20
CARACTÉRISTIQUES ET FONCTIONNEMENT DES CONSEILS D'ADMINISTRATION FRANÇAIS Un état des lieux Laurence Godard et Alain Schatt Lavoisier | Revue française de gestion 2005/5 - no 158 pages 69 à 87 ISSN 0338-4551 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2005-5-page-69.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Godard Laurence et Schatt Alain, « Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français » Un état des lieux, Revue française de gestion, 2005/5 no 158, p. 69-87. DOI : 10.3166/rfg.158.69-88 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. © Lavoisier Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. © Lavoisier

Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

  • Upload
    alain

  • View
    215

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

CARACTÉRISTIQUES ET FONCTIONNEMENT DES CONSEILSD'ADMINISTRATION FRANÇAISUn état des lieuxLaurence Godard et Alain Schatt Lavoisier | Revue française de gestion 2005/5 - no 158pages 69 à 87

ISSN 0338-4551

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2005-5-page-69.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Godard Laurence et Schatt Alain, « Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français » Un état

des lieux,

Revue française de gestion, 2005/5 no 158, p. 69-87. DOI : 10.3166/rfg.158.69-88

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier.

© Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 2: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

Dans ce travail, les auteurs

décrivent les principales

caractéristiques de 97

conseils d’administration

français en 2002 et leur

fonctionnement (nombre

de réunions et assiduité),

ainsi que ceux des

principaux comités

spécialisés (comité d’audit,

comité de rémunération,

comité de nomination et

comité stratégique). Leurs

résultats permettent de

mettre en évidence une

évolution très significative

des conseils en France au

cours des vingt dernières

années, suite notamment

à la publication des

rapports Viénot (1995,

1999) et Bouton (2002).

En ce début de millénaire, le gouvernement d’en-treprise est devenu un thème de rechercheimportant et fédérateur, tant en France

qu’ailleurs dans le monde, ayant donné lieu à une quan-tité et à une variété impressionnante de travaux.En France, les travaux pionniers sur le gouvernementd’entreprise ont été publiés au milieu des années 1980.Trois études ont porté sur les attributions, la compositionet le fonctionnement du conseil d’administration (désor-mais CA). Sur la base d’entretiens, Pitol-Belin (1984) aexaminé le point de vue des secrétaires généraux desCA, afin d’analyser d’une part, le rôle d’interface du CAavec l’environnement, d’autre part, d’appréhender lepouvoir effectif du CA. Puis, Charreaux et Pitol-Belin(1987) ont considéré l’optique des présidents-directeursgénéraux, en se focalisant sur les six dimensions sui-vantes du conseil d’administration : la forme, le fonc-tionnement, la composition, l’information et le rôle duconseil, les comités spécialisés et le CA dans lesgroupes. Enfin, le point de vue des administrateurs a

G O U V E R N E M E N T D ’ E N T R E P R I S E

PAR LAURENCE GODARD,ALAIN SCHATT*

Caractéristiques et fonctionnementdes conseilsd’administration français. Un état des lieux

* Les auteurs remercient le professeur Gérard Charreaux, ainsi que lesdeux rapporteurs anonymes de la revue, pour leurs conseils.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 3: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

également été apprécié par Bertolus etMorin (1987). Ces trois études ont permisde dresser un portrait des CA français à lafin des années 1980.L’objet de ce travail est de faire un état deslieux des principales caractéristiques et dufonctionnement des conseils d’administra-tion français en ce début de millénaire. Denombreux changements en la matière ontété suggérés et imposés depuis 10 ans parles organisations patronales et par des dis-positions d’ordre légal, avec la publicationdes deux rapports Viénot en 1995 et en1999 – ce second rapport ayant influencéles modifications réglementaires issues dela loi du 15 mai 2001 sur « Les nouvellesrégulations économiques » – ainsi que lapublication du rapport Bouton en 2002.Notre étude permet donc de faire le pointsur le chemin parcouru par les entreprisesfrançaises en 20 ans.Cet article est structuré de la façon sui-vante. La première partie présente les évo-lutions institutionnelles intervenues aucours des dernières années. La seconde par-tie décrit les principales caractéristiquesainsi que le fonctionnement de 97 conseilsd’administration français, à partir des infor-mations collectées dans les rapportsannuels relatifs à l’exercice 2002. Enfin,dans une dernière partie, nous synthétisonsnos principaux résultats et concluons.

I. – LES ASPECTSINSTITUTIONNELS

Bien que le thème du gouvernement desentreprises ait fait couler beaucoup d’encreau cours des dernières années, il n’est pasinutile de rappeler qu’il s’agit d’un débatdéjà ancien, qui est né d’une idée simple : siles dirigeants ne détiennent pas (ou très

peu) d’actions de leur entreprise, ils ne sontpas incités à maximiser la performance (oula valeur) de l’entreprise et, par conséquent,la richesse des actionnaires. Ce problèmede divergence d’intérêts conduit à s’interro-ger sur les différents mécanismes qui per-mettent d’aligner les intérêts des dirigeantssur ceux des actionnaires minoritaires et,par conséquent, de « sécuriser » les inves-tissements de ces derniers. Autrement dit,les théories du gouvernement des entre-prises ont pour objet d’étudier la façon dontles dirigeants sont gouvernés (Charreaux,2004).Avec la mondialisation et l’intégration desmarchés financiers, le développement del’actionnariat individuel et des investis-seurs institutionnels (notamment les fondsde pension), ce débat a repris de la vigueurdepuis plusieurs années. Afin de répondreaux nouvelles exigences des investisseurset d’instaurer la confiance nécessaire audéveloppement du marché financier, lesresponsables économiques et politiquesdes pays développés ont proposé auxentreprises de normaliser certaines pra-tiques en matière de gouvernement d’en-treprise. En France, il est possible de dis-tinguer quatre principales étapes en lamatière, qui correspondent à la publicationdes deux rapports Viénot, en 1995 et 1999,de la loi NRE en 2001 et du rapport Bou-ton en 2002.

1. Les origines du gouvernementd’entreprise

C’est le développement de la grande entre-prise aux États-Unis, il y a plus d’un siècle,caractérisée par un actionnariat dispersé,qui a donné lieu aux premières réflexionssur le gouvernement des entreprises. PourBerle et Means (1932), les dirigeants ne

70 Revue française de gestion

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 4: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

possédant pas (ou très peu) d’actions detelles entreprises, ils ne cherchent pas àmaximiser la richesse des actionnaires.Puisqu’ils ne tirent pas parti de l’augmenta-tion de la valeur de l’entreprise, ils peuventêtre tentés de prendre des décisions qui leurprofitent personnellement même si celles-cine sont pas conformes aux intérêts desactionnaires. Puisqu’un tel risque existe, ilest donc apparu nécessaire de s’interrogersur les moyens à mettre en œuvre pour pro-téger les investisseurs contre le comporte-ment opportuniste des dirigeants.Si quelques travaux ont été publiés depuis1932 sur ce thème, il a cependant falluattendre la modélisation proposée par Jen-sen et Meckling en 1976, pour voir émergerune véritable théorie du gouvernement desentreprises1. Dans la théorie positive del’agence, proposée par ces derniers, l’accenta notamment été mis sur les divers méca-nismes permettant de réduire les coûtsd’agence résultant des conflits entre diri-geants et actionnaires minoritaires. Cesmécanismes sont généralement appréhendéssous l’angle disciplinaire, c’est-à-dire à tra-vers leur capacité à inciter les dirigeants àcréer de la valeur pour les actionnaires ou àles contrôler efficacement (notamment àremplacer les dirigeants s’ils ne satisfont pasles intérêts des actionnaires). Il est possiblede distinguer ces mécanismes, d’une part,selon leur caractère intentionnel ou spon-tané, d’autre part, selon leur caractère spéci-fique ou non spécifique (Charreaux, 1997).Parmi les mécanismes spécifiques et inten-tionnels de gouvernement des entreprises,

on trouve notamment le conseil d’adminis-tration, qui a fait l’objet de nombreuses cri-tiques au cours des années 1980 et 1990.Dans un article publié en 1993, Jensenestime par exemple que de nombreux CAde grandes entreprises américaines n’ontpas rempli leur mission de protection desintérêts des actionnaires et sont, par consé-quent, directement responsables d’unemauvaise allocation des ressources et d’uneperte de compétitivité des entreprises amé-ricaines. Dans la mesure où le CA occupeune place centrale dans le fonctionnementdes entreprises, de nombreuses évolutionsinstitutionnelles ont été suggérées pourrépondre aux critiques.

2. Les évolutions institutionnellesrécentes

C’est la conjonction de deux facteurs éco-nomiques qui contribue à expliquer lesévolutions récentes en matière de gouver-nement des entreprises. D’abord, lesactionnaires ont revendiqué leur droit àl’information et à l’implication dans laprise de décision, après avoir prisconscience des risques de mauvaise ges-tion de l’entreprise par ses dirigeants etd’une certaine inefficacité des CA. Parailleurs, le poids et le rôle croissant desinvestisseurs institutionnels (et notam-ment des fonds de pension) dans la vie desentreprises ont suscité des évolutions dugouvernement des entreprises, afin d’ins-taurer le niveau de confiance souhaitablepour le développement des marchés financiers2.

Caractéristiques et fonctionnement des CA français 71

1. Nous renvoyons le lecteur intéressé par les développements théoriques ultérieurs à la (remarquable) synthèse dela littérature proposée par Charreaux (2004) sur les théories micro et macro de la gouvernance.2. La prise de contrôle historique en France de l’entreprise André, étudiée par Albouy et Schatt (2004), par desactionnaires minoritaires anglo-saxons, ayant entraîné le remplacement des deux principaux dirigeants de l’entre-prise, constitue un bon exemple des nouvelles revendications des actionnaires.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 5: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

On a donc assisté à la publication de trèsnombreux rapports à travers le monde3,proposant des normes de gouvernement desentreprises, ou des « codes de bonneconduite » aux dirigeants d’entreprise. Parailleurs, les réflexions menées ont égale-ment donné lieu à des modifications régle-mentaires dans de nombreux pays. EnFrance, les organisations patronales (leMEDEF et l’AFEP) ont largement participéà ce mouvement, avec la publication detrois rapports en 7 ans : les deux rapportsViénot (1995 et 1999) et le rapport Bouton(2002), au même titre que le législateur, quia adopté la loi « NRE » (nouvelles régula-tions économiques) le 15 mai 2001.La volonté générale des rapports Viénot(1995 et 1999) et Bouton (2002) est d’ac-centuer l’évolution vers l’amélioration de latransparence : les dirigeants doivent rendredes comptes aux actionnaires, sans pourautant négliger l’intérêt social de l’entre-prise. L’utilité de ces rapports, pour les diri-geants, réside dans les actions concrètesformulées, qui sont notamment relatives àla question de la dissociation des fonctionsde président et de directeur général, auxcaractéristiques des administrateurs, à lacomposition et au fonctionnement du CA etde ses comités, à la transparence sur lesrémunérations des dirigeants et sur la qua-lité de l’information financière et comp-table.

Le premier rapport Viénot (1995)

Ce rapport d’un groupe de travail présidépar Marc Viénot (P-DG de la Société Géné-rale) se préoccupe uniquement du conseild’administration des sociétés cotées enBourse4. Il comprend trois parties : les mis-sions et attributions du CA, la compositiondu CA et le fonctionnement du CA.Si ce groupe de travail considère que lestextes légaux relatifs au CA permettent,sans modifications majeures, de résoudreles problèmes posés, il clarifie certainspoints relatifs aux missions et attributionsdu CA et insiste sur certains principes defonctionnement et de composition. Cinqorientations principales méritent notam-ment d’être relevées.Premièrement, dans l’introduction du rap-port, les missions du CA sont mieux défi-nies. Alors que la loi sur les sociétés com-merciales de 1966 indique que « le CA estinvesti des pouvoirs les plus étendus pouragir en toute circonstance au nom de lasociété », le rapport précise que le CA doitremplir quatre missions: « Il définit la stra-tégie de l’entreprise, désigne les manda-taires sociaux chargés de gérer celle-ci dansle cadre de cette stratégie, contrôle la ges-tion et veille à la qualité de l’informationfournie aux actionnaires ainsi qu’aux mar-chés à travers les comptes ou à l’occasiond’opérations très importantes. » (1995, p. 6).

72 Revue française de gestion

3. Il est intéressant de noter que la comparaison des directives qui prévalent au Canada, en Allemagne, en France,ou dans les pays de l’OCDE, permet de mettre en évidence que les modèles de gouvernement des entreprises se res-semblent de plus en plus et visent à peu près les mêmes objectifs. En fait, « mondialisation des marchés financiersoblige, les règles insistent sur l’intérêt des actionnaires », bien que « l’entreprise n’est pas perçue uniquementcomme un instrument de création de valeur pour les actionnaires dans ces différents pays, mais comme un fruit dela coopération de diverses parties prenantes » (Labelle et Raffournier, 2000, p. 27).4. Ce rapport est motivé par « le développement d’un nouvel actionnariat en France, souvent peu familier des règleset des pratiques de fonctionnement des CA des sociétés cotées françaises et qui est naturellement demandeurd’éclaircissements » (1995, p. 5).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 6: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

Par ailleurs, ce rapport insiste sur le soucide l’intérêt social de l’entreprise, qui doitinspirer les administrateurs, c’est-à-dire del’intérêt supérieur de la personne moraleelle-même (distinct de celui des action-naires ou des autres parties prenantes), pou-vant se résumer dans la prospérité et lacontinuité de l’entreprise (p. 8).Troisièmement, concernant la structure duCA, le rapport estime que la dissociationdes fonctions de président du CA et dedirecteur général ne paraît pas s’imposer enFrance, dans la mesure où la loi offre déjàaux entreprises la possibilité d’opter pourune organisation alternative des pouvoirs(forme duale du conseil de surveillance etdu directoire).Le rapport aborde également la question del’indépendance des administrateurs et pré-cise que « la participation d’administrateursindépendants répond à une attente du mar-ché et qu’elle est de nature à améliorer laqualité des délibérations ». Ainsi, ce groupede travail « souhaite que chaque conseild’une société cotée comporte au moinsdeux administrateurs indépendants, étantentendu qu’il appartient à chaque conseil derechercher l’équilibre optimal de sa compo-sition » (p. 13).Un dernier point-clé du rapport porte sur lefonctionnement du CA. Le groupe de tra-vail évoque deux aspects particuliers : lamise en œuvre d’un certain formalismedans la préparation des délibérations (ensachant que la périodicité et la durée desréunions doivent être laissées à l’apprécia-tion de chaque conseil), et la création decomités spécialisés. Trois comités sontnotamment recommandés : un comité desrémunérations et un comité des comptesdoivent venir compléter le comité de sélec-

tion des administrateurs évoqué dans lepoint précédent.En fin de compte, les recommandationsfigurant dans ce premier rapport ne nécessi-tent pas d’ajustements importants des entre-prises françaises, sachant qu’elles ne pré-sentent aucun caractère obligatoire. Lesecond rapport, publié quatre ans plus tard,va plus loin dans ses recommandations.

Le second rapport Viénot (1999)

Ce second rapport, constatant les avancéesen matière de gouvernement des entreprisesqui ont résulté du premier rapport, appro-fondit certaines recommandations, et intro-duit la question de la publicité des rémuné-rations et des options des dirigeants dessociétés cotées.La première partie du rapport se focalise surle problème de la dissociation des fonctionsde président et de directeur général. Le pre-mier rapport Viénot n’avait pas préconisé ladissociation des fonctions, estimant qu’unetrès stricte séparation des fonctions neconstituait pas, dans la plupart des cas, lacondition nécessaire d’une bonne directiongénérale ou d’un contrôle efficace de lagestion. La position du second rapport estmoins tranchée puisqu’il est favorable àl’introduction d’une option laissant auconseil d’administration le choix entre lecumul ou la dissociation des fonctions deprésident du CA et de directeur général« afin de rester en conformité avec la majo-rité des pratiques internationales et d’êtreen cohérence avec les principes de contrac-tualisation et de flexibilité ».La deuxième partie du rapport est consacréeà la publicité des rémunérations et desoptions des dirigeants des sociétés cotées.Les actionnaires doivent être informés des

Caractéristiques et fonctionnement des CA français 73

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 7: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

rémunérations globales perçues par les diri-geants et les administrateurs (la publicitédes rémunérations individuelles n’étant pasjugée opportune). Ce rapport recommandede préciser dans le rapport annuel les règlesde répartition des jetons de présence5 (pré-sident, administrateurs, partie fixe, partievariable, jetons supplémentaires pour laparticipation aux comités), ainsi que lesmontants individuels des versements effec-tués à ce titre aux administrateurs, et d’ex-poser les principes et modalités qui guidentla fixation de la rémunération des dirigeants(fractions fixes et variables, critères d’as-siette des parties variables et règles d’’attri-bution des bonus ou primes).La troisième partie du rapport, dédiée à lacomposition et au fonctionnement du CA,reprend et complète les recommandationsde 1995. Le rapport renouvelle ainsi sarecommandation de limitation du cumuldes mandats à cinq mandats et revient éga-lement sur l’importance de l’indépendancedes administrateurs. Enfin, il abaisse ladurée maximum recommandée du mandatd’administrateur à quatre ans, tout en insis-tant sur l’accès à l’information des adminis-trateurs (accès aux principaux dirigeantsautres que les mandataires sociaux etrecours à des expertises externes).

La loi NRE (2001)

La loi sur « les nouvelles régulations éco-nomiques », votée le 15 mai 2001 a renduobligatoires certaines évolutions proposéesdans les rapports Viénot. Les principalesréformes proposées dans cette loi, qui

concerne l’équilibre des pouvoirs et le fonc-tionnement des organes dirigeants, portentsur : la dissociation des fonctions de prési-dent et de directeur général, la limitation ducumul des mandats, la transparence et lesdroits des actionnaires.Cette nouvelle loi modifie notamment l’ar-ticle 98 de la loi du 24 juillet 1966 relatif àla définition6 du rôle du conseil d’adminis-tration en précisant que « Le conseil déter-mine les orientations de l’activité de lasociété et veille à leur mise en œuvre. Sousréserve des pouvoirs expressément attri-bués aux assemblées d’actionnaires et dansla limite de l’objet social, il se saisit detoute question intéressant la bonne marchede la société et règle par ses délibérationsles affaires qui la concernent. » Ainsi, elleréorganise les missions du conseil en lesrecentrant sur sa fonction de contrôle, touten lui confiant la responsabilité de détermi-ner les orientations stratégiques de laconduite de l’entreprise.Par ailleurs, en redéfinissant les missions duconseil d’administration, la loi NRE a éga-lement restreint le cumul des mandats d’ad-ministrateurs, afin que ces derniers consa-crent à leurs fonctions le temps etl’attention nécessaires. La loi abaisse ainsià cinq, au lieu de huit, le nombre de man-dats d’administrateurs ou de membres deconseil de surveillance que peut exercer unemême personne physique. Poursuivant lamême logique, un plafond de dix mandatsd’administrateurs (exercés par une per-sonne physique au sein du même groupe) aété instauré. La limitation concerne égale-

74 Revue française de gestion

5. Le montant maximum autorisé par l’assemblée générale et le montant effectivement versé doivent égalementêtre indiqués.6. Le premier rapport Viénot (1995) a inspiré la définition de la mission du conseil qui se retrouve aujourd’hui dansl’article L 225-35 du code de Commerce. Cette définition (citée p. 5) consacre à la fois la prééminence du rôle duconseil et le caractère collégial de ses décisions.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 8: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

ment les mandats de membre du directoireet de directeur général unique.La troisième disposition de la loi qui tend àaméliorer les règles du gouvernement desentreprises concerne la transparence dufonctionnement des sociétés commerciales.À cet égard, la publicité des rémunérationsdes mandataires sociaux est instituée. Lerapport annuel des sociétés doit désormaisrendre compte de la rémunération totale etdes avantages en nature versés à chaquemandataire social durant l’exercice, ainsique ceux reçus par chacun d’eux de la partdes sociétés contrôlées, et de l’ensembledes mandats et fonctions exercés par lesmandataires sociaux de la société. Ilconvient de souligner à ce titre que la loi estallée plus loin que les recommandationsissues du second rapport Viénot.

Le rapport Bouton (2002)

Le rapport Bouton (2002), qui s’inscrit dansla continuité des deux rapports Viénot, aux-quels il fait fréquemment référence, élargitles recommandations sur le CA. Il com-prend trois parties. La première est consa-crée aux améliorations des pratiques dugouvernement des entreprises et les deuxautres parties abordent respectivement laquestion de l’indépendance des commis-saires aux comptes, puis celle de l’informa-tion financière et des normes comptables.Ce document, publié après la faillite d’En-ron aux États-Unis, insiste sur des pro-blèmes comptables (et d’audit), afin de res-taurer la confiance dans notre systèmeéconomique.Il est précisé (p. 2) que : « Les événementsrécents et notamment la révélation de pra-tiques comptables critiquables qui ontaffecté des entreprises de taille mondiale,ruiné des actionnaires, des salariés, et

conduit à la disparition d’un des tout pre-miers cabinets d’audit, sont à l’origined’une grave crise de confiance dans l’es-sence même de l’économie de marché : laqualité du gouvernement des entreprises etla fiabilité des comptes qui sont le lien entrela réalité de l’entreprise et les actionnaires,institutionnels ou individuels. »Le rapport Bouton insiste sur la formalisa-tion des travaux des CA et de leurs comités.Il recommande ainsi l’établissement d’unrèglement précisant les attributions et lesmodalités de fonctionnement des comités.Il invite également à produire des comptesrendus de qualité et à publier dans le rap-port annuel une description de l’activité descomités. Il souligne et renforce égalementle caractère nécessaire d’une évaluationformalisée du fonctionnement des conseils(déjà recommandée dans le second rapportViénot) et en précise les modalités.En fin de compte, la publication de ces troisrapports et l’adoption de la loi NRE ontentraîné de nombreuses évolutions descaractéristiques et du fonctionnement desCA en France. Celles-ci sont décrites dansla suite de cet article.

II. – LES CARACTÉRISTIQUES DES CONSEILS D’ADMINISTRATION

Pour réaliser cette étude, nous avons volon-tairement limité le nombre d’informationscollectées et analysées. En nous basant surla critique du fonctionnement des CA amé-ricains adressée par Jensen (1993), un desfondateurs de la théorie de l’agence, nousnous sommes focalisés sur trois principalescaractéristiques des CA. Il s’agit de la tailledu CA, du cumul des fonctions de directiongénérale et de présidence du conseil d’ad-ministration et de l’indépendance des

Caractéristiques et fonctionnement des CA français 75

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 9: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

membres. Dans une optique disciplinaire,un CA composé d’une fraction plus élevéede membres indépendants, présidé par unepersonne qui n’assure pas la direction géné-rale, et de préférence de taille réduite, seraitpréférable pour veiller aux intérêts desactionnaires (Jensen, 1993).Certes, la composition optimale du CAserait toute autre dans une optique privilé-giant par exemple les compétences desadministrateurs, ou l’accès à des ressourcesrares, c’est-à-dire si l’on se focalise sur leproblème de création de valeur plutôt quesur celui de répartition de valeur défendupar les partisans de la théorie de l’agence(Charreaux, 2004). Le CA devrait alors êtrecomposé de nombreux membres et, de pré-férence, des membres internes à l’entrepriseou des membres externes affiliés aux diri-geants (Godard et Schatt, 2000). D’unepart, les compétences (liées à une meilleureconnaissance de l’entreprise) apportées parles administrateurs sont supérieures et,d’autre part, les membres affiliés (parexemple, des fournisseurs de matières oudes banquiers) facilitent l’accès à certainesressources.Bien que le rapport Bouton (2002) se situeplutôt dans une optique disciplinaire duCA, il reconnaît cependant l’importancedes deux aspects – compétence et indépen-dance – des membres du CA: « Un conseildoit aussi être un savant dosage de compé-tence, d’expérience et d’indépendance auservice de l’intérêt de la société et de sesactionnaires. On ne saurait trop insister surla compétence et l’expérience qui sont les

qualités premières des administrateurs. Ilsdoivent maîtriser les enjeux stratégiquesdes marchés où intervient l’entreprise, cequi implique qu’ils aient une réelle connais-sance de ses métiers » (p. 8).Pour identifier ces trois caractéristiquesdu CA, nous avons dépouillé 97 rapportsannuels de l’année 2002 : la quasi-totalitédes entreprises concernées sont cotées aupremier marché7. L’échantillon initialétait composé de 120 sociétés cotées enBourse appartenant à l’indice SBF 120.Deux raisons permettent de comprendrepourquoi notre échantillon ne contient pastoutes les sociétés de l’indice : au momentoù nous avons réalisé notre étude, certainsrapports n’étaient pas disponibles. Parailleurs, les entreprises étrangères appar-tenant à l’indice, mais soumises à desréglementations spécifiques, n’ont pas étéprises en compte.

1. La taille du conseil

Aspects légaux et conceptuels

D’un point de vue réglementaire, la loi dejuillet 1966, modifiée en 2001 par la loiNRE, prévoit que le conseil d’administra-tion peut comprendre entre 3 et 18membres. Il est intéressant de noter que lesrapports Viénot (1995, 1999) et Bouton(2002) n’ont fourni aucune précision sur cepoint, ce qui est plutôt surprenant, puisqueles théories sur le gouvernement d’entre-prise accordent une certaine importance à lataille du CA.Dans la vision disciplinaire du CA, Jensen(1993) estime que les conseils composés

76 Revue française de gestion

7. Dans la mesure où la plus importante étude sur les CA français, menée il y a 20 ans par Charreaux et Pitol-Belin(1987), a porté sur un échantillon de taille similaire de 107 sociétés cotées en Bourse (dont 7 sociétés publiques),le travail de comparaison est grandement facilité. Cependant, les échantillons ne sont pas parfaitement compa-rables, du fait d’une répartition différente des entreprises cotées au premier et au second marché.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 10: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

d’un grand nombre d’administrateurs favo-risent la domination des dirigeants, qui peutfaire naître des coalitions et des conflits degroupe. Il en résulte donc des conseils frag-mentés, qui éprouvent des difficultés à trou-ver un consensus sur les décisions impor-tantes, et par conséquent la protection desintérêts des actionnaires serait moindre.Ainsi, une taille limitée des CA paraît sou-haitable. En revanche, dans d’autres théo-ries centrées sur les compétences des admi-nistrateurs, ou sur le problème de l’accès àcertaines ressources, les CA de grande taillesont préférables, notamment parce que lescompétences apportées sont plus nom-breuses8.Les prédictions contradictoires des théoriesévoquées permettent d’expliquer, au moinspartiellement, pourquoi les travaux empi-riques, qui portent essentiellement sur desentreprises américaines, ne permettent pasde conclure clairement sur l’incidence de lataille des conseils sur la performance desentreprises. Certains résultats (Yermack,

1996) privilégient les CA composés d’unnombre restreint d’administrateurs, alorsque d’autres études (Pearce et Zahra, 1992)fournissent des résultats opposés. EnFrance, Godard (2002) ne trouve pas d’effetsignificatif de la taille du CA sur la perfor-mance des entreprises. En fin de compte, iln’existe probablement pas de taille opti-male des CA, ce qui pourrait expliquerpourquoi les différents groupes de travailn’ont pas jugé nécessaire de se prononcersur cette question.

La situation en France

Les résultats présentés dans le tableau 1nous indiquent que les CA des 97 entre-prises de notre échantillon disposent enmoyenne, en 2002, de 11 membres. Nousconstatons donc que la taille des CA a aug-menté en l’espace de 10 ans, puisque lesCA étaient composés de 8,7 membres en1992 (Godard, 2002)9. Il existe cependantde fortes disparités comme le montre le gra-phique de la figure 1.

Caractéristiques et fonctionnement des CA français 77

8. Cet argument doit certes être nuancé, en raison de l’existence de conflits cognitifs (désaccords entre lesmembres), qui risquent de naître lorsque la taille du CA augmente et qui peut ralentir la prise de décision.9. Ces résultats ne sont pas parfaitement comparables dans la mesure où notre échantillon comprend globalementdes entreprises plus grandes que celui de Godard (2002). Par ailleurs, à titre de comparaison, Yermack (1996) trou-vait une taille moyenne des CA américains égale à 12,25 membres pour la période 1984-1991.

Tableau 1STATISTIQUES DESCRIPTIVES

Moyenne Médiane Écart type Nombre d’observations

Nombre de membres (taille) 11,2 11,0 4,1 97

Cumul des fonctionsCA avec P-DG 59 (60,82 %)CA avec dissociation 11 (11,34 %)CS et directoire 27 (27,84 %)

Nombre de membres indépendants 41 % 39 % 21 % 77

Nombre de réunions 7,1 6,0 3,6 95

Taux de présence aux réunions 84 % 84 % 9 % 66

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 11: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

Ces résultats sont à rapprocher de ceux deCharreaux et Pitol-Belin (1987), même s’ilfaut rester prudent dans l’analyse, dans lamesure où leur échantillon comprenait unefraction plus élevée d’entreprises de pluspetite taille du second marché. La taille duCA est égale ou supérieure à 12 membresdans moins de 30 % des sociétés dans leurétude. Désormais, plus de 45 % des sociétésdisposent d’un CA comprenant au moins12 membres. La principale explication decette évolution réside dans la nomination denouveaux administrateurs indépendants.Ceux-ci viennent compléter les CA et ne se substituent pas à des membres siégeant déjàdans les conseils.

2. Le cumul des fonctions de directiongénérale et de présidence du conseil

Aspects légaux et conceptuels

D’un point de vue réglementaire, la loi dejuillet 1966 offre la possibilité d’opter pourl’une des deux organisations suivantes duconseil : l’organisation « traditionnelle »,comprenant un CA, dans laquelle le prési-dent du CA est aussi le directeur général dela société (d’où le terme de P-DG) et l’or-

ganisation « moderne », n’autorisant pas lecumul des deux fonctions, qui comprend undirectoire (chargé de diriger la société) etun conseil de surveillance (chargé decontrôler le directoire). Concernant l’orga-nisation « traditionnelle », la loi NRE de2001 offre la possibilité aux CA d’opterpour le cumul ou la dissociation des fonc-tions de directeur général et de président duCA. Ainsi, les entreprises françaises ont lapossibilité d’opter pour trois organisationsdifférentes des pouvoirs.Pour les théoriciens de l’agence, le cumuldes fonctions permet aux dirigeants dedéfendre plus aisément les projets qu’ils ontinitiés et mis en œuvre, même si ceux-ci necréent pas de valeur pour les actionnaires.En fait, il est difficilement concevablequ’un président du CA se sanctionne en tantque directeur général (par exemple,demande son licenciement). Par ailleurs, lacooptation d’administrateurs affiliés estfacilitée en cas de cumul des fonctions, cequi peut également constituer un risquepour les actionnaires (Jensen, 1993).La prise en compte des caractéristiques dusecteur permet également d’expliquer l’ab-sence de cumul, en raison d’exigences dif-

78 Revue française de gestion

Figure 1TAILLE DES 97 CA DE NOTRE ÉCHANTILLON

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 12: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

férentes en termes de processus de prise dedécision. Godard (1998) constate, parexemple, qu’une plus grande volatilité etune plus faible complexité du secteurconstituent des conditions favorables auchoix d’une structure duale.Dans d’autres théories, le cumul présentecependant des avantages. Il évite notam-ment une mauvaise communication (unseul responsable s’exprime) et il offre plusde flexibilité pour saisir des opportunités.D’ailleurs, comme en matière de taille, lestravaux empiriques ne permettent pas deconfirmer la supériorité d’une structure surl’autre. Pour Rechner et Dalton (1991), ladissociation des fonctions apparaît préfé-rable, alors que Brickley et al. (1997)concluent que le cumul des fonctions pré-sente de réels avantages pour les action-naires. En France, Godard et Schatt (2004)trouvent que les entreprises ayant opté pourle cumul des fonctions sont plus rentablessur le long terme, confirmant le rôle pri-mordial joué par le leadershippour créer dela valeur.

La situation en France

Sur les 97 entreprises de notre échantillon,nous constatons dans le tableau 1 que lastructure traditionnelle, dans laquelle le P-DG cumule les deux fonctions, est encoreadoptée par une majorité d’entreprises(60,82 % des cas). Cependant, ce pourcen-tage apparaît relativement faible par rapportà celui obtenu en France par Charreaux etPitol-Belin (1987).En fait, cette évolution résulte tant del’adoption de l’organisation « moderne » duCA – plus d’un quart des entreprises dispo-

sent en 2002 d’un conseil de surveillance etd’un directoire – que de la dissociation desfonctions de directeur général et de prési-dent du CA (qui n’était pas prévue par la loien 1987). Depuis la loi NRE du 15 mai2001 et jusqu’à fin 2002, 11 entreprises onten effet décidé de dissocier les deux fonc-tions. Les entreprises françaises ont doncévolué considérablement en matière degouvernement d’entreprise.

3. L’indépendance des membres du conseil

Aspects légaux et conceptuels

Enfin, la troisième caractéristique des CAétudiée est l’indépendance. À ce jour, iln’existe aucune contrainte légale en matièred’indépendance des administrateurs enFrance. Ni la loi de 1966 ni celle de 2001n’aborde cette question. En revanche, cetaspect est très présent dans les trois rapportsprofessionnels. Le rapport Bouton, le der-nier en date, précise par exemple, que « la qualification d’administrateur indépen-dant n’entraîne pas de jugement devaleur, [mais] ne vise que la situation objec-tive d’un administrateur qui est réputé nepas avoir de conflits d’intérêts potentielsavec la société » (p. 8). Il précise égalementla définition proposée dans le second rap-port Viénot (1999) : « Un administrateur estindépendant10, lorsqu’il n’entretient aucunerelation de quelque nature que ce soit avecla société, son groupe ou sa direction, quipuisse compromettre l’exercice de saliberté de jugement. » (p. 9). Alors que dansle second rapport Viénot (1999), la propor-tion d’administrateurs indépendants propo-

Caractéristiques et fonctionnement des CA français 79

10. Par souci de clarification, six critères précis sont proposés dans le rapport Bouton (p. 10), qui doivent être exa-minés pour qualifier un administrateur d’indépendant.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 13: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

sée est respectivement d’au moins un tiersdes membres du conseil, celle-ci est (aumoins) égale à la moitié des membres (pourles sociétés au capital dispersé et dépour-vues d’actionnaires de contrôle) dans lerapport Bouton.Dans une optique disciplinaire, le manqued’indépendance des administrateurs estprobablement considéré comme étant laprincipale cause d’inefficacité des conseils :la présence de nombreux administrateursaffiliés aux dirigeants n’inciterait pas cesderniers à créer de la valeur pour les action-naires. Par ailleurs, de tels administrateursseraient incapables de sanctionner les diri-geants (de les licencier), par crainte deperdre les avantages personnels qu’ils peu-vent en retirer (Jensen, 1993). Diversesétudes empiriques ont d’ailleurs montré quele comportement des CA composés d’unefraction élevée de membres indépendantsétait différent, sur certains aspects au moins(remplacement des dirigeants, réaction auxoffres publiques, etc.), de celui des CA oùsiégeaient peu (ou pas) de membres indé-pendants (Godard et Schatt, 2000). Cettevision est bien évidemment restrictive dufonctionnement des entreprises, puisque laprésence de membres affiliés des cadres oudes fournisseurs de l’entreprise s’avèreindispensable au développement de l’entre-prise, parce qu’ils apportent des compé-tences (sur le fonctionnement de l’entre-prise, sur ses marchés, etc.) ou facilitent

l’accès à certaines ressources (Charreaux,2000).

La situation en France

En 2002, les CA français comptent environ40 % de membres indépendants (tableau 1).Leur présence accrue traduit la volontéexprimée par les P-DG il y a 20 ans (Char-reaux et Pitol-Belin, 1987). Près de 50 %d’entre eux souhaitaient alors que lesconseils comprennent plus de personnalitésextérieures et moins de membres de lafamille11.Il faut cependant être prudent sur cesrésultats. Premièrement, 20 entreprises nefournissent pas d’informations sur l’indé-pendance des membres du CA : nos résul-tats « surévaluent » donc probablement laprésence des membres indépendants.Deuxièmement, la définition de l’indé-pendance n’est pas toujours présentéedans les rapports annuels : des erreurs declassification existent probablement12.Troisièmement, il existe encore de nom-breuses disparités, comme le montre legraphique de la figure 2. Les administra-teurs indépendants ne sont majoritairesque dans un tiers des 77 entreprises del’échantillon. Cela étant, il y a désormaisau moins 20 % d’administrateurs indépen-dants dans plus de 90 % des entreprises etl’analyse de la composition des comitésspécialisés montre que les indépendants yjouent un rôle majeur.

80 Revue française de gestion

11. Dans l’étude de Charreaux et Pitol-Belin (1987), le nombre d’entreprises familiales était important, ce quiexplique ces attentes des P-DG. Dans la mesure où la proportion d’entreprises familiales est différente dans notreéchantillon, les motivations des dirigeants à faire évoluer la composition du CA peuvent bien évidemment différer.12. Une analyse néo-institutionnelle permettrait sûrement de démontrer que certaines entreprises ont évolué sur « laforme », en matière de GE, mais pas sur « le fond », pour des raisons de légitimité ou de mimétisme. Ainsi, cer-taines entreprises peuvent faire croire que la fraction d’administrateurs indépendants est élevée alors qu’une ana-lyse rigoureuse permettrait de montrer que certains administrateurs, considérés comme étant indépendants, sont enréalité affiliés aux dirigeants. Un tel travail dépasse le cadre de la présente étude.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 14: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

4. Synthèse sur les caractéristiques du conseil et sur son fonctionnement

Les différents résultats obtenus mettent enévidence une évolution notable des caracté-ristiques des CA depuis la publication despremières études académiques, il y a20 ans, ainsi que du premier rapport Viénot.Les CA comprennent plus de membres, lesfonctions de président du CA et de directiongénérale sont plus fréquemment dissociées,et la présence des administrateurs indépen-dants est devenue très significative. L’im-pression générale qui se dégage de ces évo-lutions est que les arguments développésdans la théorie disciplinaire du CA, reprispartiellement dans les rapports profession-nels et dans la loi NRE de 2001 par le légis-lateur, l’emportent sur ceux proposés dansles théories alternatives du CA (approchecognitive, etc.). Cela étant, rien ne prouveque les administrateurs aient un rôle disci-plinaire effectif (leur présence se justifiepour les compétences spécifiques qu’ilsapportent aux entreprises) : des études ulté-

rieures devraient corroborer cette impres-sion.Pour conclure cette section, nous avonsconstaté (cf. tableau 1) que les CA seréunissaient en moyenne 7 fois par an (lamédiane est égale à 6), soit environ tousles deux mois, avec un taux d’assiduitéégal à 84 % (pour les 66 entreprises quiont fourni des indications sur la présencedes membres lors des réunions). Si l’assi-duité est à peu près la même, il apparaîtque le nombre de réunions a augmentésignificativement en 20 ans. En effet,Charreaux et Pitol-Belin (1987) ont trouvé(sur leur échantillon qui présente descaractéristiques légèrement différentes dunotre) que plus de la moitié des entreprisesse réunissaient au maximum quatre foispar an, soit une fois par trimestre. S’ilexiste des dispersions entre les entreprises,comme le montre la figure 3, on constateque moins de 15 % des conseils se réunis-sent désormais au maximum quatre foispar an.

Caractéristiques et fonctionnement des CA français 81

Figure 2FRACTION DE MEMBRES INDÉPENDANTS DE 77 CA

DE NOTRE ÉCHANTILLON

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 15: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

Par ailleurs, nos résultats ont tendance àsous-évaluer la fréquence des réunions desmembres, puisque le développement descomités spécialisés conduit certainsmembres des conseils à se rencontrer àd’autres moments de l’année pour préparerdes dossiers discutés lors des séances duCA.

III. – LES CARACTÉRISTIQUES DES COMITÉS SPÉCIALISÉS

Il y a 20 ans, les comités spécialisés com-mençaient à voir le jour en France. Char-reaux et Pitol-Belin (1987) dénombraient18 comités dans leur étude. Désormais, cescomités sont très nombreux. Pour les 89entreprises qui ont fourni des informationssur les comités (cf. tableau 2), on compteactuellement 2,5 comités par entreprise enmoyenne (la médiane est égale à 3), soitplus de 220 comités.Cette forte croissance des comités est liéeaux recommandations des divers rapportsprofessionnels. Si l’importance du rôle

des comités spécialisés a déjà été discutéedans les rapports Viénot, le rapport Bou-ton rappelle que « le nombre et la struc-ture des comités dépendent de chaqueconseil », mais il précise que « ces comi-tés ne sont pas détachables du CA, ils enfacilitent le fonctionnement et concourentefficacement à la préparation des déci-sions », et insiste sur « la qualité descomptes rendus faits par les comités auconseil et sur l’inclusion dans le rapportannuel d’une description de l’activité descomités » (p. 6).Les entreprises ont essentiellement adoptéquatre types de comités : les comités d’auditou des comptes, les comités de nomination(ou de sélection), les comités de rémunéra-tion, et les comités stratégiques. D’autrescomités ont été créés – comité scientifique(Sanofi Synthélabo), comité d’investisse-ment (GFI Informatique, etc.), comité pourla qualité et le développement durable(Gecina), mais ils restent peu nombreux. Ilsne font donc pas l’objet d’une étude appro-fondie.

82 Revue française de gestion

Figure 3NOMBRE DE RÉUNIONS DE 95 CA

DE NOTRE ÉCHANTILLON

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 16: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

1. Le comité d’audit ou des comptes13

La mise en place d’un tel comité a étérecommandée dans les rapports Viénot. Sesmissions sont variées : examen des comptessemestriels et annuels, vérification des pro-cessus et des procédures de contrôle

internes, relations avec les commissairesaux comptes, etc. Concernant sa composi-tion, il est précisé dans les rapports Viénotque les administrateurs indépendants doi-vent représenter au moins un tiers desmembres du comité, sachant que le comité

Caractéristiques et fonctionnement des CA français 83

Tableau 2STATISTIQUES DESCRIPTIVES

Moyenne Médiane Écart type Nombre d’observations

Nombre de comités 2,5 3 0,9 89

Comité des comptes ou d’auditNombre de membres 3,5 3,0 1,2 82% de membres indépendants 60,3 66,7 28,2 68Nombre de réunions 3,75 4,0 2,3 73Taux de présence (%) 89,1 91,7 10,9 45

Comité des rémunérationsNombre de membres 3,2 3,0 0,7 36% de membres indépendants 55,3 50,0 32,3 30Nombre de réunions 2,4 2,5 1,3 30Taux de présence (%) 92,7 100 11,2 22

Comité des nominationsNombre de membres 3,3 3,0 0,7 13% de membres indépendants 52,2 50,0 20,1 11Nombre de réunions 1,0 1,0 0,9 9Taux de présence (%) 91,7 100,0 12,1 6

Comité de nominationset des rémunérations

Nombre de membres 3,4 3,0 0,6 41% de membres indépendants 55,6 66,7 28,5 36Nombre de réunions 2,9 3,0 1,4 35Taux de présence (%) 92,7 96,9 9,0 22

Comité des nominationsNombre de membres 5,4 5,0 1,6 27% de membres indépendants 32,6 25,0 27,3 19Nombre de réunions 3,0 2,0 2,5 25Taux de présence (%) 88,2 87,8 99 14

13. Deux études françaises (Saada, 1998 et Thierry-Dubuisson, 2002) ont déjà tenté d’expliquer les raisons quiconduisent les entreprises à mettre en place un comité d’audit, à la fin des années 1990. Bien que les hypothèsestestées soient similaires dans les deux études (structure de l’actionnariat, taille du CA, la qualité des auditeurs, etc.),certains résultats divergent assez significativement.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 17: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

doit comprendre au moins trois administra-teurs. Le rapport Bouton recommande quela proportion de membres indépendants soitportée à deux tiers.Les statistiques fournies dans le tableau 2montrent que 82 entreprises disposent d’untel comité (soit près de 85 % des entreprisesde l’échantillon) : il s’agit du comité le pluslargement répandu. Celui-ci comprend enmoyenne 3,5 membres (la médiane estégale à trois), ce qui est conforme auxrecommandations du rapport Viénot. Parailleurs, dans la moitié des entreprises, il ya au moins deux tiers de membres indépen-dants, ce qui prouve que les entreprises onttrès rapidement intégré les recommanda-tions du rapport Bouton. Enfin, nousconstatons que ce comité se réunit près dequatre fois par an, avec un taux de présenceproche de 90 %. Ces résultats nous condui-sent à penser que l’affaire Enron (qui étaitd’ailleurs un « modèle » de gouvernance auvu des critères formels), ou d’autres cas demanipulation comptable en Europe et auxÉtats-Unis (le marché financier a sanc-tionné, souvent très sévèrement, les entre-prises prises en flagrant délit), ont eu deréels effets sur le gouvernement des entre-prises et ont visiblement incité les CA àveiller très sérieusement aux aspects comp-tables.

2. Les comités des rémunérations et de nomination

Outre le comité d’audit, de nombreusesentreprises ont également adopté des comi-tés de rémunération et de nomination (ou desélection). L’objet du premier comité est deformuler des recommandations au CA surla politique de rémunération des respon-sables de l’entreprise, et notamment descadres dirigeants, ainsi que sur la politique

d’octroi de stock-options. Le second comitéa pour objet de choisir de nouveaux admi-nistrateurs, pour pallier la démission d’unancien administrateur ou pour se conformeraux attentes des investisseurs en matièred’indépendance.À ce propos, le rapport Viénot stipule que lecomité de rémunération doit être composémajoritairement d’administrateurs indépen-dants et qu’il ne doit comporter aucun man-dataire social. Le rapport Bouton confirmecette composition. Pour le comité des nomi-nations, les prescriptions sont de trois àcinq membres, comprenant le président etau moins un tiers d’indépendants selon lesecond rapport Viénot (contre au moins unadministrateur indépendant dans le premierrapport). Le rapport Bouton ajoute seule-ment que le président en exercice doit y êtreassocié.Les résultats du tableau 2 montrent que 41entreprises ont décidé de n’adopter qu’unseul comité, chargé tant des problèmes derémunération que de celui des nominations.Il est composé de 3,4 membres en moyenne(la médiane est égale à 3) et 55,7 % desmembres sont indépendants, sachant quedans au moins une entreprise sur deux, il ya deux tiers de membres indépendants, cequi excède les normes proposées dans lesrapports Viénot et Bouton.Dans 13 entreprises, les deux comités ontété dissociés. Le comité de nominationcomprend plus de 3 membres en moyenne,dont plus de 50 % de membres indépen-dants. Par ailleurs, outre les 13 cas de dis-sociation des deux comités, nous constatonsque 23 entreprises disposent d’un seulcomité de rémunération, soit un total de 36comités de rémunération. Ceux-ci com-prennent plus de 3 membres en moyenne etplus de la moitié sont indépendants.

84 Revue française de gestion

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 18: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

En fin de compte, il existe un comité derémunération dans 77 entreprises (soit plusde 75 % des cas) et un comité de nomina-tion dans 54 cas (soit plus de 55 % descas), ce qui prouve une fois encore que lesentreprises ont réalisé des efforts impor-tants.Concernant le fonctionnement de ces deuxcomités, nous remarquons qu’ils se réunis-sent plus de 2 fois par an, à l’exception descomités de nomination qui ne se réunissentqu’une seule fois, avec des taux d’assiduitétrès élevés (supérieur à 90 %), mais relati-vement peu d’entreprises fournissent desinformations sur le taux de présence desmembres.

3. Le comité stratégique

Enfin, un comité stratégique a été constituédans presque 30 % des entreprises. Cecomité a généralement pour mission dedéfinir ou de valider la stratégie du groupe.Le développement de ce comité répond àune préoccupation du rapport Bouton(2002), pour lequel il « arrive que desconseils d’administrations ne débattent passuffisamment des questions stratégiques etsoient même parfois informés seulement a posteriori d’investissements, d’acquisi-tions ou de cessions dont l’importance pourl’avenir de l’entreprise peut être majeure »(p. 7). Cela étant, ni les rapports profes-sionnels, ni la loi, ne fournissent d’indica-tions sur l’intérêt d’un tel comité, ou sur sacomposition.Pour les 27 entreprises qui disposent d’untel comité, le nombre moyen de membresest égal à 5,4 (la médiane est égale à 5), etle pourcentage d’indépendants est inférieurà un tiers. Par ailleurs, le nombre deréunions et l’assiduité sont similaires àceux des autres comités. Ainsi, en compa-

raison des autres comités, le comité straté-gique se différencie par le nombre plusimportant de membres (essentiellement nonindépendants), qui ont donc généralementdes intérêts directs dans le développementet la survie des entreprises.

4. Synthèse sur les comités spécialisés

En fin de compte, nous constatons que lefonctionnement des CA français a évoluésignificativement au cours des vingt der-nières années. La création de divers comités– audit, rémunération, nomination, straté-gique –, chargés de préparer les séances(plus fréquentes) des conseils, a conduit lesentreprises à opter pour une spécialisationdans le traitement des dossiers sur lesquelsils doivent se prononcer.Il serait intéressant de vérifier ultérieure-ment quelles sont les caractéristiques desmembres siégeant dans les différents comi-tés. Avec la logique de spécialisation desmissions du CA, les compétences et l’expé-rience des membres jouent désormais unrôle plus important. Par exemple, lesmembres siégeant dans les comités d’auditdoivent disposer de sérieuses connaissancescomptables et financières pour préparer lesdossiers.

CONCLUSION

Au terme de ce travail, nous pouvons doncconclure que le système de gouvernementdes entreprises a connu des évolutionsmajeures au cours des vingt dernièresannées en France. La plupart des entre-prises, et pas uniquement les plus grandesentreprises qui font partie du CAC 40, ontintégré les principales recommandationsprofessionnelles, ainsi que les nouvellescontraintes légales.

Caractéristiques et fonctionnement des CA français 85

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 19: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

Lorsqu’on étudie les principales préconisa-tions figurant dans les deux rapports Viénotet dans le rapport Bouton, relatives auxcaractéristiques des CA et des comités spé-cialisés, nous constatons que certainesentreprises ont été au-delà du minimumrequis.En particulier, en matière d’indépendancedes membres du CA ou des comités, ou decumul des fonctions de président du CA etde direction générale, ou encore en termesde fréquence des réunions et d’assiduité, lesentreprises françaises semblent avoir faitles efforts nécessaires pour restaurer laconfiance des investisseurs.Cela étant, si en apparence des évolutionsnotables sont constatées, il faut cependantrester prudent sur certaines pratiques degouvernement des entreprises. D’une part,nous constatons qu’il existe encore une cer-taine dispersion entre les entreprises sur lesdifférents aspects étudiés dans ce travail : lafraction de membres indépendants est parexemple encore très faible dans certainsCA. Des travaux ultérieurs devraient s’atta-

cher à expliquer pourquoi certaines entre-prises ont fait plus d’efforts que d’autres.D’autre part, les évolutions formellesconstatées ne signifient pas que, sur le fond,des intérêts catégoriels ne sont pas privilé-giés. Par exemple, en matière de stratégied’entreprise, il est peu probable que lesadministrateurs indépendants s’opposentaux actionnaires majoritaires dans les nom-breuses entreprises familiales françaisescotées en Bourse. Il serait intéressant d’étu-dier le lien entre les signes visibles (corres-pondant à l’habillage) et les pratiquesréelles des CA. Il ne faut pas oublier que laqualité du gouvernement des entreprisesd’Enron était souvent citée commeexemple.Enfin, pour compléter cet état des lieux,d’autres éléments du gouvernement desentreprises, relatifs par exemple aux carac-téristiques des administrateurs (expérience,nombre de mandats, échanges de mandats,etc.) ou aux évolutions des rémunérationsdes différents responsables (partie fixe, par-tie variable, etc.), mériteraient d’être étu-diés ultérieurement.

86 Revue française de gestion

Bibliographie

Albouy M., Schatt A., « Les prises de contrôle par les actionnaires contestataires : le casAndré », Finance Contrôle Stratégie, vol. 7, n° 2, 2004, p. 33-65.Berle A. A., Means G. C., The modern corporation and private property, New York, Mac-millan, 1932.Bertolus J. J., Morin F., « Conseils d’administration : les divas, les cumulards et les autres »,Science & Vie Economie, 33, 1987.Brickley J., Coles J., Jarrell G., “Leadership structure: separating the CEO and the Chairmanof the Board”, Journal of Corporate Finance, 3, 1997, p. 189-220.Charreaux G., Pitol-Belin J.-P., Enquête nationale sur le conseil d’administration des entre-prises françaises : son rôle, sa composition, son fonctionnement, Peat-Marwick, 1987.Charreaux G., Pitol-Belin J.-P., Le conseil d’administration, Vuibert, 1990.Charreaux G., « Vers une théorie du gouvernement des entreprises », Le Gouvernement desEntreprises, G. Charreaux éd., Economica, 1997, p. 421-469.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier

Page 20: Caractéristiques et fonctionnement des conseils d'administration français. Un état des lieux

Charreaux G., « Le conseil d’administration dans les théories de la gouvernance », La Revuedu Financier, 127, 2000, p. 6-17.Charreaux G., « Les théories de la gouvernance : de la gouvernance des entreprises à la gou-vernance des systèmes nationaux », Cahier de recherche du Fargo, Dijon n° 10140101,2004.Godard L., « Les déterminants du choix entre un conseil d’administration et un conseil desurveillance », Finance Contrôle Stratégie, vol. 1, n° 4, 1998, p. 39-61.Godard L., « La taille du conseil d’administration : déterminants et impact sur la performan-ce », Revue sciences de gestion, 33, 2002, p. 125-148.Godard L., Schatt A., « Faut-il limiter le cumul des fonctions dans les conseils d’adminis-tration? », La revue du financier, 127, 2000, p. 36-47.Godard L., Schatt A., « Faut-il limiter le cumul des fonctions dans les conseils d’adminis-tration? », Gouvernance, vol. 1, n° 1, 2004, p. 48-60.Jensen M., “The modern industrial revolution, exit, and the failure of internal control sys-tems”, Journal of Finance, vol. 48, n° 3, 1993, p. 831-881.Jensen M., Meckling W., “Theory of the firm: managerial behavior, agency costs and owner-ship structure”, Journal of Financial Economics,vol. 3, 1976, p. 306-306.Labelle R., Raffournier B., « Conseil d’administration et gouvernement d’entreprise : unecomparaison internationale », La Revue du Financier, n° 127, 2000, p. 18-28.Pearce J. A., Zahra S. A., “Board composition from a strategic contingency perspective”,Journal of Management Studies, vol. 29, n° 4, 1992, p. 411-438.Pitol-Belin J.-P., Une interface dans la stratégie de l’entreprise : le conseil d’administration,Thèse de doctorat de 3e cycle en sciences de gestion, Aix-Marseille, 1984.Rapport Bouton, Pour un meilleur gouvernement des entreprises cotées, AFEP/AGREF –MEDEF, septembre 2002.Rapport Viénot, Le conseil d’administration des sociétés cotées, AFEP-CNFP, juillet 1995.Rapport Viénot, Rapport du comité sur le gouvernement d’entreprise, AFEP-MEDEF, juillet1999.Rechner P., Dalton D., “CEO duality and organizational performance : a longitudinal analy-sis”, Strategic Management Journal, 12, 1991, p. 155-160.Saada T., « Les comités d’audit en France, un an après le rapport Viénot », Finance ContrôleStratégie, vol. 1, n° 3, 1998, p. 59-84.Thiery-Dubuisson S., « Exigences actionnariales et réseaux d’administrateurs : à quoi répondla mise en place des comités d’audit en France? », Comptabilité Contrôle Audit, vol. 8, n° 1,2002, p. 129-150.Yermack D., “Higher market valuation of companies with a small board of director”, Journalof Financial Economics, vol. 40, n° 2, 1996, p. 185-211.

Caractéristiques et fonctionnement des CA français 87

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 93

.180

.53.

211

- 15

/01/

2014

23h

56. ©

Lav

oisi

er

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 15/01/2014 23h56. ©

Lavoisier