins, un ensemble minimal d’échanges obligatoires). Enfin,

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les autorités de tutelle devront se voir attribuer les moyens de remplir leurs importants mandats, tout en étant empêchés d’aller au-delà et d’empiéter sur l’autonomie des CT. Les principales recommandations sont récapitulées dans l’Encadré 2 et détaillées ci-dessous.

Encadré 2. Résumé des recommandations pour la décentralisation administrative

1. Séparer/identifier les domaines à transférer en sous-activités pour clarifier les responsabilités pour chacune de ces activités (dégroupage).

2. Fournir des instructions stratégiques pour la rationalisation des administrations centrale et déconcentrées. 3. Elaborer des dispositifs contractuels entre les CT et les administrations déconcentrées et clarifier les apports

financiers respectifs. 4. Veiller à une coordination régulière au niveau local. 5. Etablir un calendrier pour diminuer le nombre d’échelons de l’administration territoriale (fermeture des

préfectures et, entre-temps, modification du rôle des préfets, à travers des conditions préalables strictes en matière de profils de compétences pour le recrutement).

6. Améliorer l’exercice de la tutelle : adopter un manuel de procédures. 15. Principales recommandations en matière de décentralisation administrative :

1. Séparer/identifier les domaines à transférer en sous-activités pour clarifier les responsabilités

(dégroupage). Pour les secteurs pour lesquels des zones d’ombre subsistent, nous recommandons une action commune entre des représentants des communes (urbaines et rurales) et chaque secteur concerné pour parvenir à comprendre l’étendue des transferts et parvenir à un accord pour les opérationnaliser, sur la base du Code 2004.

2. Donner des conseils stratégiques pour la rationalisation des administrations centrale et déconcentrées. Nous recommandons que le ministère de la Fonction publique donne aux secteurs des conseils stratégiques pour les aider à prendre leurs décisions sectorielles sur les politiques de déconcentration.

3. Elaborer des dispositifs contractuels entre les CT et les administrations déconcentrées et clarifier les apports financiers respectifs. Nous recommandons que des contrats soient élaborées entre les CT et l’administration déconcentrée pour clarifier les résultats attendus dans le cadre de la période couverte, identifier des indicateurs de résultats mesurables, inclure des dispositions de suivi et d’évaluation, préciser les ressources qui seront utilisées, clarifier l’apport et les obligations des parties et intégrer des plans de communication et de participation de la population locale. Dans tous les cas et même en l’absence de contrats, nous recommandons que l’Etat prenne position sur la question du paiement par les CT du soutien apporté par l’administration déconcentrée, qu’elle informe ses services de sa décision et qu’elle l’applique.

4. Veiller à une concertation régulière au niveau local. Nous recommandons que des décisions soient prises en matière de portée et de périodicité des réunions de coordination entre les divers protagonistes locaux (administration déconcentrée, CT, population). Des directives pourraient être codifiées dans un simple manuel de procédures, au minimum pour une coordination régulière entre l’administration déconcentrée et les CT.

5. Etablir un calendrier pour diminuer le nombre d’échelons de l’administration territoriale. Comme le discute ce rapport, le maintien des préfets n’apparaît pas justifié. Le haut commissaire exerçant sa tutelle sur les CT, le rôle du préfet a beaucoup perdu en importance : son avenir devrait être réexaminé et un calendrier de fermeture des préfectures convenu. Entre-temps, une solution pourrait être d’adapter le rôle du préfet à un rôle d’assistance, mais cela supposerait d’adhérer à des profils de compétence stricts pour pouvoir prétendre à être nommé préfet.

6. Améliorer l’exercice de la tutelle. Pour éviter des tensions inutiles entre les autorités de tutelle et les CT, nous recommandons que le ministère de la Décentralisation, en concertation avec le ministère des Finances et du Budget et des représentants des CT, prépare un manuel de

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procédures pour les représentants de l’Etat au niveau local et pour les responsables des CT. Nous recommandons que le manuel soit distribué à l’ensemble des protagonistes de la décentralisation.

2) Défis financiers

16. La décentralisation ne réussira que si des ressources suffisantes sont mises à disposition des niveaux administratifs pertinents pour fournir un niveau raisonnable de services à la population. Les ressources des CT viennent de sources fiscales, de transferts financiers et de leur capacité d’emprunt ; toutes leurs décisions financières sont soumises à un contrôle ex-ante et elles doivent respecter des dépenses obligatoires. 17. Les leçons d’une décennie de décentralisation urbaine sont pertinentes aujourd’hui. Les fonctions attribuées aux collectivités locales ont été mal exécutées en raison de l’absence de ressources financières et humaines. Les revenus des communes urbaines sont faibles et concentrés dans la capitale, Ouagadougou. Eu égard au faible niveau des transferts en termes absolus, les communes urbaines doivent compter sur divers impôts et taxes dont elles n’ont pas la maîtrise totale. Les dépenses de fonctionnement constituent une grande partie des dépenses totales des communes. Le manque d’investissement qui en découle est en partie compensé par des projets financés par des donateurs extérieurs, mais ces projets sont inégalement répartis sur le territoire. 18. La gestion des finances publiques au niveau local est médiocre. Elle est limitée par le faible niveau de ressources humaines dans les CT et par l’insuffisance de l’aide apportée par l’administration déconcentrée (notamment du ministère des Finances). Les contrôles sont rares en raison d’une piètre comptabilité et des faiblesses des institutions centrales chargées du contrôle. 19. Alors que certaines solutions sont conçues pour planifier le financement de la réforme, il manque toujours un cadre financier global. Les impacts financiers des réformes restent vagues, y compris en matière d’installation des nouvelles communes. Le gouvernement participe à plusieurs groupes de réflexion pour identifier des sources de financement possibles pour les CT, mais l’arbitrage entre ces diverses solutions n’est pas achevé. Les principales recommandations sont récapitulées à l’Encadré 3 et détaillées ci-dessous.

Encadré 3. Résumé des recommandations en matière de décentralisation fiscale

1. Clarifier le cadre de financement de la décentralisation sur les 5 à 10 ans à venir. 2. Soutenir l’élaboration et le fonctionnement effectif d’un fonds permanent pour le développement local destiné à

rationaliser l’aide extérieure. 3. Evaluer le potentiel de recettes des différents impôts mobilisés à l’échelon local pour mieux cibler les transferts

afin qu’ils soient adaptés au type et au potentiel des collectivités locales. 4. Fournir à toutes les CT une capacité minimale dans le domaine de la gestion financière. 20. Principales recommandations en matière de décentralisation financière :

1. Clarifier le cadre de financement de la décentralisation sur les cinq à dix ans à venir. Ce cadre à moyen terme (2007-15) devrait couvrir le financement des transferts des compétences, les coûts liés à l’établissement effectif de nouvelles CT et à l’amélioration de la performance financière des collectivités locales, en matière de fonctionnement (fiscalité et transferts) et d’investissement (transferts et prêts).

2. Soutenir l’élaboration et le fonctionnement effectif d’un fonds permanent pour le développement local destiné à rationaliser l’aide extérieure. L’établissement d’un fonds (comme

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le Fonds permanent de développement des collectivités territoriales ou FPDCT) aidera à intégrer et harmoniser les interventions au niveau local en développant la capacité de programmation des communes et en améliorant l’attribution des ressources disponibles et prévues. Ce mécanisme serait particulièrement efficace s’il était basé sur l’établissement de dispositifs contractuels entre les collectivités locales et l’agence publique de financement.

3. Evaluer le potentiel de recettes des différents impôts mobilisés à l’échelon local pour mieux cibler les transferts afin qu’ils correspondent au type et au potentiel des collectivités locales. Si le potentiel des divers impôts et taxes pour les communes urbaines reste encore peu connu, les informations disponibles pour les communes rurales sont pratiquement inexistantes.

4. Fournir à toutes les CT des capacités minimales en matière de gestion financière. Etablir un programme de recrutement et de formation pour apporter aux CT des capacités minimales en matière de gestion financière ainsi que des capacités minimales de production des comptes. Achever la déconcentration des services du ministère des Finances et du Budget et du ministère de la Décentralisation en charge des finances publiques locales. Adopter les textes légaux qui préciseraient la répartition des compétences entre les comptables principaux de l’Etat et les comptables des CT.

3) Défis en matière de capacités humaines

21. Les leçons tirées de la décentralisation urbaine soulignent la difficulté de pourvoir en personnel les communes urbaines. Il est probable que les communes rurales seront confrontées à des contraintes encore plus grandes pour attirer et retenir du personnel qualifié. 22. Les transferts de personnels ne résoudront que partiellement ce problème. Confronté à la résistance des fonctionnaires à un transfert définitif aux CT, le ministère de la Fonction publique a décidé de maintenir sous l’autorité de l’administration centrale les personnels travaillant actuellement dans des structures qui seront déléguées aux CT. Cette décision signifiera que pendant une longue période les CT n’auront aucun contrôle sur une large partie du personnel en place, ce qui sapera leur capacité de gestion et rendront incertains les mécanismes de mises en responsabilités. En outre, la gestion des ressources humaines a toutes chances de rester lente et quelque peu déconnectée de la réalité de terrain, puisque le système restera très centralisé. 23. Les CT pourront à terme recruter leur propre personnel. Pour que les candidats potentiels susceptibles de rejoindre les CT soient moins dissuadés de le faire, une loi de 2006 a créé l’équivalent d’un « statut de la Fonction Publique Territoriale» (FPT). Un des avantages du statut local est le réalignement des hiérarchies de responsabilité qui sera atteint lorsque tout le personnel sera membre de la fonction publique locale et donc soumis à recrutement, promotion et licenciement par les CT par opposition à une gestion exercée par l’administration centrale. Autre avantage, cela répond aux revendications actuelles des agents publics qui ont menacé de s’opposer à la décentralisation si aucun cadre légal sécurisant n’était en place pour le personnel des CT. Toutefois, la loi reprend essentiellement le modèle central et risque donc de ne pas offrir une flexibilité suffisante pour les CT ou, en fait, d’incitations suffisantes pour que du personnel rejoigne les CT, notamment parce que la loi sur la FPT ne traite pas directement du problème d’indemnisation uniforme des fonctionnaires et de la nécessité de trouver des solutions pour attirer du personnel qualifié dans les zones isolées. Les recommandations pour le renforcement des capacités humaines en matière de décentralisation sont récapitulées à l’Encadré 4 et détaillées ci-dessous. Encadré 4. Résumé des recommandations pour le renforcement des capacités humaines au niveau

local

1. Accroitre le contrôle direct des CT sur leur personnel.

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2. Elaborer des incitations pour attirer du personnel qualifié dans les CT. 3. Maximiser les capacités grâce à l’externalisation et la mise en commun des effectifs. 24. Principales recommandations pour le renforcement des capacités humaines pour la décentralisation :

1. Accroitre le contrôle direct des CT sur leur personnel. Au minimum, il devrait être accordé aux responsables des CT l’autorité principale de notation (évaluation de la performance), même si les fonctionnaires sont encore gérés par le statut de la fonction publique nationale. En outre, pour éviter une politisation du personnel local, une distinction claire devrait être faite entre les nominations politiques et les postes techniques au sein des CT.

2. Elaborer des incitations pour attirer du personnel qualifié dans les CT. L’Etat doit établir un ensemble d’incitations pour attirer et retenir du personnel qualifié dans les CT.

3. Maximiser les capacités grâce à l’externalisation et la mise en commun des effectifs. Avec un grand nombre de petites CT ayant une faible base de ressources et un vivier relativement petit de personnes ayant un bon niveau d’éducation dans le pays, les CT doivent trouver des voies pour tirer parti des capacités limitées en ayant recours à l’externalisation et à la mise en commun des effectifs.

C. REUSSIR LA DECENTRALISATION DES SECTEURS DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET DES SERVICES DE L’EAU

25. Pour ces deux secteurs, le Code 2004 transfère une responsabilité étendue en matière de prestation de services aux CT. Comme l’évoque le chapitre 3, les CT seront essentiellement responsables de la construction (dépenses d’investissement) et de l’entretien (dépenses de fonctionnement) des installations dans ces deux secteurs. Dans le secteur éducatif, le Code 2004 transfère trois fonctions essentielles aux communes qui seront chargées de : a) la construction, b) l’acquisition et c) la gestion des écoles maternelles, primaires et secondaires dans leurs juridictions. Le code conférant une responsabilité générale de gestion du personnel local, une quatrième responsabilité sera la gestion du personnel enseignant. Dans le secteur de l’eau, le code identifie trois fonctions essentielles des communes : a) consultation sur les plans stratégiques locaux d’adduction d’eau ; b) production et distribution des systèmes d’alimentation en eau et c) construction et gestion des puits creusés et protégés, des forages (puits artésiens) et des bornes-fontaines publiques. 26. Pour les deux secteurs, le plus grand enjeu est l’accès des populations locales aux services de base ; en conséquence, la mise en œuvre du Code 2004 devra faire une priorité de la décentralisation du financement et de la construction des infrastructures. Les transferts devraient d’abord traiter le besoin d’accélérer les rythmes de construction d’installations pour accroître la couverture des services et réduire les disparités interrégionales et urbaines/rurales dans l’accès à ces deux services. Dans le secteur éducatif toutefois, la qualité sera aussi au cœur des préoccupations du secteur, ce qui implique que la gestion des écoles et des enseignants soit une priorité pour les transferts. 27. En matière de décentralisation de ces deux secteurs, les besoins les plus urgents seront dans les domaines de la planification, du financement des dépenses d’investissement et du renforcement de capacités pour soutenir leur mise en œuvre au niveau communal. Les problèmes à traiter seront : a) la décentralisation des fonctions de programmation (et la manière dont ces efforts peuvent être liés à la planification et à la gestion budgétaire basée sur les résultats dans le secteur) ; b) le volume des transferts d’investissements (taille des transferts et identification préalable des ressources à transférer par localisation géographique) ; c) les instruments de transfert du budget d’investissement ; et d) la répartition des ressources humaines ou l’accès à un réservoir qualifié de personnel pour les fonctions clés, comme la

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planification, la passation de marchés et le suivi des contrats et de l’exécution. 28. Les avantages attendus de la décentralisation aux CT varient d’un secteur à l’autre. Dans le secteur éducatif, un important avantage attendu de la décentralisation serait l’augmentation des ressources disponibles au niveau local pour atteindre l’objectif de gratuité de l’enseignement de base. Dans le secteur de l’eau, à l’inverse, le recouvrement effectif des dépenses pour garantir l’entretien des systèmes et le renouvellement des fonds d’investissement sera l’avantage clé attendu.

1) Enseignement primaire

29. Dans le secteur éducatif, la décentralisation est une réforme de grande ampleur, puisque les principales fonctions sont contrôlées de façon centralisée par le ministère de l’Education de Base et de l’Alphabétisation (MEBA) et mises en œuvre par son administration déconcentrée. Ainsi, l’enjeu de la décentralisation sera le transfert de structures et de personnel de l’administration centrale et déconcentrée en charge de l’éducation de base aux communes. Ce secteur n’étant pas complexe d’un point de vue technique, les CT devraient pouvoir assumer la responsabilité directe de la prestation des services, alors que d’autres fonctions pourraient être partagées ou aidées par l’administration centrale et déconcentrée. Certaines fonctions devraient, certes, être exécutées par du personnel qualifié (comme la gestion de la performance des écoles, gestion de la carrière et l’évaluation du personnel), mais elles pourraient, malgré tout, être décentralisées aux CT et ce, dans l’immédiat même, si elles avaient du personnel adapté à leur disposition. 30. La décentralisation aux communes peut être déterminante pour pallier aux goulets d’étranglement du modèle de gestion centrale/déconcentrée dans l’enseignement primaire et pour contribuer à accroître l’efficacité des ressources publiques. Tout d’abord, la décentralisation pourrait aider à augmenter la construction de bâtiments scolaires pour un accès accru à l’enseignement primaire et améliorer l’efficacité des dépenses publiques pour une meilleure répartition des consommations scolaires comme les fournitures, manuels scolaires, etc. Ensuite, les réformes de décentralisation constituent un instrument important pour traiter les faiblesses de la gestion centralisée des ressources humaines et particulièrement pour deux problèmes cruciaux : une meilleure répartition géographique des nouveaux enseignants (entre les régions, entre les zones urbaines et rurales) et une responsabilité accrue des enseignants en service (baisse de l’absentéisme, etc.). Enfin, un important bienfait attendu de la décentralisation est une disponibilité accrue des ressources à l’échelon local pour atteindre l’objectif de gratuité de l’éducation de base.

31. Les efforts que demandera la décentralisation administrative seront de préciser les rôles des CT par rapport à ceux des structures déconcentrées et de rationaliser et coordonner leurs interventions respectives. Une décennie de décentralisation urbaine a mis en lumière le rôle positif que pouvaient jouer les CT dans l’enseignement primaire, rôle qui devrait être renforcé une fois le Code 2004 pleinement mis en œuvre. Depuis la fin des années 1990, les réformes du secteur ont souligné l’intérêt qu’il y avait à accorder un pouvoir décisionnel supplémentaire au niveau local, ce qui a été fait essentiellement par la déconcentration financière et humaine. Ainsi, si le ministère de l’Enseignement primaire est actuellement bien représenté en première ligne au niveau des CT, la capacité de mise en œuvre laissée à ces dernières est faible, voire inexistante. En outre, il n’existe aucun mécanisme de coordination entre ces protagonistes. 32. Les efforts nécessaires à la décentralisation financière seront la mise à disposition des ressources pour les budgets d’investissement et les budgets courants, en prenant en compte les capacités limitées qu’ont les CT en matière de programmation et d’exécution des budgets. A ce jour, le ministère gère la répartition des ressources, mais a accru la déconcentration de l’exécution du budget courant à ses antennes locales au niveau provincial. Ce modèle de gestion souffre des goulets

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d’étranglement qui persistent au niveau central et aux niveaux déconcentrés pour la planification et la répartition des ressources. 33. Les règles actuelles de transfert du personnel enseignant aux CT ne traitent pas pleinement les défis posés par la décentralisation des ressources humaines. Sauf à compléter le cadre légal actuel par des règles spécifiques favorables, les chances d’un plus grand contrôle direct des enseignants en place ne seront pas exploitées et le recrutement d’instituteurs au niveau communal sera difficile. Le recrutement d’enseignants contractuels (non fonctionnaires) au sein du ministère a apporté une souplesse de gestion, y compris la régionalisation des recrutements et des affectations. Ces réformes de grande ampleur ont aidé à traiter les goulets d’étranglement d’un modèle de gestion centralisée des ressources humaines. Toutefois, ces effectifs d’enseignants devant simplement être affectés aux CT, la décentralisation ne donnera pas l’occasion de mieux contrôler localement le personnel en service. En outre, les règles de recrutement et de maintien du personnel enseignant au niveau des CT devront être traitées en détail pour rendre ces postes suffisamment séduisants pour les candidats. Les recommandations pour la décentralisation de l’enseignement primaire sont récapitulées à l’Encadré 5 et détaillées ci-dessous.

Encadré 5. Résumé des recommandations pour la décentralisation de l’enseignement primaire

1. Clarifier quels compétences et personnels doivent être décentralisés vers les CT. 2. Adopter des mécanismes de concertation appropriés pour permettre aux CT de gérer la planification. 3. Définir l’étendue des transferts financiers directs aux CT et aux établissements scolaires. 4. Permettre aux CT de gérer les effectifs de l’ensemble du personnel enseignant. 34. Principales recommandations pour la décentralisation de l’enseignement primaire :

1. Clarifier quels compétences et personnels doivent être décentralisés vers les CT. En matière de construction de bâtiments d’enseignement primaire et de gestion d’établissements scolaires, décider quels compétences et personnels resteront au sein du ministère et de son administration et quels services et fonctions déconcentrées (et, en particulier, les Circonscription de l’enseignement de base (CEB) au niveau départemental) devraient être délégués (et, au final, transférés) au niveau communal.

2. Adopter des mécanismes de concertation appropriés pour permettre aux CT de gérer la planification. Institutionnaliser la participation des CT aux réunions de compte rendu et aux conseils consultatifs, pour qu’elles participent à la planification du secteur (aident à actualiser la carte scolaire ou informent les autorités des priorités comprises dans leurs plans de développement communal et rendent compte des problèmes constatés au niveau local ou des établissements scolaires). Initier le transfert des capacités statistiques et de planification à moyen ou à plus long terme.

3. Définir l’étendue des transferts directs aux CT et aux établissements scolaires. Veiller à intégrer les réformes de « gestion au niveau de l’école » (« school-based management ») au sein du cadre de délégation aux communes. Etablir des incitations pour le recrutement de personnel au niveau communal. Dans tous les cas, les transferts financiers, qu’ils soient conditionnels ou inconditionnels, devraient renforcer la redevabilité financière locale.

4. Permettre aux CT de gérer les effectifs de l’ensemble du personnel enseignant. Pour tous les personnels affectés au niveau communal (qu’ils soient fonctionnaires ou enseignants sous contrat avec l’Etat) la décentralisation devrait constituer une chance de redynamiser les structures de suivi et d’évaluation en déléguant plus de fonctions de gestion à la première ligne. Tout d’abord, nous recommandons que les CT soient autorisées à exercer des fonctions de surveillance pour un meilleur contrôle de l’assiduité et du comportement des enseignants. Ensuite, une réforme plus hardie serait le transfert aux CT de la responsabilité du paiement des salaires, réforme qui lierait rémunération et assiduité.

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2) Eau potable

35. Dans le secteur de l’approvisionnement en eau potable, les principaux fournisseurs sont l’ONEA (entreprise de service public) en zone urbaine et les comités de point d’eau en zone rurale. Un transfert effectif des compétences devra donc s’appuyer sur une contractualisation efficace avec ces fournisseurs, la nature technique du service nécessitant une délégation des compétences pour l’exécution, l’entretien et le renouvellement des systèmes. 36. Depuis 2005, le Burkina Faso a élaboré un ensemble de politiques et de stratégies dans le secteur de l’eau. Le Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement (PN-AEPA) constitue une réponse visant à passer d’une approche par projet à une approche sectorielle. Officiellement approuvée par le gouvernement et les bailleurs de fonds en janvier 2007, le programme est le principal instrument stratégique destiné à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement 2015. Le PN-AEPA suggère que le principal outil visant à impliquer les communes urbaines et rurales dans la gestion de l’eau potable est l’élaboration d’un plan de développement local d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement. 37. Le principal défi administratif sera de renforcer le rôle des communes urbaines et rurales en tant qu’autorités contractantes, coordinateurs et contrôleurs des services hydriques, mais pas en tant que fournisseurs directs des services. La transition vers une responsabilité accrue des communes urbaines et rurales ne devra pas amoindrir l’expertise administrative cumulée de l’ONEA, du ministère et des communautés. La mise en œuvre du Code 2004 dans le secteur de l’eau doit s’appuyer sur : a) une coordination et une coopération efficaces entre l’ONEA et les grandes zones urbaines ; b) une participation forte des communautés; c) un soutien efficace de l’Etat ; et d) un renforcement de la participation du secteur privé. 38. Le défi financier majeur sera le perfectionnement des mécanismes de recouvrement des coûts pour, au final, encourager une meilleure participation du secteur privé. Une participation accrue du secteur privé exigera de mobiliser des dépenses d’investissement pour construire des infrastructures hydrauliques et recouvrer les coûts afin de pérenniser leur exploitation. 39. En matière de ressources humaines, le principal défi sera de sensibiliser plus avant a la problématique de l’approvisionnement en eau potable, d’accroître le nombre de spécialistes, l’accès au matériel et les compétences des personnes qui travaillent dans le domaine des services d’eau potable. Eu égard au rôle que les communes urbaines et rurales sont censé jouer, elles auront inévitablement besoin de renforcer leurs capacités techniques. Un des moyens de le faire serait de détacher le personnel du gouvernement central à la commune. Une deuxième solution est de veiller à ce que les communes urbaines et rurales aient accès à leurs propres ressources humaines dans tous les secteurs dans lesquels ils sont engagés, y compris celui de l’approvisionnement en eau potable. Les recommandations pour la décentralisation des services de gestion de l’eau sont récapitulées dans l’Encadré 6 et détaillées ci-dessous. Encadré 6. Résumé des recommandations pour la décentralisation des services de gestion de l’eau

1. Mettre immédiatement en place un soutien aux communes pour la préparation de plans de développement communaux d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement (PDC-AEPA).

2. Soutenir et élaborer des systèmes appropriés de recouvrement des coûts dans les zones semi-urbaines et rurales. 3. Engager le secteur privé dans des partenariats public-privé en dehors des zones couvertes par l’ONEA.

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40. Principales Recommandations pour la décentralisation des services de gestion de l’eau :

1. Mettre en place un soutien pour la préparation de PDC-AEPA. Les plans locaux sont des points d’entrée stratégiques pour impliquer les communes dans le secteur. C’est le meilleur moyen de les sensibiliser plus avant et de renforcer les capacités des communes dans l’affectation et la gestion des ressources, le contrôle de qualité, l’élaboration et la mise en œuvre de projets d’approvisionnement en eau potable et de suivi de la prestation des services. A l’heure actuelle, aucune méthode commune n’est disponible pour préparer ces types de plans de développement. Le ministère de l’Agriculture devrait commencer à préparer ces directives. Les DRAHRH et les antennes de l’ONEA pourraient prendre la relève et distribuer ces directives aux communes et autres protagonistes participant au processus, comme les associations de quartiers et le secteur privé.

2. Aider à la mise en place de systèmes de recouvrement des coûts dans les zones semi-urbaines et rurales. Dans les zones urbaines, l’ONEA emploie déjà des démarches de recouvrement des coûts dans ses partenariats et ses contrats d’affermage conclus avec les communes urbaines. Dans d’autres zones, cette pratique est moins développée, parce que le secteur privé est faible et qu’un pourcentage important de la population ne peut pas payer l’eau. Mais des efforts importants sont à faire malgré tout pour sensibiliser la population au lien qui existe entre des sources régulières de recettes et la pérennité du système. Le nouveau rôle des communes dans la gestion de l’eau potable peut également être une occasion de tester de nouvelles politiques qui pourraient être mises en œuvre pour moderniser les infrastructures d’eau potable au Burkina Faso.

3. Impliquer le secteur privé par des partenariats public-privé. Dans les zones urbaines, la privatisation complète des services d’eau potable n’est pas envisageable dans l’immédiat. L’ONEA qui couvre actuellement de larges zones urbaines du pays a élaboré un solide modèle de gestion et jouit d’une bonne réputation. Dans les zones semi-urbaines et rurales où l’ONEA n’est pas impliqué, de nouvelles possibilités sont nécessaires pour développer des partenariats public-privé entre les communes et des petites ou moyennes entreprises. Plusieurs contrats basés sur les résultats mis au point dans le pays (convention de partenariat et contrats d’affermage) semblent être des modèles prometteurs dans ces domaines. Bien conçus, les modèles de partenariat public-privé pourraient créer une capacité du secteur public adaptée et un juste équilibre des responsabilités entre les protagonistes.

D. RENFORCER LA PARTICIPATION ET LA RESPONSABILITE

41. Les règles des élections locales et le contexte politique maintiennent le centre au cœur du débat. Le chapitre 4 soutient que les règles d’élections locales actuelles ne conduisent pas nécessairement à une participation et à une diversité très large. La concurrence politique existe au niveau local mais autant entre les partis qu’entre factions au sein du parti au pouvoir, ce qui ne reflète pas nécessairement les intérêts du citoyen. La nature du régime politique du Burkina Faso confère une prime aux candidats qui ont des relations qui pourront agir comme intermédiaires pour canaliser les ressources vers leur région d’origine. 42. La participation directe est structurellement limitée. Le niveau éducatif moyen des conseillers municipaux est faible et risque de poser problème dans la gestion locale « formelle ». Les dispositions institutionnelles encourageant une participation directe des citoyens ne sont pas obligatoires et les contraintes structurelles nombreuses. Selon nos Etudes qualitatives, la population ne considère pas les Communes comme particulièrement sensibles à leurs besoins. 43. Malgré ces contraintes, la décentralisation au niveau communal offre de réelles possibilités de renforcer le pouvoir et la voix des usagers. Les exemples de participation par les citoyens et les usagers

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de l’enseignement primaire et des services d’eau potable confirment les avantages d’une telle participation. Les recommandations pour renforcer la participation et la responsabilité sont récapitulées à l’Encadré 7 et détaillées ci-dessous.

Encadré 7. Résumé des recommandations pour renforcer la participation et la responsabilité

1. Organiser une discussion nationale qui abordera les règles de sélection pour les élections locales. 2. Aider les conseillers municipaux par la formation et d’autres formes de soutien. 3. Soutenir une participation importante de la population aux débats locaux. 4. Passer en revue et élargir les mécanismes de recours pour contrecarrer les tactiques d’obstruction. 44. Recommandations pour renforcer la participation et la responsabilité :

1. Organiser une discussion nationale qui abordera les règles cruciales de sélection de candidats (appartenance à un parti, règles d’éligibilité et formes de suffrage) et notamment : • La possibilité d’élargir les candidatures à des individus non affiliés à un parti politique. • La possibilité de modifier les règles électorales pour qu’elles n’accordent pas de prime aux

grands partis. • La possibilité de réviser les règles de résidence pour les candidats et le sortant. Même si la

plupart des candidats pourraient probablement contourner une règle qui rendrait obligatoire le fait de résider dans la CT lorsqu’ils cherchent à s’y faire élire, une telle règle donnerait malgré tout le bon signal en ce qui concerne l’importance pour exécutif de la CT (et, en particulier, le maire) de résider sur place.

2. Aider les conseillers municipaux par la formation et d’autres formes de soutien, pour qu’ils puissent participer utilement à la gestion locale. • Des activités de renforcement de capacités bien ciblées devraient être conçues, harmonisées

entre les sources de financement et mises en œuvre. • Des brochures illustrées et simplifiées décrivant les principales tâches des conseillers

devraient être rédigées dans les langues locales les plus courantes pour surmonter, autant que possible, les barrières de l’illettrisme.

• Le remboursement des dépenses encourues au titre de la participation aux conseils municipaux devrait être rendu obligatoire.

3. Utiliser une panoplie de stratégies pour soutenir une participation significative de la population aux débats locaux. • Dans une large mesure, la gouvernance locale dépendra du renforcement des associations

locales et des organisations non gouvernementales comme intermédiaire pour la population locale. La révision des conditions de création d’associations locales pourrait être utile pour veiller à ce que les formalités n’entravent pas les initiatives citoyennes.

• Des cadres de concertation pourraient être établis qui convoqueraient deux fois par an toutes les parties prenantes locales (y compris les associations, les représentants de projets et de programmes et les conseillers municipaux) pour débattre du développement local.

• En matière de planification et de suivi-évaluation, un renforcement des capacités des associations locales serait bienvenu, tout comme l’institutionnalisation d’enquêtes de satisfaction des usagers.

• Des moyens de communication appropriés doivent être utilisés pour atteindre la nombreuse population illettrée, incluant les citoyens comme les conseillers : à titre d’exemple, des programmes radiophoniques, une documentation sommaire rédigée dans les langues locales et des représentations simplifiées et illustrée des classifications budgétaires.

• Les documents devront être mis gratuitement à la disposition des citoyens. 4. Passer en revue et élargir les mécanismes de recours pour contrecarrer les tactiques

d’obstruction.

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• Trouver des moyens de prévention des tactiques d’obstruction par les conseils municipaux. • Les citoyens devront avoir droit de pétition contre une mauvaise gestion locale.

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1. COMPRENDRE LE CONTEXTE DE LA DECENTRALISATION

45. Le Burkina Faso entre dans une nouvelle phase de mise en œuvre de sa stratégie de décentralisation. Le Code général des collectivités territoriales (adopté en décembre 2004 et appelé ci-après Code 2004) représente un tournant dans le processus de décentralisation. Après plus d’une décennie de débats passionnés sur la forme que devrait prendre la décentralisation, le nouveau code confirme le maintien de trois niveaux d’administration territoriale et de deux niveaux d’administration décentralisée. Il a immédiatement été suivi d’étapes concrètes pour la mise en place de collectivités territoriales (CT) sur l’ensemble du territoire (outre les communes urbaines existantes, création de communes rurales et de régions). Peu de temps après la création des CT, des élections se sont tenues et un ensemble de compétences « prioritaires » sont en cours de transfert aux organismes nouvellement élus, qui comprennent la plupart des fonctions de prestation de services de base, dont l’enseignement primaire, l’approvisionnement en eau potable, les soins de santé primaires et les routes rurales. 46. Pour guider et surveiller le processus de décentralisation, un décret présidentiel approuvant le Cadre stratégique de la mise en œuvre de la décentralisation (CSMOD) a été signé le 1er mars 2007. Le CSMOD est le cadre commun qui s’applique à tous les protagonistes participant au processus : élus aux niveaux nationaux, régionaux et locaux ; administration publique à tous les niveaux ; organisations de la société civile ; bailleurs de fonds ; et, plus généralement, à la population. Il décrit la situation actuelle, les principes de décentralisation et la principale direction que doit emprunter l’action de l’Etat dans le processus de décentralisation. Le CSMOD poursuit cinq objectifs stratégiques de mise en œuvre du processus de décentralisation (cf. Annexe 1):

• Appropriation socio -politique • Transfert des ressources et des compétences • Renforcement des capacités locales • Renforcement de la déconcentration • Renforcement du financement de la décentralisation

A. A PROPOS DU PRESENT RAPPORT

47. Le présent rapport fait des recommandations pour aider le gouvernement du Burkina Faso à mettre en œuvre sa stratégie de décentralisation et améliorer la prestation de services à sa population. Le rapport fait une analyse du contexte du processus de décentralisation au Burkina Faso, décrit les récentes avancées et les choix exercés pour approfondir la décentralisation dans le pays et s’attache aux défis d’une décentralisation réussie pour une meilleure prestation de services et une participation accrue. Le rapport aborde les questions suivantes : Comment le contexte socioéconomique et politique influence-t-il la forme et l’issue de la décentralisation ? Comment l’administration centrale et déconcentrée peut-elle être alignée sur la politique de décentralisation ? Comment les organismes décentralisés peuvent-ils être dotés de ressources humaines et financières adéquates pour qu’ils puissent remplir leurs compétences avec efficacité ? Comment la participation locale peut-elle être améliorée et la responsabilité financière

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renforcée ? 48. Le rapport insiste sur deux problèmes fondamentaux : tout d’abord, la nécessité de surmonter les défis en matière de capacité administrative, financière et humaine que présentent le transfert de compétences aux CT ; et ensuite, le renforcement de la participation et de la redevabilité des personnes au niveau local. Ces deux sujets sont au cœur de la stratégie de décentralisation. 49. Deux secteurs sont étudiés en profondeur : l’enseignement primaire et l’approvisionnement en eau potable. Ces secteurs ont été choisis en concertation avec les autorités pour deux raisons essentielles. Tout d’abord, ils sont au cœur de la stratégie de réduction de la pauvreté et cruciaux pour le développement du Burkina Faso. Ensuite, ces secteurs sont structurés, organisés et gérés de manières très différentes. La comparaison des approches et des résultats pour, d’une part, un secteur d’infrastructures et, d’autre part, un secteur social, montre que la décentralisation ne peut pas être mise en œuvre de façon uniforme. 50. Le rapport est fondé sur plusieurs sources et contributions : nombreux entretiens dans le pays, résultats d’études qualitatives sur la prestation de services décentralisés et une étude documentaire sur l’économie politique, ainsi que la documentation existante sur la décentralisation au Burkina Faso. Lorsqu’elle est pertinente, l’expérience internationale est apportée au débat. 51. Des études qualitatives ont été commandées pour analyser les relations de responsabilité et souligner les moyens d’améliorer le cadre de la politique de décentralisation et sa mise en œuvre. Des études qualitatives ont été menées dans 12 communes (8 urbaines et 4 rurales) dans quatre régions. La recherche sur le terrain a évalué les niveaux de décentralisation administrative, financière et politique et les dispositifs de prestation de services dans les domaines de l’eau potable et de l’enseignement primaire. Certaines citations directes et faits collectés dans les études sont inclues dans le rapport pour illustrer certaines opinions de terrain. Dans le rapport, « Ouedraogo 2007 » et « Etudes qualitatives » fait référence aux résultats de ces études. 52. Le rapport a été élaboré par une équipe multisectorielle en étroite concertation avec divers parties prenantes de l’administration. Des discussions ont eu lieu avec des représentants de l’administration pendant diverses interactions spécifiques à la préparation du présent rapport, ainsi qu’a des interactions liées à la préparation ou à la surveillance de projets en cours (et, en particulier, le Projet de renforcement des capacités administratives ou PRCA, le Projet de renforcement de la décentralisation ou PRD et le Deuxième Programme National de Gestion des Terroirs ou PNGT2, ainsi que les Crédits de soutien pour la réduction de la pauvreté ou CASRPs). Des présentations plus formelles de l’objectif et des résultats préliminaires du rapport ont été faites pendant la Semaine de réflexion en 2006 et 2007. Le comité interministériel sur la décentralisation a rencontré l’équipe à plusieurs reprises et a pris part à une discussion sur la «Note Conceptuelle » ayant guide le champ de l’étude.

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B. LA CHAINE DES RESPONSABILITES

53. Le rapport utilise le cadre normalisé des relations de responsabilité décentralisée, schématisé sous forme d’une « chaine de responsabilités » (Figure 1) pour souligner les conditions essentielles pour une décentralisation réussie. Le cadre pose comme principe que la qualité de la prestation de services dépend de la direction et de la force des relations de responsabilité et des obligations de rendre compte existantes entre l’Etat, les prestataires de services et les usagers ou citoyens (ceci est une traduction libre du concept anglais « accountability », qui est parfois également traduit par mise en responsabilité, responsabilisation, redevabilité ou imputabilité et recouvre l’ensemble de ces concepts). Dans un système idéal, les utilisateurs ont deux façons de demander des compte aux prestataires de service: par le « pouvoir de l’usager » (par ex. frais d’utilisation, choix de prestataires) et par la « voix citoyenne » (par ex. élections, mécanismes de recours administratif). Les gouvernements demandent des comptes aux prestataires par des contrats (normes de définition des services et des résultats), ce qui est également appelés le « parcours indirect de la responsabilité ». Dans un système décentralisé, les collectivités locales sont plus proches des populations que le gouvernement central et peuvent donc renforcer la voix citoyenne et les relations de responsabilité découlant des contrats. En schématisant à l’aide d la chaine présentée sous forme d’un triangle, la décentralisation apparait comme un moyen d’améliorer les services en renforçant la responsabilité grâce à un parcours « plus court ».

Figure 1. La chaine des responsabilités

Source : WDR 2004.

54. La Figure 2 adapte le cadre au contexte du Burkina Faso et souligne les différentes relations entre les protagonistes. Le Burkina Faso ayant un grand nombre de niveaux d’administration, qu’ils soient déconcentrés ou décentralisés, les relations de contrats ont toutes chances d’être plus complexes. Ainsi, le rapport souligne le besoin de clarifier les responsabilités respectives entre les protagonistes et de renforcer et d’institutionnaliser les efforts de coordination. La voix et le pouvoir de l’usager doivent également être au cœur de la mise en œuvre de la décentralisation. Des élections locales ont eu lieu sur tout le territoire pour la première fois en 2006 et, même s’il est trop tôt pour voir leur impact, il est probable qu’elles créeront une dynamique démocratique positive. Le pouvoir de l’usager au Burkina Faso a, jusqu’ici, rarement été un choix ou une stratégie, mais s’est plutôt été développé spontanément pour compenser l’absence d’investissement public dans des secteurs sociaux essentiels. Avec la décentralisation, de nouvelles possibilités pourront voir le jour pour impliquer les utilisateurs à la prise de décision et à la participation, même si on n’attend pas d’eux une contribution financière ou un

Décideurs nationaux

Décideurs locaux

Prestataires publics/privés Clients / Citoyens

VOIX CITOYENNE

CONTRATS DE PERFORMANCE

POUVOIR DE L’USAGER

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engagement de même ampleur.

Figure 2. La chaine des responsabilités au Burkina Faso

C. CONTEXTE SOCIOECONOMIQUE ET ADMINISTRATIF

55. Ce chapitre met en lumière certaines caractéristiques du Burkina Faso qui pèsent sur les choix faits en matière de décentralisation et son impact probable, en soulignant le contexte politique. Il passe en revue les grandes caractéristiques économiques, sociales et politiques du pays avant d’aborder l’héritage administratif de la colonisation et l’expérience limitée du pays dans le domaine de la décentralisation jusqu’aux années 1990. La discussion qui suit décrit l’ouverture politique et économique engagée au début des années 1990 et les différents participants au débat sur la décentralisation. Le chapitre s’achève avec une brève analyse du cadre légal de décentralisation actuel.

1) Un pays à faible revenu au faible développement social

56. Le Burkina Faso, pays enclavé et essentiellement rural, était classé 174ème sur 177 pays dans l’Indice de développement humain 2006 du Programme des Nations Unies pour le développement et son revenu par habitant est inférieur à la moyenne des pays à faible revenu (Tableau 1). Avec 12 millions d’habitants et une base de ressources naturelles étroite, le Burkina Faso est vulnérable à un grand nombre de chocs extérieurs. La production agricole est sujette à des conditions météorologiques très changeantes et le coton, principale culture de rente, souffre de variations de prix de grande ampleur sur les marchés internationaux. Ces chocs touchent plus particulièrement les zones rurales où vivent 80 pour cent de la population totale et 95 pour cent des pauvres.

Directions régionales

Administration nationale

Écoles Centres de santé

Puits

Citoyens

CU CR

Voix citoyenne / Élections

Pouvoir des usagers

-

APE CPE

Régions-CT Directions provinciales Directions

départementales

Contrats de Performance

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Tableau 1. Indicateurs sociaux fondamentaux au Burkina Faso et en Afrique subsaharienne

Indicateur Burkina Faso Afrique subsaharienne

Proportion de pauvres (2003) 46 % Revenu par habitant (2004) 350 $ US 490 $ US Taux d’alphabétisation 26% 35% Espérance de vie à la naissance 43 ans 46 ans Source : Indice de développement humain. 57. Les niveaux d’alphabétisation au Burkina Faso sont particulièrement bas, sur le plan absolu comme comparé à d’autres pays dont les niveaux de développement sont similaires, ce qui diminue le réservoir de « partenaires au développement » potentiels. Seuls 30 pour cent des hommes adultes et 13 pour cent des femmes adultes savent lire et écrire. La situation est même plus grave en zone rurale, où cette proportion descend à 20 pour cent pour les hommes et à 7 pour cent pour les femmes. Cela signifie que la capacité moyenne des citoyens à comprendre les documents officiels (rédigés en français) est extrêmement faible. Les médias en langues locales n’étant pas très développés ou très professionnels, rares sont les sources d’accès aux informations pour la majeure partie de la population. Cette difficulté est aggravée par une administration qui continue d’être régie par une culture bureaucratique du secret et l’absence de transparence.

2) Une démocratie qui n’est pas encore passée par une transition

58. Le Burkina Faso a adopté un système démocratique au début des années 1990, mais il n’a pas encore connu de transition politique (cf. Annexe 2, quelques dates importantes et les résultats électoraux.). Le parti au pouvoir, le CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès) contrôlait déjà l’appareil de l’Etat avant la transition démocratique et peut s’appuyer sur d’importantes ressources tirées de sa domination (financières, politiques, économiques, administratives et symboliques) pour conserver sa prédominance électorale. Le clientélisme2 demeure le principal mode de régulation politique et a contribué à créer une classe dirigeante qui transcende les clivages ethniques et est liée à un accès asymétrique à des ressources publiques et privées. La victoire du CDP aux élections renforce une tendance au « nomadisme politique », dans laquelle les outsiders sont attirés vers le CDP qui réussit. Cela affaiblit les partis d’opposition et contribue à leur éparpillement, une des raisons du succès du CDP. Cela accroît également les querelles intestines du CDP. La hiérarchie du parti a, certes, globalement réussi à contenir les conflits internes au niveau national, mais les querelles intestines et les tensions internes ont souvent pu s’exprimer plus librement au niveau local (Otayek et Darbon 2006).

3) Un système politique dans lequel l’ethnicité est une préoccupation secondaire

59. La prédominance de l’ethnie Mossi à plusieurs échelons ne s’est pas traduite par un contrôle monopolistique des ressources économiques et politiques. Les Mossi se sont développés à partir du plateau Mossi à très forte densité démographique qui reste le centre administratif de l’Etat actuel. Ils représentent au moins la moitié de la population et constituent de loin le plus important groupe ethnique

2 Le clientélisme constitue une composante clé de la prise et de la conservation du pouvoir politique et est défini comme la fourniture par un homme politique de tout bien ou service à un individu en échange de son soutien politique. Les biens et services de cette nature peuvent être par exemple un emploi dans le secteur public ou un accès privilégié à des biens rares comme un crédit subventionné ou l’exonération de licences, taxes et honoraires (Rius, Andres et Nicolas van de Walle, 2003).

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du pays.3 Le groupe Mossi occupe une position centrale dans le leadership politique et les postes administratifs supérieurs. Toutefois, la prédominance géographique, historique, démographique et politique du groupe Mossi ne s’est pas traduit par un contrôle monopolistique des ressources politiques et économiques. Trois grands facteurs en expliquent la raison. Tout d’abord, la société Mossi est caractérisée par une tendance forte à l’assimilation, à l’intégration et au pluralisme. Ensuite, les migrations intérieures depuis les années 1920 et 1930 ont aidé à restructurer l’équilibre ethnique et ont empêché des groupes particuliers de se retrouver confinés dans des territoires particuliers.4 Enfin, il n’existe pas de bastion de développement régional dominant sur lequel un groupe ethnique pourrait avoir mainmise. Les zones plus riches de production de coton et de canne à sucre se caractérisent par un pluralisme ethnique croissant et les gains financiers provenant de ces ressources ne sont pas « privatisés » par un groupe ethnique, mais alimentent les circuits politiques. En conséquence, les risques d’éclatement ou de tensions après la décentralisation très présents dans certains pays africains plus polarisés sur le plan ethnique ou économique sont peu présents au Burkina Faso.

4) Un héritage administratif de centralisation et d’uniformité

60. Les pays francophones subsahariens ont un héritage administratif relativement peu disposé à accorder une autonomie à des niveaux sous-nationaux de gouvernement. La centralisation d’influence française est intimement liée à des images de « République indivisible » et d’ « équité républicaine », dans lesquelles la centralisation et l’uniformité territoriale sont liées à des idées de progrès, d’égalité des chances et de citoyenneté. Cela va à l’encontre de la décentralisation et peut mener à une réelle défiance par rapport à la délégation de pouvoir à des entités autonomes. Cet héritage semble avoir influencé la forme et l’étendue des réformes de décentralisation dans les pays d’Afrique francophone, essentiellement par la prévalence d’une structure administrative complexe (à titre d’exemple, la coexistence d’unités déconcentrées, d’une administration territoriale et de collectivités territoriales) et l’héritage de systèmes administratifs de contrôles centralisés (comme l’importance de la tutelle sur les collectivités locales, particulièrement le système de contrôles a priori notamment pour les décisions financières). Un autre élément important qui aide à comprendre le contexte est le fait que dans la plupart des anciennes colonies française, le ministère de l’Administration Territoriale ou de l’Intérieur est devenu le principal point d’ancrage de la conduite du processus de décentralisation, dans sa capacité de ministère chapeautant l’administration territoriale existante et la police. Paradoxalement, on attend de la structure même qui était officiellement chargée de maintenir une surveillance centralisée et hiérarchique de l’administration territoriale qu’elle se fasse la championne de la délégation et de l’autonomie, ce qui suscite tension et ambiguïté (Tableau 2).

Tableau 2. L’héritage administratif français et ses défis en matière de décentralisation

Héritage administratif français Les défis de la décentralisation Structure Étatique complexes Architectures duales (administration territoriale, déconcentration sectorielle) parfois sans cohérence entre niveaux.

Nombreuses couches administratives. Confusion ou incertitudes sur les rôles respectifs. Coûts élevés de la décentralisation, si aucun effort parallèle n’est fait pour rationaliser les rôles et les

3 L’histoire du Burkina Faso est en grande partie celle de l’ancien royaume Mossi. Plusieurs États Mossi ont été construits autour du quatorzième siècle et ont développé un système administratif solide et une tradition de royauté de droit divin, qui leur ont permis de n’être incorporé par aucun des empires soudanais. 4 Les migrations intérieures ont amené la population rurale Mossi vers les régions occidentales productrices de coton et de canne à sucre et, plus récemment, vers les régions orientales où le coton se développe désormais. Mais certains des autres groupes ethniques à la population la plus importante sont aussi présents sur tout le territoire. A titre d’exemple, les Dioulas qui, en majorité, vivent à l’Ouest autour de Bobo-Dioulasso, sont également présents ailleurs sur le territoire.

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Système de tutelle (dans une majorité de pays, le système de tutelle chapeaute nombre de décisions des collectivités locales et, au moins, les financières). Le ministère de l’Administration territoriale et de l’Intérieur, qui surveille de manière centralisée le territoire, dirige également le processus de décentralisation.

structures. La déconcentration est perçue comme une étape vers une décentralisation accrue, mais manque d’incitations et de capacité à le faire. La structure officiellement chargée du maintien d’une surveillance centrale et hiérarchique sur l’administration territoriale est désormais responsable de la conduite de la décentralisation, ce qui suscite tensions et ambiguïté.

Gestion financière centralisée • Implication forte du ministère des Finances à

chaque étape. • Le système insiste sur les contrôles par

l’utilisation de « visas » et de tutelle.

• La centralisation conduit à une faible ventilation des dépenses (investissement, salaires), à une faible capacité d’élaboration du budget et d’exécution au niveau local ; un faible degré d’engagement et de redevabilité à l’échelon local.

• Les incertitudes concernant les montants à décentraliser posent des défis aux transferts intergouvernementaux.

• Les goulets d’étranglement et les risques d’ingérence politique.

Gestion centrale des ressources humaines • Un seul Statut pour tous les fonctionnaires, qui

reportent au centre. • Pas de régionalisation des affectations. • Administration entièrement centralisée :

recrutement, évaluation, sanctions, salaires, gestion de carrière, etc.

• Faibles capacités humaines au niveau local (quantitatives et qualitatives).

• Faible niveau de redevabilité du personnel. • Incertitudes quant à la localisation du personnel

existant. • Désincitations du personnel à rejoindre les

collectivités locales (méfiance à l’égard des nouvelles structures ; insatisfaction en matière de conditions de vie en dehors de la capitale ou des centres urbains).

Complexité du système légal Pour entrer en vigueur, les lois doivent être suivies de « décrets d’application ».

Retards possibles et longues période d’incertitude (pas spécialement lié à la décentralisation).

Source : Adapté de Druilhe et al. (2006).

5) Une histoire de réforme qui se cantonne essentiellement à la déconcentration

61. Au cours de la première moitié du vingtième siècle, les revendications d’autonomie ont forcé le pouvoir colonial français à introduire une autonomie administrative limitée dans certaines villes (cf. Ribot 2002 et Annexe 2 pour les principaux événements marquants). Dès 1926, les dirigeants coloniaux ont désigné Bobo-Dioulasso comme commune, suivie par Ouagadougou en 1952, accordant ainsi une autonomie limitée aux principaux centres urbains. En 1955, l’autonomie des deux communes a été étendue plus avant. Dans toute l’Afrique, après l’indépendance, les nouveaux Etats ont fait des essais en matière de décentralisation mélangeant des mesures éphémères visant une restructuration radicale de l’Etat et une déconcentration du contrôle du territoire. A l’indépendance du Burkina Faso, quatre communes supplémentaires ont obtenu un statut (Banfora, Kaya, Koudougou et Ouahigouya). Mais l’expérience de décentralisation postindépendance a été brève, le pays étant rapidement passé à une longue période de troubles politiques et de gouvernements militaires. Pendant cette période (années 1960-1980), les administrations locales sont généralement restées dans le giron de l’administration centrale, leur pouvoir exécutif étant directement nommé par le pouvoir central. 62. Le régime Sankara (1983–87) a encouragé une vigoureuse restructuration territoriale. Ce régime révolutionnaire a tenté de faire des paysans sa base politique, écartant de fait la petite bourgeoisie urbaine et les chefs traditionnels. Pour développer les zones rurales et faciliter la création d’autorités révolutionnaires locales et provinciales, le régime a entrepris une réforme agraire (transfert de terres aux

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paysans) et une restructuration territoriale et urbaine. Le régime de Sankara a embrassé une politique de fort interventionnisme de l’Etat pour réussir un « ajustement structurel autogéré » et les réformes du secteur public comprenaient des réductions draconiennes des dépenses de l’Etat pour maîtriser le déficit public. Après une période relativement favorable (qui avait abouti à un relèvement des indicateurs sociaux, à des taux de croissance en hausse et à une stabilisation des dépenses publiques), d’importantes tensions sociales sont apparues : les travailleurs urbains salariés ont protesté contre la politique salariale, les grands corps civils (chefs traditionnels et églises) ont fait preuve de résistance passive et le secteur privé est resté hostile, avant que Sankara ne soit assassiné en 1987. Le dégraissage du secteur public a, toutefois, laissé le Burkina Faso avec une marge financière plus importante que la plupart de ses voisins.

D. LA REFORME DE DECENTRALISATION DES ANNEES 1990

63. A la fin des années 1980 et au début des années 1990, après de longues périodes de systèmes monopartites centralisés, la décentralisation a été incluse dans bon nombre de pays de l’Afrique subsaharienne dans un programme de réforme radical de démocratisation politique et de libéralisation économique. La décentralisation était considérée comme une solution pour les Etats postcoloniaux surdimensionnés qui se révélaient incapables de remplir leurs obligations de redistribution et de prestation de services. La décentralisation a également été une réponse à l’échec de l’Etat postcolonial autocratique et était associée à des mouvements vers des sociétés plus ouvertes. Parallèlement à la vague démocratique qui a déferlé au niveau central (dont les conférences nationales et des élections multipartites), la décentralisation a été encouragée comme un moyen d’améliorer la participation de la population au développement et de renforcer la mise en responsabilité des services publics au niveau local. Cependant, cette rhétorique a également servi à légitimer le retrait de l’Etat du financement de services sociaux stratégiques, faisant passer ainsi les demandes de la population de l’Etat central aux gouvernements locaux. 64. Au Burkina Faso, la décentralisation a, de fait, émergé au moment de l’adoption concomitante de réformes favorables à l’économie de marché et à l’ouverture politique. La constitution de 1991 a rétabli le pouvoir civil, proclamé le Burkina Faso comme une république démocratique et unitaire et a créé un cadre pour la décentralisation actuelle. Elle coïncidait avec un programme d’ajustement structurel (signé en février 1991) qui soutenait la transition d’une économie contrôlée par l’Etat vers une économie de marché. Pour soutenir ce changement, le gouvernement a élaboré un programme de réforme de son secteur public qui, très tôt, comprenait la décentralisation. 65. Bien que la décentralisation urbaine ait été lancée au milieu des années 1990, la stratégie de réforme a été volatile sur toute la période 1993-2004. En 1993, cinq lois de décentralisation ont confirmé le principe de « gestion autonome des Collectivités Territoriales », ouvrant la voie à l’élection d’assemblées délibérantes et la Commission nationale de décentralisation a été créée pour poursuivre la conception et la mise en œuvre de la réforme. Pendant que la décentralisation était testée tout d’abord dans 30, puis dans 49 centres urbains (aux élections urbaines de 1995 et de 2000), le cadre légal régissant la politique de décentralisation et sa mise en œuvre a été modifié à plusieurs reprises : en 1998 (Texte d’Orientation de la Décentralisation ou TOD), ainsi qu’en 2001, 2003 et 2004. Le nombre de couches d’administration déconcentrée et décentralisée a été modifié à plusieurs reprises (Tableau 3). 66. Le temps pris pour parvenir à un consensus sur le cadre de décentralisation s’explique non seulement par la complexité technique du problème, mais aussi par la nature sensible de la réforme. Au niveau technique, beaucoup de progrès ont été accomplis dans les années 1990 et au début des années 2000, ce qui se reflète dans le cadre légal qui a gagné en précision dans certains éléments essentiels de la politique, comme les principes de délégation et de transfert. Mais les modifications apportées au cadre

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légal traduisent également la difficulté pour les décisionnaires d’atteindre un consensus sur une réforme qui a d’importantes conséquences politiques et institutionnelles. Le débat entre les divers protagonistes a façonné le modèle de décentralisation actuel.

Tableau 3. Modifications de l’architecture d’Etat à la suite de la déconcentration et de la décentralisation

Nom Organisme délibérant Exécutif

Date de création/suppression et élections

Autorité responsable

Déconcentration Régions (13) Gouverneur Créé en 2001 Gouverneur

Provinces (45) Haut commissaire

Créé en 1984 Haut commissaire

Départements (350) Préfet Préfet

Villages (8 000)

Décentralisation —Collectivités Territoriales Régions (13) Conseil

régional Président du Conseil

Créé en 2001 Election en 2006 (indirectes par l’intermédiaire des conseillers municipaux)

Président du Conseil

Provinces (45) Supprimées comme CT en 2003

Communes urbaines (49)

Conseil municipal

Maire Elections en 1995, 2000, 2006 Maire

Communes rurales (302)

Conseil rural Maire Election en 2006 Maire

Comité Villageois de Développement

Président du Comité

Remarque : Les structures actuellement en place sont en gras. 67. Malgré tout, une décision audacieuse a été prise avec la promulgation du Code des Collectivités Territoriales en 2004 (« Code 2004 ») et les élections de 2006, qui témoignaient de l’engagement politique dans cette nouvelle forme de gestion et ouvraient la voie à une participation plus directe au niveau local.

1) Les opposants et les partisans de la décentralisation

68. Dans une large mesure, la décentralisation telle qu’elle a été conçue au Burkina Faso, répond aux inquiétudes du centre et de l’élite au pouvoir. Les élites urbaines, qui sont souvent au gouvernement, décident en dernier lieu le modèle de décentralisation.5 Pour diverses raisons, l’administration publique ne soutient pas (ou ne le faisait pas initialement) le mouvement vers l’autonomie locale. Tout d’abord, elle craint légitimement que les CT ne soient pas préparées à remplir leurs nouveaux mandats et que les gains obtenus jusque-là par le renforcement des structures de prestation de services soient remis en cause. En suite, le transfert des compétences et des ressources signifie que l’administration centrale aurait un pouvoir moindre et pourrait peut-être avoir besoin de moins de 5 Cette section repose sur Darbon et Otayek 2006.

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personnel. Enfin, la structure bureaucratique qui prévaut dans l’administration favorise une structure pyramidale directive avec un contrôle étroit de la périphérie qui va à l’encontre d’un modèle centré sur le citoyen et la possibilité d’une mise en responsabilité directe. 69. Parmi les fonctionnaires, les perspectives de décentralisation suscitent des craintes en matière de sécurité et de lieu d’emploi. Le Burkina Faso a connu des vagues successives de réformes (politiques, institutionnelles et économiques) et leur rythme a été trop rapide pour que les protagonistes les intègrent complètement. Cela a contribué à un phénomène perceptible de lassitude vis-à-vis des réformes, associé parfois à du scepticisme envers la « dernière mode ». Au-delà, les débats sur la décentralisation ont également apporté des craintes spécifiques relatives aux transferts de personnel vers les nouvelles CT. Les fonctionnaires ne sont guère enclins à quitter leurs postes de fonctionnaires leur garantissant un emploi pour rejoindre les CT sans être assurés de conserver cette garantie (selon la situation budgétaire ou politique des communes). En outre, la plupart des fonctionnaires ne souhaitent pas être postés en dehors des grands centres urbains et ceux avec un haut niveau d’instruction sont particulièrement peu enclins à devoir rendre compte à des dirigeants locaux ayant un faible niveau d’éducation. 70. La décentralisation est également perçue, en partie au moins, comme une demande des bailleurs de fonds, ce qui n’aide pas à renforcer le soutien de l’administration centrale en faveur de la réforme, particulièrement lorsque le discours semble exagérer les vertus de la gouvernance locale. Bon nombre de fonctionnaires se demandent si les impacts potentiels de la décentralisation seront liés à la réforme ou au fait que les organismes décentralisés pourraient bénéficier d’un meilleur niveau de soutien financier et technique de la communauté des bailleurs de fonds. 71. Dans le même temps, la décentralisation constitue une chance d’ouvrir de nouveaux postes d’un niveau de responsabilité élevé à la périphérie, qu’ils soient élus ou nommés. Dans un système politique essentiellement régulé par le clientélisme, cet argument a son importance puisqu’il ouvre de nouvelles possibilités de sécuriser des soutiens politiques. Autre point important, le niveau de politisation de l’administration est élevé, ce qui a aussi un effet, notamment en matière de nominations à des postes qui prestigieux, comme les responsables de l’administration territoriale (gouverneurs, hauts commissaires et préfets). 72. Au sein de la société burkinabè, le soutien organisé en faveur de la décentralisation est rare. Parmi la population, rares étaient ceux qui connaissaient et comprenaient les avancées et les enjeux de la décentralisation (et cela demeure vrai, en dépit de la grande campagne de communication préélectorale de 2006). Le soutien existant provient du fait que la population perçoit la décentralisation comme une chance d’obtenir des infrastructures socioéconomiques supplémentaires, une attente qui devra être suivie d’effet. Parmi la société civile, les organisations non gouvernementales (ONG) sont favorables à une décentralisation qui leur donne une position importante en tant qu’acteurs du développement mais craignent parfois le risque de concurrence des conseils élus nouvellement créés.

2) Le rôle des chefs traditionnels

73. Les chefs traditionnels jouent toujours un rôle important, notamment dans les zones rurales et ils sont de plus en plus présents dans l’arène politique. Historiquement puissants sur le plateau Mossi, les chefs traditionnels au Burkina Faso exercent une influence dans tout le pays. Ils jouent un rôle non officiel important dans les domaines de l’application des droits fonciers et de la résolution de conflits.6 Certes, les chefs traditionnels ne sont pas formellement associés aux institutions, mais ils intercèdent

6 Cf. les dispositions de la Réforme Agraire et Foncière et leur mise en œuvre, ainsi que le Code des Personnes et de la Famille de 1990 qui rejetait expressément le droit coutumier.

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souvent auprès des autorités déconcentrées et décentralisées, particulièrement en zone rurale. Ils influent fortement sur le comportement de la population rurale et peuvent obtenir les voix d’une partie importante de la population dans certaines zones. Des chefs traditionnels ont été élus à l’Assemblée nationale et les élections locales ont renforcé leur engagement dans la politique officielle. Aux élections locales de 2000, un tiers des mandats locaux ont été remportés par des représentants des chefferies et six maires étaient des chefs traditionnels. Bien qu’il n’existe pas encore de statistiques disponibles, il est probable que cette proportion ait augmenté lors des élections locales de 2006 dans les zones rurales. Dans une certaine mesure, leur implication dans la politique officielle affecte leur légitimité, puisqu’ils apparaissent ouvertement comme partisans, alors que leur image traditionnelle est celle d’arbitres neutres. 74. Deux types de tensions peuvent naître de la coexistence des autorités traditionnelles avec les cadres officiels « modernes ». Tout d’abord, nombre de chefferies traditionnelles reposent sur un système de respect du chef, qui n’est pas toujours compatible avec un système démocratique moderne qui se caractérise par des discussions ouvertes. Ensuite et plus important, les méthodes traditionnelles de gestion de conflit, particulièrement pour les problèmes liés à l’espace public, ne sont pas adaptées à des cadres et des situations modernes. La régulation par la gestion consensuelle des conflits, courante dans les sociétés coutumières, se heurte au modèle de régulation pluraliste et contradictoire en jeu dans le contexte de la décentralisation (assemblées municipales). La possibilité que les protagonistes « jouent » sur les deux tableaux (traditionnel et moderne) accroît l’insécurité juridique et normative. 75. La « communalisation » totale du territoire pourrait donc accroître les tensions entre les institutions officielles et les dirigeants traditionnels, en particulier puisque chaque commune rurale regroupe plusieurs villages. Les communes rurales, qui comprennent divers villages et identités locales, manquent de continuité territoriale et d’homogénéité. Les maires élus seront confrontés à des chefs traditionnels qui auront un important contrôle de la population de leur village, ce qui pourra être source de tensions. En outre, la création des communes ajoute une nouvelle couche à la toile complexe d’institutions officielles et non officielles, donnant une nouvelle occasion de se servir de différents niveaux de légitimité pour faire avancer des intérêts spécifiques. 76. Malgré tout, l’intégration croissante des chefs traditionnels à la politique locale peut également être bénéfique. Ils bénéficient d’une réelle légitimité, dans bien des cas distincte des autres sources de pouvoir (structures de parti, administration) et peuvent donc contribuer à diversifier l’administration politique et accroître la participation de la société civile. La décentralisation est donc une formidable chance pour que les anciens et les modernes travaillent ensemble à améliorer la gouvernance et à réparer les griefs.

E. LE CODE DE DECENTRALISATION 2004

77. Le Code 2004 confirme une position audacieuse en matière de décentralisation par la délégation aux CT de la plupart des services et des infrastructures de base (Encadré 8). Le code affirme trois principes :

• Subsidiarité. Les fonctions que les CT remplissent efficacement leur appartiennent à plus juste titre qu’à l’Etat central.

• Progressivité. Les compétences ne seront pas transférées en une seule fois et prendront également en compte les caractéristiques des CT.

• Transferts des ressources. Les transferts de ressources devront se faire de pair avec les transferts de responsabilité, afin qu’aucun compétence ne soit pas financé.

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Encadré 8. Les CT et leurs compétences

Il existe trois grands types de CT et aucun d’entre eux n’a de pouvoir de tutelle sur les autres : • La Région comprend toutes les communes présentes sur son territoire. La région est le point d’ancrage

de la coordination et de la planification du développement et une arène économique. • La Commune Urbaine (CU) comprend une ville d’au moins 25 000 habitants, générant par ses activités

économiques des ressources budgétaires d’au moins XOF 25 millions par an. Les frontières des communes urbaines sont provisoires puisqu’elles ont incorporé des pans de l’arrière-pays pendant le processus de communalisation du territoire. Les démarcations communales définitives seront établies en 2009.

• La Commune Rurale (CR) est constituée d’un groupe de villages dont la population ne peut pas être inférieure à 5 000 habitants et qui, par ses activités économiques, génère des ressources budgétaires d’au moins XOF 5 millions par an.

Les communes urbaines et rurales sont responsables de la construction et de la gestion de la majorité des infrastructures socioéconomiques de base (routes rurales, centres de soins de santé primaires, écoles primaires, systèmes d’approvisionnement en eau potable et assainissement). Les compétences des communes couvrent onze domaines : a) domaine foncier des CT ; b) aménagement du territoire, gestion du domaines foncier et aménagement urbain ; c) environnement et gestion des ressources naturelles ; d) développement économique et planification ; e) santé et hygiène ; f) éducation, alphabétisation et formation professionnelle; g) culture, sport et loisirs ; h) protection civile, assistance et secours ; i) pompes funèbres et cimetières ; j) eau et électricité ; k) marchés, abattoirs et foires.

78. Il faut souligner que, contrairement au texte de 1998, le troisième principe du Code 2004 (transfert des ressources lié au transfert des compétences) n’est plus qualifié de « concomitant », signe, peut-être, de réalisme, mais, néanmoins, motif de préoccupation, puisque le fait de ne pas transférer des ressources parallèlement aux nouvelles compétences empêcherait, à l’évidence, les CT de remplir leurs nouvelles obligations. Conformément aux dispositions du code, le gouvernement est en train d’organiser les transferts progressifs des compétences « prioritaires » aux CT. Ceci suit de près les élections locales de 2006 qui, pour la première fois, ont couvert le territoire entier et démontré la volonté politique d’enraciner la décentralisation dans le pays. Le débat actuel sur la décentralisation ne porte plus sur la forme qu’elle devrait prendre, mais sur la manière de mettre en œuvre les transferts, ce qui sera discuté en détail dans le prochain chapitre. 79. Le Code 2004 et les récentes évolutions vers la déconcentration établissent une structure étatique complexe qui risque d’accroître les coûts financiers et la complexité institutionnelle. Le code anticipe l’établissement de deux niveaux de CT dotés d’une autonomie financière et d’un statut légal (en dehors des communes, un niveau régional est également élu). Les autorités de tutelle des CT sont, pour les régions, les gouverneurs et pour les communes, les hauts commissaires. Un décret de février 20057 confirme le maintien des trois niveaux d’administration territoriale (régions, provinces et départements). L’essentiel de cette architecture est désormais en place, comme le montre le Tableau 4. Les régions ont été créées en 2001 en tant que niveau déconcentré et les gouverneurs ont été nommés en 2004. Les élections municipales de 2006 marquent l’achèvement de la communalisation du pays (avec les premières élections pour les communes rurales et les troisièmes élections pour les communes urbaines).

7 Décret n° 2005-045/PRES/PM/MATD du 03 février 2005 portant attributions du Gouverneur de région, du Haut-commissaire de province et du Préfet de département.

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Figure 3. Une structure territoriale complexe

302 COMMUNES RURALES

Directions sectorielles

départementales

(ex: CEBs)

350 DÉPARTMEN

TS

49 COMMUNES URBAINES

Directions sectoriellesprovinciales

(ex. : DPEBAs)

45 PROVINCES

13 RÉGIONSDirections sectoriellesrégionales

(ex. : DREBAs)

13 RÉGIONS

MATDMINISTERE CONCERNE

MATD

central

régional

provincial

départemental

ADMINISTRATION CTNIVEAUX

Administration territoriale

Administrationsectorielle

Contrôle, coordination

80. Les élections locales ont été étendus aux zones rurales en avril 2006, avec des élections locales qui ont établi 302 conseils municipaux ruraux. Lors de la même élection, 13 conseils ont été élus (de manière indirecte) au niveau régional pour la première fois, établissant ainsi tous les organismes décentralisés essentiels prévus par le code. Les conseils urbains restent cependant beaucoup plus avancé que les conseils ruraux. En l’état, les 302 communes rurales récemment créées sont confrontées à des enjeux immédiats liés à leur viabilité à court et à moyen terme. 81. Le gouvernement a provisoirement indiqué que des réformes fiscales substantielles démarreraient dans les zones rurales en 2009 et incluraient le lancement d’un système de transfert intergouvernemental destiné à soutenir les dépenses récurrentes des collectivités territoriales. Le Fonds Permanent pour le Développement des Collectivités Territoriales est en cours d’élaboration et, à moyen et long terme, devrait devenir le mécanisme de transfert pour les activités d’investissement des collectivités territoriales. Une des clés de la viabilité à court terme des collectivités territoriales sera toutefois la création d’une administration à ce niveau qui sera chargée de la gestion au jour le jour de la localité, guidée sur le plan politique par les conseils municipaux élus. Sont compris les postes essentiels de secrétaire général, contrôleur financier et comptable à cet échelon. Le code appelle également à une délégation fonctionnelle des domaines prioritaires comme les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’environnement et du sport dans un délai de trois ans à compter de l’établissement des conseils municipaux, ce qui serait 2009. Ce transfert des ressources humaines, des finances et de l’autorité décisionnelle des structures déconcentrées aux collectivités territoriales constitue à lui seul le plus grand défi inclus dans le code. 82. Contrairement aux communes rurales nouvellement créées, depuis plusieurs années les villages jouissent légalement du droit de gérer leurs propres affaires, particulièrement en matière de développement local. La loi de réforme agraire de 1996 a créé des Commissions Villageoises de Gestion des Terroirs (CVGT) qui étaient censé jouer un rôle dans la gestion de l’usage des terres. Un décret de

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2000 a élargi leur mandat pour englober la gestion des activités de développement et leur a permis de gérer des fonds publics. Les CVGT avaient été créées pour faciliter la transition vers les municipalités rurales qui ont été mises en place en avril 2006. Egalement pour soutenir cette transition, les articles 222 et 223 du Code 2004 ont implicitement remplacé les CVGT par des Conseils Villageois de Développement (CVD), dont la mission comprend notamment une participation aux plans de développement municipaux et la promotion du développement local dans le village. Le décret 2007-032, adopté le 22 janvier 2007, précise encore que les CVD doivent élaborer des programmes annuels d’investissement et qu’elles ont droit à des transferts de leurs conseils municipaux respectifs. En l’État, les CVD sont considérées comme jouant un rôle central dans le processus de développement local et les expériences positives à ce jour en matière de développement communautaire pourraient aider à apaiser certaines des préoccupations précédemment citées et liées aux collectivités territoriales rurales.

Tableau 4. Structure territoriale du Burkina Faso

Décentralisation Déconcentration Collectivités Territoriales

Structure responsables Rôle

Administration territoriale

Administration déconcentrée Niveau

Régions (13)

Conseils régionaux

Vocation à être un espace économique et un cadre adéquat d'aménagement, de planification et de coordination du développement. Compétences partagées pour la prestation de services

Gouverneur Tutelle (sur les CT, sur l’administration déconcentrée)

Directions régionales de certains ministères Assister les CT

Régions (13)

Haut commissaire Tutelle sur les CT et l’administration déconcentrée

Directions provinciales de certains ministères Assister les CT

Provinces (45) Communes (49 urbaines, 302 rurales)

Conseils municipaux (communes urbaines élues depuis 1995 ; communes rurales élues depuis 2006)

Point d’ancrage du développement municipal et de la prestation des services les plus fondamentaux, dont soins de santé primaires, enseignement de base, infrastructures locales et gestion.

Préfet Soutiens Mesures de développement Tutelle sur l’administration déconcentrée

Directions départementales de certains ministères Assister les CT

Départements (351)

Source : Adapté de « Banque mondiale 2007 ».

1) Grands principes et mission

83. Dans une large mesure, le modèle actuel de décentralisation répond aux préoccupations de l’administration centrale. Trois grandes décisions traduisent la logique directive de la décentralisation dans le pays : a) la décision de conserver trois niveaux d’ administration territoriale (région, province et département), tout en créant deux niveaux de décentralisation (région, commune) dans un pays de 12 millions d’habitants dont la base de ressources est limitée, b) la persistance d’une tutelle forte sur la plupart des décisions prises par les CT et c) le fait que les décisions sur le cadre financier de la

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décentralisation ont du retard, alors même que les transferts de compétence sont en cours. Deux grands motifs politiques jouent. Premièrement, l’expansion de l’administration déconcentrée parallèlement aux CT garantit que l’administration centrale et ses services déconcentrés qui sont responsables devant l’administration centrale, continuent d’étroitement surveiller et contrôler la périphérie. Deuxièmement, malgré le discours sur la cure d’amaigrissement de l’Etat, ce choix accroîtra en fait le nombre d’emplois électifs, ainsi que celui des fonctionnaires. Il a été décrit comme un moyen pour le parti au pouvoir de maximiser les ressources et les postes (électifs ou nommés) disponibles pour les distribuer à sa clientèle. Si la décentralisation est conçue comme un instrument de cooptation et d’assimilation réciproque des élites, le risque existe qu’elle n’atteigne pas ses objectifs déclarés d’efficacité et de responsabilité accrues.

2) Défis de la mise en œuvre

84. Cette architecture ayant été adoptée, il sera désormais nécessaire de veiller à la coordination et la collaboration de l’ensemble des protagonistes et à ce que l’argent ne soit pas détourné vers de simples dépenses administratives pour tous ces niveaux d’administration. Les grands risques sont, entre autres :

• La difficulté de clarifier les rôles et responsabilités entre les nombreuses couches d’administration déconcentrée et décentralisée.

• La persistance d’une « administration d’autorité à l’ancienne » de l’administration territoriale et de la tutelle.

• L’échec de la coordination des politiques, qui augmenterait les coûts ou créerait des écarts dans les services.

• Les tensions liées au faible niveau de ressources publiques disponibles pour une administration en perpétuelle croissance.

• La concurrence que se font les différents niveaux pour attirer le personnel qualifié d’un réservoir limité de personnel instruit.

• La difficulté de faire progresser la participation directe de la population en raison des contraintes structurelles.

85. Le risque le plus important est que, sans soutien politique et transferts financiers adaptés, les services essentiels désormais délégués aux communes ne soient pas fournis. La base de ressources de la plupart des municipalités est faible et le taux de recouvrement des impôts et taxes est lui aussi faible. Les impôts sont généralement considérés comme négociables et déconnectés des investissements publics. Le fait que les CT disputent des ressources rares avec trois niveaux d’administration déconcentrée rendra leur situation difficile, si aucun effort n’est fait pour rationaliser l’administration publique. Au final, le niveau d’engagement en faveur de la décentralisation sera représenté par le niveau de ressources financières, humaines, techniques et administratives transférées aux CT. 86. Toutefois, si la décentralisation présente des risques, elle offre également des avantages. La décentralisation devrait créer des possibilités d’amélioration vers une administration publique plus efficace et plus ouverte. En matière de gouvernance locale, en particulier, la décentralisation devrait créer sa propre dynamique. Bien que le processus de décentralisation puisse être décrit comme directif, il ouvre plus de canaux de mise en responsabilité directe à la périphérie.

3) Les leçons de la décentralisation urbaine

87. Les leçons de la décentralisation urbaine doivent être prises en compte pour la mise en œuvre du Code 2004. Selon le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP), l’expérience des municipalités urbaines a révélé des problèmes qui pourraient compromettre la viabilité et l’efficacité des

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CT :

• Les capacités des collectivités territoriales en matière de planification stratégique, de recherche de consensus, de gestion stratégique et opérationnelle et de planification régionale sont souvent inadaptées aux besoins de développement locaux.

• Les incertitudes quant à la disponibilité de ressources et au contrôle que les autorités décentralisées exercent effectivement sur elles rendent difficiles l’élaboration de plans publics répondant aux besoins locaux. L’incapacité des communes à se procurer des ressources suffisantes a été aggravée par la pauvreté générale et le faible pouvoir d’achat de la population.

• Les lois et réglementations, tout comme certaines pratiques centralisées toujours appliquées, empêchent les collectivités territoriales d’être des partenaires à part entière au processus de développement national.

• Les capacités et les structures décentralisées sont encore trop faibles pour fournir un soutien efficace au processus de décentralisation.

• Les communes et leurs structures ne sont pas encore complètement ouvertes à la participation de la société civile et du secteur privé.

4) La diversité des Collectivités territoriales

88. Les CT varient considérablement, ce qui crée des contraintes ou des possibilités variées (cf. Annexe 6). Le Code 2004, à juste titre, fait une distinction entre communes urbaines et communes rurales et attribue des compétences légèrement différentes à chaque catégorie. A l’intérieur même des types particuliers de CT, d’importantes différences existent entre les régions en matière de population et de sources potentielles de croissance. A titre d’exemple, Ouagadougou et le plateau central, tout comme les zones productrices de coton, sont tout à fait distinctes des zones peu peuplées du Nord et du Sud-ouest du pays. Bon nombre de communes rurales verront leur autorité s’étendre sur de larges zones géographiques essentiellement caractérisées par la pauvreté rurale et la forte dépendance à l’agriculture des économies locales. Ceci fait peser un poids considérable sur les capacités budgétaires, humaines et techniques de ces municipalités, notamment au vu de l’étendue des compétences qui leur sont conférées par la réforme. Les CT nouvellement créées auront besoin de temps avant de devenir opérationnelles. Les capacités existantes et les possibilités de renforcement des capacités varient donc entre les CT et les types de CT. 89. Le présent rapport s’attache plus à la décentralisation aux communes qu’aux régions, puisque les communes sont les plus proches de la population et sont les principaux niveaux de prestation de services de base. Les régions sont des créations récentes et leur rôle et place en tant qu’organismes décentralisés devront être étroitement coordonnés avec les autres CT et l’administration déconcentrée. Leurs principes opérationnels et leurs mandats les rendent moins enclins à une participation directe (les représentants de chaque régions sont indirectement élus parmi les conseils municipaux) et moins essentiels en matière de prestation de services de base (les régions ont certains compétences spécifiques, mais pour la plupart des activités, elles n’ont qu’une compétence « complémentaire » : participation et avis). Le fait que leurs conseils soient des émanations des conseils municipaux pourrait faire d’elles l’arène appropriée d’une coordination entre les CT. 90. Les conclusions du rapport en matière d’opérationnalisation des transferts s’appliquent toutefois essentiellement aux régions, bien que ces dernières aient toutes chances d’être confrontées à des contraintes différentes des CT, en matière de ressources financières (le budget de la région est subventionné par les communes et elles ne possèdent pas leurs propres sources de revenus) ou de gestion des ressources humaines (attirer du personnel devrait être moins difficile au niveau régional). Cependant, les études de cas relatives à l’enseignement primaire et aux services d’approvisionnement en

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eau (chapitre 3) couvrent les compétences déléguées aux communes seulement, et le chapitre consacré à la participation (chapitre 4) s’attache à la participation locale au niveau municipal et ne couvre pas les régions en tant que telles. 91. Un facteur important à garder à l’esprit à la lecture du rapport est que, peu importe le niveau ou le type d’administration, toutes les administrations Burkinabès opèrent dans le cadre de sérieuses contraintes. Cela est vrai de leurs ressources humaines (effectifs, types et compétences). Cela est vrai de leurs ressources financières (taille et manque de prévisibilité des dotations budgétaires). Cela est vrai de leurs conditions matérielles. En outre, ces contraintes sont encore plus pressantes au niveau local et ce plus l’administration est éloignée des grands centres urbains (Encadré 9).

Encadré 9. Problèmes en matière de capacités de base au niveau local

Pour les communes rurales et, plus généralement, pour l’ensemble des administrations locales, les problèmes de capacité partent de l’essentiel : les quatre communes rurales visitées dans le cadre de nos Etudes qualitatives ne sont pas encore dotées de leurs propres bureaux. Les communes sont temporairement abritées dans les bureaux des préfectures. Les conditions matérielles dans ces bureaux préfectoraux sont mauvaises (mobilier usagé, absence d’ordinateurs). Seules deux de ces préfectures ont le téléphone. Source : Ouedraogo 2007.

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2. SURMONTER LES DEFIS POSES PAR LA DECENTRALISATION

92. Avec l’adoption en 2004 du Code Général des Collectivités Territoriales et les élections locales de 2006, le Burkina Faso est entré dans une période intense d’activités pour la mise en œuvre de la réforme par le transfert au niveau local des compétences et des ressources. Ce chapitre analyse les principaux défis à surmonter dans les domaines des capacités administratives, financières et humaines, pour que la décentralisation apporte les avantages attendus d’une administration publique plus efficace et plus réceptive (le chapitre 4 s’attachera à l’autre dimension cruciale attendue de la décentralisation : une participation accrue des populations). 93. Le Code 2004 comprend les règles et certaines indications de calendrier pour le transfert des compétences aux CT (Encadré 10). La décision de transférer les compétences a créé une dynamique dans l’administration et de nombreuses mesures sont prises pour permettre à ces transferts de réussir : rédaction de textes légaux, recensement des actifs liés aux compétences prioritaires pour les transférer, transfert de personnel des anciens services provinciaux aux communes rurales nouvellement établies, études et débats sur les transferts financiers, etc. Le Burkina Faso est en pleine transition, et des décisions essentielles sont prises et mises en œuvre. 94. Ce chapitre se penche sur les défis et opportunités d’opérationnalisation des transferts, en mettant en lumière les domaines dans lesquels des incertitudes persistent ou où les embûches sont courantes. Trois grands types de défis sont mis en avant, contraintes en matière de capacités administratives, financières et humaines, et des recommandations sont faites dans les trois cas : • Défis administratifs. Comment devraient être réalignées les administrations centrales et

décentralisées pour servir la politique de décentralisation ? Comment améliorer la collaboration et la coordination à l’échelon local entre les différentes structures (administrations territoriales et déconcentrées, CT) ? Quelles sont les mesures nécessaires pour garantir que la tutelle maintiendra le fragile équilibre entre le besoin d’autonomie des CT et le nécessaire contrôle de leurs opérations ?

• Défis financiers. Quelles leçons tirer d’une décennie de décentralisation urbaine ? Les options actuelles en cours d’élaboration pour fournir des ressources aux CT (transferts intergouvernementaux, fond d’investissements, taxation locale, emprunts) sont-elles claires et adaptées ? Quelle est la capacité locale de gestion des finances publiques ?

• Défis en matière de capacités humaines. Quelles leçons tirer de la difficulté de pourvoir en personnel les communes urbaines ? Quels sont les défis découlant des décisions relatives aux modalités de transfert de personnel (mise à disposition) ? Dans quelle mesure le nouveau statut de la Fonction Publique Territoriale est-il capable de répondre aux besoins des CT ?

Encadré 10. Règles s’appliquant aux transferts dans le Code 2004

Le Code 2004 clarifie le processus de mise à disposition et le rôle de l’Etat comme suit : 1. Le transfert des compétences doit être accompagné d’un transfert de ressources et de moyens adéquats pour y

faire face.

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2. Un transfert de compétences s’accompagne d’un transfert de tout ou partie des structures auxquelles ces compétences incombaient auparavant, pour une période limitée ou définitivement. Si le transfert est temporaire, les obligations respectives sont enregistrées dans une convention entre le responsable du conseil de la CT et le représentant de l’Etat, selon un format normalisé fixé par un décret.

3. L’Etat entretient avec les CT des relations contractuelles, d’autorité et d’assistance. Dans son rôle d’assistance, l’Etat a le devoir de soutenir les CT, tout spécialement par des subventions, des allocations spécifiques, des ressources humaines et matérielles, ainsi que par un soutien financier et technique.

4. La décentralisation sera mise en œuvre progressivement. Parmi les 11 fonctions que le Code 2004 désigne pour être déléguées, les autorités projettent de ne transférer que six fonctions prioritaires aux communes urbaines en 2005/2006 : enseignement préscolaire, enseignement primaire et programmes d’alphabétisation, santé, culture, sport et jeunesse et loisirs. Dans les communes rurales et les régions, les transferts sont programmés pour être effectués dans un délai de trois ans après l’élection de conseils locaux. Mais pour la commune rurale, des transferts immédiats sont également possibles pour les mêmes domaines prioritaires identifiés pour les communes urbaines, ainsi que les fonctions associées à l’environnement et à la gestion des ressources naturelles. Les autorités ont justifié cette approche progressive comme suit : a) une approche holistique pourrait déborder les capacités financières et techniques du gouvernement central à accompagner le programme de réforme ; b) certaines collectivités territoriales pourraient ne pas posséder des capacités suffisantes pour faire face aux compétences qui leur seraient confiées ; et c) un transfert progressif des activités de prestation des services est nécessaire parce qu’une préparation inadaptée pourrait susciter de la résistance à la décentralisation.

A. DEFIS ADMINISTRATIFS

95. Cette section met en lumière en tout premier lieu le besoin de mener la déconcentration sur une base stratégique et sélective, en concertation étroite avec la mise en œuvre de la décentralisation et non à son détriment. Elle souligne également la nécessité de clarifier les responsabilités des divers protagonistes, qu’ils soient décentralisés ou déconcentrés et le besoin d’institutionnaliser la concertation. Elle souligne l’importance de faire de la tutelle des CT un instrument de soutien à leurs activités par opposition à un contrôle directif. Elle conclut par quelques recommandations. 1) Simplifier des structures déconcentrées complexes

96. Le Burkina Faso possède deux types d’administration déconcentrée : par territoire et par secteur.

• Les structures de l’administration territoriale garantissent la continuité de l’Etat. Elles représentent et coordonnent les fonctions étatiques et sont également en charges de fonctions administratives générales et de sécurité. Ce sont les autorités de tutelle au niveau local, c'est-à-dire les autorités chargées d’approuver et de contrôler les activités et décisions des structures déconcentrées et décentralisées. Trois niveaux existent désormais : les régions dirigées par un gouverneur, les provinces dirigées par un haut commissaire et les départements dirigés par un préfet.

• Les structures de déconcentration sectorielles sont des unités administratives locales placées sous l’autorité de ministères centraux. Ces unités locales sont investies d’une autorité limitée. Les directions déconcentrées des ministères sectoriels ne coïncident pas toujours avec les frontières géographiques des administrations territoriales, ce qui rend les questions de coordination complexes. Ces directions jouent un rôle important dans la prestation de services (en théorie, un rôle direct avant la décentralisation, devenu un rôle mixte après). Leur rôle essentiel est de mettre en œuvre les consignes et politiques des ministères centraux, mais elles rendent également compte à l’administration territoriale du territoire dans lequel elles opèrent.

97. Le nombre de niveaux déconcentrés et leur importance a augmenté au cours des 15 dernières

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années, d’abord pour adoucir les rigidités du système centralisé et ensuite pour préparer les organismes déconcentrés à remplir leur rôle de contrôle et de soutien des CT nouvellement créées. Les rigidités d’une administration trop centralisée (retards, manque de réactivité à la réalité du terrain, déséquilibre de la répartition des effectifs et des ressources à l’avantage du gouvernement central) ont été tenues pour responsables de la médiocrité de la prestation des services. Le mouvement vers la déconcentration ayant recueilli un soutien au début des années 1990, une certaine autonomie a été accordée à ces directions déconcentrées, bien que toujours limitée. Au début des années 2000, les niveaux et l’ampleur de la déconcentration variaient selon les secteurs : bien que certains ministères aient embrassé la déconcentration (parmi lesquels nombre de ministères ayant de larges compétences en matière de prestation de services, comme l’éducation et la santé), d’autres ne l’ont pas fait (fonction publique) (Tableau 5). La déconcentration financière, à travers les délégations de crédits aux régions et aux provinces est efficace et aide à accélérer la prestation des services de base.

Tableau 5. Déconcentration des administrations centrales

Ministère transversaux Ministères concernés

Administration territoriale

Contrôle financier

Ordonnancement Trésor Direction Générale des Impôts

Education Eau

Centre Ministère de la décentralisation (MATD)

Ministère des Finances (MFB)

Ministère des Finances (MFB)

Ministère des Finances (MFB)

Ministère des Finances (MFB)

Ministry of Basic Education (MEBA)

Ministère de l’Agriculture (MAHRH)

13 régions 13 gouverneurs et leurs services

13 directions régionales

13 gouverneurs 6 trésoreries régionales

5 directions régionales des Impôts

13 directions régionales (DREBA)

13 directions générales (DGH)

45 provinces 45 hauts commissaires et leurs services

35 directions provinciales

11 trésoreries Principales

45 directions provinciales (DPEBA)

45 directions générales (DGAEP)

351 communes/ départements

351 préfets et leurs services

351 maires 76 perceptions

138 inspections

98. A la suite des progrès accomplis dans l’élaboration du cadre de décentralisation, la déconcentration s’est de plus en plus attachée au renforcement des directions déconcentrées. L’objectif est de les préparer à fournir un contrôle, un soutien et une aide aux CT, une fois la délégation de pouvoir entrée en vigueur. La création des régions en tant que couche d’administration territoriale appartient à cette tendance.

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99. La décision de faire de la déconcentration une nécessité parallèle à la décentralisation est, dans une certaine mesure, justifiée, mais doit être mise en œuvre de manière prudente et sélective. Pour bon nombre de raisons, les organismes déconcentrés ont toutes chances de manquer d’effectifs pendant plusieurs années et leurs incitations à soutenir le travail des CT autonomes ne sont pas claires (puisqu’elles conduiraient au final à leur propre rationalisation ou même disparition). Leur rôle dans la phase de transition, d’accompagnement dans leur développement des CT nouvellement créées, est important, mais comporte le risque d’enraciner les administrations déconcentrées dans des fonctions qui auraient être déléguées directement aux CT. 100. Le défi consiste donc à donner à tous les échelons administratifs des indications claires quand à leurs missions respectives, leur fournir des outils appropriés de coordination et des ressources (humaines et financières) nécessaires pour leur permettre de faire face à leurs responsabilités. Quatre grands défis doivent être relevés : • Clarifier les missions entre le centre et les unités déconcentrées et les CT. La confusion et les

incertitudes qui planent au sujet des rôles et responsabilités parmi une myriade de niveaux de responsabilité pourraient conduire à des insuffisances en matière de prestation de services et à brouiller les relations de reddition des comptes. Ce risque est particulièrement élevé pendant la période de transition.

• Rationaliser les administrations centrale et déconcentrées. La progression du nombre et de la taille des structures déconcentrées en dehors de tout plan stratégiques augmenterait les dépenses publiques globales et pourraient ajouter des couches supplémentaires inutiles au processus décisionnel sans renforcer les capacités nécessaires aux niveaux essentiels.

• Institutionnaliser la coordination. Les faiblesses en matière de coordination entraineraient des insuffisances à tous les niveaux d’administration.

• Equilibrer autonomie et tutelle. Transformer la tutelle en un outil opportuniste de contrôle central empêcherait les CT de gérer leurs compétences en toute indépendance et ferait que leurs ressources seraient plus tournées vers les exigences de reporting et les ordres de la tutelle plutôt que vers les besoins et les revendications de la population.

2) Clarifier les missions entre l’administration centrale et les collectivités territoriales

101. Il est important de parvenir à clarifier les missions respectives de l’administration centrale et des CT, notamment dans le domaine des « compétences partagées ». L’incertitude actuelle est en partie liée au fait que les articles du Code 2004 doivent être accompagnés de décrets d’application spécifiques, qui ne sont pas tous rédigés. Elle est aussi en partie liée à la difficulté intrinsèque de mise en œuvre d’un principe de subsidiarité.8 Pour certains des compétences délégués, le Code 2004 précise que les CT « participeront » ou « donneront leur avis » : pour tous ces cas les responsabilités respectives devront être clairement explicitées (cf. Annexe 6, avec en couleurs les domaines de développement où une concertation est nécessaire pour les compétences délégués aux CT dans les secteurs de l’eau et de l’éducation). 102. Le Code 2004 prévoyant le transfert de « tout ou partie des structures précédemment chargées de ces compétences (transférées), pour une période donnée ou de manière définitive », des décisions devront être prises quant aux structures et services précis qui seront transférés et quant à la permanence du transfert. Si les transferts sont temporaires, un accord devra préciser les règles du jeu : la 8 La subsidiarité est un principe d’organisation sociale. Selon Webster, les fonctions que des organisations subalternes ou locales exécutent avec efficacité leur appartiennent plus justement qu’à une organisation centrale dominante.

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période envisagée, le rôle des structures « transférées temporairement » pendant leur mandat au niveau des CT (une recommandation serait de mandater le personnel détaché a fournir une formation sur le tas aux nouvelles recrues des CT pendant cette période), les règles applicables pour la gestion du personnel et l’ autorité responsable, les possibilités pour le personnel de demeurer au niveau des CT après la période temporaire et les éventuelles incitations pour qu’ils le fassent. 103. Le fait que l’administration demeure centralisée dresse des obstacles à l’identification de la base des ressources nécessaire aux transferts. Les chiffres relatifs aux ressources publiques (financières ou humaines) actuellement utilisés dans le pays ne sont pas facilement disponibles par zone géographique. A titre d’exemple, le ministère de la Fonction Publique et de la Réforme de l’Etat (MFPRE) ne peut pas, à travers la base de données informatisée des ressources humaines, identifier les effectifs par leur affectation géographique. Les ressources financières ne sont pas non plus clairement ventilées par zone géographique, sauf pour un petit pourcentage délégué aux directions déconcentrées de certains ministères (Encadré 11 ; cf. Annexe 3 pour un complément d’information). Certains ministères sectoriels disposent peut-être de données à jour ; en tous les cas, il est nécessaire de s’assurer que les transferts reposeront sur l’utilisation des chiffres réels plutôt que sur des chiffres arbitraires.

Encadré 11. Statut et avenir de la déconcentration budgétaire : les Crédits délégués

La délégation des crédits aux directions déconcentrés a été lancée en 1999 pour leur faciliter l’accès aux ressources financières, en commençant par les ministères de la Santé et de l’Education. Alors que la délégation de crédit est une idée prometteuse pour l’amélioration de la prestation de services de première ligne, sa mise en œuvre compromet dans une certaine mesure son efficacité : le processus d’autorisation des dépenses est toujours pesant (retards dans la transmission des informations sur les montants de crédits délégués et retard dans l’ouverture de lignes de crédit), son envergure reste limitée et ses volumes faibles. Depuis 2006, sept ministères utilisent les délégations de crédits. Sur ces sept, seuls le ministère de la Santé et le Ministère de l’Education de base et de l’Alphabétisation (MEBA) les utilisent pour l’ensemble des dépenses de fonctionnement. Il n’existe pas de restrictions juridiques ou réglementaires à l’extension de la procédure au-delà de ces types de dépenses, mais la pratique ne s’est pas encore développée. Alors que la déconcentration des dépenses est particulièrement avancée dans les domaines de la santé et de l’éducation, les volumes restent relativement faibles. En moyenne, entre 2000 et 2006, ils représentaient seulement 38 pour cent des dépenses courantes des ministères employant cette procédure. Ils ne représentent que 7,23 pour cent des dépenses courantes du budget de l’Etat pour la même période. Trois priorités émergent : • Eviter un goulet d’étranglement au niveau du gouvernorat. Selon le décret N°2005-045/PRES/PM/MATD (3

février 2005), tous les ministères doivent déléguer la gestion de leurs crédits délégués aux gouverneurs. Cette mesure n’est pas appliquée et représenterait un recul par rapport à la déconcentration sectorielle. Les résultats d’une récente étude suggèrent la nécessité de réviser ce décret pour éviter ce risque et les dernières informations venant du ministère des Finances et du Budget montre que cette mesure devient une simple mesure d’information destinée aux gouvernorats. Ceci devrait, toutefois, être officialisé.

• Accélérer le processus. L’étude propose également de prendre un « arrêté sur les Crédits délégués » qui permettrait aux services déconcentrés de lancer le processus de dépenses dès que le budget est voté, au lieu de devoir attendre l’ouverture effective des lignes de crédit.

• Basculer les ressources aux CT. Les Crédits délégués constituent une des sources de financement des structures de prestation de services, qui sont clairement identifiées dans les budgets. Avec le transfert de ces structures aux CT, il serait logique de transférer ces mêmes montants aux CT. Les modalités des transferts de telle nature devront être fixées.

Source : Premier Ministère, Etude Sur La Délégation De Crédits Au Niveau Périphérique : Modalité De Mise En Œuvre Du Dispositif De Délégation De Crédits Au Niveau Local, Novembre 2006.

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3) Rationaliser les administrations centrales et déconcentrées

104. Le Burkina Faso a besoin de prendre des décisions stratégiques en matière de déconcentration reposant sur des facteurs rationnels, de coûts et humains. Eu égard aux ressources dont dispose le pays, il n’a pas les moyens de déléguer la responsabilité de la prestation de services essentiels aux 13 nouvelles régions, 49 communes urbaines et 302 nouvelles communes rurales sans réaligner son administration centrale et déconcentrée existante. Il n’y aura pas suffisamment de ressources pour dupliquer les compétences entre les administrations déconcentrées et décentralisées. Pour le centre, le défi est d’organiser le transfert de certaines de ses structures et personnels aux CT et d’ajuster le reste de ses effectifs et ressources selon la nouvelle politique de décentralisation. 105. La délégation de secteurs essentiels de la prestation des services aux CT signifie que les administrations centrale et déconcentrées devront organiser leur transition, passant de la mise en œuvre des activités d’aval (prestation de services) aux activités d’amont (élaboration de la politique, définition de normes et surveillance) en rationalisant leurs structures existantes. Tous les secteurs doivent donc revoir leur organigramme (pas seulement l’organigramme théorique, mais la réalité du terrain) et adapter leurs ressources à la lumière de la politique de décentralisation. Deux mouvements parallèles joueront. Tout d’abord, le personnel et les structures directement liés à la mise en œuvre des tâches désormais déléguées aux CT seront transférés, préposés à des fonctions plus stratégiques en amont ou, dans le cas des structures, abandonnées. Ensuite, les fonctions stratégiques comme la planification, la définition de normes, le suivi et l’évaluation, ainsi que la surveillance technique devront être renforcées et développées. 106. De pair avec cet exercice de rationalisation, chaque secteur qui a une raison objective de se déconcentrer devra prendre une décision stratégique sur le niveau auquel il sera le mieux représenté pour remplir son mandat. Il ne sera pas possible ou efficace pour chaque ministère sectoriel de créer une antenne à chaque échelon de l’administration territoriale (et tous les ministères n’auront pas besoin d’avoir des directions déconcentrées). L’exercice de rationalisation devra étudier les diverses options disponibles en dehors de la création systématique et uniforme de directions, comme un usage plus intensif des missions d’inspection (à partir de l’administration centrale ou de l’échelon régional, par exemple). Adapter les règles de la fonction publique en prenant en compte les résistances au redéploiement 107. Un des principes de base de la rationalisation des administrations centrale et déconcentrées devrait être le réalisme dans le redéploiement des personnels. De fait, le niveau de résistance des fonctionnaires au redéploiement en périphérie favorise l’option de renforcer les capacités directement au niveau des CT, tout en offrant des solutions de rechange pour que l’administration centrale continue son soutien sans établir de directions déconcentrées. Ce n’est pas un hasard si plus de la moitié des fonctionnaires sont estimés basés dans la capitale et qu’il existe une forte résistance dans la fonction publique à des dispositions qui lient un poste à une zone géographique. Comme dans bon nombre d’autres pays voisins, les fonctionnaires sont réticents à accepter des postes en dehors de la capitale ou des grands centres urbains, essentiellement en raison des meilleurs niveaux de vie (pour eux-mêmes et leurs familles) et de meilleures chances d’épanouissement professionnel et d’évolution de carrière offertes par le centre. 108. Pour traiter le déséquilibre de la répartition géographique des fonctionnaires pour les recrutements à venir, il est nécessaire d’aborder les règles du système de gestion des ressources humaines, ainsi que sa structure d’incitations. Pour les fonctionnaires, les règles pourraient comprendre un lien entre promotion au cours de la carrière et affectation dans des zones moins enviables. Une autre possibilité serait de lier le recrutement à une zone régionale. Une manière de commencer à le mettre en

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œuvre est d’organiser des examens d’entrée dans les diverses régions et de lier le lieu d’examen au lieu du poste (comme cela existe déjà pour certains postes d’enseignement). La gestion déconcentrée constitue un des moyens de résoudre les problèmes de mobilité anarchique des personnels : les ministères sectoriels doivent assumer la responsabilité de l’affectation des ressources là où elles sont les plus utiles. La déconcentration de la gestion des ressources humaines à l’échelon départemental aurait l’avantage supplémentaire de rendre le traitement des ressources humaines moins long pour les employés. En outre, les frontières géographiques des départements coïncidant avec celles des CT, cela aiderait également à identifier les ressources disponibles pour la prestation de services dans chaque CT. Clarifier les modalités de soutien 109. L’interaction entre les administrations centrale et sectorielles déconcentrées et les CT est la clé de la mise en œuvre de la décentralisation. Selon le Code 2004, l’Etat a le devoir d’assister les CT, y compris par le biais de ressources humaines et matérielles et d’une assistance technique (article 49 du Code 2004). Pour exercer leurs compétences, les CT sont dotées de leurs propres structures, mais peuvent également se tourner vers les organismes déconcentrés (article 51). Cette collaboration doit donc être organisée et institutionnalisée pour garantir les modalités de reddition des comptes entre acteurs. 110. Le soutien apporté par l’administration déconcentrée aux CT sera limité par le type et les effectifs postés au niveau déconcentré. En règle générale, les structures déconcentrées ont relativement peu de personnel qualifié. Pour certains ministères, l’enjeu est très important : le ministère des Finances et du Budget projette de mettre en place un comptable pour trois communes rurales, mais même un tel taux signifie de lourds investissements dans la formation et de nombreux recrutements. Pour certains secteurs toutefois, dont l’éducation et la santé, il existe de nombreux effectifs de cadres techniques au niveau du département qui devraient, au final, être absorbés par les CT. 111. Un problème à éclaircir et régler est de savoir si le soutien de l’administration déconcentrée sera fourni bénévolement ou si, dans certains cas, il sera demandé aux CT une contrepartie financière. L’expérience de la décentralisation urbaine montre que, dans bon nombre de cas, les services déconcentrés demandent effectivement un dédommagement financier pour leur collaboration. La base légale de cette pratique n’est pas claire. Il est évident que, si l’Etat attend des communes qu’elles paient pour les services de ses directions déconcentrées, il devra avoir transféré suffisamment de ressources financières aux CT pour leur permettre de le faire. Deux autres conditions préalables seraient a) des règles claires réglementant les montants et conditions dans lesquelles le dédommagement sera demandé et b) des dispositifs garantissant que des moyens de contrôle des services (calendrier et qualité) fournis par les services déconcentrés ont été donnés aux CT. La pratique en vigueur dans d’autres pays est, de fait, que les CT ne paient pas de tels services puisque, en assistant les CT, les organismes déconcentrés remplissent leurs mandats. 112. Un instrument contractuel comme les conventions, établies par le Code 2004 pour la contractualisation des transferts temporaires, pourrait être utilisé pour d’autres interactions entre les CT et l’administration déconcentrée. Selon le Code 2004, si le transfert des structures est temporaire, les obligations respectives sont enregistrées dans une convention conclue entre le responsable du conseil de la CT et le représentant de l’Etat, selon un format fixé par décret. Pour tirer les leçons de cette expérience, il serait important de préparer, pour chaque CT, un contrat révisable qui stipulerait l’assistance qu’elle pourrait attendre de l’administration déconcentrée. 4) Institutionnaliser la coordination

113. Le cadre légal confère au responsable de l’administration territoriale un rôle de coordination

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de l’ensemble de l’administration déconcentrée dans sa zone, mais la coordination à l’échelon local a toujours été difficile. D’un point de vue hiérarchique, le responsable de l’administration territoriale est au-dessus des responsables des directions déconcentrées. Ceci, toutefois, est fréquemment source de conflits et de tensions entre l’administration territoriale et les directions déconcentrées des ministères sectoriels, ces derniers ayant tendance à préférer rapporter et rendre compte à leur ministère central. L’absence de coordination entre ces deux types d’administration a un impact clairement négatif : si la structure de l’administration territoriale ne reçoit pas les moyens de coordonner et de veiller à la cohérence entre les politiques publiques, aucune autre institution n’effectue cette tâche nécessaire. 114. Avec l’établissement des CT, d’autres formes de coordination sont nécessaires entre les CT et entre les CT et les administrations territoriales et sectorielles. Cela a toutes chances d’être un défi puisque de nombreuses contraintes financières, organisationnelles et comportementales s’y opposeront. C’est néanmoins une condition préalable à une décentralisation réussie. 5) Equilibrer l’autonomie et la tutelle

115. Le cadre de décentralisation du Burkina Faso maintient un solide contrôle sur les décisions des CT. L’administration centrale, par le biais de sa tutelle, conserve d’importants contrôles préalables sur la plupart des décisions prises par les collectivités locales (Annexe 4). Toutes les décisions ayant un impact financier doivent être approuvées et recevoir une autorisation préalable. Toutes les autres décisions ne sont considérées comme étant en application qu’après avoir été transmises à la tutelle. 116. La tutelle a trois grands objectifs. Premièrement, elle garantit que le cadre légal se rapportant à toutes les administrations publiques est mis en œuvre de manière cohérente, rôle particulièrement important vis-à-vis des CT nouvellement créées qui peuvent ne pas posséder les capacités ou les connaissances pour le faire. Deuxièmement, avec des contrôles préalables sur les décisions ayant un impact financier, la tutelle garantit l’équilibre des budgets des CT (évitant ainsi les risques de défaillances qui auraient un impact plus tard sur le budget de l’Etat). Troisièmement, les contrôles préalables constituent l’occasion de prévenir des abus possibles, des cas de corruption ou, simplement, une mise en œuvre erronée. Il est probable que cela soit plus important les premières années dans les CT nouvellement créées, puisqu’elles risquent de manquer de personnel expérimenté. 117. Les inconvénients de la tutelle sont liés à son impact sur la direction des relations de reddition des comptes, et les risques de lenteur ou d’inopportunité des contrôles. Premièrement, le rôle large de la tutelle sur les activités des CT déplace la direction de la relation de reddition des comptes des conseils élus vers un organisme nommé. Il réduit l’autonomie des CT et oriente certaines de leurs ressources vers des niveaux d’administration non élus, plus éloignées de la population locale, aux dépens de leurs circonscriptions locales. Deuxièmement, la tutelle peut avoir un effet néfaste sur l’efficacité des activités des CT. Toutes les décisions officielles doivent être transmises à la tutelle et, pendant un délai maximal de 45 jours (période après laquelle un « accord tacite » est donné), les décisions financières sont mises en attente de la décision de la tutelle. Des difficultés peuvent survenir lors du traitement de cette information, particulièrement pendant les premières années d’existence des nouvelles CT : la hausse brutale du volume de documents à étudier (lié à l’accroissement du nombre des CT) sera probablement aggravée par une part importante de documents qui ne correspondront pas aux formats requis, en raison de l’absence d’expérience en gestion municipale des nouvelles communes. Troisièmement, en théorie, la tutelle exerce un « contrôle de légalité », mais la frontière par rapport à un « contrôle d’opportunité » n’est pas clairement délimitée et peut même conduire à un empiétement sur les pouvoirs des CT. 118. L’expérience antérieure avec les communes urbaines montre que le contrôle exercé par le centre sur les activités des CT tend à être source de conflits, particulièrement en matière de décisions

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financières. En effet, l’action du contrôleur financier9 est la contrainte la plus souvent mentionnée par les CT (Encadré 12). Les problèmes proviennent de la conjonction du manque de capacités du personnel des CT (et donc d’une mauvaise compréhension du rôle et des requêtes du contrôleur) et le fait que la position de pouvoir du contrôleur est souvent perçue (parfois à juste titre) comme une violation de l’autonomie des CT.

Encadré 12. Perception de la tutelle par les Communes

Bien que le cadre légal du contrôle de tutelle existe au niveau communal, le cadre est fragilisé par le manque de clarté en matière d’étendue des pouvoirs de tutelle (notamment sur les mandats qui seront transférés aux CT) et les problèmes pratiques d’exercice de la tutelle. Le contrôle administratif sur les décisions financières (comme le contrôle sur les plans d’action annuels locaux) est faible. Sur le terrain, le contrôle financier (exercé par le contrôleur financier local) est souvent décrit comme une procédure pesante, exigeant beaucoup de temps, comme l’illustrent les citations suivantes : « Le contrôleur financier juge l’opportunité de la dépense. Il juge les prix. L’indépendance, pour l’instant, est inexistante. » « Nous faisons de gros efforts pour collecter des ressources supplémentaires, mais on ne nous accorde pas l’entière responsabilité de les dépenser pour nos propres activités. Nous sommes obligés de remplir les papiers, d’obtenir l’accord du contrôleur financier pour que l’argent soit mis à notre disposition. L’autonomie des communes n’est qu’un vain mot. » Le contrôle exercé sur les décisions administratives est limité à leur légalité et n’aboutit généralement pas à des blocages de la gestion municipale. En cas de conflit, toutefois, le ministère de la Décentralisation est appelé à arbitrer. Pour les communes rurales, la tutelle est exercée par les hauts commissaires (dans les provinces), bien que le maintien des préfets au niveau départemental crée une certaine confusion. Alors que, légalement, les préfets n’ont pas d’autorité de tutelle sur les communes, ils sont en position d’autorité, particulièrement par rapport aux maires nouvellement élus. En fait, le maintien même des préfets constitue un problème, puisque leur personnel sera transféré aux communes, les laissant ainsi sans moyens opérationnels. Source : Ouedraogo 2007. 119. En termes de structure, le maintien d’une administration territoriale à trois niveaux ne semble pas justifié par leurs mandats. Etant donné que les hauts commissaires à l’échelon provincial ont une autorité de tutelle sur les CT, le rôle des préfets est réduit à un rôle d’ « assistance ». Toutefois, les préfets n’ont pas, en règle générale, le profil adapté pour fournir une assistance aux CT (la nomination des préfets est une affaire essentiellement politique qui ne fait pas appel à des critères spécifiques), ni les moyens de le faire. Ils ne disposent ni de personnel, ni de moyens opérationnels. 6) Recommandations pour surmonter les défis de la décentralisation administrative

1. Séparer (« dégrouper ») les compétences à transférer en sous-activités pour clarifier les responsabilités. Pour les secteurs pour lesquels des zones d’ombre subsistent, nous recommandons une action commune entre des représentants des communes (urbaines et rurales) et chaque secteur concerné pour parvenir à comprendre l’étendue des transferts et parvenir à un accord pour les opérationnaliser, sur la base du Code 2004. Pour veiller à ce que les discussions entrent suffisamment dans les détails pour permettre une mise en œuvre plus facile, les CT et les représentants des secteurs pourraient s’appuyer sur le tableau 6. Le ministère des Finances et du

9 Le contrôleur financier est un agent du ministère des Finances et du Budget mandaté pour contrôler au préalable la régularité des dépenses—par le biais de visas.

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Budget devrait participer à ces réunions. L’Encadré 13 décrit l’expérience du Rwanda qui s’est livré à un exercice similaire.

Tableau 6. Grille de « dégroupage » / identification des rôles et responsabilités par type

Administration déconcentrée Collectivités territoriales

Responsabilités Centre

Région Province Département Région Commune

Autres (ONG, usagers, secteur privé)

Elaboration des politiques Définition des normes Financement des dépenses d’investissement

Financement des dépenses récurrentes

Financement des salaires Construction Entretien Production Suivi et évaluation

2. Donner des conseils stratégiques pour la rationalisation des administrations centrale et déconcentrées. Le ministère de la Fonction publique doit donner aux secteurs des conseils stratégiques pour les aider à prendre leurs décisions sectorielles sur leurs politiques de déconcentration, qui doivent reposer sur des réponses fondées aux questions suivantes :

• A quel échelon le soutien sera-t-il le plus utile, en prenant en compte les ressources

disponibles et la nature et le volume des activités en jeu ? • Est-il nécessaire d’avoir un bureau dans chaque circonscription (c’est-à-dire dans les

13 régions ou 45 provinces), ou certains bureaux devraient-ils surveiller plusieurs circonscriptions (ce qui est depuis longtemps le cas pour certaines administrations déconcentrées) ?

• Quels sont les arbitrages financiers et opérationnels entre créer une direction ou augmenter les affectations pour les missions régulières d’inspection et d’assistance technique ?

• Quelles sont les contraintes budgétaires sur les dépenses de création de directions et les coûts récurrents ?

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Encadré 13. L’exercice de « dégroupage » au Rwanda

Entre les 15 et 17 septembre 2005, le gouvernement du Rwanda, par le biais de la coordination du ministère de l’Administration locale, Développement communautaire et Affaires sociales (MINALOC), a organisé une conférence nationale dont l’objet était de débattre de comment améliorer la prestation de services décentralisés par le biais d’un renforcement des responsabilités au sein du cadre de réforme territoriale. L’objectif de la conférence était d’articuler de manière participative les visions concrètes et les plans de mise en œuvre pour chaque secteur de prestation de service et les ministères responsables. Elle mettait en lumière les problèmes sectoriels spécifiques à prendre en considération pour renforcer la reddition des comptes, les rôles et les responsabilités envisagés pour les différents acteurs et identifiait de nouvelles priorités visant à améliorer la prestation de services. La conférence a rassemblé 270 partenaires clés : décideurs publics, prestataires de services, représentants de la société civile, académiciens et bailleurs de fonds. Les trois jours ont constitué une occasion unique de faire intervenir une douzaine de ministres à plusieurs moments clés des discussions pour qu’ils s’impliquent activement dans des consultations et débats nationaux portant sur la prestation de services et la réforme territoriale, tout en tirant parti d’ expériences internationales. La séance finale de la conférence a chargé neuf groupes de travail sectoriels (agriculture, santé, éducation, infrastructure, environnement/ressources naturelles, justice, eau/assainissement, administration, et commerce/finances) de proposer un nouveau cadre de prestation de service conformément à la réforme territoriale proposée. Les participants ont reçu des conseils détaillés pour effectuer un exercice de « dégroupage » d’une demi-journée par groupes de travail. A l’aide du modèle de dégroupage de la prestation de services, chaque groupe a décrit les rôles et les responsabilités attendus de chaque échelon de gouvernement local, selon le cadre général de prestation de services décentralisés proposés par le gouvernement. Les groupes ont identifié les priorités et les actions clés nécessaires à la mise en œuvre du cadre de prestation de services décentralisés envisagé. Ces propositions ont servi de base à l’identification et à la mise en œuvre des options politiques.

Modèle de dégroupage de la prestation de services

Responsabilités Dans le contexte de la réforme, définir les responsabilités de chaque niveau gouvernemental.

Elaboration des politiques Qui fixe les principales directives politiques d’un service (par ex. enseignement primaire gratuit comme politique nationale) ?

Définition des normes Qui définit les normes (par ex. normes nationales par rapport aux normes locales de construction) ?

Administration Quelle est la principale autorité gouvernementale qui administre les services au jour le jour ?

Financement Qui apporte le financement des services ?

Production Qui exécute réellement le service (par ex. il est souvent possible que ce soit le secteur privé) ?

Réglementation et suivi Qui réglemente et suit le service (par ex. habilitation professionnelle dans le secteur de la santé) ?

3. Une fois achevés, tous les plans de rationalisation et de déconcentration doivent être opposés

aux plafonds budgétaires existants ou, au maximum, être remaniés pour s’inscrire dans le pourcentage de hausse à fixer au préalable par le ministère des Finances et du Budget sur la base des projections budgétaires et, peut-être, de l’assistance attendue des bailleurs de fonds. Sauter cette étape rendrait la mise en œuvre de l’exercice impossible, faute de budget.

4. Elaborer des dispositifs contractuels entre les CT et l’administration déconcentrée et clarifier les contributions financières de chacune.

120. Deux types de dispositifs contractuels figurent dans le cadre légal. La « convention » décrira les conditions pour qu’une assistance soit fournie aux CT par l’administration centrale ou déconcentrée. Elle

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précisera les obligations respectives des parties, la durée du dispositif, le soutien financier et ses conditions (si nécessaires) et les mesures de recours. La convention est signée par le ministère ou un de ses représentants (gouverneur, haut commissaire ou préfet) et par le responsable de la CT (maire, président du conseil). Le « contrat » se rattache spécifiquement à un programme ou projet auquel participent une CT et une administration centrale ou déconcentrée. Le contrat précisera la mission, la durée et les responsabilités respectives des parties, ainsi que les mesures de recours. 121. Pour rendre les conventions et les contrats opérationnels entre l’administration centrale ou déconcentrée et les CT, plusieurs éléments doivent être explicités dans les documents (Encadré 14) :

• Clarifier avec soin les résultats attendus de la collaboration de partenariat pendant la période couverte.

• Identifier des indicateurs de résultats mesurables. • Inclure des conditions pour un système de suivi et d’évaluation et affecter des ressources. • Préciser les ressources qui serviront à obtenir les résultats attendus. • Clarifier les apports et obligations des parties (dont le calendrier de ces apports). • Intégrer aux obligations contractuelles des modalités de communication à la population, pour

que les citoyens reçoivent les informations nécessaires au suivi et à la surveillance de la prestation de services publics.

• Introduire des mécanismes participatifs pour impliquer les citoyens dans la phase de surveillance et de contrôle.

122. Dans tous les cas et même en l’absence de contrats officiels, l’Etat doit prendre position sur le problème des paiements effectués par les CT en échange de l’assistance fournie par l’administration déconcentrée, faire connaître sa position à ses services et la faire appliquer.

Encadré 14. IMIHIGO : outil de gestion des résultats pour la réforme de décentralisation au

Rwanda

Le Rwanda met actuellement en place un nouvel instrument de gestion par la performance de la réforme de décentralisation appelé IMIHIGO. IMIHIGO est une réponse authentiquement rwandaise aux problématiques de réforme des collectivités locales et de gestion du changement. IMIHIGO au Rwanda désigne les contrats de gestion de la performance signés entre le président de la république et les 30 maires de districts au nom de leurs citoyens. L’engagement des maires est scellé publiquement par un contrat écrit qui énumère les objectifs de développement reposant sur des indicateurs de performance précis pour une période d’un an. L’IMIHIGO a beaucoup de caractéristiques communes avec les instruments de gestion basés sur les résultats. Premièrement, chaque IMIHIGO identifie un certain nombre de priorités claires. Deuxièmement, chaque IMIHIGO présente des objectifs spécifiques, décomposés en indicateurs de performance mesurables. Troisièmement, chaque IMIHIGO est soumis à un processus de suivi et évaluation annuel bien défini. Quatrièmement, chaque IMIHIGO constitue un mécanisme de mise en responsabilité et une incitation pour les dirigeants des collectivités locales et leurs populations à mettre en œuvre les politiques de décentralisation et à remplir des objectifs de développement local et national. En principe, les contrats de gestion de la performance doivent être alignés sur le programme sectoriel (éducation, santé, eau, infrastructures, etc.) au niveau central. A la suite de la réforme territoriale 2006, des représentants de chaque ministère prioritaires ont été affectés à l’échelon du district pour veiller à la communication et à la coordination avec le centre. En principe, chaque ministère a obligation de décentraliser son budget pour financer les programmes locaux. Le processus d’évaluation de la performance implique les districts tout comme les principaux ministères et constitue l’occasion pour les districts de débattre des questions financières.

Source : Note de politique rwandaise, gouvernement du Rwanda, 2006.

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5. Garantir une coordination régulière au niveau local. Des décisions devront être prises sur la portée et la périodicité des réunions de coordination entre les divers protagonistes locaux (administration déconcentrée, CT, population) en donnant des directives claires en matière de participants et de quorums, de nombre minimal de réunions et leur préparation, conditions d’organisations de réunions ad hoc, lieu et programme habituel des réunions, organisme responsable de la convocation des réunions et impact financier sur les dépenses récurrentes (transport et documentation, par exemple), qui doivent être compris dans les budgets. Il pourrait être utile de les codifier dans un simple manuel d’exécution, au moins pour la coordination régulière entre l’administration déconcentrée et les CT. Les moyens d’appliquer ce type de coordination doivent être donnés aux autorités compétentes.

6. Réexaminer l’administration territoriale à trois niveaux. Comme précédemment débattu, le

maintien des préfets ne paraît pas justifié. Les préfets n’ont ni le profil ni les moyens d’aider vraiment les CT. Une solution logique consisterait à supprimer la fonction de préfet. Une mesure moins radicale sera d’élaborer des descriptions de postes pour un poste de « conseillers des CT » et décider que les postes de préfet pourront être remplis par des personnes qui répondent à des exigences prédéfinies en matière de compétences, diplômes et expériences pour garantir que les nouveaux préfets possèdent le profil nécessaire pour assister efficacement les CT. Ce nouveau type de préfet, s’il était conçu de cette manière, pourrait, notamment en zone rurale, jouer un rôle utile en apportant une expertise pour aider les communes nouvellement établies et mal pourvues en personnel dans certains domaines essentiels de gestion.

7. Améliorer l’exercice de la tutelle. Pour éviter des tensions inutiles entre les autorités de tutelle et

les CT, le ministère de la Décentralisation, en concertation avec le ministère des Finances et du Budget et des représentants des CT devrait élaborer un manuel de procédures destiné aux représentants de l’Etat aux échelons locaux et aux responsables des CT. Ce manuel devrait être distribué à l’ensemble des acteurs de la décentralisation.

B. DEFIS FINANCIERS

123. Cette section et la suivante sur les ressources humaines traitent du problème fondamental des capacités opérationnelles des CT. Elles analysent les défis pour le renforcement approprié des capacités des CT en ressources humaines et financières, en partant des leçons d’une décennie de décentralisation urbaine, puis en identifiant les défis actuels et les éventuelles solutions de demain. L’encadré 15 décrit quelques principes visant à garantir une décentralisation fiscale réussie.

Encadré 15. Le financement adéquat des services de base – quelques principes

Le principe de base d’un système intergouvernemental adéquat consiste dans la concomitance des transferts de compétences et de ressources. En d’autres termes, chaque niveau gouvernemental a besoin de ressources appropriées pour assumer ses engagements financiers. Recettes propres : Dans un système idéal, les collectivités territoriales financent une part significative de leurs dépenses à partir de leurs ressources propres. A l’échelon le plus bas, cette approche permet de renforcer la redevabilité des autorités locales, et la perception par les citoyens des corrélations entre le paiement des impôts et taxes et le niveau des services locaux rendus. Les citoyens associent directement le poids des taxes locales aux bénéfices tirés des services fournis. Pour un certain nombre de raisons, les recettes propres locales sont généralement insuffisantes pour financer les postes de responsabilité les plus basiques et les priorités sectorielles. En premier lieu, la collecte des recettes les plus lucratives sera vraisemblablement plus efficace aux niveaux supérieurs des administrations publiques même si les ressources doivent être

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dépensées au niveau local (ainsi, la collecte des recettes de douanes est plus efficace au niveau national qu’au niveau municipal, alors que les ressources destinées à l’éducation sont requises au niveau municipal). En second lieu, même si les communes collectent les recettes dans des proportions comparables, des disparités importantes demeureraient entre elles en termes de ressources fiscales. Pour garantir un niveau minimum d’équité « horizontale » nationale, la mise en place par les hautes autorités gouvernementales de différents mécanismes de transferts et sources de financement sera nécessaire. Finalement, dans un pays comme le Burkina Faso, les fonds de donateurs internationaux continuent de jouer un rôle essentiel dans le soutien aux services de base et au développement local. Dans un même souci de cohésion nationale et d’équité, il est crucial de mettre en œuvre des mécanismes susceptibles d’affecter au mieux ces ressources extérieures et tenant compte des ressources domestiques. Même les « plus riches » communes du Burkina Faso (Ouagadougou et Bobo Dioulasso) ne sont pas en mesure de financer tous les services locaux de base et les priorités de développement en puisant dans leurs propres ressources (Voir Figure 4. Recettes moyennes par habitant et par taille d’agglomération La génération de recettes propres au niveau local est faible dans presque toutes les collectivités territoriales, et insuffisante pour financer une proportion importante des services publics. Garantir la maximisation des capacités fiscales est un enjeu clé, et il est important d’exploiter pleinement toutes les options fiscales et juridiques existantes, ainsi que d’identifier des sources de recettes subsidiaires. L’Encadré 21. Deux exemples de réussite dans l’accroissement des recettes locales Transferts intergouvernementaux : Pour une période significative, les transferts intergouvernementaux resteront la source principale de recettes pour les communes. Le succès de la réforme dépendra grandement de l’organisation de ces transferts. La règle générale voudrait que ces transferts n’aient pas pour effet d’affaiblir les efforts de collecte des recettes locales, quand bien même ils prennent en compte les différences de capacités fiscales supposées. En d’autres termes, les communes ne devraient pas être pénalisées par une restriction des transferts si elles réussissent à accentuer leurs efforts de collecte de recettes. Ceci dit, il est important de prendre en compte les disparités de capacités fiscales. En pratique, l’administration centrale n’aura pas suffisamment d’informations pour juger précisément et efficacement des efforts de collecte de recettes et des capacités y étant associées. C’est pourquoi, il est indispensable de considérer les capacités fiscales locales à l’aide d’une mesure indirecte, non directement liée à la collecte réelle (par exemple, privilégier les estimations de ressources locales globales par rapport au montant réel de taxes perçues). Une autre question est quel devrait être le degré de contrôle exercé par les niveaux supérieurs gouvernementaux sur le transfert des ressources aux collectivités territoriales et la façon dont ces ressources sont employées. Les dotations en bloc, octroyées selon des critères simples et transparents en tenant compte des besoins de dépenses locales et des capacités fiscales, sont intéressantes dans la mesure où elles délèguent la prise de décisions aux CT et de ce fait reflètent le souci d’améliorer la responsabilisation et la redevabilité des CTs. Cependant, certaines dotations ciblées peuvent être destinées à promouvoir des objectifs et des priorités de services spécifiques au niveau sectoriel (par exemple, accès universel à l’enseignement) Toutefois, si ces transferts ciblés sont trop importants, ils peuvent réduire le pouvoir de décision des autorités locales et déborder leurs capacités de gestion. Contrôle des risques fiduciaires Une action prioritaire pour assurer l’intégrité des ressources publiques, qui sont transférées de manière croissante au niveau local, est le renforcement des capacités de gestion des finances publiques et des capacités en passation de marchés. Cette approche permet d’éviter que les entités décentralisées ne posent un risque fiduciaire aux finances publiques. Il s’agit d’une condition sine qua non à la poursuite d’une politique de décentralisation. Le renforcement des capacités sera un facteur clé pour toutes ces interventions. Il est également impératif que les transferts de l’administration centrale n’affaiblissent pas les strictes contraintes budgétaires des communes. Pour illustrer ce point, prenons un exemple des plus explicites. Les communes ne devraient pas accumuler de dettes de manière irréfléchie en comptant sur l’administration centrale pour les renflouer. En d’autres termes, les responsables locaux ne devraient pas penser que la responsabilité de leurs dépenses incombera à une autre autorité qu’elles-mêmes. Parallèlement, les communes doivent être capables de compter sur un flux de transferts suffisant et fiable pour pouvoir prendre des décisions de dépenses réfléchies. Se prémunir contre les déficits des collectivités territoriales suppose l’introduction de strictes contraintes budgétaires sur leur cadre financier (outils de contrôle et mécanismes d’exécution) ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre efficaces de restrictions à l’emprunt (associées aux capacités réelles de remboursement calculées sur les propres recettes des CT). De façon générale, les risques d’endettement et d’accumulation d’arriérés peuvent être réduits uniquement en organisant un cadre de financement suffisant des CT (par le biais de recettes propres et de transferts intergouvernementaux), qui reflète les dépenses pour lesquels les CT sont responsables. Une prévisibilité améliorée des systèmes de transferts intergouvernementaux est un facteur clé pour imposer une contrainte budgétaire stricte aux collectivités territoriales. Les transferts doivent être prévisibles, ce qui est plus difficile à concrétiser dans un contexte comme celui du Burkina Faso compte tenu de la forte dépendance au soutien des bailleurs de fonds, et nécessite de

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solides partenariats. Une collecte et une analyse des informations fiscales seront nécessaires pour ajuster le système et élaborer une définition claire et prévisible des formules d’affectations pour les transferts intergouvernementaux. Source : adaptation des commentaires politiques au Rwanda, gouvernement du Rwanda, 2006. 124. Le succès de la décentralisation dépendra de la disponibilité de ressources suffisantes aux niveaux adéquats du gouvernement pour subvenir raisonnablement aux besoins en services de la population. Cette section commence par traiter les leçons tirées de la décentralisation urbaine. Ensuite, elle examine la mise en œuvre du Code 2004 à ce jour (voir l’Encadré 16. Dispositions du Code 2004 sur la décentralisation fiscale) et se penche en particulier sur les principales dispositions relatives à la décentralisation fiscale en évaluant les mécanismes envisagés par le gouvernement ou déjà mises en place en ce sens. Cette section s’inscrit au cœur du débat actuel sur le transfert de ressources adéquates aux collectivités territoriales. Troisièmement, elle examine brièvement les règles et les capacités de gestion des finances publiques au niveau local, élément crucial pour convaincre tous les acteurs que la décentralisation s’effectuera dans le respect des règles et dans le cadre d’une gestion financière efficace et transparente. Pour finir, elle répertorie les recommandations destinées à améliorer le cadre financier de la décentralisation et à renforcer la gestion des finances publiques des collectivités territoriales.

Encadré 16. Dispositions du Code 2004 sur la décentralisation fiscale Les ressources des collectivités territoriales proviennent des recettes fiscales, des transferts financiers et de l’emprunt. Toutes leurs décisions financières sont soumises à des contrôles préalables ; elles doivent respecter les règles de dépenses obligatoires. Les CT sont mandatées pour déterminer les tarifs ou les taxes valides sur leur territoire et dans le cadre de leurs services. Le montant des fonds destinés au transfert de ressources perçues par les CT est déterminé sur une base annuelle, dans le cadre de la loi de finances de l’administration centrale. Chaque année, le ministère des Finances et du Budget et le ministère de la Décentralisation décident conjointement des modalités de répartition. Une prise de décision annuelle peut nuire à la planification financière, et en particulier pour les investissements. Le pouvoir d’emprunt des CT est restreint aux investissements de développement. Le budget des collectivités territoriales doit comprendre des dépenses obligatoires (selon les lois existantes) ; les dépenses non obligatoires doivent illustrer « un intérêt local ». 125. Le gouvernement s’est engagé à mener trois réformes aux incidences financières de taille. La complexité de ce processus est soulignée par le nombre de paramètres concernés : spatial, sectoriel et financier.

• Communalisation de l’ensemble du territoire et création d’une CT au niveau régional. 302 nouvelles communes, dites rurales, et 13 nouvelles régions ont été créées. Cette réforme repose sur une redéfinition provisoire des frontières territoriales (une nombreuse population rurale sera comptabilisée dans la nouvelle délimitation urbaine).

• Transfert progressif de 11 domaines de compétences gouvernementales aux communes. Dans le cadre de l’éducation et de la santé, le transfert de compétences pourrait comprendre la rémunération du corps enseignant et du personnel médical. Les compétences des régions sont spécifiées dans le Code 2004, elles portent principalement sur le soutien aux communes dans l’exercice de leurs fonctions et compétences (les communes contribueront aux budgets régionaux à hauteur de 5 à 10 pour cent de leurs ressources), en particulier dans des domaines comme le système routier rural, le transport interurbain et la protection des ressources naturelles.

• Élaboration d’un système pérenne pour le financement des collectivités territoriales. Le nouveau système financier est constitué de a) l’affectation d’une dotation inconditionnelle aux investissements (Dotation Globale d’Équipement ou DGE) et d’une dotation inconditionnelle de fonctionnement (Dotation Globale de Fonctionnement ou DGF), b) la réforme du système fiscal partagé, notamment la taxe sur les produits pétroliers (Taxe Unique sur les Produits Pétroliers ou TUPP) et la taxe foncière indirecte (Taxe de Jouissance ou TJ), et c) la mise en œuvre du fonds de développement des municipalités (Fonds Permanent de Développement des Collectivités Territoriales). Ces projets étaient déjà décrits dans les

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Textes d’orientation de la décentralisation (1998) et dans le Code 2004. Ils ont été confirmés une nouvelle fois par arrêté et décret.

126. L’urgence actuelle repose sur le financement de ces CT et notamment des nouvelles communes. L’approche choisie est le pragmatisme volontaire. Même si la DGF et la DGE sont affectées à toutes les CT (y compris aux régions), elles financent avant tout l’installation des communes et le financement des frais d’entretien associés aux transferts de patrimoine, tels que recensé en octobre 2004. Le coût initial lié à la création de ces communes avait été évalué à XOF 5,5 milliards par le Ministère de la Décentralisation. En comparaison, le montant de la DGF et de la DGE s’élève à XOF 7 milliards pour 2007, illustrant ainsi un réel effort gouvernemental d’accompagner la décentralisation par un soutien financier. 127. Même si certaines options sont en phase de conception pour planifier le financement de la réforme, un cadre financier global n’est toujours pas en place. Les incidences financières de la réforme restent vagues, en particulier en ce qui concerne la création des communes. Le gouvernement est à la tête de plusieurs groupes de réflexion pour identifier les éventuelles sources de financement des CT, mais l’arbitrage entre ces différentes possibilités reste encore en suspens :

• Création et réintroduction de certaines taxes (taxe foncière sur le bâti, taxe sur les véhicules automobiles) : en cours de discussion.

• Meilleure répartition des taxes existantes entre l’administration centrale et les CT (TUPP, TJ, TVA) : partiellement mise en œuvre (TUPP et TJ).

• Création de transferts financiers (dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissement avec la DGF et la DGE) : déjà mise en œuvre, indexation pour les années suivantes en cours de discussion.

• Élaboration d’un fonds d’investissement : décret signé en mai 2007 à opérationnaliser.

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1) Leçons à tirer de la décentralisation urbaine

128. Les compétences déléguées aux autorités locales ont souffert dans leur mise en œuvre faute de ressources financières et humaines suffisantes. Les municipalités du Burkina Faso se sont vues transférer un large éventail de compétences, comprenant notamment la prestation des services pour la gestion de l’environnement, le développement économique, la santé, l’hygiène, l’éducation, la formation professionnelle, la culture, la jeunesse, les sports, l’eau et l’électricité.10 Leurs recettes totales (transferts et ressources propres) sont nettement inférieures aux besoins requis pour garantir le développement et la prestation de services à une population urbaine en pleine expansion. À l’exception de Bobo-Dioulasso et de Banfora, les autres villes secondaires génèrent moins de XOF 200 millions par an en moyenne (Figure 4. Recettes moyennes par habitant et par taille d’agglomération

Figure 4. Recettes moyennes par habitant et par taille d’agglomération

Revenus moyens par habitant et par taille de ville

1,200475

93 55

4,461

3,541

1,739

638

Oua

gado

ugou

Bobo

-D

ioul

asso

11 a

utre

sch

efs-

lieux

de

régi

on (t

aille

moy

. ville

)

36 c

hefs

-lieu

xde

pro

vinc

e(m

oy. t

aille

ville

)

Taille de villeRevenu/hab (XOF)

129. Les recettes des communes urbaines sont faibles et se concentrent sur la capitale Ouagadougou (Figure 5). Entre 2001 et 2004, les recettes annuelles moyennes de 49 communes urbaines se sont élevées à XOF 10,1 milliards) avec XOF 5,4 milliards, soit 52 pour cent provenant de Ouagadougou. Les recettes annuelles municipales représentent 3,6 pour cent des recettes nationales (ou 2,4 pour cent en incluant le soutien de donateurs externes). Les 49 communes représentent 38 pour cent de la population nationale, soit 4,7 millions d’habitants pour un total estimé de 12,4 millions, après la nouvelle délimitation des communes en mai 2006.

10 L'eau et l'électricité sont cependant encore gérées et subventionnées par les entreprises de services publics (ONEA et SONABEL).

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Figure 5. Répartition des recettes annuelles dans les 49 communes urbaines entre 2001 et 2004

Répartition des revenus Revenu annuel moyen 2001-2004 - pourcentage

des revenus totaux pour 49 communes

52%

17%

18%

13%

Ouagadougou

Bobo-Dioulasso

11 autres chefs-lieux derégion

36 chefs-lieux deprovince

50

Tableau 7. Répartition des recettes et des dépenses dans le budget national (Montants en milliards de XOF, sauf indication contraire)

Type de recettes ou de

dépenses 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Total des recettes et dotations 374 395 434 477 504 588 % évolution 0 6 10 10 6 17 Recettes propres 228 260 301 346 381 432 % évolution 4 14 16 15 10 13 Recettes fiscales 213 241 270 Recettes non fiscales 15 19 31 Dotations 146 135 133 123 156 Dépenses 463 503 494 623 707 Dépenses de fonctionnement 226 254 262 340 385 Dépenses d’investissement 239 252 232 297 324 Service de la dette (net) -1,9 -2,7 -13 -3 Solde -89 -108 -60 -119 -118 Financement 238 250 98 119,4 136,4 Financement externe 163 160 119,7 128,4 Financement national 75 90 98 -4,2 12,8 Ajustement 3,9 -4,8 Affectation à l’administration centrale Ministère de la Décentralisation (MATD) 5,5 6,2 % pour investissements 27 Ministère de l’Économie et du Développement (MEDEV) 2,8 4,7 % pour investissements 90 Affectation aux CT Communes urbaines (49) Total des communes (49) 10,7 8,9 10,5 10,2 9,8 Recettes et dotations nationales 2,2 2,5 2,5 2,2 1,9 Ouagadougou 6,4 4,3 5,3 5,4 5,9 Bobo-Dioulasso 1,7 1,9 1,6 1,6 1,5 Autres communes 2,6 2,8 3,6 3,2 2,4 % du total des recettes de communes Ouagadougou 60 48 51 53 60 Bobo-Dioulasso 15 21 15 16 15 Autres communes 24 31 34 31 24 Source : études 2005 de MBF/ BERD et études de faisabilité pour PRD.

130. Dans la mesure où les transferts sont faibles, les communes urbaines doivent tabler sur plusieurs taxes. Cette tâche est épineuse car elles ne maîtrisent pas tout à fait ni la définition des taux ni

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la collecte de ces fonds. On estime que les transferts s’élèvent en moyenne à 29 pour cent des ressources des communes (y compris la fiscalité partagée, tels que la TUPP et la TJ, cette dernière représentait 14 pour cent des recettes des communes11 en 2004-2005). Les impôts locaux sont la principale source de recettes budgétaires pour les communes (patente, taxe de résidence et contribution du secteur informel). Il en est de même pour les revenus issus du patrimoine communal (comme les marchés et les impôts sur les gares routières). Néanmoins, le poids de ces impôts dépend largement de la taille et du potentiel de la commune et du bon fonctionnement des services déconcentrés (en particulier la Direction régionale des impôts). La taxe de résidence représente moins de 3 pour cent pour Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Ce niveau est nettement inférieur à ce qu’il pourrait être, et seuls 20 à 30 pour cent du potentiel sont effectivement collectés. 131. Les dépenses de fonctionnement constituent une large part des dépenses des communes. L’effort d’investissement collectif des communes urbaines, basé sur les ressources propres, est estimé à XOF 2,3 milliards par an (soit 23 pour cent de leurs recettes). L’agglomération de Ouagadougou fournit à elle seule plus de la moitié de ce montant avec un investissement annuel moyen de XOF 1,8 milliards. Une étude récente a été menée par le ministère de la Décentralisation. Elle stipule que les besoins en investissements annuels dans l’infrastructure s’élèvent à XOF 48 000 par tête pour une commune d’environ 35 000 habitants. Ce montant est 20 fois supérieur aux recettes annuelles moyennes, qui s’élèvent à XOF 2 153 par tête pour les 49 communes urbaines (dont les tailles vont de 25 730 habitants pour Gayiri à 1,2 millions d’habitants pour Ouagadougou) et à XOF 1 358 pour les 48 communes urbaines hors Ouagadougou.

Figure 6. Répartition des investissements annuels moyens dans les 49 communes urbaines entre 2001 et 2004

Répartition des investissements Investissements annuels moyen 2001-2004 -

pourcentage des revenus totaux pour 49 communes urbaines

77%

10%

7%6%

Ouagadougou

Bobo-Dioulasso

11 Other RegionalCapitals

36 Non-regional Capitals

Source : études 2005 de MBF/ BERD et études de faisabilité pour le PRD.

132. Même avec la répartition des recettes favorisant la capitale Ouagadougou, celle-ci ne gère que XOF 1 476 (USD 3) en investissement annuel par habitant comparé à XOF 5 810 (USD 8) en coûts d’exploitation par habitant (figure 6). Pour les 49 communes urbaines, il ya une corrélation positive entre la taille des agglomérations et le montant d’investissements par habitant, comme illustré à la figure 7 (voir aussi l’Annexe 7, les ressources et les investissements des communes urbaines entre 2001 et 2004). 11 Pour 2004–05 pour six villes : Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Banfora, Kaya, Koudougou et Ouahigouya.

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133. L’insuffisance des investissements est partiellement compensée par les projets financés par des donateurs externes, mais ces projets ne sont pas répartis équitablement sur l’ensemble du territoire. Les capacités financières des communes dépendent largement de l’assistance externe, qui se limite à certaines communes. On estime que les communes urbaines ont reçu environ XOF 10 milliards par an au cours des dix dernières années (hormis les aides spécifiques de l’État, les interventions de la coopération décentralisée et le financement privé de projets de développement). Grâce à cette assistance, les capacités d’investissement des communes auraient pu être multipliées par cinq, mais cette assistance externe a ciblé un nombre limité de communes. La mise en œuvre du fonds permanent de développement des collectivités territoriales (FPDCT), en cours d’ébauche, est un élément de réponse à ce problème.

Figure 7. Investissements moyens par habitant et par taille d’agglomération

Investissements moyens par habitant et par taille de ville

1,200

500

42 17

1,476

451 365213

Oua

gado

ugou

Bob

o-D

ioul

asso

11 a

utre

sch

efs-

lieux

de

régi

on (t

aille

moy

. ville

)

36 c

hefs

-lieu

xde

pro

vinc

e(m

oy. t

aille

ville

)

City size (thousands)Revenue/hab

Source : études 2005 de MBF/ BERD et études de faisabilité pour le PRD.

Pouvoir fiscal limité des communes 134. Le pouvoir fiscal demeure largement aux mains de l’administration centrale. L’administration centrale perçoit plus de 70 pour cent des recettes consolidées du secteur public. Conformément à la loi et à l’organisation administrative, l’administration centrale détermine les assiettes et les taux pour la plupart des impôts locaux majeurs, comme la taxe professionnelle, les redevances, la Contribution du Secteur Informe, la taxe foncière et la taxe de jouissance (TJ). Les bureau centraux et déconcentrés de l’administration sont également tenues de recouvrer les impôts au nom des collectivités territoriales. Les autorités locales peuvent réviser les assiettes et les taux sur quelques taxes seulement, notamment sur les taxes relatives à la collecte des ordures et de recyclage, les taxes sur les spectacles, etc. Double responsabilité des comptables publics vis-à-vis de l’administration centrale et vis-à-vis des communes 135. Conformément aux principes de la gestion des dépenses publiques (unicité de caisse), l’administration centrale conserve le contrôle des ressources fiscales des communes, dans la mesure où les taxes sont recouvrées par les antennes locales du Trésor ou la Direction des Impôts du ministère

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des Finances et du Budget, avant d’être transférées aux CT. Le comptable public des communes est un agent du ministère des Finances et du Budget, qui aide les communes à élaborer leur budget. Ses performances sont évaluées et son travail rémunéré par l’administration centrale, et les municipalités lui octroient une indemnité. Même si le système n’a pas fait l’objet d’une évaluation appropriée, il est assez clair qu’il favorise les petites communes et défavorise les communes de taille moyenne ainsi que la capitale. En outre, les administrations du Trésor et des Impôts sollicitent parfois une aide matérielle auprès des communes pour la collecte des impôts. Absence de correspondance entre les compétences transférés et le pouvoir fiscal 136. Il y a beaucoup d’argument justifiant que l’administration centrale retienne une partie de son pouvoir fiscal : garantie de la stabilité macro-économique, réduction des coûts administratifs, promotion de l’égalité fiscale, et capacité de gestion d’impôts ou taxes complexes ou à la nature spécifique comme les taxes a assiettes mobiles, les taxes à échelons (TVA), les droits de douanes, dont la gestion est impossible au niveau local. Néanmoins, ces raisons doivent être confrontées avec les atouts liés à une administration fiscale au niveau local. Dans la mesure du possible, les dépenses locales devraient être financées par l’imposition des résidents, garantissant ainsi leur efficacité et leur sélectivité. 137. Les transferts intergouvernementaux augmentent mais sans un cadre clair ou une vision à moyen terme. En 2007, les recettes réelles transférées du budget national s’élèvent à XOF 8,7 milliards. Elles sont constituées du total des dépenses de fonctionnement et d’investissements (XOF 7 milliards) et du transfert de la TJ (XOF 1,7 milliards). La TJ a été transférée aux régions. Près d’un tiers des dépenses de fonctionnement et d’investissements proviennent de la part de la TUPP autrefois octroyée aux communes. Les transferts représentent environ 29 pour cent des budgets municipaux (y compris les budgets des 302 nouvelles communes rurales). La part transférée aux communes urbaines représente environ 14 pour cent de leurs budgets, illustrant ainsi le déséquilibre en faveur des communes rurales. 2) Mise en œuvre des transferts financiers

138. Cette section examinera trois types de transferts : dotations destinées au soutien des CT, fonds de développement municipal et emprunts. Élaboration d’un système de dotations pour soutenir les finances des CT

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139. Il a été décidé de mettre en œuvre des transferts globaux à toutes les CT (communes rurales et urbaines, régions) d’ici 2007. Conformément au Code 2004, deux types de dotations sont en place :

• La première dotation est d’utilité générale inconditionnelle pour le budget de fonctionnement des CT (Dotation Globale de Fonctionnement ou DGF). Elle est composée d’un forfait par commune et d’une part calculée en fonction de la taille de la population.

• La seconde dotation est d’utilité générale pour le budget d’investissements des CT (Dotation Globale d’Équipement ou DGE). Son montant dépend de la taille de la population. L’effort financier consenti par le gouvernement, comme le stipule la loi de finances 2007, s’élève à XOF 6,8 milliards (XOF 3,3 milliards pour la DGF et XOF 4,2 milliards pour la DGE) pour les 351 communes et les 13 régions. Un tiers de cet effort est financé par la part communale de la TUPP (XOF 2,2 milliards), qui est entièrement affectée au budget national (Tableau 8. Affectation des dotations DGF et DGE aux collectivités territoriales, 2007

Tableau 8. Affectation des dotations DGF et DGE aux collectivités territoriales, 2007

(Montants en millions de XOF, sauf indication contraire) Type d’affectation Total DGF DGE

Réserves (affectation d’équilibre) 500DGF/DGE (communes + régions) 6 350 1 270 5 080 % 100 20 80 Communes 5 207 1 143 4 064 % du total 82 90 80 Forfait (60 %) 686 Part pour les 302 communes rurales (40 %) 457 Part en fonction de la taille de la population (minimum 5 millions) 4 064 Régions 1 143 127 1 016 % du total 18 10 20 Part en fonction de la taille de la population 1 143 127 1 016

Source : Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MATD). 140. Les dotations à transférer ne sont pas encore estimées selon une formule bien définie. La loi de Finances n’apporte pas d’éléments sur la taille du système de dotations globales. Néanmoins, le projet de loi de Finances exige des autorités locales qu’elles dépensent au moins 20 pour cent de leurs propres recettes en investissements, ce qui devrait revenir à un minimum de 33 pour cent du budget total (article 23). Ces critères servent de base pour établir une formule évaluant la taille des transferts.

1. Le budget d’investissements doit correspondre au moins à 0,33 x budget total (a). 2. 0,2 x recettes propres reviennent au budget d’investissements (b). 3. Le transfert doit correspondre à la différence entre les deux. 4. Transferts = (a) – (b) = (0,33 x budget total) – (0.2 x recettes propres).

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141. Cette approche établirait un projet de dotations qui accorderait un budget total important aux CT de grande taille (a) et à celles dont les recettes propres sont limitées ou qui ont un taux de recouvrement médiocre (b). Cet objectif non intentionnel souligne la nécessité d’une meilleure définition des règles relative à la taille des transferts. Une distinction doit être faite entre les petites, moyennes et grandes communes. 142. Le gouvernement envisage également la mise en œuvre d’une aide à l’investissement conditionnelle pour la réalisation de projets sectoriels spécifiques. Un groupe de travail gouvernemental a présenté une solution pour définir ce mécanisme de transfert12 par le biais du FPDCT, qui reposerait sur un contrat (contrat de ville) passé entre l’administration centrale et les CT. Ces dispositions seront soutenues par la Banque mondiale dans le cadre du Projet pôles régionaux de développement (PRD). Ce mécanisme serait pris en charge par les recettes budgétaires globales (environ XOF 30 milliards pour la période 2007-2009) et par le financement de projets à l’initiative de divers donateurs. 143. Plusieurs types de transferts sont disponibles. L’Encadré 17. Principes d’exploitation pour les dotations d’utilité générale et les fonds d’investissement décrit les principes d’exploitation et les principales différences entre les dotations d’utilité générale et les fonds d’investissement. L’Encadré 18. Dotations basées sur les résultats décrit un système de dotations axé sur les résultats, un mécanisme de financement qui met l’accent sur le renforcement des capacités et de la transparence de gestion dans ses critères d’éligibilité.

Encadré 17. Principes d’exploitation pour les dotations d’utilité générale et les fonds d’investissement

Dotations d’utilité générale. Montant global crédité au ministère de la Décentralisation par le biais de la loi de finances, calcul et notification de dotations aux collectivités territoriales par le ministère de la Décentralisation, transfert de ces dotations aux budgets des communes par le ministère des Finances et du Budget par le biais du Trésor. Exemples : DGF et DGE (France, Burkina Faso), FECL (Sénégal). Fonds d’investissement. Géré par une institution publique sous l’égide du gouvernement (un ou plusieurs ministères). Le fonds est financé par une dotation transférée sur un compte spécifique, dont le montant est spécifié dans la loi de finances. Il offre un certain niveau d’autonomie de gestion. Les dotations sont affectées selon un programme d’investissement soumis, suite à une demande technique ou sur la base de factures établissant la preuve que l’investissement a effectivement été réalisé. Il est possible d’ajouter des critères spécifiques à ce principe de base (par exemple, montants de dotations ou de financement communiqués aux agglomérations qui dimensionnent leurs programmes en conséquence). La maitrise d’ouvrage peut être déléguée afin d’accélérer la mise en œuvre et le décaissement. Plusieurs « fenêtres » peuvent être créées pour répondre aux besoins des différents types de collectivités territoriales ou pour satisfaire des exigences spécifiques. Voici plusieurs exemples de types de fonds similaires : fonds d’investissement en Amérique du Sud, ADM (Sénégal), ANICT (Mali), FIAU et FRAR (Côte d’Ivoire). 144. Une particularité du mécanisme de transferts au Burkina Faso repose sur l’existence de transferts entre les CT, des communes vers les régions. Conformément au Code 2004, les régions ne jouissent pas du pouvoir fiscal, les communes de leur juridiction leur versent 10 pour cent des produits de catégories fiscales prédéfinies. L’absence d’autorité fiscale dévolue à la région sépare la génération des recettes des dépenses, et rend les conseillers régionaux élus incapables de lier leurs mandats à des recettes fiscales. Cela oblige aussi les communes, dont les ressources sont déjà limitées, à financer les régions.

12 Jean Martin Ki, Roger Nama, Fatimata Balma, Evariste Millogo, Répartition des ressources entre l’État et les collectivités territoriales et entre collectivités au Burkina Faso, juillet 2006.

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Encadré 18. Dotations basées sur les résultats Les systèmes de dotations basées sur les résultats associent des incitations destinées au renforcement de la gouvernance locale et la mise en œuvre d’investissements de développement. Ils octroient des dotations de développement aux collectivités territoriales selon une formule transparente, à condition que ces collectivités répondent à des critères de gouvernance minimum prédéterminés. Les dotations incitent les collectivités territoriales à améliorer leur gestion et favorisent une compétition positive entre CTs La participation requise des populations à la phase de planification vise également à améliorer la responsabilisation, qui à son tour permet aux collectivités d’obtenir des moyens de financement supplémentaires. Une dotation basée sur les résultats est affectée en fonction d’une évaluation de performances annuelle, qui identifie également les domaines à renforcer en matière de capacités et les besoins essentiels des CT. Par exemple, en Ouganda, les conditions minimum incluent les critères suivants : • Capacité en planification de développement (par exemple, plan de développement approuvé par le conseil et

comités de planification fonctionnels) ; • Gestion financière (par exemple, capacité de gestion comptable appropriée, respect des réglementations en termes

de passation de marchés) ; • Capacités techniques (par exemple, capacité de superviser des travaux de génie civil) ; • Conditions spécifiques (par exemple, cofinancement à raison de 10 pour cent). Les dotations sont soumises à des ajustements annuels ; elles récompensent les bonnes performances ou sanctionnent les mauvaises. En règle générale, elles financent uniquement les dépenses d’investissement. Certains pays ont élaboré une dotation supplémentaire de renforcement des capacités liée à une évaluation de performances, tandis que d’autres ont intégré ce composant dans la dotation axée sur les performances. L’expérience internationale de tels systèmes s’avère globalement positive. En Ouganda, un système pilote a été lancé en 1995. Il a ensuite été adapte aux besoins du Kenya, de la Tanzanie, de Sierra Leone et du Ghana. Les systèmes plus récents prennent en compte une conception et une planification participatives, ainsi que des normes écologiques et sociales. Dans les pays, où l’introduction de ces systèmes de dotations est la plus ancienne, on remarque une évolution des priorités : le développement institutionnel fait place a la prestation de services. En règle générale, plusieurs donateurs contribuent à ces systèmes de dotations dans le cadre d’un « panier de fonds » avec une participation de l’administration centrale. Il est impératif que les donateurs suivent une approche uniforme, puisque une fragmentation des fonds affaiblirait le système, Le système doit également s’inscrire dans un cadre solide et exhaustif de suivi et d’évaluation. L’expérience prouve que ces défis peuvent être surmontés et que ces dotations axées sur les résultats peuvent améliorer les performances des autorités locales, malgré leurs coûts de gestion relativement élevés. Source : Jesper Steffensen. Création d’un fonds de développement municipal 145. Expérience des fonds d’investissement municipaux. Plusieurs fonds d’investissement communaux existent déjà au Burkina Faso : le FODECOM, le SAGEDECOM puis le FICOM ont été introduits l’un après l’autre dans les années 1990 (entre 1993 et 1998) pour financer le développement des communes. Aujourd’hui, ces dispositifs de gestion existent encore sous d’autres noms (AGECOL, FODECOL), mais ils ne sont plus opérationnels. Les limites de ces fonds ont été clairement identifiées 13 notamment leur non fongibilité, leur forte dépendance vis-à-vis des politiques menées par les donateurs et de leurs procédures respectives, le manque de transparence concernant l’affectation des subventions, et le manque d’appropriation de l’administration centrale. 146. Le gouvernement cherche à définir un nouveau fonds de développement municipal. Sur la base de son expérience avec les fonds de développement municipaux au Burkina Faso et dans la région, le gouvernement a défini les grandes lignes d’un mécanisme de transfert, appelé Fonds Permanent de Développement des Collectivités Territoriales ou FPDCT. La définition des fonctions opérationnelles de ce fonds n’a pas encore été finalisée. À terme, néanmoins, le fonds facilitera le soutien budgétaire aux

13 AFC 2005.

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collectivités territoriales, notamment grâce au prochain train de crédits d’aide à la réduction de la pauvreté, avec USD 60 millions prévus pour le développement urbain entre 2007 et 2009. 147. Le gouvernement a conçu les grandes lignes de ce fonds dans un esprit pragmatique et cohérent avec la définition en parallèle d’un mécanisme de crédit réaliste, tout en conservant le principe d’autofinancement. Il marque également son intention de définir de manière progressive la portée de ce fonds et ses moyens de financement en respectant les principes suivants : a) exhaustivité du fonds (destiné aux communes rurales, urbaines, aux dépenses d’investissement et de fonctionnement) et de ses activités (financement, renforcement des capacités et autres), b) fongibilité des fonds alloués aux investissements communaux, et c) développement d’une capacité de contrôle direct des travaux par les collectivités territoriales, renforcé par une assistance technique à la maîtrise d’ouvrage. La combinaison d’un autofinancement par les bénéficiaires et de prêts débloqués grâce à un mécanisme de crédit destiné aux communes pourraient garantir la pérennité du FPDCT grâce à un fonds renouvelable. Le FPDCT pourrait être octroyé sur la base de contrats municipaux entre la municipalité et le gouvernement (Encadré 19. Contrats municipaux).

Encadré 19. Contrats municipaux Les contrats municipaux introduisent une nouvelle série de procédures en vue d’encourager les partenariats entre l’administration centrale et les collectivités territoriales, et d’inciter au partage des responsabilités et des financements. Les contrats municipaux sont des conventions opposables signées entre le maire et un représentant de l’administration centrale, voire l’agence de financement. Le contrat décrit minutieusement un programme d’investissement et de soutien institutionnel, donnant ainsi aux municipalités une responsabilité accrue ainsi qu’une capacité améliorée dans la planification des investissements municipaux et l’identification, la préparation et l’exécution de projets urbains. La collectivité territoriale est soumise à une série d’audits avant de conclure un contrat municipal. L’Audit urbain évalue l’infrastructure et les services existants, analyse les besoins de l’agglomération et dresse une liste de projets prioritaires. Il est suivi d’un audit financier et organisationnel, qui évalue la santé financière de l’agglomération et sa structure de gestion, et qui propose des initiatives pour améliorer la mobilisation des ressources locales et les capacités de gestion. Le contrat résultant comporte un programme clairement défini de nouveaux investissements, d’opérations d’entretien et de mesures de renforcement des capacités. La mise en œuvre d’un contrat municipal suppose un engagement financier de la part des municipalités. En échange, les municipalités attendent une meilleure programmation d’investissement, un accès élargi aux ressources et une meilleure capacité de gestion. Cette approche a été suivie dans 15 pays d’Afrique francophone depuis 1995 (le Mali a été le premier pays bénéficiaire). Plus de 160 contrats municipaux ont été signés, principalement pour financer des investissements urbains, à travers un soutien externe géré a travers l’administration centrale. À ce jour, seuls le Sénégal et le Cameroun ont réussi à introduire des procédures plus sophistiquées, comme le crédit municipal. L’exemple le plus sophistiqué est celui du Sénégal avec le programme de décentralisation et de développement urbain : les municipalités sont tenues de respecter une procédure de planification et de maximiser l’utilisation des nouveaux transferts financiers. Le gouvernement définit des plafonds de financement pour chaque municipalité selon des critères transparents, tels que la démographie et les capacités fiscales. Les 67 municipalités du Sénégal ont toutes signé à un contrat municipal, ce qui représente un volume de financement de 90 millions de dollars US. Plus de 421 projets d’investissement ont été mis en œuvre dans des domaines variés (développement foncier intégré, hygiène, enseignement et réhabilitation de sites historiques). Sur une durée de 3 ans, l’épargne municipale a été améliorée de 12 pour cent. Les recettes actuelles municipales ont globalement augmenté de 22 pour cent. Certains défis demeurent. Les administrations centrales ont besoin de meilleures politiques d’appui aux CT, les municipalités ont besoin de plus d’aide pour concevoir des projets mieux intégrés et pour ancrer le Contrat Municipal dans leur stratégie de développement pour en améliorer la pérennité (entretien des investissements), et les activités associées au renforcement institutionnel et financier des municipalités doivent être renforcées. Sources : Banque mondiale, Décentralisation et développement municipal : approche des contrats de ville, AFTU2, 30 juin 2006; contrats municipaux, AFTU2, septembre 2006. 148. La prévisibilité des transferts est essentielle, autant pour la planification que pour le processus démocratique. Les montants de transferts, décrits dans la section ci-dessus et destinés aux ressources des CT, sont fixés par la loi de finances sur une base annuelle. Le manque de prévisibilité des fonds a un effet

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négatif sur la capacité des communes à procéder à une planification financière à long terme, à s’engager à fournir des niveaux de services spécifiques, à formuler et mettre en œuvre des stratégies de gestion et recrutement du personnel et à programmer des investissements en infrastructure. Cela affaiblit les relations de mise en responsabilité et la voix citoyenne, anéantissant tout dialogue censé sur les objectifs et les visions à long terme entre les citoyens et leurs représentants élus. L’emprunt - une voie à approfondir 149. La capacité d’emprunt des communes doit être évaluée pour déterminer les affectations du fonds de développement municipal. Les CT ne peuvent emprunter qu’avec une autorisation préalable de l’administration centrale et seulement pour financer des investissements. Les conditions générales auxquelles sont soumises les emprunts sont définies par un décret du ministère des Finances et du Budget approuvée par le Conseil des ministres. L’agence française de développement (AFD) a récemment octroyé un prêt de 1 million d’Euros à Ouagadougou pour financer un investissement marchand et ces mécanismes de prêts tendront à se développer. Le nouveau fonds prévoit de répartir une partie de son soutien financier sous la forme de prêts, en fonction de la capacité d’emprunt des municipalités. Pour évaluer cette capacité d’emprunt, des audits municipaux seront effectués avant la conclusion de contrats municipaux. 3) Gestion des finances publiques locales

150. Les difficultés de gestion paralysent la gestion des finances publiques aussi bien au niveau des communes que de l’administration centrale. Les communes se heurtent souvent à un manque de capacités et des ressources insuffisantes pour assumer leurs compétences décentralisées, tandis que les ministères centraux n’ont pas encore tout à fait déconcentré leur autorité. Au niveau des communes 151. Les budgets municipaux sont soumis à beaucoup d’incertitude et d’instabilité, compliquant ainsi la gestion des dépenses. Le taux d’exécution des budgets municipaux est faible et erratique (par exemple, moins de 50 pour cent dans la grande commune de Banfora), et résulte d’évaluations budgétaires imprécises, d’un recouvrement faible des taxes locales et partagées, ainsi que des transferts fiscaux intergouvernementaux hautement imprévisibles (Encadré 20. Recouvrement des impôts : faiblesse de l’assiette et faible légitimité des impôts).

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Encadré 20. Recouvrement des impôts : faiblesse de l’assiette et faible légitimité des impôts Les études qualitatives montrent une disparité entre les prévisions et le recouvrement réel des impôts dans la plupart des communes urbaines Cette situation s’explique principalement par le faible niveau d’activités économiques. Néanmoins, d’après le personnel interrogé, les obstacles majeurs au recouvrement des impôts semblent être l’« absence de volonté de payer les impôts », le « refus de payer les impôts », et le « manque de collaboration pour payer ses impôts ». L’intervention discrétionnaire du maire au profit de certaines petites sociétés a également été mentionnée dans une commune. Les impôts sont souvent perçus comme étant « négociables ». Au Burkina Faso, les impôts sont souvent considérés comme contraignants, et sans contrepartie en terme de voix citoyenne dans la gestion municipale. C’est un fait culturel hérité des années de la colonisation, pendant lesquelles les colonisateurs imposaient le paiement d’impôts, une perception encore fortement ancrée dans les esprits d’aujourd’hui. Les individus sont également réticents à payer leurs impôts car ils n’y voient aucun bénéfice en retour. Dans la plupart des cas, les contribuables ne font pas de lien entre les impôts et les investissements publics, et ne trouvent pas non plus naturel que les municipalités soient redevables de l’utilisation de ces impôts. Les autorités ne contribuent pas au changement de cette mentalité. À l’annonce d’une nouvelle infrastructure ou d’un nouveau service public, les autorités locales ou nationales parlent de « songré » et de « dinmin ». En Moré et Dioula, ces deux mots signifient « aider » la population. C’est pourquoi, les individus ne se perçoivent pas comme ayant eux-mêmes contribué à ces biens publics, ils considèrent qu’ils sont des bénéficiaires et non des acteurs du développement. Cependant, pour certains, le problème principal réside dans l’utilisation de ces impôts et taxes. « Si les communes demandent XOF 100 par citoyen, et que je n’en connais pas la destination, demain, je ne donnerai plus » commente le résident d’une commune urbaine. Sources : Ouedraogo 2007, Darbon et Otayek 2006. 152. Les règles et principes applicables aux budgets locaux sont en voie de clarification. Le gouvernement a préparé un projet de décret14 portant sur les règles et les principes applicables aux budgets locaux et les conditions de gestion des avoirs détenus ou délégués aux autorités locales. L’administration centrale approuve le budget initial et les budgets complémentaires des autorités locales. Les budgets locaux doivent être équilibrés et le budget de fonctionnement doit comprendre un excédent d’au moins 20 pour cent des recettes propres. Les dépenses obligatoires, telles qu’elles sont définies par la loi, doivent être identifiées dans les budgets locaux. L’administration centrale peut rééquilibrer les budgets des collectivités territoriales en imposant une réduction des dépenses facultatives, le cas échéant. 153. Cependant, les capacités de gestion des finances publiques est faible au niveau communal. Des enquêtes récentes15, menées dans les six plus grandes agglomérations (aux capacités vraisemblablement supérieures que dans la plupart des autres communes) ont confirmé les lacunes générales des services municipaux en termes de gestions financière et budgétaire.

• Recettes et prévisions des recettes. Les communes sont dépourvues des compétences fiscales et non fiscales requises pour améliorer leurs prévisions de recettes. À l’exception des zones bénéficiant d’une assistance externe et de Ouagadougou, les sites susceptibles de produire des recettes, tels que les marchés, les abattoirs, et les gares routières, ne dégagent pas le niveau escompté de recettes à cause de leurs modes de gestion compliqués ou inadéquats.

• Exhaustivité budgétaire. Malgré les dispositions du décret 2006-204/PRE/PM/MFB/MATD, les budgets ne reflètent pas toujours le montant réel de ressources disponibles pour les investissements et parfois omettent de comptabiliser les ressources externes. Les recettes, comme par exemple les ressources issues de la taxe de jouissance ou de la taxe de résidence, sont parfois inscrites au budget de manière erronée.

• Exécution budgétaire. Les membres du personnel maîtrisant les procédures budgétaires et le niveau d’exécution budgétaire reste insuffisant.

14 Ministère des Finances et du Budget (MFB) et ministère de la Décentralisation (MATD) : projet de décret portant sur le régime financier des collectivités territoriales au Burkina Faso. 15 PRD 2007a et PRD 2007b.

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Encadré 21. Deux exemples de réussite dans l’accroissement des recettes locales

En Ouganda, la mairie de Kampala, confrontée à de faibles transferts financiers intergouvernementaux provenant de l’administration centrale et à un faible recouvrement des recettes propres, a élaboré un Cadre Stratégique de Réformes. Elle a fait preuve d’innovation pour rehausser les recettes générées en interne. Elle a élaboré un système de partage des coûts et un mode de recouvrement fiscal systématique, exhaustif et rigoureux pour les services urbains offerts aux résidents. L’agglomération a analysé ses principales sources de recettes, elle a identifié les raisons d’un recouvrement sub-optimal et a conçu des mesures pour améliorer les modes de recouvrement. Dans le cadre du recouvrement fiscal, elle a également misé sur une politique ambitieuse d’externalisation : en augmentant sa capacité en tant que régulateur, la mairie a réussi à concéder certains services au secteur privé pour les rentabiliser et en améliorer la qualité. En outre, elle a restructuré sa politique de personnel pour réduire les coûts, rompre avec une administration traditionnelle et favoriser une organisation tournée vers le service et une structure axée sur les coûts. Pour finir, elle a nettement amélioré ses pratiques de gestion financière. Au Benin, le « premier projet de gestion urbaine décentralisée » de la Banque mondiale a réussi à accroitre les recettes urbaines dans les trois plus grandes agglomérations. Son objectif consistait à rehausser la qualité et rentabiliser les services de base dont bénéficiaient les résidents locaux. L’accent a notamment été mis sur un « financement municipal fiable pour garantir un financement intégral des services urbains ». Dans cette optique, le projet a introduit de nouvelles structures municipales destinées à améliorer le recouvrement des impôts et la gestion financière. Voici les transformations apportées à la gestion organisationnelle et financière des trois agglomérations bénéficiaires : (i) développement et diffusion de manuels financiers/comptables, (ii) rationalisation de l’assiette fiscale et du système de recouvrement pour les impôts urbains (gérés centralement ou localement), et (iii) amélioration du suivi des éventuels contribuables grâce à la création d’une base de données et des procédures de recouvrement fiscal précises. Le projet a permis de créer une unité de surveillance financière locale, chargée de contrôler les recettes et les dépenses municipales. Elle gère une base de données contenant des statistiques financières portant sur les municipalités du Bénin. Elle administre également des conseils aux municipalités et au personnel des antennes fiscales du ministère des Finances. La restructuration des services techniques chargés de l’infrastructure urbaine a permis de réduire sensiblement les coûts administratifs et de resserrer le contrôle des dépenses. Ce projet s’est soldé par une amélioration des services fiscaux pour les trois agglomérations concernées au Bénin, qui dorénavant recouvrent plus d’impôts. Par exemple, les recettes de Porto-Novo ont augmenté de 148 pour cent entre 1999 et 2004. C’est ainsi que cette agglomération a pu consacrer une part plus importante de ces recettes aux services. Son budget de fonctionnement affecté et consacré aux services urbains est passé de 39 pour cent à 66 pour cent sur la même période. La part des dépenses récurrentes affectées à l’entretien courant des routes et des assainissements est passée de 9 pour cent à 23 pour cent, consolidant ainsi la pérennité des investissements. Sources : G.T. Mwesigye, analyse portant sur la génération de recettes par les autorités locales, étude de cas auprès de la mairie de Kampala, en Ouganda, analyse présentée à l’atelier de décentralisation à Freetown, à Sierra Leone, en novembre 2003 et au Bénin, premier projet de gestion urbaine décentralisée, ICM. 154. Dans une optique d’amélioration, plusieurs options ont été identifiées, notamment : a) la définition d’une stratégie de mobilisation des ressources et un plan d’action invitant toutes les parties prenantes à la chaîne de ressources financières à se mobiliser dans chaque agglomération (l’Encadré 21. Deux exemples de réussite dans l’accroissement des recettes locales 155. illustre deux exemples dans la région où l’accroissement de la génération de recettes a réussi), b) le développement d’une comptabilité analytique et d’une comptabilité de stocks, c) la préparation et la dissémination d’ un manuel budgétaire, comptable et financier, d) la formation sur la préparation du budget, les techniques de recouvrement de l’impôt, la gestion et l’administration fiscales locales, la gestion de la trésorerie, le contrôle des résultats, et e) l’informatisation du système de gestion fiscale locale. Au niveau de l’administration centrale 156. Les services ministériels chargés des finances locales sont principalement sous la tutelle du ministère des Finances et du Budget, mais aussi du ministère de la Décentralisation. Ces services déconcentrés sont encore loin d’être suffisamment performants malgré la communalisation intégrale du territoire. Les mandats des institutions, dont la mission porte sur la supervision, le contrôle administratif et le contrôle juridictionnel des CT, en particulier ceux de la Cour des comptes, semblent ne pas avoir suffisamment pris en compte la dimension de la décentralisation. La gestion des finances publiques est principalement entravée par des retards et des contraintes de capacités.

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• Faire jouer son rôle au ministère des Finances et du Budget dans la vérification des comptes de gestion des CT. On enregistre un retard dans la déconcentration du ministère, prévue pour 2007, en particulier dans le redéploiement des trésoreries principales des provinces, ainsi que dans le recrutement et la formation des comptables publics des CT. De même, l’adoption d’un texte définissant la répartition des compétences entre les comptables principaux de l’Etat et les comptables des CT est en attente. La non finalisation du projet risquerait de réduire considérablement la contribution du ministère à la vérification des comptes des CT, ce qui signifierait une tâche gigantesque à accomplir par la Cour des comptes, tâche qui pourrait aller au-delà de ses capacités actuelles. Des discussions sont en cours pour négocier la définition d’un seuil en dessous duquel les comptables principaux pourraient être chargés de la revue des comptes administratifs.

• Renforcement de la capacité de production des comptes des CT. Les problèmes liés à la production des comptes par les communes urbaines et rurales sont les suivants : a) transmission tardive des comptes à la Cour des comptes (prescription légale : 30 novembre de l’année n+1 pour l’année n), et b) qualité médiocre des comptes en termes de fiabilité (résultats contradictoires des comptes administratifs et des comptes de gestion pour la même commune) et de respect des procédures (absence de signatures des comptables, absence de pièces comptables).

4) Recommandations pour relever les défis de la décentralisation fiscale

1. Clarifier le cadre de financement de la décentralisation sur les cinq à dix ans à venir. Cette clarification est essentielle si le gouvernement souhaite pouvoir superviser les politiques sectorielles et les programmes liés à la décentralisation. Ce cadre à moyen terme (2007-15) devrait couvrir le financement du transfert des compétences, les coûts liés à l’établissement effectif de nouvelles CT et à l’amélioration de la performance du système de financement des collectivités locales, en matière de fonctionnement (fiscalité et transferts) et d’investissement (transferts et prêts).

2. Soutenir l’élaboration et le fonctionnement effectif d’un fonds permanent pour le développement local destiné à rationaliser l’aide extérieure. L’établissement du fonds (comme le Fonds permanent de développement des collectivités territoriales ou FPDCT) aidera à intégrer et harmoniser les interventions au niveau local en développant la capacité de programmation des communes et en améliorant l’attribution des ressources disponibles et prévues. Ce mécanisme serait particulièrement efficace s’il était basé sur l’établissement de dispositifs contractuels entre les collectivités locales et l’agence publique de financement.

3. Evaluer le potentiel de recettes des différents impôts mobilisés à l’échelon local pour mieux cibler les transferts afin qu’ils correspondent au type et au potentiel des collectivités territoriales. Si le potentiel des divers impôts et taxes pour les communes urbaines reste encore peu connu, les informations disponibles pour les communes rurales sont pratiquement inexistantes. D’énormes efforts restent à entreprendre pour déterminer le potentiel et la pertinence des diverses taxes locales, en particulier pour les communes rurales.

4. Fournir à toutes les CT des capacités minimales en matière de gestion financière. Etablir un programme de recrutement et de formation pour apporter aux CT des capacités minimales en matière de gestion financière ainsi que des capacités minimales de production de comptes. Achever la déconcentration des services du ministère des Finances et du Budget et du ministère de la Décentralisation en charge des finances publiques locales. Adopter les textes légaux qui préciseraient la répartition des compétences entre les comptables principaux de l’Etat et les comptables des CT.

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C. DEFIS LIES AUX RESSOURCES HUMAINES

157. Cette section analyse les défis liés aux ressources humaines, auxquelles doivent faire face les CT. Elle portera tout d’abord sur les leçons à tirer d’une décennie de décentralisation urbaine, puis sur les défis actuels, et notamment les difficultés liées aux transferts de fonctionnaires vers les CT. 1) Difficulté liée au personnel dans les communes urbaines

158. Une étude sur la gestion locale des communes urbaines entre 2000 et 200516 dévoile une pénurie de cadres. Dans la plupart des communes, les effectifs de cadres oscillent entre 10 à 25 pour cent du personnel, sans compter la police. Au-delà de ces chiffres bruts, la plupart des observateurs s’accordent sur le fait que les communes urbaines manquent de personnel qualifié aux compétences requises pour encourager le développement des CT. Dans huit communes, un tiers des effectifs est rattaché à la sécurité (forces de police), un bon exemple du fait que regarder uniquement le nombre d’agents est insuffisant pour évaluer le lien avec les questions de gestion et de développement. Les CT ont du mal à trouver du personnel qualifié, soit par manque de moyens financiers, soit par pénurie de compétences spécifiques. Ces contraintes vont de pair avec un manque de ressources requises pour renforcer les capacités des effectifs existants. 159. Malgré le faible niveau de compétences dans les communes, les rémunérations représentent une proportion élevée des dépenses budgétaires. Comme illustré dans l’AMBF (2006), l’évolution du budget des communes et l’augmentation des effectifs sont étroitement liés (0,99). On note également une corrélation inverse entre la taille de la population et la proportion des dépenses récurrentes. Les petites municipalités ont des coûts récurrents proportionnellement supérieurs aux grandes municipalités. Cependant, cette corrélation n’est pas valable pour les dépenses salariales, ce qui peut s’expliquer par le fait que les petites municipalités attirent peu de personnel qualifié (Tableau 7. Répartition des dépenses dans le budget des communes urbaines).

Tableau 7. Répartition des dépenses dans le budget des communes urbaines Nombre

de communes urbaines

Population moyenne

Dépenses moyennes

(XOF)

Dépenses moyennes par

habitant (XOF)

Part moyenne des dépenses récurrentes par rapport

aux dépenses totales ( %)

Dépenses salariales moyennes

(XOF)

Part moyenne des dépenses salariales par rapport aux

dépenses récurrentes

(%)

Part moyenne des dépenses salariales par rapport aux

dépenses totales (%)

16 43 375 61 951 243 1 428 74,58 23 327 010 37,58 28,51 25 19 650 19 989 463 1 017 81,49 7 645 326 37,14 30,89 6 14 263 5 558 157 389 85,26 1 053 649 18,49 15,55 Source : AFC 2005. 160. L’État a une politique d’affectation d’un haut fonctionnaire par commune urbaine, à la fonction clé de Secrétaire Général (SG). Rémunéré par l’État, il représente un atout important pour les communes dans la mesure où il connaît les processus administratifs et a une expérience de gestion. Ceci dit, il semble que ces postes restent souvent vacants (Encadré 22. Ressources humaines dans les communes urbaines), les fonctionnaires ne les considérant pas suffisamment intéressants et préférant rester dans la capitale, où se font les carrières. La relation entre un fonctionnaire expérimenté et jouissant d’un certain statut d’une part, avec un maire récemment élu qui peut ne pas avoir le même niveau

16 AMBF 2006.

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d’éducation a suscité des tensions dans plusieurs agglomérations. Ceci explique sans doute le taux élevé de postes non pourvus pour les secrétaires généraux. En outre, dans la mesure où le haut fonctionnaire de la commune appartient à l’administration centrale, l’entité a laquelle il doit rendre des comptes n’est pas claire, son autonomie limitée et cela crée des problèmes d’appropriation des dossiers.

Encadré 22. Ressources humaines dans les communes urbaines

La plupart des agents interrogés dans les communes urbaines sont des employés communaux (une douzaine par commune en moyenne). Leur grande majorité n’a pas de compétence technique mais seulement administrative (seul Hounde a recruté un spécialiste en hydraulique). L’affectation temporaire du personnel aux communes urbaines est également marginale et se limite, généralement, aux fonctions du secrétaire général et du commandant des forces de police. L’administration centrale détache principalement du personnel en provenance du ministère des Finances (recouvrement des impôts, comptabilité, etc.). Les postes de secrétaires généraux, détachés par l’administration centrale, n’existent pas toujours (inexistants dans 3 communes sur 8 dans notre échantillon), la rotation du personnel est élevée et les remplacements retardés. La rotation des secrétaires généraux dans notre échantillon (généralement de deux à trois ans) est survenue : a) en cas de passation de pouvoir lors de l’élection de 2006 (communes urbaines de Sebba et Dori), b) en cas de conflits avec le maire se soldant par un remplacement du secrétaire général, et c) en cas de promotion du secrétaire général à une autre position (commune urbaine de Fada). Dans d’autres communes urbaines, les secrétaires généraux ont été remplacés mais après une longue période d’attente (commune urbaine de Bogande). Seule la commune urbaine de Diapaga a conservé le même secrétaire général au cours des dix dernières années, ce qui peut s’expliquer par le fait que cet agent a été recruté et rémunéré directement par la commune. Source : Ouedraogo 2007. 161. L’affectation d’un personnel rémunéré par la communauté internationale dans les collectivités territoriales est une aide temporaire mais non durable. La plupart du temps, le donateur pourvoit des fonds sur une période limitée et sur une base dégressive. Une convention est signée entre le maire et le donateur. Elle stipule que la rémunération du personnel reviendra progressivement aux mains de la commune. Malheureusement cet arrangement est rarement suivi d’effets, ce qui menace la pérennité de ce soutien. 2) Transfert du personnel et reddition des comptes

162. Le personnel des CT sera constitué des trois groupes suivants : personnel transféré aux CT, personnel recruté par la fonction publique d’État et travaillant dorénavant dans des domaines sous la responsabilité des CT et mis à la disposition des CT, et personnel recruté directement par les CT. Les principaux défis à relever sont les suivants : a) adéquation des compétences et effectifs du personnel transféré pour répondre aux besoins des collectivités territoriales, b) possibilités d’approbation ou de rejet du personnel par les CT, et c) statut et entité à laquelle le personnel mis à disposition doit rendre des comptes. 163. Seul un petit nombre d’agents (environ 800) est transféré intégralement aux CT. Ce transfert comporte certains risques dans la mesure où les besoins des collectivités territoriales et les compétences du personnel transféré ne concordent pas toujours. Le personnel transféré travaillait autrefois pour les préfectures ou le haut commissariat, et a été affecté automatiquement aux communes. Cette politique est risquée dans la mesure où les transferts surviennent sans discrimination, et sans évaluation préalable des besoins. Certains agents transférés risquent de ne pas avoir les compétences appropriées ou leur nomination peut être superflue, compte tenu des ressources humaines existantes et du mandat des CT (comme mentionné pour l’une des communes étudiées dans notre enquête, où sept agents provinciaux ont fait l’objet d’une affectation : ces membres du personnel « n’ont actuellement aucun rôle spécifique à

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assumer » et « en réalité, la commune n’a pas besoin de ce personnel en surnombre »). Quelle que soit l’adéquation des profils, de nombreux représentants municipaux ont signalé leurs craintes quant à leur solvabilité face aux coûts de transferts du personnel des provinces. Le ministère délibère actuellement sur le redéploiement de ce personnel en dehors des collectivités territoriales. 164. Face à la réticence des fonctionnaires vis-à-vis d’un transfert intégral aux CT, le ministère de la Fonction publique a décidé de garder le personnel actuellement en poste dans les structures à transférer aux CT sous la tutelle de l’administration centrale. En effet, ces fonctionnaires sont peu enclins à se joindre aux rangs des CT. Ils considèrent que l’acceptation d’un transfert complet déboucherait sur une situation précaire. Les fonctionnaires bénéficiant de la sécurité de l’emploi (le statut de la fonction publique garantit un emploi à vie) ne souhaitent pas lier leur avenir aux collectivités territoriales, dont la situation fiscale et la capacité à payer régulièrement les salaires restent à prouver. En outre, ils craignent d’être victimes d’un licenciement pour des motifs légitimes (réduction d’effectifs, faibles performances) ou illégitimes (népotisme, politisation de services municipaux). Pour finir, les emplois locaux ont une mauvaise réputation ; ils sont considérés comme des postes de « deuxième choix ». 165. Ceci signifie que pendant une certaine période, une large proportion du personnel existant ne rendra pas compte aux élus des collectivités territoriales, minimisant ainsi sensiblement le pouvoir de gestion de ces dernières et un des objectifs de la reforme. En réalité, malgré quelques progrès enregistrés dans l’élaboration de règles permettant un transfert de la gestion des ressources humaines au niveau régional, la gestion du personnel reste centralisée. Les CT seront donc non seulement dépourvues du pouvoir de gestion des ressources humaines, mais les prises de décision resteront également centralisées et lourdes et déconnectées de la réalité sur le terrain. Si d’importantes décisions, telles que la titularisation ou l’avancement seront traitées au niveau déconcentré, d’autres mesures comme la « prime de résultats » continueront à être prises à Ouagadougou. L’impact de cette mesure sera néanmoins limité dans le temps dans la mesure où les effectifs rendant compte à l’administration centrale seront progressivement réduits par un phénomène naturel d’attrition. 3) Statut de la fonction publique territoriale

166. Les CT pourront recruter leur personnel. Pour encourager les éventuels candidats à rejoindre les CT, une loi de 2006 a instauré l’équivalent d’un statut de la fonction publique au niveau territorial.17 Cette loi fait la distinction entre « les emplois permanents à pourvoir par des fonctionnaires territoriaux par le biais d’un concours et dont le modèle de gestion reflète celui de l’administration centrale » et « les emplois non permanents à pourvoir par des contractuels ». Avantages de la loi 167. Le statut local permet un réalignement des relations de responsabilités. Cette mesure sera effective une fois que tout le personnel fera partie de la fonction publique locale et sera ainsi soumis aux CT en termes de recrutement, de promotion et de licenciement éventuel, au lieu d’être sous le contrôle de l’administration centrale. D’autre part, cette loi satisfait à la demande des agents publics en poste, qui menaçaient de s’opposer à la décentralisation si un environnement juridique sécurisé n’était pas garanti pour le personnel des CT. 17 DECRET No 2007 - 006 /PRES - promulguant la loi no 027-2006/AN du 05 décembre 2006 portant sur le régime juridique applicable aux emplois et aux agents des collectivités territoriales.

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Désavantages potentiels 168. Cette loi s’inspire grandement du modèle central, et risque par conséquent de manquer de souplesse ou plus précisément d’incitations pour que le personnel rejoigne les CT. Les faiblesses, auxquelles fait face l’administration centrale, sont répliquées (notamment le manque de flexibilité dans les rémunérations, l’inaptitude à licencier et un système d’avancement quasiment automatique). La loi comporte un système limité de promotion axé sur les performances (encore associé à l’ancienneté), qui devra faire ses preuves au stade de la mise en œuvre. Même si les responsables des CT sont les supérieurs hiérarchiques, la rigidité des règles appliquées aux fonctionnaires locaux risque de tempérer le dynamisme de la gestion des ressources humaines. Il n’est pas certain que les responsables des collectivités territoriales aient les moyens de lutter efficacement contre l’absentéisme, par exemple. En effet, le système de sanctions reste lourd et inadapté. De plus, l’administration centrale a encore un droit de regard important. La loi requiert des maires et présidents de conseils régionaux de préparer des tableaux prévisionnels des effectifs à moyen terme, qui devront être centralisés au niveau régional et qui devront être approuves par décret du Conseil des ministres. Il va sans dire que cette démarche ne favorise pas l’autonomie de gestion, et la mise en place d’une telle mesure sera vraisemblablement difficile, même si son aspect positif est de garantir un équilibre financier. 169. Le statut local n’apporte pas de réponses au problème des indemnités uniformes pour les fonctionnaires, et n’identifie pas de solutions pour encourager le personnel qualifié à s’installer dans des zones isolées. Les rémunérations des fonctionnaires territoriaux restent uniformes dans toutes les juridictions et régions du pays. Ce manque de souplesse a des effets pervers car il ignore les particularités de chaque juridiction. Cependant, l’article 76 de la Loi 2006 prévoit le versement d’ « indemnités justifiées par la force majeure ou les risques que comportent l’emploi » et d’ « avantages en nature ». Les communes peuvent proposer des incitations spécifiques pour encourager les candidats qualifiés à rejoindre des zones pauvres et/ou plus isolées si elles en ont les moyens. L’expérience internationale en la matière peut être regroupée en quatre catégories: indemnités complémentaires, exigences de rotation géographique dans l’itinéraire professionnel, restructuration des procédures et privatisation ou sous-traitance des services (Encadré 23. Incitations et mécanismes pour attirer et conserver le personnel dans les zones défavorisées). La mobilité entre les deux fonctions publiques survient lors d’une « affectation temporaire » ou une mise à disposition, mais il n’est pas clair si les passerelles existent entre les deux Fonctions publiques. 170. À ce jour, on peut dire que les politiques de ressources humaines ne bénéficieront pas des nombreux avantages de la décentralisation administrative. Evans et Manning (2004) distinguent cinq fonctions de gestion des ressources humaines pour évaluer les niveaux d’autorité gouvernementale sur les fonctionnaires. Le tableau 10 évalue le Burkina Faso en fonction de ces critères (voir Tableau 10) :

• Contrôle budgétaire et contrôle des effectifs : Qui contrôle les effectifs globaux de personnel, et leurs lieux d’affectations? Qui licencie le personnel en cas de sureffectif ?

• Recrutement : Qui est l’employeur officiel ? Qui détient le pouvoir de recrutement ? • Gestion des carrières : Qui procède à la promotion du personnel et décide des

mutations/changements d’affectations au sein des municipalités ? Qui est responsable de la mobilité horizontale ?

• Gestion des performances : Qui dirige et surveille les activités et les tâches des agents? Qui évalue les performances et applique des sanctions ou résilie les contrats de travail ?

• Rémunération : Qui détermine le barème de salaires et les indemnités liées aux cas de force majeure et aux transferts dans des municipalités isolées ? Sur quel budget les fonctionnaires sont-ils rémunérés ?

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171. Les CT gèreront leur ressources humaines de manière plus au moins performante et efficace en fonction du degré d’autonomie octroyé, toutes fonctions confondues, et de ce degré d’autonomie dépendra également leur capacité à demander des comptes à leurs agents par rapport à leur performance. A l’aune de ce modèle, la gestion du personnel au Burkina Faso est considérée comme faiblement décentralisée. Les collectivités territoriales auront très peu de contrôle sur leurs effectifs de fonctionnaires en provenance de la fonction publique d’Etat. En outre, elles auront un contrôle restreint sur leur propre personnel, même si la responsabilité de décisions clés, telles que le transfert au sein de leur territoire et la gestion des résultats, leur incombe.

Tableau 8. Étalonnage du Burkina Faso par rapport à un modèle décentralisé de gestion du personnel

Pouvoirs Responsabilité des CT Fonctionnaires

d’Etat postés auprès des CT

Ancien personnel municipal et nouvelles recrues

Transparence budgétaire Gestion de la paie

Non (ministère de la Fonction publique)

Oui

Budget et contrôle Contrôle des effectifs du personnel global Non Non (décret central pour

plafonds) Contrôle des effectifs dans les municipalités Non Mixte (contractuels) Pouvoir de licenciement du personnel en cas de sureffectif

Non Mixte et très contraignant

Recrutement Employeur officiel Non Oui Pouvoir de recrutement Non Oui Mécanisme de recrutement indépendant au mérite (ex. concours)

Non Mixte

Gestion des carrières Promotion Non Mixte (ancienneté et règles

centralisées) Transferts au sein des collectivités territoriales Pas clair Oui Mobilité horizontale Non Pas clair Gestion des résultats Direction et surveillance des activités et des tâches Notation Pouvoir disciplinaire et de licenciement

Pas clair Pas clair Pas clair

Oui Oui Mixte

Rémunération Définition des indemnités liées aux cas de force majeure et aux transferts dans des municipalités isolées Définition du barème de salaires

Non (ministère de la Fonction publique)

Oui Non

Source : Adapté d’Evans et Manning 2004. 4) Recommandations pour relever les défis liés au renforcement des capacités

1. Accroitre le contrôle direct des CT sur leur personnel. Au minimum, il devrait être accordé aux responsables des CT l’autorité principale de notation (évaluation de la performance), même pour les fonctionnaires mis à disposition par la fonction publique nationale. En outre, pour éviter une

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politisation du personnel local, une distinction claire devrait être faite entre les nominations politiques et les postes techniques au sein des CT.

2. Développement des incitations pour encourager le personnel qualifié à rejoindre les CT. L’Etat doit établir un ensemble d’incitations pour attirer et retenir du personnel qualifié dans les CT. L’Encadré 23. Incitations et mécanismes pour attirer et conserver le personnel dans les zones défavorisées en illustre plusieurs exemples.

3. Maximiser les capacités grâce à l’externalisation et la mise en commun des effectifs. Avec de nombreuses CT de petite taille, aux ressources médiocres et au personnel qualifié en sous-effectif, il faut savoir maximiser les capacités limitées en se tournant vers l’externalisation ou la mise en commun des ressources. Le Tableau 9. Moyens pour maximiser les ressources humaines illustrant la maximisation des capacités, et l’Encadré 24. Coopération inter municipale avec un pool de professionnels qualifiés pour le compte de plusieurs CT illustrant les expériences de bureaux inter municipaux comptant des professionnels qualifiés, nous éclairent à ce sujet.

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Encadré 23. Incitations et mécanismes pour attirer et conserver le personnel dans les zones défavorisées

Le problème de répartition géographique déséquilibrée des fonctionnaires doit être traité en créant des incitations et des mécanismes efficaces pour attirer et conserver le personnel dans les zones défavorisées. Les fonctionnaires sont souvent réticents à l’idée d’occuper des postes en dehors de la capitale ou d’autres grands centres urbains. Ceci explique la difficulté de nombreuses municipalités pauvres ou isolées à recruter et conserver du personnel qualifié. En outre, ces municipalités manquent de moyens pour renforcer leurs ressources humaines existantes. On peut identifier quatre mécanismes destinés à attirer et conserver le personnel dans les zones défavorisées. • Indemnités complémentaires. Le personnel touche des indemnités financières complémentaires (salaires plus élevés,

indemnités liées à la dureté des conditions de vie, ajustements aux coûts de la vie déterminés par des critères géographiques), comme au Malawi ou au Nigeria. Les avantages en nature, comme le logement ou l’éducation, sont des incitations supplémentaires (par exemple, l’éducation en Bolivie). Cette approche s’est globalement avérée décevante. La praticabilité fiscale et l’efficacité sont des objectifs incompatibles dans le cadre d’une stratégie reposant exclusivement sur les indemnités : en effet, les coûts liés à une stratégie efficace de rémunération sont souvent trop élevés pour les municipalités ; de plus, pour certains types de qualifications, les incitations financières propres à inciter à un transfert sont extrêmement élevées. De surcroît, le moral du personnel dans les zones isolées risque de chuter si les indemnités supplémentaires octroyées à leurs collègues ne leur sont pas également allouées. Cependant, deux éléments sont susceptibles de peser positivement dans la balance : a) certaines expériences montrent que les individus natifs d’une région sollicitent une prime plus modeste pour rester dans les zones dont ils sont originaires que le personnel venu d’ ailleurs, et b) la possibilité d’un passage éventuel d’un CDD à un CDI représente une incitation de taille pour attirer du personnel qualifié.

• Exigences de rotation géographique dans l’itinéraire professionnel. Si la fonction publique comporte un plan de carrière intéressant, les services rendus dans une zone isolée peuvent être rendus obligatoires, dans le cadre d’un plan bien agencé, se soldant par de meilleures perspectives de carrière et par une promotion à terme. L’Inde illustre parfaitement cette affirmation : en Andhra Pradesh, tous les médecins du secteur public doivent commencer leur carrière dans des zones rurales isolées. En effet, on suppose qu’il est plus aisé pour de jeunes professionnels de s’expatrier dans ces zones. Ce principe est effectivement une incitation attrayante, s’il se fonde sur des règles officielles clairement définies et largement diffusées, combinées à une reconnaissance et à une récompense pour des services rendus dans des zones isolées (par exemple, une rotation et des promotions du personnel régulières, des évolutions de carrière transparentes et au mérite, des installations appropriées au poste concerné, et des indemnités supplémentaires pour compenser la dureté des conditions de vie, etc.). Ces pratiques de gestion du personnel doivent être réglementés mais aussi contrôlés, ce qui malheureusement n’est pas toujours le cas.

• Restructuration des procédures La restructuration des procédures réduit les besoins en compétences spécifiques et difficilement accessibles dans les zones défavorisées. Cette méthode enregistre des résultats encourageants, en particulier dans des environnements d’accès difficile où les prestataires de services itinérants accomplissent des tâches hautement qualifiées et à faible demande dans les zones défavorisées. Le programme des « médecins volants » au Lesotho voit des médecins se rendant de temps en temps dans des villages de montagne isolés. De même pour les « avocats marins au Brésil », qui se déplacent et exercent leur profession à bord de navires (questions de droit civil, telles que les mariages, les naissances, etc.). Une autre illustration de ce principe repose sur la segmentation des responsabilités dans le cadre des prestations de services. Ainsi, le personnel moins qualifié et les para professionnels recrutés dans les municipalités peuvent prétendre offrir de nombreux services peu qualifiés, qui autrefois auraient été fournis par des experts et des prestataires de service hautement qualifiés (par exemple, les médecins, les avocats, les juges, les enseignants), en contrepartie d’une mise à niveau modeste de leurs compétences. Cette stratégie mène à un scénario doublement gagnant. Cependant, on note l’opposition des professionnels hautement qualifiés, qui sont confrontés à une éventuelle réduction de leur « part de marché ». De tels exemples peuvent être identifiés dans la santé en Iran, en Chine avec les médecins aux pieds nus, et au Cuba avec le programme des médecins de famille.

• Sous-traitance des services. Avec la sous-traitance ou la privatisation des services, on déplace le défi d’attirer les professionnels qualifiés aux entreprises privées. Le secteur public doit alors relever les défis suivants : a) garantir un financement suffisant pour attirer des prestataires privés, b) garantir aux bénéficiaires un accès cohérent et adéquat à ces services, et c) garantir le respect des normes de qualité des services et produits. Les soins de santé primaires en Afghanistan en sont un exemple. Le pays a largement sous-traité auprès des ONG dans le cadre des accords de partenariats basés sur les résultats. Les employeurs de ces ONG ont pu ainsi varier les rémunérations dans les limites définies par le ministère.

Source : Banque mondiale, site web de groupe du secteur public.

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Tableau 9. Moyens pour maximiser les ressources humaines

Moyens pour contrer le manque de ressources humaines dans les municipalités

Conditions préalables

Basés au centre (administration centrale) Etablir des « pools de personnel » dans l’administration centrale, couvrant de grandes étendues territoriales de manière itinérante pour fournir une assistance aux CT, conformément à des programmes de travail annuels.

Développement d’une relation transparente entre le client et le prestataire, qui donne les moyens aux CT de contrôler les services rendus par ce personnel. Planification et coordination adéquates pour éviter des rythmes de travail erratiques. Obstacles de planification supplémentaires du fait de l’éloignement, mais cela peut être plus facile d’envoyer ce personnel en missions régulières plutôt que de procéder a son redéploiement dans des zones périphériques. Fonds suffisants pour mener à bien des missions sur le terrain.

Basés au niveau déconcentré Cela suppose que le niveau déconcentré ait les compétences adéquates pour soutenir les CT.

« Droit de tirage » affecté aux collectivités territoriales sur un pool de personnel qualifié, recruté et rémunéré par l’État dans les régions. Les CTs bénéficieraient de quotas horaires sur ce pool.

Développement d’une relation transparente entre le client et le prestataire, qui donne les moyens aux CT de contrôler les services rendus par ce personnel. Planification et coordination adéquates pour éviter des rythmes de travail erratiques. Prime (versée par l’État) pour les heures supplémentaires.

Basés au niveau des collectivités territoriales

Transfert des services de l’administration déconcentrée aux CT.

Pouvoir de gestion du personnel doit être aux mains des CT. CTs doivent pouvoir être sélectif sur l’acceptation ou non du personnel à transférer

Cabinets techniques inter municipaux, travail à temps partiel dans plusieurs CT.

Planification et coordination adéquates pour éviter les tensions entre les CT sur leurs couts/avantages

Externalisation Externalisation par les CT aux ONG ou au secteur privé.

Part de l’hypothèse que les CT ont des budgets de fonctionnement suffisants Renforcement des capacités de suivi et d’évaluation des CT. Mise à disposition initiale de contrats types et de documentation clé aux CT.

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Encadré 24. Coopération inter municipale avec un pool de professionnels qualifiés pour le compte de plusieurs collectivités territoriales

Un fonds social a été intégré aux stratégies de développement local au Honduras afin que les municipalités démunies puissent en profiter. Il prend en charge la création d’associations municipales : plusieurs municipalités cofinancent et partagent les coûts liés à une unité technique commune. L’unité technique du projet pilote était constituée de quatre employés (un ingénieur civil, un administrateur et deux promoteurs sociaux), elle comptait également de l’équipement, un bureau et des moyens de transport. Elle desservait sept municipalités démunies. Le fonds a couvert les dépenses de l’unité pour l’année de lancement. Dès la deuxième année, ce sont les municipalités qui s’en sont chargées (à l’aide du financement de leurs transferts). Ce programme qui a réussi néanmoins comporte le risque de créer et de légitimer une structure parallèle qui peut affaiblir le rôle du personnel local ou celui du secteur privé dans la prestation de services. Dans le cadre de son programme de décentralisation, l’Etat du Kerala en Inde a innové en créant les trois structures suivantes : des comités d’experts au niveau du bloc ou BLEC, au niveau des municipalités ou MLEC, et au niveau des districts ou DLEC. Ces trois comités font appel aux professionnels des départements techniques de l’État, notamment le département des travaux publics, le département de la santé, le centre des industries du district, ainsi qu’à des professionnels retraités, comme des ingénieurs, banquiers et comptables. Ils les organisent en sous-groupes en fonction de leur expertise. Le comité BLEC procède à une évaluation technique et financière des projets de développement préparés par des autorités locales rurales au sein de la juridiction d’un bloc. Le comité MLEC en fait de même pour les autorités locales urbaines au sein du district et conseille les autorités locales sur les modifications à apporter au projet, le cas échéant. Le comité DLEC est chargé de surveiller les travaux des comités BLEC et MLEC, ainsi que de fournir les mêmes services à l’autorité du district et aux grands organismes municipaux. Dans la mesure où l’évaluation du projet devait être réalisée au cours des premiers mois de l’exercice budgétaire, ces comités ne fonctionnaient pas à temps complet et leurs membres étaient rémunérés par honoraires. En France, le concept de coopération intercommunale permet aux municipalités de créer un « établissement public » pour fournir des services spécifiques aux diverses collectivités territoriales (enlèvement des ordures, assainissement de l’eau, transport urbain) ou pour élaborer des projets de développement (économiques ou urbains). Les collectivités locales transfèrent des mandats spécifiques et les ressources requises aux établissements publics. Dans certains cas, ces établissements ont leurs propres ressources fiscales (mais continuent d’avoir une compétence limitée à l’exécution de certains mandats spécifiques). Sources : Banque mondiale, 2005c. Intégration des fonds sociaux aux stratégies de développement local : Cinq exemples de pays d’Amérique Latine, dans : Notes sur l’innovation des fonds sociaux, Volume 3, No.1., Septembre et -http://www.vie-publique.fr/

3. REALISATION DE LA DECENTRALISATION POUR L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET LES SERVICES

D’APPROVISIONNEMENT EN EAU 172. Le présent chapitre illustre les défis que devra affronter le gouvernement dans la phase d’application du Code de Décentralisation 2004 pour deux services essentiels : l’enseignement primaire et les services d’adduction d’eau potable. Dans ces deux secteurs, le transfert des compétences et des ressources du centre aux CT (dans le cas présent, au niveau communal) posera tous les problèmes sur les plans administratif, financier et des ressources humaines qui ont été soulevés au chapitre précédent. Toutefois, l’application variera en fonction de la nature de chaque secteur.

A. SIMILITUDES ET DIFFERENCES ENTRE LES DEUX SECTEURS

173. Deux secteurs sont étudiés en profondeur : l’enseignement primaire et l’adduction d’eau

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potable. Ces deux secteurs ont été choisis en accord avec les autorités pour deux raisons principales. Premièrement, ils jouent un rôle essentiel pour le développement et la réduction de la pauvreté au Burkina Faso. Deuxièmement, le choix d’une infrastructure et d’un secteur social démontre bien que la décentralisation ne peut être réalisée de façon uniforme : ces secteurs sont forts différents sur le plan de la structure administrative, des méthodes de gestion et des critères de performance (Encadré 25). Encadré 25. Caractéristiques des secteurs de l’enseignement primaire et de l’eau au Burkina Faso

Objet Enseignement primaire Approvisionnement en eau potable Performances du secteur Accès L’accès est la principale difficulté

(Taux brut de scolarisation: 60,1 %) L’accès est la principale difficulté (Pourcentage d’usagers raccordés au réseau : 61 %)

Qualité La qualité est un problème important (Taux d’achèvement : 34,1 %)

La qualité ne constitue pas une difficulté majeure

Equité On relève de fortes inégalités d’accès d’une part entre les régions, d’autre part entre zones urbaines et zones rurales

On relève de fortes inégalités dans les pourcentages d’accès entre les régions, et entre zones urbaines et zones rurales

Nature du secteur Caractéristiques communes Priorité pour l’application de la stratégie pour la réduction de la pauvreté, décrits comme s

dans le CSLP Différences, intrants Intensif en ressources humaines

Intensif en capital

Différences, technicité Faiblement technique Certaines fonctions peuvent être entièrement décentralisées, d’autres peuvent être partagées.

Extrêmement technique Délégation et contractualisation de la réalisation, de l’entretien et de l’exploitation du réseau de distribution de l’eau

Différences, recouvrement des coûts

Objectif de l’éducation de base universelle et gratuite

Objectif de recouvrement des coûts

Caractéristiques actuelles de la prestation des services Prestataire principal L’État et son administration déconcentrée

La principale difficulté est leur rationalisation ainsi que le transfert du personnel et des structures

Les principaux prestataires de services sont une entreprise publique, l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA), et les communautés locales La principale difficulté est l’établissement d’accords contractuels efficaces

Participation d’acteurs non étatiques

Élevée, principalement financière dans le cadre d’associations de parents d’élèves, et d’initiatives non officielles (écoles communautaires)

Élevée : recouvrement des coûts et prestation directe de services par le biais de Comités de Point d’Eau

Différences de prestation de services selon le territoire ?

Non Oui. Les modes de prestation de services varient entre les zones urbaines, semi-urbaines et rurales.

Situation de l’application / l’exécution Exécution du Code 2004 Transfert prioritaire Transfert non prioritaire

Efficacité des transferts Les infrastructures et les ressources

humaines à transférer ont été identifiées Les transferts d’infrastructure n’ont pas encore été effectués. Toutefois l’ONEA a procédé à plusieurs ajustements pour assurer la conformité du secteur avec le Code 2004.

Cadre stratégique sectoriel récent

Plan de développement d’une éducation de base sur dix ans (PDDEB 1, PDDEB 2 à paraître)

Programme National d’Approvisionnement en Eau Potable et d’Assainissement (PN-AEPA) 2007–05

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Prise en compte des lois de décentralisation dans la stratégie du secteur

Pas encore faite Oui : le ministère prévoit le rôle nouveau que joueront les communes dans son programme sectoriel

174. Dans les deux secteurs, le Code 2004 transfère aux CT une responsabilité importante pour la prestation des services. Dans le secteur de l’éducation primaire, le Code 2004 transfère trois fonctions essentielles aux communes, qui seront responsables de la construction, de l’acquisition et de l’administration d’écoles pré primaires, primaires et secondaires dans leurs juridictions. Le Code 2004 attribuant une responsabilité générale pour la gestion du personnel local, un quatrième rôle sera la gestion du corps enseignant. Dans le secteur de l’eau, le Code 2004 identifie les trois fonctions essentielles suivantes pour les communes urbaines et rurales : a) consultation portant sur les plans stratégiques des systèmes d’eau locaux ; b) production et distribution de réseaux d’adduction d’eau ; et c) construction et gestion de puits creusés protégés, de forages et de bornes-fontaines. 175. L’enseignement primaire et les services d’eau potable sont des domaines prioritaires dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le développement et de la stratégie nationale pour la réduction de la pauvreté. Toutefois, l’éducation et l’eau étant, de par leur nature, des services publics différents, cette analyse se penchera sur les propriétés communes ainsi que les enjeux spécifiques à ces secteurs pour la décentralisation. 176. Ces deux secteurs réaliseront les transferts à court terme. Bien que, contrairement au service de l’eau potable, l’enseignement (pré primaire et primaire) soit un transfert prioritaire aux communes urbaines, le gouvernement s’efforce d’assurer l’exécution, dans les meilleurs délais, des transferts dans le secteur de l’eau (au mieux, en même temps que les secteurs prioritaires), compte tenu de l’importance que revêt l’accès à l’eau potable pour la réduction de la pauvreté et pour d’autres initiatives déjà en cours d’exécution à l’échelon communal. Le Programme National d’Approvisionnement en Eau Potable et d’Assainissement, adopté officiellement début 2007, examine déjà le rôle nouveau des CT tel qu’il est prévu dans le Code 2004. L’Office national d’eau et d’assainissement (ONEA), principal fournisseur de services d’eau potable dans les zones urbaines, a déjà prévu le rôle des CT, et se prépare maintenant à signer des accords de partenariat biannuels avec les communes urbaines. 177. Pour les deux secteurs, l’enjeu principal est de permettre l’accès des communautés locales à des services essentiels, et c’est la raison pour laquelle la décentralisation du financement et de l’exécution des infrastructures devra être une priorité de l’application du Code 2004. Les transferts doivent porter principalement sur la nécessité d’accélérer la construction des installations afin d’accroître la zone de couverture des points de prestation des services et de réduire les disparités interrégionales et urbaines / rurales. Toutefois, dans le secteur de l’éducation, la qualité également sera au cœur des objectifs du secteur ; en conséquence, la gestion de l’école et des enseignants doivent également être des questions prioritaires pour les transferts. 178. Les aspects les plus urgents, dans les deux secteurs, seront les suivants : se pencher sur la décentralisation de la planification ; fournir le financement pour les investissements ; constituer une capacité opérationnelle à l’échelon communal. Les priorités administratives clés sont la décentralisation des fonctions de programmation (ainsi que la conjugaison de ces activités avec la planification et la budgétisation de l’exécution dans le secteur). Les priorités financières portent sur le volume des transferts des investissements, le cadrage financier de la décentralisation, et l’identification des ressources à transférer géographiquement, ainsi que les instruments pour le transfert du budget pour les investissements (FDPCT, DGE, et/ou dotations conditionnelles directes). Les priorités sur le plan des ressources humaines comprennent le transfert et l’affectation de ces mêmes ressources, ou l’accès à un réservoir de personnel qualifié pour exercer certaines fonctions clés, comme la planification, la passation

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de marchés et le suivi-évaluation (contrats, exécution) 179. L’éducation et l’approvisionnement en eau potable étant des services publics très différents, les questions relatives à la décentralisation varient d’un secteur à l’autre. L’approvisionnement en eau potable, service d’infrastructure, nécessite des investissements plus importants ; en conséquence, les questions de décentralisation propres à ce secteur concernent principalement la construction, l’extension et le remplacement des infrastructures, ainsi que l’entretien du réseau. De son côté, l’éducation étant un service social, elle est plus intensive en ressources humaines. A ce titre, la réussite de la décentralisation dans le secteur de l’éducation sera notamment fonction de la capacité de fournir aux CT un pouvoir de gestion significatif sur l’intégralité du corps enseignant et du personnel administratif local. 180. Les caractéristiques actuelles de la prestation de ces services se rapportent de très près à la nature de ces services publics et à l’historique des réformes institutionnelles dans ces deux secteurs. Elles sont déterminantes pour la définition des différentes stratégies à mettre en œuvre pour le transfert des compétences dans chacun des secteurs.

• L’éducation. L’État est prestataire de services direct (et principal). Les décisions relatives à la politique et à l’affectation des ressources sont centralisées au sein du ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation (MEBA, désigné ci-après ministère de l’Enseignement), et la prestation des services est assurée de plus en plus par son administration déconcentrée. Ainsi, l’objectif de la décentralisation sera le transfert de structures et d’effectifs de l’administration centrale et déconcentrée de l’éducation vers les communes. Étant donné qu’il s’agit d’un secteur peu technique, les CT doivent être en mesure de se charger directement de la prestation du service qui leur sera transférée, alors que certaines autres fonctions pourront être assurées en commun ou soutenues par l’administration responsable de l’éducation. Bien que certaines fonctions doivent être assurées par des personnels spécialisés (par exemple la gestion de la performance des écoles, évaluation professionnelle du personnel), ces fonctions peuvent néanmoins être décentralisées et affectées aux CT, même à court terme, si elles disposent du personnel approprié.

• Les services d’adduction d’eau potable. Les principaux prestataires sont l’ONEA, en zone urbaine, et des comités de points d’eau, en zone rurale. Ainsi, le transfert effectifs des compétences reposera sur des accords contractuels efficaces avec les différents prestataires, et, le cas échéant, avec d’autres fournisseurs, la nature technique des services nécessitant une délégation des responsabilités au niveau de l’exécution, de l’entretien et de la rénovation des systèmes

181. En ce qui concerne le recouvrement des coûts, les bénéfices attendus de la décentralisation aux CT varient d’un secteur à l’autre. Dans le secteur de l’éducation, un important bénéfice que devrait apporter la décentralisation serait l’augmentation de la disponibilité des ressources à l’échelon local, pour réaliser l’objectif d’un enseignement de base gratuit. Au contraire, dans le secteur de l’eau, le recouvrement efficace des coûts pour assurer l’entretien des systèmes et le renouvellement des fonds d’investissement sera un enjeu crucial. 182. Les questions relatives à la participation d’acteurs non étatiques seront traitées au chapitre 4. Ce chapitre portera, pour les deux secteurs, sur les bénéfices et les limites d’intervention d’acteurs non étatiques dans le renforcement de la redevabilité de la prestation des services (en donnant aux communautés un rôle majeur, en augmentant le pouvoir direct des bénéficiaires dans la répartition des ressources et le contrôle des prestataires). Il tirera des conclusions sur la façon de rendre la décentralisation appropriée pour la participation des bénéficiaires, des comités d’usagers et des communautés. 183. Enfin, les enjeux seront plus ou moins importants en fonction de la situation des stratégies de

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décentralisation, et des réformes relatives, dans les deux secteurs. La situation actuelle sera fonction a) des travaux effectués dans le secteur pour l’application du Code 2004 (avancés dans l’éducation par rapport à d’autres secteurs, mais à ses tout débuts dans le secteur de l’eau) ; b) de l’inclusion, dans les stratégies sectorielles, des questions relatives à la décentralisation (aspect important dans le secteur de l’eau, dans une moindre mesure dans celui de l’éducation) ; et c) de l’expérience du secteur sur le plan de la décentralisation et des initiatives lancées par les communes urbaines.

B. L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

184. Le Code 2004 cède d’importantes compétences aux communes qui seront chargées de la construction, de la prise en charge et de l’administration d’écoles pré primaires et primaires et d’établissements secondaires dans leurs juridictions.18 Conformément à ces dispositions : a) les communes seront propriétaires de toutes les écoles primaires publiques ; b) les communes seront responsables de la construction et de l’entretien des bâtiments des écoles ; c) les communes dirigeront les services scolaires primaires (administration) ; et d) étant donné que le Code 2004 prévoit la responsabilité générale pour l’administration du personnel des services publics locaux, les communes seront chargées de la gestion des enseignants (p. ex. aussi bien du personnel central mis à la disposition des CT que des membres du personnel recrutés directement par les CT). Enfin, conformément au Code, les communes devront participer à l’établissement de la carte scolaire nationale pour le territoire communal. 185. Ceci constitue une réforme de grande envergure pour le secteur, étant donné que, jusqu’à présent, ces fonctions clé étaient concentrées au sein du ministère de l’Éducation. A l’heure actuelle, ces fonctions sont principalement assurées par le centre et l’administration déconcentrée du ministère à l’échelon de la région, de la province et du département. Les moyens limités à l’échelon communal, ainsi que l’absence de transferts financiers, constituent toujours des limitations structurelles à la participation effective des communes à leur mise en œuvre. 186. La décentralisation aux communes pourrait permettre de résoudre les goulets d’étranglement dans la gestion centrale et déconcentrée, et contribuer à une utilisation plus efficace des ressources publiques. L’application du Code 2004 pourrait permettre d’aborder les problèmes actuels d’accès à l’enseignement primaire et de la qualité de cet enseignement (résumés dans l’Encadré 26). • La décentralisation pourrait contribuer à l’augmentation de la construction d’établissements

scolaires, afin d’accroître l’accès à l’enseignement primaire. En dépit des progrès réalisés, le taux de scolarisation, qui atteint maintenant 60,7 pour cent, reste bas. Le problème, dans les zones tant rurales qu’urbaines reste les faibles taux d’exécution du budget pour la construction d’écoles, de salles de classe et de logements pour les enseignants. En outre, l’expérience jusqu’à présent sur le plan de la construction d’écoles permet d’affirmer que, lorsqu’elles sont mises entre les mains des communautés, les ressources sont utilisées avec un taux de rendement bien supérieur. Une étude économique et financière récente, lancée dans le cadre de l’examen à mi-parcours d’avancement du Projet de National de Gestion des Terroirs (PNGT), a relevé que les écoles construites par les Commissions Villageoises de Gestion des Terroirs (CVGT) coûtent en moyenne XOF 3 600 000, tandis que les mêmes structures construites par le ministère de l’Éducation coûtent environ XOF 10 500 000.

18 D’après le Code 2004, en ce qui concerne les établissements secondaires, les communes urbaines et rurales sont chargées de la construction et de la gestion des écoles (mais non pas de la « prise en charge » des installations des établissements secondaires).

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• La décentralisation est un moyen d’optimiser le rendement des dépenses publiques pour une meilleure allocation des ressources scolaires. Dans le cadre du système de prestation actuel, les ressources, tout comme les fournitures, les livres scolaires et le mobilier, sont généralement insuffisantes ou disponibles avec retard, et font l’objet de financements insuffisants.

• Les réformes de décentralisation sont un instrument important pour aborder le problème de la faiblesse de la gestion centralisée des ressources humaines. Le personnel est la ressource la plus importante des écoles, et son administration est une des questions sectorielles les plus urgentes, au Burkina Faso, notamment en ce qui concerne deux aspects d’importance primordiale : optimisation de l’affectation géographique d’enseignants nouveaux (dans les régions, et répartition entre zones rurales et urbaines) et maximisation de la redevabilité des enseignants en poste (réduction de l’absentéisme etc.)

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Encadré 26. Performance des services d’enseignement primaire au Burkina Faso Accès. En 1990, en dépit des efforts réalisés pour renforcer l’accès à l’enseignement, plus de 70 pour cent des enfants d’âge scolaire ne fréquentent pas l’école. De 2000 à 2005, la proportion d’écoliers dans la population en âge scolaire a augmenté progressivement de 44 pour cent à 57 pour cent, de même que la construction d’établissements scolaires (qui a respectivement augmenté de 34 et 39 pour cent). En dépit de cette amélioration, le taux brut de scolarisation au Burkina Faso reste parmi les plus bas de la sous-région (60,7 pour cent contre 86 pour cent en moyenne). Bien que les coûts directs et d’opportunité restent élevés pour les parents, les goulets d’étranglement se situent principalement au niveau de l’offre : la construction d’installations reste insuffisante (en raison des coûts élevés de la construction des écoles et des taux d’exécution insuffisants) pour satisfaire une augmentation de la demande. Équité. Les inégalités d’accès sont élevées, en fonction des zones, des revenus et du genre. Dans les zones urbaines et périurbaines, le problème principal est celui de la carence critique en installations scolaires (on trouve fréquemment des classes de 100 à 120 élèves19). Certaines écoles font aussi état d’un excédent d’enseignants. Dans les zones rurales, le problème est à la fois un nombre insuffisant d’écoles et d’enseignants. L’accès limité est dépend aussi de façon importante du niveau de revenus : Il y deux fois moins de chances que les parents dans le quintile inférieur envoient leurs enfants à l’école que les parents dans le quintile supérieur (Banque Mondiale 2004). En outre, les disparités filles-garçons restent élevées (il y a encore 5 pour cent moins d’écolières que d’écoliers, bien que cette différence soit moins prononcée dans les zones urbaines).

Indicateurs de performance pour l’enseignement primaire au Burkina Faso, 2000–06

Indicateurs de rendement 00/01 01/02 02/03 03/04 04/05 05/06

Taux brut de scolarisation 44,4 % 45,1 % 47,5 % 52,2 % 56,8 % 60,7 %

Taux brut de scolarisation (filles) 37,6 % 38,6 % 41,1 % 46,3 % 51 % 55 %

Taux d’achèvement 22,7 % 28 % 29,7 % 31,3 % 33,5 % 34,1 %

Réussite à l’examen du CPE 62,3 % 62,9 % 70 % 73,7 % 69 % 69,9 %

Taux de redoublement 30,3 % 28,0 % 25,9 % 24,7 % S/O 23,6 %

Taux d’abandon S/O 7,3 % 5,7 % 5,5 % S/O 7,6 %

Nombre de salles de classe 17 456 19 252 20 621 22 330 24 403 26 444 Nombre d’enseignants en salle de classe 17 294 18 176 19 740 21 884 24 350 26 558

Livres par élève (calcul) 0,29 0,27 0,25 0,22 0,31 0,74

Livres par élève (lecture) 0,25 0,49 0,44 0,32 0,67 0,63

Source : MEBA 2006.a and MEBA 2006 b. Qualité. La qualité de l’enseignement primaire est faible. Avec l’expansion des inscriptions dans le primaire, les taux de redoublement et d’abandon ont augmenté au cours de la période 1998-2002. Après 2003, la plupart des indices sur la qualité font état d’une amélioration régulière du taux de redoublements (qui passe de 10,8 à 7,97 percent) et d’une augmentation du nombre d’élèves qui terminent leurs études (de 29,7 à 34,1 percent). Toutefois, 25 pour cent seulement des élèves ont été reçus aux examens standards de français et de mathématiques (2005) ; 70 pour cent d’entre eux ont été reçus à leur certificat d’études primaires (2006). Parmi les facteurs influant sur la qualité, on indiquera a) une carence en matériel didactique, b) la difficulté d’assurer la livraison de fournitures en quantités suffisantes et dans des délais raisonnables (on relève des temps d’attente d’un an dans certaines écoles), c) l’insuffisance de mobilier, d) le bas niveau de l’enseignement et e) un temps d’enseignement effectif faible (le plus bas pour la sous-région, avec 608 heures contre 888 en moyenne), en raison du taux d’absentéisme des enseignants et d’une année scolaire trop courte (commençant tard et se terminant tôt). Sources : Banque Mondiale, 2004a, MEBA, 2006a et MEBA 2006b. 187. Un avantage important attendu de la décentralisation est une disponibilité accrue des ressources à l’échelon local, permettant de réaliser l’objectif d’un enseignement de base gratuit. Même avant l’entrée en vigueur du Code 2004, les communes et acteurs non étatiques (parents, communautés) ont contribué aux ressources dans le secteur de façon croissante. Ces expériences ont mis en évidence le rôle que peuvent jouer les communes, tandis que par le biais d’associations de parents d’élèves et d’écoles 19 Qui, d’après une évaluation indépendante du PDDEB (EME 2006), atteint, dans certains endroits, 200 élèves par classe.

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communautaires, les populations participent de plus en plus (cf. également chapitre 4).Toutefois ces initiatives doivent être considérées comme des réponses ponctuelles à des goulets d’étranglement perçus dans l’utilisation des ressources publiques, et non pas comme une stratégie explicite. Elles ont augmenté les charges financières pour certains acteurs locaux, notamment les parents, qui contribuent en payant des droits de scolarité ou en finançant leurs propres écoles (Encadré 27).

Encadré 27. Le rôle des CT et des acteurs non étatiques dans le financement de l’enseignement primaire

188. L’application du Code 2004 nécessite des réformes structurelles de l’administration centrale et déconcentrée, et la mise en place de moyens innovants pour le renforcement d’initiatives locales, visant à accroître l’accès, les performances et la redevabilité, et la promotion d’initiatives nouvelles. Le présent chapitre passe en revue les trois dimensions principales pour le transfert des compétences et des ressources du ministère aux CT : a) le plan administratif, avec la mise en commun des rôles et des responsabilités dans la prestation de services entre le niveau central, le niveau déconcentré et le niveau communal ; b) le plan financier, avec la mise au point de mécanismes financiers appropriés pour le transfert des ressources à l’échelon local ; et c) le plan des ressources humaines, avec l’établissement des règles pour le transfert de la gestion des enseignants. Il conclut avec des recommandations et des options pour l’application du Code 2004 dans l’éducation primaire.

Le rôle de communes urbaines et rurales, et celui des acteurs non étatiques, dans le financement de l’enseignement primaire, a augmenté le financement local d’écoles primaires publiques, ainsi que le financement privé de services éducatifs du cycle primaire. Financement local d’écoles primaires publiques. L’inefficacité de la répartition et la complexité du système de gestion de la dépense publique ont donné lieu à une augmentation du financement local des services d’enseignement primaire. On relève, à ce propos, qu’au cours de la période 2001–05, près de 21 pour cent des salles de classe construites ont été financées par des organisations non gouvernementales ou des fonds de coopération décentralisés, et 18 à 20 pour cent par des communes urbaines et par la cotisation de parents, par le biais d’Associations des Parents de l’Ecole (APE).

Financement privé de services éducatifs du cycle primaire. De plus en plus souvent, les parents réagissent à la lenteur de l’expansion et à la faible qualité de l’éducation nationale en optant pour des écoles privées ou en fondant eux-mêmes des écoles communautaires. . Depuis 2001, la part du secteur privé est passée de 13,8 pour cent à 18,3 pour cent. Les écoles communautaires ainsi que des centres d’enseignement non officiels, comme les établissements satellites et les Centres d’Education de Base Non Formels à l’échelon du village ont connu une croissance exponentielle : ils compensent la carence en écoles en proposant une scolarité pour les quatre premières années du cycle primaire à des enfants habitant dans des régions défavorisées ou rurales isolées. A l’heure actuelle, ce sont près de 200 000 élèves qui sont inscrits dans des écoles non formelles – et 600 000 en tout au cours de la période 2001-05, avec une participation des filles (57,7 pour cent) supérieure à celle des garçons.

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1) Les défis administratifs

189. La décennie de décentralisation urbaine a permis d’illustrer le rôle positif que peuvent jouer les CT dans l’enseignement primaire, qui devra être renforcé lorsque le Code 2004 sera entré entièrement en vigueur. Les leçons tirées de dix années de décentralisation urbaine au Burkina Faso sont que les communes peuvent avoir un impact positif sur la prestation de services d’enseignement primaire. Jusqu’à présent, l’application du Code 2004 par le biais de transferts en est à ses débuts ; toutefois, les communes urbaines ont déjà fourni leur assistance dans l’éducation à différents niveaux : la construction et l’entretien des constructions scolaires et la gestion d’un certain nombre d’écoles secondaires, y compris le recrutement d’enseignants dans l’enseignement secondaire. Avec le Code 2004, l’enseignement élémentaire (pré primaire et primaire) est défini comme un transfert « prioritaire » aux communes. On a effectué l’inventaire du personnel à affecter, tandis que l’inventaire des équipements à transférer est en cours de finalisation. La situation actuelle 190. Les stratégies sectorielles ont favorisé la déconcentration des décisions et des ressources, et commencent tout juste à se pencher sur la nécessité d’intégrer la décentralisation des mandats essentiels dans un cadre stratégique global. Pour régler la question des goulets d’étranglement institutionnels (identifiés ci-dessus), la Lettre sur la Politique Sectorielle (2001), le Plan Décennal pour le Développement de l’Éducation de Base (PDDEB 2001) et le CSLP 2004 ont identifié successivement la gestion locale comme un composant essentiel de l’optimisation de la gestion des services éducatifs (on trouvera une typologie des modèles de gestion locale dans l’enseignement primaire dans l’Encadré 28). Parmi les mesures prioritaires, on indiquera les suivantes : a) renforcement des capacités a l’échelon déconcentré et aux niveaux de la région et de la province, pour améliorer la capacité de mise en œuvre, l’exécution du budget et le contrôle ; b) renforcement de la responsabilité des associations de parents d’élèves pour une gestion plus transparente ; et c) augmentation de l’autonomie locale (notion qui n’est pas définie plus avant) dans la gestion des dépenses d’exploitation.

Encadré 28. Modèles de gestion locale dans l’enseignement primaire

Les modèles de gestion locale dans le secteur de l’éducation peuvent se présenter sous plusieurs formes, qui mettent en exergue différents degrés d’autonomie locale dans la définition des priorités d’éducation, l’affectation des ressources financières, la gestion des enseignants et le contrôle de l’administration des écoles, ainsi que les résultats dans l’éducation. Dans l’ensemble, on peut regrouper les dispositions pour la décentralisation en quatre catégories principales, qui définissent différents niveau de mise en responsabilité :

• La déconcentration du personnel central dans des antennes ou bureaux locaux • La décentralisation dans les collectivités territoriales • La gestion au niveau de l’école (« school-based management ») dans le cadre de laquelle les

communautés (y compris les parents) et/ou l’administration de l’école planifient et prennent des décisions sur les dépenses pour leurs écoles.

• La gestion par la communauté qui comporte une délégation tacite, aux communautés locales de responsabilités en matière de gestion.

Source : adaptation d’une typologie de Gershberg et Winkler 2003. 191. Depuis la fin des années 1990, les réformes sectorielles ont mis l’accent sur le renforcement de l’octroi d’un pouvoir décisionnel à la périphérie, principalement par le biais d’une déconcentration financière et humaine, et, dans ce processus, le ministère de l’Éducation est bien représenté su le terrain. Le ministère est chargé de l’orientation de la politique et de la définition des standards dans le

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cadre d’un programme unique (PDDEB), de la mise en œuvre des programmes, de l’élaboration de statistiques nationales, du recrutement, et de la gestion du corps enseignant. Sur place, l’administration de l’éducation présente une structure hiérarchique à quatre niveaux pour la prestation de service. À l’échelon régional, 13 DREBA (Directions régionales de l’enseignement de base) assurent la coordination de services d’enseignement primaire, recrutent les enseignants du primaire et les affectent aux différentes régions. Au niveau de la province, 45 DPEBA (Directions provinciales de l’enseignement de base) jouent un rôle de premier plan dans l’administration locale des services d’enseignement primaire (planification, gestion des finances, élaboration de statistiques et gestion pédagogique). À l’échelon local, 322 inspections (Circonscriptions de l’enseignement de base, or CEB), dont les limites géographiques ont tendance à correspondre à celles des anciens départements, et, ainsi, à celles des communes rurales, sont censés constituer le trait d’union entre les DPEBA et les écoles, avec la supervision sur place des activités scolaires, la formation professionnelle des enseignants et directeurs, les inventaires des écoles. Enfin, 5 913 Directeurs sont placés à la tête des écoles publiques. 192. A l’échelon des CT, la capacité de mise en œuvre est très limitée, voire nulle. La capacité de mise en œuvre reste en premier lieu entre les mains du ministère, et en deuxième lieu au niveau des antennes locales (déconcentrées). Les CT sont dépourvues de personnel technique affecté à l’enseignement primaire, sauf dans les plus grandes villes (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso). 193. Jusqu’à présent, on relève également une absence de coordination entre les communes et le Ministère. Jusqu’à présent, la participation des communes est tout à fait séparée de celle du ministère. Ceci est évident par exemple dans le cas de la construction des écoles. Les pratiques appliquées actuellement, par les communes urbaines, dans la construction d’écoles montrent à quel point les CT peuvent jouer un rôle positif, dans la mesure où elles répondent à une demande locale, mais également que, pour la réalisation de ces bénéfices, on doit faire particulièrement attention à la coordination avec le ministère. Une des faiblesses que l’on a signalées, à propos de la construction des écoles par les CT, est l’inobservation de la carte scolaire, élaborée par les DPEBA, mais en général inconnue des CT. Les communes déclarent simplement qu’elles construisent des écoles là où le besoin s’en fait sentir, ce qui démontre que les communes répondent à des besoins au niveau local que l’État n’a pas abordés, ou qu’il n’a peut-être pas identifiés. Toutefois, cette construction anarchique pose, pour le ministère, des problèmes de coordination importants, par exemple la nécessité de fournir des enseignants et autres intrants qui n’étaient pas prévus. Ici, on observe donc que la carence d’informations du local vers le central est aggravée par l’insuffisance des moyens de coordination (Encadré 29). A l’inverse, les expériences réalisées au fil des années par les PNGT ont engendré une approche bien coordonnée avec le MEBA et ses DPEBA. Lorsque des CVGT ont identifié une école comme étant prioritaire pour le financement du PNGT, le projet confirme, par le biais d’un accord écrit avec le DPEBA : a) que l’école fait partie de la carte scolaire ; b) que ni le PDDEB (le projet d’éducation) ni d’autres donateurs éventuels envisagent la construction de cette même école ; et c) que le DPEBA veillera à ce qu’un enseignant soit affecté à cette école lorsque sa construction sera achevée. Dans certaines circonstances exceptionnelles, lorsque cette procédure n’est pas suivie, on remédie généralement à cette défaillance par la tutelle administrative, le plus souvent par le biais de doléances de la communauté adressées directement au haut commissaire.

Encadré 29. Etudes qualitatives : les ouvertures d’écoles se décident de manière ad-hoc

Lorsqu’une commune entreprend la construction d’une école, aucune signature d’une convention ou d’un accord quelconque entre le ministère de l’Éducation et la CT n’est prévue. Ainsi, le Ministère peut très bien ne pas en avoir été informé à temps pour planifier les ressources nécessaires. Le Ministère exige des CT qu’elles sollicitent une autorisation auprès de l’administration (apparemment sans l’intervention ici du préfet) avant la création d’une école. Même lorsqu’une école ne s’inscrit pas dans la carte scolaire (c’est à dire la plupart du temps, dans notre échantillon), le ministère s’efforce, dans la pratique, de s’organiser en vue de l’ouverture de cette école, en donnant son autorisation, ce qui signifie que des enseignants et des

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fournitures scolaires diverses seront bientôt affectées à ce nouvel établissement. Source : Ouedraogo 2007.

Les perspectives pour le transfert aux CT

194. Les stratégies sectorielles récentes, y compris la deuxième phase du PDDEB (en cours de préparation), n’abordent toujours pas de façon intégrale la question de la décentralisation. L’élaboration d’un symposium conjointement avec le MATD au cours du deuxième trimestre 2007 devrait contribuer à la clarification de la stratégie sectorielle pour la décentralisation et la mise en œuvre du Code 2004. 195. En outre, la réforme de la décentralisation devra également être intégrée avec d’autres stratégies sectorielles majeures, par exemple la réforme du cycle d’enseignement primaire. Une réforme sectorielle importante pour la deuxième phase du PDDEB est la décision de porter la durée du cycle primaire à neuf ans (en assurant ainsi la continuité entre le cycle primaire de six ans et le cycle du collège de trois ans). Étant donné que, d’après le Code 2004, l’enseignement pré primaire, primaire et secondaire est censé être du ressort de l’administration communale, il s’agira d’aligner des objectifs administratifs (transfert aux communes de la responsabilité en matière de gestion) avec des stratégies sectorielles (extension du cycle primaire). 196. Les enjeux de la décentralisation administrative sont la spécification du rôle des CT, notamment en relation avec celui des structures déconcentrées, ainsi que la rationalisation et la coordination de leurs interventions respectives. Les compétences générales définies dans le Code 2004 doivent être détaillées par des décrets d’application afin de répondre aux questions clé suivantes : quel sera le rôle des CT dans la construction des écoles, y compris le financement, la gestion des contrats, la passation des marchés, le choix du l’implantation, et le suivi des travaux de construction ? Quel acteur ou niveau sera appelé, en premier lieu, à assurer les fonctions de planification ? En outre, étant donné que les bureaux déconcentrés du ministère de l’Éducation sont actuellement les principaux acteurs pour la prestation des services de proximité, les options pour la transition vers un plus grand contrôle des CT sur le secteur, dépendront probablement de la stratégie et du calendrier pour la décentralisation des compétences, et de la capacité actuelle des bureaux déconcentrés (DPEBA et CEB) chargés de l’enseignement primaire.

2) Les défis financiers

197. Pour le moment, l’administration centrale du Ministère assure toujours la gestion de l’allocation des ressources, mais il a augmenté la déconcentration de l’exécution du budget à ses antennes locales. Depuis 1999, la direction des finances au sein du ministère de l’Éducation, assurant le contrôle de l’affectation des ressources, a délégué une partie de l’exécution du budget récurrent à ses bureaux déconcentrés, bien que ces derniers disposent d’une autonomie limitée dans leurs décisions d’allocation aux niveaux inférieurs. Cependant, à partir de 2005, la responsabilité pour l’exécution du budget a été déconcentrée à un échelon inférieur, de l’échelon régional (DREBA) à celui de la province (DPEBA). Les réformes reconnaissent également la nécessité d’une vision ascendante pour l’identification des problèmes scolaires, en développant une capacité statistique et des mécanismes de planification aux échelons déconcentrés (Tableau 10).

Tableau 10. Gestion des finances et des ressources humaines au Ministère de l’Éducation

Autorité Planification du budget Exécution du budget

Gestion du personnel

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Ministère des Finances (MFB)

Allocations budgétaires finales

Salaires Frais récurrent : budget d’exploitation des structures MEBA

Création des postes budgétaires et paye

Ministère de la Fonction Publique (MFPRE)

Gestion de la carrière (y compris. reclassements) (MFPRE)

Ministère de l’Éducation

(MEBA)

Proposition de budget

Programmes d’investissement (construction), mobilier, maintenance

Gestion de la carrière (y compris. avancements),

sanctions, transferts

13 DREBA (régions)

Planification intra régionale

Budgets-programmes

Recrutement, affectation

45 DPEBA (provinces)

Planification intra provinciale (plans d’action)

Budgets-programmes

Dépenses récurrentes : Crédits Délégués (fournitures pour élèves et enseignants, livres scolaires, examens, etc.)

322 CEB (départements et

communes)

Formation continue et contrôle

Écoles primaires publiques

Dépenses récurrentes : Fonds écoles (fournitures scolaires) (20 provinces)

198. Bien que le processus de la déconcentration ait augmenté les taux d’exécution globaux au sein du MEBA,20 des difficultés dans la mise en œuvre sont attribuables à des goulets d’étranglement le long de la chaîne de la prestation de services. Au centre, les goulets d’étranglement se situent au niveau de l’évaluation des besoins et l’envoi de ressources aux directions déconcentrées en temps opportun, ainsi que dans l’exécution des programmes d’investissement. A l’échelon déconcentré, les goulets d’étranglement se situent au niveau de la planification et de l’affectation des ressources matérielles. Des mesures ont été envisagées pour résoudre ces problèmes critiques.

Le budget d’investissement

199. La situation actuelle. Les budgets pour les investissements pour la construction des écoles sont centralisés – aussi bien en ce qui concerne le budget national que en ce qui concerne les ressources de financement externes ; toutefois les directions provinciales du ministère assurent la planification et la direction de l’exécution des programmes. Les DPEBA établissent la carte scolaire ainsi qu’un plan d’investissement triennal21, et dirigent l’exécution ; la direction financière centrale du ministère de l’Éducation verse les fonds et surveille l’exécution des contrats. Les quatre lacunes signalées fréquemment pour l’exécution sont les suivantes : a) la faible fiabilité des données provenant du niveau inférieur (CEB) ; b) la capacité insuffisante pour l’élaboration de la carte scolaire ; c) la transmission tardive des informations sur les enveloppes budgétaires, qui nuit à l’élaboration des plans d’action ; et d) une capacité de mise en œuvre insuffisante (accentuée par la lourdeur des modalités de passation de marchés), qui se traduit par des retards dans l’exécution du projet, ou par l’inexécution du projet.

20 Banque mondiale 2005. 21 Auquel sont joints des plans d’action annuels (PAP). Les décisions budgétaires finales sont centralisées.

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200. Pour accélérer la construction de salles de classe, le MEBA a déjà testé la délégation de fonds d’investissement. Les fonds ont été transférés à une agence d’exécution, ainsi qu’à des organisations non gouvernementales sur place, qui ont construit des centaines d’écoles depuis 2005. Ce système, dans le cadre duquel des organisations non gouvernementales assurent l’exécution tandis que le ministère conserve des fonctions de planification et de contrôle, encourage le processus de la décentralisation financière aux CT. 201. Les perspectives de transfert aux CT. Pour le transfert des compétences relatives à la construction d’écoles, les CT doivent recevoir un financement approprié. Les leçons du passé permettent d’affirmer que les communes jouent parfois un rôle significatif dans la construction des écoles, mais que des contraintes financières limitent leur participation. De 2001 à 2005, des communes urbaines ont contribué à la construction de salles de classe, contribution qui représente (conjointement avec celle des parents) parfois jusqu’à 20 pour cent de toutes les salles de classe construites. Bien que les communes urbaines aient maintenu régulièrement leurs activités de construction au cours de cette période, leur rôle est tributaire des financements extérieurs (Encadré 30).

Encadré 30. Etudes qualitatives : construction d’écoles dans les communes urbaines

Dans l’échantillon utilisé pour l’enquête, sept communes urbaines sur huit ont construit des écoles ou des salles de classe au cours des cinq dernières années. La huitième commune urbaine a procédé à des travaux d’entretien dans 15 salles de classe (Gorom-Gorom). Dans deux de ces communes urbaines, la construction n’était pas conforme aux priorités prévues dans les plans de développement locaux, et dans toutes les cinq, la procédure était pilotée par les bailleurs de fonds. Les travaux de construction ont été réalisés avec l’assistance financière de fonds d’investissement communaux (FODECOL, FICOD), de bailleurs externes ou de la coopération décentralisée (à l’exception de la commune de Bittou, qui a construit quelques salles de classe sur fonds propres). Ces fonds n’ont pas été inscrits au budget de la commune, comme cela est souvent le cas pour le financement extérieur, notamment lorsqu’il n’est pas géré directement par la CT. Les fonctions de passation de marchés étaient assurées par les communes, mais pour les autres étapes, une assistance technique externe était nécessaire. Source : Ouedraogo 2007

202. Le processus de la décentralisation des fonds d’investissement, au sein du ministère de l’Éducation est planifié pour l’exercice 2008–09, conformément au calendrier du CSMOD. Les questions techniques qui seront soulevées seront l’envergure de ces transferts et le choix des instruments financiers (se reporter aux recommandations ci-après). 203. Parallèlement, les CT auront besoin d’une assistance technique. L’expérience de la construction des écoles à l’échelon communal a démontré que non seulement la capacité de financement mais aussi les capacités de programmation et d’exécution des investissements sont encore faibles, à l’exception des deux villes les plus grandes, qui disposent de ressources suffisantes et d’un service d’assistance compétent pour l’éducation. Comme le démontrent nos enquêtes qualitatives (Encadré 31), bien que la construction de salles de classe et la normalisation des écoles communautaires soient au cœur même des priorités des communes (comme le reflètent la plupart des plans de développement locaux), le processus reste, dans une grande mesure, tributaire de l’assistance technique des bailleurs de fond.

Le budget récurrent

204. La situation actuelle. En ce qui concerne les dépenses récurrentes, les écoles individuelles ne jouissent d’aucune latitude pour la gestion des ressources nécessaires pour leur fonctionnement. A l’heure actuelle, les écoles reçoivent des biens et des services par le biais des directions déconcentrées. Le système assure la déconcentration des dépenses opérationnelles au DPEBA à travers des Crédits Délégués, mais la déconcentration, elle, est limitée sous plusieurs autres aspects.

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• Elle ne représente qu’une petite partie des dépenses (5 pour cent du budget total du ministère de l’Éducation en 200622) pour les fournitures pédagogiques et scolaires, tandis que la gestion des dépenses relatives à l’équipement, l’entretien, voire les budgets d’exploitation de bureaux déconcentrés, est centralisée.23

• Elle n’est pas prévisible d’une année à l’autre (Figure 8). • L’exécution a lieu principalement au centre, la passation de marchés restant centralisée pour des

raisons d’économies d’échelle ou du fait de la faible disponibilité en matériel et prestataires de services à la périphérie (la généralisation des achats centralisés explique la diminution de 39 pour cent des crédits délégués entre 2005 et 2006).

• Les DPEBA ne jouissent d’aucune autonomie dans les décisions sur les critères de répartition des ressources, et ne peuvent réaffecter entre différentes lignes budgétaires.24

Figure 8: Crédits délégués, budget récurrent, MEBA (2000-2006)

0.00%

10.00%

20.00%

30.00%

40.00%

50.00%

60.00%

70.00%

80.00%

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

y e a r

Credit s Delegues (% t ot al recurrent budget )

Source : Premier ministère, Etude sur la délégation de crédits au niveau périphérique, modalité de mise en œuvre du dispositif de délégation des crédits au niveau local, Novembre 2006. 205. En dépit de l’augmentation du financement au niveau local, la déconcentration du budget opérationnel n’est ni suffisante ni suffisamment efficace pour répondre aux besoins. Les produits et les services fournis aux échelons déconcentrés ne parviennent pas toujours aux écoles en quantité suffisante ou en temps opportun : ceci s’explique souvent par des goulets d’étranglement aux différents échelons de la chaîne de prestation des services, y compris a) le versement tardif des crédits délégués aux bureaux déconcentrés ou des dotations matérielles insuffisantes aux DPEBA ; b) les difficultés de livraison des ressources depuis les bureaux déconcentrés vers les écoles (difficultés de transport) ; et c) problèmes au niveau de l’école (carence en mobilier de rangement etc.). En conséquence, les parents et les CT doivent compenser par un financement ad hoc de différentes fournitures scolaires (Encadré 31). La participation

22 Conformément à l’évaluation intermédiaire du PDDEB (EME 2006). 23 Le mobilier et l’entretien des installations font partie du budget d’investissement, et ne sont pas inclus pour l’instant dans les crédits délégués. Ils sont alloués en fonction de la demande à l’échelon local. Les meubles sont envoyés directement du centre aux écoles, tandis que l’entretien est effectué par des techniciens à l’échelon du DPEBA. 24 Ils peuvent demander ponctuellement, à l’administration centrale, une réallocation en cours d’année scolaire.

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des CT aux dépenses récurrentes hors solde pour les écoles primaires est limitée à une participation irrégulière aux dépenses encourues à l’échelon de l’école ou des directions déconcentrées.

Encadré 31. Etudes qualitatives : le rôle des communes dans les dépenses de fonctionnement

Source : Ouedraogo 2007. 206. Pour résoudre le problème des goulets d’étranglement, le ministère a piloté le transfert direct de ressources aux écoles (gestion au niveau de l’école ou school-based management). L’initiative Fonds École, pilotée dans cinq provinces au cours de l’année 2004–05, a transféré des fonds directement aux écoles pour l’achat de fournitures scolaires. Cette initiative de gestion au niveau de l’école, une des premières (Encadré 32), présente deux avantages principaux. En premier lieu, elle assure le financement de fournitures qui n’étaient généralement pas suffisamment financées par l’État, et qui, par conséquent, étaient généralement payées par les parents (cf. chapitre 4). Deuxièmement, elle est mise en œuvre et contrôlée par les administrations (CEB, DPEBA) qui sont aussi chargées de l’attribution du Fonds25, et du contrôle. Bien qu’il se soit agi, dans l’ensemble, d’une expérience réussie, sa mise en œuvre a révélé, dans certains cas, la persistance des difficultés éprouvées dans la fourniture des ressources au niveau de l’école, certaines des DPEBA ou CEB dépensant les fonds au lieu de les transférer aux écoles. Devant la réussite globale de cette initiative, le ministère a étendu cette expérience, qui est en vigueur dans 20 provinces en 2007.

25 Les fonds sont alloués à travers des banques commerciales jusqu’à l’échelon de la province (DPEBA), puis distribués physiquement aux écoles par le CEB.

Les communes de notre échantillon ont acheté des bancs et des fournitures scolaires, et assuré une participation ponctuelle au financement des frais d’entretien. Certaines communes urbaines accordent des bourses aux enfants de familles pauvres ou aux orphelins. Elles ne visitent les écoles qu’en début et en fin d’année scolaire. Certaines d’entre elles ont donné des fournitures au CEB, et ont contribué au financement de certaines activités des CEB, par exemple l’organisation d’examens ou des cérémonies de distribution des prix aux écoliers.

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Encadré 32. School-Based Management (la gestion au niveau des écoles) School-based management : qu’est-ce que c’est ? le School-based management (SBM), ou gestion au niveau des écoles, représente la décentralisation de la gestion jusqu’au niveau de l’école. Les responsabilités et les décisions passent aux directeurs, aux enseignants, aux parents et, dans certains cas, aux écoliers, ainsi qu’à d’autres membres de la communauté scolaire. De leur côté, les acteurs au niveau de l’école doivent se conformer à un ensemble de politiques définies centralement, ou exercer leurs activités dans le cadre de ces dernières. • Les programmes de school-based management revêtent différentes formes, tant selon la nature des décideurs publics

que sur le degré de délégation de la prise de décision au niveau de l’école. Tandis que certains programmes transfèrent des pouvoirs aux directeurs ou au corps enseignant seulement, d’autres encouragent ou instituent la participation des parents et de la communauté, souvent dans le cadre de comités d’école (appelés parfois conseils d’école).

• En général, les programmes de school-based management délèguent des pouvoirs pour une ou plusieurs des activités suivantes : allocation des budgets, recrutement et licenciement d’enseignants et des autres personnels scolaires, mise au point du programme scolaire, approvisionnement en livres et fournitures scolaires diverses, aménagement de l’infrastructure, établissement de l’emploi du temps et du calendrier en fonction de besoins spécifiques de la communauté locale, et contrôle et évaluation de la performance des enseignants et des résultats des élèves. Les programmes de school-based management comprennent également des plans de développement de l’école, des bourses scolaires, parfois également la communication des résultats de l’enseignement.

• Les objectifs du programme varient, mais ils comprennent généralement : a) une participation majeure des parents et des communautés dans les écoles, b) la responsabilisation des directeurs et des enseignants, c) la constitution de compétences à l’échelon local, et point peut-être le plus important d) le renforcement de la qualité et de l’efficacité de l’enseignement scolaire, en rehaussant ainsi les résultats obtenus par les écoliers.

Pourquoi est-ce important ? Ceux qui préconisent les programmes de school-based management affirment qu’ils devraient se traduire par un renforcement des résultats a l’école, et ceci pour un certain nombre de raisons. Premièrement, cette approche responsabilise davantage les directeurs et les enseignants vis à vis des écoliers, des parents et des enseignants. Deuxièmement, elle permet à des décideurs publics locaux de déterminer l’allocation d’intrants et les politiques adaptées à la réalité et aux exigences du terrain.

Quel est l’impact? L’évaluation de programmes de School-Based Management produit des résultats variés :

• Au Salvador, le programme Educo confère à des associations de parents la responsabilité d’embaucher, de contrôler et de licencier les enseignants. En outre, les parents ont également reçu une formation en gestion de l’école, et dans l’assistance aux élèves dans leur travail scolaire. En dépit de l’expansion rapide des écoles Educo, la qualité de l’enseignement y était déjà comparable à celle des écoles traditionnelles. La participation des parents était considérée comme la principale raison de ce succès d’Educo (Jimenez and Sawada 1999).

• Au Nicaragua, le programme des écoles autonomes donne à des conseils d’établissement - composés d’enseignants, d’écoliers et de parents avec une majorité des voix pour ces derniers – le pouvoir de déterminer l’affectation de l’intégralité des ressources et d’embaucher et licencier les directeurs, un privilège dont jouissent bien peu d’établissements scolaires en Amérique Latine. Deux évaluations ont déterminé que l’ampleur des décisions prises au niveau de l’école ont contribué à de meilleurs résultats aux examens (King et Ozler 1998 ; Ozler 2001).

• Au Mexique, le programme d’éducation compensatoire accorde des ressources supplémentaires à des écoles primaires situées dans des zones rurales désavantagées et à toutes les écoles indigènes, en élargissant ainsi l’accès à l’enseignement. Le programme compensatoire comprend plusieurs composants. Si l’on décompose l’intervention dans ses différents éléments constituants, on relève que la responsabilisation des associations de parents d’élèves semble avoir un effet substantiel dans l’amélioration des résultats, même en tenant compte de la présence de beaucoup de familles bénéficiaires du grand programme d’allocation conditionnelle de fonds (Oportunidades, appelé auparavant Progresa), connaissant un grand succès au Mexique.

Il s’agit d’une bonne indication des effets positifs de l’éducation décentralisée aux échelons inférieurs (Gertler, Patrinos et Rubio prochainement). Différentes évaluations de programmes de gestion au niveau des écoles aux États-Unis ont révélé une diminution du taux d’abandon des études et de renvoi des élèves, mais pas d’impact des programmes sur les résultats aux examens.

Source : http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/TOPICS/EXTEDUCATION. 207. La perspective des transferts aux CT. Si les CTs entendent être responsables de la gestion des écoles, elles doivent être en mesure de gérer une part considérable du budget récurrent. Le transfert du budget récurrent aux CT devrait présenter d’importants avantages, y compris la possibilité de réaffecter des fonds entre des écoles et différentes rubriques budgétaires. 208. En outre, ceci peut être facilement effectué à court terme, étant donné que les crédits délégués peuvent être identifiés géographiquement. Le processus de planification participatif et de budgétisation

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dans le secteur, à l’heure actuelle, constitue la base de l’identification des ressources requises géographiquement (par région, par province) pour toutes les rubriques des budgets (construction d’écoles, notamment avec les plans triennaux du DPEBA). Toutefois, comme cela est décrit dans l’Encadré 33, la déconcentration est limitée dans la mesure où l’harmonisation entre, d’une part, la planification et les décisions budgétaires finales et, d’autre part, les budgets finaux et la gestion des résultats au niveau déconcentré, sont insuffisantes, étant donné que les acteurs au niveau déconcentré ne connaissent les appropriations budgétaires finales que pour les crédits délégués (dépenses récurrentes).

Encadré 33. Élaboration et gestion du budget : identification des ressources à transférer aux communes

Bien que la planification et la budgétisation aient été sensiblement déconcentrées, ces deux activités n’ont pas été suffisamment harmonisées. Les DPEBA et les DREBA préparent des budgets pour les investissements et les dépenses récurrentes dans leur juridiction. On relève toutefois une harmonisation insuffisante entre d’une part les travaux de planification et les décisions finales pour le budget et, d’autre part, les budgets finaux et la gestion des performances, les acteurs au niveau déconcentré n’étant au courant des appropriations du budget final qu’en ce qui concerne les Crédits Délégués (dépenses récurrentes). Pour le budget des investissements, les DPEBA procèdent à une planification triennale dans le contexte de la mise en œuvre du PDDEB et du cadre des dépenses à moyen terme. Toutefois, les activités de planification au niveau déconcentré et de budgétisation sont effectuées de façon trop indépendante, sans communication croisée. En ce qui concerne les dépenses récurrentes hors solde, les critères d’affectation des crédits délégués reposent sur des statistiques scolaires recueillies par des DPEBA. Pour ce qui est de l’entretien des installations ou du mobilier, dans le cadre du budget d’investissement (titre V), les affectations reposent sur des demandes locales (des DPEBA) au cours de l’année scolaire. Enfin, pour les budgets-programmes, également déconcentrés et qui constituent la base d’une gestion par la performance au niveau local, il n’existe aucune ventilation géographique des programmes budgétaires finaux (Banque mondiale 2005).

209. Il est nécessaire d’intégrer les réformes de School-Based Management (gestion au niveau des écoles) dans le cadre de la délégation aux communes. Les stratégies sectorielles favorisent également les transferts directs du budget récurrent aux établissements scolaires, comme l’illustre le Fonds École (cf. paragraphe 206 ci-dessus). La nécessité d’intégrer ces initiatives dans le cadre de la mise en œuvre de la décentralisation est démontrée par l’exemple de la gestion des écoles secondaires. 210. La gestion des écoles secondaires communales démontre que la délégation officielle des responsabilités de gestion aux CT peut être efficace. Dans toutes les communes urbaines, les communes ont la responsabilité de la gestion d’un lycée communal, et se chargent de l’approvisionnement en fournitures scolaires, de l’entretien et du salaire du personnel (des vacataires, en partie, et des employés intérimaires de la municipalité, entièrement). Ce système est cofinancé et co-administré avec les associations de parents d’élèves locales ; dans les écoles secondaires d’État et communales, les contributions des parents représentent une partie importante du financement des dépenses opérationnelles. Cette expérience s’avère efficace dans la mesure où a) il existe un mécanisme bien défini de délégation entre l’État et les CT, par le biais d’une convention précisant le rôle et les responsabilités, et b) les CT ont organisé la mobilisation et la contribution des parents (une partie des contributions financières des parents sont reversées au le budget de la commune, qui gère les fonds). Toutefois, la mise en œuvre récente des transferts directs aux écoles secondaires pose la question du rôle futur des CT dans la gestion des écoles et de leur budget récurrent. Les crédits délégués, ainsi que les transferts directs à des établissements sous forme de transferts directs par tête, ont été récemment mis en œuvre au niveau secondaire (Encadré 34). Ce système offre un meilleur contrôle des contributions de l’État et des parents – versées, dans les deux cas, sur un compte local spécial26— ainsi que des mesures pour rendre les budgets plus participatifs, mais 26 Les contributions des parents, autrefois une importante source de finances pour les écoles secondaires (droits d’inscription annuels, et contributions ponctuelles aux associations de parents d’élèves) ne pouvaient pas être

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il exclut les communes de ce nouveau cadre de gestion des dépenses.

Encadré 34. Subventions par tête dans les écoles secondaires

Le ministère de l’Éducation Secondaire et Supérieure et de la Recherche Scientifique (MESSRS) a mis en place des subventions par tête pour toutes les écoles secondaires publiques et les collèges techniques, pour l’année 2005—06. Ces allocations peuvent être utilisées pour financer des dépenses récurrentes, y compris les salaires des vacataires. Ce système est plus proche du modèle de School-based management (cf. Encadré 32) que du Fonds École, car les écoles individuelles reçoivent un financement direct mais aussi participent à la planification budgétaire (parents et administration). Ce fonds, affecté à un compte spécial au ministère des finances, est exécuté par l’administration scolaire (directeur/proviseur) et géré par un comptable spécial. Il permet également de contrôler la contribution des parents (frais de scolarité, maintenus à court terme), déposée sur le même compte spécial. Il n’y a toutefois aucun mécanisme prévu pour tenir compte de l’apport financier de la commune, ni pour augmenter sa capacité de contrôle dans ce contexte.

3) Les problèmes de gestion des ressources humaines

La situation actuelle 211. Les enseignants sont embauchés au titre de différents statuts, parmi lesquels on indiquera les suivants : a) enseignants fonctionnaires recrutés par l’État ; b) enseignants sous contrat, pouvant être embauchés par l’État, par le secteur privé ou par les CT.27. Il existe également des enseignants communautaires, embauchés uniquement dans le cadre des école informelles (cf. chapitre 4). 212. Toutes les nouvelles recrues engagées par le ministère de l’Éducation sont désormais des enseignants contractuels, ce qui représente des avantages importants sur le plan de la flexibilité de la gestion. L’introduction d’une catégorie de personnel contractuel a engendré les réformes suivantes : a) recrutement ouvert ; b) recrutement à l’échelon régional d’enseignants contractuels d’État à partir de 2003 ; c) régionalisation des affectations et mutations ; et (d) situation contractuelle flexible (flexibilité majeure pour l’allocation ou le licenciement du personnel). Parallèlement, le statut actuel du personnel contractuel apporte également les avantages suivants pour les particuliers : a) le personnel contractuel bénéficie d’un plan de carrière complet, comportant un grand nombre des avantages dont bénéficient les fonctionnaires ; b) salaire plus élevé que celui des fonctionnaires (de l’ordre de 20 pour cent, pour un nouvel employé) ; et c) possibilité d’avancement dans la fonction publique moyennant un examen d’entrée. 213. La déconcentration du recrutement et des affectations à l’échelon régional représente un véritable progrès. La régionalisation du recrutement d’enseignants contractuels en 2003 a représenté un tournant pour la réforme du système fortement centralisé de gestion des ressources humaines, qui engendre typiquement plusieurs problèmes dans la planification, l’allocation, le contrôle et la gestion des enseignants (Encadré 35). Elle constitue une réforme de grande envergure pour résoudre le problème contrôlées par le ministère (y compris dans les écoles communales, où elles étaient en partie affectées au budget de la commune). 27 En 1998, on a institué une politique pour augmenter l’accès en introduisant la possibilité d’embaucher des enseignants disposant seulement d’un niveau d’instruction minimum. Cette politique fut révisée en 2001, avec la création d’une formation professionnelle minimale d’un an pour le personnel enseignant, afin de maintenir la qualité du système d’enseignement. La répartition actuelle des enseignants dans le secteur primaire – à l’exclusion des enseignants communautaires - est la suivante : 63 pour cent de fonctionnaires avec une formation de deux ans ; 27 pour cent de contractuels avec une formation d’un an ; 20 pour cent de personnel contractuel sans formation professionnelle (2005).

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d’une distribution géographique déséquilibrée des enseignants (les résultats de notre étude qualitative font état d’un excédent d’enseignants dans les communes urbaines et dans les plus grandes communes rurales, plus attrayantes pour les candidats28). Les recrutements sont centralisés par le ministère de l’Éducation au profit des régions, qui recrutent et affectent les enseignants : les candidats qui sont admis au concours dans l’un des cinq établissements de formation professionnelle (ENEP) postulent pour un poste dans un des 13 régions de leur choix. En outre, les contrats sont liés à la zone régionale dans la mesure où seules les mutations intra régionales sont, théoriquement, admises.29 La régionalisation a contribué à la réduction des inégalités entre les régions et au sein de celles-ci. Les problèmes d’affectation subsistent toutefois en raison de la persistance de distorsions typiques dans la mise en œuvre : les décisions d’affectation finales ne sont pas toujours respectées (négociation, refus) et les procédures centralisées retardent le recrutement et l’arrivée à l’établissement des nouvelles recrues.

Encadré 35. Planification et contrôle du corps enseignant

Les fonctions de planification et de contrôle sont faibles. Compte tenu de la forte centralisation de la gestion des ressources humaines dans l’administration publique, ni la direction centrale chargée des ressources humaines ni les bureaux déconcentrés ne sont en mesure de dénombrer clairement les effectifs d’enseignants actuels, ni de savoir si leur répartition répond aux besoins des écoles. L’informatisation des fichiers du personnel n’a pas encore été étendue aux échelons déconcentrés ; des données précises sur les nouvelles recrues ne sont disponibles qu’à l’échelon central seulement. En outre, la centralisation au niveau du ministère des Finances est une des raisons expliquant le retard dans le versement des salaires, en dépit de certains progrès (réduction du retard de 6/8 mois à 2/3 mois).

Source : Evaluation intermédiaire du PDDEB, EME 2006. 214. Les règles qui régissent la fonction publique perpétuent la centralisation de la plupart des décisions à l’échelon du Ministère de la Fonction Publique, ce qui rend difficile la mise en responsabilité des enseignants en poste et se traduit par un faible contrôle des affectations et de la conduite des enseignants en classe. En dépit de la régionalisation officielle des affectations, des particuliers « pistonnés » ne souhaitant pas être mutés hors de la capitale ou des grandes agglomérations sont toujours en mesure de sélectionner leur affectation. En outre, l’absence de mécanismes de mise en responsabilité à l’échelon local (contrôle, sanctions), aggravée par les faibles moyens de contrôle des inspecteurs (niveau CEB) constitue un obstacle à un contrôle suffisant des enseignants. De ce fait, on n’est toujours pas en mesure de contrôler la conduite et la présence au poste de l’enseignant, bien que l’absentéisme des enseignants soit également attribuable aux distorsions engendrées par la centralisation des fonctions de gestion des ressources humaines (Encadré 36).

Encadré 36. Raisons principales de l’absentéisme des enseignants selon les Etudes qualitatives

Le fort niveau d’ absentéisme au Burkina Faso est dû, en grande partie, a) aux déplacements du personnel au cours de l’année scolaire b) au fait que les enseignants ont un autre emploi (phénomène pouvant être rattaché au niveau des salaires ou au retard dans le paiement de ces salaires), et c) au déplacements des enseignants dans une grande agglomération ou dans la capitale pour percevoir leur salaire (à Ouagadougou pour le premier mois de salaire, dans une région ou, au mieux, une province pour les versements mensuels suivants) et pour régler certaines questions administratives (gestion de carrière etc.)

Source : Ouedraogo 2007. 28 Dans la plupart des communes urbaines de l’échantillon, il y a sept enseignants pour six classes, sans compter le directeur (comme à Dori, à Bittou et à Diapaga), parfois plus (douze enseignants pour sept classes à Hounde). On retrouve ce phénomène également dans les grandes communes rurales de notre échantillon (de un à trois enseignants en excédent à Beguedo, à Kumbia et à Sederadougou) (Ouedraogo 2007). 29 Pour tenir compte de la mobilité interrégionale du personnel, relativement à la nécessité du maintien d’une distribution équilibrée entre les régions, le Ministère examine une réforme qui permettra la mutation du personnel entre les régions.

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Les perspectives pour les transferts aux CT 215. Conformément au Code 2004 et aux récentes décisions concernant son application, les effectifs actuels d’enseignants seront mis a disposition des CT, tandis que les nouvelles recrues seront embauchées directement à l’échelon des CT. Les effectifs actuels d’enseignants seront mis à disposition plutôt que transférés aux CT, ce qui réduit l’opportunité d’améliorer significativement le contrôle direct du personnel à l’échelon local via la décentralisation. La mise à disposition du personnel confère aux CT une autorité insuffisante pour optimiser la redevabilité des personnels, les décisions relatives à l’avancement, aux contrôles et aux sanctions restant des décisions centrales. Toutefois, cette opportunité peut se concrétiser en partie par la mise en œuvre d’une déconcentration des questions relatives à la gestion de carrière, aux salaires et au contrôle, tout au moins pour les enseignants contractuels. Néanmoins, un transfert intégral du personnel aux CT serait possible, et ne devrait pas être une tâche techniquement difficile, tout au moins pour les enseignants contractuels.30 216. Les règles relatives au recrutement et au maintien du corps enseignant à l’échelon des CT doivent être examinées en détail. Citons, à titre d’exemple, le cas des enseignants communaux sous contrat pour l’éducation secondaire. A l’échelon des CT, le recrutement et la gestion du personnel sont effectués dans le cadre de l’éducation secondaire seulement : dans les écoles secondaires communales, les CT pallient l’insuffisance en enseignants en recrutant principalement des vacataires31 (temporaires), ainsi que du personnel communal sous contrat. Les enseignants communaux sous contrat constituent une minorité d’enseignants du cycle secondaire, qui sont recrutés, payés et administrés par la commune. Les enseignants ne sont guère incités à adhérer à cette catégorie de personnel, car ils sont alors embauchés et astreints à un statut de personnel communal, sans mobilité géographique ou vers d’autres catégories de personnel d’enseignement.

4) Recommandations pour la décentralisation de l’éducation primaire

217. La mise en œuvre du Code 2004 doit être conçue de sorte que les transferts au CT renforcent l’efficacité allocative dans la prestation de services, et le pouvoir des communes au chapitre de la gestion de leurs écoles. La mise en œuvre du Code 2004 modifiera sensiblement les rapports de responsabilité entre l’État et les écoles, en affectant certaines fonctions administratives à un échelon inférieur à celui de l’État central et de ses bureaux décentralisés sur place aux CT et en donnant un rôle majeur aux communes dans l’identification des problèmes des écoles et l’établissement des priorités de l’éducation.

30 Le statut contractuel du personnel prévoit le transfert des enseignants directement aux CT, alors que pour les fonctionnaires devant être mutés aux CT, ils devront être détachés au cas par cas. 31 Les vacataires sont des enseignants fonctionnaires ou contractuels actuellement en service dans une autre école (publique ou privée), qui enseignent ponctuellement au cours moyen ou à l’école secondaire de la commune. Ils sont recrutés au niveau de l’école et sont rémunérés par les parents/CT pour ces heures supplémentaires ; ils restent sous le contrôle du ministère de l’Éducation et du Statut de la fonction publique.

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218. La décentralisation peut également renforcer le pouvoir des parents et des écoles. En particulier, la décentralisation peut être alliée avec succès à des initiatives de school-based management (gestion au niveau de l’école). Les CT sont en mesure de renforcer le rôle des parents et des écoles a) en assurant que les associations de parents d’élèves et la direction des écoles sont fonctionnels ; b) en supervisant la distribution de subventions aux écoles ; et c) en contrôlant la gestion financière et ses résultats. A cet égard, la décision de la mise en œuvre de l’initiative Fonds École devrait être une opportunité de mettre en place conjointement une plus grande autonomie des écoles et la décentralisation vers les communes. 219. L’exemple du Rwanda démontre que les réformes de la décentralisation doivent permettre la mise en place d’un système fonctionnel de mise en responsabilité, par la mise en œuvre d’un cadre complet de décentralisation. A la suite des réformes territoriales de 2005, le Rwanda a établi une réforme de décentralisation de grande envergure, dans le cadre de laquelle les collectivités locales (districts) jouissent de pouvoirs décisionnels sur des dépenses récurrentes, y compris la solde, ainsi que sur des prestataires (les enseignants) auxquels ils peuvent demander des comptes dans l’exercice de leurs fonctions. Pour promouvoir l’octroi d’une voix et d’un pouvoir au client, on allie avec succès la décentralisation à la gestion au niveau de l’école (school-based management), et des mécanismes ont été mis en place pour la participation des collectivités locales à la planification locale et à la transmission d’informations au ministère (Encadré 37). Recommandation nº 1. Clarifier les mandats et le personnel devant être décentralisé aux CT. 220. Pour la construction d’écoles primaires, et pour la gestion des écoles, il est recommandé de décider quels mandats et quels personnels resteront du ressort du Ministère et de son administration, et quels services et bureaux déconcentrés doivent être délégués (et plus tard pleinement transférés) à l’échelon communal. La première condition préalable à une décentralisation réussie est la définition claire des rôles et des responsabilités. La dévolution des compétences doit être regardée en détail pour chaque fonction déléguée aux CT.

• Pour la construction d’écoles, la difficulté technique de la gestion de l’intégralité de la planification et de l’exécution justifie la décentralisation progressive de cette responsabilité, avec une délégation graduelle, aux échelons inférieurs, du budget et de la responsabilité, et une assistance technique continue, qui pourrait être assurée à l’échelon de la DPEBA. L’entretien des bâtiments, moins tributaire de connaissances techniques que de la proximité, pourrait être entièrement transféré, à court terme, aux CT.

• Pour la gestion des écoles, les CT peuvent être directement responsables de la prestation du service, ou bien leur intervention peut être concentrée sur des fonctions de contrôle ou de supervision (y compris la supervision de la distribution des entrants au niveau de l’école - livres etc. -, des associations de parents d’élèves locales et comités de parents, ou de la gestion financière au niveau de l’école).

• Pour la gestion des enseignants, les CT devraient être en mesure d’exercer des fonctions de supervision (présence et comportement des enseignants en classe) pour toutes les catégories d’enseignants, même si elles ne contrôlent pas toutes les autres étapes de la gestion des ressources humaines.

• Enfin, la gestion des performances des écoles (conseils pédagogiques et contrôle) et l’évaluation des performances du personnel, devant être effectuées par des membres expérimentés et spécialisés du personnel, ces fonctions peuvent être décentralisées aux CT, même à court terme, si elles disposent d’un personnel adéquat.

221. La révision des rôles et des responsabilités affectera en premier lieu les mandats et les

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structures du ministère. Au fur et à mesure de la délégation des compétences, le gouvernement central évoluera vers des fonctions de définition des politiques, de définition des standards et de coordination du processus de délégation. 222. Le Ministère devra prendre une décision stratégique quant au rôle des services déconcentrés dans le contexte de la décentralisation. Pour assister les CT dans la gestion des écoles, la capacité de contrôle pourrait être appliquée à l’échelon local (CT ou CEB) et non pas à l’échelon intermédiaire. Pour assister les communes dans leur rôle de construction de salles de classe ou d’écoles, des fonctions stratégiques (planification, suivi et évaluation, supervision technique) pourraient être renforcées en amont (DPEBA) pour optimiser la coordination et le contrôle. 223. Il semble évident que le transfert de structures aux CT soit l’option optimale, même si à court et à moyen terme les règles pour la décentralisation des ressources humaines maintiennent le personnel mis a disposition sous la responsabilité du centre. La CEB devrait être transférée aux communes afin de constituer une capacité de contrôle directement au niveau local et éviter les redondances, d’autant plus que les limites territoriales des CTs et des CEB coïncident pratiquement. Ce transfert offrirait aux communes la capacité de gestion des informations et des statistiques de base sur les écoles, et un contrôle administratif et pédagogique sur les écoles individuelles et leurs associations de parents d’élèves. A plus long terme, la capacité de mise en œuvre (structures et personnel) à l’échelon du DPEBA pourrait être rationalisée ou transférée aux communes. Recommandation 2. Adopter des mécanismes de coordination appropriés pour permettre aux CT de gérer la planification. 224. La réussite de la décentralisation nécessite une coordination renforcée à tous les niveaux (Ministère, services déconcentrés, CT et écoles). Parmi les recommandations, indiquons les suivantes : • En premier lieu, assurer la clarté des normes de qualité et des standards du secteur. Au fur et à

mesure que l’Etat concentrera son action sur la définition des politiques et la coordination du secteur, il incombera au ministère de clarifier les normes de performance pour l’enseignement primaire. Il est nécessaire de sensibiliser les CT sur les normes de qualité par le biais a) d’un manuel de procédure unifié pour la construction des écoles (normes pour l’implantation des bâtiments, chantiers, matériaux de construction et processus de passation de marché) ; b) d’un manuel de mise en œuvre avec les normes minimales pour la gestion et l’entretien de l’école (enseignants, livres scolaires, fournitures etc.) ; et c) des normes de qualité de l’enseignement pour permettre aux CT de gérer également la performance.

• Pour une prestation effective de services, utiliser des instruments contractuels pour clarifier les interventions Les instruments contractuels pour la construction d’écoles, la réhabilitation, les ouvertures d’écoles, etc. doivent être systématisés afin d’assurer a) que l’administration préfectorale et centrale valident et intègrent les écoles dans le système ; b) que les CT se conforment aux normes de qualité et aux standards du Ministère ; et c) que les contrats précisent les rôles et les devoirs spécifiques de chacune des parties.

• Pour les mécanismes de financement, augmenter la circulation de l’information et la transparence dans les affectations budgétaires. Les CT, les services déconcentrés, les écoles ont besoin de partager l’information afin d’assurer la coordination entre les différentes sources de financement. En outre, une information aux bénéficiaires concernant les allocations annuelles en fournitures, livres scolaires, travaux d’entretien, fonds ou consommations intermédiaires permettrait aux usagers et aux bénéficiaires de demander des comptes aux prestataires.

• Pour la planification et le suivi, adopter des mécanismes de coordination appropriés avec la tutelle et l’administration déconcentrée de l’éducation. La participation des CT aux réunions d’information

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et comités consultatifs doit être institutionnalisée, afin d’assurer leur participation à la planification du secteur (contribution à la mise à jour de la carte scolaire) ou la communication aux autorités des priorités incorporées dans leurs plans de développement communal (PDC), et la signalisation des problèmes rencontrés à l’échelon local ou de l’école.

• Avec la mise en œuvre de la décentralisation du budget, on doit également se pencher sur la décentralisation des fonctions de statistique, de planification et de budgétisation. Il est recommandé de passer à des flux d’information descendants ; en effet, deux questions sont en jeu : a) la capacité statistique et les fonctions de planification doivent-elles se situer à l’échelon local ou bien à des niveaux supérieurs ? b) comment peut-on assurer que les CT et les acteurs locaux puissent faire connaître les besoins locaux dans le cadre de la planification sectorielle. Pour les fonctions statistiques et de planification (par exemple l’élaboration de la carte scolaire), les CT doivent être responsabilisées mais également rendues capables d’effectuer ces taches, et, au-delà du personnel qui pourrait leur être transféré (personnel des CEB), un renforcement institutionnel sera nécessaire dans ce domaine. A court terme, au fur et à mesure de l’augmentation de la capacité, la question est d’assurer que la DPEBA intègre la planification locale, par exemple en reliant les PDC et la carte scolaire, et en établissant des systèmes permettant un flux régulier d’informations pour l’actualisation des données. La DPEBA partage déjà les informations sur la carte scolaire avec les préfets, et il sera indispensable d’intégrer les CT dans ce processus.

225. Quoi qu’il en soit, les CT doivent pouvoir collaborer à la définition des priorités locales, de façon que les décisions sur l’affectation, à l’échelon de l’administration de l’État et des CT, répondent à des exigences locales. Recommandation 3. Définition des dimensions des transferts directs aux CT et aux écoles. 226. Mettre des ressources à la disposition du niveau local. La part globale du budget pouvant être gérée localement à court et à plus long terme sera fonction des compétences transférées et du calendrier de mise en œuvre de la décentralisation (définissant les priorités à court et à long terme), et devra tenir compte des modes actuels de prestation du service et de la capacité locale. Les ressources transférées doivent, dans tous les cas, correspondre aux compétences, afin que la décentralisation ne se traduise pas par l’alourdissement de la charge pour les parents ou pour les ressources limitées des CT. Les options sont le transfert de ressources aux CT mais aussi directement aux écoles. S’il est réalisé, l’objectif d’une éducation de base gratuite ne doit pas être à la charge exclusive des CT et il est nécessaire de mettre en place les transferts nécessaires. 227. Les instruments et les formules adoptés pour le transfert doivent être transparents. Pour le budget d’investissement, des ressources pourraient être allouées au fonds de développement local (FPDCT) ou se présenter sous forme de transferts conditionnels par le MEBA directement aux CT. Pour le budget récurrent, les options possibles sont le transfert de ressources directement aux CT, ou l’exécution et le suivi, par les CT, des ressources à l’échelon de l’école (transferts directs ou subventions, comme dans le cas du Rwanda, contributions financières des parents etc.).

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228. Dans tous les cas, les transferts financiers, qu’ils soient conditionnels ou inconditionnels, doivent renforcer la responsabilité locale. Des transferts inconditionnels doivent offrir aux CT une flexibilité nécessaire pour une réaffectation entre des écoles et des lignes budgétaires, répondant aux priorités locales. Les transferts conditionnels pourraient limiter les risques fiduciaires du transfert de fonds à l’échelon des CT. Ils permettent d’assurer également l’exécution de projets, comme par exemple la construction des écoles ou encore un niveau minimum de ressources par école. On pourrait envisager la mise en place de lignes budgétaires claires ou des formules de réaffectation entre les écoles, sur la base de données scolaires objectives pour résoudre les problèmes de péréquation. 229. Il est nécessaire d’identifier clairement les ressources qui seront transférées, afin de permettre l’exécution effective des transferts. Le processus de participation à la planification et de l’élaboration du budget dans le secteur fournit aujourd’hui les éléments essentiels pour l’identification des ressources nécessaires sur le plan géographique. Il est nécessaire de préciser clairement les affectations budgétaires finales pour chaque zone géographique, notamment pour le budget d’investissements : construction, entretien et mobilier des écoles. Recommandation 4. Permettre aux CT de gérer les fonctions d’affectation du personnel pour l’ensemble du corps enseignant. 230. Les règles relatives à la gestion du personnel varient en fonction du statut du personnel et de leur date d’entrée. Le corps enseignant (autrement dit les enseignants recrutés préalablement à la décentralisation) se divise en deux catégories : les fonctionnaires et les enseignants contractuels d’État. Pour la plupart, les fonctionnaires continueront d’être gérés centralement, ce qui réduit les bénéfices escomptés de la décentralisation de l’éducation. En ce qui concerne les enseignants sous contrat engagés par l’État, on peut prévoir que les CT exécuteront plus de fonctions de gestion que celles qui leur sont actuellement conférées (les CT pourraient être chargées des sanctions, mais assurer également en partie la gestion des carrières) ; toutefois, le seul moyen d’accroître sensiblement le pouvoir des CT sur ces enseignants est la création d’incitations et de mécanismes pour le transfert de ce personnel à la catégorie du personnel communal. 231. Le personnel nouveau recruté par les communes sera un personnel à statut communal géré à l’échelon de la commune, qui assure ainsi une responsabilité directe. Une des questions concerne les sources de financement pour ce personnel, mais le principal problème sera la définition de règles qui permettront à toutes les CT d’attirer du personnel, y compris a) les critères pour le recrutement du personnel (si le système favorise les candidatures individuelles seulement, il sera difficile d’affecter des enseignants aux CT plus petites ou éloignées) ; et b) la mobilité du personnel entre les CT, et vers d’autres catégories de personnel. Une des options pourrait consister à allier la réforme de décentralisation et la régionalisation de la GRH au niveau déconcentré : les nouveaux diplômés pourraient être recrutés directement au niveau de la CT, mais également au niveau de la région, solution qui serait avantageuse pour les CT. Un tel système permettrait également de régionaliser les contrats, en offrant une mobilité intra régionale d’une CT à un autre. La création de mécanismes pour une mobilité interrégionale serait une incitation supplémentaire (c’est, en effet, une des faiblesses de la situation actuelle pour les enseignants contractuels d’Etat: la mobilité n’est actuellement possible qu’au sein d’une même région ce qui n’incite pas les nouvelles recrues à postuler initialement dans les régions les plus défavorisées). 232. Pour tous les membres du personnel, la décentralisation devrait être une opportunité de renforcer le contrôle et les structures d’évaluation. La réforme devrait tirer profit de l’opportunité de décentraliser de nombreuses fonctions de gestion à toutes les catégories de personnel, afin d’accroître le contrôle et la responsabilité des enseignants. En premier lieu, les CT devraient être en mesure d’exercer des fonctions de surveillance afin de maximiser le contrôle de la présence et du comportement des enseignants. De plus, une réforme plus radicale consisterait à transférer la responsabilité du versement des

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salaires aux CT : cette réforme permettrait de créer un lien entre le salaire et la présence en classe. Les dispositions pour le règlement des salaires devraient être assurées par le centre, et pourraient reposer soit sur un système de transferts intergouvernementaux aux CT (basés sur un indicateur quantitatif, comme la densité de la population scolaire) soit un système de transferts exécutés par les CT, en fonction du nombre d’enseignants effectivement présents à l’école chaque mois (cf. Encadré 37). Ces systèmes pourraient être renforcés par un système ou une partie de la rémunération est calculée en fonction de la présence de l’enseignant.

Encadré 37. Décentralisation des services d’enseignement primaire au Rwanda

En 2005, le Rwanda a lancé une réforme territoriale de grande envergure à la suite de laquelle le nombre de niveaux d’administration a été réduit, et les districts ont été places au cœur du processus de la décentralisation. Dans le secteur de l’éducation, les réformes territoriales ont accordé une très grande autonomie à l’échelon local. De nombreuses fonctions ont été dévolues aux districts, la gestion au niveau des écoles (school-based management) a été mise en place, et le contrôle central déconcentré des services d’éducation a été en grande partie abandonné. La réforme a permis de confier aux districts élus le contrôle des écoles (y compris l’initiative de school-based management), la gestion des transferts financiers à l’école, le recrutement et le paiement des enseignants. Parmi les principales réformes, indiquons les suivantes :

Rationalisation des structures de l’État. Un agent de l’éducation et un agent des affaires sociales, transférés des anciennes antennes du Ministère de l’éducation au district, sont chargés des services de l’enseignement primaire pour 80 écoles en moyenne. D’anciens membres du personnel, affectés à des bureaux déconcentrés au niveau de la province ou du district, ont été mutés ; seuls quatre inspecteurs sont encore en place pour le contrôle des écoles et des enseignants.

Gestion locale des ressources humaines. Les districts recrutent, de façon autonome, des enseignants – avec un plafond d’augmentation de 3 pour cent annuel– en fonction des demandes des nouveaux diplômés et de leur classement (aux examens de fin d’étude) ; en outre, les districts affectent des enseignants aux écoles. Dans le cadre de la responsabilité de gestion des enseignants, les districts sont en mesure de sanctionner, ou même de licencier des enseignants pour absentéisme et inconduite.

Gestion locale des écoles. Les districts contrôlent la carte scolaire, collectent les informations de base sur les écoles, et discutent les allocations prioritaires avec les directeurs d’école. Ils affectent des enseignants, tandis que d’autres décisions sur les affectations sont prises soit directement au niveau de l’école (fournitures) soit centralement (principalement des livres scolaires). Les districts supervisent la gestion au niveau de l’école en contrôlant les comites d’école et les transferts financiers par élève.

Gestion financière locale. Les districts assurent la gestion des transferts par élève aux écoles : en fonction du nombre d’élèves, les districts sollicitent le paiement au Ministère des Finances, qui transfère directement les fonds à l’école en question. De la même manière, les districts assurent l’exécution des salaires des enseignants sur la base du nombre observé d’enseignants en classe. Ils en informent le Ministère de l’Éducation (MINEDUC) et le Ministère des Finances (MINECOFIN), et ce dernier effectue le virement des salaires directement sur le compte bancaire des enseignants, ce qui permet de lier les salaires et la présence en classe du personnel enseignant.

Contrôles au niveau local et reporting. Les districts et les secteurs (une subdivision des districts) supervisent les activités administratives, financières et quotidiennes au niveau de l’école. Les agents du district rendent compte verbalement, tous les mois, au Ministère, sur les façons d’optimiser la gestion des écoles primaires.

Acteurs et flux financiers dans l’enseignement primaire au Rwanda

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DistrictsSecteurs

ECOLES PRIMAIRES

MINEDUC MINECOFIN

Conseilsd’école

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Nécessité de définir

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Inspection

Source : auteurs. Entretiens avec le gouvernement du Rwanda, novembre 2006

C. EAU POTABLE

233. Pendant près de dix ans, la fourniture d’eau potable a été partiellement décentralisée en théorie, mais bien peu de fonctions ont été effectivement mises en œuvre par les communes. Depuis l’adoption de la Politique nationale de l’Eau, en 1998,32 on a octroyé aux communes une certaine responsabilité pour la gestion de la fourniture d’eau potable. Toutefois, cette responsabilité ne s’est pas concrétisée autant qu’on aurait pu le prévoir, d’une part parce que les rôles des différents acteurs (publics, semi-publics, société civile, sociétés privées etc.) n’avaient pas été suffisamment bien définis, d’autre part en raison de l’insuffisance des ressources et des moyens techniques. En conséquence, les communes urbaines et rurales restent des acteurs marginaux dans le secteur de la fourniture d’eau potable. 234. Le Code 2004 reconnaît, une fois de plus, le rôle essentiel des communes dans le secteur de l’approvisionnement en eau potable. Le Code 200433 identifie trois fonctions essentielles que doivent jouer les communes urbaines et rurales dans la prestation de services d’eau potable :

• Un rôle consultatif sur les plans stratégiques de fourniture locale en eau • La production et la distribution d’eau potable • La construction et la gestion de puits protégés, des forages et des réseaux de distribution

d’eau.34 32 Cf. projet de loi N° 041-98/AN 1998 concernant la politique nationale de l’Eau et aussi article 143 de la constitution de 1991. 33 N° 055-2004/AN article 103. 34 Nous utilisons les définitions des Nations Unies concernant l’« accès à des sources d’eau potable saines », estimées en pourcentage de la population utilisant des sources d’eau améliorées. Les sources d’eau potable améliorées comprennent les : raccordements domestiques (réseaux d’aqueduc complexes ou réseaux d’adduction d’eau potable simplifiés) ; bornes-fontaines publiques ; forages ; puits creusés protégés ; sources protégées d’eau pluviale. Les sources d’eau potable non améliorées comprennent des puits non protégés ; des sources, rivières ou mares non protégées ; l’eau vendue par un vendeur dont on ne peut identifier la source comme l’eau de camions-citernes. Une source d’eau potable améliorée est donc une source dont on peut garantir la qualité.

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235. La décentralisation pourrait potentiellement jouer un rôle important dans les objectifs de développement social du pays. L’objectif du pays est la réduction de moitié du nombre d’habitants n’ayant pas accès à l’eau potable ou à l’assainissement d’ici 2015 (Encadré 39). De façon concrète, dans les zones urbaines et semi-urbaines, ceci signifie une augmentation de quatre millions de personnes ayant accès à l’eau potable, et un taux d’accès qui passe de 60 pour cent en 2005 à 80 pour cent en 2015. Dans les zones urbaines, où la croissance est la plus élevée (Encadré 39), l’objectif est d’augmenter de 1,7 millions le nombre d’habitants ayant accès à l’eau potable, de sorte que le taux d’accès passe de 74 pour cent in 2005 à 89 pour cent in 2015.

Encadré 38. Performance des services de l’eau potable au Burkina Faso

Accès à l’eau. Le Burkina Faso est un des pays les plus pauvres du monde, un pays où le manque d’accès à l’eau retarde la réduction de la pauvreté et le développement économique. Toutefois, au cours des dix dernières années, ce pays a fait des progrès considérables dans l’amélioration de l’accès de la population à l’eau. D’après le RDH 2006, le pourcentage de la population jouissant d’un accès pérenne à l’eau est passé de 38 pour cent, en 1990, à 61 pour cent en 2004. En 1990, le Burkina Faso était très largement en retard sur les pays de la région sub-saharienne (accès moyen : 48 pour cent). En 2004, le Burkina Faso dépasse légèrement la moyenne sub-saharienne (56 pour cent). La lourde tâche de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Les objectifs de l’augmentation de la disponibilité de l’eau potable à 89 pour cent dans les régions urbaines, et 80 pour cent dans les régions rurales et semi-urbaines restent ambitieux (cf. tableaux ci-dessous). Pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le Développement, le Burkina Faso doit assurer l’accès à l’eau potable à plus de 5,7 millions d’habitants. Un grand nombre d’habitants de ce pays n’ont toujours pas accès à des sources d’eau potable améliorées, et sur une population totale de 12,7 millions, en 2005, 4,6 millions vivaient sans aucun accès à de l’eau potable. Disparités régionales. On relève d’importantes différences dans les taux de couverture régionaux. Dans certaines régions, l’accès à l’eau dans des zones rurales atteint parfois 92 pour cent (p.ex. région Centre), alors que dans d’autres, par exemple le Sahel, il n’est que de 39 pour cent. Dans certaines zones rurales, les disparités entre les grandes agglomérations (Ouagadougou et Bobo) et d’autres agglomérations restent très importantes, et atteindre les objectifs de 2015 nécessitera un effort considérable, notamment dans les zones rurales du Sahel, et dans des zones urbaines périphériques.

Population ayant accès à des sources hydriques améliorées, par région et zone ONEA, 2005 et projection pour 2015

A. Régions Population Accès Accès

Pop proj. Accès Accès

2005 Total % 2015 Total % Cascades 386 790 205 207 53,1 518 502 396 794 76,5Centre 258 864 237 693 91,8 386 045 370 259 95,9Centre Est 869 117 588 560 67,7 1 116 118 935 973 83,9Centre Nord 952 520 682 323 71,6 1 210 134 1 038 497 85,8Centre Ouest 986 148 599 546 60,8 1 187 062 954 379 80,4Centre Sud 468 389 351 289 75,0 557 747 488 027 87,5Est 986 643 565 322 57,3 1 351 230 1 062 726 78,6Hauts Bassins 864 059 421 095 48,7 1 183 347 880 023 74,4Mouhoun 1 162 653 599 248 51,5 1 216 756 921 945 75,8Nord 988 665 566 905 57,3 1 242 603 977 559 78,7Plateau Central 585 446 430 917 73,6 751 828 652 605 86,8Sahel 859 193 337 810 39,3 1 164 167 810 942 69,7Sud Ouest 509 868 363 157 71,2 556 577 476 501 85,6Pays 9 878 355 5 949 072 60,2 12 444 131 9 966 230 80,1

B. Zones urbaines ONEA

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Population Access Access Proj. Pop Access Access2005 Total % 2015 Total %

Région de Ouagadougou 1 350 659 1 172 532 86,8 2 195 474 2 085 700 95,0Région de Bobo 763 264 601 336 78,8 1 139 858 1 025 872 90,0Autres zones urbaines 696 877 305 795 43,9 930 046 688 366 74,0Pays 2 810 800 2 079 663 74,0 4 265 378 3 799 938 89,1

Nota : les régions sont pour la plupart rurales et semi-urbaines. Source : pour les régions, Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques (MAHRN) 2006. Pour les zones ONEA, ONEA 2006. 236. Depuis 2005, le Burkina Faso a entrepris l’élaboration d’un ensemble de politiques et de stratégies intégrées dans le secteur de l’eau. Le Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement 201535 (PN-AEPA) est une réponse au passage d’une politique centrée sur l’approche projets à une politique pour l’ensemble du secteur. Approuvé officiellement par le gouvernement et les donateurs en janvier 200736, le programme est devenu le principal instrument stratégique pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement 2015. Il comporte un chiffrage du coût du programme par le biais d’un cadre de dépenses à moyen terme (partant du budget annuel pour 2007) ainsi qu’une plate-forme pour l’harmonisation et l’alignement des donateurs. Il couvre la période allant de 2007 à 2015, et tient compte du cadre de la politique de décentralisation la plus récente du pays. 237. La mise en œuvre sera différente dans les zones urbaines et rurales. Dans les zones urbaines, le programme sera mis en œuvre par l’ONEA (Office national de l’eau et de l’assainissement) à travers son plan stratégique pour 2005–15. Dans les zones rurales, il sera mis en œuvre par la Direction régionale de l’agriculture, de l’hydraulique et des ressources halieutiques (DRAHRH).

Encadré 39. Le processus d’urbanisation au Burkina Faso

Au Burkina Faso, la population urbaine connaît une expansion rapide, qui se chiffre à 5,7 pour cent par an, et qui constitue un défi majeur pour le développement de l’infrastructure urbaine. Cette situation engendre une demande croissante en eau potable dans les villes. En outre, l’expansion rapide et désorganisée des agglomérations donne également lieu à une forte augmentation du nombre de personnes habitant dans la banlieue des grandes villes, où la planification urbaine et les infrastructures sont inexistantes : plus de 400 000 personnes habitent de tels quartiers à Ouagadougou et Bobo Dioulasso (Secrétariat International de l'Eau, 2004), et paient beaucoup plus pour un service de qualité inférieure que les personnes raccordées au réseau de l’ONEA. Les villes sont sans cesse en proie à une grave pénurie d’eau. La situation physique et hydrologique du pays est également une contrainte considérable. Le Burkina Faso se trouve dans une zone climatique au sud du désert du Sahara (le Sahel). Les précipitations dans la région sont caractérisées par deux saisons distinctes : la saison des pluies, qui dure environ quatre mois, et la saison sèche, pendant laquelle un vent sec et chaud souffle du Sahara, sans apporter de précipitations. Il s’agit d’une contrainte énorme, notamment dans le nord du pays, où les précipitations annuelles sont extrêmement basses.

238. Le PN-AEPA reconnaît le Code 2004 ainsi que le rôle progressif que joueront les communes tant urbaines que rurales dans la gestion des services de l’eau potable. Ceci signifie que les communes ont un rôle toujours plus important à jouer dans la planification, la mise à exécution et le contrôle des services de l’eau. Compte tenu de la nature fortement technique du secteur de l’eau et d’une faible compréhension du Code 2004 et ses implications par les communes, la gestion du service de l’eau potable n’est pas un transfert « prioritaire », d’après le Code 2004. Jusqu’en 2009, les compétences en adduction d’eau seront assurées sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources

35 Programme National d'Approvisionnement en Eau Potable et d'Assainissement (PN-AEPA). 36 Le gouvernement du Burkina Faso et ses partenaires pour le développement ont signé un protocole d’accord le 10 janvier 2007, à Ouagadougou, mais le programme était déjà en cours avant cette date.

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Hydriques (MAHRH), désigné ci-après le ministère de l’Agriculture et avec l’assistance de l’ONEA dans les zones urbaines. 239. Aux échelons national et régional, la coordination du programme est assurée par le comité de pilotage national et 13 comités de pilotage régionaux. Les communes sont représentées dans chacun des comités d’organisation régionaux. Trois maires sont membres de chaque comité régional37: deux maires de communes et le maire du chef-lieu. A l’échelon national, les communes ne sont pas représentées. 240. Le PN-AEPA décrète que l’instrument principal pour assurer la participation des communes urbaines et rurales à l’administration de l’eau potable est le développement d’un plan de développement local pour l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement. Ce plan, appelé PDC-AEPA (Plan de développement Communal pour l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement), sera intégré au plan de développement général et présentera la vision et les objectifs du secteur pour chaque commune. 241. La participation du public et la transmission de ses requêtes seront organisés dans le cadre du développement du PDC-AEPA. A cet effet, les communes urbaines et rurales sont chargées de l’organisation, sous la supervision des comités d’organisation régionaux, d’ateliers participatifs et d’audiences publiques, pour la préparation de leur PDC-AEPA. La population et la société civile seront conviées à participer à ces activités. La participation du public devrait contribuer à l’identification des besoins, déclencher une mobilisation du public autour du plan stratégique, et obtenir son engagement sur des aspects sensibles, y compris les contributions financières et en nature des bénéficiaires aux travaux d’infrastructure et aux modes de paiement des services d’eau potable, etc. 242. Cette transition vers un rôle majeur pour les communes urbaines et rurales dans la distribution d’eau potable nécessitera un effort continu afin de responsabiliser véritablement les communes. Dans les prochaines sections, nous allons examiner les trois types de défis pour la décentralisation de la gestion de la fourniture d’eau potable : les défis administratifs, financiers et de renforcement des ressources humaines.

1) Défis administratifs

243. La décentralisation administrative nécessitera la coordination de cinq acteurs principaux pour l’approvisionnement en eau potable.

• Le ministère de l’Agriculture est responsable de la politique nationale pour l’eau potable et l’assainissement : il est l’autorité de tutelle de l’Office national de l’Eau et de l’Assainissement (ONEA). Le bureau régional du ministère est représenté dans 13 régions (DRAHRH), et environ 61 membres du personnel travaillent en dehors de Ouagadougou dans un des bureaux de la DRAHRH. Si l’on tient compte de la complexité du secteur et des difficultés que comporte le soutien des communes, il s’agit là d’un faible niveau de déconcentration.

• L’ONEA est l’agence publique de l’eau potable et de l’assainissement actif dans les agglomérations et desservant 36 grandes villes dans le pays. Il assure également la gestion de réseaux de distribution d’eau dans des agglomérations plus petites par le biais d’accords d’affermage avec des associations d’eau ou des communes urbaines. L’ONEA assure la gestion et l’entretien de 67 000 branchements individuels et 1 600 bornes-fontaines dans 44 grandes et

37 Direction Générale des Ressources en Eau (2006). Définition d’un montage institutionnel pour la mise en œuvre du PN-AEPA.

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moyennes agglomérations, où il possède un bureau.38 Sur un effectif total de 447 employés affectés à ces 44 bureaux, 250 travaillent en dehors de Ouagadougou. Aujourd’hui, l’ONEA est considérée comme une des meilleures agences de l’eau de l’Afrique sub-saharienne.

• Les communautés. Traditionnellement, les communautés jouent un rôle important dans la gestion des services de distribution d’eau dans les régions semi-urbaines et rurales. Hors des agglomérations, l’accès à l’eau est dominé, dans l’ensemble, par une gestion communautaire, à travers des Associations des Usagers de l’Eau (AU-AEP) et des Comités de Points d’Eau (CPE). Étant donné que l’ONEA n’assure des services d’eau que pour 22 pour cent seulement de la population du Burkina Faso, les infrastructures de petite envergure du pays (forages et puits protégés) sont, pour la plupart, exploitées par une structure de gestion communautaire. Les AU-AEP et les CPE, exploitant plus de 22 000 puits à pompe manuelle traditionnels et 10 000 puits creusés et protégés, sont les formes d’organisation les plus répandues du pays. Ces comités sont chargés de la fixation des tarifs, de la perception des contributions individuelles, de la création d’un fonds de maintenance, etc. Toutefois, la plupart d’entre eux ne possède ni statut juridique ni compte en banque, et la sélection des membres du conseil reflète souvent la structure du pouvoir local. En conséquence, la qualité de la gestion varie considérablement d’un comité à un autre.

• Le secteur privé. Il n’existe aucun organisme régulateur national au Burkina Faso, ce qui est dû, en grande partie, au fait que l’envergure du secteur privé est limitée, et que ce secteur n’est pas très bien organisé. Il existe très peu d’opérateurs privés dans les régions rurales. Compte tenu de l’importance de l’ONEA dans la gestion de grands réseaux de distribution d’eau à l’échelon national, le secteur privé dispose d’un espace limité pour se développer dans les zones urbaines. En dépit de ces limitations, différents types de particuliers ou d’entreprises privées reçoivent des contrats de gestion par le biais d’affectation de tâches spécifiques, de délégations, d’affermage ou de concession. Certains assurent des services à l’échelon local, d’autres exercent leurs activités dans l’ensemble du pays.39

• Les communes urbaines et rurales. Dans le passé, les communes n’ont joué qu’un rôle très limité dans la gestion des services de l’eau. Dans les agglomérations, l’ONEA est le prestataire principal. Dans les zones rurales, les services sont structurés autour de la société civile, à travers des comités de point d’eau. Très peu de communes urbaines sont propriétaires de leur propre infrastructure d’eau, et le personnel technique est quasiment inexistant à l’échelon local.

38 Les 44 bureaux urbains de l’ONEA sont situés à Ouagadougou, Ziniare, Boromo, Boulsa, Koudougou, Reo, Sabou, Poura, Dedougou, Nouna, Leo, Ouahigouya, Tougan, Djibo, Arbinda, Yako, Gourcy, Koupela, Pouytenga, Tenkodogo, Garango, Fada, Diapaga, Kompienga, Bogande, Kaya, Dori, Gorom, Kongoussi, Po, Zabre, Manga, Kombissiri, Gayeri, Bittou, Zorgho, Toma, Bobo, Banfora, Gaoua, Leguema, Niangoloko, Orodara, et Diebougou. 39 Certaines structures privées sont suffisamment importantes, et possèdent des connaissances techniques appropriées, pour entreprendre la construction ou l’entretien de plusieurs réseaux de fourniture d’eau en même temps. Il en est ainsi, par exemple, de Faso Hydro, une filiale de Vergnet SA, société multinationale française spécialisée dans la gestion de l’eau et les équipements connexes. Dans certains cas, une organisation non gouvernementale peut faire office de sous-traitant : c’est le cas de l’Association pour le Développement des Adductions d'Eau (ADAE), qui assure une assistance technique tout en sous-traitant directement la construction d’infrastructures ou l’entretien de services de fourniture d’eau à travers son Centre de Gestion. Un grand nombre de particuliers travaillent dans ce secteur en tant qu’entreprises individuelles : leur contrat leur est accordé directement par le comité de point d’eau, des associations, des communes, l’ONEA etc. Ils travaillent parfois comme artisans spécialisés dans l’entretien ou la réparation, ou travaillent comme fontainiers, revendeurs de pièces détachées pour la fourniture d’eau, et dans la maintenance ou le nettoyage de systèmes existants.

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244. Les mécanismes de gestion des services des eaux dans les zones rurales, semi-urbaines et urbaines sont fondamentalement différents. Dans les zones urbaines, la grande majorité de la population dépend de l’ONEA. Dans les régions rurales, la population dépend des comités de points d’eau, d’organisations non gouvernementales et d’entreprises privées diverses (Encadré 40). 245. Cette transition vers la responsabilisation des communes rurales et urbaines ne doit pas conduire à une perte de l’expérience et des connaissances techniques acquises par l’ONEA, le ministère de l’Agriculture, et les communautés. L’application du Code 2004 dans le secteur de l’eau doit être fondée sur a) une coordination et une coopération efficaces entre l’ONEA et les grandes agglomérations ; b) une forte participation des communautés ; c) l’assistance efficace de l’État ; et d) le renforcement de la participation du secteur privé. La principale tâche sur le plan administratif sera le renforcement du rôle des communes urbaines et rurales en tant que maître d’œuvre, coordinateurs et contrôleurs (maîtrise d’ouvrage), mais non pas en tant que prestataires de services directs. 246. Les principaux objectifs sur le plan des finances et des ressources humaines sont les suivants. Sur le plan financier, optimisation des modalités de recouvrement des coûts pour encourager éventuellement une meilleure participation du secteur privé. Sur le plan des ressources humaines, le principal enjeu sera une sensibilisation majeure sur les questions relatives à l’eau ainsi que l’augmentation du nombre de techniciens et spécialistes, l’accès au matériel et la compétence du personnel affecté au secteur des services de l’eau potable.

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Encadré 40. Gestion de l’eau dans trois types de territoires

Les services de l’eau potable sont gérés en fonction des trois types de territoires au Burkina Faso :

• Les zones urbaines sont des agglomérations de plus de 10 000 habitants • Les zones semi-urbaines sont celles dont la population est comprise entre 2 000 et 10 000 habitants • Les zones rurales sont celles dont la population est comprise entre 300 et 2 000 habitants.

Les zones urbaines

Dans les 49 communes définies comme étant des zones urbaines, on distingue trois mécanismes de gestion de l’eau :

• 31 communes urbaines, y compris Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, sont gérées par le biais de l’ONEA, qui exploite des réseaux d’aqueduc à grande échelle. Les tarifs sont fixés par le gouvernement central tous les cinq ans.

• 6 communes urbaines sont gérées par affermage : les communes sont propriétaires du réseau, qui est géré par un tiers (généralement l’ONEA ou une société privée).

• 12 communes urbaines n’ont pas accès à un réseau d’aqueduc ainsi qu’aux services de l’ONEA; elles plutôt font usage d’un réseau d’adductions d’eau potable simplifiées (AEPS), basé sur des puits, des châteaux d’eau, des bornes-fontaines publiques, des forages ou des puits creusés et protégés. Certains de ces mécanismes sont gérés par les communes urbaines ou par une association communautaire, et la plupart utilisent un type d’accord contractuel (contrat, bail ou concession) avec l’ONEA, un prestataire du service privé ou une organisation non gouvernementale.

Les zones semi-urbaines

Dans les zones semi-urbaines, les communes font usage de différents types d’infrastructures pour l’eau, y compris des châteaux d’eau, des fontaines publiques, des puits artésiens, des puits creusés protégés et des systèmes d’adduction d’eau simplifiés (mini réseaux). Les mécanismes de gestion dominants sont les comités de point d’eau communautaires et les associations d’usagers de l’eau. Toutefois, certains réseaux de petite taille (AEPS) sont généralement gérés par le biais d’accords contractuels (contrat, bail ou concession) avec l’ONEA, un prestataire du service privé ou une organisation non gouvernementale. Les zones rurales

Les zones rurales sont tributaires essentiellement de puits (anciens et modernes) et de pompes manuelles utilisées dans le cadre d’une gestion communautaire, par le biais de comités de point d’eau et d’associations d’usagers de l’eau.

Dans les zones urbaines

247. Pour se conformer au cadre juridique précédent et à celui maintenant en vigueur de la décentralisation, l’ONEA a commencé, depuis 2004, à signer des « conventions de partenariat »40 avec les communes. Dans le cadre de ces conventions, l’ONEA assure la gestion de réseaux d’aqueduc. Ces partenariats sont des points d’entrée pour la responsabilisation conjointe de l’ONEA et des communes urbaines pour la gestion de l’approvisionnement en eau. 248. Dans six communes, l’ONEA participe par le biais d’un contrat d’affermage. Il existe une différence fondamentale entre les conventions de partenariat et les contrats d’affermage (Encadré 41). Dans les conventions de partenariat, le gouvernement central (qui est propriétaire de l’infrastructure du réseau d’eau) délègue la gestion de l’infrastructure à l’ONEA, alors que dans le contrat d’affermage, les communes urbaines sont propriétaires des infrastructures qui sont exploitées par l’ONEA. Un accord 40 Une convention est typiquement signée pour deux ans, et porte sur : l’objet de l’accord ; la portée du partenariat ; les responsabilités de la C.U. ; les responsabilités de l’ONEA ; les responsabilités conjointes ; les relations entre les C.U. et l’ONEA ; les exclusions ; les règlements relatifs aux litiges ; la durée de la convention.

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d’affermage est signé entre les deux parties pour définir l’objet et la portée du contrat ainsi que les responsabilités de chaque partie.

Encadré 41. Les leçons apprises de l’expérience de réseaux de distribution d’eau gérés de façon autonome par les communes

La commune urbaine de Hounde est une des rares communes du pays qui gère elle-même son réseau de distribution d’eau. On peut tirer certains enseignements de son expérience. Initialement, Hounde créa une régie communale de l’eau, qui était censée être semi-autonome. La régie communale comprenait un Comité communal des usagers et un Service communal de l’eau. La commune urbaine était censée jouer un rôle de contrôle, de réglementation et de soutien. Aujourd’hui, ce réseau n’est pas fonctionnel, et la gestion intégrale est passée désormais entre les mains de la commune urbaine. Comment explique-t-on cet échec ? Tout d’abord, les membres du comité des usagers étaient bénévoles, et le niveau de travail fourni était si élevé que les membres n’étaient pas en mesure d’assurer une bonne administration de la régie. Le comité des usagers n’était pas entièrement indépendant des influences politiques, et le maire était en mesure d’influer sur les décisions du comité, décisions qui étaient influencées par des considérations trop politiques. Ainsi, le comité devint dysfonctionnel, les décisions furent prises au détriment du réseau, les fonds s’épuisèrent et la qualité de prestation du service s’effondra. Hounde est maintenant à la recherche d’un partenaire, et est en négociation avec l’ONEA pour l’établissement d’un contrat d’affermage. Cette expérience révèle l’importance d’une gestion professionnelle fondée sur de bonnes connaissances techniques. Elle souligne également l’importance de la séparation du pouvoir politique et de la gestion technique. Source : Ouedraogo 2007. 249. L’insuffisance des moyens techniques et des ressources humaines est actuellement la difficulté la plus importante pour la réalisation d’un partenariat équilibré ONEA-Communes. Les communes urbaines ne sont pas en mesure de participer de façon substantielle à la planification, la coordination et le contrôle d’accords de partenariat et d’affermage. En outre, les communes urbaines n’ont pas encore commencé à dresser des plans de développement pour l’eau potable et l’assainissement. Cet outil de planification sera le point d’entrée des communes urbaines pour assumer leur rôle dans la planification et la coordination de la gestion de l’eau potable. Il est indispensable de développer, de façon prioritaire, des manuels des procédures pour établir une méthode commune permettant l’élaboration de ces plans par toutes les communes urbaines et rurales. 250. De son côté, en raison de ses ressources techniques, l’ONEA est de fait responsable, de manière quasiment exclusive, de l’élaboration des conventions de partenariat et des accords d’affermage. Cependant, au cours des dernières années, l’ONEA s’est efforcé d’améliorer sa communication avec les communes urbaines. Par exemple, l’ONEA organise une réunion avec les conseils communaux au minimum une fois par an pour discuter et illustrer la gestion et la portée des accords. Ces discussions ont été utiles pour mieux coordonner les efforts et exposer aux communes urbaines les principaux aspects de la gestion de l’eau potable. Dans l’ensemble, la réaction du public au service d’approvisionnement en eau de l’ONEA est positive (Encadré 42).

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Encadré 42. Résultats des études qualitatives sur les services de l’ONEA

Source : Ouedraogo 2007.

Dans les zones rurales et semi-urbaines

251. Dans le contexte de la réforme de la décentralisation, les communes urbaines et rurales doivent participer davantage à la gestion du secteur de l’eau, ce qui nécessite une nouvelle définition des rapports entre l’État, les organisations communautaires, le secteur privé et les communes. A l’heure actuelle, dans les régions rurales ou semi-urbaines où l’ONEA est absente, les quatre acteurs principaux des réformes sont les DRAHRH, les associations d’usagers de l’eau (AU-AEP), les communes urbaines et rurales, et le secteur privé. Avec la décentralisation prévue pour 2009, on assistera à une période de transition au cours de laquelle les communes urbaines et rurales devront être assistées (Encadré 43).

Encadré 43. Accords d’affermage à Bittou et à Diagapage

Certaines communes urbaines, comme Bittou et Diagapage, sont propriétaires de l’infrastructure d’adduction d’eau, et sous-traitent la gestion et l’entretien à l’ONEA, dans le cadre d’accords d’affermage. Toutefois, nos enquêtes montrent également que la participation des communes urbaines à la phase de préparation est minimale. Leur connaissance du secteur est également minimale en raison de l’absence de moyens techniques. Source : Ouedraogo 2007. 252. Aujourd’hui, les communes urbaines et rurales ne sont pas en mesure de jouer un rôle important dans l’approvisionnement en eau potable, en raison de l’insuffisance de leurs capacités et de leurs ressources. L’approvisionnement en eau potable est une opération fortement technique, qui nécessite des immobilisations importantes, que les communes ne sont pas en mesure d’assurer sans une certaine assistance. Cette assistance devra être fournie en premier lieu par les DRAHRH. Étant donné que les communes urbaines et rurales sont théoriquement responsables de l’approvisionnement en eau potable depuis l’adoption du Code 2004, les DRAHRH joueront le rôle de Maîtres d’ouvrage délégués, jusqu’à ce que les communes soient en mesure d’assumer des compétences supplémentaires. Dans leur mission d’assistance, les DRAHRH devraient: assister les communes urbaines et rurales dans l’élaboration des Plans de Développement Local pour la Fourniture d’Eau potable et l’Assainissement ; offrir une assistance technique dans la passation de marchés et la direction des projets ; sensibiliser les conseils communaux sur leurs responsabilités dans le secteur de l’eau ; élaborer et distribuer des manuels de procédures ; et assurer la formation du service municipal, y compris celle de son personnel technique. Comme nous le verrons dans la section 3 (traitant des défis sur le plan des ressources humaines), il n’est pas évident que les DRAHRHs soient en mesure d’assurer une assistance d’une telle envergure. 253. Les AU-AEP ont généralement joué un rôle important dans l’approvisionnement en eau potable de zones rurales et semi-urbaines ; toutefois, dans le contexte de la décentralisation, leur rôle devrait changer. Les organisations communautaires conviennent pour des réseaux de distribution d’eau de petite envergure ; toutefois, lorsqu’une communauté dépend de systèmes plus sophistiqués (p.ex. même des systèmes d’adduction d’eau simplifiés - mini réseaux), la gestion au niveau de la communauté est inadéquate. Il est particulièrement difficile pour ces organisations de lever des capitaux appropriés pour l’entretien, pour l’expansion du système, ou pour le maintien des tarifs à un niveau abordable. Il

Dans les zones urbaines, où l’approvisionnement en eau est géré par l’ONEA, la qualité de l’eau est considérée comme étant excellente. Toutefois, comme le révèlent les enquêtes, les réseaux de fourniture d’eau ne sont pas toujours efficaces. La principale doléance est la fréquence des coupures (notamment au cours de la saison sèche, du mois de mars au moins de juin). Cette situation est due à des défaillances (ruptures) du système ainsi qu’aux ressources limitée en eau souterraine. La plupart des pannes sont réparées dans un délai de deux jours, mais ce délai reste trop long pour une ressource aussi vitale. Du fait de la fréquence des coupures, les populations sont forcées d’utiliser d’autres sources d’approvisionnement en eau.

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s’agit là d’une des raisons pour lesquelles les communes et le secteur privé sont appelés de plus en plus à jouer un rôle plus important dans les régions rurales et semi-urbaines. Selon le Code 2004, les AU-AEP reçoivent des contrats de délégation de la part des municipalités s’ils gèrent une installation d’adduction d’eau quelconque (ils s’occupent généralement de pompes individuelles). Cette situation augmentera probablement les relations de mise en responsabilité et de redevabilité entre les communes et les AU-AEP. 254. La décentralisation représente également une opportunité pour augmenter progressivement la participation du secteur privé dans la gestion du service de l’eau potable. La participation du secteur est souhaitable pour trois raisons : a) le rôle de l’État se concentrera de plus en plus sur la régulation et l’assistance ; b) la concurrence sera introduite lorsqu’un grand nombre d’acteurs privés recherchera des moyens de gestion de l’eau à la fois plus efficaces et plus rentables, et c) chaque commune urbaine et rurale jouera un rôle significatif dans la planification et l’identification d’opportunités économiques sur son territoire. Par exemple, un comité de point d’eau ne gérant qu’une seule structure ne peut distinguer clairement les économies d’échelle éventuelles que comporte la gestion globale d’un grand nombre, ou même d’un petit nombre, de travaux d’infrastructure. Par le biais de leurs processus de planification, les communes urbaines et rurales seront en mesure de prendre en considération ces questions d’ordre plus général, et même d’effectuer des études techniques.

2) Les enjeux financiers

255. La décentralisation financière dans le service des eaux comporte les deux enjeux suivants : mobilisation d’investissements en capital pour construire les infrastructures et recouvrement des coûts pour assurer la pérennité de l’exploitation. Mobilisation d’investissements en capital 256. Compte tenu de l’importance des investissements initiaux nécessaires pour la construction d’infrastructures pour l’adduction d’eaux, l’administration centrale continuera de jouer un rôle prédominant dans la génération de recettes et d’immobilisations à court et moyen terme. Les coûts projetés dans le PN-AEPA, dans les zones rurales, de 2007 à 2015, sont évalués à XOF 280,3 milliards rien que pour la fourniture d’eau potable. Dans les zones urbaines, le coût de la réalisation de la politique pour l’eau potable atteint XOF 87 milliards (PN-AEPA 2006). En conséquence, l’État restera le partenaire privilégié pour les projets et les emprunts importants. L’État peut également mettre en place un fonds ou garantir les emprunts des communes en mesure d’emprunter. 257. A long terme, si l’on parvient à faire des efforts suffisants pour renforcer à la fois les communes et le secteur privé, les investissements en capital pourraient être partagés entre l’État, les communes et le secteur privé. Par exemple, certaines communes sont déjà en mesure d’emprunter directement auprès des bailleurs de fonds. La coopération décentralisée constitue une autre possibilité, pour les communes, d’identifier de nouvelles façons de contribuer au financement d’infrastructures. Ici aussi, le point initial clé restera le niveau de priorité que chaque commune urbaine et rurale accorde à l’eau potable dans son plan de développement local. 258. Une autre opportunité pouvant être généralisée est celle des partenariats public-privé. Un autre facteur qui pourrait contribuer à la participation du secteur privé est la gestion d’un groupe de travaux d’infrastructures (par exemple les bornes-fontaines, les puits artésiens (forages), les puits creusés et protégés, etc.) d’un village, voire d’un groupe de villages. Pour le moment, la gestion, dans les zones rurales, est assurée principalement par le biais de contrats individuels. Des communes rurales pourraient engager un partenariat public-privé avec un prestataire de services sur l’intégralité de leur territoire. En

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outre, les communes rurales pourraient également passer des accords inter-municipaux avec des communes rurales avoisinantes, et utiliser le même prestataire de service, ce qui représenterait une opportunité économique plus attractive.

Pérenniser l’exploitation d’un point de vue financier

259. Le deuxième enjeu est la pérennité de l’exploitation de l’eau potable. Un enseignement important découlant de l’expérience sur le plan international et national est la nécessité de développer un mécanisme fondé sur des principes de recouvrement des coûts. Tôt ou tard, tous les systèmes d’eau potable doivent être entretenus, et, éventuellement, remplacés. Le système de recouvrement des coûts est un élément essentiel de la gestion du service de l’eau potable. 260. Au Burkina Faso, il existe deux mécanismes de recouvrement des coûts, qui sont fréquemment utilisés. Un de ces mécanismes fait usage de tarifs (un système de paiement pour l’utilisation dans le cadre duquel l’eau est vendue par volume), l’autre est basé sur des contributions effectuées à des échéances régulières (tous les mois ou tous les ans). La première option, plus attrayante du point de vue commercial, ne nécessite aucune organisation sociale complexe. L’employé de la borne-fontaine vend à des particuliers à un tarif unitaire (XOF 5 à 10). Le prix imposé couvre les frais de l’employé de la borne-fontaine, les frais d’entretien / de réparation, l’assainissement etc. Avec ce modèle, les personnes les plus pauvres ne sont pas toujours en mesure de payer pour leur eau, à laquelle elles n’ont qu’un accès limité. Le principe des contributions périodiques est fréquemment adopté dans les régions agricoles, dans lesquelles les ressources des gens varient en fonction de la production agricole saisonnière. Les usagers versent une redevance une fois par an, à une date convenue. Ce principe présuppose l’existence d’une organisation communautaire solide pour la mobilisation et la gestion des fonds, et le recouvrement des contributions. Ce genre de système est également plus difficile à entretenir, car il n’y a parfois aucun préposé à la borne-fontaine, et les ressources nécessaires pour l’entretien et la réparation du système risquent de ne pas être disponible en temps voulu. 261. Au Burkina Faso, la nécessité du recouvrement des coûts est généralement bien acceptée dans les zones urbaines, mais est une véritable gageure dans les zones rurales. La gestion des réseaux hydriques de l’ONEA repose essentiellement sur des principes de recouvrement des coûts. Lorsque le système est géré par le biais d’une convention de partenariat ou d’un accord d’affermage, le recouvrement des coûts par le biais de tarifs est très répandu. Dans les zones semi-urbaines ou rurales, le mécanisme de recouvrement des coûts n’est pas aussi répandu. Les tarifs et le paiement pour l’utilisation ne représentent que 3 pour cent de tous les puits creusés et protégés individuels dans les zones urbaines et semi-urbaines. Les contributions annuelles ou mensuelles représentent 53 pour cent de tous les puits creusés protégés individuels.41 Un grand nombre de comités de point d’eau ne réclament des contributions spéciales qu’en cas de défaillance d’un système d’approvisionnement en eau. Certaines contributions peuvent également être effectuées en nature à la fin de la saison des cultures : les consommateurs donnent, à titre de contribution, un sac de céréales qui sera vendu par le comité du point d’eau. Pour éviter de payer pour leur eau, nombreux sont ceux qui utilisent des sources naturelles non protégées pour leur eau potable pendant la saison des pluies, ce qui représente un risque pour la santé publique. 262. D’après un récent sondage42 les gens habitant dans des régions rurales et semi-urbaines se montrent dans l’ensemble d’accord avec le principe de devoir payer pour leur eau, à condition que ceci améliore la qualité et la quantité du service. Environ 88 pour cent des personnes interrogées estiment 41 MAHRH (2006). Programme d’application de la réforme du système de gestion des infrastructures hydrauliques d’AEP en milieu rural et semi-urbain. 42 MAHRH (2006). Programme d’application de la réforme du système de gestion des infrastructures hydrauliques d’AEP en milieu rural et semi-urbain.

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que l’eau a un prix. Dans de nombreuses zones rurales, les gens estiment également que la contribution annuelle à la fin de la saison des cultures est une formule qui reflète le mieux leurs réalités socioéconomiques (Encadré 44).

Encadré 44. Le coût élevé de l’eau : résultats des études qualitatives

Source : Ouedraogo 2007. 263. Pour passer à un système plus efficace de gestion de l’eau potable et optimiser l’accès pour sa population, le Burkina Faso doit trouver des solutions plus créatives pour le recouvrement des coûts ; ces solutions doivent être à la fois flexibles et sensibles aux caractéristiques spécifiques à la région et aux réalités socioéconomiques de la population. L’objectif final est une répartition des risques et des responsabilités entre les principaux acteurs : l’État pour la réglementation, les communes pour la maîtrise d’ouvrage, et l’ONEA et le secteur privé pour la prestation du service. Pour réaliser cet objectif, le principe du recouvrement des coûts sera un élément clé de la stratégie de mise en œuvre du PN-AEPA.

3) Défis en matière de gestion des ressources humaines

264. Dans cette phase transitoire, les ressources humaines sont un des principaux défis pour le processus de la décentralisation et la mise en œuvre du programme national d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement à l’horizon 2015. Pour le moment, les communes urbaines et rurales ne possèdent pas de personnel technique ou de service technique municipal.43 En outre, les DRAHRH sont dotées de ressources limitées en personnel et en matériel pour jouer leur rôle d’assistance aux communes. De leur côté, les associations communautaires devront jouer un rôle différent dans le contexte de la décentralisation, et devront éventuellement interagir davantage avec les communes urbaines et rurales pour recevoir des directives et poursuivre leur intervention directe dans la gestion des services d’eau potable. Pour le moment, le secteur privé n’est pas en mesure d’entreprendre des ouvrages complexes partout dans le pays. 265. Compte tenu du rôle que devraient être amenées à jouer les communes urbaines et rurales, elles devront inévitablement renforcer leurs capacités techniques. Leur rôle n’est pas celui d’un prestataire de service direct : leur rôle et leurs responsabilités portent principalement sur la planification, la sous-traitance et le suivi. 266. Un des moyens serait le détachement de personnel par le gouvernement central à la commune. Cette option présente plusieurs inconvénients. Le premier est l’insuffisance du contrôle du personnel local qui n’est pas recruté et payé directement par les communes. Par exemple, le personnel détaché sera susceptible de chercher un autre emploi, au sein de l’administration de l’État, plutôt que de rester dans ses fonctions actuelles. Le deuxième inconvénient concerne d’éventuels conflits d’intérêts, compte tenu des compétences des communes urbaines et rurales. Un des principaux rôles de la municipalité est la négociation d’accords financiers, de conventions de partenariat et d’accords d’affermage avec l’État, avec l’ONEA, et avec des sociétés privées. Si le personnel n’appartient pas à la commune pour le compte 43 Par service technique municipal, nous voulons dire un service où des services spécialisés sont administrés, comme les travaux publics, l’eau et l’assainissement.

Un élément de mécontentement pour les usagers urbains est le prix de l’eau. Pour la plupart des personnes interrogées, le coût d’accès au réseau est prohibitif, et ces mêmes personnes ont recours à d’autres sources d’approvisionnement, par exemple les puits creusés et protégés. Le mécontentement des utilisateurs urbains est exacerbé par le fait que ces derniers n’établissent pas un rapport direct entre le coût de l’eau et la qualité des services d’approvisionnement en eau qui leur sont offerts.

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duquel il négocie, on est en présence d’un conflit d’intérêt ou d’un problème d’indépendance. Le troisième problème est, à terme, la décision éventuelle de désengagement de l’État, et la production d’une certaine instabilité dans la gestion des ressources humaines à l’échelon local. 267. La deuxième solution consiste à veiller à ce que les communes urbaines et rurales aient accès à leurs propres ressources humaines dans tous les secteurs où elles exercent des activités, y compris la fourniture d’eau potable. Les communes pourraient financer cette opération à travers leurs propres sources de revenus (impôts et revenus fiscaux et non fiscaux divers) ou des dotations globales du gouvernement central pour des dépenses récurrentes ou spécifiques. Mais la meilleure solution est sans doute la planification de ces dépenses dans le cadre de conventions de partenariat, d’accords d’affermage ou d’accords divers avec des petites sociétés d’exploitation privées ou des associations communautaires privées. Par exemple, dans les zones urbaines, chaque accord contractuel pourrait incorporer une partie des revenus qui reviendront aux communes urbaines pour la mise en place d’un service municipal de petite envergure pour l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement. Dans les zones rurales, cette option nécessite la mise en place d’un système de recouvrement des coûts (se reporter à la section précédente pour une discussion sur les systèmes de recouvrement des coûts dans les zones rurales). 268. Les grandes communes urbaines pourraient éventuellement être en mesure de se permettre un service municipal de petite envergure pour l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement, avec un personnel spécialisé à temps complet, tandis que les communes rurales de petite taille ne le pourront pas. La meilleure option serait alors de créer un service municipal de petite envergure pour l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement pour un groupement de communes rurales, plutôt que d’en créer un pour chacune des communes. La loi en vigueur prévoit la possibilité de mettre en place des accords contractuels de ce type entre communes afin d’encourager une collaboration inter municipale (cf. l’Encadré 17. Principes d’exploitation pour les dotations d’utilité générale et les fonds d’investissement ). Une autre solution pour des communes rurales de petite taille serait le développement d’une coopération avec l’échelon régional. Le personnel technique pourrait être recruté à l’échelon régional pour fournir une assistance technique aux communes rurales. Cette dernière option est risquée car les communes pourraient perdre le contrôle direct qu’elles exercent sur le service si elles doivent partager des membres du personnel technique entre deux niveaux d’administrations sub-nationales. 269. Pour assister les communes de façon efficace, les DRAHRH doivent être en mesure de résoudre leurs propres problèmes de capacité. Ces problèmes comprennent : les effectifs de chaque direction ; les profils d’emploi ainsi que les connaissances et les spécialisations nécessaires (Tableau 11). Les ressources en matériel constituent également un problème majeur à l’heure actuelle en raison des contraintes budgétaires que doivent affronter les DRAHRH. D’après un récent rapport du ministère de l’Agriculture, pour assurer leur rôle d’assistance aux communes et contribuer de façon efficace à la mise en œuvre du PN-AEPA, les DRAHRH devraient doubler leurs effectifs. Il convient de préciser toutefois que le rapport n’explique pas la méthodologue utilisée pour l’estimation de la nécessité de doubler les effectifs. 270. Mais la véritable difficulté est de veiller à ce que le rôle de soutien ne soit que provisoire. Le risque est que la DRAHRH conserve les compétences après la transition, et que les communes finissent par renoncer à leurs responsabilités sur le plan de l’approvisionnement en eau potable. Le personnel déconcentré du ministère doit comprendre la nature transitoire de son rôle, et il sera indispensable de mener une campagne de communication et un programme de formation efficaces. Une autre façon de résoudre ce problème consiste à développer des conventions d’appui bien définies entre les DRAHRH et les communes. Il s’agirait d’une excellente occasion pour clarifier les rôles et les responsabilités des deux acteurs, et le type d’assistance technique que les communes peuvent recevoir de la DRARH. En outre, les conventions d’assistance permettraient également de réduire une pratique préjudiciable notée au cours des enquêtes de terrain. Certaines DRAHRH s’attendent parfois à recevoir une compensation financière pour

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la prestation de services techniques aux communes. Cette assistance devrait être gratuite, à moins qu’un système de compensation ne soit mis en place par le gouvernement, ce qui n’est pas le cas pour le moment. Les conventions doivent clarifier le rôle et les responsabilités de chaque acteur.

Tableau 11. Effectifs actuels et besoins en personnel des DRAHRH

Région Effectifs actuels Personnel supplémentaire requis

Boucle du Mouhoun 10 2 Cascades 3 6 Centre 0 0 Centre E 9 2 centre N 3 6 Centre-Ouest 6 6 Centre-Sud 2 4 Est 3 10 Hauts-Bassins 7 4 Nord 11 0 Plateau Central 1 10 Sahel 2 8 Sud-ouest 4 6 TOTAL 61 64

Source : Direction Générale des Ressources en Eau 2006. 271. Les associations des usagers de l’eau (AUE) et les comités de point d’eau (CPE) doivent être informés de leur rôle nouveau dans le contexte de la décentralisation. Lorsque les communes urbaines et rurales seront chargées officiellement de l’administration des services d’eau potable, les associations communautaires seront censées jouer un rôle nouveau. Le principal objectif sera, dans ce cas, de faire en sorte qu’elles soient prêtes au moment venu. La participation aux plans de développement local pour l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement (PDL-AEPA) sera indispensable pour une bonne exécution du programme national d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement 2015. La participation des communautés ne doit pas être limitée à la planification. Une responsabilisation véritable a lieu lorsque les citoyens et les associations communautaires participent à la direction, à l’évaluation et au contrôle des accords contractuels entre les prestataires de services et les administrations locales et nationales. En premier lieu, les AUE doivent s’aligner géographiquement sur la juridiction des communes. En outre, elles doivent être mieux informées sur l’impact du Code 2004 et le rôle que les communes seront censées jouer dans l’avenir. Deuxièmement, elles doivent être informées sur le processus de la décentralisation, et sur le rôle qu’elles seront censées jouer dans le processus de mise en œuvre du PN-AEPA.

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272. Le secteur privé, dans la gestion des services d’eau potable, est à la fois faible et éclaté. Il n’existe aucune association professionnelle en mesure de donner au secteur une certaine visibilité et d’évaluer les opportunités. La plupart des sociétés d’exploitation sont des petites et moyennes entreprises aux ressources limitées. L’accès à des informations économiques de qualité reste limité. S’il est communiqué et rendu public, le plan de développement local pour l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement peut devenir une source précieuse d’informations économiques. Toutefois, les informations économiques ne sont pas suffisantes ; la participation croissante du secteur privé nécessite une période transitoire pour renforcer les petites et moyennes entreprises. Ces entreprises ont besoin d’espaces de bureaux, d’équipements, d’une main-d’œuvre qualifiée et de formation. Enfin, il est particulièrement nécessaire que le secteur privé soit organisé comme une grappe industrielle44.

4) Recommandations pour la décentralisation de l’approvisionnement en eau potable

273. Avec le processus de décentralisation en cours au Burkina Faso, les communes seront amenées à jouer un rôle important dans la gestion de l’eau potable dans un avenir proche. Ce processus se déroulera dans le cadre d’un transfert progressif du pouvoir et des ressources de l’État aux communes, et le transfert aura lieu avec l’assistance de l’État. Les recommandations suivantes ont pour but d’aider les communes à jouer un rôle constructif dans la réalisation des objectifs du PN-AEPA pour 2015. Dans certains cas, les recommandations prévoient la poursuite des activités en cours, dans d’autres elles constituent de nouvelles étapes pour la préparation du rôle nouveau des communes au Burkina Faso. 274. Trois recommandations essentielles sont proposées :

• Initiation immédiate du soutien aux communes pour l’élaboration des plans de développement local pour l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement (PDC-AEPA).

• Soutien et développement de systèmes appropriés de recouvrement des coûts dans les régions semi-urbaines et rurales.

• Participation du secteur privé à des partenariats public-privé en dehors des secteurs pris en charge par l’ONEA.

Recommandation 1. Mettre en place un soutien pour l’élaboration du PDC-AEPA.

275. Les plans locaux sont des points d’entrée stratégiques pour impliquer les communes dans le secteur. C’est le meilleur moyen de les sensibiliser plus avant et de renforcer les capacités des communes dans l’affectation et la gestion des ressources, le contrôle de qualité, l’élaboration et la mise en œuvre de projets d’approvisionnement en eau potable et de suivi de la fourniture des services. 276. Mais cette opération nécessitera l’élaboration et la diffusion précises et rapides de directives méthodologiques. A l’heure actuelle, aucune méthode commune n’est disponible pour préparer ces types de plans de développement. Le ministère de l’Agriculture devrait commencer à préparer ces directives. Les DRAHRH et les antennes de l’ONEA pourraient prendre la relève et distribuer ces directives aux communes et autres protagonistes participant au processus, comme les associations de quartiers et le secteur privé. Après la diffusion de la documentation, les DRAHRH et l’ONEA devront assister les

44 Une grappe industrielle est un regroupement d'entreprises privées, de coopératives, d’organismes à but non lucratif, d'organismes gouvernementaux, d'universités qui collaborent ensemble au développement d'un secteur industriel spécifique comme la production agricole, le tourisme, le secteur de la santé, ou le secteur de l’eau potable. Ce regroupement se fait généralement sur une base territoriale précise (une région, une commune, ou à l’échelle nationale). Ce mode d’organisation permet de développer des synergies entre les membres et d’accéder à des informations stratégiques sur le secteur dans un contexte de partenariat et de saine compétition.

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communes dans l’élaboration de ces plans. 277. Il est important d’éviter la duplication des plans. Le Code 2004 prévoit l’élaboration de Plans Communaux de développement. Naturellement, les Plans Communaux de développement pour l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement doivent être incorporés en tant qu’élément du plan général de développement : toutefois, cette condition n’est pas précisée dans les différents documents de programme et de réforme. Il est important que cette règle soit concrétisée par un décret ou des directives du gouvernement, afin d’éviter toute confusion et/ou répétition.

Recommandation 2. Aider à la mise en place de systèmes de recouvrement des coûts dans les zones semi-urbaines et rurales.

278. Le recouvrement des coûts est une question complexe sur laquelle doivent se pencher les décideurs publics afin d’améliorer l’accès à l’eau potable dans le pays. Dans les agglomérations, l’ONEA fait déjà usage de méthodes de recouvrement des coûts dans ses conventions de partenariat et accords d’affermage avec les communes urbaines. Il est important de préciser que l’ONEA est en mesure de mettre en pratique une certaine péréquation entre différentes zones urbaines : des centres de grande envergure subventionnent les coûts de production supérieurs dans des centres de moyenne envergure. 279. Dans les zones rurales, cette pratique est moins développée, et compte tenu de la situation actuelle, des changements radicaux ne sont pas à prévoir. Le secteur privé est faible, et une grande partie de la population n’est pas en mesure de payer pour son eau. Le nouveau rôle des communes dans la gestion de l’eau potable peut être une opportunité de tester de nouvelles politiques que l’on pourrait mettre en œuvre pour moderniser les infrastructures de la distribution d’eau potable au Burkina Faso. Plus important encore, contrairement aux organisations communautaires, les communes possèdent une identité juridique. De ce fait, il leur est plus facile de s’engager dans des partenariats public-privé ; ces partenariats public-privé pourraient être constitués par le biais d’accords d’affermage, le pays ayant acquis une certaine expérience dans ce genre d’accords par le biais de l’ONEA et d’autres prestataires privés de plus petite taille. 280. Il n’existe pas de solution universelle. Dans ce domaine, la flexibilité est importante ; chaque association d’usagers doit être en mesure de discuter et de définir le principe convenant le mieux au contexte socioéconomique qui est le sien. En outre, il y a encore un travail considérable à effectuer pour sensibiliser la population sur les liens existants entre des sources de revenus récurrentes et la pérennité du système. On doit, en tout premier lieu, tirer des leçons de ce qui a déjà été fait. Par exemple, certaines études de cas sur la gestion du recouvrement des coûts à Houde, Banankeledaga, et Diebougou45 ont déjà été effectuées, et identifient plusieurs moyens utiles de relever ces défis. 281. Un apprentissage progressif sera nécessaire pour résoudre ce problème à la fois difficile et sensible. Une démarche pilote pourrait aider le pays à relever ce défi. Le principe sous-jacent d’une méthode pilote consiste à tester la nouvelle politique sur un sous-ensemble de la population (associations communautaires, villages, communes rurales) sur une certaine période. Ces expériences font l’objet d’analyses à un certain niveau, afin de tirer les leçons nécessaires, après quoi le modèle est révisé, adapté et répété progressivement pour d’autres populations.

45 Dakoure, Kouassi-Komlan, and Ouibiga (2004). Étude institutionnelle et financière des AEP dans le contexte du recouvrement des coûts au Burkina Faso avec trois études de cas: Hounde, Banankelaga, Diebougou.

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Recommandation 3. Impliquer le secteur privé par le biais de partenariats public-privé.

282. Dans les zones urbaines, la privatisation complète des services d’eau potable n’est pas envisagée dans l’immédiat. L’ONEA qui couvre actuellement de larges zones urbaines du pays a élaboré un solide modèle de gestion et jouit d’une bonne réputation. 283. Dans les zones semi-urbaines et rurales où l’ONEA n’exerce pas ses activités, de nouvelles opportunités sont nécessaires pour développer des partenariats public-privé entre d’une part des communes, d’autre part des petites et moyennes entreprises. Plusieurs contrats d’exécution développés dans le pays (conventions de partenariat et accords d’affermage) s’annoncent prometteurs pour ces zones. Bien conçus, les modèles de partenariat public-privé pourraient créer une capacité du secteur public adaptée et un juste équilibre des responsabilités entre les protagonistes. 284. Le principe d’un partenariat public-privé nécessite la constitution d’une capacité technique et financière pour les communes et les entreprises. Il est nécessaire que les communes soient dotées d’un personnel spécialisé dans l’approvisionnement, la conception de gestion de la performance, le financement de l’infrastructure, la perception des revenus, le contrôle et l’évaluation du système de gestion de l’eau. En outre, l’assistance des communes doit être également assurée par le ministère de l’Agriculture et ses DRAHRH. 285. Le secteur privé doit renforcer son degré de professionnalisme et son organisation. Le secteur privé est en mesure d’effectuer des analyses techniques, de fournir du matériel et des pièces détachées, d’effectuer des travaux d’infrastructure, et de participer à l’exploitation du système. A l’heure actuelle, la capacité des petites et moyennes entreprises est faible, notamment sur le plan de l’insuffisance en espace pour bureaux, installations, informations sur le marché et la passation de marchés, connaissances techniques, matériel, équipement et ressources humaines. 286. Il serait bénéfique d’encourager le secteur privé à s’organiser dans le cadre d’un groupement propre au secteur. La création d’une association professionnelle des entreprises de fourniture d’eau potable et d’assainissement, s’inspirant des associations déjà présentes dans d’autres secteurs au Burkina Faso (p.ex. tourisme et secteur de l’énergie solaire) constituerait une évolution positive. 287. Cette association pourrait contribuer à la collaboration entre les entreprises privées liées au secteur. Une association professionnelle pourrait constituer la source d’information principale sur le plan des débouchés commerciaux et des règles de passation de marchés ; des techniques et équipements nouveaux ; des opportunités d’un partenariat stratégique professionnel ; et du renforcement de la capacité dans les systèmes de gestion de l’eau. La création d’un groupement professionnel permettrait aux entreprises membres d’échanger des informations avec des organisations similaires à l’étranger, ou de participer à des dialogues internationaux. La création d’un groupement signifie également que les petites et moyennes entreprises du secteur pourraient jouer un rôle d’assistance et contribuer à l’optimisation du cadre de la réglementation dans le pays et à l’accès de la population à l’eau.

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4. RENFORCEMENT DE LA PARTICIPATION ET DE LA RESPONSABILISATION

288. Le présent chapitre examine le processus de la décentralisation en tant que moyen de renforcement de la participation et des relations de mise en responsabilité/redevabilité au Burkina Faso. Il passe en revue les choix politiques qui ont guidé le processus de la décentralisation, et évalue dans quelle mesure ils s’harmonisent aux objectifs prévus de l’augmentation de la participation et de la reddition des comptes à la population. Sur la base de l’expérience des élections municipales de 2006, le chapitre passe en revue certaines initiatives susceptibles d’accroître la participation locale, y compris des mesures qui pourraient renforcer la participation des femmes dans la gouvernance locale. Il analyse enfin le rôle des acteurs locaux dans l’enseignement primaire et les services de fourniture d’eau potable, et avance des propositions pour l’expansion éventuelle de ce rôle.

A. CONTRAINTES A LA PARTICIPATION ET A LA MISE EN RESPONSABILITE A L’ECHELON LOCAL

1) Promouvoir la participation à travers les élections locales

289. La réglementation en vigueur sur les élections locales n’engendre pas nécessairement une participation et une diversité des plus larges. Conformément à la réglementation électorale, il est interdit à des candidats indépendants de déposer leur candidature ; ceci signifie que les mandats locaux sont tributaires de l’appartenance à un parti. Aux élections locales de 2006, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) fut le seul parti disposant des finances et de structures nécessaires pour présenter des candidats pour les 17 786 postes à pourvoir. Seuls 16 autres partis sont parvenus à présenter 1 000 candidats ou davantage, et la plupart évitaient des régions où ils ne jouissaient pas d’un soutien insuffisant. En outre, les modifications apportées au code électoral adopté en 2004 ont changé les modalités de calcul de la représentation proportionnelle ; il devint alors plus difficile pour des petits partis de remporter des sièges. Aux élections de 2006, le CDP remporta 72,1 pour cent des sièges municipaux, avec seulement 60,2 pour cent des voix, tandis que les partis plus petits ont reçu un pourcentage de sièges inférieur au nombre de voix remporté à l’échelon national. En conséquence, le CDP contrôle 12 854 des 17 786 sièges aux conseils municipaux. Étant donné que les conseils régionaux sont élus au suffrage indirect par les conseils municipaux (deux conseillers régionaux par commune), la plupart des régions sont dirigées par le CDP. Les maires, également, sont désignés parmi les conseillers municipaux élus : en conséquence, 88 pour cent des maires appartiennent au CDP (chiffres provisoires). 290. Bien qu’une compétition politique existe à l’échelon local, elle se situe autant entre les partis qu’entre les factions au sein du parti au pouvoir, ce qui ne reflète pas nécessairement les intérêts des citoyens. Dans les municipalités urbaines qui sont restées entre les mains du CDP aux élections de 2006, la moitié seulement des maires sortants ont été réélus. Toutefois, étant donné que les maires sont désignés parmi les conseillers municipaux élus, des changements de maires entre deux élections se sont produits dans le passé, et sont susceptibles de refléter des tensions internes au sein du parti au pouvoir plutôt

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qu’une réponse aux attentes des citoyens. En fait, dans certaines communes, les maires sont considérés comme un « choix du CDP », et non pas un « choix populaire » (Encadré 45).

Encadré 45. Enquêtes qualitatives : élections locales et influence du centre

On a relevé plusieurs cas où le parti au pouvoir – le CDP – est parvenu à imposer sa volonté sur les résultats des élections. A Fada, l’intervention du bureau national du CDP a donné lieu à un changement de candidat à l’élection du maire. Ceci fait souvent suite à un désaccord entre un individu et le personnel du parti national, et ne reflète pas la demande locale. A Bitou, en dépit du fait que la population avait exprimé sa préférence pour une autre personne du même parti, des pressions ont été exercées du haut sur le conseil municipal pour maintenir le maire à son poste, même si la population locale aurait préféré voir un changement à ce poste. Source : Ouedraogo 2007 291. Les règles régissant le rappel ou la suspension des organes délibérants et exécutifs des CT renforcent la logique directive car elles ne sont tributaires que des décisions des administrations centrales. L’exécutif des CT (le président ou le vice-président de région et les maires) peuvent être suspendus ou révoqués pour des raisons diverses relatives à une mauvaise administration ou à des cas de corruption46, sur décision du pouvoir central. Le Code 2004 ne prévoit pas de modalités directes pour un recours populaire entre les élections. En outre, les conseils élus peuvent également être suspendus par le centre si « leurs activités s’avèrent impossibles » (par décret du Conseil des Ministres statuant sur les rapports présentés par le ministre responsable des CT). Lorsque ceci se produit, l’autorité de tutelle assume le pouvoir pendant une période provisoire. On a également observé que ceci ouvre la porte au boycott des conseils municipaux (un élément fondamental du fonctionnement des CT) en tant que tactique pour entrainer leur dissolution par l’administration centrale. En fait, même si cela n’était pas prévu comme mécanisme de recours, certains acteurs de la décentralisation le considèrent ainsi : comme l’a déclaré le maire d’une des communes de notre échantillon: « seuls les conseillers peuvent dissoudre le conseil, en refusant de répondre à la convocation du maire pour le Conseil Municipal ». (Ouedraogo 2007).

46 Motifs de suspension prévus dans le Code 2004, articles 184 et 272 : détournement de biens et/ou de deniers publics ; concussion ou corruption ; prêts irréguliers d'argent sur les fonds publics; faux en écriture publique et usage de faux ; endettement de la CT résultant d'une faute de gestion ; refus de signer et/ou de transmettre à l’autorité de tutelle une délibération du Conseil ; refus de convoquer des réunions du conseil prévus par la loi en vigueur ; spéculation sur l'affectation des terrains publics, les lotissements, les attributions de parcelles, les permis de construire; absence du président/maire depuis plus de six (6) mois pour des raisons autres que celles relatives à l'intérêt de la collectivité territoriale ou de santé ; poursuite devant un tribunal répressif ou condamnation pour des faits et actes punis par la loi à l'exception des contraventions de simple police ou des délits d'imprudence hormis les cas de délit de fuite concomitant.

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292. La nature du régime politique au Burkina Faso favorise des candidats bien introduits, en mesure de capter des ressources et de les acheminer vers leur localité d’origine. Le maire est le seul élu à l’échelon local pour lequel le Code 2004 ne prévoit pas l’« obligation du domicile ». Et bien des maires ne sont pas domiciliés dans leur commune, en particulier dans les zones rurales (Encadré 46). Cette situation a donné lieu à des débats intenses avant les élections, et un grand nombre d’électeurs locaux étaient favorables à l’élection de candidats « domiciliés ». Il convient toutefois de noter que la plupart des maires sont des personnes « du cru ». En fait, dans un pays où les ressources et l’influence se trouvent principalement au centre, il n’est pas surprenant que les gens du cru, domiciliés dans la capitale, et, par conséquent, à proximité du centre de pouvoir et de redistribution, soient perçus comme étant les mieux placés pour apporter des ressources à l’échelon local (Encadré 47). Nos études qualitatives montrent qu’un des critères pour le choix d’un candidat est sa capacité d’« établir des contacts utiles ». Ceci dit, cette situation risque de placer les rapports avec le centre au cœur même des rapports entre le maire et son électorat, en sapant éventuellement les rapports de responsabilité directe à l’échelon local.

Encadré 46. Des maires absentéistes

La plupart des maires ne sont pas domiciliés dans leur commune. Sur les douze communes urbaines et rurales visitées, six seulement avaient un maire résidant dans la commune, et dans aucun des cas il ne s’agissait d’une commune rurale. Dans une des communes, le maire est domicilié à Ouagadougou et visite la commune tous les quinze jours. La population est, dans l’ensemble, mécontente de cette situation. D’après la loi, le maire ne doit pas être nécessairement domicilié en permanence dans la commune, alors que le premier adjoint au maire doit, lui, y être domicilié. Bien que de nombreuses tâches puissent être effectuées par le premier adjoint au maire, certains actes et documents officiels ne peuvent être signés que par le maire. D’une manière générale, cette absence, qui peut être frustrante en cas d’urgence, déplait à la population. Source : Ouedraogo 2007

Encadré 47. Attentes de la population vis à vis de son maire et perception du rôle des communes

La population qui a participé au sondage ne connaît guère le Code 2004 : au mieux, elle en a entendu parler à la télévision, à la radio ou au cours de débats. Toutefois, tout le monde semble connaitre le nom du maire élu. Selon les groupes de populations ayant participé aux entretiens, les maires qu’elles auraient élus peuvent : renforcer le développement, faciliter l’accès de la population à l’électricité et à l’eau, établir des contacts intéressants pour la réalisation des promesses d’amélioration des conditions de vie à travers la réalisation de forage, de centre de santé, de construction d’écoles, intervenir en faveur de la population auprès des autorités et mieux comprendre la population. En ce qui concerne le rôle des communes, pour les groupes de populations rencontrées, le rôle de la commune serait la réalisations d’infrastructures socio-économiques : écoles, forages, marché, lotissement.., le recouvrement des recettes, l’élaboration de plan communal pour organiser le développement et la coordination des activités de développement, la recherche de partenaires pour la réalisation des activités de développement et l’information/compte rendu à la population des activités de la commune. Source : Ouedraogo 2007 293. Pour conclure, il est utile de rappeler qu’il s’agit d’un processus démocratique qui en est à son tout début, et qui devrait acquérir sa propre dynamique. Le fait que la population de tout le pays ait été en mesure de voter est déjà une évolution positive, et si la décentralisation acquiert sa propre dynamique, elle encouragera d’autres acteurs à participer aux élections et a la gestion locale entre les scrutins. A l’échelon local, la population se montre toujours plus sensible au fait qu’il est nécessaire que leurs conseils municipaux et leur maire leur rendent des comptes (Encadré 48).

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Encadré 48. Sentiments de la population sur les élections locales et le rôle des communes

Comment la population perçoit les élections municipales. En ce qui concerne la population, les changements survenant dans la politique locale sont réels. D’une manière générale, la population a répondu que, depuis les élections municipales, elle estime que les élus peuvent contribuer au développement, trouver une assistance financière pour des projets et obtenir une assistance technique appropriée pour leurs communautés. Avant les élections, la population estimait que l’État et ses employés « anonymes » étaient au pouvoir. Ce qui a changé dans l’esprit de la population depuis l’élection, c’est que ses membres considèrent désormais que les personnes au pouvoir sont « leurs frères », et non plus des personnages anonymes distants. Changement démocratique à la suite des élections municipales. Au cours des élections municipales, on a relevé certains exemples de changements démocratiques, deux desquels sont intéressants. A Sebba, le CDP désirait imposer son propre candidat et le substituer au maire en place. Le maire décida alors de se présenter sous une autre bannière (celle de l’UPS, un parti de l’opposition) et a été élu. Un autre exemple de changement démocratique à Hounde : le titulaire n’a pas été réélu, ce que la population rencontrée explique en se déclarant mécontente de la façon dont il avait assuré la gestion du réseau de distribution d’eau (décisions partiales, et influence politique sur le conseil autonome de gestion de l’eau). Source : Ouedraogo 2007

2) Appui de la participation locale

294. Le niveau d’instruction moyen des conseillers municipaux est bas, et ce fait est susceptible de créer des problèmes pour l’administration locale. Sur les 17 796 conseiller élus aux élections de 2006, dont un grand nombre dans des zones rurales où le degré d’alphabétisation est inférieur à celui des zones urbaines, on estime que plus de la moitié sont « analphabètes en français »47 . Un important programme d’alphabétisation fonctionnelle est en cours, mais cette situation nécessite des façons créatives de gérer les affaires locales. Environ un tiers des conseillers interrogés au cours d’un récent sondage48 indiquent que leur principale difficulté dans l’exercice de leurs tâches est qu’ils ne savent pas précisément quelle est leur tâche. Les deux autres raisons fréquemment avancées sont l’insuffisance de la formation et une carence en ressources (financières, techniques). En conséquence, leurs connaissances et leur capacité à mettre en œuvre le Code 2004 sont limitées (Encadré 49). Une autre difficulté est celle du principe de l’absence de rémunération pour le mandat des représentants élus et de l’exécutif local (même si les municipalités peuvent voter des «indemnités de représentation», qui pourraient être utilisées au moins pour compenser les couts de transport découlant de la participation aux activités du conseil municipal).

Encadré 49. Connaissances limitées du Code 2004 de la part des officiels élus et de la population

La plupart des administrations municipales déclarent qu’elles possèdent un exemplaire du Code, mais qu’elles n’ont pas encore assimilé ou compris son contenu. Elles attendent d’avoir été formées et d’avoir reçu des consignes supplémentaires pour la mise en application des textes. Bien que le Code 2004 ait été distribué par le ministère de la Décentralisation à toutes les communes en 2006, le souci immédiat pour les élus à l’époque était l’organisation de la campagne des élections municipales. En outre, le contenu du Code n’avait pas été largement partage à l’intégralité de la population. Les rares personnes qui connaissent le Code ont appris initialement son existence par la radio ou la télévision ou encore par les causeries. Source : Ouedraogo 2007

47D’après l’estimation du ministère de la Décentralisation. Un cinquième environ des conseiller municipaux élus en 2000 dans les communes urbaines étaient analphabètes, d’après AMBF 2005. 48 MATD, 2007, Étude Pour La Conception d’un Programme de Renforcement des Capacités des Collectivités Territoriales et sa Mise En Œuvre. Sample: 64 rural counselors, 24 urban.

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Encadré 50. Le Code 2004 et la participation locale

La population a le droit d’être informée sur l’administration locale (article 11). Les habitants de la collectivité territoriale ont droit à l'information sur la gestion des affaires locales. Ce droit s'exerce par : 1. une animation de débats publics sur les projets et programmes locaux de développement et sur les grandes orientations du budget local ; 2. la mise à la disposition des personnes physiques ou morales du budget et des comptes des collectivités territoriales ; 3. l'accès du public aux séances des conseils des collectivités territoriales, à l'exception de celles tenues à huis clos ; 4. la publication des délibérations du Conseil et des actes des autorités locales relatives au budget, à la création des établissements publics locaux, aux emprunts, à la coopération décentralisée, aux accords passés avec l'Etat ou avec des partenaires extérieurs, à l'acceptation des dons et legs et à la prise de participation dans toute société ; toute personne peut obtenir à ses frais, copies desdits documents auprès du Président du conseil de la collectivité ou de tout service public habilité. Le droit à l'information des habitants sur les affaires locales s'exerce sous réserve des dispositions en vigueur relatives notamment à la publicité des actes des autorités locales, ainsi qu'à la liberté d'accès aux documents administratifs . Les communes rurales pourront tirer parti de l’expérience des comités de village. Contrairement aux communes rurales nouvellement créées, les villages ont, depuis plusieurs années, le droit légal de gérer leurs propres affaires, notamment en ce qui concerne le développement local. La loi de 1996 sur la réforme agraire a « nationalisé » la terre (en annulant ainsi sa propriété coutumière), et a créé des Commissions Villageoises de Gestion des Terroirs (CVGT) qui devaient jouer un certain rôle dans la gestion du territoire. Un décret promulgué en l’an 2000 a élargi leur mandat, afin d’incorporer la gestion d’activités de développement et de leur permettre de gérer des fonds publics. L’objectif des CVGT était de faciliter la transition avec les municipalités qui avaient été mises en place en avril 2006. Également à l’appui de cette transition, les articles 222 et 223 du Code 2004 remplacent implicitement les CVGT par un Conseil Villageois de Développement (CVD), dont la mission est de contribuer aux plans de développement municipal et de promouvoir le développement local dans le village. Le décret 2007-032, adopté le 22 janvier 2007, stipule en outre que les CVD sont tenus de créer des programmes d’investissement annuels, et ont droit à des transferts de leurs conseils municipaux respectifs. En conséquence, on considère que les CVD jouent un rôle essentiel dans le processus de développement local.

295. Les dispositions institutionnelles pour la participation directe des citoyens ne sont pas obligatoires, et les contraintes structurelles sont nombreuses. Premièrement, le Code 2004 comporte des dispositions spécifiques favorables à la participation des citoyens, mais la mise en vigueur du « droit à l’information » est à la discrétion de la commune (Encadré 50). La seule obligation est l’affichage des délibérations du conseil dans les locaux de la mairie. Les informations financières circulent exclusivement au niveau supérieur du pouvoir (Encadré 51). Deuxièmement, du fait du bas niveau d’alphabétisation de la population adulte, la disponibilité de documents administratifs – tous écrits, et tous en français – est une façon relativement inefficace d’accroître la participation active, en particulier du fait qu’ils doivent être reproduits aux frais de l’usager. Troisièmement, les frais de transport directs, ainsi que le coût d’opportunité de participation, par exemple, aux assemblées municipales, sont probablement préjudiciables à la participation pour la plupart des citoyens.

Encadré 51. Insuffisance des informations financières à l’échelon local

D’une façon générale, la population n’est pas suffisamment bien informée sur les affaires publiques, en particulier sur les budgets locaux. Aucun mécanisme n’est prévu pour permettre à la population de participer aux débats budgétaires. Même les leaders locaux de la société civile n’ont pas été informés et intéressés correctement au processus budgétaire. Il n’existe aucun rapport annuel permettant à la population d’évaluer la performance de ses élus. Les informations financières circulent exclusivement au niveau supérieur du pouvoir : elles ne parviennent jamais au peuple. Cette carence fondamentale de rapports et comptes rendus limite la capacité de la population de prendre activement part aux affaires publiques locales. En l’absence de procédures budgétaires participatives, le budget devrait tout au moins être accessible au public dès qu’il a été ratifié. Au début de l’exercice, les représentants locaux élus au niveau du district et du secteur devraient effectuer des présentations publiques pour expliquer les

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objectifs que l’on s’est fixés, pour cet exercice, dans le budget. A la fin de l’exercice, ces mêmes personnes devraient effectuer des présentations publiques similaires et présenter un rapport annuel, afin de permettre à la population de prendre part au processus et de prendre conscience de sa contribution (à travers l’impôt) au bien public. On pourrait lancer cette expérience avec quelques communes urbaines et rurales pilotes, pour l’étendre éventuellement à l’ensemble du pays. Source : Ouedraogo 2007

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296. Les contraintes à la participation sont particulièrement élevées pour les groupes vulnérables, en particulier les femmes, et la décentralisation pourrait être une occasion de limiter ces inégalités. La plupart des groupes culturels du Burkina sont extrêmement stratifiés (organisation basée sur la caste, l’âge, la parenté et le genre), et un des aspects critiques d’un rassemblement de la communauté entière est d’assurer l’existence d’un processus décisionnel à la fois équitable et représentatif. La proximité des processus de gouvernance locale peut faciliter, pour les hommes de même que pour les femmes, la mise en responsabilité des représentants locaux lorsque les mécanismes de participation communautaire les encouragent à participer au processus de décision au niveau de l’administration locale. En outre, des processus de décentralisation bien conçus pourraient également créer des occasions pour faire participer des groupes défavorisés ou marginalisés dans le processus électoral. L’Analyse Stratégique des Enjeux liés au Genre au Burkina Faso49 indique la présence d’inégalités significatives liées au genre dans le pays, en précisant que, dans le contexte de la décentralisation, la représentation dans les conseils municipaux est considérée comme un point de départ viable pour les femmes souhaitant influer sur les prises de décision locales. Le rapport se réfère à des discussions sur l’éventuelle mise en place de « politiques d’action affirmatives » permettant d’assurer qu’un tiers des postes élus soit affecté à des femmes. L’Encadré 52 décrit deux types de mesures susceptibles d’encourager la représentation des femmes et une participation effective dans les administrations locales : modification des règles de représentation (systèmes de quotas), et mesures permettant de renforcer les connaissances, les compétences et les réseaux sociaux des femmes.

Encadré 52: Décentralisation - une occasion de renforcer la participation des femmes

Des processus de décentralisation conçus correctement sont en mesure de créer des occasions pour intéresser des groupes défavorisés ou marginalisés dans les processus électoraux, notamment les femmes. Résoudre les inégalités hommes-femmes n’est pas une conséquence automatique des processus de décentralisation. Deux types de mesures contribuent à la protection de la représentation des femmes et à leur participation efficace dans les gouvernements locaux : modification de règles de représentation (systèmes de quotas) et mesures permettant de renforcer les connaissances, les compétences et les réseaux sociaux des femmes.

Les modifications des règles de représentation se référent principalement aux systèmes de quota, par lesquels on réserve un certain pourcentage de postes électifs dans les gouvernements locaux à des catégories de personnes relativement marginalisées, et notamment les femmes. Un nombre croissant de pays en cours de décentralisation en Afrique (République Sud-Africaine, Ouganda, Ghana, Tanzanie, Rwanda, Namibie) ont institué un système de quotas, relatifs à des fonctions électorales, pour des catégories à faible participation sur la base de critères régionaux, ethniques, économiques, linguistiques ou religieux, et du genre. Par exemple, dans la loi de 1997 sur le gouvernement local (Government Act of 1997) en Ouganda, un système de quota a été institué, réservant un tiers des sièges aux femmes. Un sondage effectué récemment pour la commission électorale en Ouganda, pour examiner la proportion d’hommes et de femmes parmi les conseillers de district, a révélé qu’en moyenne 40 pour cent des conseillers sont des femmes ; mais ce même sondage a également révélé que les conseillères en Ouganda, élues dans le cadre de sièges réservés, sont rarement nommées dans les comités exécutifs de conseils locaux. Ceci réduit leur voix et leur influence, car ce sont les comités exécutifs au sein des niveaux respectifs du gouvernement qui proposent les politiques aux organes législatifs du conseil.

Mesures permettant de renforcer les connaissances, les compétences et les réseaux sociaux des femmes : sans instruction et formation, il est difficile, pour les femmes, d’acquérir les connaissances spécialisées nécessaires pour l’avancement de leurs causes, pour accéder à l’information, et pour développer les réseaux et coalitions nécessaires pour une participation efficace.

Des organisations de la société civile, des associations professionnelles et des organismes gouvernementaux soutiennent des programmes de formation destinés à promouvoir les connaissances et encourager des réseaux de représentantes élues ou en puissance. Ils se sont concentrés sur les aspects suivants :

• Connaissance du concept du plaidoyer et des stratégies liées requises pour la réalisation des objectifs de

49 Ouoba, Rosalie, Mariam Tani and Zéneb Toure, 2003, Analyse Stratégique Des Enjeux Liés Au Genre Au Burkina Faso, Banque mondiale.

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groupes et individuels ; • Formation au leadership, dans l’organisation de campagnes et les connaissances de networking, la

constitution de coalitions, la formation de circonscriptions, la recherche de financement , la définition des priorités, le lobbying, utilisation des médias et aspects divers du système politique dans lequel elles exercent leurs activités ; et

• Sensibilisation du personnel et des conseillers élus des deux sexes pour faciliter l’élimination des obstacles sous-jacents entravant une participation plus importante des femmes dans les gouvernements et dans les postes de haut niveau au sein du Gouvernement et de l’administrations.

Des réseaux locaux et nationaux d’élues ont fourni aux femmes des connaissances, des compétences et des mécanismes de soutien nécessaires pour :

• Organiser des actions collectives et offrir leur assistance pour le développement de techniques de négociations ;

• Réunir les ressources financières nécessaires pour obtenir un mandat ; et • Mettre en commun des informations, des connaissances et des expériences pour réduire les coûts des

transactions et soutenir le développement des capacités.

Afin d’optimiser la prestation des services, des associations d’administrations locales ont soutenu une recherche et une documentation, désagrégée selon le genre, sur des questions liées a la problématique du genre pertinentes pour les administrations locales, et l’analyse des implications de ces questions sur l’efficacité et le rendement du service. Elles ont également soutenu la diffusion de bonnes pratiques au sein des localités d’un pays, et entre celles-ci, et de l’expérience réalisée dans d’autres pays. Source: Scott, Roxanne (2004) Gender, Decentralization and Governance, WBI. 297. La population ne considère pas que les communes soient particulièrement attentives à ses exigences. D’après les personnes interrogées au cours de nos études qualitatives, la population est rarement consultée, et les dispositions prévues pour la participation du public aux assemblées municipales ou la communication du budget ne sont pas appliquées de façon systématique. Bien peu de mécanismes sont prévus pour que la population locale exerce son contrôle sur ses élus, et il n’est pas surprenant de constater que certaines personnes interrogées se déclarent déçues par ce processus et l’absence de résultats concrets (Encadré 52).

Encadré 53. L’opinion de la population sur les débats du conseil municipal

« Même les fonctionnaires ne sont pas présent lors des conseils à plus forte raison les paysans » Commentaire d’un conseiller local dans une commune urbaine. « En fait ce sont les conseillers qui sont invités, mais pas la population » dans la mesure où « les conseillers représentent la population. Donc tout ce que les conseillers évoquent au conseil ce sont les désirs de la population. » Commentaire d’un représentant de l’autorité communale d’une commune urbaine. « Si la commune n’a pas besoin de nous, elle ne vient pas vers nous». Commentaire d’un résident d’une commune urbaine Source : Ouedraogo 2007.

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3) Recommandations pour une augmentation de la participation et de la responsabilité

298. Bien que le Burkina Faso ait effectué des progrès considérables vers la réalisation d’une gouvernance démocratique, en particulier lors des élections de 2006, il lui reste encore beaucoup à faire pour l’institutionnalisation de pratiques de participation et la constitution de moyens de contrôle locaux. Certaines recommandations spécifiques pour l’optimisation des processus politiques sont fournies ci-dessous. Elles sont suivies de discussions dans les sections B et C sur certaines options pour le renforcement du rôle des acteurs locaux dans les deux secteurs sur lesquels nous nous penchons, à savoir l’enseignement primaire et les services de fourniture d’eau. 299. Recommandation 1 : Organiser une discussion nationale qui abordera les règles cruciales de sélection de candidats (appartenance à un parti, règles d’éligibilité et formes de suffrage) et notamment :

• La possibilité d’élargir les candidatures à des individus non affiliés à un parti politique. • La possibilité de modifier les règles électorales pour qu’elles n’accordent pas de prime aux

grands partis. • La possibilité de réviser les règles de résidence pour les candidats et le sortant. Même si la

plupart des candidats pourraient probablement contourner une règle qui rendrait obligatoire le fait de résider dans la CT lorsqu’ils cherchent à s’y faire élire, une telle règle donnerait malgré tout le bon signal en ce qui concerne l’exécutif de la CT (et, en particulier, le maire).

300. Recommandation 2 : Aider les conseillers municipaux par la formation et d’autres formes de soutien, pour qu’ils puissent participer utilement à la gestion locale.

• Des activités de renforcement de capacités bien ciblées devraient être conçues, harmonisées entre les sources de financement et mises en œuvre.

• Des brochures illustrées et simplifiées décrivant les principales tâches des conseillers devraient être rédigées dans les langues locales les plus courantes pour surmonter, autant que possible, les barrières de l’analphabétisme.

• Le remboursement des dépenses encourues au titre de la participation aux conseils municipaux devrait être rendu obligatoire.

301. Recommandation 3 : Utiliser une panoplie de stratégies pour soutenir une participation significative de la population aux débats locaux (cf. également deux exemples indiens, Encadrés 54 et 55). Dans une large mesure, la gouvernance locale dépendra du renforcement des associations locales et des organisations non gouvernementales comme intermédiaire pour la population locale.

• La révision des conditions de création d’associations locales pourrait être utile pour veiller à ce que les formalités n’entravent pas les initiatives citoyennes.

• Des cadres de concertation pourraient être établis qui convoqueraient deux fois par an toutes les parties prenantes locales (y compris les associations, les représentants de projets et de programmes et les conseillers municipaux) pour débattre du développement local.

• En matière de planification et de surveillance, un renforcement des capacités des associations locales serait bienvenu, tout comme l’institutionnalisation d’enquêtes de satisfaction des usagers.

• Des moyens de communication appropriés doivent être utilisés pour atteindre la nombreuse population illettrée, incluant les citoyens comme les conseillers : à titre d’exemple, des programmes radiophoniques, une documentation sommaire rédigée dans les langues locales et des représentations simplifiées et illustrée des classifications budgétaires.

• Les documents devront être mis gratuitement à la disposition des citoyens.

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302. Recommandation 4 : Passer en revue et élargir les mécanismes de recours pour contrecarrer les tactiques d’obstruction.

• Trouver des moyens de prévention des tactiques d’obstruction par les conseils municipaux. • Les citoyens devront avoir droit de pétition contre une mauvaise gestion locale.

Encadré 54. Bangalore : « bulletin de note citoyen » sur les services publics

Inspiré des méthodes utilisées dans le secteur privé pour les sondages de satisfaction des clients, un petit groupe de personnes, à Bangalore (en Inde) a lancé une initiative, en 1993, pour recueillir les commentaires des usagers des services publics. On a compilé les perceptions des usagers sur la qualité, l’efficacité et la compétence des différents services pour créer un « bulletin de notes citoyen » qui classait les performances des principaux prestataires de services dans la ville. Les conclusions présentaient une mesure de la satisfaction et des niveaux de corruption perçus. La couverture dans la presse a non seulement mobilisé le soutien des citoyens et du gouvernement pour des réformes, mais a également poussé les organismes examinés à accéder de façon positive aux demandes d’amélioration des services par le public. On a répété cette initiative en 1999 dans au moins cinq autres villes d’Inde, ainsi que dans l’État de Karnataka. En recueillant et en diffusant systématiquement les commentaires du public, ces « bulletin de notes citoyen » peuvent jouer un rôle de « substitut à la concurrence ». Ils sont particulièrement importants pour les monopoles, qui appartiennent généralement à l’État et qui ne sont pas aussi incités que les entreprises privées à satisfaire aux exigences de leurs clients. Ces « bulletins» sont un support utile qui permet aux citoyens de transmettre aux organismes et services divers une indication sur leurs performances, en créant de ce fait une pression pour des changements. Source : Groupe de participation et engagement civique, Banque Mondiale, Engagement civique dans la gestion des dépenses publiques, étude de cas, Bangalore : « bulletin de notes » sur les services publics.

Encadré 55. Contrôle de la participation au Rajasthan

Au Rajasthan, en Inde, un groupe d’activistes, Mazdoor Kishan Shakti Sangathan (MKSS), a lancé un processus de contrôle social de participation, pour permettre l’utilisation active du droit à l’information de façon collective. Ceci a comporté le lancement d’audiences publiques, au cours desquelles les comptes tirés des registres de dépense officiels sont communiqués de vive voix aux villageois réunis. Le MKSS organise des réunions, présidées par un comité de personnes respectées dans la zone en question et à l’extérieur de celle-ci. Des officiels sont invités à y participer et la population locale est priée de fournir son témoignage, en soulignant les divergences relevées entre les registres officiels et leur propre expérience (en tant qu’ouvriers dans des projets de génie civil, de personnes éligibles à des programmes anti-pauvreté bases sur le calcul des ressources, de consommateurs dans des points de vente délivrant des rations etc.). Les activités du MKSS ont permis de mettre à jour des cas de corruption d’hommes politiques locaux, d’ingénieurs privés et d’entreprises du gouvernement, et la publicité résultante s’est traduite, dans certains cas, par une restitution volontaire. Source : Groupe de participation et engagement civique, Banque Mondiale, engagement civique dans la gestion des dépenses publiques, étude de cas, Bangalore: « bulletins de note » sur les services publics

B. RENFORCEMENT DU ROLE DES PARENTS ET DES COMMUNAUTES DANS L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

303. Le renforcement de la participation et des mécanismes de mise en responsabilité dans l’enseignement primaire dépend fondamentalement de l’expansion du rôle des parents et des communautés (en tant qu’acteurs non étatiques) dans la prestation des services d’enseignement. La présente section évalue les bénéfices et les limites de cette stratégie dans le renforcement de la responsabilisation des services de l’enseignement primaire (Encadré 55). Elle identifie des options pour renforcer la « voix citoyenne » des parents, ainsi que le pouvoir direct du client dans les écoles, dans le cadre de la décentralisation.

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Encadré 56. Relations de responsabilité dans le secteur de l’éducation

Les systèmes d’éducation qui fonctionnent ont en commun une structure de mise en responsabilité et de reddition des comptes effective. Les systèmes d’éducation à succès varient considérablement, et, selon les pays, mettent plus (Etats-Unis) ou moins (France, Japon) l’accent sur la responsabilisation au niveau local et la flexibilité. Toutefois, ces systèmes ont en commun des objectifs bien définis, des ressources adéquates et des prestataires à la fois compétents et motivés.

Au Burkina Faso, les solutions efficaces pour la réalisation d’une éducation à la fois universelle et de qualité seront probablement une combinaison de différents niveaux de relations de responsabilité. Les rapports de mise en responsabilité existants dans l’enseignement primaire, au Burkina Faso, sont schématisés dans la figure ci-après et expliqués de la façon suivante :

Triangle de responsabilité pour l’enseignement primaire au Burkina Faso

MEBA

EcolesEnseignants

CitoyensAPE

CTVoix citoyen

ne

Pouvoir de l’usager

Planific

ation

deco

ncen

tree

et de

centr

alise

e (PDLs

) Biens et services

Transferts directsCotisations des parents

Ecoles non-formellesSchool-based management

AdministrationDREBA, DPEBA, CEB

Contrats de

performance

L’efficacité de la voix citoyenne, c’est à dire la mesure dans laquelle les citoyens peuvent demander des

comptes à l’État sur la performance du secteur de l’enseignement, détermine à la fois les objectifs du système (priorité au tertiaire ou au primaire par exemple) et les ressources publiques consacrées à l’enseignement.

Le contrat entre les décideurs publics et les prestataires de services d’enseignement doit trouver un équilibre entre l’autonomie des écoles et du corps enseignant et l’évaluation de leurs performances. Les écoles (et les systèmes) doivent être habilitées à gérer en fonction d’objectifs de performance, et en particulier être habilitées à trouver des façons efficaces de former et de motiver les enseignants.

La participation directe des parents et de la communauté dans les écoles, des incitations axées sur la demande pour améliorer les taux de scolarisation, et l’existence d’alternatives (choix école publique ou communautaire par exemple) peuvent, s’ils sont conçus correctement, constituer des éléments importants d’un plan général d’amélioration des écoles.

Source: Banque mondiale, World Development Report 2004: Making Services Work for the Poor (New York: Oxford University Press, 2004).

La participation des parents dans les écoles officielles

304. Comme dans de nombreux systèmes d’éducation, les parents représentent, au Burkina Faso, une force de moindre poids dans le système scolaire, car leur participation financière ne leur ouvre pas un pouvoir décisionnel en proportion. Dans toutes les écoles primaires, les parents sont organisés en Associations de parents d’élèves (APE), au nombre de 7 000 sur le territoire national, et en Associations des mères éducatives (AME). Les parents versent des contributions à l’association de parents d’élèves (de l’ordre de 1 500–2 000 CFA) ainsi que des prestations ad hoc diverses payées comptant (droit d’inscription, cantine) ou en nature. Ces contributions sont affectées à des consommations intermédiaires

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fortement insuffisantes, par exemples les fournitures scolaires ainsi que les réparations ou l’entretien, mais elles répondent également à d’autres lacunes financières, en finançant des séances de formation en interne pour enseignants, ainsi que des dépenses récurrentes encourues à l’échelon déconcentré. 305. Les associations de parents d’élèves sont extrêmement dysfonctionnelles sur le plan de la gestion financière. Non seulement les frais de scolarité sont difficiles à percevoir, mais l’absence de transparence dans la gestion des contributions des parents est un problème récurrent. Les résultats de nos études qualitatives confirment les conclusions d’autres sources : gestion financière insuffisante par les associations de parents d’élèves (absence de comptes en banque et de pièces comptables) ; décisions non consensuelles (peu de réunions avec les parents ou l’administration de l’école), et capture par l’administration de l’école. Cette faible transparence peut être attribuée à des faiblesses structurelles (les APE sont des organisations de la société civile, soumises à des contrôles publics en théorie, mais pas dans la pratique), capacité insuffisante (faibles niveaux d’alphabétisation parmi les membres des APE, absence de contrôles internes), et absence de redevabilité (gestion capturée par les leaders de la communauté ou l’administration de l’école). 306. La « voix citoyenne » et l’influence des APE sur l’administration de l’école sont faibles elles aussi. Dans notre échantillon, les associations de parents d’élèves, tant urbaines que rurales, ont été décrites à plusieurs reprises comme des organisations mal structurées et peu représentatives de la communauté des parents (le conseil n’est pas réélu à échéances régulières) (Encadré 56). L’expérience internationale montre qu’en accordant une attention plus importante aux associations de parents d’élèves (par le biais de partenaires de développement comme les organisations non gouvernementales ou les bailleurs de fonds) pourrait permettre de résoudre ces problèmes, en contribuant à des associations de parents d’élèves plus fonctionnelles, avec une participation plus importante des parents. Dans notre échantillon, l’association de parents d’élèves de la commune rurale de Sideradougou s’est avérée plus fonctionnelle que les autres, du fait que le directeur de l’école a mis l’accent sur la formation de ses membres. Toutefois, des contraintes structurelles à la participation subsistent encore. En premier lieu, en l’absence de mécanismes officiels leur permettant d’influer sur les priorités de leur école, les parents ont bien peu d’influence. Deuxièmement, les clients peuvent identifier certains problèmes des écoles, mais ils n’exercent aucune influence sur la gestion de l’école (par exemple, les associations de parents d’élèves ne peuvent que signaler des problèmes d’absentéisme à l’administration de l’école ou à la tutelle). Enfin, leur capacité de planification et de contrôle est généralement limitée.

Encadré 57. La faiblesse de la voix citoyenne des parents dans l’enseignement primaire

Le conseil de l’association de parents d’élèves est le principal recours pour les parents souhaitant faire part d’un souci quelconque au directeur, à l’inspecteur ou au maire. Faute de quoi « si nous ne sommes pas satisfaits, nous ne savons pas quoi faire », a déclaré un parent d’élève. Bien qu’il soit censé être renouvelé tous les deux ans, il n’est pas rare que le conseil reste en place, dans certaines écoles, jusqu’à 6 ans, et dans certains cas, jusqu’à 14 ans. Il se limite souvent à deux ou trois membres qui déterminent le niveau des contributions et prennent des décisions sans consulter les parents : « l’association de parents d’élèves ne nous dit rien ». En conséquence, les parents ont perdu tout intérêt dans l’administration des écoles, et ne souhaitent plus exercer de contrôle sur le conseil : « si le conseil est toujours en place, c’est sans doute qu’il fait bien son travail », rapporte un parent. L’absence de transparence est une raison importante pour laquelle certains parents refusent de verser leur cotisation annuelle à la l’association de parents d’élèves. Source : Ouedraogo 2007. 307. En raison de ces difficultés, le ministère de l’Éducation a décidé de procéder à deux expériences intéressantes. Premièrement, l’initiative des « sous-projets communautaires » transfère des ressources de l’État à l’APE/AME pour la réalisation d’un projet au niveau de l’école (par exemple une augmentation du nombre de classes ou l’aménagement d’installations scolaires). Elle représente un renforcement important du pouvoir du client car a) les fonds sont alloués à condition que l’APE/AME

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présente un plan d’action élaboré pour son projet, et b) les inspecteurs mettent en œuvre l’activité et en assurent le suivi. Deuxièmement, le Fonds École (cf. chapitre 3) met des fonds à la disposition des parents pour des fournitures scolaires, et augmente les moyens de contrôle des responsables de l’enseignement. 308. Ces expériences constituent des initiatives de « school-based management » (gestion au niveau des écoles), car elles renforcent à la fois (cf. la chaine de responsabilité de l’encadre 56) le côté du contrat (autonomie de l’établissement scolaire dans l’affectation des ressources) et l’aspect du pouvoir des parents (participation des parents aux prises de décision). Les expériences de « school-based management » (gestion au niveau des écoles), donnant aux parents un rôle officiel dans la gouvernance de l’école, ont connu plus de succès dans le renforcement de la voix citoyenne des parents-clients que les APE traditionnelles (cf. Encadré 32). Ces initiatives au Burkina Faso ne représentent toutefois qu’un premier pas en avant vers un modèle de « school-based management » (gestion au niveau des écoles), qui présuppose généralement une forte autonomie de l’école a) dans la planification des activités scolaires ; b) dans les décisions sur les allocations des ressources ; c) dans le contrôle des résultats scolaires.

Les écoles communautaires

309. Parallèlement au système d’enseignement officiel, on assiste, depuis une dizaine d’années, au développement exponentiel d’écoles communautaires dans lesquelles les parents créent leurs propres établissements avec l’assistance d’ONG locales et internationales. Au Burkina Faso, les modèles de gestion communautaire remontent à la période révolutionnaire, lorsqu’on encourageait les communautés à mettre en place et gérer les installations scolaires. Les premières écoles non officielles ont été fondées en 1996 par l’UNICEF, avec les « écoles satellite » (environ 260 écoles en 2006). Tout comme dans d’autres pays sub-sahariens, dans les années 1990, le Burkina Faso a connu un pic de construction d’écoles communautaires.50 310. En dépit de leur grande hétérogénéité, les écoles communautaires non officielles ont certaines caractéristiques en commun. Les caractéristiques communes aux écoles communautaires sont les suivantes : a) il s’agit de réponses locales communes au faible taux d’inscription et aux abandons élevés ; b) leur offre est plus limitée que celle du système officiel (de un à quatre niveaux de classe) ; c) elles s’efforcent d’intégrer les enfants dans le système d’éducation officiel ou dans un cadre professionnel ; et d) elles comportent toutes un fort élément de délégation, basé sur les deux principes suivants : participation par la communauté, l’administration déconcentrée et la société civile, et adaptation au contexte local d’innovations dans l’organisation et les méthodes (par exemple enseignement dans une langue locale ou enseignement bilingue). 311. Les écoles satellite sont un des exemples qui connaissent le plus de succès. Elles proposent un programme sur trois niveaux de classes dans des régions dénuées d’écoles primaires officielles, auquel s’inscrivent des enfants âgés de 7 à 9 ans, dont 50 pour cent de filles. Il s’agit d’un projet innovant sous de nombreux aspects institutionnels. Tout d’abord, il est organisé dans des communautés locales suivant un processus de participation. Chaque école satellite est placée sous la direction d’un comité villageois dont le rôle est a) de choisir l’emplacement de l’école ; b) de mobiliser des villageois pour la construction de l’infrastructure ; et c) de nommer des enseignants. Seuls les candidats domiciliés à moins de 17 kilomètres de l’école peuvent être nommés au poste d’enseignant. Deuxièmement, il engage des acteurs locaux et des systèmes de gestion publics pour constituer un partenariat innovant. Alors que les villageois contribuent par leur travail à la construction, l’entretien et l’administration de l’école, l’ONG, elle, assure la fourniture du matériel, dépêche du personnel de contrôle et fournit les programmes et les livres

50 CEBNF (Centre d’Education de Base Non Formelle, UNICEF) ; Écoles du Berger) ; et Écoles communautaires, Ecom).

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scolaires. Les salaires51 et la formation des enseignants sont à la charge du gouvernement central. Étant donné que l’enseignement non officiel a été reconnu comme un élément structurel de l’enseignement de base, l’inspection et le suivi sont assurés, eux aussi, par l’État et son administration (Banque mondiale 2002). 312. Bien que les écoles non officielles augmentent l’accès à la scolarité, elles présentent un double problème pour la question de la responsabilisation/redevabilité. Tout d’abord, paradoxalement, elles représentent un défi au « pouvoir du client », le choix du parent étant, en fait, une absence de choix , dû seulement à la faible disponibilité en services d’éducation, et la participation des parents étant, une fois de plus, principalement financière. Deuxièmement, les écoles non officielles représentent un défi pour l’aspect « contrat », du fait de la présence de contraintes structurelles pour leur normalisation. En ce qui concerne les installations, le ministère a l’intention de normaliser les écoles communautaires chaque fois que cela lui sera possible (les options comprennent le transfert des élèves au système officiel, ou la normalisation des écoles, avec la construction d’un nombre de salles de classe supplémentaires, ou en mettant en place des classes couvrant plusieurs niveaux). En ce qui concerne les enseignants, leur niveau d’instruction est, dans l’ensemble, faible. Non seulement la qualité de l’enseignement s’en ressent, mais ceci affecte également les programmes de formation et de mise à niveau, qui deviennent moins efficaces. Par conséquent, il n’existe, à l’heure actuelle, aucun mécanisme officiel prévoyant d’intégrer ce personnel dans le système officiel. Redevabilité et suivi 313. La participation d’acteurs non étatiques dans l’administration de l’école est en mesure de soutenir des améliorations de la qualité, à condition qu’il y ait des mécanismes de responsabilisation/redevabilité et de contrôle. D’un côté, il faut que soient clarifiées les responsabilités respectives au niveau de l’école, en définissant clairement les rôles et les responsabilités des parents ou des comités d’école (comme dans la gestion au niveau de l’école) et de l’administration locale. En Guinée, par exemple, le ministère de l’éducation primaire a émis une circulaire définissant les rôles et les responsabilités des associations de parents d’élèves dans les écoles, sur le plan de l’administration, précisant les compétences exclusives et partagées, et établissant la garantie de l’autonomie des associations de parents d’élèves (l’administration de l’école ne doit pas être confiée à un membre de l’association de parents d’élèves etc.). De l’autre cote, il est important d’assurer le contrôle pour une bonne gestion des finances. 314. Dans le cadre de la décentralisation, les CT sont en mesure de renforcer de façon efficace le pouvoir et la voix citoyenne des parents et des communautés. Les CT peuvent organiser la mobilisation des communautés (en clarifiant les responsabilités et les mécanismes de reddition des comptes), surveiller la gestion des ressources (contributions financières des parents et transferts directs aux écoles, le cas échéant), et renforcer le contrôle des prestataires. La décentralisation est également en mesure de renforcer les relations de contrat et le pouvoir des clients dans les écoles non officielles : bien que le choix de la communauté locale sur le lieu de construction des écoles, le mode de recrutement des enseignants et la gestion des écoles non officielles doive rester tel quel, les CT peuvent contribuer au renforcement de l’affection des consommations intermédiaires clés et de la supervision, ou même payer le personnel de la communauté. Enfin, la décentralisation alliée à des arrangements plus formels, comme le « school-based management » (gestion au niveau des écoles), serait un modèle de gestion efficace pour le renforcement du coté de la relation de « contrat » comme de celle de « pouvoir » des acteurs non étatiques (cf. Chaine de responsabilité). 315. Un autre aspect important, qui devrait découler de la décentralisation, est la réduction de la 51 Les enseignants sont rémunérés par le ministère sur financement d’ONG.

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charge financière sur les parents et les communautés pour la réalisation de l’objectif d’une éducation de base gratuite. Les transferts aux CT sont censés accroître l’efficacité allocative des dépenses publiques, en augmentant les taux d’exécution des dépenses publiques tout en identifiant et en ciblant mieux les exigences locales. A cet égard, un avantage prévu de la décentralisation serait la réduction progressive de la participation financière des parents, et, de là, le déplacement du pouvoir du client vers la prise de décisions. Une fois de plus, ces avantages peuvent également être réalisés avec la mise en œuvre d’initiatives de « school-based management » (gestion au niveau des écoles) qui permettront d’accroître l’autonomie financière des écoles et des parties prenantes locaux, y compris les parents.

C. RENFORCER LE ROLE DES USAGERS ET DES PRESTATAIRES DE SERVICES DANS LE SECTEUR EAU

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316. Le renforcement de la participation des acteurs non étatiques (citoyens, comités de point d’eau, associations d’usagers et le secteur privé) utilisant ou assurant des services de fourniture d’eau pourrait accroître la responsabilité, de même que la quantité et la qualité des services. Les rapports de responsabilité actuels au Burkina Faso dans le secteur de l’eau sont décrits dans l’Encadré 57.

Encadré 58. Relations de responsabilité dans le secteur de l’adduction d’eau

Rapports de responsabilité dans les zones urbaines. Pour les services en réseau, surtout répandus en milieu urbain, la réglementation des prestataires et les systèmes permettant d’assurer que les personnes pauvres aient accès à des services à un prix abordable, sont les principales raisons de l’intervention du gouvernement. Mais la voix citoyenne des plus pauvres reste faible, car l’eau étant particulièrement vulnérable aux problèmes de népotisme; les prestataires finissent par être davantage responsables envers les décideurs publics que vis à vis des clients. La solution consiste à assurer une séparation claire des responsabilités entre d’une part les décideurs publics et d’autre part les prestataires de service. Cela permet de s’assurer que les prestataires soient plus attentifs aux exigences des clients. Mieux répartir les pouvoirs par le biais de la décentralisation et de la participation du secteur privé, promouvoir la concurrence afin de comparer la performance des prestataires, mettre en place des cadres de régulation pour permettre aux prestataires autonomes de participer au développement des infrastructures et des services d’eau potable et enfin, favoriser la mise en place de services permettant le recouvrement des coûts lorsque cela est possible sont autant de façons de séparer les décideurs publics des prestataires de services, et de renforcer les cadres contractuels, ainsi que le pouvoir des clients et la voix des citoyens.

Triangle des responsabilités dans la fourniture d’eau potable au Burkina Faso

Rapports de responsabilité dans les zones rurales. En milieu rural et dans les zones ne disposant d’aucun réseau d’aqueduc, les services sont en général fournit sous la forme d’une gestion communautaire et autonome. Le décideur public (exemple élu municipal ou le ministère), qui est normalement responsable de la définition des standards et de l’accès aux services est presque totalement absent de ce type d’arrangement. Afin d’éviter les problèmes qui s’ensuivent, il serait souhaitable que les décideurs publics assistent (voire protègent) les bénéficiaires de services d’eau potable par la mise en place de standards et de contrôles de la qualité et de l’accessibilité des services d’eau potable. La gestion des externalités de l’hygiène publique dans les zones rurales, sont mieux assurées au sein du village ou de la communauté. En conséquence, l’assistance en matière de fourniture auprès des foyers doit être complétée par des interventions au niveau de la communauté (plutôt qu’au niveau régional ou central). Ces interventions doivent être conçues pour encourager les foyers à mieux articuler leurs besoins et leurs demandes afin de générer des pressions auprès des fournisseurs de services. Cela permettrait d’optimiser la qualité des services et le respect des standards de qualité tel que discuté plus haut.

Source : Banque mondiale, Rapport sur le Développement dans le Monde 2004. Participation de la communauté dans les zones urbaines

Contrats de performance

MAHRH / ONEA

ONEAAssociations des Usagers de l’ eau

Secteur Privé ONGs

Citoyens Associations

des usagers de l’eau

CU CRVoix citoyenne

Pouvoir du client

Plans de développement locaux de systèmes d’eau potable

(PDC - AEPA)

Conventions de partenariatAffermages

Gestion par la communautéComités des Points d’eau

Association des usagers de l’eau

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317. A l’heure actuelle, les citoyens des villes n’ont pas une grande influence (voix citoyenne) sur l’autorité centrale ou les services responsables des fournitures d’eau. L’ONEA exerce ses activités sur le modèle de la gestion d’entreprise (rapports client-fournisseur) et la population ne participe pas directement à la planification ou au contrôle des réseaux d’eau. En théorie selon notre Chaine de Responsabilités, les citoyens ont le « pouvoir de clients » avec l’ONEA. Toutefois, étant donné que l’ONEA est un monopole dans le pays, les populations urbaines n’ont pas beaucoup de choix lorsqu’il s’agit de choisir un fournisseur, de présenter des doléances ou de solliciter des services meilleurs. Dans son Plan Stratégique 2004–08, l’ONEA reconnaît que ceci pose un problème, et envisage de mettre en place des instruments pour mesurer la satisfaction du client vis à vis du service et rendre le personnel redevable pour la qualité des services. Si elles sont mises en œuvre, ces mesures sont susceptibles d’accroître la responsabilité par le pouvoir direct du client. 318. Le rôle nouveau des communes ainsi que l’émergence d’une planification locale participative, par le biais des Plans de Développement Communaux pour l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement (PDC-AEPA) devraient potentiellement renforcer les relations de responsabilité à travers la voix citoyenne. Cette responsabilité ne peut être concrétisée que si l’ONEA prend les mesures appropriées pour assurer une meilleure participation, par les communes urbaines et les citoyens, à la planification stratégique. Les études qualitatives ont révélé qu’il est difficile, pour les citoyens ou les communes, d’exercer une interaction directe avec l’ONEA (Ouedraogo 2007). Dans le cas de Bitou et de Diapaga, qui ont toutes les deux des accords d’affermage avec l’ONEA, ni les communes urbaines ni les citoyens n’ont été en mesure de prendre part activement à l’élaboration de ces accords d’affermage ou au contrôle des performances. L’ONEA pourrait modifier ses procédures pour encourager de façon proactive une approche plus participative pour les prochains accords. Ce changement augmenterait alors les rapports de responsabilité à travers une relation de contrats (cf. Chaine de responsabilité).

Encadré 59. Expérience internationale de la décentralisation dans le secteur de l’eau

En France, Les équipements et installations du réseau de distribution d’eau sont traditionnellement délégués à la commune—le niveau de gouvernement le plus bas. Des groupements de communes ont intégré le secteur en délégant en amont les services de l’eau et de l’assainissement à des sociétés privées ou semi-publiques. Les services offerts par une société peuvent parfois couvrir plusieurs communes, qui restent propriétaires de leurs propres installations mais qui sous-traitent l’administration des services.

Aux États-Unis, les infrastructures de distribution d’eau et d’assainissement sont également déléguées aux administrations locales. Dans le cas où les administrations locales ont été divisées en petites circonscriptions, au sein desquelles des services des eaux individuels ne seraient pas rentables, des sociétés privées offrent leurs services en desservant plusieurs administrations locales. Il est intéressant de noter qu’en France, et dans certaines régions des Etats-Unis, la capacité limitée des administrations locales les plus petites ont incité des sociétés privées à desservir des groupements de d’administrations locales. Aussi bien en France qu’aux Etats-Unis, le fait que la société des eaux couvre plusieurs circonscriptions garantit que celle-ci ne peut être « capturée » par une entité individuelle quelconque – garantissant ainsi son autonomie par rapports aux décideurs politiques locaux.

Le principe adopté en Angleterre et aux Pays-Bas est différent. Au début du vingtième siècle, la maîtrise et la fourniture directe dans ces pays étaient entre les mains des administrations locales. Aux Pays-Bas, ces organisations suivaient des structures de sociétés, appartenant pour la plupart a des municipalités, et dirigées par celles-ci. En Angleterre, le gouvernement consolida les sociétés locales d’ approvisionnement en eaux en organismes régionaux, dont le nombre passa de 1 400 pendant la deuxième guerre mondiale à 187 en 1974, puis à 10 dans les années 1980, et qui finirent par être privatisés. Aux Pays-Bas, également dans le cadre des pouvoirs du gouvernement central, les sociétés municipales ont été converties en sociétés régionales, dont les municipalités et les provinces sont restées toutefois propriétaires, pour faciliter l’expansion des services aux régions rurales.

Source : Banque Mondiale, Rapport sur le Développement dans le Monde, 2004. 319. Dans le contexte de la gestion de l’ONEA, le « bulletin de notes citoyen » pourrait devenir un

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instrument de mise en responsabilité à la fois utile, approprié et rentable. Un bulletin de notes citoyen (cf. Encadré 54) est une enquête participative utilisant les commentaires des usagers sur les performances de services publics. Les résultats sur la satisfaction des usagers sont alors convertis en un « bulletin de notes citoyen » sur la qualité de la gestion du service des eaux. Ce bulletin de notes est également un instrument permettant de soutenir la redevabilité au public à travers les campagnes de la société civile et la couverture dans la presse, qui doivent accompagner ce processus. L’ONEA pourrait encourager l’évaluation régulière de la qualité de son service par les usagers. Les usagers de ces services peuvent fournir des commentaires utiles sur la qualité, l’efficacité et la compétence de ces services, et les problèmes qu’ils affrontent dans leurs interactions avec l’ONEA en tant que prestataires de services. Toutefois, l’ONEA ne peut gérer à lui seul le traitement des bulletins de notes, et ce service doit être géré indépendamment. Soit les communes urbaines sont en mesure de gérer ces bulletins de notes, ce qui leur permettrait de participer au contrôle et d’accroître leur propre redevabilité dans ce processus, soit les bulletins de notes doivent être gérés par la société civile, à travers les associations d’usagers de l’eau, déjà présentes dans la plupart des communes urbaines ou rurales. Idéalement, l’ONEA ne devrait pas financer le processus sauf si un mécanisme garantissant l’autonomie des communes urbaines ou des associations d’usagers de l’eau est déjà en place. L’Encadré 53 fournit l’exemple de Bangalore, un précurseur de l’utilisation des bulletins de notes citoyens depuis le milieu des années 1990. Participation de la communauté dans les zones rurales 320. Dans les zones rurales, la gestion communautaire est le système de gestion prépondérant. En conséquence, la population rurale et les groupements communautaires sont plus actifs que les groupes urbains dans la gestion des services et des installations d’eau potable. Lors de la réalisation d’un puits creusé ou de la construction d’un réseau d’adduction d’eau potable simplifié (mini-réseau), la gestion est généralement assurée par un comité de point d’eau ou une association d’usagers de l’eau. En général, un comité de point d’eau ou une association est composé de trois à neuf administrateurs, tous volontaires. Ces organisations sont, en principe, directement responsables envers le village ou le voisinage dans le cadre de rapports direct de pouvoir du client. 321. Toutefois, le développement de systèmes de fourniture d’eau potable au Burkina est limité par l’incapacité des comités de points d’eau locaux et des associations d’usagers de l’eau d’assurer une assistance technique et financière pour la modernisation et l’expansion de points d’eau et de petits réseaux. Le système de gestion communautaire est inégal : certaines de ces organisations appliquent des règles de sélection saines pour choisir les membres du conseil ; d’autres sont capturées par l’élite locale ; et la plupart d’entre elles n’ont aucun statut officiel. Seul un petit nombre possède un compte en banque, et la plupart ne possèdent qu’une caisse. La gestion communautaire n’est pas soumise à un mécanisme de supervision ou de contrôle, et la gestion n’est pas toujours transparente. Les comités de point d’eau ne sont pas tenus de rendre compte de leurs actions à la communauté, et ne sont pas responsables des résultats. La plupart de ces structures ne possédant pas de statut juridique, elles ne peuvent pas faire l’objet de poursuites judiciaires ou disciplinaires en cas de mauvaise administration (AFD 2005). 322. Dans le contexte de la décentralisation, les communes se verront chargées de compétences pour la gestion de l’eau potable. Ceci ne manquera pas de changer les choses. En premier lieu, les communes urbaines et rurales joueront un rôle majeur dans la supervision des comités de point d’eau. Deuxièmement, la décentralisation créera un contexte territorial dans le cadre duquel les points d’eau individuels ne sont plus le point de référence. L’intégralité du territoire d’une commune ainsi que tous les points d’eau situés sur le territoire peuvent faire l’objet d’un contrat public-privé pour la gestion du service public. 323. Aussi bien la décentralisation que les réformes du secteur de l’eau auront tendance à augmenter le rôle du secteur privé dans la gestion de l’approvisionnement en eau potable. La

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décentralisation offrira des opportunités majeures au secteur privé pour l’entrée sur le marché. Une échelle territoriale plus grande52 ainsi que la généralisation de plans de développement locaux dans le secteur de l’eau (PDC-AEPA) devraient promouvoir des principes de gestion intégrée, ce qui signifie que, sur un certain territoire, tous les points d’eau et réseaux de petite envergure peuvent être considérés comme un tout et non plus comme des entités distinctes, dégageant ainsi des économies d’échelle potentielles. Ce système constitue un contexte entièrement nouveau pour les accords contractuels, comme l’affermage ou les partenariats public-privé. 324. Dans ce contexte, le rôle des organisations communautaires doit être clarifié. Dès que la responsabilité pour la gestion des fournitures d’eau est transférée aux communes, la réforme du secteur de l’eau (PN-AEPA) prévoit qu’il sera nécessaire de réorganiser les associations communautaires. Premièrement, ils devront s’adapter à un nouveau contexte géographique correspondant aux territoires des communes rurales. Deuxièmement, les comités de point d’eau seront regroupés sous l’égide d’une organisation chapeau (rôle pouvant être joué par une association d’usagers de l’eau) ; en conséquence, le nombre d’acteurs sera moins important, mais ces organisations exerceront une influence plus importante. 325. Lorsque la réforme de la décentralisation sera terminée dans le secteur de l’eau, trois options de politique s’ouvriront aux communes rurales, en fonction de la nouvelle réglementation :

• Les communes rurales pourront décider tout simplement de maintenir en place la gestion au communautaire, et la superviser seulement (en quasi statu quo).

• Les communes rurales pourront développer un accord avec les comités de point d’eau et/ou une association d’usagers de l’eau, de sorte que le pouvoir de sous-traitance leur soit délégué. Elles chercheront alors un prestataire privé, et signeront un contrat, un accord de partenariat ou un accord d’affermage avec le prestataire privé.

• Les communes rurales pourront passer un marché directement avec un prestataire privé pour la gestion de l’intégralité des systèmes sur le territoire. Dans ce cas, les comités de point d’eau et toutes les associations d’usagers de l’eau participeront à la planification et au contrôle du prestataire de services, plutôt que de jouer un rôle direct en tant qu’autorité d’adjudication de marchés.

326. D’une façon ou d’une autre, le processus de décentralisation finira par se traduire par un cloisonnement fondamental des fonctions. Parmi les fonctions qui seront nécessaires, on indiquera l’élaboration des politiques (sélection du système approprié ; établissement du modèle), la prestation des services, le contrôle (vérification de la qualité et de l’efficacité du système), et le contrôle ou la supervision des opérations. Le cloisonnement de ces fonctions permettra probablement d’accroître la redevabilité des différents acteurs intéressés : communes, groupes communautaires, et sociétés privées.

52 Chaque commune rurale devra définir des « zones d’intervention », ce qui permettra au secteur privé de connaître exactement le potentiel économique et le contexte local dans lequel il exercera les fonctions de prestataire de services.

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Annexe 1. Le cadre stratégique de la mise en œuvre de la décentralisation Le décret présidentiel ratifiant officiellement la réalisation du cadre stratégique de mise en œuvre de la décentralisation (CSMOD) a été signé le 1er mars 2007. Ce document constitue un cadre commun pour tous les acteurs participant au processus : élus à l’échelon national, régional et local ; administration gouvernementale ; organes de tutelle ; organisations de la société civile ; donateurs ; population; et autres acteurs. Il décrit la situation actuelle et définit les principales orientations, les principes de la décentralisation, et les principales directions à la base des actions de l’État dans le processus de la décentralisation. Les cinq objectifs spécifiques du CSMOD pour l’exécution du processus de décentralisation sont les suivants :

1. Appropriation socio -politique 2. Transfert des ressources et des compétences 3. Renforcement des capacités locales 4. Renforcement de la déconcentration 5. Renforcement du financement de la décentralisation

L’assimilation sociale et politique de la décentralisation désigne la mobilisation des acteurs autour des objectifs et des procédés de la décentralisation. C’est pour cela qu’un plan d’information et de communication pour la décentralisation est un élément clé incorporé dans le CSMOD. Le transfert des ressources et des compétences concerne les six blocs de compétences qui seront transférés aux CU à titre prioritaire : a) services scolaires pré-primaires ; b) éducation de base et alphabétisation ; c) santé ; d) culture ; e) tourisme ; et f) jeunesse, sports et loisirs. Dans les communes et les régions rurales, le transfert de ces compétences sera progressif et devra être achevé d’ici la fin de 2009. Le renforcement des capacités locales désigne les actions de renforcement des capacités de gestion des élus et agents des collectivités territoriales, des capacités d’interventions des acteurs locaux (organisations de la société civile et privée), et l’implication de tous les acteurs dans la définition et la mise en œuvre des politiques de développement au niveau régional et communal Le renforcement de la déconcentration se réfère à la mise en œuvre des délégations de pouvoir prévues par la loi, le renforcement de la fonctionnalité des services déconcentrés de l’Etat, et la gestion cohérente du développement régional Le renforcement du financement de la décentralisation se réfère à l’accroissement des capacités de mobilisation des ressources propres des collectivités territoriales, l’organisation de la décentralisation fiscale, le soutien financier permanent de l’Etat, la rationalisation des interventions des PTF, et la mise en place d’un système de péréquation entre les collectivités territoriales Un des principaux objectifs du CSMOD est l’élaboration et la mise en œuvre de plans de développement locaux pour stimuler le développement économique et contribuer aux compétences locales pour la réduction de la pauvreté et l’amélioration des services locaux. Enfin, la coordination du processus de décentralisation est au cœur même du CSMOD, qui met en place des comités de coordination et des dispositifs de suivi.

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Structures de coordination Deux niveaux de coordination sont prévus : le niveau national et le niveau régional. Au niveau national, la conférence nationale sur la décentralisation (CONAD) sera composée du Premier ministre, assisté de deux vice-présidents : le ministre de la Décentralisation et le ministre des Finances et du Budget. Parmi les autres membres de la conférence, figurent plusieurs autres ministres et acteurs non gouvernementaux participant à la décentralisation, qui seront déterminés ultérieurement. Le principal rôle de la CONAD sera d’assurer que la stratégie soit exécutée conformément au programme. La CONAD dépendra d’un secrétariat technique chargé de l’élaboration des dossiers techniques, et d’assister les membres de la CONAD. Aux échelons provincial, régional et local, le CSMOD envisage également la création de structures de coordination pour participer au contrôle du processus de la décentralisation. Mais le CSMOD reste non spécifique quant au rôle et à la composition précises de ces structures. Mise en œuvre, contrôle et évaluation Le CSMOD est relativement précis en ce qui concerne le principe de la mise en œuvre. Premièrement, le CSMOD comporte un cadre logique spécifique précisant, pour chacune des cinq dimensions : les objectifs généraux, les objectifs spécifiques, les principales données, les résultats / conséquences prévus, et les indicateurs. Le CSMOD prévoit également un cadre financier pour le coût de la stratégie de 2007 à 2015. Enfin, le CSMOD prévoit un plan d’action clair, comprenant la liste des activités par priorité et un calendrier. Le CSMOD décrit également les principes de contrôle et d’évaluation. Le CONAD jouera un rôle important dans le contrôle du CSMOD au plus haut niveau, en faisant usage de la stratégie de mise en œuvre comme cadre d’analyse principal. Mais il est également prévu que le niveau régional et celui de la commune auront un rôle à jouer dans le processus de suivi et d’évaluation ; toutefois, le CSMOD n’est pas spécifique sur le rôle des CT. Le CSMOD se penche également sur la question de la coordination interministérielle comme facteur de réussite essentiel de la décentralisation. On propose, pour chaque secteur intéressé, un plan de décentralisation à titre indicatif, de sorte que les stratégies sectorielles tiennent compte du processus de la décentralisation et du rôle nouveau des CT dans la gestion et la prestation de services publics. Le CSMOD signale également l’importance de la coordination dans le processus de la décentralisation, avec le développement de politiques nationales générales, comme la stratégie pour la réduction de la pauvreté, la politique nationale pour une bonne gouvernance, et la politique pour le développement rural.

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Annexe 2. Aperçu de l’histoire institutionnelle et politique du Burkina Faso

Encadré 60. Architecture institutionnelle et grandes dates de la décentralisation, depuis l’époque coloniale jusqu’aux aujourd’hui

Dates/périodes Administration déconcentrée Collectivités

locales Observations

Époque coloniale

Approche hiérarchique, peu de place pour les systèmes de gouvernance locale existants

Cercles, subdivisions, postes administratifs

Néant Logique de « contrôle »

1955 Ouagadougou et Bobo Dioulasso, « communes de plein exercice »

Logique de « contrôle »

1958 4 « communes de moyen exercice »

Logique de « contrôle »

Époque postcoloniale

1960–83

A six années de gouvernement civil, font suite différents coups et régimes militaires avec des organismes locaux sous tutelle

1960 Maintien de la hiérarchie coloniale

« Collectivités rurales de plein et moyen exercice »

Les organismes ruraux n’ont aucun moyen de gestion et sont détachés de leur environnement sociopolitique

1966 Organisations de développement régional (ORD)

1974 11 régions agricoles, avec 4 « piliers » ; 2 circonscriptions administratives (sous-préfecture et arrondissements)...

...et 2 « collectivités décentralisées » : département et communes

Le chef de département (nouveau niveau) est le préfet. Réticences pour permettre des élections locales

1983 Révolution Sankariste (Conseil révolutionnaire national)

Régime radical, avec « ajustement structurel autogéré » ; importants réformes sociales, économiques et institutionnelles, certaines améliorations dans la prestation des services et la réduction de la pauvreté, avant la montée de tensions sociales dans les villes et les secteurs de pouvoir traditionnels (églises, chefs traditionnels)

Réorganisation territoriale en 30 provinces subdivisées en 300 départements, au sein desquels on crée des nouveaux villages et communes

Les provinces (et non plus départements) et les communes sont des échelons décentralisés

Création de Comités de Défense de la révolution pour une mobilisation sociale et pour remplacer l’autorité traditionnelle, mais sans objectif d’autonomie locale / « révolution paysanne »

1987–90 Assassinat du capitaine Sankara. Le régime maintient ses tendances marxistes, mais tente d’obtenir l’appui de la bourgeoisie urbaine

1991 à l’heure actuelle

Démocratisation sans transition politique

1991 Constitution

La constitution comprend des articles sur l’organisation territoriale

Début de la transition démocratique

1993 : 5 lois sur la décentralisation

Provinces Communes Principe de la « gestion autonome des CL"; élection d’assemblées délibérantes

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1995 Élections dans 30 communes urbaines

1998 TOD Provinces, départements, villages Provinces, communes

Les provinces sont ajoutées à la liste de CL

2000 Élections dans 49 communes urbaines

Population couverte par les élections locales : 18 %

TOD modifié 2001 (2 juil.)

Création de 13 régions Régions, provinces, communes

Les régions sont ajoutées à la liste de CL

TOD modifié 2003 (6 août)

Régions, communes

Les provinces sont enlevées de la liste de CL

CGCT 2004 Région, province, départements Régions, communes

« Communalisation » intégrale (les communes rurales correspondent à peu près au territoire des anciens départements)

2006 Élections municipales (49 communes urbaines et 302 communes rurales)

Encadré 61. Grandes dates politiques du parti au pouvoir, de 1991 à 2006

Mars 1991 : l’ODP-MT (Organisation pour la démocratie populaire - Mouvement du travail) renonce officiellement au marxisme-léninisme et au capitalisme d’État qui font place au libéralisme Décembre 1991 : aux élections présidentielles, Blaise Compaoré est élu président avec 86,19 pour cent des voix (taux d’abstention: 74,88 pour cent). Mars 1992 : aux élections législatives, l’ODP-MT remporte 78 des 107 sièges, les alliés de l’ODP-MT gagnent 7 sièges, l’opposition remporte 23 sièges (sur un total de 27 partis, et un taux d’abstention de 65,2 pour cent). 1995 : élections municipales. 6 février 1996 : création du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès). 1997 : le CDP organise des primaires pour les élections législatives. 781 candidats pour 222 sièges: seuls 22 députés en place sont sélectionnés (6 autres restent en tant que “suppléants”). 1998 : l’assassinat du journaliste Norbert Zongo déclenche des réactions et des protestations. Mai 2002 : élections législatives (Proportionnelles “au plus fort reste” ). Le CDP obtient 57 sièges, l’opposition 54. 2004 : la loi électorale proportionnelle « à la plus forte moyenne » est votée pour les élections locales Avril 2006 : élections municipales. Le CDP remporte toutes les 49 communes urbaines et 299 communes rurales sur 302. Le CDP obtient 15 000 conseillers sur 17 000.

135

Annexe 3. Allocations de crédits délégués des ministères aux administrations déconcentrées, 2000–

2006 Tableau 12. Pourcentage du budget de fonctionnement exécuté par « Crédits délégués », par

ministère

Ministère 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 TOTAL Santé 22,23 24,97 34,69 44,28 50,49 30,53 42,55 37,05Alphabétisation / enseignement primaire 55,73 56,57 34,64 49,87 61,57 71,05 42,72 51,78Décentralisation - 9,73 10,35 14,87 7,79 6,37 27,69 13,51Sécurité - 1,09 4,84 2,32 1,97 4,81 2,41 2,90Enseignement secondaire - - - - - - 41,05 41,05Élevage - - - - - - 26,88 26,88Économie et développement - - - - - - 10,92 10,92TOTAL 36,06 34,45 31,63 42,21 46,96 40,67 35,70 38,06

Remarque : les montants se rapportent aux dotations annuelles sous le titre 3. Source : Premier ministère 2006.

Tableau 13. Champ et volume des crédits délégués, par ministère et nature de dépenses

Type de dépenses Lancé en

(année) Matériel

et mobilier

Achat de biens et services Ministère

Fournitures de bureau

Entretien et maintenance

Prestations de Services

eau/électricité/gaz Dépenses de communications

Santé 1995 R +P R +P R +P R +P R +P R +P Alphabétisation / enseignement primaire

1999 R +P R +P R +P R +P R +P R +P

Décentralisation 2001 R R Sécurité 2001 R R Enseignement secondaire

2006 R R R

Élevage 2006 R R R Économie et Développement

2006 R R

Remarque : R dénote des crédits délégués à l’échelon régional ; P dénote des crédits délégués à l’échelon provincial.

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Annexe 4. Compétences pour les fournitures d’eau et d’électricité et pour l’enseignement primaire

Régions Communes urbaines Communes rurales De l’eau et de l’électricité

avis sur les programmes nationaux d’approvisionnement en eau avis sur le schéma directeur d’adduction d’eau

participation à l’élaboration du schéma directeur régional d’adduction d’eau élaboration et mise en œuvre des plans locaux de production, de distribution et de maîtrise d’énergie participation à l’entretien et à la conservation des cours d’eau création et gestion des infrastructures énergétiques

participation à la réalisation et à l’entretien des retenues, des barrages, des puits et forages production et distribution de l’eau potable

avis sur les plans d’électrification dans la région réalisation et gestion de puits, de forages et de bornes-fontaines

participation à l’élaboration du schéma directeur régional d’électrification participation à l’élaboration du schéma régional d’électrification participation à l’élaboration du schéma national d’électrification. réalisation et gestion de l’éclairage public.

De l’éducation, de l’emploi, de la formation professionnelle et de l’alphabétisation

participation à la prise en charge de l’enseignement préscolaire prise en charge du développement de l’enseignement préscolaire

participation à la prise en charge du développement de l’enseignement primaire acquisition, construction et gestion des établissements préscolaires

participation à la construction et à la gestion des établissements secondaires prise en charge du développement de l’enseignement primaire dans le périmètre communal : construction, acquisition et gestion

des écoles primaires

prise en charge avec l’appui de l’Etat du développement de l’enseignement supérieur contribution au développement de l’enseignement secondaire

prise en charge avec l’appui de l’Etat de la promotion de l’emploi, de la formation professionnelle et de l’alphabétisation construction et gestion des établissements secondaires

participation à l’établissement de la tranche régionale de la carte éducative nationale. prise en charge avec l’appui de l’Etat du développement de la formation professionnelle et de l’alphabétisation

participation à l’établissement de la tranche communale de la carte éducative nationale. Nota: les cases en vert sont des secteurs où les CT « participeront » à l’activité décrite, les cases jaunes ceux où les CT « donneront leur opinion ».

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Annexe 5. Rôle de la tutelle sur les régions et les communes

Rôle de la tutelle sur les décisions des

conseils Région Commune Réception de toutes les décisions préalablement à la mise en œuvre

exécutoires après leur transmission à l’autorité de tutelle, sous réserve du respect des conditions d’entrée en vigueur des actes des autorités locales

Toutes les décisions financières ou celles qui ont un impact financier budget primitif et supplémentaire les achats publics dans les limites prévues par les textes en vigueur le compte administratif et le compte de gestion les conventions portant création des structures de concertation et de coopération

Approbation (considérée comme étant accordée 45 jours après la soumission à la tutelle)

les opérations d’aménagement du territoire Toutes les décisions financières ou celles qui ont un impact financier les acquisitions, les aliénations ou les échanges de biens immobiliers les emprunts dans les limites prévues par les textes en vigueur l’acceptation de dons et legs grevés de charges ou entraînant des charges les indemnités les contrats assortis de contrepartie de l’Etat les opérations d’aménagement du territoire

Autorisation préalable (considérée comme étant accordée 45 jours après la soumission à la tutelle)

les plans locaux de développement la mise en œuvre des plans locaux de développement

Annulation ou suspension Décisions prises avec un membre du conseil ayant un intérêt personnel à leur approbation (initiative de la tutelle ou requête d’une partie intéressée)

Annulation Toutes les décisions au-delà des mandats des CT, contraires aux lois et règlements en vigueur, ou adoptés par des organismes de délibération se réunissant, ou constitués, illégalement

Substitution Le gouvernement central pourrait se substituer aux gouvernements locaux si ces derniers ne mettent pas en œuvre des décisions établies par les lois et règlements en vigueur

Audit Les audits sont effectués par le gouvernement central, lorsqu’il le juge nécessaire

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Annexe 6. Caractéristiques des Collectivités Territoriales Figure 9. Cartes des 13 régions et 45 provinces du Burkina Faso

139

Tableau 14. Densité de population des Collectivités Territoriales

Collectivités territoriales

Nombre de CT Population

minimale Population maximale

Densité maximale (au km2)

Densité minimale (au km2)

Régions 13 419 882 1 444 639 460,6 22,8 Communes

urbaines 49 Communes rurales 302 3 216 92 151

Tableau 15. Population des communes rurales, par taille de commune

Niveau de population dans les communes

rurales Nombre de communes

% de communes

% population communes

rurales % population Burkina Faso

0 à 10 000 28 9,3 2,70 1,80 10 000 à 25 000 131 43,4 27,50 18 25 000 à 50 000 116 38,4 48,70 31,80 50 000 à 75 000 21 7,0 15,10 9,80 Plus de 75 000 6 2,0 6,10 4 Total 302 65,40

Tableau 16. Taille et densité de population des provinces par région

Région Population Densité

(au km2) Nbre de provinces

Population maximale

Population minimale

Densité maximale (au km2)

Densité minimale (au km2)

Boucle du Mouhoun

1 444 639 42,3 6 299 947 154 683 47 38

Hauts-Bassins 1 348 441 53,2 3 865 862 221 565 74,8 32,1

Centre 1 291 966 460,6 1 1 291 966 1 291 966 460,6 460,6

Nord 1 152 402 71,1 4 536 054 141 904 88,5 39,6

Centre-Nord 1 129 991 57,0 3 561 314 262 412 64,3 47,4

Est 1 105 261 23,9 5 390 855 60 300 Centre-Ouest 1 097 796 50,5 4 473 532 152 112 110,9 26,9

Centre-Est 1 032 777 70,5 3 498 268 232 305 115,3 43,4

140

Sahel 910 741 25,8 4 324 240 161 345 37,3 17,2

Plateau Central

711 567 83,3 3 321 072 140 597 90,0 76,8

Centre-Sud 630 959 55,8 3 254 994 132 798 70,8 35,4

Sud-Ouest 525 861 32,6 4 199 359 57 974 55,7 21,2

Cascades 419 882 22,8 2 308 975 110 907 35,4 20,2

Tableau 17. Population et revenus des communes urbaines, 2001–2004

Revenus

Groupe de communes Population

2001 2002 2003 2004

Moyenne 2001–04

Moyenne par

habitant (XOF)

Total de 49 communes urbaines 4 682 556 10 710 890 8 932 324 10 462 119 10 224 184 10 082 379 2 153

Variation annuelle (pourcentage) -16,6 17,1 -2,3

48 communes urbaines (à l’excl. Ouagadougou) 3 482 556 4 268 812 4 681 955 5 158 764 4 807 672 4 729 301 1 358

Variation annuelle (pourcentage) 9,7 10,2 -6,8

47 communes urbaines (à l’excl. Ouagadougou et Bobo-Dioulasso) 3 007 413 2 610 816 2 772 687 3 596 801 3 207 672 3 046 994 1 013

Variation annuelle (pourcentage) 6,2 29,7 -10,8

Ouagadougou 1 200 000 6 442 078 4 250 370 5 303 355 5 416 513 5 353 079 4 461

Variation annuelle (pourcentage) -34,0 24,8 2,1

Bobo-Dioulasso 475 143 1 657 996 1 909 268 1 561 964 1 600 000 1 682 307 3 541

Pourcentage de changement annuel 15,2 -18,2 2,4

13 capitales régionales 2 699 618 9 689 782 7 747 124 9 004 377 8 825 927 8 816 802 3 266

Variation annuelle (pourcentage) -20,0 16,2 -2,0

11 capitales régionales (à l’excl. De Ouaga et de Bobo) 1 024 475 1 589 708 1 587 487 2 139 058 1 809 415 1 781 417 1 739

Variation annuelle (pourcentage) -0,1 34,7 -15,4

36 capitales non régionales 1 982 937 1 021 108 1 185 200 1 457 742 1 398 257 1 265 577 638

Variation annuelle (pourcentage) 16,1 23,0 -4,1

141

Tableau 18. Population et revenus des villes, 2001–2004

Revenus

Ville

Population 2001 2002 2003 2004

Moyenne 2001-2004

Moyenne par hab. (XOF)

BANFORA CLR 105 916 256 688 257 859 660 583 294 697 367 457 3 469 BATIE CLP 26 612 5 901 4 384 6 373 0 4 164 156 BITOU 60 818 71 638 125 948 204 896 221 358 155 960 2 564 BOBO-DIOULASSO CLR/CLP 475 143 1 657 996 1 909 268 1 561 964 1 600 000 1 682 307 3 541 BOGANDE CLP 81 195 25 015 20 856 27 265 36 366 27 376 337 BOROMO CLP 35 171 0 15 003 21 654 0 9 164 261 BOULSA CLP 81 670 16 663 15 262 30 838 37 724 25 122 308 BOUSSE CLP 41 334 13 111 11 112 10 819 13 204 12 061 292 DANO CLP 41 399 9 952 23 505 24 900 30 220 22 144 535 DEDOUGOU CLR/CLP 87 018 116 237 102 919 151 583 0 92 685 1 065 DIAPAGA CLP 31 019 14 873 10 059 15 648 36 496 19 269 621 DIEBOUGOU CLP 41 079 40 395 50 866 35 023 30 118 39 100 952 DJIBO CLP 56 975 96 087 34 692 35 937 39 440 51 539 905 DORI CLR/CLP 107 215 32 673 34 385 38 240 39 176 36 118 337 FADA CLR/CLP 102 799 33 954 64 276 70 081 0 42 078 409 GAOUA CLR/CLP 41 586 39 479 60 442 59 550 68 052 56 881 1 368 GARANGO CLP 73 833 51 812 57 461 51 997 47 543 52 203 707 GAYIRI CLP 36 775 4 715 7 191 56 179 19 959 22 011 599 GOROM-GOROM CLP 87 867 25 613 21 884 26 514 26 203 25 054 285 GOURCY CLP 77 551 15 012 17 532 46 642 0 19 797 255 HOUNDE CLP 72 593 58 440 55 433 90 792 87 778 73 111 1 007 KAYA CLR/CLP 106 358 96 591 106 358 118 290 124 037 111 319 1 047 KOMBISSIRI 67 409 49 018 33 227 31 410 47 351 40 252 597 KONGOUSSI 67 409 49 018 33 227 31 410 47 351 40 252 597 KOUDOUGOU CLR/CLP 128 501 168 300 261 988 520 986 501 420 363 174 2 826 KOUPELA CLP 52 486 26 828 55 849 47 132 40 282 42 523 810 LEO CLP 44 569 21 035 27 791 40 953 60 343 37 530 842 MANGA CLR/CLP 33 538 23 997 34 034 30 716 69 308 39 514 1 178 NIANGOLOKO 39 938 54 828 70 287 54 017 51 547 57 670 1 444 NOUNA CLP 76 795 15 465 14 893 11 326 18 877 15 140 197 ORODARA CLP 30 943 11 242 29 496 34 447 26 690 25 469 823 OUAGADOUGOU CLR/CLP 1 200 000 6 442 078 4 250 370 5 303 355 5 416 513 5 353 079 4 461 OUAHIGOUYA CLR/CLP 118 624 640 027 413 827 311 315 630 870 499 010 4 207 OUARGAYE CLP 30 170 12 836 11 435 9 131 52 038 21 360 708 PAMA CLP 25 737 8 625 9 996 14 395 3 028 9 011 350 PO CLP 42 516 32 284 37 764 48 652 50 990 42 422 998 POUYTENGA 60 726 87 824 115 849 95 936 89 901 97 377 1 604 REO 59 677 SAPOUY CLP 38 272 27 491 19 836 12 824 18 773 19 731 516 SEBA CLP 34 935 6 244 4 825 6 637 10 902 7 152 205 SINDOU CLP 31 975 13 040 9 361 17 562 0 9 991 312 SOLENZO CLP 128 977 76 070 77 283 87 613 87 898 82 216 637 TENKODOGO CLR/CLP 126 155 75 618 152 195 75 816 0 75 907 602 TITAO CLP 70 204 10 348 12 378 13 354 14 717 12 699 181 TOMA CLP 26 280 9 122 8 364 10 694 6 665 8 711 331 TOUGAN CLP 72 635 16 890 20 328 22 530 30 170 22 480 309 YAKO CLP 83 172 43 671 91 370 97 650 61 762 73 613 885 ZINIARE CLR/CLP 66 766 106 145 99 205 101 898 81 856 97 276 1 457 ZORGHO CLP 52 221 0 30 453 84 596 52 564 41 903 802 CLR: Chef-lieu de région CLP: Chef-lieu de province

142

Tableau 19. Investissement dans les villes, 2001–2004

Investissements

Population

2001 2002 2003 2004

Moyenne 2001-2004

Moyenne par hab. (XOF)

Total 49 communes urbaines 2 758 904 3 381 483 2 221 903 1 491 412 2 077 547 2 293 086 831

Pourcentage de changement annuel 0 0 39,3

48 communes urbaines (à l’excl. Ouagadougou) 1,558,904 486 939 587 692 465 970 544 596 521 299 334

Pourcentage de changement annuel 0 0 16,9

47 communes urbaines (à l’excl. Ouaga et Bobo) 1,058,904 211 039 348 410 412 988 210 796 295 809 279

Pourcentage de changement annuel 1 0 -49,0

Ouagadougou 1 200 000 2 894 544 1 634 211 1 025 442 1 532 950 1 771 787 1 476

Pourcentage de changement annuel 0 0 49,5

Bobo-Dioulasso 500 000 275 900 239 282 52 981 333 800 225 491 451

Pourcentage de changement annuel 0 -1 530,0

13 capitales régionales 2 164 207 3 287 212 1 995 501 1 388 109 1 995 206 2 166 507 1 001

Pourcentage de changement annuel 0 0 43,7

11 capitales régionales (excl. Ouaga and Bobo) 464,207 116 768 122 008 309 685 128 456 169 229 365

Pourcentage de changement annuel 0 2 -58,5

36 capitales non régionales 594 697 94 271 226 402 103 303 82 341 126 579 213

Pourcentage de changement annuel 1 -1 -20,3

143

Tableau 20. Investissements dans les villes, 2001–2004

Ville Investissements

Population

2001 2002 2003 2004

Moyenne 2001-2004

Moyenne par

habitant (XOF)

BANFORA CLR 70 000 62 272 39 233 191 822 58 823 88 037 1 258 BATIE CLP 9 000 500 6 375 1 035 0 1 977 220 BITOU 15 459 0 0 0 0 0 0 BOBO-DIOULASSO CLR/CLP 500 000 275 900 239 282 52 981 333 800 225 491 451 BOGANDE CLP 10 904 0 0 0 0 0 0 BOROMO CLP 12 000 0 2 744 3 941 0 1 671 139 BOULSA CLP 14 471 691 178 3 800 56 1 181 82 BOUSSE CLP 12 000 550 2 929 0 279 939 78 DANO CLP 14 500 0 0 0 0 0 0 DEDOUGOU CLR/CLP 45 000 485 0 0 0 121 3 DIAPAGA CLP 7 176 2 162 0 3 213 0 1 344 187 DIEBOUGOU CLP 18 620 13 360 83 580 4 182 0 25 280 1 358 DJIBO CLP 21 140 6 288 2 752 6 072 11 833 6 736 319 DORI CLR/CLP 30 288 1 601 1 564 1 655 1 661 1 620 53 FADA CLR/CLP 37 704 0 0 0 0 0 0 GAOUA CLR/CLP 20 000 0 0 0 0 0 0 GARANGO CLP 30 469 30 15 311 6 148 1 383 5 718 188 GAYIRI CLP 4 373 0 0 0 0 0 0 GOROM-GOROM CLP 10 000 0 0 0 0 0 0 GOURCY CLP 22 234 998 1 337 8 449 0 2 696 121 HOUNDE CLP 40 000 2 746 16 542 12 000 7 803 9 773 244 KAYA CLR/CLP 41 487 0 0 0 0 0 0 KOMBISSIRI 19 610 313 1 588 276 1 328 876 45 KONGOUSSI KOUDOUGOU CLR/CLP 84 000 8 482 24 614 43 802 46 177 30 769 366 KOUPELA CLP 21 337 11 700 26 465 12 012 13 318 15 874 744 LEO CLP 21 846 1 714 0 1 875 11 320 3 727 171 MANGA CLP 17 041 5 067 7 093 7 663 12 394 8 054 473 NIANGOLOKO 16 457 0 0 0 0 0 0 NOUNA CLP 23 259 0 0 0 0 0 0 ORODARA CLP 21 843 0 0 0 0 0 0 OUAGADOUGOU CLR/CLP 1 200 000 2 894 544 1 634 211 1 025 442 1 532 950 1 771 787 1 476 OUAHIGOUYA CLR/CLP 62 872 4 137 24 382 42 357 0 17 719 282 OUARGAYE CLP 10 136 3 611 1 435 1 200 19 053 6 325 624 PAMA CLP 5 813 367 367 367 0 275 47 PO CLP 18 500 0 0 0 0 0 0 POUYTENGA 72 809 16 820 20 245 19 264 2 478 14 702 202 REO SAPOUY CLP 8 700 0 6 391 685 1 057 2 033 234 SEBA CLP 5 937 550 2 929 0 279 939 158 SINDOU CLP 5 500 480 50 718 0 312 57 SOLENZO CLP 13 800 23 273 7 866 6 129 8 717 11 496 833 TENKODOGO CLR/CLP 40 000 3 228 6 449 4 443 0 3 530 88 TITAO CLP 18 476 587 1 141 1 211 3 119 1 514 82 TOMA CLP 10 380 3 007 3 933 3 294 0 2 559 246 TOUGAN CLP 14 370 0 55 891 318 316 22 YAKO CLP 21 689 0 0 0 0 0 0 ZINIARE CLP 15 815 31 496 18 673 17 944 9 401 19 378 1 225 ZORGHO CLP 21 889 4 526 22 189 6 544 0 8 315 380 CLR: Chef-lieu de région CLP: Chef-lieu de province

144

Annexe 7. Méthodologie des études qualitatives Le rapport a recueilli des données primaires sur le terrain, pour analyser les rapports de responsabilité et mettre en lumière des moyens éventuels d’optimiser à la fois le cadre de la politique de décentralisation et sa mise en œuvre. A cette fin, on a effectué des sondages qualitatifs dans douze communes (huit urbaines et quatre rurales) portant sur quatre régions (sur un total de 13). La recherche sur place nous permet d’évaluer les niveaux de la décentralisation administrative, fiscale et politique, ainsi que les modalités de prestation des services, dans les deux secteurs suivants : l’enseignement primaire et la fourniture d’eau potable. On s’est penché en particulier sur l’identification de moyens innovants pour la prestation des services, qui pourraient être harmonisés pour d’autres régions dans l’ensemble du pays. A cette fin, un expert-conseil local a effectué des sondages semi-structurés et mené des discussions de groupe avec des acteurs de premier plan intéressés à la prestation des services à l’échelon local, et aux points de prestation des services correspondants. Méthodologie

Tableau 21. Caractéristiques des échantillons Poverty per

regionPolitical change

3 = poor 2000 => 2006

No changeCDP => CDP

No change2006 = CDP

No change2006 = UPR

No changeCDP => CDP

No changeCDP => CDP

No changeCDP => CDP

Changement; oppositionCDP => UPR

opposition; oppositionCDF => CDF

No changeCDP => Coalisation de partis d’opposition

Changement ; majoritéUDF => CDP

No election in 20002006 = CDP

No election in 20002006 = CDP

KOUMBIA -- Community management

OUEST HAUTS BASSINS 1 TUY

HOUNDE 1 CU self management

OUEST CASCADES 2 COMOE SIDERADOUGOU -- Shared management

ADAE

OUEST HAUTS BASSINS 1 TUY

DORI 1 ONEA normalSAHEL SAHEL 1

SEBBA 3 ONEA

SAHEL SAHEL 1 GOROM-GOROM 2 ONEA normal

SAHEL SAHEL 1 YAHGA

FADA 1 ONEA normalEST EST 2 GOURMA

DIAPAGA 3 Leasing ONEA

EST EST 2 GNAGNA BOGANDE 2 ONEA normal

EST EST 2 TAPOA

ZONSE --- Community management

CENTRE CENTRE - EST 3 BOULGOU

BITTOU 1 Leasing ONEA

CENTRE CENTRE - EST 3 BOUGLOU BEGUEDO --- Assisted management

SAWES

CENTRE CENTRE - EST 3 BOULGOU

Poverty per CU

3 = poor

Drinking water supply

systems

Geographical Zone

Administrative region

Province 8 CU/ 4 CR

On a sélectionné un échantillon de douze administrations locales (communes), et on a utilisé cinq critères de sélection pour identifier les communes (Tableau 21).

145

• Equilibre entre zones urbaines et rurales. Nous avons sélectionné huit communes urbaines et

quatre communes rurales. Nous justifions notre choix de communes urbaines par leur importance historique et politique au Burkina Faso avec trois élections locales depuis 1995 (1995, 2000, et 2006). Il était par conséquent intéressant de sélectionner plus de communes urbaines dans l’échantillon, pour observer différentes évolutions d’un point de vue longitudinal.

• Diversité des systèmes de fourniture d’eau potable : l’échantillon a été conçu pour étudier la

diversité de systèmes de gestion des fournitures d’eau existant au Burkina Faso • Le niveau de pauvreté à l’échelon régional est le troisième critère : l’analyse géographique de

la pauvreté au Burkina Faso révèle qu’il est possible de classifier les 13 régions au Burkina Faso dans les trois catégories suivantes :

• Régions relativement pauvres (Centre-Est) • Régions proches de la moyenne de pauvreté nationale (Est) • Régions relativement riches (Hauts Bassins et Sahel).

• La pauvreté à l’échelon local: une analyse du budget des communes urbaines au cours de la

période 2000–05 nous a permis d’identifier trois catégories :

• Communes urbaines extrêmement pauvres, avec un budget inférieur à 50 000 000 • Communes urbaines relativement pauvres, avec un budget compris entre

50 000 000 et 100 000 000 • Communes urbaines riches, avec un budget de plus de 100 000 000.

L’échantillon comprend quatre communes urbaines extrêmement pauvres, deux relativement pauvres, et deux communes riches. • La transition politique à l’échelon de la commune est le troisième critère : parmi les huit

communes, nous avons fait en sorte qu’au moins deux d’entre elles ait subi un changement politique lors des dernières élections de 2006. Nous souhaitions saisir l’impact du changement politique sur la prestation des services publics lorsque les citoyens pouvaient exprimer leurs vues. Nous souhaitions également analyser le processus démocratique et son influence sur les prises de décision. Deux communes urbaines ont été sélectionnées sur la base de ce critère : Hounde et Sebba.

La phase de travaux sur le terrain Parmi les examens techniques utilisés pour la collecte des données, on indiquera les suivants :

• Interviews individuelles semi-structurées • Groupes cible • Interviews non officielles • Revue documentaire à l’échelon du gouvernement central et de la commune pour

la collecte d’informations nouvelles ou la vérification d’informations recueillies sur le terrain

• Observation directe • Interviews complémentaires ponctuelles.

146

Au cours de nos recherches sur le terrain, nous avons rencontré toute une série d’informateurs, y compris des représentants d’administrations locales, d’administrations déconcentrées (de tutelle), de prestataires de services publics, et d’usagers (citoyens). Au cours de la période des travaux sur le terrain, nous avons procédé à 78 interviews semi-structurées avec des personnes et 78 groupes cibles. Quelque 533 personnes ont participé aux groupes cible, et 86 personnes ont été interrogées individuellement. La seule déception des travaux avec les groupes cible est la faible participation de femmes : les femmes représentaient 20 pour cent des participants. Cette situation peut s’expliquer en partie par le fait que les femmes sont sous-représentées dans les associations (eau, éducation). Enfin, on a également procédé à des interviews ponctuelles supplémentaires avec des personnes ressources, pour la vérification des informations.

147

Annexe 8. Bibliographie

AFC (2005), Etude d’un système de financement pérenne des investissements en infrastructures et en équipements des collectivités territoriales du Burkina Faso. Burkina Faso: Ministry of Territorial Administration and Décentralisation. AMBF, 2006. Etude d’évaluation indépendante de la gestion municipale au cours du mandat 2000/2005 au Burkina Faso, Rapport de Synthèse. ASDI, 2004. Burkina Faso, une étude des structures et relations de pouvoir politique, social, économique, mai. Associés Audit et Conseil, 2006. Etude diagnostic de la Cour des Comptes. Burkina Faso: Délégation de la Commission Européenne. BERD, 2005. Feasibility studies for the PRD. Referred in Groupe Huit (2007), Repartition investissements 49 villes. Burkina Faso: Ministry of Economy and Development. Bouley D., Fournel J., and Leruth L., 2002. How do treasury systems operate in Francophone Africa? IMF Working Paper, March. Burkina Faso, 2004. Loi n°55-2004/AN portant Code Général des Collectivités Territoriales au Burkina Faso Burkina Faso, 2004. Cadre Stratégique de Réduction de la Pauvreté. Burkina Faso, 2006. Evaluation a mi-parcours du PDDEB, Rapport Final, Education Management Europe. Dakoure D., Kouassi-Komlan E. et Ouibiga Yamba H., 2004. Étude institutionnelle et financière des AEP dans le contexte du recouvrement des coûts au Burkina Faso avec trois études de cas : Hounde, Banankeledaga, Diebougou, CREPA. Darbon D. and Otayek R., 2006. Réformes sous contrainte : le Burkina Faso, Etude de situation, décentralisation et réformes administratives. Monograph, December. Direction générale des ressources en eau, 2006. Définition d’un montage institutionnel pour la mise en œuvre du PN-AEPA. Groupe Huit, 2006. Pole Régionaux de Développement, Projet d’appui au développement urbain décentralisé, Rapport Final, Monograph, June. Evans, Anne with Nick Manning, 2004. Administrative Décentralisation: A Review of Staffing Practices during Décentralisation in Eight Countries, Draft Paper Prepared for the World Bank, September 21, 2004 Gershberg A., Winkler D., 2003. Education décentralisation in Africa: a review of recent policy and practice, August, World Bank, Washington DC. http://www1.worldbank.org/wbiep/décentralisation/afrlib/winkler.pdf

148

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