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INJUSTES, ILLÉGALES, INACCEPTABLES : LES EXPULSIONS FORCÉES EN ANGOLA LE DROIT AU LOGEMENT EST UN DROIT HUMAIN © Amnesty International LA DIGNITÉ EXIGEONS LA DIGNITÉ EXIGEONS LA DIGNITÉ

Campagne Dignité — Droit au logement en Angola

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Document de 4 pages résumant la position d'Amnesty sur les expulsions forcées en Angola, et les principales revendications.

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Page 1: Campagne Dignité — Droit au logement en Angola

INJUSTES, ILLÉGALES,INACCEPTABLES :LES EXPULSIONS FORCÉES EN ANGOLA

LE DROIT AU LOGEMENTEST UN DROIT HUMAIN

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En octobre 2008, la capitale de l'Angola,Luanda, a accueilli la Journée mondiale del’habitat organisée par l'ONU. Le mêmemois, une entreprise en bâtiment a expulséde force au moins 17 familles d'Iraque, unquartier de Luanda, et détruit leursmaisons.

Depuis 2006, les expulsions se font à unrythme plus lent et à une moins grandeéchelle qu'au cours des cinq annéesprécédentes, mais elles ont toujours lieu,elles continuent à avoir des conséquencesgraves et il est toujours aussi difficiled'obtenir justice et réparation pour lesatteintes aux droits humains commisesdans le passé. Les personnes qui en sontvictimes voient leurs maisons entièrementrasées. Elles sont parfois déplacées par laforce loin des lieux où elles tirent leursmoyens de subsistance, et souvent laisséesdans le dénuement, sans accès aux chosesles plus élémentaires.

En juillet 2005, Amélia André Manecoquitte l'hôpital juste après avoir accouchéde son quatrième enfant. Lorsqu'elle arrivechez elle à Soba Kapassa, un bidonville deLuanda, elle voit un groupe de policiersaccompagnés d'autres hommes. « Ils nousont dit de sortir nos affaires de nos maisonsparce qu’ils allaient les démolir, a-t-elleraconté à Amnesty International. J'aidemandé ... pourquoi ils faisaient cela et jeles ai suppliés d’arrêter : “Est-ce que nousvivons dans un pays sans lois ? La police,c'est vous. Au lieu de faire respecter la loi,vous la violez.” Les policiers ont emmenémon mari, Kapassola. Ils l'ont jeté à l'arrièred'une voiture, comme un sac de patates,parce qu'il avait dit à notre fils aîné de nepas quitter la maison. Ils l'ont accusé derébellion et l'ont retenu au poste de policependant de longues heures. Pourtant il n'apas été violent quand il a résisté à ladémolition. »

Après leur expulsion forcée, Amélia AndréManeco et son mari ont récupéré les tôlesen zinc qui formaient le toit de leur maisondétruite et ils se sont construit un abritemporaire. Mais le harcèlement a continué.« Ils sont revenus deux fois cette année-làpour démolir nos maisons et essayer denous faire quitter le quartier. Ils ne nous ontdonné ni argent pour déménager ni terrainoù nous installer. Nous avons demandé àdes hommes de loi de nous aider et ils nousont rendu visite. Les démolitions ont cessé,mais nous avons vécu sous un abri de tôlejusqu’en 2008. Ce n’est que cette année-làque nous avons eu les moyens de nousreconstruire une maison. »

LES FAMILLES DOIVENT SEDÉBROUILLER TOUTES SEULESEn avril 2002, l'Angola a émergé de vingt-sept ans de guerre civile. Entre autresavantages, la paix a ouvert de nouveauxdébouchés commerciaux et augmenté lesinvestissements étrangers dans le pays.Mais cette évolution, en grande partiesalutaire, a renforcé la pression sur lesterrains urbains où vivaient notamment despersonnes déplacées qui avaient trouvérefuge aux alentours de Luanda pendant laguerre et s'étaient installées dans des abrisde fortune. Depuis la fin de la guerre, desroutes, des hôpitaux et d'autresinfrastructures absolument indispensablesont vu le jour grâce aux efforts dereconstruction, mais ces projets ont aussieu un lourd coût humain. Les expulsionsforcées opérées pour la réalisation de cesprojets ont été menées dans les quartiersles plus pauvres et ont touché les famillesles moins aptes à faire valoir leurs droits età en appeler à la justice. Celles-ci doiventse débrouiller toutes seules, construire desabris improvisés ou aller s'entasser chezdes amis ou d'autres membres de lafamille. Dans certains cas, les familles ont

été réinstallées de force dans des zoneséloignées des écoles et des lieux de travail.

DES VOIX QUE L’ON NE VEUT PASENTENDRELes expulsions collectives autour de Luandasont habituellement opérées sans que lesintéressés en soient avisés au préalable ni,à plus forte raison, consultés. Dans les casrecensés par Amnesty International et desgroupes locaux de défense des droitshumains, les expulsions forcées et les

Amnesty International Mai 2009 Index : AFR 12/002/2009

DEPUIS LA FIN DE LA GUERRE CIVILE EN ANGOLA, LA DEMANDE DETERRAINS À LUANDA A EXPLOSÉ. LES EXPULSIONS FORCÉES ONTLAISSÉ DES MILLIERS DE FAMILLES SANS DOMICILE ET LES ONTPLONGÉES DE PLUS EN PLUS LOIN DANS LA MISÈRE. LES AUTORITÉSONT VIOLÉ LEURS DROITS ET DÉDAIGNÉ LEURS APPELS À TOUTES LESÉTAPES DE LA PROCÉDURE.

LE DROIT AU LOGEMENT EST UN DROIT HUMAIN

L'expulsion forcée consiste à faire partirdes gens de leur domicile ou de la terrequ'ils occupent, contre leur volonté etsans aucune protection juridique ni autregarantie. Toute expulsion menée de forcene constitue pas nécessairement uneexpulsion forcée : si les garantieseffectives sont respectées, une expulsionopérée dans la légalité, même avec lerecours à la force, n’enfreint pas toujoursl’interdiction des expulsions forcées.

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Index : AFR 12/002/2009 Amnesty International Mai 2009LE DROIT AU LOGEMENT EST UN DROIT HUMAIN

démolitions ont été menées par la police etd'autres représentants de l'État sans aucunmandat. Même lorsque les familles sontprévenues, elles n'ont pas la possibilitéréelle de contester leur éviction. En avril2006, dans le quartier de Cidadania, parexemple, à Luanda, la municipalité a donnéquarante-huit heures à 12 familles pourvider les lieux. Dans l'avis, il était indiquéque les familles occupaient illégalement unterrain que l'État avait réservé à desactivités industrielles, mais les voies derecours n'étaient pas spécifiées. Leshabitants ont raconté à AmnestyInternational qu'ils avaient acheté le terrainà la municipalité.

L'avis d'expulsion informait les famillesqu'elles pouvaient s'installer sur une autreparcelle, mais seulement si elles quittaientleurs maisons dans les quarante-huitheures. Les habitants n'ont pas étéconsultés sur le choix de la nouvelleparcelle, située dans le quartier de BitaSapu, où il n'y a ni transports en commun,ni école ni eau. On a offert aux habitantsde Cidadania des parcelles en friche surlesquelles ils étaient censés reconstruire

leur maison, vraisemblablement à leursfrais. On ne leur pas proposé de titre depropriété, ce qui les exposait au risqued’être à nouveau expulsés.

Le mois suivant, un groupe composé d'unetrentaine de policiers, de représentants del'État et d'individus en civil ont démoli lesmaisons de ces personnes. Les expulsionsforcées de mai 2006 sont les plusrécentes, mais, dans ce quartier, elles sesont succédé par vagues. À partir deseptembre 2004 et sur une période devingt mois, plus de 500 familles ont vu leurmaison démolie et ont été expulsées deforce de Cidadania.

LA VIOLENCE ENTRAÎNEL'INSÉCURITÉLa police nationale et les Forces arméesangolaises (FAA) ont fréquemment assistéles représentants de l'État lors desexpulsions. Dans certains cas, des agentsde sécurité privés y ont égalementparticipé. En général, ceux qui procèdentaux expulsions écrasent les maisons aubulldozer et détruisent ou volent lesautres biens.

Pendant les opérations, il arrive aussi queles policiers, les militaires, les fonctionnairesmunicipaux ou les agents de sécurité privésfrappent les habitants ou tirent sur eux.Ainsi, en mars 2006, à Cambamba II, desmembres de la police nationale et desagents travaillant pour Visgo, une société desécurité privée, ont utilisé des bulldozerspour détruire 200 maisons. Lorsque ladémolition a commencé, les habitants sesont placés devant leurs maisons et ontrefusé de bouger ; certains ont lancé despierres et d'autres objets. En peu de temps,100 policiers antiémeutes sont arrivés,lourdement armés, ont tiré en l'air et vers lesol et ont frappé les habitants, certains àcoups de pied ; une femme enceinte, AidaCordoso, a ainsi fait une hémorragie aprèsavoir reçu des coups de pied dans leventre, et un garçon d'environ quatre ans aété blessé d’une balle au genou.

Amnesty International a recensé desviolences semblables dans d'autresquartiers. Le même jour, à Cambamba I, unagent de sécurité privé a tiré en demi-cercleautour des pieds d'un garçon qui tentait defuir pendant la démolition de 130 maisons.

« Ils nous ont dit de sortir nosaffaires de nos maisons parcequ’ils allaient les démolir… J'aidemandé ... pourquoi ilsfaisaient cela et je les aisuppliés d’arrêter : “Est-ce quenous vivons dans un pays sanslois ? La police, c'est vous. Aulieu de faire respecter la loi,vous la violez.”Amélia André Maneco, s’adressant à AmnestyInternational

À gauche : Amélia Maneco et sa fille, MariaManeco Kapassola (à droite) à Soba Kapassa,Luanda, le 14 janvier 2009. Maria est née parcésarienne deux jours avant la démolition deleur maison en 2005Couverture : Une femme devant un abriimprovisé, à Cambamba II, Luanda, février2007. Elle vit là depuis qu'elle a été expulséede sa maison en mars 2006.

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Amnesty International prie legouvernement de l’Angola :

! de mettre un terme aux expulsions forcées ;

! de fournir immédiatement une assistance,notamment un logement décent, auxpersonnes qui ont été expulsées de force etqui sont sans domicile, et d'indemnisercorrectement toutes les victimesd’expulsions forcées ;

! de veiller à ce que les forces de l'ordre neparticipent pas à des expulsions ou àd'autres actions illégales, et notamment à cequ'elles ne fassent pas usage d’une forceexcessive ;

! de veiller à ce que toute personnesusceptible d'être expulsée bénéficie desgaranties juridiques auxquelles elle a droiten vertu des normes internationales, etnotamment d’un délai raisonnable, de lapossibilité d’obtenir un avis juridique, d’uneprocédure légale et de l’assurance de se faireattribuer un autre logement.

Amnesty International est un mouvement mondial regroupant 2,2 millions depersonnes dans plus de 150 pays et territoires, qui luttent pour mettre fin aux gravesatteintes aux droits humains. La vision d’Amnesty International est celle d’un mondeoù chacun peut se prévaloir de tous les droits énoncés dans la Déclaration universelledes droits de l’homme et dans d’autres textes internationaux.

Essentiellement financée par ses membres et les dons de particuliers, AmnestyInternational est indépendante de tout gouvernement, de toute tendance politique, detoute puissance économique et de toute croyance religieuse.

Mai 2009Index : AFR 12/002/2009

Amnesty InternationalSecrétariat internationalPeter Benenson House1 Easton StreetLondres WC1X 0DWRoyaume-Uni

www.amnesty.org

LE DROIT AU LOGEMENTEST UN DROIT HUMAIN

Ensuite, cet agent et sept policiers ontencerclé le garçon, l'ont frappé avec untuyau en caoutchouc et lui ont donné descoups de pied. Des policiers et des agentsde sécurité ont forcé à terre des personnesqui, selon eux, s'opposaient à leurarrestation, et ils les ont frappées, dont unefemme qui portait un bébé sur son dos.

Parfois, les autorités s'en sont prises à desdéfenseurs des droits humainsuniquement, semble-t-il, parce que ceux-ciavaient soutenu les habitants contre lesexpulsions. En particulier, des membres dugroupe angolais pour le droit au logement,SOS-Habitat, ont été arbitrairement arrêtésou maltraités. Par exemple, pendant lesopérations d’éviction à Cidadania en mai2006, un policier du Commandement desunités de protection des objectifsstratégiques (CUPOE) a interpellé RafaelMorais et lui a dit qu'il avait ordre d'arrêterles militants de SOS-Habitat. Pendant lesexpulsions menées en mars 2006 àCambamba I, la police a arrêté ManuelPinto et Luís Araújo, également membresde ce groupe, et elle a confisqué leurappareil photo et les puces de leur

téléphone portable. Elle a aussi interrogé etmenacé des employés du Haut-Commissariat aux droits de l'homme etd'Oxfam qui observaient les expulsions,parce qu'elle les soupçonnait de prendredes photos.

L'ÉTAT MANQUE À SON DEVOIRDE PROTECTIONPour justifier les expulsions forcées, lesreprésentants de l'État affirment souventque les maisons destinées à la destructionont été construites illégalement sur desterrains appartenant au gouvernement etaffectés à des projets de développement.En fait, dans la plupart des cas, la situationjuridique est loin d'être aussi tranchée.L'utilisation des terrains est régie parplusieurs dispositifs législatifs, et ceux quitraitent des zones urbaines n'ont été quepartiellement appliqués.

Mais l'Angola a des obligationsinternationales sans équivoque. Il doitnotamment aviser correctement lesintéressés de toute expulsion envisagée : lerapporteur spécial des Nations unies

recommande un délai d’au moins quatre-vingt-dix jours. La force ne devrait êtreemployée que lorsqu'elle est absolumentnécessaire et seulement de manièreproportionnelle aux circonstances.

Le gouvernement a reconnu publiquementque la loi angolaise relative aux terrainsl'obligeait à indemniser les personnes qu'ilexproprie dans l'intérêt public en leurdonnant de l'argent, des matériaux ou uneautre maison et un autre terrain. Mais unnombre élevé de victimes n'ont pas reçu lamoindre indemnisation.

Pour trop de gens, en Angola, lareconstruction et le développement du paysa entraîné la destruction de leurs maisonset leur éviction des terres sur lesquelles ilsavaient construit leur vie, ce qui les aenfoncés encore plus profondément dans lapauvreté. Privés du respect de leurs droitsfondamentaux, des services élémentaires etd'un abri approprié, incapables de faireentendre leurs voix et de faire respecterleurs besoins, ils pensent qu'ils n'arriverontjamais à subvenir aux besoins de leurfamille ni à leur assurer un avenir.

WWW.DEMANDDIGNITY.AMNESTY.ORG

IL FAUT AGIR

Cette femme assise parmis les décombres de samaison, à Cambamba 1, Luanda, novembre 2006.

©DR