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Récits de guerre : souvenirs du capitaine Parquin Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Capitaine Parquin

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Memoirs of captain Parquin in the napoleonic wars, from Bn Gallica

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  • Rcits de guerre :souvenirs du capitaine

    Parquin

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

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  • Parquin, Denis-Charles (1786-1845). Rcits de guerre : souvenirs du capitaine Parquin. 1892.

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  • RCITS DE GUERRE

    SOUVENIRS>

    DU

    CAPITAINE PARQUIN

    1803-1814

    DESSINS PAR

    F. DE MYRBACH, H. DUPRAY, WALKER, L. SERGENT, MARIUS ROY

    INTRODUCTION PAR FRDRIC MASSON

    PARIS

    BOUSSOD, VALADON & CIE

    Im primeurs-Editeurs

    Copyright1892by Soussod, Valadonand Co.

  • r

    RECITS DE GUERRE

    SOUVENIIIS DE PARQUIN

  • RCITS DE GUERRE

    SOUVENIRS

    DU

    CAPITAINE PAROUIN

    1803-1814.

    DESSINS PAR

    F. DE MYRBACH, H. DUPRAY, WALKER, L. SERGENT, MARIUS ROY

    INTRODUCTION PAR FRDRIC MASSON

    PARIS

    BOUSSOD, VALADON & CIE

    Im primeurs-Editeurs

    Copyright1892by Boussod,Valadonand Co.

  • INTRODUCTION

    t

    Le public franais a accueilli avec empressement la publication rcente de

    mmoires sur la priode de la Rvolution et de l'Empire qui lui ont appris ce

    qu'taient et ce que valaient, dans l'intimit de leur vie, les hommes auxquels

    la France a du de rsister vingt-deux annes l'Europe coalise et de faire triom-

    pher, malgr tout, mme malgr les dsastres de 1814 et de 1815, les principes

    de la Rvolution. Des rcits sans apprt, sans rhtorique, qui avaient cette qualit

    suprme d'maner de tmoins oculaires et actifs ont secou d'un grand et lgitime

    enthousiasme toutes les classes de la nation, mme les moins occupes d'ordinaire

    des choses militaires. Il y a eu dans la vie intellectuelle de la France, une heure

    - et qu'elle soit bnie! o l'histoire des anctres soldats a occup toutes les

    penses de prfrence ce qu'on nomme la littrature et o les hommes et les

    femmes de France, laissant de ct les romans malsains qui dfigurent la face

    auguste de la Patrie, ont lu avec recueillement, avec admiration, avec passion

    ce que, il y a bientt un sicle, leurs pres ont fait pour l'honneur du

    Drapeau. Cette heure a t bonne : plusieurs s'y sont reposs et en ont repris

    esprance. Si, plus tard, il s'est retrouv des romanciers pour venir insulter

    de nouveau l'arme dans des livres dont nos ennemis d'hier rfutent eux-mmes

    les calomnieux mensonges; s'il s'est rencontr un public, amateur de scandale et

    d'obscnit, pour acheter et lire ces inventions infmes, il n'importe : Dans ce

    noir qui nous couvrait, nous savons o trouver maintenant la petite porte d'azur.

    Par elle passera, avec un bruit d'ailes, toute la phalange des guerriers, ceux qui, du

    fond de la tombe, viennent, aux hommes de ce temps, parler de l'honneur et du

    sacrifice, du devoir accompli, du mpris de la mort, des sublimes inanits pour

    lesquelles les soldats donnent leur vie et qui demeurent inaccessibles ceux-l

  • Il INTRODUCTION

    qui font mtier de dshonorer, l'une aprs l'autre,sous prtexte de littrature,

    toutes les classes de la nation.

    D'o tenaient-ils leur force sublime, ces hommes du dbut dusicle? taient-ils

    plus grands, plus forts quenous ne sommes, leur corps tait-il plus vigoureux,

    leurs curs mieux tremps ? A coup sr, le mtier qu'ilsembrassaient d'enthou-

    siasme un ge o l'on s'indignerait prsentde les voir soldats, quatorze

    ans, quinze ans, seize ans, avait singulirement aguerrileur temprament et

    les mollesses de la vie civilise n'taient point pour eux.A coup sr, cette rude

    cole, ils avaient acquis plus d'agilit que dans les gymnaseset leur instinct de com-

    bativit s'tait dvelopp en plein soleil, avec toutes les activits qu'il implique :-

    rapidit du coup d'il, rapidit de la dcision, rapiditdu geste. Mais ce qui les a

    faits invincibles, 'a t un tat d'me particulier. Grandis au milieu des orages

    de la Rvolution, ils avaient vu trop souvent et de trop prs passer la mort pour

    la craindre, quelque forme qu'il lui plt d'affecter. C'tait par got, par vocation,

    non par obissance ou pour suivre une carrire, qu'ils taient soldats. Ils taient

    venus l'arme, comme le fer vient l'aimant, non par l'ambition d'une dcoration,

    par la tentation de rcompenses, mais parce que seulement tre soldat, porter

    un uniforme de hussard ou de chasseur, aller en guerre, risquer sa peau, tout ce

    qui est de l'aventure hardie, de l'quipe folle, les attirait invinciblement. Point

    de lendemain pour eux, point de vues longues, nulle intrigue. Ils ont bien

    quelque part en un coin de France une famille qu'ils aiment, un pre, une mre,

    des surs. Mais ils crivent peu et se sentent chez eux bien plus au rgiment

    qu'ailleurs. L, surtout ceux qui, du premier coup, n'ont point franchi les

    grades et sont rests du temps soldats et sous - officiers, fondent des amitis

    rares, la faon des paladins lgendaires, des amitis qui savent tout mettre

    en partage, le pain et les plaisirs, les coups de fusil et les coups de sabre, des

    amitis o rien de vil ne se rencontre, qui ont pass au feu comme l'acier et

    demeurent toute la vie, si quelque boulet n'y a mis ordre, ce point consolantes

    et larges que les rangs en sont oublies, les fortunes galises, les infirmits sup-

    portes, les intelligences mme mises au mme plan. Qui a vu ces amitis-l

    passer devant soi jadis, si gnreuses et si sereines, en a gard Pblouissement.

    Qu'il y et des lches en ce temps-l, certes : Mais du moins ces lches

    auraient-ils pour la plupart eu quelque honte de raconter leur lchet et s'ils

  • INTRODUCTION m

    s'en taient fait gloire, de braves gens se fussent chargs de leur apprendre que

    cette gloire est fugitive et que si elle se monnaie elle se paye. Leurs successeurs ne

    vont encore que rarement jusqu' tenter leur apologie, mais ils rvoquent en doute

    les actes de ceux qui furent LES BRAVES, ils s'efforcent de les amoindrir et de les

    diminuer, et c'est leur faon de se rendre complices de ceux qui furent, il y a

    quatre-vingts ans, les auxiliaires de l'tranger.

    Pourtant, parmi tous ceux qui ont lu ces mmoires militaires, plusieurs ont,

    de bonne foi, conu des doutes et ont fait des rserves. Ils se sont demand s'il

    tait possible que tout y ft vrai et rel, si l'imagination des tmoins crivant

    aprs un quart de sicle ne les avait pas emports, si, au tissu dj bien riche,

    ils n'avaient point ajout des broderies, si l'on pouvait enfin considrer comme des

    matriaux de l'histoire ces rcits personnels o l'incroyable abondait et dont chaque

    page semblait plutt arrache d'une nouvelle chanson de Roland que des annales

    du Consulat et de l'Empire. Ils peuvent avoir raison ailleurs; ils auraient tort pour

    les rcits du capitaine Parquin. En assimilant les noms de chacun des hommes que

    cite le mmorialiste, j'ai t amen reconnatre un fait qui a son importance parce

    qu"il prouve la scrupuleuse sincrit de l'auteur. Dans l'dition originale publie en

    1842, la plupart des noms sont dfigurs : ils ont conserv un son peu prs

    correspondant, mais leur orthographe est singulirement fantaisiste. En rtablissant

    les noms vritables, j'ai retrouv les tats de services de tous les officiers et soldats

    que cite Parquin et ces tats de services relatent les actions d'clat que Parquin

    rapporte, en en donnant souvent un dtail plus ample, plus trange, plus incroyable

    encore.

    Ces documents, Parquin n'a pu les avoir entre les mains ; il ne les a point eus,

    car il n'et point mal orthographi les noms dessein ; c'est donc sa mmoire

    seule qu'il a suivie : or, si sa mmoire se trouve ainsi entirement d'accord avec

    la vrit pour tout ce qui est vrifiable, comment le tromperait-elle lorsqu'il s'agit

    de faits dont lui seul a t tmoin?

    Il y a mieux : certains faits presque insignifiants en soi, correspond souvent

    un document qui en dmontre l'authenticit. Pour n'en citer qu'un exemple, la prise

    de commandement par Parquin denburg, et le passage par cette ville des

    chevau-lgers de la Garde, se trouvent confirms par une lettre de Napolon publie

    dans la correspondance sous le n 15,390. Tome XIX. P. 142.

  • IV INTRODUCTION

    N'est-ce point assez? Un tmoin, presquecentenaire aujourd'hui, doyen de

    l'arme franaise et sans doute des armes de l'Europe, se lveraencore pour affir-

    mer ce qu'a fait ses cts son compagnond'armes et son ami : c'est le

    capitaine Soufflot qui, le 12 avril 1812, Mondego, enleva comme Parquin, un

    drapeau aux Portugais et qui, pleinencore de vie et de la gaiet robuste du

    20e chasseurs, racontait l'an dernier encore ses jeunes amis de la Sabretache

    les hauts faits de son camarade.

    Enfin les tats de services de l'auteur donnent aux faits qu'il raconte une

    authenticit absolue puisqu'ils y correspondent avec une prcision sans gale et

    qu'ils sont accompagns de certificats manant des gnrauxsous les ordres desquels

    Parquin a servi et o se trouvent affirmsles principaux traits qu'il raconte. Ces

    tats de services qui valent la plus ample des biographies, les voici dans leur

    scheresse officielle :

    GARDE MUNICIPALE DE PARIS

    SERVICES DE M. PARQUIN (DENIS-CHARLES), CHEF DE BATAILLON

    N Paris (Dpartement de la Seine) le 20 dcembre 1786, fils de Jean-Baptiste et de Louise Mare

    DATES CAMPAGNESDANSCHAQUEGRADEGRADES CORPS - OBSERVATIONS14 GNIIAUXENCHEF ACTIONSD'CI.ATSUCCESSIFSDANSLENUELSILASERVI DESPROMOTIONSDLACESSATlOJl GtNEnAUXENCHEF ACTIONSD'CI.AT TITRESSUCCr.SSIFSDAKSLL'QUELSILASERVI DUSERVICEANNESARMEES ETDECORATIONSACHAQUEGRADEDANSCHAQUECORPS-

    QUILESCOMMANDAIENT.OUSERVICESSIGNALS

    Enrlvolontaire20rg. dechasseurs4clieval.. NivseanXI 25octobre1803. AqXII1 Ctesdel'Ocan. GnralAUITereau.Blessd'uncoupdefeuetde5 Lgionnaireferjanvier1803. AnXIII( coupsdelanceet faitprison- 0avrill813.Brigadier Id 2brumaireanXII 1"mai1804. AnXIV GrandeArme. L'Empereur. nier ia batailled'Eylaule Officier8 1801. 19juin1831.octobre1803. 1806IPrusseetPologne. MarchalAugereauBnliessd'uncoupde feu la fi-Fourrier. , Id., .,.. 1ermai1806. 2fvrier1809. 1807 Blessduncoupdefenalafi-1808 Allemagne. GnralLasalle. gure la batailledeCiudad-* Marchaldeslogis Id. , , 2fvrier1809. 30 avril1809 1809 Autriche. Oudinot. Rodrigo,enEspagne,le5mai1810j

    Espagne ComteD'Erlou, 181i.Sous-Lientenaut.. Id 30 avril 1809. 27fvrier1813. 1811( Blessdun coupdesabrean1812 etPrt,,g.l. Marcf.a7dued~Raguse. poignetdroit labataillede1812) etPortugal.MarchalducdeRauseBlessd'uncoupdesabreau

    Salamanque,le27juillet1812.Lieutenant 13'Chasseurs cheval 27fvrier1813.. 1M3: SaxeetPrusse, VEmpereur. Blessd'uncoupdebaonnette,1814( France.Id. 1"Rg.deChasseurs cheval la bataillede Hanau,ledel'u-garde, , 10mars1813. 21dcembre1813. 1815 Waterloo. 29septembre1813.Capitaine jIoRgimentmmearme 21dcembre1813. SuivantcertificatdumarchalId Il*Cuirassiert. 19juin1814. ducdeReggio,lemarchalseId Chasseurs chevalduCantal., 6mars1816. trouvantengagdevantLeip-Id. , Trait: de rforme. 1erJanvierlh24. sickdansungrosdecuiras-Chef d'Escadron.. Gendarmerie du Bas-Rhin 18 septembre 1830. siers autrichiens et n'ayant queM. - duDoubs. 27aot1831. sonpepourdfense,a dId. Soldedecong I" novembre1831. enpartiesonsalut labra-ChefdeBataillon, , voureet au dvouementderangdelieute--. M.Ch.Parquin.

    ~*"~nant-colonel.GatdemunicipaledeParis 31dcembre1815. Aprisundrapeaul'ennemien

    Rayle15dcembreetmisennonactivitparretraitd'emploile8dcembre1812. Certificaiduducy

    lef5dcembreetmisennonactivitparretraitd'emploile8dcembre1836. deRaguse;

    Nul rcit, si loquent qu'il soit, ne vaudrait cette simple numration de dates ;

    on ne pourrait ici, en les amplifiant, que rsumer les mmoires et c'est Parquin seul

    qui peut raconter Parquin. Nanmoins, partir de la Restauration il convient d'in-

    diquer en peu de mots quelle a t sa vie, puisque par malheur il n'a point crit

    comme il en avait le projet, la seconde partie de ses Souvenirs.

    Pass le 19 juin 1814, lors de la rorganisation de l'arme, au 11e rgimentde cuirassiers, il prit part en 1815 aux admirables charges que le rgiment fournit

  • INTRODUCTION v

    aux Quatre-Bras et Waterloo. (Brigade Guiton, division Lhritier, corps Keller-

    mnn.) Au licenciement, il rentre dans la cavalerie lgre, au 5e rgimentde

    chasseurs cheval, alors dnomms chasseurs du Cantal. Les adversaires du

    drapeau blanc croyaient pouvoir compter sur lui et l'avaient sans doute initi

    la grande conspiration militaire qui devait clater la fois Paris et en province

    en aot 1820; il fut en tous cas impliqu dans le procs dfr la cour des

    Pairs, sinon comme complice direct, au moins comme coupable de n'avoir pas

    rvl les projets du colonel Maziau, prsent comme le chef du complot. Inter-

    rog par le chancelier Dambray, Parquin rpondit : Le colonel ne m'a rien confi,

    mais l'et-il fait, n'attendez pas de moi que par une dclaration quelconque je fasse

    porter sur l'chafaud la tte d'un de mes anciens camarades . Les griefs allgus

    taient si peu appuys de preuves que, sans mme en dlibrer, la cour des Pairs

    dclara Parquin hors de cause. On avait intrt ne point montrer quelles racines

    profondes avait jetes dans la nation et dans l'arme la haine contre les Bourbons

    et quelles ramifications la conspiration avait pousses la Chambre des dputs,

    dans les tats-majors, dans tous les rgiments. Le ministre de la Guerre n'en mit

    pas moins en rforme l'ancien capitaine aux chasseurs de la Garde.

    Parquin, qui perdait ainsi un tat acquis par dix-huit annes de service et

    neuf blessures, se vit en butte toutes les tracasseries de la police, et se trouva

    bientt oblig de se retirer en Suisse. Il y pousa en 1822, Mademoiselle Cochelet,

    l'ancienne compagne de pension de la reine Hortense, son ancienne lectrice, sa

    compagne d'exil, sa commensale Arenemberg. Mademoiselle Cochelet a laiss, on ,

    le sait, les mmoires les plus curieux sur les dernires annes de l'Empire. Elle

    tait d'une nature distingue et intelligente, avait reu une ducation remarquable

    et son dvouement fut toujours la hauteur de son esprit. Parquin s'installa mo-

    destement avec elle dans une petite proprit appele le Wolfsberg, auprs d' Are-

    nemberg.

    Les liens qui l'attachaient jusque-l l'Empire n'avaient rien de personnel :

    comme la plupart des soldats de l'ancienne arme, il s'tait vou jusqu' la

    mort Napolon, mais il fallait des circonstances exceptionnelles et telles qu'il les

    rencontra, pour que la fiction de l'hrdit dynastique lui inspirt pour la personne

    du fils de la reine Hortense, du neveu de l'Empereur, une fidlit passionne. Il

    vit grandir le prince Louis-Napolon, se donna pour tche, pendant que d'autres

  • VI INTRODUCTION

    comme Lebas et Vieillard lui parlaient de la Rvolution, delui parler sans cesse

    de l'Empereur, d'tre prs de l'hritier ventuelde Napolon, le reprsentant de

    la vieill arme. La Rvolution de 1830 survint et la dception qu'elle apporta aux

    exils fut profonde. On ne s'tait pointc souvenu de Napolon II et tous les anciens

    conspirateurs de 1820 se ralliaient lamonarchie nouvelle. Parquin fit comme les

    autres. Rappel n France, il y retrouva le grade de chefd'escadron et un emploi

    dans l gendarmerie. Pass dans la garde municipalede Paris, il tait en cong

    Strasbourg lorsque le prince Louis-Napolon y vint pourrenverser le gouverne-

    ment de Louis-Philippe. Le Prince le ft appeler : ce Parquin, lui dit-il, j'ai rompu mon

    ban, j'apporte ma tte. Je vais marcher la tte de la garnison: me suivrez-vous? -

    Mon Prince, rpondit Parquin, partout o vous courrez des dangers, je serai prs de

    vous. La tentative choua comme on sait, et Parquin, traduit devant la Cour d'assises

    du Bas-Rhin, eut expliquer la part qu'il avait prise au coup de main : Il

    y-a trente-trois ans, dit-il, comme citoyen et soldat, j'ai prt serment Napo-

    lon et sa dynastie Le jour o le neveu de Napolon vint me rappeler

    clui que j'avais fait son oncle, je me crus li et je me dvouai lui corps et

    me.

    Tout l'homme est l ; il ne conspire-pas, il obit. A Strasbourg il n'tait initi

    aucun des prparatifs. Mais le Prince lui donne une consigne, c'est assez. Dfendu

    pardon frre, btonnier des avocats la Cour de Paris; Parquin fut acquitt, mais

    de nouveau il perdit son grade et on cessa mme de lui payer son traitement de la

    Lgion d'honneur. N'tant plus officier, il put du moins se battre en duel avec

    le eoloBl Talandier du 46e qui l'avait insult et lui avait arrach ses paulettes.

    C'tait un compte rgler : peu s'en fallut que les deux adversaires ne restassent

    SMr la place. Dsormais, rien ne retenait plus Parquin. Sa femme tait morte le

    7 mai 1835 ; sa nlle'daire avait t, aprs la mort de la reine Hortense, recueillie

    par la Grande Duchesse de Bade, Stphanie de Beauharnais, qui n'avait pointoubli son affection pour Mademoiselle Cochelet et faisait lever sa fille Manheim

    avec ses propres filles. Il se consacra tout entier au Prince Louis dont il devint

    l'uh des aides de camp les plus actifs, le serviteur le plus dvou et le plus fidle,si troitement ml toutes ses tentatives que son histoire pendant ces quatreannes serait en quelque faon celle du Parti, rduit quelques hommes dvous

    et honntes qu'entouraient des intrigants et des aventuriers de tous ordres. Parquin

  • INTRODUCTION vu

    tait peu prpar une telle vie et sa franchise militaire s'accommodait mal de

    certaines frquentations, mais le Prince commandait et il obissait.

    Ce fut lui qui fut charg de parcourir les garnisons du Nord, de. sonder les.

    officiers et de s'assurer de leurs dispositions. Il trouva sans doute auprs d'eux un

    accueil favorable, mais on eut soin plus tard de faire sur cet incident un demi-silence

    et de ne point impliquer dans les poursuites plusieurs de ceux que Parquin avait visits.

    Ces menes avaient pour objet de prparer l'expdition devBoulogne, dans laquelle.

    Parquin eut une part active aux cts du prince Louis-Napolon. Avec lui il fut pris, et.

    avec lui il. fut traduit devant la chambre des Pairs qui le. condamna .vingt annes de

    dtention, la surveillance de la haute police pendant toute sa vie, , la dchance de

    ses grades et dcorations. C'tait dur, mais Parquin .n'tait point de ceux que leur foi

    trahit. Ce fut pendant sa dtention la citadelle de Doullens qu'il crivit ces souvenirs,

    si pleins d'entrain, de jeunesse,, de gaiet, emports par une confiance endiable,,

    par cette robuste bonne humeur du soldat que nulle adversit ne peut abattre ou

    mme troubler. De sa prison, comme la plupart de ses compagnons, comme le

    Prince surtout, il jugeait toute proche l'entre dans la terre promise. Il n'y, entra

    point, tant mort le 19 dcembre 1845, et ce fut peut-tre un bonheur pour lui, car

    l'Empire que l'on fit n'et point t l'Empire qu'il avait rv. Peut-tre et-il obtenu une

    place dans ce Snat du second Empire, image trop fidle de cette cour des Pairs qui

    l'avait condamn, o les clameurs lgitimistes et clricales tentaient, d'touffer toute

    parole librement fidle au souvenir de Napolon, o n'tait comme une. tare d'avoir

    conspir la chute des Bourbons. Ce qu'il et reprsent l c'et t cette sublime fidlit

    des officiers subalternes qui, eux, n'ont gagn de Napolon ni titres, jii dotations, mais

    qui ont aim FEmpereur d'un amour si passionn qu'il leur fut une religion, qui se

    sont donns - Napolon corps, et me comme on se donne un Dieu,* et qui,,

    mme lui mort, mme son fils mort, attendaient sa rsurrection, croyants comme

    on l'est dans le peuple et de cette foi qui fait les miracles. En vrit, qui l'eut

    entendu, qui l'et cout, qui l'et, compris ? :

    On ne voit point que le nouvel Empire ait eu pour la fille de ce dvou des Jkveurs.

    bien grandes. Le nom de mademoiselle-Claire Parquin, devenue la baronne de Stengel,

    l'pouse d'un ministre d'Etat du Grand Duc de Bade, n'apparat qu'une fois dans -les,,

    papiers des Tuileries (L'Allemagne -aux Tuileties, page 398, n 1576), c'est pour une

    simple demande d'audience. Une de ses filles parat avoir t tenue sur les fonds bap-

  • VII" INTRODUCTION

    tismux par l'Empereur NapolonIII. C'est tout. La famille nombreuse qu'elle a laisse

    elle est morte le 25 mai 1873 vit en Allemagne et les filssont au service. Rien

    n'avait t: fait pour les attirer en France et d'ailleurs la hautesituation qu'occupait

    le baron, de Stengel n

  • 1

    SOUTOtflS DU CAPITAINE PARQUIN

    1W,FRANCE ET PRUSSE, 1803-1807

    Le 11 Nivse an XI de la Rpublique, correspon-

    dant au 1er janvier 1803, je descendais de la diligence

    de Paris Abbeville, en Picardie, avec un jeune

    homme de mes amis, M. Fournerat. Aprs nous tre

    fait indiquer la maison o demeurait M. Idoux, capi-

    taine quartier-matre au 20" rgiment de chasseurs

    cheval, nous nous rendmes chez lui pour contracter

    un engagement dans ce corps. Le quartier-matre nous

    objecta que le rgiment tait au grand complet, que

    d'ailleurs mon ami n'avait pas la taille pour tre admis

    et que moi probablement je n'avais pas l'ge exig pour

    contracter un engagement. J'avais peine seize ans.

    Vous avez parfaitement raison, lui rpondit M. Fournerat, mais veuillez prendre

    connaissance de ce mot d'crit.

    Et en mme temps il lui prsenta un billet du colonel Marigni que nous avions vu

    Paris, avant notre dpart.

    Aprs la lecture de ce billet, qui tait une autorisation de nous admettre, toutes les

    difficults furent leves.

    Nous dmes, pour complter nos masses, verser chacun vingt-sept francs. C'tait un

  • 2 SOUVENIRS DU CAPITAINE PARQUIN

    usage de rigueur et que nous suivmes l'instant; puisun chasseur, de planton chez le

    quartier-matre, nous conduisit au quartier. Nousavions demand et obtenu d'entrer dans

    la 68 compagnie, commande par un ami de mon pre, le capitaine Lavigne, quenous

    avions vu Paris chez le colonel Marigni. Ce capitaine avait promis mes parents

    d'avoir soin de moi et il a tenu sa parole jusqu' sa mort arrive labataille d'Ina,

    le 4 octobre 1806.

    Quand nous arrivmes au quartier, le rgiment tait cheval, en grande tenue,et

    allait tre pass en revue par le commissaire des guerres. J'admirai, ainsi que mon ami,

    la beaut de ce corps, qui avait la rputation d'tre un des meilleurs de l'arme,et qui

    venait de faire les belles campagnes de Moreau sur le Rhin. Le gnral Richepanse, qui

    comptait dans sa brigade lester et 20e chasseurs, ne manquait jamais de dire en abordant

    l'ennemi, qu'avec le numro 21 il gagnait partout.- Voici la tenue du rgiment : les chasseurs avaient pour coiffure un schako de drap

    noir, d'une forme lgante, surmont d'une flamme de drap aurore qui se terminait en

    pointe. Cette lfamme dploye, avec le plumet noir et rouge sur le schako, annonait la

    grande tenue. On portait la queue quatre pouces de chevelure, un pouce couvert par

    un ruban de laine noire et un pouce dpassant la queue. Deux longues et fortes tresses

    pendaient le long des joues, et taient termines par un petit morceau de plomb en ruban.

    La chevelure et les tresses taient pommades et poudres. Le dolman vert, parements et

    passe-poils aurore, tresse en laine blanche, et cinq rangs de boutons bombs; le pantalon

    hongroise, tresse galement en laine; les bottes la

    hussarde, plisses sur le cou-de-pied; une ceinture

    verte et aurore, large de huit pouces, avec glands de

    mme couleur; enfin des gants la Crispin compltaientce brillant uniforme. Chaque chasseur avait la sabreta-

    che pendante environ de deux pieds au ct gauche et

    soutenue par trois courroies au ceinturon du sabre.

    Le rgiment tait parfaitement mont. Le 1er esca-

    dron avait des chevaux noirs ; le 2e escadron, des

    chevaux bais ; le 3e escadron, des chevaux alezans ;enfin le 46 escadron, les trompettes et la musique

    avaient des chevaux gris. Mon ami et moi nous tions

    ravis. C'tait la musique surtout, il faut que je le dise,

    qui nous transportait. Une seule chose me chagrine, dis-je mon

    ami, c'est d'avoir les cheveux coups la titus.

    C'est vrai, me rpondit-il, mais ils pousserontet dans six mois nous pourrons porter la queue commeles autres. L'exprience a prouv qu'il me fallaitune anne.

  • Tyjwgravureetir

  • -ud,Valadull&CIC.Monami et moinoustions ravis. C'tait la musiquesurtout, il faut

    'Illeje le dise, qui nous transportait.(RCITSDEGUERRE,page 2.)

  • FRANCE ET PRUSSE, 1803-1807 3

    Le brigadier de notre escouade nous conduisit le lendemain matin au magasin du

    capitaine d'habillement o on nous dlivra notre uniforme au grand complet. Puis, quand

    nous fmes de retour au quartier, ce brigadier dit l'oreille de Fournerat que l'habitude

    de chaque recrue, en entrant au rgiment, tait de graisser la marmite de l'escouade. Mon

    ami et moi nous donnmes chacun un louis de vingt-quatre francs. Le brigadier nous remercia

    de notre gnrosit et nous fmes classs parmi les bons vivants de la compagnie.

    Le marchal des logis chef de la compagnie tait un homme d'une jolie tournure,

    g de vingt vingt-deux ans; on le disait enfant de troupe : beau et bon militaire,

    svre, mais juste. Il est arriv par la suite marchal de camp. M. Lacour, c'tait son

    nom, me prit en amiti, et je peux dire que c'est lui qui m'a fait soldat.

    Il y avait cinq mois que j'tais la compagnie, quand, un dimanche, ce marchal

    des logis chef, passant la revue prparatoire d'inspection, s'arrla devant moi, et aprs

    m'avoir tois de la tte aux pieds :

    Parquin, me dit-il, vous avez une belle tenue, mais vous n'tes pas soldat; vos

    armes sont propres, vous les maniez bien, f ! Ayez un regard assur, fixez-moi jusque

    dans le blanc des yeux; faites-moi trembler si vous pouvez, f ! vous tes sous les

    armes.

    Je lui obis l'instant, et depuis il n'eut plus l'occasion de me faire une pareille leon.

    J'avais, pour brigadier de chambre, un nomm Tiss qui avait reu pour sa bravoure

    une carabine d'honneur. Il avait, lui second, dlivr trois cents fantassins franais et fait

    prisonnires deux compagnies de grenadiers hongrois qui les escortaient.

    Je me suis fait raconter souvent par Tiss ce fait d'armes qui tait transcrit sur sa

    carabine tel que je viens de le rapporter :

    A la bataille de Hohenlinden, disait-il, j'tais rest toute la matine en arrire pour

  • .4 SOUVENIRS DU CAPITAINE PARQUIN

    faire ferrer mon-cheval par Robin, marchal-ferrantde la compagnie. Lorsque nous fmes

    rejoindre le rgiment, nous nous garmesdans la fort o nous marchions dans la

    -

    direction que nous indiquait le bruitde la fusillade et du canon. tant parvenus l'une

    de ces prairies si frquentes dans les grandesforts de l'Allemagne et qui fournissent la

    : pturew au gibier de toute espce qu'elles reclent;nous apermes (sans tre vus) environ

    trois cents de nos compatriotes dsarms etconduits par les Kaiserliks.

    Une inspiration nous vint : nous mmes nos chevaux au galop, et nous nous pr-

    cipitmes sur cette colonne en dchargeant nos pistolets aux cris : En avant ! en avant !

    par ici! pas de prisonniers ! etc. L'ennemi, surpris, se croyant tomb dans une

    embuscade, s'arrte, hsite tirer, nos Franais sautent sur leurs fusils, s'en emparent,

    et dans un instant les rles changent ! les fantassins conduisirent les Hongrois prisonniersau quartier gnral, guids par Tiss et par Robin. Ce dernier tait appel au rgiment

    depuis cette poque : Robin des Bois.

    Il y avait au corps plusieurs armes d'honneur. Le capitaine Lavigne en avait gagnune pour avoir, lors de la retraite de Moreau l'arme du Rhin, command toute une

    journe, lui simple capitaine, le rgiment, et avoir russi, par d'habiles manuvres et des

    charges faites propos, le dgager d'une position presque dsespre.

    Quant au capitaine Kirmann, qui commandait la 3e compagnie du rgiment et qui avait

    aussi un sabre d'honneur, la simple demande de cette arme, faite par le colonel Lacoste,

    qui commandait alors le rgiment l'arme du Rhin, donne la plus juste ide de la

    bravoure de cet officier.

    Cette demande tait ainsi conue : Le brave capitaine Kirmann a tellement us son sabre frapper l'ennemi que le Gouverne-

  • FRANCE ET PRUSSE, 1803-1807 5

    2

    ment ne peut se dispenser de lui en donner un autre. Accord fut la rponse du premier

    Consul. Je ne dois pas omettre de dire ici que toute arme d'honneur valait double solde

    celui qui l'avait obtenue. ,

    On citait, parmi les braves du rgiment, un brigadier de la compagnie d'lite qui,

    tant trompette alors et seulement g de

    quinze ans, avait fait prisonnier un dragonde Latour, un colosse ! Ce trom pette tant

    un jour avec les tirailleurs, arriva sur ce

    dragtwi^ sans tre aperu, et lui mettant son

    pistolet sjur la gr-ge : Prisonnier ou; mort!

    lui cria-t-ilr Le; djragpn, ce langage ner-;

    gique, rendit son sabre et fut fait prison-nier. Lorsqu'il arriva au peloton charg de

    soutenir les tirailleurs; les ;chasseurs se mirent (

    se moquer de, ce dragon', un hetocule qui1 :

    s'tait f^it-prendre et dsarmer par. un enfant). )

    L'Autrichien-changea tout coup de langage : Je n'ai- pas t pris; j'ai dsert , dit-il.

    Comment,) Henri, tu ne l'as donc pas

    fait prisonnier ? : dirent les chasseurs du

    rgiment. Mais Henri, pour) toute rponse,

    s'adressa au dragoni et lui dit : Ah! jene t'ai pas fait prisonnier : eh bien, monte

    cheval, voil tes armes; je vais te repren-

    dre, puisque la premire fois ne compte pas, ce qu'il parait! Ce que voyant, les

    chasseurs du rgiment ne voulurent pas que le combat recomment, et l'Autrichien resta

    dment prisonnier.Je me liai avec le brigadier Henri. Il tait de mon ge et me donna de bons conseils.

    Sa mort qui eut lieu la bataille de Raab, en 1809, a t un vritable deuil pour le corps.

    Parmi les crnes du rgiment, on citait galement le brigadier Popineau, qui avait

    gagn une carabine d'honneur L., lors de la fameuse retraite de Moreau. Voici le fait :

    Le colonel Schwartz commandait un corps de six cents hussards de l'arme du prince

    Charles, et ce corps tait compos de l'lite des troupes autrichiennes, car il avait la

    facult de se recruter dans toute l'arme parmi les meilleurs cavaliers. Ce colonel avait

    carte blanche. Il chagrinait l'arrire-garde de l'arme franaise, enlevait les convois, coupait

    la colonne de route, dlivrait les prisonniers, attaquait quand il trouvait une belle occasion,

    marchant la nuit plutt - que le jour; enfin c'tait un terrible chef de partisans. Il avait

    eu plusieurs rencontres avec le rgiment, et souvent ses hussards avaient eu prouver

    la bravoure du capitaine Kirmann. Il lui prit un jour fantaisie de. se mesurer avec lui.

    S'tant prsent en parlementaire devant le rgiment, il y appela le capitaine Kirmann en

  • 6 SOUVENIRS DU CAPITAINE PARQUIN

    combat singulier au sabre. Il. lui fut rpondu que le capitaine,bless d'un coup de feu

    la veille au bras droit, tait l'ambulance.

    Le colonel Schwartz, aprs la bravade qu'il venait de faire,avait tourn son cheval

    pour aller rejoindre les siens, lorsque le brigadier Popineau,de la compagnie Kirmann,

    mit son cheval au galop, et arriva en face du colonel en s'criant :

    Mon capitaine a reu hier un lger coup de feu qui le met horsde combat. Il

    regrettera beaucoup la partie que vous lui offrez ; mais si voulez vous mesureravec son

    brigadier, je suis prt vous rendre raison.

    Ton audace me plat , dit le colonel Schwartz en dgainant.

    Ces paroles taient peine prononces, que les deux champions faisaient voltiger leurs

    chevaux autour l'un de l'autre. Une parade de Popineau arriva temps pour le prserver

    d'un coup de sabre de son adversaire qui reut l'instant, par une prompte riposte, un

    vigoureux coup sur la figure.

    La France, au commencement de l'an XI de la Rpublique, tait en paix avec l'Europe,

    mais il tait facile de prvoir que l'Angleterre ne tarderait pas rompre le trait d'Amiens :

    Aussi le premier Consul yint-il faire, cette poque, la visite des ctes de l'Ocan et

    choisir l'emplacement de Bou-

    logne o s'tablit, une anne

    plus tard, cette arme quidevait effectuer la descente

    en Angleterre.Le lor juin 1803, le r-

    giment reut l'imprvistel'ordre de monter cheval

    pour former les correspon-dances sur la route et servir

    les escortes depuis Amiens

    jusqu' Saint-Valery et au

    del. Le premier Consul vint

    coucher dans la maison du

    maire, Abbeville et je fus

    command de piquet pied

    pour tre de garde prs du

    gnral Bonaparte. Je me rappelle encore avec quel bonheur, avec quelle fiert je faisaisfaction en dehors de 1 appartement qu'il occupait et combien je fus heureux du salut que mefit le premier Consul en entrant dans. son appartement lorsque je lui prsentai les armes.J'tais bien loin de m'attendre alors que dix ans aprs, je serais fait capitaine aux guides de

    l'Empereur.; Eh bien! je ne crois pas que j'aie jamais eu un moment plus beau que celui queje passai en faction la porte de l'homme qui dj attirait les regards de toute l'Europe.

    Le 1er juillet 1803, nous partmes d'Abbeville pour aller Caen o nous remplames

  • FRANCE ET PRUSSE, 1803-1807 7

    le 10e de dragons. Ce rgiment n'tait pas en bons termes avec la jeunesse de cette ville,

    jeunesse trs tumultueuse et s'adonnant alors beaucoup tous les exercices des armes;

    On y comptait plus de cent matres d'escrime.

    Le 43e rgiment d'infanterie qui tait aussi en garnison dans cette ville avait eu beau-

    coup de duels, et ce rgiment, attaqu de toutes parts, s'tait vu oblig de sortir des

    murs. Le ministre de la Guerre remplaa le colonel de ce corps et plusieurs jeunes gens

    de la ville impliqus dans cette affaire, furent svrement punis. D'aprs les ordres du

    premier Consul, le 43e rgiment fit sa rentre tambours battants et enseignes dployes.

    Une dputation de la ville fut le chercher en dehors des portes.Nous arrivions sur ces entrefaites. Le colonel Marigni qui aimait beaucoup les jeunes

    gens fit donner un assaut d'armes o toute la jeunesse de Caen fut invite, ainsi que les

    matres de la garnison. Ce fut au caf Labasse, sur la promenade, que l'assaut eut lieu.

    Une circonstance, quoique malheureuse, contribua ce que les Caennais nous prissent en

    amiti. Un terrible incendie s'tait dclar inopinment dans un des villages prs de la

    ville. Le gnral Laroche, commandant la

    division, apprit cette nouvelle au moment

    o il se rendait l'assaut ; en passant prsdu quartier de cavalerie qu'occupait le rgi-ment il entra dans le corps de garde en criant :

    A cheval ! cheval ! un village brle. -

    Et s'adressant au marchal des logis de

    garde : O est le trompette de service ? Mon gnral, je lui ai donn la per- ;

    mission d'aller manger la soupe son es-

    couade.

    O est sa trompette ? Elle est au ratelier des armes. La

    voici.

    Le gnral se saisissant l'instant de -;

    l'instrument, sonna le boute-selle au milieu- :

    du quartier. Cette sonnerie fut rpte aus-

    sitt par tous les trompettes du rgiment et

    en peu de minutes le rgiment fut cheval. Le gnral Laroche avait t trottipette ;dan&son jeune ge et il n'avait pas oubli son ancien tat.

    Le rgiment se trouvant runi,' le gnral Laroche se mit sa. tte et se portant au

    galop sur le village o l'incendie s'tait dclar, il, sauva les maisons qui n'avaient pasencore t atteintes par le feu.

    La belle conduite du rgiment dans cette circonstance et l'assaut trs brillant quieut lieu, nous russirent parfaitement. Non seulement la jeunesse rendit un assaut aux

    matres, mais elle y ajouta un punch norme qui cimenta la bonne intelligence. Ces bons

  • 8 SOUVENIRS DU CAPITAINE PARQUIN

    rapports continurent pendant le peu de temps que nous passmes Caen, et plusieurs

    jeunes gens de famille, trs riches, de cette ville, s'engagrentau rgiment o, non

    seulement ils fournirent leurs masses, mais s quiprent et se montient leurs frais.

    De Caen nous allmes Rennes o nous arrivmes le 10 septembre pour y laisser le

    dpt sous les ordres du gros major Castex qui venait d arriver au rgimentet qui, parti

    simple soldat au 24e chasseurs cheval, est devenu lieutenant-gnral,vicomte et grand

    officier de la Lgion d'honneur.

    Le. le" mai 1804, le major Castex me fit venir chez lui pour m'annoncer que j'tais

    fait brigadier sur la demande du capitaine Lavigne et que je serais reule lendemain

    dimanche a la parade. Il me dit en outre que je ferais partie en cette qualit d'un dta-

    chement qui allait rejoindre les escadrons de guerre dtachs sur les ctesde l'Ocan.

    Ma compagnie tait Lannion, une trs petite ville de garnison, mais fort agrable : nous en

    partmes le 1" dcembre pour Guingamp d'o je rejoignis, le 1er janvier 1805, le rgiment

    Saint-Brieuc. De l, nous allmes Napolonville que nous quittmes le 5 avril pour nous

    rendre Versailles o nous arrivmes le i01 mai. Notre rgiment resta cinq mois Versailles

    et, le 5 octobre 1805, nous remes l'ordre de venir a Paris. Nous allmes caserner dans le

    quartier Bellechasse, faubourg Saint-Germain. Ds le dimanche suivant, le rgiment monta

    cheval pour tre pass en revue par le prince Louis, frre de l'Empereur. La garnison de Paris

    ne se composait que d'un rgiment d'infanterie dont l'uniforme tait vert et qu'on appelait

    gardes de Paris ; puis d'un autre rgiment habill en rouge qui avait la mme dsignation

    que le prcdent, plus l'pithte d','I'c(,isscs que le gamin de Paris lui avait donne.

    Ce qui fut une nouveaut pour nous, ce fut la compagnie des Mamelucks. Je ne me

    doutais gure que je l'aurais plus tard sous mes ordres, ainsi qu'une compagnie de jeune

    Garde pendant toute la campagne de France. Les Mamelucks, lors du dfil, partaient au

    grand galop sans conserver aucun alignement et, arrtant leurs chevaux tout court sur place,ils ressemblaient absolument une vole de pigeons, quittant la terre pour changer de champ.Plus tard, ils excutrent cette manuvre comme la cavalerie de toutes les armes.

    L'Empereur tait ce moment l'arme et remportait la victoire d'Austerlitz. Cette

    poque, si glorieuse, fut une poque de tranquillit parfaite l'intrieur puisqu'il n'y

    avait que trois mille hommes Paris et fort peu dans les dpartements.Notre rgiment dut quitter la France. Nous remes l'ordre de nous rendre en Hollande

    o nous arrivmes le 1L1 dcembre 1805. Aprs avoir tenu garnison Nimgue, nous nous

    rendmes a Brda. Je remplissais les fonctions de fourrier. Le rgiment tait log ch ez les bour-bour-

    geois pendant l'espace de temps ncessaire la disposition du quartier qui tait en mauvaistat. J'avais eu un mauvais logement et je retournai en chercher un autre la municipalit,mais elle tait ferme. J'avais remarqu le matin, dans le bureau de la mairie, une dame d'unetrentaine d'annes, parlant parfaitement le franais, qui paraissait donner des ordres aux

    employs et servir d'interprte. Je demandai son nom et me fis indiquer sa demeure.Mademoiselle van V.s demeurait sur la place de Brda et runissait le titre d'employe

    la mairie celui de marchande de nouveauts. Lorsque j'entrai chez elle au rez-de-chausse

  • 1,ChromotypogravureetimpnmerieIJoussod,Valadon&C18.

    LesMameluc/is, lors dudfile, partaientau grand galop sans conserveraucun aligne-ment.

    (HCITSDEGUERItE,page 8.)

  • FRANCE ET PRUSSE, 1803-1807 9

    3

    de son logement, je la trouvai

    dner avec deux autres de-

    moiselles. J'ai su depuis que

    c'taient ses surs. Elle voulut

    bien m'offrir l'hospitalit dans

    une chambre au premier tage

    qui avait t retenue pour

    M. Margueron, capitaine d'ha-

    billement, lequel ne devait ar-

    river que dans quinze jours.

    Je laisse penser si j'y fus

    confortablement. Mademoiselle

    van V.s tait blonde et d'une

    fracheur admirable ; elle avait

    une belle taille et lorsqu'elle

    riait, elle laissait voir trente-

    deux dents blanches et parfaite-ment bien ranges. Elle avait

    trente ans! N'est-ce pas cet

    ge que les femmes sont le

    plus sduisantes pour les jeunes

    gens de vingt ans? Aussi ne

    regardai-je pas impunment une

    femme aussi attrayante.Il survint alors un dsa-

    grment pour le corps. Le colonel Marigni fut dnonc par la majeure partie des officiers

    et dut subir les arrts jusqu' ce que son affaire ft claircie. Comme il tait gard pardeux factionnaires du 65 rgiment command par le colonel Coutard, son ami, il fut facile

    de s'entendre et un certain jour, le colonel Marigni sortit de son logement, prit la poste

    pour se rendre Paris auprs de son puissant protecteur, le marchal Murt dont il avait

    t jadis l'aide de camp.Le colonel Marigni tait un joli homme de trente trente-six ans, portant parfaitement

    l'uniforme, peu entendu aux manuvres, d'un naturel trs doux. Il passait pour trs brave,

    mais on le jugeait plus capable de servir aux tats-majors qu' la tte d'un rgiment.Il excellait au tir au pistolet, tait grand joueur, et quand la fortune lui souriait, le rgi-ment tait sr d'avoir une gratification : tantt c'taient des gants, tantt des plumets. Il

    levait souvent les punitions et se faisait aimer des sous-officiers et des soldats, mais il avait

    contre lui le corps des officiers qui l'avaient dnonc pour avoir, disaient-ils, vendu des

    congs. Le major Castex n'tait en rien compromis dans cette affaire et pendant l'absence

    de six mois que fit le colonel, ce fut lui qui commanda le rgiment. Il' me donna une

  • 10 SOUVENIRS DU CAPITAINE PARQUIN

    preuve qu'il avait t content de moien me nommant, le 1er fvrier 1806, fourrier dans

    la compagnie dlite. On doit comprendre si jefus heureux et flatt de cette nomination,

    moi jeune homme qui ne comptais pas vingtans.

    Vers le 10 aot, nous dmes partir pour La Haye, sjour du nouveauroi de Hollande,

    le prince Louis-Napolon, frre de l'Empereur, quinous avait passs en revue huit mois

    auparavant Paris. Quand nous arrivmes La Haye, c'tait au milieu de l't, et nous

    fmes installs dans le beau bois voisin du palais. Sous-officiers et chasseurs taientsous

    de belles tentes et les officiers, except ceux qui taient de service, furent logsen ville.

    Le 15 aot, jour de la fte de l'Empereur, nousfmes passs en revue par le roi

    Louis. Tout coup, d'un commun accord, la gauche et la droitedu rgiment s branlrent

    sans commandement et vinrent former le cercle autour du Roi; puis six cents, voix crirent la fois : Vive l'Empereur! vive le roi Louis! vive notre colonel Marigni! nous demandonsnotre colonel Marigni! nous, voulons qu'on nous le rende!

    -Vous l'aurez, mes arpis, rpondit le Roi..

    ,: Puis Je rgiment se mit dans son ordre naturel et dfila au galop.Le 15 aot, notre bivouac eut la visite de la- reine Hortense. La Reine tait dans une

    calche trane par six chevaux, avec deux dames,. L'une avait auprs d'elle un enfant de

    l'ge -de trois' ans : c'tait le prince, que la maladie du croup enleva un peu plus tard

    au dsespoir de toute la famille et surtout de l'Empereur. L'autre personne tait une

    demoiselle' plus jeune que la Reine et que cette dernire paraissait aimer beaucoup ; elle la

  • Typogravureet imprimerieYalailunACie.

    Il y eut cefour-l, 15Aot, festin et bal la cour, et lecapitaine Lavigneeut l'insigne honneur de danser une contre-danse avec la reine llorlense.

    (HCITSDEGlJERRE,page 11.)

  • FRANCE ET PRUSSE, 1803-1807 11.

    tutoyait. Je sus depuis que

    c'tait une amie d'enfance de

    la Reine, une compagne de

    chez madame Campan. C'tait

    Mademoiselle Cochelet, lec-

    trice de la reine Hortense.

    Le capitaine Lavigne, qui

    tait de service, prvenu

    temps, fit prendre les armes

    au rgiment et eut le bon got

    de faire avancer la musique

    au centre de la ligne au point

    o la calche de la Reine

    s'tait arrte. Notre musique

    qui tait fort bonne, se mit

    excuter l'air en vogue dans

    ce temps-l :

    Partant pour la Syrie,Le jeune et beau Dunois.

    dont la musique, comme tout

    le monde le sait, tait l'uvre de la reine Hortense. Elle parut fort touche de cette

    dlicate attention; puis elle s'empressa de demander que toutes les punitions fussent leves.

    Le capitaine Lavigne lui dit qu'elles avaient t leves pour l'anniversaire de la fte de

    l'Empereur.

    Sachez-moi au moins gr de mon attention, dit la Reine au capitaine Lavigne.Avant que la calche ne partt, la jeune personne qui tait en face de la Reine, fit

    signe Javot, notre chef de musique, d'avancer et elle lui remit, de la part de Sa Majest,

    vingt napolons pour la musique. Eh bien! si j'eusse dit en ce moment un de mes

    amis, Henri par exemple : Tu vois cette jeune personne dans la calche de la Reine

    qui se penche pour donner une bourse au chef de musique, ce sera ma femme un jour,

    il m'aurait trait de fou, et cependant j'aurais dit vrai. Mais n'anticipons pas sur le temps

    et continuons dans l'ordre de mes souvenirs.

    La calche six chevaux reconduisit la Reine La Haye. 11 y eut ce jour-l, i5 aot,

    festin et bal la Cour et le capitaine Lavigne, qui fut relev du service du camp, eut

    le bonheur d'y assister et mme, sur une invitation du premier chambellan, il eut l'insigne

    honneur de danser une contre-danse avec la reine Hortense. C'tait pour le remercier de

    la politesse que Sa Majest avait reue de lui au camp.

    Le i6 aot, notre rgiment se mettait en route pour retourner en garnison Brda,

    d'o nous partions pour Cologne le 20 du mme mois.

    Les adieux de garnison sont tous les mmes : regrets rciproques de se quitter,

  • 12 SOUVENIRS DU CAPITAINE PARQUIN

    promesses sans finde penser toujours vous, de ne jamais

    vous oublier, de s'crire, etc.

    s- d emoiselle van V. s voulut que "j 'emp ortass e un sou ven ir d'elle, et, s'tant a p ere.ueMais' Mademoiselle van Y.s voulut que j'emportasse

    un souvenir d'elle, et, s'tant aperue

    que je fumais, elle me dit- : Charles, je veux vous donner cette belle pipe qui est dans

    la montre au comptoir, maiscomme je ne puis le faire ouvertement, achetez-la ma sur

    qui vendtout dans la boutique. Et elle me glissa quarante-huit francs

    dans la poche.

    J'avoue que j'prouvai un plaisir extrmeen voyant Mademoiselle van V.s m'offrir une

    belle pipeen cume de mer qui plus d'une fois m'avait tent, mais que, vu son prix, je

    n'avais

    jamais song acheter. Cependant j'hsitais accepter ce cadeau; Mademoiselle van V.s

    me dit :

    Quoi ! Charles, vous ne voulez pas accepterun souvenir de votre amie! Cela me fait

    beaucoup de peine. Je n'hsitai plus alors,

    et je lui en tmoignai toute ma reconnaissance.

    ':Comme sa sur, Mademoiselle Henriette, tait occupe avec plusieurs pratiques dans

    la boutique lorsque je m'en allai, jelui dis : Ne vendez pas cette belle pipe, de grce;

    je vous l'achterai demain. C'est quarante-huit francs, n'est-ce pas ?

    Qui, monsieur l Fourrier, rpondit-elle avec un air de contentement que j'attribuai la satisfaction d'avoir vendu cette pipe.

    Le lendemain, midi, en entrant au

    magasin, je trouvai Mademoiselle Henriette

    dans son comptoir. Elle me dit : Oh que

    je suis contente de vous voir avant que ma

    sur ne rentre du sermon ! Vous ne savez

    pas, voil la pipe, je vous la donne; je ne

    ; veux pas d'argent de vous ; de mes cono-

    mies, je remplacerai les quarante-huit francs.

    Je ne voulais pas accepter; cela me met-

    tait dans un embarras extrme. Dire Made-

    moiselle Henriette que sa sur m'avait donn

    ; l'argent pour acheter la pipe, c'tait livrer

    un secret; dire la sur ane que sa sur

    , cadette voulait me donner la pipe en cadeau,c'tait un autre secret, et plus encore! Ma

    foi, j'acceptai de Mademoiselle Henriette la

    pipe; je l'embrassai pour lui prouver ma reconnaissance; mais il tait temps que le rgi-ment quittt Brda, car j'aurais t oblig, par la suite, de soutenir en amour un feu

    crois, ce qui eut. bientt dcouvert Henriette sur quel pied j'tais avec sa sur ane,et cette dernire combien sa sur pouvait, lui faire tort.

    Avant le dpart de Brda, le. rgiment reut l'ordre de couper la queue et les tresses,ce qui nous dsespra. Il ne fallut pas moins que le raisonnement tout-puissant des officiers,

    quidisaient la troupe qu'on allait entrer en campagne, que ce serait beaucoup plus

    propre et surtout plus commode pour faire la guerre. Enfin, le major Castex le voulut

  • FRANCE ET PRUSSE, 1803-1807 13

    4

    positivement, il tait fort aim au rgi-

    ment, et l'ordre fut excut.

    Voil donc o devaient aboutir les

    peines et les soins que j'avais pris de faire

    pousser ma chevelure qui, soit dit sans

    amour-propre, fournissait une des queues

    et des tresses les plus belles de la com-

    pagnie. Allons, dis-je mon camarade Henri,

    le sacrifice en est fait, coupe, d'autant plus

    qu'il me faut des cheveux pour encadrer

    dans une bague et pour faire le collier

    d'un mdaillon. Rien que cela! me dit Henri,

    et il se mit la besogne.J'achetai un mdaillon, je fis faire un

    collier de mes cheveux, et j'y mis une

    agrafe en or. Puis, dans une jolie bague,

    je fis placer une mche, toujours de mes

    cheveux. Ces acquisitions me cotrent

    plus de soixante francs ; mais je ne voulus

    pas rester en arrire des deux surs. La

    veille du dpart, j'acceptai un punch queme donnrent ces dames, et avant de les

    quitter, je glissai dans la main de cha-

    cune d'elles mon petit cadeau.Le lendemain, quatre heures du

    matin, en passant devant le logement de

    ces charmantes personnes, une fentre au

    deuxime tage s'ouvrit. Mademoiselle

    van V. s en pleurs et le mouchoir la

    main, me faisait des signes d'adieu. J'y rpondis l'instant et cette bonne et excellente

    Mademoiselle van V s disparut mes yeux pour toujours!Nous sortmes de la Hollande par Nimgue, et nous remontmes le Rhin sur la rive

    gauche jusqu' Cologne, o le rgiment arriva le 1er septembre; nous fmes cantonns au

    village de Bruhl. Aprs quinze jours de cantonnement, on organisa les quatre escadrons

    de guerre et l'on s'achemina vers Mayence; nous passmes le Rhin le 20 septembre et,

    le lendemain, nous fmes Francfort.

    L'tonnement fut grand pour le rgiment, lorsqu'en dfilant dans la grande rue de

    Francfort, il aperut le colonel Marigni, en grande tenue du rgiment, ct du marchal

  • t4.S0UV.EN:IR"S PU: CAPITAINE: P'ARQUIN

    Augereau sur le balcon- de l'htel du Cygne. Les crisde Vive., le colonel Marigni,

    clatrent depuis la tte du rgiment jusqu' la queue pendant toutle dfil, Pour les

    chasseurs, il tait visible que le colonel leur tait rendu et queson affaire avait bien

    tourn; et, en effet, le princeMurt s'tait intress au sort de son ancien aide de camp.

    L'Empereur* qui avait su la manifestationdu rgiment lors de sa fte la Haye, pronona

    ces paroles : cc Un colonel qui est ainsi aim de son rgiment doit lui tre rendu ?..Il

    fit annuler toute la procdure, en disant qu'il tait bon qu'un corps d'officiers s'apert

    des fautes de son colonel, mais qu'il n'aimait pas les dnonciateurs. Puis il avait donn l'ordre

    au coloneld

    venir prendre :le commandement du rgiment son passage Francfort.

    Ds le lendemain, nous prmes la ,route d'Allemagne par Aschaffenbourg et Wurtzbourg.

    Depuis le jour que nous avions pass le Rhin Mayence, le rgiment faisait partie du

    7e corps d'arme command par le marchal Augereau qui manuvra en suivantles mou-

    vements de la Grande Arme. La guerre avec la Prusse tait dclare.

    Le rgiment tait fort content d'avoir son colonel, mais il voyait avec peine s'loigner

    du corps le major Castex. Ce dernier avait reu l'ordre de se rendre Bonn, petite ville

    auprs Ide Cologne o le dpt que nous avions laiss, Bruhl s'tait rendu; Jugez du

    dsappointement du major qui aurait mme prfr un grade subalterne pour rester l'arme.

    Il priait, suppliait le marchal Augereau de l'employer, ne ft-ce que pour assister la

    premire bataille. Notre rgiment tait depuis peu de jours en brigade avec le 76 chasseurs.

    Or, ce rgiment avait pass le Rhin sans colonel et sans major la tte. M. Castex en

    fit l'observation au marchal et obtint la permission de commander le 76 chasseurs jusqu'ce que M. de Lagrange,

    son colonel, arrivt. Celui-ci ne parut pas de toute la campagne, et

    le colonel Marigni ayant t tu le jour de la bataille d'Ina, le major Castex fut, le

    lendemain,, coime on le verra, nomm colonel du 206 chasseurs cheval.

    Depuis le jour que nous avions pass le Rhin nous marchions en brigade ; le 76 et le

    208 chasseurs formaient alternativement l'avant-garde du 76 corps, et marchaient en tte

    de la colonne dans Ja direction de la Saxe.

    Ce fut le 10 octobre, au passage de la Saale, devant la petite ville de Saalfeld, quele 3e corps d'arme, command par le marchal Lannes, eut la premire rencontre avec

    un rgiment d'infanterie prussien, command par le prince Louis de Prusse, neveu du roi.

    Cette infanterie qui ne tenait pas devant nos troupes, se retirait en dsordre au passaged'un gu sur la Saale, et le prince Louisr avec quelques hussards d'ordonnance, s'efforaitde rallier les fantassins, lorsqu'un marchal des logis du 106 hussards franais, qui s'appelait

    Guindey, arriva sur lui la pointe au corps, lui criant : Rendez-vous, gnral, ou vous

    tes mort !

    - Moi me rendre, jamais !

    ; Et, relevant l'arme de Guindey, il lui porta un coup de sabre qui atteignit le marchal

    des logis la figure; il allait lui en donner un second coup, lorsque Guindey, ripostantd'un coup de pointe, traversa la poitrine du Prince et le jeta en bas de son cheval. Les

    ordonnances du Prince le voyant en. combat singulier avec un soldat franais, arrivrent

  • hi^iiotypo^ravureetimprimeriellotlsso,\'aladon C"\

    En relevant l'arme de Cuindey, il lui portaun second coup de sabre fJlli atteignit le marchaldes logis la figure; il allait lui en donner un secondcoup,lorsque Guindey ripostant d'un coupdepointe,traversa la poitrine du prince.

    (RCITSDEGUERRE,page 14.)

  • FRANCE ET PRUSSE, 1803-1807 15

    au galop, et ils se seraient infailliblement empars de Guindey, ou ils l'auraient tu, si un

    hussard du 10e ne ft arriv au galop en s'criant : Tenez bon, marchal des logis!

    Puis, lchant un coup de pistolet, il tendit mortun hussard prussien ; ce que voyant,

    les ordonnances du Prince disparurent.

    La mort du prince Louis de Prusse, quand elle fut connue de l'arme franaise, y

    donna lieu au couplet suivant, ce qui prouve que le champ de bataille n'engendre pas la

    mlancolie :C'est le prince Louis-FerdinandQui se croyait un gant

    Ah! l'imprudent !Un houssard, bon l!Lui dit: N'allez pas si vite

    Ou bien, sinon a,Je vous lance un' mort subite

    A la papa . (bis)

    Guindey, bless comme il l'tait, ne pouvait pas seul avec ce hussard tenir le terrain;

    il se retira donc avec ce dernier sur le peloton du rgiment qui soutenait les tirailleurs.

    Arriv l, il dit l'officier qui commandait :

    Lieutenant, si vous voulez pousser avec moi jusqu' la rivire, mille pas d'ici,

    nous y trouverons le corps d'un officier gnral que je viens de tuer; c'est celui-l mme

    qui m'a bless la figure; nous lui prendrons son pe et son crachat, si toutefois

    l'ennemi ne l'a pas enlev. yL'officier suivi de sa troupe partit au galop avec le marchal des logis et arriva sur

    le terrain o deux hussards du 9e, qui taient de brigade avec le 10e, se trouvaient dj

    auprs du mort.

  • 16 SOUVENIRS DU CAPITAINE PARQUIN

    C'est moi qui l'ai tu, dit Guindey ; ma lame de sabre estencore teinte de son sang ;

    il doit avoir un coup de pointe dans la poitrine. Prenez sa bourse, s'il en a une, je vous

    la donner mais remettez-moi son sabre et son crachat, que je les porte au Marchal.

    Les hussards du 9e remirent Guindey

    ce qu'il demandait et quand il fut en possession

    de son trophe, il le porta au Marchal. Dans

    le mme moment, des prisonniers prussiens,

    appartenant au 3e corps, annonaient que le

    prince Louis de Prusse, leur gnral en chef,

    venait d'tre tu par un hussard franais. Cette

    nouvelle tait trop importante pour que le

    Marchal n'en ft pas part tout de suite

    l'Empereur. Guindey tait l'ambulance faire

    1panser sa blessure, c'est ce qui empcha le

    Marchal de l'envoyer au quartier gnral. Il

    fit porter le sabre et le crachat par un de

    ses aides de camp. L'Empereur lui accorda

    la croix d'honneur en disant :

    Je l'eusse fait de plus officier s'il m'et

    amen le Prince vivant.

    Lorscrue le Marchal, le 12 octobre auA

    matin, avant de quitter Saalfeld,fut voir Guindey l'ambulance et lui porter sa dcoration,

    Son Excellence ne manqua pas de lui rapporter les paroles que Sa Majest Impriale avait

    prononces eft f lui donnant la croix. ,

    :Ce n'est pas ma faute, Monsieur le marchal : vous voyez comme il m'a arrang,

    rpondit .Guindey en lui montrant sa blessure. Je puis vous assurer qu'il n'tait pas d'humeur

    se rendre.

    Le 13 octobre 1806, veille de la bataille d'Ina, le rgiment, ainsi que le 76 corpsd'arme dut faire des marches forces pour arriver au lieu qui lui tait indiqu. Ce jour-l,nous bivouaqumes dans les champs prs d'un village o tait log l'tat-major du Marchal

    et une division d'infanterie commande par le gnral Desjardh C'est cette division quidevait occuper et qui occupa effectivement un dfil important par lequel le corps d'arme

    devait passer le lendemain, 14 octobre, pour se porter sur le champ de bataille d'Ina, o

    toute l'arme prussienne se trouvait runie.

    A cause de la proximit du village de Gra, nous emes de la viande de mouton et

    d'oie, car la Saxe en fournit en abondance. Le champ sur lequel nous avions tabli notrebivouac tait un champ de pommes de terre, de manire que nous n'avions qu' nousbaisser pour en prendre, ce que nous fmes avec nos baonnettes, armes nouvelles que l'onavait distribues notre rgiment et qui ne nous servirent qu' cela. Nous les laisemesen effet sur le terrain. On ne manqua pas de nous les faire payer 7 francs 50 centimes

  • FRANCE ET PRUSSE, 1803-1807 17

    5

    la fin de la campagne, mais nous tions dbarrasss d'une arme gnante qui ne nous

    tait d'aucun secours.

    Le 14 octobre 1806, la pointe du jour, qui arrive assez tard en cette saison, la

    lre division du 7e corps attaqua la position que nous devions occuper. Cette position fut

    vigoureusement dfendue par l'ennemi. C'tait un dfil enlever. Npus avions pris les

    armes sept heures du matin et notre brigade de cavalerie, ayant sa tte le gnral

    Durosnel, devenu aide de camp de l'Empereur, gouverneur des pages, se mit en marche.

    La route tait dj couverte de cadavres. >

    On dchire la mousseline par l, disaient les chasseurs* i ; : - ]

    Je profitai d'une petite halte et je m'approchai de mon ancien capitain'pour ;lui souhaiter l

    bonjour. Le capitaine Lavi-

    gne m'accueillit trs bien et

    m'offrit la goutte que j'accep-

    tai avec plaisir. Le brutal fai-

    sait entendre ses sons sourds

    et prolongs, produisant

    cette excitation fbrile que

    tout le monde a prouve.Comme je tmoignais de

    l'impatience de ce que nous

    ne marchions pas : Soyez

    tranquille, Parquin, me dit

    le capitaine Lavigne, si l'on

    commence sans nous on ne

    fera pas toute la besogne,il y en aura pour tout le

    monde.

    La colonne s'tant mise en marche, je pris cong du capitaine. Hlas! je lui avais

    parl pour la dernire fois.M

    Lorsque nous emes pass le dfil et atteint la plaine, le colonel Marigni, qui se

    trouvait au dbouch, et qui de la voix et du geste excitait les chasseurs avancer plusvite (nous marchions par quatre), me dit :

    x

    Fourrier, avez-vous un bon cheval ?

    Oui, mon colonel, rpondis-je. Eh bien, restez auprs de moi, vous serez toute la journe d'ordonnance.

    L'adjudant Isnard, qui tait auprs de lui, venait d'tre enlev par un boulet. Je restai

    donc auprs de mon colonel, tout fier de mon nouveau poste.

    Je n'avais pas encore vingt ans, je comptais prs de quatre ans de service, c'tait la

    premire fois que je voyais l'ennemi, j'avais le noble dsir de me distinguer, j'tais assez

    heureux pour dbuter sous les yeux de mon colonel.

  • 18 SOUVENIRS DU CAPITAINE PARQUIN

    Lorsque la compagnie d'lite fut parvenue sur le plateau au dehors du dfil,le colonel

    ordonna au capitaine Fleury qui la commandait, d aller se placera la gauche du 7e rgi-

    ment de chasseurs, puis il me dit :

    Fourrier, restez prs du dfil, vous direz au capitaine Sabinet, de la 5L compagnie,

    de partir au trop pour prendre sa place de bataille gauche de la compagnie d'lite, et

    vous transmettrez les ordres jusqu' la dernire compagnie successivement; ensuite vous

    viendrez me rejoindre au galop, je serai au centre du rgiment.

    Le colonel partit et j'accomplis ma mission; pendant que je la remplissais, beaucoup

    de blesss se rendaient l'ambulance. Je me rappellerai toujours un marchal des logis du

    5e hussards, la figure martiale, et dont la pelisse [d'une couleur blanche tait toute

    couverte de taches de sang. Il venait d'avoir le bras fracass par un boulet, et cependant

    il ne cessait de dire aux chasseurs du rgiment qui se croisaient avec lui et montaient le

    dfil :

    Allez, allez, braves chasseurs, les Prussiens ne sont pas mchants !

    Lorsque la 7e compagnie, qui tait la dernire du rgiment, eut pass le dfil, j'allaiau galop rejoindre le colonel, qui commanda aussitt les manteaux en sautoir. Le colonel

    paraissait heureux et fier de voir en ligne de bataille son rgiment fort de 600 hommes,

    qui tous avaient la volont de bien se comporter dans cette journe. Le temps tait beau :

    le brouillard, qui avait dur tard, avait tout fait disparu ; il tait onze heures ; la plaine

    tait en feu sur toute la ligne, le canon et la mitraille taient l'ordre du jour, et les livresprodigieusement nombreux en Saxe, pourchasss dans cette immense plaine de la droite la gauche, provoquaient souvent l'hilarit et les hourras des soldats. Il nous arrivait bien

  • 1vpugr.ivureetimprimerieHoussod,ValadonJeCi",

    Lorsque la compagnied'lite fut parvenue sur le plateauendehors dit

    (RCITSDEGUERRE,page 18.)

  • FRANCE ET PRUSSE, 1803-1807 19.

    de temps en temps quelques boulets dans

    nos rangs, mais ce n'est pas la peine d'en

    parler.

    Un aide de camp du gnral Durosnel

    vint au galop trouver le colonel en cet ins-

    tant, et il ne lui eut pas plus tt dit quel-

    ques mots que le colonel dit un chasseur

    qui se trouvait derrire lui :

    Chasseur, mettez pied terre ; jesens que ma selle roule sur mon cheval ;

    serrez un peu la courroie, car nous allons

    charger.

    Le chasseur eut bientt mis pied

    terre., et ayant pass son bras dans les

    rnes de la bride du cheval, il prit avec

    ses dents la courroie de la selle du colonel,

    qui avait port sa jambe gauche en avant

    pour faciliter l'opration. A ce moment mme,

    notre pauvre colonel fut frapp par un boulet,

    et eut la tte emporte.Le cheval du colonel ne sentant plus

    la main qui le retenait partit au galop et se sauva droit devant lui vers l'ennemi. Quantau

    chasseur, il se hta de remonter cheval, moi j'allai rejoindre mon poste la compagnie

    d'lite du rgiment, rendant compte toutefois au commandant Watrin du fatal vnement qui

    nous privait de notre colonel.

    Je l'ai vu tomber, me rpondit le commandant.

    Il se passa au moins dix minutes avant que le rgiment ret des ordres, ce qui fut

    un grand malheur, pour nous d'abord qui restions sous le canon ennemi,. et ensuite pour

    le 7J rgiment de chasseurs, qui ayant charg fond sur l'arme prussienne, avait entam

    la premire et la seconde ligne, mais qui, n'tant pas soutenu par le 208 chasseurs, perdit

    tout le fruit d'une des charges les plus audacieuses qui se soient faites dans cette journe.

    Lorsque le gnral Durosnel vint faire placer notre rgiment en arrire pour le mettre

    hors de la porte des boulets ennemis, nous fmes ce mouvement par quatre et au trot.

    J'eus la douleur de voir tomber le capitaine Lavigne, le mme qui pour calmer mon

    impatience le matin m'avait dit : Parquin, il y en aura pour tout le monde. Je le regrettaisincrement.

    Toute la journe, la brigade manuvra et l sous le canon qui nous fit beaucoupde mal, mais notre rgiment ne donna pas un coup de sabre, et le 78 fit une charge sans

    rsultat. Ce fut donc l'infanterie et l'artillerie du corps d'arme qui eurent tous les honneurs

    de la journe. Je vois encore le 16e et le 78 lger, le 14e et le 27e de ligne aborder les

  • 20 SOUVENIRS DU CAPITAINE PARQUIN

    lignes ennemies, malgr les feux terribles dela mousqueterie et de la mitraille; les flageolets

    qui dominaient dans la musique ne perdaient pasune note, les vides que faisait le canon

    se remplissaient l'instant et infanterie, artillerieennemies se rendaient prisonnires partout

    o ces braves passaient, baonnette croise.

    Une colonne de Prussiens, musique en tte, dfilait devant le frontdu rgiment, lorsque

    le chef de musique fut reconnu par les chasseurs, malgr qu'il prtla prcaution de cacher

    son visage. C'est Javot , dirent les chasseurs.Et en effet, ce Javot tait jadis le matre

    de musique du 20e chasseurs. Il tait gagiste et outre quec'tait un bon compositeur, il

    donnait parfaitement du cor. Lorsque le colonel Marigniavait quitt momentanment le

    rgiment en Hollande, Javot qui ce colonel donnait souvent de sa bourse, de fortes

    gratifications, ne voulut plus rester au corps et passa en Prusse afin d'utiliser son talent

    Berlin; puis un colonel prussien lui ayant fait de beaux avantages, il s'engagea dans

    son rgiment qui fut fait tout entier prisonnier. Le major Castex qui, en revenant de

    charger la tte du 7e, vint prendre le commandement du 20e vacant par suite de la

    mort du colonel, rclama Javot qui lui fut rendu l'instant. Nous avions perdu assez de

    monde sur le champ de bataille pour lui trouver un habit sa taille, et Javot fit son entre

    Berlin en tte du rgiment, huit jours aprs avoir t fait prisonnier et seulement trois

    semaines aprs qu'il et quitt cette ville la tte du rgiment prussien.

    Le soir de la bataille, nous fmes bivouaquer dans le faubourg de la ville de Weimar o

    je passai une triste nuit. J'avais t trouver le lieutenant Lavigne qui pleurait un frre chri.

    Le lendemain je dus aller au fourrage chercher des vivres dans un village voisin. En

    entrant le soir au bivouac, je fus tout tonn d'apprendre, par un bulletin qui tait arriv

    fort tard, que nous avions remport la veille une grande victoire : cinquante mille prussienstus ou pris, trois cents bouches feu, soixante drapeaux, etc. J'avoue que je ne m'en serais

  • ClirumijtyiMgra'

  • UnisHxI,ValatloifjtV'
  • FRANCE ET PRUSSE, 1803-1807 21

    6

    pas dout. Nous avions perdu beaucoup de monde par le canon, il est vrai, mais notre

    rgiment n'avait pas excut une charge, pas donn un coup de sabre, pas fait un prisonnier. Il faut, dis-je, que les autres rgiments aient mieux travaill que nous. Sois tranquille, me dit Henri qui je parlais, notre tour viendra.

    L'arme n'tait pas toute runie Ina; la cavalerie de la Garde n'tait pas arrive

    et c'tait le 1er hussards qui faisait le service auprs de l'Empereur. Le prince Murat n'arriva

    que le soir avec les gilets de bazin (c'est ainsi qu'on appelait l'arme les cuirassiers);ils contriburent au gain de la bataille en poursuivant outrance l'ennemi qui tait djen pleine droute avant leur arrive sur le terrain.

    Nous restmes trois jours au bivouac pour nous restaurer, nous et nos effets, et nous

    en avions besoin. Ce fut dans ces trois jours que le major Castex fut reconnu colonel du

    rgiment, au grand contentement de tout le monde. Erifin, le 18 octobre, nous nous mmes

    en route, formant l'avant-garde du 7e corps et, le 25, nous arrivmes sur les hauteurs de

    Berlin, ayant march par tapes sans rencontrer un tirailleur ennemi.

    Nous restmes le 25, pendant toute la matine, sur les hauteurs de Berlin, pour laisser

    au corps du marchal Davoust l'honneur d'y entrer le premier. Cet honneur tait d ce

    corps pour sa belle conduite Auerstadt.

    Notre brigade, qui marchait aprs le 3e corps, entra Berlin deux heures aprs midi.

    C'tait par un beau jour d'automne, la ville tait belle, mais triste; toutes les boutiquestaient fermes, personne aux fentres et peu de monde dans les rues ; aucun quipage ne

    circulait; le seul bruit qu'on entendait dans les rues tait produit par l'artillerie et les

    caissons, de notre arme.

    Nous ne fmes que traverser la ville pour aller occuper plusieurs villages quelqueslieues au del de Berlin. L'infanterie de notre arme y logea.

    Dans le village que nous occupions, les paysans avaient dsert leurs maisons. Nous ytrouvmes des fourrages en abondance; les rcoltes venaient d'tre faites, mais les vivres,

    viande, pain, bire, eau-de-vie devaient nous tre fournis par la ville de Berlin.

    Le lendemain de notre arrive, la trompette sonna aux fourriers : c'tait pour aller

    prendre Berlin pour quatre jours de vivres qui nous manquaient. Aprs nous tre munis

    de charrettes, nous partmes donc, fourriers, hommes de corve, tous sous les ordres de

    l'adjudant Mozer et nous nous dirigemes sur Berlin. Lorsque notre rgiment avait travers

    la ville, nous l'avions trouve peu bruyante et triste; nous y trouvmes le lendemain une

    tout autre physionomie ; c'tait absolument un petit Paris. Tout le monde y vaquait ses

    affaires et l'adjudant voulut vaquer ses plaisirs. En consquence, il s'approcha de moi et

    me dit : Fourrier de la compagnie d'lite, la distribution durera peu prs trois heures ; il

    est midi (nous entrions en ville) ; rendez-vous avec le dtachement au magasin. Vous y ferez

    rafrachir les hommes et les chevaux; puis, quand votre tour viendra, vous ferez faire les

    distributions. Voici les bons gnraux et le dtail de ce qui revient chaque compagnie et

    l'tat-major. Quant moi, je vais entrer dner l'htel de l'Aigle Noir. Vous me rempla-cerez en tout pendant mon absence.

  • 22 SOUVENIRS DUCAPITAINE PARQUIN

    ec., plaisir, adjudant, lui dis-je en prenant les bons.

    Je conduisis mon dtachement au magasin. J'ytais depuis une heure, lorsqu'une

    ordon-

    nance arriva porteur d'une lettre pour l'adjudantMozer. Comme je le remplaais, je rompis

    le cachet : c'tait l'ordre de ne recevoir aucune distribution,de dchirer les bons et de

    rejoindre au plus vite le corps avec les fourriers, le rgiment tant en route pour Neustadt.

    Aussitt,; je donnai l'ordreau dtachement de monter cheval; j'envoyai une ordonnance

    - l'Aigl Noir pour prvenir l'adjudant Mozer que j'tais en route avec les fourriers.

    .Au: moment o'j^allai^ dchir les bons, le juif charg des distributions, me dit :

    Fourrier, l'adjudant qui a l'ordre de prendre les distributions est-il l?

    Non,, lui dis-je, c'est moi qu'il a charg de le remplacer.

    Avez-;vous les bons/gnraux?

    Oui, sans doute,: lui ;rppndis-je.

    Qu'allz'vous en faire,, puisque vous ne prenez pas les distributions?

    Belle/demande, ma foi, je vais les anantir.

    Alors le petit juif s'approcha de, moi : Monsieur le fourrier, vous imiterez probable-

    ment l'adjudant du 7e Voyons, vous allez vous arranger avec moi comme il a fait.

    - Expliquez-vous, lui dis-je.

    --:- Il a chang ses bons contre cent frdrics d'or.

    Quelle preuve m'en donnerez-vous ?

    Pour, toute rponse, le juif qui n'tait autre que le fournisseur, me montra les bons

    du 78 qu'il avait entre les mains. Ayant vrifi le fait je ne restai pas en arrire, je conclus

  • ^fdvreetillljlrlliieneBUlI"od,Valadon&Cie.

    Cn canal latral l'Oder, qui flanquait la gauchede notrebivouac,tait encombrde bateaux.

    (RCITSDEGUERRE,page 23.)

  • FRANCE ET PRUSSE, 1803-1807 23

    le march et l'change se fit l'instant mme de la main la main. Je reus cent frdrics

    d'or. Chacune de ces pices vaut vingt et un francs. Le dtachement tant cheval, nous

    partmes aussitt en suivant l'itinraire que le colonel avait indiqu. Nous marchions depuis

    deux heures au pas, lorsque l'adjudant Mozer nous rejoignit. Il me prit part. Il s'informa

    avec empressement de ce qu'taient devenus les bons puisque les distributions n'avaient

    pas eu lieu. 1 ;

    Vous me gronderez peut-tre, adjudant, mais voil cinquante frdrics contre lesquels

    je les ai changs. Vous avez mal agi, me dit l'adjudant en les empochant, cela yalait,davantag'eol

    J'avais eu raison de faire ma part avec un gaillard d'une moraUt, si svre, : car il ne

    jugea pjas convenable de me donner un seul frdric. Je fus toutefois charm d'tre' dgag

    de toute responsabilit en ayant la ceinture bien garnie., ,

    Nous arrivmes le lendemain Neustadt:, le rgiment avait dj pris position et il tait

    bivouaqu en dehors de la ville. Un canal

    latral l'Oder, qui flanquait la gauche de

    notre bivouac, tait encombr de bateaux

    contenant des denres de toutes sortes,

    provenant visiblement de Berlin, dont Neu-

    stadt n'tait loign que de quatorze lieues.

    Les chasseurs avaient saisi sur ces bateaux

    des feuillettes de vin de Bordeaux, des ton-

    neaux de sucre et des caisses de citrons.

    Tous ces comestibles en un instant firent

    l'ornement du bivouac. Je me rappelle qu'on

    n'y faisait pas cent pas sans rencontrer une

    feuillette de vin de Bordeaux dfonce par

    un bout, dans laquelle on avait jet quatreou cinq pains de sucre avec des citrons. Un

    chasseur, un gros bton la main, mlan-

    geait le tout dans la barrique de faon

    procurer une fort bonne boisson, ma foi.

    Notre rgiment tait seul sur ce point; le

    78 chasseurs tait parti avec une division de

    cavalerie, sous les ordres du gnral Savary,aide de camp de l'Empereur, qui poursuivitl'ennemi jusqu' Lubeck conjointement avec

    le marchal Bernadotte et le prince Murt, afin de faire mettre bas les armes au corpsd'arme de Blucher : ce qui eut lieu comme on le sait.

    Le lendemain du jour o j'avais rejoint ma compagnie, je trouvai mon ami Henri. Je

    lui montrai ma ceinture en lui disant qu'il pouvait y puiser son aise.

  • 24 SOUVENIRS DU CAPITAINE PARQUIN

    Merci, me dit Henri, les Prussiens ont pourvu mes besoins.

    Vraiment, lui dis-je. Oui, tte ma ceinture aussi.

    La mienne tait une miniature en comparaison de la sienne. Je lui demandai aussitt

    avec tonnement de m'expliquer les causes de sa bonne fortune. Henrivoulut me faire

    raconter d'abord mon expdition, et lorsque j'eus fini,il me dit :

    Tu es un vrai niais, car tu devrais avoir le double de ce que tu as. Qu'avais-tu

    besoin de donner cinquante frdrics l'adjudant? Il fallait lui dire tout simplement : j'ai

    dchir les bons . Il ne serait pas retourn Berlin pour voir ce qu'il en tait!.

    J'arrive mon affaire. C'est aussi un juif qui m'a enrichi; mais moi, je n'ai eu aucun

    bon donner : je n'ai eu qu' fermer l'il et c'taitau milieu de la nuit, moi qui aime

    tant dormir. J'tais de garde aux avant-postes. Arrive un petit juif qui se met me prier

    bien gentiment de ne pas faire attention s'ilouvrait l'cluse du canal pour laisser passer

    le btiment qui tait en tte des autres et qui lui appartenait. Jen'avais pas la consigne

    de veiller aux bateaux, car celle que j'avais reue tait de mettre ma vedette le jour sur

    la montagne mille pas du canal et le soir mi-cte. Ma foi, je me suis laiss attendrir

    et j'ai tolr qu'on ouvrit la passe et qu'on laisst passer le premier bateau pour lequel

    le juif m'a compt deux cents frdrics. C'est une affaire de nuit, bien fin qui y verra

    quelque chose.

    Je complimentai Henri sur la bonne nuit qu'il avait passe.

    Dans cinq jours, me dit-il, je serai encore de garde prs de ce bienheureux canal et si la

    consigne ne change pas et que le juif revienne, le mme march se conclura. Voil, mon cher

    ami, de vrais tours de hussards en campagne. C'est plumer la poule sans la faire crier.

    Nous restmes huit jours au bivouac et il parat que ces huit jours furent mis profit,

    car le rgiment regorgeait de frdrics.

    La veille de notre dpart, ce qui restait de bateaux sur le canal disparut tout coup;le bruit se rpandit que 60,000 francs avaient t le prix du laisser- passer; mais on com-

    prend bien que 60,000 francs ne regardaient plus de simples chasseurs ou sous-officiers,c'tait un chiffre beaucoup trop lev pour le rang que nous occupions.

    Aprs la campagne de Prusse Tilsitt, le colonel Castex mit l'ordre du jour les

    paroles suivantes : Chasseurs, je sais que vous avez de l'or, beaucoup d'or! bien ou mal

    acquis, il vous appartient, mais conservez-le, car vous n'en aurez plus au mme prix, la

    paix est faite .

    Nous marchmes sur Posen, que nous traversmes le 25 novembre et nous poursuivmesnotre route sur Varsovie. Ce n'tait plus la rencontre des Prussiens que nous marchions,c'tait la rencontre des Russes.

    Nous nous arrtmes quinze jours un village dix lieues de Varsovie. Nous noustrouvions dissmins dans la pauvre Pologne, mais le rgiment tait gorg d'or et les aubergestaient pleines.

    Dans une de ces auberges tenue par un juif, une discussion s'leva pour un rien, pour

  • FRANCE ET PRUSSE, 1803-1807 25

    7

    une chansonnette, entre les hussards du 8e et les chasseurs du rgiment; je m'y trouvais

    par hasard. Un brigadier de la compagnie d'lite, Popineau, premier matre d'armes du

    rgiment, leva la voix et demanda, pour mettre fin toute discussion, s'il y avait un

    matre d'armes parmi les hussards du 8. Un trompette-major, dcor de la Lgion d'hon-

    neur, se leva et se nomma comme premier matre d'armes du 8e rgiment de hussards-

    Toute discussion cessa aussitt. Le brigadier Popineau me fit signe de le suivre, et quand

    je fus auprs de lui, il me dit : C'est une affaire de corps, je compte sur vous, fourrier;

    si je succombe, vous ne laisserez pas le rgiment en affront.

    - Je suis vous , lui dis-je, et prenant une lanterne, le tmoin du trompette et moi;

    car il tait nuit, nous clairmes la marche.

    Nous nous rendmes derrire la maison dans une prairie. Le 80 hussards n'tait qu'en

    passage et il partait le lendemain pour rejoindre son corps d'arme.

    Les explications ne furent pas longues : elles se bornrent mesurer les armes, qui

    taient de mme ordonnance. Chacun des adversaires tenait son sabre la lame au-dessus;

    aucun coup d'espadon ne fut tir ; mais les dgagements et les coups de pointe fond se

    succdaient rapidement. Il tait visible que c'taient deux matres en fait d'armes qui taient

    aux prises : aprs plusieurs coups ports et pars avec adresse, Popineau arriva trop tard

    la parade d'un coup de seconde, qui, heureusement, ne l'atteignit que lgrement, mais

    ne le mit pas moins hors de combat. Je mis l'habit bas aussitt, et demandai continuer

    la partie. Popineau prit la lanterne de mes mains; quoique souffrant, il pouvait encore en

    s'asseyant nous rendre le service de nous clairer.

    J'avais constamment suivi le jeu du trompette-major lorsqu'il tait aux prises avec

    Popineau; il tait gaucher; avec un pareil adversaire, il fallait toujours prendre le dedans

    des armes; aussi nous n'tions pas plus tt en ligne, que lui faisant la feinte d'un dga-

  • 26 SOUVENIRS DU CAPITAINE PARQUIN

    gement ; n dehors, je passai rapidement ma

    lame en dedans, et je l'atteignis au tton

    gauche.Le; trompette tomba et nous fmes

    quelques instants dans l'angoisse que sa bles-

    sure ne ft mortelle. Heureusement il n'en

    fut rien. Lui ayant dit de tousser, il le fit

    sans ressentir de douleur, bien que, par ce

    mouvement, le sang coult plus fort. Le chi-

    rurgien du rgiment, qu'on alla chercher, vint

    l'auberge panser les deux blesss. Le trom-

    pette du 8e ne put partir le lendemain avec

    sa compagnie; il resta avec nous, et nous en

    emes grand soin ; quand nous quittmes nos

    cantonnements, il nous accompagna jusqu'

    Varsovie, o nous arrivmes le 10 dcembre,

    et il partit de l pour aller rejoindre son r-

    giment. Je le retrouvai sept ans aprs, lorsque

    lui et moi nous servions dans les chasseurs de la Garde impriale.

    Nous passmes la Vistule, * prs de Varsovie, le 6 dcembre et nous ne rencontrmes

    l'ennemi, c'est--dire les Russes, qu'au passage du Boug, o le 24 dcembre les mamelouks

    eurent un engagement avec eux. Le costume de ces mamelouks causa une surprise et une

    frayeur trs grandes parmi les Russes qui crurent tre aux prises avec les Turcs. Les

    mamelouks firent une charge brillante sur douze pices d'artillerie qu'ils enlevrent. Ces

    pices taient en batterie et contrariaient le dploiement de nos colonnes. Aprs le passagedu Bug, qui nous fut longtemps disput, l'ennemi ne tint plus, et nous prmes nos cantonne-

    ments dans les villages polonais o nous fmes accueillis en frres par les habitants tout

    pauvres qu'ils taient. En Pologne comme en Russie, il y a dans chaque village une maison

    principale qu'on dcore du nom de chteau et au propritaire de ce chteau tout le village

    appartient. Cependant nous avions pour nos chevaux du fourrage et pour nous des distri-

    butions qui nous taient faites au pain noir, trs noir il est vrai, viande de vache et bire.

    Quant l'eau-de-vie, qui tait trs trare, nous nous en procurions avec l'argent des Prus-

    siens.

    Nous restmes cantonns cinq semaines, ce qui nous fit un grand bien nous et nos

    chevaux. C'tait en plein hiver.

    Le 1er fvrier 1807, nous quittmes nos cantonnements, et l'Empereur, qui avait prisle sien Varsovie ainsi que la garde et le corps d'arme du marchal Davout, repassa la

    Vistule et toute l'arme se mit en marche.

    Le 6, un matin, me trouvant faire partie des chasseurs de bonne volont que le colonelCastex avait demands pour aller en tirailleurs, je faillis tre victime de ma tmrit envoulant faire connaissance avec les Cosaques, que j'apercevais pour la premire fois. Je

  • FRANCE ET PRUSSE, 1803-1807 27

    m'avanai en plaine au galop,

    le pistolet la main, vers un

    groupe de Cosaques, sur lequel

    je fis feu dix pas; je vis

    l'instant un Russe tomber.

    Tout tait bien jusque-l; mais,

    charg mon tour par l'en-

    nemi, et tant oblig de faire

    faire demi-tour mon cheval

    pour regagner la ligne des

    tirailleurs, ce dernier, qui tait

    mal ferr, s'abattit sous moi

    sur la neige. Dans ce moment

    critique, j'aurais t infailli-

    blement tu ou pris sans mon

    sang-froid. tant sorti promp-tement de dessous mon cheval,

    qui s'tait remis sur ses pieds,et ayant pass mon bras dans

    sa bride, je tins mon pistolet la main, aprs en avoir

    rabattu le chien, en mettant

    continuellement en joue le Cosaque qui m'approchait le plus avec sa lance ; je parvinsainsi contenir l'ennemi, jusqu'au moment o arriva heureusement mon secours un offi-

    cier de hussards du 3u, M. de Beaumetz, qui cherchait son rgiment. Cet officier arriva

    mon secours avec un grand courage, et en une seconde je fus remont cheval; je partisau galop en abandonnant mon colback, qui tait tomb terre. Lorsque je fus dans la

    ligne des tirailleurs, je criai aux Cosaques, qui avaient pris mon colback au bout de leurs

    lances, de me le rendre pour de l'argent. Ils acceptrent et je leur donnai un frdric d'or.

    C'tait payer un peu cher, mais le juif de Berlin se trouva faire les frais de ce march.

    Ce qui me resta de cette circonstance, ce fut un ami que je fis en la personne de

    M. le comte de Beaumetz que je rencontrai plus tard dans les garnisons en Espagne et

    dans la Garde impriale et qui, fils d'un membre de l'ancienne Assemble constituante et

    ayant de la fortune, quitta l'tat militaire en i823, lieutenan