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Une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud CAPULA Charles de peretti A la recherche des seigneurs Biancolacci, au coeur de l Alta Rocca a Levie - du x e au xIII e siecle ESSAI SUR LES ORIGINES DE LA FeODALITe INSULAIRE colonna édition ,

Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

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Extrait. Essai sur les origines de la féodalité insulaire. Ouvrage écrit par Charles de Peretti et édité par Colonna Edition en septembre 2010. Disponible à la vente sur www.editeur-corse.com 256 pages, format 16 x 24 cm, 20 €

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Une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

CAPULA

Charles de peretti

A la recherche des seigneurs Biancolacci, au coeur

de l’Alta Rocca a Levie - du xe au xIIIe siecle

ESSAI SUR LES ORIGINES DE LA FeODALITe INSULAIRE

colonna édition

,

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Ouvrage disponible à la vente sur

www.editeur-corse.com

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Une seigneurie oubliéeen Corse-du-Sud

CAPULA

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ISBN : 978-2-915922-40-0

Colonna édition, 2010Jean-Jacques Colonna d’Istria

La maison bleue - Hameau de San Benedetto20167 Alata– Tel/fax 0495253067Mail : [email protected]

www.editeur-corse.com

© Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traductionréservés pour tous pays.

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Une seigneurie oubliéeen Corse-du-Sud

CAPULA

Charles de Peretti

À la recherche des seigneurs Biancolacci, au cœur

de l’Alta Rocca à Levie – du xe au xiiie siècle

Essai sur les origines de la féodalité insulaire

Colonna édition

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AveRtissement Au lecteuR

Cette recherche est un essai d’ethno-anthropologie à partir des

recherches archéologiques du site de Capula et du Pianu de Levie.

L’objet en est de retrouver et de restituer une société première à partir

de laquelle la révolution seigneuriale s’est manifestée dans son origi-

nalité. Comme dans La Corse face à Gênes, le souci de l’auteur a été

de redécouvrir une culture, ce que le xixe siècle appelait l’âme des

peuples, et de mettre en évidence une identité singulière.

RemeRciements

L’auteur remercie François de Lanfranchi, archéologue, Docteur en

préhistoire, responsable scientifique du Centre d’Études et Recherches

Archéologiques de l’Alta Rocca, fondateur du musée de Levie, qui lui

a remis gracieusement son ouvrage : Capula, quatre millénaires de

survivances et de traditions et qui l’a accompagné sur le site de

Capula.

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« Le monde a commencé sans l’homme et il s’achèvera sans lui.

Les institutions, les mœurs et les coutumes […] sont une

efflorescence passagère d’une création par rapport à laquelle

elles ne possèdent aucun sens, sinon peut-être celui

de permettre à l’homme d’y jouer un rôle. »

Claude LÉVi-STRAUSS, Tristes tropiques, Paris, Pocket, 2001, p. 495.

« Qu’on l’appelle histoire ou autrement, il nous faut un monde intelligible.

Si les structures mentales disparaissent sans retour […]

si l’aventure humaine ne se maintient qu’au prix d’une implacable

métamorphose, peu importe que les hommes se transmettent

pour quelques siècles leurs concepts et leurs techniques :

car l’homme est un hasard et pour l’essentiel le monde

est fait d’oubli. »

André MALRAUx, Œuvres complètes, « Les noyers de l’Altenburg »,

Paris, Gallimard, « Bibliothèque de La Pléiade », t. iii, 1996, p. 88.

Page 8: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

informations

Pour accéder au site de Capula, remonter la D. 268 depuis Sartène ; 3,5 km

avant d’arriver à Levie, prendre à gauche la route vers Cucuruzzu.

Site archéologique de Cucuruzzu et Capula. Tél. : 04 95 78 42 07

Musée de Levie, quartier Pratu, 20170 Levie. Tél. : 04 95 78 00 78

Mairie de Levie, quartier Sorba, 20170 Levie. Tél. : 04 95 78 00 00

Page 9: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

SOMMAIRE

PREMIÈRE PARTIE : Découvrir le Moyen-âge corse

Chapitre 1 : problématique du développement autonome de l’histoire médiévale de la Corse et origine du monde seigneurial......................................................................................... 3

Chapitre 2 : un monde isolé dans la Mer Tyrrhénienne.............................................................. 72.1 La Corse de la Papauté et du protectorat franc........................................................................ 72.2 Une vie intérieure continue sur des millénaires .................................................................... 92.3 Le modèle de développement de la société insulaire....................................................... 102.4 Le changement de l’an mil : incastellamento et châtellenies..................................... 122.5 L’exclusion des facteurs extérieurs ................................................................................................ 132.6 Documents-objets et documents écrits ...................................................................................... 14

Chapitre 3 : Le sens de l’interprétation ethno-anthropologique .................................... 153.1 Mythes, légendes, réalité sociale et ethnocentrisme......................................................... 153.2 Points essentiels et lignes directrices de la recherche .................................................... 18

DEUXIÈME PARTIE : L’Alta-Rocca et la seigneurie de Capula

Chapitre 4 : Entrer dans l’Alta Rocca et découvrir la seigneurie oubliéede Capula ............................................................................................................................................................................ 23

4.1 Un programme pour parcourir le Haut Moyen-Âge ......................................................... 234.2 Question ultime : la datation de la fondation de la féodalité ..................................... 234.3 L’entrée dans l’Alta Rocca .................................................................................................................... 254.4 La visite de Capula : une voie initiatique................................................................................... 284.5 La forteresse, un ensemble imposant .......................................................................................... 304.6 Le donjon, couronnement médiéval............................................................................................. 314.7 Le donjon, élément clé du monde seigneurial ...................................................................... 32

Chapitre 5 : L’incastellamento en corrélation avec l’aménagement du site............ 395.1 incastellamento et passage à la châtellenie ............................................................................. 395.2 La transformation de l’habitat et la structure sociale ..................................................... 40

Chapitre 6 : L’essor des sites seigneuriaux en Sardaigne, modèle voisinde la Corse.......................................................................................................................................................................... 45

6.1 Un monde retiré............................................................................................................................................ 456.2 Aux sources du monde seigneurial sarde ................................................................................. 466.3 La naissance de la féodalité sarde .................................................................................................. 46

TROISIÈME PARTIE : Le Moyen-âge corseselon la Chronique de Giovanni della Grossa

Chapitre 7 : Une vie dans le XVe siècle insulaire, Giovanni della Grossa ................... 517.1 Un début de carrière dans le notariat ........................................................................................... 517.2 Un secrétaire politique au service des seigneurs et de la Sérénissime République de Gênes ...................................................................................................................................................................... 53

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Chapitre 8 : Un texte incontournable ...................................................................................................... 55

Chapitre 9 : Comment raconter l’histoire de la Corse au XVe siècle ?........................... 599.1 La Chronique reflet d’une culture féodale ................................................................................ 599.2 Origine des lignées et origine de la féodalité ......................................................................... 60

Chapitre 10 : Pour une relecture de Giovanni della Grossa ................................................. 6510.1 Quatre approches du contenu de la Chronique ................................................................. 6510.2 Contenu de la Chronique et orientation du récit.............................................................. 67

Chapitre 11 : La chanson de geste de Giovanni della Grossa ............................................ 7111.1 Les Maures en Méditerranée au Viiie et ixe siècle et la Corse .................................... 7111.2 Les Maures en Corse selon la chanson de geste du chroniqueur ......................... 72

QUATRIÈME PARTIE : Méthodologie et changement historique

Chapitre 12 :Méthodologie, le dedans et le dehors .................................................................. 7712.1 La continuité du dedans et l’apport du dehors ................................................................... 7712.2 L’absence de preuve des modèles proposés ......................................................................... 79

Chapitre 13 : Un prétendu changement venu de l’extérieur :les Sardhanes dits Peuples de la Mer......................................................................................................... 83

13.1 Une hypothèse hautement aventureuse................................................................................... 8313. 2 La fouille stratigraphique, épreuve négative ...................................................................... 8413.3 La comparaison, épreuve contraire ............................................................................................ 8513.4 Une question fondamentale de méthodologie.................................................................... 85

Chapitre 14 : Légende et fondation de la féodalité corse ..................................................... 8714.1 Fouilles archéologiques et récits .................................................................................................... 8714.2 Présence carolingienne, vie intérieure et reconquista ................................................. 8814.3 Les contradictions de la Chronique ............................................................................................ 9014.4 Dépasser les contradictions de la Chronique ...................................................................... 9214.5 Une remise en ordre des faits et événements...................................................................... 93

CINQUIÈME PARTIE : De la chefferie à la seigneurie

Chapitre 15 : Une société à la marge de l’histoire ........................................................................ 9715.1 Chefferie, temporalité et Histoire ................................................................................................. 9715.2 Un modèle protohistorique communautaire ....................................................................... 9815.3 Des œuvres à leur signification : le politique et le sacré.......................................... 10015.4 Vers une synthèse signifiante ...................................................................................................... 10115.5 Les phases essentielles de la mutation de la société protohistorique :Age du Bronze et Haut Moyen Âge..................................................................................................... 103

Chapitre 16 : La statue-menhir, signe d’un nouveau pouvoir ? .................................... 10516.1 La statue-menhir : Phase ii de l’évolution de la chefferie ...................................... 10516.2 La statue-menhir à visage humain .......................................................................................... 10716.3 De l’ancêtre mythique à sa survie............................................................................................. 10916.4 Le clan invariant de la société corse ?.................................................................................... 11016.5 Conservation et rupture au xe siècle ...................................................................................... 112

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Chapitre 17 : la chefferie et la châtellenie........................................................................................ 11517.1 Un modèle de gouvernement au plus près de la chefferie ..................................... 11517.2 L’innovation reprise par un acteur à son profit :

l’émergence du politique ................................................................................................................ 11617.3 Le glissement de la chefferie au fief ........................................................................................ 11817.4 Le point de départ du monde seigneurial : la chefferie usurpée ....................... 11917.5 Un gouvernement a popolo e commune en Corse ....................................................... 121

Chapitre 18 : L’incastellamento et le renouveau médiéval................................................. 12318.1 La mutation de l’habitat ................................................................................................................... 12318.2 incastellamento et châtellenie .................................................................................................... 12618.3 Espace de pouvoir et nouvelle une structure sociale................................................. 12818.4 Lignée aristocratique et hiérarchie sociale ....................................................................... 129

SIXIÈME PARTIE : La Terre des seigneurs

Chapitre 19 : La Corse du Sud, Berceau des seigneuries.................................................... 13319.1 La Chronique médiévale du Sud confrontée aux cartulaires du Nord ......... 13319.2 Vie intérieure et apports extérieurs ........................................................................................ 13619.3 L’antériorité immémoriale de la chefferie :

pouvoir communautaire et pouvoir seigneurial ........................................................... 138

Chapitre 20 : Sur les traces des seigneurs Cinarchesi et Biancolacci ....................... 14320.1 Les Cinarchesi ......................................................................................................................................... 14320.2 Les Biancolacci, issus du comte Bianco à Capula ....................................................... 14520.3 Le parcours seigneurial des Biancolacci ............................................................................ 14820.4 Les Biancolacci confrontés à Giudice de Cinarca........................................................ 150

SEPTIÈME PARTIE : Monde seigneurial et féodalité

Chapitre 21 : De l’Empire romain à Charlemagne et des gouvernements de laCorse du VIIIe au Xe siècle..................................................................................................................................... 157

21.1 Pouvoir carolingien et État insulaire ...................................................................................... 15721.2 Le défaut de pouvoir central et la vie intérieure ........................................................... 164

Chapitre 22 : féodalité ou monde seigneurial ? .......................................................................... 16922.1 Un débat sur une appellation ...................................................................................................... 16922.2 Le modèle conventionnel de la féodalité remis en cause ...................................... 17222.3 La Corse du Sud au regard de la féodalité......................................................................... 173

Chapitre 23 : La féodalité, un modèle déconstruit................................................................... 17723.1 Relations de pouvoir et relations sociales.......................................................................... 17723.2 Une division de la société à trois niveaux.......................................................................... 17923.3 Voir autrement le monde seigneurial corse ..................................................................... 18123.3 Homme noble et homme libre ................................................................................................... 18323.5 La Corse en deçà des règles féodales ..................................................................................... 185

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HUITIÈME PARTIE : La colonisation face au monde seigneurial

Chapitre 24 : la colonisation pisane et génoise .......................................................................... 19324.1 La mainmise sur la Sardaigne et la Corse .......................................................................... 19324.2 La piève, instrument de pouvoir ou lieu de sociabilité ? ........................................ 19724.3 La lutte d’influence entre Pise et Gênes sur le terrain insulaire ...................... 199

Chapitre 25 : Chefferies représentées et seigneuries du VIIIe au Xe siècle ............. 20725.1 Depuis les sites immémoriaux jusqu’au passage des invasions........................ 20725.2 Une ancienne aristocratie au Haut Moyen Âge : les grandes lignées ........... 20925.3 Les chefferies représentées et les chefferies villageoises ....................................... 211

NEUVIÈME PARTIE : Monde seigneurial et féodalité

Chapitre 26 : Émergence et extension du monde seigneurial...................................... 21726.1 L’éclosion des seigneuries .............................................................................................................. 21726.2 Châteaux et fortifications............................................................................................................... 219

Chapitre 27 : Structure et singularité du monde seigneurial insulaire.................. 22327.1 Un nouvel espace de pouvoir ....................................................................................................... 22327.2 Les traits essentiels du monde seigneurial Corse ........................................................ 22527.3 L’absence de statuts en Corse du Sud ................................................................................... 22627.4 Les ressources des seigneuries................................................................................................... 23027.5 L’introduction du modèle de la féodalité sous le monde

seigneurial au xiiie siècle................................................................................................................. 23227.6 Synthèse et conclusion ..................................................................................................................... 235

Bibliographie ............................................................................................................................................................ 239

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PREMIÈRE PARTIE

Découvrir le Moyen-Âge corse

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– CHAPITRE 1 –

PROBLÉMATIQUE DU DÉVELOPPEMENT AUTONOMEDE L’HISTOIRE MÉDIÉVALE DE LA CORSE ET ORIGINE

DU MONDE SEIGNEURIAL

Le thème de l’origine et du commencement du monde seigneurial

conduit à envisager l’évolution de l’histoire de la Corse comme une

suite et un ensemble plus homogène qu’il n’y paraît malgré des temps

de silence et des zones d’ombre qu’il faut interpréter comme les signes

d’une continuité intérieure qui a été volontairement ignorée pour

soutenir des changements ponctuels qui reposent plus sur des légendes

que sur des hypothèses sérieusement élaborées.

Passer de la protohistoire à l’Histoire, en conservant une cohérence

à travers les millénaires, est l’objet de la présente recherche qui a

trouvé dans les témoignages matériels de l’archéologie et dans les

signes émis par ces découvertes, une vie déjà humanisée sur le site

de Capula, avec son habitat particulier, son organisation sociale, sa

culture et ses croyances. Ainsi, le thème d’un développement singulier

et autonome dans son unicité s’est-il imposé à nous plus que les

épopées héroïques de grandes luttes entre les autochtones du néoli-

thique et les Peuples de la Mer, dits Sardhanes, ou encore la chanson

de geste des héros carolingiens venus de Rome pour chasser les

infidèles et instaurer un monde dit féodal.

En guise de point d’attache, on peut écrire que la chefferie première,

organisation du groupe humain dans la société protohistorique, s’en-

racine dans des sites occupés depuis des millénaires bien avant les

casteddi et les statues anthropomorphes de l’Age du Bronze, porteuses

de l’épée et du poignard. Au début étaient des communautés, là se

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CAPULA : UNE SEIGNEURIE OUBLIÉE EN CORSE-DU-SUD

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trouve la souche du développement par endogenèse excluant les

apports extérieurs légendaires. Le développement de l’Age du Bronze,

après le dépassement du Néolithique final et du Mésolithique, trouve

son explication dans l’adaptation à un environnement qui a été utilisé

avec ses masses granitiques pour mettre en œuvre les casteddi, la

transformation de l’outillage, le mode d’occupation et donc, d’orga-

nisation du système social. Cet univers clos sur lui-même n’a pas eu

besoin d’une guerre d’anéantissement pour que les survivants assurent

une continuité empruntée à leurs vainqueurs, comme le raconte la

légende des Sardhanes. Nous reviendrons sur cette période clé pour

la chefferie première au moment où l’Age du Bronze va être à son

apogée, pour confronter le fonds archéologique originel et authentique

avec l’hypothèse aventureuse des Sardhanes. De même, le délitement

du pouvoir carolingien et sa faiblesse sur l’Île au xe siècle bien qu’il

pût confier une mission à tel envoyé qualifié de préfet, de protecteur

ou de comes de Corse, selon l’appellation de dignité que le Bas-

Empire attribuait, n’a pu installer en profondeur son exercice et sa

domination, et s’il a constitué un environnement favorable à la

poussée des châtellenies à partir de 950, il n’en a pas été la cause.

Ces seigneuries s’instaurent dans le droit fil des chefferies, ce qui

explique leur implantation et leurs proliférations dans le Sud de la

Corse, en Alta Rocca et à Capula en particulier, représentées par des

lignées immémoriales celle des Biancolaccio et des Cinarchese, exem-

ple singulier mais hautement signifiant d’un enracinement social et

politique.

Les châtellenies sont issues directement des chefferies, là encore

sans l’apport d’un système féodal qui aurait été instauré au Viiie siècle,

alors qu’il n’existait pas encore en Europe occidentale et en italie à

cette époque, surtout sur le modèle construit par les juristes de la

péninsule au xiiie siècle dans les Libri Feudorum, livre qui contenait

les règles essentielles du système féodo-vassalique. La chefferie qui

a muté à l’Age du Bronze, comme nous le verrons plus loin, est la

souche du monde seigneurial qui est porté par un fond de population

dans l’incastellamento, sur les lieux mêmes de l’implantation proto-

historique.

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PREMIÈRE PARTIE : DÉCOUVRIR LE MOYEN-ÂGE CORSE

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Si nos regards peuvent se tourner vers l’extérieur, ce peut

être vers les nuraghe sardes en raison d’une similitude avec les

casteddi, ou encore, en parallèle avec l’éclosion des châtellenies, vers

les judicats héréditaires, divisions territoriales byzantines de la grande

île voisine, sur des sites mégalithiques semblables à celui de Capula.

En définitive, le retour sur l’origine et le fondement du monde

seigneurial conduit à un questionnement radical sur l’histoire insulaire

et sur la question de savoir si les changements de cette vie intérieure

ont pu dépendre de forces et de facteurs extérieurs dans le cadre de

l’évolution générale du bassin méditerranéen, et plus précisément de

la Mer Tyrrhénienne : Latium, Toscane, Ligurie, Sardaigne et si la

Corse a préservé une endogenèse dont découle sa singularité, sans

exclure, bien évidemment, les relations avec le monde extérieur.

La civilisation mégalithique au Moyen-Orient et en Europe occi-

dentale, dans toute la Méditerranée au iiie et iie millénaire avant J.-C.,

a eu une diffusion telle qu’elle exclut l’intrusion ponctuelle et soudaine

d’un peuple de guerriers, les Sardhanes, venus du Moyen-Orient vers

1600 avant J.-C., qui auraient changé en quelques mois ou années,

le mode de vie, l’architecture et la représentation figurative insulaire.

De même, pour entrer dans le Haut Moyen Âge, une expédition contre

la puissance Maure en Méditerranée, menaçante pour la Corse, et la

création supposée d’un pouvoir centralisé à Venaco, ne peut exclure

la vie intérieure du monde des chefferies de l’Âge du Bronze jusqu’à

l’Âge du Fer et au-delà de la romanisation, pour toucher aux portes

du monde médiéval.

Page 18: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud
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– CHAPITRE 2–

UN MONDE ISOLÉ DANS LA MER TYRRHÉNIENNE

2.1 La Corse de la Papauté et du protectorat francVers le début du xe siècle, la Corse se dessine sur une ligne d’horizon

brumeuse et incertaine. Les mouvements de la société insulaire sont

peu perceptibles ; l’impression qui se dégage est celle d’une contrée

qui se tient à la marge de l’Histoire.

Certes, l’Île n’est ni oubliée, ni ignorée de quiconque mais sa person-

nalité n’est pas affirmée pour s’ériger en une entité politique dans la

Mer Tyrrhénienne. Les invasions successives, ou le plus souvent les

incursions, ont isolé la Corse, et mieux, l’ont conduite à un repliement

sur elle-même après une romanisation suivie et constante qui a duré

du iiie siècle av. J.-C. jusqu’au iVe siècle de notre ère.

Dès le iiie siècle, le Christianisme va s’implanter pendant la

présence romaine, mais après le passage des Goths, des Vandales, et

des Lombards, même si ces derniers convertis au Christianisme, n’ont

pas eu l’impact négatif que la légende met à leur charge, la Papauté

va se débattre pour s’implanter tant au niveau des consciences et des

pratiques que de l’installation de ses évêques. La réforme de Grégoire-

le-Grand s’annoncera dans ses correspondances à la fin du Vie et au

début du Viie siècle. Le Pape va s’inquiéter d’un retour au paganisme

dénoncé sous la forme d’une adoration de la pierre et du bois, et des

vacances épiscopales auxquelles il veut mettre bon ordre.

La situation va s’aggraver pour entraîner un renforcement de l’iso-

lement avec le mouvement incessant des flottes maures et sarrasines

Page 20: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

pendant trois siècles dans l’espace maritime qui sépare la Corse de

l’italie, au point qu’après leurs passages, il ne restera plus rien des

pierres dressées par le génie romain sur les rivages insulaires. Au

ve siècle, tout ce qui était temple à Aléria avait déjà été rasé par les

Barbares, et les côtes vont se désertifier dans un double mouvement

d’abandon lorsqu’apparaîtront les Musulmans : repli vers l’intérieur,

à l’abri des coups des incursions ; exil pour un mieux vivre, vers le

Latium où la Papauté accueillera les Corses au fil des poussées mena-

çantes venues de ce monde musulman.

La Papauté va se rapprocher de l’Empire carolingien pour contenir

les Lombards avant qu’ils ne se convertissent et obtenir la donation

dite de Constantin, document forgé de toutes pièces par la Chancellerie

papale, selon lequel l’Empereur Constantin aurait au iVe siècle, remis

à la Papauté : « Rome et toutes les provinces, toutes les localités,

toutes les cités, tant de l’italie tout entière que de toutes les régions

occidentales ». Une autre donation, elle aussi selon le Liber Pontificalis,

document qui enregistrait les actes de la Papauté, aurait été établie

par Pépin-le-Bref, comprenant l’Exarchat de Ravenne, la Pentapole

qui comprenait les villes de Rimini, Pesaro, Fano, Sinigaglia et Ancône,

et l’Ombrie.

En 774, Charlemagne, vainqueur des Lombards confirma au Pape

Hadrien ier, les promesses faites en France à Quierzy, par Pépin, son

père, en 754. Dans les territoires concernés se trouve la Corse. La

Papauté préservait ses zones d’influence face aux Lombards et aux

Byzantins lesquels avaient occupé la Corse au Ve et Vie siècle, non sans

être critiqués pour leur mal gouvernance par la Papauté qui s’était

érigée en protectrice des Corses. Peu à peu, l’Empereur Charlemagne

confirmé par le pape Léon iii, protecteur du Saint-Siège et de ses

biens, oubliait les promesses de 754 qu’il avait confirmées. Rome

était sous la tutelle de l’Empereur. Conséquence: « territoire pontifical,

la Corse était en même temps un protectorat franc », selon la formule

de Huguette Taviani.

CAPULA : UNE SEIGNEURIE OUBLIÉE EN CORSE-DU-SUD

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Page 21: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

2.2 Une vie intérieure continue sur des millénairesil reste que jusqu’à la défaite en 1014 ou 1016, de Mugahid, roi de

Denia, qui venait de la péninsule ibérique, battu par les Pisans et les

Génois, momentanément alliés, l’insécurité continuait à maintenir la

Corse dans un isolement tel que, s’il portait préjudice à son dévelop-

pement, il préservait en même temps une vie intérieure dont la singu-

larité plongeait ses racines dans la protohistoire, tant en ce qui concerne

l’origine et l’implantation des populations que leur mode de vie.

C’est ce que nous révèle le site de Capula, dans l’Alta Rocca où l’ar-

chéologie a mis en évidence les strates successives laissées par les habi-

tants, strates révélatrices de l’habitat, des modes alimentaires, des

techniques artisanales domestiques et des techniques instrumentales.

il faut entrer de plain-pied sur le terrain dans cette zone intérieure qui,

dès les temps les plus reculés de l’histoire, fut animée par des voies de

passage et de communication entre le pianu de Levie, Capula, Serra-

di-Scopamene et Quenza en remontant depuis la Mer Tyrrhénienne et

depuis le pied de l’Ortolo 1, de l’autre côté.

Revisiter un site archéologique qui atteste de la protohistoire jusqu’au

monde médiéval, soulever le voile sur une occupation de quatre millé-

naires, tout cela s’impose pour aller aux origines du monde seigneurial

sur la trace des seigneurs Biancolacci, maîtres de Capula depuis le

xe siècle. C’est un retour sur la vie intérieure insulaire que nous nous

proposons. La colonisation romaine avait fait de la Corse une « provin-

cia ». il est vrai que Ptolémée avait dressé une carte qui mentionnait

les cités de l’intérieur dont celle d’Albiana qui semble bien correspondre

au pianu de Levie et avait relevé les noms des populations de ces lieux,

noms transcrits en Grec. il n’en demeure pas moins que l’intérieur de

l’île, s’il était en relation avec des cités et bourgs côtiers, était constitué

de zones où la pénétration romaine était ponctuelle tant à l’occasion

d’affrontement dans un premier temps, que pour les échanges, dont le

bois et, sans doute, le bétail, était l’essentiel, dans un second temps.

On n’a pas trouvé sur le pianu de Levie et à Capula, de pierres romaines

1. Voir F. de LANFRANCHi, Capula, quatre millénaires de survivances et de traditions,

Levie, Centre archéologique de Levie, 1972.

PREMIÈRE PARTIE : DÉCOUVRIR LE MOYEN-ÂGE CORSE

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Page 22: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

dressées mais quelques monnaies, traces des échanges commerciaux.

Pourtant la romanisation avait bien touché la côte Est vers Porto-

Vecchio comme elle s’était implantée très haut dans le Tavignano

jusqu’à la ville de Corte d’aujourd’hui. Même si la romanisation s’était

donc installée en Corse, il restait des zones d’ombre dans la vie intérieure

qui ont échappé à cette civilisation et à cette culture. Ce que nous révèle

l’archéologie à Capula est particulièrement étonnant sur la conservation

d’un mode de vie protohistorique qui contraste avec l’avancée des cités

romaines, leurs constructions et un mode d’organisation sociale fondé

sur le droit et une religion impériale.

Le monde seigneurial va s’enraciner dans ce monde intérieur, comme

nous le dévoilent les fouilles du site de Capula. Nous entrons ici de

plain-pied dans la discussion sur l’origine de la féodalité insulaire dont

nous avons eu jusqu’ici une image traditionnelle calquée sur le modèle

admis par tous les historiens, celui du fief et des relations féodo-vassa-

liques, de la chevalerie et du monde tiré du récit de la Chronique de

Giovanni della Grossa.

2.3 Le modèle de développement de la société insulaireSous-jacent à ce problème on découvre à un autre niveau la question

du développement de la société insulaire. Pour G. Pistarino et Silio P.P.

Scalfati, ce sont les apports extérieurs qui sont le ressort des changements

de cette société insulaire et le monde seigneurial participerait à ces

importations tant culturelles que sociales et politiques. Le premier

parle d’une « histoire pauvre privée d’un dynamisme propre […] D’où

la nécessité de l’approfondir de l’extérieur » 2 ; le second écrit : « Le

phénomène de la présence des étrangers se présente en somme pour

l’histoire de la Corse médiévale, comme fondamentale pour la compré-

hension du développement de l’histoire insulaire » 3.

Le thème général de la présente recherche vise donc à mettre à

jour l’origine du monde seigneurial, thème qui confronte dans un

2. G. PiSTARiNO cité par H. TAViANi, « Les débuts de la colonisation », in Histoire

de la Corse, Toulouse, Privat, 1971, p. 151.

3. S. P.P. SCALFATi. La Corse médiévale, « Stranieri nella Corsa Medioevale », Ajaccio,

Piazzola, 1974, p. 254.

CAPULA : UNE SEIGNEURIE OUBLIÉE EN CORSE-DU-SUD

10

Page 23: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

premier temps l’enracinement d’une société dans un passé protohis-

torique et la conservation en tant qu’organisme social de la chefferie ;

dans un second temps, ce thème confronte l’évolution des chefferies

avec l’explosion des châtellenies et de l’incastellamento.

Dans cette Alta Rocca profonde, sur quoi repose la vie en société

vers l’an mille ? Si un pouvoir vient de l’extérieur encore faudrait-il

le situer mieux que de le désigner de façon vague ainsi en parlant des

protecteurs préfets et autre comes dont on ne sait rien de leur façon

de gouverner pratiquement. il reste que les populations sont soumises

à une société close qui n’a pas tendance à se transformer, ni dans son

mode de fonctionnement ni dans ses œuvres matérielles : habitat,

foyer, ressources vivrières et pastorales, ni dans sa constitution mentale

dont on sait qu’elle a balancé encore au moment de la christianisation

déjà avancée, à la fin du Vie siècle et au début du Viie siècle, entre le

culte chrétien et « l’adoration de la pierre et du bois », si on s’en réfère

aux lettres adressées par le Pape Grégoire-le-Grand à ses évêques

entre 599 et 601.

L’espace insulaire n’a jamais été un vide opératoire mais un espace

occupé depuis des millénaires, du néolithique au monde médiéval,

et cette présence réelle, continue et active ne peut être exclue de la

recherche de l’origine du monde seigneurial qui révèle, grâce à l’ar-

chéologie, à la fois des populations profondément implantées et des

sites construits toujours occupés au xe siècle. il s’avère donc, preuves

matérielles à l’appui, une endogenèse d’une société qui exclut l’ex-

plication du développement par les facteurs extérieurs, dont les

Peuples de la Mer sont un exemple pour l’Age du Bronze et l’aventure

des nobles romains, un autre exemple pour le Haut Moyen Âge.

L’archéologie qui découvre des œuvres qui ne sont pas sans auteur,

même si les documents-objets sont muets, conduit à une interprétation

ethnologique et anthropologique de ces sociétés qui met en scène les

acteurs à travers leurs créations dont les statues-menhirs sont un bel

exemple. Partout où les hommes se rencontrent et se réunissent, à

partir du couple imposé par la nécessité biologique de la reproduction,

une société première se constitue que nous appelons ici chefferie mais

il faut bien se garder dès l’instant de la confondre avec un gouvernement

PREMIÈRE PARTIE : DÉCOUVRIR LE MOYEN-ÂGE CORSE

11

Page 24: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

a popolo e commune, celui des communes italiennes du xie et xiie siècle,

ou encore d’y projeter ce modèle, pour tenter de démontrer que le

modèle communautaire de la chefferie insulaire ne pouvait exister sans

l’importation de ce type d’organisation continental comme le suggère

Silio P. P. Scalfati dans la recherche déjà citée sur le monde médiéval

corse.

Le système social du Haut Moyen Âge était encore un système clos

mais il n’était pas sans échanges utiles. S’il fabriquait de l’inertie, celle-

ci démontre une continuité sans rupture de la présence de l’organisation

sociale et cela sans faire appel à la providence des facteurs extérieurs.

2.4 Le changement de l’an mille : incastellamento et châtelleniesVers l’an mille, le système va atteindre sa limite nécessaire et natu-

relle de conservation pour entrer dans une phase de mutation. Avec

le xe siècle, un nouvel horizon se découvre, celui de l’incastellamento

et de la révolution seigneuriale des châtellenies. Celles-ci constituent-

elles une féodalité au sens traditionnel ou un monde seigneurial issu

de la chefferie ? Comment un système social qui repose sur une sorte

de consensus en vue de sa conservation cohérente, consensus passé

entre les membres et son leader va-t-il se trouver déséquilibré au

point de se transformer en un pouvoir personnalisé et hiérarchisé,

en un mot en une coercition, un rapport de domination commande-

ment-obéissance, selon la formule célèbre de Max Weber 4 ?

L’effet de facteurs multiples est à prendre en compte comme le

flux des invasions, le retour au calme dans la Mer Tyrrhénienne, l’af-

faiblissement définitif d’un pouvoir central vague et incertain, la

reprise d’échanges avec une nouvelle occupation des zones côtières,

une poussée démographique résultant du retour à cette paix relative,

le développement des cultures, de l’élevage et des échanges qui s’en-

suivirent nécessairement, autant de facteurs qui élargissent les assises

et l’importance de la chefferie qui doit se réorganiser pour produire

et se protéger. Le monde seigneurial fait alors son apparition.

4 M. WEBER, Économie et société, t. i, ch. 3 : « Les types de dominations », Paris,

Pocket, « Agora », 2003, pp. 285 et suivantes.

CAPULA : UNE SEIGNEURIE OUBLIÉE EN CORSE-DU-SUD

12

Page 25: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

2.5 L’exclusion des facteurs extérieursPour une compréhension de l’histoire insulaire, il s’impose de

prendre en compte les espaces occupés par les autochtones avec une

présence qui est une manière de vivre établie dans un temps homogène

pendant des siècles, compréhension qui s’oppose au découpage du

temps en fonction des mainmises sur l’île par des puissances domi-

natrices : Pisans, Génois, Aragonais qui font l’histoire à leur image.

Cette illusion des facteurs extérieurs importés, causes prétendues du

changement, repose sur la méconnaissance ou l’occultation des struc-

tures internes de la société insulaire en corrélation avec les facteurs

culturels se maintenant sur des siècles, sinon des millénaires.

Pour le Haut Moyen Âge, faut-il emboîter le pas de la Chronique

de Giovanni della Grossa, qui a construit un système cohérent de

domination en posant les échelons des générations des Cinarchesi,

comme réalité unique de la vie insulaire qui trouve son apogée avec

le comte Arrigo-Bel-Messer, porteur d’un âge de justice et de bonne

gouvernance, jusqu’à l’an mil ? il nous est nécessaire après avoir

examiné les document-objets de l’archéologie de nous tourner vers

ce seul récit du Haut Moyen Âge dont nous disposons. Peut-on écrire

une histoire du monde seigneurial corse sans tenir compte de la

Chronique, celle de Giovanni della Grossa ?

C’est bien la question que nous devons nous poser pour examiner

l’intérêt de ce récit et les interprétations dont il fait l’objet pour retenir

des pistes, des rapprochements et des concordances ou discordance

avec les documents-objets de l’archéologie. Ainsi en est-il du site de

Capula, présenté comme un des châteaux des plus anciens par le

Chroniqueur, ce qui est bien une concordance entre la Chronique et

la recherche sur le terrain. Ou encore, nous efforcer voir comment

un lettré du xVe siècle pouvait rapporter et conserver la mémoire des

mythes, et des légendes locales, pour enfin raconter les événements

de son temps ou de celui qui l’a immédiatement précédé, c’est-à-dire

du xiVe et xVe siècle.

Nous allons donc entrer directement dans la formation de l’Alta

Rocca qui sera au fil des siècles appelée Terra dei Signori, en relation

constante entre Carbini, Serra di Scopamene et Quenza, pour aborder

PREMIÈRE PARTIE : DÉCOUVRIR LE MOYEN-ÂGE CORSE

13

Page 26: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

CAPULA : UNE SEIGNEURIE OUBLIÉE EN CORSE-DU-SUD

14

ce que nous révèle le site de Capula à l’extrême nord du pianu de Levie

où la pratique des fouilles stratigraphiques et des mesures au carbone

14 par François de Lanfranchi, a permis de relever à travers les couches

successives de fouilles quatre millénaires de la vie de la Corse.

2.6 Documents-objets et documents écritsPourquoi la Corse du Sud ne détient-elle pas de documents pour

la période allant du ixe au xe siècle ? L’absence de documents écrits

ne signifie pas nécessairement l’ignorance de l’écriture mais signifie

plutôt que l’utilité de celle-ci ne s’imposait pas dans le système de

relation, d’échange et de mémoire du groupe social de la chefferie.

Celle-ci reste enracinée dans un système de rapports oraux, non écrits.

De plus, il apparaît que l’isolement et la rareté des échanges extérieurs,

ne conduisaient pas à recevoir des documents : charte ou contrat de

vente ou de donation tels que ceux qui furent élaborés par les abbayes

pour établir leurs droits de propriété, recevoir un patrimoine à l’exem-

ple de ce que sera la Gorgone, dans le Nord de la Corse.

Si le moyen de communication et d’échange de l’écrit n’est pas

adopté, c’est que la relation des individus est une relation de proximité,

un face-à-face sans éloignement, sans passer par l’intermédiaire d’une

institution telle l’abbaye ou un acte authentique dressé par un notaire

ou encore par l’intermédiaire d’un pouvoir impérial ou comtal. Tout

cela veut dire que nous devons être encore plus attentifs aux décou-

vertes de l’archéologie à laquelle doit être confrontée la légende en

absence de document écrit. Ce sont les documents-objets qui restent

la seule référence.

De plus, l’organisation de la structure sociale de la chefferie

première n’est pas constituée sur le mode d’organisation d’un pouvoir

hiérarchique, de sorte qu’il en est de même quant à la mise en œuvre

des terres de la communauté qui sont attribuées momentanément à

tel ou tel mais pour rester dans le patrimoine commun ; nous revien-

drons sur ce point à propos de la structure de la société première et

de la chefferie villageoise.

Page 27: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

PREMIÈRE PARTIE : DÉCOUVRIR LE MOYEN-ÂGE CORSE

15

– CHAPITRE 3–

LE SENS DE L’INTERPRÉTATIONETHNO-ANTHROPOLOGIQUE

3.1 Mythes, légendes, réalité sociale et ethnocentrismeAvant d’aller plus avant sur les sites archéologiques, revenons sur

la nouvelle interprétation de la mémoire telle que nous la présente la

Chronique. Cette interprétation ne conteste pas le caractère anachro-

nique de la relation des événements rapportés, le caractère étrange

ou invraisemblable de telle histoire locale comme celle de la mouche

qui répand une épidémie à la suite de la mort d’Orso Alamano, officier

des Biancolacci, auteur d’injustices et de crimes. Cependant, se pose

la question de savoir comment cette légende a pu être élaborée en

mixant des faits réels et imaginaires, pour donner une crédibilité à

cette affaire, comment elle a pu être transmise pendant des siècles et

prise pour argent comptant, se conserver dans la mémoire collective,

cinq siècles plus tard, pour être rapportée par un lettré du xVe siècle.

Pour l’ethno-anthropologie, la légende apparaît comme la trans-

cription d’une lutte entre dominants et dominés, lutte qui traduit une

terreur, puis une révolte conduisant à un combat à mort, transposant

autour du viol de la promise par le seigneur, tout le poids d’une oppres-

sion injuste, d’une domination insupportable, d’une lutte sociale

transférée dans le combat pour l’honneur du futur époux. L’apparition

du phénomène surnaturel de la mouche empoisonneuse tend à montrer

que le mal n’a pas disparu avec l’auteur du crime et que le malheur

est toujours proche d’un inexorable retour. il faut retenir la forte

connotation sexuelle du récit de l’abus de pouvoir du dominant sur

le dominé et l’enveloppe d’un panpsychisme cosmique qui fait confon-

dre le visible et l’invisible, le naturel et le surnaturel.

Page 28: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

À l’opposé de ce tableau teinté de noirceur est apparue dans le

monde seigneurial, une autre légende venue contrebalancer la précé-

dente, c’est celle d’un seigneur qui apporte la justice et la paix, incarne

l’image d’un homme équitable dont les traits sont à l’opposé de celui

du criminel : il est beau, son teint est clair comme sa chevelure. il

donne une image de la transparence absolue. C’est le comte Arrigo-

Bel-Messer, Henri le Beau Sire, ainsi présenté, mais qui sera assassiné

dans un traquenard de sorte que son peuple n’aura pas échappé, là

encore, au malheur. il s’agit du thème mythico-idéologique tel que

Giudice de Cinarca va encore l’incarner au xiiie siècle, en qualité de

bienfaiteur dans un épisode où il protège les veaux d’un vacher et où

les bêtes lui témoignent 5 leur reconnaissance.

Rejeter ces légendes qui traduisent des réalités historiques sociales

et une vision des événements à connotation cosmique, est une mani-

festation de l’ethnocentrisme qui se dissimule sous le prétexte de l’in-

vraisemblance et de l’irréalité. Pour des chercheurs, marqués par un

positivisme élémentaire, ces phénomènes profonds de la société insu-

laire intérieure doivent être occultés systématiquement.

Silio P.P. Scalfati refuse cette nouvelle lecture de la Chronique et

de la mémoire rapportée par la tradition 6. il fonde le développement

de la vie insulaire du Haut Moyen Âge sur les seuls apports extérieurs

et c’est ainsi que le développement de cette thèse le conduit à écarter :

– la Chronique de Giovanni della Grossa en raison de ses anachro-

nismes mais encore de faits rapportés « inattendibili » donc peu

dignes de foi ou peu sûrs. On ne doit, selon lui « ni surestimer

le chroniqueur, ni ajouter foi aux histoires qu’il nous conte sur

le Haut Moyen Âge » ;

– la thèse d’un gouvernement a popolo e commune au lendemain

de l’an mille, tout en admettant que « la tribu et le clan demeurèrent

5. G. della GROSSA, « Chronique », in Histoire de la Corse, trad. fr. de l’Abbé Letteron,

Bastia, U Muntese, 1963, p. 162.

6. Sur ces points, voir S. P.P. SCALFATi. La Corse médiévale, « Stranieri nella Corsa

Medioevale » ; « Notes sur l’évolution de la féodalité corse », pp. 251 et 259, Ajaccio,

Piazzola, 1974.

CAPULA : UNE SEIGNEURIE OUBLIÉE EN CORSE-DU-SUD

16

Page 29: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

longtemps l’unité de base de l’organisation sociale ». Le phénomène

communal n’a pu, selon lui, anticiper sur celui des communes

italiennes du xiie siècle. Mais s’agit-il de cela lorsqu’il est question

d’un gouvernement communautaire mais non communal?

– la recherche d’un invariant clanique au sens social, tel que Francis

Pomponi a tenté de l’élaborer pour expliquer les situations

conflictuelles médiévales. Pour lui, la rivalité

– des clans, les vengeances, les haines privées, ne sont pas l’élément

dynamique essentiel de l’histoire de la Corse, opposées à la poli-

tique des puissances dominantes. Mais s’agit-il bien de cela

quand on sait que l’historien en question fait référence au-delà

de cette structure persistante regroupant les familles et des

courants d’opinion et d’intérêts particuliers, à une approche de

la réalité sociale qui est fondée sur l’appropriation des moyens

de production et l’exploitation des forces productrices ;

– la nouvelle interprétation des sciences humaines comme l’an-

thropologie, la sociologie, l’ethnologie, la psychologie sociale

comme des tentatives pour réagir contre la tradition historio-

graphique qui nie le dynamisme propre de l’histoire de la Corse

au profit des puissances dominatrices seules capables d’insuffler

une dynamique. Cette interprétation, selon lui, ne rend pas plus

crédible le récit de la Chronique. Mais s’agit-il bien de cela ou

de comprendre ce que signifie une Chronique au-delà de l’in-

terprétation strictement événementielle et réaliste ?

il nous faut ici nous arrêter sur le sens de l’interprétation

tant des documents-objets, que des faits rapportés par la memoria

suivant l’ethno-anthropologie. Si dans un esprit positiviste, tel phéno-

mène est invraisemblable, ainsi la fameuse mouche d’Orso Alamano,

le véritable esprit scientifique dépasse cette lecture du premier degré

pour passer à une autre lecture qui est un nouveau palier en profondeur

de l’interprétation. il apparaît alors que cette légende était une réalité

pour ceux qui la racontaient, qui y ont cru accédant à un monde surna-

turel pour exprimer leur peur de la domination injuste dans le monde

où ils vivaient.

PREMIÈRE PARTIE : DÉCOUVRIR LE MOYEN-ÂGE CORSE

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Page 30: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

CAPULA : UNE SEIGNEURIE OUBLIÉE EN CORSE-DU-SUD

18

La question posée par la légende et par ceux qui l’ont élaborée et

l’ont transmise, était alors de se demander si la gouvernance seigneu-

riale s’assimilait à une malfaisance, si un seigneur pouvait être un

homme juste, pour toucher à la légitimité des dominants sur les domi-

nés. Ainsi, les acteurs ne doivent pas être pris seulement dans leurs

faits et gestes, mais dans les signes qu’émettent ces faits et gestes.

Occulter tel fait ou tel moment, parce qu’invraisemblable, c’est amputer

la réalité d’une société et d’une culture; c’est une attitude intellectuelle

réductrice. L’ethnocentrisme sous-jacent à ce rejet du récit, sur le

mode positiviste, est l’expression d’un refus de la part de la culture

d’une puissance dominante qui ne se reconnaît pas dans celle d’une

autre société et n’accepte pas la différence.

3.2 Points essentiels et lignes directrices de la rechercheAvant d’entrer sur le terrain de la recherche au sens pratique et

au sens intellectuel du mot, il convient de viser les points essentiels

autour duquel la genèse du monde seigneurial va se former et d’in-

diquer les lignes directrices de la marche engagée pour dégager le

modèle de société qui était celui de la Corse en devenir du xe au

xiie siècle.

En premier lieu, il s’agit de retrouver la réalité d’une évolution

endogène de la vie insulaire tant pour la période protohistorique que

pour le Haut Moyen-Âge qui s’enchaînent et d’en refaire le parcours

autonome et singulier, indépendant des facteurs extérieurs. Cette

réalité d’une évolution intérieure conduit à l’analyse de la chefferie

comme point de départ sinon comme fondement du monde seigneurial

à venir.

En second lieu, l’avancée sur le terrain ne peut se faire sans en

référer à la mémoire collective telle que la Chronique de Giovanni

della Grossa nous l’a transmise. il s’agit d’y trouver des pistes pour

situer les lieux, les hommes et les événements, leur rendre une vrai-

semblance et découvrir une culture médiévale corse porteuse de

mythèmes et de légendes, qui provoquent l’interprétation ethno-

anthropologique du récit et impose de s’interroger sur les motivations

secrètes du chroniqueur qui va reconstruire l’histoire insulaire autour

Page 31: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

PREMIÈRE PARTIE : DÉCOUVRIR LE MOYEN-ÂGE CORSE

19

de la saga du fond d’aristocratie locale et des grandes seigneuries,

Cinarchese et Biancolaccio.

C’est ici qu’intervient le débat sur la question qui différencie monde

seigneurial et féodalité, pour cerner les traits fondamentaux de l’émer-

gence de cette nouvelle société au xe siècle. il est nécessaire encore

de débrouiller les confusions volontaires ou involontaires à propos

de la mise en scène des personnages et des innovations de cette société,

confusions dont l’absence de concordance ne permet pas de rendre

cohérente l’émergence des seigneuries.

Les questions essentielles se dessinent : les conditions nécessaires

et suffisantes étaient-elles réunies au Viiie siècle pour créer le monde

seigneurial en s’appuyant sur la seule présence des plus anciennes

lignées? A-t-on pu voir émerger simultanément un pouvoir centralisé

et ces cellules autonomes de pouvoir qui ont essaimé sur la Corse du

Sud ? Un modèle de pouvoir carolingien ou de pouvoir local a-t-il

trouvé son apogée chez un seigneur mythique, Arrigo-Bel-Messer,

vers la seconde moitié du xe siècle? Quelle réalité a pu avoir le supposé

pouvoir? Ou de fait, une évolution interne conduisait-elle de la chefferie

à la châtellenie sous la forme d’une innovation politique dès le xe siècle,

pour voir éclore le monde seigneurial insulaire dans sa singularité,

loin du modèle traditionnel de la féodalité, mais se situant dans le

cadre d’une mutation générale de l’Occident médiéval ?

Page 32: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud
Page 33: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

DEUXIÈME PARTIE

L’Alta-Roccaet la seigneurie de Capula

Page 34: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud
Page 35: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

– CHAPITRE 4 –

CHAPITRE IV L’ALTA ROCCA ET DÉCOUVRIR LASEIGNEURIE OUBLIÉE DE CAPULA

4.1 Un programme pour parcourir le Haut Moyen-ÂgeEn prélude, sur le mode d’un parcours initiatique, nous invitons

le lecteur à entrer dans le site protohistorique de Capula, devenue

forteresse féodale du xe au xiiie siècles ; ensuite, à se rapprocher du

récit de Giovanni della Grossa, examiner les interprétations de ce

texte, comme nous l’avons déjà suggéré plus haut, pour conclure sur

l’usage historique que l’on peut en tirer ; à faire une pause sur les

facteurs importés de développement et leur validité tant pour la

préhistoire que pour le Haut Moyen Âge ; à découvrir la structure

sociale et politique de la chefferie première et son évolution jusqu’à

la mutation seigneuriale, avec son opposition du gouvernement

communautaire dit maladroitement a popolo e commune ; comparer

la féodalité 7 insulaire d’avant le xiie siècle avec la « féodalité tradi-

tionnelle » non marxiste et les lignées seigneuriales les plus anciennes,

Biancolaccio de Capula et Cinarchese de Cinarca ; enfin, avec ces

acteurs, voir comment ils se sont affrontés aux génois de Bonifacio

et à la République hégémonique qui colonisait la Corse, voir le destin

de ces seigneuries s’accomplir ou disparaître dans des luttes les oppo-

sant entre elles ou à la Sérénissime République, comme la seigneurie

de la Rocca, tenue par Guidice de Cinarca, qui prit Capula au détriment

des Biancolacci et qui perdit son pari contre Gênes.

4.2 Question ultime : la datation de la fondation de la féodalitéEn l’absence de documents écrits, comment aborder le mouvement

de l’Histoire à partir de documents-objets muets, dont les auteurs et

utilisateurs ont disparu, sans que nous connaissions leur activité

7. La désignation non marxiste de la féodalité renvoie à une interprétation de la féodalité

fondée sur les relations féodo-vassaliques et sur le fief sans référence à la notion

marxiste du système d’exploitation économique.

23

Page 36: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

CAPULA : UNE SEIGNEURIE OUBLIÉE EN CORSE-DU-SUD

24

gestuelle et leur langage ? C’est l’ethnologie comparative qui va s’as-

socier à l’archéologie pour étudier chaque site, l’habitat, les foyers,

les traces alimentaires, les objets domestiques et les instruments de

travail et en saisir le sens. L’analyse d’une strate ouvre une description

synchronique mais la comparaison du contenu de celle-ci avec la

suivante fait entrer une dimension diachronique, celle de la mesure

du temps de sorte que l’ethno-archéologue devient historien.

Les documents objets se succèdent et traduisent une évolution

d’un mode et d’un cadre de vie. Mais s’agit-il des acteurs de ces sites

et de ces siècles pour le Haut Moyen Âge ? La Chronique nous livre

des noms ; sont-ils des identités ? La confusion volontaire ou invo-

lontaire a-t-elle substitué en 816, Ugo della Colonna à Boniface, envoyé

de Rome ? Quant aux statues-menhir armées, il est bien possible

qu’elles représentent des héros magnifiés dans la pierre, mais héros

de quels combats ? il faut faire un retour sur l’Age du Bronze pour les

situer, percer leur mystère grâce à la chrono-stratigraphie de l’envi-

ronnement d’une société première qui connaissait l’architecture avec

les casteddi, appelés aussi torre, et encore le métal. Deux mille cinq

cents ans plus tard, leur destruction est, à n’en pas douter, le signe

d’un changement de structure sociale par l’abandon d’un monument

commémoratif. Nous reviendrons sur ce questionnement.

Enfin, tel immeuble bâti à Venaco sans doute.au iVe siècle, puis

rebâti et conforté dans sa partie encore apparente de la hauteur d’un

mur qui devait soutenir des étages, a-t-il été seulement occupé et s’il

l’a été, par qui? A-t-il été le siège d’un pouvoir centralisé au Viiie siècle,

alors que l’on ne dispose ni de stèle, ni de statue, ni de tablettes, ni

de pierres gravées pour procéder à une identification. Sans doute ici,

la stratigraphie apporterait-elle une réponse que ne donne pas l’examen

de surface des pièces recueillies.

Pourquoi se poser des questions qui remettent en cause le passé

insulaire le plus lointain à propos d’une recherche dont l’objet est

l’origine du monde seigneurial, plus ordinairement appelé féodal ?

En réalité, la véritable question est celle du gouvernement de la Corse

du Viiie siècle. Ce gouvernement fut-il celui des chevaliers venus de

Rome, et donc un facteur extérieur à la vie de l’Île, à l’occasion d’une

Page 37: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

DEUXIÈME PARTIE : L’ALTA-ROCCA ET LA SEIGNEURIE DE CAPULA

25

présence maure et sarrasine dont il faut se poser la question de la

réalité : incursions ponctuelles ou invasion et occupation continue ?

L’agression des Maures a-t-elle provoqué l’événement choc venu d’ail-

leurs qui a conduit à une reconquista qui du même coup aurait instauré

une féodalité fondée sur les lignées des Cinarchese et des Biancolacci?

Ou alors, le chroniqueur a-t-il volontairement confondu la présence

de tel envoyé du Palais carolingien, Boniface, par exemple, pour

donner l’assise la plus lointaine et la plus haute à ces lignages ?

La problématique peut se résumer ainsi : peut-on parler de féoda-

lité ou encore mieux de monde seigneurial dès l’an 816 en Corse, sans

doute avant tout le monde occidental ? Des lignées puissantes ont-

elles suffi pour créer la structure très particulière de la féodalité au

sens classique de l’appellation ; les conditions étaient-elles réunies

pour entrer dans ce monde nouveau ? La démonstration de la conti-

nuité d’une endogenèse de la vie insulaire oblige à se poser ces ques-

tions tant pour la protohistoire que pour le Haut Moyen Âge ou alors,

ne pas se les poser reviendrait à admettre que l’Histoire se confond

avec la légende.

4.3 L’entrée dans l’Alta RoccaL’Alta Rocca, même si elle n’est pas le seul haut lieu de l’histoire

de la Corse, mérite d’être regardée comme telle. En témoigne sa proto-

histoire illustrée par Cucuruzzu, sur le pianu de Levie, inscrit au patri-

moine mondial de l’humanité par l’UNESCO, son histoire médiévale

dominée par les seigneurs Cinarchesi, de la Rocca, istria, Ornano et

Bozzi ; son histoire du xxe siècle illustrée par son affrontement aux

troupes de l’Axe, pendant la deuxième guerre mondiale. Rappelons

que la Commune de Levie a reçu la Croix de guerre pour les combats

acharnés livrés par sa population en 1943, contre les troupes alle-

mandes. Les habitants de ces lieux ont sans aucun doute, perpétué

une tradition militaire qui renvoie aux guerres médiévales menées

par la seigneurie della Rocca et par Sampiero Corso contre la

République de Gênes.

Sa géographie l’a toujours mise à l’abri des curiosités immédiates

mais la laisse ouverte par la voie immémoriale qui monte de la mer,

Page 38: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

aux visiteurs intéressés par un site montagneux, parcouru de cours

d’eau, coupés de chutes et de vasques, couverte de forêts avec en

arrière-fond les Aiguilles de Bavella dominées par l’incudine. « L’Alta

Rocca est la partie orientale de la seigneurie du même nom », selon

le professeur Pierre SiMi, éminent géographe, qui ouvrait ainsi les

portes des lieux sur l’histoire médiévale.

Les villages sont étagés entre 600 et 1000 mètres, avec une double

entrée: l’hiver, à la piaghja ; l’été à la muntagna, l’ouverture se faisant

du côté de la Mer Tyrrhénienne où aboutissent toutes les communautés

de l’Alta Rocca 8.

Dès le Viiie millénaire av. J.-C., les mésolithiques de Bonifacio

remontaient vers le pianu de Levie, où ils s’installaient dans l’abri de

Curacchiaghju, vers le Viie millénaire av. J.-C. se manifeste l’émergence

des premiers villages. Notons que les casteddi constitués sur les sites

granitiques avaient déjà une liaison par des voies de passage de la

montagne à la mer.

Les premiers habitants de l’Alta Rocca sont donc des mésolithiques

du Viiie et Viie millénaire. Ce sont des chasseurs qui font la cueillette

des végétaux. Leurs outils sont tirés de la rhyolite et du quartz.

L’installation des premiers habitants entre Bonifacio et Levie, s’est

produite entre 7 500 et 7 300 av. J.-C. il y a donc eu une poussée vers

l’intérieur pour une installation sur des sites naturels aménagés,

installation que nous allons suivre sur les longues périodes de la

protohistoire. L’occupation progressive de la totalité de l’Alta Rocca,

va contribuer, selon François de Lanfranchi, à définir une sorte de

koinè 9, « somme de traits culturels communs à plusieurs groupes

humains ». Ces traits s’affirment sur le versant méridional de la Corse

tyrrhénienne au fil des millénaires.

Au Ve millénaire av. J.-C., au mésolithique moyen, la maîtrise de

techniques productives est relevée sur la zone de Figari-Levie. À Presa

(Altaghja) apparaît alors un village en terrasses, consolidées par de

8. F. de LANFRANCHi, « La formation des pays de l’Alta Rocca », Bulletin de la Société

des Sciences Historiques et Naturelles de la Corse (B.S.SH.N.C), fascicules 698 à 701,

pp. 221-235.

9. Transcription de l’adverbe grec : en commun.

CAPULA : UNE SEIGNEURIE OUBLIÉE EN CORSE-DU-SUD

26

Page 39: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

gros blocs rocheux appuyés à des talus. Cette proto architecture

précède l’architecture du Bronze Moyen avec un mur à deux parements,

architecture qui a donc un précédent local et qui va s’élaborer de

façon plus recherchée. il faut en déduire que les casteddi n’ont pas

été importés par des envahisseurs architectes apparus au cœur de

l’Age du Bronze mais qu’ils ont été précédés d’un début d’architecture

qui va aller se perfectionnant au fil des siècles.

Pour François de Lanfranchi « tout tend à démontrer que le néoli-

thique moyen de la Corse méridionale s’inscrit dans un cadre médi-

terranéen importateur de silex et d’obsidienne de Sardaigne…

conjointement à la Gallura, de modèles continentaux de tombes…

d’une production d’une céramique se distinguant des précédentes

par la finesse et par le traitement particulier des parois des vases » 10.

Le passage du néolithique final au début du chalcolithique, nous

apprend que le pianu de Levie est constitué d’une « mosaïque de

territoires structurés autour d’un casteddi », sur un rayonnement

d’un kilomètre autour de Cucuruzzu, on trouve « une aire présentant

une forte concentration d’habitat ».11 En élargissant ce rayon, on

trouve des activités agricoles : terres arables, des éléments de broyage,

des pollens identifiés, avec dans le chaos granitique, des abris aména-

gés, parfois transformés en sépulture. On doit donc distinguer un

habitat des casteddi et un habitat dû aux bergers.

Des chemins existent entre les casteddi de Serra-di-Scopamene,

de Cucuruzzu, de Salise, entre autres, et ceux de la piaghja à Sotta,

Tappa et Turri à Porto-Vecchio. Les murs qui bordent ces sentiers

peuvent être évalués chronologiquement: alignement de gros blocs

juxtaposés selon la proto-architecture néolithique et murs véritables

à deux parements du Bronze Moyen. En remontant de Capula, à l’ex-

trémité Nord du pianu de Levie, on trouve, le long du sentier, des

sépultures de l’Age de Bronze et de l’Age du Fer et, au-delà, les construc-

tions du Moyen Âge, non loin des murs à parement de petit appareil

des sentiers, près des chapelles de San Lorenzo, San Catalina et autres.

10. Ibid., p. 229

11. Ibid., pp. 230-231.

DEUXIÈME PARTIE : L’ALTA-ROCCA ET LA SEIGNEURIE DE CAPULA

27

Page 40: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

Pour F. de Lanfranchi, « l’anthropisation de l’Alta Rocca peut

être perçue comme une longue chaîne opératoire à l’extrémité de

laquelle se trouvent les premiers occupants de l’île au Viiie millénaire

av. J.-C. et à l’autre les Korsi de l’Age du Fer, puis, beaucoup plus

loin, les féodaux qui hantèrent les mêmes lieux et occupèrent parfois

les mêmes monuments que ceux de la préhistoire » 12.

Le lecteur doit être prévenu que la longue introduction qui

précède n’a pas qu’un intérêt anecdotique ou d’érudition. il s’agit

d’aborder une problématique fondamentale non seulement pour

le monde médiéval mais aussi pour l’histoire insulaire qui peut se

présenter ainsi : ces données matérielles et humaines acquises, le

changement historique, à savoir, technologique, social, économique

et politique, est-il le fait d’un développement endogène et autonome,

ou doit-on attribuer le mouvement à des apports extérieurs provo-

quant de brusques mutations et des renouvellements inattendus ?

À titre d’exemple, nous reviendrons en détail sur l’Age du Bronze

et la prétendue irruption des Sardhanes, selon la thèse de Roger

Grosjean, et nous nous poserons encore la question de savoir, ques-

tion essentielle ici, si la lutte contre les Maures et les Sarrasins au

Viiie siècle, a été aussi la mise en œuvre du monde seigneurial, sous

la forme d’une expédition romaine, selon le récit de Giovanni della

Grossa.

4.4 La visite de Capula : une voie initiatique 13

Comment entrer dans Capula, site du monde seigneurial insulaire

par excellence, dans son isolement apparent, à l’intérieur de l’Alta

Rocca profonde ? Le chemin qui y conduit n’est pas sans rapport

avec ce qui vient de précéder sur les voies de passage qui depuis des

millénaires remontent de la mer en passant par l’Ortolo, pour débou-

cher à Serra-de-Scopamene ou en venant des plages de ce qui devien-

12. Ibid., p. 232.

13. Après avoir quitté le parking peu avant l’entrée du site de Cucuruzzu, il faut prendre

le chemin qui continue sur quelques centaines de mètres, jusqu’à l’embranchement

d’un sentier, en partie dallé, à droite, entre deux murets de pierres.

CAPULA : UNE SEIGNEURIE OUBLIÉE EN CORSE-DU-SUD

28

Page 41: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

dra plus tard Porto-Vecchio. La marche permet d’expérimenter le

site, de retourner à ce monde même qui va éclore du xe au xiie siècle,

sans plaquer sur cette réalité les concepts féodo-vassaliques

construits par les feudistes et les juristes bien après la montée en

puissance des châtellenies. On peut même aller jusqu’à dire que

l’absence de documents écrits, conduit à une perception directe

d’un environnement construit, sans en donner une interprétation

intellectuelle à distance.

il faut marcher en partant du pianu de Levie, en longeant la

clôture de Cucuruzzu, aborder l’étroit passage emprunté par des

porteurs de la préhistoire et du Haut Moyen Âge, dans lequel un

mulet ou un âne bâté pouvait tout juste passer entre deux blocs de

granit pour aller voir la Chapelle de San Lorenzu, la première bien

évidemment, celle du xiie siècle, au pied de la rampe de Capula. Le

passage est chaotique enserré dans des blocs qui sont tantôt des

restes d’enceintes protohistoriques, tantôt des murets d’époque

médiévale ou plus récente. Les passants, les pèlerins et les porteurs

ont laissé leur marque : une croix, des dalles médiévales apposées

sur le fond, ou étagées en escalier, montrant le souci d’entretenir

la voie. De part et d’autre, se découvrent des abris sous roche carac-

téristiques du site que nous allons retrouver sur la plateforme de

Capula.

La chapelle de San Lorenzu, dans sa version reconstruite, masque

la ruine arasée de celle du xiie siècle, qui fut, à cette époque, une

église privée à l’usage des seigneurs Biancolacci et de leurs vassaux.

il n’en reste qu’un dallage et des blocs extraits des murs effondrés.

Sa reconstruction virtuelle ne peut être faite qu’à partir des chapelles

romanes du même siècle, encore debout. Les dimensions sont en

largeur huit mètres environ, en longueur une quinzaine de mètres,

avec une orientation de l’Ouest vers l’Est, pour ce qui fut l’abside.

À partir de là, on se trouve au pied de la rampe, qui permettait

d’accéder à cheval à la partie haute, fait rare pour entrer dans un

site seigneurial corse. Nous verrons que l’entrée piétonne qui abou-

tissait au pied de la rampe est plus au Nord est, du côté du village,

enserré entre une enceinte protohistorique et un mur médiéval.

DEUXIÈME PARTIE : L’ALTA-ROCCA ET LA SEIGNEURIE DE CAPULA

29

Page 42: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

4.5 La forteresse, un ensemble imposantL’ensemble de Capula se présente comme une imposante fortifi-

cation 14. Le site avec ses remparts naturels aménagés depuis l’Age du

Bronze, s’étend sur soixante-dix mètres du Nord au Sud et sur trente-

cinq mètres d’Est en Ouest, soit une surface d’environ deux mille

mètres carrés pour les différents niveaux d’une plate-forme moyenne

et sommitale, constitué de blocs granitiques monumentaux, identiques

à ceux de Cucuruzzu, site voisin dont Capula est l’extrême prolongement

vers le Nord. L’ensemble qui offre une harmonie certaine est fait pour

être vu. On y trouve, pour François de Lanfranchi, dès le départ :

« beauté, sécurité, rusticité, caractéristiques de cette cité médiévale ».

De nos observations, il faut déduire deux points essentiels :

– l’ensemble était fortifié pour être défendu, en cas de besoin ;

– il était construit de telle sorte qu’il abritait un phénomène d’in-

castellamento, avec à ses pieds, dans une enceinte, un village

d’une quinzaine de maisons qui restent encore à fouiller à ce jour.

C’est là que se trouve l’entrée primitive côté Nord-Est, en passant

par la première enceinte protohistorique qui faisait un écran derrière

lequel se trouvait le village dont question. L’enceinte qui couvre les

constructions villageoises laisse entrevoir un incastellamento de

modeste dimension certes, mais à rapprocher du modèle élaboré par

Pierre Toubert pour le Latium.

Si le site est imposant, il le doit au fait que la rampe aujourd’hui

arasée présentait un mur de protection à hauteur d’homme de la

même qualité, constitué de pierres régulièrement taillées et ajustées,

surmonté d’une couverture en bois appuyé aux blocs gigantesques et

se prolongeant à l’intérieur jusqu’au pied du donjon pour constituer

une circulation couverte. Les occupants du site ont employé des coins

pour entailler la roche et y caler des poutres et des voliges. La marque

des coins est celle des Korsi de l’Age du Fer qui tenaient le site jusqu’au

Viiie siècle av. J.-C. On se rend compte que trois éléments ont été

14. Si le lecteur veut se faire une idée des châteaux corses du xe au xiiie siècles, outre

Capula, un des plus anciens, deux lieux méritent d’être vus : au Cap Corse, à Rogliano,

San Colombano ; dans le Nord-est du Centre, le château de Serravalle, à Prato di

Giovellina.

CAPULA : UNE SEIGNEURIE OUBLIÉE EN CORSE-DU-SUD

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Page 43: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

utilisés par les autochtones pour adosser et élever une protection qui

leur assure la sécurité : des blocs granitiques, des pierres taillées pour

joindre les blocs, du bois pour se couvrir des coups: pierres ou flèches

ou encore se mettre à l’abri de la vue pour circuler, et même s’abriter

des intempéries : vent, pluie ou neige.

4.6 Le donjon, couronnement médiévalil est évident que Capula fut le siège d’une chefferie qui s’enracinait

de l’Age du Bronze à l’Age du Fer, sur un ensemble protégé naturel-

lement et aménagé par la main de l’homme, mais auquel le donjon a

donné ce caractère seigneurial, signe incontestable du passage du

monde protohistorique au monde médiéval. La plateforme supérieure

mérite notre attention en raison de l’évolution du modèle construit.

Deux faits se présentent à nous :

– le passage de l’habitat-abri à la maison construite ;

– l’élévation d’un donjon de pierre qui donne au site son aspect féodal.

Trois signes marquent le changement :

– la mutation de l’habitat en passant de l’abri aménagé au logement

construit, qui révèle un nouveau système relationnel entre habi-

tants ;

– l’emploi de la pierre non plus seulement en complément des

boules granitiques mais de façon indépendante pour construire

des murs ;

– l’abandon de la couverture en bois, avec l’utilisation de tuiles

romaines pour le logement.

Capula à la fin du xe siècle, est entré dans le Moyen Âge, ce qui

n’exclut pas la présence préalable de la seigneurie sur un site marqué

par son organisation matérielle protohistorique. La seigneurie s’inscrit

dans le droit fil de ce site.

C’est l’emploi de la pierre taillée d’un volume différent qui montre

les étapes de l’installation du nouveau mode de vie : le donjon, la

rampe d’accès, la maison de pierre, et en dernier, la chapelle vers la

DEUXIÈME PARTIE : L’ALTA-ROCCA ET LA SEIGNEURIE DE CAPULA

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Ouvrage disponible à la vente sur

www.editeur-corse.com

Page 44: Capula, une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

fin du xiE siècle. Si le donjon est construit pour voir plus loin, pour

s’abriter en dernier recours, il est fait aussi pour être vu de loin, c’est

un bâtiment de prestige :

– au Sud l’éperon présente une pente lisse à quarante-cinq degrés ;

– à l’Ouest, le mur de soutien a une hauteur de trois mètres environ;

il domine un éboulis des pierres du mur supérieur qui consti-

tuaient le donjon dans son élévation d’au moins dix mètres, pour

n’abriter guère plus de deux à trois personnes ; le ravin sous le

cheminement du mur de soutien a une profondeur de huit à dix

mètres ; on y trouve des blocs granitiques monumentaux.

– à l’Est, le donjon est posé sur l’amoncellement de blocs colossaux

de quatre à cinq mètres de hauteur, complété par un mur

maçonné, au-dessus d’un chemin de ronde qui surplombe un à

pic de sept à huit mètres de profondeur.

La pierre est du granit taillé régulièrement de 30 à 40 centimètres

de longueur pour 20 centimètres de hauteur et une épaisseur de 20

à 25 centimètres. Elle a pu être travaillée avec un ciseau droit ; le liant

entre les pierres est un mortier de chaux sans crêpi subsistant ; s’il y

en a eu un, il a pu être blanc, comme le rapporte la Chronique de

Giovanni della Grossa, à propos des tours de Biancolacci, l’une blanche,

l’autre colorée en rouge 15. Un examen rapide permet d’avancer que

les pierres sont du même ordre de la même qualité et du même type

que la rampe d’accès au casteddu. il faut ajouter qu’entre la masse

granitique au Sud, sur laquelle s’appui l’extrémité du donjon et celle

constituant la partie centrale, il existe un passage qui fait communiquer

l’Est et l’Ouest d’environ 1,20 mètre de hauteur, avec un mur de

soutien côté Nord, d’environ 1 mètre de hauteur, autant de mesures

du donjon que nous avons relevées nous-même in situ.

4.7 Le donjon, élément clé du monde seigneurialil est évident que le donjon contrôle largement tout le Nord où se

trouvent Serra-di-Scopamene et Quenza et plus largement encore

15. G. della GROSSA, Chronique, pp. 96-97.

CAPULA : UNE SEIGNEURIE OUBLIÉE EN CORSE-DU-SUD

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Une seigneurie oubliée en Corse-du-Sud

CAPULACharles de peretti

colonna édition

L’auteur : Charles de PERETTI (branche Calzetti-Malbufi des Peretti de Levie)est avocat honoraire à la Cour d’Aix-en-Provence ; ancien Conseiller Général etRégional ainsi qu’ancien Adjoint aux Affaires culturelles de la Ville d’Aix.Il est diplômé de Sciences politiques et d’Études Supérieures de Philosophie.

Il est également l’auteur de « La Corse face à Gênes ; entre féodalité etmodernité : essai sur la mutation politique et sociale d’une piève de laCorse du Sud, en Alta Rocca, du XV au XVIe siècle », ouvrage paru en 2008chez le même éditeur.

Cette recherche est un essai d’ethno-anthropologie à partir des

recherches archéologiques du site de Capula et du Pianu de

Levie. L’objet en est de retrouver et de restituer une société

première à partir de laquelle la révolution seigneuriale s’est

manifestée dans son originalité.

Comme dans La Corse face à Gênes, le souci de l’auteur a été

de redécouvrir une culture, ce que le xixe siècle appelait l’âme

des peuples, et de mettre en évidence une identité singulière.

20€

ISBN : 978-2-915922-40-0