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Religion LES SAMEDI 31 MARS ET DIMANCHE 1 ER AVRIL 2018 CAHIER SPÉCIAL C TASSO MARCELO AGENCE FRANCE-PRESSE Un fidèle brandit un paréo à l’effigie du drapeau brésilien en attendant l’arrivée du pape François pour la messe de clôture des Journées mondiales de la jeunesse, sur la plage de Copacabana, à Rio de Janeiro, en juillet 2013. Ce n’est pas parce que les jeunes désertent les bancs de l’église le dimanche matin qu’ils n’ont plus la foi. Les jeunes croyants préfèrent aujourd’hui se retrouver au sein de communautés vivantes pour prier, mais aussi partager leur manière de voir le monde et donner de leur temps. Ils souhaitent éga- lement que la religion soit au service de leur épa- nouissement personnel. HÉLÈNE ROULOT-GANZMANN Collaboration spéciale S i les statistiques manquent pour dresser un portrait des jeunes croyants en général et des jeunes chrétiens et catholiques en parti- culier, plusieurs indices permettent de pen- ser qu’en Occident, de moins en moins de jeunes manifestent leur foi ou revendiquent l’avoir. Sabrina di Matteo est la directrice du centre Benoît- Lacroix, un organisme d’animation chrétienne affilié à l’Université de Montréal. Elle indique par exemple que lorsque la question de la religion est posée aux États- Unis, chez les jeunes adultes, la mention de la non-affi- liation religieuse est celle qui est en plus forte crois- sance ces dernières années. Elle présume par ailleurs que les résultats seraient les mêmes au Canada ou en Europe de l’Ouest. De son côté, la directrice du centre Présence reli- gieuse intercommunautaire (PRI), Chantal Jodoin, fait remarquer qu’elle fréquente différentes paroisses et que lorsqu’elle se rend à la messe dominicale, à 43 ans, elle fait largement baisser la moyenne d’âge. Elle ajoute qu’on assiste également à un vieillissement des célé- brants, la moyenne d’âge des prêtres se situant au-delà des 80 ans au Québec. Une remarque que ne conteste pas le recteur du Grand Séminaire de Montréal et de l’Institut de forma- tion théologique de Montréal (IFTM), Jorge Pacheco, qui souligne que le Grand Séminaire accueille au- jourd’hui une vingtaine de séminaristes destinés à la prêtrise chaque année. Il rappelle qu’il y a une cinquan- taine d’années, les cohortes comptaient en moyenne 350 étudiants. Pas à la messe du dimanche Des constats qui pourraient avoir de quoi déprimer, s’ils ne cachaient pas une tout autre réalité. À savoir que si la jeunesse catholique n’est pas là où on l’attend traditionnellement, à savoir à la messe du dimanche, cela ne signifie pas que sa foi ne soit pas vivante. « Il y a peu de jeunes familles à la messe, reconnaît Chantal Jodoin. Elles ne s’y sentent peut-être pas non plus très bien accueillies. Les enfants qui courent dans les allées de l’église ou qui pleurent, ça en irrite cer- tains, qui ne se gênent pas pour le faire remarquer. » On les retrouve alors ailleurs. Ils font partie de groupes qui organisent des soirées de prières, de louanges, de partage biblique, ou des activités d’ensei- gnement évangélique. Certains vivent des expé- riences de silence, ils se déconnectent, font des pèleri- nages, participent aux Journées mondiales de la jeu- nesse (JMJ). Ils vont à la messe également, mais rare- ment le matin. Le centre Benoît-Lacroix la programme notamment en soirée et cela n’a pas grand-chose à voir avec la messe traditionnelle. La musique y est centrale, le décorum, notamment l’éclairage, est im- portant également. « C’est toute une expérience qui émerge de cela, note Sabrina di Matteo. Les jeunes croyants cherchent un groupe d’appartenance, des communautés vivantes composées de pairs de leur âge avec lesquels ils peu- vent échanger, partager leur foi, mais aussi donner. Nombreux sont ceux qui partent en voyage de coopéra- tion internationale ou qui préparent et vont distribuer des sandwichs aux sans-abri, tout en passant un peu de temps avec eux. » Pour les jeunes d’aujourd’hui, être chrétien, ce n’est pas une obligation, comme ça a pu l’être pour les géné- rations précédentes, c’est un choix. Peu d’entre eux ont été élevés dans la foi. Peu d’entre eux ont fréquenté l’église en famille. « Avant, il fallait aller à la messe. Aujourd’hui, tu es plu- tôt pointé du doigt quand tu y vas, souligne Réjean Ber- nier, directeur adjoint du centre de formation chrétienne Agapê. Ils ne sont pas dans l’endoctrinement, ils vivent une expérience et ils veulent la pousser, la partager. Être chrétien, ça passe par la prière, mais c’est surtout une Les jeunes et la foi VOIR PAGE C 4 : FOI Le potentiel « unificateur » de la philanthropie C 2 Tout être humain est spirituel C 8

CAHIER SPÉCIAL C Religion - Le Devoir€¦ · CAHIER SPÉCIAL C TASSO MARCELO AGENCE FRANCE-PRESSE ... Aujourd’hui, tu es plu-tôt pointé du doigt quand tu y vas, souligne Réjean

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ReligionLES SAMEDI 31 MARS ET DIMANCHE 1 E R AVRIL 2018

CAHIER SPÉCIAL C

TASSO MARCELO AGENCE FRANCE-PRESSE

Un fidèle brandit un paréo à l’effigie du drapeau brésilien en attendant l’arrivée du pape François pour lamesse de clôture des Journées mondiales de la jeunesse, sur la plage de Copacabana, à Rio de Janeiro, enjuillet 2013.

Ce n’est pas parce que les jeunes désertent les

bancs de l’église le dimanche matin qu’ils n’ont plus

la foi. Les jeunes croyants préfèrent aujourd’hui se

retrouver au sein de communautés vivantes pour

prier, mais aussi partager leur manière de voir le

monde et donner de leur temps. Ils souhaitent éga-

lement que la religion soit au service de leur épa-

nouissement personnel.

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Collaboration spéciale

Si les statistiques manquent pour dresser unportrait des jeunes croyants en général etdes jeunes chrétiens et catholiques en parti-culier, plusieurs indices permettent de pen-ser qu’en Occident, de moins en moins de

jeunes manifestent leur foi ou revendiquent l’avoir.Sabrina di Matteo est la directrice du centre Benoît-

Lacroix, un organisme d’animation chrétienne affilié àl’Université de Montréal. Elle indique par exemple quelorsque la question de la religion est posée aux États-Unis, chez les jeunes adultes, la mention de la non-affi-liation religieuse est celle qui est en plus forte crois-sance ces dernières années. Elle présume par ailleursque les résultats seraient les mêmes au Canada ou enEurope de l’Ouest.

De son côté, la directrice du centre Présence reli-gieuse intercommunautaire (PRI), Chantal Jodoin, faitremarquer qu’elle fréquente dif férentes paroisses etque lorsqu’elle se rend à la messe dominicale, à 43 ans,elle fait largement baisser la moyenne d’âge. Elle ajoutequ’on assiste également à un vieillissement des célé-brants, la moyenne d’âge des prêtres se situant au-delàdes 80 ans au Québec.

Une remarque que ne conteste pas le recteur duGrand Séminaire de Montréal et de l’Institut de forma-tion théologique de Montréal (IFTM), Jorge Pacheco,qui souligne que le Grand Séminaire accueille au-jourd’hui une vingtaine de séminaristes destinés à laprêtrise chaque année. Il rappelle qu’il y a une cinquan-taine d’années, les cohortes comptaient en moyenne350 étudiants.

Pas à la messe du dimancheDes constats qui pourraient avoir de quoi déprimer,

s’ils ne cachaient pas une tout autre réalité. À savoirque si la jeunesse catholique n’est pas là où on l’attendtraditionnellement, à savoir à la messe du dimanche,cela ne signifie pas que sa foi ne soit pas vivante.

« Il y a peu de jeunes familles à la messe, reconnaîtChantal Jodoin. Elles ne s’y sentent peut-être pas nonplus très bien accueillies. Les enfants qui courent dansles allées de l’église ou qui pleurent, ça en irrite cer-tains, qui ne se gênent pas pour le faire remarquer. »

On les retrouve alors ailleurs. Ils font par tie degroupes qui organisent des soirées de prières, delouanges, de partage biblique, ou des activités d’ensei-gnement évangélique. Cer tains vivent des expé-riences de silence, ils se déconnectent, font des pèleri-nages, participent aux Journées mondiales de la jeu-nesse (JMJ). Ils vont à la messe également, mais rare-ment le matin. Le centre Benoît-Lacroix la programmenotamment en soirée et cela n’a pas grand-chose àvoir avec la messe traditionnelle. La musique y estcentrale, le décorum, notamment l’éclairage, est im-portant également.

«C’est toute une expérience qui émerge de cela, noteSabrina di Matteo. Les jeunes croyants cherchent ungroupe d’appartenance, des communautés vivantescomposées de pairs de leur âge avec lesquels ils peu-vent échanger, partager leur foi, mais aussi donner.Nombreux sont ceux qui partent en voyage de coopéra-tion internationale ou qui préparent et vont distribuerdes sandwichs aux sans-abri, tout en passant un peu detemps avec eux.»

Pour les jeunes d’aujourd’hui, être chrétien, ce n’estpas une obligation, comme ça a pu l’être pour les géné-rations précédentes, c’est un choix. Peu d’entre eux ontété élevés dans la foi. Peu d’entre eux ont fréquentél’église en famille.

«Avant, il fallait aller à la messe. Aujourd’hui, tu es plu-tôt pointé du doigt quand tu y vas, souligne Réjean Ber-nier, directeur adjoint du centre de formation chrétienneAgapê. Ils ne sont pas dans l’endoctrinement, ils viventune expérience et ils veulent la pousser, la partager. Êtrechrétien, ça passe par la prière, mais c’est surtout une

Les jeunes et la foi

VOIR PAGE C 4 : FOI

Le potentiel«unificateur»de laphilanthropieC 2

Tout êtrehumain est spirituelC 8

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Ce cahier spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, grâce au soutien des annonceurs qui y figurent. Ces derniers n’ont cependant pas de droit de regard sur les textes. Pour toute information sur le contenu, vous pouvez contacter Aude Marie Marcoux, directrice des publications spéciales, à [email protected].

Pour vos projets de cahier ou toute autre information au sujet de la publicité, contacter [email protected].

M A R I E - H É L È N E A L A R I E

Collaboration spéciale

«L’ Institut Mallet se consa-cre à l’avancement de la

culture philanthropique en pla-çant le don de soi au cœur despriorités de la société », lanced’emblée son président et chefde la direction, Jean M. Gagné.Vu par ce dernier comme uncarrefour inclusif de partage etde mise en valeur des savoirs,des pratiques et des innova-tions, l’Institut Mallet mobilisel’ensemble des acteurs de la so-ciété dans le but d’encourageret de soutenir le don de soi :«On en dégage des savoirs surles conditions préalables à l’ac-tion philanthropique dans lebut de mieux les faire connaîtreau grand public afin de l’inspi-rer à faire des gestes. » Ainsi,les activités de l’Institut sontmultiples, dont de nombreusestables rondes.

Le 2 juin dernier s’est tenueune table ronde portant sur laphilanthropie et la religion.Parmi les objectifs, on notaitcelui de recenser les valeurs,les croyances et les convictionspromues par la religion qui fa-vorisent le développement dela culture philanthropique. En-suite, les par ticipants cher-chaient à comprendre les mé-canismes qui permettent demobiliser le don de temps etd’argent, ainsi qu’à déterminerles secteurs d’activité et lescauses dans lesquels la religionest particulièrement active et fi-nalement, à cerner les contri-butions de la religion à la cul-ture philanthropique. Cette ta-ble ronde réunissait des repré-sentants de dif férentes reli-gions et, parmi les participants

se trouvait à titre d’observateurAlain Bouchard, coordonna-teur du Centre de ressourceset d’observation de l’innovationreligieuse, ainsi que sœur Mo-nique Gervais, supérieure gé-nérale des Sœurs de la charitéde Québec.

Les Québécois, les moinsgénéreux des Canadiens?

Pour la mise en contextede cette table ronde, de nom-breuses études qui démon-trent une corrélation positiveentre la religion et les com-portements philanthropiquescomme le don d’argent, le bé-névolat et le don de sang ontété présentées. Certaines deces études postulaient que le

lien est encore plus fort chezl e s c r o y a n t s p r a t i q u a n t spu isque leurs va leurs a l -truistes seraient davantageancrées et ces derniers se-raient sollicités fréquemmentpour faire des dons.

On entend souvent que lesQuébécois seraient les moinsgénéreux des Canadiens. Ré-cemment encore, selon desdonnées rendues publiques parStatistique Canada, à l’échellenationale, la valeur médianedes dons s’élevait à 300 $ en2016, alors qu’au Québec, ellen’était que de 130 $, plaçantainsi la province au dernierrang. Cependant, l’Institut Mal-let, afin d’alimenter les débatsautour de la table ronde, a ap-

porté une nuance en citant unarticle scientifique récent quiindique qu’à revenus et taux de

pratique religieuse compara-bles, les dons des résidents duQuébec seraient analogues àceux de l’Ontario et des pro-vinces de l’Atlantique.

Le don de soi en héritage«Ce qui me préoccupe, c’est

pourquoi le phénomène reli-gieux semble avoir une inci-

dence sur la culture philan-thropique », lance Alain Bou-chard, sociologue des reli-gions. Il explique qu’une desfonctions importantes du reli-gieux est de réunir des gens.« Ils interagissent autour dusentiment d’être rassemblésau nom de quelque chose quiest plus grand qu’eux, ce quisemble avoir une incidencesur la perception qu’ils ont desgestes à poser », explique-t-il,en ajoutant que « la reconnais-sance d’un principe supérieurinduit un sentiment d’humilité,postuler quelque chose deplus grand nivelle le niveauhumain et rend conscient del’interdépendance qu’on a lesuns avec les autres».

C’est pourquoi, selon lui,dans le phénomène religieux,il est courant de voir des indivi-dus qui feront abstractiond’eux-mêmes : « Émerge alorsun altruisme qu’on appelleradans le bouddhisme la com-passion, dans le christianismela charité chrétienne, dans lejudaïsme, ce sera le conceptcentral qui veut qu’on répare le

monde, et l’un descinq piliers de l’islamest l’aumône. » Fina-lement, dans de nom-breuses religions, onretrouve ce souci del’autre, et c’est pour-quoi lorsqu’on réunit

des gens de ces différentes re-ligions pour échanger sur laphilanthropie, tous sont sur lamême longueur d’onde.

« En fondant l ’ Ins t i tu t ,c’était très impor tant pournous de trouver un moyennouveau de rejoindre la so-ciété actuelle », explique sœurGer vais. Sa par ticipation à

cette table ronde lui a permisde constater que « le lien entrereligion et philanthropie étaiten fait un moment où l’on pou-vait ensemble travailler à latransformation de la société,un lieu de rassemblement quitouchait toutes les religions ».

Même si le don est innéchez l’être humain, il est im-por tant de nourrir cette fa-culté. Aujourd’hui, avec la reli-gion qui perd du terrain, laphilanthropie devient unconcept qui unit l’humanité,un point de rencontre qui vabien au-delà des dif férences.« Chez les jeunes, on constateque le souci de son prochainest un enjeu important dansl’ensemble de leurs actions etmême dans leur vie profes-s ionne l le » , a f f i r me JeanM. Gagné. « Ce nouveau para-digme dans les milieux de tra-vail amène les gestionnaires àse questionner et à dirigerleurs actions en tenant comptede ces valeurs», ajoute-t-il.

« La philanthropie doit s’uni-versaliser, surtout le modèletraditionnel qui est complète-ment révolu. Elle doit s’adap-ter aux jeunes et à leur visiondu monde. Il faut les impli-quer. Pourquoi ne pas penserà une formation philanthro-pique of fer te à tous ? » pro-pose le directeur. De son côté,sœur Gervais cultive l’espoir :« Il faut mettre l’accent sur cequi nous unit, et non pas surce qui nous sépare. On assisteau réveil des jeunes et il fautqu’ils réalisent que ces va-leurs sont impor tantes etqu’ils doivent s’unir au servicedes autres et toujours garderce souci de travailler ensem-ble à changer le monde. »

Le potentiel «unificateur» de la philanthropie

ISTOCK

De nombreuses études démontrent une corrélation positive entre la religion et les comportementsphilanthropiques comme le don d’argent, le bénévolat et le don de sang.

Même si le don est inné chez l’êtrehumain, il est important de nourrircette faculté

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M A R I E - H É L È N E A L A R I E

Collaboration spéciale

L es nouvelles sont accablantes : 3000 chré-tiens ont été tués en 2017, attentats suicides

dans les églises, monastère passé au bulldozer,femmes emprisonnées pour leur foi... Le rap-por t sur les chrétiens opprimés pour leur foi2015-2017, publié par l’organisme Aide àl’Église en détresse (AED), constate que, dans12 des 13 pays étudiés, la situation des chré-tiens s’est dégradée. Le pays d’exception : l’Ara-bie saoudite, où la situation était déjà tellementcatastrophique qu’elle n’a pu empirer.

«Afin de dresser un portrait le plus large possi-ble pour ce rapport, nous compilons les observa-tions de nos partenaires de projet, nous scrutonsl’actualité et les publications d’autres organismes

qui gravitent autour de cedossier », explique Marie-Claude Lalonde, directricenationale d’Aide à l’Église endétresse. L’association AED aété fondée en 1947, au lende-main de la Seconde Guerremondiale, par un religieuxhollandais, le père Weren-fried. Elle soutient les chré-tiens dans le monde, là où ilssont confrontés à des difficul-tés matérielles ou à des per-sécutions. Au tout début, la

mission de l’AED était localisée en Allemagne eten Europe de l’Est. Puis, au fil des années, ses ac-tions se sont étendues à l’Asie, à l’Amérique la-tine, à l’Afrique puis au Moyen-Orient. L’AED fi-nance plus de 6000 projets par an dans 140 payset défend la liberté religieuse dans le monde,qu’elle promeut en tant que droit fondamental dela personne.

En tête de liste des rapports précédents, laCorée du Nord est encore aujourd’hui l’endroitsur la planète où il est le plus dif ficile d’êtrechrétien. Quand on se penche sur le cas del’Irak, le rapport constate que l’exode des chré-tiens reste important, mais que l’espoir renaît,et on assiste même à des retours. Par contre, enSyrie, et en particulier à Alep, où jusqu’en 2011résidait la plus grande communauté chrétiennedu Moyen-Orient avec 150 000 fidèles, le déclinest évident puisqu’il n’en reste aujourd’hui que35 000. Dans ces deux pays, le groupe État isla-mique (EI) ainsi que d’autres groupes militants

islamiques ont commis de nombreuses exac-tions alors qu’au Nigeria, c’est le groupe BokoHaram, af filié au groupe EI qui a, selon lestermes du rapport, « mené un génocide contreles chrétiens du nord du pays ». Du côté del’Inde, c’est la montée du nationalisme religieuxqui est responsable de la violence et de l’oppres-sion à l’égard des chrétiens. En Chine, où leprésident considère le christianisme commeune « infiltration étrangère », l’hostilité a en-traîné la destruction d’édifices religieux.

Pas d’améliorations«En 17 ans, je n’ai jamais vu d’améliorations

significatives», lance Marie-Claude Lalonde. Elleparle même d’accélération des persécutionslorsqu’elle songe au groupe EI présent dans cer-

tains pays. En même temps, « le groupe État isla-mique a permis de faire la lumière sur la situa-tion des chrétiens parce que les réseaux généra-listes se sont mis à parler régulièrement de cespersécutions», ajoute-t-elle. De plus, les médiassociaux ont eux aussi joué un rôle importantdans la diffusion de l’information sur les persé-cutions, mais en même temps, ils ont aussi per-mis une vaste transmission de la propagande.

Si on fait grand cas des groupes islamistes,il ne faut pas perdre de vue que ce sont lesÉtats qui demeurent les plus grands persécu-teurs : « On pense aux pays communistes etaux pays totalitaires », précise la directrice, ouencore à certains pays comme le Pakistan, oùles dirigeants tolèrent les agressions perpé-trées par les groupes extrémistes contre les

chrétiens. Le Pakistan compte 110 des 1922chrétiens détenus dans le monde.

Évidemment, le récent rapport, qui couvrela période 2015-2017, se concentre sur la si-tuation en Irak et en Syrie où, ce qui impres-sionne, c’est d’abord le nombre de personnestouchées : « On y a forcé un déplacement despopulations, les kidnappings ont été nom-breux et la quantité de mor ts est impor-tante », explique Marie-Claude Lalonde. Mal-heureusement, ces évaluations, par leur na-ture même, ne peuvent être exhaustives. Lebilan de l’organisme principalement qualitatifne fournit pas de statistiques permettant uneanalyse comparative complète.

En l’état actuel des choses, il est impossiblede deviner où, quand et comment la violenceéclatera. Il n’existe pas de scénarios capables deprédire une accélération des persécutions : «Dujour au lendemain, un pays peut changer degouvernement et alors décider d’être répressifcontre l’Église. Il peut y avoir des indices, maison ne sait jamais quand les politiques serontédictées », déplore la présidente. Parfois, l’ac-croissement des violences se fait lentement etailleurs, c’est assez brutal : «Le groupe État isla-mique a été présent longtemps sur le territoireavant d’intervenir», ajoute-t-elle.

Toutefois, il suffirait d’actions de la part desgouvernements pour que la situation s’améliore:« l’incapacité des États à prendre les mesures né-cessaires pour arrêter le génocide et poursuivreles responsables en justice — comme prévu parla Convention — représente un revers importantpour les chrétiens qui souffrent», mentionne-t-on dans le rapport.

Pourtant, la présence de chrétiens est impor-tante dans des pays comme l’Irak et la Syrie ;« parce que le Moyen-Orient est le berceau duchristianisme et, souvent, les chrétiens, parleurs valeurs, sont des acteurs de paix et favori-sent le dialogue, la discussion et dans les situa-tions tendues, ils ont un rôle à jouer », ajouteMarie-Claude Lalonde.

Rappelons l’article 18 de la Déclaration univer-selle des droits de l’homme: «Toute personne adroit à la liberté de pensée, de conscience et dereligion; ce droit implique la liberté de changerde religion ou de conviction ainsi que la libertéde manifester sa religion ou sa conviction seulou en commun, tant en public qu’en privé, parl’enseignement, les pratiques, le culte et l’accom-plissement des rites.»

LIBERTÉ DE RELIGION

Sombre époque pour les chrétiens

BANARAS KHAN AGENCE FRANCE-PRESSE

Une survivante chrétienne pakistanaise d’une attaque terroriste sort de la messe de Noël de Quetta. Le groupeÉtat islamique a revendiqué une attaque suicide dans une église le 17 décembre dernier.

Le Pakistancompte 110des 1922chrétiensdétenus dans le monde

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Foi _ spiritualité _ société

LE GOÛT DU BONHEUR AU FONDEMENT DE LA MORALEAVEC ARISTOTE

Jean Vanier, Albin Michel, collections

« Espaces libres », Paris, 2018, 272 pages

Nourri très jeune par la sagesse d’Aristote, lefondateur des communautés de l’Arche etlauréat du prix Templeton, Jean Vanier,permet de comprendre dans cette rééditiondu livre Le goût du bonheur les racines de son

engagement auprès des plus faibles. Une implication qui n’est passans lien avec la doctrine du bonheur du célèbre philosophe grec, àqui il a consacré une thèse. Il partage dans cet ouvrage la sagessed’Aristote grâce auquel il ancre sa spiritualité dans l’amitié et larencontre avec autrui, et répond à cette question centrale : qu’est-ce qui donne à chacun le goût du bonheur ?

VAL NOTRE-DAME L’ABBAYE DANS LES BOISBruno-Jean Rotival, frère Bruno-Marie,

Médiaspaul, Montréal, 2017, 256 pages

Ce livre de plus de 250 images entraîne leslecteurs dans une plongée au cœur de l’universde l’abbaye cistercienne de Val Notre-Dame,nouveau refuge des moines depuis 2009.

Nichée au milieu de la forêt de la Montagne-Coupée, à Saint-Jean-de-Matha, cette abbaye pensée par l’architecte Pierre Thibault estreconnue comme une réussite de l’architecture religieusecontemporaine. Les photos illustrent à merveille le résultat : lignespures, cohabitation du bois et de l’ardoise et larges fenestrationsqui permettent un dialogue constant entre la nature et la viemonastique. Un livre que l’on parcourt tel un voyage intérieurrythmé par les textes de moines d’ici et d’ailleurs.

TINTIN, LE DIABLE ET LE BON DIEUBob Garcia, Novalis, Paris, 2018, 248 pages

Dans cet ouvrage unique, le tintinophile reconnuBob Garcia s’attaque, au fil d’un long et minutieuxdécryptage, aux diverses références religieusesqui parcourent les albums d’Hergé. Créé dans unmonde catholique de l’entre-deux-guerres, Tintinincarne les grandes valeurs chré tiennes qui

étaient fondamentales chez le mondialement connu bédéiste belge.Loin de vouloir faire du prosélytisme, ce dont Hergé a souvent étéaccusé à tort, les albums marquent, au con traire, un intérêt trèsdocumenté et un profond respect pour les autres religions telles quele boud dhisme et l’islam. Le jeune reporter se meut alors en ambas -sa deur de la paix, de la tolérance et de l’ouverture sur le monde, et larelecture de ses aventures reste plus que jamais d’actualité.

De la lecture pour l’âmeL U D I V I N E M A G G I

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Collaboration spéciale

A u centre de formationchrétienne Agapê, une di-

zaine de jeunes vivent ensem-ble dix mois durant, par ta-geant leur foi, mais aussitoutes les tâches inhérentes àla vie communautaire.

Tous arrivent à la fin dumois d’août pour une annéeuniversitaire en théologie dansles locaux du centre de forma-tion chrétienne à Québec, maisaussi à l’Université Laval. Ilsviennent d’horizons très diverset n’en sont pas tous au mêmepoint dans leur cheminementspirituel. Mais tous ont le désird’approfondir leur foi.

« C’est le critère le plus im-portant dans notre sélection,explique le directeur adjointdu centre, Réjean Bernier. Cedésir de mieux se connaître,de donner un sens à sa vie. Audépart, personne ne se connaîtet au fil des expériences qu’ilsvont partager, ils vont appren-dre à connaître les autres, touten se connaissant mieux eux-mêmes. Ils vont accepter ladif férence. C’est une acquisi-tion très importante ensuitedans la vie de tous les jours. »

Les repas sont pris en com-mun avec le personnel d’anima-tion. On se parle, on s’écoute.Toute situation peut faire l’ob-jet d’un enseignement puisqu’ilne s’agit pas de remplir lestêtes, mais d’alimenter lescœurs pour qu’ils s’ouvrent auxautres. Au cœur de l’expé-rience, il y a bien évidemmentla vie spirituelle et intérieurefaite de prières et de louanges.La messe également trois foispar semaine, mais qui repré-sente elle-même une occasionde célébrer ensemble et de par-tager ses expériences plutôtque de subir des prêches à n’enplus finir.

« Il s’agit d’approfondir sa

relation avec le Christ, ex-plique M. Bernier. La parolecircule. Quand nous avons desinvités, en général, ils nous di-sent, seigneur ! je ne pensaispas que ça pouvait être ça, unemesse !»

Allumer le feu intérieurAu centre Agapê, l’objectif

n’est donc pas de remplir descer veaux, mais bien d’ap-prendre les uns des autres.Et l’enseignement n’est d’ail-leurs pas unilatéral. Mêmes’il n’y a pas de confusion desrôles, le directeur adjoint ra-conte qu’ i l peut lui -mêmetrès bien faire la vaisselle.Ici, l’équipe d’animation fait

corps avec les participants.« Nous sommes des disci-

ples qui accompagnent d’au-tres disciples, précise M. Ber-nier. Chaque parcours est co-loré de son expérience, de satrajectoire. Nous nous accom-pagnons mutuellement afin demieux discerner ce qui est im-por tant dans nos vies. Au-jourd’hui, la vie nous proposeune multitude d’options, cecheminement en communautéappor te à tous un éclairagepour mieux choisir. »

Dans ce contexte, RéjeanBernier salue l’initiative duSynode sur la jeunesse et lequestionnaire planétaire pré-synode. Parce qu’il amène les

jeunes à se questionner surleurs aspirations. Pas sur lefilm qu’il aimerait voir au ci-néma, leur vedette préféréeou la marque la plus cool.Mais bien sur leurs attenteset les défis qui se dressentdevant eux.

« On leur demande ce qu’ilsportent au fond d’eux-mêmes,ce qui les anime, ce qui allumeleur feu intérieur, conclut-il. Ily a peu d’espaces qui of frentcette possibilité. Avec ce sy-node, le pape François semblevouloir aller dans cette direc-tion et ouvrir les por tes del’Église plus largement auxjeunes. Ça me paraît être unpas dans la bonne direction.»

Approfondir sa foi

JOLANTA OKUPNIAREK CENTRE AGAPÊ

Durant dix mois, une dizaine de jeunes ont décidé de vivre une année universitaire en théologie dans les locauxdu centre de formation chrétienne Agapê à Québec, mais aussi à l’Université Laval.

manière de voir le monde, d’avoir les bras ou-verts sur le monde. Dans l’autobus, c’est êtreouvert aux gens et leur sourire plutôtque d’être enfermé avec ses écouteurset son écran.»

Tous ces sujets seront abordés du-rant le prochain Synode des évêques,qui aura lieu au Vatican en octobreprochain. Le pape François semblevouloir mettre la jeunesse au cœur deson pontificat et ainsi, la thématiquedu prochain Synode portera sur lesjeunes, la foi et le discernement desvocations. Cette grande réunion estdestinée à écouter les préoccupationsdes jeunes croyants afin de mieux lesaccueillir et les accompagner dansleur cheminement spirituel.

Pour une Église plus ouvertePour préparer cette rencontre, un

grand questionnaire a été adressé auxparoisses afin qu’il soit rempli par lesjeunes. Les premiers résultats ont étépubliés. Pas ceux du Québec, mais laConférence des évêques de France arendu ses conclusions. Il en ressortque les jeunes souhaitent que la reli-gion soit au service de leur épanouis-sement personnel.

Ils en appellent également à uneÉglise plus ouverte aux femmes, auxdivorcés, aux couples remariés, aux homo-sexuels. Sur l’avortement également, ils aime-raient que la position évolue. Ils veulent enfin

une institution plus transparente, qui commu-nique plus, notamment via les réseaux sociaux,une Église rassembleuse, exemplaire. UneÉglise qui fait un peu plus de place aux jeunesdans ses instances.

« Nos jeunes ne sont pas des cruches qu’ilfaut remplir, lance Sabrina di Matteo. Ils ont

des maîtrises, des doctorats, ils veu-lent être des acteurs de la réflexionsur l’avenir de l’Église. C’est eux, larelève, il faut les écouter. »

« J’ai par ticipé aux consultationsdans le diocèse de Montréal et je doisdire que les préoccupations sont lesmêmes qu’en France, précise ChantalJodoin. Les jeunes ont des idées,l’Église doit les écouter si elle souhaiteles intégrer. Ce que je trouve particu-lièrement intéressant, c’est que ce nesont pas seulement les jeunes catho-liques qui ont été consultés. Car c’estimportant de savoir ce que pensent lesjeunes qui sont loin de l’Église.»

Or, la baisse de l’engagement dansla vie consacrée et la pénurie de prê-tres font en sorte qu’il est de plus enplus difficile de les rejoindre.

« Il faudrait plus amener la parolede l’Église dans les écoles et les cé-geps, estime le recteur Pacheco. Il y ades enfants et des adolescents quisont en plein questionnement et quine savent même pas ce que c’est quela foi, qui n’ont jamais entendu parlerde la religion puisque la transmissionne s’est pas faite dans les familles.Nous arrivons à accompagner les

jeunes qui gravitent dans nos paroisses. Maisceux qui ne s’en approchent pas, il est très dif-ficile de les atteindre. »

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FOI

«Nos jeunesne sont pasdes cruchesqu’il fautremplir. Ils ont desmaîtrises, desdoctorats, ilsveulent êtredes acteurs de la réflexionsur l’avenir del’Église. C’esteux, la relève,il faut lesécouter.»

YASUYOSHI CHIBA AGENCE FRANCE-PRESSE

Des croyantes argentines attendent le pape François devant le Théâtre municipal de Rio de Janeiro durant lesJournées mondiales de la jeunesse, en 2013.

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S’AIMER ENFIN ! UN CHEMIN INITIATIQUE

POUR RETROUVER L’ESSENTIEL

Dr Christophe Fauré, Albin Michel, Paris, 2018,

208 pages

Véritable récit initiatique, S’aimer enfin !raconte le parcours de vie de son auteur, lepsychiatre et psychothérapeute ChristopheFauré, devenu moine puis psychiatre à

nouveau. Dans ce qui s’apparente à une confession, il retrace lesmoments marquants de sa vie vécus comme autant de rupturesavec le monde qui l’entoure, jusqu’au jour où, en quête de sens, ildécide de tout quitter pour se tourner quelque temps vers une viede moine bouddhiste. Fort de ce voyage intérieur, il partage ici lesenseignements et les clés pour se reconnecter à son essence. Unlivre qui, à partir du récit d’un être, parle à chacun de la quête desoi et de la quête de sens.

LE CHANT DU MONDE EST LÀRené Lenoir, Albin Michel, Paris, 2017, 144 pages

Le chant du monde est là retranscrit les penséesde René Lenoir, qui s’interroge sur le sens qu’ilpeut donner à son existence au crépuscule desa vie. A-t-il vraiment besoin de ce Dieu auquel ila cru depuis l’enfance et qui a marqué ses com -bats en politique, notamment auprès desexclus? L’auteur s’en remet plutôt à la beauté du

monde et à son mystère dans ses courts chapitres qui posent laquestion de la place de l’homme dans l’univers. Nourri d’anec do tes,l’ouvrage transmet une sagesse ancestrale que la vie de cet ancienhomme politique sur les cinq continents lui a permis d’acquérir.

RÉFORMER L’ÉGLISE LE PAPE FRANÇOIS À L’ÉPREUVE

DE LA RÉFORME DE L’ÉGLISE : TOUS LES TEXTES !Pape François, Novalis, Montrouge, 2018,

420 pages

Est-il possible de réformer l’Église en profon -deur? Si cette question appelle, de primeabord, une réponse négative confortée par

les scandales qui secouent périodiquement le Vatican, elle n’endemeure pas moins importante avec l’arrivée du pape François.Depuis son élection en mars 2013, le successeur de Benoît XVI a suamener un vent d’air frais par son style, mais aussi par les cardinauxqui lui ont donné pour mission de réformer l’Église. Une entreprisequ’il honore et relate dans ce livre qui réunit l’ensem ble de sesdiscours évoquant là son souci de réorganiser en profondeur lefonctionnement de l’Église.

UNE FLAMME À TRANSMETTRE L’HÉRITAGE SOCIAL ET CULTUREL

DES COMMUNAUTÉS RELIGIEUSESSylvie Bessette, Médiaspaul, Montréal, 2018,

184 pages

En allant à la rencontre d’un religieux et d’un responsable laïque de six communautésfondatrices d’œuvres sociales importantes

à Montréal, Sylvie Bessette invite les lecteurs à s’interroger sur la notion de « patrimoine immatériel ». Au-delà des églises et des couvents, le patrimoine religieux désigne aussi l’esprit del’engagement social et spirituel qui a façonné la société et ledevenir de Montréal. Que léguer, pourquoi et comment ? Chaque chapitre reflète la vision du legs de l’intangible par unecommunauté. Ensemble, les congrégations fondatricesd’institutions montréalaises et des professionnels laïquesréfléchissent au défi de la transmission, entre tradition etrenouveau, passé et avenir.

De la lecture pour l’âmeL U D I V I N E M A G G I

INSTITUT D’ÉTUDES RELIGIEUSES

Croiser les regards

A L I C E M A R I E T T E

Collaboration spéciale

«E n plus d’être complexe,le phénomène religieux

est souvent caricaturé, doncpour essayer de le saisir danssa cohérence et son incohé-rence, nous avons besoin deplusieurs points de vue», lanced’emblée Alain Gignac, direc-teur de l’IER, ancienne Facultéde théologie et de sciences desreligions (FTSR) de l’UdeM.Dans l’optique de construiredes ponts avec les autres disci-plines, en mai dernier, la FTSRa été intégrée à la Faculté desarts et des sciences (FAS) del’UdeM sous le nom d’Institutd’études religieuses. « En tantque nouveau département dela FAS, nous prétendons don-ner une formation pluridiscipli-naire à nos étudiants sur l’objetreligieux. Ils ont par exempledes cours d’histoire et certainsautres avec une porte d’entréeplus sociologique ou encoreanthropologique », expliqueM. Gignac.

Rassembler les chercheurs

Pour souligner son intégra-tion à la FAS, l’Institut a orga-nisé un colloque multidiscipli-naire au mois de février der-nier, nommé L’étude de la reli-gion aujourd’hui : déplacementsthématiques, conceptuels et mé-thodologiques. Pendant deuxjours, chercheurs et profes-seurs de divers horizons sontvenus défendre leur point devue sur la religion. « Ce col-loque a été l’occasion de se re-trouver entre chercheurs quiréfléchissent sur cet objetqu’est la religion », commenteM. Gignac, qui remarque quedes choses bougent dansl’étude de la religion et des reli-gions. «Quelles que soient nosapproches et notre définitiondes religions, il y a des êtreshumains qui sont en quête desens, des institutions portentcela, des gens se posent la

question», ajoute-t-il. Selon lui,le colloque a mis en lumièrel’impor tance et la nécessitéd’un travail en commun. «Celainaugurait tout un potentiel decollaborations. Par exemple,les historiens vont s’associeravec des sociologues et l’Ins-titut va jouer un rôle d’anima-tion, de fédération. Et la colla-boration doit aussi dépasser laFAS», croit-il.

Différents domaines d’études

Depuis son intégration à laFaculté des arts et des sciences,l’Institut a fait le choix de conju-guer trois champs discipli-naires : les sciences des reli-gions, la théologie et les étudesen spiritualité. «Nous avons pro-fité de toutes les institutions, detoutes les méthodologies dessciences humaines et socialespour mieux comprendre le faitreligieux», relève le directeur.Pendant longtemps, la Facultéde théologie et de sciences desreligions était une école profes-sionnelle qui formait notam-ment des agents de pastorale.« Nous avions alors beaucoupd’étudiantes et étudiants, maiscela s’est atrophié au fil des anset nous nous sommes dit que lathéologie allait demeurer, maisqu’elle serait moins importanteet que la science des religionsallait prendre plus de place »,note Alain Gignac.

En outre, la théologie n’estpas uniquement l ’étude duchristianisme, mais plutôtd’essayer de comprendre lemonde à partir de l’épistémo-logie chrétienne. Il existe unethéologie de l’ar t, de la cul-ture, de la justice sociale, dela polit ique… « Il s ’agit devoir à travers le prisme duchristianisme, la théologieest un ef for t de cohérence,de rationalité qu’une foi sedonne pour penser Dieu, sap r o p r e e x p é r i e n c e e t l emonde », mentionne le direc-teur de l’Institut. Il rappelleau passage que cer tains

concepts de théologie sont ré-cupérés par la sociologie,comme la notion de charismedéveloppée par Max Weber.

Les études en spiritualités, dé-veloppées à l’UdeM depuisquelques années, se présententcomme «une troisième voie desétudes religieuses s’exerçant àla frontière, ou à l’interface, dela théologie et des sciences desreligions.» Ainsi l’Institut formenotamment des intervenantsspirituels dans les milieux hospi-taliers. «Au Québec, nous avonsdéconfessionnalisé, mais le ci-toyen a le droit à un service d’ac-compagnement spirituel oud’éducation spirituelle », rap-pelle M. Gignac. Il mentionnenotamment le service d’interve-nants spirituels du CHUM, oùles étudiants de l’Institut peu-vent faire des stages.

Pertinence des études religieuses

Si l’UdeM a décidé de gar-der une unité d’enseignementet de recherche, c’est parceque les études religieuses onttoujours leur place au sein del’Université. L’Institut compteactuellement une soixantained’étudiants au premier cycle,et près de 80 aux cycles supé-rieurs. « Évidemment, nous

n’of frons pas une formationclé en main avec un ordre pro-fessionnel, mais plutôt une for-mation fondamentale, pas uni-quement théorique, mais aussipratique. Nous allons appren-dre à lire, à écrire, à formulerla pensée, et cela peut ouvrir àune infinité de portes », déve-loppe le directeur.

Alain Gignac défend l’idéeque l’étude de la théologie esttoujours pertinente. «Ce n’estpas une langue morte, il s’enfait encore de façon créatrice etmême provocatrice », note-t-il,mentionnant les théologiensqui se heurtent aux évêques ouau Vatican à cause de leurs ré-ponses novatrices. « Ils veulentfaire bouger les choses et pen-ser Dieu avec la philosophiepostmoderne et non plus aveccelle d’Aristote », explique-t-il.Il regrette toutefois que la reli-gion représente souvent unproblème aux yeux de la so-ciété. « Pourtant, c’est un destrésors de l’humanité, un héri-tage culturel et intellectuel »,défend-il, ajoutant que plu-sieurs chercheurs mettentleurs ressources et talents intel-lectuels à profit pour penser laspiritualité chrétienne autre-ment aujourd’hui.

Selon M. Gignac, la sociétéquébécoise devrait se poser laquestion de la spiritualité.«Nous observons une véritablequête de sens chez les jeunes,on pourrait trouver un pivot in-tégrateur, par exemple travail-ler en amont avec les élèvespour poser toutes les questionsde sens et de spiritualité, celapeut humaniser nos écoles »,pense-t-il. Il déplore aussi que lesujet ne semble pas intéresserles politiques, et qu’il n’en seraprobablement pas question pen-dant la campagne à venir.

Pour comprendre la religion aujourd’hui, la seule approchethéologique n’est pas suffisante. Conscient de cela, l’Insti-tut d’études religieuses (IER) de l’Université de Montréal(UdeM) offre une formation multidisciplinaire.

ISTOCK

Depuis son intégration à la Faculté des arts et des sciences, l’Institut afait le choix de conjuguer trois champs disciplinaires : les sciences desreligions, la théologie et les études en spiritualité.

En tant que nouveau département de la FAS, nous prétendons donner une formation pluridisciplinaire à nos étudiants sur l’objet religieux. Ils ont par exemple des cours d’histoire et certains autres avec une porte d’entréeplus sociologique ou encore anthropologique.Alain Gignac, directeur de l’Institut d’études religieuses

«»

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/mediaspaul.ca

mediaspaul.ca/infolettrenouveautés - entrevues - rencontres

12avril

Que le printemps de Dieuapporte un renouveau de vie

à toute personneen recherche de sens et de bonheur !

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INSTITUT DE FORMATION THÉOLOGIQUE DE MONTRÉALL’IFTM est situé en plein coeur du centre-ville de Montréal

Notre mission ... la formation de leaders catholiques.Vous souhaitez étudier la Bible ? Vous avez le désir d’approfondir votre foi ? L’étude de la Parole de Dieu vous intéresse ? Nous proposons des cours universitaires à tous ceux et celles qui désirent étudier et même obtenir un diplôme en philosophie, en théologie ou en théologie pastorale.

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sont disponibles sur notre site internet

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Enracinées en Jésus Christ, dans l’amour et la compassion, nous osons...

Vivre l’interculturalitéAller aux périphéries

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BENOÎT LACROIX UN DOMINICAIN DANS LE SIÈCLEGuy Laperrière, Médiaspaul, Montréal, 2017,

312 pages

Guy Laperrière a rédigé à chaud, en un an, labiographie de Benoît Lacroix pour garder samémoire la plus vivante possible dans lacontinuité des témoignages qui ont suivi sondécès. L’auteur déroule le fil de la vie d’une des

très importantes figures du Québec, de sa naissance en 1915 à sondécès en 2016. À la fois universitaire, personnalité médiatique ethomme engagé, le père Benoît Lacroix conservait toutefois unemystérieuse unité dans sa vie. À quoi tenait-elle ? C’est ce quepropose de découvrir cette biographie.

LA BIBLE EN 1001 BRIQUES NOUVEAU TESTAMENTBrendan Powell Smith, Novalis, éditions

« Première partie », Paris, 2017. 272 pages

Quoi de plus inattendu que l’alliance entre laBible et les briques Lego®? C’est pourtant lepari relevé avec brio par Brendan PowellSmith. Depuis plus de dix ans, il travaille àreproduire des scènes bibliques brique après

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libres », Paris, 2018, 208 pages

Moine bénédictin allemand, Anselm Grüninvite ses lecteurs, à travers les conseils de 50anges et autant de chapitres, à revisiter lesvaleurs qui fondent notre existence. De l’angede l’amour à l’ange du silence, cette rééditiondu Petit traité de spiritualité au quotidien se lit

comme un guide spirituel et un manuel de morale pratique quinous enseigne le chemin vers la paix intérieure.

De la lecture pour l’âmeL U D I V I N E M A G G I

En République démocratiquedu Congo, l’Église catholiqueest devenue la figure deproue d’un mouvement récla-mant une transition politiquepacifique et la tenue d’élec-tions. Entrevue avec monsei-gneur Marcel Utembi, l’undes principaux acteurs decette mobilisation.

E T I E N N E

P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

«Nous avons besoin d’unesolidarité internatio-

nale, en particulier du peuplecanadien», a souligné MarcelUtembi, président de la Confé-rence épiscopale nationale duCongo (CENCO), lors d’une en-trevue téléphonique accordéeau Devoir au moment de sonpassage à Montréal. Avec unedélégation, il a effectué durantle mois de mars une tournée enBelgique et au Canada poursensibiliser la communauté in-ternationale à la crise sociale etpolitique que traverse son paysde 80 millions d’habitants.

Ce voyage visait notammentà demander un accompagne-ment et un soutien de la part duCanada pour que la Républiquedémocratique du Congo (RDC)puisse mener à bien un proces-sus électoral en bonne et dueforme. Tout ça au moment oùun climat de tension règne dansce pays: le gouvernement s’ac-croche au pouvoir en allant àl’encontre de la Constitution etréprime la contestation. MarcelUtembi souhaite que le gouver-nement canadien contribue àfaire valoir les revendicationsdémocratiques auprès des ins-tances et organisations de lacommunauté internationale,notamment celles des Nationsunies, pour « pouvoir por terplus haut la voix du peuplecongolais qui crie sa détresse».

Active pour trouver une sortie de crise

La CENCO se montre très ac-tive pour trouver une sortie decrise, au point où elle est deve-nue une figure de proue dumouvement de revendicationd’une alternance politique paci-fique et la tenue d’élections enRDC. Quelques mois à peineaprès ses débuts comme prési-dent de la CENCO, en juin 2016,Marcel Utembi se retrouve àjouer les conciliateurs au cœurdes tractations politiques déchi-rant son pays.

Le président de la RDC, Jo-seph Kabila, ne donne pas designes de vouloir quitter sonsiège, alors que son deuxièmemandat doit se terminer le19 décembre 2016. Or, laConstitution lui interdit un

nouveau quinquennat à la têtedu pays.

Au début du mois de décem-bre de la même année, laCENCO mène, au Centre in-terdiocésain de Kinshasa, lespourparlers entre les multiplesfactions politiques de l’opposi-tion et le parti au pouvoir afind’en arriver à une feuille deroute vers un processus électo-ral. «Le travail a été laborieux,raconte Marcel Utembi. Celan’a pas été facile. Chacun cam-pait sur ses positions. Il a fallu

le savoir-faire, la force de dis-cernement et l’autorité moraledes évêques pour mettre lesuns les autres d’accord pourprivilégier l’intérêt supérieurdu peuple et de la nation.»

Après trois semaines de né-gociations, les démarches abou-tissent le 31 décembre 2016 àl’Accord de la Saint-Sylvestre.L’entente prévoit une transitionpolitique pacifique avec la tenued’élections présidentielles, légis-latives et provinciales avant lafin de l’année 2017.

La promesse n’est finale-ment pas respectée. Le 5 no-vembre, la commission électo-rale du pays annonce un calen-drier qui prévoit des électionsle 23 décembre 2018. Le 31 dé-cembre 2017, un an après l’Ac-cord de la Saint-Sylvestre, desmanifestations sont organiséesà travers le pays pour exiger ledépart de Joseph Kabila. La ré-pression est brutale : sept per-sonnes sont tuées et plus d’une

centaine d’autres, dont desprêtres, sont arrêtées.

À la sortie d’une messe, cé-lébrée le 12 janvier 2018 à lacathédrale Notre-Dame duCongo de Kinshasa en mé-moire des personnes mortesdurant cet événement, lesforces de l’ordre lancent desgaz lacrymogènes. Le 21 jan-vier, une autre journée de ma-nifestations se termine avecsix morts et 127 blessés à tra-vers le pays. Le 25 février,deux jours après que le pape

François eut fait unappel à la prière pourla paix en RDC, desmarches organiséesà travers le pays sontà nouveau répriméesdans la plupar t desvilles dans lesquelleselles se déroulent.

Deux morts, des dizaines deblessés et des dizaines d’arres-tations sont dénombrés.

«Ces marches pacifiques, quise tenaient après les célébra-tions liturgiques des messes dudimanche, ont été chaque foisinterdites ou violemment répri-mées par le pouvoir en place»,souligne Marcel Utembi, aussiarchevêque de Kisangani. Ilajoute que l’Église a été l’objetde campagnes de dénigrement,de désinformation, de divisionet de diffamation, en plus d’êtrevictime d’actes de « bandi-tisme ». Sa réaction de voirl’Église catholique ainsi prisepour cible ? « Ça nous récon-forte plutôt dans notre détermi-nation à servir la cause du peu-ple, affirme-t-il. Quand nous re-visitons l’histoire de l’Église,ceux qui ont servi le bien, la vé-rité, la justice et la paix ontaussi été persécutés. Cela nenous fait pas peur. Cela nousconforte aussi dans notre espé-

rance d’accompagner le peupledans les hauts comme dans lesbas, toujours en ravivant son es-pérance que, tôt ou tard, mêmesi la nuit est longue, le jour fi-nira par pointer à l’horizon.»

Même si des élections sontprévues en décembre 2018,des obstacles se dressent surle chemin vers la tenue d’unvote légitime. « Les défis sonttoujours là, admet MarcelUtembi, parce qu’on a parfoisaf faire à un déficit de bonnefoi et de bonne volonté de lapart des parties prenantes quisont appelées à faire avancerle processus électoral. »

Depuis 2016, la CENCO dé-veloppe un programme d’édu-cation civique et électorale avecl’organisme non gouvernemen-tal Développement et Paix – Ca-ritas Canada. Le programme,mené conjointement, vise à ren-forcer l’engagement politiquedans la population congolaise etla sensibiliser au processus dé-mocratique, à la non-violence,au respect des lois et des droitsfondamentaux. « Nous esti-mons que nous devons être vi-gilants et éveiller la populationà être à son tour vigilante pourdemander, auprès des uns etdes autres, de s’engager et des’impliquer pour que ce proces-sus électoral devienne réalité»,indique Marcel Utembi.

Il rappelle que la crise démo-cratique a des répercussionssociales et politiques, maisaussi économiques, humani-taires et sécuritaires. « L’insé-curité, qui est entretenue dansle pays, fait beaucoup de vic-times, de morts, de déplacésinternes, qui ont tout perdu, etde déplacés externes, c’est-à-dire des Congolais qui onttrouvé refuge ailleurs et qui vi-vent péniblement.»

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

L’Église comme pilier de mobilisationvers la transition démocratique

JOHN WESSELS AGENCE FRANCE-PRESSE

Des catholiques chantent et dansent devant l’église Saint-François-de-Sales en guise de protestation pourpousser vers la sortie le président congolais, Joseph Kabila, en février dernier.

Même si des élections sont prévuesen décembre 2018, des obstaclesse dressent sur le chemin vers la tenue d’un vote légitime

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Regards croisés sur une figure

incontournable

Albin Michel

richement illustrées en couleur800 pages

ET SI LA CLÉ ÉTAIT AILLEURS ?Yves Duteil, Médiaspaul, collection « Grands

témoins », Paris, 2017, 112 pages

« La spiritualité guide ma vie », confie l’auteur-compositeur-interprète de la chanson Prendreun enfant par la main, Yves Duteil. L’homme auxmultiples facettes offre dans ce livre son récitde vie, son sentier de quête intérieur, maisaussi ses interrogations quant à l’exis tence. Les

courts chapitres se succèdent en relatant son regard sur la vie etses mystères avec en toile de fond les grandes étapes marquantesde son histoire, de sa carrière et de son métier d’arti san de lachanson. Yves Duteil se confie comme il ne l’a jamais fait dans sesprécédents ouvrages.

JÉSUSUNE ENCYCLOPÉDIE CONTEMPORAINEDaniel Marguerat (sous la direction de), Novalis,

Montrouge, 2017, 528 pages

Ce livre est un panorama complet des connais -sances actuelles sur Jésus. Abondammentillustrée (environ 400 tableaux, photos, cartes,sculptures), l’encyclopédie réunit les meilleursexégètes, biblistes et historiens qui prennentle temps de partager la somme de savoirsacquis sur cette figure spirituelle fondatrice

du monde occidental. Avec des formes variées (récits, encadrés,entrevues), ces spécialistes reconstituent la vie du Christ à traversles décou vertes archéologiques majeures, les points de vue histo -riques, théologiques et artistiques les plus récents. Un ouvrageconstitué de savoirs passionnants sur cet homme qui a su unir etopposer les trois monothéismes.

JÉSUSL’ENCYCLOPÉDIEJoseph Doré (sous la direction de), Albin Michel,

Paris, 2017, 848 pages

Si Jésus est une figure mondialement illustre, iln’en reste pas moins que sa vie, ses actes et sonmessage demeurent quelque peu mécon nus.C’est pour répondre à toutes les interro gationsdu public que Jésus présente une grande

synthèse des éléments obtenus par la recherche historique en sefondant sur un des textes fondateurs: l’évangile de Luc couvrantl’ensemble du parcours du Christ. Mêlant lectures critiques des textes,regards croisés de philoso phes, de psychanalystes, d’écrivains, maisaussi de personnalités du monde juif, chrétien, musulman, athée etagnostique, cette encyclopédie se propose de démocratiser un savoirtrop souvent cantonné à des revues et à des ouvrages spécialisés.

De la lecture pour l’âmeL U D I V I N E M A G G I

ACTION MISSIONNAIRE

Les OPM du Canada francophone vers un renouveauDe meilleures communications et la réanimation d’une œuvre sont au programme

E M I L I E C O R R I V E A U

Collaboration spéciale

«E n juin 2016, j’étais de-puis peu directeur et

c’était la première fois que jerencontrais le pape François »,relate le père Yoland Ouellet,directeur national des Œuvrespontificales missionnaires dusecteur français au Canada, àpropos de l’assemblée géné-rale annuelle des OPM lors delaquelle le Saint-Père a explici-tement invité ces dernières àse renouveler.

«Il parlait d’une réforme adé-quate, d’un authentique renou-vellement pour le bien de la for-mation continue à la mission detoute l’Église. Ça m’a beaucoupfait réfléchir », indique-t-il. Aucours des semaines et desmois qui ont suivi, le père Ouel-let s’est posé toutes sortes dequestions quant à la nature et àla forme du renouveau qu’il de-vrait orchestrer au Canada fran-cophone.

La réanimation de l’Unionpontificale missionnaire, l’Œu-vre qui a pour responsabilité desensibiliser les animateurs desparoisses à la Mission et de pro-mouvoir la conscience mission-

naire chez les séminaristes, lesprêtres, les religieux et les laïcsengagés dans l’Église, s’est na-turellement imposée commepriorité.

« Au Canada francophone,nous avons trois œuvres dyna-miques. Il y a l’Œuvre pontifi-cale de la propagation de la foi,qui contribue à la vie des dio-cèses pour l’évangélisation et lacatéchèse, l’Œuvre pontificalede Saint-Pierre-Apôtre, qui sesoucie de la relève sacerdotaleet de la formation des sémina-ristes, et l’Œuvre pontificale del’enfance missionnaire, qui s’oc-cupe de projets liés à l’éduca-tion et à l’évangélisation desjeunes. Dans ce contexte de re-nouveau, il m’est apparu trèsimportant de remettre sur piedl’Union pontificale mission-naire. Elle a déjà existé ici,mais elle n’est plus en activitédepuis longtemps. On travailleprésentement à la réanimer.»

Une nouvelle stratégie de communication

Mais là n’est pas la seule ac-tion que les OPM du Canadafrancophone ont entreprisepour répondre à l’exhortationde renouveau du pape Fran-

çois. Celles-ci ont égalementdécidé de revoir leur stratégiede communication afin d’amé-liorer leur visibilité et de rejoin-dre le public plus efficacement.

«Je trouvais que les œuvresn’étaient pas suf fisammentconnues au Canada franco-phone et que ce nous faisionsétait aussi méconnu. Plusieurspensent que notre mission, c’estde recueillir des fonds, maisc’est beaucoup plus que ça !Donc, au printemps dernier, j’aifait analyser et critiquer par desexper ts de la firme TorchiaCommunications tout notre tra-vail de communication, nos sitesWeb, etc. On a élaboré avec elleun plan de communication mar-keting qui va nous permettre derenforcer notre service danstous les domaines», indique lepère Ouellet.

Notamment, les OPM ontchoisi de regrouper leurs an-ciennes publications pour n’enfaire qu’une seule. La revue Uni-vers, qui était autrefois distri-buée tous les trimestres, n’estdésormais publiée que deux foisl’an. Cependant, elle est mainte-nant distribuée gratuitement àl’ensemble des abonnés desOPM canadiennes, soit à plus de11 500 personnes, alors que l’andernier, elle n’était impriméequ’à 700 exemplaires. De plus,cette dernière contient main-tenant un fascicule détacha-ble de nouvelles et d’informa-tions concocté par Mond’Amià l’intention des jeunes, demême que le bu l le t in LaBarque de Pierre, qui est pro-duit par l’Œuvre pontificale

de Saint-Pierre-Apôtre.Dans le même esprit, les

OPM du Canada francophoneont entamé un réalignementde leur présence sur le Web.« On a toujours eu un site In-ternet dans lequel on mettaittout, et c’était assez étourdis-sant quand on voulait connaî-tre une œuvre en particulier,explique le père Ouellet. Là,on va avoir un site généralqui va s’appeler OPM Canadaet qui servira de point de dé-par t aux gens, mais on auraaussi un site pour chacunedes œuvres. »

Dans la foulée, deux des Œu-vres pontificales seront rebapti-sées. Celle de Saint-Pierre-Apô-tre sera appelée Prêtres de de-main et celle de la Propagationde la foi, Mission foi. Ni l’En-fance missionnaire, qui est déjàconnue depuis plusieurs an-nées comme Mond’Ami, nil’Union pontificale missionnairene changeront de nom.

«On a étudié les objectifs dechacune des œuvres, on a re-fait les char tes et on leur adonné des noms plus contem-porains, précise le père Ouellet.On voulait que ces noms-là évo-quent plus clairement ce quefont les œuvres.»

Le 10 avril prochain, lesOPM du Canada francophonedévoileront aussi trois nou-veaux logos créés spéciale-ment pour mieux représenterleurs œuvres. Signe que l’or-ganisation désire réellements’ancrer dans la modernité,l’événement sera dif fusé enFacebook Live.

En juin 2016, à l’occasion de leur assemblée générale an-

nuelle, le pape François exhortait les Œuvres pontificales

missionnaires (OPM) du monde entier à se renouveler. Au

printemps suivant, le Saint-Père réitérait sa demande et an-

nonçait dans la foulée que le mois d’octobre 2019 serait ex-

traordinairement consacré à la mission. Vivifiées par ces en-

couragements, les OPM du Canada francophone se sont

lancées dans une vaste démarche de revitalisation.

R E L I G I O NL E D E V O I R , L E S S A M E D I 3 1 M A R S E T D I M A N C H E 1 E R A V R I L 2 0 1 8C 8

POUR L’AVANCEMENT DE LA CULTURE PHILANTHROPIQUE Développer et partager les savoirs Rassembler et susciter le dialogue

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Un regard sur la vie consacrée

Dimanche 22 avril 2018 AU-DELÀ DES MURS

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Que sont devenues les communautés religieuses?

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CÉLÉBRATION DE PÂQUES

Tendre la main aux autres

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Collaboration spéciale

Ce n’est pas parce que leQuébec a rejeté la religion

catholique que les Québécoisne cultivent pas leur spiritualité.Car selon la théologienne etprofesseure émérite de l’Univer-sité du Québec à Trois-Rivières(UQTR) Suzanne Rousseau, laquête de sens est inhérente àl’humanité. Elle publie un ou-vrage en forme de guide, afind’outiller quiconque voudraits’engager dans cette quête, quiest, selon elle, celle de touteune vie.

Quel lien faites-vous entre reli-gion et spiritualité?

Les gens confondent les deux.Ils croient que parce qu’ils nepratiquent pas de reli-gion, ils ne sont pas spi-rituels. Or, ce n’est pasla religion qui fait la spi-ritualité, mais la spiritua-lité qui fait la religion.Les peuples se sont tou-jours donné des reli-gions en fonction de ceen quoi ils croyaient. Que Dieu acréé le monde en six jours pourles chrétiens, que la Terre estune grande tortue pour les Amé-rindiens, etc. C’est un phéno-mène nouveau que des gens vi-vent aujourd’hui sans dieu. Maiscela ne signifie pas que le spiri-tuel ait disparu.

Comment cette spiritualité semanifeste-t-elle?

Il suffit d’écouter les gens. Levocabulaire a changé, mais lesconcepts demeurent. Au lieu deparler de Dieu, d’ange ou dedestin, ils évoquent l’énergie, lalumière, la force ou le karma.Ils continuent à chercher unsens à tout ce qui leur arrive. Ilsse posent des questions surl’avant, sur l’après. La questionde l’origine et de la fin de l’uni-vers est au cœur des préoccu-pations. Notre propre finitudeégalement. Lorsqu’un enfantdemande à un parent commentça se fait qu’il est au monde etoù est-ce qu’il était avant, il poseune question spirituelle.

À vous lire, cette spiritualitépermettrait à l’être humain denégocier les épreuves qui sedressent sur son chemin…

Tout être est spirituel, mais il

n’en a pas forcément conscience.Lorsque tout va bien, ça ne posepas trop de problèmes. Maislorsque survient un pépin, on sedemande souvent : pourquoimoi? Qu’est-ce que j’ai fait pourmériter cela? Lorsqu’une per-sonne chère décède par ailleurs,

on commence à se ques-tionner sur la possibilitéde la revoir et d’établirun jour un nouveaucontact. Ce sont souventles événements tra-giques qui nous fontévoluer dans notrequête de sens. Mais en

entreprenant ce cheminementspirituel en amont, en entrant enrelation avec son intérioritéavant que les événements nenous poussent à le faire, c’estcertain que l’on atteint plus faci-lement la paix intérieure.

Cette paix intérieure, c’est l’ul-time étape du cheminementspirituel?

On atteint la paix intérieurelorsque l’on a résolu nos di-lemmes. Les gens ont pris leursdistances avec l’Église parcequ’elle ne répondait plus à leursbesoins. Elle ne les aidait plus àrésoudre leurs dilemmes. Çane signifie pas que les Québé-cois n’aient plus de dilemmes.Ces dilemmes les mettent faceà des choix qui viennent bous-culer leurs croyances et leursvaleurs. Ils les font évoluer, che-miner spirituellement. Résou-dre ses dilemmes permet d’at-teindre la paix intérieure, ce quiest finalement l’objectif de la dy-namique spirituelle.

EN-QUÊTE DE SENSGUIDE DE LA DYNAMIQUESPIRITUELLE CONTEMPORAINESuzanne Rousseau, Novalis, Montréal, 2018, 300 pages

QUÊTE DE SENS

Tout être humainest spirituel

SOURCE SUZANNE ROUSSEAU

La théologienne et professeureémérite de l’Université du Québecà Trois-Rivières Suzanne Rousseau

A L I C E M A R I E T T E

Collaboration spéciale

L ors de son discours à Rioen 2013, devant quatre mil-

lions de jeunes, le pape Fran-çois avait dit vouloir construireune civilisation de la rencontre.« Ceci est un message qui aéclairé ma propre vie pasto-rale », explique Mgr Lépine. Àl’occasion de Pâques, il sou-haite avant tout rappeler la né-cessité d’aller vers les autres,quelles que soient les dif fé-rences et les appréhensions.

«Le temps de Pâques est untemps pour que la lumière etl’espérance rayonnent, c’est lemoment de tendre la main »,pense-t-il, ajoutant qu’il ne fautpas oublier que nous sommestous des êtres humains. « Àl’occasion de Pâques, je fais unappel pour que chacun et cha-cune aient comme horizonl’ensemble de l’humanité, pourdépasser les dif férences etpouvoir voir la dignité detous», ajoute Mgr Lépine.

Célébrer le vivre-ensemble

Au quotidien, l’archevêque deMontréal échange avec des per-

sonnes seules. «Beaucoup degens vivent sans personne àMontréal, cet isolement peutêtre dû à la pauvreté ou à l’âge»,commente-t-il. À l’occasion dePâques, il souhaite ainsi rappe-ler l’importance de penser àceux qui ne font pas partie de ré-seaux. «Nous sommes toujoursà la recherche de moyens detendre la main aux personnesseules. Parfois, c’est dans notrepropre famille, parce qu’on esttous occupés, on est pris dansune dynamique sociale, mais ilfaut faire ce dépassement de soi,sortir de son horaire régulierpour aller les voir», ajoute-t-il.

Par ailleurs, l’archevêquetrouve belle l’expression « vi-vre ensemble » et estimequ’elle est très impor tantedans une grande ville commeMontréal, où se croisent diffé-rentes cultures. « Pourquoi nepas aller saluer quelqu’un quin’a pas l’air de notre culture? Ilfaut prendre le temps d’aller lavoir et d’échanger avec elle. Se-lon mon expérience, quels quesoient les préjugés, quand onrencontre les gens, alors lesidées reçues tombent, parcequ’elles se construisent sur lefait qu’on ne fait pas connais-

sance. Quand on échange, ondécouvre l’autre, on réaliseque c’est un être humain et onvoit la dif férence commequelque chose qui vient nousenrichir et non pas comme unobstacle », défend Mgr Lépine.Il pense que Pâques est aussiun temps d’espérance, non paspour une seule culture, maispour tous les êtres humains.«La culture est à l’interface denos rencontres humaines. Ondoit surmonter les inquiétudes,les ignorances, les peurs, nepas rester seul enfermé avecses ruminations, sortir pour al-ler à la rencontre de l’autre,c’est un chemin vers la paix so-ciale», ajoute-t-il.

Solidarité et engagementsocial

À Montréal, mais aussi ail-leurs au Québec et au Canada,l’archevêque constate une véri-table volonté de solidarité.« Ce qui compte surtout, c’estde mettre en valeur ce désirde solidarité, pour ne pas per-dre ce trésor. On parle de com-passion, en étant sensible auxsituations de détresse qui peu-vent être vécues et la réponse,c’est de tendre la main. Mais,il ne faut pas le tenir pour ac-quis et renouveler ce souci del’autre, chez nous ou ailleurs»,croit-il.

D’ailleurs, en novembre der-nier, le diocèse a ouvert le cen-

tre Le Pont — situé dans lepresbytère de la paroisse Notre-Dame-des-Victoires — qui ac-cueille de façon temporaire desfamilles, des femmes et des en-fants demandeurs d’asile. «Lesréfugiés vivent des moments decrise, ce sont des moments oùnous sommes appelés à fournirun effort spécial, pour donner àceux qui vivent des tragédies.Avoir ce sens de solidarité etvoir l’autre en tant qu’être hu-main, cela demande un effortde par tage, mais en fin decompte, cela vient enrichir no-tre humanité », commenteMgr Lépine.

En outre, l’archevêque deMontréal insiste sur la forcedu rassemblement. « Parfois,les problèmes apparaissentavec une grande ampleur, maisil ne faut pas oublier qu’avecdes petits gestes, ensemble, onpeut répondre à de grands dé-fis. Il ne faut jamais cesser decombattre la pauvreté, de tra-vailler pour la santé ou l’éduca-tion. Ce sont des formes d’en-gagements sociaux indispensa-bles pour le bien commun »,mentionne-t-il. Il ajoute quetous les problèmes peuventêtre résolus. «Cela ne veut pasdire que ça va être facile, maisil faut le faire tous ensemble,avec des petits gestes à notrepor tée qui vont por ter leursfruits, s’additionner et se com-pléter», défend-il.

La fête de Pâques est un temps de rassemblement. Pour

l’archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, c’est le mo-

ment de souligner l’importance de la rencontre, de la main

tendue et de la confiance dans le regard sur l’autre.

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

« Le temps de Pâques est un temps pour que la lumière et l’espérance rayonnent, c’est le moment de tendre la main », pense l’archevêque deMontréal, Mgr Christian Lépine.