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Camerata fiorentina ou Camerata di Bardi Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ». Nom donné au mouvement culturel apparu à Florence vers 1575 et qui regroupa musiciens, chanteurs, poètes et théoriciens humanistes. On lui doit essentiellement la naissance du genre melodramma, du stile rappresentativo, autrement dit, de l'opéra. Les membres de la Camerata fiorentina se réunirent régulièrement jusqu'au début du xvii e siècle. Ils se rencontraient d'abord chez Giovanni de' Bardi, comte di Vernio et homme de grande culture. Vincenzo Galilei, Pietro Strozzi, Ottavio Rinuccini, Jacopo Peri, Giulio Caccini y parlaient de musique, de poésie et d'art. En 1592, après le départ de Bardi pour Rome, la Camerata élut demeure chez Jacopo Corsi. C'était le groupe culturel le plus actif de Florence, en matière de recherche théorique et intellectuelle, fidèle en cela à la tradition humaniste florentine du xv e siècle. La musique grecque antique y était à l'honneur. Un témoignage précieux des activités de la Camerata nous est parvenu avec le Dialogo della musica antica e moderna de V. Galilei (Florence, 1581). L'auteur y démontre la supériorité de la monodie grecque sur la polyphonie de la Renaissance, soulignant aussi son effet moral, opposé à l'hédonisme de la pratique contrapuntique. Galilei et Strozzi composèrent des œuvres qui reflètent parfaitement leur conception de la monodie : le premier, Lamento del conte Ugolino, d'après la Divine Comédie de Dante, et le second, Fuor de l'umido nido (1579), que chanta G. Caccini. La monodie avait pour but principal de rendre le texte intelligible dans tous les détails, la musique n'étant que secondaire et au service des différentes « passions » contenues dans le texte. Les premières œuvres importantes conçues selon les règles du nouveau style furent la Dafne (1597) et l'Euridice (1600) de J. Peri, la Rappresentazione di Anima e di Corpo (1600), de Cavalieri, une autre version d' Euridice de Caccini, que l'auteur des Nuove Musiche fit représenter en 1602. L'année 1607 fut marquée par un chef-d'œuvre absolu : l'Orfeo de Monteverdi, qui apparaît comme un mélange de tous les styles en usage à l'époque. En cette même année, Marco da Gagliano fonda l'Accademia degli Elevati, qui prit la relève de la Camerata fiorentina avec l'Arianna de Monteverdi et une Dafne de Gagliano, les deux œuvres datant de 1608.

Camerata Bardi

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Histoire de la musique

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Camerata fiorentina ou Camerata di BardiCet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Nom donné au mouvement culturel apparu à Florence vers 1575 et qui regroupa musiciens, chanteurs, poètes et théoriciens humanistes. On lui doit essentiellementla naissance du genre melodramma, du stile rappresentativo, autrement dit, de l'opéra.

Les membres de la Camerata fiorentina se réunirent régulièrement jusqu'au début du xviie siècle. Ils se rencontraient d'abord chez Giovanni de' Bardi, comte di Vernio et homme de grande culture. Vincenzo Galilei, Pietro Strozzi, Ottavio Rinuccini, Jacopo Peri, Giulio Caccini y parlaient de musique, de poésie et d'art. En 1592, après le départ de Bardi pour Rome, la Camerata élut demeure chez Jacopo Corsi.

C'était le groupe culturel le plus actif de Florence, en matière de recherche théorique et intellectuelle, fidèle en cela à la tradition humaniste florentine du xve siècle. La musique grecque antique y était à l'honneur. Un témoignage précieux des activités de la Camerata nous est parvenu avec le Dialogo della musica antica e moderna de V. Galilei (Florence, 1581). L'auteur y démontre la supériorité de la monodie grecque sur la polyphonie de la Renaissance, soulignantaussi son effet moral, opposé à l'hédonisme de la pratique contrapuntique. Galilei et Strozzi composèrent des œuvres qui reflètent parfaitement leur conception de lamonodie : le premier, Lamento del conte Ugolino, d'après la Divine Comédie de Dante, et le second, Fuor de l'umido nido (1579), que chanta G. Caccini. La monodie avait pour but principal de rendre le texte intelligible dans tous les détails, la musique n'étant que secondaire et au service des différentes « passions »contenues dans le texte.

Les premières œuvres importantes conçues selon les règles du nouveau style furent la Dafne (1597) et l'Euridice (1600) de J. Peri, la Rappresentazione di Anima e di Corpo (1600), de Cavalieri, une autre version d'Euridice de Caccini, que l'auteur des Nuove Musiche fit représenter en 1602. L'année 1607 fut marquéepar un chef-d'œuvre absolu : l'Orfeo de Monteverdi, qui apparaît comme un mélange de tous les styles en usage à l'époque. En cette même année, Marco da Gagliano fonda l'Accademia degli Elevati, qui prit la relève de la Camerata fiorentina avec l'Arianna de Monteverdi et une Dafne de Gagliano, les deux œuvres datant de 1608. Object 1

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La Camerata fiorentina

Florence, vue sur le Ponte alla Carria (photo Ivanhoé / Wikipedia Commons)

Le nom de "Camerata fiorentina" désigne en fait plusieurs groupement d’artistes actifs à la fin du 16e siècle à Florence. C’est de leurs travaux qu’est né l’opéra.

La première Camerata Fiorentina a été créé à Florence dans les années 1570 (1573 exactement, selon certains). On l’a nommée également "Camerata Bardi", du nom de son mécène, Giovanni Bardi, Comte de Vernio, un riche banquier florentin, qui était également musicien, écrivain et scientifique. Philosophiquement lié au néo-platonisme florentin initié au cours du siècle précédent par Marcilio Ficino (Marcile Ficin), avec l’appui de Cosimo de’ Medici (Cosme de Médicis), ce cénacle d’artistes avait pour but de retrouver, sur la base de traités antiques, la musique de l’ancienne Grèce à laquelle ils attribuaient le pouvoir de transformer et d’élever l’être humain.

C’est au cours des années 1590, après le départ de Bardi pour Rome, que la seconde Camerata s’est constituée, cette fois autour du Chevalier Corsi et de son théâtre, leur travaux dépassant alors le seul cadre musical pour s’atteler à une forme de spectacle total, alliant musique et poésie. Rappelons que la musique (et peut-être même la danse) était présente dans les représentation antiques, "tragédie" venant de deux mots grecs, dont l’un signifie "chanter". 70 ans après le David de Michel-Ange, qui avait dépassé le modèle grec dans le domaine de la sculpture, des hommes du "cinquecento" tentèrent de retrouver le modèle de la tragédie grecque.

"Prima le parole, dopo la musica." D’abord les mots, ensuite la musique : pour les artistes de la Camerata, la musique devait être au service du texte, le suivre dans son rythme, mais aussi dans son sens, en appuyant sa charge émotive. Ils ont ainsi défini le stile rappresentativo, un style de musique qui, plutôt que la beauté intrinsèque, devait chercher à reproduire les émotions de l’âme humaine, et ont élaboré le recitar cantando, que l’on peuttraduire en quelque sorte par déclamation chantée, sans airs au sens strict du terme, mais avec le soutien de thèmes récurrents et d’ornements, où la musique épouse le texte, et accompagné de ce qu’on appellera la "basse continue". Leurs idéaux rejoignaient, jusqu’à un certain point, ceux de la Contre-Réforme : une attention au texte, de manière à ce qu’il soit compréhensible pour l’auditeur, mais en fait, elle les dépassait, puisqu’elle attribuait à la musique un pouvoir que les artisans de la Contre-Réforme n’ont jamais exprimé/

On doit à la Camerata Bardi la création du premier opéra de l’histoire, la Dafne de Peri, représentée en 1597, mais c’est Monteverdi, alors au service du duc de Mantoue, qui avait

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suivi de près les travaux de la Camerata, qui, avec l’Orfeo, dont le succès a été extraordinaire,a fait de ce genre l’un des plus populaires, et l’est resté durant 4 siècles. Il fallait le génie d’un Monteverdi, son invention musicale, son intelligence (et peut-être aussi ses connaissances dans le domaine de l’alchimie) pour transformer des théories a priori austères en musique vivante.

Malheureusement, le "recitar cantando", qui était pourtant le couronnement des recherches de la Camerata, se perdra et se fondra dans le récitatif, le passage obligé pour faire évoluer l’action, débarrassé le plus souvent de tout affect. Il faut dire que, si Monteverdi excella dans le recitar cantando pour en faire une musique d’une invention et d’une subtilité extrême, il faudra attendre le Fastaff de Verdi et le Pelléas de Debussy pour entendre à nouveau une musique de cette qualité.

Parmi les membres les plus éminents des Camerate fiorentine, citons les poètes Torquato Tasso et Ottavio Rinuccini, les musiciens Emilio de Cavaliere, Jacopo Peri, Giulio Caccini, ainsi que plusieurs théoriciens, tels Vincenzo Galilei (père de l’astronome) et Girolamo Mei, qui traduisit du grec l’ensemble des documents antiques connus traitant de musique.

Parmi les oeuvres (qui n’ont pas été perdues) dues à des artistes des deux camerate, citons en particulier :

- La Pellegrina, pièce avec intermèdes musicaux qui allait être représentée à l’occasion des noces de Ferdinand 1e de Medicis et de Christine de Lorraine, en 1589, et qui fut confiée au poète Rinuccini, et à 5 musiciens, Cavalieri, Malvezzi, Marenzio, Caccini et Peri. Presque tous faisaient partie de la Camerata.

- les tout premiers opéras : si la Dafne de Peri sur un poème de Rinuccini, représentée au théâtre Corsi à Florence en 1597 a été perdue, on a retrouvé les partitions de l’Euridice du même auteur, représentée à Florence en 1600 pour les noces d’Henri IV et de Marie de Médicis, et une autre Euridice, celle de Caccini, sur le même livret et dont elle reprend nombre de passages musicaux (1600, représentée à Florence en 1602) .

- ce que l’on considère comme le premier oratorio, La Rappresentazione di anima e di corpo (la représentation de l’âme et du corps), musique de Cavalieri sur un livret d’Agostino Manni,représentée pour la première fois à Rome, à l’église Santa Maria della Vallicella, en février 1600.

- ce que l’on pourrait appeler le "manifeste" du "recitar cantando", Le Nuove Musiche, pour voix et basse continue, par Caccini, recueil publié en 1602.

La Camerata fiorentina ne fut le seul cercle intellectuel destiné à rassembler des« spécialistes » des arts et de la pensée afin de développer leurs domaines d’activité. Depuis le

15e siècle, les Accademie fleurissaient en Italie, sous l’impulsion du mouvement néo-platonicien. A Bologne fut fondée, notamment, par Adriano Banchieri, l’Accademia dei

Fioridi, afin de développer le genre madrigal, l’un des styles de musique favoris des Italiens.

Monteverdi appartenait à cette Accademia.