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Cahier noir de la politique extérieure de la France

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Brochure du Collectif communiste Polex http://www.collectif-communiste-polex.org/

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S O M M A I R E

Interventions de :

Francis Arzalier ……………………………………………………………………………... 03

Michèle Decaster ……………………………………………………………………………. 06

Mireille Fanon Mendès-France ..............……………………………………………………. 11

Nils Anderson ....……………………………………………………………………………. 16

André Bourgeot ...…………………………………………………………………………… 21

Philippe Cordat ..……………………………………………………………………………. 22

Mères d’Odessa ..………………………..………………………………………………….. 25

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Collectif POLEX. Cahier noir de la politique extérieure de la France. (Paris, 27 janvier2015)

Francis Arzalier, pour le Collectif POLEX

Lors du débat que nous avons organisé ici le 4 décembre 2013, nous avons dû constater,

en le regrettant, une continuité absolue entre la politique internationale menée au nom de laFrance par le Président Sarkozy, et celle du Président Hollande et de son ministre Fabius.Nous ne pouvons que faire le même constat, un an plus tard, avec les mêmes dirigeants, plusValls et Le Drian. Quelle que soit la zone géographique, le même interventionnisme belli-ciste, à l’ombre de l’OTAN, et des Etats-Unis d’Amérique, et au détriment des intérêts à longterme de la France. Plus encore qu’auparavant, notre diplomatie est avant tout vécue par lereste du monde comme celle d’un pays amoindri, qui s’est vidé d’une bonne partie de ses in-dustries nationales, tentant de compenser cela par de la communication, accompagnée deventes d’armes et d’opérations extérieures aptes à mettre ses productions militaires en valeur.Ce poids de la production d’armes dans la politique française ne relève pas du fantasme : leministre Le Drian a annoncé en décembre 2014 que les exportations françaises d’armes ontaugmenté de 42% en 2013.

Un survol rapide des régions du monde où interviennent la diplomatie française, etparfois son armée, est révélateur de cette continuité :

- L’Afrique saharienne et sahélienne a été complètement déstabilisée par l’agressionfrançaise organisée en 2011 par le Président Sarkozy, qui a détruit l’Etat national libyen auprofit de groupes armés concurrents, ethnicistes, tribalistes et intégristes. Le chaos sanglantqui en a résulté a fait de ce pays le siège de tous les trafics d’armes, de drogue, entre Méditer-ranée et Nigeria.

Les interventions armées ultérieures n’ont pas été plus positives pour les peuples de la région.Certes, la présence des sociétés minières occidentales est à moyen terme assurée, et lesconcurrents chinois potentiels repoussés du Niger à la Mauritanie. Mais l’insécurité, la prolifé-ration des groupes armés délinquants, islamistes ou ethnicistes, sont toujours là, et justifientla présence de nouvelles bases militaires occidentales, soldats ou drones, au Burkina, Nigeretc. La Centrafrique est, de fait, partagée sur des bases religieuses, en deux moitiés. Quant auMali, il me suffira de vous lire le message que m’a adressé avec ses vœux un vieil ami, mili-tant progressiste et libraire à Bamako :

« Ici au Mali, nous traversons une des phases les plus tristes de notre histoire : un pouvoirincompétent, une occupation à la fois de jihadistes et d’armées occidentales, une classe po-litique mafieuse préoccupée des seuls intérêts égoïstes de ses leaders, loin des préoccupa-tions réelles du peuple, une armée en pleine déliquescence, une jeunesse précocement cor-rompue et sans repères etc.

Nous sommes quelques-uns à affronter la situation avec nos faibles moyens, mais puissam-ment armés de notre conviction et de l’expérience historique du peuple qui sait que seule lalutte paie et libère. Nous marchons difficilement mais, ayant choisi le bon cap, noussommes convaincus que la victoire sera au bout des efforts. Nous vaincrons. »

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Collectif POLEX. Cahier noir de la politique extérieure de la France. (Paris, 27 janvier2015)

Les interventions armées menées par la France pour prétendument éradiquer le jiha-disme, n’ont aucun effet sur ses causes : ce phénomène naît et se développe à cause du sous-développement économique et de l’absence d’Etats capables de réguler les sociétés africaines.Au contraire, ce début du XXIème siècle démontre que chacune des bombes larguées par lesRafale fait surgir de nouveaux jihadistes. Et pourtant le ministre Le Drian vient d’envisagerfroidement une nouvelle aventure militaire en Libye.

- On peut faire le même constat d’aventurisme incohérent de la politique française auMoyen-Orient. Alors que le gouvernement de Jacques Chirac avait à juste titre refusé de sejoindre à l’invasion de l’Irak par les USA en 2003, ceux des Présidents Sarkozy et Hollanden’ont cessé de participer au soutien diplomatique et militaire des insurgés contre l’Etat natio-nal syrien : les plus actifs sont pourtant depuis des années les intégristes, recruteurs de mil-liers de jihadistes étrangers, venus du Maghreb ou de France, avec l’assentiment et l’appui depuissances alliées de l’Occident, Arabie Saoudite, Qatar ou Turquie. Aujourd’hui que cesmouvements islamistes armés, développés longtemps avec l’assentiment de l’Occident,comme Ben Laden le fut autrefois en Afghanistan, se sont répandus entre Irak et Syrie sous lenom de DAECH, au détriment des peuples kurdes et arabes, le gouvernement français se poseen aile marchante de la coalition anti-intégriste, en toute incohérence !

- Cela nous amène aux dix-sept assassinats commis il y a vingt jours à Paris par uncommando de fanatiques islamistes. Nous combattons depuis longtemps ces meurtres poli-tiques, dont l’objectif est de réduire au silence, par la terreur, les démocrates et partisans deslibertés : c’est la définition même du fascisme, dont l’islamisme est une variété. Il a tué de-puis des décennies des milliers de personnes dans les pays musulmans, d’Algérie au Pakistan,avant d’ensanglanter la France cet hiver. Mais il faut une belle dose d’hypocrisie ou d’incohé-rence pour prôner l’union sacrée des citoyens français révulsés par ces actes, derrière les diri-geants de l’OTAN ou des gouvernants qui ont si longtemps soutenu les jihadistes-islamistes,en Libye, en Syrie et ailleurs. Le massacre odieux de dix-sept Français très divers par des inté-gristes entraînés au Moyen-Orient, est aussi le fruit vénéneux des errements de la politique in-ternationale de la France, dans le cadre de l’OTAN.

- L’autre théâtre d’intervention diplomatique de la France est à l’Est de l’Europe.Après la Géorgie il y a près de dix ans, l’Ukraine est devenue depuis quelques années un en-jeu majeur pour les dirigeants occidentaux, USA, OTAN et Union Européenne, dans l’offen-sive de refoulement (containment) qu’ils mènent contre la puissance russe, dans le cadre de lastratégie impérialiste annoncée il y a déjà vingt ans par l’idéologue US Brzezinski. Pour cefaire, ils soutiennent financièrement et militairement le régime du milliardaire pro-occidentalPorochenko, installé à Kiev par une insurrection armée, validée par des élections contraintes,qui guerroie contre ses concitoyens grâce aux milices armées de partis nostalgiques du na-zisme. Alors que le seul moyen d’éteindre ce foyer de guerre est la négociation entre les pro-tagonistes, les autorités françaises n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu en multipliant les dé-clarations de soutien aux nationalistes pro-OTAN, quels que soient leurs actes, et contre laRussie.

- Cette attitude irresponsable est un nouvel exemple de l’alignement enthousiaste de lapolitique française actuelle sur celle de l’impérialisme nord-américain. Nous ne sommes pasles seuls à constater cette servilité belliciste. Le 15 septembre 2014, le quotidien de la droiteUS, Washington Post, publiait un article titré : « Les Français, nouveaux faucons de l’Eu-rope ». Citant Côte d’Ivoire, Mali, Libye, Syrie, il se félicite des surenchères françaises, avecl’Arabie saoudite. Je cite :

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« Fini le temps où les Américains réduisaient les Français à de lâches cohortes demangeurs de fromage à cause de leur refus de participer à la guerre contre Saddam Hus-sein. François Hollande semble aujourd’hui le meilleur allié d’Obama, surtout quand onsait que le dirigeant français a eu la magnanimité de ne pas insister sur une affaire qui au-rait pu empoisonner leurs relations, à savoir l’espionnage de citoyens français par l’agencenationale de sécurité américaine (NSA) ».

Certains journalistes se gargarisaient l’autre jour d’une France redevenue pourquelques heures « la capitale du monde » : elle est en fait devenue pour les USA l’alliée de se-conde zone, prête à accomplir toutes les basses besognes décidées par le maître de Washing-ton, et légèrement méprisée pour cela, autant que les émirs pétroliers de Ryiad et Doha. Lapolitique internationale française est en fait déconsidérée dans le monde, parce qu’elle est enrupture avec les héritages du passé, liberté et droits de l’homme, qui ne sont plus que pré-textes à ingérences.

- Les dirigeants français pourraient, avec l’assentiment de la majorité des citoyens, re-trouver le prestige perdu de notre pays, les occasions ne manquent pas :

* Après le vote à L’ONU pour la reconnaissance d’un Etat de Palestine, qu’at-tendent-ils pour condamner clairement la colonisation israélienne, au lieu defournir une tribune officielle à Netanyahou, tout fier des milliers de Palestiniensmassacrés à Gaza ?

* Les USA ont dû enfin reconnaître l’existence de Cuba, mais n’ont en rien suppri-mé le blocus qui étrangle l’île, malgré les condamnations du monde. Qu’attend laFrance pour user de son influence dans ce sens ?

* Avec ses partenaires de l’UE, la France continue de négocier en secret les ac-cords de libre échange avec les USA, dits TAFTA, dont tout le monde sait le dé-sastre que cela représentera pour ce qui reste de productions nationales fran-çaises en matière de produits agricoles, industriels ou de service. Qu’attendentnos dirigeants pour arrêter cette marche au suicide, et en dénoncer publiquementles conséquences ?

* Autre exemple qui permettrait à la France de démentir cette servilité qu’on luireproche, et de ne plus faire sourire quand elle se pose en donneur de leçons dedémocratie aux yeux du monde : en Corée du Sud, allié de l’Occident, le PartiProgressiste Unifié, qui se bat pour la démocratie et la réunification, a été inter-dit, ses militants incarcérés, et menacés de lourdes condamnations pour un com-plot imaginaire, sur la base de témoignages de complaisance. Le gouvernementfrançais s’honorerait en protestant contre cette dérive autoritaire, et en exigeantl’annulation de cette interdiction et la libération de tous les emprisonnés poli-tiques.

- Mais nous n’avons pas d’illusions : ces simples demandes citoyennes ne seront ac-ceptées que si la pression de l’opinion les impose en se renforçant ; notamment en exigeant lasortie de l’OTAN, et la fin des aventures bellicistes, qui ne peuvent aboutir qu’au désastre.

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Michèle Decaster, AFASPA (Association Française d’Amitié et Solidarité avec les Peuples d’Afrique)

De Sarkozy à Hollande : quels changements dans la politique africaine ?

Depuis l’époque du commerce triangulaire, les rapports de la France avec le continent

africain sont une succession de dominations pour la spoliation de ses richesses. Les décoloni-sations n’ont pas conduit à de nouveaux rapports d’intérêts réciproques pour les peuples et leséconomies nationales. Les mesures ont été prises pour qu’il en soit ainsi.

Seul changement pour la France, les velléités nouvelles de puissances économiques venuesfaire leur marché sur le continent et l’hégémonie militaire des USA.

Les réseaux de la Françafrique focardienne puis mitterrandienne constituent un système ma-fieux politico criminel qui alimente les partis politiques, assurant les intérêts économiques etune présence idéologique dans les anciennes colonies.

La politique de la France sous la présidence Hollande

Le régime hyper présidentiel instauré par Nicolas Sarkozy se poursuit sur le même schémadepuis mai 2012. Le choix est clairement affiché de faciliter les affaires.

- Les mesures économiques et sociales prises en France et les rapports de notre pays aumonde sont en parfaite cohérence.

- L’Assemblée Nationale, de la couleur du président, joue un rôle marginal en matièrede politique étrangère.

François Hollande du temps où il était à la tête du PS, ne voyait en l’Afrique qu’un moyen de« prendre des coups »… jusqu’à ses nouvelles responsabilités qui lui ont fait entrevoir toutesles espérances que recèle le continent.

La cellule Afrique de l’Elysée a été supplantée par des conseils spéciaux et c’est l’Etat Majorqui décide de tout. Le Drian et Cazeneuve sont les hommes importants du gouvernementValls.

Les alliances et allégeances du pré carré africain de la France lui servent à jouer un rôle inter-national, en particulier à l’ONU pour laquelle François Hollande a rejeté toute idée de ré-forme, en particulier du droit de veto des cinq pays permanents qui jouent de leur suprématied’Etats détenteurs de l’arme nucléaire.

Dans le domaine économique

La France perd du terrain en Afrique : en parts de marché, elle est passée de 10 à 5% entre2000 et 2011, dans toutes les zones où elle était fortement implantée, sans pratiquement engagner ailleurs. La Chine, elle, passe de 2% à 16% entre 1990 et 2011.

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La dépendance énergétique de la France et de l’Europe est la toile de fond de la face « poli-tique étrangère » du projet politique du gouvernement.

Total a obtenu l’accord du gouvernement malgache pour des concessions offshore. Pour ex-ploiter en toute sérénité les réserves de pétrole, il est nécessaire que les « îles éparses » soientfrançaises et que Mayotte le reste d’où sa départementalisation. Lors de sa visite aux Comoresen juillet 2014, François Hollande a susurré au président, qui osait encore évoquer la néces-sité de réintégrer Mayotte dans sa nation, qu’il était possible de gérer ensemble les réservespétrolières prometteuses dans l’Océan Indien. Est-ce un nouveau défi impérialiste aux Na-tions unies qui, en 1977, ont reconnu la souveraineté de Madagascar sur les « îles éparses »autour d’elle ?

En décembre 2013 François Hollande a organisé le sommet de l’Elysée « pour la paix et lasécurité en Afrique», précédé d’un forum économique réunissant les entrepreneurs, qui de-vait plancher sur le thème « comment travailler ensemble pour que la croissance du conti-nent africain puisse bénéficier à tous ? ». Une belle opportunité pour lier intervention mili-taire et reconquête économique de la France. Le chaos tombe à pic.

Belle illustration de la convergence des piliers de la politique française en Afrique au servicedes investissements privés.

L’évolution de l’intitulé des ministères est éloquente :

- Sous Jospin c’est un « Ministère chargé de la coopération et de la francophonie »

- Sous Fillon 1, c’est un « Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité na-tionale et du co-développement ».

- Jean-Marc Ayrault nomme Pascal Canfin Ministre délégué au Développement sousl’aile de Fabius. En décembre 2013, le ministre EELV présente la loi de programma-tion de l’aide publique au développement. Espoir vite déçu. À l’issue de son examen auParlement, il ne reste qu’un empilement de vœux pieux qui ne tiennent pas compte desracines politiques du sous-développement.

- Valls précise les choses avec le Ministère des Affaires étrangères et du développementinternational.

L’offensive de François Hollande semble se porter sur cet enjeu.

Le capital est de plus en plus concentré et apatride. Les firmes sont plus que jamais multina-tionales. D’où le soutien aux entreprises avec la mise en place de structures et la mobilisationdes ambassadeurs.

Ces nouvelles structures étatiques vont être mises à disposition du privé. Elles sont les outilsde la pénétration des entrepreneurs en Afrique : l’AFII (Agence Française pour les Investisse-ment Internationaux) a fusionné au 1er janvier 2015 avec l’UBI France, une agence Françaisepour le développement international des entreprises. Le tout est devenu Business France, cen-sé devenir un fleuron sur l’export.

L’AFD (Agence française pour le développement) finance des projets de développement éco-nomique et social dans de nombreux pays pour une valeur de 6,8 milliards d’euros, dont 5,9milliards en Afrique subsaharienne. Elle sort de sa fonction d’aide publique au développementpour un soutien au secteur privé par sa filiale Proparco (Promotion et Participation à la coopé-

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ration économique) qui a distribué 850 millions pour 63 projets dans divers pays essentielle-ment d’Afrique en 2013.

L’argent n’est plus versé aux Etats, mais aux entreprises françaises pour leurs affaires enAfrique.

Rôle du Franc CFA

Pour les 16 pays d’Afrique dont il est la monnaie, le Franc CFA est le cordon ombilical avecla France. Ces Etats, dits indépendants, sont contraints de placer 65% de leurs réserves dechange sur un compte du Trésor français. L’ancienne puissance coloniale a la mainmise surleurs économies et tient leur destin. En 1993 la dévaluation de 50% du Franc CFA décidéeunilatéralement par le gouvernement Balladur a eu des conséquences économiques et socialesdésastreuses.

Il est aisé d’intervenir dans des pays dont les pouvoirs de leurs dirigeants sont amoindris. Il nes’agit d’ailleurs plus de coopération mais d’interventions économiques décidées par leshommes d’affaires venus d’ailleurs.

Présence et interventions militaires françaises en Afrique

La présence militaire française influe sur la politique des pays où elle est implantée et au-delàdans la région. En février 2013, des unités françaises étaient installées dans 11 Etatsd’Afrique, au travers de forces pré positionnées, forces spéciales et celles en opération. Il fauty ajouter les unités de la Réunion et de Mayotte dépendant du commandement des forces ar-mées de l’océan Indien.

« Le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale » d’avril 2013, coordonné par HubertVédrine tend à réduire les arsenaux pour privilégier le développement de la surveillance, lesunités aéroportées et les interventions en Afrique, missions définies par l’OTAN. L’objectifest de surveiller les forces de progrès dans les pays et d’exfiltrer les dictateurs déchus commeBlaise Compaoré qu’un avion français a emmené en Côte d’Ivoire.

Le Président de la République, chef des armées, gère son domaine réservé : l’armée. Commeses prédécesseurs, il l’envoie guerroyer sans prendre avis auprès de scientifiques ou de spé-cialistes civils sur les dangers de jouer à ce jeu.

Les interventions militaires sont décidées avant ou après un débat sans vote à l’AssembléeNationale puisqu’on ne fait pas la guerre, mais des « opérations extérieures ». On ne « bom-barde » pas, on procède à des « frappes ».

Nous avons là des régimes autistes aux réalités et aux conséquences de leurs décisions quiconsistent à organiser un chaos permanent et déstabiliser des Etats forts dont les dirigeants,tout anciens-amis-dictateurs qu’ils soient, ne répondent plus aux attentes du moment.

En Libye, les suites de l’attaque par la coalition franco-britannique sont désastreuses. Aujour-d’hui deux gouvernements se sont installés au nord du pays pendant que le sud est souscontrôle des milices islamistes qui participent et laissent libre cours et aux trafics d’armes, destupéfiants et d’êtres humains.

La situation est identique au Nord Mali où la France refuse au gouvernement malien le dé-ploiement de son armée sur l’ensemble du pays. La France s’est faite marraine du MNLA.Elle lui offre une représentativité qu’il n’a pas dans les tribus touarègues qui ne sont pas elles-

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mêmes majoritaires dans le peuplement de la région, malgré ce qu’en disent nos grands mé-dias.

Cette tactique va dans le droit fil de la tendance à la partition des Etats forts et à leur réorgani-sation sur des bases ethnico-politiques. Voir ce qui s’est produit au Sud Soudan où rien n’estréglé pour autant et le Nigéria, état puissant et riche, n’est pas à l’abri d’une même partition.

Depuis les indépendances, la France a fait 58 interventions militaires plus ou moins longuesdans 23 pays d’Afrique. Pour des raisons nobles de « respect des accords de défense », « laprotection des ressortissants français », « le maintien de la stabilité face au risque de chaos »,« sécuriser le processus électoral », avec la dernière version : « l’ingérence humanitaire ».

Parmi les pays qui ont bénéficié de ces « bienfaits »: le Zaïre/RDC, le Tchad et Djibouti avec6 interventions pour chacun d’eux, la Centrafrique avec 5 interventions, 3 en Côte d’Ivoireetc… pour la stabilité qu’on leur connaît.

François Hollande s’est attaché à compléter la longue liste des aventures guerrières françaisesde ses prédécesseurs avec en apothéose l’opération Berkhane qui permet de positionner 3000militaires français qui peuvent intervenir dans cinq pays du Sahel hors du commandement del’ONU !

C’est enfin l’installation de fait d’une base française au Nord Mali, repoussée en son temps parAmadou Toumani Touré. L’annonce faite aux Maliens par François Hollande que la Francen’a pas vocation à rester au Mali n’est pas prête de se réaliser. L’opération Berkhane est-t-ellele premier pas pour réaliser le vieux rêve de De Gaulle d’un Etat saharien ? Les immenses ré-serves minières du sous-sol au Nord du Mali et du Niger et celles du Sud algérien sont bel etbien dans le viseur.

L’Organisation Internationale de la Francophonie

Bras armé des multinationales, la Francophonie se définit elle-même « pour figurer le disposi-tif institutionnel organisant les relations entre les pays francophones ». Elle n’est pas seule-ment l’instrument de domination politique et culturelle, elle joue un rôle économique indé-niable.

L’Observatoire de la Langue Française recense 274 millions de francophones sur les cinqcontinents : c’est un calcul à l’emporte pièce quand on sait que 1% des Malgaches parlent lefrançais, désigné en langage populaire comme « la langue pour donner des ordres ». Tanana-rive a été désignée pour héberger le prochain forum de la Francophonie. C’est typiquementun choix économique utilisé pour épauler l’opération « Madagascar grenier de l’Océan In-dien » gérée par la Commission de l’Océan Indien (COI) et censée produire ce qui est néces-saire aux autres pays de l’Océan Indien et ce que cette région exportera sous l’égide de laFrance vers les autres parties du monde.

L’OIF a sous ses ordres des outils comme l’Agence universitaire de la francophonie, TV5-monde, l’Association Internationale des maires francophones, l’Université Senghor et les Ins-tituts français qui existent dans chaque pays francophones et dans d’autres pays. C’est unebelle couverture pour avancer les pions économiques sous prétexte de propositions et pro-grammations culturelles et éducatives.

Toutes ces entités ont joué un rôle en réseau dans le coup d’Etat camouflé à Madagascar en2009 pour les intérêts de Total. Idem en Côte d’Ivoire pour remettre Bolloré dans la course.

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Rapport de la France avec les pouvoirs en place

Poursuite du soutien indéfectible à l’occupation coloniale du Sahara occidental par leroyaume du Maroc, avec le blocage au Conseil de Sécurité de l’ONU de charger la MINUR-SO de la surveillance des droits de l’homme comme toutes les missions de maintien de la paixde l’ONU.

La plupart des élites mises en place par la France, fonctionnent en réseau, franc-maçonnerie,Lyons club, et celui des USA préparent la relève. Nombre de dirigeants sont maîtres de logesnationales et leurs connivences se révèlent dans les instances internationales. Quant aux diri-geants de ces pays aux commandes en Côte d’Ivoire, Burkina Faso (avant le coup de balai), auTogo, au Gabon, au Cameroun… ce ne sont pas de simples marionnettes, ils sont en conni-vence avec les couches dirigeantes françaises et participent à la distribution des rétro-commis-sions et au financement des partis. Les ambassades de France dans ces pays sont de véritableslieux d’immixtions dans la politique interne des Etats d’où se fait la coordination entre lesélites. À Ouagadougou durant 10 ans l’ambassadeur de France fut un ancien général de la lé-gion qui jouait véritablement le rôle de proconsul.

(En résumé du débat du Bureau National de l’AFASPA du 17 janvier 2015)

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Mireille Fanon Mendes France, Fondation Frantz Fanon

Politique étrangère de la France

« ll ne s'agit plus de connaître le monde mais de le transformer »1 (Frantz Fanon)

On pourrait se demander pourquoi commencer par une telle citation alors que le thème

de cette rencontre est la politique étrangère de la France. S’il y a bien un domaine qui estconnu et sur lequel le gouvernement communique abondamment, c’est bien celui de son « of-ficielle » politique étrangère – quant à l’officieuse, c’est un peu plus compliqué d’en avoir unevision précise- il n’est qu’à regarder le site du ministère des Affaires étrangères, fort docu-menté et basé sur les actions de la France dans différents domaines.

En cliquant sur l’entrée «la France et l’ONU», on découvre qu’« en tant que membre fonda-teur de l’ONU en 1945, la France accorde une place importante au système multilatéral oùelle occupe un rôle moteur sur nombre de sujets ». Si l’on regarde les principes sous-tendantla politique étrangère française, alors ce genre d’affirmation ressemble essentiellement à uneinjonction paradoxale.

En effet, cette politique étrangère ne peut être dissociée de celle des Etats-Unis, qui avec leurposition hégémonique sur le plan politico-idéologique et militaire, manifestent une appétencepour l’unilatéralisme hors du cadre des Nations Unies. Cette position découle de la préémi-nence des intérêts économiques associée à la supériorité technologique dont ils jouissent2. Cequi est sûr, c’est que cet unilatéralisme a impacté et continue d’impacter gravement le droit in-ternational général et le droit fondé sur la Charte, en les déstructurant.

Les Etats occidentaux, dont la France, les ont neutralisés en ce qui concerne la coopération in-ternationale, le règlement pacifique des différends, la paix et la sécurité internationales ou sil’on veut, le droit à la paix3. Ils développent ainsi une politique internationale consistant à sa-per tout le cadre institutionnel de l’ONU, les principes et les règles de base contenues dans saCharte. Ce mépris, de plus en plus accentué, à l'égard du droit international4 est « une attaquefrontale contre la rule of law internationale… »5, voire une répudiation des normes limita-trices sur la force.6

1Les Damnés de la terre, Petite collection Maspero, 1961

2 ONU-CDH, DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS, La mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance des droits de l’homme. Rapport final présenté par J. Oloka-Onyango et Deepika Udagama, conformément à la décision 2000/105 de la Sous-Commission, 25 juin 2003, § 12. 3 Voir, AG/ONU, Résolution 39/11, 12 novembre 1984.

4 Pellet S., « De la raison du plus fort ou comment les États-Unis ont (ré)inventé le droit international et leur droit constitutionnel », Actualité et Droit International, juin 2002.5Kolb R., Le droit relatif au maintien de la paix internationale, Institut de Hautes Etudes internationales de Pa-ris, Pedone, 2005, p. 11.

6 Kolbe, Op. cit., p. 6.

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Dans ce cadre, c’est la règle concernant le non recours à la force qui est la plus touchée et ob-jet d’une interprétation plus que souple. Il est bien connu que dans la Charte des NationsUnies cette interdiction générale7 (art. 2 § 4) ne connaît que deux exceptions : le recours à laforce de la part du Conseil de sécurité en vue du maintien de la paix et de la sécurité interna-tionales8 (chapitre VII de la Charte) et le « droit naturel » de légitime défense9 reconnu auxEtats dans le cas où ils seraient l'objet d'une agression armée (art. 51 de la Charte)10.

L’article 33 de la Charte des Nations Unies énonce l’obligation pour tous les Etats de réglerles différends par des moyens pacifiques ; cette obligation étant le corollaire de l’interdictionde la menace et de l’utilisation de la force. Notons que l'obligation du règlement pacifique desdifférends est le principe majeur des relations internationales11 et est indissociable de l’inter-diction formulée à l’article 2§4 de la Charte.

L’intervention dite humanitaire1212, la « légitime défense préventive » et la notion de « guerrepréventive13, en tant que «nouvelle doctrine » juridique, sont là pour la neutraliser.

C’est ainsi que l’OTAN, par des ultimatums, menace d’utiliser la force et des frappes aé-riennes effectuées par ses États membres sous l’égide des Etats-Unis. Dans un climat très« émotionnel », la France a joué un rôle essentiel dans l’adoption de la résolution 1973 duConseil de Sécurité des Nations unies qui a clairement consacré le droit d’ingérence en Li-bye ; il s’agissait de démontrer que la France volait au secours d’un peuple arabe privé dedroits et militairement menacé.

Ce que l’on peut noter c’est que ceux qui conduisent l’État français, de droite ou de gauche,ont systématiquement soutenu les pires dictatures arabes et ont couvert des crimes gravis-

7 Cons. Virally, M. « Commentaires de l’article 2 paragraphe 4 » in Pellet A., Cot J.P., La Charte des Nations Unies, Economica, Paris, 1991, p. 115-128.8 Jonathan G. C., « Article 39 », in Pellet A., Cot J.P, Op. cit., p. 667 et ss.

9Voy. Tunkin I., Droit international public, Problémes théoriques, Pédone, Paris, 1965, p. 36 et ss.10L’agression est définie par la Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale de l’ONU, 14 dé-cembre 1974. Quant aux conditions d’exercice de ce droit la CIJ avait rappelé sans ambiguïté que « … dans le cas de légitime défense individuelle, ce droit ne peut être exercé que si l’Etat intéressé a été victime d’une agression armée… ». Cf. Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Arrêt du 27 juin 1986, § 195.

11En ce sens, la Cour Internationale de Justice a tenu à rappeler l’existence d’un principe « … du droit internatio-nal – complémentaire des principes d’interdiction (de la menace et de l’utilisation de la force) – et qu’il est in-dispensable de respecter dans le monde d’aujourd’hui : celui qui veut que les parties à un différend, et en parti-culier un différend dont la persistance risquerait de mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité in-ternationales… Consacré par l’article 33 de la Charte des Nations Unies… ce principe a également le caractère d’une règle de droit international… ». Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Arrêt du 27 juin 1986, § 290.12Dans son cours à l’Académie de droit international de la Haye, le juriste Pastor Ridruejo devant la prétention de la légaliser disait à cet égard que « ... d’un point de vue de lege ferenda…il faut tenir compte que les actions prétendument humanitaires entreprises unilatéralement peuvent très bien dissimuler des pratiques abusives, ins-pirées par la politique de pouvoir des Etats les plus puissants….l’admission de la licéité internationale des inter-ventions humanitaires comporterait un nouveau privilège pour les Etats puissants et contribuerait à approfondirl’inégalité des Etats sur le plan réel » in « Cours général de droit international public », RCADI, tome 274, 1998,p. 165A. Cons. Aussi Rougier, A. « La Théorie de l'intervention d'humanité », RGDIP, 1910, p.9 et ss.

13Selon Clark, proclamant la mort du système de sécurité collective, la pratique constante de la violation de l’in-terdiction de l’utilisation de la force contenue à l’article 2 § 4 de la Charte des Nations Unies l’aurait fait tomber en désuétude. Le système de sécurité collective « … for all practical purposes..is dead… » ( p. 101). Clark A., « International Law and the Preemtiver Use of the Force », The Whasington Quartely, vol. 26, 2003, 99-102. Cons.Également l’article de Frank Th., « Who Killed Article 2 § 4 ? », AJIL,vol. 64, 1970, p. 809 et ss.

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simes et généralisés contre l’humanité perpétrés par ces régimes. Les appréciations flatteusessur la qualité de la gestion économique et sur la détermination des dictateurs à lutter contrel’islamisme constituent une part importante du discours français en direction du monde arabe.

Au nom d’un réalisme sans principe et d’une politique sans éthique, la démocratie françaiseest l’amie des tyrannies et un adversaire résolu des forces démocratiques et des oppositionsdans le monde arabe. Est-il besoin de rappeler l’accueil réservé au dictateur libyen lors de sonséjour parisien en décembre 2007 ? Est-il besoin de rappeler qu’Hosni Moubarak était le vice-président de l’Union pour la Méditerranée et que Tunis devait un moment accueillir le siègede cette improbable organisation voulue par Nicolas Sarkozy ?

L’image de la France dans le monde arabe est à peine meilleure que celle des États-Unis, cequi n’est pas peu dire. Ce pays des droits de l’Homme est celui où l’islamophobie décom-plexée et le discours raciste anti-arabe et anti noir constituent une des bases principales duconsensus politico-médiatique des élites au pouvoir. Est-il possible de modifier favorable-ment une image aussi profondément dégradée sur le dos des peuples avec lesquels la Franceest entrée en guerre ? On peut légitimement en douter. D’autant qu’au fil des bombardements,il apparaît, entre autres en Libye, que la situation est loin de correspondre au manichéismesimpliste diffusé par les propagandistes du néo-conservatisme « à la française ». Il faut obser-ver que les opinions au Maghreb ont changé avec l’évolution de la crise en Libye. D’unefranche sympathie pour l’insurrection contre le régime de Kadhafi, l’opinion est désormaisbeaucoup plus réservée.

Si l’on regarde l’intervention en Côte d’Ivoire, c’est encore sous la couverture des Nationsunies que des troupes françaises ont participé à une guerre civile avec, comme toujours, lesdites meilleures intentions du monde.

On est en droit de se demander si l’ancienne puissance coloniale est la mieux qualifiée pourarbitrer un conflit interne. Dans les faits, la France ne s’est pas seulement instaurée tuteur dece pays du pré-carré néocolonial, mais a pris le risque considérable d’une gestion politique di-recte d’un État qui a, bel et bien, été ramené à son statut de colonie.

Cette intrusion a été mal vécue par l’opinion africaine qui a ressenti cette ingérence militaristecomme une insulte à l’indépendance africaine et le retour de la politique de la canonnière.Pour de nombreux Africains, les équilibres ivoiriens fragiles et le résultat, plutôt serré, del’élection présidentielle auraient dû conduire à la recherche obstinée par tous les moyens de lapolitique et de la diplomatie d’un modus vivendi.

Par ailleurs, l’arrestation de Laurent Gbagbo par les forces françaises, sous couverture del’ONU, est l’illustration de l’immixtion néocoloniale dans les affaires intérieures d’un pays ré-puté souverain. Si l’intervention française laissera certainement des traces profondes dans unpays divisé en deux camps d’importance comparable, elle a eu des conséquences sur la per-ception du rôle de la France en Afrique. À travers l’Afrique, le silence coupable des leaderspolitiques ne doit pas faire illusion, une colère sourde est perceptible. Les déclarations mépri-santes prononcées par le président français à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar enjuillet 2007 ont été le commentaire le plus approprié au déploiement des blindés et des héli-coptères français sur le sol africain. Si la guerre des civilisations a succédé à la mission civili-satrice, les discours et les méthodes ont à peine changé.

Ce que l’on peut aussi ajouter c’est que le retour militaire de la France sur le continent africainest avant tout l’expression de l’échec des dirigeants politiques africains. Les hommes de pou-

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voir, en Libye, en Côte d’Ivoire, au Mali, comme presque partout ailleurs en Afrique, as-sument l’échec de la décolonisation. La corruption et le pillage des ressources sont la caracté-ristique commune d’anti-élites civiles ou militaires affiliées aux réseaux d’affaires et auxgroupes d’intérêts dans les anciennes métropoles. L’action continue de ces castes au pouvoir aprécipité l’affaiblissement des États et a conduit à la destruction de sociétés qui alors ont étégérées par la violence, la privation des libertés et sont plongées dans la misère et l’analphabé-tisme.

Dès lors, on ne peut que constater que les interventions françaises répondent aux objectifs, àmoyen et long terme, de ces groupes d’intérêts. En Libye, en Côte d’Ivoire comme au Mali, ils’agit de conforter ou d’établir une présence dans des pays riches et qui ouvrent sur des ré-gions stratégiques. Que ce soit l’Afrique de l’Ouest ou le Sahel, les régions visées sont à trèsfort potentiel minier dans la perspective d’une concurrence mondiale exacerbée pour lecontrôle de ressources fossiles et minérales en raréfaction.

Sur ces champs de bataille, les organisations régionales, la Ligue arabe et l’Union africaine,ont fait l’éclatante démonstration de leur impuissance, ou plus gravement dans le cas de laLigue arabe, de faux nez au service des Occidentaux.

Quant à l’ONU, réduite à son Conseil de Sécurité dominé par les Américains et leurs alliés,elle est le centre suprême de légitimation du bellicisme occidental. L’interdiction d’envoi detroupes au sol – concession à des opinions occidentales qui ne souhaitent plus voir de corpsexpéditionnaires, après l’Irak et l’Afghanistan – est en voie d’être contournée par le recours àdes sociétés de guerres privées, du type Blackwater. Ainsi on voit comment aussi est travestil’article 2§4 de la Charte des Nations unies ; les Etats se voilent la face, lorsqu’ils désirent-pour d’obscures raisons d’intérêt – violer cet article en faisant commettre la violation de l’in-terdiction de la Charte de l’usage de la force ou de la menace de l’usage de la force par des so-ciétés privées au nom du partenariat public-privé.

Ce bellicisme bien-pensant ouvre un vaste champ d’incertitudes et de périls. Au prétexte devoler au secours de la démocratie et du droit, le néocolonialisme aux habits neufs de l’huma-nitaire et de l’hégémonie néolibérale renaît sur les cendres des indépendances confisquées.Pour l’État français, le retour des vieux démons néocoloniaux n’est certainement pas le signed’une relation renouvelée avec l’Afrique ou avec le monde arabe. Quant à ceux qui doiventleur accession au pouvoir par la force d’armes étrangères, ils doivent savoir qu’ils ont déna-turé leur combat politique et qu’ils devront assumer, sous une forme ou une autre, cette tareoriginelle et le déficit de légitimité qu’elle induit.

Seul Thabo Mbéki a fait entendre une autre voix en rappelant à Nicolas Sarkozy, Barak Oba-ma et James Cameron qu’ils ont foulé au pied le mandat du Conseil de Sécurité et trahi leursobligations en termes de droit international en décidant de l’avenir de la Libye et en ignorantla proposition de médiation de l’Union Africaine et de résolution pacifique du conflit : «Laréalité est que les organes concernés de l'ONU – le Conseil de sécurité et le Bureau du Secré-taire général – ont trahi leurs obligations en termes de droit international, en particulier,celles prescrites par la Charte de l'ONU. Plutôt, ils ont choisi de donner libre cours auxÉtats- Unis, à la France et au Royaume-Uni, de décider exclusivement de l'avenir de la Li-bye14».

Doivent être ajoutées d’autres incohérences graves de la France, dans le cadre de sa politiqueétrangère ; ainsi en 2011, lorsqu’elle cherche à se débarrasser de Kadhafi, elle s’allie à

14Thabo Mbeki, discours prononcé à l’Université du Cap Occidental, février 2012.

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Al Qaeda au Maghreb islamique entraînant une déstabilisation totale du pays ; les armes tran-sitent et entrent au Mali. Si la France et les États-Unis n’avaient pas transformé la résolution1973 du Conseil de Sécurité de « No Fly Zone » en mandat pour renverser le régime deKadhafi, les rebelles et les islamistes, qui occupent le Nord du Mali, n’auraient pu disposer del’arsenal qui fait leur force sur le terrain. On peut dès lors affirmer que la responsabilité de laFrance, en tant que membre de l’OTAN, est considérable.

Un autre exemple lourd de conséquences : en 2012, le ministre des Affaires étrangères a dé-claré que le front djihadiste Al-Nosra faisait « du bon boulot » en Syrie contre Bachir Al As-sad. Que voit-on aujourd’hui ? Plus de 200 000 morts, dont une majorité de civils, un nombretoujours croissant de réfugiés, et la France qui bombarde ce groupe qu’elle encensait il y atrois ans !

On peut dire la politique étrangère de la France conforte le rôle du Conseil de sécurité qui estdevenu l’organe d’interprétation arbitraire au service des grandes puissances, contribuant à la« répudiation du pacte fondateur »15. Le pouvoir discrétionnaire qui lui a été attribué par laCharte des Nations Unies a été transformé en pouvoir arbitraire mis au service des seuls inté-rêts des plus forts, légitimant leurs stratégies de domination et d’hégémonie16, légitimant lepillage des ressources naturelles17, avalisant les violations les plus graves de la normativité in-ternationale et se pliant à la croisade anti-terroriste et sécuritaire des pays occidentaux18.

La France, en suivant les Etats-Unis, a ainsi permis que se développe une politique internatio-nale basée sur le cynisme et le mépris qu’arborent les dominants et qui consiste à saper tout lecadre institutionnel de l’ONU, les principes et les règles de base contenus dans sa Charte.

Son dernier engagement en Irak, où le porte-avions Charles de Gaulle est sur le point de re-joindre le groupe aéronaval américain afin de bombarder l’Etat islamique, illustre le peu decas qu’elle fait de la Charte des Nations Unies et de ses principes et le peu de considérationqu’elle a pour les populations civiles qui, une fois encore, vont payer le prix fort de cetteguerre de religion.

A été institutionnalisée la répudiation des normes limitatrices sur la force19 au profit d’unordre politico-juridique international, caractérisés par la violence comme élément de légiti-mation dans le processus de formation de nouvelles règles.

Pour conclure, il faut bien admettre que le rôle de la France qui prétend accorder une placeimportante au système multilatéral où elle occupe un rôle moteur sur nombre de sujets est ba-sé sur un dangereux mensonge qui ne peut duper que ceux qui veulent bien l’être mais qui,certainement, risque d’entraîner le monde vers un véritable chaos meurtrier. Dès lors, n’« est-il pas temps de transformer substantiellement le monde ».

15Kolb, Op. cit., p. 11.16Charvin R., Les Relations internationales, L’Hermès, vol. 1, Paris, 2002, p. 45.

17Cf. résolution 1483 (2003).18Au lieu de condamner l’acte d’agression nord-américaine contre l’Irak, le Conseil de sécurité, une fois de plus n’est pas coutume, « … condamne sans réserve et avec la plus grande fermeté les attentats terroristes perpétrés en Iraq, et considère que tout acte de terrorisme constitue une menace contre la paix et la sécurité internatio-nales… ». CS-Résolution 1618 (2005), adoptée par le Conseil de sécurité à sa 5246e séance, le 4 août 2005, § 1.

19Kolbe, Op. cit., p. 6.

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Nils Anderson, Association pour la Défense du Droit International humanitaire (ADIF)

De Sarkozy à Hollande,la continuité d’une politique interventionniste au sein de l’Alliance Atlantique20

Permettez que je commence par une anecdote en forme de provocation. À la fin des an-

nées 1940, une réunion de l’ONU se tenant à Genève, dans un contexte totalement différentd’aujourd’hui, celui de la Guerre froide, mais en matière de politique, de diplomatie et de dé-fense, il est une constante, celle du rapport de forces. Lors de cette réunion, Paul Ramadier in-terpelle le délégué soviétique et lui demande s’il a lu Kafka. Ce à quoi celui-ci lui répond oui,mais vous-même avez-vous lu Tartarin de Tarascon ? Réplique du fort et du grand, mais aus-si, qu’il s’agisse d’un programme politique, d’un concept de défense ou de la conduite de la di-plomatie, un rappel du principe de réalité.

En 2008, Nicolas Sarkozy a engagé le processus du retour de la France dans le com-mandement intégré de l‘Alliance atlantique, considérée comme « l’organisation de défensecollective qui unit l’Amérique du Nord et l’Europe ». Ce basculement atlantiste de la politiquede défense et stratégique de la France suivie pendant plus de quarante ans, s’opère dans unmoment où prédomine encore une vision hégémonique du rôle de l’Alliance. Daniel Fried,Secrétaire d’État adjoint américain aux affaires européennes et eurasiennes déclare alors quel’OTAN « a dépassé définitivement le débat ‘dans et hors zone’ » pour conclure : maintenant :« Tout appartient potentiellement à la zone de l’OTAN ».

En 2013, quand, sous la présidence François Hollande, est rédigé un nouveauLivre blanc, les équilibres internationaux sont profondément modifiés. Échecs militaires enAfghanistan et en Irak, désastre politique de l’intervention en Libye, impasse des politiquesinterventionnistes au nom du « droit d’ingérence humanitaire » ou du « devoir de protéger »que souligne l’effroyable engrenage syrien, crise économique et financière, nouveaux rapportsde force dans le monde, avec l’importance grandissante des puissances dites émergentes, au-tant de difficultés et d’entraves à l’interventionnisme tous azimuts de l’OTAN. Ce qui amènele Pentagone à réviser sa stratégie globale et à adopter une « nouvelle doctrine militaire »dont l’une des options principales est la primauté donnée à la région Asie-Pacifique pour ladéfense des intérêts vitaux étatsuniens. La zone euro atlantique n’est donc plus pour Wa-shington, le centre d’où se projette la stratégie globale de l’OTAN, il s’agit d’un renoncementaux fondements historiques, euro-atlantiques, du Traité de l’Atlantique Nord.

Sans que cela signifie un désengagement des États-Unis en Europe, la question ukrai-nienne comme l’installation de bases de missiles antimissiles en Roumanie et en Pologne entémoignent. Mais le président Obama l’a rappelé en plusieurs circonstances : « Depuis dixans, les États-Unis assument l’essentiel des coûts humains et financiers de la défense des inté-rêts occidentaux. Ceux-ci doivent être mieux partagés » et il est demandé aux Européens

20 Ce texte est complété et développé dans le n° 100 de Recherches Internationales sous le titre « La politique militaire de la France entre défense et interventionnisme ».

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« d’assurer leur défense » et celle du monde occidental dans leur environnement immédiat,principalement dans la Méditerranée et en Afrique.

Le Livre blanc adopté sous la présidence de Sarkozy définissait la stratégie de défenseet de sécurité de la France jusqu’en 2020 ; la demande par François Hollande, avant cetteéchéance, d’un nouveau Livre blanc, pouvait laisser entendre au vu de ce qui vient d’être rap-pelé, un besoin de reconsidérer l’engagement atlantiste qui avait été celui de son prédéces-seur. Il n’en est rien, le Livre blanc 2013 apporte une réponse sans équivoque : « Notre straté-gie de défense et de sécurité nationale ne se conçoit pas en dehors du cadre de l’Alliance at-lantique… » et, pour répondre à la demande d’Obama d’un engagement plus grand de ses al-liés, il est précisé qu’en raison des contraintes financières et des leçons tirées des derniersconflits « les États-Unis chercheront probablement à partager plus systématiquement la chargedes opérations extérieures avec leurs alliés européens, quitte à accepter dans certains cas deleur en laisser l’initiative et la direction. » Difficile d’être plus zélé et quémandeur.

Quelles sont les zones où la France « pourrait être amenée à devoir prendre l’initiatived’opérations… quand les intérêts américains sont moins mis en cause » ? Le Livre blanc estexplicite : « La France entend disposer des capacités militaires lui permettant de s’engagerdans les zones prioritaires pour sa défense et sa sécurité (que sont) la périphérie européenne,le bassin méditerranéen, une partie de l’Afrique - du Sahel à l’Afrique équatoriale - le golfeArabo-Persique et l’Océan Indien. »

Sur le continent africain, « le Sahel, de la Mauritanie à la Corne de l’Afrique ainsiqu’une partie de l’Afrique subsaharienne », sont au centre des priorités. À cette fin, la Francedispose de bases militaires au Sénégal, au Gabon et à Djibouti, de forces temporaires en Côted’Ivoire, au Mali, au Niger, au Tchad, au Burkina Faso, en Centrafrique et dans le golfe deGuinée. Des partenariats de défense ont été signés avec neuf pays, dont trois non encore men-tionnés, le Cameroun, le Togo et les Comores. Ce qui fait de la France la première puissancemilitaire occidentale sur le continent africain.

Au Moyen-Orient, il est précisé dans le Livre blanc : si « l’influence stratégique amé-ricaine est dominante dans la zone », la France est « liée par des accords de défense » avec lesÉmirats arabes unis, le Koweït et le Qatar, elle a signé un accord de coopération militaire avecBahreïn, a des relations étroites avec l’Arabie Saoudite et une base interarmées à Abu Dhabi.La France est donc, après les États-Unis, le pays membre de l’OTAN le plus engagé militaire-ment au Proche-Orient, épicentre de conflits armés ouverts et incontrôlés. Dans l’Océan In-dien, limite de la zone considérée comme prioritaire, il est précisé que « la France y joue unrôle particulier en ayant une relation privilégiée avec l’Inde ».

Au-delà, dans ce qui est devenu la zone stratégique des États-Unis, le Livre blanc 2013fait le constat que « le rééquilibrage en cours du dispositif militaire américain vers l’Asie-Pa-cifique… constituera un facteur dimensionnant pour la France, puissance souveraine et acteurde sécurité dans l’Océan Indien et dans le Pacifique. » Concrètement, cela signifie que « l’en-gagement américain ne décharge pas la France… de ses responsabilités… ». Ainsi, des liens decoopération de défense et de sécurité sont établis avec l’Indonésie, la Malaisie, Singapour, leVietnam et, dans le Pacifique, a été conclu « un accord de partenariat stratégique avec l’Aus-tralie ».

L’option stratégique du Livre blanc 2013 fait donc de la France la principale puissancemilitaire occidentale sur le continent africain, après les États-Unis, la plus présente militaire-ment dans un Moyen-Orient déstructuré et déchiré par des conflits et en Extrême-Orient,

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« aux côtés de ses alliés, la France apporterait, en cas de crise ouverte, une contribution poli-tique et militaire d’un niveau adapté », dans une zone, rappelons-le, où se côtoient les sixprincipales armées au monde en effectifs militaires !

Vient s’ajouter la surveillance maritime de la « zone économique exclusive » de laFrance liée à son histoire coloniale que sont les Antilles et la Guyane, la Nouvelle-Calédonieet les collectivités de Polynésie française et de Wallis et Futuna, la Réunion et Mayotte, lesTerres australes et antarctiques, l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, ce qui en fait ladeuxième puissance maritime mondiale. Le constat est simple, hors les États-Unis, aucuneautre puissance dans le monde n’affiche de telles ambitions stratégiques planétaires

Selon le général de Villiers, chef d’État-Major, « nous avons plus de 20 000 militairesdéployés hors de la métropole, dont plus de 8 000 au profit de 27 opérations sur quatre conti-nents (dont l’Europe), dans les airs et sur tous les océans ».

La politique extérieure et de défense découlant du Livre blanc 2013 et certaines décla-rations interventionnistes de François Hollande, plus intempestives que réfléchies etconcertées, répondent-elles aux intérêts des Français, plus encore aux moyens et aux potentia-lités présentes de la France ? Je ferai grâce de rappeler Tartarin de Tarascon : mais le Livreblanc 2013, relève d’une stratégie de défense de la France inconsidérée. Ce que confirmentles réalités sur le terrain.

Au Mali, la situation sécuritaire reste critique dans le nord du pays et la capacité denuisance des éléments d’Al-Qaïda au Maghreb islamique et du MUJAO dans le Sahel de-meure. Pour répondre à cette situation, à l’opération Serval succède l’opération Barkhane,s’appuyant sur un dispositif militaire étendu du Mali au Tchad, au Niger et au Burkina Faso,soit une aire d’intervention de plus de six fois celle de la France !

En Centrafrique où se déroule l’opération Sangaris, nul ne peut prévoir quand la sécu-rité des populations sera assurée ni quand une autorité sera rétablie sur l’ensemble du terri-toire. S’ajoute l’isolement de la France en Afrique qui n’est pas sans préoccuper les auteurs duLivre blanc : « L’importance stratégique pour l’Europe… de la partie de l’Afrique qui s’étenddu Sahel à l’Afrique équatoriale n’est pas considérée au même degré par tous nos partenaireset alliés. Pour la France, il ne fait cependant pas de doute que ces approches constituent deszones d’intérêt prioritaires pour l’ensemble de l’Union européenne, et qu’une vision communedes risques et des menaces est souhaitable et urgente. Cette priorité collective européenne de-vrait être d’autant plus affichée que nos alliés américain et canadien attendent de nous quenous prenions une part essentielle des responsabilités dans des zones à l’égard desquelles ilss’estiment moins directement concernés. » Sauf que « l’Union européenne » est plus uneconcurrence qu’une solidarité communautaire.

Au Moyen-Orient, combattre le monstre Daech concerne le monde entier, mais la fa-çon dont les opérations sont menées pose des questions stratégiques. Le choix sélectif de sou-tien militaire aux peuples qui luttent contre Daech, que symbolise Kobané, doit être dénoncé.Les États-Unis mènent-ils une politique d’éradication du djihad de l’épée ou de gestion del’anarchie et du désordre dans la région ? Quels seront la durée de l’intervention et ses risquesde propagation ? Selon, l’ancien président de la CIA, Léon Panetta : « Nous allons vers uneguerre de trente ans ». Il se pose aussi une question de principe, la guerre contre Daech peut-elle être menée par ceux-là mêmes : puissances occidentales et pouvoirs salafistes qui, parleurs politiques interventionnistes, ont engendré le monstre ? Cette intervention doit êtredésoccidentalisée et multilatéralisée

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J’en viens à ma conclusion. Les options idéologiques et politiques du Livre blanc 2013sous-estiment combien le monde a changé : il n’est plus celui de la guerre froide, il n’est plusnon plus celui d’un Occident hégémonique. Le « Nouvel Ordre Mondial de paix » annoncépar Georg Bush senior en 1991 débouche sur un monde de guerres, de crises économiques,écologiques, sociales, de tragédies humanitaires.

La politique interventionniste de François Hollande et l’idéologie atlantiste qui lasous-tend sont aventureuses. « La raison demande de rompre avec la politique suivie enAfrique et au Proche-Orient, comme en Asie et dans le Pacifique, il ne revient ni à la Franceni à aucune autre puissance d’être un gendarme du Monde. Il faut concevoir, et élaborer uneautre politique étrangère et de défense, conforme aux potentialités présentes et réelles de laFrance. Comme une autre politique économique est possible, une autre politique de sécuritéest possible en fondant les relations internationales sur le multilatéralisme.

Les atlantistes pensent que, vu leur complexité, la prise en compte du vécu des popu-lations et des réalités concrètes relève d’un postulat pétri d’idéalisme et que d’autres mé-thodes (l’intervention militaire), permettent des résultats plus immédiats, sauf que la réalité deplus de vingt ans de « guerres justes », leurs conséquences humaines et économiques drama-tiques, les sentiments d’humiliation et les crises identitaires qu’elles suscitent, attestent de leurinefficacité et dangerosité.

Le multilatéralisme relève d’une conception des relations internationales dans laquelleprévaut le choix libre et non subordonné de sa politique étrangère et de défense, une dé-marche dans les temps longs de la diplomatie qui, plus encore dans un moment où les guerresne se concluent pas par la défaite et la capitulation d’une des parties, ne se réduit pas à colma-ter les crises ou à n’être qu’un « secours » émotionnel couvrant des intérêts de puissances.

Faire prévaloir une politique, une diplomatie et une stratégie ayant comme fondementle multilatéralisme, ce n’est pas nier l'existence des despotes, s’accommoder de ceux qui ontfaim, ignorer les identités refusées, c’est jeter un regard lucide sur les réalités, les inégalités etles contradictions du monde et rechercher obstinément des solutions aux conflits et s’il y alieu d’intervenir, que cela ne soit pas dans le cadre de coalitions occidentales ou de toutesautres puissances. La boussole doit être en matière de stratégie et de défense, une politiquefondée sur le multilatéralisme, opposée à la guerre et au chaos dans lesquels vingt-cinq ans depolitiques atlantistes ont conduit le monde.

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André Bourgeot, anthropologue, Directeur de recherche émérite au CNRS

Un espace saharo-sahélien militarisé et fédéralisé

L'opération militaire française au Mali s'inscrit dans un contexte nouveau qui a débuté

avec l'intervention sous couvert de l'OTAN en Libye en 2011.L'objectif déclaré en était desoutenir l'opposition armée contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi considérécomme dictateur, tandis que l'objectif inavoué visait à la destruction de la Jamahiriya arabe li-byenne (l'état des masses) et, le cas échéant, l'assassinat de son « guide », ce qui fut fait le20 octobre 2011, à Syrte.

Cette intervention révèle un tournant politico-militaire qui déstabilise l'espace saharo-sahé-lien. Celui ci recèle des richesses minières connues (pétrole, gaz, eau, or, manganèse, phos-phate) dans le septentrion malien, à Taoudenit et dans la région de Kidal.

Ces richesses nécessitent la création de routes énergétiques terrestres susceptibles de lesacheminer. Le contrôle de ces routes créé des enjeux importants. Les Etats consommateurscherchent à sécuriser leurs futurs approvisionnements par l'installation de bases militairesdans les endroits stratégiques: Ainsi les tentatives états-uniennes, puis françaises, d'installerune base militaire à Tessalit, à la frontière algéro-malienne...

Dans ces circonstances, les décisions prises par l'ONU sont un prétexte. Dans le cas du Maliet de la République Centrafricaine, la France a assuré un rôle « d'avant-garde » en se préva-lant d'une légitimité internationale et d'une légalité nationale, car répondant aux demandes dechefs d'état confrontés à des situations dramatiques réelles au plan humanitaire, sur fond dedéliquescence des états, dont les responsabilités incombent en grande partie aux puissancesoccidentales qui imposent leurs contraintes (Plans d'Ajustement Structurel des années1983/84, dévaluation du Franc CFA en 1994, coups d'états militaires). Les turbulences ac-tuelles qui déstabilisent les Etats-nations, les pouvoirs en place s'appuyant sur des groupes ar-més djihâdistes et sur les rébellions, génèrent une militarisation de l'espace saharo- sahélien :la France va déployer 3000 soldats en Mauritanie, Niger, Tchad. Elles n'ont pas pour objectifla remise en cause immédiate des frontières, qui serait génératrice d'un chaos incontrôlablepar les puissances occidentales. Il s'agirait de maintenir provisoirement ces frontières, en ac-ceptant l'existence de l'Etat, qui devra progressivement délaisser ses aspects « nationaux » et« militaires » pour enclencher des processus de formation d'Etats fédéraux. La phase prépara-toire pourrait être celle d'une décentralisation poussée, précédant la création de régions auto-nomes, qui devraient anticiper les fondements politiques et économiques de futurs « Etats fé-déraux », préfigurant une organisation fédérale du monde capitaliste. Ces processus font par-tie de la mise en place d'un nouvel ordre mondial capitaliste, qui passe par la déstabilisationEtat par Etat, aire culturelle par aire culturelle, en s'appuyant sur des rébellions à caractèreethnique et indépendantiste (MNLA Touareg, et Toubous), en dramatisant les conflits inter-communautaires et religieux. Telles sont les nouvelles formes de domination « impériales » etimpérialistes.

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Philippe CORDAT, Secrétaire de la CGT Centre

La politique extérieure de la France est indissociable de la logique économique et mili-

taire qui préside à tous les choix et décisions du chef de l’Etat et du gouvernement. Dans tousles domaines, la politique mise en œuvre est orientée au service exclusif des entreprises etparticulièrement des grands groupes et des banques.

Au plan militaire, il faut bien apprécier que ce gouvernement, comme hier celui de la droitesarkozyste, a décidé d’en finir avec la défense nationale au profit d’une armée de métier auxordres de l ‘OTAN. Ensemble ils ont conjugué leurs efforts pour satisfaire les intérêts desmarchands d’armes pour qui la période actuelle est des plus bénéfiques.

Venant de la première région munitionnaire française, je voudrais vous faire part de quelquesréflexions, celles d’un syndicaliste de la CGT sur ce qui existe au plan des productionsd’armes, des munitions, de l’évolution des systèmes et des risques de conflits que préparentles augmentations de volume des fabrications.

Au-delà de la communication sur la douceur de vivre en Région Centre, il faut bien mesurerqu’à deux cent kilomètres de Paris, les marchands d’armes ont pris le relais des unités de la dé-fense grâce aux privatisations pour développer le commerce des armes et des munitions desti-nées à répandre la mort.

Productions de missiles, d’obus, de mines, de roquettes, de mortiers, de blindés, systèmesélectroniques de guidages de ces engins et des avions militaires, système de sécurisation depérimètres et de contrôle des populations, fabrications de canons, de drones et de différentsmatériaux destinées à la logistique militaire se réalisent essentiellement sur quatre départe-ments de notre région : le Loiret, le Loir-et-Cher, le Cher et l’Indre, ce dernier étant de plusimpacté par le transport de ces armes de guerre, essentiellement au départ de l’aéroport régio-nal de Châteauroux-Déols.

De Nexter (ex GIAT, ex établissement de la Défense) qui après privatisation, restructurationset fusion, est en passe de devenir une succursale allemande, en passant par les sites de Thalès,de MBDA, de Roxel, de Luchaire et de Daher, l’activité de ces établissements d’essais, de re-cherche et de production est en constante progression depuis ces dernières années.

Actuellement, plusieurs milliers de salariés travaillent, et cela depuis plus d’un an, en équipeet en heures supplémentaires pour satisfaire des carnets de commandes qui s’envolent, y com-pris pour la fabrication de munitions interdites par la réglementation internationale.

Comme pour toutes les réglementations ou normes sanitaires quand il n’existe pas decontrôles permanents et indépendants, pour contourner les règles établies, les entreprises dé-jouent la réglementation par le changement des codifications.

Et comme ces établissements sont classés « Secret Défense », les producteurs d’armes éta-blissent leurs propres règles selon la demande et leurs objectifs de rentabilité.

Dans notre région s’effectue aussi depuis des mois la fabrication de cercueils pour les armées.

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Il est évident que toutes ces fabrications ne sont pas destinées à rester dans des magasins destockage mais bien à faire la guerre et l’expérience nous l’a toujours confirmé au fil de l’his-toire : pour résoudre ses crises, le Capital a souvent recours aux guerres pour reproduire duCapital.

La production et le commerce des armes représentent une source de profit extraordinairecomme en atteste la flambée des profits des groupes qui se disputent ce marché.

Elle représente également une manne financière des plus rentables au plan du transport de cesproductions qui, pour une grande partie, circule sur les routes au mépris de la sécurité civile etpar voie aérienne au départ de l’aéroport régional de Châteauroux Déols, ancien périmètre del’OTAN, dont l’activité la plus lucrative est liée au stockage et au transport des armes deguerre.

Pour illustrer cette profitabilité pour les dirigeants et actionnaires de ce secteur unexemple pour notre seule région :

Sur une petite unité du groupe Thalès dans laquelle travaillent 350 salariés sur les cinq der-nières années, les actionnaires ont empoché 100 millions de profits.

Sur l’exercice 2014, sur 120 millions de prises de commandes, 101 millions de chiffres d’af-faire, 16,5 millions ont été dégagés en profits et il convient de noter que les aides publiquesreprésentent 10% des profits réalisés.

Cette élévation des profits et du commerce des armes n’est pas le fruit du hasard, elle est le ré-sultat des politiques conduites par les gouvernements français depuis plus de trente ans.

Les entreprises de la défense employaient hier des milliers de salariés sous statut dans notrerégion. Avec le passage au privé, les effectifs ont fondu, des sites ont été rayés de la carte auprofit d’une spécialisation sur les créneaux les plus rentables dans le cadre d’un partage desproductions dicté par l’OTAN.

La fin du monopole d’Etat pour l’ouverture au marché des armes a eu pour conséquences :

- De véritables séismes au plan social avec des conséquences lourdes sur l’activité et la viedans les territoires, particulièrement au sud de la Région Centre, qui se sont conjugués à lacasse de l’industrie automobile.

- La perte de maîtrise par la Nation des fabrications destinées au militaire.

- Le refus des groupes et de l’Etat encore actionnaire dans quelques groupes de travailler à ladiversification civile des productions dont certaines innovations et recherches pourraient per-mettre de grandes avancées utiles aux populations.

- Une accentuation de la mise en concurrence des salariés avec le développement des mé-thodes de management mise en œuvre dans l’automobile et l’aéronautique perfectionnée pource secteur.

- Une perte de souveraineté avec l’effacement d’une Défense Nationale sous le contrôle et lamaîtrise du peuple.

- L’abandon de productions et de savoir-faire pour les armées françaises et cela dû à la spécia-lisation dictée à chaque pays par l’OTAN.

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- Le basculement de la politique extérieure et de défense de la France avec le passage d’unedéfense nationale démantelée à une défense intégrée aux ordres de l‘OTAN et des Etats-Unisdans le cadre d’une politique étrangère agressive.

La France est devenue un régiment de cette grande armée qui prétend imposer aux peuples dumonde la vision des dirigeants des pays occidentaux dans laquelle ses prérogatives sontdictées par le Pentagone et l’OTAN.

Les enjeux du nouveau Traité Transatlantique dans la configuration géo politique actuellerenforce l’urgence et la nécessité pour notre pays de sortir de l’OTAN, de lutter pour le res-pect de la souveraineté des peuples à commencer par le nôtre.

La politique conduite par les dirigeants de la France et de l’Union Européenne ne va bien sûrpas dans cette direction, raison de plus pour résister.

Les enjeux qui nous sont posés avec la stratégie de guerre perpétuelle du monde capitalistenous créent obligation de réinvestir le terrain des luttes populaires pour la paix, le désarme-ment, la coopération entre les peuples souverains.

Ils nous invitent à réfléchir : comment développer de nouveaux échanges entre le syndica-lisme et le politique pour rassembler les salariés citoyens, pour leur offrir des perspectives demobilisations contre les politiques d’austérité en France et en Europe, les alerter sur lesrisques qui pèsent sur la paix.

La politique étrangère belliciste de ce gouvernement ternit l’image de la France et de sonpeuple ; ce qui nous invite à réfléchir comment, par nos explications et nos initiatives, aiderles salariés et le peuple à reprendre la main sur les choix et décisions politiques.

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Les Mères d’Odessa(Témoignage transcrit par le Collectif Polex, d’après la traduction)

Du 24 au 31 janvier 2015, une délégation de militants antifascistes ukrainiens venus

d’Odessa a parcouru la France. Malgré la surdité des autorités contactées (il ne leur a pas étépossible d’être reçus par le groupe communiste à L’Assemblée !), ils ont pu témoigner à Paris,Vénissieux, Marseille, Lille etc., de la nature réelle du régime pro-occidental installé à Kiev,soutenu malheureusement par la France officielle.

Le 27 janvier, deux mères de jeunes militants massacrés à Odessa le 2 mai 2014, parcequ’ils s’opposaient au coup d’Etat des nationalistes pro-occidentaux de Kiev, étaient présentesà la rencontre organisée par le Collectif Polex. Elles ont raconté comment les partisans duputsch « nationaliste » de Maïdan, et ceux qui le dénonçaient, avec le PC d’Ukraine, manifes-taient jusque là pacifiquement dans les rues et sur les places publiques. Jusqu’au jour où desgroupes organisés et armés d’activistes d’extrême droite (Pravy Sektor, Svoboda) sont arrivésà Odessa depuis Kiev et l’Ouest du pays, parmi les supporters d’une équipe de foot. Cesémeutiers, les mêmes qui avaient mené le coup d’Etat de Maïdan, ont, avec leurs compliceslocaux, attaqué et bastonné les militants de gauche, et les ont dispersés par la force. Plusieursdizaines sont allés se réfugier, sans armes, dans la Maison des Syndicats. Les émeutiers d’ex-trême droite ont alors assiégé ce local, et l’ont incendié avec des cocktails Molotov. Ils ontensuite massacré les occupants qui tentaient d’échapper aux flammes en sautant par les fe-nêtres, et même étranglé certains de ceux qui étaient restés dans l’immeuble. Selon lessources, le 2 mai 2014 à Odessa, entre quarante et soixante personnes ont été tuées par cesgroupes fascistes, en toute impunité. Depuis, la terreur légale règne sur la ville, et certainesfamilles des assassinés se taisent puisque les survivants, blessés, sont poursuivis pour « sépa-ratisme » !

Extraits du témoignage de la mère d’une des victimes, Vadim, dix-sept ans, communiste ukrainien

« Ce vendredi était une journée normale de mai. Le matin, rien de spécial. Les pa-rents ont commencé leur nettoyage de printemps. Vadim, comme d’habitude, les a aidés. Puisil a lu ses livres.

Il a dit que, peut-être, il irait donner un coup de main au champ de Koulikovo (la mai-son des syndicats), ‘peut-être, si on m’appelle !’. Quand j’ai commencé à apprendre ce qu’ilse passait en ville, il était encore à la maison. Ensemble, nous avons regardé l’émission endirect à la télévision : sur la rue Grecheskaja, ils ont commencé à tirer et arracher les pierresde la chaussée.

Vadim est sorti de la maison, en passant inaperçu. Apparemment ils l’avaient appelé,ou lui avaient écrit sur les réseaux sociaux. Quand on lui a demandé où il allait, il a répon-du : ‘Je vais vous défendre.’ Ses parents ne l’ont pas revu vivant.

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Nous l’avons appelé à six heures à la maison des syndicats. Il a dit : ‘Maman, je suisau champ de Koulikovo, dans la maison des syndicats. S’il vous plait, ne jouez pas les héros,ne venez pas ici.’ C’était le dernier coup de téléphone.

Les parents de Vadim ont appelé la sécurité publique : ‘Regardez, la maison des syn-dicats est en feu, il y a des gens à l’intérieur.’ En réponse, une voix métallique : ‘Oui, merci.’Les appels à la police étaient totalement inutiles : personne ne répondait au téléphone.

« Après cela, mon mari et moi avons décidé d’aller au champ de Koulikovo. Nous ysommes allés pour sauver notre enfant. Pendant longtemps, nous ne pouvions pas y arriver :il n’y avait pas d’autobus ou de taxi. Nous avons attendu avec difficulté l’arrivée des trams.Nous y sommes arrivés à sept heures et demie, les pompiers avaient déjà tout éteint.

Je n’oublierai jamais l’horreur que nous avons vue sur le champ de Koulikovo.La foule déchaînée, véritable bête ou pire encore… Les animaux tuent uniquement par faim.Là, c’étaient de très jeunes filles, encore que je ne puisse les désigner comme des filles, desfillettes de seize ans. Les gens se cachaient sur les toits, les émeutiers fascistes les incitaientà sauter. Nous avons vu un homme brûlé rester bloqué sur l’appui de la fenêtre. Et ils leraillaient en dirigeant les lumières vers lui. Il y avait là de vrais fascistes. Ils sont allés làpour tuer leurs concitoyens délibérément ».

Les parents de Vadim ont essayé d’entrer dans la maison des syndicats, mais les na-tionalistes le leur ont interdit. Pendant trois heures, ils ont cherché leur fils, mais inutilement.Ils sont allés à la gare acheter de l’eau. Une fois revenus, ils ont vu à droite, par terre, descorps abandonnés ; autour, un cordon de police. Et ils ont vu sur un des corps le short bleude leur fils, et ont tout compris.

« Personne ne dit rien. Je vais voir les enquêteurs, demander, mendier. Personne n’estvraiment responsable de l’enquête. Il y a pourtant un nombre important de matériel vidéo oùl’on voit les visages de ceux qui tuent. Il y a une vidéo très claire de l’homme qui a étrangléune femme dans un bureau. Il y a des informations personnelles, leur adresse. Mais c’est pourrien, les enquêtes sont enterrées dans un cercueil.

Pendant l’interrogatoire, le juge d’instruction lui a posé une seule question : ‘Que fai-sait votre fils au champ de Koulikovo ?’

J’ai rencontré deux ou trois fois le juge d’instruction. Puis j’ai cessé d’y aller parceque ces visites n’ont pas été très agréables. Mon père est allé là-bas pour essayer d’ap-prendre quelque chose. Mais personne ne dit ni ne fait rien.

Tout le monde comprend parfaitement qu’il n’y aura pas d’enquête… Parce que lesmanifestants du champ de Koulikovo sont accusés de séparatisme, de terrorisme… Mais cesont des mensonges. Il n’y avait aucun séparatiste. Vadim n’était pas pour la division del’Ukraine. Les manifestants étaient là contre le fascisme. Contre tout ce qui se passe mainte-nant dans l’Etat. Les fascistes sont impunis.

Bien que sa mère répète souvent que Vadim était un « gars ordinaire », nous nousrendons compte qu’il était différent de ses pairs : actif, responsable, bon, honnête, gentil,brave, tous les jeunes de dix-sept ans n’ont pas de telles qualités.

Vadim avait ses principes, sa vision et ses buts dans la vie. Il aimait étudier à l’univer-sité, il était étudiant en sciences politiques. C’était un garçon aux multiples dons, il aimaitjouer aux échecs et jouait très bien du piano. Il était passionné de modélisme et avait une

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collection de modèles réduits d’avions, il aimait les films sur la Grande Guerre Patriotique. Àseize ans, Vadim Papura a rejoint le Komsomol (organisation de jeunesse du parti commu-niste de l’Ukraine). De sa propre initiative, il a contacté l’organisation du Komsomol et y aadhéré. En 2012 il est allé à Kiev, lors du congrès.

Etait-ce une raison pour le tuer ? »

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Ajout de Polex, après le témoignage

Les autorités pro-occidentales de Kiev, Porochenko, et le premier ministre Iaseniouk(qui a déclaré récemment que l’Armée Rouge avait envahi l’Ukraine en 1944, quand elle a re-poussé les occupants nazis !), refusent de mettre en cause les assassins, membres des groupesarmés ouvertement pro-nazis : c’est grâce à eux qu’ils ont accédé au pouvoir, ce sont eux quicombattent, avec le soutien des USA et de l’UE, contre les populations de l’est de l’Ukraine.La guerre durera tant que Kiev refusera de négocier, tant qu’il sera assuré du soutien de l’Oc-cident, dont la France de Messieurs Hollande et Valls.

Le Collectif Polex (1er février 2015)

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Adh é sion au collectif Polex pour 2015

La cotisation annuelle vous permet d'être invité à chaque réunion du Collectif et de re-cevoir nos publications sous forme imprimée, notamment si vous ne disposez pas du lienInternet.

BULLETIN D’ADHÉSION POUR 2015

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modestes, RSA etc.) : 20 euros • Cotisation de soutien : 100 euros ou plus.

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Les chèques, impérativement à l'ordre de Polex, et le bulletin d’adhésion ci-dessous, sontà adresser par courier :- au secrétariat du Collectif Polex, 29 allée des renardeaux 95150 Taverny- ou à Trésorerie du collectif Polex, Nicole Touma-Saba, 19 rue Lamande, 75017 Paris

Le site http://www.collectif-communiste-polex.org publie tout un ensemble d'analyses dé-taillées, régulièrement renouvelées.

Courriel : [email protected]

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Le 27 janvier2015, dans les locaux de l'Assemblée Nationale à Paris, le Collectif Com-

muniste Polex, association libre de toute attache partisane, organisait sa rencontre annuelle surla politique internationale de la France, sous la Présidence du Député de l'Oise, Patrice CAR-VALHO. Ce fut un échange très riche, grâce aux intervenants successifs de :

FRANCIS ARZALIER, historien, pour le Collectif Polex, organisateur,

MICHÈLE DECASTER, Secrétaire générale de l'AFASPA (Association Française d'Amitiéet de Solidarité avec les Peuples d'Afrique),

MIREILLE FANON-MENDES-FRANCE, de la Fondation Frantz Fanon,

NILS ANDERSSON, coprésident de l'ADIF (Association pour La Défense du Droit Interna-tional Humanitaire),

ANDRÉ BOURGEOT, ethnologue, spécialiste des Sahara et Sahel africains,

PHILIPPE CORDAT, syndicaliste CGT des travailleurs de l'Etat

et des témoignages sur la situation dramatique en Ukraine (« MÈRES D'ODESSA »).

Nous avons tenu à publier dans ce Cahier noir de la politique extérieure de la France l'inté-gralité des interventions, avec l'assentiment des auteurs.

Cette publication, qui fera date, peut vous être expédiée à domicile en autant d'exemplairesque vous le souhaitez, à réception du bon de commande ci- dessous, accompagné d'une parti-cipation aux frais d'impression et de port (1,75 euros), soit un total de 6 euros pour un exem-plaire, 25 euros pour cinq exemplaires, 45 euros pour 10 exemplaires (port inclus àchaque commande).

BON DE COMMANDE

à adresser à Nicole Touma-Saba, trésorière du Collectif Polex, 17 rue Lamande 75017 Paris,avec un chèque à l'ordre de POLEX.

VEUILLEZ ME FAIRE PARVENIR : …….. EXEMPLAIRE(S) DU « CAHIER NOIR »

CHÈQUE CI-JOINT DE : ………. EUROS À L'ORDRE DE POLEX (PORT INCLUS)

À L'ADRESSE CI- DESSOUS :

NOM, PRÉNOM : …………………………………………………………….......................

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PAYS : …………………………………………………………………………………………

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