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LES CAHIERS DE L’IPSE Institut Prospective et Sécurité de l’Europe LES ELECTIONS PROVINCIALES IRAKIENNES LA REINTEGRATION DE LA FRANCE DANS L’OTAN ENJEUX GEOPOLITIQUES MONDIAUX : PERSPECTIVES 2009 LES CLEFS DUNE ANALYSE GEOPOLITIQUE DU SAHEL L’UNION POUR LA MEDITERRANNEE BLOQUEE PAR LA GUERRE CONTRE GAZA SUR LA RECHERCHE, LA SCIENCE ET LEDUCATION EN ALGERIE : CONTEXTE POLITIQUE ET SOCIO-ECONOMIQUE ORGANIZATION IN DISGUISE: THE ROLE OF THE SHANGHAI COOPERATION ORGANIZATION IN CHINAS GRAND STRATEGY NUMERO 93 PRINTEMPS 2009 IPSE

Cahier ipse 93

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LES CAHIERS DE L’IPSE

Institut Prospective et Sécurité de l’Europe

LES ELECTIONS PROVINCIALES IRAKIENNES

LA REINTEGRATION DE LA FRANCE DANS L’OTAN

ENJEUX GEOPOLITIQUES MONDIAUX : PERSPECTIVES 2009

LES CLEFS D’UNE ANALYSE GEOPOLITIQUE DU SAHEL

L’UNION POUR LA MEDITERRANNEE BLOQUEE PAR LA GUERRE

CONTRE GAZA

SUR LA RECHERCHE, LA SCIENCE ET L’EDUCATION EN ALGERIE :

CONTEXTE POLITIQUE ET SOCIO-ECONOMIQUE

ORGANIZATION IN DISGUISE: THE ROLE OF THE SHANGHAI

COOPERATION ORGANIZATION IN CHINA’S GRAND STRATEGY

NUMERO 93 – PRINTEMPS 2009

IIPPSSEE

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���� COLLOQUE « L’UNION POUR LA MEDITERRANEE A UN AN ! »

Mercredi 17 juin 18h-20h, Amphithéâtre Louis, Ecole Militaire (1 place Joffre, 75007 Paris). Organisateur : Centre d’Etudes et de Recherche de l’Ecole

Militaire.

Inscription obligatoire : [email protected]

���� COLLOQUE « LE DEVELOPPEMENT POLITIQUE, SOCIAL ET

ECONOMIQUE DU MAROC : REALISATIONS (1999-2009) ET

PERSPECTIVES »

Le 29 juin 2009 au Palais du Luxembourg (15 ter rue de Vaugirard, 75006 Paris). Organisateurs : Centre de droit international, européen et comparé (CEDIEC) de la Faculté de droit Paris Descartes et

Observatoire d’études géopolitiques (OEG). Inscription obligatoire : [email protected]

Revue trimestrielle éditée par l’Institut Prospective et Sécurité de l’Europe

24, rue Jules Guesde

75014 Paris - France

Tél : 33 (0)1 42 79 88 45

E-Mail : [email protected]

www.ipse-eu.org

Directeur de la publication :

Laurent AMELOT

Rédacteur en chef :

Georges-Henri BRICET DES VALLONS

Rédacteur en chef adjoint :

Mathieu ARMET

Comité de rédaction :

Mathieu Armet, Georges-Henri Bricet des Vallons, Emmanuel Dupuy, Julie Parriot, Luc Picot

Ont collaboré à ce numéro :

Mathieu Armet, Gérard Begni, Georges-Henri Bricet des Vallons, Khalifa Chater,

Emmanuel Dupuy, Mirko Palmesi, Jérôme Pellistrandi, Stéphane Taillat, Medhi Taje,

Les opinions exprimées dans la revue n’engagent que leurs auteurs. Tous droits de reproduction, même partielle par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous pays.

ISSN : 1955/0065

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Et voilà l’homme… Obama

« Dans la terminologie abrupte des empires du passé, les

trois grands impératifs géostratégiques se résumeraient ainsi

: éviter les collusions entre vassaux et les maintenir dans

l’état de dépendance que justifie leur sécurité ; cultiver la

docilité des sujets protégés ; empêcher lesbarbares de former

des alliances offensives. »

Zbigniew Brzezinski

Monsieur Obama est un admirable produit de « diplomatie publique ». Après des mois d’ « obamania » aux Etats-Unis et dans « le reste du monde », son investiture a eu lieu : on savoure « sa » victoire tout autour du globe… Antithèse de Bush, Obama, le métis auquel, divers peuples peuvent s’identifier, est une promesse de changement et rassure quant aux valeurs (la tolérance en tête) et à la raison des Américains (après la déception de 2004). Si l’on croit au Progrès, l’élection de B. Obama est indubitablement… un progrès ! Il injectera sans doute une dose (salutaire) de multilatéralisme dans la politique étrangère américaine. Il cherchera à obtenir l’appui des alliés traditionnels notamment européens (en tenant compte de leurs intérêts) et à améliorer l'ensemble des relations diplomatiques de son pays. L’objectif de cette élection et de la politique qui suivra est (évidemment !) de tout changer pour que rien ne change : « Faut bien sauver l’empire mon p’tit monsieur ! » Un lifting géopolitique bien fait pour conforter les Européens dans le « choix » de « leur » président (Guantanamo…). Naturellement des voix se sont élevées pour nous expliquer que la nouvelle administration opterait (sans doute) pour un profil bas, un certain retrait des affaires du monde en vue de se concentrer sur la gestion de problèmes intérieurs préoccupants – crise économique oblige. On se croirait revenu plusieurs années en arrière lors de l’investiture du président précédent, le si isolationniste George «

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Magog » BUSH, fort contrarié par le « Pearl Harbor spatial » du 11 septembre 2001. Un « retrait » des Etats-Unis ? Le voudrait-il, Obama ne le pourrait pas ! Du fait, d’une part, d’une forte opposition « néo-conservatrice » intérieure : celle-ci est particulièrement perceptible sur le dossier irakien. Elle cherche à faire mentir le candidat OBAMA en contournant ses promesses/décisions de désengagement. D’autre part, pour maintenir la primauté américaine, l’impératif géostratégique est de dominer l’Eurasie via le refoulement de la Russie et l’endiguement de la Chine (et l’assujettissement de l’Europe !)…et dans ce domaine, il ne s’agit pas de se reposer ! Qu’en est-il des autres dossiers ? Passons vite sur le Proche-Orient (Gaza !) puisqu’il est - comme d’habitude - urgent de n’y rien faire (vivre et laisser mourir). Dans « sa » guerre au terrorisme, M. Obama souhaite intensifier l’engagement de son pays en Afghanistan et potentiellement au Pakistan. En ce sens 20 000 à 30 000 soldats américains devraient être envoyés en renfort d’ici l’été prochain (soit un doublement des effectifs)… une décision prise unilatéralement en violation de la mission initiale internationale définie en 2001 et légitimée par une résolution du Conseil des Nations unies (ça commence bien…). Cette intensification de la guerre a lieu au moment où la principale route d’approvisionnement des forces alliées via le Pakistan est devenue très précaire. La crise guette. Toutes les autres routes viables passent par l’ancienne Union soviétique (l’Iran a “naturellement” été écartée), elles traversent la Caspienne (Caucase et Asie centrale) ou transitent par le territoire russe. Dans les deux cas, l’influence de Moscou est telle que la coopération de la Russie est absolument nécessaire. Mais cette coopération a un prix. Pour le dire crument, les Russes réclament rien de moins qu’une reconnaissance d’une sphère d’influence dans leur « étranger proche »… ce qui n’est pas sans poser problème quant à l’extension de l’OTAN, les bases américaines et le projet de défense anti-missiles. Le disciple de BRZEZINSKI n’est naturellement pas prêt à accepter de telles conditions. Il doit pourtant agir vite. Aussi, l’Afghanistan est à la fois un dilemme et un schibboleth pour le nouveau président. Résumons-nous : quel que soit son mérite personnel et nonobstant les aspects hautement bénéfiques de sa

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future politique, Monsieur Barak OBAMA, le métis souriant, est un cheval de Troie… une vieille histoire européenne. Une autre question est autrement plus pressante : cet homme providentiel le sera-t-il assez pour répondre aux défis du XXIe siècle… à la convergence des catastrophes ?

Mathieu Armet

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ARTICLES

Les élections provinciales irakiennes : premier bilan

Stéphane Taillat

La réintégration de la France dans l’OTAN

Yves-Marie Laulan

Enjeux géopolitiques mondiaux : perspectives 2009

Jérôme Pellistrandi

Les clefs d’une analyse géopolitique du Sahel africain

Medhi Taje

L’Union pour la Méditerrannée bloquée par la guerre contre Gaza Khalifa Chater

Sur la recherche, la science et l’éducation en Algérie : contexte politique et socio-économique Gérard Begni

Organization in Disguise: The role of the Shanghai Cooperation Organization in China’s grand strategy Mirko Palmesi

NOTES DE LECTURE

* LA GUERRE DU POLE-NORD A COMMENCE par Richard Labévière et François Thual

*LA DEGENERESCENCE DU LIBAN OU LA REFORME ORPHELINE par Ahmad Beydoun

* IRAK : LES ARMEES DU CHAOS par Michel Goya

* CYBERGUERRE : LA GUERRE NUMERIQUE A COMMENCE par Nicolas Arpagian

* CONFLUENCES MEDITERRANEE N°68 « ITALIE, LE GRAND BOND EN

ARRIERE ? »

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LES ELECTIONS PROVINCIALES IRAKIENNES :

PREMIER BILAN

Stéphane Taillat *

Au soir du 31 janvier 2009, près de 51% des Irakiens s’étaient exprimés pour désigner les législatures de 14 gouvernorats (sur les 18 provinces que compte le pays). Au-delà des considérations techniques habituelles dans les démocraties occidentales au lendemain de tels scrutins, la tenue de ces élections sanctionne pour partie les évolutions intervenues dans le temps de l’occupation américaine (22 mai 2003-31 décembre 2008). Il importe donc de considérer les enjeux de ces élections, la signification de leurs résultats et leur portée pour l’action américaine en Irak en les envisageant dans une analyse multiscalaire géographique et chronologique. Des enjeux électoraux parfois anciens et masqués par la prégnance de la « contre-insurrection » : La tenue de ce scrutin –le premier depuis 2005- a permis que s’expriment les rivalités et les enjeux politiques dont beaucoup ont leurs racines dans l’irruption américaine de 2003. Par ailleurs, les questions locales que sont censées résoudre les élections s’ancrent dans un cadre communautaire et national. Il en est ainsi des rivalités locales. Celles-ci s’expliquent à la fois par les délégations du pouvoir central octroyées dans la constitution de 2005 et par la culture politique irakienne marquée par le patronage. Il faut donc comprendre le scrutin de 2009 comme un affrontement présenté comme inégal entre les tenants du pouvoir et leurs jeunes compétiteurs. Cette asymétrie des moyens est le corollaire de l’action des militaires américains qui ont appuyé l’ascension de nombreux détenteurs locaux du pouvoir. Le cas le plus exemplaire est celui de la province occidentale d’Anbar. Dans cette dernière, l’abstention prônée par les insurgés en 2005 a conduit à la mainmise quasi-exclusive du Parti Islamique Irakien sur les rênes du pouvoir provincial. Le phénomène du « réveil » tribal a contribué à transférer l’essentiel des prérogatives de sécurité locale aux mains des cheiks, au détriment des islamistes. Par ailleurs, les cheiks ont pu représenter une source alternative de patronage

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dès lors que leurs milices (ou que les forces de sécurité provinciales recrutées sur une base tribale) étaient payées par les militaires américains, à raison de 300$ par personne et par mois. Néanmoins, l’essentiel des compétitions locales doit se comprendre dans le contexte de la représentativité des communautés ethnoconfessionnelles, notamment pour des enjeux territoriaux. C’est le cas notamment aux bordures du monde arabe et du monde kurde (soient les provinces de Diyala, Saladin et Ninive). Les élections de 2005 ont abouti à surreprésenter les Kurdes tant à Ninive (75% des sièges pour 25% de la population environ) qu’à Diyala. Dans les trois provinces frontalières, les revendications sunnites ont très largement contribué au maintien de l’insurrection, au-delà même des succès du « sursaut » à Bagdad et ses « ceintures ». Dans le cas de Mossoul (Ninive) et Khanaqin (Diyala), les heurts armés entre les deux communautés –voire entre l’armée irakienne et les peshmergas kurdes- s’expliquent essentiellement par la poussée kurde entamée en 2003 dans des régions riches en pétrole. Dans le cas de Kirkouk, les fortes tensions ont du résoudre le Parlement irakien à trouver un compromis en juillet 2008 par la tenue d’un référendum sur l’appartenance de la province au Kurdistan Régional Autonome après les élections provinciales. Quoiqu’il en soit, d’autres minorités apparaissent comme marginalisées dans les processus pré-électoraux, notamment les Chrétiens, les Yazides ou les Turkmènes de Ninive. L’ensemble des luttes électorales au niveau local s’inscrit dans le cadre plus large des évolutions politiques en Irak. Chronologiquement, la centralité de l’enjeu tribal dans l’ensemble des provinces doit se comprendre sur la longue durée. Tant chez les Sunnites que chez les Chiites (et à l’exception de la capitale), les tribus ont été courtisées par les principaux adversaires. Il s’agit là d’une constante des relations de pouvoir en Irak depuis la présence ottomane : les tribus sont-elles un relai du pouvoir central ou bien représentent-elles un ancrage spatial du pouvoir au niveau local ? Dans cette optique, le double ou triple jeu des cheiks sunnites dans les années 2003-2007 exprime leur volonté de devenir un acteur central du jeu politique, alors que leurs prérogatives –fortement diminuées à l’issue de la révolution de 1958- avaient été renforcées par Saddam Hussein après la première guerre du Golfe, il est vrai dans le cadre d’une loyauté totale envers le dictateur. Plus récemment, les compétitions internes aux communautés forment un deuxième ensemble

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de facteurs politiques à l’œuvre. Masquées partiellement par la focalisation médiatique sur l’insurrection nationaliste ou jihadiste et les réponses que lui ont apportées les militaires américains, ces rivalités de pouvoir ont pourtant été la source principale de la fragmentation politique de la société irakienne et de l’augmentation concomitante de la violence. Exercée à l’encontre de la base sociale et communautaire tout autant que contre les confessions « ennemies », cette dernière a surtout révélé plusieurs dynamiques. La première est celle de la compétition interne aux Chiites entre les religieux quiétistes et pro-iraniens, les cheiks et les populistes (ces derniers incarnés dans le mouvement sadriste nationaliste dont l’action remonte aux années 1990). La seconde est celle des luttes entre les cheiks sunnites, les Oulémas et les jihadistes. Les deux acteurs violents principaux ayant été neutralisés en 2007 (Al Qaïda en Irak et l’Armée du Mahdi), ces processus s’exercent désormais à travers des pratiques politiques qui, si elles n’excluent pas les éliminations physiques et l’instrumentalisation des forces de sécurité, conduisent toutefois à une recomposition favorable à la sécurité. Une troisième évolution politique transparaissant dans ces élections concerne l’avenir politique du pays. Ayant instrumentalisé les Américains contre ses rivaux, le premier ministre Nouri Al-Maliki apparaît désormais comme « l’homme fort » du pays. Il s’est affirmé comme nationaliste et centraliste face au Conseil Suprême Islamique et aux fédéralistes bassoriens, comme séculier face aux Sadristes et comme technocrate face aux tribus. Par ailleurs, il a su utiliser les forces armées formées par les Américains pour défaire les milices de ses rivaux et émerger comme un facteur d’ordre. Enfin, il n’a pas hésité à débaucher les tribus par le biais de Conseils de Soutien Tribaux (Tribal Support

Councils) tant dans les provinces majoritairement chiites du sud, que dans les provinces mixtes (Diyala) ou bien sunnites (Anbar). Son ascension correspond également à l’enjeu de la répartition des pouvoirs entre le gouvernement central et les gouvernements provinciaux, notamment pour ce qui concerne les forces de sécurité. Au cours de l’été et de l’automne 2008, il n’a pas hésité à intervenir directement dans les opérations militaires à Ninive, Diyala et Maysan. De nombreux différends l’ont opposé aux Conseils provinciaux de Bassorah ou encore de Diyala concernant la nomination des chefs de la Police. La constitution de 2005 ne définissant pas les pouvoirs provinciaux de manière exhaustive, certains ont pu craindre ou espérer que le premier ministre ne se serve de

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cette imprécision pour prendre le contrôle effectif de la sécurité locale. Cependant, cette mainmise directe est intervenue de manière ponctuelle, et essentiellement pour diminuer les partis rivaux en prévision des élections provinciales. Les résultats : les dynamiques en cours au sein de la société irakienne

Les résultats marquent des ruptures et des continuités manifestes. Au registre des premières, il faut inscrire la persistance du vote ethnoconfessionnel, notamment chez les Chiites. Certains partis mixtes ont pu émerger, tel celui de l’ancien premier ministre du gouvernement provisoire Ayad Allawi (juin 2004-avril 2005), mais force est de constater que le critère communautaire reste prégnant, notamment dans les zones de contact entre les ethnies kurdes et arabes (le parti sunnite Habda rassemblant 48% des voix dans la province de Ninive). De la même manière, et en dépit de leur sévère défaite dans certaines provinces, les partis islamiques gardent une influence certaine. C’est le cas du Conseil Suprême Islamique qui arrive en seconde position dans l’ensemble des provinces méridionales. Il faut comprendre cette permanence dans le cadre de l’influence traditionnelle du clergé chez les Chiites, même si ce dernier sort relativement marginalisée du scrutin (payant sans doute son quiétisme face à l’activisme de Sadr ou du premier ministre). En revanche, le Parti Islamique Irakien sunnite est laminé à Anbar et à Ninive, mais pas à Diyala où il garde près de 21% des voix. Là encore, on peut supposer que le vote islamique est surtout un vote communautaire dans des régions mixtes ou disputées. Le cas de Ninive montre surtout le maintien du vote nationaliste et séculier chez les Sunnites, un héritage de l’époque baassiste. Enfin, il faut prendre en compte le cas de Bagdad : dans la capitale, les partis communautaires et islamistes sont en tête. C’est notamment vrai pour la coalition « Etat de Droit » du premier ministre qui y recueille 38% des voix. Il faut en effet souligner que le premier ministre, en dépit de son discours « séculier », reste membre d’un parti fondé par un ayatollah chiite au début des années 1980 ! Les bons résultats des candidats indépendants se réclamant du mouvement sadriste démontrent que le choix de l’abandon de la lutte armée, masquée par les scissions croissantes au sein du mouvement au profit des « groupes spéciaux » formés et financés par les Services

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Spéciaux de la Garde Révolutionnaire Iranienne, a permis de limiter les dégâts. La marginalisation politique de Moqtada Sadr se confirme néanmoins. On peut d’ailleurs légitimement penser que la frange modérée et nationaliste du mouvement a voté pour le premier ministre. Au registre des ruptures, les bons résultats de ce dernier semblent montrer un rejet généralisé des « sortants » dans les provinces chiites ou à forte présence chiite. Au fond, les élections de 2005 ont surtout fait émerger un pouvoir milicien et un accaparement partisan du service public. Les lenteurs de la reconstruction et la prégnance du souci de la sécurité ont ainsi ouvert une fenêtre d’opportunité pour Nouri Al-Maliki. Celui-ci, menacé au sein de l’Assemblée Nationale, a accru sa position de manière significative. Mais la rupture essentielle concerne l’irruption des pratiques démocratiques au cœur des rivalités et compétitions politiques. L’exemple d’Anbar, où les leaders tribaux se sont réconciliés contre la victoire possible du Parti Islamique Irakien (déclaration qui s’est avérée infondée) montre comment le jeu électoral n’a pas véritablement pris la place des registres habituels de ces jeux de pouvoir. La menace d’insurrection ou de sécession, la corruption ou les menaces verbales demeurent des éléments centraux. Toutefois, les pratiques démocratiques ont été intégrées au sein de ces derniers par le biais des alliances. On peut craindre la persistance d’une privatisation de la sécurité, même si cela sera sans doute partiel, et inclus au sein du jeu démocratique. Quoiqu’il en soit, le résultat final s’écarte du modèle démocratique libéral que promeuvent encore les néoconservateurs. Un succès pour les Américains ?

Les questions essentielles pour les militaires et les politiques américains ont tourné autour de la sécurité et de la participation principalement, de l’acceptation des résultats par les vaincus ensuite. Sur le premier point, le bilan est positif, en ce sens où le jour des élections n’a pas été marqué par des évènements significatifs. La participation reste satisfaisante pour les Américains car elle se rapproche des niveaux observés lors des élections locales aux Etats-Unis. En revanche, les problèmes posés par de nombreux irakiens qui n’ont pu voter faute d’être inscrit sur les listes électorales ont causé quelques inquiétudes. Toutefois,

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il semble qu’il faille surtout incriminer le fait que près de 2 millions d’Irakiens (principalement dans la capitale) sont des déplacés : de ce fait, les listes n’ont pu les prendre en compte. Peu de réclamations fondées ont été formulées auprès de la Haute Commission Electorale indépendante. De ce fait, selon les standards occidentaux, ces élections sont considérées comme valides. Ce qui ne signifie évidemment pas la résolution magique de tous les problèmes. L’évènement a donc été interprété favorablement par l’administration américaine pour un retrait accéléré et « responsable » des troupes de combat. Dans le cadre de luttes internes complexes à Washington entre, d’une part, le nouveau Président et les Chefs d’Etat-major et, d’autre part, les promesses électorales du Président Obama et les recommandations des généraux Petraeus et Odierno, les élections irakiennes servent ainsi le jeu complexe de la nouvelle équipe. Or, si dans le cadre de l’Accord sur le Statut des Forces (SOFA) signé en novembre 2008 les forces américaines doivent avoir quitté les villes irakiennes au 1er juillet 2009 et l’ensemble du pays au 31 décembre 2011, les modalités concrètes sont plus complexes. Autrement dit, le nouveau Président pourrait tomber dans le même défaut que son prédécesseur, à savoir exagérer le « tournant positif » des élections provinciales (comme en 2005).

* Agrégé d’Histoire et titulaire d'un Master 2 en Relations et Sécurité

Internationales de l’IEP de Toulouse, Stéphane Taillat poursuit

actuellement un doctorat de science politique sur la contre-insurrection

en Irak.

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LA REINTEGRATION DE LA FRANCE DANS L’OTAN

Yves-Marie Laulan **

Quelques considérations : en tant qu’ « ancien » de cette organisation, du temps de la Guerre froide, la décision française imminente devrait plutôt me satisfaire1. Mais cette démarche suscite néanmoins quelques sérieuses réserves et voici pourquoi.

1) Dans le discours justificatif présidentiel (Le Monde du 11 mars 2009), il faut au passage relever quelques contradictions. Si la France était déjà de facto dans l’Organisation atlantique, le fait de la rejoindre de jure ne changerait pas grand-chose. Et si cela devait être le cas, compte tenu des inconvénients significatifs que cette décision implique, cela en vaut-il vraiment la peine ?

Par ailleurs, est-il possible sérieusement de se convaincre qu’une fois cette réintégration effectuée, la France pourra vraiment peser de tout son poids sur la prise de décision au sein de l’Alliance, comme il est prétendu. Et cela alors que notre pays, avec un effort de défense réduit à sa plus simple expression depuis des années avec 1,8% du PNB, ne dispose désormais que de capacités de défense extrêmement réduites et d’ailleurs tendues à l’extrême2 ?

Et cela d’autant plus qu’en cas de désaccord majeur, il ne sera plus question de s’en aller derechef, sauf en se couvrant de ridicule en jouant les effets de manège. Mais peu importe. Car bien d’autres considérations beaucoup plus lourdes de conséquences sont associées à la démarche proposée.

1 L’auteur de cette note a été, dans les années 1970, directeur des Affaires économiques et

président du Comité économique de l’OTAN. Il occupait, à ce titre, le poste le plus élevé conservé par la France dans la partie administrative de l’Organisation atlantique. 2 L’évaluation de l’effort de défense était une de mes tâches à l’OTAN. Plus tard,

conférencier à l’Ecole supérieure de guerre, je n’ai cessé de soutenir pendant des années la nécessité de maintenir l’effort de défense au moins à 3% du PNB pour disposer d’un instrument de défense digne de ce nom. En vain.

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2) La France est déjà significativement engagée en Afghanistan, pour répondre à la demande américaine. Or cette guerre, de l’avis de beaucoup, a peu de chances de pouvoir être gagnée pour toutes sortes de raisons bien connues. Il y a, en premier lieu, l’incapacité d’un régime faible et corrompu (qui rappelle tout à fait le régime de Saïgon sur ses fins) d’apporter une contribution significative à la conduite de la guerre. Mais il y a surtout le voisinage du Pakistan voisin qui dispose d’un régime politique, et même d’une société, en voie de décomposition rapide, mais aussi, et bien fâcheusement, de l’arme nucléaire et de redoutables capacités de frappe à longue distance. Un conflit direct de l’OTAN avec le Pakistan nucléaire aurait sans nul doute des effets régionaux cataclysmiques que l’on n’ose à peine évoquer3. Or la France est d’ores et déjà présente en Afghanistan et peut-être un jour au Pakistan. On n’en voudra pour preuve que la nomination d’un personnage quelque peu singulier et fort connu, le député de Paris Pierre Lellouche, au passé un peu lourd, à un poste de « chargé de mission » pour ces deux pays au Quai d’Orsay4. Le retour programmé de la France dans l’OTAN ne peut que nous placer plus proches encore du centre d’un conflit potentiellement dévastateur. De toute façon, même sans aller jusque-là, une défaite peu glorieuse de l’OTAN, la première de son histoire, sonnerait fort probablement le glas d’une organisation qui aurait perdu toute crédibilité aux yeux de ses adversaires. On ne voit guère l’avantage pour notre pays à réintégrer in extremis l’OTAN dans de telles conditions.

3) A nos portes, ou quasiment, l’éventualité d’un conflit entre Israël et l’Iran est désormais probable avec l’acquisition, déjà effective ou proche, de l’arme nucléaire par ce dernier pays. Avec la formation d’un gouvernement israélien « radical », avec ou sans Netanyahu5 comme premier ministre, la tentation, déjà envisagée dans les derniers mois de l’administration Bush, d’une frappe préventive contre les installations nucléaires de l’Iran deviendra de plus en plus forte6. Le président Obama,

3 Peut-on une seconde imaginer que l’Inde resterait non impliquée et la Chine indifférente

devant un conflit qui aurait des chances de devenir nucléaire à leurs portes ? 4 Où il a promptement marqué son territoire en faisant occuper par ses hommes une

bonne partie du 2e étage du Quai. 5 Qui dispose, est-il besoin de le rappeler, de la double nationalité israélienne et

américaine comme le directeur de cabinet du président Obama, Emmanuel Rahm. 6 Elle avait déjà été envisagée par l’ancien premier ministre Olmert pendant les derniers

mois de l’administration Bush. Ce dernier, avec une tardive sagesse, avait refusé de donner son aval à une telle opération.

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englué dans une catastrophique et inextricable crise économique, fera-t-il preuve de la même fermeté que son prédécesseur pour s’opposer aux demandes israéliennes ? Et si le besoin s’en faisait sentir, Israël ne sera-t-il pas tenté de lui forcer la main en déclenchant préventivement les hostilités ?

Auquel cas la France, redevenue le nouveau membre de l’OTAN, ne sera-t-elle pas aussi directement impliquée dans le nouveau conflit ouvert à ses portes ? Pourra-t-elle rester neutre ? Pourra-t-elle refuser sous la pression américaine, comme elle l’avait fait pour l’Iran, de consentir une participation à une nouvelle guerre au potentiel nucléaire manifeste, si les Etats-Unis devaient s’y engager ? D’autant plus que les déclarations d’amitié éternelle, de bonnes intentions, de solidarité à toute épreuve entre la France et Israël n’ont guère manqué depuis deux ans. Au surplus la France a cru devoir ouvrir une base militaire, symbolique certes mais bien réelle (mais rien n’est symbolique dans ce domaine), au Moyen-Orient pour bien marquer le grand retour de la France « aux affaires de la région ». L’ensemble de ces facteurs risque fort de nous entraîner, peut-être malgré nous, dans un conflit majeur qui, il faut bien le souligner, ne nous concerne pas.

Ceci est l’occasion de revenir rapidement sur les conséquences d’une telle conflagration. Elles sont terrifiantes et les enjeux colossaux : Tous les experts sérieux reconnaissent qu’une destruction complète et durable des capacités nucléaires de l’Iran est impossible. Dans le meilleur des cas celles-ci seraient plus ou moins rapidement reconstituées avec, vraisemblablement, le concours empressé de la Russie redevenue « l’ennemi héréditaire ». Mais l’épisode suivant autoriserait forcément le recours de l’un et de l’autre des protagonistes à la bombe. Le prix du pétrole, malgré la crise, aurait toutes les chances de sauter au plafond. Avec l’impact que l’on peut aisément imaginer sur les tentatives de relance en cours qui seraient cassées net. Sans compter sur une nouvelle flambée de haine dans les pays arabes contre Israël et ses alliés, dont la France.

Dans le meilleur des cas les communautés juive et musulmane présentes sur le territoire national seraient fortement incitées à se livrer à des manifestations d’une rare violence sans doute accompagnées d’une flambée de terrorisme.

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Toutes ces interrogations pointent malheureusement dans une même direction, à savoir les graves incertitudes et les grands risques attachés à la réintégration de la France au sein de l’OTAN.

* Article reproduit avec l’aimable autorisation de la Fondation Polémia.

* Ancien chef du service des affaires économiques de l’OTAN, fondateur

de l’Institut géopolitique des populations

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ENJEUX GEOPOLITIQUES MONDIAUX :

PERSPECTIVES 2009

Jérôme Pellistrandi *

À l’automne de cette nouvelle année, l’Europe fêtera le vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin qui mit fin à la division du « vieux continent » mais qui ne mit pas fin à l’Histoire. Bien au contraire, l’Histoire s’est accélérée avec le retour de la guerre et des nationalismes, y compris sur le continent européen. Certes, les progrès ont été considérables et la construction d’une Europe unie, prospère et en paix en est un exemple qu’il convient de mettre en valeur et de rappeler aux jeunes générations, malgré la crise des Balkans, dont les cicatrices restent encore béantes en 2009, notamment au Kosovo. Mais l’Histoire est un éternel recommencement où les ambitions et les espoirs peuvent se briser sur des crises aux conséquences inconnues et durables. L’année 2008 n’a pas échappé à cette règle avec l’émergence d’une crise financière puis économique sans précédent depuis des décennies. La question qui se pose, est de savoir si cette dépression économique aura des impacts stratégiques mettant en cause la sécurité et la stabilité des relations internationales. Dans tous les cas, ses répercussions seront profondes et durables au risque de remettre en cause certains principes de l’économie de marché. Une inconnue majeure a cependant été levée avec l’élection du nouveau président américain Barak Obama. Son arrivée à la Maison-Blanche, à partir du 20 janvier, ouvre une nouvelle ère tant pour les Etats-Unis, que pour le reste du Monde. Certes, il ne faudra pas s’attendre à une rupture profonde. Mais plus que le fond, le changement de forme, après huit ans d’administration républicaine, pourrait contribuer à rétablir une image plus positive de l’hyper puissance aujourd’hui marquée par des échecs multiples tant sur la scène internationale que sur le plan intérieur avec une économie en pleine incertitude et en pleine tourmente. La composition de la future équipe gouvernementale américaine traduit une volonté de compétence et d’expérience, mais aussi réaffirme le principe

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d’« America first ». De toute façon, une nouvelle page s’ouvre, page qui s’annonce passionnante mais exigeante. Foyers de crise

Il y a une constante géopolitique bien établie depuis la chute du Mur: l’incertitude stratégique. Chaque année apporte ses nouvelles instabilités. En 2008, aux crises ouvertes, il a fallu rajouter la guerre entre la Georgie et la Russie, dont les conséquences seront encore perceptibles cette année. L’OTAN a d’ailleurs fait preuve de sagesse en ne cédant pas aux sirènes de l’élargissement pourtant demandé par Washington au profit de la Georgie et de l’Ukraine. La question russe restera encore d’actualité avec le besoin d’une clarification des relations entre l’OTAN, l’Union européenne, les Etats-Unis et Moscou. Quelle est l’ambition de la Russie ? Moscou pourrait être ainsi tenté par un rapprochement d’opportunité avec Pékin. La région du Caucase restera une zone conflictuelle car elle correspond à la vision russe de son « pré carré ». Le tournant résolument pro-américain du président géorgien a failli tourner au désastre cet été et les luttes d’influence au sein même du gouvernement de Georgie risquent de se poursuivre. Il y a un an environ, les organisations maritimes se réjouissaient de la baisse de la piraterie, notamment au large du détroit de Malacca. Or, c’est désormais une réalité majeure dans l’Océan indien et le Golfe d’Aden, mais aussi dans le Golfe de Guinée, autour des plateformes pétrolières off-shore. Les pirates somaliens s’attaquent désormais sans complexe à des navires de taille importante, naviguant sur les routes maritimes essentielles à l’économie mondialisée. Le dispositif naval mis en place récemment par l’Union européenne, va permettre certes de réduire les risques, mais ne résorbera pas totalement la menace, ne serait-ce qu’en l’absence d’une autorité légitime et stable capable de contrôler les côtes de Somalie. L’opération européenne nécessitera de déployer des frégates dans la durée et sans effet médiatique susceptible d’intéresser l’opinion publique européenne. Il y a une réelle ingratitude à mener de telles missions. Pour le moment, cette piraterie semble ressortir d’un schéma classique de banditisme et de prises de rançons, ce qui d’ailleurs a toujours été une activité traditionnelle dans la région de la Corne de l’Afrique avec la contrebande. Il est à craindre cependant une évolution

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vers une revendication politique islamiste qui, dès lors, sera plus dangereuse et difficile à maîtriser. La notion de zone grise réservée jusqu’à présent à ces espaces terrestres désormais hors du contrôle d’une autorité étatique reconnue, s’étend désormais en mer, posant d’ailleurs un problème essentiel de droit maritime puisque la liberté de navigation est reconnue en plein océan. Sur quelle base juridique, les navires occidentaux pourraient-ils intercepter une vedette « go fast » avec des pirates mais en l’absence de preuve d’une attaque ? Au XVIII° siècle, les marines britanniques et françaises réglaient ce problème de façon plus expéditive et les pirates –blancs ou barbaresques- savaient à quoi s’en tenir en cas de capture. L’Afrique ne connaît guère de répit avec le Darfour dont le retour à la normale reste très fragile. L’opération Eufor Tchad, conduite par l’Union européenne est censée s’achever au printemps, mais le besoin de sécurité demeurera et il n’est pas sûr que le transfert à l’ONU ou à l’Organisation de l’Unité Africaine soit la solution. Là encore, l’Union européenne doit inscrire son action dans la durée, tout en évitant un enlisement et une passivité face aux luttes de pouvoir entre les factions tchadiennes. Il en est de même pour l’Est de la République démocratique du Congo où les forces de l’ONU ne semblent guère capables d’enrayer la déstabilisation permanente de cette région centrale de l’Afrique. L’envoi évoqué cet automne d’un « battle group » européen s’est avéré impossible car l’Union européenne n’est pas parvenu à se mettre d’accord sur ce sujet. Cela ne peut que rendre perplexe sur l’utilité de la structure du «battle group ». La ceinture sahélienne constitue également un foyer de préoccupation avec le développement de groupes islamistes se réclamant d’Al Qaeda et mettant en cause la sécurité des zones occupées par des tribus touaregs. La question de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire reste toujours posée avec toutefois des progrès constatés dans la normalisation de la situation. L’Afghanistan est désormais le foyer majeur d’instabilité où l’OTAN joue son avenir mais aussi son existence. L’échec n’est plus à

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exclure. Certes, l’hiver actuel va calmer temporairement les ardeurs des talibans, mais le printemps leur permettra de relancer leurs attaques contre les troupes de la coalition, dont les pertes en 2008 ont été malheureusement très supérieures aux pertes des années précédentes. Tous les experts militaires insistent sur le fait que la solution n’est pas militaire, mais l’engrenage infernal est en marche. Alors, comment construire un état fiable dans un environnement aussi insécuritaire ? Comment réformer une société encore médiévale qui reste régie par la force et la soumission aux « seigneurs de la guerre » ? Comment éradiquer une corruption endémique et profondément ancrée dans un pays sans Etat ? Comment construire une société de droit et d’égalité entre l’Homme et la Femme ? Ces questions risquent encore de rester sans réponse. Le Pakistan, pris en tenaille entre les fondamentalistes islamistes, les pressions de Washington et les menaces de représailles de l’Inde, constitue l’autre foyer de crise. Son instabilité chronique et l’ambiguïté du rôle de son armée ne peuvent qu’inquiéter non seulement New Delhi mais toute la communauté internationale. En effet, les attaques islamistes à Bombay en novembre, ont atteint une dimension nouvelle particulièrement inquiétante et qui risquent de se renouveler. Or, le déchaînement de violences reste récurrent dans le sous-continent indien. Islamabad a intérêt à la prudence d’autant plus que l’emploi de l’arme nucléaire n’est pas à exclure. À l’inverse, la situation en Irak semble se normaliser peu à peu, même si la violence perdure avec des attentats suicides et une forme de partition communautariste de ce pays. Le retrait annoncé d’une partie des troupes américaines devrait faire baisser la tension mais le retour à la normalité va réclamer encore de gros efforts. La nouvelle administration Obama devra par ailleurs clarifier les liens établis entre les entreprises américaines et le secteur pétrolier pour donner plus de crédibilité au gouvernement irakien. 2009 pourrait être le début d’une sortie de crise pour Bagdad. Nouvelles incertitudes stratégiques

La crise financière, puis économique ne peut que déstabiliser les équilibres fragiles entre les grands espaces économiques. Ainsi,

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l’effondrement du cours du pétrole, s’il peut paraître une aubaine temporaire pour l’automobiliste occidental, va fragiliser toute l’économie mondiale. Certains pays producteurs comme le Venezuela ou l’Algérie ont impérativement besoin des ressources du pétrole pour éviter des troubles internes déstabilisants. De plus, l’effondrement des cours des bourses mondiales affaiblira les capacités financières des pays du Golfe, gros clients des industries occidentales, dont l’aéronautique et le secteur du luxe. Il en est de même pour la Chine, dont la stabilité nécessite la prospérité économique. Or, le ralentissement de son économie a désormais un impact majeur pour l’ensemble de la planète avec un effet « domino » imprévisible. L’effet « jeux olympiques » s’est vite dissipé et le raidissement de Pékin autour du Dalaï Lama et du Tibet montre que les enjeux de pouvoir subsistent entre les réalistes et les « faucons ». La nature du projet chinois reste inconnue. S’agit-il d’un projet de type « soft power » ou plutôt d’une volonté de créer un espace « impérial » ? Il sera significatif de suivre de près les évolutions de la politique étrangère du Japon pour comprendre les enjeux en cours en Asie. Il en sera de même pour l’Australie qui s’inquiète des ambitions navales chinoises et qui devrait publier son Livre blanc mettant l’accent sur le besoin de crédibilité de la défense australienne aujourd’hui sous-dimensionnée. Les élections présidentielles en Iran, en juin, constituent également une source d’inquiétude avec le risque de surenchères politiques internes aux implications extérieures. Les provocations à l’égard de l’Occident mais aussi envers Israël ne sont pas à exclure, de la part d’un régime confronté à une contestation interne croissante. Là encore, la baisse brutale du cours du pétrole n’est pas synonyme de calme et de sécurité. Bien au contraire, il ne faut pas se réjouir d’un baril trop faible, vecteur de déstabilisation. Les crises sanitaires seront encore malheureusement une réalité cette année. L’épidémie de choléra au Zimbabwe n’est qu’un malheur supplémentaire pour ce pays à la dérive avec un président autocrate qui ne constitue pas une exception sur le continent africain. L’urbanisation sauvage dans des mégapoles au développement incontrôlé risque également de mener à de nouvelles violences. Là encore, ces mégapoles

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se concentrent dans les régions les plus pauvres de la planète, en Afrique et en Asie, principalement. Indirectement, la crise est également une menace majeure dans la lutte contre le réchauffement climatique. Pourquoi prendre des mesures contraignantes et impopulaires pour essayer de traiter un problème dont les conséquences ne seront pas immédiatement visibles ? L’égoïsme des nations va prendre le pas sur la sagesse exigée par un tel enjeu. La priorité des gouvernements n’est pas dans le long terme mais dans le très court terme. Une des conséquences du réchauffement sera le transfert de population vers les zones urbaines et vers les zones de prospérité. L’Europe, plus que jamais, sera un eldorado convoité par des immigrés en quête d’une vie meilleure. Or, seul le co-développement des pays africains est en mesure de répondre aux besoins des populations plutôt qu’une immigration non contrôlée et non maîtrisée vers le Nord plus prospère. Cet enjeu nécessite d’ailleurs une réponse européenne. La sécurité alimentaire est également un enjeu essentiel non seulement pour les pays en voie de développement, dont pudiquement on oublie combien cette question est essentielle pour la simple survie de leur population, mais aussi pour les pays développés. La hausse des matières premières comme le blé au cours du premier semestre 2008 avait entraîné des tensions sociales, y compris en Europe. La crise du pouvoir d’achat, et maintenant l’augmentation du chômage dans les pays de la zone euro créent des conditions d’instabilité sociale devenant dès lors des priorités absolues pour les gouvernements. La pauvreté est par nature un facteur de crise stratégique. Les succès de politique étrangère deviennent alors secondaires pour les opinions publiques alors même que le retour à la prospérité et à la croissance passe par la stabilité internationale. Les progrès à venir

L’Union européenne prend cependant conscience peu à peu de ses responsabilités internationales. Certes, les progrès de l’Europe de la défense restent encore limités, malgré les efforts de la présidence française, tandis que l’OTAN s’apprête à fêter son soixantième anniversaire lors du sommet qui se tiendra en avril entre Strasbourg, Kehl et Baden-Baden. Cette année sera décisive pour Paris avec l’expression de

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son souhait de réintégrer la structure militaire de l’Alliance. Pour cela, il faudra en déterminer les conditions et accorder à la France des responsabilités à la hauteur de sa puissance militaire. Les négociations ne seront pas aisées car elles imposent également de revoir l’ensemble de l’architecture de l’OTAN et la répartition des commandements. En effet, même si nos armées sont engagées dans un processus majeur de restructuration, la feuille de route est désormais connue et cette année va permettre la mise en œuvre des décisions élaborées en 2008 autour du Livre Blanc publié en juin et de la Loi de programmation militaire 2009-2014 présentée cet automne. Désormais, les objectifs sont établis et la volonté de réussir est forte. Certes, il y aura des difficultés dès cet été avec les premières dissolutions de certaines unités et les déplacements d’autres entités. La dimension « accompagnement du personnel » sera d’ailleurs essentielle et dimensionnante pour la réussite finale. Des frustrations dans ce domaine auraient un impact très négatif et durable sur le moral des armées déjà fragile. Pour l’armée de terre, la plus concernée des trois armées, 2009 verra le déploiement opérationnel de ses nouveaux matériels, concrétisant ainsi des années d’effort et d’attente. Ainsi est évoqué l’envoi au printemps, sur le théâtre afghan, de trois hélicoptères de combat Tigre. Cette perspective ne concerne pas que l’ALAT mais bien toute l’armée de terre. L’emploi en opération du Tigre permettra de montrer la pertinence de ce programme lancé, il y a plus de vingt ans. De la même façon, l’envoi de canons d’artillerie Caesar –déjà déployés au Liban et dont 8 exemplaires ont déjà été livrés - apportera une puissance de feu indispensable à nos troupes. En métropole, l’engin blindé à roues VBCI va devenir, après les premières livraisons en 2008, une réalité dans les régiments d’infanterie en remplaçant les vénérables AMX 10P en service depuis plus de trente ans. Après plus de15 mois d’indisponibilité suite à son chantier de modernisation, le porte-avions Charles De Gaulle, va redonner une capacité indispensable à la politique étrangère française dans ce contexte trouble. La question du deuxième porte-avions ne sera pas tranchée cette année, mais les débats vont se poursuivre tant sur le plan technique que politique pour une décision en 2011-2012. Par contre, la mise en service des frégates de défense anti-aérienne du type Horizon, retardée pour des

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raisons techniques, va offrir de nouvelles capacités à la marine nationale et améliorer la sûreté du groupe aéronaval. La montée en puissance de la base récemment implantée aux Emirats arabes unis devrait se poursuivre et contribuer à la stabilité du Golfe persique. Le lancement du deuxième satellite Hélios 2B confortera notre défense en renforçant l’outil spatial d’acquisition du renseignement, indispensable dans la prévention et la gestion des crises. Le renforcement de l’espace militaire devrait ainsi permettre à Paris d’accroître sa crédibilité dans un domaine aussi stratégique. La dissuasion nucléaire devrait franchir une nouvelle étape avec la mise en route du laser méga-joule implanté près de Bordeaux. Cet outil de simulation est indispensable pour garantir la crédibilité et la sûreté de nos têtes nucléaires. Ce chantier majeur a été lancé depuis plus d’une décennie. Le maintien de nos compétences scientifiques et technologiques dans ce domaine stratégique a d’ailleurs été réaffirmé dans la Loi de programmation militaire. Dans ce domaine, cette année verra le premier tir de synthèse du nouveau missile M 51 destiné à équiper le SNLE Terrible dont l’admission au service actif est toujours prévue en 2010. 2009 pourrait voir enfin un premier succès à l’exportation de l’avion Rafale, dont l’engagement opérationnel est une réalité depuis deux ans. Le Rafale a été engagé en Afghanistan où il a régulièrement effectué des attaques au sol. La Suisse a mené une campagne d’essais à l’automne 2008 entre différents avions concurrents afin de sélectionner son futur avion de combat. Le Rafale fait partie des trois candidats et le résultat est attendu cet été. Sur le plan industriel, le constructeur aéronautique EADS devrait être enfin en mesure d’effectuer les premiers vols de l’avion de transport stratégique A 400M, prévus initialement en mars 2008. 2008 a été à cet égard, une année de déceptions et de difficultés majeures pour ce programme emblématique pour l’Europe. Les soucis industriels ne sont pas sans rappeler ceux que connaît le gros-porteur A 380. Le premier vol n’est pas attendu avant la mi-2009. EADS a montré ici une certaine

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incapacité à résoudre ses problèmes liés à sa structure multinationale. Par ailleurs, le retard accumulé ne sera pas sans poser des problèmes notamment pour notre armée de l’air qui doit poursuivre le retrait du service, à raison de 4 appareils par an, des avions Transall atteints par leur obsolescence. Des solutions palliatives devront être trouvées très vite avant le premier semestre 2011 avec la livraison des premiers A 400M. Initialement, EADS, en 2000, avait prévu la mise en service de l’avion en 2007. Il y aura cependant quelques satisfactions en 2009 avec la poursuite du développement de la capacité spatiale européenne. En effet, Arianespace devrait mettre en œuvre, outre sa fusée « best seller » Ariane V, deux nouveaux lanceurs à partir de la base de Kourou en Guyane. Il y aura le petit lanceur Vega et la fusée de conception russe Soyouz. Indéniablement, cet effort, constant depuis des décennies, garantit à l’Europe son indépendance dans ce secteur hautement stratégique, mais la vigilance doit rester de mise à travers le maintien des investissements de recherche et de développement. Les ambitions chinoises et indiennes sont en effet ambitieuses et crédibles car s’appuyant sur de beaux résultats obtenus en 2008 comme le troisième vol habité chinois et la sonde lunaire indienne. Le dialogue interreligieux peut constituer également une des satisfactions de cette année. Ainsi, le roi d’Arabie saoudite a, en 2008, fait preuve d’une volonté d’ouverture sans précédent envers les autres religions du Livre. De même, les relations entre le Vatican et l’Eglise orthodoxe ont commencé à s’améliorer, augurant de lendemains moins tendus et donc porteurs d’espoir pour les années à venir, car récusant la théorie du choc des civilisations. De la même façon, l’amélioration progressive des rapports entre Cuba et Washington semble bien engagée et devrait s’accélérer avec la future administration Obama. Une transition en douceur reste préférable pour éviter une crise régionale aux conséquences dramatiques pour la population de l’île. La crise économique profonde qui touche l’ensemble de la planète, constitue en cette année 2009, une source majeure d’instabilité alors même que les tensions ne cessent de croître dans l’arc de crise

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défini dans le Livre blanc. Après un semestre de présidence française très dense et porteuse de projets concrets, l’Union européenne risque de retomber dans ses travers habituels avec une présidence tchèque à venir qui suscite des interrogations en raison de l’euroscepticisme en cours à Prague et la non-résolution de la crise ouverte avec le non irlandais au traité de Lisbonne. Or, la poursuite de la construction européenne est indispensable en cette période de grande incertitude économique et stratégique. Il faut souhaiter également que la campagne électorale qui va démarrer en Allemagne pour les élections de septembre ne paralyse pas l’Europe. Pour la France, 2009 sera une année décisive pour la mise en œuvre des décisions stratégiques prises en 2008. La difficulté sera accrue par le contexte économique difficile, mais il sera indispensable que la Défense conserve sa cohérence non seulement sur le plan de son organisation mais surtout dans sa dimension humaine. A condition aussi de se sentir soutenue tant par les autorités politiques que par l’opinion publique française. L’Afghanistan restera le principal foyer de crise pour lequel les perspectives restent sombres. Rester ou partir, dans les deux cas, la violence sera au rendez-vous. Et la France sera en première ligne. 2009 s’ouvre avec l’espoir de la nouvelle présidence américaine. Il reste à souhaiter que celle-ci connaisse le succès tant attendu et espéré.

* Ancien chef de corps du 28° RT (2005-2007), le colonel Jérôme

Pellistrandi commande la Brigade Multinationale d'appui au

commandement du Corps Européen à Strasbourg.

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LES CLEFS D’UNE ANALYSE GEOPOLITIQUE DU SAHEL

Medhi Taje *

Avec 8,5 millions de km2, le Sahara est le plus grand désert au monde. En effet, il s’étend sur 6000 km de l’Atlantique à la mer Rouge et sur 2000 km des côtes méditerranéennes aux steppes arides du sahel africain. Vu d’Europe, le Sahara fut longtemps considéré comme une frontière ultime, un espace vide, isolé et générateur de mythes : au moyen-âge, « on le croit peuplé d’animaux fantastiques », de créatures mi-humaines, mi-animales. Aujourd’hui, dans l’imaginaire collectif, nous le croyons vide, sec, simplement parcouru par des nomades touaregs, les hommes bleus du désert. La réalité est bien plus complexe ! Le Sahara, espace vivant et en profonde mutation sur les plans économiques, politiques, démographiques, etc. est parcouru par de nombreuses routes commerciales et par des oasis, espaces de vie et véritables carrefours permettant le commerce et les échanges. Le Sahara, « pays aux teintes fauves »7, est souvent appréhendé en tant que zone de séparation, espace « tampon », entre deux champs géopolitiques distincts, l’Afrique du Nord ou Afrique « Blanche » et l’Afrique Noire. Dans les textes arabes médiévaux, le sahel désigne l’espace compris entre le Maghreb et le « bilad as sudan », pays des noirs. Espace de jonction entre deux plaques tectoniques aux particularités affirmées et ancrées dans le temps long, ce théâtre se situe à la croisée de multiples facteurs antagonistes. Barrière entre Méditerranée et Afrique subsaharienne, le sahel est une voie de commerce traditionnel mais aussi une zone grise qui échappe au contrôle régulier des Etats riverains et une voie de passage des flux migratoires entre l’Afrique et l’Europe. Pourquoi s’intéresser, en tant que géopoliticien maghrébin, à cet espace qui nous semble si lointain et dans une certaine mesure si étranger ? Cet espace, flanc sud des pays du Maghreb, concentre une large part d’opportunités mais également de menaces susceptibles

7 DORBEC Prosper, Eugène Fromentin: biographie critique, Paris : H. Laurens, 1926, 127 p.,

p.94.

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d’affecter les pays de l’Union Européenne. Nul doute qu’il pèsera significativement sur l’avenir de notre région !

Les dangers potentiels peuvent se matérialiser sous plusieurs formes, isolées ou combinées :

* Explosion conflictuelle engendrant une réaction en chaîne déstabilisant l’ensemble de l’arc sahélien, notre heartland (ceinture de sécurité du sud) ; * Constituer un terreau et un sanctuaire pour le terrorisme international : une pépinière où un groupe terroriste pourrait trouver refuge ou des facilités d’entraînement et de recrutement (attentats, enlèvements, piraterie, camps d’entraînement etc.) ; * Constituer une zone grise propice à la multiplication des trafics illégaux : armes, stupéfiants, véhicules, matières premières, enfouissement de déchets nucléaires, etc. ; * Constitution d’un réseau de diffusion et d’infiltration d’un islamisme radical ; * La source d’une émigration de masse utilisant l’Afrique du Nord comme tremplin (lieu de transit) vers les rivages européens : l’écart économique grandissant et la poussée démographique risquent de provoquer un courant de migration difficilement maîtrisable ; * Le blanchiment d’argent ; * Détournement des ressources stratégiques (pétrole, gaz, uranium…etc.), objets d’une vive concurrence internationale. USA, France, Chine etc. convoitent les ressources pétrolières de la zone : la récente tentative de déstabilisation du régime tchadien, via le Soudan, transcende de toute évidence les capacités soudanaises et rejoint la stratégie plus imposante à dominante asiatique et vraisemblablement chinoise (jeu de bascule autour de l’enjeu pétrolier). Les pays de l’Union européenne et du Maghreb ne peuvent sous-estimer ces dangers qui se sont déjà matérialisés de façon disparate dans

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diverses situations. Ne pas sous-estimer, c’est analyser, c’est anticiper les mutations pouvant affecter et recomposer la géopolitique de ce théâtre aux particularismes si prononcés. Ne pas sous-estimer dicte de clarifier et d’identifier les variables motrices endogènes et exogènes, les dynamiques politiques, économiques, ethniques, culturelles et historiques qui caractérisent cet espace et conditionnent son évolution. Il s’agit, en appliquant la méthode géopolitique, de mettre en relief la personnalité stratégique de cet espace peu exploré afin d’accroître sa lisibilité, de dégager ses modalités et sa logique de fonctionnement et d’évolution. Dans ce contexte, je vous livre quelques pistes de réflexion identifiant deux catégories d’éléments qui me semblent indispensables à l’analyse géopolitique de cet espace : les facteurs constitutifs du champ sahélien, c’est-à-dire les facteurs participant à sa définition et les grandes lignes de fracture qui nourrissent la conflictualité sahélienne.

LES FACTEURS CONSTITUTIFS

Un champ caractérisé par la géopolitique du désert

Des frontières poreuses et fragiles

L’espace saharo-sahélien favorise une remise en question des frontières établies par les Etats, l’étatisation postcoloniale de l’espace ayant bouleversé les frontières ethniques et les modes de vie traditionnels, notamment la libre mobilité des hommes et des biens (caravanes, commerce, transhumance et nomadisme). En effet, les régions arides sahéliennes sont historiquement parcourues par des tribus nomades rivalisant pour le contrôle des oasis et des routes caravanières. Pour ces tribus, dont la mobilité est une tradition et une question de survie, les contraintes liées aux frontières et aux procédures entre Etats (passeports, visas, etc.) n’ont aucune signification. Logiquement, les Etats sahéliens ont œuvré depuis les indépendances au renforcement de leurs appareils administratifs et militaires afin de matérialiser leur contrôle sur leur territoire. Dans ce cadre, les tentatives de sédentarisation des nomades ou des pasteurs sont devenues peu à peu une priorité en termes de modernisation, de souveraineté et sécurité nationale ainsi que de maîtrise de la contrebande ou de mouvements subversifs. Cette dynamique de sédentarisation plus ou moins forcée s’est traduite par une

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radicalisation des tribus nomades qui y ont perdu leurs troupeaux, souvent seul moyen de subsistance. C’est dans le cadre de ce télescopage entre l’autorité étatique et l’autorité traditionnelle des populations nomades que doivent être analysés de nombreux conflits sahéliens. En effet, les populations nomades sont des acteurs majeurs de ces conflits, souvent frontaliers. C’est dans cette optique que s’inscrivent les mouvements touaregs au Mali et au Niger ou les mouvements Toubous dans le nord du Tchad. Comme le souligne Yves Lacoste dans son dictionnaire de géopolitique : « menacés de la ruine matérielle par la perte de leurs troupeaux et de leurs montures, comme par la perte de prestige que représente la sédentarisation, les nomades trouvent dans leur participation à des opérations financées par des intérêts occultes, parfois fort lointains, l’occasion de prouesses guerrières et de revenus pour eux considérables »8. Un champ vecteur de menaces diffuses Le désert, « vide topologique » difficilement contrôlable et difficilement défendable, devient susceptible d’attirer de multiples fonctions : trafics illicites (personnes, armes légères, armes prohibées, dépôt de déchets nucléaires, etc.) propices à une diversification et à une prolifération des facteurs de tension ; abri pour des commandos dormants ; zone grise offrant des angles de pénétration pour des terroristes ; zone discrète favorable pour des tests sensibles (armes chimiques, armes balistiques, entraînements aériens, etc.). Pour diverses raisons, les Etats risquent de se laisser entraîner dans de telles activités licites ou illicites ou s’en faire directement complices. En fait, le Sahara, zone de transit, zone refuge et zone d’activités secrètes, s’avère vecteur de menaces sérieuses.

Une démographie singulière

Le désert favorise des dynamiques de transfert de populations. La nature ayant horreur du vide, de nombreux espaces désertiques « sont

8 LACOSTE Yves, Dictionnaire de géopolitique, Paris : Flammarion, 1993, 1679 p.

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sujets au déversement de trop-pleins démographiques »9. Le surpeuplement de l’Egypte nilotique, côtoyant un Est libyen sous-peuplé, est enclin à favoriser une migration des populations égyptiennes vers ces espaces vides. Ainsi, « historiquement clos par le désert libyque, le territoire égyptien tend à déborder peu à peu vers celui-ci, poussé par sa démographie »10.

Par ailleurs, le sahel constitue un espace de transit pour les migrants d’Afrique sub-saharienne se rendant vers les pays de l’Union européenne. En renforçant le contrôle des flux migratoires, l’espace Schengen a déplacé la problématique migratoire en amont, c’est-à-dire le long du littoral du Maghreb et au sein des villes du Sahara. Dans ce cadre, les routes transsahariennes sont devenues les nouvelles routes de l’immigration d’Afrique sub-saharienne vers l’Europe. En reportant ainsi la pression migratoire en amont, l’UE contribue à l’augmentation significative du nombre de migrants au sein du Sahara, à l’émergence de villes de plus en plus peuplées, souvent caractérisées par une économie de transit fragilisant le tissu social (villes, véritables plaques tournantes de l’immigration : Tamanrasset, Agadez, etc.) et à l’exposition des pays du Maghreb à de multiples pressions migratoires déstabilisatrices à long terme.

Des Etats enclavés

Le désert est propice à l’enclavement des Etats. Un Etat enclavé est un Etat qui ne dispose pas de façade maritime et donc d’un accès direct à la mer. Les communications et les échanges économiques dépendent étroitement de sa relation avec ses voisins. Cette dépendance est la source d’un profond handicap, souvent vécu comme un « complexe d’infériorité géopolitique » conduisant les Etats à développer de multiples stratégies de désenclavement. Comme le souligne Aymeric Chauprade, « si un Etat est enclavé, alors l’enclavement est sa donnée géopolitique majeure, supérieure à toute les autres. L’ambition première d’un tel Etat est de sortir de l’enclavement »11. Cette nécessité est qualifiée

9 CHAUPRADE Aymeric, Introduction à l’analyse géopolitique, Paris : Ellipses, 1999, 320 p.,

p. 94 ; voir aussi, DUSSOUY Gérard, Quelle géopolitique au XXIe siècle?, cf. l’espace démo politique mondiale, Paris : Editions Complexe, 2001, 500 p., pp. 129-137. 10

Ibid., p.94. 11

Op.cit., CHAUPRADE Aymeric, Introduction à l’analyse géopolitique, p.63.

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d’ « invariant géopolitique »12 : accéder à l’élément liquide, vecteur de richesse et de puissance, devient une véritable obsession. Au sein de l’arc sahélien, le Tchad, le Niger et le Mali souffrent d’une situation d’enclavement qui handicape leur développement économique et conditionne, voire fragilise, leur posture géopolitique. L’importance des oasis

Comme l’évoque Yves Lacoste dans son dictionnaire de géopolitique : « des camions et automobiles desservent aujourd’hui ces oasis créées au Moyen-âge et qui sont devenues des lieux très limités en superficie mais où le peuplement est de plus en plus dense en raison de la croissance démographique des dernières années »13. La valeur stratégique des oasis s’en trouve accrue en raison du fort contraste entre ces points de concentration de peuplement et des immensités où les hommes sont de plus en plus rares. En quelque sorte, ces oasis acquièrent une fonction géopolitique semblable à l’insularité : qui les tient contrôle en fait un point d’appui et par voie de conséquence une partie du Sahara. Un champ aux multiples richesses

L’arc sahélien est riche en ressources : pétrole et gaz, fer, phosphate, cuivre, étain et uranium sont autant de richesses nourrissant les convoitises de puissances désirant s’en assurer le contrôle. Dans ce contexte, des stratégies de positionnement, de prise de contrôle, d’encerclement et de contre-encerclement participent à la définition des enjeux géopolitiques et géoéconomiques structurant le théâtre sahélien. Par ailleurs, l’exploitation de ces ressources a fortement modifié le paysage sahélien, transformant le Sahara d’un espace d’oasis faiblement peuplées en un espace de villes dépassant souvent les 100.000 habitants. Un espace à dominante islamique

La fulgurante poussée de l’islam au cours des siècles passés a significativement contribué à dessiner les contours de la géopolitique contemporaine des pays sahéliens. Pourtant, ce facteur religieux est

12

Ibid, p.62. 13

Op.cit., LACOSTE Yves, Dictionnaire de géopolitique, 1679 p.

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rarement à la base de la conflictualité sahélienne : la religion intervient mais en quelque sorte mobilisée par les dynamiques ethniques. Néanmoins, le théâtre sahélien fait l’objet d’une nouvelle poussée de l’islam politique, voire intégriste, risquant de fragiliser les équilibres précaires et d’offrir des angles de pénétration au terrorisme islamiste. En effet, au sein du monde sunnite, une poussée réformiste de tendance sunnite hanbalite, souvent néo-wahhabite, stigmatise le sunnisme malékite des confréries de l’islam noir traditionnel. Dans ce cadre, toutes les grandes sources de l’islam radical se positionnent peu à peu au sein des pays sahéliens. Par ailleurs, ces nouvelles forces, de nature transétatique, tout en étant pilotées par les Etats moteurs de l’islamisme radical (Arabie Saoudite, Pakistan, Iran et Soudan), interagissent avec les forces islamiques autochtones, les confréries, et ceci de manière propre à chaque pays. Ces forces, en apparence nouvelles, ne sont que la traduction contemporaine du combat que se livrent depuis des siècles les puissances occidentales et « les aires civilisationnelles arabe, perse et indienne »14. De nos jours, l’Iran, le Pakistan, l’Arabie Saoudite, la Libye, etc. « tentent d’évincer ce qui demeure de l’Occident en Afrique noire pour y reconquérir le terrain économique et politique qu’ils occupaient avant le début de la colonisation européenne »15.

Un espace répondant globalement aux tensions centre-périphérie

La géopolitique interne des Etats sahéliens est dans une grande mesure régie par le raisonnement géopolitique centre-périphérie. Le concept de centre est fondamental afin de comprendre la géopolitique interne et externe d’un Etat. « François Thual développe le concept de colonisation interne, pour illustrer l’idée selon laquelle une région l’emporte sur les autres dans le processus d’édification d’une nation »16. La notion de centre est définie comme étant « la zone géographique à partir de laquelle l’Etat exerce sa puissance sur l’ensemble du territoire et en direction des voisins. Le centre politique est généralement la capitale de l’Etat, tandis que le centre économique est

14

CHAUPRADE Aymeric, Géopolitique : constantes et changements dans l’histoire, Paris : Ellipses, 3

ème éd, 2007, 1050 p., p.321.

15 Ibid., p.321.

16 Op.cit., CHAUPRADE Aymeric, Introduction à l’analyse géopolitique, p.59.

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souvent une région. La périphérie est définie, par opposition au centre, comme la zone extérieure au centre, qui reçoit ou subit l’effort de puissance exercé par le centre »17. Clausewitz a défini le centre de gravité comme étant « un centre de puissance et de mouvement dont tout dépend ». Tout le long de l’arc sahélien, la géopolitique interne des Etats semble obéir à ce raisonnement opposant un centre contrôlant le pouvoir politique ainsi que les richesses du pays et des périphéries marginalisées aspirant à rompre le statu quo découlant souvent des effets de la colonisation ayant inversé les rapports de force traditionnels. A titre illustratif, le conflit du Darfour est étroitement lié à des considérations économiques et politiques. Survenant alors que le Nord et le Sud s’accordent sur un partage du pouvoir et des ressources, il n’est qu’un moyen destiné à légitimer les revendications des populations du Darfour marginalisées et aspirant à un partage plus équitable des ressources et à une participation au pouvoir. La périphérie se rebelle contre le centre. Ce raisonnement est transposable à la conflictualité tchadienne et touareg.

LES LIGNES DE FRACTURE

La ligne de contact entre « Blancs et Noirs » d’une part et Nord et Sud

d’autre part

Depuis longtemps, une partie du Sahara et des marges sahéliennes le bordant ont constitué une ligne de contact et d’opposition entre « Blancs et Noirs ». S’agit-il, à l’instar des « indiens » d’Amérique, de deux entités distinctes ou d’une même communauté aux apparences simplement différentes ? Les implications philosophiques de la question sont lourdes de conséquences. De fait, les Blancs ont longuement exercé une domination matérialisée d’abord par les « razzias » de biens et la « traite des noirs ». Ce facteur, souvent négligé dans l’analyse de conflits ravageant le sahel, est pourtant d’une importance majeure. En effet, l’esclavagisme, par son atrocité, par ses modes d’organisation, ses réseaux de soutien, etc. constitue un facteur déstructurant à forte charge

17

Ibid., p.59.

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émotionnelle inscrit dans la mémoire collective des peuples et transmis de génération en génération. Ainsi, de nombreux conflits sahéliens trouvent leur origine dans cette fracture Afrique Blanche-Afrique Noire matérialisée par la traite d’abord islamo arabe puis européo coloniale, souvent renforcée par l’instrumentalisation, voire la complicité, de populations noires (ethnies différentes et rivales). Lors de la décolonisation, de nombreux Etats regroupant administrativement des populations caractérisées par de lourds contentieux historiques, notamment les ethnies victimes de la traite, doivent assurer la cohabitation de tribus ayant participé activement au sein de l’ancien appareil négrier : « ce sont en effet des royaumes guerriers africains qui allaient capturer des esclaves chez d’autres peuples pour les vendre à des commerçants arabes ou à des négriers européens, mais aussi à d’autres africains »18. Il convient de garder à l’esprit que l’esclavage a été aboli tardivement en Mauritanie (5 juillet 1980)19. Entre les peuples victimes de la traite et ceux qui la pratiquaient ou en étaient complices, se sont dressés de véritables murs d’incompréhension, voire de haine, paralysant toute initiative de construction d’un véritable sentiment national, indispensable à l’émergence d’un Etat nation. Second aspect de cette ligne de contact, la plupart des Etats situés entre les latitudes 10° Nord et 20° Nord sont caractérisés, dans leur architecture interne, par une fracture Nord-Sud qui traduit in fine, une opposition avant tout ethnique entre populations blanches, souvent arabisées, et populations noires. Ainsi, au Mali, l’opposition fondamentale est celle des Blancs, Maures et Touaregs et des ethnies africaines noires. La rébellion est nordiste et touareg. En Mauritanie, les populations blanches arabo-berbères, en partie métissées de Noirs, sont confrontées aux populations négro-africaines, ethnies Toucouleurs, Sarakolés, Wolofs et Peuls. Cette fracture raciale Nord-Sud, ancrée dans l’histoire, est à la base d’une profonde conscience ethnico-tribale structurant les sociétés

18

Op.cit., CHAUPRADE Aymeric, Géopolitique : constantes et changements dans l’histoire, p.239. 19

L’esclavage a été aboli une première fois par l’administration coloniale au début du siècle, puis par l’Etat mauritanien indépendant en 1960 (affirmation de l’égalité des Mauritaniens devant la Constitution), et par un communiqué du Comité Militaire de Salut National (CMSN), le 5 juillet 1980 (confirmé par l’ordonnance n° 81-234 du 9 novembre 1981).

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du sahel africain et brouillant la pertinence du concept occidental d’Etat Nation. L’opposition sédentaires/nomades

A l’opposition populations blanches/populations noires s’ajoute l’opposition Sédentaires/Nomades, les pasteurs nomades (Toubou, Touareg ou Maures) se considérant comme des blancs, en dépit de la couleur de leur peau moins foncée, par opposition aux Noirs, habitants des oasis, descendants d’anciens esclaves et paysans des régions méridionales.

L’opposition sédentaires-nomades est une constante dans l’ensemble de l’arc sahélien : elle est à la base de nombreux antagonismes, sources d’une conflictualité croissante. Du Sénégal au Soudan, des altercations surviennent régulièrement entre pasteurs nomades en quête d’eau et de pâturage pour leurs troupeaux, et cultivateurs sédentaires cherchant à protéger leurs cultures et leurs champs. La prolifération des armes, l’explosion démographique, la désertification (poussant les nomades à rechercher des terres plus au sud) et les sécheresses de plus en plus fréquentes rendent la compétition pour l’eau et les terres de plus en plus vive. Cette dynamique risque d’être amplifiée à l’avenir par les conséquences de plus en plus prévisibles du réchauffement climatique. La fracture religieuse

La prépondérance du facteur ethnique ayant été soulignée, il convient, à ce stade, de mentionner la part de la fracture religieuse qui sacralise les antagonismes ethniques. En effet, la religion à son tour fut instrumentalisée à des fins identitaires, intervenant souvent en tant que facteur de division aggravant les oppositions ethniques. Dans de nombreux Etats du sahel africain, la polarisation Nord-Sud est amplifiée lorsque la fracture religieuse épouse la fracture raciale. Le Tchad et le Soudan sont des exemples significatifs d’Etats confrontés à cette double fracture à la base d’une conflictualité chronique hypothéquant la stabilité de ces sociétés. En effet, le Soudan est confronté depuis son indépendance à une incessante guerre civile opposant le nord arabo-musulman au sud peuplé d’ethnies bantoues, chrétiennes et animistes.

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L’impact du colonialisme L’Homme Blanc a soumis par la force l’Homme Noir, lui imposant, au nom d’une action à vocation civilisatrice, ses modèles, ses catégories politiques, ses institutions et ses propres concepts. Se superposant à l’opposition raciale Blancs-Noirs, le colonialisme est entré en confrontation directe avec la dynamique esclavagiste en désorganisant les systèmes négriers suite à l’abolition de l’esclavage décidée lors de la Conférence de Bruxelles (18 novembre 1889 - 2 juillet 1890) : « dans certains cas, le colonisateur s’est appuyé sur les appareils existants, dans d’autres, ce sont les groupes victimes qui s’y sont alliés pour se libérer des premiers »20. En effet, confronté à un véritable choc des races et à une puissante poussée de l’islam (venant essentiellement du Nord), le colonialisme sut jouer habilement des rivalités des différents acteurs en s’opposant à cette poussée musulmane dominatrice et esclavagiste par un soutien tactique aux populations noires les plus vulnérables. Parallèlement, l’évangélisation chrétienne véhiculée par les colonisateurs joua le rôle de « contrepoids significatif aux forces d’attraction qui s’exerçaient à partir du Maghreb musulman sur les pays d’Afrique Noire »21. Cette seconde pénétration religieuse s’avéra une arme efficace de colonisation et aboutit, en se heurtant aux populations musulmanes, à la « définition d’une ligne de contact » qui deviendra, par la suite, une véritable fracture d’ordre religieux. « Pour s’imposer, le colonisateur choisit soit de confirmer une suprématie politique lorsqu’il constatait un avantage clair en matière de développement politique d’une ethnie sur les autres, soit de renverser le rapport de force ou de l’annuler en fonction des propres alliances ethniques qu’il avait contractées »22. Dans ce cadre, « La colonisation européenne fut un frein apporté à l’excès de puissance des populations nordistes et à leurs trafics d’esclaves noirs. Au Haut Sénégal et au Niger par exemple, la France se heurta à des chefs esclavagistes Maures,

20

Op.cit., CHAUPRADE Aymeric, Géopolitique : constantes et changements dans l’histoire, p.240. 21

Ibid., p.238. 22

Ibid., p.238.

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Touaregs, Peuls, Arabes tels Samory et Mahmadou-Lamine qui, sous le prétexte de guerre sainte, cherchaient à préserver leurs trafics »23. Par une présence militaire combinée à une habile diplomatie, le colonialisme, en se posant en arbitre, a contribué à stabiliser les tensions raciales et ethniques. En ce sens la colonisation fut en quelque sorte une ère de glaciation des rivalités : « la pénétration des Européens éteignit le feu des conflits esclavagistes, lutta contre le cannibalisme et accorda sa protection à nombre de populations dominées ; en cela, elle contribua à instaurer une paix durable sur le continent africain et au sahel. Arbitre, le colonisateur avait intérêt au calme des zones administrées ; il savait ce calme précaire et les divisions latentes toujours promptes à réapparaître »24. En fait, la colonisation n’a fait qu’instrumentaliser les rivalités entre les différentes ethnies et les peurs des plus vulnérables qui cherchaient à échapper à la pratique de la traite musulmane, afin d’ancrer et de consolider son emprise. C’est ainsi que lors de la décolonisation, les antagonismes, les rivalités et les haines « en sommeil » émergèrent à nouveau plongeant le théâtre sahélien dans le chaos des guerres civiles ou des conflits dits internes. La fracture raciale et ethnique Nord-Sud réapparaissait, déstructurant, déstabilisant et fragilisant la géopolitique interne des nouveaux Etats de l’arc sahélien en redonnant toute leur virulence à des antagonismes passés difficilement maîtrisables.

La projection des stratégies extérieures

Le Sahara, zone de transit et zone refuge, est au croisement de multiples initiatives mises en place par les grandes puissances. Au lendemain du 11 Septembre 2001, il s’inscrit dans la démarche globale de lutte contre le terrorisme dans la logique de responsabilisation des Etats, en les dotant au besoin des moyens technologiques et de l’encadrement militaire susceptibles d’amplifier leur contrôle sur leur territoire. Il s’agit en définitive de lutter contre la formation de zones grises offrant des

23

Op.cit., CHAUPRADE Aymeric, Géopolitique : constantes et changements dans l’histoire, p.238. 24

Ibid., p.239.

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angles de pénétration au terrorisme islamiste. En outre, ce théâtre abritant de nombreuses richesses pétrolières et minières, attise les convoitises et risque de se retrouver confronté à une puissante lutte d’influence entre les anciennes puissances coloniales et de nouveaux acteurs mus par des ambitions et des dispositifs géopolitiques concurrents dont les USA, la Chine, la Russie et dans une moindre mesure l’Inde, Israël, l’Iran, etc. Dans ce cadre, les lignes de fracture évoquées précédemment sont instrumentalisées, voire amplifiées, par les tensions et les rivalités inhérentes à la lutte opposant les puissances extérieures quant à la sécurisation de leurs sources d’approvisionnement en pétrole et en matières premières (bauxite et uranium). A titre illustratif, par ses réserves, dévoilées et potentielles (1,5 Milliard de barils et possibilité pour 3 à 4 Milliards), le Soudan et la région du Darfour (partie méridionale au sud de Nyala), constituent un point névralgique matérialisant la lutte entre les Etats-Unis et la Chine pour le contrôle du pétrole africain. En effet, un véritable « grand jeu » se profile en opposant les Etats-Unis à la fulgurante poussée chinoise sur le continent africain. Avec la Chine progressant d’est en ouest et les Etats-Unis très implantés dans le Golfe de Guinée, la lutte d’influence des deux géants se joue d’ores et déjà dans les pays centraux, à l’image du Tchad. A long terme, l’objectif des stratèges chinois semble viser à établir une connexion par oléoducs entre les champs pétroliers du Tchad, du Niger, du Nigéria et du Soudan afin d’évacuer le pétrole par Port-Soudan sur la mer Rouge. Ce projet géopolitique s’oppose frontalement aux intérêts stratégiques américains.

Conclusion

Dans ce contexte global, le Sahel, inscrit dans la dynamique complexe et incertaine d’un monde non stabilisé, tendu par la recherche de nouveaux paradigmes, cristallise un faisceau de facteurs potentiellement crisogènes pouvant, par combinaison, déboucher sur des conflits fortement déstabilisateurs, à l’image du conflit du Darfour au Soudan. Parallèlement, le risque de contagion ou d’effet tache d’huile est amplifié par la porosité des frontières, inhérente aux caractéristiques propres à cet espace.

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Cet arc développe une conflictualité singulière s’enracinant dans le temps long de l’histoire. Espace tampon mais surtout espace de jonction et d’échanges, difficilement contrôlable, l’arc sahélien développe une conflictualité endémique sur laquelle les différents acteurs ont peu de prise. Le champ sahélien n’obéit pas à un système de forces homogène. Il reste incapable de s’auto réguler, de parvenir à une certaine stabilité autour d’un point d’équilibre : l’exacerbation des antagonismes menace la carte politique régionale.

Compte tenu du fort degré d’imbrication, il est possible d’évoquer une conflictualité en réseau ou « en chaîne » car toute action s’exerçant sur un maillon de la chaîne se traduit par des répercussions sur l’ensemble. La trêve entre le Nord et le Sud du Soudan, soutenue par les puissances extérieures, s’est répercutée sur le Darfour débouchant sur un conflit meurtrier menaçant directement les équilibres précaires du champ soudano tchadien. Par ailleurs, cette conflictualité, rebelle à toute forme de régulation, rend aléatoire toute tentative d’ingérence qui, en éteignant un foyer, risque d’en allumer un autre.

Dans ce cadre, l’ordre international présent ne peut demeurer indifférent face à ce champ, véritable polygone de crises, générateur de conflits « ulcéreux » pouvant se déclarer à tout instant. Dans un monde en interconnexion et à la recherche d’un nouvel équilibre, aucune zone ne peut plus être ignorée ni marginalisée. Le sahel ne devrait pas demain devenir un deuxième Afghanistan.

* Professeur de Géopolitique, Medhi Taje est consultant en prospective

et stratégie d’entreprise.

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SUR LA RECHERCHE, LA SCIENCE ET L’EDUCATION EN

ALGERIE : CONTEXTE POLITIQUE ET SOCIO-ECONOMIQUE

Gérard Begni *

Au moment de l'indépendance, l'Algérie nouvelle n’a guère d’autre modèle d’organisation et de gestion que celui du système français. Comment celui-ci fonctionne-t-il alors ? Le contexte politique après l’indépendance

La France vit alors la période dite des 'trente glorieuses'. L’indépendance de l’Algérie mettra fin à une guerre interminable et impopulaire (aux plans national et international), la dégageant de la charge militaire, morale, politique et financière associée. La France redéployera ses moyens financiers et humains vers une croissance industrielle sans précédent et une indépendance militaire obtenue par la volonté inflexible du Général de Gaulle à travers la modernisation technologique de son armée, qui culminera avec la ‘force de frappe'. Politiquement, elle permettra à la France de parachever son indépendance militaire en quittant la structure militaire intégrée de l’OTAN en 1966. Cette modernisation contribuera significativement à l’essor de l’industrie et de la recherche, ainsi qu’à l’apprentissage de nouvelles relations entre l’une et l’autre, comme en témoigne par exemple l’essor du CEA (créé dès octobre 1945 par le Général de Gaulle alors au pouvoir), de l’ONERA (créé dès mai 1946) et de la recherche privée, partiellement sous subvention publique, comme entre autres exemples l’avionique chez Marcel Dassault. Les liens entre recherche fondamentale (physique nucléaire), recherche appliquée et ingénierie de pointe ont certainement existé en ce domaine, mais n’ont évidemment pas été étalés sur la place publique. Dans un domaine civil tel que l’agriculture par exemple, encore essentiel à cette époque, le modèle français est celui d’un grand corps de l’Etat, l'IGREF, déployant sur le terrain une administration efficace, le Génie Rural, fonctionnant sur le mode ‘administrateur vers administrés’ adossé a une école de formation appliquée, l’ENGREF, et à quelques laboratoires en étroite dépendance. Les anciennes structures de recherche qui épousaient sur le plan

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scientifique la logique du pouvoir colonial tel que l’ORSTOM (Créé en 1943 sous le sigle ORSC), auront à s’adapter à la nouvelle donne créée par la décolonisation. Cet organisme gardera sa dénomination désormais surannée jusqu’à l’orée du nouveau millénaire avant de devenir l’IRD. Avec d’autres, il permettra une continuité certaine des relations scientifiques entre la France et ses anciennes colonies. A côté de ces structures étatiques, les Universités dont l’excellence n’est pas contestable joueront leur rôle de manière découplée de ce monde administratif et industriel. Généralement sensibles à diverses écoles de pensée d’inspiration néo-marxiste, massivement engagés aux côtés des partisans de l’indépendance algérienne, les universitaires positionneront souvent cette autonomie de pensée sur un terrain idéologique, refusant généralement tout ce qui peut servir de près ou de loin le 'capitalisme' et l' 'impérialisme' et s'attirant en retour la méfiance du monde institutionnel, industriel et militaire – voire politique, y compris l’école marxiste traditionnelle. Mais ce que la France, grande puissance millénaire, peut faire, le jeune Etat indépendant ne le peut pas. Le monde arabe a été intellectuellement très brillant, mais les siècles sont passés par là, et la colonisation a changé le paysage éducatif et scientifique traditionnel. L’Algérie nouvelle dispose d’élites intellectuelles, formées le plus souvent par la France ou sous son influence directe. Elles reflètent donc en grande partie son mode de pensée - ou ses modes de pensées, ses traditions administratives. Les clivages décrits plus haut se répercuteront chez elles selon que ces élites ont été formées dans le moule universitaire ou dans celui du système de la gestion publique. Ils seront à l’origine de bien des divergences de vision au sein des élites dirigeantes du jeune Etat. Ben Bella fut élu président de la République algérienne démocratique et populaire. Sa présidence sera une période de construction enthousiaste et foisonnante, marquée par des décisions structurantes, parfois hésitante et subissant des évolutions en apparence peu lisibles. Ainsi, en octobre 1963, il suspendit la Constitution du pays et l'Islam fut décrété religion d'État., Celui-ci étant légitimant dans les sociétés musulmanes, le pouvoir politique algérien se devait donc de reconnaître une place de choix à l’Islam et à la langue arabe. Point majeur, le chapitre suivant traite du mode algérien d’arabisation et de ses conséquences éducatives et scientifiques.

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Les élites scientifiques permettront de mettre sur pied un système éducatif de valeur (mais que l’arabisation forcée contribuera à dégrader, voir paragraphe suivant) et des universités dont les meilleures seront réellement de haut niveau. Mais la priorité sera de structurer le nouvel Etat sous l’impulsion du FLN. Celui-ci, formé essentiellement de combattants clandestins aguerris, a acquis une valeur militaire incontestable mais a une compétence médiocre en termes de structuration et gestion proactive d’une société civile en temps de paix. La formation de cadres durant l’époque coloniale a certes formé des personnalités parfaitement capables de mettre sur pied un certain nombre de structures administratives dans l’esprit de l’ancien colonisateur, mais peinant davantage à assurer une solide cohérence au plus haut niveau du jeune Etat. Cette difficulté de la jeune nation à s’organiser sera de plus freinée par divers handicaps. Le FLN entend asseoir avant tout son autorité politique. Sa priorité de fait sera de faire du système naissant un instrument de contrôle plutôt que de déployer tous ses efforts pour assurer son efficacité administrative et sociétale. Dans un tel contexte, les enjeux de pouvoir sont très forts, et font que les personnalités au pouvoir ou les idéologies qu’ils véhiculent marquent plus que de raison les systèmes d’administration et de gestion mis en place, lesquelles deviennent à leur tour des instruments de pouvoir. Quant aux Universités, elles resteront de fait à l’écart de la construction de la nouvelle société pour au moins deux raisons. D’une part, la naissance hésitante et politiquement contrôlée des structures d’Etat ne permet guère une réflexion entre science et structures publiques émergentes. D’autre part, comme en France mais dans un contexte très différent, la structure étatique civile et militaire et l’amorce de société industrielle qui se constitue autour d’elle tend à se méfier de l’indépendance de pensée intrinsèque au système universitaire. Le consensus né de l’indépendance pourrait se décliner en multiples ramifications idéologiques de nature à saper l’autorité du FLN, chose évidemment hors de question. Les différents courants de pensée qui traversent le mouvement au pouvoir ne peuvent coexister que si celui-ci détient les clés de leur équilibre et ne pourraient résister face à des mouvements de pensée alternatifs et incontrôlés qui pourraient traverser la société civile. Or, le rêve de l’indépendance, longuement caressé, chèrement conquis, semble laisser

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grande ouverte la porte a toutes les utopies. La fraternité des armes dans la clandestinité pousse la société vers un mode de pensée ‘collectiviste’. Encore faut-il interpréter ceci comme une solidarité de fond dans la création du jeune Etat, et probablement aussi à travers le mode de pensée de l’Islam (reconnu religion d’Etat) qui attache une grande valeur à la solidarité familiale, avec les personnes âgées et les pauvres ainsi qu’à travers des traditions de solidarité à l’échelle de petits groupes plutôt que par analogie avec l’idéologie social-démocrate ou marxisante de la gauche occidentale. L'ennemi juré israélien (‘sioniste’) n’a-t-il pas suivi un chemin quelque peu similaire mais infiniment plus ‘occidentalisé’ (car construit par des émigrants) ? Le triomphe du sionisme n'est-il pas a ce moment celui des Kibboutz et l’élite politique israélienne n’est-elle pas influente dans l’Internationale Socialiste? Des mouvements idéologiques radicaux ne traversent-ils pas les universités françaises et une large partie de l’intelligentsia qui a défendu l’idée de l’Algérie indépendante? Cet état d’esprit collectiviste, qu’il serait erroné de confondre avec une vision marxisante ou même social-démocrate à l’occidentale sinon par quelques influences superficielles, n’est donc pas fait pour déplaire aux dirigeants du jeune Etat, mais il nécessite d’être étroitement contrôlé pour ne pas le déborder. Les responsables les plus conscients des contraintes de développement du jeune Etat favoriseront plutôt ce que l’on appelle les Sciences de l'Ingénieur plutôt que la naissance d’une recherche scientifique indépendante, multidisciplinaire, et qui peut se montrer dérangeante25. Il est à noter que l Algérie ne dispose toujours pas à ce jour d’une Académie des Sciences. Il faut ajouter qu’au niveau sous-régional au sein du Maghreb, les échanges tant scientifiques qu’économiques sont notoirement insuffisants. Ceci est principalement lié à des raisons politiques, telles que la tension entre l’Algérie et le Maroc, lié à l’absence d’accord sur le tracé frontalier de certaines régions ainsi que plus tard à la question sahraouie. La frontière terrestre entre Algérie et Maroc est fermée. La Tunisie, qui a soutenu à fond le FLN lors de la guerre d’indépendance, trace très soigneusement ses frontières avec l’Algérie et installe des avant-postes militaires à cette frontière.

25

On notera par exemple que Medhi Ben Barka a été formé en partie a l’Université d’Alger et que sa condamnation à mort par le régime marocain sera due à son refus de prendre positon dans le conflit frontalier algéro-marocain issu de subtilités de l’administration coloniale française.

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De part et d’autre de la Méditerranée, les blessures issues de la guerre d’indépendance rendent très difficile une coopération étroite entre l’ancienne puissance coloniale et le jeune Etat. De plus – et ceci déborde les limites de la France pour s’étendre à l’Europe, y compris plus tard sous la forme politique de l’ ‘Union Européenne’- la coopération euro-méditerranéenne dans le sens nord-sud a été marquée par une approche non égalitaire, l’Europe obligeant souvent les pays du Sud à passer par les fourches caudines de son programme et son administration, souvent pour des raisons de politique intérieure voire administratives. Incontestablement, ceci a contribué à créer un état d’esprit pernicieux d’ ‘assistanat’, et peut, dans la perspective idéologique de la décolonisation, être interprété comme ‘néo-colonialiste’ – double handicap qui reste encore partiellement à surmonter sur les deux rives de la Méditerranée. L’échec quasi-total de l’esprit de fond du Processus de Barcelone - et donc la nécessité de le repenser - a été souligné par le président Bouteflika en 2005 et implicitement reconnu par un homme d’Etat tel que Tony Blair. Il est significatif de voir que l’Algérie était favorable à l’initiative ‘Union pour la Méditerranée’ telle qu’initialement formulée par le Président Sarkozy, puis plus que réticente face à l’entrée (en force) de l’Union européenne dans le Processus. Il a fallu déployer des trésors de diplomatie pour que l’Algérie soit présente au Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement du 13 juillet 2008. L’arabısatıon et ses conséquences

Pour être reconnu comme légitime, le pouvoir politique algérien se devait de reconnaître à l’islam et à la langue arabe une place de choix. Ben Bella avait affirmé à Tunis le 14 avril 1962 ‘L'Algérie est un pays arabe et musulman. On ne le dissociera pas du reste du monde arab.’ en accord avec le colonel Houari Boumediene dont l’armée était le soutien essentiel du régime. L’article 3 de la Constitution de 1962 déclarait: ‘L'arabe est la langue nationale et officielle. Il s'agit là de l'arabe classique issu du Coran. Comme mentionné plus haut, Ben Bella suspendit la Constitution du pays en octobre 1963 et l'islam fut décrété religion d'État. Le nouveau régime refusa tout statut à l'arabe algérien et au berbère, langues jugées ‘impures’. Il commença aussitôt une longue répression contre le berbère. Le Président Boumediene confisquera en 1976 le fichier berbère qui contenait un ensemble de publications sur des recherches écrites en

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alphabet latin Au début des années quatre-vingt, des Algériens furent emprisonnés pour avoir organisé des cours d'enseignement du berbère à l'Université d'Alger ou parce qu'on aurait trouvé en leur possession un alphabet berbère. Lors de la rentrée scolaire de 1963 l’enseignement de l’arabe fut imposé dans toutes les écoles primaires, puis en 1964 ce fut l’arabisation totale de la première année du primaire. Plus tard, en 1967, ce fut l'arabisation de la deuxième année du primaire, suivie de l'implantation d’une section arabe à la Faculté de droit en 1968 et d’une licence d’histoire en arabe. L’ordonnance du 26 avril 1968 obligea les fonctionnaires à connaître l'arabe classique. Face au manque d'instituteurs d'arabe classique, les autorités firent venir plus de 1000 instituteurs égyptiens - en fait, des ‘maîtres de religion’ plus que des ‘professeurs de langue’.L'Égypte était trop heureuse de se débarrasser des ces religieux encombrants du fait de leur appartenance au mouvement des Frères musulmans. Mais l'arabe égyptien des ‘maîtres de religion’ s'avéra problématique, rendant la communication difficile avec les élèves algériens, surtout chez les Berbères. Les Frères musulmans sèmeront les germes du fondamentalisme musulman chez des milliers de jeunes Algériens. Puis l'Institut islamique fut créé à l’Université d’Alger, alors que l’ancienne licence d’arabe était transformée en licence unilingue sur le modèle oriental. Houari Boumediene, qui prit le pouvoir le 19 juin 1965, avait reçu son instruction presque exclusivement en arabe classique dans des écoles coraniques et des universités théologiques, hauts lieux du fondamentalisme musulman. Il octroya des portefeuilles ministériels aux conservateurs religieux et mit au point une politique linguistique d'arabisation destinée à éradiquer le français et promouvoir la langue coranique, c’est-à-dire l'arabe classique que pourtant aucun Algérien (ni personne dans le monde arabe) n'utilisait comme langue maternelle. Ainsi furent semées certaines des graines qui aboutiront à la moisson terroriste des années 90. Les barrières artificielles dressées par cette politique auront freiné l’expansion de l’éducation, au moment où elle était le plus cruciale. Elle aura enlevé aux scientifiques et chercheurs

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les dernières opportunités, pourtant bien minces, de participer au mouvement scientifique mondial et de publier dans des revues internationales. Le Président Boumediene avait été très clair à ce sujet : ‘L'enseignement, même s'il est d'un haut niveau, ne peut être réel que lorsqu'il est national, la formation fût-elle supérieure, demeure incomplète, si elle n'est pas acquise dans la langue du pays. Il peut même constituer un danger pour l'équilibre de la nation et l'épanouissement de sa personnalité. Il peut également engendrer des déviations qui risquent d'entraver une saine et valable orientation’. De son côté, Abdelhamid Ben Badis, fondateur de l'Association des oulémas musulmans algériens et figure fort connue dans le pays, avait affirmé: ‘Le langage utilisé par les ''langues au marché'', sur les chemins et tous autres lieux populaires fréquentés par la masse ne peut pas être confondu avec le langage des plumes et du papier, des cahiers et des études, bref d'une élite’. Le Colonel Boumediene avait permis à la couche arabisante de la population de tirer parti de l’arabisation afin de prendre le contrôle de leviers importants en Algérie, tels que l'éducation et une partie de l’administration. En 1979, le colonel Chadli Bendjedid, qui ne parlait pas français, lui succéda et durcit encore le mouvement d’arabisation. Il interdit aux élèves algériens de fréquenter les établissements de la Mission culturelle française, privant ainsi l’élite algérienne de la seule possibilité qu’il lui restait de contourner l’arabisation. C'est à cette époque qu'apparut l'islamisme radical. En 1986, le Parlement algérien créa l'Académie algérienne de langue arabe, qui devait veiller à l’enrichissement, la promotion et le développement de la langue arabe pour assurer son rayonnement. Cependant, la plupart des personnalités et des hauts cadres de l'État faisaient instruire leurs enfants en français dans les écoles privées. Ce traumatisme linguistique et éducatif marque encore aujourd’hui les esprits des chercheurs et scientifiques, consciemment ou non. Les émeutes d’octobre 1988 en Kabylie, bien que sévèrement réprimées, conduisirent à une libéralisation du régime. Le président Chadli fit adopter par référendum une nouvelle constitution en février 1989, qui ouvrit l'Algérie au multipartisme. Le français en sortit grand vainqueur.

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En juin 1990, le Front islamique du salut (FIS) remporta les élections municipales. Ces résultats provoquèrent un putsch militaire le 11 janvier 1992. Le président Chadli fit adopter par le Parlement la loi d’arabisation du 16 janvier 1991, plusieurs fois reportée, jamais abrogée. Resté six mois au pouvoir avant son assassinat le 29 juin 1992, le Président Boudiaf s’exprimait en arabe algérien voire en français et mit sur pied une commission afin de geler la loi portant généralisation de l'utilisation de la langue arabe. Le décret 92/02 du 4 juillet 1992 suspendit ladite loi ‘jusqu'à réunion des conditions nécessaires’. Son successeur le général Liamine Zéroual, après avoir promis de suivre cette voie, reprit celle de l’arabisation ‘classique’, s’efforçant également d’introduire la pratique de l’anglais. En juillet 1998, il décida de remettre en vigueur la loi d’arabisation de 1991 pour satisfaire ses alliés conservateurs et islamistes. Mais il fut contraint à la démission et remplacé en avril 1999 par M. Abdelaziz Bouteflika. Sur la question linguistique, le président Bouteflika a inauguré un grand tournant. Bien que l’arabe reste pour lui la seule langue officielle, il s’est souvent exprimé en français dans ses déclarations publiques, autant en Algérie qu'à l’étranger. Il déclara: ‘Il est impensable [...] d’étudier des sciences exactes pendant dix ans en arabe, alors qu’elles peuvent l’être en un an en anglais.’ Il résume ainsi ces interminables conflits linguistiques: ‘Il n’y a jamais eu de problème linguistique en Algérie, juste une rivalité et des luttes pour prendre la place des cadres formés en français’. Le Parlement algérien adopta en avril 2002, à l’unanimité, une modification la Constitution instituant le berbère comme ‘langue nationale’. Mais le tournant majeur concerne la francophonie, rejetée vigoureusement jusque là comme ‘néo-colonialiste’ . Lors du IXe Sommet de la Francophonie de 2002, le président Abdelaziz Bouteflika qu'invité personnel de son homologue libanais, Émile Lahoud fit un virage à 180 degrés. Les modifications apportées à la charte de l'Organisation internationale de la Francophonie au sommet de Bamako, en novembre 2000, qui prône une conception respectueuse de la souveraineté, des cultures et des langues des États membres, ont plaidé pour une adhésion de l’Algérie à l'OIF. Par ailleurs, les autorités algériennes veulent souligner l'intérêt pour leur pays d'intégrer une organisation devenue ‘un cadre de concertation’ et ‘un forum pour

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défendre nos positions, échanger des informations, tisser des relations de coopération et bénéficier d'aides en matière de formation et de moyens culturels et d'éducation’. Le Président Bouteflika a lors affirmé ‘Aujourd'hui, nous devons savoir nous départir de la nostalgie chatouilleuse, qui s'exprime en repli sur soi, et nous ouvrir sans complexe à la culture de l'autre, afin de mieux affronter le défi de la modernité et du développement, par nous-mêmes et dans nous-mêmes [...]. L'usage de la langue française est un lien qui assure notre unité’, en insistant sur sa ‘double allégeance au monde arabe et au continent africain’ et ‘les préoccupations de l’Algérie en tant que pays arabe … et en tant que pays méditerranéen’. La politique linguistique continue d'alimenter les conflits en Algérie. Elle reste l'œuvre d'une petite oligarchie politique aux pouvoirs immenses. Elle est fondée sur une culture qui s'est définie par opposition à la France coloniale et par mimétisme à l'égard du Proche-Orient. La politique linguistique a été fondée sur l'arabo-islamisme à l'exclusion de tout nationalisme Elle s'est nécessairement faite contre le peuple algérien qui s'est vu imposer une langue morte, ce qui a favorisé l'intégrisme musulman. L'arabisation algérienne fut motivée par la préoccupation purement politique de la conservation du pouvoir par la langue. Le succès demeure bien relatif, contrairement par exemple à la Turquie de Mustafa Kemal Atatürk, dont la politique linguistique constitue, même dans l'histoire de l'humanité, un véritable exploit. La clé de la réussite turque réside dans le fait que la politique linguistique reposait sur un nationalisme territorial moderne fondé sur la langue du peuple turc, sans égard à la croyance religieuse. Aujourd’hui, la Turque est membre pleinement associé des programmes de recherche de la Commission européenne depuis de nombreuses années et frappe à la porte de l’Union européenne. A l'opposé de la Turquie, l'Algérie – qui n’a rien à lui envier en termes de ressources - n'a guère favorisé un rapprochement entre l'oral et l'écrit et, par voie de conséquence, n'a pas pleinement contribué à l'élimination de l'analphabétisme avec toutes les conséquences que cela entraîne au niveau scientifique. De nombreux Algériens en sont malheureusement venus à voir en l'arabe classique le symbole de l'autoritarisme et de l'injustice sociale. Le contexte socio-économique

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Economiquement, les pays sud méditerranéens bénéficient d’une faible attractivité et ne déclenchent pas de forts investissements européens. Il y a pourtant là une ‘nouvelle frontière’ latente et spécifique pour l’Europe. Le PIB des 5 pays du Maghreb26 est de 144 milliards de $. Celui des cinq pays du Nord27 qui leur font face est de l’ordre de 3400 milliards de $. Ramené en dollars de parité de pouvoir d’achat , le revenu par habitant en 2001 était de 6090 $ en Algérie (contre 3600 au Maroc, 7570 en Libye). Le taux de croissance est de l’ordre de 2% , signal certes positif, mais bien éloigné de la fourchette de 6 à 8% des pays en développement les plus dynamiques. Néanmoins, depuis huit ans, l’écart de taux de croissance entre pays du Nord et du Sud méditerranéen a tendance à s’égaliser voire à s’inverser au profit de ces derniers. L’indicateur de développement humain du PNUD augmente également, avec de fortes disparités entre Etats (le Maroc étant quelque peu à la traîne). Le recul du taux d’inflation en Algérie a été particulièrement significatif, traduisant un progressif mais vigoureux assainissement de la situation économique (politique monétaire rigoureuse, ancrage nominal des taux de change, déficits maîtrisés, compétitivité des prix à l’export). Néanmoins, en dépit des espoirs soulevés par le Processus de Barcelone, les écarts entre le Nord et le Sud paraissent s’être creusés. La prise de conscience d’une nécessaire solidarité a été peu perçue par la population des deux rives. Avec certaines initiatives telles que la Politique Européenne de Voisinage les relations bilatérales de l’UE avec certains pays du Sud sont revenues en force. Or, il est illusoire que l’Algérie puisse développer son potentiel technologique et scientifique si l’ensemble de la région n’est pas tiré vers le haut – ce qui suppose également de réduire radicalement les obstacles à la coopération Sud-Sud. Les échanges extérieurs constituent une source décisive potentielle de croissance. Le total des exportations et importations représente environ 60% du PIB des pays du Sud. L’UE est un partenaire privilégié, avec quelque 65% de croissance des échanges sur la période 1985-2002 et la signature d’un accord d’association avec l’Algérie en avril 2002. L’Algérie, comme tous les pays du Maghreb (et d’Afrique) connaît une forte poussée démographique, en voie de ralentissement très

26

Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye. 27

France, Italie, Espagne, Portugal, Malte

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progressif. Dans cette région, la croissance est de 2,2% l’an entre 1990 et 2000 (2,8% entre 1980 et 2000). La croissance sur la rive nord méditerranéenne a été de l’ordre de 0,3% pendant cette période. En Algérie proprement dite, le taux actuel est de 2,3% (contre 1,9% en Tunisie, 1,2% en Mauritanie). Selon la banque Mondiale, le taux de croissance du Maghreb devrait atteindre celui des pays européens à l’horizon 2060-2070. A cette période, la population européenne devrait connaître un minimum. La population des cinq pays de la rive nord est actuellement le double de la rive sud (quatre fois supérieure en 1960). Les deux populations devraient s’égaliser à cet horizon. Il en résulte une forte proportion de jeunes citoyens à former puis à absorber sur un marché du travail qui n’est pas en mesure de le faire. En Algérie , 75% des chômeurs ont moins de 30 ans, et le chômage frappe d’abord les jeunes diplômés. La situation est donc caractérisée par un déficit démographique extrêmement grave au Nord et trop de jeunes diplômés au chômage au Sud. Cette situation ira s’aggravant jusqu’en 2070. Dans ces conditions, il est évident qu’une stratégie économique entre les rives Sud et Nord (et l’UE en général) s’impose afin de favoriser le développement et la mise en valeur du potentiel scientifique de pays du Sud. Quelle est-elle, selon les experts28 ? Les perspectives d’investissement Nord-Sud vers le Maghreb en général et l’Algérie en particulier, riche de ressources naturelles et intellectuelles, semblent relever d’une logique d’intégration verticale. Plutôt que de porter sur un transfert de la totalité de la chaîne de valeur, les IDE29 portent sur certains segments précis de la chaîne, pour lequel les

28

Ce paragraphe est largement inspiré du livre ‘5+5 = 32, Feuille de route pour une Union méditerranéenne’, par Hubert Védrine et le Cercle des Economistes.

29 L’Investissement Direct à l'Etranger. L’OCDE le définit ainsi : « L’IDE est une activité par

laquelle un investisseur résidant dans un pays obtient un intérêt durable et une influence significative dans la gestion d’une entité résidant dans un autre pays. Cette opération peut consister à créer une entreprise entièrement nouvelle (investissement de création) ou, plus généralement, à modifier le statut de propriété des entreprises existantes (par le biais de fusions et d’acquisitions). Sont également définis comme des investissements directs étrangers d’autres types de transactions financières entre des entreprises apparentées, notamment le réinvestissement des bénéfices de l’entreprise ayant obtenu l’IDE, ou

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économies offrent un avantage absolu de localisation. Ceci suppose (a) l’identification de pôles de compétences, que l’Algérie se doit donc de forger et de valoriser (le secteur de l’énergie semble particulièrement propice), (b) une stratégie globale conjuguant le ciblage des marchés en croissance, une minimisation des charges fixes par externalisation et la recherche des coûts les plus favorables par délocalisation, et (c) dans le cadre d’une stratégie de compétitivité mondiale, la définition de ses composantes dans divers territoires et pour différents segments de la chaîne de la valeur. Les firmes européennes peuvent voir là un tremplin pour pénétrer certain marchés, en tout premier lieu celui de l’Europe élargie. Ceci donne toute son importance aux accords de libre échange. Il convient donc que l’Algérie, de concert avec la France et l’Union européenne, identifie et développe ces segments d’investissements prioritaires et que les firmes nationales et européennes ne se laissent pas doubler par les firmes américaines ou d’autres pays développés. Ceci a des conséquences évidentes sur la politique d’investissement scientifique et technologique. Certains faits et chiffres sont en effet éloquents. Les IDE de la zone sud-méditerranéenne s’élèvent à quelque 5 milliards de dollars par an, soit approximativement 1% du PIB régional et 4% du flux d’IDE vers les pays en développement. Ces flux sont plus importants vers le Maroc et la Tunisie que vers l’Algérie. L’investissement public reste très élevé. Le ratio entre investissement public et IDE est un des plus élevés du monde – de l’ordre de 10% au milieu des années 90, soit environ le double de la moyenne des pays en développement. Ce qui manque économiquement sont les IDE privés permettant l’élargissement et l’enracinement des PME locales. Or, il est bien connu que celles-ci peuvent jouer un rôle aussi déterminant sinon davantage dans certains créneaux de marché que les grandes entreprises dans le transfert de technologie de la recherche vers des produits et/ou services à la pointe du marché. Il convient donc d’assurer un équilibre harmonieux et un

d’autres transferts en capital ». Ces derniers incluent notamment les prêts accordés par une maison-mère à sa filiale implantée à l'étranger. Contrairement aux investissements de portefeuille, les IDE impliquent une prise de contrôle de la part de la firme étrangère. Le seuil à partir duquel s'exerce le contrôle est relativement arbitraire ; le FMI utilise une valeur de 10 %.

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couplage intelligent entre investissements publics et privés, donc de favoriser les conditions de confiance que cette dynamique sous-tend (confiance économique et politique, sécurité des biens et des personnes, respect des engagements, qualité de la gouvernance, intégration régionale). Le secteur privé mobilise moins de 20% des crédits bancaires. Environ 30% des investissements de la BEI30 vers le secteur privé est dirigé vers la Méditerranée. Ces investissements vont plutôt vers les grandes entreprises que vers les PME. Cette analyse met en avant l’importance à attacher au développement des PME innovantes – et donc la nécessité de mettre un place un système bancaire plus favorable à la naissance des ‘start-up’ et au développement des entreprises et un impératif de mise à niveau des institutions pour faire face à la nouvelle donne de manière adaptée et réactive. Le plus important potentiel de croissance était le plus délaissé par les circuits de financements actuels. Une évolution s’imposait donc. M.H. Zidouni (ONS31) a publié le tableau suivant sur la part de valeur ajoutée par taille d’entreprises en Algérie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et traduisent une tendance lourde qu’il convient d’accompagner, notamment par le transfert de technologie et développement des capacités de recherche et développement au sein des PME.

Catégorie d’entreprises

Entreprises publiques

Entreprises privées de 10 salariés et plus

Entreprises privées de moins de 10 salariés

1985 52,7 3,3 44

1992 37 2 61

1997 27 2 71

2001 22,1 1,8 75,4

Il est bien certain qu’en dehors de ce dynamisme des PME, à encourager et développer en toute priorité, tant par en aval par des

30 Banque Européenne d’Investissement. 31 Office national des Statistiques

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réformes économiques qu’en amont par la formation de personnel scientifique qualifié et performant. La grande industrie joue néanmoins un rôle majeur en Algérie. Le pays dispose d’un atout majeur à travers ses réserves de pétrole et de gaz , qui a conduit à la création en 1963 de la puissante SONATRACH32 et ses innombrables ramifications. Ses activités diversifiées touchent l’ensemble de la chaîne de production : exploration, exploitation, transport, raffinage. Elle s'est diversifiée dans la pétrochimie et le dessalement d'eau de mer. SONATRACH est la première entreprise d'Algérie et d’Afrique, 12ème parmi les compagnies pétrolières mondiales, 2ème exportateur de GNL et de GPL et 3ème exportateur de gaz naturel. Le secteur des hydrocarbures représente environ 40% de son PIB. L'entreprise, qui emploie quelque 50 000 salariés (120 000 avec ses filiales), produit à elle seule 30 % du PNB de l'Algérie. Elle produit annuellement (2005) 232.3 millions de TEP, dont 11,7 % (24 millions de TEP) pour le marché intérieur. Son chiffre d'affaires s'élève à 61,2 milliards de dollars. Première entreprise d'Afrique par son chiffre d'affaires, elle a doublé celui-ci en 3 ans grâce à l'envolée du cours du brut. Elle se déclare ‘entreprise citoyenne, œuvrant à resserrer les liens sociaux,…, promouvoir la recherche et les activités scientifiques’ et ‘ne pas concevoir de développement économique sans un développement durable’. La Société SONATRACH affirme haut et fort son option stratégique de partenariat comme levier de développement et sa volonté de renforcer sensiblement ses positions en international sur tous les segments de la chaîne des hydrocarbures et de l’énergie. Cette position de la SONATRACH est du reste légitimée par les efforts mondiaux pour la réduction des émissions à effet de serre, le cadre des négociations ‘post-Kyoto’ et les évolutions énergétiques qui s’avèrent incontournables. Il y a donc là matière à un investissement à moyen et long terme nécessitant à la fois coopération internationale et appropriation nationale (dans un domaine où la France et l’Union européenne se sont posés en fers de lance internationaux) et qui est donc porteur de fortes capacités de développement et d’emploi pour les scientifiques et techniciens nationaux de haut niveau. La maison mère est entourée d’un grand nombre de filiales et sous-traitants qui double son nombre d’employés. Politique de

32

Société Nationale pour la Recherche, la Production, le Transport, la Transformation, et la Commercialisation des Hydrocarbures s.p.a)

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développement de la maison mère face aux enjeux du futur et politique d’encouragement au développement de PME ‘high tech’ performantes sont donc deux volets parfaitement complémentaires sur la voie du développement économique et de la génération de débouchés pour les chercheurs, scientifiques et techniciens de pointe nationaux. Il faut enfin signaler que la France et l’Union européenne ne sont pas seules en course. Avec l’Egypte, l’Algérie est la pays d’Afrique du Nord le plus ouvert aux investissements américains. La Chine est également intéressée. Enfin, des partenariats forts sont envisageables avec les Emirats Arabes Unis, comme par exemple dans les technologies de dessalement de l’eau de mer. Le contexte climatique et environnemental

Ce contexte est un point où se concentrent effets physiques et interactions socio-économiques, politique nationale d’atténuation et d’adaptation, impacts économiques globaux et négociations mondiales dans lesquelles l’Algérie se doit de jouer pleinement le rôle auquel elle peut prétendre. Il y a là à l’évidence un sujet moteur pour la science et la technologie en synergie avec le monde institutionnel, politique et la société civile. Il convient d’abord de dresser le panorama offert à l’Algérie par l’évolution du contexte international. La prise de conscience des effets nocifs de l’accumulation des gaz à effet de serre devrait progressivement ralentir la consommation des hydrocarbures qui constituent une grande part des exportations algériennes et favoriser le développement d’énergies nouvelles ou de technologies innovantes dans l’usage des sources énergétiques traditionnelles. Tant au niveau institutionnel qu’industriel (voir ci-dessus le paragraphe relatif à la SONATRACH) cet enjeu est compris et fait l’objet d’investissements à long terme. L’Algérie peut également aborder à l’échelle industrielle de nouvelles énergies, ; telles que l’énergie solaire. S’l faut bien reconnaître que dans les pays d’Europe, au-delà de l’économie des consommateurs individuels, l’énergie solaire ne peut qu’occuper un rôle marginal dans de bilan énergétique national, la question se pose dans de tout autres termes en Algérie avec ses vastes espaces désertiques recueillant des flux solaires importants. De

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telles recherches peuvent répondre tant à un besoin national qu’à des marchés à l’export. Politiquement, dans ce domaine, en tant que producteur en hydrocarbures et pays en développement industrialisé, l’Algérie peut prétendre à jouer un rôle significatif dans les ‘négociations post-Kyoto’ ouvertes récemment à la Conférence de Bali puis à Poznan aux côtés de grands ténors comme la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique. Les impacts mondiaux du changement climatique (et de sa contribution au changement global) ne se posent pas qu’en termes d’évolution du marché des hydrocarbures et des technologies énergétiques. Il convient de souligner que les zones arides tendent de manière générale à une plus grande aridité, alors que la population mondiale est en croissance régulière (augmentée de manière saisonnière, en termes de demande, par le développement de l’activité touristique : Tunisie, Maroc, Egypte…) et que la demande par habitant ne cesse de croître. Il y a donc une forte pression, permanente et/ou saisonnière, sur les ressources en eau. Comme signalé plus haut, l’Algérie s’est située à la pointe des recherches sur les technologies de dessalement de l’eau de mer, pouvant donner lieu à des accords stratégiques par exemple avec les Emirats Arabes Unis. Couplé par exemple avec l’exploitation de l’énergie solaire, ceci peut contribuer à répondre partiellement à ce problème dans des pays côtiers au fort ensoleillement. Naturellement, les phénomènes de changements climatiques affectent l’Algérie elle-même qui doit prévoir une politique de compréhension de ses impacts et d’adaptation de son propre territoire. La tendance lourde est à l’augmentation des températures et la diminution des ressources en eau, conjuguées avec une plus grande occurrence des événements extrêmes (grandes sécheresses, orages violents) ce qui pose d’énormes problèmes tant au niveau de villes telles qu’Alger, des ressources agricoles et des espaces semi-arides de parcours où se côtoient pastoralisme itinérant et agriculture sédentarisée. Les feux de forêt ne sont pas rares. La pression agricole et pastorale en milieu aride, les conditions naturelles plus sévères engendrent une dégradation des sols et des phénomènes de désertification qui ne peuvent qu’engendrer une spirale négative. Des événements catastrophiques telles que les inondations d’Alger s’expliquent à la fois par une urbanisation et une

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densification sauvages (mieux maîtrisées aujourd’hui), une difficulté à dimensionner correctement les infrastructures urbaines, la multiplication et l’intensification des événements extrêmes, un plan d’aménagement des bassins versants (ou l’absence de plan, ou des pratique illicites) favorisant l’érosion et le ruissellement. La réponse à ces questions réside dans l’instauration d’une science spécialisée multidisciplinaire et interdisciplinaire, en liaison en amont avec les vraies questions qui se posent aux décideurs et en aval vers la société civile. Cela suppose le développement et l’organisation de la science, mais aussi celui de structures de démultiplication (parmi lesquelles les PME, voir plus haut) et d’une démocratie décentralisée et participative. Au niveau scientifique, il est remarquable de noter la création dès 1993 de l’ARCE – Association de Recherche pour le Climat et l’Environnement, largement sur initiative des chercheurs eux-mêmes. On peinerait à trouver en France ou en Allemagne une telle structure fédératrice. Un cadre international pour aborder ces questions nationales en bénéficiant de synergies essentielles est de les inscrire dans la perspective des Conventions Multilatérales sur l’Environnement de l’ONU, impulsées en 1992 par la Conférence de Rio. L’Algérie a su s’inscrire dans ce mouvement. C’est ainsi que dans le cadre de la ‘Convention Climat’ (UNFCCC en anglo-saxon) la ‘communication nationale initiale’ de l’Algérie (‘Elaboration de la stratégie et du plan d’action national des changements climatiques’) date de 2001, tandis que dans le cadre de la ‘Convention Désertification’ (UNCCD), un rapport national a été publié en 2002, et le ‘Plan d’Action National’ (PAN), outil majeur de la Convention au niveau national, a été validé le 14 décembre 2003. Les priorités gouvernementales

Un tournant essentiel dans la politique d’appropriation de la science par la société civile aura été l’adoption en 1989 d’une nouvelle constitution consacrant la participation des citoyens à la vie politique, sociale et culturelle du pays, consolidé par la loi sur les Associations du 4 décembre 1990 . Les pouvoirs publics mirent progressivement en place des processus d’association et d’implication des divers acteurs dans la

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définition et la mise en œuvre des diverses politiques publiques pouvant conduire à un développement durable. Dans les années 90, le Gouvernement entreprit en particulier les efforts pour structurer le secteur de la recherche et favoriser son développement, couronnés par la promulgation de la loi 98-11, portant loi d'orientation et de programme à projection quinquennale sur la Recherche scientifique et le développement technologique (1998-2002). Cette loi traduit la volonté de l'Etat de promouvoir la science et la technologie comme facteurs incontournables du développement socio-économique et culturel du pays. Mais la progression ne pouvait être que lente, vu les handicaps accumulés lors des décennies précédentes. Selon un rapport indépendant publié en 2005, il n’existait pas à proprement parler de politique nationale de la recherche en Algérie. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique ainsi que certains ministères techniques (Industrie, Agriculture, Santé, Habitat, Environnement, Energie et Education) mènent des opérations limitées, dans le cadre de la loi quinquennale d’orientation et de programme sur la recherche scientifique et le développement technologique. Les structures de recherche scientifique en Algérie restaient assez bureaucratiques et le lien entre la science et l’industrie était ténu, car il n’y avait pas véritablement de place pour les associations de chercheurs ou d’ingénieurs. L’Algérie disposait d’environ 400 chercheurs par million d’habitants et n’accordait pas plus que 0,3% de son PNB à la recherche. Dans une première étape, les résultats de cette loi ont donc été assez superficiels et chaotiques. Néanmoins, la prise de conscience de l’importance de la science et de la technologie, ainsi que des freins qu’elle rencontre, est progressive mais réelle pour une part de la classe politique et des décideurs. Le Président Bouteflika a émis de grandes lignes directrices lors du conseil des ministres du 14 mai 2007, qui sont actuellement en phase de déclinaison. Des bilans et perspectives encourageantes – certes à développer et à consolider - peuvent être dressés. Un effort organisationnel et institutionnel incontestable a été entrepris. Il a permis au secteur de la recherche scientifique de s’engager dans la mise en œuvre de programmes nationaux de recherche par la mise en place de comités de programme, le lancement de plusieurs appels à proposition de

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projets qui ont abouti à la sélection, au financement et à l'exécution d'un grand nombre de projets de recherche. La mise en œuvre des dispositions de la loi programme de 1998 a également permis l'élaboration et la mise en œuvre de vingt-sept programmes nationaux de recherche, l'agrément et le financement de 5244 projets de recherche et l'exécution de 217 projets de recherche dans le cadre de conventions et accords internationaux, la mise en place de vingt et un comités sectoriels, l'agrément de six cent quatre vingt laboratoires de recherche et l'accession de dix-neuf centres et instituts de recherche au statut d'EPST. En termes de ressources humaines, il y a lieu de mentionner la mobilisation de plus de quinze mille enseignants chercheurs, 2000 chercheurs permanents, en plus de l'implication de la communauté scientifique algérienne établie à l'étranger, dans les activités de recherche et dans les conseils scientifiques des centres de recherche. Un résultat particulièrement remarqué dans le domaine spatial a été le lancement et l'exploitation du satellite ALSAT 1, bientôt suivi de ALSAT 2, dans le cadre d’une coopération africaine avec la République d’Afrique du Sud et le Nigeria. Cette loi a également permis de réaliser 145 espaces de recherche au sein des établissements universitaires, un centre de recherche en biotechnologie à Constantine, un centre de recherche sur les zones arides à Biskra et une Unité de développement des équipements solaires à Bousmaïl. D'autres infrastructures de recherche sont actuellement en cours de réalisation et concernent 520 espaces de recherche, un centre régional de transfert technologique à Sétif, un centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle à Oran, un centre de recherche en économie appliquée au développement à Tipaza, un centre de recherche en analyse physico-chimique à Tipaza, une Unité de recherche en technologie industrielle à Annaba, une Unité de recherche en énergies renouvelables en milieu saharien à Adrar, enfin, une centrale technologique en microélectronique au centre de développement des technologies avancées à Alger. II a été également enregistré plus de 5.877 publications scientifiques, 14.510 communications nationales et internationales, la

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soutenance de 23.353 mémoires de mastère, 4.111 thèses de doctorat, ainsi que le dépôt de 15 brevets auprès de l'INAPI. En outre, l'ouverture de la recherche scientifique sur son environnement socio-économique a fait l'objet d'un intérêt soutenu, concrétisé par l'organisation d'un forum recherche-développement, tenu en 2005 et associant des universités, des ministères, des entreprises et organismes de recherche concernés. L'impact de ce forum, en matière d'innovation et de valorisation, a permis la sélection de 469 produits et services de recherche parmi les 890 projets exposés et 75 projets valorisables susceptibles d'être transformés en brevets d'invention dont 6 devant être protégés au niveau international. Cette politique a également permis la mise en place de réseaux thématiques de recherche couvrant divers domaines d'intérêts nationaux, à savoir les sciences sociales et humaines avec des projets consacrés aux manuscrits historiques et à la langue arabe, le développement économique avec des études consacrées aux traitements des phosphates, des énergies renouvelables et du palmier, la lutte contre l'ensablement, et enfin la santé avec des projets dans le domaine de l'immunologie et de la pharmacie. Tous ces résultats ont été réalisés grâce aux investissements publics dans la recherche scientifique et du développement technologique, qui ont atteint pour la période (1998-2007) plus de 34 milliards de DA. L’esprit de cet effort est la synergie dans la conception des programmes de recherche, la souplesse et la stabilité dans leur mode de gestion, l'ouverture sur les compétences nationales établies en Algérie ou à l'étranger, ainsi que l'ouverture sur l'environnement national et international. Les directives présidentielles du 14 mai 2007 ont été également prises en charge dans le cadre de la nouvelle loi d'orientation et programme à projection quinquennale pour la période 2008-2012. Plus de cent actions y sont définies, elles visent à renforcer les bases d'une société de la connaissance, moteur du développement économique et social. Deux priorités sont assignées à cette loi : la contribution de la communauté scientifique à la prise en charge des problèmes de développement économique social et culturel du pays et la formation par la recherche d'un nombre substantiel d'enseignants chercheurs (28.000)

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et de chercheurs permanents (5.000) afin d'atteindre les normes internationales en termes de masse critique dans l'ensemble des domaines de la recherche. Cette loi programme dicte la création d'un organe national directeur permanent dénommé Direction générale de la recherche, la création d'Agences thématiques de recherche, la mise en place d'un Comité national d'évaluation, la mise en place de pôles d'excellence, la création de services communs et enfin l'acquisition de grands équipements scientifiques. Ceci augure bien de la volonté d’une part d’investir dans la formation des jeunes générations, d’autre part d’ancrer les résultats de la recherche dans la vie civile. Dans ce cadre, le Gouvernement a projeté pour les cinq années à venir, un programme de travail devant, notamment, permettre de recentrer les programmes nationaux de recherche autour des préoccupations nationales prioritaires et de programmes transversaux, et de poursuivre à travers les "réseaux thématiques", la mise en synergie des compétences et des moyens de la recherche scientifique relevant des universités, des centres de recherche, des agences et des entreprises économiques. Les principales infrastructures de recherche qui devront être réalisées durant le quinquennat sont: Réalisation de 1000 espaces de recherche au sein des établissements universitaires ; Réalisation et équipement du Centre de recherche scientifique et technique pour le développement de la langue arabe ; Réalisation et équipement de 2 centres régionaux de transfert technologique (centre et ouest) ; Réalisation et équipement de 3 centres régionaux d'analyse physico-chimiques (est, ouest et sud) ; Réalisation et équipement de 3 centres de maintenance technologique (est, ouest, centre) ;

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Réalisation et équipement de trois centres régionaux de fabrication de dispositifs et de composants technologiques (ouest, centre et sud) ; Réalisation et équipement du centre national de chimie verte à Oran ; Réalisation et équipement d'un centre de modélisation et de simulation à Alger ; Réalisation et équipement des centres régionaux de documentation ; Réalisation et équipement d'un centre de recherche, de formation et d'applications sur les énergies renouvelables avec l'installation d'une centrale thermo-énergétique solaire de 1,5 M Watts à Sidi Abdallah ; Lancement en concertation avec le ministère de l'Aménagement du Territoire, de l'Environnement et du Tourisme, des études pour la réalisation de technopoles. A l'issue du débat consacré à ce dossier, le Président Bouteflika a relevé que toutes les activités déjà entreprises ont surtout permis l'émergence d'un système national de recherche. Il a en outre insisté pour que la recherche scientifique soit consacrée comme priorité nationale (et non seulement étatique) en vue de prendre en charge les préoccupations économiques, sociales et culturelles de la nation : "Les efforts consentis jusque-là sont à encourager, mais il n'en demeure pas moins que l'exploitation optimale des potentialités de la recherche scientifique reste en deçà des attentes du pays et des besoins nationaux dans tous les domaines ..La recherche scientifique ne doit pas être du ressort exclusif de l'Etat qui doit certes, la soutenir et la promouvoir, elle doit aussi être une préoccupation de l'entreprise dont dépendent le succès, et parfois même la survie ..L'élan déjà pris dans ce domaine de la recherche scientifique doit donc être accéléré". Le Président Bouteflika a émis des directives précises au Gouvernement pour une dynamisation de la recherche scientifique et le développement technologique. En premier lieu, le Gouvernement est tenu de mettre en place les différents mécanismes instaurés par la loi, telle que révisée cette année, pour encadrer, suivre et dynamiser la recherche scientifique. En second lieu, la recherche scientifique

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bénéficiera durant les cinq prochaines années, d'une dotation budgétaire globale d'un minimum de 100 milliards DA."Ce montant qui correspond, notamment, à la mise en œuvre de 34 programmes nationaux de recherche représente près de trois fois les sommes dépensées durant ces cinq dernières années. C'est un gage de la volonté de l'Etat de consacrer la recherche comme priorité nationale. La dépense publique dans ce domaine sera augmentée sans aucune hésitation, pour autant que les crédits alloués soient consommés efficacement". En troisième lieu, le Gouvernement est chargé de proposer, dès la prochaine loi de finances, des mesures incitatives pour encourager les entreprises à investir dans la recherche. "La recherche doit désormais être considérée comme un des éléments essentiels de la politique d'investissement dans tous les secteurs. Elle doit constituer une dimension importante dans la mise à niveau des entreprises". En quatrième lieu, "la recherche, notamment hors de l'entreprise, doit être orientée vers les centres d'intérêts majeurs de la nation, dans tous les domaines", a conclu le Chef de l'Etat. Les perspectives

Selon les critères économiques considérés, l’Algérie et la République d’Afrique du Sud se disputent la place de première puissance économique africaine. En tirer parti nécessite un investissement fort et efficace dans l’éducation et la formation supérieure, la recherche et la technologie. Ceci ne saurait se faire en vase clos mais nécessite une forte coopération internationale avec internalisation des connaissances et résultats obtenus. Or, comme nous l’avons vu, la politique générale algérienne a été d’une part très fluctuante et essentiellement axée jusqu’à une période récente dans un contexte arabo-islamiste par opposition à la France, ancienne puissance coloniale et par mimétisme à l'égard du Proche-Orient. La déclinaison de cette politique sur la coopération internationale et la question linguistique ont eu des conséquences désastreuses, dont la prise de conscience a été relativement récente. Le pays fait un effort méritoire pour redresser la situation. Un tournant a été progressivement pris et s’amplifie. Il est heureux de voir que la société civile, tant à travers une grande Société telle que la SONATRACH, première entreprise africaine, que par le rôle croissant des PME ou la formation de structures scientifiques interdisciplinaires sur initiative ‘de la base’ conserve et reconquiert un dynamisme certain et de très bon augure. Mais l’ héritage du passé pèse

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encore lourd, surtout dans un contexte de forte croissance démographique. En 1992, à la veille de l’assassinat du Président Boudiaf, le ministre de l'Éducation avait dénoncé la baisse spectaculaire du taux de réussite à l'examen du baccalauréat: seulement 2 %. En 1970, c'était 7 %, puis autour de 10 % en 1989. Mais les chiffres officiels gonflèrent le taux de réussite autour de 20 % et la note de passage était de 5 sur 20. Quant au taux d'analphabétisme, il était officiellement de 50 %, bien que la réalité soit plus grave. Dans les zones rurales, le pourcentage d'analphabétisme chez les femmes atteignait presque 100 %. Un des rares domaines où l’Algérie semblait alors enregistrer des résultats positifs concernait l’augmentation de l’offre technologique grâce à l’octroi de licences de téléphonie mobile qui a donné lieu à une explosion de la demande à partir de 2002. L’autre objet de satisfaction était l’augmentation du nombre de fournisseurs d’accès Internet et le développement très rapide du parc informatique estimé à 500.000 ordinateurs au début des années 2000. Par ailleurs, l’un des domaines où l’Algérie est active est la protection des brevets (en grande partie dans le domaine pétrolier). L’INAPI (Institut national algérien de la propriété industrielle) cherche à développer la protection et l’utilisation des brevets nationaux (souvent déposés par des non résidents). La faiblesse du développement des banques d’affaires et des sociétés de capital-risque était (et reste) considérée comme obstacle au développement de l’innovation et de la création d’entreprises. Les autorités ont pris conscience de la nécessité de promouvoir la multiplication des sociétés de capital-risque et l’accélération du développement de la bourse des valeurs. Il en résulte aujourd’hui une situation dont les scientifiques algériens et de nombreux décideurs ont pris pleine conscience : fractionnement de la recherche scientifique, grande difficulté à renouveler le potentiel scientifique malgré l’arrivée sur le marché de très nombreux jeunes diplômés, et isolement international des chercheurs ayant grand mal à publier, faire connaître les résultats de leurs recherches – souvent de très bon niveau international – et donc les valoriser et les rendre attractifs dans un contexte de coopération internationale

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équitable. Il est toutefois possible de conclure ce point sur une note positive en constatant que la situation évolue dans un sens favorable, sûrement mais malheureusement trop lentement, avec une forte prise de conscience des gouvernants, de la société civile et du monde de la science, dans lequel les sciences sociales prennent petit à petit toute leur place. Ce n’est probablement pas faire preuve d’un excès d’optimisme de penser que l’Algérie a su globalement prendre conscience de ses hésitations et échecs, reconnaître ses atouts et imaginer de bonnes pratiques pour les valoriser, rendre progressivement à la science le rôle qui est le sien dans une optique de service sociétal et dans un contexte de coopération international repensé. Certes, les handicaps du passé sont lourds, de nouvelles erreurs seront probablement commises comme partout, mais la dynamique qui a démarré dans les années 2000 semble irréversible et devrait globalement tirer le pays vers l’avant, tant sur le plan interne que dans l’arène internationale. Les scientifiques ont un rôle unique à jouer, selon des modalités spécifiques, et cette prise de conscience est également en marche rapide. * Gérard Begni est expert senior « environnement et développement

durable » au Centre National d’Etudes Spatiales.

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L’UNION POUR LA MEDITERRANEE

BLOQUEE PAR LA GUERRE CONTRE GAZA

Khalifa Chater *

La refondation du processus de Barcelone, par l’Union pour la Méditerranée, fut mise à la rude épreuve par l’agression contre Gaza. L’initiative française de créer l’Union de la Méditerranée - fut-elle redimensionnée par l’Union européenne - apparaissait comme une gageure, dans la mesure où elle intégrait, dans un partenariat régional pour la paix, un Etat occupant des territoires de trois partenaires de l’Union envisagée et confortait sa politique coloniale, par une "pacification", usant tous les moyens de dissuasion et tous les ingrédients du terrorisme d’Etat. Cette situation d’évidence ne pouvait être occultée. La guerre contre Gaza et les atrocités commises remettaient en cause le discours de partenariat et de coopération. Un traitement de faveur injustifié : L’analyse des accords de l’Union européenne avec ses partenaires du Sud révélait les avantages supplémentaires accordées à Israël, qu’on semblait considérer comme un prolongement humain et stratégique de l’Europe. Une politique de tolérance fermait volontiers les yeux de certains de ses acteurs et de la plupart de ses médias et tentait d’orienter, avec plus ou moins de bonheur, ses opinions publiques. Nous remarquerons heureusement, que la conscience humanitaire européenne parvenait souvent à transgresser ce "politiquement correct", contraire au patrimoine de l’éthique, des Droits et de la citoyenneté responsable. La remise en question de l’indulgence vis-à-vis de l’occupant n’était pas à l’ordre du jour. Qu’on se rappelle le statut privilégié que l’Union européenne lui a réservé, à la veille de l’invasion de Gaza. Conforté par ce statut d’exception, se sachant impuni, il engagea sa guerre, à la veille de la prise du pouvoir par le nouveau président Obama, dont le discours de campagne annonçait l’application d’un paradigme nouveau, un itinéraire à baliser, pour la paix et la liberté. Gaza et l’après Gaza : Tentant de combler "le vide américain", le Président Sarkozy s’est investi, lors de la guerre, comme intermédiaire

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pour obtenir un cessez le feu. Ses voyages éclairs, sa mobilisation de la troïka européenne, ses concertations avec l’Egypte ont permis d’assurer une présence certes bénéfique sur la scène moyen-orientale, mais qui n’a pas pu obtenir l’arrêt de l’agression. D’autre part, l’Union européenne n’a pas réussi à redéfinir et à re-actualiser, par une prise en compte de la nouvelle conjoncture, la politique traditionnelle qu’elle appliquait dans le traitement du conflit israélo-palestinien. Son adoption, comme postulat, des "alibis" d’Israël et de sa lecture de l’événement comme "guerre contre Hamas", alors qu’il s’agissait bel et bien d’une agression contre la population palestinienne, en vue de consacrer le démembrement de l’Etat à construire, rendaient son approche ambiguë. D’autre part, le traitement de la résistance, pourtant légitimée par l’occupation, comme "fait de terrorisme", ne pouvait que surprendre lorsqu’il provient d’une aire bel et bien libérée du pouvoir nazi, par la résistance populaire. Une analyse lucide devrait néanmoins avertir les observateurs que les "espoirs brisés" étaient bien propices aux dérives néfastes pour tous. Ce grand risque n’est pas à dédaigner ! L’offre des pays européens, d’assurer la surveillance maritime de la région au profit d’Israël, "pour arrêter la contrebande des armes vers Gaza" prenait à son compte les alibis de l’Establishment israélien, empiétait la souveraineté des pays de la région et assurait de fait une gestion asymétrique des zones maritimes, dans la région. Une politique égalitaire, à l’instar de celle adoptée par le général de Gaulle, qui arrêterait le ravitaillement en armes de l’Etat belligérant, serait plus appropriée et plus crédible. En dépit de sa volonté de participer activement au traitement de la question palestinienne et de sa mobilisation pour les reconstructions périodiques des infrastructures démolies constamment par l’occupant, l’Union européenne reste un acteur secondaire au Moyen Orient. La poursuite de sa politique traditionnelle, plus favorable à la gestion du conflit qu’à son traitement, n’est pas en mesure de changer la donne. Nous pensons plutôt, en adoptant les conclusions de Michael Emerson que «la crise de Gaza réclame une révision importante de la politique d'UE envers le conflit Israël-Palestine1». La position de l’Union européenne ne peut être en deçà de l’approche du nouveau pouvoir américain, qui

1 Michael Emerson, Editorial : "Just Monitoring Crises" in CEPS European Neighbourhood

Watch 45.

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adopte de nouveaux paradigmes de relations internationales. Cette prise de distance par rapport à la carte géopolitique des alliances doit être soutenue et mise en œuvre pour instituer une nouvelle stratégie de sortie de crise et un règlement définitif, assurant la "normalisation" des relations entre les peuples de la région. Les options militaires, attestées par la guerre contre Gaza, mettent hors de piste de l’UPM, son auteur ( ?). Elles bloquent, hélas, la construction de cette aire euro - méditerranéenne… A moins que l’UPM n’institue, comme priorité, la résolution de ce conflit qui a trop duré et qui conditionne l’établissement des rapports normaux entre tous les partenaires de son espace. ’assainissement de l’environnement doit précéder la réalisation des programmes de coopérations à l’échelle de l’UPM. Il ne faut pas attendre un quelconque concours de circonstances. L’affirmation d’une volonté de l’Union européenne, conforme à son discours fondateur doit avoir comme objectif de forcer le destin et de reconstruire les nouvelles fondations de l’aire de coopération souhaitée. Peut-on compter sur une mobilisation générale de tous les hommes épris de paix, sans restrictive, dans l’ensemble de notre espace euro-méditerranéen ? . * Professeur d'Histoire Contemporaine, Khalifa Chater est vice-Président

de l'Association des Etudes Internationales

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ORGANIZATION IN DISGUISE : THE ROLE OF THE

SHANGHAI COOPERATION ORGANIZATION IN CHINA’S

GRAND STRATEGY

Mirko Palmesi *

Since the end of the Cold War, the Chinese foreign behaviour has been directed towards an increase of its status within the international system. Various scholars have mentioned that, since the second half of the 1990s, China’s attitude towards international organizations and multilateral security-related partnerships have undergone a significant change.1 Indeed, Beijing has strengthened his ties with countries in his periphery and some adversaries in the past, to improve the dialogue with regional powers in Asia, such as Russia and India, and to promote the birth of a regional security oriented organization, the Shanghai Cooperation Organization. This section will present the theoretical debate concerning China’s current political behaviour. First, the first theoretical starting point will concern the debate between neo-realism and neoliberalism. Second, this paper will enumerate the main aspects that compose the notion of China’s grand strategy. The neo-neo debate

The neo-neo debate represents a useful tool in understanding the role and the utility of regional institutions in international politics. Theoretically, international relations theories questioned on the role of international institutions for decades. While neoliberals provides an institutional theory focusing on the role of international institutions in creating the helpful environment for interstate cooperation, neorealists /structuralists focus on the relative gains that states aim to in anarchy, that cannot be offered by international institutions. This theoretical debate over China’s security in Asia did not start until the end of the Cold War. Neo-realism has been the dominant theoretical approach of 1 Swayne, Michael D. and Tellis, Ashley J., Interpreting China’s Grand Strategy: Past,

Present and Future, Santa Monica: Rand Publications, 2000, p. 15.

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International Relations (IR) in the security and strategic fields. It is based on the assumption that the distribution of capabilities and power determine war and peace in world politics. Since the international system is anarchic, states, the principal and unitary actors in the system, try to survive through self-help behaviour.1 The absence of a superior authority implies that states are never certain about the each other’s intentions. Thus, the nature of the international system is determined by the distribution of power through balance-of-power. By consequence, cooperation among states is difficult to sustain because states focus on relative gains rather than absolute gains.2 Did Central Asia offer a useful framework for neo-realism in the past? A first answer of this question could be that Central Asia did represent a ‘clear’ theatre for realpolitik during the Cold War. The history of the Central Asian Republics has been marked over the centuries by the growth and decline of many empires that have followed one another on deserts and inhabited steppes by a nomadic people, sharing same values taken from Turkish, Persian and Muslim culture and living in separate communities.3 During the Cold War, the antagonism between the United States and the Soviet Union shaped the security dynamics in Central Asia. Indeed, Afghanistan was leaned towards the Soviet Union, while United States balanced its influence on the south with Pakistan. The security of the region was also managed by the influence of some regional powers, such as China and India, which got to conflict on 1962 over their borders near to the Tibet province. However, the end of the Cold War immediately challenged neorealist assumptions in world politics. Following a balance of power

strategy, new-born Central Asian republics should ally with other regional power to balance against the United States, the sole superpower in the system, because “secondary states, if they are free to choose, flock to the weaker side; for it is the stronger side that threatens them”.4 However, some ambiguity emerged within the political behaviour of Central Asian

1 Waltz, Kenneth, Theory of International Politics, McGraw-Hill:New York, 1987, p.126

2Baldwin, David A., Neorealism and Neoliberalism: The Contemporary Debate,New York:

Columbia University Press,1993, p. 34. 3 Edgar, Adrienne L., Identities, Communities and Nations in Central Asia: a Historical

Perspective, Santa Barbara:University of California Berkley Press, socrates.berkeley.edu/~iseees/ . 4 Waltz, Theory of International Politics,p. 127

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republics. Uzbekistan alternated adherence to Russian-centric multilateral organisations to a parallel participation in Western structures. Despite Uzbekistan immediately joined the Commonwealth of Independent States and had signed the Collective Security Treaty in Tashkent in 1992, the republic also joined the NATO program Partnership for Peace in 1994. Balance of threat theory argues that states balances against the most powerful adversaries instead of the most powerful ones.1 Thus, after the Cold War, Central Asian states should have balance against the most threatening state in the region. Due to its aggregate power, geographic proximity, military capabilities China represented the most threatening actor to the former soviet republics. However, both China and Central Asian states strengthened their bilateral and multilateral partnerships solving some crucial issues such as the border disputes and providing in 1996 to the establishment of a security oriented forum, the Shanghai Five

Forum. Moreover, the latter evolved in 2001 into the Shanghai Cooperation Organization (SCO), the first security-oriented partnership organization promoted by China. Or, neorealist scholars argue that within an anarchic system, states do not cooperate because they are more concerned about their survival and their own protection from the actions of other states. In this context, a state can never be sure of the intentions of the others and it will always worry that other states can make more gains than him, which would make them potentially more powerful. In the neoliberal perspective, states promote their absolute interests more than their relative ones. In addition, the liberal institutionalists believe that the institutions are fundamental in influencing and shaping these interests.2 The main difference in this concern is represented by the role that institutions have within the two IR theoretical schools. Indeed, if neorealists consider institutions as a mere states’ instrument of their policies, neoliberals stress that institutions could “provide information, reduce transaction cost, make commitments more credible, establish focal points of coordination, and in general facilitate the operation of

1 Ibidem.

2Keohane, Robert, After Hegemony: Cooperation and Discord in the World Political

Economy, Princeton: Princeton University Press, 1984, p.26-9.

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reciprocity”.1 Thus, neoliberal could explain China’s external behaviour nowadays through its participation in regional institutions, such as the SCO and ASEAN, in order to promote the economic development of the regions. Thus, in the institutional liberal thought, these regimes, as a result of negotiations between the various rational states, promote cooperation. These short theoretical frameworks will directly to the first question that this paper aims to answer. Is China’s foreign policy turning towards a neoliberal approach with its participation in many regional institutions? The author of this paper argues that structural constraints still have a prominent role in the Chinese foreign political behaviour. Because the anarchic structure of the system, each states try to guarantee their survival by the use of balancing. Thus, in order to better understand why China is taking part and using regional organizations, an introduction of the Chinese grand strategy will be enhanced.

China’s grand strategy

As many scholars have already pointed out, since the end of the Cold War, Beijing is pursuing a grand strategy directed to the achievement of global power status within the international system.2 But what a grand

strategy is? Various scholars identified grand strategy as a three steps process:

- first, in determining state’s vital security interests; - second, identify the threats to those interests and third,

deciding how to employ the state’s political, military and economic resources to protect them.3

- Despite scholars they do not agree when the Chinese grand strategy actually started, one can see that Beijing has effectively changed its behaviour in the international system. Avery Goldstein points out that four factors influenced the establishment of the grand strategy:

1 Ibidem.

2 Swaine and Tellis, Interpreting China’s Grand Strategy, Goldstein, Avery, Rising to the

Challenge: China’s Grand Strategy and International Security, Stanford: Stanford University Press, 2005. 3 Goldstein, Rising to the Challenge, p. 17.

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a) the unipolarity of the international system and the US hegemony; b) China’s military and economic weakness towards the United States; c) a “anxious” international environment towards a possible Chinese rise and d) the tensions over Taiwan in 1995-6.1 Although it has never been officially declared, the main principle was to adopt a strategy that could facilitate China’s rise by reducing the perception of a threat that its growing capabilities should provoke. Furthermore, since 1996, China embraced policies in order to reassure its neighbours and to show China as a more “responsible and cooperative international actor”2. The effectiveness of this strategy has been possible through an effort to improve bilateral relations with other regional major powers. China’s active commitment to multilateralism includes its central role in the construction of the Shanghai Forum in 1996, a forum with other Central countries to pursue the fight against common threats (called the three evils) and to enhance the economic development of the region. However, will show how the SCO has assumed recently a physiognomy increasingly aimed at balancing the US presence in Asia. Thus, if one takes into account the criteria defined by Waltz for state in achieving the top ranks of the international system,3 it is possible to see that since the end of the Cold War China has made consistent progress in fulfilling many of them.4 According to neorealism theory, China would have a lot to lose in engaging itself into international or regional institutions. Grieco argued that states that aimed to pursue a global states power have followed the pattern of pursuing relative gains as well as absolute gains to enhance their power at the expenses of cooperating with international institutions.5 However, China uses its status as a rising global power to assert greater influence in shaping the international order. Moreover, new global issues, such as terrorism and the global energetic supply, have recently given a new overview on

1 Ibid, p. 23.

2 Ibidem.

3 Waltz, Theory of International Politics, p. 129 -3, p. 13.

4 Lanteigne Marc, China and International Institutions: Alternate Paths to Global Power,

London: Routledge, p. 35. 5 Grieco, Joseph, Anarchy and The Limits of Cooperation” dans Robert J. Art et Robert

Jervis, ed., International Politics: Enduring Concepts and Contemporary Issues, Boston / Toronto : Longman, 2003, 69.

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Central Asia due to its strategic placement. Moreover, this has strengthened the Chinese position in using effectively regional institution to purpose its main goal. China’s approach to security institutions such as the SCO represent a crucial factor in Beijing’s evolving foreign policy orientation. In the next two sections, there will be analyzed the motivations and the interests that China and Russia in joining SCO. Moreover, Section 4 will focus on the structure of the organization, highlighting its peculiar characteristics that differentiate it from other regional organizations such as ASEAN+3 and NATO. In this section, it will be showed how the SCO is assuming nowadays the physiognomy of a tool of soft balancing towards the United States in Asia. Section 5, will analyze how and if the United States should react to the emergency of a rising China in Asia. The Members’ motivations.

China’s interests and motivations.

China’s engagement with international and regional institutions has been characterized during history by a ‘passive commitment’1. Lampton remembers that China did “not usually beat the gongs to mobilise international organisations to intervene in an international crisis or resolve a global issue”.2 However, some authors argue that the Chinese commitment on the Shanghai Cooperation Organization (SCO) presented a new ‘proactive’ Chinese behaviour towards regional organizations. The particularity of the organization lies in the role that China covers as a prominent actor for its development. More than using the SCO as a ‘supporting tool’ for the purpose of its political goals, China is actively taking the lead for the development of a regional regime. For the purpose of this paper, there will be identified four main motivations that concurred to shape the Chinese commitment towards SCO.

At the end of the Cold War, relations between China and Russia resumed on renovated basis. In 1986, the Secretary General of the Central Committee of the Communist Party, Mikhail Gorbacev, pronounced a speech in Vladivostock in which expresses the desire to remove all

1 Lampton, David M., Same Bed, Different Dreams: Managing US-China Relations, 1989-

2000, Berkeley, Los Angeles/London: University of California Press, 2001, p. 162. 2 Ibidem.

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obstacles between the two countries.1 After the split of the Soviet Union in 1991, China promoted negotiations to solve the border disputes with the Russian Federations and other former Soviet republics in Central Asia, as well as the establishment of measures of mutual trust. Moreover Beijing proposed to reduce the military forces on their mutual borders. China also viewed Central Asian republics as potential markets for its economic development. Indeed, China eased trade restrictions with these countries and it strengthened them in 1994, when Premier Li Peng pointed out the possibility to rebuild the old Silk Road in the region.2 Beijing played an active role concerning another security issue in region, such as the question of the leftover nuclear stocks in Kazakhstan. Along with the United States and Russia, China agreed in 1995 not to use nuclear weapons against Kazakhstan after the removal of the last Kazakh nuclear arms the same year.3 These new relationships between China and Central Asian countries increased the stability not only at bilateral level, but also for the benefit of the entire region. China recognizes the strategic importance of Central Asia and its potential impact on global events, including the role that it can play on their economic development, as a supplier of energy sources. Furthermore, Beijing has an interest in the Central Asian to prevent states to not take a development detrimental to the Chinese interests, through the establishment of radical governments. Beijing recognizes the importance of a fruitful multilateral approach as a tool for the achievement of common interests both economically that in the security issues. Some Chinese scholars also stress the importance of Central Asia as a ‘transcontinental bridge’ between Asia and Europe not only geographically but also politically and culturally.4 In addition to these motivations, Central Asia represents a crucial region for energy and economic supply. The energy situation in Central Asia is of great interest not only to China’s foreign policy but also for the entire international system. China is currently living a critical energy internal situation; since 1993 Beijing became a net importer of petroleum and needs a massive involvement in imports of petroleum as a guarantee of its economic development. In 1997 China imported 35.47 million tons of oil; in 2003

1 Shanghai Cooperation Organization, www.fmprc.gov.cn/

2 Lanteigne, China and the International institutions, p. 133.

3 Ibid., p. 136

4 Huasheng , Zhao, Kitaj, Tsentral’naija Azija i Shanhajskaja Organizatsija Sotrudnicestva,

Moskovskij Zentr Karnegi, Rabocie Materialy, n.5, 2005

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the import has reached 90 million tonnes and in 2004 exceeded 100.1 By consequence Beijing has interest in seeking access to oil reserves through foreign sources, establishing oil-trade ties with Middle East that provides the 50% of the Chinese oil imports, and African countries that contributes for 22%. Indeed, Central Asia represents another region that China can direct its energy needs.The region possesses approximately 150 billions barrels in its territory. From an economic point of view, China has fruitful bilateral relations with the two largest Central Asian States, Kazakhstan and Uzbekistan. The Kazakh embassy in China indicates that in 2006 the volume of trade was 3.85 billion dollars that is 68.1% more than the previous two years, with the prospects of growth for 2010 of 5 billions.2 Moreover, in 1997 the China National Petroleum Corporation outbid Russian and Western oil companies to launch an exclusive contract to develop Kazakhstan’s Uzen oilfield. The excellent prospects for exploitation (in 2003 from that oilfield have been extracted 8.400 barrels per day, with an expected growth of 1.5 billion barrels)3 have encouraged negotiations concerning the construction of a pipeline to transport oil from the Caspian region of Kazakhstan to the western regions of China, through Xinjang. After running a feasibility study by KazMunaiGaz, an agreement for the construction of the pipeline was signed in 2005. CNPC also intends to intensify exploration activities in the territory.4 Terrorism Despite China’s motivations towards Central Asia are driven essentially by the energy and economic benefits, another visible aspect for a closer cooperation with Central Asian republics concerns to combat non-state based security threats such as terrorism. The dissolution of the Soviet Union deprived Beijing of its main rival in the geopolitical space, giving the possibility to focus on its “Central Asian dimension” determined by the extent of its autonomous province of Xinjang-Uyghur, which is integrally part of the Central Asia. China’s focus on the rise of Islamic fundamentalist movements in Central Asia is the result of a strategic

1 Niklas Swanström, Chinese Business Interest in Central Asia: a Quest for Dominance,

2003, www.cacianalyst.org . 2 Ibidem.

3 China Energy Database, Berkeley, CA: Lawrence Berkeley National Laboratory, June 2004,

www.china.gov/china_policy-ced.html 4 Sheives , Kevin, China and Central Asia’s New Energy Relationship: Keeping Things in

Perspective, “CEF Quarterly – The Journal of the China – Eurasia Forum”, February 2005, www.chinaeurasia.org

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behaviour on the development of the influence of the Muslim population in the Xinjang province. More than six million Uyghurs reside in Xinjiang, and as a result, Beijing has been always alarmed by the probability of a ‘splittism’ in a region that covers a strategic asset, due to its proximity to the Central Asian trade and energy routes and the mineral reserves.1 After 09/11, the Chinese government focuses on the possible insurgence of Islamic terrorist groups in the region. 2 However, the Uyghur case presents some peculiar aspects that need to be underlined in this paper. Before 09/11, manifestations and organized acts prepared by Uyghur opponents in the territory were classified as ‘ethnic separatism’. After 09/11, Beijing’s political authorities started to address to the Uyghur’s independent-based organizations as “Islamic terrorist associations” and, as such, they harshly persecuted them in the wake of the global anti-terrorism campaign promoted by the United States. 3 This instrumental choice of assimilating the aspirations of an ethnic group of Islamic religion to international terrorism had the paradoxical effect of encouraging independence movements of hitherto non-violent towards an armed struggle organized by radical jihads groups with international ramifications. In this perspective, Central Asian republics assumed a more strategic posture for the stability of the Chinese borders. In 2002, a report released by Beijing Review accused the ‘East Turkistan’ extremist groups of supporting and financing over two hundred separate terrorist incidents in Xinjiang between 1990 and 2001. The report also underlined that the East Turkistan terrorists were connected with international terrorist groups such as Al Qaeda. Consequently, the fight against terrorism became the third pillar of interest of the Chinese government towards the Central Asian region. In conclusion, many factors can lead to affirm that China’s commitment towards international and regional institutions is changing. Despite official documents do not reveal the explicit motivation to counter the US influence in Asia, China’s commitment in Central Asia is increasingly becoming an efficient tool to balance the United States. As it will show in the next section, the Chinese commitment in the SCO is characterized by an activeness that has been not shown towards other

1 Huasheng , Zhao, Kitaj, Tsentral’naija Azija…. Op.cit.

2 Ibidem.

3 Burles, Marc, Chinese Policy Toward Russia and the Central Asian Republics, p. 67,

www.rand.org/publications

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regional and international organizations, such as ARF or UN. However, the real change that occurs to the Chinese behaviour does not concern the goals of its foreign policy. As Goldstein stated, current Chinese foreign attitude follows the same guidelines through history.1 However, the Chinese calculations towards Central Asia have been directed to the possibility to be in a “winning position” to meet its economic and energetic needs, in a secure environment and to effectively counter the US influence in this area. Russia’s interests and motivations.

The Russian interests towards Central Asian republics have been modeled by an ancient and slow process of historical, cultural and ideological intermingling. The basis of the Russian interests in the region can be understood as a continuing effort to maintain the traditional economic, security, cultural and linguistic relationships with the five central Asian republics. Indeed, loosing the control of its borders could affect Russian perceptions of national border security, while maintaining effective ties with them could contribute stability to the Russian interests. Thus, Moscow interest in SCO represents the natural extension of the stable order with the former soviet republics in Central Asia. Through the SCO Russian benefits of keeping the regional situation almost stable and continuing to maintain an invisible “protectorate” of the region, by pursuing four main objectives in short-term: a) the achievement of the stability and an economic development of the borders and the fight against Islamic terrorism, b) to establish a platform for closer ties with China and c) to contain the American presence in the region. Economic and energy interests

Recently in Central Asia, Russia has pursued the path of multilateralism, through the creation of various regional organizations (Central Asian Union-CAU; Eurasian Economic Commonwealth-EEC; Collective Security Organization Treaty-CSTO). Among these one, the SCO stands out for the participation of China. As previously showed on the Chinese case, the SCO also provides economic and energy advantages to Russian situation. This dual interest is represented by the possibility of better conditions for profitable Russian investments into the region, since 1 Goldstein, Rising to the Challenge, p. 37.

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Central Asian republics represent for Russia a source of supply of agricultural and cotton products as well as a market for its industrial products.1 Moreover, Russia is actively participating in the construction and control of the oil and gas pipeline’s network with origin in the Caspian Sea.2 In 2006 Russian president Putin pointed out the desire to transform the SCO into a sort of energy group within the organization that could help Russian geopolitical ambitions. Interest in establishing closer ties with China

Another aspect that it should be considered into the dynamics of Russian motivations towards the SCO is the possibility to use this institution as a platform for closer relationships with China. The SCO offers for both countries the possibility ‘to be in’ and to influence a strategic region both economically than energetically and preventing that one regional actor could develop a greater monopoly.3 Several episodes showed that Moscow and Beijing share confidence on mutual strategic interests in Central Asia. Russia still perceives the NATO enlargement eastward as principal security threat and the radical Islamic forces actives in Chechnya. Similarly, as previously showed, China views the U.S. predominance in the post Cold-war system as a possible threat to China’s international rise. Furthermore, the two states agree also with similar viewpoints concerning their own geopolitical-security interests. Moscow has always stated the existence of one China and that the Taiwan issue is China’s internal affairs. More recently Russian Foreign Minister Sergei Lavrov affirmed the complete support to Chinese authorities “to take all necessary measures to stop illegal actions and provide for the swiftest possible normalization of the situation in Tibet”. For its side Beijing expressed an unequivocal support for Russian military actions in Chechnya in 2000. China and Russia also share the same opposition against the NATO-led ‘humanitarian intervention’ in 1999 in Kosovo and the United States intervention in Iraq in 2003.4 Lastly, both countries strongly opposed the recognition of the Kosovo independence from Serbia in 2008.

1 Piacentini Fiorani, Valeria (a cura di), Asia Centrale: verso un sistema cooperativo di

sicurezza, Roma: Franco Angeli, 2000, p.34. 2 Knudsen, Olav, “What Promise for Regional Collective Security? A comparison of the

Baltic Sea and Norhteast Asia”, Pacific Focus: Inha Journal of International Studies, vol. 14, n. 2, Fall 1999, p. 33. 3 Piacentini, Asia Centrale, p. 38.

4 Piacentini, Asia Centrale, p. 77

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Moreover, in 2001 both countries signed a treaty on Good Neighbourliness Friendship and Cooperation and since 2005; they have been conducted joint military exercises (Peace Mission 2005, 2006 and 2007) that will be repeated in the summer 2008.1 By using SCO both countries are straightening their partnership not only in the economic and political sphere but also in the security field. The SCO represents a winning tool for both countries that provides to strengthen the Sino Russian relations and to preserve stability in the region. However, there are some observations that suggest some doubts about the long duration of this partnership and the convergence of the strategic viewpoints between Russia and China.2 Russia considers the center Asian republics as part of its sphere of influence in a region where it can exercise its hegemony. Consequently, it is difficult to perceive till when Moscow wishes China to become overly involved in the affairs in the region. Lo suggested that in the future Russian wealth due to the high oil prices will decrease while the Chinese economic expansion seems to be unstoppable in the medium term. This situation could flip the Sino Russian relations, with Beijing assuming a even stronger role of senior partner in the organization.3 The Chinese and Russian economies are not complementary and are intended to come into competition in Central Asia, as it is already happening in Eastern Siberia. 4 However, elite leaders in Beijing know that China possesses the economic capacities to penetrate strongly in the region but does not aim to expand its influence at the detriment of the relations with Russia. Moscow is not China’s target in Central Asia, but instead a stronger partner that can provide to exclude the United States from this new ‘great game’ in the region. As mentioned before, Russia shares with China the same strategic motivation to counter the US influence in Central. Indeed, differently than China, Russia did not remove all the former soviet military bases in the region; maintaining a base in Kyrgyzstan 5and one in Tajikistan1.Moscow

1 Calza, Emilio, L’evoluzione della Shanghai Cooperation Organization, Quaderni di

Relazioni Internazionali, vol 3., n.1 , 2006, p. 94. 2 Ibidem.

3 Chung,C.P.The Shanghai Cooperation Organization: China’s Changing Influence in Central

Asia, in «The China Quarterly», 2004, 180, pp. 990-993. 4 Ibidem.

5 Lo,B “The Long Sunset of Strategic Partnership: Russia’s Evolving China Policy”, in

International Affairs, vol80, n. 2, 2004, p. 45.

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also would like to exclude the United States to get to the oil resources in Azerbaijan and Kazakhstan by the construction of pipelines that deviate from US allies’ territory.2 Central Asian republics’ motivations and interests.

The interests and motivations that drives former soviets republics into the SCO is more than a simply bandwagoning effect. Three motivations are particularly relevant to these countries. First, these countries do not want to go back under a complete Russian influence. As showed before, Moscow still considers Central Asia as the ‘backyard’ for its economic development and for its border security. Then, the Central Asian republics perceive the SCO as a useful tool to contain the sole Russian influence in their territory. The principles that guide the organization also allow the republics to establish more equal and stable direction with Moscow. China’s economic developments also represent a strong incentive to take part to the SCO. As showed in the Kazakh case, the SCO has permitted to Astana to strengthen its economical ties with Beijing and to receive precious support for its infrastructure modernization. However, the most important motivation in joining the SCO is represented by the possibility to maximize its security benefits and its domestic stability. Former soviet republics all share the same security concern about the Islamic extremist forces that pose a menace to their internal and still fragile stability. Turkmenistan, one of the former soviet Central Asian republics that are not part of the SCO, also manifested its interest to join the organization in 2007. During the Annual meeting in the Kyrgyz capital, Bishkek, the newly elected Turkmen president Berdymukhammedov have been invited as observer member. Berdymukhammedov decided to break with the past and with the ‘neutrality policy’ of the former president Nyiazov, in engaging his country to establish closer and stronger ties with the members of the SCO.. Turkmenistan is home of one of the largest

1 Kimmage, D., SCO: Shoring up the Post-Soviet Status Quo, Radio Free Europe/Radio

Liberty, 8 July 2005, http://www.rferl.org/features/features_Article.aspx?m=07&y=2005&id=9A8D1C5F-B72B-4A40-AEDC-08ED11AAA34F 2Ibidem.

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deposit of natural gas in the world and joining the organization as an observer member will allow it to deal new gas deals with both Russia, China and Kazakhstan. Mongolia declared to continue and strengthen the cooperation with the SCO, to improve its neighbourhood policy with China in projects concerning tourism, youth policies and space technology.1 Recently2, Iran has also asked the admission as a full member in the organization. After having been admitted as an observer member in 2005, a SCO membership could be a strong support to Iran. This would allow Iran to circumvent the attempts to isolate it internationally and it would enable to benefit of the various SCO economic and technological development projects. Moreover, the inclusion of Iran will radically change the energy equilibrium at regional and international level. Despite the various attempts to obtain a former partnership, Iran still finds a certain degree of opposition by the consequences of the reactions posed by the United States. These factors will focus more deeply on the US reaction towards the SCO and its strategic implications.

The nature of the organization

In this section, the nature of the organization will be analyzed in detail. First, it will be introduced an historical overview of the evolution of the organization, from the Shanghai Five Forum in 1996 until the establishment of the Shanghai Cooperation Organization in 2001. Then, the nature of the organization will be discussed trying to determine if it is can be considered as an alliance, a partnership or a coalition. In order to achieve this objective, the main similarities and differences between the SCO and two other regional organizations such as the ASEAN+3 forum and the NATO will be analyzed. Finally, with the help of theoretical tools, it will be shown that the SCO is becoming for Beijing a tool of soft balancing against the United States in the region. Historical overview

The SCO originated from the negotiations on border disputes that between 1991 and 1994 involved the former Soviet Union and China. In 1992, newly independent states, Kazakhstan, Tajikistan and Kyrgyzstan,

1 China-Mongolia good Neighborly Relations Enter New Phase: Chinese President,

www.scosummit2006.org, 16-06-06 2 In March 2008 Iran officially asked its last admission as a SCO member.

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joined the negotiations. Since the collapse of the Soviet Union, Beijing’s efforts were directed towards the increase of his visibility and influence in Asia by improving relations with neighbours and the new Russian federation. Moreover, the Chinese interest towards Central Asia focused on three strategic issues: the problem of weak governments at his borders with the possibility of the penetration of religious and political extremism, the possibility of the exploitation of energy resources in the region and the establishment of closer ties with the new Russian federation. This multilateral mechanism developed by the Chinese government lead on April 1996 to the signature of the “Agreement on strengthening mutual confidence-building measures in border areas" (the Shanghai agreement). Since then, the five signatories were identified as Shanghai Five. The agreement focused on active stable measures based on the drastic reduction of military activities in an area of one hundred kilometres on both sides of the common border.1 After the first meeting followed other annually, during which the guidelines of this particular model of regional cooperation based on a permanent mechanism of consultations took shape. During the second summit held in Moscow on 1997, the Shanghai five signed an “agreement of mutual reduction of military forces in border areas”, aimed to reduce such forces at the only defensive capabilities and to promote transparency, mutual trust and joint border activities.2 In this summit was also created a Joint Control Group responsible for monitoring the obligations to the agreement. Built on border agreements, after 1997 the Shanghai Five moved to a phase of a more institutionalized annual agreements. Indeed, during the next summit held in Almaty on July 1998, the five discussed about serious security issue originating from the Taliban regime in Afghanistan, from the drug trafficking in the region, the emergence of an aggressive religious extremisms, separatisms and nationalisms and illegal immigration. Thus, they decided that they would put efforts together in order to counter such threats. In addition, for the first time the five discussed the possibility of developing a closer economic and commercial collaboration in order to ensure the stability of the region. After the meeting, the Shanghai Five countries issued a joint declaration that changed the internal structure of the organization,

1 Umarov, Adiljon e Pashkun ,Dmitry, “The Prospects for Chinese Influence in Central Asia”,

CEF Quarterly – The Journal of the China – Eurasia Forum, February 2008, www.chinaeurasia.org . 2 Blank, Stephen, “Towards Geostrategic Realignment in Central Asia”, in Analyst, CACI

Biweekly Briefing, Wednesday, 10 October 2001.

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passing from a bilateral (China on one side, Russia, Kazakhstan, Kyrgyzstan and Tajikistan on the other) into a multilateral one. During the forth summit held in Bishkek, a particular emphasis on the need for a joint action to counter the upsurge of Islamic militant in Central Asian was given. Practical steps in this direction were made by the security department officials that, in December of that year, opened a forum concerning the actions to undertake in order to fight international terrorism, religious extremism, and national separatism and to contrast arm and drug traffic and illegal immigration. During this meeting the participants signed the “Memorandum of Bishkek” that established the collaboration and the cooperation of the justice and security department of each member states, whose leadership formed the “Group of Bishkek” with the establishment of an “anti terrorist center” in the Kyrgyz capital.1 During the first half of the year 2000, the defence ministers of the member states met in Astana to discuss the improvements and the effectiveness of this consultation mechanism. However, a significant moment of the evolution of this project was reached by the fifth head of state’s summit on July 2000 in Dushanbe, Tajikistan where the five members decided to transform the Shanghai Five into a more institutionalized regional multilateral cooperation. This represented a necessary step not only in relation to the sphere of joint activities of the members, but also in view of a more effective and coordinates cooperation under the agreements already in forces. Following the Chinese president Jiang Zemin recommendations, the rationale for a formal regional organization would be based on: a) to improve the Shanghai Five meetings in order to improve a comprehensive and cooperative institution at many levels, covering multiple fields; b) to bolster security cooperation and support each other against threats to regional security; c) to promote liberal and multilateral economic and trade cooperation and d) to enhance cooperation in international affairs.2 This prospect leads to the institutionalization of a new process of international relations based on a same level of cooperation as well as mutual trust and benefit. Indeed the members agreed that they strongly supported the right of every state to pursue its own political, economic

1 Hu, Richard W.X., “China’s Central Asia Policy: Making Sense of the Shangahi Cooperation

Organization”, in Rumer, Boris ed. Central Asia at the End of the Transition, M.E. SHARPE: Armonk/London::m 2005, p. 135 2Ibidem, p. 137.

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and social development in accordance with its own reality; they banned any interference in internal affairs to another State, even under the pretext of defending human rights or for Humanitarian Actions. They also declared that these choices came from the deep respect to the states in their own historical particularities, in safeguarding the principles of international law generally recognized. The corollary of this claim is directed towards the support to China and Russian in their contrast to the “separatist movements”, respectively in Xinjiang and Chechnya. The two states recognized the role of the United Nations as the sole global forum for resolving international dispute in pursuing the principles and the objectives of the UN Charter.1 Basing on the principles of equality and mutual benefit, on the field of economic and trade cooperation, the members were committed to the establishment of partnership, strengthening issues related to improve investments and also preparing measures for resolving disputes that may arise during the cooperation processes. This approach of renewed economic and trade relations is based on the common interest to supply from the massive energy reserves following the principle of mutual benefit and maintaining stability. Lastly, the Shanghai Five became the Shanghai Forum and the Uzbekistan was admitted for the first time as an observer member. The meeting held in 2001 represented a turning point for the structure of the organization, evolving into an International Organization. On June 15th ,2001 with the Declaration on the Establishment of the Shanghai Cooperation, “the Head of State of the Republic of Kazakhstan, the Chinese People’s Republic, the Republic of Kirghizia, the Russian Federation, the Republic of Tajikistan accepted as a new member of the Shanghai Five forum the Uzbekistan and decided unanimously to support this mechanism of consolidated cooperation to transform in a regional organization more functional in order to deal more decisively with the security challenges in the region, to establish more effectively the relationships with extra regional actors and to promote cultural values among members”.2 The six states signed the Declaration on the Establishment of the Shanghai Cooperation Organization. The goals of the

1 Ibidem, p. 142.

2 Shanghai Cooperation Organization Established, “Monitor”, Volume 7 Issue 120, (April

16, 2008), www.jamestown.org.

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organization are summed in four principles under the same of “Shanghai spirit”:

- maintaining the regional stability and opposition to the “three evil forces” (terrorism, separatism and extremism);

- promoting the economic cooperation; - strengthening mutual confidence and good-neighbouring

relations between the participants; - Helping to build a new democratic, just and rational political

and economic international order. Following these guidelines, the SCO promotes the establishment of a new concept of security, linked to the principle of reciprocity and disarmament; it also promotes renewed relations between the States on the basis of partnership and a new model of regional cooperation. The SCO and NATO and ASEAN+3

As mentioned above, the structure of the SCO presented new and peculiar characteristics than the other regional organizations. This leads to investigate to the third question of the research ‘Which are the main differences between SCO and the other regional organization?’ For the purpose of this study it will be analyze the main differences among SCO, ASEAN and NATO. What is the SCO? According to Chung the SCO is a partnership, not an alliance.1 Following the realist tradition, the author argues that an alliance is defined in opposition to other actors and threats perceived by states.2 However, for the author the SCO is an open structure, a mechanism which aims to create a climate of mutual trust and cooperation in the region. Through these mechanisms, China opens to potential allies and adversaries recognizing the natural differences in culture, ideology and interests and seeks to build a mechanism to manage the areas of potential conflicts. For these reasons, a comparison between the NATO and the SCO is difficult to achieve. First, NATO is an alliance initially built to counter the spread of the Warsaw Pact in Europe. NATO’s members pursued political and security related goals against a common enemy (the Soviet Union). Moreover, NATO’s members all shared

1 Chung, The Shanghai Cooperation Organization, p. 993.

2 Ibidem.

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ideological and political values. However, as stated in its declaration, the SCO is not an organization built in opposition to an external threat.1 The main objectives of the SCO are to build a peaceful environment through economic, scientific-technical, cultural, educational cooperation. Although the SCO members share a common opposition against three threats (the three evil forces), these ones are not external. Thus, the SCO is more a “formal international organization for regional cooperation”.2 Second, the motivations that drove the SCO members to be part of the organization are different from the NATO nations. After the split of the Soviet Union., the former soviet republics in Central Asia found themselves with logistical limitations and looked at China and Russia to ensure their border security. The military border security agreement between China, Russia, Kazakhstan, Kyrgyzstan and Tajikistan was conceived as an agreement where “military forces of the Parties deployed in the border area, as an integral part of the military forces of the Parties, shall not be used to attack another Party, conduct any military activity threatening the other Party and upsetting calm and stability in the border area”.3 The same non mutual aggression prerogatives were addressed even to third parties outside the organization. As one can see, this pact did not stress any mutual defense obligations, and this is dissimilar with the NATO alliance. In the official SCO declaration there is no reference on the eventuality that if a member is attacked it can be conceived as an attack to the entire organization. Moreover, it is mandatory for all the members to respond militarily to defend other members it they get attacked. Another different with NATO, consists in the possibility to open the organization to other members. Since the split of the Soviet Union, NATO opened the organization to other members previously under the Warsaw Pact. Although, this paper will not discuss on the debate about the new NATO goals in the current system, it is interesting to notice that the enlargement process of the SCO does not find the same accuracy. Indeed, in the medium term both China and Russia still have different strategic goals within the organization that cannot converge in supporting the integration as ‘effective members’ of new states such as Iran, India or Pakistan.

1 Hu, China’s Central Asia Policy, p. 138

2 Ibidem, p. 139

3 “Planning a Long-term Cooperation among the six nations: an Interview with Assistant

Foreign Minister Liu Guchang”, Xinhua, 12 march 2001.

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Thus, the SCO represent more a new model of regionalism that is antithetical to the “old” model of which the European Union is the most obvious example. Unlike the old regionalism, this new type does not require supplies of sovereignty, but rather is based on the principle of the recognition of the sovereignty of the member states. It incorporates different political system, with different cultural and religious tradition sharing common interest. Over the years, the SCO has been establish itself as an organization where the parties shared a consonance legislation, that Kimmage defines as a conservationist position, which is geared to the maintain of the status quo.1 Ideological values represent one of the main differences between the SCO and another Asian regional forum, the ASEAN+3. Differently from the SCO where China played a crucial role in creating and supporting this organization, the ASEAN+3 represents a ‘loose’ forum for the Chinese strategic interests.2 This is due to the relative weight that the other principal actor of the organization, the Japan . Moreover, China is a new member of this organization that encompasses south Asian countries. Another difference with the SCO concerns the main goals that the members aim to pursue. Although SCO members cooperate to fight common security threats as the “three evil forces”, security issues within the ARF are not shared with the same intensity by all the members. China continues to refuse to participate in security process that concerns issues as Taiwan or in the south China. Following these guidelines, despite ASEAN+3 represents for China an effective tool to establish a peaceful periphery; its institutional weakness and the asymmetrical disparity of power of the organization does not provide China to promote economic development in the region. SCO as a soft balancing strategy?

Will the SCO goals above mentioned continue to last within the SCO? Until when does China continue to support this organization? Several scholars stressed that China is using the SCO to counter and to put

1 Kimmage, The SCo, the Schoring up the post soviet status quo.

2 Hu, China’s Central Asia Policy, p. 139.

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out the US presence in Asia.1 Despite the first steps in building the organization did not support this hypothesis; several factors are nowadays strengthening it. The desire to contain, if not reduce the American presence in the region is a strong strategic tie for all the member countries. Both Russia and China see the United States presence around their borders as a threat to guarantee their influence in the region. Goldstein argues that a SCO contains the characteristics to meet the objectives of the Chinese grand strategy. SCO allows China to find a middle ground between traditional allies and adversaries and to ‘enable China to address concerns about US preponderance without resorting to the more directly confrontation.’2 Is China trying to balance the United States in Asia through the SCO? According to Paul, one can distinguish between two types of balancing strategies:

a) hard balancing: when states “states “adopt strategies to build and update their military capabilities, as well as create and maintain formal alliances and counteralliances, to match the capabilities of their key opponents”;3

b) soft balancing: as “tacit balancing short of formal alliances […]

Soft balancing is often based on a limited arms build-up, ad hoc cooperative exercises, or collaboration in regional or international institutions”.4

The former strategy does not reflect the current Chinese strategy in Central Asia. Although China is improving its military capabilities, as mentioned before, the SCO is not an alliance against an external threat like NATO. However, there are several elements that lead to see the SCO as a Chinese efficient soft balancing strategy against the United States. Basing on Paul’s definition of soft balancing next paragraph will show why China has interest to balance the United States in Asia for the pursuit of its “peaceful rise”. As showed before, this “Chinese openness” to multilateral institutions is part of a process that China started at the end of the 1990s, constituting 1 Swaine and Tellis,Interpreting China’s Grand Strategy, Bank, Stephen J., US Interest in

Central Asia and the Challenge to Them, http://www.StrategicStudiesInstitute.army.mil/ 2 Goldstein, Rising to the Challenge, p. 133-134.

3 Paul, T.V., Wirtz, James J and Fortmann Michel eds., Balance of Power: Theory and

Practice in the 21st

Century, Stanford: Stanford University Press, 2004, p. 3 4 Ibidem.

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the most relevant aspect of the Chinese grand strategy. What are China’s vital interests? A closer outlook to recent Chinese Defence White Paper showed that the main security goals for China are a) protecting the country from external threats; b) curbing separatism and preventing Taiwan from declaring de jure independence; c) preserving domestic order and social stability. In order to accomplish these objectives, China should improve its economic and military capabilities. Thus, why the United States are a threat for China? How can China counter its presence? Chinese scholars argue in stating that the United States represents a security threat for China’s core national interests as sovereignty and border stability. These assumptions are driven by the perception that United States would like to impose their hegemony in Asia, preventing China’s rise. Indeed, the US led military operations in Central Asia at the end of the Cold War have been perceived by Beijing as a threat to the stability of its borders. However, as Wang stated, despite China could not compete militarily with the United States, a military modernization does not represent the sole guideline for the Chinese government to pursue its rise in the international scene. Differently from Soviet Union, the Chinese agenda’s priority focuses on the economic development through multilateral cooperation. This approach brings China to a double advantage: a) to reassure neighbourhood countries of its pacific rise and b) to not legitimize a hard balance reaction from the United States. China also entertains an ambivalent relation with Russia, the other major country in the region. On one hand, they have some competitive relationships concerning the supply of energy needs. On the other, China knows that a regional cooperation in Central Asia will not be successful without the participation of Russia. Thus, it is China’s interest to pursue a modernization of its economy and military while maintaining closer ties with Russia in pursuing a common strategic priority (to diminish the United States presence in Asia). Why should China balance the US influence in Asia?

Basing on the Chinese literature, China perceives the United States as being either an obstacle for the pursuit of its grand strategy or a competitor of its strategic energy interests in the region.

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The war in Afghanistan, the recent NATO’s enlargement to the east and the US-Uzbekistan strategic partnership in the 1990s have been perceived as a serious danger by the Chinese elite in order to promote its “peaceful rise” as the prominent actor in the region. Furthermore, well before the war in Afghanistan, in 1999 the United States launches cruise missiles in Afghanistan as a consequence of the Al Qaeda attacks at the American embassies in Kenya and Tanzania. All these actions have been perceived by the Chinese government as an attempt to consider Central Asia into the US sphere of influence. Some documents show that China also shares with Russia the fear of a US lead war in Iran in order to overthrowing the current Islamic government. However, China uses the SCO as a tool of soft balancing towards the United States and to ensure its development. Indeed, to avoid that the US presence in the region will lead to a permanent reality, China stressed through the SCO that the United States should fix a date by which the NATO’s troops would have withdrawn from Afghanistan. Two strongly symbolic declarations show how China tried to counter the United States in this sense through soft balancing strategies. At the Astana summit in July 2005, the SCO requested the United States to set a timetable for the withdrawal of its troops from bases in the region. This statement was followed by an Uzbek ultimatum in which the United States were oblige to leave the Karshi-Khanabad region within 180 days. The second document, a press release of June 2006, is linked to the Astana summit and it highlights the effectiveness of the SCO in dealing with terrorism in the region. A third example o is represented by the refusal to the United States to assist at the SCO meeting as an observer member. Differently than the ASEAN + 3, where the United States can influence the decision-making process through its alliance with Japan, SCO members are less persuaded by the US influence. Furthermore, the United States tried to extend their influence in the area through regional and international organizations. After its admission in 1992, the United States opened an OSCE center into Central Asia promoting democratisation process in the electoral system in Kazakhstan and Kyrgyzstan. Consequently, Beijing’s commitment in the creation of the SCO has been followed by the perception of a higher risk of a US influence in the region. According to Wang, China did not have neither the economic and military capabilities to face alone the US

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influence in the area.1 Moreover, another aspect played in China’s favour concerning its influence on the Central Asian republics. As Goldstein shows, after several years of soviet domination and influence, the former soviet republics were reluctant to be the target of another regional power.2 Thus, by promoting a cooperative approach basing the common principles of the ‘Shanghai Spirit’, China penetrated in the region in establishing mutual ties with these republics without being perceived as a hegemonic power. Strategic and geopolitical reasons should be also taken into account to explain why China would like to balance the presence of the United States. In the recent past, The United States stressed the possibility to use Central Asia as a possible alternative oil sources to the Persian Gulf, especially after the second Iraqi war. However, by using the SCO as an institutional mean to develop powerful economic influence in the region and to ensure its energy stability, China is trying to put aside the United States in this ‘race’ for alternatives oil resources.. China also strengthened its influence on central Asian republics by economic and diplomatic means. Indeed, in order to maintain a strong influence on Kazakhstan (the largest of the former soviet republics) despite the decision of the designation as the first Central Asian country for the OCSE presidency, China subsequently stipulated new economic agreements with Kazakhstan for the exploitation of its oil territory. This hypothesis is also supported by the strongest ties that China is establishing with other potential oil suppliers in Africa and South America, in order to ensure its energy stability to the detriment of the other major powers. As one can see, China started to counter the United States influence in the region by maintaining a stable and peaceful environment. But, how will the United States respond to China’s rise? Until when China will try to soft balance the United States in the region? Will the SCO be a useful tool to ensure its grand strategy in the future? In order to answer to these questions, next sections will focus on the role of the United States and on the future of the organization within China’s grand strategy.

The United States response

1 Wang, Yuan-Kang, China’s Grand Strategy and the U.S. primacy: Is China Balancing

American Power?, http://www.brookings.edu/fp/cnaps/papers/wang2006.pdf, p. 34 2 Goldstein, Rising to the Challenge, p. 144.

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In light of the precedent analysis on the Chinese and Russian motivations of the SCO, what should be the American response? Does the United States have interests in Central Asia? Despite many scholars emphasize the role of ‘energy security’ that brings the US interest towards this area, Bank affirms that the US interests in Central Asia are essentially directed towards the promotion of the democratization, the economic development and the security in the area.1 The United States can also try to expand their influence to the region indirectly, with the help of some allies, such as Turkey. RAND scholars affirm that the United States should engage themselves strongly in establishing closer ties among Turkey and Central Asian countries. However, the United States are slowly losing their influence in this area. Uzbekistan, with whom they signed a strategic partnership in early 2000, is nowadays a member of the SCO and it is one of the principal opponents to the maintaining of the US lead coalition in Afghanistan. However, the presence of the SCO as an instrument of the growing Chinese influence on the area puts the United States in a singular position. How to react to the growing Chinese influence in the region? It is commonly believed among the current literature that there exist two different American reactions to China’s grand strategy: engagement and containment. The engagement scenario

In a hypothetical engagement scenario, the United States should use commerce as a tool of socialization and socio-political internal transformation and as an instrument in preventing a future Chinese aggressive behaviour. For their part, the United States should focus on a strategy that will bring to the implement of an economic development in China, hoping that it will lead also to a process of democratization and liberalization.2 Hence, the United States should stress cooperation with China on several crucial issues in order to pacifically regulate its rise within the international system. Following these principles, the United States should use the WTO as a privileged platform in pursuing these goals, and trying to involve China into other economic oriented cooperation.

1 Blank, Towards Geostrategic Realignment,p. 102.

2 Mastrolia Nunziante, La nuova politica globale della Cina, CeMiSS Osservatorio

Strategico, anno VII, n°10,ottobre 2005, pp. 53-58.

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American President George W. Bush affirmed that the United States “ha[s] the best chance since the rise of the nation-state in the 17th century to build a world where the great powers compete in peace instead of preparing the war”.1 This approach highlights how changes in the economic relations between the United States and China have dramatically increased since the 1980s. By 2004 the trade moving between the two countries grew till a total of $245 billion. However, the United States finds difficulties in following this approach towards China in Central Asia. Recent, negotiations with SCO members for an agreement concerning the pipelines’ construction passing in Central Asia and in the Caucasus region has been hampered by the refusal of ex allies such as Uzbekistan and Tajikistan to give support to US cause. Moreover, this approach in promoting economic liberalism with China can easily become a dangerous tool for US interests in Asia. One example is represented by the attempt of the CNOOC (the third Chinese most important oil company) to buy the American oil company UNOCAL in 2006. Although UNOCAL represent the ninth American oil company, it holds several important assets in East and Central Asia. Washington feared that China, having already a consistent influence on the control of sources and energy networks in the region via SCO and ASEAN, could further strengthen its position in the area and to contribute to increase its political weight at the expense of the US one. Indeed, after the Chinese control of the Indonesian natural gas resources that have consequences over the economies of US allies such as South Korea, Japan and Taiwan, it is clear that United States has been extremely concerned about the political fallout of the passage of Unocal into Chinese hands.2 Finally, the political consequences of this action explain why the United States put pressure for the purchase at lower price of UNICOL should have been made by an American company, Chevron. As one can see, engaging China through the intensification of the economic ties with the United States could bring a boomerang effect, where the expected gains can be turned into unexpected strategic disadvantages.

1 President Bush speech West Point, New York June 1, 2002,

http://www.whitehouse.gov/nsc/nss8.html 2 Hunter Duncan, Statement on CNOOC’s attempeted purcgase of Unocal, Press Release,

House Armed Services Committee, 13 giungo 2005

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The containment scenario

The containment scenario is based on the neorealist assumption that the United States considers China as a rising power that can jeopardize its hegemony. This approach follows the postulate that China’s rise is becoming the most significant challenge to the United States. Scholars who support this perspective, share the historical idea that China’s emerging role can be compared to the Bismarkian Germany in the 20th century implying that a direct confrontation with the United States will be inevitable. The United States should act in both directly than indirectly. The former represents the most dangerous and remote option for the United States because it will produce a direct confrontation of the two countries. The latter provides a range of various possibilities for the United States to accomplish its purpose. Five cases will be showed in this perspective: a) the case of Taiwan, b) the Japan-US relations, c) the Indo-US relations, d) the current influence on Afghanistan new government and e) NATO’s enlargement on the Caucasus:

a) The United States could increase substantially the arm sales to Taiwan and stressing the international community that Taipei is the sole China’s capital.

b) Another tool to contain China is represented by the partnership with Japan. The United States should push Japan to the modification of their number 9 article of the Constitution that it will give the possibility to a nuclear rearm for defensive purposes.

c) An analysis published by Jane’s Information Group for the US Secretary of States Donald Rumsfeld in 2004, stressed the possibility to use the Indo-American alliance in order to contain China’s expansionism.1The report noted that both the United States and India share the same views and perceptions of China’s rise and this alliance should emerge as a “vital component of the US interests”.2

d) Furthermore, the United States could contain China’s rise in Central Asia by the maintaining of the NATO military coalition in Afghanistan.

1 India, China and USA, Jane’s Securiy News,

http://www.janes.com/security/international_security/news/fr/fr030402_1_n.shtml, March 27th 2008. 2 Ibidem.

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e) Lastly, a possible inclusion of Georgia as NATO members should provide a strategic tool in the energy field to counter Beijing expansionism.

However, are these strategies applicable nowadays? Which positive result will bring to the United States? The most delicate topic is indubitably the Taiwan issue. Firstly, most of the countries in the international system have recognized that the Taiwan Strait is part of China, leaving the United States isolated in supporting Taiwan case. Moreover, the recent victory of the Kuomintang in Taiwan’s last elections turned to an optimistic change of the Chinese perceptions towards Taipei. Chinese officials highlight how the presence of Taiwan’s newly vice president elected, Vicent Siew, at the economic forum in Hainan Island represents a significant step of new relationships between the two countries. Indeed, during the eight years’ mandate of the Democratic Progressive Party (DPP), neither the out-going president Chen Shui Bian nor his vice president, Annette Lu, came closer to meet a Chinese official. The strengthening of the economic relations between China and Japan is producing some doubts about the possibility of the possibility for Washington to use its alliance with Tokyo to counter China’s rise. Japan-China trade relations in 2006 became closer through a massive Japanese investment in China. Despite some obstacles, the economic ties between the two countries are increasingly in the last years and China still represents the top investment country for Japan. Concerning India, during the last years, Beijing has started to re-establish new mutual trust with New Delhi. In December 2007, the two countries enhanced a joint anti-terrorism military training in order to establish new mutual trust and understanding. Moreover, foreign ministry spokesman Qin Gang stated that cooperation and consensus between the two countries will be established and the border issue between the two countries will be solved at an earlier date. China also tried to soft balance the United States’ influence in Afghanistan with the launch of the SCO-Afghanistan Contact Group in 2007. This rapprochement has been guided by the convergence of interests concerning the fight of the “three devils”, ‘separatism, extremism and terrorism’. Finally, a hypothetical Georgia admission in NATO in order to strategically counter China’s rise by the control of the gas pipeline in Caucasus would not drastically change the energy issue in Central Asia. China trough SCO has already provided to build different

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pipelines from Central Asia to Caspian Sea and it strengthen its relations with other neighbour countries in the Caucasus. As one can see, China seems to beat the United States on the draw in its balancing tools. The two scenarios above mentioned showed the opportunity and the risks for United States towards China’s rise. However, there is a factor that it can really play an important role in these situations; the time. As Wang stressed, despite all the risks, the United States are a kind of hegemonic country that it never existed in history. Their advantageous position in the international system still provides the possibility to use a mixed ‘wait and see’ strategy towards China’s rise. The best option could be to promote dialogue and cooperation when China’s behaviour is less threatening, and to promptly intervene with the support of the international community when the risk of a hegemonic China is materializing it.

The future of SCO

As showed above, China’s behaviour towards an active participation into regional regimes is part of the “peaceful rise” process within its grand strategy. However, China’s role in the creation of the SCO has been one of the most relevant foreign policy initiatives of the country in the recent history. Undoubtedly, Beijing is assuming the position of the strongest player both politically than economically. Furthermore, SCO is evolving into a an instrument of soft balancing the US presence in Asia. Beijing is not directly using military tools to delay and undermine the US influence in Asia. This behaviour could produce two negative effects to China’s strategy: a) to provoke an active reaction from the United States; b) to create a hostile environment among states in its periphery. Through the SCO, China is trying to pacifically balance the United States in Asia and providing to its economic and political development in the region. However, will China maintain the current composition of the SCO? The inclusion of India and Pakistan should provoke problems for the organization, and it could cause a radical change of the use of the SCO as tool to (soft)balance the American presence in Asia. First, the inclusion of the two countries will bring new security issues into the organization, such as the ongoing violence in Kashmir. Second, the Indian and Pakistani

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membership in the SCO will bring two sizeable regional powers in the region that can affect China’s pivotal role into the organization. Third, the support of the Pakistani government to the Taliban government in Afghanistan will cause serious doubts on the Islamabad’s intention to pursue the fight against the “three evil forces”. Lastly, an inclusion of India into the SCO will bring the American influence within the organization. Although China and India are organizing joint military trainings in order to establish a mutual confidence between the two countries, New Delhi remains a faithful ally to Washington. The best winning solution for Beijing will be to establish stronger relations with New Delhi outside the SCO, focusing on the resolution of common problems (such as the border security or the Tibet issue). Another potential member of SCO is Iran. China has several interests to include Iran to be part of the organization. Firstly, China is already involved into Iranian energy resources. State-owned company Zhulai Zherong Corporation signed a twenty-five year deal in 2004 to import 110 millions tons of liquefied natural gas from Iran. Russia also claims great economic interests in the region. Due to its geographic position, Iran should provide the possibility to extend SCO energy traffic till the Caspian Sea. Second, an alliance with Iran will undermine even more the American influence in Asia and it could guarantee the SCO to spread their influence until the Middle East. However, China is taking time before accepting a full Iran membership. In order to show to the international community the intention of its “peaceful rise” China’s desire for the SCO is to continue to be viewed as an international anti-terrorism organization. Indeed, Iran with its radical Islam traditions poses several doubt of the success of this initiative. Finally, one last suggestion will be launched. As Section 4 showed, the current debate among American scholars and military concerns which approach to use to face China’s rise in Asia. Concerning the case of the SCO, little academic literature is addressing on how long China will support an active engagement into a regional organization such as the SCO. Will Beijing continue to use the SCO after the achievement of a hegemonic status in Asia? The author of this paper argues that the answer should be found into the internal and external evolution that China will face in the future. If Beijing is able to shape new political elite that will follow the same political guidelines of their predecessors and

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other regional power such as Russia or India will emerge consistently, China will probably use its pivotal role within SCO to counter them. If these conditions are not attained, a new era within the international system will probably appear. * Doctorant en science politique à l’université de Montréal.

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LA GUERRE DU POLE-NORD A COMMENCE

PAR RICHARD LABEVIERE, FRANÇOIS THUAL

Ed. Perrin, septembre 2008.

Connaissez-vous l’Arctique ? Le livre de Richard

Labévière et François Thual va vous y aider. Longtemps délaissé, « tache blanche de l’histoire

humaine », l’Arctique n’a cessé de voir son importance géostratégique et économique croitre

depuis la deuxième partie du 19è siècle. Si bien qu’il est désormais en passe de devenir « l’un des lieux les plus chauds de la planète politique ».

Cette montée en puissance est due à trois facteurs principaux : la

maritimisation de l’océan Arctique : l’ouverture de la route du Nord-Est,

projet d’ouverture d’une route du Nord-Ouest ; sa militarisation dès la

Première Guerre mondiale, Seconde Guerre mondiale, guerre froide ; la

perspective de mise en valeur des énormes ressources en pétrole et en gaz. A la différence de l’Antarctique, l’Arctique n’appartient pas au « patrimoine commun de l’humanité » mais à des Etats

« possessionnés » qui doivent argumenter (juridiquement et scientifiquement) leurs prétentions territoriales : la Russie, le Danemark, les Etats-Unis, le Canada et la Norvège. Ces Etats rivaux « sont d’accord

sur un point : ne pas élargir le club ».

Chacun à ses objectifs économiques et stratégiques. On retiendra surtout le vif intérêt des Etats-Unis vis-à-vis du Groenland (danois). Ils y ont implanté une base stratégique à Thulé et d’autres infrastructures militaires. En fait, les Etats-Unis recherchent une « cogestion » du

Groenland avec sa métropole danoise. A l’instar des Etats de la Micronésie qui lui ont permis de transformer le Pacifique nord en lac américain, Washington souhaite s’appuyer sur un Groenland « autonome » voire « indépendant » pour faire du bassin Arctique « un

autre lac très américanisé ».

La Russie, touchée par une certaine « démaritimisation » depuis l’effondrement de l’URSS (mer Baltique, mer Noire, mer Caspienne), a fait de l’accès à l’océan Arctique une de ses priorités pour des raisons économique et de défense. Le dépôt d’un drapeau russe métallique à

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� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �symbole éclatant de cette politique.

Outre, les Etats « possessionnés », la Chine et le Japon, relativement éloignés de la zone, sont très intéressés par ses hydrocarbures, ses réserves halieutiques et ses futures voies de communication.

Avec les richesses énergétiques, la maritimisation est à l’origine de l’importance économique et géostratégique du Grand Nord : « L’Arctique est ainsi en passe de devenir le grand échangeur de ce que les économistes appellent « la triade », c’est-à-dire les trois grands blocs de pays capitalistes : l’ensemble nord-asiatique, l’Amérique du Nord et l’Europe de l’Ouest. Cet échangeur s’articule, naturellement, sur le monde russe et sur la Chine méridionale voisine. Le moindre des

constats est de souligner que les conséquences environnementales du réchauffement climatique ne sont pas analysées de la même par les uns

et les autres. Tous sont inquiets ou font mine de l’être, certains le sont moins que d’autres. »

Zone militarisée et point de passage des missiles nucléaires durant la guerre froide, l’Arctique demeure un espace central dans l’affrontement

Etats-Unis/Russie. Washington a développé une « hyper-marine », afin

de maintenir leur « leadership » sur toutes les mers. Par ailleurs, le

Grand Nord est une « Pièce maîtresse » son bouclier antimissile. Enfin,

cet espace sert de zone de test pour les SNA et des SNLE de nouvelle

génération russes et américains.

Les auteurs ont déterminé trois scénarios probables quant à l’évolution géopolitique du Grand Nord : Scénario 1 : Une nouvelle guerre froide. Retour de la Russie, lutte contre son encerclement stratégique ; Scénario 2 : Un espace communautaire intégré inspiré de l’UE impliquant un règlement pacifique des différends ; scénario 3 : Un

océan américain. C’est le scénario le plus vraisemblable en cours de réalisation, à travers les assauts protéiformes du néocolonialisme

américain.

Et la France et l’UE dans tout ça ? Selon les géopolitologues, elles sont « à la dérive ». (chapitre 18). L’UE semble « interdite de séjour » malgré les facteurs politiques, géographiques et culturels qui la rapprochent de cet espace. La France ne tient pas son rang dans la zone, alors qu’elle pourrait s’investir (plus) dans la recherche scientifique, l’éducation (langue française)… et la sécurité maritime ! Pourtant, « le pari polaire –

celui d’un espace de coopération – se devrait d’être un pari européen parce que, contrairement à l’hyperpuissance américaine et à d’autres

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� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �de puissance. C’est, sans conteste, son principal apport à la mondialisation. » Un peu irénique…sans doute !

Le livre de Richard Labévière et de François Thual est un outil très utile

et pédagogique. Il vient combler un vide certain quant à la recherche française sur la géopolitique du Grand Nord… un espace dont l’importance économique et géostratégique ne cessera de croitre durant le 21

ème

siècle. Le chapitre 18 sur la place de l’UE et de la France est sans doute à méditer. En espérant qu’une telle réflexion débouche sur plus de volontarisme politique !

Mathieu Armet

LA DEGENERESCENCE DU LIBAN OU LA REFORME

ORPHELINE

AHMAD BEYDOUN

Sindbad, Actes Sud, 172 pages, 18 euros.

Quand l’un des intellectuels les plus respecté du Liban parle des tourments que son pays a eu à subir par le

passé, cela donne un ouvrage d’une grande intensité, reflétant la crise

que traverse le pays, entre confrontations violentes et trêves précaires.

Cet ouvrage reprend en substance une contribution donnée par l’auteur au Rapport national sur le développement humain du Liban, en préparation sous l’égide du PNUD et du Conseil du Développement et de la Reconstruction libanais (CDR). Il met aussi en relief les quatre « leçons » sur la citoyenneté et l’Etat que l’historien et sociologue de l’Université libanaise de Beyrouth donna au Collège de France en mai 2008.

Le constat alarmiste de la réalité libanaise, dont l’histoire contemporaine, prise en otage par son environnement régional et international, a confirmé que la réforme, initié lors du Printemps des Cèdres en 2005 est, selon l’auteur, toujours dans l’impasse.

Il démontre ainsi pourquoi et comment le communautarisme constitutionnel est un frein à la stabilité institutionnelle du Liban, qu’il convient de dépasser. Pour cela, la prise de conscience d’une indispensable déconfessionnalisation du système politique est devenue

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� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �complaisance et sans plus attendre.

Emmanuel Dupuy

IRAK, LES ARMEES DU CHAOS

PAR MICHEL GOYA

Editions Economica, 260 pages, 33 euros.

Si le quotidien des attentats et des attaques intra-

communautaires entre chiites et insurgés sunnites continue d’alimenter les journaux télévisés du

monde entier, force est de constater la relative pauvreté éditoriale concernant les six dernières années, durant lesquelles la guerre éclair à l’américaine a cédé la place à une intensification des opérations de guérilla et de contre-guérilla.

Peu de choses ont en effet été écrites sur ce qui restera un tournant dans ce qu’il est convenu d’appeler l’Art de la guerre. Même si les Américains se sont fortement inspirés d’ouvrages français, hélas quelque peu oubliés, en matière de contre-insurrection.

L’expérience du Lieutenant-colonel Michel Goya, issu des troupes de marine, docteur en histoire qui a longtemps servi en unité de combat et participé à plusieurs opérations extérieures, notamment en Afrique et dans les Balkans vient ainsi étayer une solide étude qu’il convient de mettre entre toutes les mains.

C’est d’autant plus d’actualité, que les annonces de re-déploiements à l’horizon 2010 ont été faites par le nouveau président américain. Ce le sera aussi quand il s’agira de savoir quelles sont les leçons à tirer de ce conflit qui, malgré la « relative » stabilisation actuellement en cours à

Bagdad, a rendu possible la tenue du récent processus électoral, mais

n’en remet néanmoins pas en cause le sévère échec de la puissance militaire occidentale.

C’est précisément une nouvelle génération d’auteurs, vecteurs du renouveau de la pensée militaire et stratégique française que la collection « Stratégies & Doctrines » des éditions Economica cherche à

mettre en exergue. Celui qui en fut le révélateur, le général Vincent Desportes, Directeur du CID, qui co-dirige cette collection, justifie cette ambition en préfaçant l’ouvrage du Lieutenant-colonel Goya, et

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� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �outre-atlantique.

Les éditions Economica ont ainsi récemment publié une série d’ouvrages tout à fait remarquables qui confirment la redécouverte des stratèges français quelque peu oubliés parmi lesquels, le lieutenant-colonel David

Galula, auteur d’un « Contre-insurrection, théorie et pratique », tiré des

méthodes de contre-insurrection qu’il avait mis en application en Kabylie et qui semble avoir largement inspiré la stratégie américaine en Irak.

Parmi les autres « oubliés » de la pensée stratégique française, notons également les colonels Trinquier, auteur de « La guerre moderne » et

« Guerre, subversion, révolution », et Carrias, auteur de « La pensée militaire française (1960), tout comme les généraux Poirier, Beauffre, Gallois et Ailleret, et bien évidemment l’amiral Castex, qui en fondant le Collège des hautes études de défense nationale, qui allait devenir l’IHEDN, il y a de cela 70 ans, confirme l’excellence des outils dont dispose la France pour faire rayonner sa pensée.

Dans le cadre de cette redécouverte des penseurs militaires français, les débats actuels sur la légitimité et la légalité de l’action armée, dans le cadre la croissance de l’engagement français en OPEX, tendent aussi à

confirmer l’importance majeure des travaux de Raymond Aron.

Tous ces travaux, dans lesquels ceux du Colonel Goya prennent leur juste place, tendent aussi à confirmer l’importance de la perception des nouvelles formes que prennent la guerre et semblent s’inscrire dans un

mouvement plus ample qui fait renaître de ses cendres une doctrine militaire française qui a largement inspiré l’engagement militaire américain, en Irak comme en Afghanistan et qui pourrait, demain, servir de base conceptuelle à une présence plus significative des Américains sur le continent africain..

L’existence même de cette collection et de cet ouvrage tendrait ainsi à prouver qu’une collection tournée autour des questions de stratégie, de doctrine et d’emploi des forces a toute sa raison d’être et intéresse, bien

au-delà de la seule sphère militaire.

Depuis une dizaine d'années, certains officiers commencent donc à écrire et à s'exprimer plus ouvertement sur les questions militaires, diplomatiques et politiques.

Le mouvement s’est accéléré avec les questions que notre engagement en Afghanistan soulèvent : pérennité de la solidarité transatlantique et de

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� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ; relation

entre la responsabilité politique et l’action militaire ; prise en compte de l’évolution technologique dans le combat moderne ; éthique du commandement et cohérence entre la pensée et l'action…

Reste à savoir si, à l’instar de Foch ou du général de Gaulle, qui ont chacun écrit des ouvrages de références qui allaient devenir des succès

de librairie, la mise en exergue de cette nouvelle pensée stratégique « éditoriale » sera structurante pour l’emploi des forces armées ou, si comme ses prestigieux prédécesseurs, elle n’aura été que prophétique et pas entendue à temps…

Emmanuel Dupuy

LA CYBERGUERRE. LA GUERRE NUMERIQUE A

COMMENCE

NICOLAS ARPAGIAN

Editions Vuibert, 250 pages, 26 euros.

Concept issu de la science fiction venue d’Outre-

Atlantique, la « cyberguerre » est désormais à la

mode. La globalisation d’Internet - qui fête déjà ses 40 bougies -,

l’avènement de l’économie de la connaissance, l’émergence exponentielle des technologies de la communication et de l’information sont devenus une réalité « stratégique ». La guerre du numérique a bel et bien commencé et pourrait dégénérer en ce que le FBI a qualifié récemment de Cybergeddon, en référence à l’Armageddon mentionnée dans la Bible.

Depuis le Livre Blanc 2008 sur la Sécurité et la Défense Nationale en France mais depuis bien plus longtemps aux Etats-Unis, en Russie,

l’amateurisme de quelques « hackers » isolés à cédé la place à une cyber-criminalité de mieux en mieux organisée, transnationale et mondialisée. Nous sommes déjà bien loin du film War Games. La

sécurité nationale des Etats est désormais en jeu. De nombreux états,

comme la Chine, ou encore l’OTAN se sont ainsi dotés de centre

opérationnels et de réelles doctrines concernant l’utilisation du cyberespace.

C’est cette réalité très actuelle que nous décrit avec moults détails, Nicolas Arpagian. Spécialiste des questions de stratégies d’influence et de lobbying, l’auteur nous alerte sur cette nouvelle forme de guerre

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� � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � ! � � � � � � � � � � � �comprendre les principaux enjeux de ces cyberguerres qui se déroulent

actuellement sous nos yeux...

Emmanuel Dupuy

ITALIE, LE GRAND BOND EN ARRIERE ?

DIR. SEBASTIEN ABIS

Confluences Méditerranée, éditions L’Harmattan, n°68, hiver

2008-2009, 241 pages, 21 euros

L’Italie est t’elle à la dérive ? réalité économique et

politique que l’actuelle crise économique ne fait qu’exacerber ? C’est à cette lancinante question que cette nouvelle livraison de la revue Confluences Méditerranée tente de répondre…

Rassemblant les meilleurs spécialistes français et italiens de la

péninsule, cet ouvrage coordonné par le jeune et talentueux Sébastien Abis, vise à dresser un diagnostic pluriel sur les dynamiques de développement en Italie, en cherchant à explorer tout particulièrement les évolutions socio-démographiques et politiques des dernières années,

sans oublier d’examiner les variables clefs que sont l’économie et la politique étrangère.

En Italie, les centres de gravité traditionnels sont bousculés à tel point que l’Italie paraît dépourvue de boussole. « Grand bond » en arrière donc

ou chantier à entreprendre ? L’Italie se situe encore et toujours à la

croisée des chemins. Pire, c’est bien le déclinisme ambiant qui semble gagner toutes les couches sociales. Pourtant, la perspective d’une vision méditerranéenne pour l’Europe, l’attachement profond à la construction européenne, la protection acquise par le truchement de l’OTAN, offrent à l’Italie des perspectives optimistes…

Lors du processus d’unification italienne, Massimo D’Azeglio, l’un des acteurs du Risorgimento, déclara « l’Italie est faite, il reste à faire les

Italiens ». En ce début de XXIème siècle, on pourrait s’interroger sur le devenir de l’Italie en renversant la formule : « Les Italiens sont faits, reste

à (re)faire l’Italie ? ».

Emmanuel Dupuy

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ésion à l’IPSE

NOM……………………………………………………………………..

Prénom ..........................................................................................

Profession ......................................................................................

Adresse professionnelle .................................................................

........................................................................................................

Téléphone ................................... Portable .................................... Fax ..............................................

E-mail .............................................................................................

Adresse personnelle ...................................................................... ........................................................................................................

Téléphone ................................... Portable .................................... Fax ..............................................

E-mail .............................................................................................

° Je demande à être inscrit(e) à l’Institut Prospective et Sécurité de l’Europe (I.P.S.E.) en tant que (1) ..................................................

Et je joins ma cotisation pour l’année 2007 (2).

Date et signature.

(1) à remplir - Bienfaiteur : 3 fois la cotisation de la catégorie. - Sociétaire membre (Personne morale, association, société,

ambassade) : 65 euros.

- Membre actif : 45 euros.

- Etudiant : 20 euros

(2) Les chèques sont à libeller à l’ordre de l’IPSE et à retourner à : IPSE - 24, rue Jules Guesde 75014 PARIS.

Tél. : 01 42 79 88 45

Email : [email protected]

www.ipse-eu.org

Page 108: Cahier ipse 93

l’IPSE

Président :

Emmanuel DUPUY

Vice-présidents : Pierre GILLES

Maurice GAUTIER

Secrétaire Général :

Luc Picot

Secrétaire Général adjoint :

Eric LEGER

Julie PARRIOT

Trésorier :

Marie-Christine JAMELIN

Directeur de la publication : Laurent Amelot

Rédacteur en chef :

Georges-Henri Bricet des Vallons

Rédacteur en chef adjoint :

Mathieu Armet

Membres du bureau :

Jean Thyrard

Page 109: Cahier ipse 93

" # $nstitut Prospective & Securité en Europe

Un monde plus complexe

L’Europe en ce début de XXIe siècle connaît un contexte géostratégique et géopolitique mouvant. A la menace clairement définie, massive et de nature territoriale à laquelle elle a été confrontée durant le siècle dernier, succèdent une multitude de risques, dont notamment le terrorisme. Si la guerre entendue

au sens classique n’a pas totalement déserté certaines franges de l’Europe, elle ne la menace plus directement et globalement. La distinction entre ordre interne et ordre international, entre violence publique et violence privée semble

désormais plus difficile à établir qu’autrefois. Des risques sans cesse plus nombreux préoccupent aujourd’hui les citoyens : ils sont liés aux questions d’environnement, d’alimentation, de santé, de la violence quotidienne, de

l’incivilité, etc...

L’idée d’Europe, un modèle

L’Europe, bien qu’elle soit un symbole de paix et de stabilité depuis 50 ans, reste en construction lorsqu’il s’agit de formuler un projet de destin commun pour des Etats plusieurs fois millénaires et souverains, forts de leurs richesses culturelle et sociale. Les intérêts communs doivent l’emporter finalement sur ceux particuliers en donnant la priorité au dialogue et à l’échange, contribuant ainsi à prévenir les situations conflictuelles.

Rôle de l’I.P.S.E. : préparer l’avenir

Si le bilan européen est largement positif, il n’en existe pas moins un déficit de communication qui n’a pas permis de valoriser les réalisations aux yeux des concitoyens.

Dans ce cadre, depuis 1988, l’I.P.S.E. s’est fixé pour rôle de sensibiliser et rassembler les Français qui souhaitent participer à la préservation de la paix en

Europe. Il veut également rapprocher autant que faire se peut les citoyens européens afin de trouver les réponses collectives aux nouveaux défis. Il essaie enfin de mobiliser les énergies en vue de réaffirmer les valeurs européennes et susciter la réflexion sur des thèmes de dimension communautaire et de

sécurité internationale.

L’I.P.S.E. organise des conférences en collaboration avec des associations européennes ayant des objectifs communs et complémentaires, publie des

article dans des revues spécialisées et la presse à grande diffusion, édite une lettre d’information (Cahiers) destinée au monde politique, diplomatique, économique, universitaire...

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NUMERO 93 – PRINTEMPS 2009