248

C. C. Hunter - Eklablogekladata.com/J3hGnesIJv9oqg5u3HpKMFOiFLI/Nes-a-m... · C. C. Hunter Nés à minuit Tome 4 Frémissements Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marianne Roumy

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • C.C.Hunter

    Nésàminuit

    Tome4Frémissements

    Traduitdel’anglais(États-Unis)parMarianneRoumy

  • PourRoseHilliard,monéditrice,etKimLionetti,monagent,pourm’avoiraidéeàatteindremesobjectifsenécriture.

    Pourmonmari,pouravoirfaitledîner,lavaisselleetleslessives,etm’avoirpermisdetenirlesdélais

    etderéalisermesrêves.

  • KylieGalense tenait sur leperrondevant lebureaudeShadowFalls ; lapaniques’attaquaità sasantémentale.Uncoupdeventdefinaoût,toujoursglacéparlefantômedesonpèrequis’enallait,releva ses longuesmèches blondes et les éparpilla sur son visage. Elle ne les dégagea pas. Et nerespirapasnonplus.Elle restaplantée surplace, l’air coincédans sespoumons, touten regardantfixementàtraverssescheveuxlesarbresquis’agitaientdanslabrise.Pourquoi fallait-ilque lavie soit sidure?Laquestion ricochadans sa tête commeuneballede

    ping-pongdevenuefolle.Puislaréponseluivintnaturellement.Parcequetun’espashumainedutout.Cesderniersmois,elles’étaitefforcéed’identifierletype

    desangnon-humainquicoulaitdanssesveines.Maintenant,ellesavait.Oudumoins,àencroiresoncherpère,elleétait…uncaméléon.Commeunlézard,commeceux

    qu’ellevoyaitprendrelesoleildanssonjardin.Bond’accord,peut-êtrepasexactement,maispresque.Etdirequ’elleavaiteupeurd’êtreunvampireouunloup-garou,parcequeceseraitunpeudurdes’habitueràboiredusangouàsetransformerlessoirsdepleinelune!Maislà,c’était…totalementénigmatique.Sonpèredevaitsetromper.Soncœurluimartelalapoitrine,commes’ilcherchaitàs’échapper.Ellerespiraenfin.Inspira,puis

    expira.Sespenséespassèrentsoudaindel’histoiredulézardauxautresmauvaisesnouvelles.Cescinqdernièresminutes,nonpasune,nideux,nitrois,maisquatreincroyablesrévélationslui

    avaientdonnéunesacréeclaque.Etluiavaientouvertlesyeux.Enfin,l’uned’ellesnepouvaitpasêtreentièrementqualifiéede«mauvaisenouvelle»:Dereklui

    avaitavouéqu’ilétaitamoureuxd’elle.Maispasde«bonne»nonplus,loindelà.Pasmaintenant.Pasquandelleestimaitquec’était fini.Pasquandelleavaitpassécesdernièressemainesà tâcherdeseconvaincrequ’ilsétaientsimplementamis.Elleenvisagealesquatrerévélations,ignorantsurlaquelleseconcentrerenpremier.Oupeut-être

    quesonespritsavait,lui.Jesuisunfoutulézard!–Pourdevrai?demanda-t-elleàvoixhaute.LeventduTexasvintluivolersesparoles.Elleespéraitqu’illesporteraitjusqu’àsonpère–où

    quefûtallél’attendrelemortquinel’étaitpastotalement.–Sérieux,papa?Unlézard?Bien sûr, il ne réponditpas.Aprèsdeuxmois à s’occuperd’unespritoud’unautre, sondonde

    savoircommuniqueraveclesfantômes,etsurtoutseslimites,réussissaientencoreàl’énerver.–Merde!Elleavançad’unautrepasverslaportedubureaupourseconfieràHolidayBrandon,ladirectrice,

    puis s’arrêta.Burnett James, ledirecteur,unvampire froid au touchermais chaudà regarder, étaitaveccettedernière.CommeKylienelesentendaitplussedisputer,ellesupposaqu’ilsfaisaienttoutautrechose.Dustyle«seroulaientunepelle»,«échangeaientdelasalive»et«dansaientletango

  • des langues».Pour reprendre les expressionsdeDella, savilainecolocvampire.Cequi signifiaitsûrementqueKylieétaitdemauvaisehumeur.Maiselleenavaitledroit,non,aprèstoutcequis’étaitpassé?Serrant les poings, elle fixa la porte du bureau. Elle avait déjà interrompu par inadvertance le

    premierbaiserdeBurnettetHoliday,etellenetenaitpasàrecommenceraveclesecond.D’autantqueBurnett avait menacé de démissionner de Shadow Falls. Holiday parviendrait sûrement à le fairechangerd’avis,non?Deplus,Kylieavaitpeut-êtrebesoindesecalmer.Desedétendreetderéfléchiravantdeseruer

    chez Holiday, énervée et de mauvaise humeur. Elle pensa alors à son tout dernier problème defantôme.Commentl’espritdequelqu’unquiétaitvivantpouvait-illuiapparaître?C’étaitunefarce?Oui,sûrement.Ellejetauncoupd’œilautourd’ellepours’assurerquel’espritdesonpèreétaitvraimentparti.Le

    froidavaitdisparu.Elle tourna les talons,dévala lesmarcheset fit le tourde la terrasse jusqu’à l’arrièredubureau.

    Ellesemitàcourir,souhaitantconnaîtrelesentimentdelibertéqu’elleéprouvaitlorsqu’ellefilaitvitecommeunenon-humaine.Leventsoulevalarobenoirequ’elleavaitmisepourlesfunéraillesd’Ellieetfitdanserl’ourletsur

    sescuisses.Sespiedsavançaientenrythme, lesbasketsqu’elleportaitd’habitudeneluimanquaientpratiquement pas,mais une fois qu’elle arriva en lisière de la forêt, elle s’arrêta brusquement. Sibrusquementquelestalonsdeseschaussurescreusèrentdeprofondesornièresdanslaterre.Ellenepouvaitpasallerdanslesbois.Ellen’avaitpasd’escorte–lapersonneincontournablequi

    lasuivaitpouréviterleméchantMarioetsespotes,sijamaisilsdécidaientd’attaquer.Deréattaquer.Jusque-là,lestentativesduvieilhommepourlatuers’étaientrévéléesvaines,maispardeuxfois,

    ellesavaientprovoquélamortdequelqu’und’autre.Laculpabilitépalpitadanssoncœurdéjàserré.Puis lapeur.Marioavaitmontréjusqu’oùilétait

    prêt à aller, qu’il pouvait êtremauvais au point de tuer son propre petit-fils, juste sous ses yeux.Commentpouvait-onêtremalfaisantàcepoint?Elle regarda fixement la rangée d’arbres et les feuilles qui dansaient dans la brise. C’était une

    tranchedevietoutàfaitnormale,quiauraitdûl’apaiser.Mais lesbois,ouplutôtcequiétait tapià l’intérieur, ladéfiaientpresqued’entrer.Lanarguaient

    pourqu’elletraversel’épaisserangéed’arbres.Déroutéeparcetteétrangesensation,elletâchadelarepousser,maiscelle-cis’intensifia.Elleinspiral’odeurvertedelaforêtet,alors,ellesut.Aveccertitude.Avecclarté.Marion’abandonnerait jamais.Tôtou tard,elledevrait l’affronterdenouveau.Etceneseraitni

    serein,nitranquille,nipaisible.Seull’und’entreeuxs’ensortirait.Tuneseraspasseule.Lesparolesrésonnaientenelle,commepourluioffrirlapaix.Envain.Les

    ombresentrelesarbresdansaientsurlesol,l’appelaient,luifaisaientsigne.Pourquoi,ellel’ignorait.L’appréhensionluiserralapoitrine.Elleenfonçaunpeuplussestalonsdanslaterre,etceluidesa

    chaussuredroitesebrisa–unpetitcraquementinquiétantquiponctualesilence.–Merde!Elleregardafixementsespieds.Ceseulmotsemblaitavoirétéextirpéduvide,nelaissantqu’un

    sinistrebourdonnement.Alors,ellel’entendit.Quelqu’un poussait un soupir rauque. Si ce bruit n’était qu’un murmure, elle savait que son

  • propriétairesetenaitjustederrièreelle.Toutprès.Etcommeaucunfroidmortelnel’entourait,ellecompritqu’ilneprovenaitpasdumondedesesprits.Le bruit reprit. Quelqu’un emplissait ses poumons d’air vivifiant. Bizarre qu’elle craignît

    désormaislesvivantsplusquelesmorts.Soncœur s’arrêtabrusquementdansun silence sourd.Unpeucomme les sillons laissésdans la

    terre par ses talons de huit centimètres, sa peur croissante creusa des ornières profondes etdouloureusesdanssoncourage,etellefrissonna.Elle n’était pas prête. Si c’étaitMario, elle n’était pas prête. Quel que soit le plan ou le destin

    qu’elledevaitsuivre,illuifallaitplusdetemps.

  • –Tu…vas…bien?PaslavoixdeMario.CelledeDerek.Le ton familier avait chassé sa panique initiale, mais seulement une seconde. Je t’aime, Kylie.

    L’aveuquelejeunehommeluiavaitfaitmoinsd’unquartd’heureplustôtressurgitbrusquementdansson cerveau, accompagné d’une nouvelle tempête affective, qui tournoya dans sa tête et son cœur.Derekl’aimait.Maiselle,queressentait-elle?Elle se déplaça légèrement, et son talon droit se détacha, lui faisant perdre l’équilibre. Voilà

    comment était sa vie : comme si elle avait perduun talon et que son seul choix était d’avancer enboitant.–Qu’est-cequinevapas?Lavoixdudemi-Faeétaitteintéed’inquiétude.Jevaisbien.Lesmotsétaientperchéssurleboutdesalangue,maisKylielesavala.Derekpouvait

    lireenelle.Luimentirsursonétatémotionnelneserviraitàrien.Alors,ellesetournapourluifaireface.–Quefais-tuicisansescorte?luidemanda-t-il.Tun’espascenséetebaladertouteseule,aucasoù

    cevampirebizarrereviendrait.Lorsqu’ellecroisaleregarddeDerek,elleconstataquel’anxiétéfaisaitbrillersesyeux.Ellesavait

    quel’agitationqu’elleydécelaitétaitégalementlasienne.Quandellesouffrait,luiaussi.Quandelleéprouvaitdelajoie,luiaussi.Quandelleredoutaitquelquechose,luiaussi.Vusonétataffectifdecesdernièresminutes,ildevaitvivreunenfer.SontorsesegonflasousleT-shirtvertcendré.Ilmitunemainsursonventremusclé,aspirantde

    l’airdanssespoumons.Sescheveuxchâtainfoncéétaientébouriffésparleventetsafrangecollaitàsonfront,oùperlaitdelasueur.L’espaced’uneseconde,ellen’eutqu’uneseuleenvie:tomberdanssesbrasetlaissersoncontactapaisantchasserl’appréhensionenelle.–Est-ce…cequej’aidit?demanda-t-il.Sioui…jeleretire.Jen’aipasvoulutedéchirer.Onnepouvaitpasretirerunedéclarationd’amour,pensa-t-elle.Passielleétaitsincère.Maiselle

    n’enditrien.–Cen’estpascequetuasdit.(Puiselles’aperçutquecelaaussiétaitunmensonge.Cetaveusemait

    lapagailledanssessentiments.)Enfin,cesontaussid’autreschoses.–Lesquelles?(Ilhaletaitenparlant.Illacherchaduregard,etellevitlesmoucheturesors’éclairer

    danssesiris.)Jesensquetuesterrifiée,etperdue,et…–Maisjevaisbien.Elleremarquadenouveauqu’ilétaitàboutdesouffle,commes’ilavaitparcourudeuxkilomètres

    àlacoursepourlarejoindre.Était-celecas?–Oùétais-tupassé?

  • Ilaspiraprofondémentunenouvelleboufféed’oxygène.–Dansmonbungalow.Plusdedeuxkilomètres.–Tuasressentimesémotionsdesiloin?–Oui.Il fronça les sourcils, comme s’il espérait qu’elle ne lui envoudrait pas.Elle n’aimait pas qu’il

    puissedéchiffrersessentiments,maiselleneluientenaitpasrigueur.Illuiavaitconfiéunefoisques’ilpouvaitarrêterdeleslire,illeferait.Ellelecroyait.–Tun’avaispasditquecelas’atténuait?fit-elle.Celacontinue-t-ilàterendrefou?Sonépaulegaucheserelevadequelquescentimètres.–C’estencoretrèsfort,maispasaussipuissantqu’avant;jepeuxfaireavec,maintenantqueje…Maintenantqu’ilavaitacceptédel’aimer.C’estcequ’illuiavaitraconté.C’estpourcelaqueleur

    lienétaitdevenusipuissant.Sapoitrines’alourditdenouveaud’indécision.Tantmieuxsil’und’entreeuxpouvait le supporter.Parcequ’elle,ellen’étaitpassûred’enêtrecapable.Pass’il l’aimait.Pasaveclesrévélationsqu’onluiavaitfaites.Dumoinspasencemoment.–Qu’est-cequinevapas?Il se rapprocha.Siprèsqu’ellepouvait sentir l’odeurdesapeau–uneodeurde terre,véritable,

    réelle.Latentationdeseruerdanssesbraslasubmergea.Ellebrûlaitd’enviederessentirlemouvement

    desapoitrinequimontaitetredescendaitquandilrespirait,delaissercequiappartenaitaupasséfairepartiedel’avenir.Refermantsespoingsserrés,ellepassadevantluienboitantavecsontaloncassé,sepostadevantunarbreetselaissaglisserpar terre,plusfraîchequelachaleurdel’air.Lesbrinsd’herbeluichatouillèrentlesjambes,maisellelesignora.Il n’attendit pas qu’elle l’invite et s’agenouilla à son côté. Pas assez près pour la toucher,mais

    suffisammentpourqu’elleenressentel’envie.–Donc,iln’yapasqueça?demanda-t-il.Ellehochalatête,etladécisiondeseconfieràluisembladéjàprise.–Monpèrem’estapparu.(Ellesemorditlalèvre.)Ilm’aexpliquécequej’étais.Derekeutl’airperplexe.–Jecroyaisquec’étaitcequetuattendais?–Oui,mais…ilaaffirméquej’étaisuncaméléon.Commeunlézard.Sessourcilss’arquèrent,puisilgloussa.Elle n’apprécia pas sa candeur. Sa panique ressurgit, trois fois plus forte. Elle avait voulu

    découvrircequ’elleétaitafinquelesautresl’acceptent,afindes’intégrer,maissi,enfindecompte,elleétaitquelqu’und’anormal?– Jedéteste les lézards ! Ils sont exactement comme les serpents–desminuscules créatures aux

    yeux exorbités, qui rampent sur la terre et qui avalent des petites bestioles. (Elle contempla denouveau lebois, imaginantunebrigadede lézards lui rendresonregard.)J’aivuuneémission,unjour,quimontraitunlézardàlonguelanguequis’enfilaitunearaignéeauralenti.C’étaitdégoûtant!Dereksecoualatête,toutetraced’humourdisparaissantdesesyeux.–Jen’aijamaisentenduparlerdelézardssurnaturels.Enes-tucertaine?–Jenesuissûrederien,voilàcequiestflippant.Nepassavoir.(Ellefrissonna.)Sérieusement,il

    vautmieuxboiredusangqu’avoirunelanguecommeçaetmangerdesinsectes.–Peut-êtrequ’ils’esttrompé.Tuasbienditquelesfantômesavaientdumalàcommuniquer,non?–Audébut,oui,maisàprésent,lesproposdemonpèresonttoutàfaitlimpides.Dereknesemblapasconvaincu.–Maisd’aprèstoi,qu’est-cequec’estqu’unsurnaturelcaméléon?Ilchangedecouleur?

  • Kylielaissasesparolesfaireletourdesoncerveau.–C’estpeut-êtreça?–Tupeuxchangerdecouleur?Ledouteapparutsursonvisage.–Non,mais si ça se trouve, je peuxmodifiermaconfiguration.Commemongrand-père etma

    tantequiavaientl’airhumain.Etmoiaussi,àl’instantprésent.– Ou alors ton père fait une rechute et il est tout simplement confus. Parce que je n’ai jamais

    entenduparlerdesurnaturelsquisavaientchangerleurconfigurationcérébrale.–Etmoi?fit-elle.Etmongrand-pèreetmatante?Ilhaussalesépaules.–Holidayaaffirméquec’étaitsûrementunsorcierquiavaitjetéunsortsurtongrand-pèreetsur

    tatante.–Surmoiaussi?demandaKylie.–Non,mais…d’accord,jen’aipaslaréponse.Etjesaisquetuescontrariée.Maistum’asditque

    tonvraigrand-pèreallaitterendrevisite,non?Jesuissûrqu’ilt’expliqueratout.–Oui.Ellemorditsalèvreinférieure.Derekladévisagea.–Autrechosenevapas,n’est-cepas?Ellesoupira.–Quandj’aidemandéàmonpèrecequeçasignifiait,êtreuncaméléon,ilm’aréponduquenousle

    découvririonsensemble.–Etpourquoiest-cequetun’espascontente?Kylieenfonçauneporteouverte.–Ilestmort,etilestlimitédanssesvisitesterrestres.Donc,çasignifiequejevaisbientôtmourir?–Non,pasdutout,répliquaDerek.Saconvictionrenditsontonplusgrave.Elleallaitluirétorquerqu’ilnepouvaitpasenêtresûràcentpourcent,maiscommeellevoulaitle

    croire,elleseretint.Elleregardafixementl’herbeettâchades’apaiser,sachantquesongrand-pèreviendraitdansdeuxjours,sachantqu’elleavaitvendulamèche.Eteneffet,ellesesentaitlégèrementmieux.–TuenasparléàHoliday?Ilsepenchaetsonépauleheurtalasienne.Sachaleur,soncontactapaisantchassèrentunepartiede

    sonangoisse.Ellesecoualatête.–Pasencore.Burnettestavecelledanssonbureau.Kylien’avaittoujourspasréfléchiàcettehistoiredefantôme.Sil’espritdequelqu’unapparaissait

    devantvousalorsquecettepersonnen’étaitpasmorte,qu’est-cequecela signifiait ?Les réponseséventuellesfirentpeuàpeutremblersoncœur.–Jepensequecelaaunecertaineimportance,dit-il.–Jesais,mais…–Ilyaautrechose,n’est-cepas?Ellelevalesyeux.Lisait-ilsessentimentsousonesprit?–Problèmesdefantômes.–Quelgenre?Detouslesrésidents,Derekétaitleseulquelemot«fantôme»nefaisaitpasfuir.–Cettepersonnen’estpasmorte.

  • –Donccen’estpasunfantôme.Dereksemblaitperdu.Kyliesemorditlalèvre.–Oui…enfin…audébut, ilavaitcomplètement l’aspectd’unzombie– lapeauquipendille,des

    vers–puisilachangé.Etsonvisages’esttransforméenceluidequelqu’unquejeconnais.–Commentest-cepossible?s’enquit-il.Ellemarquaunepause.–Jenesaispas,c’estpeut-êtreuntour.–Oupas.Tunecroispasquequelqu’unvamourir?Pluspersonne,avait-elleenviedehurler.–Jenesaispas.Ellearrachaquelquesherbes.–Quiest-ce?demanda-t-il.Pasquelqu’und’ici,n’est-cepas?UnpoidspesasurlapoitrinedeKylie.Ellenevoulaitriendire,decraintequeceladevienneréel.–Jedoisyréfléchir.Derekblêmit.–Oh,mince!C’estmoi?–Non.Elle jeta les touffesd’herbeet lesregardatourbillonnerdanslevent.Quandellereposalesyeux

    surlui,ellesentitqu’illisaitsesémotions,déchiffraitleursignification.–Cettepersonnecomptebeaucouppourtoi.Lucas?Unevoixgraveetirritéesefitbrusquemententendre.–Quoi,Lucas?KylievitLucassurgirentre lesarbres.Sesyeuxétaientd’unorangefurieux.Laculpabilité la fit

    tressailliruneseconde,puisellelarefoula.Ellenefaisaitriendemal.–Rien,lâchaDerek,commeellenedisaitpasunmot.(Ilselevaetavançad’unpasverslebureau.

    Ilmarquaunepauseetlaregarda,puisjetaunœilsurLucas.)Nousdiscutions,c’esttout.Nejouepaslesloups-garousavecelle.Lucasgronda.Derektournalestalons,visiblementinsensibleàlacolèredugarçon.Kyliearracha

    uneautrepoignéed’herbe.–Jen’aimepasça.Lucaslafixa.– Nous bavardions, c’est tout, expliqua-t-elle. Je lui parlais d’un esprit et… lui disais qu’il

    ressemblaitàquelqu’unquej’aime,etilm’ademandésic’étaittoi.Tudevraisêtrerassuréqu’ilsachequetucomptespourmoi.Lucas se renfrogna encore plus. Était-ce à cause de Derek ou parce qu’elle avait évoqué les

    fantômes?L’incapacitédeLucasàaccepterqu’ellecollaboreaveclesespritsluifaisaitdelapeine.–Iladessentimentspourtoi,répliqua-t-il.–Nousbavardions,c’esttout.–Çamerendfou.Sesyeuxétincelaientd’unorangefoncé.–Qu’est-cequiterendfou?QuejediscuteavecDerekouquejeparledefantômes?–Lesdeux.(Ilyavaitunetellehonnêtetédanssavoixqu’ellenepouvaitpasluienvouloir.)Mais

    c’estsurtoutl’idéequetupassesdutempsaveccetteespècedefée.Qu’ilinsulteDereklafittressaillir.Puis,sanstropsavoirquoidire,elleseleva.Oubliantsontalon

    manquant,ellefaillittrébucher.Illarattrapaparlecoude.Ellecroisasonregard,toujoursmarquéparsacolèredeloup-garou.Maissoncontactétaittendre

    et bienveillant, sans aucune trace de la fureur qu’elle avait lue dans ses yeux. Elle se souvint que

  • certaines de ses réactions étaient instinctives ; on ne pouvait pas lui en vouloir. Une autre partied’elle-mêmesavaitquecelan’excusaitrien.Ellesoupira.–Nousenavonsdéjàparlé.J’aidelesesprits,Lucas.Celanechangeraprobablementjamais.–Oui,maisilstefichentunesacréetrouille.Ilsmefichentunesacréetrouille.Kyliesetendit.–Parcequetucroisquelorsquetutetransformesenloup,celanemefaitpaspeur?–Cen’estpaslamêmechose,cesontdesfantômes,Kylie.Cen’estpas…naturel.–Parcequesemétamorphoserenloup,çal’est?rétorqua-t-elle,sarcastique.Ilsoupira.–D’accord,de lapartdequelqu’unquiavécusavieen tantqu’humain, jecomprendsceque tu

    veuxdire.Et,mêmesijesuissûrquejen’aimeraijamaiscettepartiedetoiquicommuniqueaveclesfantômes,jefaisdeseffortspourl’accepter.MaisadmettrequetupassesdutempsavecDerekn’estpasfacile,carjesaisques’ilenavaitl’occasion,iltevoleraitàmoisanshésiter.Elleravaladesémotionsàvifetluitouchaletorse.Sachaleurtransperçasachemiseetimprégna

    sapaume.– Je comprends ce que tu ressens. Parce que j’éprouve la même chose quand je te vois avec

    Fredericka.Etc’estbienpourcelaquejenepeuxpastedemanderdelarepousser.Ilposasamainsurlasienne,etunedoucesupplicationenvahitsonregard.–Cen’estpaspareil.Frederickafaitpartiedemameute.Ellesecoualatête.–EtDerekestuncopain.–Exactement.C’estcequichangetout.Unami,cen’estpaslamêmechosequelemembred’une

    meute.–Pourmoi,c’estpareil.(Ellesecouadenouveaulatête.)Penses-y.Tuesloyalenverslesmembres

    detameute.Tulesdéfendraissanshésiter.Tuasdel’affectionpoureux.C’estcequejeressenspourmesamis.–C’estparcequetun’espasunloup-garou.Oudumoins,pasencore.(Ilposasamainlibresursa

    tailleetl’attiraunpeupluscontrelui.)Espéronsquebientôt,celadeviendraévidentpourtoi.Jeneserai jamaisun loup-garou.Elle le regarda.Son regardne trahissaitplus sacolère,etelle

    décela de l’affection tout au fond de ses yeux bleus. Elle comptait pour lui. Elle en était sûre etcertaine. Et peut-être que pour cette raison elle hésitait à lui dire ce qu’elle savait. Elle s’aperçutqu’ellen’avaiteuaucunscrupuleàlerévéleràDerek.Pourquoiparvenait-elleàseconfieràcelui-cietpasàLucas?Ennuyée,elleseforçaàdire:–Jenesuispasunloup-garou.–Tun’ensaisrien.Lefaitquetoustessenssedéveloppentavantlapleineluneetquetuconnaisses

    dessautesd’humeurdoitbienavoirunesignification.Ellesecoualatête.–Non.Jen’ensuispasun.Jelesais.Ilplissalesyeuxdeconfusion.–Tu…Comment?–Monpèreestrevenumevoir.Ilm’aditquej’étaisuncaméléon.Laperplexitéenvahitsonregard.Ellefronçalessourcils.–Jenesaispasaujustecequecelasignifie.– C’est n’importe quoi ! (Il la relâcha.) Ça n’existe pas. Ce n’est pas parce qu’une espèce de

    fantômeadit…

  • –Cen’étaitpas«uneespècedefantôme».C’étaitmonpère.–Ettonpèreestunfantôme.Que ce soit délibéré ou pas, cela avait tout d’une insulte. Ses paroles et son comportement la

    piquèrentauvif.Elleôtasamaindesontorsechaud.Toutlechaosaffectifqu’elleavaitressentiunpeuplustôttourbillonnaenelle.– Je sais que c’est un fantôme, répliqua Kylie. Et j’aimerais qu’il ne soit pas mort. J’aimerais

    savoircequ’ilentendaitparlà.J’aimeraisquetupuissesm’acceptertellequejesuis.Maisjenepeuxpas changer le fait que mon père ait disparu juste avant ma naissance. Je n’y peux rien si je necomprendspascequ’ilvoulaitdire.D’ailleurs, jenecomprendspasundixièmedecequisepassedansmavieencemoment.Et j’ai lesentimentquetunepourras jamaism’accepterpourcequejesuis.–Cen’estpasvrai.Ledénidurcitsonexpression.–Si.Elles’enallaenboitant.Ellel’entenditlasupplierderester.Ellel’ignora.Puiselles’arrêtaetsepenchapoursedéchausser.

    Quandelleseredressa,sonregardfutattiréparlarangéed’arbres–parleursfeuillesquis’agitaient,mêmesansvent.Elleressentitdenouveaulasensationinexplicablequ’onl’invitaitàyentrer.Aussitentantcelafût-il,elletournalestalonsets’éloignadelaforêtetdeLucas.Quelquepart,elleseditquecen’étaitpasbien.

  • LespiedsnusdeKyliefilaientsurlaterreàtouteallure.Elleentenditlemélangedevoixquivenaitduréfectoire,oùtoutlemondes’étaitrassembléaprèslesfunéraillesd’Ellie.Ellie,morteàcausedeMario.Unenouvellevaguedeculpabilitélasubmergea.Elleaccéléraencore.Ellenevoulaitpasrejoindre

    legroupe.Elle…avaitbesoin…d’êtreseule.Elleétaitpresquearrivéedevant sonbungalow lorsqu’elle ressentituncourantd’air lacroiserà

    touteallure.Uncourantd’airdevampire.Enchasse,peut-être.Kylieseforçaàpresserlepasetsepréparamentalementàsebattre.Nonpasqu’elleaitlamoindre

    chancederemporterunebataillecontreunvampire.Quellequesoitsasuperforce,elleneluiservaitqu’àaiderautrui.Une protectrice, l’appelaient les autres surnaturels. Mais comment pouvaient-ils la surnommer

    ainsialorsqu’ellen’avaitpasprotégéEllie?MêmelesdonsdeguérisseusedeKylieavaientéchoué.Commec’étaitinjustequ’ellepuisseressusciterunoiseau,maispasuneamie…Elleenauraitpayéleprix.Quellequesoitlemorceaud’âmequ’elleeûtétéobligéededonnerpoursauverEllie.Elleressentitdenouveau,lecourantd’airquilacroisaàtouteallure.Cettefois,ellevitunrideau

    decheveuxbrunsraidestourbillonnerauvent.Unvampire,clairement.Maispasenchasse.Della apparut à côté d’elle, courant elle aussi à tombeau ouvert. Mais c’était un vampire, elle

    avançaitavecaisance,commepourfairesonjoggingquotidien.–Oùestleproblème?Lachevelure foncéedeDella,qui révélait sesoriginesasiatiques,volaitderrièreellecommeun

    drapeau.–C’est toi, leproblème. (Kylies’arrêtadansunsursaut.) Jenesupportepasque tumecroisesà

    toute allure sans que je puisse deviner que c’est toi. Jeme sensmenacée. J’ai l’impression d’êtreune…proie.–Zutalors,ditDelladesavoixtrahissantsamauvaisehumeurhabituelle.Excuse-moidemefaire

    dusouci.Jet’aientenduecavalercommeunedératéeetj’aicruquel’ontepoursuivait.–Désolée,personnenemecourtaprès.LeregarddeKyliesereposabrusquementsurlesbois.Ilsmenarguentjustepourmefaireentrerdanslaforêt,pourquejelesaffronte.Maisquiétait-ceet

    pourquelleraison?Avant,elleavaitcruquec’étaitMario,maissielles’étaittrompée?–Ques’est-ilpassé?demandaDella.Kyliearrachasesyeuxdelaforêt.–Rien.Della inclina sa tête de côté, comme si elle écoutait le cœur de Kylie, cherchait des signes de

  • mensonge.Ellerouladesyeux.–Menteuse,menteuse,tonnezs’allonge!Kyliegrommela.–D’accord,jemens.EtPinocchionem’arrivepasàlacheville!–Waouh,tuesdecharmantehumeur!Etàcausedequoi?–Detoi.Sontonmordantlafittressaillir.Dellasefenditd’ungrandsourire,commesielleappréciaitlacolèredeKylie.Celle-cisemiten

    route.–Quiestcensét’escorter?demanda-t-elle.–Jenesaispas.LeregarddeKylieseposabrusquementsurlebois,etlasensationfutplusfortequejamais.Elle

    détala le long du chemin, repoussant ses limites. Elle ne s’arrêta pas avant d’être arrivée à sonbungalow.Elleavaitdescrampesd’estomacàforcedecourir.Elles’affalasurleurterrasse.–Alors, que s’est-il passé ?demandaDella, quin’avaitmêmepasdemal à respirer et se laissa

    lourdementtomberàcôtéd’elle.Quelquechosem’appelledanslesbois.Çaparaissait fou.Kylienepouvaitpas ledire.Elle regardaDella.Lesyeuxnoirs légèrementen

    amandedesacolocsemblaientsincèrementinquiets,etcelaluidonnal’impressiond’êtreunegarce.–Désolée,jesuisdesalehumeur.–Cequiesttellementrare,rétorquaDella.J’adore!Kylierouladesyeuxetdécidadejouerfranc-jeu:–As-tudéjàentenduparlerdescaméléons?–Oui.–Vraiment?Etquesais-tusureux?– Ce sont des lézards qui changent de couleur. Selon Chan, ils n’ont pas tropmauvais goût. À

    Hawaii,lesvampiresducoinvendentleursang.Ilestcenséêtreaussibonqu’unOnégatif.–Non.Kylieremontasesgenouxetlesserra.–Nonquoi?–Euh…lescaméléonssont-ilsunesortedesurnaturels?–Unlézardsurnaturel?Dellarit.Kyliesursauta.–Hé,ditsonamieens’affalantàsoncôté.Qu’est-cequinevapas?Kylieouvritlaportedubungalowd’uncoupetreposalesyeuxsursacoloc.–Toutvamal.–C’estàcaused’Ellie?LavoixdeDellarévélaituneémotionqu’ellecachaitd’habitude.LecœurdeKylieseserradavantage.–Oui,c’estàcaused’Ellie.Etc’estparcequejesuisunlézard.C’estuntout,quoi.–Tuesunlézard?LesérieuxdisparutdesyeuxdeDella,quisefenditd’ungrandsourire.Kyliepassalaporteàtouteallure,puisseretournad’uncoup.–Oui,tuesunvampire.Etmoi,jesuisunlézard,alorsautants’yfaire,etmaintenant!LesourirerailleurdeDellas’enalla.–Tuasfumélamoquette?Sérieux,pourmoi,tuesunloup-garou.Cenouveaucomportementde

  • râleuseesthyperrévélateur!–Parcequelesvampiresnerâlentjamais?Kylierouladesyeux.– Non, nous sommes casse-pieds. Casse-pieds et râleurs, ce sont deux choses complètement

    différentes.Dellaentra.Satentativedefairedel’humourétaitcenséel’aider,pasluifairedumal.MaisKylien’étaitpasd’humeur.–Jenesuispasun loup-garou. (Les larmes luipiquèrent lesyeux.)Sic’était lecas,alorsLucas

    seraitheureuxettoutiraitpourlemieuxdanslemeilleurdesmondes.Dellaouvritlaboucheengrand.–Tuessérieuse?Quit’aditquetuétaisunlézard?–Monpère.LesyeuxdeDellas’écarquillèrent.–Tudélires?–Pasdutout.Dellas’affalasurlecanapéetpassalapièceenrevueàtouteallure.–Est-ilprésentencemoment?–Non.–Ouf.(Ellesefrappalescuisses.)Peut-êtrequ’ilavaitfuméquelquechose?Kylielevasesyeuxremplisdelarmesauciel.–Tupourraisarrêterdebalancerdesvannes?Dellaprituncoussinqu’elleluijetadessus.–Tuvois,c’estl’attitudedeloup-garouquiressortencore!Kylievirevoltasurelle-mêmepourentrerdanssachambre,maisavantqu’ellen’arriveàlaporte,

    Dellaseplantad’uncoupdevantelle.Flippante,lavitessed’unvampire!–Trèsbien,dit-elle.Jevaisessayerd’êtresérieuse…maisc’estdelafolie!Jesaisquetuneveux

    paslecroire,maisontefaitsûrementunefarce.Unlézardsurnaturel,çan’existepas.Tun’asqu’àluidemander.–Demanderàqui?Laported’entréedubungalowclaqualorsqueMirandaentra.Sescheveuxblondsdétachésétaient

    parsemésderose,devertetdenoir.KylieignoraitsisonamieseservaitdesespouvoirsdeWiccanoud’unecolorationmaisonpourcolorersachevelure.Mirandafronçalessourcils.–Pourquoim’as-tulaisséeenplan?demanda-t-elleàDella.Celle-cifitlagrimace.–Désolée,Kylieestenpleinecrise.JenepeuxjouerlesSuperCopinesqu’avecuneseuled’entre

    vousàlafois.MirandaregardaKylie.–Quelgenredecrise?D’habitude,lajeunefillepartageaittoutavecsescolocs.Maisàcetinstant,elleregrettadenepas

    avoir fermé sa bouche. Tout ce temps, elle avait voulu savoir ce qu’elle était et pensait que celarésoudraittout,maisvoilàqu’ellelesavaitetsesentaitplusperduequejamais.–Unebelle crisede reptile ! pouffaDella en flanquant samain à sabouche. (Puis elle lançaun

    regardd’excuseàKylie.)Oups!–Quoi?fitMiranda.Dellalaissatomberunemainsursahanche.–ExpliqueàKyliequeleslézardssurnaturels,çan’existepas.

  • – Perry peut se transformer en lézard. (Les yeux deMiranda brillaient de fierté.) Hier, il s’estchangéen…–Arrête, lâche-nous avec Perry ! (Della colla ses deux mains sur son ventre.) Promis, je vais

    gerber.–Cequetupeuxêtrevache!larembarraMiranda.–Jenesuispasvache,j’enaijustemarred’entendredestrucssurPerry.«LesorteilsdePerrysont

    simimi!Perryalaplusbelledestachesderousseurderrièrel’oreilledroite»etpatatietpatata…–Tuesjalouse,c’esttout!Parcequetun’aspasdechéri,alorsqueKylieetmoienavonsun!Avait. Kylieavait un copain. Elle ne savait pas trop ce qui allait advenir entre Lucas et elle, à

    présent.Sessupplicationspourqu’ellenes’enfuiepasrésonnaientdanssoncœur.–Jalouse?luihurlaDella.Arrête,jepréfèreencoreavalermonproprecœurquedevenirtransie

    d’amourcommetoi!Miranda leva lamainet agita lepetit doigt–un signe sûrqu’une incantationallait jaillirde ses

    lèvres.LesyeuxdeDellabrillèrentetellemontrasescanines.–Arrêtez!(Kylielaissaallersonregarddel’uneàl’autre.Ellenepouvaitpluslessupporter.)Oh,

    etpuisnon,continuez.Vousdeux,vousmenacezdevousentretuerdepuisquejesuisarrivéeici,etjen’enpeuxplus!Alors,allez-y,tuez-vousetabrégezmessouffrances,quel’onenfinisse!Intérieurement,elletressaillitdenouveau.Ellenelepensaitpas.Pasmêmemaintenant,quandelle

    étaitfurieuse,maispeut-êtrequ’unpeudepsychologieinverséepourraitaidercesdeux-là.Miranda et Della regardèrent fixementKylie, comme si elle avait perdu la tête, et elles avaient

    sûrementraison,maisc’étaitenpartieleurfaute.Leurschamailleriesconstantesluiavaientfaitpéterlesplombs.–Allez,qu’attendez-vous?Tuez-vous!Etarrangez-vouspourquecesoitdivertissant.Ellecroisalesbrasetlesfoudroyaduregard.Ellesemitàtaperdupieddroit,exactementcomme

    samèrequandelleallaitpiquerunecolère.Les yeux de Della retrouvèrent leur couleur noire et ses canines disparurent sous sa lèvre

    supérieure.Mirandabaissasonpetitdoigtmenaçant.Alorscommeça,lapsychologieinverséeavaitmarché.Ahahah!Quil’eûtcru?– C’est quoi son problème ? demanda Miranda à Della, comme si Kylie était trop perturbée

    mentalementpourqu’elles’adresseàelle.–Aucun,répondit-elle,hyperrageuse.C’estvousquienavezun!Dellajetauncoupd’œilàMirandaethaussalesépaules.–Elleseprendpourunlézard.–Uncaméléon,lacorrigeaKylie.Mirandarouladesyeux.–Lapauvre.Ellesecomporteenloup-garou,oui!DellagratifiaKylied’unsouriremoqueur.–C’estbiencequejeluiaidit.Maistucroisqu’ellem’aécoutée?Biensûrquenon.–Jenesuispasunloup-garou.Àprésent,Kyliesefichaitéperdumentdecequ’elleauraitvouluêtre.–Situenesun,pasdesouci,déclaraMiranda.Nousavonsfaitlevœudet’aimer,quoiquetusois.Kylieselaissatomberdansunfauteuil,tandisquesesdeuxmeilleuresamieslafixaient,pleinesde

    pitiéet leregardmauvais.Elleslacroyaientfolle.Ehbien,peut-être l’était-elle.Elle imaginaitqueles bois l’appelaient et elle se prenait pour un reptile. Elle se laissa aller dans son fauteuil etcontemplaleplafond.– Je suis un caméléon, déclara-t-elle, espérant que l’énoncer provoquerait une espèce de

    compréhensioninstinctive.Elleretintsonsouffle,attenditunerévélation—unecertitudeinternequi

  • laréconcilieraitaveclemonde.Riennevenait.Etriennel’inspirait.Nilefaitd’êtreunlézard,niceluidevoirunfantômeavecle

    visagedequelqu’undevivant,nisonpèrequilaissaitentendrequ’elleeffectueraitbientôtunvoyagedansl’au-delà,etsurtoutpasladéclarationd’amourdeDerek.Rien.Rienderien.Ellegrommela.– Apporte-lui un Coca light, Della, suggéra Miranda. Peut-être que le sucre lui donnera de

    l’énergie.–C’estdufauxsucre,réponditDella.–Jesais.Maisvoussavezcequ’ondit:«Faiscommesienattendantdepouvoirfairecommeça.»–Hum,oubliezleCoca.Jevaismecoucher.Kylieseleva,serenditdanssachambre,etclaqualaportesifortqu’ellegrinçasursesgonds.Derrière,ellelesentendits’écrierenchœur:–Unloup-garou,yapasphoto!

    ***

    Ellene s’était pas encoremise au lit qu’elleperçutunvacarmedans le séjour.MirandaetDellaavaient-ellesdécidéd’envenirauxmains?Culpabilisantdelesyavoirencouragées,elleallaitpourlesarrêter,maissecalmaenentendantdesvoix.–OùestKylie?LavoixgravedeBurnetttraversalesmursaumomentoùsonportablesonnait.Ellelesortitdesapocheetouvritlaported’uncoup.Burnettsetenaitsurleseuil,lamainlevée,

    prêtàfrapper.Lacolèreetuntraitdeculpabilitéenvahirentsonvisage.–Quelquechosenevapas?LetéléphonedeKylievibraitdanssapaume.–Tuvasbien?–Pourquoi?Jenedevraispas?S’était-ilpasséautrechose?Àcestade,plusriennel’étonnait.

  • –Tuespartiesansmeprévenir,ditBurnett,labouchepincéedereproche.–Non,réponditKylie.EllevitDellaetMirandaderrièrelejeunehomme,inquiètestouteslesdeux.Pasdedoute,montrer

    sondésaccordavecBurnettn’étaitpasjudicieux.– Tu étais dans le bureau, puis d’un seul coup tu as disparu ! aboya-t-il. J’étais censé être ton

    escorte!–C’étaitilyapresqueuneheure,rétorqua-t-elle.Venait-ilseulementdes’apercevoirdesondépart?La sonnerie du téléphone attira son attention et elle vérifia qui appelait. Le nom de Holiday

    s’afficha sur le tout petit écran, puis la directrice de la colo, le portable à l’oreille, entra dans lebungalowcommeunouragan.–Tul’astrouvée!LesoulagementenvahitlesyeuxdeHoliday,quicroisalesbrassursonestomacetsoufflacomme

    sielleavaitcouru.–Tun’auraispasdûpartirsansmeprévenir,repritBurnett.Holidaycoupa sonportable, faisant taireceluideKylie.Celle-ci la regarda fixement, et repensa

    aux histoires de fantômes dont elle devait lui parler. Comment quelqu’un de vivant pouvait-ilapparaîtresouslestraitsd’unfantôme?–Tuétaissousmaresponsabilité,lançaBurnett,quipoursuivaitsadiatribe.Kylie lui jetauncoupd’œilenreposantsonappareilsur la table.Elleauraitprobablementdûse

    taire,maissamauvaisehumeurpritledessus.–Tun’asrienàmereprocher.Je t’ai informéquejepartais.Pasunefois,maisdeux.Vousétiez

    bientropoccupésàvousprendrelatêtetouslesdeuxpourm’entendre.Lorsquesesparoleshostilesrésonnèrentàsesoreilles,elleseditqueDellaetMirandan’avaient

    peut-êtrepastoutàfaittortquandellesaffirmaientqu’elleétaitunloup-garou.Holidays’approcha:–Nousnenousdisputionspas.Ah bon, songea Kylie, qui remarqua que le T-shirt de la jeune femme était à l’envers. Que

    pouvaient-ils donc faire pour que son vêtement soit sens dessus dessous ? Toute la frustration deKylies’évapora,etellesouritpresque.Presque.–Si,nousnousquerellions,avouaBurnett,commesid’unseulcoupilsesouvenait.–Nousdiscutions,c’esttout,rectifiaHoliday,quilegratifiad’unregardquivoulaitdire:Neme

    contredispas.– Nous discutions avec passion, ajouta-t-il, avant de recevoir un autre coup d’œil acéré de la

    rouquine.

  • –Jediraismême,articulasilencieusementDella,quejevousaientendusdepuisleréfectoireetjenesuispassûrequemonouïedevampireysoitpourquelquechose.–Si,si, intervintMiranda.Parcequemoi,jen’airienentendu.Maisbon,jedevaisprobablement

    papoteravecPerry.(Sonregardétaitperdudanslevide.)J’adoooorediscuteraveclui!Dellagrommela.–Celadit,repritMiranda,iln’yariendemieuxqu’unebonnedispute.Donc,siquelqu’unvoulait

    bien me mettre au courant, ça me ferait plaisir. (Elle se frotta les mains.) Rien que les partiescroustillantes!Burnettexpiradefrustration.–Nousétionsjuste…–Cequenousfaisionsn’estpascapital,lecoupaHoliday,s’empourprant.–Donc,vousnevousdisputiezpas?insistaMiranda,intriguée.Kyliefaillitsouriredenouveau.Holidayavaitraison.Cequ’ilsfaisaientn’étaitpasimportant.Ce

    qui importait,c’étaitqu’ils sesoient réconciliés.Cequicomptaitvraiment,c’étaitquesonamieaitréussiàconvaincreBurnettdenepasdémissionner.ShadowFallsavaitbesoindelui.Holidayavaitbesoindelui.Tout en Kylie lui disait que ces deux étaient faits l’un pour l’autre. Malheureusement, Holiday

    luttait contre l’idée que Burnett et elle deviennent un couple. Et si elle ne l’avait pas admiscomplètement,onsedoutaitbienquecelaavaitunrapportaveclefiancévampiredeHolidayquiluiavaitbrisé lecœurenrompant le jourdeleurmariage.Kyliesentaitégalementquecelle-cicachaitautre chose. Être abandonnée devant l’autel était grave, bien sûr,mais elle avait le sentiment qu’ils’agissait d’un incident plus préjudiciable encore sur le plan affectif. Sinon, pourquoi aurait-ellerejetél’amourdeBurnett?Dieu savait quecen’était pas facilepourunvampired’accepter le rejet.Kylie lui avait dit qu’il

    fallait être patient ; Holiday ne pouvait pas continuer comme ça. Pas quand Burnett frôlait laperfection.Grand,ténébreux,suffisammentlunatiquepourêtrefascinant,etlecœurbon.Biensûr,envampirequiserespecte,ilnepassaitpassavieàencouragertoutunchacuncommeHoliday.Maisilsesouciaitdesautres.Holidayavait-elleenfinentenduraison?–Vas-turesteràShadowFalls?demandaKylie,enretenantunsouffled’espoir.Burnettjetauncoupd’œilàHoliday,etsicen’étaitpasunsourire…–Oui,jereste.–Yes !s’écrièrentMirandaetDellaense tapantdans lamaineteneffectuantunepetitedansede

    victoire.UnsentimentdelégitimitéenvahitKylie.Peut-êtrequ’aujourd’huines’inscriraitpasdansl’histoire

    commelapirejournéedesavie,enfindecompte.Burnett,maussadecommeàsonhabitude,nesemblaitpaspartagerlajoiedesescolocataires.Mais

    Kylieperçutlesoulagementdanssesyeux.–Laprochainefoisquetuessousmaresponsabilité,net’envapassansmonautorisation.Kylieopina,tropheureusepoursoulignerquecen’étaitpassafaute.–Mêmesitudoismepasserdeuxfoissurlatêtepourattirermonattention,poursuivit-il,endossant

    laplusgrandepartiedelaresponsabilité.Lesouriredelajeunefilles’élargit.Burnettavaitbeauêtresévère,iln’étaitpasinjuste.Elleleregardasedirigerverslaporte,etHolidayluiemboîtalepas.Unefoisdeplus,Kylieneput

    s’empêcherdesedemanderjusqu’oùilsétaientalléstouslesdeux.S’étaient-ilsàmoitiédéshabilléslorsqu’ilss’étaientbrusquementaperçusdesondépart?HolidayreposalesyeuxsurKylie.Leursregardssecroisèrentetaucunenebaissalesyeux.

  • Rienqueparceregardrapide,KyliecompritqueHoliday,uneempathiquecommeDerek,avaitlulatempêted’émotionsquijouaientàcache-cachedanssatête.Etpasuniquementlesjoyeuses.Kylie lui faisait rarement des cachotteries. Le lien qu’elles partageaient avait dépassé l’amitié.

    Holiday était sa famille – pas celle dans laquelle on naissait, mais celle qu’on avait la chance depouvoirchoisir.–JedoisparleràKylie.Lachaleurdansletondeladirectricel’avaitémue,etellesedemandacequ’elledeviendraitsans

    elle.Elleespéraitnejamaisavoiràlesavoir.Cettepenséelafitfrissonner.Burnettleurditàtousaurevoirduregard,puistournalestalons.Dèsqu’ilfutparti,DellasetournaversHoliday:–Peut-êtrequetoituvasréussiràfaireentendreraisonàKylie.Elleseprendpourunlézard.

    Cinqminutesplustard,KylieetHolidayétaientassisessurleborddelaterrasse,leursjambesnuessebalançantdanslevide.Ladirectrices’étaitchangéeetavaittroquélarobenoirequ’elleavaitmisepourlesfunéraillesd’ElliecontreunpantacourtenjeanetleT-shirtjaunequ’elleportaitàl’envers.LarobenoiredeKyliegonflasursescuissesetatterritjusteau-dessusdesesgenoux.Sielletendait

    lespieds,sesorteilseffleureraientl’herbe.D’habitude,elleaimaitbiencelégerchatouillement,maislà,celaluirappelaitsaconversationavecDerektoutàl’heureàcôtédel’arbre.Chassantcettepensée,elleregardafixementsespieds.Holidayarboraitdessandales,etsesongles

    étaientvernisderoseclair.–Ques’est-ilpassé?demanda-t-elle,l’inquiétuderendantsavoixplusgrave.–Jenesaispasparoùcommencer.–Parcettehistoiredelézard,non?DequoiDellaparle-t-elle?Kyliesemorditlalèvre.–Avantd’entrerdanslesdétails,ques’est-ilpasséentreBurnettettoi?Holidaydétournaleregard.–Ilreste.–Ça,jesuisaucourant.(Ensouriant,elleluidonnauncoupd’épaule.)Alors,c’étaitbien?LacouleurfitbrillerlesjouesdeHoliday.–Çamegêned’enparler.–Waouh,çaadûêtresacrémentgénial,alors!lataquinaKylie.Holidayserenfrogna,cequisignifiaitque,quoiquisefûtproduit,celan’avaitpaschangégrand-

    chose.Certainsvêtementss’étaientpeut-êtreenvolés,maispaslesdoutesdelajeunefemme.–Nous n’avons pas… (Elle se cacha le visage entre lesmains.) Je suis perdue, d’accord ? J’ai

    besoindeBurnettàShadowFalls.Ilestfortdanstouslesdomainesoùjenelesuispas,etquandilnel’estpas,c’estmoi.Mais…–Maistuesterroriséedereconnaîtrequ’ilcomptepourtoi,lacoupaKylie,alorsmêmequeson

    instinctluiintimaitdenepasinsister.–Tunecomprendspas.–C’estparceque tunem’aspas toutdit, l’accusaKylie,etelleeutdenouveau l’impressionque

    Holidaygardaitdessentimentsenfouisenelle.Ellesoupira.–C’estquelquechosequejedoisrésoudretouteseule.Noussommesproches,certes,etj’apprécie

    quetutesouciesdemoi.(Ellemitsamainsurcelledesonamie.)Jesaisquetuessaiesseulementdem’aider,maisjedoisyallerensolosurcecoup-là.Etjetedemandedel’accepter.Kylieopina:elledevaitrespecterlesdésirsdesonamie,mêmesicelaneluiplaisaitpas.–Maintenant,revenons-enàtoi.(Elleluidonnauncoupd’épaule.)Parle-moi.

  • Respirant profondément, Kylie lui raconta les visites de son père – aussi bien cette histoire decaméléonquelefaitqu’ilstâcheraientderésoudrecelaensemble…trèsvite.L’inquiétudeetlaconfusionemplirentlesyeuxdeladirectrice.–Bon,quandtonpèreaffirmequevousessayereztrèsbientôtdetrouverlacléensemble,àmon

    avis,celanesignifiepascequetupenses.Letempsn’apasforcémentlamêmesignificationdanslemondedesesprits.Kylieréfléchitàcequ’ellevenaitdeluidire.–Cen’estpasquejenetecroiepas…c’estjustequ’ilyaquelquechosedanssafaçonderépéter

    «trèsbientôt».Etils’enréjouissait.Holidaysecoualatête.–Tonpèret’aime.Ets’ilsavaitquetuallaisbientôtdisparaître,ilpaniquerait.Etladernièrechose

    qu’ilferaitseraitdepartagercetteinformationavectoi.Celafaisaitmaldeleformulerhautetfort,maiselleselança:–Sijedevaismourir,jeseraisaucourant.–Çanemarchepascommeça.Ilyaquelquespersonnesquipeuventêtreaucourantdeleurmortet

    utilisent leur temps avec sagesse.Mais lorsqu’on commence à penser à la fin, la plupart arrêtentinstinctivementde songer au lendemain.Vivre au jour le jour estmagnifique–nous sommes tropnombreuxànepas suffisamment le faire–,maispour existerpleinement,nousdevonsvivrepouraujourd’huietpourdemain.Réfléchis,situsavaisquetuallaismourirdanssixmois,telancerais-tudansunprojet toutenayantconscienceque tunepourraispas le terminer? Irais-tuenclassepourapprendreàdevenirmédecin?Aurais-tuunenfant,ensachantquetulelaisseraisseultropvite?Onpasseàcôtédebientropdechoses,sil’ons’arrêtedevivrepourpenseraulendemain.LepetitdiscoursdeHolidayrenvoyaKylieàunautreproblème.Celuidufantôme.Elle tâchade

    trouverlameilleureapprochepossible.–Maintenant,àproposdulézard,repritHoliday,enemportant lespenséesdesonamiedansune

    nouvelledirection.Jen’aijamaisentenduparlerd’uncaméléonsurnaturel.Etsij’aitendanceàtedirequ’ils’esttrompé,jemedemande…–Quoi?–Jen’ensuispassûre,je…–Jesais.Tunefaisquedesspéculations,maiscommejesèchecomplètement,j’aimeraisbienles

    entendre.–J’allaist’enparler.L’expressiondeHolidayluiindiquaqu’elledevaitsemontrerpatiente.Elle en avait assez. Et oui, elle était au courant que jeudi,Malcolm Summers, son grand-père,

    viendrait,etavecunpeud’espoir,illuidonneraitlaclé.Maisenattendant,ilfaudraitencorepasserquelquesjoursdansl’ignorance.–Alors,dis-moi,jet’enprie.Kylieadoucit son ton,parcequ’être impatientepouvait secomprendre,maispasauxdépensdes

    autres.Holidayinspira.–Peut-êtrea-t-ilprétenduquetuétaisuncaméléoncartaconfigurationn’étaittoujourspasarrivée

    àmaturité.Ellechangeencore,commeuncaméléonchangedecouleur.–Mais ilaaffirméque j’étaisuncaméléoncommes’ilprétendaitque j’étaisunvampireouune

    sorcière.Est-ilpossiblequ’ilexisteunautretypedesurnaturelsquepersonneneconnaisse?Holidaymarquaunepause.–Moninstinctmeditquenon.Tutrouvesl’histoiredessurnaturelsdansdeslivresaussivieuxque

    laBible.Mais…j’avoueque jesuis troublée.Apparemment,quellequesoit l’originedecela,c’est

  • probablementhéréditaire,àcausedudondetonvraigrand-pèreetdetagrand-tantepourrendreleurconfigurationhumaine.Maismême,c’estcomplètementbizarre.JecontinuedecroirequecelaavaitunrapportaveclesWiccans,mais…–Ou…(KylieréfléchitauxproposdeHoliday.)Peut-êtrequec’estcequecelaveutdire,toutecette

    histoiredecaméléon.J’enparlaisjustementavecDerek,toutàl’heure.Peut-êtrequeceux-cipeuventmodifiernosespèces.Commeuncaméléonpeutchangerdecouleur.Holidaymarquaunepause,commesielleréfléchissait.–Mais l’ADNnemarchepascommecela.Tunepeuxpasavoirplusd’uneséquenced’ADN.Ce

    n’estpaspossible,parcequelessurnaturelsn’ontquel’ADNduparentdominant.Kyliesemorditlalèvre.–Alors,cen’estpeut-êtrepasl’espècequichangevraiment,maisjustelaconfiguration.Etenun

    sens,c’estlogique,caruncaméléonnesetransformepasenrocher,ilchangesimplementdecouleurpourressembleraurocher.LefrontdeHolidayseplissa.–Mais…Ellesecoualatête.–Maisquoi?Kylievoulaitconnaîtrelefonddesapensée.– Ça ne tient pas debout, c’est tout. Si ce don de dissimuler ta configuration existe vraiment,

    pourquoilesautressurnaturelsnesont-ilspasaucourant?– Nous en avons probablement entendu parler, répondit Kylie. Peut-être est-ce précisément la

    raisonpourlaquelleilsonttestémagrand-mère.Tum’asditunefoisquetuétaisaucourantdecesexamens.Quelqu’unt’a-t-ilexpliquéleurutilité?– Pas en détail. Juste qu’ils servaient à comprendre la génétique chez certains surnaturels.Mais

    qu’ilss’étaientmalpassés.–C’estuneuphémisme!marmonnaKylie.Ilsonttuédesgens!Tué ma grand-mère ? Cela la dépassait. Comment pouvait-on faire cela ? Prendre une vie ?

    D’ailleurs, commentMario avait-il pu assassiner son propre petit-fils ? Ou Ellie, qui ne lui avaitjamaisfaitdemal?Oun’importequid’autre?–Jesais.(Holidaysoupira,commesiellesentaitlechagrindesonamie.)Raisonpourlaquelleje

    refusedeles laisser te tester.Jenecroispasquel’URFsoitmauvaise,Kylie.Simplement, jeneluifaispasconfiancepourlimiterlesrisquesavectoidanslebutdetrouverdesréponses.Quoiqu’ilsepasse,nousledécouvrironstôtoutard.Eneffet,Kyliel’espéraitplusquetout.Parcequepourl’heure,celanevoulaitriendiredutout.Elle

    reposalesyeuxsurHoliday.–Est-cepourcelaquetunepeuxpasfaireconfianceàBurnett?Parcequ’ilfaitpartiedel’URF?Holidayeutl’airperplexe.–Jeluifaisconfiance.Kyliearquaunsourcild’incrédulité.–JeluifaisconfiancepourtoutcequiconcerneShadowFalls,avouaHoliday.Maispasaffectivement.«Etn’est-cepastriste?»songeaKylie.–Jenel’auraispasfaittravaillericisijepensaisqu’ilyavaitlemoindrerisquequ’iltetrahisse,

    toi,oul’undemesélèves.–Jesais.Etmoiaussi,jeluifaisconfiance.C’estvrai,toutecettehistoireentrel’URFetmagrand-

    mèremefaitpeur,maisj’aifoienBurnett.Holidaycroisadenouveauleregarddel’adolescente.–Jecomprendsqu’attendredesréponsessoitdifficilepourtoi.Maisseraccrocheràl’espoirque

  • tongrand-pèreviendrajeudietque…–Commentça«seraccrocheràl’espoir»?Ill’apromisàBurnett,non?(Envoyantladéception

    brillerdanslesyeuxdeHoliday,soncœurseserra.)Ques’est-ilpassé?–Burnettaessayédelerecontacter,et…letéléphonedetongrand-pèreétaitcoupé.Maissiçase

    trouve,celaneveutriendire.–Oualors,iladécidédenepascommuniqueravecmoi.UnnœudseformadanslagorgedeKylie.–Netemetspasdanstoustesétats,tantquenousnesavonsrien.Kylie cacha sa tête sur ses genoux, tâchant de ne pas pleurer. Son espoir de découvrir la vérité

    s’éloignait-ilàprésent?Holidayposalamainsurl’épauledesonamie.Lecalmesurvintquandellelatoucha,maissicela

    apaisalapaniquedelajeunefille,celanechangearien.Ellesrestèrentassisesainsiplusieursminutes,sans rien dire. Kylie réprima ses sanglots et Holiday fit ce qu’elle savait lemieux : lui offrir duréconfortaffectif.Unedoucebrisesouffladansunmurmure,etpouruneraisonquelconque,l’espritdeKyliepassa

    d’unproblèmeàunautre.–Derekm’aracontéqu’ilt’avaitparléde…certaineschoses.Holidaydégageaunemèchedelajouedesonamie.–Jesuisdésolée.J’imaginequec’esttombécommeuncheveusurlasoupe.Kylieopina.–Quesuis-jecenséefairedecetteinformation?–Jenecroispasquetudoivesfairequoiquecesoit.Kylieexpira.–Celamerendfolleettriste,etjecommenceàremettredestasdechosesenquestion.EtLucasest

    jaloux de lui, et je ne lui en veux pas, parce que je ressens exactement la même chose pourFredericka.Mais…–MaistuaimesDerek,finitHolidayàsaplace.–Oui. Simplement, je ne suis pas sûre d’éprouver pour lui ce que je ressens pourLucas.C’est

    n’importequoi,n’est-cepas?–Pasdutout,luiassuraHoliday.Tucomprendrastouteseule.–Vraiment ? (L’angoissemonta de nouveau enKylie.) Tout dansma vie est un immense point

    d’interrogation.J’enaiassezdeneriensavoir.Etilyalefantôme…Ellelaissalesmotss’évanouir.– Il te pose un problème ? demandaHoliday. Est-ce ta grand-mère ? L’as-tu interrogée sur les

    proposdetonpère?–Non,cen’estpaselle.(Quedevrait-elleluiavouer,aujuste?)D’unepart, l’espritestarrivéen

    ressemblant àun zombie.Ellen’avait pratiquementpasde tête. J’ai insistépourqu’elley remédie.Maisensuite…levisagequ’elleavait…c’est…celuidequelqu’unquin’estpasmort.Holidaysemorditlalèvre.–Tuenessûre?–Certaine.Hypersûre.–Bien,poursuivitHoliday,cepourraitêtredeuxchoses.Laréponselaplusprobable,c’estquetu

    asaffaireàunfantômeenpleinecrised’identité.–Sérieux?Ilspeuventavoirunecrised’identité?–J’enaipeur.Siçasetrouve,ilsnesaventmêmepasàquoiilsressemblaient.Oualors,celane

    leurplaîtpasdutout,etilscollentlatêted’unautresurleurcorpsdefantôme.Laplupartdutemps,ils

  • utilisent la figure de celui qui communique avec l’esprit. Et voir son visage sur un fantôme…(Holidayfrissonna.)Pasgénial.–J’imagine,réponditKylie.Etsinon,qu’est-cequeçapourraitêtre?–C’estrare,maisas-tuvuLeDrôledeNoëldeScrooge?–Oui.Lajeunefilleserappelal’intrigue.–Aveclefantômedufutur.LesouffledeKylies’entrecoupa.–Cettepersonnepourrait-elleêtresurlepointdemourir?Biensûr,cettepenséeluiavait traversél’esprit,commeceluideDerek,maistantqueHolidayne

    l’avaitpasformulée,celanesemblaitpasréel.Non,Kylierefusaitdel’admettre.Elleavaitbeaucouptropvulamort,déjà.–Celafait-ilpartiedeschosesquejepeuxchanger?demanda-t-elle,paniquée.–Probablementpas.(Holidayfronçalessourcils.)S’agit-ildequelqu’unquetuconnaisbien?Kylieneréponditpas.Ellenepouvaitpas.ElleserappelaitseulementqueHolidayavaitdéclaréque

    c’étaitrare.–Est-cequelqu’undeShadowFalls?s’enquitMiranda,quisurgitderrièreelles.Elleseretournaetvitleurcolocsurlepasdelaporte.–Désolée,fitcelle-ci.Jenevoulaispasécouter.Maisest-cequelqu’und’ici?–Non,mentitKylie.–Oh!tantmieux.(Mirandaarqualessourcilsdefaçonthéâtrale.)Tontéléphonebipe.(Ellelelui

    donna.)C’esttamaman.C’estgenrelatroisièmefoisqu’elleappelleencinqminutes.–Tudevraislarappeler,ditHoliday.(Puissonportablesemitàsonner.Ellejetauncoupd’œilsur

    lenuméro.)C’estBurnett.HolidayetKylieselevèrentenmêmetemps.KyliepritsontéléphonedesmainsdeMirandaalors

    queHolidayrépondaitausien.–Allô.(Holidaymarquaunepause.Larided’inquiétudeapparutentresessourcils.)Àquelsujet?

    (Son ton avait fait hésiter Kylie à passer son coup de fil.) Discutons-en avant que tu t’en ailles.J’arrivetoutdesuite.Elleraccrocha.–Qu’est-cequinevapas?demandaKylie.–Je…jet’enparleraiquandj’ensauraiplus.Holidaytournalestalons,maissaréponseluifitcraindrequecetappeleûtunrapportavecelle.–Çasentleroussi,observaMiranda.Super,songeaKylie.Quedevrait-elleencoresupporter?

  • –Tuvasbien?Uneheureplustard,lavoixdeHolidayréveillaKylieensursaut.Aprèsavoirtentéderappelersa

    mèreàplusieursreprises,etlaissédenombreuxmessages;satêteetsoncœuravaientabandonnéetelleavaitdécidédesecoucher.Elle scruta son amie, perchée sur le bord de son lit. En s’asseyant, elle bâilla et dégagea des

    cheveuxdesafigure.–J’aiconnumieux.–Laviepeutêtredure,parfois.–Àquiledis-tu!(KyliesesouvintducoupdefildeBurnett.)Toutvabien?Ques’est-ilpassé?Holidaylaregarda,levisagevide.–QuiestBurnett?LefroiddanslapièceenvoyadesfrissonsdanslapoitrinedeKylie.Ellecillaetsereconcentrasur

    lestraitsdelafemme.Pasdedoute.C’étaitHoliday.–OK,laisse-moiclarifierleschoses.Quandjet’aidemandédetetrouverunvisage,jevoulaisdire

    letien,pasd’emprunterceluidequelqu’und’autre.L’espritcollasespaumessursesjoues,etsesyeuxs’ouvrirentengrand.–Cen’estpaslemien?–Non!C’estceluidequelqu’unquej’aimebeaucoup,etneleprendspasmal,maisçanemeplaît

    pasquetuleportes.–Jesuistotalementperdue.–Tutraversesunecrised’identité,lançaKylie,quidésiraitycroireplusquetout.–Unecrised’identité,répétal’esprit.–Oui,et tudoisarriveràcomprendrequituesetcequejepeuxt’apporter,carautrement, jene

    peuxpast’aider.–C’estsurtoutlebrouillard.EllepinçaleslèvrescommeHolidayquandellepensaittrèsfortet,eneffet,laressemblanceétait

    vraimenttroublante.Mêmelevertdesesyeuxétaitexactementlemême.–Tuaspeut-être raison,observa l’esprit. Jemesouviensavoir toujourseu l’impressiondevivre

    dansl’ombred’uneautre.–Tantmieux,ditKylie,lesoulagementlafaisantrespirerplusbruyamment.–Tantmieuxquej’aievécudansl’ombred’uneautre?(Lefantômeserenfrogna.)Jenevoispasce

    qu’ilyadepositif.–Non…quetupuissesavoirdessouvenirs.Et juste alors, l’adolescente se rappela autre chose, elle aussi. Un moyen simple et rapide de

    s’assurerquecetespritn’étaitpasHolidayBrandon.Elleplissalesyeuxetseconcentrasurlefront

  • dufantôme.Laconfiguration fantasque, comme levisage, correspondait à centpourcent à celledeHoliday.

    L’inquiétudemontaenKylie.–Tuesunefée?L’espritremontaungenousursajambe,mitsoncoudedessus,puislaissatombersonmentondans

    la paume de sa main. Ce geste ressemblait tellement à Holiday que le cœur de Kylie loupa unbattement.–Ouaip.(Elleserenfrognaetregardafixementlajeunefille.)Ouhlàlà!ettoi,qu’es-tu?Ellehésita.–Jesuisun…caméléon.L’espritfitlagrimace.–Unlézard?Kyliefronçalessourcils,maiscen’étaitpaspourellequ’ellesefaisaitdusouci.–Tesouviens-tudetonnom?Elleretintsonsouffle.L’espritcroisasonregard,et sonfrontseplissadedoute.Puisellese levaet se renditdevant la

    fenêtre.Elleregardadehorsensilence,puisfinitparseretourner.–Quelqu’untecherche.–Tesouviens-tudetonnom?répétaKylie.Passantsescheveuxrouxpar-dessussonépaule,l’espritlesenroulaentorsade.Exactementcomme

    elleavaitvuHolidaylefaireuninstantauparavant.Lefantômejetauncoupd’œilderrièrelui.–Ilsveulentquetuvienneslesvoir.Lapoitrinedelajeunefilleseserraunpeu.–Parlonsdetoipourl’instant,dit-elleenprenantladécisiondeseconcentrersurunproblèmeàla

    fois.–Maistuestellementplusintéressante.Ilyatoutcemystèreautourdetoi.Destasdequestions

    auxquellesrépondre.Jepeuxsentir tesémotions, tusais.C’estcequefont lesêtres féeriques.Nousressentonslamêmechosequelesautresfées.–Je sais, fitKylie, frustréeet effrayéepar lavéritable identitéde l’esprit,maisellechassacette

    angoisse afin de pouvoir en savoir plus. Parce que si elle étaitHoliday, alors peut-être queKyliepourraitfairequelquechose,changerquelquechosepouréviter…–Avant,jepouvaistoucherlesautrespourlesréconforter,maiscelaadisparu…–Pourquoidonc?Ellefronçalessourcils.–Jenesuispasentièrementsûre.Jecroisquej’aimalagi.Lesyeuxvertvifdufantômes’emplirentdelarmes.–J’aifaitdumalautourdemoi.Kylie ressentit ladouleurde l’esprit, ses remords,maisellenepouvaitpasnierquecetaveu lui

    accordaitunpeuderépit.Holidayneferaitjamaisriendemal.Elleavaittropboncœur.Sesouciaittropdesautres.–Peut-êtrequetunel’aspasfaitexprès,ditKylie,quidésiraitl’aider.Elle enveloppa ses mains autour d’elle en guise de protection contre le froid glacial qui

    accompagnaitlesêtresspirituels.–Jenesaispas.Jecroisquej’étaisencolère.L’espritregardafixementlemur,commeperdudanssespensées,puisiltouchasagorge.Kylieremarqualescontusionsvisiblementdouloureusesautourducoudufantôme.–Quet’est-ilarrivé?demanda-t-elle.

  • Unnœudseformadanssagorgeàl’idéequ’onl’aitétranglée.LafemmereposalesyeuxsurKylie,ilsétaienttoujoursbrillantsd’émotion.–Jesuismorte.Lajeunefilleopina.–Jesais.(Elleattendituneseconde.)Ques’est-ilpassé?L’espritsecoualatête.–C’estcommelesmiettesd’uncauchemar.Maiscelaaunrapportaveclaraisondemaprésence,

    j’imagine.J’auraisdûm’enallerdepuisletemps…nousautres…surnaturels…nerestonspas. (Ellebaissalesyeux,etsonimagesemitàdisparaître.)Jedoiscomprendretoutcelatouteseule.Jecroisquec’estimportant.–Jeferaitoutcequejepeuxpourt’aider,ditKylie,quirevoyaitHolidaydéclarerlamêmechoseà

    proposdestrèsraresnon-humainsquitraînaientencoredanslesparages,mêmemorts.Situpeuxmedonnertonnom,jepourraipeut-êtretrouverdansl’ordinateurquelquechosequinousserautile.L’esprits’approchadelafenêtreettouchalecarreau.Unecouchedegivreseformasurlavitreet

    troublalavueau-dehors.–Tuferaismieuxd’essayerderéglertespropresproblèmestoiaussi.– Je m’y efforce, répondit Kylie, qui revit la personnalité de Holiday dans l’esprit, et qui

    n’appréciapas.Commentt’appelles-tu?insista-t-elle.Lasilhouettedel’espritdisparutaumêmerythmequelaglacesurlavitre.Puiselleparla:–Jecroisquec’estHannahouHolly,quelquechosecommeça.–Non,ditKylie,dontlaproprevoixn’étaitqu’unmurmure.Puiselleattrapaunebarretteetrelevasescheveux,déterminéeàrendrevisiteàHoliday,sansmême

    savoircequ’elleluidirait–oupas.Elleavaitjustebesoindelavoirvivante.Elle sortit de sa chambre et trouva le séjour du bungalow vide. Elle se dirigea vers la porte et

    s’arrêta.Quiétaitcensél’escorter?Maisenvérité,celaluiétaitégal.Elleserendaitjusteaubureau,seulementelleavaitdéjàeudessoucisavecBurnettàcausedeceshistoiresd’escorte,etellenetenaitpasàenrajouter.–Della?cria-t-elle.Pasderéponse.Yavait-ilunproblème?–Salut!Mirandasortitdesachambreunesecondeplustard.–Dellaavaitunrendez-vousavecBurnett.C’estmoi,tonescorte,annonça-t-elleavecfierté.Kyliehochalatête.–Bien,allonsaubureau.–Pourquoi?–ParcequejeveuxparleràHoliday.–Àquelsujet?–Ausujetdequelquechose.– De mauvais poil, hein ? lança Miranda en faisant la grimace comme si elle venait d’avaler

    quelquechosedevraimentdégoûtant.Kylie allait réagir,mais elle se reprit. Il était compréhensible qu’elle soit demauvaise humeur,

    maiscelaneluidonnaitpasledroitdelapassersursesamies.– Je suis désolée. C’est vrai, je suis grognon aujourd’hui. Mais il se passe juste beaucoup de

    merdouillesdansmavieencemoment.–Jesais,réponditMirandasuruntond’excuse.Lesfunéraillesnousonttousmisdemauvaispoil.

    Etensuite,tacrisedelézard;jeseraisdesupermauvaisehumeursiquelqu’unm’affirmaitquej’étaisunreptile.Raisonpourlaquellejen’aipaslevélepetitdoigtsurtoiuneseulefois.

  • –Et j’apprécie, observaKylie, puis elle réalisa ceque sonamievenait dedire.DequoiBurnettvoulait-ilparleràDella?–Aucuneidée.–Était-elleénervée?Kylie ne put s’empêcher de songer que cela avait un rapport avec ce qui embêtait tantHoliday

    quandelles’entretenaitavecBurnettunpeuplustôt.Etellen’avaitpasoubliéqu’àcemoment-là,elleavaiteul’impressionquec’étaitàcaused’elle.–Pasvraiment.Entrenous,jecroisqueDellaaunfaiblepourBurnett.Ellerayonnelorsquecelui-

    ciluidemandedefairequelquechose.–Non,c’estfaux.Ellesaitqu’ilcraquecomplètementpourHoliday.–Alors,pourquoinesort-ellepasavecSteve?Elleestjalouse,carnousavonsdespetitscopains,

    mais elle ne lui court pas après. Et ces derniers temps, j’ai remarqué lamême chose que toi. Lemétamorpheestsanscesseentraindelamater.Ilestraidedingued’elle.Kyliesedirigeaverslaporte.–Stevelalaisseindifférenteparcequ’elleaimeencoreLee.–Oui, j’imagine que cela pourrait être ça, aussi. (Elles empruntèrent le chemin en direction du

    bureau.)Tusais,jepourraisluijeterunsort.–ÀSteve?–Non, àLee. Jepourrais carrément lui donnerdesverrues.Et enplus, àun endroit où cela lui

    ficheraitvraimentlatrouille.Situvoiscequejeveuxdire.Kyliesecoualatête.–JenecroispasqueDellasoitd’accord.–Ellepourrait,sielleétaitd’humeur.–Jenem’yrisqueraismêmepas,parcequesiellen’étaitpasdisposée,celapourraitvraimentlui

    prendrelatête.–Oui,j’imagine.(Ellescontinuèrentsurlechemin.)Est-cevraiquejeparlesansarrêtdePerry?KylieregardaMiranda.–Oui,mais ce n’est pas aussi casse-piedsqueDella l’insinue. Je parie quemoi, je parle tout le

    tempsdeLucas.Ellesesouvintqu’ellel’avaitévitéaujourd’hui.Luienvoudrait-il?Etenavait-illedroit?–Enréalité,non.Maisavant,c’étaitdeDerek.Kyliefronçalessourcils.Ellen’aimaitpasdutoutcequecelaimpliquait.–Tiens,celamefaitpenserqu’ilestpassétevoirquandtudormais.–Derek?–Non,Lucas.Gênéed’avoirmalcompris,Kyliesemorditlalèvre.–Pourquoinem’a-t-ilpasréveillée?Etvous,lesfilles,pourquoinem’avez-vouspasréveillée?– Ilnous l’ademandé. Il a jetéuncoupd’œil sur toi, etnousa justepriéesde tedirequ’il était

    passé.En fait, c’étaitplutôtmimi. Il est resté sur lepasde laporteà te regarderpendantplusieursminutes.Ilavaitl’airtriste.Oununuche.Genre,fouamoureuxdetoi.Dellaagitaitlamainsoussonnez,commepourdirequ’ilémettaittoutessortesdephéromones.Mirandasefenditd’ungrandsourire.Kylieavaittellementmalaucœurqu’elleneparvintpasàleluirendre.Ellelesentitvrilléeparla

    culpabilité,parcequ’elleparlaitplusdeDerekquedeLucas,qu’elleavaitévitétoutàl’heurequandilavaitessayédecommuniqueravecelle.Àcemoment-là,elleavaittrouvécelalégitimemaisavecdureculsonpointdevueétaittoujoursdifférent.Était-elletropdureenversLucas?Probablement,s’avoua-t-elle.Cesdernierstemps,elles’étaitmontréeronchon.D’oùlaraisonpour

  • laquelleMirandaetDellal’accusaientd’êtreunloup-garou.Etilfallaitqu’elleyremédie.Elle prit une décision. Après avoir parlé à Holiday, elle irait s’excuser auprès de Lucas pour

    l’avoir laissé en plan. Elle accéléra le pas. Les arbres des deux côtés du chemin semblaient serapprocherdeplusenplus.Etellelaressentitdenouveau–lasensationquequelqu’unl’appelait.Luitendaitunpiègepourlafaireentrerdanslesbois.Elles’arrêtaetcontemplalarangéed’arbres.Ilsveulentquetuvienneslesvoir.Elleentendaitl’espritchuchoterdanssatête.Quiétaitlà-bas?Était-ceMario?D’un seul coup, elle n’en fut plus si sûre.Cela ne semblait plusmaléfique…mais…Elle ne se

    savaitpasquoi, franchement,saufquecen’étaitpascomplètementmauvais.Cela l’effrayait toutdemême,aupointqu’elleeutlesoufflecourtetqu’unfrissongrimpalelongdesacolonnevertébralepourvenirluichatouillerlecou.–Quoi ? fitMiranda, une once de peur dans la voix.Ton aura est en train de passer par toutes

    sortesdecouleursétranges.–Rien,mentitKylie.Elleseretournaetrejoignitlebureauencourant.Tandisquesespiedsmartelaientlesol,despetits

    nuagesdepoussières’élevèrent.Elle leschassad’unbattementdepaupièresetvitalors la lune–àmoitiépleine,maisbrillante.Etonauraitditqu’ellevenaitd’apparaîtredansleciel.Lever de lune, songea-t-elle. Elle sentit de nouveau les murmures résonner dans sa tête. Des

    murmuresqu’elleneparvenaitpasàcomprendre,quil’attiraientetl’effrayaientàlafois.–Est-ceunfantôme?demandaMiranda. (Sespiedsmartelèrent lecheminalorsquesescheveux

    multicoloresdansaientdanslevent.)Alors?–Non,réponditKylie,quiréussitàparlersanshaleter.–Alors,peux-turalentir?Parceque jenesuispascommeDellaet toi.Jepourraisbien jeterun

    sortetpeut-êtrecourirplusvite,maiscelaprendraitdutemps.Etladernièrefoisquej’aiessayé,jemesuistransforméeenantilope.–Nousysommespresque,ditKylie,maisquandellesesouvintqu’elledétestaitdevoirfairetous

    ceseffortspoursuivreDella,elleralentitlerythme.D’unseulcoup,unsouffled’airlesdevança.LapremièrepenséedeKylie futquec’étaitunvampire,maisPerry,dans sa formed’immenseoiseaupréhistorique,seposaalorsdevantelles.Miranda,quisoufflaitethaletait,poussa toutdemêmedescrisdeplaisir.Perrydéployasonaile

    droite qu’il enveloppa autour de la petite sorcière, l’attira contre son torse et l’étreignitaffectueusementenoiseau.Puisilroucoula,commeunecolombe.Mêmesic’étaitnunuche,etmêmesi elle était de mauvaise humeur, Kylie sentit sa poitrine se serrer. Et le sourire tendre qu’elleremarqua chez Miranda fut la cerise sur le gâteau. L’amour était une chose merveilleuse. Kyliedésiraitleconnaître.Entièrement.Undévouementcomplet.Touscessentimentsnunuchesetfous.DesimagesdeDereketLucasenvahirentsatête.Ohnon,serait-elleamoureusedesdeux?Était-ce

    mêmepossible?PerryrelâchaMirandaetreculad’unpas.Desétincellessemirentàtomberpartoutautourdelui,

    comme de la neige iridescente. En quelques secondes, Perry l’humain apparut. Ses cheveux blondsablecollaient à son front commes’il avait transpiré.Sesyeuxétaientbleuclair. Ilportaitun jeannoiretunT-shirtquiarboraitl’inscription:«ENQUOIVEUX-TUQUEJEMETRANSFORME?»–Jevenaisjustementtechercher,ditPerry,quilaissaallersonregarddeMirandaàKylie.–Moi?fitKylie.Pourquoi?Ilhaussalesépaules.–Onmel’ademandé.Ordonné.–Qui?Quit’ademandédevenirmechercher?–BurnettetHoliday.Jenereçoisd’ordresdepersonned’autre.Sauf,peut-être,deMiranda.

  • Ilgratifialajeunefilled’ungrandsourire.–Quelquechosenevapas?s’enquitKylie.Ilreposalesyeuxsurelle.–Jenesaispas.Maistamèreadébarquéetelleestfurax.FaitvivreunenferàHoliday.–Mamanestlà?fitl’adolescente,confuse.Perryhochalatête.–Désolé.Kylie partit d’un pas vif. D’inquiétude, ses pieds soulevèrent un nuage de poussière dans son

    sillage.

  • KyliefilaaussitôtdanslebureaudeHoliday.Samère,deboutdevantladirectrice,faisaituneespècededéclaration.Celle-ci,assiseàsatable,l’écoutait.Burnett,stoïque,n’enperdaitpasunemiette.Lajeunefilleluiadressaàpeineunregard.Elleseconcentrasursamère,quiseretournad’uncoupsec,et…Kylie se retrouva ensevelie dans une étreinte rapide,mais désespérée. Par-dessus l’épaule de sa

    maman,leregardinterrogateurdel’adolescenteseposad’uncoupsurHoliday,quiseleva.Samèrerecula.L’adolescentecontinuaàfixerHoliday.Lesouvenirtrèsbrefdel’espritluiserralecœur.Comment

    pouvaient-elles se ressembler à ce point sans être lamême personne ?Kylie se força à s’occuperd’uneseulechoseàlafois.Alors,elleserecentrasursamère.L’expressionsursonvisageluifichaunetrouillebleue.Elleavaitlamêmelejourdelamortdesagrand-mère.–Quesepasse-t-il?demandaKylie,quicherchadesréponsesdanssatête,puisretintsonsouffle

    quandelleentrouvaune:Papavamal?Elle avait beau être toujours en colère contre son beau-père, ne pas lui avoir pardonné son

    infidélité avec sa jeune stagiaire, elle l’aimait encore.Elle n’en avait jamais été plus sûre qu’à cetinstant.Alorsmêmequ’elleimaginaitlepire–quesamère,parexemple,luiannonçaitqu’ilavaiteuunaccident.Quecethommene laserreraitplus jamaisdanssesbrasounepartiraitplus jamaisenexpéditionentêteàtêteavecelle.–Papavabien,c’esttoiquivasmal.(Leregarddesamèreseposaderrièrelajeunefille,puissur

    elle.)Pourquoinem’as-tupasditquetuétaissouffrante?–Jenesuispasmalade.–Tuavaisdesmigraines.Etcescauchemars,tutesouviens?HolidayparlaitsuruntonqueKylie

    necomprenaitpas.LesyeuxdesamèresefixèrentdenouveauderrièreelleetKylieseretourna.Unhommequ’ellene

    connaissaitpasétaitassissurlecanapé.–Jene…comprendspas,lança-t-elle,etellereposalesyeuxsurlajeunefemme.–C’étaitdansmesdossiers,expliquaHoliday,surcetonpleindesous-entendus.Jel’aiinscritdans

    lesfichiersetlesadministrateursontsongéqu’ilfaudraitcontactertamère.Pourvoirsituavaispeut-êtrebesoindepasserdesexamens.Kyliecontinuaàlaregarderfixement.–Ilsm’ontappeléepourmedemandermapermission.Mabelle,es-tud’accord?Mefairepasserdesexamens?Lesadministrateurs?Oh ! non alors !Lespièces s’assemblèrent peu à peu.Cen’étaient pas les administrateurs,mais

    l’URF.Elleessayaitd’obtenirl’autorisationdesamèrepourlasoumettreàdestests.–Jevaisbien,réponditKylie.Jen’enaipasbesoin.

  • Lapeurlaparcourut.SesyeuxseposèrentbrusquementsurBurnett.Il laregardaitdroitdanslesyeux.Pasdeculpabilité.Etellesentitqu’iln’avaitrienàvoirlà-dedans.Elleserappelalecoupdefil,etcompritqueceladevaitavoirunrapport.Sonregardsereposasurl’hommesurlecanapé.Faisait-ilpartiedel’URF?S’agissait-ildel’abrutiquivoulaitseservird’ellecommed’unratdelaboratoire,delamêmefaçonqu’ilsl’avaientfaitavecsagrand-mère?–Quiêtes-vous?demanda-t-ellesansréfléchir.Puiselleplissalesyeuxetvérifiasaconfiguration.Ellecillaetrecommençalorsqu’illuiapparut

    humain.–C’est John,expliquasamère.Nousdînionsensemblequand j’aieu lemessagedeM.Edwards

    disantquetut’étaisévanouie.–John?MaisquiétaitdoncJohn?Kylieregardasamaman.Etcelle-ciavaitbienl’aircoupable!–C’estleclientavecquij’aidéjeunél’autrejour,tuterappelles?Jet’aiparlédelui.Oui,ellesesouvenait.C’étaitletypequiallaitgâchertoutesleschancesderéconciliationentresa

    mèreetsonbeau-père.–Commejel’aiexpliqué,poursuivitHoliday,votrefillenes’estpasvraimentévanouie.Jecrois

    quej’aiunpeuexagérédansmesrapports.Etonlesamalinterprétés.L’émotion palpita dans la poitrine deKylie comme un oiseau pris au piège.Holiday lui jeta un

    coupd’œil, etKylie eut le sentiment que la directrice essayait de lui communiquer quelque chose.Maiszut,ellenesavaitpasliredansl’espritdesgens.Nimêmedéchiffrerlessentiments.–Kylien’avait-ellepasdeterreursnocturneschezvous?demandaHoliday.D’unseulcoup,l’adolescentecrutcomprendreoùellevoulaitenvenir.–Oui,cen’étaientquedesangoisses,maman.Jenemesuispasévanouie.Tutesouviensdansquel

    étatj’étaisaprès?Jenesuispasmalade.Jen’aipasbesoind’examens.Deplus,tum’enasdéjàfaitpasser,tuterappelles?–Maisjepensaisquetun’enavaisplus!– Je n’en ai eu que quelques-unes. Et je vais bien. Regarde-moi, ça va. (Elle tendit les bras,

    cherchantmentalementunefaçondeleprouver.)«Jepeuxtouchermespieds,jepeuxtouchermonnezavecmalangue.»C’étaitunpetittextequesamèreetellerécitaientquandonleurdemandaitsiellesallaientbien.–MaispourquoiM.Edwardsvoudrait-ilquetusubissesdestests?Holidays’avançadanssachaise.–Oh,nel’écoutezpas.Ilestjustetropprudent.(Ellesourit,faisantdesonmieuxpouravoirl’air

    convaincante.)Maissivoussouhaitezprogrammerunrendez-vousavecvotregénéralistepourqu’ilexamineKylie,etpouravoirl’esprittranquille,jecomprendraisparfaitement.Enfait,nousn’avonsriencontrelesmédecinsici,maisj’oseespérerquevousvousentendezbienaveclui.–D’aprèsvous,devrais-jelefaire?demanda-t-elleàHoliday,avecsonairdemèreinquiète.– En réalité, non, je ne crois pas, Kylie va bien. Avec des angoisses nocturnes qui ne se sont

    produitesquedeuxfois,jediraimêmequ’ellevatrèsbien.–Oui, insistaKylie. Je vais bien, promis, s’il te plaît,maman, je ne veux pas repasser tous ces

    examens,jet’enprie!Lafemmeeffleuralajouedesafille.–Sais-tucommej’aieupeur?Oh!Seigneur! (Elle reposa lesyeuxsurHoliday.)Vousdevriez

    envisagerdeparlersérieusementavecM.Edwards.Jevousjure,àécoutersonmessage,oncroiraitvraimentquemafilleadegravesproblèmes.–Jesuisdésoléedet’avoircauséunetellefrayeur.KylieregardaJohn.

  • L’hommeseleva,s’avançaetposasamainsurl’épauledesamère.Kylieeutledésirtrèsétranged’enlevercettemaind’unetapeetdeluidirequ’iln’avaitpasledroitdelatoucher.–BonjourKylie,lançaJohn.Elle contempla son sourire suave, sesyeuxnoisette et ses cheveuxchocolat assortis coiffés à la

    perfection.Elleauraittellementvoulutrouverquelquechosededéplaisantchezcetype,maisrien.Iln’était pas laid. Il n’était pas non plus canon-dans-le-genre-homme-mûr comme Burnett, peut-êtreparcequ’ilétaituntantinetplusâgé,maisilétaittrèsclasse.–J’auraispréféréquenotrepremièrerencontreaitlieudansd’autrescirconstances,poursuivit-il,

    maisj’espéraisfairetaconnaissance.Tamèrem’atellementparlédetoi!C’est marrant, songea Kylie, sa mère ne lui avait pas beaucoup parlé de lui. En fait, elle avait

    évoquéleurdéjeuneretlefaitqu’ilpourraitbienlarappeler,maiselleavaitomisdeluiraconterqu’ill’avaitbeletbienfait.SûrementcarellesedoutaitqueKylieétaitpartagéeàcesujet.Ahhh,maispourl’instant,ellenel’étaitpastantqueça.Ellenel’aimaitpas,point.Toutefois,parcequ’ellen’avaitaucuneraisondelemontrer–hormis

    son instinctetpeut-être sonenviequesamèreet sonbeau-père se réconcilient–,elleallaitdevoirfairedelalèche.Êtregentille.CommentavaitditMiranda,déjà?«Fairecommesienattendantdepouvoirfairecommeça.»Pourrait-elleapprendreàaimercetype?–Enchantée,réponditKylie,encollantuneexpressionchaleureusesursonvisage.Maisellecraignaitqu’ildevinequec’étaitdelacomédie.–Toutleplaisirestpourmoi,rétorqua-t-il.Kyliesecontentadesourire.Pourlecoup,ilavaitentièrementraison.

    Lademi-heuresuivante,KylielapassadanslasallederéuniondubureauavecsamèreetJohn-le-Mièvre,enprétendantquetoutallaitpourlemieuxdanslemeilleurdesmondes.UneexpressionqueNana,décédéeilyatroismois,auraitemployée.Curieuxquelajeunefillesemblâtfaireappelàelleencemoment.Elleseraitraviequ’ellevienne

    lui rendrevisite.Tu es là,Nana? demanda-t-elle dans sa tête pendant que John déblatérait sur sesannéespasséesenAngleterre.Elleneréponditpas.MaisKylieeutlasensationtrèsétrangequ’elleétaittoutprès.– J’ai toujours souhaité voir l’Angleterre, déclara sa mère, qui buvait chacune des paroles de

    l’homme.–Nouspourronsyremédier,réponditJohn,enthousiaste.J’aiunvoyageprévulemoisprochain.

    Etsituprenaisdescongéspourm’accompagner?–Vraiment?fitsamère.Et tant pis si Kylie pensait exactement la même chose !Vraiment ? Cet homme voulait que sa

    mamanparteenAngleterreaveclui.Elleneleconnaissaitmêmepas.Etilespéraitqu’ellepartageunechambred’hôtelaveclui?Jamaisdelavie!–Leplanningdemamanestplutôtsurchargé.Ellenepourrapasvenir,réponditKylie,quirefusa

    l’invitationàlaplacedesamère,avantdeserendrecomptequ’ellen’avaitpassonmotàdiredanscettehistoire.Samèreenrestabouchebée,etgratifiasafilled’unregardnoir,dustyle:«Commec’estgrossier

    detapart!»–Ehbien, j’aibeaucoupde travail,certes,mais jem’arrangeraipourprendrequelques joursde

    congé.Ellereposalesyeuxsursafille,histoiredel’avertirdenepluss’enmêler.–Super!lançaJohn,quifeignitdenepasavoirperçulatensionsilencieuse.–Super!répétaKylie,lesouriresicrispéqu’ellepensaitqueseslèvresnebougeaientpas.

  • – En parlant de planning, ajouta samère en consultant samontre, nous devrions y aller. Il y apresquedeuxheuresderoute.Ehoui,demain,j’aibeaucoupdetravail.Elle l’étreignit rapidement.Etpour samère-handicapée-des-câlins, c’était uneprouesse.Lorsque

    Kyliesedétacha,ellearticulasilencieusement:«Désolée.»Etellel’était.Ellenevoulaitpasluifairedemal,mêmesiellen’aimaitpascetype.Surlevisagedesamèreselisaitunecompréhensionabsolue.Cequinefitquedécuplerlemalaise

    deKylie.Sepenchantdenouveau,ellemurmura:«Jet’aime.»–Moiaussi,réponditKylie,quiselaissaalleràuneautreétreinteet,cettefois,ellelaserraencore

    plusfortetunpeupluslongtemps.Quandelle les raccompagnadehors et passadevant lebureaudeBurnett, ellevit sonbonmètre

    quatre-vingtsassisà sonbureau. Il faisait semblantd’êtreplongédansde lapaperasserie,mais sesoreilles supersoniques avaient sûrement dû fonctionner tout du long. Et très bien, parce qu’ellen’avaitrienàcacher,maisdèsquesamamanetletypeflippantseraientpartis,Burnettavaitintérêtàarrêterd’écouter.Illuidevaitdesd’explications.Elleavaitapprisquel’URFvoulaitluifairepasserdestests,maisjamaisellen’auraitcruqu’elle

    n’hésiteraitpasàcontactersamère.Etsielleallaitaussi loin,quelleserait laprochaineétape?Lerefus maternel qu’elle subisse des examens mettrait-il un terme à tout cela ? Sans trop savoirpourquoi,Kylieendoutait.

    LorsqueKylierevintunpeuplustard,HolidayetBurnettl’attendaientsurlaterrassedubungalow.–Etmaintenant?demanda-t-elle.BurnettfronçalessourcilsetlesconduisitdanslebureaudeHoliday.–Jel’ignore,jesuisstupéfaitqu’ilsaientoséfairecela.Ilsm’ontconvoquéetontparlédetefaire

    changerd’avis. Je leuraiditque tuavaisdéjà refusé.Certainsontdéclaréque tun’avaispas l’âgelégal, et ont proposé de passer par ta mère. Je leur ai fait remarquer qu’elle n’était pas unesurnaturelle,etquecelarisquaitdesoulevertropdequestions.Jecroyaisquejelesavaisconvaincusquecen’étaitpas lamarcheàsuivre.Maisquandjesuis revenu,Holidayétaitau téléphoneavec tamère.Ilsontdûl’appeleraussitôtquej’aiquittélebureau.Holiday s’assit sur le canapé. Kylie la rejoignit. Lorsqu’elle attrapa ses cheveux et en fit une

    torsade,Kylieserappelalaraisonpourlaquelleelleétaitpasséelavoir.SesyeuxseposèrentsurlecoudeHoliday,etellesesouvintdesvilainsbleusdufantôme.Delapeurpoursonamieenserrasapoitrine.–Heureusementpournous,tamèreestvenuedirectement,sanstéléphoneràl’URF.(Ellecroisale

    regarddelajeunefille.)Çaira,dit-elle,lisantmanifestementsoninquiétude.–Jel’espère.Kylieselaissaretombercontrelecanapé.–Tuesencorebouleverséeàcausedetoutàl’heure,déclaraHoliday.–Ques’est-ilpassé?demandaBurnettenserapprochant.–Jen’aipaseul’occasiondet’enparler…HolidayluiexpliquaquelepèredeKylieluiavaitapprisqu’elleétaituncaméléon.Celle-ciattenditquel’incrédulitéapparaissesurlevisageduvampire,ouàentendrelaréponsetu

    esunlézardquetoutlemondeluiavaitservie.CommeBurnettnefaisaitnil’unnil’autre,laméfiances’installa.–Quesais-tu?s’enquit-elle.Ilserembrunit.–Lemot«caméléon»figuraitsurlesdocumentsquej’aitrouvésparlantdutestresponsabledela

  • mortdetagrand-mère.–Quedisaient-ils?Précisaient-ilscommentjepeuxavoiruneconfigurationhumainetoutenétant

    surnaturelle?demandaKylie,contrariéequ’illuiaitcachéquelquechose.KylievitHolidayserenfrogneràsontour.Burnettlaissaallersonregardentrelesdeuxamies,etl’inquiétudeaccentuasaminemaussade.–Ilsn’ontrienexpliquédutout.Unmédecinaemployélemot«caméléon»danssesnotes.Celane

    voulaitriendire,enfait,jemesuismêmedemandésicen’étaitpasunefautedefrappe.Jen’avaispaslesdocumentsoriginaux.Justelesnotesqu’undocteuraprisestoutenseréférantauxautrespapiers.–Maisaumoins,celaleprouve,observaKylie.–Prouvequoi?demandaBurnett.EllelaissaallersonregarddeBurnettàHoliday.–Que c’est cela, être un caméléon.Avoir une configuration quimontre que l’on est une chose

    alorsqu’onnel’estpas.Engros,noussavonsquejenesuispashumainedutout.(Elledésignasonfront.)Etpourtant,lamienneindiquelecontraire.Biensûr,celanemeditrienderiensurcequejesuisvraiment.–Jenepensepasquenousayonsapportéunepreuvequelconque,annonçaBurnett.Oui,cesdeux

    choses-là ont sûrement la même signification. Seulement, nous n’avons pas évalué ce qu’ellessignifient.Pasencore.L’expressiondeHolidaymontraqu’elleétaitd’accordaveclui.–Jeréfléchissais…commença-t-elle,peut-être…quetesproblèmesdeconfigurationsontliésau

    faitquetusoisuneprotectrice.Jenecroispasqu’ilaitjamaisexistédeprotectriceenpartiehumaineàlaquellenouspuissionstecomparer.–Jen’avaispaspenséàcela,rétorquaBurnett.C’estpossible.–Maistoutecettehistoiredecaméléon?s’enquitKylie.–Jenesaispas,réponditHoliday.Jedissimplementquecelapourraitexpliquertesproblèmesde

    configuration.L’espritdeKyliepassaenrevueleursproposàtouteallure.Pluselleyréfléchissait,moinsçase

    tenait.–Jeveuxlirecesdossiers.– Je suis sûre qu’entre-temps ils ont déjà caché les nouveaux documents que j’avais réussi à

    récupérer.–Ilsonttuémagrand-mèreetilss’ensonttirés,etàprésent,ilsessaientdefairelamêmechose

    avecmoi.–Lesresponsablessontsoitpartis,soitàlaretraite.(Elleserenfrognaencoreplus.)Jesaisdequoi

    çaa l’airet jeconçoisque turefusesdepasserdesexamens,mais jenecroispasqu’ilsmettraientintentionnellementtavieenjeu.–Nousnesommessûrsderien.LafermetédansletondeHolidayfitpenseràKylieautondesamèreenmodematernel.–Cequiestprécisémentlaraisonpourlaquellej’aifaitcequej’aifait,dit-il.Pourlaquellejevais,

    engros,contrelesermentquimelieàl’URF.Jesuisdetoncôté.Quepuis-jefaired’autrepourteleprouver?–Jevousenprie,lessuppliaKylie,jeneveuxpasquevousvousquerelliezàcausedemoi!–Tun’as rien à prouver du tout, rétorquaHoliday, qui rougit de culpabilité. Je suis désolée. Je

    m’emporte–parégardpourtoi,Kylie.– Je sais, c’est pareil pourmoi. (Burnett jeta un coup d’œil sur la jeune fille.) Et nous ne nous

    disputionspas. (Il se tournaversHolidayet seconcentra surelleuneseconde.)Cette fois,nousnefaisionsquediscuter,exact?

  • –Exact.Unpetitsouriresedessinasurleslèvresdelajeunefemmequandellecroisasonregard.Kylie sourit elle aussi, alors même que l’émotion envahissait sa poitrine. Quelle chance de les

    avoiràsescôtés!Maissonsourireneduraqu’uneseconde.–Quevont-ilsfaire,maintenant?Burnettexpira.–Ilyadesrisquespourqu’ilsessaientencoredetefairechangerd’avis.Deteconvaincrequec’est

    pournotreplusgrandbien.Ilsenétaientlà,quandjesuisparti.–Etsijeleurdisaisquej’étaisaucourantpourmagrand-mère?Lesmenaçaisdetoutrévélers’ils

    nemefichentpaslapaix?Burnett s’était chargé de déplacer le corps de la vieille dame au cas où un membre de l’URF

    décideraitdedissimuler lespreuves.Selonlui,celadonneraitàKylieunmoyendepressioncontreeuxsijamaisquelqu’unessayaitdelaforceràfairequelquechosequ’ellenevoulaitpas.–Moi,jediraissimplementnon,ets’ilsinsistaient,jeressortiraislesrestesdetagrand-mère.Ilsetendit,etl’inquiétudeétinceladanssesyeux.LamêmeémotionsereflétadansceuxdeHoliday.–Quesepassera-t-ils’ilsdécouvrentquec’esttoiquiasfaitdéplacerlecorps?demandaKylie.–Ilsnelesaurontpas.J’aiprismesprécautions,avoua-t-ilcatégoriquement.Peut-êtreunpeutrop–commesil’affirmeravecconvictionpouvaitrendreleschosespossibles.–Ilsvonttesoupçonnerparcequetutravaillesici.Parcequetuesprochedemoi,ditKylie.–Peut-être,maisilsdevrontleprouver.Etjen’ailaisséaucunepreuvequ’ilspuissenttrouver.Elleespéraitquecefûtlecas.Ellejetaunnouveaucoupd’œilsurHolidayetserappelalefantôme.Holidaymitsamainsurcelledelajeunefille.–Autrechosenevapas?–Non.Justecela.–Tuessûre?–Parcequeçanesuffitpas?demandaKyliedontlesyeuxseposèrentsurlafenêtre.Elleconstataquelecielcrépusculairenoircissait,maisparvinttoutdemêmeàdistinguerlescimes

    desarbresquisebalançaienttoutdoucement.SonregardsereposasoudainsurHoliday–etelleressentitalorslebesoindetoutrévéler.–J’ail’impressionquel’onm’appelle.(Ellemontralafenêtre.)Dehors,quelquechosem’appelle.

    Maisjenesaispasquoi.Holidayeutl’airperdue.–Commequandlescascadestefontsigne?–Oui,acquiesçaKylie.Saufquecettefois,c’étaitbienplusfort.–Alors,allons-y,suggéraHolidayensepenchantverselle.Crois-tuquedemain,çaira?Kylievoulutluidirequ’ellen’étaitpassûrequeleschutesd’eaul’appellent,maisellenesavaitpas

    comments’yprendre.Ellesecontentadoncdehocherlatête.–Jevousaccompagnerai,lançaBurnett.–Àl’intérieurdescascades?fitHolidayenreposantlesyeuxsurlui.–Situpensesquejedoislefaire,alorsjeleferai.–L’idéed’allerauxchutesd’eaunetedérangepas?Ilhaussalesépaules.–Ceneserapaslapremièrefois.HolidayregardaKylie,puisBurnett.– Je sais. Et je trouve cela déconcertant. Il est totalement impossible de forcer la plupart des

    surnaturelsàyentrer.

  • Unpetitsourireplissalescoinsdesesyeux.–Commejetel’aiexpliqué,jesuisexceptionnel.Holidaysoupira.–Maislescascades…–Nemeposentaucunproblème.(Ill’interrompitetseconcentrasurKylie.)Etsijet’accompagnais

    àtonbungalow?Dellaestenmissiond’escorte.Jeluiaiditquejeteraccompagnerais.LechangementdesujetdeBurnettétaitmanifestementunstratagèmedélibérépouréviterdeparler

    descascades.Quecachait-ildonc?Lamêmequestion semblait également fairebriller lesyeuxdeHoliday.–Ellen’apasdîné,observacelle-ci.–Toutcequejeveux,c’estunsandwich,etnousenavonsaubungalow.HolidayserralonguementKyliedanssesbras,etsoncontactl’apaisa.Leseffetsdel’étreintepersistèrentjusqu’àcequeBurnettetellesemettentàdescendrelesentier

    enténébréetqu’ildemande:–Etsitum’expliquaispourquoituasmentiàHoliday?

  • –Jen’aipasmenti.Dèsquecesmotssortirentdesabouche,Kyliesesouvintquesi,elleavaitracontédeshistoiresà

    Holiday quand celle-ci lui avait demandé si autre chose n’allait pas. Zut alors, elle aurait dû serappelerqueBurnettpouvaitentendresoncœurbattrelachamadequandellementait.Ellecontinuad’avancer.Illaregarda,sourcilsarqués,incrédule.–Essaieencore.Kylieserenfrogna.–C’estunproblèmedefantôme.Jem’efforcejustedelerésoudretouteseule.Jamaisdelavieellenepourraitluiparlerdel’espritquiressemblaitàHoliday.Burnettpéteraitun

    plomb.Oupas.Peut-êtren’avait-ilpasaussipeurd’euxqu’illefaisaitcroire.–Quemecaches-tuàproposdescascades?demanda-t-elle.Sonsourcilarquésebaissa.–Riendutout.–Tupeuxentrerdansleschutesd’eaualorsquelesautresnelepeuventpas.–Celamedéconcerteaussi,avoua-t-il.Mêmesijenem’ysenspastrèsàl’aise.–Tun’aspaseul’impressionquel’ont’appelait?Ilhésita.–Peut-êtrequesi,unpeu.Ilsfirentquelquespasensilence.–Pourquoin’avoirrienditàHoliday?s’enquitKylie.Illaregardad’unairrusé.–Peut-êtrequej’essaiedetrouverlasolutiontoutseul.Ilemployalesmêmesmotsqu’elle.–OK.Ellelevalesyeuxauciel.Quelquesminutesplustard,ilrepritlaparole.–JepensaisquetupouvaisparlerdeteshistoiresdefantômesàHoliday.–Jepeux,oui.Maisjepréféreraismedébrouillertouteseule,sic’estpossible.C’étaitlavérité,defaitellenes’inquiétaitpasdusenscachédesespropos,qu’ilavaitperçu.Il hocha la tête. Alors qu’ils s’approchaient du bungalow, Kylie se souvint qu’elle voulait voir

    Lucas.–Lucaspeut-ilterelayercesoiretmeservird’escorte?J’aimeraisluiparlerdequelquechose.Burnetteutl’aird’yréfléchir.L’espaced’uneseconde,ilsemblasurlepointderefuser.–D’accord,maisn’allezpasdanslesbois.Saréponselafits’interroger.

  • –Est-cequel’alarmefonctionne?–Oui,maissouscertainesconditionsmétéo,onpourraitentrerdanslaforêtsanssefaireprendre.Ellehochalatête.–As-tuvuquelqu’un?–Non.Ils’arrêta.–Tuenessûre?–Oui.Parfois…lesboismefontjusteunpeupeur.–Alors,écoutetesfrayeursetévite-les.–C’estbiencequej’ail’intentiondefaireKyliecontemplalarangéed’arbresetl’obscuritéau-delà.Elleneressentaitrien.Peut-êtrequece

    qu’elleavaitéprouvéplustôtétaitlefruitdesonimaginationdébordante.Elle remarqua son bungalow tapi dans les bosquets. Les lumières étaient allumées et une teinte

    dorées’échappaitdesfenêtres.Ellevitl’ombredeDellaetsesouvint…–Pourquoiavais-turendez-vousavecDellatoutàl’heure?–Destrucsdel’URF,c’esttout.Ilrestadélibérémentvague.–Quelquechosenevapas?Ilsecoualatête.–Non.–Vas-tuluidemanderdefairequelquechosepourl’URF?–C’estpossible,pourquoi?Kylieserenfrogna.–Étantdonnéquecelle-cimecausebeaucoupdesouci,lefaitquetuentraînesmesamieslà-dedans

    nemefaitpassauterauplafond.Ils’arrêta,mitlesmainsdanssespochesetsecoualatête,l’aircontrarié.–L’URFestuneorganisationcenséeprêtermain-forteauxsurnaturelscomme lapoliceaide les

    h