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1 MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DIRECTION GÉNÉRALE DES RESSOUCES HUMAINES Sous-direction du recrutement ITALIEN CAPES INTERNE CAERPC Rapport présenté par Monsieur Claude BOCOGNANI Inspecteur d’académie – Inspecteur Pédagogique régional Président du jury Session 2007

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MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE

MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

ET DE LA RECHERCHE

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DIRECTION GÉNÉRALE DES RESSOUCES HUMAINES

Sous-direction du recrutement

ITALIEN

CAPES INTERNE

CAERPC

Rapport présenté par Monsieur Claude BOCOGNANI Inspecteur d’académie – Inspecteur Pédagogique régional

Président du jury

Session 2007

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SOMMAIRE

- Sommaire p. 2 - Introduction p. 3 - Composition du jury p. 4 - Statistiques de la session 2007 p. 5 - Sujet de l’épreuve écrite d’admissibilité p. 7 - Rapport sur l’épreuve écrite d’admissibilité p. 9 - Rapport sur l’épreuve orale d’admission (1ère partie) p.25 - Rapport sur l’épreuve orale d’admission (2ème partie) p.30

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INTRODUCTION

Les chiffres de la session 2007 font observer un léger tassement du nombre d’inscrits au CAPES et une augmentation assez sensible de celui des candidats au CAERPC (+25%). Le taux de présence demeure très élevé et la sélectivité reste forte. L’observation faite au terme de la session 2006 demeure : une préparation rigoureuse et un entraînement régulier et intensif sont indispensables pour pouvoir franchir avec succès l’étape de l’admissibilité puis celle de l’admission. Pour l’épreuve écrite, la maîtrise de la langue italienne et celle de la langue française s’imposent et le ton familier n’est pas de mise. La rédaction d’un commentaire ne s’improvise pas et la durée limitée de l’épreuve impose que les candidats aient acquis auparavant des habitudes qui leur permettent de consacrer l’essentiel de leur temps à la réflexion sur le sujet qu’ils découvrent. En ce qui concerne la traduction, chacun sait qu’il ne s’agit pas seulement d’un exercice de compréhension mais d’un exercice de transcription d’un texte littéraire qu’il est difficile de mener à bien de manière satisfaisante sans entraînement préalable. Pour la première partie de l’épreuve orale (partie pédagogique) le jury attend des candidats qu’ils montrent leurs aptitudes professionnelles mais également la connaissance qu’ils ont des programmes, des examens, des instructions officielles relatives à l’enseignement des langues vivantes ; le temps de préparation – 2 heures – doit être utilisé pour mobiliser rapidement lesdites connaissances en prenant appui rigoureusement sur le(s) documents proposé(s) par le jury. La deuxième partie de l’épreuve orale(compréhension et expression) permet d’évaluer les capacités de compréhension, d’expression orale et de réactivité des candidats face à un jury, qualités naturellement indispensables à quiconque se destine au métier d’enseignant et a fortiori d’enseignant de langue. Dans l’une et l’autre des deux parties, il est indispensable que les candidats soient à même de justifier leurs choix et d’argumenter. J’espère que la lecture de ce rapport (comme d’ailleurs celle des rapports des années précédentes) permettra aux candidats de mieux cerner les attentes du jury et de se préparer efficacement. Claude BOCOGNANI

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COMPOSITION DU JURY

Claude BOCOGNANI, IA - IPR, Rectorat de Grenoble, Président du jury Pellegrina FISCHETTI, IA – IPR, Rectorat de Nice, Vice – Présidente Brigitte URBANI, Professeure des Universités, Université de Provence, Vice – Présidente Eveline AUTHIER, Professeure agrégée H Cl., Lycée Jean Moulin, Draguignan (académie de Nice) Sandro BAFFI, Maître de Conférences, Université Paris IV Paris – Sorbonne Corinne BUREAUX, Professeure certifiée, Lycée E. Quinet, Bourg en Bresse (académie de Lyon) Frédéric CHERKI, Professeur certifié, Lycée Joubert, Ancenis (académie de Nantes) Danielle DORIOL, Professeure agrégée H Cl., Lycée Europole, Grenoble Brigitte MAURIN, Professeure agrégée CPGE, Lycée A. Daudet, Nîmes Yannick GOUCHAN, Maître de Conférences, Université de Provence Elsa CHAARANI, Professeure des Universités, Université de Nancy 2 Laurent SCOTTO D’ARDINO, Maître de Conférences, Université de Grenoble 3

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STATISTIQUES DE LA SESSION 2007 - CAPES INTERNE Nombre de postes mis au concours : 18 Bilan de l’admissibilité Nombre de candidats inscrits : 381

Nombre de candidats non éliminés : 315 soit : 82,68% des inscrits

Nombre de candidats admissibles : 45 soit : 14,28% des non éliminés

Moyenne des candidats non éliminés : 06,29 / 20

Moyenne des candidats admissibles : 11,44 / 20

Barre d’admissibilité : 10,00 / 20

Bilan de l’admission Nombre de candidats non éliminés : 45

Nombre de candidats admis : 18 soit : 40, 00% des non éliminés

soit : 05,71% des candidats s’étant

présentés au concours

Moyenne portant sur l’épreuve d’admission : Moyenne des candidats non éliminés : 07,02 / 20

Moyenne des candidats admis : 09,89 / 20

Moyenne portant sur le total général (écrit + oral) : Moyenne des candidats non éliminés : 08,49 / 20

Moyenne des candidats admis : 10,51 / 20

Barre d’admission : 09,25 / 20

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- CAERPC Nombre de places : 9 Bilan de l’admissibilité Nombre de candidats inscrits : 60

Nombre de candidats non éliminés : 49 soit : 81,66 % des inscrits

Nombre de candidats admissibles : 9 soit : 18,36 % des non éliminés

Moyenne des candidats non éliminés : 07,02 / 20

Moyenne des candidats admissibles : 11,44 / 20

Barre d’admissibilité : 10,00 / 20

Bilan de l’admission Nombre de candidats non éliminés : 9

Nombre de candidats admis : 5 soit : 55,55% des non éliminés

soit : 10,20% des candidats s’étant

présentés

Moyenne portant sur l’épreuve d’admission : Moyenne des candidats non éliminés : 06,94 / 20

Moyenne des candidats admis : 09,90 / 20

Moyenne portant sur le total général (écrit + oral) : Moyenne des candidats non éliminés : 08,44 / 20

Moyenne des candidats admis : 10,62 / 20

Barre d’admission : 08,00 / 20

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ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ

SUJET

Il maniero

Nella parte più alta del paese del P., ai piedi delle rovine del castello e precisamente sul largo detto Carbonaro in ricordo di alcuni supposti patrioti che vi abitarono nei tempi passati, ciascuno può ancora vedere, un po’ in disparte nella sua aria rannuvolata, un vecchio portone senza battenti, basso e rincagnato, ingresso d’un palazzotto nero dagli anni. Talmente aggrondato e minaccioso appare questo portone col suo vano cupo, che, se anche non suscitasse spaventosi ricordi, nessuno vi passerebbe davanti di notte senza sentire un brivido gelargli il filo della schiena o senza, di giorno, schiarirsi almeno la gola. Confinato ormai fra una casa di recente costruzione e l’edificio cadente delle antiche carceri mandamentali colle sue rugginose inferriate, anche di là in fondo esso sembra aver votato eterno odio ai ruderi del castello, che guarda da terra come un mastino ; mentre quelli, incuranti, levano l’unica torre rimasta in piedi con, sulla fronte, il grande occhio dell’orologio comunale.

Della famiglia, in seguito caduta in basso stato e quindi estinta, che abitò un tempo il palazzotto, i vecchi ne raccontano ancora d’ogni sorta. Bastava allora il suo solo nome a gettare il terrore fra la povera gente come fra gli altri signori del paese ; così triste fama essa s’era procacciata colle sue nefandezze e abusando d’una potenza, non si sa bene con quali mezzi raggiunta, che le garantiva l’impunità per le più esose vessazioni. Pare sia stato un tempo che nessuno, marrano o gentiluomo che fosse, poteva passare davanti al piccolo maniero e a quel loro portone senza scoprirsi un buon tratto prima e restare scoperto un buon tratto dopo ; alle strette finestre nessuno era in vista, ma qualcuno dei feroci fratelli vigilava sempre dietro le imposte chiuse e la sua vendetta colpiva poi infallibilmente chi avesse osato ostentare velleità d’indipendenza. Fra i loro delitti il più esecrato è ancor oggi quello perpetrato nella persona di un povero pescivendolo, a causa del fatto che l’anima in pena di lui s’aggira tuttora quasi ogni notte sul luogo della sua morte senza sacramenti, come, secondo i narratori, possono testimoniare numerose persone. Costui, che veniva settimanalmente da un paese della costa, aveva ricevuto da quei tranelli l’ordine preciso di depositare ogni volta a mo’ di tributo, sotto un ponticello detto oggi appunto del Pescivendolo, una spasa* del miglior pesce, donde poi un servo la ritirava. Un giorno il malavvisato trasgredì l’ordine e perì, come s’è detto, di mala morte.[…]

Si riceveva, un giorno, nella casa una nobile fanciulla del paese, concessa sposa dagli atterriti parenti a uno dei fratelli. Al banchetto notturno furono convocati stavolta, volenti i primi, riluttanti le seconde, cani e donne ; la sposa sedeva triste a capotavola. E fu durante quest’orgia che sotto la tavola venne posto un crocifisso, sul quale i fratelli e i loro cortigiani con selvaggia allegria, le donne con malinconico terrore, buttarono per tutto il banchetto le ossa spolpate ; ringhiando contro i loro compagni, scavalcando la sacra immagine, tutta la notte i cani si contesero il succulento cibo. In tempi più tardi l’odio d’una altera donna della

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famiglia, proterva stavolta quanto i maschi, s’appuntò non si sa per quale motivo su un nobile del luogo, giovane assai probo e di fatto in seguito benefattore del paese. Il sicario Marotta ricevé l’incombenza di far fuoco su di lui da un suo archibugio non appena quegli si fosse fatto a un balcone donde usava guardare alle finestre della fanciulla amata alla luce delle stelle. Il Marotta appostato nell’ombra del vicolo, vide infatti l’uomo probo affacciarsi, ma gli mancò il coraggio di sparare e soltanto a questa provvidenziale resipiscenza si deve il piccolo acquedotto che mena l’acqua a P. nonché la pavimentazione del vicolo principale e altre opere pubbliche quasi altrettanto importanti.

Tommaso LANDOLFI, La pietra lunare (1939) Milano, Adelphi, 1995

*la spasa : cesta per la presentazione del pesce

Commentaire guidé : Fare un commento di questo brano mostrando come si articolano storia, leggenda e fantastico. Version : Traduire en français depuis : « Della famiglia… » (ligne 12) jusqu’à : « …di mala morte. » (ligne 28)

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ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ

RAPPORT SUR LE COMMENTAIRE

Conseils méthodologiques La structure générale (ou mouvement) du texte doit être clairement identifiée et annoncée. Pour le texte proposé à cette session, il fallait signaler que Landolfi commence par la description d’un manoir, puis passe à l’évocation de la famille qui y vécut et enchaîne avec trois récits pour illustrer la cruauté de cette famille. Les trois termes clés du libellé du sujet de commentaire (« storia, leggenda, fantastico ») doivent faire l’objet d’une brève mais indispensable définition préalable, de manière à éviter des contresens. Ainsi, l’histoire, dans ce texte, correspond d’une part à l’ancrage dans le passé (ou cadre historique), et d’autre part aux histoires racontées par les anciens, qui se rapprochent fortement de la légende. En effet, la légende s’observe par les imprécisions chronologiques marquées des histoires, la déformation de la réalité historique vers le merveilleux ou le macabre (c’est-à-dire ce qui n’est pas vérifié), comme dans les contes, à savoir une transformation du réel. La dimension fantastique, enfin, concerne la face cachée du réel pour effrayer le lecteur, l’entrée dans le monde des esprits (ici, le fantôme du pauvre pescivendolo), mais aussi les éléments du décor urbain qui montrent soit la personnification soit le zoomorphisme des bâtiments. Faute d’avoir même rapidement défini les termes du sujet, le commentaire se réduit trop souvent à une suite d’observations au fil de la plume, comme des notes de lecture sans transition entre elles. Il est aussi nécessaire d’annoncer un axe de lecture et d’analyse (inspiré plus ou moins librement par le libellé du sujet, mais qui respecte néanmoins les éléments de son contenu). On peut par exemple montrer comment le texte utilise l’histoire d’un édifice et d’une famille pour se déplacer rapidement vers la tonalité légendaire voire fantastique. L’épreuve n’est pas seulement une explication libre du texte mais un commentaire guidé, qui doit tenir compte de la phrase de guidage. La méconnaissance du roman de Landolfi ne représente pas un obstacle à la réussite du commentaire car le texte à étudier reste indépendant de l’intrigue, il s’agit d’une digression sur un lieu de la ville où se déroule le roman, dans le but de préparer le lecteur au glissement vers le fantastique. Par contre, il est maladroit et inutile d’utiliser des informations générales biographiques ou critiques sur Landolfi pour justifier la signification de ce texte, voire fonder tout un commentaire. Maladresses à éviter : La paraphrase qui consiste à raconter le texte autrement que son auteur, mais sans l’analyser. Chaque partie du texte doit faire l’objet d’une étude qui part de la dénotation pour expliquer la connotation. Il ne suffit pas de dire, par exemple, que le manoir fait peur ou que la famille est cruelle, mais il faut le démontrer puis expliquer ce que cela implique sur le sens du texte. L’absence totale de citations du texte pour confirmer une idée. De même on ne peut substituer un commentaire par le catalogue de trop nombreuses citations assorties du numéro de la ligne sans aucune analyse lexicale, syntaxique ou stylistique. Les citations doivent être choisies avec soin pour illustrer et justifier une idée que l’on vient de développer.

La fragmentation des idées en une suite décousue sans transition et surtout sans suivre un axe de lecture bien défini. L’annonce d’un plan de commentaire en introduction devra être suivi pour aboutir à une sorte de démonstration.

En ce qui concerne la correction de la langue italienne, le jury attend de la part d’un futur professeur certifié d’italien la plus grande vigilance pour l’orthographe, la précision du vocabulaire employé, l’exactitude des formes verbales conjuguées, la construction des phrases et l’utilisation de la ponctuation.

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Proposition de commentaire Tommaso Landolfi publia La pietra lunare en 1939, au début de sa carrière littéraire. Le roman, au sous-titre balzacien ironique « Scènes de la vie de province », représente un petit monde provincial, celui d’une petite ville nommée par l’initiale P., en réalité Pico, ville natale de l’auteur. La représentation de ce monde provincial se déforme progressivement au cours de chapitres pour aboutir à la révélation d’un univers de magie et de mystère. Les protagonistes de l’histoire sont le jeune Giovancarlo, qui revient dans sa famille à P., et une jeune fille appelée Gurù, qui fascine le jeune homme. Gurù fait basculer le roman dans le fantastique car elle possède des pattes de chèvre, c’est une créature mi femme mi chèvre qui emmènera Giovancarlo, amoureux d’elle, dans un univers à la fois mythique et terrible, entre violence et cauchemar, dans les entrailles de la terre. L’alternance entre la réalité sombre et étriquée de la petite ville, et les invraisemblances splendides de l’imaginaire permet d’esquisser une dimension onirique durant les premiers chapitres du livre, tandis qu’au chapitre VI le lecteur entre dans l’atmosphère du rêve et du fantastique. La création de tonalités contradictoires par le changement de registre, dans l’évocation de la ville de P. et des deux protagonistes du roman, prépare donc le lecteur à une fuite vers le visionnaire. Dans le texte qui fait l’objet du commentaire, tiré du chapitre II, on assiste au conditionnement du lecteur à travers le passage de l’évocation historique à la légende terrible pour aboutir à un début de tonalité fantastique. Le texte débute par la description d’un édifice historique de la ville où se déroule le roman, puis l’on raconte l’histoire de la famille qui y demeura. Le style insiste sur les détails parfois horribles ou mystérieux de façon à installer le discours dans une tonalité différente de celle de la simple chronique historique. L’histoire du manoir et de sa famille est présentée comme la déformation de la réalité par le biais des croyances populaires ou des récits plus ou moins fiables de prétendus « narrateurs ». De plus, plusieurs détails permettent d’entrevoir derrière la légende le fantastique, par la férocité et l’horreur. L’analyse de l’extrait suivra les trois moments du mouvement du texte, en circulant entre histoire, légende et fantastique. De la description du manoir (premier paragraphe) l’on passe à l’évocation de la famille qui y vécut, dans une époque mal précisée (lignes 12-21). Suivent trois exemples de la férocité de cette famille, avec des récits terribles qui se concluent cependant sur le retour inattendu à la réalité de la petite ville. La description du manoir commence comme un guide touristique, en insistant sur les aspects visuels extérieurs de l’édifice (« ciascuno può ancora vedere »), sur la topographie (« nella parte più alta…ai piedi delle rovine »), mais aussi sur l’origine historique du nom de la place où il se trouve. Le mot « Carbonaro » fait référence au Risorgimento, à la première moitié du XIXe siècle, et l’adverbe « precisamente » indique aussi l’exactitude de la description. La situation actuelle du manoir, à peine visible entre deux édifices, semble indiquer qu’il s’agit d’une véritable ruine, au milieu d’autres ruines (le château et les anciennes prisons). Mais aussitôt les précisions d’ordre historique sont effacées par l’indétermination, l’imprécision, parce que les carbonari dont on parle deviennent « supposti patrioti », peut-être inventés par l’imagination populaire, l’allusion à la période historique du Risorgimento est réduite à l’expression générique « nei tempi passati », peu adaptée à la rigueur d’un guide mais propice à alimenter l’imagination autour de l’édifice. Cette oscillation entre histoire et imprécision qui tient souvent de la légende sera justement l’une des caractéristiques du texte. La longue première phrase du premier paragraphe, riche d’incises, déplace rapidement la rigueur de la description historique vers la description fortement connotée d’un manoir presque fabuleux qui a perdu de sa superbe avec le temps (car il se trouve « in disparte » et n’est plus qu’une ruine). On observe en effet beaucoup d’adjectifs qui rendent la silhouette du palais presque humaine, ou du moins vivante. La description ne se contente plus d’évoquer une architecture en ruine mais une figure du passé (« rannuvolato…rincagnato). Les outrages du temps ont touché le palais désormais abandonné (« porta senza battenti ») mais sa vue suscite toujours la terreur parce qu’il est encore plus terrifiant en ruine.

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Landolfi transforme l’édifice en une créature qui effraie. L’imagination des habitants de la petite ville et l’accumulation de récits depuis des siècles font croire que le palais est hanté, si bien que son pouvoir de fascination en est renforcé. La peur provoquée par le seul fait de passer devant son portail s’explique aussi bien par l’aspect peu avenant entre ruine et obscurité (« aggrondato, minaccioso, vano cupo ») que par la mémoire tragique qui l’habite, portée par la rumeur et par le temps, donc hors de toute « rationalité » d’ordre historique. D’ailleurs, l’allusion à la peur des gens qui passent devant sa façade est répétée à la ligne 17, avec une référence à l’arrogance de ses seigneurs. L’atmosphère devient peu à peu fabuleuse comme dans un roman gothique anglais, car les éléments de connotation s’accumulent : la noirceur au sens propre comme au sens figuré, l’obscurité intrigante, l’impression de frisson dans le dos. La phrase au conditionnel (ligne 6) évoque la tonalité des légendes noires puisqu’il ne s’agit plus du simple aspect extérieur du manoir mais de l’insaisissable sensation de peur qu’il provoque, une sensation volontairement renforcée par l’auteur quand il choisit de rendre l’édifice vivant et « eterno ». La personnification du manoir doit être analysée en même temps que celle d’un autre édifice, le château. Il domine la ville malgré son état de ruine et il est décrit comme un vieillard fier et digne, du haut de son promontoire naturel (on remarquera les mots « incuranti, fronte, occhio »). Le château et le manoir sont présentés comme des rivaux ; le premier exprime la grandeur seigneuriale tandis que le second semble regretter avec amertume et rancœur des temps plus glorieux. Deux personnes qui se confrontent, deux restes de l’histoire passée, avec des sentiments humains, ou plutôt d’ordre animal, car le manoir annonce la férocité du paragraphe suivant lorsqu’il est comparé à un chien prêt à mordre, une impression confirmée par l’adjectif « minaccioso » dans la description du portail. La contradiction entre l’état de l’édifice et le pouvoir de fascination et de terreur qu’il suscite encore permet de pénétrer dans la tonalité fantastique car l’auteur personnifie son manoir. Cette description annonce l’histoire des seigneurs terribles qui peuplèrent ces murs. Le second paragraphe nous conduit dans le passé du manoir lorsqu’une famille noble y faisait régner la terreur (« feroci fratelli »). Dans un premier temps la dimension historique initiale (à savoir le déclin de la famille jusqu’à son extinction) est déformée par la légende, car une grande partie des anecdotes sur cette famille semblent être le fruit de récits ancestraux rapportés par l’imagination populaire, et par conséquent fortement exagérés. Comme pour la description de l’édifice, dont le seul aspect suffisait à éveiller la peur, le souvenir de ses résidants provoque le même effet. On observe cependant que les récits sur la férocité de la famille ne proviennent pas d’une source historique mais de la mémoire des habitants du bourg. Landolfi pousse l’évocation de la cruauté des récits parce qu’il les fonde sur les histoires transmises depuis des siècles par des « narrateurs » qui eux-mêmes ont dû reprendre les souvenirs plus ou moins flous de « numerose persone ». L’évocation de la peur des gens qui passaient jadis devant le manoir commence par une expression étrangère à la chronique historique : « Pare sia stato un tempo che … ». Cette expression rappelle plutôt les incipit de légendes, car elle se rapproche du fameux « il était une fois ». Le récit est le résultat d’une série de souvenirs lointains, et l’extrême cruauté des détails vient sans doute de la déformation populaire. Les éléments historiques sur la famille du manoir sont repris dans une tonalité fortement marquée par la légende noire. La peur, préparée par la silhouette de l’édifice et sa personnification, se retrouve dans l’évocation de l’arrogance de la famille. Il s’agit d’une famille cruelle et violente capable d’intimider aussi bien les humbles que les seigneurs du bourg, comme la célèbre figure manzonienne de l’Innominato, dans I promessi sposi, lui aussi extraordinairement féroce et arrogant. La précision sur les abus de pouvoir subis par les étrangers à cette famille sera d’ailleurs reprise plus loin (ligne 17, « marrano o gentiluomo che fosse »). La répétition concerne aussi le fameux portail, déjà décrit au premier paragraphe, élément essentiel de l’aspect menaçant et dissuasif du palais. L’imprécision dans l’explication de l’origine du pouvoir de la famille du manoir montre encore une fois que le récit laisse l’histoire véritable pour l’incertitude de la légende, ce qui compte est moins la façon dont elle a obtenu ce pouvoir que le caractère extraordinaire de celui-ci. A travers un lexique habituel des légendes noires, l’auteur parvient à impressionner le lecteur : « triste fama, nefandezze,

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impunità, esose vessazioni, feroci, vendetta ». Par ailleurs, le déplacement vers la légende et la tonalité gothique est confirmée par le détail, presque ironique car fortement connoté, des « volets fermés » et des « étroites fenêtres » rappelant une forteresse médiévale où se dérouleraient on ne sait quel crime. Même si le texte ne fournit aucun élément historique précis sur le nom de la famille et sur l’époque de sa grandeur, le lecteur entre indirectement dans son intimité à travers ces fenêtres mi-closes qui servent à épier la rue. L’exagération dans l’évocation de la cruauté de cette famille permet enfin d’esquisser une figure du mal. L’incarnation du mal se développe durant trois récits anecdotiques qui servent d’exemples terrifiants. A la ligne 21 commence le récit détaillé des plusieurs « crimes » dignes d’une légende. On remarque que, comme dans le premier paragraphe, la charge terrifiante continue à avoir des implications concrètes sur le présent car la vie (et l’espace urbain, à la fin du texte) de la petite ville est conditionnée par le souvenir d’une cruelle histoire. Les lieux de la ville témoignent de l’histoire de cette famille (le pont, l’aqueduc, les pavés). En outre, l’adverbe « tuttora » (l.23) qui renforce l’espression « ancor oggi » (l.21) rend actuelle la présence implicite et abstraite de la famille, étant donné que le présent reçoit l’écho de ses crimes lointains. Le récit du pauvre pêcheur constitue à lui tout seul un moment autonome du texte, car il sert à expliquer l’origine du crime et ses conséquences. C’est un excursus dans l’évocation du manoir et de ses habitants. La mort du pauvre homme fut un acte terrible et cruel, dont la seule justification semble être l’arrogance des membres de la famille du manoir, appelés « tiranelli », ce qui montre à la fois leur pouvoir de nuisance sur les faibles et aussi les limites de ce pouvoir, au sein du bourg et de la proche région, mais pas au-delà. Le récit du crime débute sur le ton fantastique proprement dit car l’on entre dans le monde des fantômes, des esprits qui errent en proie à une malédiction (« l’anima in pena »). La longue phrase d’explication (« a causa del fatto che… ») introduit des éléments macabres : la nuit, la condamnation éternelle, la violence du crime. Le récit de la punition du pêcheur reste toutefois hors de la dimension historique par le filtre du souvenir rapporté par les anciens (« narratori…come s’è detto »). On poursuit l’évocation de l’horreur du manoir avec l’impossibilité de la dater (« un giorno…nei tempi più tardi »), ce qui augmente l’aspect sinistre et légendaire. Cette fois-ci il s’agit d’un banquet de noces qui devient une orgie. La syntaxe connote ironiquement la description du banquet car la postposition de « cani e donne » (l.31) montre à quel point l’auteur déforme son histoire pour créer un climat fabuleux dans lequel les hommes de la famille se servent des animaux et des femmes, tandis que la condition sacrificielle de la pauvre épouse est renforcée par l’utilisation du point virgule qui l’isole du reste de l’assemblée, telle une innocente offerte à la cruauté de la famille (avec une allusion peut-être à l’histoire de Barbe Bleue qui tue ses épouses, et dont la dernière, pâle comme la mort, découvre les tristes méfaits ?) L’opposition artificielle entre l’innocence des femmes et de l’épouse d’une part, et la cruauté des hommes et des chiens d’autre part, installe le récit dans la dimension de la légende. Les détails extrêmes de l’orgie permettent de transformer la terreur du début en ironie. L’accumulation d’éléments connotés brosse un tableau irréel : la position précise du crucifix, l’ivresse dangereuse des hommes, la sensibilité heurtée des femmes, l’utilisation blasphématoire des restes du repas, la participation des chiens féroces (qui rappellent justement le « mastino » de la ligne 10). Si le banquet de noces indique la férocité exacerbée des hommes, le dernier récit du texte évoque par contre la haine féminine. La répétition de l’incertitude relative au pouvoir de la famille (« non si sa per quale motivo » qui reprend « non si sa bene con quali mezzi ») indique une fois de plus l’abandon de l’histoire des chroniques pour la légende et l’imagination. Dans chacun des trois récits il y a une victime, le pêcheur assassiné, l’épouse mortifiée, et cette fois-ci un jeune homme « noble et honnête ». Trois figures innocentes face à l’incarnation du mal. Dans cette dernière partie du texte ce n’est plus la cruauté qui préside au souvenir mais la vengeance et la jalousie d’une femme repoussée par un jeune homme. Dans la représentation du crime confié à un sicaire (qui nous rappelle encore une fois I promessi sposi avec ses « bravi »), l’auteur introduit avec ironie une image sentimentale et romantique, celle de l’amant au balcon qui observe les étoiles. L’horreur du crime qui se prépare est donc renforcée par cette tonalité lyrique

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inattendue après tant de férocité, en effet le sicaire attend le moment de plus grand sentimentalisme pour tirer. Le crime n’a pas réussi et il permet enfin un retour à l’évocation de la ville de P., de son histoire monumentale. On quitte les faits quasi légendaires de la famille du manoir pour revenir dans la description de la ville, comme au début du texte. Le lien est établi entre des édifices authentiques et les méfaits de la famille. Le mouvement du texte qui partait de l’histoire pour aboutir au fantastique (à savoir de l’architecture du manoir au fantôme du pêcheur) revient dans la dernière phrase sur l’histoire. Les différents changements de registre préparent le lecteur à l’onirisme des prochains chapitres du roman. Si l’évocation de ce manoir et de ses habitants débute par le souvenir d’une puissance désormais disparue, la quantité de détails apporte une connotation particulière, comme si l’histoire glissait vers la légende, dans une fuite subtile du réel pour créer une atmosphère d’horreur et de fascination pour le mal. Landolfi s’amuse à mélanger les références avec une grande liberté d’invention. Les changements de tonalité servent à transfigurer certains éléments d’un réalisme cru en une atmosphère d’invraisemblance ironique. Yannick GOUCHAN

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ÉPREUVE ÉCRITE D’ADMISSIBILITÉ

RAPPORT SUR LA TRADUCTION

Della famiglia, in seguito caduta in basso stato e quindi estinta, che abitò un tempo il palazzotto, i vecchi ne raccontano ancora d’ogni sorta. Bastava allora il suo solo nome a gettare il terrore fra la povera gente come fra gli altri signori del paese ; così triste fama essa s’era procacciata colle sue nefandezze e abusando d’una potenza, non si sa bene con quali mezzi raggiunta, che le garantiva l’impunità per le più esose vessazioni. Pare sia stato un tempo che nessuno, marrano o gentiluomo che fosse, poteva passare davanti al piccolo maniero e a quel loro portone senza scoprirsi un buon tratto prima e restare scoperto un buon tratto dopo ; alle strette finestre nessuno era in vista, ma qualcuno dei feroci fratelli vigilava sempre dietro le imposte chiuse e la sua vendetta colpiva poi infallibilmente chi avesse osato ostentare velleità d’indipendenza. Fra i loro delitti il più esecrato è ancor oggi quello perpetrato nella persona di un povero pescivendolo, a causa del fatto che l’anima in pena di lui s’aggira tuttora quasi ogni notte sul luogo della sua morte senza sacramenti, come, secondo i narratori, possono testimoniare numerose persone. Costui, che veniva settimanalmente da un paese della costa, aveva ricevuto da quei tiranelli l’ordine preciso di depositare ogni volta a mo’ di tributo, sotto un ponticello detto oggi appunto del Pescivendolo, una spasa del miglior pesce, donde poi un servo la ritirava. Un giorno il malavvisato trasgredì l’ordine e perì, come s’è detto, di mala morte. 1) Traduction proposée Sur la famille, tombée ensuite dans la déchéance, et finalement éteinte, qui habita autrefois la demeure, les vieillards en racontent encore de toute sorte. Son seul nom suffisait alors à semer la terreur parmi les pauvres gens comme parmi les autres seigneurs du village ; elle s’était acquis une si triste réputation par ses infamies et en abusant d’une puissance obtenue on ne sait trop par quels moyens, qu’elle lui assurait l’impunité pour ses exactions les plus odieuses. C’était une époque, semble-t-il, où aucun homme, qu’il fût maraud ou gentilhomme, ne pouvait passer, devant le petit manoir et devant leur portail, sans se découvrir bien avant et rester découvert bien après. Aux étroites fenêtres, personne n’était visible, mais l’un des frères féroces montait toujours la garde derrière les volets fermés, et sa vengeance frappait ensuite sans faillir quiconque aurait osé manifester des velléités d’indépendance. Parmi leurs crimes, le plus exécré est, encore aujourd’hui, celui qui fut perpétré sur la personne d’un pauvre marchand de poisson, du fait que son âme en peine erre, encore à présent, presque chaque nuit, sur le lieu où il mourut sans sacrements, comme, à ce que l’on raconte, peuvent en témoigner de nombreuses personnes. L’homme, qui venait chaque semaine d’un village de la côte, avait reçu de ces tyranneaux l’ordre précis de déposer, chaque fois, en guise de tribut, un panier de son meilleur poisson, sous un petit pont appelé justement aujourd’hui ‘Pont du marchand de poisson’, où un serviteur venait ensuite le retirer. Un jour, mal avisé, il enfreignit l’ordre et périt, comme on l’a dit, de male mort.

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2) Brève synthèse des problèmes rencontrés pour cette traduction

Toute traduction étant un double exercice de compréhension d’un texte et de mise en forme linguistique, nous examinerons, d’une part, les difficultés liées à la compréhension de la langue italienne et d’autre part, les problèmes de mise en français.

1) Compréhension Sur le plan de la signification, le jury a relevé de très nombreux contresens, le plus souvent

dus à une connaissance insuffisante de la langue italienne. Ainsi, l’adverbe quindi possède deux significations : au sens moderne, il signifie « donc » mais il existe une acception plus ancienne du mot qui est « ensuite » ; si bien que traduire e quindi estinta par « et donc éteinte » est un contresens (une faute de signification qui affecte le sens d’une phrase entière ou d’un segment de phrase entier, alors qu’un faux-sens n’affecte que la signification d’un mot) parce que l’extinction de la famille est vue dans ce cas comme une conséquence de sa déchéance. De même l’ignorance du verbe procacciarsi (« se procurer » mais ici « acquérir ») a conduit de nombreux candidats à une incompréhension de la phrase entière quand ils ont traduit ce verbe par « se propager » ou « se répandre » au lieu de « acquérir ».

Le manque de rigueur fait commettre à beaucoup de candidats de très graves contresens. Il semble que de nombreux candidats n’observent pas assez le texte avant de le traduire. Ainsi, dans le segment una potenza non si sa bene con quali mezzi raggiunta, le participe passé raggiunta ne pouvait se rapporter – c’est une évidence qui a échappé à plusieurs – qu’à un mot féminin singulier, et donc absolument pas au nom commun mezzi qui est au masculin pluriel. Il ne pouvait donc être relié qu’à potenza. De même, traduire così triste fama essa s’era procacciata par « une si triste réputation s’était répandue » revient à ignorer la présence du pronom personnel essa, qui ne peut être que sujet, et qui est donc obligatoirement le sujet du verbe s’era procacciata, au lieu de così triste fama qui en est le complément d’objet direct, que l’auteur place en début de phrase pour le mettre en relief. L’ignorance du verbe perpetrare et de son frère français « perpétrer » (équivalent littéraire de « commettre ») a conduit à l’incohérent « perpétuer » (perpetuare existe aussi en italien) qui signifie « faire durer très longtemps » (« continuer » ou « immortaliser ») ; de même que s’aggira a été fréquemment traduit par « tourne », non moins incohérent. La méconnaissance des différences de ponctuation entre l’italien et le français et l’analyse approximative du texte source ont pu conduire certains candidats à traduire Fra i loro delitti il più esecrato è ancora oggi quello perpetrato nella persona (…) par « Parmi leurs crimes les plus exécrés, il y a encore aujourd’hui celui (…) ». Dans ce cas, les candidats n’ont pas vu (ou ont minimisé) la différence de terminaisons entre le masculin singulier esecrato et le masculin pluriel delitti, si bien qu’ils se sont trouvés dans l’incapacité de repérer le sujet du verbe principal essere, « è », sujet qui était évidemment il più esecrato. Cela les a obligés, pour la cohérence de leur mise en français erronée, à traduire è par « il y a » (« il y a », en italien, c’est c’è ou ci sono…), ce qui démontre soit une méconnaissance des structures les plus élémentaires de la langue italienne, soit, au mieux, des négligences dans l’observation de la phrase. 2) Mise en français

Le jury a été quelque peu alarmé, cette année, par la mauvaise qualité de la langue française dans un certain nombre de copies. Certes, la mission d’un professeur de langue italienne n’est pas d’enseigner le français ; cependant le jury reste persuadé qu’il est inacceptable qu’un professeur incapable de corriger le français de ses élèves, prétende leur enseigner une autre langue latine tout aussi difficile. Nous reconnaissons que des fautes d’accord entre le verbe et le sujet (telles que « les vieux raconte » au lieu de « les vieux racontent ») peuvent être dues à une étourderie. Dans ce cas, nous conseillons vigoureusement aux candidats de calculer leur temps de façon à conserver un bon quart d’heure à la fin de l’épreuve pour procéder à plusieurs ‘relectures’ ciblées : une pour les accords des verbes, une deuxième pour les articles, une troisième pour les prépositions, une quatrième pour la syntaxe, etc.

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Une autre faute très fréquente est la traduction littérale de l’italien « quello perpetrato » en « celui perpétré ». Le jury reconnaît que cette faute est extrêmement répandue dans le français contemporain (journaux, médias etc.). Ce n’en est pas moins une incorrection, car on ne peut, en français, accompagner un pronom (le démonstratif « celui » en est un) ni par un participe passé, ni par un adjectif. La seule construction correcte est donc le pronom suivi d’une relative : « celui qui fut perpétré ».

D’autres incorrections sont dues à une connaissance uniquement orale du français. C’est le

cas de « fut un temps », tournure fréquemment utilisée dans la langue parlée, au lieu de « il fut un temps », seule expression correcte à l’écrit.

Le vocabulaire français n’est pas toujours mieux maîtrisé dans certaines copies. Ainsi on a

trouvé de nombreux barbarismes (le barbarisme est une tournure inexistante dans la langue d’arrivée) lexicaux tels que « extinte » pour « éteinte », « s’extinguer » pour « s’éteindre », « marayeur » pour traduire marrano, « ostenter » pour ostentare (« manifester, afficher ») ou encore des non-sens : « tribu » pour tributo (« tribut »), ou « servant » pour servo (« serviteur »).

Il nous faut aussi déplorer la méconnaissance de la conjugaison française. En effet, quelle est

la crédibilité d’un professeur qui exige de ses élèves d’apprendre par coeur la conjugaison italienne, si son ignorance de celle du français est évidente ? Ainsi certains candidats (trop nombreux) ont traduit « personne ne pouvais » au lieu de « personne ne pouvait », « son âme en peine ère » au lieu de « son âme en peine erre », ou encore ont confondu le présent du verbe enfreindre « enfreint », avec son passé simple « enfreignit ».

3) Commentaire détaillé de la traduction Della famiglia in seguito caduta in basso stato e quindi estinta, Sur la famille (1), tombée ensuite dans la déchéance (2) et finalement (3) éteinte, che abitò un tempo il palazzotto, i vecchi ne raccontano ancora d’ogni sorta. qui habita autrefois (4) la demeure (5), les vieillards en racontent encore de toute sorte (1). 1) Construction : « Della famiglia (…) i vecchi ne raccontano ancora d’ogni sorta »

- La construction de cette phrase, qui s’apparente davantage à la langue parlée qu’à la langue écrite, conformément à l’oralité de la légende, a été souvent transformée par les candidats :

- « La famille fait encore l’objet de toutes sortes d’histoires » : ici les narrateurs âgés disparaissent du texte, ce qui trahit la dimension de la légende transmise de génération en génération.

- « Les vieux en disent encore de toutes les couleurs sur la famille » : ici le traducteur n’a pas respecté la dimension orale de l’ordre de la phrase italienne, qui place le complément « de la famille » en première position, afin de lui conférer un relief particulier. Les expressions « les vieux » ou « les anciens », quoique légèrement familières, ont été acceptées ici, étant donné le contexte de l’oralité déjà évoqué. A tout prendre, on préfèrerait toutefois « les anciens » qui dénote un sentiment de déférence absent de « les vieux », quelque peu péjoratif en français, contrairement à « i vecchi » en italien. - Une grande majorité de candidats n’ont pas compris que « Della famiglia » dépendait du verbe « raccontano », ce qui les a conduits à des contresens sur l’ensemble de la phrase. - Remarquons aussi l’inexactitude de la traduction « en raconter de toutes les couleurs » qui apparaît comme une sur-traduction de « ne raccontano d’ogni sorta », expression plus neutre.

2) « in seguito caduta in basso stato » La traduction « tombée ensuite dans la déchéance » permet de conserver l’image de la chute suggérée par le participe caduta, alors que « ensuite déchue », qui est exact sur le plan du sens, affaiblit la signification d’ensemble de ce segment.

3) « e quindi estinta » Ce groupe a donné lieu à un contresens pour tous les candidats qui ignoraient la signification temporelle de quindi (« ensuite ») qui n’a pas toujours la valeur consécutive de « donc ».

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L’extinction de la famille ne doit pas être considérée, en effet, comme une conséquence de sa déchéance, mais comme un fait qui suit chronologiquement cette dernière.

4) « un tempo » La méconnaissance de la traduction de un tempo par « autrefois » met en péril la cohérence de la phrase, car la traduction littérale « un temps » (signifiant « à une période donnée »), qui est un faux-sens, modifie en outre la signification italienne du passato remoto qui, comme son nom l’indique, désigne une période éloignée.

5) « il palazzotto » Ici, un lecteur italien reconnaissait sans peine l’expression utilisée par Manzoni dans I promessi sposi pour désigner le sombre château de don Rodrigo, dont l’image suffit à effrayer Lucia au moment où elle s’enfuit sur le lac de Côme. Même en l’absence de cette référence culturelle, le suffixe « -otto », plutôt diminutif qu’augmentatif, semble indiquer ici le caractère peu accueillant et légèrement inquiétant de l’édifice. « Palais » est trop luxueux et « hôtel particulier » n’est guère défendable dans le contexte d’un village. Ne parlons pas des non-sens tels que « palace » ou « immeuble ». Une bonne traduction aurait pu être « manoir », mais elle ne permettait plus d’établir la nuance qui figure dans le texte entre « palazzotto » e « maniero » (« manoir », voir plus bas la note n° 20), si bien que la traduction « demeure » s’imposait quasiment comme la seule possible.

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Bastava allora il suo solo nome a gettare il terrore fra la povera gente Son seul nom suffisait alors (6) à semer la terreur parmi les pauvres gens (7) come fra gli altri signori del paese ; comme parmi les autres seigneurs du village (8) ; 6) « Bastava allora il suo solo nome »

- La construction italienne avec le nom comme sujet du verbe « bastare » se traduit tout naturellement en français en reprenant l’ordre habituel de la phrase (sujet suivi du verbe). Ainsi, une construction telle que « Il suffisait de son nom » est erronée. Car la tournure impersonnelle « il suffit » n’est possible en français que lorsque le verbe « suffire » est suivi d’une proposition subordonnée (infinitive : « il suffit de faire vite », ou complétive « il suffit que tu fasses vite ») à moins de recourir à une construction plus complexe (« Il suffisait de son seul nom pour que règne la terreur ») qu’il convient d’éviter puisqu’elle alourdit inutilement le texte. - « il suo solo nome » ne peut se traduire que par « son nom seul » ou « son seul nom ». La traduction « Seul son nom suffisait à répandre la terreur » n’est pas acceptable, car elle comporte une restriction qui n’existe pas dans le texte italien ; en effet, elle tend à signifier que le nom de cette famille répand la terreur, à l’exclusion des noms de toutes les autres familles. Ce n’est pas ce que dit le texte italien, qui compare plutôt le nom à la présence d’un membre de la famille, suggérant que son nom fait peur indépendamment de sa présence.

7) « fra la povera gente » - La fréquence d’une faute d’orthographe sur un mot aussi courant que « parmi » a inquiété le jury d’autant plus qu’on la trouve dans des copies dont les auteurs sont presque certainement francophones. - « povera gente » a donné lieu à des barbarismes dont on espère qu’ils sont plutôt le fait d’italophones que de francophones ; toutefois, quels qu’en soient les auteurs, de telles fautes sont inacceptables dans des copies d’enseignants à quelque niveau que ce soit.

8) «fra gli altri signori del paese » - Le mot « signori », malgré sa simplicité apparente, est souvent difficile à traduire en raison de sa polysémie. Ici il fallait songer, d’une part, que l’oralité du texte en fait un élément d’opposition à « povera gente ». D’autre part, « l’archibugio », seul élément permettant de dater le texte, apparaît vers le milieu du quinzième siècle, si bien que le contexte évoque une époque reculée, où la société fonctionnait selon un schéma encore féodal, qui impliquait le contraste entre deux classes sociales extrêmes : les « seigneurs » et « les pauvres gens ». - Cependant il était important de ne pas omettre l’adjectif « altri » grâce auquel le système des oppositions est nuancé, car il permet, en plus, d’opposer cette famille noble aux « autres » familles nobles du pays, qui la craignent aussi bien que « les pauvres gens ».

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- « paese » semble ici se référer à un village, mais l’indétermination du texte, élément voulu par l’auteur pour autoriser la rêverie effrayante du fantastique, permet aussi que l’on admette d’autres acceptions du terme.

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così triste fama essa s’era procacciata colle sue nefandezze e abusando elle s’était acquis (9) une si triste réputation (10), par ses infamies (11) et en abusant d’una potenza, non si sa bene con quali mezzi raggiunta, d’une puissance obtenue on ne sait trop par quels moyens (12), che le garantiva l’impunità qu’elle lui assurait l’impunité per le più esose vessazioni. Pour ses exactions (13) les plus odieuses (14). 9) Construction : « così triste fama essa s’era procacciata colle sue nefandezze e abusando(…) »

- Ici l’incompréhension de la construction de cette phrase a donné lieu à de graves contresens. Le pronom sujet « essa », qui est mis pour « famiglia », et l’accord de « procacciata » avec ce sujet féminin singulier auraient dû orienter les candidats. Si « essa » est sujet, en effet, « così triste fama » ne peut être que le complément d’objet direct du verbe « procacciarsi ». La position de ce complément, situé au début de la phrase, permet à l’auteur de le mettre en relief et également d’assurer un lien sémantique avec la phrase précédente. - A cette structure, s’ajoutent le complément de moyen « colle sue nefandezze » et le complément de manière « abusando d’una potenza non si sa bene con quale mezzi raggiunta che le garantiva l’impunità per le più esose vessazioni ». - Dans ce dernier segment, la proposition subordonnée introduite par « che » doit être comprise comme une consécutive reliée à « così ». Mais « che » pouvait aussi se comprendre comme un pronom relatif ayant pour antécédent « potenza » et introduisant une proposition subordonnée relative, dont la fonction était de préciser le nom « potenza ». Le jury a accepté l’une et l’autre traduction, à condition que la phrase soit cohérente.

10) « così triste fama essa s’era procacciata » - En français, l’accord se pratique avec le pronom réfléchi « se » ou « s’ », lorsque celui-ci a la fonction de complément d’objet direct :

- elle s’était lavée (« s’ » est mis pour « elle » ; qui a-t-elle lavé ? elle-même). - elle s’était lavé les mains (Qu’a-t-elle lavé ? ses mains).

Dans le second cas, le complément d’objet direct est « les mains », par conséquent, il n’y a pas d’accord avec « s’ ». Dans le texte qui nous occupe, le cas est identique, car le complément d’objet direct est « une si triste réputation », d’où l’accord « elle s’était acquis ». - Outre le problème de construction évoqué plus haut, la méconnaissance du verbe « procacciarsi » (« se procurer ») a donné lieu à de nombreux contresens dans la traduction de cette phrase. - L’ignorance du mot fama, parfois traduit par « faim », paraît très difficilement admissible à ce niveau.

11) « nefandezze » Etymologiquement le mot « nefandezza » vient de l’adjectif « nefando » et du latin « nefandus » qui qualifie des actions qui ne peuvent être dites, et qui sont donc au-delà de la parole en raison de l’horreur qu’elles inspirent ; cependant l’adjectif latin signifiait déjà « criminel, impie ». En raison de la rareté relative de l’emploi de ce vocable italien, il a paru juste de trouver également en français un terme relativement peu employé, qui pour cette raison souligne implicitement le caractère exceptionnel des actions évoquées. En outre, en l’absence d’un mot français rendant exactement toutes ces nuances, on pouvait accepter plusieurs traductions : « infamies », « scélératesses », « turpitudes », « ignominies », « forfaits » et « méfaits ». En revanche, « outrages », « offenses », « tricheries » et « actions » ont été considérés comme des faux-sens sortant du champ sémantique, tandis que les euphémismes « mauvaises actions » et « méchancetés » ont été comptés comme des sous-traductions (traductions considérées comme atténuées par rapport au sens du mot).

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12) « non si sa bene con quali mezzi raggiunta » - Ici l’inattention au texte a conduit des candidats à rapporter le participe passé féminin singulier « raggiunta » au masculin pluriel « mezzi », au mépris de toute logique. - Il est arrivé que ce segment soit traduit par « on ne sait pas bien par quels moyens elle l’avait atteinte », placé entre virgules, c’est-à-dire sans que le lien entre le participe passé « raggiunta » et un nom féminin singulier soit exprimé. Qu’il s’agisse d’une stratégie d’évitement ou d’une ignorance réelle du lien qui relie ce segment à l’ensemble de la phrase, cela ne peut être accepté parce que cela modifie profondément la construction de la phrase italienne, qui doit, au contraire, être reprise au plus précis dans la traduction française. D’une façon générale, le jury a sanctionné les traductions qui n’ont pas respecté la construction de la phrase italienne et qui pour cette raison ont modifié le sens de l’énoncé.

13) « vessazioni » En français, en raison de la banalisation du sens du verbe « vexer », qui met l’accent plutôt sur l’exagération de l’offense de la part de l’offensé que sur la gravité de l’offense elle-même, le mot « vexation », qui revient très fréquemment sous la plume des candidats, apparaît comme une traduction très atténuée sémantiquement de l’italien « vessazioni ». Nous croyons donc qu’il faut lui préférer des traductions plus dénotatives telles qu’« exactions ».

14) « le più esose » - L’absence de la répétition de l’article défini après le nom dans ce cas du superlatif (la traduction correcte est « les exactions les plus odieuses ») dénotait chez certains candidats la méconnaissance d’une structure idiomatique typiquement française, qui ne peut être tolérée chez un professeur d’italien. Car même s’il n’enseigne pas le français, il doit absolument être conscient des différences entre nos deux langues, justement parce qu’elles sont très proches, ne serait-ce que pour mesurer les difficultés spécifiques des élèves français apprenant l’italien. - L’adjectif « esoso » possède plusieurs acceptions ; à propos d’un prix, il peut indiquer qu’il est « excessif », « exorbitant » ; à propos d’une personne, il peut souligner son avidité ou son avarice et se traduire par « cupide » ou « avare » ; enfin, il peut indiquer le caractère « odieux » d’une action ou d’une personne. Ce dernier sens était le seul acceptable ici : beaucoup de candidats, peut-être italophones, ont choisi la seconde acception (« avare ») choix qui, en français, aboutissait à un non-sens, puisqu’il s’agissait d’une action.

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Pare sia stato un tempo che C’était une époque, semble-t-il, où (15) nessuno, marrano o gentiluomo che fosse, poteva passare aucun homme (16), qu’il fût (17) maraud (18) ou gentilhomme, ne (19) pouvait passer davanti al piccolo maniero e a quel loro portone senza scoprirsi devant le petit manoir et devant leur (20) portail sans se découvrir (21) un buon tratto prima e restare scoperto un buon tratto dopo ; bien avant (22) et rester découvert bien après (22). 15) « pare sia stato un tempo che »

- Ici la structure elliptique, « pare sia stato », a gommé le sens réel du verbe essere. En effet, « sia stato » est un temps composé de « è », qui se traduit en français, comme chacun sait, par « c’est » et non par « il y a » (« c’è » en italien). Il en résulte que la traduction « il fut un temps », qui correspond au gallicisme « il y a », peut être considérée comme une inexactitude même si elle ne change pas le sens de la phrase. - On notera le choix d’une incise (« semble-t-il ») qui permet d’alléger la phrase française, sans pour autant modifier le sens. - En français, l’expression du temps se construit volontiers avec le relatif « où » (« l’année où je suis née », « le jour où il est parti »). En italien, d’ailleurs, « in cui » est préférable à « che » qui peut s’expliquer ici par le choix déjà évoqué de l’oralité.

16) « nessuno, marrano o gentiluomo che fosse, poteva passare » « Personne », en français, est un pronom indéfini et ne peut en aucun cas être repris par « il » qui est lui-même un pronom (personnel) et doit remplacer un nom ; par conséquent, pour construire

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cette subordonnée « qu’il fût maraud ou gentilhomme », il faut qu’elle soit précédée par un nom : c’est pourquoi il faut ici traduire par « aucun homme ».

17) « marrano o gentiluomo che fosse » Il fallait absolument traduire « che fosse », même si cela paraissait redondant, ne fût-ce que pour éviter de se voir reprocher une omission (faute la plus coûteuse en points), et parce qu’il était important de conserver le rythme de la phrase de départ.

18) « marrano » Ce mot provient d’un terme arabe qui désignait les « choses interdites » par la religion, c’est-à-dire la viande de porc. Par extension, il a désigné d’abord les israélites, qui pratiquent, comme les musulmans, l’exclusion de cette viande de leur alimentation. Ensuite, le terme est devenu une insulte qui désigne « un uomo spregevole falso e cattivo », que l’on peut donc facilement traduire par « maraud » (« coquin, drôle »).

19) « nessuno (…) poteva passare Certains candidats ont oublié que l’indéfini « aucun » se construisait obligatoirement avec la négation « ne » : en français, cette omission est une grave incorrection. Le cas s’est trouvé aussi avec l’indéfini « personne » employé, selon une traduction erronée (voir plus haut la note n°16), par de nombreux candidats.

20) « davanti al piccolo maniero e a quel loro portone » - Voici l’occurrence de « maniero » que nous avons mentionnée plus haut (voir note n°5). - L’adjectif possessif étant généralement moins employé en italien qu’en français, il est indispensable de le traduire lorsqu’il figure dans l’énoncé, comme c’est le cas dans « a quel loro portone ».

21) « senza scoprirsi (…) e restare scoperto » En français, comme en italien, « se découvrir » signifie « être sans couvre-chef », par conséquent, les traductions du type « se découvrir la tête » sont erronées car redondantes. Ne parlons pas du contresens « être à découvert » qui, avant d’être une expression imagée appliquée au compte en banque, signifie « être sans protection ».

22) « un buon tratto prima (…) e un buon tratto dopo » La traduction « bien avant (…) bien après » a été retenue parce qu’elle rendait de façon concise l’idée de « un buon tratto prima (…) un buon tratto dopo » ; « longtemps avant (…) longtemps après » est une inexactitude sur le sens, dans la mesure où « un buon tratto » indique l’espace plutôt que le temps.

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alle strette finestre nessuno era in vista, aux étroites fenêtres (23), personne n’était visible, (on ne voyait personne)(24) ma qualcuno dei feroci fratelli vigilava sempre dietro le imposte chiuse mais l’un des frères féroces (25) montait toujours la garde derrière (26) les volets fermés, e la sua vendetta colpiva poi infallibilmente et sa vengeance frappait (27) ensuite sans faillir (infailliblement)(28) chi avesse osato ostentare velleità d’indipendenza. Quiconque aurait osé (29) manifester des velléités (quelque velléité)(30) d’indépendance. 23) « Alle strette finestre nessuno era in vista »

Etant donné la suite de la phrase, et surtout l’image des frères qui veillent derrière les volets, il est évident que le regard est ici porté par le narrateur sur les fenêtres, telles que l’on peut les voir de l’extérieur. Donc traduire « alle strette finestre » par « depuis les étroites fenêtres » est un grave contresens parce qu’on ignore ainsi qu’il s’agit du point de vue des victimes potentielles.

24) « nessuno era in vista » Pour rester proche du texte italien, on a choisi « personne n’était visible ». Cependant la traduction « on ne voyait personne », un peu plus éloignée du texte, a été acceptée.

25) « qualcuno dei feroci fratelli » L’adjectif « féroce », comme l’italien « feroce », provient d’un mot latin qui comporte la nuance de l’animalité. C’est pourquoi le jury a préféré cet adjectif « féroce » (malgré la sonorité de « frères féroces »), étant donné que le texte comporte l’idée de zoomorphisme des lieux (dans le premier

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paragraphe, le portail du manoir est comparé à « un mastino ») et d’animalité humaine (le dernier paragraphe évoque « la selvaggia allegria » des frères et de leurs amis).

26) « dietro le imposte chiuse » Le mot « imposte », simple et très courant, a donné lieu à des traductions étonnantes et variées, hors du champ sémantique.

27) « colpiva » Le verbe « colpiva », qui vient de « colpo », devait être traduit par « frappait » ; « s’abattait » a été également accepté ; en revanche, les traductions telles que « touchait » ou « atteignait » ont été considérées comme des euphémismes et comptées comme sous-traductions.

28) « infallibilmente » L’adverbe « infailliblement » existe en français, il a donc été considéré comme juste. Mais le jury a aussi accepté « sans faillir » et « d’une façon infaillible ».

29) « avesse osato » - Mode : Ce subjonctif plus-que-parfait apparaît dans un segment de phrase hypothétique et la nuance syntaxique de l’hypothèse est habituellement rendue en italien par le subjonctif, imparfait ou plus-que-parfait. Dans ce cas, en français, le mode qui rend cette nuance hypothétique ne peut être que le conditionnel. - Temps : Il s’agit d’un conditionnel passé (« aurait osé ») et non pas présent (« oserait »), parce qu’en italien le subjonctif est au plus-que-parfait ; en effet, il indique une hypothèse qui est rejetée dans le passé, l’esquisse d’un geste indépendant de la part de la victime étant chronologiquement antérieur à la vengeance des frères. La traduction « oserait » est donc une erreur sur le temps utilisé, mais non sur le mode ; et la traduction « avait osé », où la faute porte sur le mode et sur le temps, est beaucoup plus grave, puisqu’elle porte sur le temps et sur la syntaxe du verbe.

30) « velleità d’indipendenza » - Ici, il fallait traduire par « des velléités d’indépendance », car le singulier pour « velléité » ne s’emploie pas volontiers en français, et constitue donc une maladresse dans la mise en français. - « velléité » ne signifie pas « acte » ou « tentative » : une fois de plus, le jury a déploré des connaissances imprécises du lexique de la langue française.

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Fra i loro delitti il più esecrato è ancor oggi Parmi leurs crimes, le plus exécré (31) est, encore aujourd’hui, quello perpetrato nella persona di un povero pescivendolo, celui qui fut perpétré (32) sur la personne d’un pauvre marchand de poisson (33), a causa del fatto che l’anima in pena di lui s’aggira du fait (34) que son âme en peine erre (35), tuttora quasi ogni notte sul luogo della sua morte senza sacramenti, encore à présent (37), presque chaque nuit, sur le lieu où il mourut sans sacrements (36), come, secondo i narratori, possono testimoniare numerose persone. Comme, à ce que l’on raconte (37), peuvent en témoigner (38) de nombreuses personnes. 31) « il più esecrato »

- « esecrato », masculin singulier, ne pouvait en aucun cas se rapporter à « delitti », masculin pluriel, comme beaucoup de candidats l’ont cru ; « il più esecrato » ne pouvait donc être que le sujet du verbe principal « è » et il fallait, en français, ajouter une virgule après « crimes ». - « esecrato » ne doit pas être traduit par « exécrable », qui signifie « à exécrer » et se projette ainsi dans un futur ; ici, la haine est le résultat d’un passé.

32) « quello perpetrato » La forme « quello perpetrato » ne peut se traduire littéralement : comme on l’a rappelé précédemment, en français, un pronom ne peut pas être suivi d’un adjectif ou d’un participe passé. Même si cette structure erronée se rencontre très fréquemment aujourd’hui dans les médias, il s’agit d’une incorrection inacceptable sous la plume d’un professeur ; dans ce cas, la seule solution est de faire suivre le pronom d’une relative : « celui qui fut perpétré ».

33) « pescivendolo »

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« Pescivendolo » signifie très exactement « marchand de poisson », mais nous avons accepté la traduction « poissonnier ».

34) « a causa del fatto che » Ici, la traduction littérale ne convient pas bien à la langue française, car la tournure « à cause du fait que » est particulièrement lourde. C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour « du fait que ».

35) « l’anima in pena di lui s’aggira sul luogo (…) » - La traduction par le verbe « errer » de « s’aggira » paraît la plus proche sur le plan du sens et de la construction puisqu’on peut écrire « son âme en peine erre encore sur le lieu (…) ». - On a cependant accepté aussi le verbe « hanter » qui est transitif et se construit donc directement : « son âme en peine hante encore le lieu (…) ».

36) « sul luogo della sua morte senza sacramenti » En français, il est maladroit d’écrire « le lieu de sa mort sans sacrements » parce ce n’est pas la mort qui reçoit les sacrements, mais le mourant. On est donc dans l’obligation de construire une relative faisant fonction de complément du nom commun « lieu » : « sur le lieu où il mourut sans sacrements » ; en effet, dans ce cas, c’est bien le mourant qui est « sans sacrements ».

37) « secondo i narratori » La traduction « selon les narrateurs » est un italianisme, car, en français, le mot « narrateurs » paraît trop technique puisqu’il appartient à la critique littéraire. A la traduction « selon les narrateurs », on a donc préféré « à ce que l’on raconte ».

38) «come possono testimoniare numerose persone » Le verbe « témoigner » ne se construit pas en français comme le verbe « testimoniare ». En français, la construction est indirecte, ce qui signifie que le complément d’objet est introduit par une préposition : on témoigne « de » quelque chose, si bien qu’il faut traduire « comme peuvent en témoigner de nombreuses personnes ».

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Costui, che veniva settimanalmente da un paese della costa, L’homme, qui venait chaque semaine (39) d’un village de la côte (40), aveva ricevuto da quei tiranelli l’ordine preciso di depositare ogni volta avait reçu de ces tyranneaux (41) l’ordre précis de déposer chaque fois (42) a mo’ di tributo, en guise de tribut (43) sotto un ponticello detto oggi appunto del Pescivendolo, una spasa* del miglior pesce, un panier de son (44) meilleur poisson, sous un petit pont appelé justement aujourd’hui ‘Pont du marchand de poisson’ (45) donde poi un servo la ritirava. Où un serviteur venait ensuite le retirer (46). 39) « costui che veniva settimanalmente (…) »

- On pouvait évidemment traduire « costui » par « celui-ci » ou par « ce dernier », et ces traductions, du reste, n’ont pas été pénalisées. Cependant « celui-ci », aussi bien que « ce dernier » doit se rapporter en français à un nom qui n’est pas éloigné dans le texte ; nous avons donc préféré traduire par « l’homme », étant donné l’éloignement matériel de l’expression « un pauvre marchand de poisson ». - « Settimanalmente » n’a pas d’équivalent littéral en français, car s’il existe l’adjectif « hebdomadaire », il n’y a pas d’adverbe de manière formé sur cet adjectif ; on est donc dans l’obligation de traduire par « chaque semaine ».

40) « da un paese della costa » - Ici le nom commun « paese » nous a semblé devoir se traduire par « village », mais étant donné l’indétermination du texte, voulue par l’auteur en raison de la coloration effrayante qu’il désire conférer à ce récit à tonalité fantastique, nous avons accepté d’autres traductions, d’autant plus facilement qu’aucun élément ne nous permettait réellement de trancher.

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- La traduction de « costa » par « littoral » nous a paru trop technique, en ce qu’elle appartient au vocabulaire scientifique de la géographie ; c’est pourquoi nous lui avons préféré « de la côte » ; « côtier » a été accepté avec un peu de réticence, car il transforme un complément de nom du texte original en adjectif dans le texte d’arrivée, ce qui constitue une légère inexactitude.

41) « aveva ricevuto da quei tiranelli » - Il est regrettable qu’au niveau du CAPES des enseignants hésitent encore entre « ces », pronom démonstratif masculin pluriel, et « ses », pronom possessif masculin pluriel, pour traduire « quei » dont ils devraient savoir qu’il s’agit en italien d’un pronom démonstratif, puisque l’ambiguïté entretenue par l’homophonie des deux mots français n’existe pas en italien. Il s’agit là d’un grave solécisme (tournure existant dans la langue d’arrivée, mais employée de façon erronée). Le jury n’a pas manqué de s’interroger sur les capacités pédagogiques des candidats qui ne perçoivent pas cette différence de catégorie grammaticale en français. Car comment pourront-ils expliquer la grammaire d’une langue étrangère s’ils ne la maîtrisent pas en français ? - « tiranelli » se traduit très bien par « tyranneaux » puisque le mot français existe, mais on a accepté aussi « petits tyrans ».

42) « ogni volta » Il n’y a aucune raison de faire précéder « chaque fois » de la préposition « à ».

43) « a mo’ di tributo » - L’expression « a mo’ di » (« en guise de ») était inconnue à une majorité de candidats, ce qui a étonné le jury, s’agissant d’une expression relativement courante. - « Tributo » : Les candidats ont fréquemment confondu les deux termes français « tribu » (il s’agit d’une communauté humaine possédant des liens de parenté) et « tribut » (contribution financière forcée) ; le second mot était évidemment la bonne traduction. Choisir le premier était un grave non-sens.

44) « una spasa del miglior pesce » En italien l’adjectif possessif est moins employé qu’en français ; il convient donc de l’ajouter dans la phrase française dans un certain nombre de cas comme celui-ci.

45) « sotto un ponticello detto oggi appunto del Pescivendolo » - On ne peut ici traduire littéralement, en omettant la répétition du mot « pont », qui est obligatoire en français. C’est là une maladresse dans la mise en français qui a été répétée dans de nombreuses copies. - Les candidats ont fréquemment oublié de traduire le suffixe diminutif en ajoutant l’adjectif « petit » devant « pont ».

46) Construction de la phrase : « aveva ricevuto l’ordine preciso di depositare (…) sotto un ponticello detto oggi appunto del Pescivendolo, una spasa del miglior pesce, donde poi un servo la ritirava »

Si l’on observe la phrase italienne, on constate que la relative « donde poi un servo la ritirava » est éloignée de son antécédent « ponticello detto oggi appunto del Pescivendolo ». Cet éloignement n’est pas très heureux en français : c’est la raison pour laquelle on a préféré modifier l’ordre de la phrase.

°°°

Un giorno il malavvisato Un jour, mal avisé (47), trasgredì l’ordine e perì, come s’è detto, di mala morte […]. il enfreignit (48) l’ordre et périt, comme on l’a dit (49), de male mort (50). 47) « il malavvisato »

La traduction littérale était tout à fait incorrecte en français, langue dans laquelle il n’est pas possible de transformer librement en substantif un participe passé.

48) « trasgredì » - La forme verbale « transgressa » était impropre (une impropriété est une traduction dont la signification est exacte mais non utilisée dans le cas précis), car le verbe français « transgresser » est un terme technique appartenant aux sciences de la psyché (psychologie, psychanalyse, etc). - Les candidats ont souvent eu des problèmes dans la conjugaison du verbe « enfreindre », qui, comme tous les verbes du troisième groupe, est en partie irrégulier. On ne peut que se répéter : où est la crédibilité d’un professeur qui ne maîtrise pas les conjugaisons du français et demande à ses élèves d’apprendre celles d’une langue étrangère ?

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49) « come s’è detto » Ce petit segment a donné lieu à un contresens très répandu dans les copies ; les candidats ont cru qu’il s’agissait d’une allusion aux récits des témoins, similaire à « secondo i narratori ». Ici l’auteur, au moment d’énoncer pour la seconde fois la mort tragique du personnage, rappelle à son lecteur qu’il en a déjà parlé plus haut : il fait donc allusion à son propre texte.

50) « di mala morte » Ici on a accepté, en plus de l’expression littérale « de male mort », la traduction « de mort violente ».

Conclusion

Il faut conseiller aux candidats voulant se préparer au concours de travailler dans trois domaines en vue de la traduction. Premièrement, il leur faut réviser et approfondir leur connaissance de la grammaire italienne de façon systématique, et éventuellement revoir la grammaire française s’ils sentent qu’ils ne la maîtrisent pas toujours. Car, dans la pratique de l’enseignement, en particulier en collège, il se peut que l’on ne rencontre que rarement certains points de grammaire, qu’il faut cependant bien connaître. Deuxièmement, il est indispensable d’apprendre régulièrement du vocabulaire, par la révision systématique, mais aussi par le plaisir de la lecture dans les deux langues, dont on espère qu’elle reste une pratique régulière chez des enseignants de disciplines littéraires. Enfin, il est nécessaire de s’entraîner régulièrement à l’exercice complexe de la traduction, qui requiert des compétences aussi diverses que la maîtrise du lexique et de la grammaire de deux langues et la connaissance de deux cultures, mais qui, s’il est pratiqué avec régularité, permet d’entretenir les réflexes nécessaires à la compréhension et à la mise en français.

Elsa CHAARANI

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ÉPREUVE ORALE D’ADMISSION

1ère partie : EXPLOITATION PÉDAGOGIQUE DE DOCUMENTS SUJETS PROPOSÉS Sujets 1er cycle :

- Une PUBLICITE pour le « prosciutto toscano » et une PHOTO de la statue du David de Michel-Ange au musée de l’Accademia à Florence.

- Un TEXTE : « Lettera di un ragno al suo padrone di casa » extrait de Fiabe lunghe un sorriso

de Gianni Rodari, accompagné de 2 PHOTOS – celle d’une araignée et celle d’une coccinelle – et d’un COURRIEL envoyé sur le site d’un forum.

- L’extrait d’un ARTICLE de Dacia Maraini : « Anche le umili galline hanno diritto al rispetto »

(Corriere della Sera 6/2/04), et une PUBLICITE sur une double page pour « polli e tacchini italiani elevati a terra ».

- Une SEQUENCE VIDEO extraite du film de Giuseppe Tornatore « Cinema Paradiso »

(1988) qu’ on aurait pu intituler « L’esame di licenza elementare ». - Une SEQUENCE VIDEO extraite du film de Gianluca Maria Tavarelli « Liberi » (2003) qu’ on

aurait pu intituler « gelosia ». - Une PAGE WEB annonçant la création d’une chanson de Lucio Dalla (« per sempre

presente ») pour la campagne de Pubblicità Progresso en faveur des enfants handicapés (origine : site http://www.eallora.org/) et une PUBLICITE de Pubblicità Progresso pour cette même campagne.

Sujets 2nd cycle :

- Un extrait d’un ARTICLE de Guido Ruotolo : « Cittadinanza agli immigrati, ecco le norme » (La Stampa 2/8/06) et un DESSIN HUMORISTIQUE de Altan (L’Espresso 24/8/06).

- Un extrait d’un ARTICLE de Piero Ottone : « L’assedio dei motorini alle città » (Venerdì di

Repubblica 14/7/06) et une PUBLICITE pour une voiture Nissan Micra sur fond de Colisée.

- Une page avec deux documents iconographiques issus de Focus (02/06) : une PUBLICITE des années soixante (« consommé ») et un DESSIN HUMORISTIQUE intitulé « famiglia » ; ainsi qu’une autre page extraite du courrier des lecteurs de L’Espresso (16/3/06) avec la LETTRE d’une lectrice à propos de la journée du 8 mars et la réponse de la journaliste Stefania Rossini.

Cette année les documents étaient proposés précédés des consignes suivantes :

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ITALIEN

CAPES INTERNE ET CAERPC

SESSION 2007

Pédagogie

1/ Vous dégagerez d’abord la signification et l’intérêt des documents en tenant compte de la cohérence de l’ensemble. 2/ En vous appuyant sur votre analyse, vous proposerez - pour une classe dont vous définirez le niveau - un projet de mise en œuvre pédagogique :

- place dans la progression - organisation de la séquence - contenu des séances

3/ Vous présenterez dans le détail une de ces séances en décrivant les activités langagières que vous privilégiez ainsi que les stratégies d’apprentissage pour l’acquisition d’éléments de lexique et de grammaire Vous veillerez à justifier vos choix et votre démarche. … document(s)

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REMARQUES De la théorie à la pratique et vice versa : Nous avons constaté dans l’ensemble une bonne connaissance des instructions officielles ; visiblement les candidats ont eu à cœur de lire les B.O. de référence concernant les programmes du collège et du lycée, la mise en œuvre du CECRL, de même que les documents d’accompagnement des programmes qui donnent des exemples concrets d’application. Beaucoup de candidats utilisent désormais couramment la terminologie qui convient pour nommer l’exercice de leur pratique pédagogique ; ainsi les mots de « tâche », d’ « activité langagière », de « prise de parole en continu »…etc.…, ne semblent plus avoir de secret pour des candidats soucieux de bien faire. On ne peut que s’en féliciter et encourager cet intérêt pour la conceptualisation. En revanche nous avons souvent constaté un écart entre la théorie acquise et la mise en œuvre pratique, avec l’impression récurrente d’un plaquage arbitraire de termes sur des documents qui étaient tirés artificiellement vers le concept choisi dont il suffisait de prononcer le nom pour éviter, par exemple, de décrire concrètement l’exercice ou l’activité proposés. Profitons-en pour rappeler que lors de cette épreuve du CAPES interne, il est demandé aux candidats d’exposer dans le détail le déroulement d’une séance, ce qui suppose, au-delà de la théorie, une véritable réflexion sur la pratique quotidienne de la classe : une question que l’on se pose, voire même un doute, valent mieux parfois que le vide pratique que l’on perçoit derrière l’emploi factice de certains termes. Prendre le risque d’une réflexion personnelle permet d’éviter les propositions irréalistes ou de mieux « voir » les possibilités réelles du document. Il serait même souhaitable que le candidat, lors de son temps de préparation, commence par regarder le document qui lui est confié avec un regard neuf, sans préjugés, qu’il prenne le temps de le questionner, de le comprendre, de s’en imprégner, sans se précipiter en essayant de lui appliquer au plus vite tous les concepts dont il dispose. Gestion du temps et démarche lors de l’exposé : La fiche d’accompagnement des documents intitulée « pédagogie » (Cf. ci-dessus) était cette année particulièrement explicite sur les attentes du jury pour cette partie de l’épreuve. Le parcours de l’exposé était ainsi balisé de façon à fournir au candidat un cadre à la fois exhaustif et structuré qui lui évitait d’oublier un passage obligé. Or beaucoup de candidats n’en ont pas tenu compte et ont proposé des exposés lacunaires ou tronqués en faisant carrément l’impasse sur une étape ou en proposant, au mieux, des généralités très vagues. Cette attitude a été particulièrement fréquente et d’autant plus regrettable pour la troisième étape, celle où il est demandé au candidat : «3/ Vous présenterez dans le détail une de ces séances en décrivant les activités langagières que vous privilégiez ainsi que les stratégies d’apprentissage pour l’acquisition d’éléments du lexique et de grammaire. ». En effet cette étape, qui doit être l’aboutissement de votre analyse du ou des documents, requiert plus de détails et une bonne connaissance de la réalité de la classe : on ne peut en faire l’économie ou se contenter d’une approche globale. Le jour de l’épreuve cela suppose une bonne gestion de son temps de préparation et de son temps de parole, car nous avons vu aussi le cas de candidats qui ont épuisé leur temps de parole (30 minutes) sans être parvenus à cette étape de la séance décrite dans le détail. Un entraînement dans les conditions de l’examen devrait résorber ce genre d’écueils et permettre de mieux équilibrer la prestation orale. Stratégie d’évitement : Il est vrai que, le jour de l’examen, on ne choisit pas ses documents pour la classe comme on le fait d’habitude, on « tombe » donc sur tel ou tel document, forcément inédit et hors manuel. Il est tout aussi normal que le candidat ait des préférences pour tel ou tel type de document ou de sujet et qu’il ait parfois le sentiment que ce jour là c’est plutôt le document qui « lui tombe dessus », et sans doute se demande-t-il parfois « pourquoi moi ? », « pourquoi ça ? »…Mais face à cet inconnu, ce

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« jamais vu » que constitue le document d’examen, trop de candidats ont tendance à tirer le document nouveau vers un document bien connu dans un manuel qui leur est familier. S’il est tout à fait légitime de se souvenir de leçons et de documents vus dans un manuel et de s’y référer, il est en revanche malvenu de s’en servir pour occulter, voire pour remplacer le ou les documents proposés. De même, à propos de l’une des séquences vidéo qui se déroulait dans un cadre scolaire (Cf. Cinema paradiso), mieux valait proposer une exploitation pédagogique exhaustive, que l’étude de deux autres séquences de deux autres films (La vita è bella/Cuore) pour la simple raison qu’elles se déroulent également au sein d’une école. Dans sa façon d’aborder tout nouveau document, le candidat doit en effet s’appuyer sur son expérience professionnelle mais pas au point de tendre à éliminer la part d’inconnu au profit d’habitudes rassurantes qui sont d’autant moins pertinentes quand elles servent à éviter le sujet proposé. Mieux vaut se confronter au document lui-même, quitte à avoir un regard critique à son égard. Acquis et apprentissage : L’acquisition du lexique et des structures de langue sont victimes trop souvent d’une illusion qui consiste à croire que, parce que c’est prévu dans les programmes officiels, l’élève, au sortir de tel palier, doit forcément savoir beaucoup de choses : d’où une grande confiance dans les « pré requis » et dans l’acquis, qui enclenche une simple « réactivation », laquelle a moins d’ambition qu’un apprentissage donc requiert moins d’efforts pédagogiques et évite au candidat de détailler ses « stratégies d’apprentissage ». Ainsi le problème de l’élucidation du lexique et des structures de langue et leur acquisition est-il souvent traité à la légère car considéré comme objectif mineur puisque les élèves savent déjà... Nous avons d’autant plus apprécié les prestations des candidats qui se posaient très clairement la question de savoir exactement quels mots devaient être compris et acquis, et de quelles façons certaines structures méritaient d’être réemployées et à quelle occasion. Même s’il n’y a aucun doute sur le fait que certaines structures ou certains mots ont déjà été vus par l’élève, même s’il s’agit bien parfois d’une réactivation, cela n’empêche pas de penser à une stratégie pédagogique du réemploi en termes de tâches et d’exercices précis. L’enseignant doit se poser la question de savoir ce qu’il veut exactement que les élèves aient acquis pendant l’heure de cours, et non pas se contenter d’animer un cours en faisant confiance au travail des années précédentes qui sera ensuite mis en cause s’il y a erreur ou manque de la part de l’élève. C’est toute la différence entre un animateur qui compte sur le travail fait en amont et espère, au mieux, passer une heure agréable, et l’enseignant qui élabore, à partir d’un document précis, des stratégies précises qui permettront à l’élève de bien maîtriser le lexique et les structures, ou d’améliorer son autonomie par rapport à des savoirs certes déjà compris mais dont la pratique n’est pas qu’un simple rappel. Si tout apprentissage ne peut se passer d’acquis, ce dernier ne peut être un prétexte à éluder l’apprentissage. La réactivation est souvent, pour une grande majorité d’élèves, l’occasion de réapprendre et de mettre en pratique les connaissances et les savoir-faire estimés acquis précédemment. Pertinence du choix des structures de langue par rapport au document : La plupart du temps les candidats relèvent dans un document ou dans la bande son d’une séquence, l’existence d’un fait de langue qu’ils choisissent d’exploiter. Or le fait de langue peut se révéler parfois parfaitement accessoire et non indispensable à l’exploitation du document. Ainsi tel candidat constate la présence de pronoms personnels compléments dont il rappelle l’usage avec des exercices adéquats, sans que cet usage apparaisse comme indispensable dans les activités proposées. Le document est alors un prétexte occasionnel à des révisions qui sont certes toujours utiles, mais qui n’aident pas forcément l’élève à accomplir les tâches qui lui seront demandées. Inversement un mot ou une structure peuvent être tout à fait absents de la partie écrite ou de la bande son alors même qu’ils sont indispensables pour en rendre compte ou pour mener à bien les activités d’exploitation. C’est souvent le cas pour les supports iconographiques ou filmiques. Quelque exemple très modeste : sur l’affiche des années 60 et sur le dessin humoristique qui mettent en scène une « casalinga », le mot ne figure pas dans la partie écrite et sera pourtant nécessaire. De même les mots « dare un esame » ou « barare » (pour Cinema paradiso), « geloso/gelosia » (pour Liberi) ne sont pas employés dans la bande son des séquences filmiques proposées et pourtant ils seront indispensable à toute exploitation. Enfin, suivant la tâche proposée, il faudra penser à réactiver la structure adéquate : tel candidat propose aux élèves d’imaginer ce que fera le personnage, alors

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même qu’il a fait porter l’essentiel de son travail sur l’emploi du présent de l’indicatif et non sur le futur. La plupart du temps, il y a adéquation entre le texte écrit ou la bande son et les structures indispensables à l’exploitation, mais le candidat ne pense pas toujours à en profiter : ainsi le slogan de la publicité de Pubblicità Progresso : « Se tu potessi…capiresti » a été négligé, ou, au mieux, élucidé sans pour autant devenir la structure porteuse de sens d’un exercice en rapport avec le thème. Un candidat, qui a le mérite d’affronter courageusement la difficulté de cette phrase hypothétique avec subjonctif imparfait, préfère cependant en passer par la chanson de Eros Ramazzotti « Se bastasse una canzone », alors même que l’un des deux documents parle d’une chanson de Lucio Dalla. D’ailleurs très peu de candidats pensent à proposer aux élèves de rechercher la chanson de Dalla et de l’écouter. On aurait pu également envisager de se servir de la structure acquise pour faire élaborer une ou deux strophes à comparer ensuite à la chanson de Dalla qui est sans doute toute autre mais suscitera forcément la curiosité. Enfin quelques fois les propositions s’avèrent purement erronées quand, par exemple, un candidat suggère, pour employer la forme de politesse, de faire élaborer des affiches publicitaires : or on ne peut ignorer que la tradition italienne veut que l’on tutoie le lecteur et donc le consommateur qui lit les affiches. Spécificité séquence filmique : La séquence filmique semble continuer à embarrasser les candidats qui essaient de la ramener à la réalité d’un texte. Ne parlons pas des candidats qui préfèrent ne pas manipuler du tout cassette et télécommande devant le jury et laissent la cassette en salle de préparation, avouant par là même leur peu de familiarité avec ce type de support, ce qui les oblige parfois à raconter longuement une séquence qu’ils auraient eu moins de mal à montrer. Essayer de réduire une séquence filmique au format d’un texte, cela signifie, par exemple, proposer de faire entendre « un brano video » de Giuseppe Tornatore, cité comme « autore », ou de demander « il riassunto del brano ». Puis le candidat en arrive vite à donner tout le script, avec ou sans « trous », de façon à avoir enfin un texte sous les yeux que le professeur va lire et faire lire…Certains candidats, en manque de texte, vont même jusqu’à proposer, comme support essentiel de leur cours, l’étude de la « fiche d’accompagnement » qui leur a été fournie avec la cassette pour leur information personnelle et ne constitue en aucun cas un document à exploiter en l’état en classe. Tout cela ne signifie pas l’absence totale de similitude dans l’approche d’une séquence filmique par rapport à un texte : il y aura forcément une phase de compréhension d’abord plus globale, de la situation, puis plus approfondie, puis une phase d’expression, qui doivent toutes deux tenir compte aussi bien de l’image que de la bande son. Mais comprendre une séquence et en parler ne se réduit pas à retranscrire la bande son. L’entretien : Il ne s’agit pas pour le candidat de subir, de façon passive et résignée, un entretien avec un jury qui serait là pour porter l’estocade. Bien au contraire, le jury demande souvent plus de précisions sur tel ou tel aspect de la réflexion ou de la proposition d’exploitation faite par le candidat : c’est l’occasion de mieux justifier ses choix, de prendre du recul et rien n’empêche de faire part de ses doutes qui sont rarement le fait de l’ignorance mais le plus souvent apportent la preuve que le candidat se pose des questions et continue de mener une réflexion pédagogique au-delà du cadre obligé de l’examen. En guise de conclusion permettez-nous une dernière remarque d’ordre général qui est peut-être moins futile qu’il n’y paraît : les candidats ont une volonté farouche – tout à fait compréhensible surtout un jour d’examen – de tout expliquer au plus vite aux élèves, d’aplanir au mieux toutes les difficultés, pour qu’ils avancent sur un terrain entièrement déboisé et lisse. Ils ne prennent pas le temps de faire découvrir, de ménager un mystère, de solliciter la curiosité avant de donner une réponse, de respecter des étapes dans la découverte et de vivre cette découverte avec des yeux neufs. Il ne s’agit là que de « fantasia », toutefois - en vertu de la règle non écrite, mais si souvent vérifiée, qui veut que le professeur s’ennuie si les élèves s’ennuient et réciproquement - on peut jouer un peu de ce plaisir de faire et de dire ensemble. Eveline AUTHIER

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ÉPREUVE ORALE D’ADMISSION

2ème partie : COMPRÉHENSION ET EXPRESSION EN LANGUE ÉTRANGÈRE

Rappel du texte paru au B.O. n°15 du 20 avril 2000 : Compréhension et expression en langue étrangère. Cette partie de l’épreuve prend appui sur un document audio, textuel ou vidéo en langue étrangère, ou sur un document iconographique dont le candidat prend connaissance en présence du jury. Elle consiste en un compte rendu suivi d’un entretien, les deux se déroulant en langue étrangère. Durée : vingt-cinq minutes maximum.

Cette partie de l’épreuve orale d’admission entre pour moitié dans la notation de l’oral. L’oral ayant un coefficient double de celui de l’écrit, la compréhension expression compte donc pour un tiers du total des points (autant que l’épreuve écrite !) : c’est dire son importance, et la nécessité absolue de bien s’y préparer.

------------------------ 1/ Les documents proposés à la session 2007 ont été les suivants : Six documents écrits (trois textes littéraires, trois textes journalistiques) : - un extrait du roman de Lalla Romano, Le parole tra noi leggèr.e - un extrait du roman de Laura Pariani, Quando Dio ballava il tango. - un extrait du roman de Rosetta Loy, La bicicletta. - Umberto Eco, Invece del cambiamento a ogni costo serve un’etica del riciclo, L’Espresso, 4-01-06. - Federico Ciampi, In Oriente un’Italia non italiana, « la Repubblica », 29-11-05. - Vera Schiavazzi, Garibaldi, un’icona moderna, Panorama, 12-04-07. Quatre documents audio tirés de Repubblica radio : - Une interview à Massimo Cacciari, maire de Venise, sur l’avenir de la ville (01-12-06). - Une interview à Diego Della Valle sur la situation du tourisme en Italie (13-12-06). - Un extrait d’une émission intitulée Come cambia la famiglia sur l’évolution et les valeurs de la famille en Italie (14-09-06). - Une interview à la Dottoressa Sabbadini, directrice de l’Istat, sur le phénomène de dénatalité en Italie (autre extrait de Come cambia la famiglia, 14-09-06). Huit documents vidéo (quatre extraits de films et quatre extraits de reportages) : - deux séquences tirées du film de Marco Bellocchio, Buongiorno, notte (2004) : * Scène dans la bibliothèque, entre Enzo et Chiara * Le repas de famille durant lequel est chanté Fischia il vento - deux séquences tirée du film de Marco Tullio Giordana, I cento passi (2000) :

* Le discours de Stefano Venuti devant Don Cesare Manzella et Peppino contre l’agrandissement de l’aéroport de Punta Raisi

* Peppino dans l’atelier du peintre communiste Stefano Venuti - une interview d’Emanuele Crialese sur son film Nuovomondo (RAI 3 Educational, 16-10-06) - un reportage sur les constructions en cours et en projet dans la Valle d’Orcia (RAI 3, 23-09-06) - une interview à Tommaso Padoa-Schioppa, Ministre de l’économie, sur la nouvelle Finanziaria et le phénomène de l’evasione fiscale (RAI 3) - un reportage sur Naples, la délinquance des mineurs, les épisodes de violence (RAI 3, 18-09-06) .

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Déroulement de l’épreuve : Le candidat prend connaissance du document en présence du jury. S’il s’agit d’un document écrit, il dispose de six minutes de lecture silencieuse. S’il s’agit d’un document vidéo ou audio (d’une durée de deux à trois minutes), il le visionne ou l’écoute deux fois (il n’a pas à manipuler l’appareil, c’est un membre du jury qui s’en charge). Il peut, s’il le souhaite, prendre quelques notes. Après quoi il dispose d’une minute trente pour organiser ses idées ; puis, pendant une dizaine de minutes environ, il fait un compte rendu oral, en italien, de ce qu’il a compris, de ce qu’il a remarqué, des réflexions que le document suscite, de sa structure, de sa portée, etc. Le jury, enfin, pose des questions permettant d’approfondir la compréhension et l’analyse du document. Résultats : C’est un tirage au sort qui attribue tel ou tel type de document à une série de candidats (chaque document est proposé à trois candidats successifs). Le facteur ‘chance’ joue fort peu : cette année, comme l’année dernière, chaque document quel qu’il soit a donné lieu à des prestations variées qui certes ont pu démontrer de regrettables contre sens, ou offrir des exposés ternes ; mais il y a eu aussi nombre de bonnes voire de très bonnes prestations que le jury a fort appréciées. 2/ Ce que le jury attend - Conformément à l’intitulé de l’épreuve, le candidat doit montrer avant tout qu’il a compris le document non seulement dans sa globalité (sujet, époque, déroulement de l’histoire) mais aussi dans ses détails internes (structure, tonalité, images, procédés de style ou techniques…) et dans ses prolongements possibles (problèmes posés, contexte, réflexions, comparaisons, rapprochements…), et il doit l’exposer de manière ordonnée et claire. - Le candidat doit s’exprimer dans un italien correct et fluide : si le jury comprend que, sous l’effet de l’émotion, un candidat peut buter au début sur un ou deux mots et faire une ou deux petites erreurs, il ne saurait pardonner les fautes d’articles, d’accords, de genres, de conjugaisons, de concordances de temps qui dépasseraient le seuil de tolérance, ainsi que les barbarismes ou de trop nombreuses constructions calquées mot à mot sur le français. Le minimum que l’on puisse exiger d’un professeur, c’est qu’il maîtrise la langue qu’il enseigne aux élèves. - Le candidat doit parler à haute et intelligible voix, selon un débit audible qui permette au jury de prendre des notes, et en regardant, autant que possible, son auditoire. Cette partie de l’oral est aussi une épreuve pédagogique dans la mesure où le candidat montre qu’il est capable de parler devant un public, de l’intéresser, de faire passer un message. - Pendant l’entretien le candidat doit se montrer réceptif, bien écouter les questions et s’efforcer d’y répondre d’une manière qui ne soit pas laconique. Les questions visent soit à redresser une erreur relevée au cours de l’exposé, soit à combler des lacunes, soit à aller plus loin dans l’analyse. Faire une erreur d’interprétation n’est absolument pas rédhibitoire si on s’efforce de se corriger. 3/ Ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire - Avant la lecture, le visionnage ou l’audition, il faut prendre quelques repères en commençant par lire les références du texte (auteur, livre ou journal dont le texte est tiré, année de publication) ou du document audio ou vidéo (en principe sur la table est posée une feuille donnant ces références), et les recopier si on craint de les oublier (car la feuille, au bout des six minutes de lecture, est retirée). Ne pas être capable de donner le nom de l’auteur et du livre, ou les estropier, cela fait très mauvais effet. Il est également fâcheux de ne pas être capable de lire correctement ces références : quand deux dates figurent, par exemple, dont l’une entre crochets, la plus importante est précisément la date entre crochets, qui correspond à la première publication du livre. Par exemple, cette année il a été

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regrettable d’entendre les candidats dire que le livre d’où était tiré l’extrait de Lalla Romano avait été publié en 1996, alors que les références indiquaient 1996 [1969]. La date réelle de publication, 1969, année de l’autunno caldo, renvoyant à un contexte de contestation de la part des jeunes et des ouvriers, était en rapport direct avec le contenu de l’extrait et donc avec l’intérêt (l’actualité) qu’il pouvait présenter pour les lecteurs de l’époque (1996 étant tout simplement la date de réédition ou de réimpression du livre à partir duquel avait été tapé ou photocopié le texte ; ce sont là des points élémentaires que tout enseignant se doit absolument de connaître). - Il faut prendre des notes, mais sans excès. Il est préférable, lors de la première vision ou audition, de se concentrer sans écrire, et de réserver les notes à la deuxième écoute. Car quand on écrit, on ne regarde pas l’écran, ou on suit mal le fil du discours. Le danger est tout aussi grand si le document est un texte écrit : prendre trop de notes, c’est risquer de ne pas avoir le temps de faire une deuxième lecture, voire ne pas même arriver au bout de la première ! - Au cours de la minute de concentration (qui suit la prise de connaissance du document et précède l’exposé), il est inutile d’essayer d’écrire des phrases : il faut se contenter d’établir très rapidement un « plan », de numéroter les idées. - L’exposé peut durer dix minutes. Or beaucoup de candidats parlent à peine deux ou trois minutes, ce qui est tout à fait insuffisant. Car même si le document est court, il a été choisi par le jury avec soin et devrait donc fournir matière à commentaires, remarques, développements. Si le remplissage, le délayage, la digression frisant le hors sujet sont à proscrire, il faut néanmoins faire un effort d’exposition détaillée et d’analyse. Et cela ne s’improvise pas : un entraînement régulier est nécessaire. - L’entretien est une partie essentielle, à ne pas négliger, même si l’on a hâte de quitter la salle. Trop de candidats répondent aux questions de manière laconique, en deux ou trois mots à peine, si bien que très vite l’entretien tourne court. D’autres se contentent de répéter ce qu’ils ont déjà dit, sans expliciter. Or ces questions sont autant de mains tendues pour compléter, corriger ou approfondir la prestation. Il faut à tout prix les saisir, se laisser guider et s’engager avec confiance dans la voie indiquée. Si à l’écrit le candidat est seul et peut se trouver irrémédiablement bloqué dans une impasse ou enferré dans un contre sens d’interprétation, à l’oral, le jury essaie de le remettre sur les rails : il est désolé quand certains s’enferment dans le mutisme ou s’obstinent dans une erreur grossière. - Il va de soi que les candidats doivent avoir une tenue vestimentaire « normale » (ni trop guindée, ni trop décontractée) : le professeur doit être un modèle pour les élèves, il doit se présenter tel quel devant le jury. De même les candidats doivent avoir conscience des limites à ne pas dépasser : en dépit de la longue expérience qu’ils peuvent avoir du métier d’enseignant, la désinvolture ou une trop grande familiarité vis-à-vis du jury sont très mal perçues. 4/ Se préparer, s’entraîner

C’est indispensable ! Entraînez-vous à partir des textes de vos livres de classe (ils sont

généralement découpés de manière judicieuse) et de journaux italiens (articles de longueur moyenne) ; regardez le telegiornale (TG3 par exemple, d’où ont été tirés les reportages vidéo proposés cette année et l’année dernière) ; écoutez la radio italienne sur votre poste radio si vous arrivez à la capter, ou sur internet (« Repubblica radio », par exemple, d’où étaient extraits les quatre documents audio proposés ces deux dernières années) ; regardez des films italiens en VO chez vous, et s’ils sont sous-titrés, collez un cache au bas de votre écran de télévision.

- Rapidité de lecture : le texte fait environ une page assez dense ou une page et demie aérée. Certains candidats ne sont pas arrivés à le lire une seule fois dans sa totalité ou l’ont lu de façon superficielle. Or pour deux des textes au moins (Laura Pariani et Rosetta Loy) la fin était essentielle et donnait une clef. Il est donc indispensable de s’entraîner à faire des lectures qui soient à la fois rapides et non superficielles. - Compréhension : les documents proposés forment un tout et sont gouvernés par une idée directrice. Il est donc nécessaire de s’efforcer avant toute chose d’en saisir le sens général. Se fixer

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sur des détails sans les rattacher à une idée directrice, ou les rattacher à une idée directrice erronée est une faute grave, qui peut faire surgir des doutes quant à l’enseignement que le candidat dispense à ses élèves. - Mémoire : cette épreuve est aussi et avant tout un exercice de mémoire. Il ne suffit pas d’avoir compris le sens global du document, il faut aussi se souvenir des détails et les exploiter. Il est consternant de constater que des candidats n’ont pas vu… ne se rappellent pas… D’où des comptes rendus extrêmement pauvres. La mémoire se travaille, s’entretient. Entraînez-vous avec des textes écrits que vous lirez deux fois et que vous vous efforcerez de transcrire ensuite. Enregistrez des morceaux de telegiornale ou de film et faites chez vous ce même exercice. - Analyse : le jury comprend très bien que l’on ne peut, après une ou deux lectures seulement, et sans le texte sous les yeux, faire une explication de texte dans les règles. Néanmoins les candidats doivent s’entraîner à repérer les articulations du texte, les anticipations ou les retours en arrière (souvenirs qui reviennent), les détails pertinents (où ? quand ? saison ? atmosphère ? couleurs ? images ? niveau de langage ? humour ? allusions ? portraits ? paysage ? etc.). S’il s’agit d’un document vidéo, il faut aussi tenir compte des plans, des images, des couleurs, de la lumière, de la musique… Et tout cela, bien sûr, il faut l’exploiter, le mettre en relation avec l’idée directrice, montrer à quoi cela sert, quel effet cela produit… - Culture générale : les textes écrits sont généralement récents (toujours XXe siècle), mais ils peuvent faire référence à un passé plus ou moins lointain. Si on ne demande en aucun cas aux candidats d’être des puits de science et des monstres d’érudition, il faut néanmoins qu’ils aient le bagage minimum requis chez tout professeur d’italien digne de ce nom. Il est donc indispensable de réviser les bases essentielles de l’histoire (surtout l’histoire du XXe siècle !) et de la géographie de l’Italie, d’être capable de citer les noms des cinéastes connus et d’associer à chaque nom le titre d’au moins un ou deux films, de situer les villes italiennes et d’en connaître les monuments les plus célèbres, etc. Pour cela, faites des fiches tout au long de l’année. D’ailleurs, vous en ressentirez les bienfaits au niveau même de vos cours. Quelques exemples : Un reportage vidéo sur la violence à Naples a démontré par exemple que tel candidat ne reconnaissait pas (ou même ne connaissait pas du tout) Pulcinella, ou le quartier de Spaccanapoli (il n’est pas absolument pas nécessaire d’être allé à Naples pour être en mesure de le faire). L’émission sur la Finanziaria et l’evasione fiscale a démontré que les candidats ne savaient pas ce qu’était l’évasion fiscale (pour eux, cela concernait seulement ceux qui partaient vivre à l’étranger pour ne pas payer d’impôts…). Dans un texte de Eco sur « l’etica del riciclo » la citation (entre guillemets) d’un célèbre vers d’une encore plus célèbre poésie de Leopardi (La ginestra) est passée complètement inaperçue, etc. De même, quand on enseigne ou veut enseigner l’italien, il est indispensable de se tenir au courant de l’actualité au moins dans ses grandes lignes, et d’essayer de voir les films dont tout le monde parle. Car les documents proposés sont souvent en rapport avec les événements (politiques, sociaux, culturels) récents. Par exemple, vu le succès remporté même en France par le film de Crialese, Nuovomondo, on pouvait s’attendre à un document à ce sujet (l’an dernier a été proposé un enregistrement audio de Begnini à propos de son dernier film, La tigre e la neve). Or deux des trois candidats qui ont eu à travailler sur l’interview à Crialese n’avaient pas vu le film ; certes, cela n’empêchait pas de faire une bonne prestation, mais c’était néanmoins fort regrettable, car avoir vu le film permettait d’enrichir le commentaire et de mieux comprendre certains détails du reportage. - Texte et image : Attention, un document vidéo ne se traite pas comme un document audio. Non seulement le texte est essentiel, mais l’image aussi a une importance considérable, elle fait partie du document. Or les candidats, trop soucieux de prendre un maximum de notes, ont le nez sur leur feuille et ne regardent presque pas l’écran. Exemple : L’interview à Emanuele Crialese était entrecoupée d’un reportage vidéo sur le Columbus day, la fête des Américains d’origine italienne, qui a lieu chaque année à New York. Ne pas connaître l’existence du Columbus day n’empêchait nullement de bien exploiter le document. Il fallait décrire cette fête d’après les images qui en étaient proposées (danses folkloriques en costumes traditionnels, chapeaux, drapeaux et même lunettes aux couleurs de l’Italie, maillots de célèbres équipes de foot…), remarquer l’insertion de drapeaux américains parmi les drapeaux italiens, apprécier les couleurs dominantes (le vert, le rouge, le blanc, sur fond de ciel puis de mer bleus)… Il fallait aussi prendre du recul par rapport à ce genre de manifestation, sympathique certes mais aussi carnavalesque ; et prendre également du recul par rapport à ce qu’affirmait avec euphorie Crialese (que grâce à leur

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ténacité les émigrés italiens s’en étaient toujours bien sortis et avaient su unir intégration et spécificité culturelle), car le cinéaste, trop pris par le succès de son film, avait une nette tendance à exagérer et à mélanger les époques. L’oubli effarant de regarder l’écran a été patent lorsque les candidats, interrogés par exemple sur les monuments de New York filmés par le reportage, ont répondu qu’ils n’avaient rien vu, alors que de gros plans avaient été faits sur les gratte-ciel de New York, sur le pont et notamment sur la statue de la Liberté !!! De même les images filmées de Naples étaient en rapport direct avec les paroles que l’on entendait, et les enrichissaient ; les personnes interviewées apparaissaient sur un fond en relation directe avec leur fonction (rues de Spaccanapoli pour le journaliste et l’anthropologue, édifices administratifs pour le procureur de la République, belle enfilade d’arcades dans une perspective parfaite pour l’écrivain Ermanno Rea, symbole de la culture) alors que l’évocation de la délinquance se faisait sur fond de foule, policiers, murs tagués, individus menottés… 5/ Un exemple

Outre les quelques exemples donnés brièvement ci-dessus, nous renvoyons au rapport 2006,

où ont été proposés de façon assez détaillée le compte rendu et l’analyse d’une séquence du film La meglio gioventù, de Marco Tullio Giordana, celle où le médecin psychiatre, Nicola, inspecte un institut et, à la fin de la séquence, retrouve Giorgia.

Toute séquence filmique, de même que toute page écrite, est le fruit, de la part de l’auteur,

d’un considérable travail de composition. Les candidats doivent être en mesure d’en décoder les éléments et d’apprécier à leur juste mesure leur agencement et ses effets. Certes, tout cela ne peut être inné. Il est donc indispensable de s’entraîner de façon régulière. Les cours dispensés par les candidats aux élèves durant toute la durée de leur préparation et au-delà n’en seront que plus riches et appréciés.

Brigitte URBANI