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Imagerie de la Femme (2009) 19, 140—143 QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ? Calcifications rétroaréolaires Retroareolar calcifications Isabelle Leconte a,, Marième Sy a , Christine Galant b , Martine Berlière c , Latifa Fellah a a Département d’imagerie médicale, université catholique de Louvain, cliniques universitaires Saint-Luc, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique b Département d’anatomopathologie, université catholique de Louvain, cliniques universitaires Saint-Luc, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique c Département de gynécologie, université catholique de Louvain, cliniques universitaires Saint-Luc, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique Disponible sur Internet le 11 juin 2009 Observation clinique Une femme de 65 ans est adressée dans le service de radiologie pour son premier contrôle post-traitement conservateur d’une lésion supéroexterne gauche avec chimiothérapie et hormonothérapie. L’examen clinique met en évidence un aspect séquellaire à gauche avec une hyperpigmentation postradique et une invagination du mamelon gauche connue depuis des années. Il n’y avait pas d’anomalie palpable à droite. Une mammographie est réalisée ainsi qu’une échographie bilatérale (Fig. 1 et 2). Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (I. Leconte). 1776-9817/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.femme.2009.05.001

Calcifications rétroaréolaires

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Page 1: Calcifications rétroaréolaires

Imagerie de la Femme (2009) 19, 140—143

QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ?

Calcifications rétroaréolaires

Retroareolar calcifications

Isabelle Lecontea,∗, Marième Sya, Christine Galantb,c a

Martine Berlière , Latifa Fellah

a Département d’imagerie médicale, université catholique de Louvain, cliniquesuniversitaires Saint-Luc, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgiqueb Département d’anatomopathologie, université catholique de Louvain, cliniquesuniversitaires Saint-Luc, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgiquec Département de gynécologie, université catholique de Louvain, cliniques universitairesSaint-Luc, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique

Disponible sur Internet le 11 juin 2009

Observation clinique

Une femme de 65 ans est adressée dans le service de radiologie pour son premier contrôlepost-traitement conservateur d’une lésion supéroexterne gauche avec chimiothérapie ethormonothérapie. L’examen clinique met en évidence un aspect séquellaire à gauche avecune hyperpigmentation postradique et une invagination du mamelon gauche connue depuisdes années. Il n’y avait pas d’anomalie palpable à droite.

Une mammographie est réalisée ainsi qu’une échographie bilatérale (Fig. 1 et 2).

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (I. Leconte).

1776-9817/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.femme.2009.05.001

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Figure 1. a : incidence de face ; b : incidence oblique externe ; c : agrandissement en profil debout.

Figure 2. a : échographie, plan axial ; b : échographie, plan longitudinal ; c : doppler couleur.

Quel est votre diagnostic ?

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Diagnostic

Papillome calcifié.La mammographie met en évidence des calcifica-

tions grossières, polymorphes, rétroaréolaires, à dispositionlinéaire (Fig. 1). L’échographie retrouve un nodule hétéro-gène aux contours irréguliers en continuité avec un canaldilaté, contenant des calcifications (Fig. 2). Le dopplerne met pas en évidence de vascularisation de ce nodule.Les diagnostics différentiels à évoquer sont des calcifica-tions malignes ou des calcifications au sein d’un fibroadé-nome.

Discussion

Les lésions papillaires du sein sont des tumeurs relativementrares, représentant moins de 3 % des tumeurs solides du sein.

Sur le plan anatomopathologique, elles se développentdans les canaux galactophores et comportent un axe fibro-vasculaire, une couche de cellules myoépithéliales et unépithélium externe cuboïdal. Elles mesurent généralementde 5 à 20 mm mais peuvent être parfois plus larges, surtouten cas de remaniements hémorragiques ou kystiques. Leslésions papillaires du sein sont associées, à degré variable,à des lésions d’hyperplasie qui peuvent se transformer enhyperplasie atypique, voire en carcinome in situ ou invasif.Dans près de 20 % des cas, il existe une association avec uncarcinome in situ ou invasif.

Le papillome solitaire est le plus souvent central,rétroaréolaire, à la différence des papillomes multiples,périphériques. Des infarcissements, des hémorragies ou dela fibrose peuvent apparaître au sein des papillomes etentraîner la formation de calcifications.

Le papillome solitaire apparaît le plus souvent dansla cinquième décade et se manifeste soit par une massepalpable soit par un écoulement. À l’opposé, les papil-lomes multiples sont souvent périphériques et touchentles patientes plus jeunes, dans la troisième ou quatrièmedécade.

Cliniquement, une lésion papillaire est suspectée devant

un écoulement séreux ou sanglant, sans que celui-ciait de caractère péjoratif, plus rarement devant unemasse palpable. Toutefois, les papillomes sont, le plussouvent, de découverte fortuite, lors d’un bilan de dépis-tage.

À la mammographie, les lésions papillaires bénignes sont,pour la plupart, visualisées comme des masses solitairesrétroaréolaires bien limitées, rondes ou ovales. Des massesmultiples d’aspect bénin peuvent aussi être visualisées encas de papillomes multiples. Des calcifications sont pré-sentes dans seulement 25 % des lésions papillaires bénignes,comme c’est le cas pour notre patiente, et peuvent appa-raître suspectes notamment si elles sont irrégulières etpolymorphes [1].

L’échographie a une meilleure sensibilité que la mam-mographie pour détecter les lésions papillaires, qui seprésentent le plus souvent comme des masses intracana-laires associées à une dilatation du canal. Il arrive qu’ellesse présentent comme des masses solides sans ou avecune composante kystique et sans dilatation canalaire. Ilexiste souvent un renforcement postérieur aussi bien de lacomposante solide que liquidienne. Les lésions papillairesbénignes sont parallèles à la peau et le doppler montre leplus souvent une vascularisation importante. La présence decalcifications peut diminuer la détection d’un flux, comme

I. Leconte et al.

c’est le cas dans notre observation. L’IRM a une hautesensibilité pour la détection des lésions papillaires et unemeilleure valeur prédictive négative que l’échographie. Enrevanche elle n’est pas spécifique ; la plupart des lésionspapillaires rehaussent de facon intense, qu’elles soientbénignes ou malignes. Les papillomes de petite taille se pré-sentent souvent comme des masses hypervasculaires avecdes contours réguliers dans un canal élargi. Les lésions pluslarges peuvent avoir des contours irréguliers avec un rehaus-sement précoce. Parfois, l’IRM peut être négative [2]. Elleest particulièrement intéressante pour l’analyse des papil-lomes multiples, non seulement pour détecter des lésionsadditionnelles non vues à l’échographie mais aussi pour pla-nifier le geste chirurgical.

En présence d’un écoulement, une galactographie peutéventuellement être réalisée si les autres examens sontnégatifs. Elle peut mettre en évidence la présence delacunes intracanalaires au sein d’un canal dilaté ou non.C’est un examen sensible mais non spécifique.

Il apparaît difficile de différencier un papillome bénind’un carcinome papillaire en imagerie, toutes techniquesconfondues. En effet, à la mammographie, les carcinomespapillaires peuvent se présenter comme des masses bienlimitées, rondes ou ovales. Les microcalcifications sontplus fréquentes en cas de carcinome que de papillomebénin. Parfois, le caractère moins bien limité de la masse,la présence de spicules, d’une distorsion architecturaleet de microcalcifications pléiomorphes orientent le diag-nostic. À l’échographie, le carcinome intracanalaire peutaussi être visualisé sous forme d’un nodule bien limité.L’hypoéchogénécité importante et le caractère hétérogènedu nodule peuvent aussi orienter le diagnostic. La présenced’une composante kystique ne doit pas être interprétéecomme un critère de bénignité.

Devant une suspicion de papillome à l’imagerie, desmicro- ou macrobiospies sont réalisées, soit échoguidées,soit sous stéréotaxie.

L’attitude thérapeutique ne fait pas l’objet d’un consen-sus. Pour certains, une exérèse chirurgicale est toujoursrecommandée malgré un résultat rassurant des microbiop-

sies. En effet, la répartition hétérogène des lésions à risqueou carcinome au sein du papillome peut être la cause d’unesous-estimation. De plus, il peut être difficile de différencierà l’histologie un papillome scléreux ou papillome atypiqued’un carcinome papillaire. L’examen de l’entièreté de lalésion est souvent nécessaire [3].

Pour d’autres, si la micro- ou la macrobiopsie est enfaveur d’un papillome bénin sans atypie et s’il existe unebonne concordance avec l’imagerie, une surveillance peutêtre réalisée [4]. Enfin, une alternative peut consister enl’exérèse complète du papillome par macrobiopsie avecaspiration pour des lésions de petite taille [5].

Pour les papillomes multiples, une exérèse chirurgicaledoit être envisagée, l’association avec une hyperplasie aty-pique ou un carcinome étant plus fréquente.

Références[1] Brookes MJ, Bourke AG. Radiological appearances of papillary

breast lesions. Clin Radiol 2008;63:1265—73.[2] Daniel BL, Gardner RW, Birdwell RL, Nowels KW, Johnson D.

Magnetic resonance imaging of intraductal papilloma of thebreast. Magn Reson Imaging 2003;21:887—92.

[3] Liberman L, Bracero N, Vuolo MA, Dershaw DD, Morris EA, Abram-son AF, et al. Percutaneous large-core biopsy of papillary breastlesions. AJR 1999;172:331—7.

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Calcifications rétroaréolaires

[4] Sydnor MK, Wilson JD, Hijaz TA, Massey HD, Shaw de Paredes ES.Underestimation of the presence of breast carcinoma in papil-lary lesions initially diagnosed at core-needle biopsy. Radiology2007;242:58—62.

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[5] Bonaventure T, Cormier B, Lebas P, Bonneau C, Michenet P. Lesmacrobiopsies échoguidées assistées par le vide peuvent-ellesconstituer une alternative à l’exérèse chirurgicale de papillomebénin ? J Radiol 2007;88:1165—8.