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Éric Le Breton, Bruno Le Corre et Marion Steunou Dossier coordonné par Éric Le Breton, Bruno Le Corre et Marion Steunou ` avec la collaboration de Hélène-Marie Juteau. Place Publique Ça bouge dans le périurbain !

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Éric Le Breton, Bruno Le Corre et Marion Steunou

Dossier coordonné par Éric Le Breton, Bruno Le Corre et Marion Steunou `avec la collaboration de Hélène-Marie Juteau.

Place Publique

Ça bouge

dans le périurbain !

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ÉDITO

Mireille Apel-Muller et Henri-Noël Ruiz

INTRODUCTION

Le périurbain, nouvelle frontière des mobilités, Éric Le Breton

I – CHANTIERS PÉRIURBAINS

L’usager, un nouvel acteur pour innover dans le périurbain

Des espaces périurbains en quête de lisibilité

Valoriser une mobilité généreuse de liens sociaux

Quand le covoiturage rime avec smartphone

Vers une éducation périurbaine

II — 16 REGARDS SUR LE PÉRIURBAIN

Philippe Baron, réalisateur

Jean-Michel Goubard, insertion des jeunes

Thierry Marcou, innovation et territoires numériques

Thérèse Rabatel, élue de Lyon

Jean-François Doulet, sinologue

Jean-François Pérouse, géographe

Guy Jouhier, vice-président de Rennes Métropole

Andrès Borthagaray, conseil de planification de Buenos-Aires

Emmanuelle Garnaud-Gamache, communication et marketing

Jean-Yves Chapuis, vice-président de Rennes Métropole

Christian van Oost, designer

Yan Le Gal, urbaniste

David Mangin, architecte-urbaniste

François de Rugy, député

Frédéric de Coninck, chercheur

Gabriel Plassat, ingénieur

III — EXPLORATIONS PÉRIURBAINES

Pour une nouvelle « politique » du périurbain, Laurent Cailly

La hausse des carburants rend les ménages vulnérables, Damien Verry,

Florian Vanco

Le périurbain, choix de vie, choix de ville…, Philippe Segretain

IV — LE CONCOURS « ÇA BOUGE DANS LE PÉRIURBAIN »

Le concours étudiants

Les participants

SOMMAIRE

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Éric Le Breton, Bruno Le Corre et Marion Steunou

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C’est là que vit une grande partie de la population française. Une population quisouhaite disposer d’espaces naturels, d’un jardin,  d’une maison et qui, en mêmetemps, souhaite accéder à toutes les  ressources qu’offre un centre : des emplois, descommerces, des  aménités culturelles et éducatives. Mais la faible densité ne per-met pas d’assurer une desserte satisfaisante en transports en commun et, pour se dé-placer, il faut  prendre sa voiture. Cela a un coût pour l’environnement bien  entendu, mais aussi un coût social etculturel. Quand on  n’a pas  les moyens économiques ou physiques d’avoir unevoiture ou que l’on ne peut passer le permis de conduire, il faut parfois renoncer àse  déplacer et donc renoncer à un emploi, à une formation, à des soins.Sans moyen individuel de transport, la ville périurbaine devient impraticable et il-lisible.Il faut imaginer des organisations de la mobilité qui permettent à  tous d’accéderà la diversité des pôles urbains. Elles ne peuvent  pas être rigides mais doiventconsister, au contraire, en une large  palette de solutions combinant des réponsessociales, culturelles,  techniques, paysagères, éducatives et une gouvernance ou-verte à  laquelle les citadins puissent être associés.La quarantaine d’équipes d’étudiants qui ont participé au concours « ça bougedans le périurbain ! », animé par l’Agence d’urbanisme de l’agglomération ren-naise et l’Institut pour la ville en mouvement, a  pris la mesure du défi. Leurs pro-positions s’appuient sur les  contraintes spécifiques des territoires périurbains pourfaire appel  à la créativité, sortir des sentiers battus, interroger des domaines  iné-dits, inventer des solutions qui améliorent la vie quotidienne  des habitants.Elles offrent des pistes de réflexion et d’action pour les acteurs  de la ville. Elles af-firment que le périurbain est dans la ville  d’aujourd’hui et que c’est à partir de làque la ville de demain  peut être pensée. Elles associent des perspectives interdé-pendantes,  parmi lesquels les questions de gouvernance, d’éducation, de  forma-tion à la mobilité, du paysage et du design urbain, de  l’hybridation des techniques,de la construction de nouvelles  solidarités et de civilités, joueront un rôle clé.Ce hors série de la revue Place Publique interpelle différents  acteurs, experts et té-moins de la vie périurbaine et ouvre le chantier d’une ville lisible pour tous.

ÉDITO

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Mireille Apel-Muller est déléguéegénérale de l’Institut pour la villeen mouvement. Henri-Noël Ruiz est directeur del’Agence d’urbanisme et de déve-loppement intercommunal de l’ag-glomération rennaise.

Le périurbain, espace d’innovation pour la ville de demain

Mireille Apel-Muller et Henri-Noël Ruiz

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INTRODUCTION

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Le périurbain, nouvelle frontière des mobilités

Eric Le Breton

gouvernement à proposer une solution alternative. Lespremiers lotissements se déploient soutenus par les fi-nancements d’État (les « chalandonnettes »), par lamontée en puissance des collectivités locales intéres-sées par ces nouveaux venus, soutenus aussi par les stra-tégies marketing des groupes du BTP à la recherche demarchés de remplacement (la maison Phœnix). Le mot« périurbain » se substitue à celui de « pavillonnaire »,par exemple dans le rapport de la mission interminis-térielle présidée par Jacques Mayoux Demain, l’espace.L’habitat individuel péri.urbain [sic] ou, la mêmeannée 1979, dans l’étude de Elisabeth Campagnac etLydia Tabary-Taveau sur Le développement de la mai-son individuelle dans l’espace périurbain de Dunkerque.

La géométrie variable du périurbainLe périurbain est une réalité complexe et mouvante.

Une première définition est celle des frontières admi-nistratives et politiques des structures intercommunales.Le périurbain d’une agglomération est alors constituépar l’ensemble des communes agrégées au noyau cen-tral. Ces associations intercommunales sont aujourd’huien tension entre l’intérêt du « grossissement » des col-lectivités et l’inconvénient d’un mitage territorial gê-nant, en particulier dans la gestion des mobilités.

Les statistiques démographiques offrent un autre re-gistre d’appréhension. Pour l’Insee, l’espace périurbainest composé des communes dont 40% de la populationactive travaille dans le pôle urbain correspondant.Cette approche, fondée sur les navettes entre domicileet travail, dessine de grandes agglomérations s’étendant

Depuis quarante ans, nos mobilités quotidiennesfont l’objet de multiples innovations. La liste est longue :les métros et tramways modernes, les gares multimo-dales et les pistes cyclables, les plateaux piétonniers etla voiture partagée, le vélo en libre service et les distri-buteurs automatiques de titres, les personnels d’aide dutype « gilet rouge » de la SNCF et l’information entemps réel sur la durée des embouteillages et le délaid’arrivée du prochain bus…

Tous ces services fonctionnent dans les centres d’ag-glomération. Les couronnes périurbaines n’ont rien, oupresque rien. Du coup, la voiture assure 85 à 90% desdéplacements. Le covoiturage, les TER et les autocarsn’ont qu’une place marginale dans les mobilités. Lamarche est cantonnée à de minuscules espaces, commele deux roues qui est, en sus, dangereux ; l’accidento-logie des jeunes en scooter en témoigne.

L’effort d’innovation doit désormais porter sur le pé-riurbain, qui marque une nouvelle Frontière des mobilités.

Quinze millions de Français y vivent ; un quart dela population, pour 60% dans les pôles urbains1 et 15%dans le rural. La population périurbaine va augmenterau cours des prochaines décennies. Partout, les pou-voirs publics veulent endiguer la dispersion des villesmais partout les agglomérations s’étalent, les plusgrandes comme les plus petites, celles de 5 000 habi-tants. La périurbanisation vient de loin. En 1947 déjà,82% des Français déclarent à l’Institut national desétudes démographiques rêver de vivre dans une mai-son-jardin à la campagne. Leur rêve sera brimé par lespouvoirs publics qui craignent la colonisation anar-chique des campagnes. Mais l’arrêt brutal de laconstruction des grands ensembles, en 1973, oblige le 1. Selon la dénomination de l’Insee, unité urbaine comptant 5 000 emplois ou plus.

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INTRODUCTION

leurs périphéries les plus lointaines participent d’unemême « société urbaine », indivisible.

Un espace social façonné par la mobilitéToutes ces approches s’accordent sur l’élément fon-

damental du périurbain : la mobilité. Quand il décrit la« ville émergente », Yves Chalas2 retient la « ville mo-bile  » comme sa première caractéristique. LaurentCailly réserve aussi à la mobilité la première place dansce qu’il appelle le « pack périurbain » (cf. son articledans le dossier). La mobilité est consubstantielle de lavie sur ces territoires. Il est sans objet de la dire « choi-sie » ou « contrainte » ; elle est simplement la formedu mode de vie périurbain. La mobilité est à la base del’appropriation des territoires, de la combinaison des ac-tivités quotidiennes, de la constitution des réseaux so-ciaux. Les distances imposent aux habitants de cetespace un « engagement » dans la mobilité en moyens,en temps, en argent, en fatigue, en mobilisation cogni-tive, en coûts d’organisation dont les citadins sont rela-tivement dispensés par la proximité.

Nous revoici au point de départ d’une mobilitéconséquente prise en charge presque exclusivement parla voiture. S’il a longtemps été accepté, ce modèle poseaujourd’hui des problèmes sérieux et il est remis enquestion, au moins dans les discours.

D’abord, des problèmes sociaux. Les ménages sontassommés par les prix du carburant. Certains consa-crent un quart de leur budget mensuel à la voiture. Da-mien Verry et Florian Vanco estiment qu’un ménagepériurbain sur cinq est aujourd’hui vulnérabilisé parl’augmentation des coûts du carburant (Cf. leur articledans le dossier). Ce risque est paradoxalement amplifiédans les agglomérations aux politiques du logement ver-tueuses. Les Programmes locaux de l’habitant éloignentdu centre des ménages modestes qui trouvent en cou-ronne un logement de qualité… au prix d’une majora-tion de leur budget transport. L’enfer est pavé debonnes intentions. Ces difficultés inédites de déplace-ment sont désormais prises en compte par les Centresintercommunaux d’action sociale.

La situation des personnes âgées est égalementpréoccupante. Le périurbain a cinquante ans. Les per-sonnes qui s’y sont installées à 30 ans en ont 80. Elles ne

au-delà des découpages intercommunaux, dans unrayon de quelques dizaines de kilomètres autour despôles urbains. Mais l’Insee propose aussi un calcul agré-geant les communes reliées à un pôle urbain par les na-vettes domicile-travail d’au moins 25% de la populationactive résidente. Le visage de la France urbaine et pé-riurbaine devient saisissant : une agglomération conti-nue va de Montpellier à Nice ; Saint-Etienne, Lyon etGrenoble sont intégrés au même espace et un immenseplateau central englobe la région parisienne, Amiens,Le Havre, Tours… Dans ces conurbations immenses,des milliers de communes sont reliées les unes aux au-tres par les déplacements quotidiens de leurs habitantsdont certains, de l’ordre d’un demi-million d’actifs, vontau travail en TGV entre Le Mans, Lille, Tours et Paris.Et si le premier motif de cette vaste maille périurbaineest le travail, on sait que les courses, la scolarité des en-fants et les loisirs s’y ajoutent. Cette approche extensiveheurte le sens commun mais montre l’ampleur de la re-composition des bassins de vie quotidienne.

Un troisième registre de définition est celui desmodes de vie. Ce n’est pas le plus facile. EmmanuelRoux et Martin Vanier, à l’issue des travaux qu’ils ani-ment au sein de la Délégation interministérielle àl’aménagement et à la compétitivité des territoires(Diact), notent que « de la périurbanisation, on entenddire tout et son contraire. […] Toutes [les] affirmationscontradictoires sont étayées par l’observation et la me-sure, et toutes sont recevables. » Le périurbain est au-jourd’hui devenue une réalité multiple. Cet espace estcelui des ménages d’âge moyen, à deux emplois, deuxrevenus, deux enfants, deux voitures, le tout dans unemaison-jardin. Mais y vivent aussi des familles mono-parentales et une importante population âgée, des mé-nages au niveau de vie élevé, plutôt en premièrecouronne et des allocataires de minima sociaux. Le pé-riurbain est aussi divers dans ses formes, dans sa phy-sionomie qui n’est pas la même dans les zones littorales(Nice…), de plaine (Toulouse…) ou de montagne(Grenoble…) et il s’inscrit dans des traditions d’habiterqui diffèrent d’une région à l’autre. Le périurbain estun espace de vie aussi complexe que les villes-centres.Du reste, c’est le sens de la définition la plus extensive,celle de Henri Lefebvre. Dans La révolution urbaine(1970), il considère que les villes ont perdu leurs spé-cificités citadines historiques et que les centres comme 2. Yves Chalas, Les figures de la ville émergente, pp. 239-278

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INTRODUCTION

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originaires de tous les coins de France et d’institutionsdiverses : des Instituts d’études politiques, des écolesd’architecture, le Celsa, des universités, l’Ecole deshautes études en sciences sociales, Polytechnique, et denombreuses disciplines : architecture et design, urba-nisme et géographie, communication et sociologie.

Nous demandions à ces étudiants avancés commentimaginer des mobilités périurbaines plus « habitables ».Autour de quels besoins, de quelles demandes particu-lières des habitants les concevoir ? Avec quels dispositifset modes d’organisation les mettre en oeuvre ? Nousavons orienté leurs réflexions vers cinq domaines : a) lacommunication, b) la pédagogie, c) le marketing, d)l’information sur les mobilités, e) les aménagements ur-bains et le design. Intentionnellement, nous avonslaissé de côté les systèmes de transport eux-mêmes,considérant d’une part qu’ils sont déjà nombreux etbien identifiés : covoiturage, transport à la demande,location à bas prix, vélos en libre service, voitures par-tagées, etc. et d’autre part que l’innovation surgit rare-ment des secteurs où on l’attend.

Gouvernance / Solidarité / Apprentissage /Lisibilité / Hybridation Notre analyse des réponses au concours combinée

à nos réflexions d’équipe porteuse de la démarche nousamènent à proposer cinq pistes de changement, cinqdomaines dans lesquels engager des innovations pourles mobilités périurbaines.

La gouvernance d’abord. Il faut partager la discus-sion et la décision en matière de mobilités quoti-diennes, qui est encore un domaine réservé au tandem«  autorité organisatrice / transporteur  », alors qu’ilconcerne la vie quotidienne des habitants dans toute saprofondeur. Différents dispositifs sont imaginés pourque les périurbains se saisissent plus fortement de cedébat public.

Le second domaine est celui de la solidarité et de lamobilité comme lien social. Les ménages précaires sontde plus en plus nombreux dans le périurbain. Il fautaussi, on l’a dit, produire un territoire plus attentif auxenfants et aux jeunes, aux vieux et à tous ceux qui ne vi-vent pas sur le rythme rapide de la voiture. La mobilitédoit être mieux appréhendée comme un espace-tempsde rencontre et d’échange et pas uniquement dans sadimension d’objet technique.

sont pas désireuses d’un « retour » dans une ville qu’ellesn’ont jamais habitée, mais veulent rester dans leurs com-munes, près de leurs voisins et commerces. Ces anciensdes quatrième et cinquième âges ont contracté des ha-bitudes de consommation, de santé, de culture… Doi-vent-ils renoncer à tout et se cloîtrer chez eux ? Faut-ilêtre valide, en bonne santé et capable de conduire pourbien vieillir dans le périurbain ?

Le périurbain est aussi inhospitalier ; ou, pour dire leschoses de façon plus mesurée, il est peu hospitalier pourles non-automobilistes : les enfants, les jeunes et les per-sonnes âgées, pour tous ceux qui, pour une raison ou uneautre, ne travaillent pas, mais encore pour les actifs quandils ne travaillent plus, le soir et le week-end. Les infra-structures routières s’imposent à tous les paysages, à tousles villages, à tous les lotissements. Dans les anciens bourgsqui furent longtemps piétons, l’on se gare en double, en tri-ple file devant la boulangerie et l’école. Les périurbainsqui choisissent les couronnes pour leur bon air, la verdureet l’espace pour les enfants ne peuvent guère en profiter àpied ou à vélo… Il faudrait «  ralentir » le périurbain,comme le disent David Mangin ou Yan Le Gal, et faire co-habiter les usages, les vitesses et donc les populations.

Enfin, le périurbain est dispendieux en énergies, enpollution et congestion, en surconsommation de par-kings et de voiries.

Ce dossier est consacré au périurbain français. Maisles interventions de Andrés Borthagaray, de Jean- Fran-çois Pérouse et de Jean-François Doulet, respective-ment spécialistes de l’Amérique Latine, de la Turquie etde la Chine, ouvrent une porte sur d’autres situations.La concentration urbaine et l’étalement consécutif desagglomérations y sont des réalités partagées, comme lesproblèmes découlant du quasi-monopole automobileen terme de pollution et de marginalisation des per-sonnes exclues du système de la voiture.

Voilà pour les difficultés, qui ne sont pas minces : larançon du succès.

C’est parce qu’il est en tension que le périurbain estun espace expérimental, étant bien entendu que les so-lutions valables pour les territoires denses sont inadaptées.

Pour lancer cette discussion, l’Agence d’urbanismede l’agglomération rennaise, Rennes métropole et l’Ins-titut pour la ville en mouvement ont animé unconcours étudiant intitulé « Ça bouge dans le périur-bain ! ». Quarante-trois équipes ont répondu à l’appel,

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INTRODUCTION

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ceux des vieux quartiers de centre-ville ! Enfin, la dernière piste concerne la mise en œuvre

des dispositifs du transport : comment faire pour que lecovoiturage, le vélo, la voiture partagée constituent desalternatives crédibles au tout voiture ? Les pistes ou-vertes sont celles de l’hybridation des dispositifs tech-niques entre eux et surtout d’une adaptation très finedes systèmes techniques aux pratiques et aux usages.

Ces pistes ne sont réservées au périurbain. L’amé-lioration de la lisibilité de l’espace, l’apprentissage dela mobilité, la mobilité comme solidarité et lien social,la gouvernance d’une société mobile, tout cela doit êtreexaminé aussi dans les centres d’agglomération. Maisle périurbain est un espace d’innovation judicieux carles problèmes s’y posent avec une acuité particulièremais aussi parce que, dans un espace pionnier, les po-tentiels de création sont immenses.

Le temps des périphéries est venu.

Par ailleurs, un chantier émerge sur le plan de l’ap-prentissage. La mobilité suppose de maîtriser des tech-niques, des savoirs, des compétences mais elle n’estenseignée nulle part. Comment, par exemple, mobili-ser sérieusement les individus sur le développement du-rable si on ne les forme pas à ses problèmes etsolutions ? Le changement de comportement automo-bile vers, par exemple, le partage de la route entre tousses usagers, ne s’obtiendra pas sans vraie démarche deformation, avec ce que cela suppose de pédagogie,d’outils et de personnels.

Le quatrième domaine d’enjeu est celui de la lisi-bilité du périurbain. Ce territoire se transforme vite, denouveaux venus y viennent continûment. Commentdonner davantage de (péri)urbanité à cet espace de tellesorte que ses habitants mais aussi ses promeneurs puis-sent se l’approprier mieux ? Il est temps que cessent lesdiscours stigmatisant le périurbain, qui serait une« France moche », une France des paysages de « boîtesà chaussures ». Ses habitants ont autant de dignité que

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# 1Chantiers périurbains

1 - Gouvernance2 - Lisibilité3 - Solidarité4 - Hybridation technique5 - Apprentissage

Eric Le Breton, sociologue, maître de conférence à l’université de Rennes 2

Bruno Le Corre, chargé de mission à l’agence d’urbanisme de l’agglomération rennaise (Audiar)

Marion Steunou, conseil en mobilité à Rennes Métropole

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PARTIE #1

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Une multiplicité d’acteurs qui ne facilite pas l’in-novation dans le périurbain

Néanmoins, l’affaire n’est pas simple car les enjeuxde mobilité sont portés par différentes institutions pu-bliques aux intérêts pas toujours concordants. Le ci-toyen est peu mobilisé sur le sujet. On le sait aussi, lesterritoires de vie et de mobilité ne correspondent pasaux territoires politiques. Les autorités d’agglomérationgèrent et développent les transports urbains, parfois unepartie de la voirie ; les départements les transports in-terurbains et scolaires ainsi que les routes départemen-tales. L’Etat gère le réseau de routes nationales. Lesrégions ont la responsabilité des TER. Les communessont également présentes dans le jeu avec la gestion desvoiries communales et le pouvoir de police du maire. Enmatière de gestion courante, chaque acteur agit avecefficacité dans son champ d’intervention.

Les choses sont plus délicates (bien qu’ils existent desoutils de planification permettant de construire une vi-sion à long terme) dès lors qu’il s’agit de construire desprojets concrets multi acteurs qui nécessairement réin-terrogent les priorités portées par les uns et les autresdans leur propre champ de compétence. Des idées debon sens se heurtent ainsi régulièrement à la réalité desfaits. Aménager des espaces réservés aux transports publicssur les pénétrantes routières aux entrées d’aggloméra-tions, faire embarquer des vélos dans ou par les trans-ports publics, développer un titre commun de mobilitépermettant d’utiliser les transports, les vélos en libre ser-vices, les parkings publics, aménager des pistes ou voiespour les cyclistes sur les voiries principales dans les com-munes du périurbain… autant de bonnes idées qui ontbien du mal à devenir réalité. Des territoires persévé-

La mobilité est un enjeu social et politique majeur

Bouger, une liberté coûteuse et source de multi-ples nuisances

Les habitants des grandes aires urbaines sont de plusen plus nombreux. Ils parcourent chaque jour en voituredes distances importantes car les lieux de vie et d’activitéssont dispersés. Aller travailler, aller à l’école, faire sescourses, rendre visite à des amis… nécessite d’être mo-bile. Et la voiture offre une grande liberté pour effectuertoutes ses activités à son rythme et en les combinant aumieux. Toutefois, les déplacements en voiture peuventvite devenir compliqués. Les réseaux routiers sont trèssouvent engorgés aux abords des grandes villes, le sta-tionnement y est de plus en plus difficile. Se déplacercoûte également de plus en plus cher aux ménages bi-motorisés qui se sont installés loin.

Autre problème, l’usage massif de la voiture est unesource de pollution. L’Ademe évalue à 64 millions detonnes les émissions de CO2 dues à la mobilité urbainesoit près de la moitié des émissions des transports. Lestransports publics classiques n’offrent pas de solutions ef-ficaces dans les zones périurbaines où l’urbanisation estplus dispersée. Au-delà de ces questions, tout le monden’est pas non plus dans la même situation. Certains dis-posent des budgets et des compétences nécessaires pourbouger, d’autres sont plus contraints : absence de permisde conduire, obstacles cognitifs pour utiliser les servicesde mobilité et à la mobilité, manque de moyens pour in-vestir dans une voiture. La mobilité est devenue un en-jeu social et politique majeur.

L’usager, un nouvel acteur pour innover dans le périurbain

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PARTIE #1

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espace virtuel offrant des outils collaboratifs pour in-former et mobiliser les acteurs dans le débat public. Au-tre idée intéressante proposée par cette équipe, lesconcours « carbone ». Ils permettraient de sensibiliser lescitoyens aux émissions de polluants et en prolongeantl’idée, pourquoi pas de les faire participer aux prises demesures avec des outils comme les « montres vertes » do-tés de capteurs de bruit et de qualité l’air, expérimentéesdans le cadre d’un projet de la Fédération internet nou-velle génération1. Tout le monde n’est pas d’accord avecces idées mais elles méritent d’être débattues et expéri-mentées. C’est en effet l’occasion de multiplier les don-nées, de les partager, d’ouvrir le champ de la discussioncollective et de faciliter l’appropriation des enjeux demobilité par tous.

Julien Fonthainas, Pauline Frémont et Aude Le Mée

rants aboutissent en y consacrant beaucoup d’énergie etde temps.

Néanmoins, les territoires périurbains restent le plussouvent à l’écart des innovations car ils sont tiraillésdans cet écheveau d’acteurs et souvent démunis en in-génierie. Ces problèmes sont connus, des outils exis-tent comme les syndicats mixtes de transport institués parla loi Solidarité et Renouvellement Urbain mais ils res-tent peu mobilisés. Difficile de « desserrer le frein àmain » dans ce champ de jeux très disputé par les acteursinstitutionnels et les opérateurs pour reprendre l’ex-pression de Marc Fontanès.

La mobilisation d’une nouvelle ressource :l’usager lui même

Dans ce contexte, des équipes étudiantes proposentpour avancer vers un nouveau partage des mobilités,non pas de réformer « le mille feuille institutionnel »même si cela est nécessaire, mais d’impliquer au plusprès du terrain les individus concernés, d’expérimenterdes idées, de stimuler les acteurs de la décision et defaire des citoyens des « consomm’acteurs » pour re-prendre l’expression de Jean Pierre Orfeuil.

De nouvelles ressources : les ateliers de la mobilitéet la participation citoyenne

Théodore Guunic de l’Ecole d’architecture ParisVal-de-Seine et son équipe proposent de développer unréseau d’ateliers de la mobilité, des espaces associatifsdont la tâche serait d’aider les habitants à mieux se dé-placer. L’atelier de la mobilité est à la fois une plate-forme de dialogue, de pédagogie, d’échange et un microhub de mobilité. Il ne faut pas y voir une structure nou-velle mais plutôt un dispositif souple d’initiatives animépar des bénévoles, des jeunes, des étudiants, des citoyensengagés dans des démarches participatives. On y trouvedes vélos en prêt ou en location, un minibus pour em-mener des enfants en sortie ou des personnes âgées àdes activités, au marché, des aides à la mobilité pourles personnes en difficultés mais aussi des points colispermettant de retirer des commandes effectuées sur in-ternet.

C’est également un espace de pédagogie proposantdes ateliers dans les écoles ainsi que que des événe-ments inédits permettant de nouveaux partages des mo-bilités. Cette plateforme, lieu physique, est aussi un

1. Cf. les suggestions de Bruno Marzloff sur ce sujet dans son ouvrage, Pour une mo-bilité plus libre et plus durable, Fyp éditions 2008.

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PARTIE #1

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il bénéficie d’un abonnement au réseau de transport ur-bain, d’un accès gratuit au vélos en libre service, d’unprêt de vélo, d’une formation à la circulation à vélo enville par l’association locale des cyclistes et la possibilitéd’utiliser des voitures disponibles en autopartage.

Ce type d’expérimentation est à la fois une opérationde communication avec un travail de création médiaet une mise en mouvement des acteurs. Ces processusde changement appartiennent à un nouveau registrede gouvernance des mobilités. Il nous semble qu’il s’agitlà de conditions nécessaires pour ouvrir le champ del’action et faire émerger des paroles constructives pourréinventer les mobilités avec et par l’usager.

de l’université de Rennes 2 poussent l’idée des maisonsde la mobilité, au-delà de l’information, de la pédagogieet de l’expérimentation ; Ils leur donnent une dimensionpolitique. Ils en font un espace de gouvernance localedes mobilités en lien avec le système métropolitain.Ces maisons de la mobilité fonctionnant en réseau sonten situation de réunir des points de vue, des demandesd’habitants et d’usagers, de les relayer, bref, des espacesressources pour contribuer à l’émergence de paroles al-ternatives sur les mobilités comme cela existe dans d’au-tres domaines de la vie sociale (éducation,environnement…), en un mot des espaces nouveauxpour dynamiser la démocratie locale.

Donner de la visibilité et de la portée aux usagesémergents 

Nicolas Bataille de Science Po Grenoble et Char-lotte Coubard de l’Ecole d’architecture de Nantes s’at-tachent à mettre l’usager au cœur des dispositifs dechangement et de la gouvernance de la mobilité ens’inspirant des apports de la théorie de l’engagementen psychologie sociale : savoir piquer la curiosité del’usager par des événementiels, des communications ci-blées, tester les solutions et intégrer l’acteur dans lesprocessus de changement. Ces idées sont connues dansles opérations de rénovation et de transformations ur-baines.

Par exemple, Patrick Bouchain et d’autres montrentqu’il est possible de « construire autrement » en sortantde son champ, en expérimentant et en mettant àl’épreuve les idées avant de les combattre. Dans le do-maine des mobilités, les autorités publiques portent unintérêt à ces approches mais sont hésitantes à plongerdans le bain. On le voit sur le développement des outilscollaboratifs de partage de données ainsi que les dispo-sitifs de partage de voitures.

Dans ce registre, une expérimentation proposée parun loueur de voitures à Nantes et dans quelques autresvilles mérite d’être signalée. L’opération consiste à ap-prendre aux usagers qu’il n’est pas nécessaire de posséderune voiture. Ils ont d’autres choix possibles, allant desformules de location de voitures (en longue ou très courtedurée) à l’usage des transports publics en passant par lesdeux roues (vélos, scooters…). L’automobiliste volon-taire se laisse confisquer sa voiture pendant huit semaineset s’engage à développer d’autres pratiques de mobilité età venir en parler dans les médias. Pendant les deux mois,

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PARTIE #1

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Des espaces périurbains en quête de lisibilité

plusieurs codes d’accessibilité. Le code de la campagnestructure toujours l’espace avec les clochers des villages,les panneaux présentant le labyrinthe des hameaux etles bornes kilométriques le long de la route entre lesbourgs. À cela, un autre code, singulier, s’est surimposé,fait de panneaux de publicité plantés dans les champset de cette myriade d’affiches sur les talus : Mc Do, For-mule 1, Première classe, B&B, Conforama et tous les au-tres… D’autres réseaux de signes traversent égalementle périurbain, tels que les pistes cyclables, les arrêts desbus urbains et le fléchage des autoroutes… Le périur-bain est un territoire où se télescopent plusieurs regis-tres de sémiologie de l’espace.

Mieux s’approprier les territoiresBien sûr, le périurbain est suffisamment lisible pour

que ses habitants s’y déplacent mais des marges de pro-grès sont considérables, y compris à destination des nonpériurbains qui pratiqueraient peut-être davantage cescouronnes si leurs centres d’intérêt y étaient mieux misen évidence et si leur organisation était plus claire.

Les registres de lisibilité d’un espace sont multiples.D’abord celui, géographique, du repérage : ne pas seperdre. C’est difficile de trouver son chemin dans lepuzzle des zones d’activité et des terrains de sports, desplaces de village et des zones industrielles, des secteurspavillonnaires et des « bouts » de campagne. C’est ma-laisé pour un habitué, alors pour une personne de pas-sage ! Il faut inventer des signalétiques périurbaines. Ceterritoire ne doit pas être cantonné à la carte routière.Pourquoi pas des « plans périurbains », ayant le degréde détail et d’urbanité des plans de villes ? Et puis, cettesignalétique doit être copieuse, visible, « normée », la

Le périurbain donne l’impression de « pousser » unpeu au hasard. Il se transforme si vite parfois que l’ondécouvre avec surprise une zone d’habitation ou uncentre commercial dans les champs où l’on se prome-nait auparavant… À l’immuable des centres-villes cor-setés dans leur patrimoine fait écho le charivari descouronnes. Le paysage des déplacements change conti-nûment et les périurbains ont l’habitude de circulerdans un espace en mouvement.

Le périurbain est aussi un « plat pays » où le voya-geur est livré à lui-même. Là encore, le contraste avecle centre est saisissant. Le citadin dispose de plans deville, de plans des réseaux de bus, du métro et du tram-way, d’une pléthore de noms de rues et de numérationdes immeubles, de panneaux indicatifs balisant les axesroutiers, les circuits touristiques, les hôtels et restau-rants, les services publics… Ajoutons les enseignes desmagasins, la possibilité parfois de se repérer à partir d’ungrand signal (les flèches d’une cathédrale, un immeu-ble significatif…) et enfin la possibilité de se renseignerauprès d’un passant, d’un policier ou d’un kiosque depresse. On peut se perdre dans les villes mais l’envi-ronnement offre de multiples ressources pour l’orien-tation.

Le périurbain est chiche d’aides au repérage. La pro-fusion citadine est réduite aux panneaux et aux cartesroutières. Il n’y a pas grand monde à qui demander sonchemin. Les repères ne sont pas toujours faciles à spé-cifier. Les si nombreux ronds-points se ressemblentcomme les zones de « boîtes à chaussure » et les lotis-sements.

Bien des personnes éprouvent des difficultés à se re-pérer dans le périurbain du fait du chevauchement de

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ceux du week-end. Des signalétiques adaptées à cha-cun de ces moments, de ces lieux et publics permet-traient de dissocier et de structurer différents espaces devie, par exemple ceux de la proximité, des échangesquotidiens et du transit.

À partir de l’aide au repérage, la lisibilité aboutit àl’appropriation des espaces. L’appropriation, c’est faireque l’espace devienne sien, ou même, devienne soi. Leprocessus recouvre les opérations, pour une part in-conscientes, amenant l’individu à doter certains espacesde caractéristiques subjectives, de sorte que l’espace ex-térieur devienne, en quelque sorte, un espace intérieur,sans danger pour le Moi. Structurer le périurbain designes, ceux de la signalétique mais aussi des paysages,de l’architecture, du design et de l’art, c’est en faciliterl’appropriation par les habitants et les passants. Des pan-neaux d’information, un espace public bien aménagé,une route « meublée » de lampadaires, de pistes cycla-bles, de marquage au sol, tout cela donne du sens auxlieux et manifeste une présence. Ces signes sont autantde supports auxquels les gens « s’accrochent » pour s’ap-proprier des espaces qui deviennent les leurs. Le pro-cessus d’appropriation n’est pas simplement individuel,il est aussi partagé avec les autres. La hiérarchisation desvoiries ou la mise en évidence de tel ou tel lieu créenten soi des espaces où la rencontre avec d’autres devientpossible et significative. Ainsi, l’amélioration de la lisi-bilité de l’espace permet l’émergence des civilités.

Des réseaux souples organisent l’espaceTous les élus, tous les experts souhaitent la densifi-

cation du périurbain. Plus de constructions, d’immeu-bles et de maisons plus proches les unes des autres  ;moins de creux, moins de vides, moins de vert… L’idéaldu périurbain serait-il de ressembler autant que possi-ble au centre-ville ? En attendant une densification parle bâti, ne peut-on densifier par les significations du ter-ritoire ? Dans les années 1970, des psychologues onttenté de comprendre pourquoi les citadins avaient desrelations affectives aussi fortes avec leurs villes. Ils ontdécrypté les liens profonds et hyperpersonnalisés entresoi et « ma » ville. Pour ces chercheurs, c’est la com-plexité même de l’espace citadin qui permet à chacunde s’y projeter. L’organisation parfois labyrinthique de laville, le métissage de quartiers anciens et nouveaux, laprofusion des systèmes de communication, tout cela

même partout au sein, au moins, d’une agglomérationde sorte que ses habitants puissent l’apprendre. Cettesignalétique doit être déclinée à plusieurs échelles, plu-sieurs temps de vie et plusieurs populations. Le périur-bain est un mille-feuilles de rythmes, d’activités etd’espaces. L’échelle des navettes des adultes entre do-micile et travail n’est pas celle des enfants scolarisés aubourg. Les espaces-temps de la semaine ne sont pas

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L’équipe propose des bornes de parcours, dans une dé-clinaison gaie et ludique (bois, couleurs…) des poteauxmarquant les lignes de bus urbains. Les bornes indi-quent aussi les passages dangereux tels que les croise-ments de rue.

Même idée d’une maille souple aménagée sur lesterritoires de proximité à partir du vélo. Julie Bonnet,Laura Legeaud et Mélody Peytureau (université Bor-deaux Ségalen) proposent un dispositif articulant, àl’échelle d’une grande commune périurbaine, des vélosen libre-service, des racks où laisser son vélo personnelen sécurité, un marquage au sol continu des pistes cy-clables, une signalétique complexe réservée au vélo, unespace d’accueil et de réparation des vélos situé sur laplace du centre-bourg et des stages de «  remise enselle »… Le dispositif n’est ni complexe ni coûteux. Dé-veloppé à l’échelle de toutes les communes de cou-ronne d’une agglomération, il permettrait certainementde faire du vélo un moyen de déplacement significatiftout en favorisant les appropriations « douces » des po-larités secondaires.

De leur côté, Julien Fontainhas, Pauline Frémont etAude Le Mée (université Rennes 2) proposent d’ouvrirpartout sur le périurbain des gates, portes d’entrée et desortie des réseaux de transport collectif mais aussi lieu

offre des prises à l’appropriation. Les chercheurs mon-trent par comparaison que les grands ensembles sontplus sommaires et leurs habitants entretiennent avec cesespaces que des relations plus schématiques. D’une cer-taine manière, c’est la situation du périurbain. L’espacen’est aménagé, pour l’essentiel, que d’une manière fonc-tionnelle. Les lieux sont distincts les uns des autres : làun vieux bourg, là un lotissement, un peu plus loin uncentre commercial ou un réseau routier. La relation deshabitants périurbains avec leur environnement n’est pasen soi plus pauvre que celle des citadins avec leur pro-pre cadre de vie, mais le périurbain est moins complexeet offre moins de potentiel significatif que les centres.

Voilà un champ de questions, au croisement du re-pérage, de l’appropriation et des civilités (péri)urbaines.Qu’apportent les projets du concours à cette problé-matique ?

L’équipe composée de Gabrielle Prévost, JuliaQuancard et Morgane Siner (école de design NantesAtlantique) s’intéresse à la mobilité des enfants versl’école, sous l’appellation connue de pédibus. Elles entrouvent le principe pertinent pour le périurbain oùtrop d’enfants vont à l’école en voiture alors que les dis-tances sont courtes. Il reste à outiller une pratique col-lective qui, pour le moment, ne dispose de rien.

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rage, appelés - pourquoi pas ? – les « gares de voitures »pourraient alors se déployer rapidement autour des ag-glomérations avec des noms propres figurant sur lesplans et les cartes…

Toutes ces équipes projettent dans l’espace périur-bain des réseaux peu techniques et peu « construits ».Ils ouvrent des espaces de rencontres et de ressourcespour les habitants, sous forme de gates, de centres-bourgs accueillant les vélos ou encore d’aires de covoi-turage visibles et aménagées. Voici autant d’oasis1 dansle périurbain, inscrits dans la filiation des lieux-mou-vements où le croisement des flux génère l’urbanité.

« Grand geste » et grand signalD’autres équipes raisonnent la lisibilité du périur-

bain en terme de « grand geste » et de signal. Avec leNéfaste merveilleux, Thomas Bourdaud, ConstanceDesenfant et Enora Cordier (École nationale supé-rieure d’architecture de Nantes) transforment leséchangeurs autoroutiers en espace public multi-usages.S’ils constituent aujourd’hui la ceinture inhospitalièrede toute agglomération, ces nœuds d’échange pour-raient devenir la suture entre urbain et périurbain.L’équipe imagine une reconquête raisonnée et pro-gressive où des espaces verts et des promenades, dessalles pour événements culturels et des espacesd’échange multimodaux se lovent dans le grand 8 deséchangeurs.

Le Métronome pourrait aussi traverser les ciels pé-riurbains, en montrer les directions tout en donnant enlui-même une identité. Le Métronome de Jules Char-bonnet et Nicolas Barreau, tous deux issus de l’Ecole dedesign Nantes Atlantique, est une énorme structure,conçue sur le modèle d’un métronome de musique.Haute, selon les besoins, de 50 à 200 mètres, elle permetpar effet de balancier à des personnes qui y embarquentde franchir des frontières urbaines : friches, rocades, etc.La fonctionnalité du Métronome est aussi un prétextepour fabriquer un grand signal, qui donnerait au pé-riurbain une monumentalité qu’il n’a pas encore.

auquel s’accrochent les vélos et les covoitures. Le prin-cipe des gates est emprunté à la ville de Curitiba au Bré-sil. Il s’agit de tubes, à l’esthétique affirmée, dans lesquelson peut attendre et discuter à l’abri. A l’opposé du partiactuel de ne créer dans les couronnes que des abribusbasiques et invisibles, les gates poseraient sur le périur-bain d’une agglomération une maille visible, susceptiblede développer un fort sens d’unité et d’identité du terri-toire.

Évoquons une autre maille. Maria Margarita Gon-zales Cardenas (EHESS) propose de partager l’espacedes rocades et pénétrantes aujourd’hui réservé auxseules voitures. Des voies seraient peu à peu recon-quises au profit des utilisateurs de rollers et des vélos,puis du transport collectif. Les principes retenus sontde ne pas partager la rue, le partage se faisant, pourMaria Gonzales Cardenas, au détriment du plus faible,et de briser les monopoles d’usage de l’espace mobile.

Des oasis périurbainesAvec Copilo’t, Armel Le Sidaner (école de design de

Nantes Atlantique, lauréat du concours) conçoit unegamme d’éléments visant à habiter les parkings de co-voiturage. Déclinés sur le modèle du container, desmodules de tailles différentes offrent aux covoitureursdes services. La Vbox permet de déposer et de récupé-rer des courses ou des colis. D’autres box sont conçuspour accueillir le vélo des allers-retours entre l’aire decovoiturage et chez soi. Un troisième module – le pointstop – fait office, posé sur le parking, d’espace d’attenteconfortable d’un covoitureur. Il peut aussi accueillir unmodule de petit commerce implanté sur l’espacemême des navettes domicile-travail. Le design estjoyeux et de simple. La gamme des modules est com-plétée d’un totem Copilo’t, repérable de loin. Alors queles espaces du covoiturage sont souvent discrets, infor-mels pour ne pas dire clandestins, Armel Le Sidanerpropose des bordures de parkings peintes et visibles.

Ces parkings « designés » ralentissent les vitesses.Une fois aménagés, les espaces de la voiture devien-nent, un peu plus, ceux du piéton et du vélo. Danscette mixité, peut naître un espace public périurbain.Un autre des mérites, non le moindre, de la réflexion deArmel Le Sidaner, est de proposer quelque chose depeu onéreux, de facile à monter et à démonter : vers unurbanisme de l’éphémère ? Les parkings de covoitu-

1. Nous empruntons à Xavier Fels (IVM) cette image forte de l’oasis urbaine, lieu de ren-contres, de ressources et de repos.

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Valoriser une mobilité généreuse de liens sociaux dans le périurbain

classe moyenne, celle des ménages à deux revenus, àdeux enfants, à deux voitures, le tout dans une maison-jardin. Si ce profil existe, il n’est pas le seul. En fait, onobserve bien souvent dans les couronnes périurbaines degrandes disparités entre les communes. Elles accueil-lent des populations dont les capacités économiquessont très différentes.

Des travaux récents portant sur la mixité sociale dansl’aire urbaine rennaise montrent que l’agglomérationconnaît un niveau de mixité élevé dans la ville centremais voit apparaître des secteurs de « fragilités sociales »dans des communes périurbaines, les plus importantesmais aussi dans certaines communes de taille plus mo-deste. Par ailleurs certaines communes de premièrecouronne doivent aujourd’hui faire face au vieillisse-ment de leurs habitants, alors que d’autres plus éloi-gnées accueillent plutôt des familles d’actifs avec desjeunes enfants et des adolescents.

Pour des actifs de ces couronnes périurbaines, lesdistances parcourues chaque jour dans les trajets do-micile-travail sont de plus en plus importantes, de l’or-dre de 35 kilomètres par jour selon l’Insee. Avec le litred’essence à bientôt 2 €, les actifs les plus modestes maiségalement les jeunes, les personnes âgées devront en-visagées autrement leurs mobilités. C’est peut-être aussil’occasion de trouver de nouvelles solutions de partagedes mobilités et par la même de détendre des situationsd’isolement et de difficultés sociales rencontrées par desjeunes, des familles modestes et des personnes âgées.Plusieurs équipes ont engagé la réflexion dans ce sens etproposé de nouvelles offres de mobilités assorties de dis-positifs de solidarité.

La mobilité n’est pas qu’une question d’infrastruc-tures et de systèmes de transport. Si deux équipes ont des-siné de nouvelles machines comme les télécabinessillonnant le périurbain ou encore ce grand balanciermétallique, à l’image d’un métronome musical, per-mettant dans son mouvement de relier la ville et sespériphéries en franchissant les rocades et les grossesvoies routières saturées de voitures, les quarante et uneautres équipes ont mis l’accent sur l’organisation, l’agen-cement et le remodelage de dispositifs existants en ymettant le plus souvent des services et du lien social.De nombreuses équipes ont considéré que la mobilitépermettait de réinventer du « vivre ensemble » en s’ap-puyant sur de nouveaux carburants comme l’informa-tion, la solidarité, le partage dans un périurbain divers etcomposite en termes sociaux et de façons de vivre. Voilà,une idée qui nous paraît essentielle à faire ressortir dansla réflexion sur les mobilités dans les territoires périur-bains.

La mobilité répond aux enjeux sociaux du périurbain

Les dernières publications de l’Insee nous montrentque la croissance du périurbain se poursuit sous formed’extension urbaine mais aussi de densification des cou-ronnes avec l’émergence de nouvelles formes urbainesassociant petits collectifs, maisons de ville et pavillons.Des ménages toujours plus nombreux s’installent doncdans cet environnement « mosaïque » constituée demaisons isolées, de lotissements, d’anciens villages de-venus petites villes. Cette « mosaïque » des lieux de vieet de travail est aussi une « mosaïque » sociale. D’ordi-naire, le périurbain est perçu comme l’espace de la

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port ; c’est aussi un environnement social, un produc-teur de liens sociaux entre les conducteurs du pédibusque sont les parents, grandsparents, voisins ou autres bé-névoles préparant les itinéraires et accompagnant les en-fants à l’école ; mais aussi entre enfants qui cheminentensemble chaque jour, cinq, dix ou quinze minutes. Cespartages de trajets peuvent parfois être agrémentés pard’autres moments de convivialité comme les goûters dela mobilité à l’école ou dans d’autres lieux, confortantles réseaux d’interconnaissance et de lien social entre pa-rents d’élèves, enseignants et bénévoles retraités habitantla commune.

Multiplier les occasions de partager la mobilité etd’échanger les expériences

Autre illustration, la mobilisation de personnes et delieux ressources où l’on partage la mobilité. MarlèneLe Guiet de Sciences Po Rennes propose de susciterl’émergence de conseillers locaux en mobilité, de mo-biambassadeurs. Ils seraient chargés de promouvoir lesmobilités collectives à l’échelle de quartiers et d’organiserdes dispositifs d’apprentissage à la mobilité. Il ne s’agiraitpas nécessairement de professionnels mais plutôt de bé-névoles divers et variés à l’image par exemple des pla-teformes d’initiatives locales du réseau France Initiativequi fonctionnent dans le monde de la création d’entre-prises où de jeunes retraités parrainent et accompagnentbénévolement des créateurs en les faisant profiter deleur expérience et de leur réseau de connaissances.

Des personnes mais aussi des lieux ressources qui amè-nent les gens à se rencontrer dans des univers variés commepar exemple les cafés et kiosques de la mobilité dans lesentreprises et les zones d’activités, les « mobidays » mis enavant par Laura franco et son équipe de la « Mobilité As-sociée » ou encore les « clubs de parents taxis » proposés parEmeline Brando de l’École de Management de Strasbourg.On participe à une communauté, on apprend à se connaî-tre, on échange des expériences, des points de vue. Onconstruit de fil en aiguille un réseau de partage pour déve-lopper du covoiturage de proximité, mutualiser les trajetspour les activités des enfants le mercredi, participer à unpédibus… Ces dispositifs les plus divers permettant de pro-duire de la proximité, de l’interconnaissance, de la confiancemais aussi de partager une culture de la mobilité.

Des solutions à fortes valeurs humaineset solidaires

Le transport carbure au lien socialPédibus, vélobus, covoiturage, taxi collectif et autres

dispositifs de partages de trajets sont à l’honneur dans leconcours. Les outils technologiques d’information etde mises en relation sont très présents dans ces nou-velles offres de mobilité qu’il s’agisse des sites internet etsystèmes d’information en temps réel, des différents ou-tils mobiles de mise en relation ou encore des carto-graphies interactives indiquant par exemple les itinérairesde taxi collectif, les continuités cyclables, les pointsstops et autres espaces de rendez-vous (arrêts de bus oude car) pour embarquer un covoitureur…

Ces systèmes d’information sont bien sûr essentiels etconstituent une composante importante du transport.Néanmoins, la mobilité ne fonctionne pas seulement àbase de technologies. Plusieurs équipes mettent en avantl’importance de l’environnement social dans la fabriquedes solutions de mobilités. La mobilité est un réseau socialet produit du réseau social. Ainsi, l’équipe de Laura FrancoFanny Sabbagh, Céline Pigot et Floriane Geroudet (EcoleNationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine,Institut français d’Urbanisme et Celsa) considère que l’onne peut résoudre les problèmes de mobilité dans le pé-riurbain sans l’implication des personnes concernées dansla production des outils de leur mobilité. Regardons main-tenant de plus près quelques unes des idées proposéesdans le concours pour illustrer le propos.

Premier exemple, un mode de transport original, lepédibus. Inspiré de la fiche technique d’une ligne debus (un itinéraire fixe, un point d’arrêt fixe, un horairedéterminé à l’avance et un conducteur), le pédibus estun système de cheminement organisé pour accompa-gner les enfants à pied à l’école. La plupart sont des pé-dibus « fait-maison » à grand coup de débrouille pardes parents et divers bénévoles. Il n’est pas rare de voirdans des communes des arrêts pédibus fait en carton etaccrochés à un support avec une pince à linge. Toutcela peut évidemment être amélioré comme le proposeGabrielle Prévost, Julia Quancard, Morgane Siner del’Ecole de Design de Nantes Atlantique dans leur ré-flexion sur le désign des services de pédibus.

Mais on le voit bien, au travers de ces éléments dedescription, le pédibus n’est pas qu’un mode de trans-

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nouveau et des usages partagés et solidaires constituent desapports intéressants à expérimenter sans tarder dans lepériurbain. Le projet envisage le périurbain comme unterrain d’expérimentation idéal pour réinventer un « vi-vre ensemble » à partir de la mobilité. Il ne vise pas une« solution prête à l’emploi pour tous », un « copier collerdes systèmes urbains » (vélos en libre service, bus, na-vettes) efficaces dans des zones denses mais inefficacesdans les contextes d’habitat plus dispersé. Le projet seprésente sous la forme d’une entreprise sociale soutenuepar des partenaires privés (constructeurs automobiles,équipementiers, garagistes, fournisseurs d’accès à l’éner-gie) et publics (collectivités, programmes européens).L’entreprise dispose d’un parc de véhicules électriquespour chaque commune mis à disposition selon deux for-mules, un transport solidaire ou une location simple oupartagée.

Le transport solidaire : une voiture électrique vous estprêtée. En échange de son utilisation gratuite, vous ef-fectuez pour l’entreprise un certain nombre d’heuresdédiées au transport d’intérêt général (emmener unepersonne âgée faire ses courses, un demandeur d’emploisans permis à un rendez-vous). L’entreprise travailleavec les associations locales et le CCAS pour mettre aupoint des agendas de déplacements adaptés à chaque

Des offres de mobilité assorties de dispositifs de so-lidarité

Voilà maintenant plus de dix ans que les systèmes deprêt de véhicules à vocation sociale se sont développés enFrance. Des structures d’insertion ont ainsi acheté des vé-hicules destinés à la casse, les ont remises en état et louéesà leurs « clients-adhérents » à prix modique pour leurspermettre de se rendre à un emploi qu’il venait d’accep-ter à 20, 30 kilomètres de leur domicile, là où ils n’au-raient pas pu s’y rendre en l’absence de voiture. Cesdispositifs se sont développés, ont suscité dans la fouléela création d’auto-écoles sociales en direction des publicsen difficulté, leur facilitant ainsi l’accès au permis deconduire, à la voiture et à l’emploi. Les aides à la mobilité,les offres de mobilité solidaire ne sont donc pas nouvelles.

Le projet « Circulo» développé par Laura Pandelle del’Ecole nationale supérieure de création industrielle vapuiser dans ce registre et celui des partages de trajets pourconcevoir un système de location de véhicules électriquesen milieu périurbain. Rien de neuf dans l’approche del’électromobilité. Tout l’intérêt est dans la combinaisonet l’assemblage astucieux de la technologie et de l’éco-nomie solidaire autour de trois éléments : un véhiculeélectrique, un transport solidaire et une location parta-gée. Ces offres combinant à la fois un système technique

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émerger. Un site internet comme Buzzcar organise du par-tage de voitures entre particuliers sous forme de microlo-cation, avec assurances et garanties. Vous louez votre voiturequand vous ne l’utilisez pas, à l’heure, à la journée, à la se-maine…Votre bonus automobile est même protégé pendantla location du véhicule ! Le système est payant et les trans-actions se font en ligne. Il fonctionne aujourd’hui à toute pe-tite échelle. Il y a ainsi une petite dizaine d’offres de locationsde voitures entre particuliers dans la région rennaise sur lesite de Buzzcar. On peut imaginer dans l’avenir une mon-tée en puissance de ce dispositif à grand renfort de marke-ting et de communication par des opérateurs privés. Dansles cœurs de ville, là où il y a des densités, pourquoi pas !C’est moins probable dans le périurbain. Alors pourquoine pas imaginer un déploiement de ce type de systèmesde voitures à usagers multiples sous différentes formes (de lalocation entre particuliers à l’auto-stop organisé sur lescourtes distances) dans les contextes et les réseaux locauxd’échanges, d’interconnaissance que nous évoquions pré-cédemment. Le garagiste local, l’assureur, le club des parentstaxis, les mobiambassadeurs, les kiosques de la mobilités’en saisissent, injectent la confiance nécessaire dans le sys-tème social et jouent les facilitateurs d’une nouvelle mobilitésolidaire.

Des stratégies d’incitation au partage animées parles pouvoirs publics ?

On peut également penser aux pouvoirs publics sus-ceptibles d’intervenir pour rendre ces dispositifs lisiblesdans un système d’information intégrant les nouveauxusages de la voiture et ses connexions avec les autresmodes de transport. Bruno Marzloff et d’autres essaientd’engager le débat en invitant la puissance publique à ac-compagner plus activement la dynamique enclenchéepar les usagers et à soutenir « un service public de lavoiture». Il s’agit nous dit-il de « permettre aux usagersd’arbitrer leur manière de se déplacer en leur mettant àdisposition l’information et un système transactionnelsous l’autorité de la puissance publique ». Les idéessont en route, elles demandent à être expérimentéesdans des dispositifs de coproduction avec les citoyenspermettant de tester leur robustesse et de passer en revueles questions qui demandent une impulsion nationaleavec un apport législatif.

conducteur bénévole. Ils peuvent également assurer laconduite d’enfants à des activités.

La location simple ou partagée. Vous louez un vé-hicule électrique à la journée, à la semaine ou à l’année.Il vous est possible de diminuer ce coût d’abonnementen partageant vos trajets. Plus les passagers sont nom-breux, plus le conducteur emmagasine des points bonusqui diminuent le prix de sa location. Concrètementcomment ça marche ? Les « autostoppeurs » s’identifienten début et en fin de trajet avec une carte marquéed’un tag RFID. Ce tag enregistre sur le compte duloueur les points gagnés en transportant les autres. Pourdevenir un « autostoppeur circulo », il suffit de s’enre-gistrer en ligne et vous recevez une carte par la poste.L’inscription est gratuite pour les occasionnels et payantepour les usagers réguliers. Le site internet facile les ren-contres, les échanges et l’organisation des trajets.

La voiture n’est pas égoïsteAutre idée intéressante qui s’inscrit dans le prolonge-

ment des réflexions précédentes, le développement denouveaux usages de la voiture. Ces réflexions émergentdepuis quelques années dans différents lieux. Plusieurséquipes s’en sont saisies et apportent avec cette idée desquestions nouvelles sur la place et les usages de la voiture,« ce transport en commun (pas) comme les autres » pourreprendre l’expression de Maxime Delaître, Bruno Morléo,Antoine Talon, de l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée.

Des voitures à usagers multiples dans le périurbainRebondissons sur ce propos pour avancer sur les sys-

tèmes de partage de voitures et le développement de voituresà usagers multiples dans le périurbain. En effet, les sys-tèmes de transport qui ont transformé les façons de bou-ger et de vivre en ville (métros, tramways, bus à fortesfréquences, vélos en libre-service) ne sont pas adaptés auxformes urbaines, aux modes de vie des périurbains et aux ca-pacités d’intervention financière des collectivités. Bien sûr,le transport collectif reste pertinent sur les axes à forte cir-culation mais il trouve vite ses limites dès lors qu’il faut des-servir des espaces plus lâches avec des populations et desmobilités plus dispersées. Aussi, dans l’avenir, la mobilitédans le périurbain tournera encore largement autour de lavoiture mais dans des combinaisons inédites et sans doutesurprenantes d’usages. On voit déjà des dispositifs nouveaux

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Métissage et hybridation Quand le covoiturage rime avec smartphone

le confort sont également recherchés. Aujourd’hui,poussés par les contraintes environnementales et éco-nomiques et tirés par les formidables opportunités queconstituent par les nouvelles technologies de l’infor-mation et de la communication, les systèmes de mo-bilité sont profondément remis en cause. Tout lemonde s’accorde à dire qu’un nouveau paradigme esten train de voir le jour. Celui-ci fait une place plusgrande à l’individu dans toute sa diversité (et pas seu-lement comme « voyageur moyen »). Cet individu,muni de son téléphone intelligent, vient tisser unetoile complexe sur l’armature des transports préexis-tante, et rebroder par-dessus des motifs jusqu’alors in-connus, qui modifient le champ des possibles et lepaysage des mobilités.

Covoiturage et autopartageDans le périurbain, peu dense, les transports col-

lectifs sont peu performants en dehors des axes struc-turants et ne seront jamais une solution à l’ensembledes besoins de déplacements des pratiquants de cesterritoires. La voiture règne en maître dans le pé-riurbain ? Une approche très pragmatique consisteà tirer parti du formidable gisement d’automobilesdisponibles pour trouver de nouvelles réponses auxquestions de mobilité d’aujourd’hui. Plus d’une idéesur quatre proposées par les étudiants du concours atrait au covoiturage (et/ou à l’autopartage).

Cette solution vieille comme l’automobile mé-rite en effet qu’on s’y intéresse de près. Ne serait-ceque d’un point de vue environnemental : un auto-bus fonctionnant au gasoil émet en moyenne envi-ron 80 grammes équivalents CO2 par voyageur et

À la première lecture des idées proposées par lesétudiants participant au concours « Ça bouge dansle périurbain », certains ont pu éprouver un peu dedéception. Où sont les idées géniales auxquelles per-sonne n’avait pensé jusqu’à présent ? La panacée,sinon universelle du moins locale ou sectorielle ?Les solutions révolutionnaires économiquement te-nables et écologiquement responsables même à pe-tite échelle ? Le covoiturage ? L’autopartage ? Çan’est pas nouveau ! Les véhicules électriques ? Toutle monde en parle. La promotion du vélo ? La pé-dagogie de la mobilité durable ? Les opérateurs demobilité et les territoires n’ont pas attendu ceconcours pour les mettre en œuvre !

Et si l’ensemble des solutions de mobilité étaientbel et bien sur la table et qu’il s’agissait de les re-combiner, de les hybrider, de les articuler, de les ré-inventer, comme les centres-villes ont su réinventerle tramway à partir des années 1980 et le vélo de-puis une décennie ? Et si l’innovation ne résidait pastant dans les solutions techniques que dans les fa-çons de les mettre en œuvre, de se les approprier, etsurtout de les personnaliser ? Et si la nouveauté secachait surtout dans les interstices, les articulations,les passerelles ?

Jusqu’à une période récente, les systèmes de dé-placements ont été pensés essentiellement en termesde gestion de flux : des véhicules, propulsés par uneénergie le plus souvent fossile, passant dans les« tuyaux » des infrastructures, souvent séparés les unsdes autres. La valeur d’un tel système se mesure à lapuissance du transit, essentiellement évaluée à traversson débit et sa vitesse, même si bien sûr la sécurité et

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qui voit une personne identifiée par un macaron àcet arrêt sait qu’elle se rend sur la même zone d’ac-tivités qu’elle et peut donc la prendre au passage.

Les projets Covoitugare et R ou aiR, proposés res-pectivement par l’équipe de Waël Boubacker de l’Uni-versité Lyon 3 et celle d’Antonin Lafaye, de l’Institutfrançais d’urbanisme, tirent parti de l’ensemble de cesinnovations pour proposer du covoiturage dynamiquevers mais aussi depuis les gares. Celles-ci ne seraientplus seulement des lieux où l’on prend le train, maisaussi des points de ralliement et de passage forts pourl’organisation du covoiturage dans le périurbain. Cha-cun pourrait y voir simultanément les horaires de pas-sage des prochains transports collectifs mais aussi descovoitureurs en approche, et opérer, par conséquent,le meilleur choix modal pour lui à un instant t (co-voiturage+train ; voiture seul+covoiturage ; covoitu-rage+covoiturage ; vélo + covoiturage…)

L’équipe de Gaspard Bashala, de l’université deRennes 1/Institut de gestion de Rennes proposequant à elle de mixer du covoiturage et de l’auto-

par kilomètre, une voiture un peu moins du double.Dès que deux personnes sont présentes dans unevoiture, la performance égale celle du bus, etlorsque le véhicule compte 3 ou 4 occupants c’esttout bénéfice.

Aujourd’hui les sites de covoiturage permettantde mettre en relation des personnes ayant une ori-gine, une destination et des horaires compatiblessont très nombreux. La plupart d’entre eux exigentune organisation de son trajet à l’avance. Avec le dé-veloppement des smartphones le covoiturage de-vient dynamique  : il est possible pour un« covoituré » de trouver un véhicule en temps réel,et pour un conducteur d’être informé qu’un covoi-tureur est en attente à tel endroit.

Plusieurs territoires expérimentent des « pointsstop covoiturage » couplés à des arrêts de bus, no-tamment dans le cadre plans de déplacements inter-entreprises à l’échelle de zones d’activités maldesservies par les transports en commun, commecela peut-être le cas en périphérie. L’automobiliste

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Dans un système en réseau les points de connexionsont au moins aussi importants que les liens entreces points. Les gares du périurbain, sont ciblées dansde nombreux projets étudiants comme pouvantconstituer de nouvelles polarités fortes.

La réflexion sur les pôles d’échange multi-modaux,lieux de convergence des transports collectifs et de ra-battement par les modes actifs (marche à pied et vélo)est déjà bien avancée dans de nombreux territoires.On peut envisager d’aller plus loin, en proposant àl’image des projets Covoitugare ou R ou Air d’en fairedes nœuds pour le covoiturage dynamique, mais aussides lieux d’attente confortable où il serait possible detravailler, voire des lieux où l’on vient juste travaillercar on est en transit et qu’on sait qu’à cet endroit ontrouvera les équipements et services nécessaires.

Avec le projet Copilo’T, porté par Armel le Sida-ner de l’École de design de Nantes, les aires de co-voiturage se font point de livraison de colis ou decourses. Certains imaginent que ce type de lieuxpourrait accueillir des points de vente (pain, jour-naux…) sur des plages horaires adaptées. D’autres uti-lisent les parkings de supermarchés comme lieux decovoiturage. Avec le développement des drive, onpeut aisément imaginer de récupérer ses courses pré-parées par l’enseigne, juste avant rentrer chez soi. Denombreux commerces de proximité constituent déjàdes points de vente de titre de transport ou de récep-tion de commandes passées sur internet. Certainscafés peuvent être de véritables lieux de travail, aumoins de façon occasionnelle. En Scandinavie desécoles servent le soir à des activités sportives ou cul-turelles. Dans le périurbain peut-être plus qu’ailleursil importera de tirer parti des polarités existantes, pourconstruire dans et autour de ces lieux des bouquetsde services complémentaires pour les habitants.

Les limites entre public et privé deviennent flouesLes frontières entre individuel et collectif, privé et

public sont elles aussi amenées à évoluer. Jusque ré-cemment, on séparait volontiers les systèmes de dé-placements en deux grandes catégories  : ce quirelevait des transports collectifs généralement pu-blics d’un côté, et ce qui se rapportait aux transportsindividuels (voiture, vélo), le plus souvent privés de

partage reposant sur la mise en commun, moyen-nant rétribution, de véhicules de société et d’auto-mobiles de particuliers. Dans ce système, lespersonnes recourant à un véhicule en autopartagevoient leur compte utilisateur crédité si elles pren-nent un autre utilisateur en covoiturage, rendantainsi la prestation plus attractive et le modèle éco-nomique plus viable en zone peu dense.

Le vélo, classique ou électrique semble égalementpromis à un bel avenir, y compris dans le périurbain.Les urbanistes travaillent depuis quelques annéesdéjà à organiser « la ville des proximités » pour faci-liter les déplacements de courte distance et limiterle recours systématique à la voiture individuelle. Lesparkings vélos sécurisés en rabattements sur les dif-férents transports collectifs (qui peuvent du coup sepermettre d’être plus directs) se multiplient. Desvélos pliants designés et accessoirisés (housse de ran-gement dernier cri, porte tablette numérique, anti-vol déclenchant une alarme sur smartphone…) , quise déplient en un tournemain, pèsent très peu lourd,passent de la voiture au train, et du train au bus sontégalement en passe de voir le jour. Les « innova-tions » proposées dans ce domaine par les étudiantsportent essentiellement sur le développement de ser-vices à grande échelle : entretien/réparation, remiseen état, lieux de convivialité, vélobus.

Mais la grande nouveauté réside certainement dansla possibilité d’articuler ces solutions, même si ellessont portées par des opérateurs différents, et relèventéventuellement du public, du privé et du particulier. Ilest tout à fait possible que nous puissions demain, nonseulement faire une recherche d’itinéraire sur un cal-culateur multimodal, mais nous voir proposer les so-lutions les plus adéquates  : train, bus, autopartageorganisé par une société ou entre particuliers, vélo àdisposition dans une consigne, ou une combinaisonde tout cela. Et ceci sans que nous ayons à nous préoc-cuper de qui propose ce service, avec un coût globalisé,les opérateurs se répartissant ensuite les recettes.

Un métissage des lieux Passer du paradigme des transports à celui de la

mobilié 2.0 nécessite de repenser également leslieux de la mobilité et plus globalement les lieux desactivités qui engendrent un besoin de mobilité.

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d’échange locale permettant de valoriser les écono-mies de CO2 réalisées par la mutualisation des ser-vices de mobilité, mais aussi les économies d’eau etles actions permettant le maintien des personnesâgées à domicile. Cette monnaie serait échangeablecontre du temps de professionnels. Un tel dispositiffait davantage appel à l’innovation sociale que tech-nique, et met en lumière, s’il en était besoin, lesconnexions entre les systèmes de mobilité et la vie desindividus dans toutes leurs dimensions.

Dans le périurbain comme ailleurs, les solutionsqui semblent se dessinent pour faire face aux pro-blèmes de mobilité à venir sont des compositionscomplexes de services de déplacement et de nou-velles technologies, de réel et de virtuel, de lieux etde temps, d’individuel et de collectif, de public et deprivé, de standard et de sur mesure, de technique etd’humain... Bien sûr ces nouvelles solutions, encoreembryonnaires pour la plupart, ne sont pas sansposer de questions dont certaines sont assez angois-santes. En demandant aux smartphones d’être intel-ligents à notre place pour intégrer des systèmescomplexes ne risquons nous pas de passer d’une alié-nation à l’automobile à une autre non moins forteaux NTIC ? Quelle sera la fiabilité, le niveau de sé-curité physique et financière de ces nouveaux sys-tèmes dont tout le monde, donc personne, ne seraresponsable ? Les exclus de la mobilité d’aujourd’huine le seront-ils pas encore davantage demain ?

Dans un système en évolution à la fois très pro-fonde et très rapide, de nombreuses solutions ne pas-seront vraisemblablement pas «  les sélectionsgénétiques » lors de leur développement grandeurnature. Mais il importe sans doute que la « biodi-versité » des solutions soit suffisante pour permettreau système de s’adapter quoi qu’il en soit. Cela sup-pose vraisemblablement de fournir un terreau favo-rable aux innovations, même si celles-ci elles ne sontpas toutes viables, et d’organiser la complexité pourfaire fonctionner le système, même si rien n’estmoins simple. En génétique, un accroissement desperformances est souvent constaté lorsque l’oncroise des individus aux génomes suffisamment éloi-gnés. Si l’on parvient à surmonter leurs ambiva-lences, qui sait, peut-être qu’une « vigueur hybride »pourrait naître de tous ces croisements.

l’autre. Georges Amar qualifie de « transport indivi-duel collectif » le vélo en libre service, on pourraity ajouter « public ». Suivant ce principe, la voitureen autopartage pourrait se définir comme un trans-port individuel collectif privé, et le covoiturage detransport collectif individuel privé.

Et que dire des applications (privées) pour smart-phone développées à partir des données libérées parles puissances publiques comme cela a pu être fait àRennes ? Qui sera demain propriétaire des « traces »laissées par les GPS des téléphones qui en dirontbeaucoup sur les horaires, les origines, les destina-tions, les vitesses des déplacements, mais aussi lescentres d’intérêt, etc. ? Dans ce domaine aussi lespartages seront peut-être à redéfinir ou au contraireil faudra être capable d’inventer des perméabilitésqui n’existent pas encore (public, privé, associatif).

Le projet Circulo, proposé par Laura Pandelle del’école nationale de la création industrielle proposed’utiliser les réseaux électriques privés des particu-liers pour recharger les véhicules dans le périurbain,les consommations étant directement débitées surle compte du consommateur via des bornes RFID.Après la mutualisation des véhicules pourquoi pascelle d’une partie des équipements, voire des habi-tations privés. Cela n’est d’ailleurs pas nouveau :dans les années soixante, avant la généralisation descabines téléphoniques (puis leur retrait massif avecl’arrivée des téléphones portables) France Telecomavait installé des téléphones dans des habitations quifaisaient office de cabine publique, contre la gra-tuité du service pour leur propriétaire.

L’individu au cœur des systèmesPeut-être que des solutions intéressantes peuvent

surgir d’un mixage de « high-tech » et de « low-tech »,voire de la franche débrouille ? Ce qui est sûr c’estque l’humain fait plus que jamais partie de l’équationet que tout ce qui pourra apporter de la convivialitédans le système en augmentera la valeur. Le projetCovoitugare propose par exemple d’organiser du co-voiturage entre les personnes inscrites pour pratiquerdes activités culturelles ou sportives, à la faveur d’unpot de bienvenue. L’équipe de Mathieu Crochard,de l’école supérieure d’ingénieur de Rennes, imaginequant à elle la mise en place d’une monnaie

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Apprentissage et formation à la mobilitéVers une éducation périurbaine

ville, de l’organisation des réseaux de transport, de l’usagedes automates, des annonces sonores… Autant d’élé-ments qui relèvent de l’apprentissage et de la formationà la mobilité.

On sait par ailleurs que des experts prédisent deschangements considérables et angoissants dans le do-maine, à commencer par le prix du litre de carburant,qui pourrait atteindre 2€, 3€… 10€. Dans quelles condi-tions sociales et politiques serons-nous en mesure defaire face aux transformations des modes de vie et del’organisation des cités qui s’imposeront alors ? N’est-ilpas indispensable d’y préparer tous les citoyens, et peut-être tout particulièrement les citoyens de demain ? Lamobilité est au cœur de nos modes de vie et des enjeuxsociaux d’avenir. Sur toutes ces questions de dévelop-pement durable, de lisibilité des espaces (péri)urbains,de partage de la rue, etc., il est urgent de concevoir desdispositifs et des outils de formation à la mobilité.

Les jeunes sont au cœur du périurbainLes habitants du périurbain sont au cœur du pro-

blème, pour plusieurs raisons. D’abord, la mobilité estune dimension structurante de leur quotidien où la moin-dre activité engendre un déplacement dédié. Ensuite,le périurbain est en transformation continue. C’est ensoi un contexte favorable aux innovations et aux expéri-mentations. Enfin, la pyramide des âges est plus « écra-sée », plus jeune qu’en centre-ville. Les enfants, lesjeunes gens et les jeunes adultes sont surreprésentés dansle périurbain et de ce fait, la réflexion en matière d’édu-cation peuvent y trouver un écho spécial.

La mobilité s’apprend mais elle n’est enseignée nullepart. Quelques initiatives existent néanmoins. Elles té-

Comme la langue, la mobilité relève de l’apprentis-sage. Dès l’enfance puis au cours de l’adolescence, s’ac-quièrent des compétences et des savoirs être quiencadrent le comportement des individus. Comparonsdeux enfants de milieux sociaux différents. Dès son plusjeune âge, l’enfant du milieu favorisé a un usage courantet banalisé de la voiture, du train, voire de l’avion. Ilintègre comme allant de soi les déplacements lointainset fréquents de week-end, les déplacements réguliers etencore plus lointains des vacances. Au fil de ces expé-riences, ce jeune développe une compétence au dé-paysement et à la modélisation de l’espace. Cesapprentissages lui seront utiles au moment du choix desétudes ou d’un premier emploi : voilà un jeune quin’hésitera pas à partir loin de sa famille et parviendra às’approprier des espaces inconnus. Non qu’il soit pluscourageux qu’un autre ; il aura simplement bénéficiéd’un long apprentissage à la maîtrise de lieux non fa-miliers. Le jeune d’un milieu plus modeste part moinssouvent en week-end et en vacances, il part moins loinet son rapport au déplacement ne va pas de soi, qu’ils’agisse de la voiture, du train, à fortiori de l’avion. Sonoutillage affectif et cognitif est plus réduit. Au momentdes études ou de l’entrée dans le monde du travail, sonpotentiel d’éloignement sera plus faible.

De nombreuses enquêtes analysent la situation dejeunes et de moins jeunes qui, habitant les couronnesdes agglomérations, ne vont jamais dans leurs centres.Les raisons économiques éclairent cet empêchementmais elles ne suffisent pas. Les difficultés relèvent pourune bonne part de la compréhension de l’environne-ment dans lequel s’effectuent les déplacements, qu’ils’agisse de la compréhension de l’organisation de la

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créée en 1997 par des architectes et des géographes orien-tés vers l’animation et la concertation de la vie en ville –en fait, en centre-ville. Une valise conçue en 2010contient sept kits sur les thématiques de l’urbanisme, del’architecture, des représentations de la ville, de la villesensible, des transformations de la ville, des ressources etdes paysages. Rien sur la mobilité. Les valises sont des-tinées à des enfants de 6 à 12 ans. Dans chacune d’entreelles, des questions, des objectifs de compréhension, desmaquettes à agencer, des photos, des jeux d’images, desplans découpés, des cartes… Voilà un outil pédagogiqued’éducation à la ville.

Des formations de proximitéDes démarches existent donc mais elles sont rares.

Tout reste à faire. Les apports du concours sont mo-destes dans ce domaine, ce qu’éclairent la nouveautédu questionnement mais aussi la séparation des champsde compétences : l’aménagement des territoires est sansrapport, pour le moment, avec la formation des indivi-dus. Pourtant plusieurs équipes formulent des idées, re-lativement proches les unes des autres, à partir desquellesinaugurer une éducation périurbaine.

L’équipe de Théodore Guunic (Ecole d’architectureParis Val-de-Seine) propose la création d’Ateliers de lamobilité. Il s’agit d’un équipement associatif commu-nal où réunir tout ce qui se rapporte à la mobilité. L’Ate-lier fonctionne comme un micro-hub : covoitures, vélosprivés et loués, différentes formes de transport collectify ont un point de départ et d’arrivée. C’est aussi un es-pace pédagogique. Il est animé par des bénévoles ha-bitant la commune susceptibles d’intervenir auprès dedifférents publics pour des formations courtes et relati-vement informelles. L’Atelier de la mobilité est un es-pace fédératif de proximité, intergénérationnel animé parde jeunes retraités et des étudiants.

L’idée de l’équipe rennaise de Résolutiv’ n’est paséloignée (Julien Fontainhas, Pauline Frémont et Aude LeMée). Le projet est celui de maisons de la mobilité, im-plantées au cœur de chacune des communes d’une ag-glomération. Elles constituent des espaces généralistes oùs’estompent les frontières entre institutions et société ci-vile, public et privé. Elles abritent des associations et descomités d’habitants qui se saisissent des enjeux de mo-bilité, notamment la mise en place de formations à des-tinations des enfants, des jeunes et des adultes autour

moignent d’une première prise en compte de cette ques-tion. La SNCF a conçu, avec le soutien de l’Education na-tionale, un centre de ressources sur la mobilité accessibleà partir du portail Internet grand public de l’entreprise.Il est dédié aux enseignants du primaire. L’apprentissagede la mobilité transite par l’éducation au comportementcitoyen et la maîtrise des déplacements individuels dans laperspective du développement durable. Il existe, par exem-ple, des séances de formation « voyager, c’est facile »,« voyager = polluer ? », « préserver la biodiversité », etc. Lesite propose le libre téléchargement de fiches pour les en-seignants, de fiches pour les élèves, de corrigés, de vidéos,de quiz... Les apprentissages sont reliés aux contenus descours de français, math, géographie, anglais, histoire àtravers des cartes vierges, des exercices, des points de vo-cabulaire : réseau, multimodal, trajet…La démarche est in-téressante, à la limite près que seul l’univers dedéplacement de la SNCF est exploré.

Dans une perspective voisine, la RATP a mis en placedepuis quelques années des « ateliers mobilité ». Il s’agitd’apprendre le fonctionnement du réseau de transportcollectif mais aussi celui des stations, des gares et de leurenvironnement. Dans un genre différent, évoquons la« ville en valise » de l’association des Robins des villes,

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imaginent consiste à mettre l’habitant en situation dedissonance cognitive en multipliant les informations surles offres alternatives à la voiture, à travers, par exemple,l’affichage des temps de déplacement à pied et en vélo :l’automobiliste peut se rendre compte que le différen-tiel deux roues/voiture n’est pas aussi marqué qu’il lepensait. Le doute est semé dans son esprit ! Il s’agit alors- seconde étape – de lui permettre de tester des solu-tions alternatives : distribution de tickets gratuits, expé-rimentation de gains des temps par l’usage d’autresmodes… Le test est crucial dans la dynamique de dé-couverte. Enfin, il faut permettre à la personne d’êtreacteur de son propre changement, par exemple en l’ame-nant à intervenir à son tour dans des séances de sensibi-lisation… Voilà une pédagogie de l’expérimentation.

La mobil’mallette est également intéressante. So-lène Touchais et Haude Wendling-Pérez (UniversitéRennes 2) conçoivent plusieurs coffrets réunissant desfiches, des outils, des éléments de discours sur un vastespectre de problèmes : la mobilité sécurisée, solidaire etdurable, les mobilités combinées-futées et encore deskits pour l’apprentissage du vélo…

D’une certaine manière, la calculette Mobidom estun outil d’autoformation. Léon Espouy (Institut d’ur-banisme de Lyon) et Jean- Baptiste Gernet (Science PoStrasbourg) fournissent aux personnes en recherched’un logement cette calculette qui permet de savoir leprix du logement et le prix du transport selon qu’ons’installe plus ou moins loin des aménités de vie quoti-dienne. Bien sûr, l’autoformation est ici limitée à undomaine précis. Il n’en demeure pas moins que l’outiloffre aux ménages de comprendre mieux l’environne-ment périurbain et d’arbitrer leurs choix de façon plusfondée.

de l’arbitrage modal (deux roues, voiture, modes parta-gés ?) et de ses enjeux individuels et collectifs.

Laura Franco et son équipe du projet « Mobilité asso-ciée » ouvrent plusieurs pistes. Celle de la mobilisationde conseillers locaux en mobilité en charge de l’informa-tion et de la formation dans les écoles, les entreprises etdans les kiosques implantés dans les zones d’activité. Lamise en place d’un numéro vert permet à un groupe consti-tué ou à une structure d’obtenir de l’information rapide-ment mais surtout de faire venir un conseiller. En sus, cesderniers animent des cafés de la mobilité qui constituent lesplateformes d’échange du covoiturage. Plutôt que de confierla mise en relation des covoitureurs aux systèmes ano-nymes d’Internet, les cafés de la mobilité offrent pour cefaire un cadre convivial d’interconnaissance.

Enfin, autre dispositif, celui des mobi-ambassadeurs.Marlène Le Guiet (Sciences Po Rennes) part du pos-tulat selon lequel la formation est indispensable au chan-gement de long terme des comportements de mobilitédes périurbains. Cette mission de formation et d’ac-compagnement, pour avoir de bonnes chances de suc-cès, doit être assurée par des agents de proximité connusdes habitants. Les mobi-ambassadeurs sont des résidentsdes quartiers et communes, formés et soutenus par lesmairies. Au plus près des usages quotidiens, ils peuventéduquer les ménages sur les plans de la lutte contre lespollutions, de la maîtrise budgétaire ou des partagespossibles de certains trajets.

Voilà autant de pistes de création de dispositifs col-lectifs et de lieux-ressources où informer et former, oùsurtout extraire la mobilité du seul domaine individuelpour en faire un sujet partagé. On imagine bien que lamise en action, sur une même agglomération, de plu-sieurs maisons / cafés / ateliers de la mobilité et dequelques mobi-ambassadeurs peut créer une dynamiqueaux effets d’entraînement importants. Alors, dans cetteperspective, la formation s’ouvrirait sur l’éducation du ci-toyen et la capacité de la démocratie à intégrer les ques-tions de mobilité au débat public.

Il faut inventer aussi les contenus et les modalités deformation adaptés aux populations concernées. Quelquespistes sont ouvertes, à commencer par le guide « [e]com-mob’ » de Nicolas Bataille (Science Po Grenoble) etCharlotte Goubard (Ecole d’architecture de Nantes)qui recourent à une « théorie de l’engagement » de lapsychologie sociale. Le processus de formation qu’ils

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# 2Enjeux, problèmes,analyses, perceptions,solutions, espoirs etprojets16 regards sur le périurbain

Propos recueillis par Hélène-Marie Juteau, Éric Le Breton, Bruno Le Corre et Marion Steunou

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PHILIPPE BARON > Je n’ai pas de jugement moral sur lavoiture. Il y a un gisement inexploité et énorme dans lepériurbain : le covoiturage. Or les pouvoirs publics n’in-vestissent pratiquement rien dans le covoiturage, encomparaison à l’argent qu’ils consacrent aux transportscollectifs. Il y a beaucoup de choses à imaginer pour in-citer, encourager, contraindre les gens pour que la voi-ture devienne le premier moyen collectif de transport etsans doute le plus adapté à l’étalement urbain et à l’ha-bitat périurbain. La mobilité en 2040 devrait se concen-trer sur le covoiturage ou plutôt un autostop bien pensé.Il y a aussi des choses à faire du côté de la marche, ilfaut réapprendre à marcher. Il faut redonner sa place aupiéton, comme la ville le fait pour reconquérir l’espacepublic et ralentir nos rythmes de vie. Le périurbain a 20ans de retard sur la ville, il évolue lentement.

PLACE PUBLIQUE > Quelles ont été les grandes transfor-mations du périurbain depuis votre enfance ?PHILIPPE BARON > Il y en a beaucoup, mais les fonda-mentaux sont inchangés : vivre à la fois à la ville et à lacampagne, avoir les services de la ville et le calme de lacampagne. Ce qui a changé, c’est la densification. Lepériurbain aujourd’hui c’est aussi des collectifs et la vieen appartements. Les récits que j’ai récoltés dans Ruedes Mésanges évoquaient le périurbain commequelque chose de nouveau. Il fallait être un peu aven-turier pour s’hasarder à quinze kilomètres de Rennes,dans des lotissements ; il y avait une dimension pion-nière. Aujourd’hui c’est une norme.Dire que le périurbain est un territoire de l’entre soi estun préjugé. Il y a des vies associatives intenses, des ré-seaux de connaissance, des relations de voisinage so-lides, même s’il y a peu d’espaces publics. Encoreaujourd’hui, quand un nouveau lotissement seconstruit et que des nouveaux couples arrivent, les gensse parlent et se reçoivent. Ensuite, les haies grandissentcomme les enfants et les gens se voient de moins enmoins. Le périurbain reste encore un espace difficile à s’ap-proprier. Le fait qu’il y ait un turn over important ex-plique qu’il soit compliqué de s’attacher à ces lieux. Deplus, il n’y a ni de cinéma ni de littérature ni d’histoirequi en parle ; or ce qui fait histoire, c’est qu’on se ra-conte des histoires, qu’il y ait des récits, de la mémoire.Ces lieux sont encore amnésiques.Quand je tournais Rue des Mésanges, je demandais auxgens de me raconter l’histoire du Rheu [communeproche de Rennes], qui était pour eux l’histoire d’un vil-lage, avec un château, mais pas le périurbain des années

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Philippe Baronréalisateur

« Ce sont des lieux encore amnésiques »

Philippe Baron, originaire de la région de Rennes est réalisateur,notamment de documentaires. On lui doit en 2002 Rue des mé-sanges (53 mn), tourné au Rheu, une coproduction de VivementLundi, de France 3 ouest et de TV Rennes.

PLACE PUBLIQUE > Quelles sont pour vous les images fortesdu périurbain ?PHILIPPE BARON > L’homme à la tondeuse à gazon oul’homme au barbecue. En matière de mobilité, ce sontles files de voitures avec une seule personne dedans, quipartent des périphéries pour aller vers le centre et qui ren-trent tous les soirs vers les périphéries. C’est aussi l’imagede la maison avec deux voitures à l’entrée, voire trois ouquatre. Le périurbain, c’est la civilisation de la voiture.

PLACE PUBLIQUE > Il y a-t-il des films français sur le pé-riurbain ? PHILIPPE BARON > Très peu. Le périurbain est absent ducinéma. Le cinéma raconte la ville, peut explorer labanlieue, donner des visions de la campagne, mais surle périurbain il y a très peu de chose, il est absent des re-présentations. Contrairement au cinéma américain etc’est pour cela qu’il y a des références françaises au ci-néma américain. C’est un lieu encore sans histoire, surlequel on a peu de recul. Lorsque j’ai réalisé Rue desMésanges, j’ai cherché à savoir si une culture émergedu périurbain, comme c’est le cas en banlieue. En vé-rité, il n’y a pas grand-chose.

PLACE PUBLIQUE > Quelle est votre représentation de lamobilité périurbaine ?

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sommes face à un public en échec scolaire et obtenir ceviatique peut être source de valorisation de la personne.L’un de nos objectifs est l’accès à l’emploi. Le permis deconduire est la condition sine qua non de l’accès à l’em-ploi. Les entreprises exigent souvent des candidats à unemploi la possession du permis, qu’il s’agisse d’un réelbesoin ou d’un critère de sélection parmi d’autres. Lapopulation avec laquelle nous travaillons accède sou-vent au travail via des petits boulots en temps décalés etsitués dans les franges de la ville. Les transports en com-mun sont synonymes de galère et ils sont sous utilisés :seulement 42 % des jeunes interrogés disent utiliser lestransports en commun.

PLACE PUBLIQUE > Que faire pour adapter ce territoire auxjeunes ?JEAN-MICHEL GOUBARD > Notre préoccupation premièreest l’accès des jeunes à l’autonomie. Celle-ci passe parl’emploi. Or pour accéder à l’emploi, il faut le permis.Pour sortir de ce cercle vicieux, nous nous focalisonssur l’immédiat, c’est-à-dire le véhicule personnel et met-tons en place des palliatifs  : des aides au permis deconduire, des systèmes de location de voiture, de prêt àl’acquisition de voiture, la mise à disposition de deuxroues, des facilitations d’accès financiers et pédago-giques au transport en commun, des systèmes de voi-ture partagée. Et puis l’emploi donne une raison à lamobilité. La mobilité n’a de sens que si elle a une fin,si le jeune a un intérêt à être mobile. Si on donne dusens et des moyens financiers à la mobilité on pourraaller plus loin. Enfin il faut repenser l’urbanisation et lezonage urbain. Le problème que nous mettons en avantest la partition de l’espace et la conception des villes.Les zones d’habitation sont de plus en plus étendues etéloignées des zones de travail. Les transports collectifsne peuvent pas pallier la demande. Cette dispersiondans l’espace en plus d’être ingérable pour les collecti-vités territoriales, est prodigieusement « espacivore ».

PLACE PUBLIQUE > Quels sont les acteurs que l’on peutmobiliser pour apporter ces solutions ? JEAN-MICHEL GOUBARD > En matière de mobilité, on tra-vaille déjà avec des associations, avec des entreprisescomme les écoles de conduites, les transports en com-mun. Notre but est aussi de faire accéder les jeunes àdes activités ludiques. Or le public en insertion, en si-tuation difficile, fréquente peu ces lieux. Nous essayonsd’induire des mobilités continuelles. On travaille beau-coup sur des échanges de populations liés à la saison-nalité, sur des échanges européens. On met en place

1950. Je fais un film sur un village en ce moment et jevois bien la différence. On est passé d’une culture duvillage à une culture du périurbain dominante, même sile périurbain a toujours une nostalgie du village.

Jean-Michel Goubard insertion des jeunes

« Beaucoup de jeunes sont très peu mobiles »

Jean-Michel Goubard est chargé de mission à l’Association natio-nale des directeurs de missions locales

PLACE PUBLIQUE > En quoi la mobilité des jeunes périur-bains pose problème ?JEAN-MICHEL GOUBARD > Les missions locales sont concer-nées par des jeunes de 16 à 25 ans en insertion socialeet professionnelle. Nous avons conduit une enquêtemontrant qu’une grande proportion de jeunes est trèspeu mobile. À la question « sur quel territoire vous sen-tez vous mobile ? », 3,5% d’entres eux se disent abso-lument pas mobile, c’est-à-dire incapable de quitter leurquartier. Seulement la moitié des jeunes arrivent àrayonner sur leur ville. Cela veut dire qu’en extrapolantles chiffres de l’enquête à l’ensemble de la populationqui fréquente les missions locales, 600 000 jeunes sesentent incapables d’aller plus loin que leur horizonquotidien, incapables de se projeter sur des voyages untant soit peu complexes. On a relevé une logique d’at-tirance-répulsion dans la relation des jeunes avec leurlieu d’habitation. Ils désirent quitter leur quartier maisparadoxalement ils y restent. Quand ces jeunes sortentde leurs quartiers et villes périphériques pour se rendredans le centre ville, chez un ami, ils le font par des iti-néraires très balisés. Sur 1, 2 million de jeunes, ils sont750.000 à ne pas avoir le permis de conduire. Certes, lepermis et la voiture ne sont pas la panacée, mais nous

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bles pour l’innovation et la créativité dans la périurbain ?THIERRY MARCOU > Dans l’ouvrage Pour une mobilité pluslibre et plus durable (Fyp, 2009), cinq pistes d’action ontété listées ; elles restent valables, y compris dans le pé-riurbain, même si certaines ont commencé à être ex-plorées. A savoir, développer les déplacements virtuels ;articuler autrement les déplacements / les espaces / lestemps / les services. Ceci débouche sur des espaces mo-dulaires capables d’accueillir des activités variées. Vousen avez un exemple, à Rennes, avec la cantine numé-rique. Ces lieux se situent à l’opposé de ce que l’on ob-serve le plus souvent dans nos sociétés où les écoles nesont que des écoles, où les lieux de travail n’accueillentpas d’autres activités ; développer de façon ouverte lesdonnées relatives à la mobilité (ouverture des donnéespubliques); développer les « transports collectifs à based’information » ou « collectifs de transports », commele covoiturage ou l’autopartage, notamment entre parti-culiers ; enfin enrichir l’expérience des mobilités douces.Il n’a pas de solution miracle dans ce domaine. Mais leterrain favorable existe déjà pour partie du côté des ci-toyens, la frilosité et le conservatisme venant souventdes acteurs urbains « officiels ». Il existe des marges demanœuvre mais elles supposent de sortir des sentiersbattus. D’une certaine façon, les institutions et les ter-ritoires sont condamnés à l’innovation. Ces innovationsne sont pas seulement techniques. La « ville intelli-gente », bourrée de capteurs qui vont nous permettre demieux comprendre et d’optimiser les flux en temps réela des aspects forts séduisants. À la Fing, nous pensonsqu’une partie de la solution viendra de la capacité desterritoires à stimuler « l’écosystème innovateur ». Ceque vous avez fait à travers votre concours d’idées mesemble très intéressant de ce point de vue. On s’aperçoitd’ailleurs que la majorité des innovations en matière demobilité ces dernières années ne sont venues des opé-rateurs officiels de ce champ d’activités.

PLACE PUBLIQUE > A quoi pourrait ressembler un « tiers-lieu » dans le périurbain ?THIERRY MARCOU > A un endroit qui abriterait des dispo-sitifs de co-conception sur des problématiques propo-sées ou organisées par des acteurs publics ; à un lieuqui créerait de nouvelles frictions entre les gens et leurdonnerait envie de construire de nouveaux espaces dé-sirables. Nous collaborons en ce moment à un projetde ce type, accolé à une gare périurbaine, sur un terri-toire qui présente à la fois des entreprises un peu im-portantes et des écoles et universités à proximité. S’il sefaisait, ce serait une première. fing.org

des ateliers pratiques, de réunions, de formations. Onfait en sorte que les formations intègrent la mobilitépour donner aux jeunes l’envie, le goût et le savoir-fairedes déplacements.

Thierry MarcouInnovation et territoires numériques

« Les TIC changent les habitants périurbains »

Thierry Marcou est directeur du CitéLabo à la Fédération Internetnouvelle génération (Fing)

PLACE PUBLIQUE > En quoi les technologies de l’informa-tion et de la communication pourraient-elles changer lamobilité dans le périurbain ? À quoi pourrait ressem-bler le « périurbain 2.0 » ?THIERRY MARCOU > La Fing a commencé de s’intéresservéritablement aux territoires en 2007 à travers le projet« Ville 2.0 », en partant du postulat que la majorité desgens habitent en ville aujourd’hui. Nous n’avons pasencore travaillé sur le périurbain en tant que tel, mêmesi nous pressentons qu’il constitue un champ d’investi-gation et de travail important. Aujourd’hui, je dirais queles TIC ne changent pas le périurbain mais qu’elleschangent les périurbains, qui participent aux mêmesdynamiques que les urbains du point de vue des com-portements numériques. La massification de l’équipe-ment, l’intensification des pratiques, le recoursgénéralisé aux réseaux sociaux sont très comparablesentre l’urbain et le périurbain. Cela donne de nouvellescompétences et de nouvelles marges d’autonomie auxhabitants de ces territoires, ce que nous évoquons enparlant d’un processus «d’encapacitation ».

PLACE PUBLIQUE > Comment créer les conditions favora-

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la proportion de personnels qui travaillent dans lescrèches et les écoles est importante. Celles-ci résident enmajorité en dehors de Lyon et ont pour la plupart desproblèmes de mobilité et d’horaires. Comment les aiderà organiser temps de vie et temps de travail ? Dans le ca-dre de son Plan de déplacement entreprise (PDE), laville tente d’apporter quelques réponses.

PLACE PUBLIQUE > Quelles seraient les pistes de change-ment à apporter pour faciliter la vie des périurbains au-jourd’hui et surtout demain si le prix des carburantsdevient prohibitif ? Quel pourrait être la place spéci-fique des femmes?THÉRÈSE RABATEL > La question de l’étalement urbain, quidépasse les clivages hommes-femmes, pose beaucoupde problèmes. Nous avons à résoudre une difficile équa-tion prenant en compte questions environnementales,coûts pour les particuliers et la collectivité, et accueild’une population qui augmente. Le développement desservices publics est confronté à cet étalement et coûte trèscher. On sent bien que le télétravail pourrait avoir uneplace plus importante, mais il concerne souvent des pro-fessions nécessitant un certain niveau de formation. Agirefficacement nécessite de prendre en compte les besoinsfins des gens et non pas de proposer des solutions « à lalouche », mais travailler dans la finesse a un coût. ALyon, nous avons proposé des gardes d’enfants avec deshoraires élargis mais, bien que demandeurs, les parentsne s’en sont pas réellement saisis car parallèlement laville a mis en place la souplesse du multi-accueil avec unpaiement à l’heure. Il existe également une crèche denuit. Elle répond à une vraie demande, mais nousn’avons pas la volonté d’encourager le travail de nuit,car il ne faut pas oublier qu’à l’autre bout de la chaîne,ce sont d’autres femmes qui assurent les gardes en ho-raires décalés, et doivent trouver des solutions pour leurspropres enfants ! C’est pour cela que l’approche tempo-relle est très intéressante. Elle croise les questions de re-venus, partage des tâches hommes/femmes,urbain/périurbain, travail/loisirs et cette pensée trans-versale constitue une nouvelle façon de voir la vie enville.

Thérèse Rabatelélue à Lyon

Les femmes au cœur de la question

Thérèse Rabatel est adjointe au maire de Lyon, déléguée à l’égalitéfemmes-hommes, aux temps de la ville et aux handicaps

PLACE PUBLIQUE > Que signifie pour vous être une femmedans le périurbain aujourd’hui ? THÉRÈSE RABATEL > Pour moi il n’y a pas une mais desfemmes du périurbain. Les contraintes d’une femmequi bénéficie de hauts revenus dans une banlieue chicn’ont bien évidemment rien de commun avec cellesd’une femme qui a un petit salaire et travaille en ho-raires décalés. La situation de chacune dépend de sonaccès au travail, de ses horaires (classiques, décalés,morcelés), de la localisation de son lieu de travail (ville-centre, périphérie de la ville-centre, autre périurbain) etbien évidemment de son contexte familial. Mais quoiqu’on en dise, la question des revenus dicte en grandepartie le mode de vie. J’ai été frappée par la statistiquesuivante : dans l’aire métropolitaine lyonnaise, 70% desdéplacements domicile-travail se font en voiture, mais lesbénéficiaires du Plan local pour l’insertion et l’emploiutilisent, quant à eux, les transports en commun pour65% de leurs trajets. Les proportions sont totalementinversées ! Lorsque l’on vit dans le périurbain, la contre-partie du foncier moins cher, ce sont des temps de dé-placement allongés et une organisation plus contrainte.Les femmes y sont davantage touchées par les tempspartiels, la précarité, la pauvreté. Evidemment ces ques-tions me concernent de près. La ville de Lyon emploie,par exemple, beaucoup de femmes de catégorie C, car

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PLACE PUBLIQUE > Quelles sont les différences de mobilitéentre ceux qui vivent en ville et ceux qui vivent à la li-sère des villes ? JEAN-FRANÇOIS DOULET > L’accès à l’automobile, qui sedémocratise en Chine depuis le milieu des années2000, touche principalement les populations aisées descentres des agglomérations et des proches banlieues.Même si la tendance est à une part plus grande de lavoiture dans les mobilités périurbaines, ces dernièresdépendent beaucoup d’une offre de transport collectiflarge, publique et privée : des bus, des taxis collectifs,du transport à la demande, des bus d’entreprises quidéplacent leurs employés et se déclinent aussi chez lesgestionnaires de complexes résidentiels. On trouveaussi les taxis illégaux.

PLACE PUBLIQUE > Les problèmes de mobilité font-ils l’ob-jet de débats publics ? JEAN-FRANÇOIS DOULET > Il y a une opinion publique enChine et elle s’exprime ; elle est relayée par les médias etrégulièrement on y trouve la question des transports. Est-ce que l’opinion publique influence les pouvoirs publics ?C’est un autre débat. Le public n’est quasiment pasconsulté lorsqu’il s’agit de questions de transport et de mo-bilités. On est davantage dans une culture de dirigeantséclairés, qui prennent des décisions en se référant à des ex-pertises. Les débats ont cours dans le monde des expertiseset du monde politique. Les choix politiques en matière demobilité peuvent être radicalement différents d’une villeà l’autre. L’exemple le plus parlant est Pékin et Shanghai.En décembre 2010, Pékin a pris la décision de sortir devingt ans de politique pro-automobile ouverte. Contrai-rement à Shanghai qui a mis en place dès les années 1990des mesures de contrôle de l’accès à l’automobile et sou-tenu le développement de son réseau ferroviaire, Pékinvient seulement de mettre en place des mesures draco-niennes et contraignantes sur l’usage et l’achat de l’auto-mobile, mesures uniques au monde : quotas mensuelssur l’achat, tirage au sort télévisé de plaques d’immatri-culation réduisant par dix leur distribution, multiplica-tion par quatre du prix du stationnement… La voiture estdevenue chère à l’usage du jour au lendemain. Les habi-tants de Pékin ont eu une grande difficulté à accepter cesmesures. Il y a bien eu un débat public avec les citadinssur la congestion, mais peu de personnes se sont sentiesconcernées. Maintenant est-ce que Pékin, ville capitale etexemplaire dans un pays centralisé et communiste, vafaire des émules, comme le craignent les constructeursautomobiles chinois ? Là est la question.En définitive, les questions à relever par les pouvoirs

Jean-François Douletsinologue

« Après Shanghai, Pékin donneun coup de frein à la voiture »

Jean-François Doulet est sinologue et maître de conférence à l’Ins-titut d’urbanisme de Paris (université de Paris Est-Créteil)

PLACE PUBLIQUE > Le périurbain est-il une réalité dans lesvilles chinoises ? JEAN-FRANÇOIS DOULET > Oui c’est une réalité dans toutesles villes chinoises. Le périurbain est aujourd’hui l’es-sentiel de la croissance urbaine en Chine. 80% de lacroissance d’une ville se fait sur ses périphéries et 80%de la population habitent hors du centre. La Chineconnaît une croissance urbaine importante depuis unevingtaine d’années. Les taux sont parmi les plus hautsau monde, de l’ordre de 3,5 à 4% par an. Ce phéno-mène est partiellement soutenu par les processus mi-gratoires, notamment ceux des mingong, cestravailleurs migrants venus des campagnes qui cher-chent à se loger dans les « villages urbains », c’est-à-diredes quartiers et des zones périurbaines qui sont d’an-ciens villages intégrés dans l’expansion urbaine. Lesplus importants se trouvent dans la région métropoli-taine de Canton. Ils offrent du logement très bon mar-ché et ressemblent beaucoup à des bidonvilles, saufqu’il ne s’agit pas forcément d’habitat spontané. Les po-pulations les plus aisées quant à elles, vivent en centreville ou dans les nouveaux quartiers résidentiels en ban-lieue. Cette croissance est aussi liée à un surinvestisse-ment dans les infrastructures de logements et detransports. Ce sont d’ailleurs les grandes axes de com-munication, les aéroports, les échangeurs autoroutierset les gares TGV qui structurent le périurbain.

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pas par les emplois, qui ne bougent pas. Les transportssuivent, dans une logique de rattrapage, assez lente : 15à 20 ans séparent l’installation des logements et le dé-ploiement des transports, « métro léger » ou métrobus(bus sur voie réservée). Toute la croissance démogra-phique, importante à Istanbul, se loge sur les périphé-ries. Le cœur de l’agglomération est en cours degentrification ; les pouvoirs publics réservent de façonassez autoritaire, le centre de la ville, aux activités fi-nancières et tertiaires supérieures et au tourisme.

PLACE PUBLIQUE > Comment se déplace-t-on sur ces ter-ritoires ?JEAN-FRANÇOIS PÉROUSE > Les déplacements des péri-phéries se font majoritairement en véhicules motorisés,d’autant que nombre de ces nouveaux territoires sontceux de la classe moyenne supérieure, la cible privilé-giée des promoteurs. La voiture est un élément majeurde distinction statutaire dans ce milieu social. Y dérogerest infâmant. Le prix du carburant est pourtant lemême qu’en Europe, voire légèrement supérieur. Maisce frein est contourné par le recours à un énorme mar-ché parallèle des carburants, qui sont potentiellementdangereux parce qu’inflammables mais moins cher.Bien sûr, il y a des embouteillages mais le téléphoneportable est un phénomène de société et, associé à lavoiture qui est un signe de prestige, le monde routieret ses embarras sont bien vécus. On ne perd pas sontemps quand on est convaincu d’afficher un statut en-viable. Dans la classe moyenne et au-delà, les ménagesdisposent généralement de deux voitures. Dans les mi-lieux plus modestes, les femmes ne travaillent pas ; onobserve même, depuis les dernières années, celles dugouvernement conservateur, un recul de la place desfemmes dans la société. Ces ménages ne sont équipésque d’une seule voiture. La marche n’existe pas ou, plusexactement, est totalement occultée ; marcher c’est dé-choir. Alors en complément de la voiture, il existe dansles périphéries stables tous les systèmes de déplacementprivés qui sont pléthoriques à Istanbul, notamment lestaxis et les dolmus, des taxis collectifs à itinéraire fixe etarrêts souples. Ce sont ces systèmes, mis en œuvre pardes opérateurs privés, qui sont les plus réactifs et sui-vent l’étalement de la ville. Enfin, dans les périphériesémergentes, toute la place est à la voiture et à des ser-vices de navettes privés affrétées notamment par les« shopping malls » qui se développent ; ces navettes ci-blent prioritairement les femmes, les consommatrices.

PLACE PUBLIQUE > La mobilité fait-elle débat public ?

publics sont les mêmes qu’en France : comment met-tre en place des mesures de régulation de l’usage de lavoiture et parallèlement comment imaginer des solu-tions qui permettent d’optimiser les systèmes de trans-port et de mobilité. Et cela, pas seulement dans lescentres. On touche là aux nouveaux services de mobi-lité qui émergent en Chine comme ailleurs : vélo enlibre service, deux roues électriques que l’on trouvebeaucoup à Shanghai, et encore optimisation de la ges-tion des modes de transport…

Jean-François Pérousegéographe

« En Turquie, le règne de lavoiture et des taxis collectifs »

Jean-Jacques Pérouse est maître de conférences à l’université Tou-louse-II, délégué auprès de l’université Galatasaray (Istanbul) ;chercheur rattaché à l’équipe « Études turques et ottomanes »,CNRS-EHESS (UMR-8032) et chercheur associé à l’Institut françaisd’études anatoliennes.

PLACE PUBLIQUE > L’idée de périurbain a-t-elle du sens enTurquie ?JEAN-FRANÇOIS PÉROUSE > Non, l’idée de périurbain n’apas vraiment de réalité à Istanbul ni dans d’autres villesturques. La dynamique d’étalement de la ville sur sespériphéries est très rapide. Les espaces absorbés par lavague d’urbanisation deviennent vite de la ville stable. Sil’on ajoute à ça que l’agglomération d’Istanbul est com-posée de centralités multiples et éclatées, il est difficilede définir les périphéries. Depuis 2000, la tendance està un desserrement marqué de la ville, à l’initiative despouvoirs publics. Des logements collectifs et des lotis-sements fermés sont produits à vitesse accélérée. L’éta-lement urbain est guidé par le logement, absolument

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nisme en « doigts de gant » autour des grands axes decommunication ou choisir de préserver des ceinturesvertes autour de noyaux urbains denses n’aboutit pas aumême résultat. A Rennes, la « ville-archipel » n’est pasarrivée par hasard, mais parce que nous avons fait lechoix de ne pas laisser exister de « non-lieux » entre leszones urbanisées. Aujourd’hui, au nom de l’efficacitédes transports, on redécouvre le « doigt de gant » maiscette fois théorisé, et non plus comme le résultat pro-duit par la nature urbaine. C’est du non-urbanisme et jeserais très inquiet si nous nous mettions à brûler ce quenous avons adoré, au moment même où la pensée so-ciétale plébiscite ce modèle de développement. Nenous trompons pas de cap pour l’avenir !

PLACE PUBLIQUE > Des populations sont en difficulté demobilité dans le périurbain. Cela pourrait s’aggraver sile prix des carburants augmente. Que faire en matièrede solidarité ?GUY JOUHIER > C’est peut-être une question de génération,mais je crois à la puissance et à l’initiative publique. Il fautpoursuivre le développement des transports publics, enga-ger une réflexion sur une tarification sociale et encouragerle covoiturage, les plans de déplacements d’entreprises ouinter-entreprises pour prendre en compte les probléma-tiques des salariés contraints de parcourir de plus en plus dekilomètres. Les solutions doivent se construire collective-ment mais on ne doit pas abandonner le périurbain à l’ini-tiative sociétale, car elle n’est pas forcément adaptée auxexclus. Proposer du covoiturage à son voisin ne va pas desoi. Cela nécessite souvent un certain niveau social et cul-turel. Les personnes en situation d’exclusion et de difficul-tés attendent une réponse de notre part y compris au-delàdes transports collectifs comme par exemple un appui pourpasser le permis de conduire indispensable pour accéder àl’emploi. Pensons nos espaces en considérant que la voi-ture continuera à avoir une place dans nos vies, sous d’au-tres formes sans doute.

PLACE PUBLIQUE > Les transports collectifs classiques nesont pas adaptés au périurbain qu’il ne faut pas laisserentièrement à la voiture ; à dix ans, quelles pistes dechangement ?GUY JOUHIER > Les transports publics doivent se renouve-ler. Le porte à porte, le cabotage sont morts ! Il faut desaxes lourds de transport public avec de la capacité et dela fréquence, ce que nous appelons les lignes majeuressur notre réseau rennais et des dispositifs de rabattementsur ces lignes (vélo, marche, deux roues motorisés, voi-ture partagée, transport à la demande…). L’autre piste

JEAN-FRANÇOIS PÉROUSE > Les grands projets stanbou-liotes, en matière de déplacement, sont essentiellementroutiers : la construction d’un troisième pont sur le Bos-phore, le creusement de deux tunnels sous le mêmeBosphore, l’un ferroviaire, l’autre routier et de quelquesautres tunnels routiers dans divers points de l’agglomé-ration. Le développement de la voiture n’est guèrecontredit. Il existe quelques associations d’architectes etd’urbanistes qui contestent les projets routiers devantles tribunaux administratifs, mais sans grand succès. LesVerts et les associations environnementalistes sont fai-bles et pèsent peu dans les décisions finales.

Guy Jouhiervice-président de Rennes Métropole

« Les transports publics doivent se renouveler »

Guy Jouhier est maire d’Acigné et vice-président de Rennes-Mé-tropole, délégué aux transports et aux infrastructures

PLACE PUBLIQUE > Le périurbain est-il le même partouten France ? GUY JOUHIER > Le mot de périurbain est mal choisi. Ondésigne quelque chose par ce qu’il n’est pas. On dit seu-lement que c’est autour de l’urbain. Un premier pro-blème est donc celui de la délimitation. Quand onappréhende les choses sous l’angle des modes de vie, leshabitants ne se définissent pas comme des périurbains.Ils parlent d’un choix de vie, d’un besoin de plus d’es-pace, de relations plus simples avec leur entourage…Beaucoup me disent que ce territoire est convivial. Ilscherchent à s’ouvrir aux autres, à s’installer au sens fortdu terme car ils savent qu’ils ne retourneront pas dans lacommune où ils ont leurs racines. On voit différentesformes de périurbain résultant en grande partie du vo-lontarisme politique. Laisser se développer un urba-

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loppements de la ville se font dans des vallées ou surdes collines… C’est compliqué et cela accentue le ca-ractère parfois désorganisé des conurbanos. Au coursdes deux prochaines décennies, ces territoires devraientenregistrer le doublement de leur population et le tri-plement des sols consommés. Des villes qui sont loca-lisées à une heure de Buenos Aires font aujourd’huipartie de son aire métropolitaine de presque 15 millionsd’habitants. Mais avant la voiture, c’est le chemin defer qui a permis et encouragé l’étalement urbain.

PLACE PUBLIQUE > Quelles sont les caractéristiques so-ciales de ces conurbanos ?ANDRÈS BORTHAGARAY > Ces périphéries sont partagéesentre des espaces pauvres et d’autres accueillant des classesmoyennes. Du côté des enclaves riches, se développentles communautés fermées et l’espoir de ceux qui viennents’y installer d’accéder à la verdure, à la sécurité, à la libertépour les enfants. Pour les actifs qui travaillent vers le cen-tre de l’agglomération, ça va mais ceux et surtout cellesqui restent toute la journée dans ces nouveaux espacess’ennuient ! Pour les ménages modestes, c’est très compli-qué. Cette population est composée de migrants et de ru-raux attirés par la ville. Une autre partie de la populationréunit ceux qui ont été délogés des centres-villes, pour lais-ser la place à des opérations de rénovation. Ils sont relogésdans des grands ensembles souvent éloignés de tout. Il y aparfois quelques transports collectifs mais qui ne sont dé-ployés qu’avec beaucoup de retard par rapport aux loge-ments. Le problème est tel qu’à Santiago du Chili parexemple, de nombreux ensembles de logements popu-laires construits par l’Etat restent vides. Dans les milieuxplus aisés, la logique actuelle est à l’équipement automo-bile. En ordre de grandeur, on compte 900 voitures par1 000 états-uniens, 550 voitures par 1 000 européens etentre 250 et 300 voitures pour 1 000 argentins ou brési-liens. Les ménages aisés continuent de s’équiper en voi-ture et les pouvoirs publics, de leur côté, équipent leterritoire pour la voiture : parkings, grandes infrastructurestelles que les autoroutes à deux étages que l’on trouve auMexique. Ce qui distingue les ménages entre eux, c’est letype de voitures : certains s’offrent des 4X4 et d’autres n’ontque vieilles voitures ! Ce genre de distinction compte énor-mément car la voiture est un marqueur social important.

PLACE PUBLIQUE > La ville étalée est-elle au cœur dedébats publics ?ANDRÈS BORTHAGARAY > Non, pas en soi, même si, en Ar-gentine, les débats publics autour des mobilités sont ani-més. C’est assez surprenant car le pays relève d’une crise

de changement à plus long terme, c’est l’urbanisme etl’agencement des équipements et services de proximité.

PLACE PUBLIQUE > Que pensez-vous des dispositifs commeles maisons de la mobilité ? GUY JOUHIER > Tout ce qui participe à améliorer le lien so-cial mérite intérêt. Je ne crois pas qu’il faille multiplierces lieux de mutualisation ou alors les penser de manièretrès différente de ce que l’on voit dans le domaine de l’in-formation pour les personnes âgées (Centre local d’in-formation et de coordination en matière de gérontologie).Les gens vivent avec l’internet et des outils mobiles. Ilsviennent aussi à leur mairie chercher de l’information surles transports à leur disposition. Il faut sans doute penserdes maisons mobiles de la mobilité, des espaces physiqueset virtuels avec beaucoup de souplesse et d’adaptabilité.

Andrès Borthagarayplanification de Buenos-Aires

« Les conurbanos, un espace désorganisé »

Andrès Borthagaray est le directeur du Conseil de planificationstratégique de la ville de Buenos Aires et responsable de l’Institutpour la ville en mouvement / Amérique latine.

PLACE PUBLIQUE > Le périurbain a-t-il une réalité en Amé-rique latine ?ANDRÈS BORTHAGARAY > Oui, même si le mot « périur-bain » est réservé à un langage technique. Dans le lan-gage courant, on parle plutôt de conurbanos.Globalement, cela correspond à la partie déstructuréedes villes, celle qui connaît une forte croissance tout enétant nettement moins contrôlée qu’en Europe. Deplus, il faut compter avec la nature et les reliefs. A Bo-gota, à Santiago du Chili, à Rio de Janeiro, les déve-

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économique majeure et l’on pouvait s’attendre à ce quece genre de problèmes passe au second plan ; ce n’estpas le cas. Un premier débat porte sur ce qu’on pourraitdire la fracture mobilitaire : l’écart extraordinaire sépa-rant ceux qui se déplacent dans des conditions conve-nables et ceux qui s’épuisent à se déplacer car ils n’ontrien pour les aider. Le transport collectif est égalementau cœur de controverses. Notamment la qualité du ré-seau de trains qui est assez dense et très utilisé dans lesdéplacements intra-métropolitains. Le financement desréseaux collectifs fait l’objet de discussions. Ces réseauxsont gérés par des structures privées qui reçoivent dessubventions de l’Etat et des collectivités locales. La ques-tion de l’utilisation de l’argent public est en débat. Etpuis l’opinion discute des effets indésirables de la voi-ture, les pollutions et congestions. Mais cela dépend desvilles ; celles qui sont enclavées dans des vallées sontsoumises à des pollutions et à des difficultés d’aména-gement et de fluidification des trafics plus importantesque les villes de plaine où les vents soufflent…

Emmanuelle Garnaud-Gamachecommunication et marketing

« Une forte demande d’hyper-connexion »

Emmanuelle Garnaud-Gamache, responsable communication, pôlede compétitivité « Images & Réseaux », Lannion et Rennes 

PLACE PUBLIQUE > La mobilité est-elle un sujet d’intérêtpour les membres du pôle de compétitivité « Images etRéseaux » ?EMMANUELLE GARNAUD-GAMACHE > Une partie des projetsde R&D de nos membres portent sur la question desconnexions en mobilité. Nous sommes dans une sociéténomade et chacun veut avoir accès à tout, en tout temps,

y compris dans ses déplacements. Cette demande pourune forme d’ « hyper-connexion », avec un débit suffi-sant pour le son, les images, la vidéo, sur toutes sortes determinaux, est une tendance lourde. La R&D travaille àaméliorer l’offre de bande passante et à développer desapplications, toujours plus nombreuses, pour les smart-phones et autres terminaux mobiles. Un des objectifs estd’optimiser les réseaux pour faciliter la connexion despersonnes en mobilité, des travailleurs à distances… maisaussi à l’inverse pour offrir de nouveaux services aux per-sonnes peu mobiles. On pense bien sûr aux personnesâgées, pour qui la maison connectée signifiera demain derester le plus longtemps possible à domicile, un enjeucrucial notamment dans le périurbain où les coûts demaintien à domicile sont plus importants.

PLACE PUBLIQUE > 90 % des personnes se déplacent seulesen voiture, quelle communication mettre en place pourque les gens se déplacent autrement dans le périurbain ? EMMANUELLE GARNAUD-GAMACHE > La communication estimportante mais ne peut pas être décisive dans les chan-gements de comportement  : ce sont les solutions, lesnouveaux services qui feront la différence. La commu-nication peut informer, encourager mais elle ne rem-place pas les initiatives, publiques ou individuelles, liéesà la mobilité. C’est un adjuvant. Par exemple, le covoi-turage et les différentes formes de partage de voituresvont s’imposer pour des raisons économiques. Les argu-ments reposant sur le développement durable, la pro-tection de la planète ont leur limite. D’ailleurs, toutes lesmarques se sont aujourd’hui emparées de ce thème etles messages passent moins, trop dilués. À mon sens, lecoût de la mobilité a plus de chance d’accélérer les évo-lutions que le seul argument environnemental. Dans lepériurbain, il faudra parier sur la qualité des relais d’in-formation, des réseaux, plus que sur des campagnes decommunication territoriale. Ces campagnes manquentsouvent d’impact car une bonne communication doitpouvoir marquer les esprits et sortir du consensuel. Or lacommunication territoriale est intrinsèquement consen-suelle. En matière de mobilités alternatives, on peut pen-ser que dès lors que les bons outils seront là, les usagerss’en saisiront car ils y sont déjà prêts. La communicationqui accompagnera ces innovations devrait elle-même in-nover et s’emparer du territoire urbain. La ville est unmédia à part entière, elle offre des supports infinis poursortir des plans média traditionnels. Le choix du médiaest aujourd’hui presque plus important pour l’impact dela communication que le message lui-même. Depuisplus d’une décennie, la créativité média s’impose mon-

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PLACE PUBLIQUE > Comment placez-vous la mobilité dansces territoires ?JEAN-YVES CHAPUIS > La question est de savoir commentarticuler la mobilité avec le développement durable.Or aujourd’hui la mobilité est souvent subie, d’où l’im-portance des réflexions sur le logement et les déplace-ments, mais aussi sur les technologie de l’informationet de la communication.La « ville archipel » a pour objectif la mise en place de ser-vices de proximité pour favoriser le plus possible les dépla-cements avec des modes doux. Ensuite, il faut faciliterl’accès aux équipements culturels, éducatifs, de santé parles transports en commun. La difficulté, c’est qu’ils ne sontpas toujours efficaces. Il faudrait développer des couloirspour les bus entre les communes de Rennes Métropole etle centre de l’agglomération et revoir la conception des bus,qui pourrait prendre des formes de petits salons pour recréerdes lieux de sociabilité au sein de la mobilité. On imaginedes trains, des métros où on sera demain comme chez soi.Cette modalité va se développer. Les villes à moins de deuxheures de Paris vont former une grande agglomération de20 millions d’habitants. L’importance des opérations d’amé-nagement auprès des gares et le lien de ces centralités parrapport à la ville archipel est primordiale pour permettre àchacun de choisir sa place dans cette ville multiple. Enfin,il faut résoudre le dilemme voiture individuelle-transport encommun lourd, en trouvant des formes de déplacementsnouvelles. Le covoiturage est une bonne réponse. La voi-ture est un service et non plus un bien. Les discours qui prô-nent la disparition de la voiture ne sont pas fertiles. Elle nedisparaitra pas, elle sera remplacée par d’autres voitures. Parler de la mobilité, c’est inévitablement parler des tech-nologies de l’information et de la communication. Avecelles, on peut être mobile tout en étant immobile. Il fautque le monde virtuel serve le monde réel. Il y aura moinsde déplacements, moins de temps perdu, puisque les ser-vices répondront à distance à notre demande. A nous en-suite de gérer cette connexion permanente et d’instituerdes pauses urbaines dans les espaces de rencontre ; «vivreseul, ensemble», selon l’expression de François Ascher.

PLACE PUBLIQUE > Comment mobiliser les habitants surces questions ? JEAN-YVES CHAPUIS > Les citoyens vont se mobiliser eux-mêmes ; ils le font déjà avec le covoiturage. Ce sont jus-tement les technologies de l’information et de lacommunication qui vont impulser un changement dansles relations institutions-citoyens. Notre approche de laville va changer. Par exemple, dans le domaine de l’ur-banisme, il y a un dialogue possible entre urbanistes et ci-

dialement. S’immiscer dans les interstices de notre quo-tidien et les nombreux lieux et objets de la ville et de sespériphéries avec des supports inédits, voilà quelquespistes pour accompagner les innovations de mobilité.

Jean-Yves Chapuisvice-président de Rennes Métropole

« Les gens s’organisent eux-mêmes »

Jean-Yves Chapuis est vice-président de Rennes Métropole, délégué aux formes urbaines.

PLACE PUBLIQUE > Quels sont les enjeux du périurbain ? JEAN-YVES CHAPUIS > Le périurbain exprime que la villeévolue. La ville est sortie de ses remparts, puis de la ro-cade et aujourd’hui, grâce à la mobilité, nos conci-toyens peuvent vivre dans le périurbain. Méfions-nousdes positions idéologiques sur l’étalement urbain. Celafait cinquante ans que l’État veut lutter contre l’étale-ment et celui-ci continue à se développer. Le défi est de penser une ville multiple dans laquelle il ya un centre qui regroupe des fonctions centrales (maisqui peuvent exister ailleurs), un paysage intégrant la cam-pagne et son agriculture périurbaine de proximité et lesdifférentes communes périphériques. Deux facteurs sontdéterminants dans le périurbain : d’une part, permettrede choisir son lieu d’habitation et développer l’altérité etd’autre part, la mobilité. Concernant la rencontre de l’au-tre, on s’interroge sur la manière de créer de nouveauxlieux publics. Dans la conception de la ville archipel etson corollaire, la ville des proximités, on développe la no-tion d’intensité urbaine à travers des formes urbaines nou-velles pour permettre aux personnes d’accéder à un petitcollectif, notamment aux personnes âgées seules, ou per-mettre à des jeunes de louer un petit appartement.

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des gens, comprendre leurs univers et être curieux desusages, faire preuve d’analyse et d’imagination, pourcréer et répondre à des attentes. En tant que designer,je n’utilise pas ce mot de périurbain. Il est très impré-cis. Je raisonne en termes d’espaces de vie (le bureau,l’entreprise, la zone d’activité, les espaces du transport,le centre-ville…) et d’usages, je travaille sur la dimen-sion complexe de ces ensembles. Sur le périurbaincomme sur d’autres sujets, le designer peut apporter saméthodologie et sa créativité pour redonner du sens auxunivers en remettant l’humain au centre du projet.

PLACE PUBLIQUE > Considérez-vous que le périurbain soitun territoire particulier ? Avez-vous identifié des pro-blématiques spécifiques pour le « designer » ?CHRISTIAN VAN OOST > Où commence le périurbain ? Oùfinit-il ? Je ne sais pas le dire. Ici, nous sommes à La Chan-trerie à Nantes. Sommes-nous ou pas dans le périurbain ?Où est le centre de Nantes ? Tout près d’ici à un kilomètre,juste après le périphérique ? Plus loin à 5 kilomètres, là oùl’on voit des gens qui marchent, des bus et des tramways,des voitures, des vélos, où ça fourmille de partout ! Dans lescouronnes aussi, il y a des espaces où l’on peut circuler àpied, d’autres pas, des communes où le bus disparaît et de-vient un car, des communes avec des espaces pour lesvélos, d’autres pas ; et aussi des zones d’activité comme iciavec des voitures et des piétons dans tous les sens. Ce sontà chaque fois des espaces singuliers avec une spécificité, laquestion des distances à parcourir pour faire des activités.

PLACE PUBLIQUE > Quel intérêt manifestent les autoritésen charge de la mobilité pour le design ?CHRISTIAN VAN OOST > Les autorités publiques connaissentnotre métier, trop souvent encore pour mettre en formeun objet, donner le coup de crayon à quelque chose deboiteux. Mon souhait est que le designer intervienne trèsen amont des projets, avant de commencer à élaborer lecahier des charges. Notre valeur ajoutée n’est pas uni-quement un coup de crayon, mais la pertinence de re-gard du designer sur les usages et sa capacité d’analyse.Intégrer ce regard en amont, c’est aider à mieux poser leproblème, à trouver les solutions, les modes de fonction-nement, les services qui correspondent le mieux aux at-tentes des usagers. Nous avons gagné le concours ID4carparce que nos designers ont travaillé avec d’autres mé-tiers, très en amont pour construire un cahier des chargesoriginal et créatif. Le résultat est Colibri, un véhicule mo-dulable pour le monde de la logistique et de la livraisoncapable de s’immiscer dans les hyper-centres. C’est à lafois un produit, de la technologie, des services et une nou-

toyens grâce aux nouvelles technologies qui présentent« chez vous » les projets en cours. Les institutions doiventintégrer les capacités des citoyens de s’organiser dans tousles domaines. Pour reprendre l’exemple du covoiturage,les gens s’organisent eux-mêmes et attendent moins despouvoirs publics qui sont désormais des accompagnateursplus que des décideurs. Comment les institutions peu-vent accompagner des choix venant des citoyens et ne pasêtre toujours celles qui proposent ? Grande question !

Christian van Oostdesigner

« Où commence le périurbain,où finit-il ? »

Christian van Oost est consultant en design et gestion de projets,responsable du groupe de recherche Nouvelles Mobilités à l’Écolede design de Nantes Atlantique.

PLACE PUBLIQUE > Qu’est-ce qu’un « designer de la mo-bilité » peut apporter au périurbain ?CHRISTIAN VAN OOST > Je ne parlerais pas de “designer dela mobilité”. On est avant tout des designer(s) (produit,espace, graphique). Notre métier nous conduit à ras-sembler différentes compétences autour d’une problé-matique identifiée, l’architecture d’intérieur, lascénographie, la ville, les mobilités... Le design n’estpas seulement un objet bien que ce soit la facette la plusconnue. Une réflexion de design est d’abord une ré-flexion sur les usages, l’individu, ses façons de vivre. Lerésultat doit être autant que faire ce peut “esthétique”,plutôt “sensible” qu’esthétique car l’esthétique est trèssubjective. Notre valeur ajoutée, c’est de marier defaçon harmonieuse nos trois fondamentaux, l’identité,l’usage et la technique pour produire un monde plussensible et plus pertinent. Cela veut dire être à l’écoute

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PLACE PUBLIQUE > À quelle échelle territoriale élaborercette proximité ?YAN LE GAL > L’agencement de la proximité a pour soclele territoire, le patrimoine. On passe d’une logique deflux routiers à une logique de territoire. La principaleentrée est la vitesse. Les intercommunalités sont les ter-ritoires de vie quotidienne des habitants. C’est pourquoije propose des Plans de modération de vitesse inter-communaux, qu’il faudrait prescrire dans les Schémasde cohérence territoriale puisque l’aire urbaine estl’échelle la plus pertinente tant côté bourg que côtécampagne. Ce n’est pas la vitesse qui est dangereuse,mais les différences de vitesses ; il faut adapter la vitesseà l’usage. Côté bourg on retrouve alors des zones derencontre, des zones 30 comme dans les centres ur-bains, mais on conserve la limitation à 50 km/h sur lesvoiries principales. Côté campagne, on aménage plus etmieux les pistes cyclables et on limite les routes dépar-tementales à 70 km/h. En bref, on gagne du temps enallant moins vite. Lenteur et fluidité fonctionnent depaire. Les petits ronds-points de Nantes sont un parfaitexemple. La proximité permet de mélanger les flux.

PLACE PUBLIQUE > Comment faire passer ces choix auprèsdes élus et de la population ?YAN LE GAL > En suivant la même logique. L’entrée par lavitesse et le territoire est d’une fécondité extraordinaire.Il y a une forte demande sociale de valorisation du pa-trimoine, de tranquillité des espaces publics et de qua-lité de vie locale. Les stratégies de modération de lavitesse et de fluidité ouvrent des boîtes à outils consen-suelles : espaces de rencontres, mixité des usages, sou-plesses temporelles, aménagements en plateauxmulti-usages, stationnements minutes, voies vertes…Cette stratégie demande quelquefois une révision assezradicale des cultures techniques, en particulier dépar-tementales. Mais les élus doivent soutenir cette poli-tique parce qu’elle est acceptable par les habitants. Ilne faut pas pour autant arriver à un excès de lenteur.Pour que soient acceptées ces mesures, il faut trouverun juste milieu et ne pas bannir la voiture à tout prix.

PLACE PUBLIQUE > Dans dix ans, quel doit être le « bon »usage de la voiture ?YAN LE GAL > Avec la périurbanisation, ce n’est pas le nom-bre de déplacements qui a augmenté, ni le temps quileur est consacré mais les distances de déplacements.Elles sont presque le double de celles des urbains, d’oùl’usage de la voiture. Cela étant, on ne doit pas l’inter-dire complètement. En revanche il faut repenser sa place

velle organisation de la chaine de livraison. Nous avonsapporté un travail sur l’identité et les nouveaux usages desespaces centraux, une analyse des pratiques des profes-sionnels de la logistique et de la livraison et aussi beau-coup de recherche sur les technologies. Si demain, nouspouvons concrétiser des démarches identiques pour d’au-tres problématiques de mobilité comme par exemple lesplans de déplacements interentreprises, nous aurons par-ticipé à réinventer les mobilités. www.lecolededesign.com

Yan Le Galurbaniste

« On gagne du temps en allant moins vite »

Yan Le Gal, ingénieur-urbaniste est directeur d’études et de pro-jets à l’Agence d’urbanisme de la région nantaise.

PLACE PUBLIQUE > Comment aménager les territoires dupériurbain ? YAN LE GAL > Le périurbain est un nouveau monde, moinsrural mais pas encore urbain. Pourtant aujourd’hui il sedensifie et met un terme à l’étalement urbain. Le tout estalors de savoir comment construire l’aire urbaine de ma-nière cohérente. Pour aménager le périurbain et répondreaux enjeux de mobilité si fondamentaux dans ces espaces,il faut y développer une stratégie pour le gouverner et l’or-ganiser au mieux et cela à l’échelle de l’aire urbaine. Elleconsiste, selon moi, en cinq leviers, dont les deux princi-paux sont, premièrement, la polarité, qui consiste à re-faire des lieux capables de vivre sur eux-mêmes en créantou en déplaçant de l’emploi, des services dans les com-munes périphériques ; et, deuxièmement, la proximité,c’est-à-dire l’agencement urbain de la mixité afin de ré-équilibrer les territoires et diminuer les distances. Dansce cas, on inverse les hiérarchies modales, on valorise lepiéton et les déplacements à vélo.

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questions semblables et tout ramener à une question deflux est trop limité. Cela pose des questions de formesurbaines, c’est-à-dire de tracés de voies nouvelles parrapport à des voies déjà existantes, et des problèmes delocalisation de certains équipements, notamment deséquipements scolaires qui peuvent faire émerger unealternative à la dépendance automobile totale.

PLACE PUBLIQUE > Les périphéries urbaines sont-elles lesmêmes partout ? DAVID MANGIN > Les formes de la maison individuelle sonttout à fait différentes d’un pays à l’autre. En France, ellesse sont développées sous la forme du lotissement dans unpremier temps, puis de l’habitat diffus. En Europe duNord, y compris dans le Nord de la France, ce sont aucontraire construites des formes d’habitat individueldense voire mitoyen. Maintenant, avec le coût du fon-cier, ces formes d’habitats individuels progressent partout.C’est une alternative à la « maison péripatéticienne »,c’est-à-dire la maison isolée sur sa parcelle avec beaucoupde vis-à-vis et où chacun reste chez soi à observer ses voi-sins. Par contre, le réseau routier, autoroutier et de voiesrapides comme les produits « branchés » sur ce réseau, nesont pas différents de Dunkerque à Toulon.

PLACE PUBLIQUE > Comment sera le périurbain de demain ? DAVID MANGIN > Les gens qui habiteront les bourgs et lesvillages du périurbain, ou plutôt du rurbain de demain,vont prendre conscience qu’il est possible de projeter dessystèmes de voiries secondaires voire tertiaires dans lesPlans locaux d’urbanisme, de façon à mailler plus fine-ment le territoire et donc à pouvoir s’y déplacer autrementque dans le zapping automobile. Si j’aménageais un ter-ritoire périurbain, j’essaierais de mettre en place des pro-cess de mutation pour utiliser l’espace public et privé defaçon plus ouverte, moins monofonctionnelle qu’au-jourd’hui. Ça fait partie des stratégies de densification et dediversification des usages sur des parcelles de logements.

PLACE PUBLIQUE > Pour le moment, les habitants du pé-riurbain ne réclament pas davantage d’espaces piétons,pas moins de voitures ni des aménagements différents,etc. Serait-ce une bonne chose qu’ils se fassent enten-dre davantage ?DAVID MANGIN > Sur ces questions, les gens sont toujoursambivalents. Ils ont des mobilités contradictoires. Ils peu-vent être automobilistes, piétons et cyclistes le mêmejour. Si les élus informent les habitants des projets deparcs touristiques, commerciaux ou résidentiels qui vontles obliger à les contourner, à rallonger leurs parcours, à

sur trois plans. Avant tout, mettre en place l’interpolaritéet développer les transports en commun et surtout le ré-seau ferroviaire, le tram-train et affiner leurs connexions.Ensuite, la multi-motorisation est un atout à développer,notamment par la mise en place d’une gouvernance ducovoiturage, qui libéraliserait les offres de transport.Enfin, pour relever ce défi, le dernier levier, il faut amé-liorer le management de la mobilité, c’est-à-dire l’infor-mation et la communication comme les moyens de faireaccepter et approprier ces nouveaux usages.

David Manginarchitecte-urbaniste

« Il ne faut pas tout ramener àdes questions de flux »

David Mangin est architecte et Grand prix de l’urbanisme 2008

PLACE PUBLIQUE > Votre conception de la «  ville pas-sante » entre-t-elle dans les pratiques des acteurs du pé-riurbain ? DAVID MANGIN > Le périurbain, c’est aujourd’hui davan-tage de l’habitat diffus que du lotissement et cela im-plique la dépendance automobile. Les premiersservices à apporter aux habitants de ces territoires doi-vent être accessibles par d’autres modes que la voiture :l’école, l’arrêt de transport en commun et l’alimenta-tion… C’est en développant un certain nombre de ser-vices de proximité que les problèmes de mobilitépeuvent, en partie, être résolus. L’école maintient desliens très locaux entre les gens. Se diffusent aussi desréseaux de distribution de proximité qui trouvent uneéconomie possible dans l’étalement urbain. Par ailleurs,les bus scolaires et les transports en commun com-mencent à accéder à ces territoires. On ne peut pas re-faire de l’urbain dans le périurbain, les densités et lesmoyens ne sont pas les mêmes. Cependant il y a des

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périphérie. Il faut traiter ces secteurs comme le reste de laville et l’ouvrir à la diversité. Il n’y a plus la voiture et les« modes alternatifs ». Il y a un système de mobilité avec demultiples offres: le train, les cars, la voiture seul ou en par-tage... Les trains doivent gagner en fréquence, les cars en vi-tesse. Ils peuvent avoir une performance proche du train, àcondition de ne pas multiplier les arrêts et de leur offrir descouloirs, là où il y a des difficultés de circulation. Les taxis,les covoitureurs pourront y accéder avec des systèmes decontrôles automatiques. L’urbanisme est un levier à moyenet long terme : développement urbain plus intense autourdes gares, agencement d’un réseau de marche et de vélosavec comme priorités, les gares et les collèges pour ciblerles déplacements vers le travail et les jeunes. Cinq kilomè-tres à vélo, vingt minutes de trajet, c’est acceptable à condi-tion d’avoir des itinéraires directs et sécurisés.

PLACE PUBLIQUE > À court terme, quelle idée pour avancer ?FRANÇOIS DE RUGY > Nous pouvons avancer vite sur le co-voiturage. L’idée est de renouveler complètement le prin-cipe de « l’autostop ». On utilise la force de la voiture etcelle du réseau routier pour faire du partage de trajet enmasse, sans investissement public ou coûts de fonction-nements subventionnés supplémentaires. Avec les aug-mentations attendues du prix des carburants, les espritsvont être de plus en plus ouverts à ces nouvelles habitudes.Comment passer à l’action ? Il faut réunir trois conditions :disposer d’un réseau de points stop, des garanties de sécu-rité et un système de paiement. Les gares, les points d’ar-rêts d’autocar et de bus, les aires de covoiturage deviennentdes « points stop ». Les covoitureurs et les covoiturés dis-posent d’une « carte intelligente » pour s’identifier. Lescovoitureurs s’équipent d’un boitier pour enregistrer lesinformations d’identité et les données bancaires pourpayer un prix connu à l’avance au titre de la participationaux frais de trajets. Les dispositifs technologiques existentpour le faire. Il manque deux choses importantes, une im-pulsion nationale pour créer un standard informatique departage de données et de cartes de covoiturage ; des règlesdu jeu pour organiser et encadrer le système et les tarifsde paiement. Attention, le covoiturage, ce n’est pas un ser-vice de taxi, ni un transport en commun. Cela doit resterun système d’initiatives individuelles non-commerciales.

PLACE PUBLIQUE > Le système des transports est organiséautour de quelques acteurs. Ne faudrait-il pas favoriserl’émergence d’une parole collective ?FRANÇOIS DE RUGY > Sans doute. Cela se fait. Le publicutilisateur des TER commence à exister et à se faire en-tendre dans les comités de ligne. Il y a du monde à ces

modifier leurs habitudes et à se couper de choses aux-quelles ils étaient connectés assez simplement avec desmodes possibles différents, alors les habitants sont capa-bles de se mobiliser. Mais encore faut-il que les projets,notamment routiers, sortent des placards. En général, leplus difficile est de rendre public des débats qui connec-tent projets de voiries et formes d’urbanisation, dans les-quels la voirie n’est pas seulement considérée commebesoin absolument vital ou comme une nuisance maxi-mum, mais comme une opportunité de refaire du lien,de créer des « spots » de services, voire de l’espace public.

François de Rugydéputé

« Renouveler le principe del’autostop »

François de Rugy est député de Loire-Atlantique, conseiller munici-pal d’Orvault, conseiller communautaire à Nantes Métropole

PLACE PUBLIQUE > Quelles solutions spécifiques propose-riez-vous pour les mobilités dans le périurbain ?FRANÇOIS DE RUGY > Jusqu’ici, on a traité le périurbain diffé-remment du reste de la ville. Nous avons considéré que lavoiture était centrale et le reste, un pis-aller. Résultat, la voi-ture est ultra-dominante. Les transports publics sont perfor-mants sur les axes radiaux mais les autres liaisons detransport sont faites pour les scolaires et les personnes ne dis-posant pas de voiture ou de permis de conduire. Le transportpublic interurbain à deux euros a dopé la fréquentationmais est un mauvais signal pour les populations car c’estune invitation à aller s’installer loin. Quant au vélo, c’est le« vélo-promenade ». La marche est devenue impossible. Iln’y a pas de trottoirs, pas d’accotements. Pourtant, les cou-ronnes sont des espaces à enjeu à ne pas négliger. La dé-mographie y est dynamique, l’emploi et le commerce sedéveloppent. 75 % du chiffre d’affaire commercial de l’ag-glomération nantaise est fait par les zones commerciales de

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ral des services subventionnés. Dans tous les autres do-maines, il y a un surcoût et dans le périurbain encoreplus, surcoût que les conseils généraux, pour des raisonsd’équité territoriale, assument pour beaucoup.

PLACE PUBLIQUE > Est-ce une réponse adaptée au périur-bain ? FRÉDÉRIC DE CONINCK > Les services à domicile sont plus fa-ciles à organiser dans les zones denses. Or le périurbainest une zone peu dense, ce qui augmente les coûts dedéplacement. Il y a une autre difficulté induite par lafaible densité, celle de trouver des salariés qui habitentdans ces zones, si l’on ne veut pas complètement dé-grader le budget de transport. De plus, un certain nom-bre de services repose sur un effet de club. La rentabilitéest fortement liée au nombre d’utilisateurs. Or en villeil y a plus de « volontaires » que dans le périurbain. Voilapourquoi la ville est la chance du périurbain. Si vousavez un service qui tourne bien en ville, vous pouvezl’étendre ensuite dans le périurbain ; mais ce n’est pasdans le périurbain qu’on commence…Le périurbain présente aussi l’intérêt de disposer de ré-seaux sociaux de proximité bien organisés. La plupartdu temps, les relations interpersonnelles sont plus in-tenses que dans les centres d’agglomération. Pour lespersonnes dépendantes, c’est dans les réseaux de soli-darité proches que l’on peut trouver la meilleure solu-tion. La téléalarme, par exemple, est reliée à un centrequi appelle les voisins, lesquelles se rendent ensuite audomicile de la personne.

PLACE PUBLIQUE > Quel sont les services les plus deman-dés par les habitants ? FRÉDÉRIC DE CONINCK > Aujourd’hui les gros consomma-teurs sont les personnes âgées et dépendantes. Elles sontde plus en plus nombreuses, en particulier dans le pé-riurbain. Le nombre des bénéficiaires de l’allocationpersonne âgée (Apa) a été multiplié par deux en huitans, pour les repas à domicile notamment. 95% des ac-tivités des associations que se déplacent sur ce type deterritoire concernent l’aide à personne dépendante etâgée. Pour les entreprises privées c’est un peu différent,on voit apparaître 20% de services « autres », approxi-mativement répartis entre 8% de soutien scolaire et13% d’assistance informatique, de jardinage. L’avenir est aux services mixtes, c’est-à-dire des services« rapprochés » et des services à domicile : par exemple,le portage de repas à domicile et l’ouverture des can-tines des maisons de retraite à ceux qui souhaitent veniry manger. Les marges de progression sont plus impor-

réunions. C’est précieux, cela permet de faire remonterles préoccupations des utilisateurs. Il y a souvent desréactions sur des dysfonctionnements, des changementsd’horaires…mais il y a aussi des gens qui viennent nousdire, les transports publics, je les prends tous les jours.Cette parole alternative n’est pas une parole négativemais une parole constructive.

Frédéric de Coninck chercheur

« L’avenir est aux services à domicile »

Frédéric de Coninck est directeur de recherches et professeur àl’école nationale des ponts et chaussées, directeur de l’école doc-torale Ville et environnement de l’université Paris Est.

PLACE PUBLIQUE > Le déplacement de « la ville à domi-cile » est-il une réponse aux problèmes de mobilité pé-riurbaine ?FRÉDÉRIC DE CONINCK > C’est une réponse à une partie desproblèmes de mobilité, ce n’est certainement pas une ré-ponse universelle. Quand on parle de services à domi-cile, il y a trois cas assez différents, certains plus adaptésau périurbain que d’autres. Premièrement les services dé-livrés via un réseau technique : Internet ou le téléphone,qui sont plus coûteux à déployer dans les zones peudenses. Deuxièmement les services qui impliquent le dé-placement de personnes jusqu’à chez vous, dans le cadred’une tournée : typiquement, c’est la livraison. Là aussi,ce sont des services plus chers dans le périurbain. Cesdeux types de services en zones denses ou moins densessont en croissance, surtout la livraison de colis, de 3 à 4%par an. Il y a un troisième service à domicile où un pres-tataire se déplace pour une intervention de longuedurée. Là se pose un autre problème : ce sont en géné-

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PLACE PUBLIQUE > Quelles sont les bonnes idées quiémergent dans le domaine des mobilités périurbaines ?GABRIEL PASSAT > Je crois qu’il ne faut pas attendre beau-coup de nouveautés concernant les solutions de mobi-lité, mais bien plus sur la façon dont on va prendre leproblème. En particulier, aucune idée « miracle » neva remplacer le système de mobilité actuel et nous per-mettre de fonctionner comme avant. Il faut arriver à co-concevoir des espaces innovants dans lesquels desoffreurs de solutions vont pouvoir répondre de façonsimple à la demande complexe d’utilisateurs pionniersqui auront participé à leur conception. Les innovationsà attendre portent donc sur :- la construction de bases de connaissances concernant- les besoins des utilisateurs ;- la rétribution des personnes qui vont alimenter cesbases de connaissances.On va vraisemblablement aller vers une explosion dessolutions de mobilité. Pour pouvoir les industrialiser, ilva falloir voir ce qui peut être mis en commun et ce quidoit être individualisé. Cela pose beaucoup de ques-tions, comme par exemple  : est-ce qu’il faut mettretoute l’intelligence dans les voitures ou plutôt dans lesservices qui gèrent les objets de mobilité ?

PLACE PUBLIQUE > Quels sont les leviers à actionner pourfaire évoluer la situation dans ces territoires ?GABRIEL PASSAT > Le premier levier est la création de don-nées et pour cela il va falloir mutualiser, partager y com-pris des données jugées stratégiques. Le deuxième est celuide la gouvernance. Les territoires de déplacement n’ontpas les frontières des territoires politiques. Pour concevoirde nouveaux systèmes adaptés, il va falloir rassembler lescollectivités, les acteurs économiques et les citoyens.Enfin, les territoires doivent être prêts à expérimenter. Celaimplique des élus créant des conditions favorables, des ac-teurs économiques ouverts et des citoyens préparés.

PLACE PUBLIQUE > Quelles seraient les suites à donner auconcours d’idée « ça bouge dans le périurbain » ?GABRIEL PASSAT > Vous pourriez imaginer, à l’instar dece que fait General Electric à travers « ecomagination »ou Pepsi via « Refreseverything », un système collabo-ratif où les participants proposent des solutions inno-vantes qui sont soumises au vote. Les solutions recevantle plus de votes sont soutenues par l’entreprise parte-naire. Dans votre cas, il faudrait peut-être un systèmehybride qui permettrait d’enrichir et compléter collec-tivement les idées proposées…http://transportsdufutur.typepad.fr/blog

tantes à partir de services mixtes pour lesquels on peutimaginer des implantations disséminées dans le périur-bain, en utilisant des locaux déjà existants.À lire : Leslie Belton et Frédéric de Coninck, Ville àdomicile, Cahier n°1, décembre 2011

Gabriel Plassatingénieur

« On va vers une explosion desolutions de mobilité »

Gabriel Plassat est ingénieur « énergies et prospectives », serviceTransports et mobilités à l’Ademe (l’Agence de l’environnement etde la maîtrise de l’énergie).

PLACE PUBLIQUE > La mobilité dans le périurbain est-elleun enjeu pour l’Ademe ?GABRIEL PASSAT > Les enjeux sont incontestablement per-çus comme très importants mais les programmes de re-cherche sont encore insuffisants. Aujourd’hui l’urbainconcentre les enjeux politiques. Par ailleurs, les acteurséconomiques y développent plus facilement des modèlesd’affaires rentables. On pourrait imaginer de commencerpar développer des solutions dans l’urbain pour les éten-dre ensuite au périurbain, mais ça n’est vraisemblable-ment pas le bon mode opératoire. Dans les territoirespériurbains, si l’automobile domine, c’est qu’elle est lemode de transport le plus adapté et, ayant plusieurs lon-gueurs d’avance, elle est difficile à déloger. Le danger,c’est qu’un certain nombre de ces territoires cumulentaujourd’hui une forte dépendance à l’automobile et unefragilité financière. C’est pour cette raison que l’Ademea élargi l’Observatoire de la précarité énergétique, histo-riquement centré sur le bâtiment, à la problématique destransports. Car pour agir et développer de nouveaux ou-tils à destination des citoyens, des collectivités et de l’Etat,il faut d’abord savoir de quoi on parle.

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# 3Explorations périurbaines

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Pour une nouvelle « politique du périurbain » Laurent Cailly

largement plébiscité par les ménages. Et si le périurbain ré-sistait à la crise tant annoncée de l’automobile ? Et s’ils’agissait, plutôt que de vouloir en finir avec lui, d’opérer unerévolution des mobilités et de l’urbanisme dans le périur-bain ? Avant d’envisager des instruments de régulationadaptés, et espérer infléchir le cours des choses, il est im-pératif de bien connaître les modes d’habiter périurbains,leurs caractéristiques et leurs facteurs de complexité.

Le « pack périurbain »Il existe, en périurbain, de fortes spécificités dans les

manières de vivre et de se déplacer, en lien avec la placeque prend l’automobile. Ce « pack » se résume àquelques figures qui pourraient alimenter la réflexionprospective. Tout d’abord, les périurbains se distinguentpar une forte mobilité quotidienne : les distances par-courues sont en moyenne deux fois plus élevées dansla première couronne et trois plus élevées dans le pé-riurbain lointain que dans la ville-centre. Cette sur-mo-bilité apparaît comme une adaptation au contexted’habitat. Résidant dans un espace peu dense et maldoté en équipements, la mobilité permet aux habitantsde reconstituer l’urbanité qu’ils perdent en quittant laville-centre. Les enquêtes auprès des ménages montrentque la mobilité est une norme intériorisée, mais aussi leprix à payer pour gagner en confort résidentiel ; unecondition de la vie périurbaine qui exclut les ménagesqui en sont dépourvus.

Sans surprise, la quasi-totalité des ménages périur-bains sont motorisés. Un ménage sur deux possède 2voitures ou plus. Les déplacements automobiles repré-sentent plus de 80 % des distances parcourues contre65 % dans les ville-centres. La voiture offre une rapi-

Laurent Cailly est maître de Conférences à l’Université Fran-çois-Rabelais de Tours, UMR CITERES 6173

Le périurbain est, par excellence, le territoire de l’au-tomobile. En effet, depuis les années 1970, la motorisa-tion des ménages, le développement des infrastructuresroutières et l’augmentation vertigineuse des vitesses de dé-placements ont considérablement élargi l’horizon rési-dentiel des ménages et rendu possible l’installation à lacampagne, proche d’une agglomération. Au sein des cou-ronnes périurbaines, l’automobile marque fortement lespaysages – lotissements, zones d’activités spécialisées, voiesrapides – tout comme les modes de vie. La voiture, forte-ment privilégiée par les ménages, offre une grande libertéde mouvement et une commodité d’accès aux ressourcesurbaines.

Pourtant, alors que la périurbanisation prospère tou-jours, l’avenir de l’auto s’assombrit. La mobilité périur-baine est accusée de nombreux maux : insécuritéroutière, nuisances sonores, encombrements, pollutionatmosphérique, contribution significative au réchauf-fement climatique. En outre, elle est entièrement dé-pendante d’une énergie fossile dont le coût ne cessed’augmenter et dont l’épuisement est assuré à moyenterme. Pour ces raisons, le périurbain et l’automobileapparaissent, dans le champ de l’urbanisme et de l’amé-nagement, comme les deux faces d’un même problème.La recette paraît simple : pour en finir avec l’auto, ilsuffirait d’en finir avec le périurbain, ou réciproque-ment. Mais, est-si simple ? Est-ce même souhaitable ?

L’histoire urbaine du 20e siècle nous enseigne que le mo-dèle résidentiel périurbain s’inscrit dans la longue durée etpréexistait à l’automobile. Il se trouve encore aujourd’hui

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vie proxémique ? L’organisation polycentrique des modesde vie périurbains apporte, à ce propos, des élémentsde réflexion nouveaux : la multiplication et le renfor-cement des centres suburbains et périurbains, qui ac-compagnent avec retardement le processusd’exurbanisation résidentielle, permet aux acteurs decomposer davantage et de vivre de manière plus auto-nome en périurbain : ne sont-ils pas à même de resser-rer les déplacements et de re-territorialiser les modesde vie ?

Enfin, la propension des périurbains à déployer leursdéplacements à différentes échelles (commune, inter-communalité périurbaine, aire urbaine) oblige à penserl’évolution des systèmes de déplacements à chaque es-pace de référence, mais aussi à penser l’interconnexionentre les différents niveaux. La concentration des pra-tiques spatiales dans un secteur de l’aire urbaine qui as-socie, généralement, la campagne résidentielle, une ouplusieurs centralités suburbaines, et parfois le cœur del’agglomération, ouvre également des interrogation surles périmètres de coopération retenus pour aménagerles périphéries urbaines : est-on capable de constituer desterritoires de projet qui n’opposent plus le cœur d’ag-glomération et les périphéries urbaines mais valorisentles complémentarités et les articulations ? Ceci rejointla nécessité de favoriser les coopérations interterrito-riales, d’abord en suivant une logique d’axe ou de qua-drant.

Ces figures idéal-typiques de l’habiter périurbainsont à prendre tout à fait au sérieux pour questionnerl’avenir des mobilités périurbaines. Elles occultent tou-tefois plusieurs éléments de complexité.

Des modes d’habiter périurbains très diversPremier élément de complexité. Au-delà du modèle

dominant précédemment décrit, les modes d’habiterpériurbains sont particulièrement différenciés. On peutidentifier trois principaux archétypes. Les « reclus » (en-viron 25 % de la population) se distinguent par une trèsfaible mobilité hors-travail et par un investissement im-portant du logement. Celui-ci constitue un refuge du-quel ils sortent difficilement. Cette immobilité procèdeparfois d’un manque de moyens (faibles revenus, han-dicap, vieillissement) mais aussi d’un système d’appé-tences marqué par le goût des travaux domestiques

dité, une souplesse et une liberté dans les déplacements,et constitue un espace quasi-privatif au niveau de confortinégalé. Elle apparaît particulièrement adaptée aux dé-placements des familles, très nombreuses dans le pé-riurbain. A revers, les transports collectifs sont peudéveloppés en zone périurbaine, peu rentables et peu ef-ficaces, mal connus des habitants et réservés aux per-sonnes captives (ménages pauvres, adolescents). Ceséléments constituent autant d’obstacles aux change-ments de comportement.

Les périurbains sous-estiment par ailleurs les effets deleur choix modal sur leurs modes de vie. Une large ma-jorité d’entre eux évitent le cœur de l’agglomération,en raison des problèmes de circulation qu’ils disent yrencontrer. Dans ce cas, l’automobile suscite des idéo-logies anti-urbaines. A revers, ils valorisent préféren-tiellement les nouvelles centralités périphériques, dotéesd’une meilleure accessibilité. Ils tendent également à or-ganiser leurs parcours quotidiens en boucle et à ratio-naliser leurs pratiques, par exemple en incluant desactivités sur la route de leur travail, pour ne plus avoir àressortir une fois rentré chez eux. Ce mode de vie induitune forte programmation des déplacements à l’échellede la journée comme de la semaine, renforcée lorsqu’ilfaut intégrer l’accompagnement des enfants, et laissemoins de place à l’imprévu. Cette logique d’optimisationet de programmation des déplacements est à prendreen considération pour transformer la mobilité périur-baine : comment préserver la rapidité et la fiabilité desdéplacements – leur chainage – tout en diversifiant lesmodes ? Quels moyens mettre en place pour permettreà la vie périurbaine de se « détendre » et de se dépro-grammer ?

Les périurbains tendent à organiser leur espace devie sous la forme d’un réseau qui relie, par des fils au-tomobiles, des lieux de vie disjoints, éloignés les unsdes autres, séparés par des espaces faiblement identi-fiés. Cette forme réticulaire permet de rendre contigusdes lieux éclatés et de recréer, par la mobilité, de laproximité. Ce mode d’organisation a ses avantages : il in-vite les périurbains au zapping territorial et augmenteleur capacité de choix. Mais il soulève une question detaille : peut-on préserver cette territorialité en réseau –et la liberté spatiale qu’elle permet – sans recourir autantà la voiture ? Ou faut-il remettre en cause ce mode d’ha-biter en travaillant au redéploiement d’un espace de

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biles appartiennent essentiellementaux catégories supérieures. Ce cli-vage recoupe des rapports à la ville-centre fort disparates, distanciés pourles uns, plus positifs pour les autres.Cette différenciation sociale desmodes d’habiter explique que lescommunes éloignées, plus modestesque les premières couronnes, sontdavantage marquées par l’ancrageet le repli. Ce périurbain lointainpeut sembler pathogène : des mé-nages peu fortunés, ne disposant pasnécessairement de deux voitures, ysont exposés à de longs déplace-ments. Cette hyper-mobilité,contrainte et onéreuse, y rend lemode de vie éreintant et vient sou-vent ternir le rêve d’accession. Elle

entache la mobilité choisie (loisirs, week-ends, vacances),plutôt faible. Les femmes, a fortiori lorsqu’elles ne tra-vaillent pas, subissent beaucoup plus fortement queleurs maris les effets de l’enclavement : elles se retrou-vent chez elles, relativement isolées, parfois sans voi-ture et ressentent une désocialisation. Toutefois, toutesles figures de ce périurbain lointain ne sont pas celles dela souffrance. La trajectoire résidentielle explique laplus ou moins bonne perception de la mobilité ou del’immobilité, notamment selon que la personne estd’origine rurale ou urbaine, ou désormais native du pé-riurbain.

A l’intérieur d’une même famille, les profils de mo-bilité sont tout aussi différenciés. L’âge induit des pro-blématiques spécifiques. Les enfants présententgénéralement une territorialité locale, centrée sur lacommune de résidence. Leurs pratiques spatiales sonttrès encadrées, assurées par les parents (souvent les ma-mans), en automobile. En l’absence de trottoirs, depistes cyclables ou d’éclairages, il est difficile de les lais-ser circuler seuls. Favoriser et sécuriser les déplacementsà l’intérieur des communes périurbaines permettraientsans doute de développer leur autonomie. La captivitéest plus problématique à l’adolescence : le désir de mo-bilité autonome et d’accès au centre ville est souventcontrarié par la difficulté à se déplacer seul : les ado-lescents dépendent de transports collectifs aux horaires

(ménage, décoration, bricolage, jardinage). Dans cer-tains cas, elle traduit un réflexe défensif. Les « villa-geois » (environ 45 % de la population) investissentbeaucoup leurs logements mais n’y vivent pas repliés.Leur mobilité, parfois forte, s’inscrit localement, autourdu domicile. Le cœur de l’agglomération est évité. Lesactivités, les relations sociales, mais aussi l’attachementau lieu s’ancre dans un bassin de vie essentiellementpériurbain. Cette figure, comme la précédente, inter-pelle nos représentations du territoire : les périphéries nedoivent-elles pas être aménagées à partir et d’abord pourelle-même, suivant une vision moins urbano-centrée ?Enfin, les « métropolitains » (environ 30 % des périur-bains) se distinguent par une mobilité intense. Celle-ci se réalise, pour une bonne part, à l’échelle de l’aireurbaine dont ils valorisent un grand nombre de res-sources. Ils ont une plus grande capacité à articulertoutes les échelles (du logement au vaste monde) etleur espace de vie tient à la fois du rhizome et de l’ar-chipel, incluant des formes locales de territorialisation.Ces divers catégories d’habitants n’ont pas les mêmesattentes, les mêmes besoins ni la même vision de leur es-pace de vie. Cette diversité doit être prise en considé-ration pour penser et agir sur les mobilités périurbaines.

L’appartenance sociale constitue une variable clé.Les reclus et les villageois se trouvent principalementchez les ménages modestes. A l’inverse, les plus mo-

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masse, devant laquelle le politique sera tout simplementdébordé. L’observation des ménages modestes, d’oreset déjà en situation de vulnérabilité, donne toutefois ducrédit à un scénario moins sombre.

Plutôt que de remettre en question leurs choix d’habi-tat, ces derniers sont désormais dans une stratégie d’adap-tation face aux contraintes accrues de mobilité. D’unepart, ils recourent de plus en plus à des tiers pour se dé-placer : voisins, amis, famille, collègues. D’autre part, ils gè-rent la contrainte en adaptant leurs systèmes de mobilité :diminution des loisirs, rapprochement des lieux d’achat,relocalisation de l’emploi si possible, économie sur d’autrespostes budgétaires. Pour ces captifs, qui pourraient êtreplus nombreux demain, l’action des pouvoirs publics est dé-terminante : le développement volontaire des commerces,des équipements collectifs et de l’emploi dans les com-munes périurbaines, à l’appui des dynamiques déjà à l’œu-vre, pourrait abaisser leur niveau de dépendanceautomobile et leur permettre de reconstituer un espacede proximité. L’autonomisation des territoires périurbainsconstituent, ainsi, un enjeu considérable, notamment pourles intercommunalités périurbaines qui exercent déjà en lamatière un rôle prépondérant.

Cet objectif n’est pas contradictoire avec la néces-sité d’optimiser l’accès aux espaces agglomérés. Ce n’estpas parce qu’ils habitent, et parfois travaillent en péri-phérie, que les ménages n’éprouvent pas le désir – lesamedi par exemple – de fréquenter le cœur l’agglo-mération. Favoriser cet accès, en privilégiant l’inter-modalité, devrait participer du droit des périurbains à laville.

Au final, le périurbain constitue un espace convoitéet apprécié des ménages, y compris des ménages mo-destes exposés à de fortes contraintes de vie. Il constitueun bon compromis entre le confort résidentiel, le prix dulogement et l’accessibilité aux ressources urbaines. Ilest urgent de prendre ce constat au sérieux et d’engagerdes politiques périurbaines qui invitent les ménages à selocaliser dans des noyaux assez denses pour être bienpourvus en équipements et en offre de mobilité, sansverser dans une urbanisation massive à même de gâ-cher leur idéal résidentiel. Équation difficile mais pas im-possible. Les ménages nous invitent à une « politique dupériurbain » : saurons-nous relever ce défi ?

contraignants ou bien sont soumis aux bons vouloirs ouau contrôle de leurs parents. L’accès des adolescentsaux espaces de récréatifs que constituent les nouvellescentralités commerciales ou les cœurs de ville gagneraità être amélioré. L’avancée en âge constitue égalementune problématique vive : les premières couronnes pé-riurbaines connaissent un vieillissement alors que lamajorité des personnes aspirent à vieillir en périurbain.Avec l’abaissement des capacités physiques, l’espace devie se rétracte, par seuil, jusqu’au repli complet sur l’es-pace du logement. La question de l’accès aux servicesfondamentaux, notamment aux soins, et l’accompagne -ment dans les déplacements, constitue alors un enjeuconsidérable.

La question du genre n’est pas non plus anecdotique.Les enquêtes montrent qu’il existe, entre hommes etfemmes, une division spatiale du travail. Les femmestravaillent moins et plus proche que leurs maris. Encontrepartie, elles assument davantage la mobilité liéeà la gestion de la famille. Elles sont très nombreuses à nepas travailler le mercredi et à se convertir en maman-taxi,réalisant parfois jusqu’à dix déplacements et 150 km ! Dece fait, les mères ont souvent une mobilité locale plusimportante que leurs maris, mais aussi un rapport à lamobilité nettement plus contraint. Comment limiterles déplacements subis (courses, activités des enfants,formalités) qui entravent d’autres formes de mobilités oud’engagement personnel ?

Les enjeux de mobilité ne sont donc pas minces. Ilsinvitent à prendre en considération une demande so-ciale particulièrement différenciée.

Quel avenir pour la mobilité périurbaine ? Comment les ménages périurbains réagissent-ils au

contexte « post-grenelle » et à la nouvelle donne éner-gétique ? Pour l’instant, ils se sentent culpabilisés dansleurs modes de vie sans que l’injonction du « dévelop-pement urbain durable » ne remette en cause leur ma-nière de se déplacer. Malgré l’augmentation du prix del’essence, ils sous-estiment toujours le coût de leur mo-bilité et sont prêts à dépenser beaucoup pour satisfaireleur projet résidentiel. L’automobile semble toujoursune source de liberté, une condition de l’accomplisse-ment personnel et familial. Jusqu’à quand ? Un scéna-rio noir n’est pas à exclure : la périurbanisation, portéepar les masses, pourrait engendrer une crise spatiale de

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Hausse du prix des carburants : les ménages « vulnérables »

Damien VERRY et Florian VANCO chercheurs au Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urba-

nisme et les constructions publiques (Certu)

contraints, plus de 20 km par jour. Cette croissance de lademande en transport, expliquée notamment par unecroissance économique et un étalement urbain, nous aconduit dans une situation de « dépendance automo-bile ». Ce phénomène déjà bien connu et analysé ex-plique comment le système automobile est devenu unélément central de la vie quotidienne des français etpourquoi la mobilité individuelle n’a cessé de croître audelà de simples choix individuels.

A contrario, pour la première fois la hausse des prixdes carburants depuis 2000 coïncide avec une stagnationdes niveaux de mobilité qui sont même en légère di-minution depuis 2004. Cette baisse de la mobilité au-tomobile est surtout marquée dans le centre des grandesagglomérations où une partie des ménages utilisentd’avantage des modes alternatifs à la voiture solo. Dansles autres territoires, les distances parcourues en voi-tures particulières continuent de croître. Dans le mêmetemps, les enquêtes budgets des familles de l’Insee nousapprennent que les dépenses des français en transportsont en moyenne assez stables depuis plusieurs décen-nies et comprises entre 14 et 16% des revenus. Cette sta-bilité de la moyenne des dépenses, alors que certainsménages dépensent moins, signifient qu’une partie desménages dépensent de plus en plus pour se déplacer. Atel point que l’équilibre fondé sur des coûts des dépla-cements abordables permettant d’acheter un logementavec une bonne accessibilité grace à la multimotorisationet des distances en voitures toujours plus grandes risque

Une hausse inéluctable des prix des carburants synonyme de baisse de la mobilité ?

« L’augmentation ininterrompue de la demandepour les transports et des coûts d’exploration-produc-tion confirme que l’ère du pétrole bon marché toucheà sa fin » (AIE, 2011). Les prévisions de l’Agence inter-nationale de l’énergie ne laissent peu de doute sur lerenchérissement à venir des hydrocarbures. Même sides nouveaux gisements sont découverts et d’autresformes d’énergies fossiles exploitées, sables bitumineux,gaz des schismes notamment, la production quoti-dienne de barils ne pourra croître au rythme de la de-mande mondiale prévue. Si les progrès en termesd’éco-efficacité arrivent à limiter la demande de pétroledans les pays de l’OCDE, celle ci augmentera de ma-nière continue et importante dans toutes les autres par-ties du monde.

Ce renchérissement va mécaniquement se traduirepar une hausse des prix à la pompe. Si la France a déjàconnu des augmentations importantes des prix des car-burants, notamment lors des précédents chocs pétro-liers, et si en euros constants les prix à la pompe n’ont pasatteint les records de la fin des années 70, la situationactuelle des ménages en termes de mobilité est bien dif-férente. Jusque dans les années 80, les classes françaisesmoyennes possédaient une seule voiture, au sein d’unemême famille, la multimodalité1 au sein d’une familleétait la norme. Aujourd’hui, plus de 4 ménages sur 5sont motorisés, chaque français roule plus de 12 000 kmpar an, et si on considère uniquement la mobilité quo-tidienne et locale, essentiellement des déplacements

1. Jusqu’aux années 80, moins d’une femme sur deux avait le permis de conduire. Lamajeur partie des familles utilisait plusieurs modes de déplacements dans leur vie quo-tidienne. L’organisation urbaine permettait cette multimodalité.

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lyonnaise de 2006, on compte 144 000 ménages vul-nérables (17,3 % de la totalité des ménages) dont 77 000de ménages modestes, appartenant au premier tercilede revenu (9,2 %). Sans surprise, le phénomène s’ag-grave à mesure que l’on s’éloigne du centre, avec tou-tefois un fort contraste est-ouest, révélateur de larépartition des revenus au sein de l’agglomération.

Les dépenses de carburant ont été calculées avec lestarifs de carburant en vigueur à la date de 2006, c’est-à-dire avant la forte inflation des prix du pétrole de juillet2008. A titre indicatif, en supposant la mobilité in-changée en 2008, et en appliquant les tarifs les plus éle-vés de cette année là, 24 400 ménages supplémentairessont passés à l’état de vulnérabilité (+16,6 %), parmilesquels 7 100 ménages modestes (+9,2 %). Cette crois-sance s’est faite essentiellement en périphérie. La plusforte croissance relative des ménages vulnérables parrapport aux modestes montre que les classes moyennes(deuxième tercile) risquent d’être de plus en plus concer-nées par l’augmentation continue des prix du pétroleà l’avenir. Si à long terme, il devait y avoir un double-ment du prix de l’essence, nos calculs montrent quetoutes choses égales par ailleurs le nombre de ménagesà risque de vulnérabilité augmenterait de 50 %.

Les ménages vulnérables : principalement des fa-milles d’actifs issues de classes moyennes, localisées enzone péri-urbaine avec des contraintes de revenus etde mobilité plus fortes que les autres

Il ressort sans surprise que ce sont en moyenne desménages plus « pauvres » et plus « mobiles » qui ris-quent le plus d’être vulnérables à une hausse des prix descarburants. Ainsi, les ménages potentiellement vulné-rables ont un revenu par unité de consommation envi-ron 25% plus faible que le revenu moyen surl’agglomération, et chacun de leur véhicule parcourten moyenne 75% de kilomètres en plus que ceux del’ensemble de la population. Le tableau 1 reprend lesprincipales caractéristiques de ces ménages vulnérablesen comparaison des résultats moyens sur la populationtotale.

de se transformer en piège pour un certains nombres defamilles. Pour garder leur mode de vie, de nombreuxménages ont déjà du accepter de voir leurs dépensescontraintes augmenter.

Tout laisse à penser que cette fois ci, les futureshausses des prix de carburant pourraient conduire à fra-giliser de nombreux ménages que nous nommerons icicomme potentiellement « vulnérables ».

Près de 20% des ménages en situation de vulnérabilitépotentielle dans les grandes agglomérations françaises

Pour tenter de donner une mesure à ce phénomène,nous proposons d’analyser un indicateur qui mesure letaux d’effort des ménages pour leur mobilité urbaineet quotidienne. Il résulte du rapport entre les dépensesde mobilité annuelles tous modes (voiture, 2 roues,transports collectifs) et le revenu annuel disponible.Cette indicateur a été calculé sur les aires urbaines deBordeaux, Grenoble, Lyon, Lille, Marseille et Paris àl’aide des données de mobilité issues des enquêtes mé-nages déplacements (méthode Certu) complété par desinformations sur les revenus et dépenses des ménages.2

Ainsi, on parvient à déterminer pour un nombre repré-sentatif de ménage d’une aire urbaine la part du revenuconsacré aux déplacements quotidiens.L’analyse de la distribution de cet indicateur montrequ’en moyenne, les ménages consacrent entre 9 et 10%de leur revenu pour se déplacer dans leur agglomération.Surtout, au dessus d’un certain seuil, la part des dé-penses consacrées aux transports croit très fortementce qui signifie qu’au-delà d’un certain seuil de dépensesles ménages doivent adapter leur stratégie et leur com-portement de mobilité, et qu’il existe par ailleurs desdifférences de contraintes suivant les agglomérations.Notre analyse nous a amené à proposer la valeur de18% comme seuil de vulnérabilité potentielle. D’unpoint de vue absolu, cette valeur correspond à la limiteau dessus de laquelle les dépenses estimées commencentà croître très rapidement sur les villes enquêtées. D’unpoint de vue relatif, ce seuil coïncide au double de la dé-pense moyenne des ménages pour leur mobilité localeet quotidienne. L’analyse plus précise du cas lyonnais permet de mieuxcomprendre cette fragilité potentielle.

Sur l’ensemble du périmètre de l’enquête ménages

2. Il s’agit pour l’essentiel de l’Enquête Budget des Familles effectuée par l’INSEEtous les 5 ans (2005) et de la base des revenus fiscaux des ménages (Direction Géné-rale des Impôts).

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vantage touchés car ils sont soumis à une mobilité pluscontrainte, avec des déplacements domicile-travail pluslongs que les autres et plus souvent dépendants de l’au-tomobile. Ainsi, parmi les ménages sans actif, 11,3 %sont vulnérables tandis que ces pourcentages montent à15,6 % et 20,1 % respectivement pour les ménages àun actif et à deux actifs ou plus. Parmi les ménages avecactif, les catégories socioprofessionnelles les plus expo-sées sont les agriculteurs et les ouvriers, alors que lesprofessions libérales et les cadres présentent un risquemoindre d’être vulnérables (revenus plus élevés).

D’autre part la taille du ménage joue très fortement.Ainsi, les personnes seules, qui représentent 30% desménages, ne constituent que 16% des ménages vulné-rables. Par contre, les couples avec un enfant et deux en-fants et plus ont respectivement 17,8% et 28,7% derisque d’être vulnérables, alors qu’ils représentent 11,5%et 19,8% de la population des ménages. Décorrélé deseffets de localisation et de revenu, ce facteur reste trèsprégnant puisqu’à revenu et localisation équivalents,l’exposition des ménages de grande taille reste plus im-portante. Ainsi notamment, au sein des ménages mo-destes de deuxième couronne et de périphérie, le risqued’être potentiellement vulnérable est de 12,9 % pourles ménages d’une personne et il s’élève à 31,7 % et25,3 % pour les couples avec un enfant et deux enfantsou plus.

Droit à la mobilité, transition énergétique :un double enjeu à concilier S’il apparaît souhaitable d’anticiper la hausse des

prix des carburants en faisant émerger des offres de trans-ports alternatifs (covoiturage, transports collectifs dequalité, voiture libre service, transport à la demande…)et en limitant l’usage de la voiture individuelle tradi-tionnelle (taxe carbone, péage urbain, ZAPA, véhiculesélectriques..), cette transition ne doit pas se faire au dé-triment du droit à la mobilité d’une frange importantede la population. La hausse des dépenses contraintestelles que celles consacrées aux déplacements quoti-diens donne l’impression à certains ménages d’être « pié-gés ». Ce sentiment peut conduire à la peur d’undéclassement social rendant les changements néces-saires encore plus difficiles à mener. Il est dès lors né-cessaire d’apporter collectivement des réponses concrèteset positives à ces ménages. La démarche succinctement

Tout d’abord, la localisation résidentielle et notam-ment la distance au centre joue un rôle explicatif es-sentiel dans ces distances parcourues. Pour en rendrecompte, un découpage concentrique de l’aggloméra-tion a été réalisé, distinguant Lyon et Villeurbanne entant que centre de l’agglomération, une première cou-ronne constituée des communes limitrophes, unedeuxième couronne comprenant le reste de la Com-munauté Urbaine du Grand Lyon et enfin une péri-phérie périurbaine reprenant le reste du périmètreenquêté.

De fait, comme le montre le tableau 1, la grandemajorité des ménages avec un taux d’effort supérieur à18% se situe en deuxième couronne et en périurbain(65%, alors que ces zones périphériques contiennent49% de la population de l’aire d’étude). Ils possèdentdes revenus moins élevés que la moyenne (respective-ment 16 000 euros par UC contre 20 000), une mobilitéautomobile élevée et des budgets distances en voitureparticulière importants. Par conséquent, leurs dépensesen carburant sont importantes et représentent près de7 % de leur revenu global. Le surcroît de distance par-courue par ces ménages vulnérables peut notamments’expliquer par l’éloignement du domicile au lieu d’em-ploi. Au final, en couronne périurbaine, les ménagesvulnérables ont un taux d’effort moyen de 25%, ce quiest considérable.

La première couronne ne contient que 13 % des mé-nages potentiellement vulnérables de la population to-tale. Cela peut être surprenant quand on sait quecertaines communes de première couronne sont parmiles plus pauvres du périmètre d’étude (Vénissieux, Vaulx-en-Velin). Cependant, les ménages modestes de pre-mière couronne sont souvent non motorisés etbénéficient généralement d’une accessibilité en trans-ports collectifs, ce qui leur permet de se déplacer àmoindre coût. Des observations similaires peuvent êtrefaites pour les ménages centraux qui seront moins sen-sibles à une hausse des prix de l’énergie.

Cependant, au delà du cadre de ces donnéesmoyennes par couronne, nous constatons que d’autresfacteurs que la localisation et le revenu jouent sur lerisque de vulnérabilité. D’une part, les actifs sont da-

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présentée ici fournit des outils pour obtenir un diag-nostic de cette vulnérabilité. Cette étape est utile pourcibler les actions à mener et faciliter la pédagogie né-cessaire à l’entrée dans un monde où l’énergie sera pluschère. La bonne nouvelle est qu’une bonne partie desvilles européennes, de part leurs histoires et la relative fai-ble pression démographique à venir, ont de nombreuxatouts pour réussir cette transition sans rupture socialemajeure si tant est que le sujet prenne place dans lesdébats à venir.

Centre 1re couronne 2e couronne Périurbain Ensemble

Répartition de la population Pop. vulnérable 22 13 36 29 100%

(%) Pop. totale 36 15 30 19 100%

Revenu par UC Pop. vulnérable 13 401 14 110 16 212 15 925 15 248

(euros 2006/an) Pop. totale 21 592 18 729 21 327 19 503 20 682

Budget carburant Pop. vulnérable 5,3 % 5,4 % 7,1 % 7 % 6,5%

(% revenu) Pop. totale 1,3 % 2,1 % 3,2 % 3,3 % 2,3 %

Budget auto hors carburant Pop. vulnérable 19,2% 16,2% 15,7% 16,2% 16,7%

(% revenu) Pop. totale 6,1% 7,4% 8,7% 10,0% 7,6%

Budget autres modes Pop. vulnérable 2,1% 2,7% 2,4% 1,5% 2,1%

(% revenu) Pop. totale 0,9% 0,9% 0,6% 0,6% 0,8%

Tableau 1 : Caractéristiques des ménages vulnérables sur l’agglomération de Lyon. Source : Traitement auteurs à partir de l’EMD Lyon 2006

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Périurbain: choix de vie, choix de ville… ?

Philippe Segretain

tour des villes et des bourgs, et au prix très compétitif dela création ou de la transformation d’une maison indi-viduelle. Pour autant ce succès repose sur deux postu-lats : le peu de valeur qu’une géographie généreuse asouvent attribué chez nous à l’espace, et le peu de va-leur, découverte récente, attribuée à l’énergie fossile,et partant, le coût modéré de chacun de ces multiplestrajets quotidiens en véhicule individuel qui structurentla vie d’une famille périurbaine.

L’articulation entre un choix individuel quotidien dumode de transport, et une décision collective à longterme sur l’organisation de l’espace apparait comme unsujet majeur pour qui aime l’urbanité et la nature. C’estce lien que je voudrais revisiter.

Du zonage, de l’ubiquité et de l’urbanitéLe succès des quartiers pavillonnaires se complète de

la croissance des zones spécialisées : zones commer-ciales autour de l’espace du stationnement, zones arti-sanales, services publics à la localisation triviale (aucarrefour de trois voies) au nom de l’accessibilité… LaCharte d’Athènes a fait école autour de nos villes plus ef-ficacement qu’à Brasilia, car c’est le marché, plus que larégulation, qui l’a imposée. Et le centre-ville, s’il est dequalité, a un bel avenir comme musée. Deux généra-tions viennent de consommer plus d’espace naturelque ne l’avaient jamais fait nos prédécesseurs, moinspar une extension urbaine tentaculaire, que par unerupture3 : le 19e siècle avait entouré de nombreusesvilles de ces faubourgs, quartiers denses d’habitation le

Philippe Segretain fut PDG de Transdev de 1998 à 2008 et pré-sident du CA d’Egis de 2005 à 2010. Ancien président de l’Uniondes transports publics et du comité européen de l’Union inter-nationale des transports publics.

Au secours Cézanne, ils ont loti la nature !Auvers-sur-Oise : les ruelles en pente et les façades

claires prolongeaient les lignes du bocage et le damierdes terres cultivées ; et l’axe des toitures disait le ventdominant et la course du soleil. À quelques centaines dekilomètres de chemin de fer et trois changements detrain de là, les dernières maisons d’Aix en Provencerépondaient de leurs rectangles ocres aux à plats an-guleux de la Sainte Victoire1. Un village de l’Ile deFrance, la limite d’une ville provençale : dans les deuxcas les traits et les couleurs d’un premier plan bâti etceux d’un arrière-plan campagnard  dialoguent sur latoile de Paul Cézanne. Un contraste net entre l’espaceconstruit et l’espace naturel qui est plus rare aujourd’hui,sauf dans les zones protégées, comme si la maison, ce pa-trimoine familial, était devenu l’agresseur du patrimoinenational. Car vint le lotissement, qui ceinture nos cam-pagnes et lie nos villes, sans plus savoir d’où vient levent et que protège le bocage.

Ce lotissement est dessiné autour de deux libertésmajeures et respectables : celle de posséder une maisonindividuelle et un espace vert, c’est la distance au voisinqui crée l’intimité, et celle d’aller et venir, grâce à lamotorisation individuelle, sur une voirie qui permette devirer, se dépasser, se garer, et de laisser le passage aux se-cours. Le succès même de la formule, succès com-mercial, et succès politique de POS en PLU dit assez saparfaite adéquation à nos rêves et à nos moyens2.Cesuccès est lié au prix faible de la création de foncier au-

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1. Exposition « Cézanne et Paris » Musée du Luxembourg, 10.2011/02.2012, et parexemple, « Vue Panoramique d’Auvers sur Oise, 1873/74, Art Institute of Chicago .Ca-talogue : Editions de la Rmn-Grand Palais 20112. Jean Paul Lacaze, « Habiter une maison est-ce un péché ? » Urbanisme, Mai/juin 2011

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rents âges de la vie, et le marché du logement permet-tant des relocalisations opportunistes est rarement par-fait. Il pourra y avoir des mouvements de populationentre le centre et la périphérie réussis, mais notre criseimmobilière à nous, l’éventuel krach dans les prix del’immobilier dispersé, pourra venir aussi de l’inadap-tation de certains quartiers au vieillissement de la po-pulation.

Cette nécessaire évolution dans le rapport de l’habitantet de sa ville ne se traduira pas facilement en choix depolitique urbaine. Il faut d’abord intégrer le rapportpost moderne entre l’individu et sa mobilité, domainepar excellence de l’individualisme consumériste : plusencore que la santé, l’éducation… la mobilité est undomaine où cette  « présomption d’incroyance »  qui ca-ractérise pour Charles Taylor le rapport actuel au spi-rituel, se retrouve aussi dans le rapport actuel aupolitique4. Je peux me déplacer seul donc je suis, et ledéplacement collectif est une contrainte avant d’êtreune offre de liberté.

Le   « contrat de défiance »  qui décrit, pour Michela

long des axes historiques. Ces faubourgs avaient assuréla croissance urbaine, jusqu’à la diffusion de cette troi-sième dimension de la liberté : l’ubiquité que peut don-ner la motorisation individuelle, et ses conséquences :une diffusion tous azimuts de l’espace urbanisé qui trans-cende les classements géographiques, hameau, village,bourg, banlieue, faubourgs, et ne permet plus de qua-lifier l’espace par son rapport au centre.

Du consommateur post-moderne, et du citoyen-contribuable

La hausse du prix de l’énergie a été le facteur déclen-chant d’une prise de conscience des limites de ce mo-dèle à vivre. Puis vint, de manière plus diffuse, lacompréhension de la rareté de l’espace naturel. Pourtantl’évolution des comportements reste difficile à prévoirdans un pays où le bâti s’amortit sur plusieurs généra-tions, d’autant que d’importantes marges de manœu-vre existent pour améliorer l’efficacité énergétique dela motorisation individuelle. Cette évolution pourraitêtre accélérée par le vieillissement même de l’accé-dant à l’autonomie verte : loin du centre et des services,toute incapacité à conduire transforme une générationen Personne à la Mobilité Réduite. Le périurbain, danssa diversité, montre sa difficulté à s’adapter aux diffé-

3. Rapport du Conseil d’Analyse Stratégique auprès du Premier Ministre, Octobre 2OII.4. Charles Taylor, « Le Malaise de la modernité », Le Cerf, 1992.5. Michela Marzano « Le Contrat de défiance », Le Cerf, 2010.

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Montpellier mis au défi de lier l’agglomération et lescentres voisins, de réinventer le chemin de fer dépar-temental léger en posant des voies métriques le longdes routes, sans déviation de réseaux, en contournantles centres bourg pour diminuer les coûts, mérite d’êtremise en œuvre dans un tissu multipolaire, et pourraitcoupler la marche ou le vélo avec le transport de masse.

L’adéquation du véhicule au trafic, la refonte desréseaux avec la nécessaire concentration des pointsd’arrêts, car la distance à l’arrêt est moins pénalisanteque la faible fréquence, donnent des outils pour agir.Mais l’essentiel est dans un regard à une toute autreéchelle.

De la gouvernance avant toute choseÉchelle de temps d’abord : il faut intégrer le long terme

dans la décision concernant le transport, même en l’ab-sence de tout « grand projet ». Au moment où montent enpuissance l’agglomération quel qu’en soit le statut, et la ré-gion, une homogénéité des conditions d’instruction et dedécision des schémas directeurs spatiaux et des plans detransport doit être observée.

Pertinence de l’espace ensuite : les contraintes de l’ex-ploitant, le coût du kilomètre à vide, le coût individueldu service public impossible à rendre car trop coûteux,ne peut être limité au coût du tuyau à étendre vers lenouveau lotissement, il doit intégrer le coût du droit autransport sanctuarisé par la LOTI (Loi d’Organisation duTransport Intérieur, 1982), et ce dans le bassin de mo-bilité réel.

Exhaustivité des moyens d’action réglementaires en-fin : les futures Autorités Organisatrices de la MobilitéDurable, débattues au « Grenelle » devront intégrertous les modes de transport car pour lier la périphérie aucentre encore faut-il que le centre soit accessible : lestationnement est une compétence à leur attribuer,ainsi que la régulation des taxis, premier mode de vé-hicule partagé qui, dans une relation contractuelle avecl’AOMD aura une part de la délégation du service pu-blic du transport. L’harmonisation des Plans de Dépla-cement des entreprises sera aussi un exerciced’optimisation de la mobilité.

Informer avant de transporterLe péri urbain exige moins d’infrastructure que de sou-

plesse : les véhicules de sa desserte tournent, encore faut-

Marzano5, la réticence à adhérer à un projet collectif, estdominant. Malgré les évolutions de comportement auxdépens de l’automobile dont peuvent témoigner lesbourgeois, c’est-à-dire les habitants du centre-ville, cerappel anthropologique montre le scepticisme qui ac-cueillera, ailleurs, la critique du modèle périurbain.Pour autant les prochaines consultations locales devrontse faire autour de la vérité du coût écologique et éco-nomique de cette urbanisation émiettée, pour l’indi-vidu et pour la collectivité. Les PLU, et les SCOT oùchaque collectivité défend d’abord son droit à mutuali-ser le moins possible, doivent être retravaillés au nomd’une ambition urbaine sous contrainte forte des fi-nances publiques.

Pour transporter, densifier, réinventer la rue

Bien sûr il va falloir densifier, et la prise de consciencedu caractère non définitif des normes actuelles de den-sité périurbaine étonne par sa simplicité et son efficacité :oui construire dans l’arrière-cour ou relier deux mai-sons détachées est rentable en fonctionnement urbain,même si l’investissement est coûteux. Bien sûr il fautretravailler la trame viaire et permettre qu’un lotisse-ment ne soit pas relié à la seule voie express qui le borde.Il faut abattre les signes extérieurs de l’entre soi, murs,grillages, raquettes et impasses pour recréer un lienavec des rues. Bien sûr avant la piste cyclable, le trottoir(à quand un concours sur des éco-trottoirs peu coûteux ?)sera le premier élément d’une urbanité tuée par l’in-frastructure routière.

Ces orientations peuvent faire l’objet d’une campagnepolitique, ce sont même de très beaux sujets politiqueslocaux, mais la proposition de service de transport, plusque celle d’une infrastructure, sera déterminante. Ledessin même de cette péri-urbanité dispersée rend peuefficace le transport public lourd. Dans le périurbain, lestaux de couverture des recettes par les dépenses sontinférieurs à 25%. La desserte des écarts et des zones pa-villonnaires repose très largement sur le seul impôt, ellea aussi pour conséquence de dégrader la qualité de l’en-semble du service. Ce transport public peu efficace enzone peu dense progressera. Le travail sur des véhiculesadaptés est encore récent : les petits bus sont, à laplace/km, très coûteux, ils évolueront. Pour le transportferré l’idée émise par des responsables du réseau de

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sent des horizons lointains quand, en quelque mois, lahausse du prix des carburants rend très palpable ce quesignifie la consommation d’énergie fossile et aide à faireadmettre ses conséquences en terme de pollution. Ha-biter en ville donne un potentiel d’échange, donc decréation de valeur marchande ou culturelle, inégala-ble, et l’habitant de la périphérie paye cher son luxed’un rapport différent à l’espace. La voiture individuellea structuré les espaces périurbains et la capacité deleurs habitants à rester consommateurs et citoyens. Ilva être passionnant d’observer les mutations de com-portement : la hausse du coût des déplacements et la dé-tention par chacun d’informations sur la mobilité desautres peut créer des alternatives au tout voiture indi-viduelle et pousser l’habitant périurbain à une mobi-lité différente.

Les conditions d’une globalisation de la réflexion surl’espace et la mobilité sont aujourd’hui réunies et doiventstructurer le débat public local. Le réchauffement cli-matique, la conservation de l’espace agricole et natu-rel, l’efficacité économique et sociale de la centralitésont admis comme enjeux d’intérêt général, mais il vafalloir muscler le discours et les actes sur la qualité ur-baine pour avoir une petite chance d’inverser la ten-dance à la consommation d’espace naturel. Lesnouveaux potentiels de la mobilité seront-ils utilisés àconsommer plus d’espace naturel, ou à créer plus d’ur-banité à la périphérie des villes ?

il les remplir. Alors que pendant la période précédente, enville dense, le projet technique, l’infrastructure, structu-rait la politique de transport et donc le projet urbain, c’estaujourd’hui plutôt l’évolution de la relation entre le véhi-cule et son environnement, le rapport à l’information, quidéclenchera des mutations de comportement. Une centralede réservation de taxi, fonction déléguée par l’Autorité Or-ganisatrice à des acteurs du transport sur la zone concernée,donnera à l’habitant de la périphérie confiance dans un sys-tème qui le délivrera de l’obligation du véhicule indivi-duel par adulte. Et notre capacité à disposer, dans notrepoche, d’une banque de données sur les véhicules voisins,qu’il s’agisse de véhicules marchands, bus ou taxis, ou devéhicules liés sur le mode associatif (auto-partage) créeune nouvelle réponse au besoin de mobilité : le collectifc’est l’autre dès qu’il circule pour peu que je le sache, queje puisse le joindre et qu’une relation contractuelle préétablie aie défini les conditions du partage.

De la sécuritéLe deux-roues motorisé, cet impensé de la mobilité

quotidienne, cet outil du passage à l’autonomie de lajeunesse périurbaine, est économe en fonctionnementet coûteux en bruit et en pollution, mais il est d’abord leGrand Faucheur de la jeunesse périurbaine : sur cepoint la sécurité routière reste un problème dramatique,et peu traité comme tel. Le lien entre le véhicule et lavoirie est à reprendre : la route est dangereuse, la rue estprotectrice par les limites qu’elle pose à la vitesse et àl’autonomie des trajectoires. La voiturette sans permis,très chère aujourd’hui, est un autre outil intéressantdont la motorisation (électrique ?) évoluera. Le para-doxe actuel est que l’accès à La Zone Commerciale,aux nouveaux services publics décentrés, suppose d’em-prunter ces « voies express » heureusement interdites,sauf à les transformer en boulevards urbains : là encorec’est moins de construire une infrastructure spécialiséequ’il s’agit, que de requalifier le réseau existant pour ré-inventer la rue, multifonctionnelle, multiclientèles. Lavitesse moyenne en souffrira : pour le faire accepter ilfaut passer d’une vision réglementaire à une pédagogiepolitique sur ces choix.

De nouvelles mobilités, pour créer de laville ? Ou pour détruire de la campagne ?

Le bâti, l’infrastructure, la politique foncière suppo-

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# 4Le concours « Ça bouge dans le périurbain ! »

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tions seraient pertinents pour que le covoiturage, la voi-ture partagée ou le deux roues fonctionnent mieux etpuissent changer d’échelle, passant de 1000 à 10000 uti-lisateurs ? Quels services permettraient de fiabiliser ces sys-tèmes de déplacement ?

L’information sur les mobilités : comment rendrel’espace périurbain plus lisible et plus facile à s’appro-prier ? Les centres d’agglomérations sont bien équipés ensystèmes d’aide à l’orientation, avec les panneaux indica-tifs, les noms de rues, les plans de ville et de quartiers, lesplans des réseaux de transport mais encore les commer-çants et policiers qui peuvent donner de l‘information. Lepériurbain n’a rien de tout cela. Comment rendre cet es-pace plus lisible et plus facile à s’approprier ? Quels modeset quels designs de guidage vers une gare, une aire de co-voiturage, une place de village où se trouve une stationde voitures partagées ? En complément du plan de villetraditionnel, ne peut-on, par exemple, imaginer un pland’agglomération ou de telle portion du périurbain ? Se-rait-il judicieux de créer des radios d’information en tempsréel sur le trafic des agglomérations ?

Les aménagements urbains et le design : quels amé-nagements et designs pourraient encourager, sécuriser,faciliter l’utilisation de modes autres que la voituresolo? Aménager et designer, c’est rendre visible et possi-ble les pratiques. Les espaces et les outils de la mobilitésont concernés. En matière de covoiturage et de rabatte-ment vers les gares de couronnes, d’importants progrèsont été réalisés. Des parkings suffisants existent à proxi-mité des lieux de transfert. Serait-il utile de les rendre plusvisibles et plus agréables ? Quels sont les aménagements etles designs, petits et grands, qui pourraient encourager, sé-curiser, faciliter la marche et le deux roues ?

Le 15 avril 2011, 43 équipes, rassemblant 130 étudiantspour une soixantaine d’institutions d’enseignement supé-rieur, ont rendu leurs propositions :

Le jeudi 19 mai 2011, le jury s’est rassemblé et a déli-béré pour désigner les lauréats du concours.

Le jury était composé de :Mireille Apel-Muller, déléguée générale de l’Institut pourla ville en mouvement, présidente du juryGeorges Amar, directeur de la mission Prospective de laRATPJean-Yves Chapuis, vice-président de Rennes Métropole,en charge des formes urbainesEric Chareyron, directeur marketing de Kéolis France

Ce dossier de Place publique s’appuie pour partie surles idées émises, les pistes ouvertes par les équipes d’étu-diants qui se sont mobilisées dans le cadre du concours« ça bouge dans le périurbain ! ». Rappel.

Le concours a été lancé en novembre 2010 à l’initia-tive de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération rennaise(Audiar), de Rennes métropole et de l’Institut pour la villeen mouvement en partenariat avec Kéolis.

Les candidats étaient invités à réfléchir et imaginer despistes de changement des mobilités dans le périurbain desagglomérations françaises. Cinq domaines étaient déli-mités :

La communication : quels nouveaux slogans,concepts et leviers d’information mettre en oeuvre pourconvaincre les habitants de modifier leurs pratiques dedéplacement ? La mobilité quotidienne est un parentpauvre de la communication. Chacun s’entend à dire quela contribution des déplacements aux pollutions et auxnuisances est considérable mais les campagnes de sensi-bilisation et de mobilisation sont rares et faibles. Com-ment expliquer, convaincre et amener les citadins àmodifier leurs pratiques et à opter pour le deux roues, lamarche, le covoiturage et la voiture partagée? Dans quelsnouveaux registres de communication se situer ? Quelsnouveaux slogans, nouveaux concepts et leviers d’infor-mation mettre en oeuvre ?

La pédagogie : les environnements et les réseaux demobilité sont complexes. La mobilité s’apprend maiselle n’est enseignée nulle part. Comment apprendre lamobilité? Avec quels supports ? Comprendre les enjeuxde la mobilité urbaine, être en mesure de faire des choix,selon les moments et les besoins, entre les modes de dé-placement sont des choses qui s’apprennent. Des opéra-teurs développent des démarches dans ce domaine.Quelques opérateurs tels que la Sncf et la RATP ont dé-veloppé des « ateliers mobilité » ou des sites Internet à di-mension pédagogique. Mais ces démarches sont troprares, elles ne concernent pas des villes de province et en-core moins leurs espaces périurbains. Que faut-il appren-dre de la mobilité périurbaine et comment l’apprendre?

Le marketing : comment traduire la diversité des be-soins de mobilité des périurbains en offres de service?Quels sont les besoins de mobilité quotidienne des cita-dins qui ne sont pas ou pas assez pris en compte? Com-ment traduire la diversité des besoins de mobilité dessalariés, des personnes âgées ou des parents-taxis en offresde service ? Quels nouveaux services, nouvelles organisa-

Parmi les idées du concours…

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ble des projets étudiants puis une cérémonie de remisedes prix en présence des membres du jury. 200 personnesy ont participé.

Ont été désignés lauréats :Premier prix à Armel Le Sidaner, Copilo’t, lauréat du

concours, avec un projet de design d’espaces de servicesaux personnes sur les aires de covoiturage

Second prix à Léon Espouy et Jean-Baptiste Gernet,pour Mobidom, un logiciel de calcul de l’impact du choixrésidentiel sur le budget transport du ménage.

Troisième prix à Waël Boubaker, Adriana Fadel, Al-fredo Juhdrez et Cécilia Lecoq pour Covoitugare, un es-pace de lien entre le covoiturage et les gares TER

Mention spéciale à Nicolas Barreau et Jules Charbon-net pour Metro. nome, objet spectaculaire consistant enune navette manipulée par un bras articulé permettant derelier deux points d’une agglomération.

Mention spéciale à Théodore Guunic, Baptiste Gonse,Grégoire Robida, Bérangère de Contenson et LouisMorel Fatio pour leur Atelier de la mobilité, un équipe-ment associatif de quartier pour aider les habitants du pé-riurbain à se déplacer mieux.

Christian Devillers, architecte-urbaniste, Grand prix del’urbanisme 1998Emmanuelle Garnaud-Gamache, responsable commu-nication du pôle de compétitivité « Images et Réseaux »Guy Jouhier, vice-président de Rennes Métropole encharge des transports et mobilitésChristian Le Petit, directeur général de l’aménagementurbain à Rennes MétropoleNoël Philippe, directeur général des services urbains àRennes MétropoleBernard Poirier, vice-président de Rennes Métropole encharge de la prospective et du développementNicolas Prioux, designer indépendant, fondateur de Des-ign Métier d’ArtsHenri-Noël Ruiz, directeur de l’Agence d’urbanisme del’agglomération rennaiseRaymonde Séchet, professeure de géographie, directricede l’UMR ESO 6 590 CNRSMathieu Taugourdeau, directeur de la Manufacture du-rable, Groupe SOS (Auxilia, Mobility +, Voiture & Co)

Le 14 juin 2011, à Acigné, dans le périurbain rennais,était organisé un événement de présentation de l’ensem-

Les équipes et leurs écoles

1. Armel Le Sidaner (Ecole de design, Nantes Atlantique)Copilo’T. Design de services aux personnes sur les aires de covoiturage.

2. Gaspard Bashala (Institut de gestion de Rennes, Université Rennes 1)Le Caupartage, une fusion entre covoiturage et autopartage pour une mobilité économe et éco-responsable dans le périurbain.

3. Waël Boubaker (Université Lyon 2), Adriana Fadel (Universidadnacional de Cordoba, Argentine), Alfredo Juhdrez (BUAP, Puebla, Mexique), Cécilia Lecoq (Université de Paris 8)CovoituGare, un nouvel espace de liens. Point de jonction du covoiturage et du TER.

4. Laura Légeaud, Julie Bonnet, Mélody Peytureau (Université de Bordeaux Segalen)Le vélo dans le périurbain, la mobilité de demain. Pour une généralisation de l’usage du vélo dans la commune de Saint-Médard-en-Jalles (33).

5. David Herrgott (Université de Strasbourg)Urbain, périurbain. Assumer les mobilités pertinentes. Articulation des stratégies de localisation et de déplacement.

6. Laura Pandelle (Ecole nationale supérieure de création industrielle)Circulo. Location et partage de véhicules électriques en milieu périurbain.

7. Maria Margarita Gonzales Cardenas (Ecole des hautes études en sciences sociales)Architecturer la ville. L’architecture et l’art à toutes les échelles de la mobilité urbaine.

8. Théodore Guunic, Baptiste Gonse, Grégoire Robida (ENSA Paris Val-de-Seine), Bérangère de Contenson (Sciences Po Paris), Louis Morel Fatio (Ecole nationale des arts, Paris)L’atelier de la mobilité pour résoudre le manque d’autonomie dans le périurbain. Un équipement associatif de quartier pour aider les habitants à se déplacer moins et mieux.

9. Julien Fontainhas, Pauline Frémont, Aude Le Mée (Université Rennes 2)Résolutiv’. Création d’un réseau de « maisons de mobilité », pour une nouvelle gouvernance des mobilités.

10. Kevin Lognoné (ISMAPP Paris-Bruxelles)Périurbain, créer une marque territoriale.

11. Thierry Pereira, Camille Auvray (Ecole des ingénieurs de la ville de Paris)Au-delà de la voiture individuelle : allier covoiturage et pôles commerciaux périurbains.

12. Sabine El Moualy (Université Rennes 2)Apprendre la mobilité à l’école. Une mallette pédagogique.

13. Mathieu Crochard, Régis Basselot, Jacky Bourgeois, Xavier Caillat, Ronan Gestin, Yann Le Gal (Ecole supérieure d’ingénieur de Rennes)Eco2sel. Création d’une monnaie d’échange favorisant la mutualisation de services de mobilité.

14. Benoît Gadiollet, SomdethSakda, Josselin Thonnelier (Institut d’urbanisme de Grenoble)Changer de regard sur le périurbain et la mobilité. Ensemble de démarches associant la formation des élus et techniciens du périurbain, des pôles de services et des ballades urbaines.

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15. Fabien Vaché, Félicien Eraud, Michel Gagnon, Nathanaël Merabli, Jordan Nord (Institut d’urbanisme de Grenoble)I-Malis. Schéma global d’amélioration de l’offre de transport dans le périurbain, faisant une place importante au vélo.

16. Nicolas Bataille (Science Po Grenoble), Charlotte Coubard (ENSA de Nantes)Le guide [e] ComMob’. Méthode d’actions d’information, de communication et de pédagogie appuyée sur la théorie de l’engagement en psychologie sociale.

17. Thomas Bourdaud, Constance Desenfant, Enora Cordier (ENSA de Nantes)Le néfaste merveilleux. La métamorphose des mobilités urbaines. Reconquête de l’espace public sur les infrastructures routières de périphérie.

18. Claire Monfront, Thomas Duthilleul (Ecole Polytechnique)Le taxibus. Développement d’un transport à la demande couplé à une plateforme Internet.

19. Emeline Brando, Antony Itin (Ecole de management de Strasbourg)Comment réduire l’utilisation de la voiture dans l’environnement périurbain pour les parents-taxi ? Vers un club de parents-taxi.

20. Haude Perez, Solène Touchais (Université Rennes 2)Mobil’ mallette. Palette pédagogique sur la mobilité.

21. Gabrielle Prévost, Julia Quancard, Morgane Siner (Ecole de design Nantes Atlantique)Pédibus. Projet d’amélioration des pédibus, notamment par la création d’un mobilier urbain dédié.

22. Jules Charbonnet, Nicolas Barreau (Ecole de design Nantes Atlantique)métro.nome. Comment relier deux points sans tracer de route, sans construire de pont, sans transformer les obstacles et sans utiliser d’énergie ?

23. Sophie Naud (ENSA Paris-Belleville)ABCDaire des mobilités périurbaines. (re)créer l’urbanité au cœur des villes… Concept global de polarités et de nouvelles connexions pour une nouvelle pratique de la mobilité.

24. Bruno Morléo, Maxime Delaître, Antoine Talon (Université Paris-Est Marne-la-Vallée)La voiture, ce transport en commun (pas) comme les autres. Développer de nouveaux usages de la voiture.

25. Luna d’Emilio, Francesca Fontana, Mélanie Jaraj Gheiman, Flametta Sau (ENSA Strasbourg)Périple naviguer dans la ville archipel. Projet de création de Navettes à haut niveau de service (NHNS).

26. Alexandre Sas, Félix Bouffandeau, Marion Franquet, Aubéri Mahé (Institut d’urbanisme de Grenoble)Projet Marguerite, un déplacement en fleur pour une périurbanité renforcée. Solutions combinant mobilité et préservation des espaces naturels.

27. Laura Franco (ENSA Paris-La Villette), Gabrielle Montredon, Fanny Sabbagh (Institut français d’urbanisme), Céline Pigot, Floriane Geroudet (Celsa)La mobilité associée. Vers un management de la mobilité centré sur covoiturage, pédibus et services à la mobilité.

28. Marlène Le Guiet (Science Po Rennes)Mobi-ambassadeurs : on bouge ensemble. Promotion et apprentissage des mobilités au sein des quartiers grâce à des résidents volontaires.

29. Pierre Chomaz, Vincent Defresne, Lucile Gimenez (Ecole nationale des sciences géographiques)La mobilité repensée. Sensibilisation des enfants aux potentialités des transports collectifs.

30. Julien Hautemanière, Marie Champion, Constance Quaglino, Flore Vigné, Laura Vong (Institut de géographie alpine)Surfez, bougez. Création d’un site Internet interactif mutliservices.

31. Florian Guérin, MargaudPaillardon, Chen Zenhyu (Université Rennes 2)Péri’night. Borne numérique d’informations sur les événements nocturnes dans le périubain, associée à une offre de mobilité.

32. Jérémy Lebonnois (Strate college)Urban Rail Bubble Intelligent System. Réseau de télécabines sillonnant le périurbain.

33. Léon Espouy (Institut d’urbanisme de Lyon), Jean Baptiste Gernet (Sciences Po Strasbourg)Calculette Mobidom. Logiciel de calcul de l’impact des choix d’habitation sur les dépenses et sur l’environnement.

34. Jean-Charles Bernois, Helen Le Liboux, Guillaume L‘Epineguen (Institut français d’urbanisme), Jonquille Lemaistre (Ecole supérieure des arts graphiques)Le covoiturage face au défi du périurbain. Actions de sensibilisation et de communication à développer.

35. Aurore Bernard, Céline Foulard, laura Zaire (Université Lille 3)Cityva. Plan de développement coordonné de modes de déplacement et campagne de communication associée

36. François Appéré, Guillaume Briand (INSA Rennes)En route vers le périurbain de demain : entre convivialité et dynamisme. Création d’axes deux roues et d’un système de covoiturage dynamique.

37. Belghith Derouiche (Institut français d’urbanisme)Pour une infrastructure paysagère dans la plaine de Versailles. S’appuyer sur un cours d’eau pour réorganiser un paysage et les mobilités qui s’y déploient.

38. Simon Citeau, Blandine Dalle, Elodie Vanpoulle (Institut d’urbanisme de Lille)Cycl’Hop. Le vélo comme mode de déplacement à part entière.

39. Aurélien Lefebvre, Maud Desmaret, Thibaut Menuge, Eloïse Pimbert (Université d’Artois)Bougez bien mais bougez mieux. Aménagement et design, communication et marketing. Schéma global de déplacement

40. Antonin Lafaye (Institut français d’urbanisme)R ou aiR ? Le covoiturage pour une mobilité citoyenne. Conception d’une station périurbaine de covoiturage.

41. Hélène Barbet, Thibault Huleux, Martin Noblecourt, Tanguy Riou, Charline Rondouin (Science Po Rennes)Levez le frein à main du covoiturage de proximité ! Plan de développement du covoiturage.

42. Hélène Beauvallet, Renaud Charasse, Anouck Herman, Doniphan Hiron, Juan Andrès Garcia Padron (Science Po Rennes)Le SNAP : un réseau de navettes périurbaines gratuites, adaptable et multipolaire.

43. Vincent Dubroca, Sergio Chavez, Lorraine Peynichou, Amandine Vidal (ENSA Paris Villette)ConnexCité