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IHESTMinistère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 1, rue Descartes - 75231 Paris cedex 05 Tél. : 33 (0)1 55 55 89 67 - Fax : 33 (0)1 55 55 88 32 [email protected] - www.ihest.fr
L’IHEST est un établissement public à caractère administratif, prestataire de formation enregistré sous le n° 11 75 42988 75. Cet enregistrement ne vaut pas agrément de l’État. Siret n° 130 003 825 00010.
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Promotion Christiane Desroches Noblecourt
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Préambule
Les voyages d’études du cycle national de l’IHEST sont l’occasion de rencontres et de débats. Ils visent à apprécier
d’autres modèles d’émergence de la connaissance et à mesurer l’importance des facteurs culturels et géopolitiques dans
le développement de la recherche, de l’éducation et de l’innovation.
A l’issue de ces déplacements, des carnets de voyages sont demandés aux auditeurs. Il ne s’agit pas d’une synthèse
exhaustive du voyage d’études, ni des questions abordées. Ces carnets témoignent des étonnements des auditeurs lors
de la découverte, circonscrite dans le temps et l’espace, d’un pays au contexte culturel différent.
Au début de chaque voyage d’études, huit à dix questions sont proposées par l’IHEST. Les auditeurs se répartissent par
groupes de 4 ou 5 personnes. Chaque groupe remet, sur le thème choisi, un carnet de voyage de trois pages. L’ensemble
constitue les « Carnets du voyage d’études » qui font l’objet d’une publication.
Remerciements
L’IHEST remercie l’ensemble des personnalités et des intervenants qui sont venus à la rencontre des auditeurs lors du
voyage d’études à Hambourg et à Berlin et tous ceux qui leur ont ouvert leur porte à l’lnternationale Bauaustellung (IBA)
- l’exposition internationale d’architecture - de Hambourg, à l’université de Hambourg-Harbourg (TUHH), sur le site du
groupe Volkswagen à Wolfsbourg et à l’université Humboldt à Berlin.
Ses remerciements vont tout particulièrement au Service scientifique de l’Ambassade de France en République fédérale
d’Allemagne pour sa contribution majeure à la préparation et à la réalisation du programme de ce voyage ainsi qu’au
Consulat Général de France à Hambourg pour l’accueil réservé à la délégation de l’IHEST.
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Le voyage de la promotion 2011-2012 du cycle national de formation de l’IHEST a permis d’aborder les ressorts de la compétiti-
vité d’un pays emblématique de la puissance en Europe, qui, dans un contexte de crise économique, tire parti de la mondialisa-
tion. Il s’est attaché à montrer comment, au vu des changements profonds, accélérés par l’émergence de nouvelles puissances,
ce pays développe sa capacité de recherche et d’innovation, fait de la science et de la technologie un fondement de sa stratégie
de développement et adapte son modèle économique et social.
Au cours de ce voyage les auditeurs ont pu prendre la mesure, sur des territoires industriellement denses, des efforts de ce pays
pour lier croissance et environnement, pour initier des mutations technologiques et pour se saisir des perspectives ouvertes par
l’économie de la connaissance.
Les diverses rencontres effectuées ont permis de souligner les axes stratégiques de la politique de recherche et d’innovation
allemande, les régulations à l’œuvre entre pouvoirs publics, recherche, enseignement supérieur, entreprises et le mode de co-
opération entre ces acteurs.
Il s’est agi aussi d’apprécier les spécificités du système de recherche et d’innovation allemand, les modèles de gouvernance
opérant aux différents échelons politiques d’un système fédéral et les dynamiques des réseaux de compétences, clusters et
coopérations interentreprises.
Le voyage et les expériences étudiées ont enfin permis de faire comprendre les conditions sociales et politiques dans lesquelles
se définissent les orientations de la politique de recherche et d’innovation allemande.
En se rendant à Hambourg puis à Berlin, le voyage a fait découvrir aux auditeurs des territoires symbolisant les évolutions de
l’Allemagne - dans les dimensions scientifiques, technologiques et industrielles mais aussi politiques, économiques, sociales et
culturelles - et les mutations en cours qui traversent la société allemande.
A Hambourg, ville-Etat et deuxième métropole allemande, les auditeurs ont pu apprécier concrètement les enjeux du tournant
énergétique allemand axé sur les énergies renouvelables. Devenue un lieu emblématique de l’éolien sur le continent européen,
capitale verte de l’Europe en 2011, la cité hanséatique est la vitrine allemande du développement durable. Le Sénat (gouverne-
ment de Hambourg) mène une politique active dans ce domaine, l’objectif étant de réduire les émissions de gaz à effet de serre
de 40% en 2020 par rapport à 1990. Il a renforcé notamment son cluster régional « Energies renouvelables » et a créé sa propre
filiale de production d’énergie, Hamburg-Energie, un organisme public qui propose de l’électricité 100% renouvelable et locale,
illustrant ainsi le mouvement de « recommunalisation » de l’approvisionnement en énergie observé en Allemagne.
Ce positionnement de « ville durable » se traduit par une profonde mutation urbaine, symbolisée par deux lieux, le port et la ville
nouvelle d’Hafencity.
Le port, troisième d’Europe après Rotterdam et Anvers, est désormais un hub incontournable sur la route des porte-conteneurs ;
il est le deuxième terminal européen de conteneurs et s’est engagé dans un programme « soutenabilité ». Au centre Fraunhofer
de logistique maritime, au sein de l’université technologique de Hambourg, les auditeurs ont pu mesurer l’importance stratégique
de la R&D pour l’organisation des activités maritimes, essentielles dans l’économie hambourgeoise.
Les écosystèmes de la connaissanceet l’innovation en Allemagne
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
La ville nouvelle Hafencity, projet urbain le plus important d’Europe, mêle architecture spectaculaire – avec les immeubles des
sièges d’Unilever, du Spiegel, l’Elbphilharmonie… - et méthode de construction innovante et durable. Cette vaste opération de
réhabilitation de l’ancienne zone portuaire au bord de l’Elbe, qui augmentera la taille du centre-ville de Hambourg de 40% et mul-
tipliera sa population par deux, veut être un exemple réussi de développement urbain, réunissant différents acteurs, politiques,
culturels, économiques, innovateurs, publics comme privés.
La valorisation durable et diversifiée - sociale, économique, culturelle, environnementale - d’un territoire urbain, le quartier de
Wilhelmburg, a été présentée aux auditeurs. Ils ont été reçus à l’IBA (Internationale Bauaustellung), l’exposition internationale
d’architecture, qui conduit ce projet du « saut par dessus l’Elbe » (Sprüng über der Elbe) visant à réintégrer une zone désaffectée
dans le tissu urbain et à en faire un quartier climatiquement neutre, en cohérence avec la stratégie énergétique globale de la ville.
Des lieux de recherche et d’innovation caractérisent cette évolution de Hambourg. La présentation des activités du Climate
service center aux auditeurs a ainsi montré l’importance de la recherche sur le changement climatique à Hambourg, illustrée
notamment par le cluster d’excellence Clisap (Integrated Climate System Analysis and Prediction) de l’université de Hambourg
(UHH) qui développe un centre de compétence mondial pour le climat. Le rôle des réseaux de compétences dans la dynamique
de la R&D et de l’innovation à Hambourg a été souligné à travers l’exemple du cluster aéronautique, distingué parmi les cinq
clusters de pointe (spitzencluster) en Allemagne.
L’étape à Hambourg du voyage d’étude a ainsi permis d’observer les mutations d’une cité qui, à l’image d’autres grandes
villes portuaires dans le monde, reconquiert sa façade maritime grâce à une innovation urbaine liant objectifs économiques et
environnementaux. Elle a illustré concrètement la nouvelle politique énergétique allemande et la stratégie en faveur des techno-
logies propres. Elle a aussi donné l’occasion de comprendre comment fonctionnent les clusters et la coopération entre acteurs
scientifiques, économiques et territoriaux.
En passant par Wolfsbourg, en Basse-Saxe, lieu symbolique de l’industrie allemande avec le siège de Volkswagen, les auditeurs
ont pu voir le plus grand site automobile du monde qui emploie 50 000 salariés. La visite de la chaîne de production a permis de
se rendre compte de la logique de rationalisation très poussée du constructeur qui réalise d’importantes économies d’échelles
en développant des modules communs à différents modèles. Cette étape a conduit les auditeurs à s’interroger sur la compé-
titivité industrielle dans un secteur traditionnel, sur la chaîne d’innovation d’un groupe investissant fortement dans la R&D et sur
les liens entretenus avec le territoire local.
A Berlin, capitale politique de l’Allemagne, la matinée à l’université Humboldt, créée en 1810, a illustré les évolutions du système
d’enseignement supérieur allemand et le rôle de la coopération franco-allemande. Les auditeurs ont saisi les enjeux de l’ « Initia-
tive d’excellence », lancée en 2005 par le gouvernement fédéral et les Länder, pour une université qui cherche à développer une
recherche de pointe, à dynamiser un vivier de jeunes chercheurs et à renouveler sa gouvernance. La présentation des activités
et des axes de recherche du Centre Marc Bloch a offert un exemple réussi de coopération franco-allemande dans le domaine
de la recherche en sciences sociales.
En conclusion du séjour, la délégation de l’IHEST a été reçue à l’Ambassade de France. La situation politique de l’Allemagne, les
grands enjeux économiques, scientifiques, énergétiques et sociétaux du pays et la stratégie du gouvernement pour y répondre
ont été mis en perspective. Après avoir rencontré des acteurs-clés de la relation science-société au cours du voyage, les audi-
teurs ont pu ainsi, lors de cette ultime étape, mieux appréhender les différences et les complémentarités franco-allemandes et
engager une réflexion sur les synergies possibles entre les orientations des politiques des deux pays, en particulier en matière
de recherche et d’innovation.
Marie-Françoise Chevallier-Le Guyader,
Directrice de l’IHEST
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Mardi 7 février 2012 - Hambourg
La politique énergétique de la Ville de HambourgJörn WALTER, directeur du Behörde
für Stadtentwicklung und Umwelt (BSU), Autorité
pour le développement urbain et environnemental, Ville de
Hambourg
Le cluster régional Energies renouvelables de HambourgJan RISPENS, directeur général du cluster
Rainer SCHEPPELMANN, directeur adjoint du Bureau de
coordination « Protection du climat » au sein de l’Autorité
pour le développement urbain et environnemental
La métropole du futur : urbanisme et innovations pour le développement durableKarsten WESSEL, Coordinateur du programme « La ville
face au changement climatique » de l’IBA Hambourg
Le cluster Aviation de Hambourg : un cluster de pointe et sa stratégie de développementRüdiger HINTZE-SCHOMBURG, attaché d’administration
aux affaires industrielles, Office pour le développement
économique et du travail de la Ville de Hambourg
Mercredi 8 février 2012 - Hambourg, Wolfsbourg
La politique de recherche en Allemagne Stéphane ROY, attaché pour la science et la technologie,
Ambassade de France en Allemagne
Nicolas CLUZEL, chargé de mission, Ambassade
de France en Allemagne
Valérie LE VOT, attachée universitaire pour la région Nord
Le Centre Fraunhofer de logistique mari-time et de prestations de services (CML) : les technologies maritimes innovantesCarlos JAHN, directeur de l’Institut de logistique
maritime du Fraunhofer
Le groupe Volkswagen, visite de la chaîne de production à Wolfsbourg
La recherche sur le changement clima-tique et sur ses conséquences Guy BRASSEUR, directeur du Climate Service Center,
Centre Helmholtz, Hambourg
Jeudi 9 février 2012 - Berlin
L’université Humboldt et l’Initiative d’excellenceSandra WESTERBURG, directrice de cabinet du Président
Elisabeth LACK, directrice pour les Affaires générales
Le Centre Marc Bloch de recherche en sciences sociales : l’enjeu de la dimen-sion franco-allemandePatrice VEIT, directeur, Centre Marc Bloch
Hubert GUICHARROUSSE, attaché de coopération univer-
sitaire, Ambassade de France en Allemagne
Béatrice von HIRSCHHAUSEN, directrice adjointe, Centre
Marc Bloch
Gabriele METZLER, professeur d’histoire contemporaine,
université Humboldt
Accueil à l’Ambassade de France La situation politique en AllemagneCaroline FERRARI, ministre conseiller, Ambassade
de France en Allemagne
L’économie allemande et ses défis Yves-Laurent MAHE, conseiller économique,
Service économique régional
Le modèle social allemandJacques SIMBSLER, conseiller pour les Affaires sociales
Le tournant énergétique allemand Jean-Claude PERRAUDIN, conseiller CEA
Programme du voyage d’études
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Sommaire
1 La politique de recherche et d’innovation en Allemagne : l’évolution et les enjeux de la stratégie « High Tech » 6Par Eric BERNARD, Olivier FOHANNO, Xavier GRISON, Amaury JOURDAN, Ramesh PYNDIAH 2 Recherche, innovation et enseignement supérieur : quels rôles respectifs pour l’Etat fédéral et les länder ? 11 Par Dominique BERRY, Jérôme COPPALLE, Hélène LUCAS, Eric POSTAIRE, Stéphane ROY 3 L’initiative des clusters de pointe (spitzencluster) 14Par Olivier AUDOUIN, Hubert DUAULT, Gilbert ISOARD, Nathaly MERMET, Bruno WIART
4 Le rôle de la société Fraunhofer dans la politique d’innovation allemande 17Par Patrick CREZE, Joël JACQUET, Sacha KALLENBACH, Azar KHALATBARI, Jean-Michel TANGUY
5 Recherche universitaire et enseignement supérieur : les défis de l’Initiative d’excellence 20Par Lotfi BEL HADJ, Frédéric BERNARD, Jean-François CERVEL, François CHEVOIR,
Véronique DEBISSCHOP
6 La transition énergétique en Allemagne : enjeux et débats 23Par Nathalie ALAZARD-TOUX, Arnaud MASSIP, Malika MEDDAHI, Jean-Pierre PECHMEGRE-CAMINADE,
Catherine RABBE
7 L’Internationale Bauaustellung (IBA) de Hambourg : un laboratoire pour les innovations urbaines ? 27Par Eric BRIDOT, Thomas Emmanuel GERARD, Philippe LE MOING-SURZUR, Cécile LESTIENNE,
Claire RIOUX
8 La compétitivité industrielle allemande : le cas de Volkswagen 30Par Romain JEANTET, Krzysztof KOZLOWSKI, Nora Sestna MACHURE, Catherine MOULIN,
Jean-Patrick THIOLLET
9 Capital humain et modèle social allemand : quelles spécificités ? 33 Par Corinne BOREL, Carole COUVERT, Anne RIZAND, Walter ROEST, Marc SOULAS
Annexes
•Glossaire 37
•Liste des auditeurs du cycle national 2011 / 2012 39
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
1. La politique de recherche et d’innovationen Allemagne : l’évolution et les enjeuxde la stratégie « High Tech »
Par Eric BERNARD, Olivier FOHANNO, Xavier GRISON, Amaury JOURDAN, Ramesh PYNDIAH
De quoi s’agit-il ?
La « Stratégie de Lisbonne », adoptée au conseil européen
de mars 2000 et précisée à Barcelone en 2002, fixait comme
objectif d’atteindre 3 % du PIB pour les dépenses de R&D à
l’horizon 2010 dans l’Union européenne.
L’Allemagne a manifestement fait sien cet objectif et a lancé
entre 2005 et 2006 trois initiatives d’ampleur pour y par-
venir : la Stratégie High-tech, l’Initiative d’excellence et le
Pacte pour la recherche et l’innovation. Il apparaît en 2010,
que les dépenses de R&D en Allemagne atteignent 2,8 %
du PIB (2,5 % en 2005) et que, dans l’industrie, les investis-
sements en R&D ont augmenté de 19% et les effectifs de
chercheurs de 5 %.
Forts de ces premiers résultats et après une évaluation pré-
cise du bilan de ces trois initiatives, les Allemands ont décidé
de poursuivre, en fixant de nouveaux objectifs à l’horizon
2018-2020 et en adaptant les trois dispositifs.
La Stratégie High Tech
Le gouvernement fédéral a lancé en 2006 un programme
national en faveur de la recherche et de l’innovation dans
le but d’atteindre les objectifs de Lisbonne (3 % PIB dédié
à la R&D) dès 2010. Il s’agit de la « Stratégie High Tech
2006-2009 ». Ce programme implique quatre ministères
fédéraux (enseignement et recherche - BMBF, économie
et technologie - BMWi, finances - BMF, et environnement -
BMU). C’est au BMBF qu’en revient la coordination.
La Stratégie High-tech poursuit trois objectifs :
• favoriser le transfert technologique ;
• lier la recherche institutionnelle et l’industrie ;
• accroître la capacité d’innovation technologique,
en particulier dans les secteurs d’avenir.
Ce programme de soutien a permis d’ajouter 6 Md€ supplé-
mentaires, entre 2006 et 2009, aux 9 Md€ de budget courant
des ministères concernés :
• 12 Md€ pour le soutien à la recherche dans 17 champs
thématiques prioritaires dont la part belle a été donnée au
spatial, à l’énergie, aux technologies de l’information et de
la communication, aux recherches biomédicales, à l’auto-
mobile,
• 1,8 Md€ pour le soutien de projets réalisés par des PME
innovantes,
• 0,6 Md€ pour les clusters de pointe (initiative intitulée «Spit-
zencluster»),
• 0,2 Md€ pour le soutien technologique aux start-ups.
Mi-2011, le gouvernement fédéral allemand a officialisé
une suite : la « High Tech Stratégie 2020 ». Cette déci-
sion confirme la priorité du gouvernement allemand de
poursuivre l’accent mis sur la recherche et l’innovation,
malgré le plan de restriction budgétaire au niveau fédéral
décidé au début du mois de juin 2010. Le budget du mi-
nistère fédéral de la recherche, un des seuls à ne pas être
concerné par ces restrictions, devrait à nouveau croître
de 7,2 % en 2011 pour atteindre 11,65 Md d’euros.
Réf : Extraits de la note « Les grandes lignes de la recherche publique en Allemagne » du 28/10/2010 du Service pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France en Allemagne
- 7 -
Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
L’Initiative d’excellence
Dans le but d’accroître la flexibilité, la compétitivité et la qualité
de sa recherche, l’Allemagne a choisi en 2005 de renforcer la
recherche universitaire et de créer des pôles universitaires d’ex-
cellence, ce qui a été mis en œuvre par le programme Initiative
d’excellence. Mené sous l’égide de la DFG (Deutsche Fors-
chungsgemeinschaft) et du Wissenschaftsrat (Conseil pour la
science - WR), ce programme de financement qui s’étend sur
une période de 6 ans (2006-2011) doit mobiliser la somme de
1,9 Md€, (75 % à la charge de l’Etat fédéral (Bund), les 25 %
restants à la charge des Länder (Etats). Il comprend 3 grands
axes :
• Le soutien au transfert technologique par la sélection de
pôles d’excellence («Excellenzcluster») au sein d’universi-
tés ou d’organismes de recherche extra-universitaires en
relation avec l’industrie. Le soutien s’élève en moyenne à
6,5 M€/an/cluster ;
• Le soutien à l’excellence scientifique via la sélection
d’écoles doctorales («Graduiertenschulen»). Le soutien
s’élève en moyenne à 1 M€/an/Graduiertenschule ;
• Le soutien de stratégies d’avenir («Zukunftskonzepte»)
pour la promotion de la rechercheuniversitaire de pointe.
Le montant de ce soutien s’élève en moyenne à 21 M€/an/
université sélectionnée.
Un comité décisionnel composé d’experts de la DFG et
du Wissenschaftsrat a été chargé de coordonner l’éva-
luation par des évaluateurs externes des projets présen-
tés par les universités. A l’issue de deux appels à pro-
jets (2006 et 2007), le comité a décidé le financement de
39 écoles doctorales, 37 pôles d’excellence et de 9 stra-
tégies d’avenir soit 9 « universités d’élite », qui sont les
suivantes :
• Couronnées en 2006 : Université Ludwig-Maximilian de
Munich (LMU), Université Technique de Munich (TUM) et
Université de Karlsruhe (KIT)
• Couronnées en 2007 : Université Technique de Rhénanie
du Nord-Westphalie à Aix-la-Chapelle (RWTH), Université
Libre de Berlin (FUB), Université de Fribourg-en-Brisgau,
Université de Göttingen, Université de Constance et Uni-
versité de Heidelberg.
L’initiative d’excellence a été reconduite pour la période
2011-2018.
Réf. : Extraits de la note « Les grandes lignes de la recherche publique en Allemagne » du 28/10/2010 du Service pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France en Allemagne
Le Pacte pour la Rechercheet l’Innovation
En juin 2005, le gouvernement allemand (Etat Fédéral et
Länder) a conclu avec les grands organismes de recherche
allemands le Pacte pour la Recherche et l’Innovation, afin de
dynamiser la recherche et de garantir l’atteinte des objectifs
de Lisbonne en 2010.
Dans le cadre de ce pacte prévu pour la période 2006-
2010, l’Etat Fédéral et les Länder se sont engagés à ac-
croître le budget des organismes de recherche de 3 %
par an jusqu’en 2010. Les organismes s’engagent de leur
côté à améliorer la qualité et l’efficacité de leurs activités, à fa-
voriser la compétition interne et la coopération inter-organisme
et internationale et enfin à définir des objectifs stratégiques et
le rapprochement avec les universités.Afin d’évaluer la portée
de son action, le Pacte pour la Recherche et l’Innovation pré-
voit la réalisation de bilans annuels. La Conférence scientifique
commune (GWK) est chargée de la réalisation de ces derniers.
Le Pacte pour la recherche et l’innovation a été reconduit
pour la période 2011-2018.
- 8 -
Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Ecologie du savoir et systèmes d’innovation en Allemagne
Une recherche privée et des régions très présentes
Si l’Etat fédéral (Bund, via le BMBF) a augmenté son finan-
cement public à 12,8 Md€, il est remarquable que le privé
finance 71 % de la R&D, contre environ 50 % en France.
Cette différence explique l’écart de dépenses de R&D
entre les deux pays (2,82 % versus 2,2 % du PIB), la part
publique étant similaire.
Un autre élément de différentiation est le rôle principal
des Etats (Länder) dans le financement de la recherche
publique, le Bund se réservant uniquement la recherche
fondamentale et un outil de financement des axes straté-
giques (DFG, équivalent - en mieux doté - de l’ANR). Il n’y
a, par exemple, pas de crédit impôt recherche de niveau
fédéral en Allemagne (le débat étant en cours sur le sujet)
Des recherches publiques et privées interconnectées
La recherche publique est organisée autour des universi-
tés, sous responsabilité des Länder d’une part, et de 4
instituts de recherche, d’autre part :
• L’institut Max Planck : financement 100 % public, orienté
vers les thématiques de recherche fondamentale, dont
la caractéristique est une forte autonomie des centres
de recherche et une faible part du financement sous
forme de « projets »,
• La Communauté de Centres de Recherche Helmoltz :
outil de support de la stratégie en recherche du Bund
(BMBF) avec pour objectif l’implémentation de l’orienta-
tion nationale grâce à un financement sur appel d’offre
(env. 300 M€/an),
• L’institut Leibnitz : Pôle de recherche à ancrage et finan-
cement au niveau des Länder, dont les priorités sont
définies en relation avec le besoin local de l’économie
(par exemple, l’économie portuaire à Hambourg),
• L’Institut Fraunhofer : l’outil majeur du support de l’in-
novation industrielle. Financé à 50 % sur projets mixtes
public/privé, les 50 % de financement public servant à
mettre en œuvre une politique d’excellence avant de se
rapprocher de l’industrie.
Le rapprochement universités - instituts de recherche est
encouragé, même si l’ensemble n’est pas directement
sous la responsabilité de l’Etat fédéral.
En plus d’un partenariat public/privé fort via les instituts
Fraunhofer et Leibnitz, l’Allemagne a mis en place un outil
Points remarquables
Avertissement : en cohérence avec les limites de l’exer-
cice de « carnet de voyage », les éléments ci-après sont
à considérer comme des sujets d’interrogation et non
comme des affirmations validées.
Un ancrage régional fort
La structure fédérale de l’Allemagne conduit à un ancrage
régional fort : le gouvernement fédéral encourage l’émer-
gence de pôles de pointe et oriente la recherche via une
coordination centrale (plans,…), mais doit composer avec
les gouvernements des «Länder», ceci avec l’inconvénient
d’une certaine disparité régionale.
L’aménagement du territoire ne semble pas faire partie des
critères prépondérants d’arbitrage pour les financements
ou l’implantation des centres d’excellence. Les écarts
peuvent se creuser entre régions « riches » et régions
« pauvres » au sens de l’innovation et du rayonnement
scientifique (Nord et Est moins favorisés que Berlin, Sud
et Ouest).
Une industrie totalement impliquée dans la recherche et l’innovation
Culturellement, l’industrie participe davantage à l’effort global
de R&D qu’en France, et a soutenu la croissance de l’effort
global de R&D ces dernières années. Il y a un effet de levier
important de la R&D privée qui vient démultiplier les effets de
la recherche publique, en particulier via le fonctionnement
mixte de l’institut Fraunhofer.
Les patrons des grands groupes ou des entreprises de taille
intermédiaire n’hésitent pas à s’impliquer personnellement
dans les instances d’orientation sur la recherche, tant au
niveau fédéral que régional.
- 9 -
Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Un cocktail gagnant : consensus entre acteurs, continuité dans l’effort et évaluation régulière des résultats
Au-delà de l’organisation, la gouvernance de la recherche en
Allemagne, qui privilégie l’établissement d’un consensus dès
le départ, est un facteur important du succès de la politique
de recherche et d’innovation. On peut citer :
• L’usage au niveau national comme régional d’une planifica-
tion à objectif temporel limité, correspondant au rythme de
la vie publique (5 ans), selon un principe d’essai et d’évalua-
tion des résultats, avant remise en cause ou prolongation.
• La participation de tous les acteurs (local & national,
public et privé) à l’orientation stratégique, en privilégiant
l’indépendance au sein des conseils, la transparence des
décisions et en limitant le champ d’action des lobbies.
Quelques exemples :
- Conseil gouvernemental de l’Enseignement supérieur et
de la Recherche : 24 membres indépendants,
- Conférence commune scientifique : groupe des acteurs
représentatifs des échelons local et national pour l’orien-
tation des universités,
- Ouverture internationale : recours à des comités inter-
nationaux pour l’évaluation des projets, relative prise en
compte des orientations européennes dans la stratégie
nationale (l’influence de la gouvernance européenne
n’apparaît pas toujours très clairement),
- Des comités scientifiques mixtes public/privé suivent
l’implémentation des projets de recherche,
- La prise en compte de la société civile dans les débats
scientifiques : des académies scientifiques permettent
l’établissement d’un dialogue sur les grands enjeux,
en prenant en compte l’ensemble des acteurs y com-
pris la société civile,
- La forte implication des chercheurs en sciences hu-
maines et sociales dans les projets (très compliqué en
France).
L’orientation de la recherche se fait avec beaucoup de trans-
parence, autour de comités faisant intervenir l’ensemble des
acteurs, dont la société civile, dès le début des débats scien-
tifiques. Cela permet d’obtenir un consensus qui garantit un
effet d’entraînement sur les axes stratégiques ainsi définis. Il
est également notable que l’industrie participe à la gouver-
nance de la recherche, y compris à son orientation. Concer-
nant l’implémentation et le suivi, le degré d’autonomie et de
responsabilisation de l’équipe projet autour de son directeur
est important, sous couvert d’évaluation en temps limité et
d’obtention de résultats.
Malgré la complexité du découpage en différents niveaux
(fédéral/régional) et la diversité des intérêts des parties pre-
nantes, les acteurs allemands ont l’air de savoir contribuer de
manière plus concourante que concurrente à une initiative :
notion de « chasse en meute ».
Il ressort un réel savoir-faire allemand de passer du temps
pour dégager un consensus avec tous les acteurs, tant sur
les objectifs que sur les processus de gouvernance/prise
de décision. Associée à des évaluations programmées des
résultats obtenus, cette démarche permet de concilier une
stabilité (et visibilité) à relativement long terme (5 - 10 ans) et le
renouvellement (les structures ne sont pas juxtaposées, mais
remplacées, les anciennes disparaissent), tout en limitant les
risques de décision arbitraire de la part du politique.
Innovation incrémentale ou innovation de rupture ?
Il est difficile de se rendre compte si la stratégie mise en
œuvre par l’Allemagne vise une innovation incrémentale ou
une innovation de rupture. Quelques indices font pencher
pour la première :
• le fait que les universités et l’essentiel du financement de la
recherche publique viennent des Länder conduit à la foca-
lisation de cette recherche sur les questions économiques
locales. Cela conduit à privilégier dans de nombreux Län-
der l’innovation incrémentale par rapport à l’innovation de
rupture, garante d’efficacité dans le support de l’industrie
dominante mais peu favorable à la remise en cause.
• Un tiers de la recherche en Allemagne est liée au secteur de
l’automobile, avec l’efficacité que l’on connaît mais aussi le
risque de rater de nouveaux enjeux d’innovation majeurs.
Une incitation à l’excellence de tous les acteurs-clés
L’Allemagne accueille actuellement environ 30 000 cher-
cheurs étrangers et mène une politique volontariste pour
augmenter son attractivité internationale. Elle affiche la
volonté d’être à la première place européenne, en matière
d’excellence scientifique et d’attractivité.
- 10 -
Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Pour tenir cet objectif, elle s’appuie sur deux mesures particu-
lières et un plan stratégique de communication :
• Développement des formations en anglais,
• Lancement de fondations pour permettre d’accorder des
suppléments de rémunération à des chercheurs de renom-
mée internationale.
• Plan de communication :
- Lancement d’une agence spécialisée sur la gestion des
échanges entre universités et pour l’accueil des étu-
diants étrangers (la DAAD),
- Mise en place autour du Fraunhofer d’un réseau interna-
tional de correspondants dans une quinzaine de pays,
- Utilisation de la fondation Von Humbolt qui fédère les
membres actuels et anciens membres du Fraunhofer.
Un accent important est mis sur la visibilité internationale, à
travers des rôles définis et financés de communication, une
politique d’accueil et de financement, et un réseau internatio-
nal. Si la France reste à ce jour un peu plus attractive, l’écart
semble diminuer avec le temps.
L’excellence parait être encouragée à tous les niveaux,
tant en termes de moyens que d’autonomie, tout en favori-
sant les « ponts » entre les institutions :
• Fonctionnement assoupli de la double dimension univer-
sité (local)/institut de recherche (fédéral) via un comité
pluridisciplinaire (ex. HU Berlin),
• Allocation significative de budgets non affectés aux res-
ponsables d’université ou d’institut pour permettre des
transformations et des initiatives locales,
• Financement de recherche confié directement à une
structure ou à un directeur de recherche, responsable
des résultats sur une durée limitée. (ex. HHU ou IBA
Hamburg),
• Mise en place d’acteurs « passerelle » portant le double
rôle de responsable universitaire et d’unité de recherche
dans un institut,
• Possibilité de sortir des strictes grilles salariale de la
fonction publique pour les chercheurs,
• Stimulation du corps professoral dans les universités par
une certaine dose d’instabilité programmée (contrat de
5 ans).
Synthèse
La stratégie High Tech 2006-2009 a permis à l’Allemagne
d’augmenter les dépenses de R&D de 0,2 % de PIB. Dans
la continuité, un nouveau plan, « High-tech stratégie 2020 »,
vient d’être lancé mi 2011. Par ailleurs, un effort important
est mené pour l’émergence de pôles scientifiques de qua-
lité mondiale autour d’universités d’élite.
La stratégie High Tech apparaît comme un bon exemple
de l’efficacité allemande quand il s’agit de mettre en œuvre
une stratégie, à partir du moment où les objectifs sont clai-
rement fixés.
Malgré une crise économique majeure et plusieurs renou-
vellements politiques, tant au niveau fédéral que régional,
les Allemands ont su préserver la stabilité des objectifs et
la continuité dans l’action, ce qui a permis d’atteindre des
résultats significatifs.
Ce savoir-faire politique allemand constitue manifestement
un facteur clé de réussite dans la compétition mondiale
avec, semble-t-il, une efficacité plus ciblée sur l’innovation
incrémentale que sur l’innovation de rupture.
La France, de son côté, ne reste pas inactive et a initié de-
puis une dizaine d’année nombre d’actions qui reprennent
les bonnes pratiques allemandes : instituts Carnot, pôles
de compétitivité, IRT, … Il reste à lui souhaiter de mieux
mobiliser son industrie pour l’innovation et la recherche, et
à mettre en œuvre jusqu’au bout les stratégies décidées
avec les moyens adéquats, tout en cultivant sa créativité
latine…
- 11 -
Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Une « décentralisation » aboutie liée à un fédéralisme historique : les Länders ont des compétences très élargies en recherche et enseignement
Le fédéralisme fait partie intégrante de la Constitution alle-
mande, et mis à part quelques années où ce principe a été
suspendu (période de la 2nde guerre mondiale et en RDA
entre 1952 - 1958), il a toujours été un des socles étatiques
structurant. Les principes de pilotage de l’enseignement et
de la recherche se sont donc développés dans ce contexte
très décentralisé, au niveau du pouvoir fédéral respectif des
16 Länder, avec parfois même, des diplômes et des cursus
distincts. Les niveaux de diplômes de l’enseignement supé-
rieurs (Licence - Master - Doctorant) sont depuis peu, recon-
nus dans tous les Länders mais pas encore délivrés par cha-
cun ! Cette évolution apparaît néanmoins comme notable, et
l’uniformisation est une volonté clairement affichée. Mais ces
changements semblent une résultante directe de la recon-
naissance européenne de ces diplômes plutôt qu’une simple
demande interne à l’Allemagne.
Pour les financements de recherche, la décentralisation a été
un moyen extrêmement puissant d’implication au niveau local
des industriels et donc des financements privés, notamment
dans l’innovation (voir point 3), avec comme résultat final une
formation des jeunes, bien adaptée à la demande locale et
donc au marché de l’emploi de proximité.
Mais comme tout système à volonté « autonomiste », le
pouvoir central, inquiet d’une perte de pilotage à moyen
ou long terme, semble être dans un objectif de reconquête
d’une partie de la programmation de R&D. Et plutôt qu’une
attaque frontale avec les Länders, qui serait clairement
contre-productive, l’Etat allemand amplifie son soutien à
la recherche et l’innovation par des financements directs,
soit au titre de programmes de recherche (agence et ini-
tiatives d’excellence dédiées à ces financements dont la
France semble s’être largement inspirée avec la création
très récente de l’ANR et des investissements d’avenir) soit
par des investissements au travers de la création d’Univer-
sités et d’organismes nationaux, parfois cofinancés avec le
privé (Helmholtz, Fraunhofer, etc.).
L’Allemagne semble être dans une position ambigüe de
recentralisation partielle de sa R&D, peut-être même dans
un souci de rééquilibrage des forces internes, pour mieux
affronter la concurrence européenne ou mondiale.
Quant à La France, notre nouveau modèle de pilotage de
la R&D serait-il un simple « plagiat » des efforts allemands
antérieurs, ou serions-nous déjà dans un nouveau modèle
européen, en gestation ?
Une politique d’Etat pour tenter de reprendre la main sur la recherche et l’innovation
La stratégie nationale, qui intervient toutefois encore peu
dans le processus de R&D allemand en raison principa-
lement de la puissance des Länder, a pour objectif prin-
cipal d’améliorer de manière durable les conditions pour
l’innovation et le progrès technique, et de renforcer ainsi
la capacité d’innovation des petites et moyennes entre-
prises. Pour soutenir le secteur technologique et l’innova-
tion en Allemagne, le gouvernement fédéral a adopté la
stratégie High Tech dans laquelle le ministère fédéral de
l’Économie et de la Technologie joue un rôle primordial en
tant que ministère des PME. La ligne directrice centrale de
2. Recherche, innovation et enseignement supérieur : quels rôles respectifs pour l’Etat fédéral et les länder ?
Par Dominique BERRY, Jérôme COPPALLE, Hélène LUCAS, Eric POSTAIRE, Stéphane ROY
- 12 -
Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
cette nouvelle stratégie crée un lien entre la promotion de
la recherche et celle de l’innovation et améliore les cadres
stratégiques pour les innovations qui ont été repris dans un
concept global de politique d’innovation.
Ceci est bien plus marqué dans le cas de la stratégie inter-
nationale qui, de ce fait, occupe une place majeure dans le
processus de recherche et d’innovation outre-Rhin, grâce
principalement au ministère fédéral de l’Économie et de
la Technologie. Dans un environnement marqué par des
changements économiques et technologiques au niveau
mondial, la politique technologique du ministère fédéral de
l’Économie et de la Technologie (BMWi) s’oriente de plus
en plus vers un niveau international. Ce faisant, le BMWi
coopère étroitement avec ses partenaires au sein de la
Commission européenne, avec d’autres Etats membres
dans l’UE ainsi qu’avec les pays hautement développés.
Dans le contexte de la mondialisation, les programmes
de promotion sont davantage axés sur les besoins d’une
économie opérant au plan international. Dans ce contexte,
il s’agit surtout de renforcer les entreprises à coefficient
élevé de recherche sur les marchés mondiaux d’exporta-
tion et de leur faciliter l’identification, dans d’autres pays,
des partenaires technologiques appropriés. Pour ce faire,
les entreprises à coefficient élevé de recherche disposent
de toute la gamme des institutions et des instruments de la
promotion et du financement de l’économie extérieure. Elle
va de l’information et du conseil, par ex. par le portail du
commerce extérieur iXPOS et les centres de commerce en
ligne ainsi que le réseau mondial des Chambres de com-
merce extérieur en passant par la promotion des présen-
tations aux salons, les garanties publiques des crédits à
l’exportation (« couverture Hermes ») et les garanties d’État
pour des investissements à l’étranger jusqu’à la politique
d’accompagnement d’entreprises individuelles s’enga-
geant à l’étranger.
Un dynamisme porté par le tissu industriel
L’Allemagne est le pays le plus industrialisé d’Europe qui
a fondé sa réussite économique sur le know-how techno-
logique et scientifique et sur des infrastructures de pointe.
L’Allemagne est typiquement un pays avec un socle (avec
toutefois des disparités entre Länder) important d’entre-
prises innovantes, avec un effort soutenu au travers de
financements propres, la seule limitation venant parfois
d’un manque de personnel compétent. La puissance en-
gendrée par la synergie entre recherche et innovation
en appui à l’industrie, est un facteur-clé du dynamisme
économique de ce pays au sein de l’Europe. Pour le sec-
teur industriel, les données sont impressionnantes ; près
du tiers de la population active y travaille avec en tête les
secteurs de la grande industrie comme l’automobile, la
mécanique et l’électrotechnique qui font la réputation de
cette industrie au travers de leurs innovations et leur per-
formance.
L’innovation contribue ainsi non seulement au renforce-
ment de la puissance des entreprises mais est également
à la source des évolutions de cette industrie : à côté de
l’industrie « historique » de l’Allemagne, d’autres secteurs
apparaissent ces derniers temps comme ceux liés aux « in-
dustries vertes ». Ce nouveau secteur est la conséquence
de la mutation de la filière nucléaire (abandon total avant
2020). Ainsi, l’Allemagne est devenue le leader mondial en
termes de technologies vertes/écologie, transformant la
contrainte de cette mutation en une véritable opportunité,
avec à la clé un véritable « business » qui ne fait que se
développer.
Ces réussites en terme d’innovations sont issues d’une
véritable dynamique de concertation entre tous les acteurs
présente en Allemagne : le domaine de la « high-tech »,
volonté nationale intégrée de recherche et d’innovation (la
High-tech Stratégie lancée en 2006), illustre bien cette dé-
marche de concertation (issu de la tradition « du travailler
ensemble ») entre toutes les différentes parties : gouverne-
ment fédéral, les Länder, les organismes de recherche et le
monde de l’entreprise, imprégné de cogestion.
Si les financements publics sont essentiels pour soutenir
les efforts en faveur de l’innovation, comme pour la so-
ciété Fraunhofer dédiée à la recherche en sciences appli-
quées, le poids des contrats de recherche passés avec les
industriels est un élément-clé, notamment pour les PME.
On constate ainsi une « relation science - industrie
décomplexée » avec des alliances entreprises-universi-
tés qui sont stratégiques, les universités étant dotées de
bureaux de transferts de technologie. Les groupes indus-
triels sont ainsi à l’origine de spécialisations de campus.
La coopération entre recherche publique avec le secteur
industriel est fortement favorisée (soutien BMBF), illustrée
par la dynamique des clusters d’excellence, concentra-
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
tions d’entreprises interconnectées avec le système public
de recherche.
L’innovation de l’industrie allemande ne se focalise pas
que sur les grandes entreprises à hautes technologies
mais est adossée à une particularité : le poids des
entreprises de taille intermédiaire ou «mittelstand»,
entreprises d’un nombre moyen de salariés (+/- 500). Ce
sont des entités caractérisées par une culture d’entreprise
souvent familiale misant sur le long terme au travers d’une
gouvernance collective (que l’on pourrait qualifier de pater-
naliste), sachant valoriser et reconnaitre l’effort individuel
et collectif, le salarié étant considéré comme un collabo-
rateur majeur des entreprises qui ont su développer une
réelle culture du consensus et une tradition du « travailler
ensemble ». Ces PME ont un rôle-clé dans la formation
du personnel au travers d’un apprentissage garantissant
une qualification élevée, illustration d’un système d’édu-
cation orienté sur la demande du marché et de formation
continue de grande qualité tout au long de la vie dans
l’entreprise : les entreprises allemandes sont considérées
comme des organisations « apprenantes », moteur de la
stratégie d’innovation.
Un dynamisme porté par une culture protestante favorable à l’industrie
À Hambourg, la discipline farouche de la société alle-
mande au travail et son obéissance à la loi civile sont soli-
dement enracinées dans cette révolution culturelle que fut
le protestantisme. La Cité-État, certes aujourd’hui forte-
ment sécularisée, est de tradition luthérienne qui, comme
Max Weber l’a bien analysé dans « L’Ethique protestante et
l’esprit du capitalisme », se traduit par du rigorisme, le sens
du devoir, le caractère industrieux et l’indépendance. C’est
la culture de la rigueur morale et de l’obéissance de l’indi-
vidu à la loi divine. C’est aussi la culture de la glorification
du travail comme moyen d’obtenir le salut avec l’action
inlassable de l’homme sur la nature (et sur les hommes)
pour créer des richesses en une nouvelle transcendance.
A Hambourg, le capitalisme est particulièrement vigou-
reux, illustré par la rénovation urbaine du quartier portuaire,
Hafencity, qui a été confiée à une entreprise privée Hafen-
City Gmb, alors qu’une opération similaire à Marseille a été
confiée à Euroméditerranée, établissement public.
La recherche, l’innovation et l’enseignement supérieur alle-
mands, tels qu’ils nous sont apparus, n’échappent pas à
ce fond culturel marqué par le protestantisme et le capi-
talisme :
• le caractère industrieux, être jugé sur l’utilité des œuvres
et non sur leur rapport à l’universel ou à un rang social ;
la production d’ouvrages, comme un logiciel d’aide à la
logistique des plateformes portuaires, est jugée digne
d’une production universitaire ;
• la discipline librement acceptée, sans le secours de l’État
ou du Bundesstaat ; le pôle de compétitivité consacré à
l’aéronautique a été avant tout une forme locale d’orga-
nisation, dont le soutien fédéral est récent et temporaire ;
• un rapport neutre au marché et au capital ; c’est moins
la possession de richesses qui est condamnable que le
fait de se reposer dessus et d’en jouir, aussi l’intrusion
du marché et du capital-risque dans la R&D allemande
est jugée du point de vue singulier et temporelle de son
utilité sociale, et non d’un point de vue moral et trans-
cendant, jugeant en bien ou en mal.
- 14 -
Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Travail de définition : qu’est-ce qu’un Cluster ?
La notion de cluster ne répond pas à une, mais à plu-sieurs définitions. Admettons donc qu’il s’agisse d’un concept ancien d’analyse des formes locales d’organisa-tion d’activités économiques, dont la réactualisation dans les années 1990 par Michael Porter ait mis en valeur le modèle le plus abouti : ce dernier permet d’organiser les activités d’innovation et le développement des hautes technologies.La définition de Michael Porter présentant un cluster comme « …un groupe géographiquement proche de firmes et d’institutions associées, interconnectées au sein d’un champ particulier et liées par des éléments communs et des complémentarités » ne permet pas de le distinguer d’autres concepts tels les milieux innovateurs, les technopoles ou encore les districts technologiques correspondant aux différentes formes de regroupements localisés de firmes. Retenons qu’un cluster correspond à un espace territo-rial où les acteurs productifs sont localisés (proximité géographique) et entretiennent des relations privilé-giées au sein de la communauté ainsi créée (proximité organisée), en termes de transferts de connaissances ou d’échanges de technologies. Cette dernière apporte à chacun de ses membres divers avantages en termes de performances ou de compétitivité : I) interactions facilitant la diffusion des connaissances à un niveau local (notion d’économie de la connaissance)II) accès commun à des infrastructures, moyens et ser-vices intégrant les membres au sein d’une communauté d’intérêts communs et partagés (concept d’externalités de réseaux)III) diminution des coûts de transaction entre membres, résultant d’un effet de quasi-ntégration, et procurant aux entreprises un avantage en termes de situation de mar-ché (notion d’intégration verticale),
IV) capacité à développer des relations vers l’extérieur (promotion, interactions) leur permettant de valoriser leurs avantages concurrentiels et d’en faire des acteurs de la mondialisation
La tendance est aujourd’hui à l’acceptation d’une gra-dation de la notion de cluster en fonction des critères de proximité et de niveau d’organisation des acteurs en leur sein.
Le cas d’école sera le cluster le plus intégré, combinant des degrés importants de localisation et d’organisation et la cohabitation de « proximités géographiques et orga-nisées ».
Certains des pôles de compétitivité correspondent à des clusters moins aboutis, associant une faiblesse des liens internes locaux à une forte concentration spatiale des entreprises. Ils illustrent la réalité de nombreux systèmes productifs non concernés par la définition initiale de Por-ter, mais qui constituent des enjeux majeurs au regard des politiques d’innovation destinées à provoquer des synergies au niveau local.
Les pouvoirs politiques locaux, en élargissant à l’extrême le concept initial vers des systèmes moins axés sur les activités de haute technologie ou dont le degré d’inté-gration et d’animation est plus faible, trouvent ainsi un concept économique leur permettant de structurer leurs politiques économiques territoriales.
Par l’imprécision même de leur définition, les clusters permettent de réfléchir le caractère organisé de l’innova-tion au niveau local. En les considérant comme les élé-ments moteurs des systèmes régionaux, voire nationaux, ils apparaissent comme un support pour les politiques de développement économique par l’innovation. Ce, par la structuration d’un soutien adapté et la mise en place d’aide au démarrage d’entreprises, à la R&D ou encore aux transferts de technologie.
3. L’initiative des clusters de pointe (spitzencluster)
Focus sur le cluster AviationPar Olivier AUDOUIN, Hubert DUAULT, Gilbert ISOARD, Nathaly MERMET, Bruno WIART
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Les Clusters en Allemagne et le Spitzencluster « Innovation Allianz Hambourg»
Les Clusters en Allemagne / 3 types distingués :
• les Clusters régionaux (au nombre de 8), dont le finan-
cement est assuré par les Länder
• les Clusters fédéraux, financés par les ministères
• dont les Clusters de pointe (Spitzencluster) dépen-
dant du ministère de la Recherche (assez proches
des Instituts de recherche technologique mis en place
en France), sélectionnés au moyen d’une compétition
nationale en trois phases (2008, 2010, 2012), et qui
reçoivent un financement d’environ 40 M€ sur 5 ans.
Quinze clusters ont été sélectionnés dans les théma-
tiques de la stratégie High Tech.
• les Clusters Universitaires (39).
La mise en place des clusters se fait par un processus conti-
nu d’améliorations, avec une approche très planifiée et
avec théoriquement une remise en cause formelle à la fin de
chaque étape. Dans la réalité, la phase suivante étant prépa-
rée avant la fin de la première (ce qui fait sens pour éviter une
rupture éventuelle), l’arrêt d’une initiative semble arriver peu
fréquemment.
En Allemagne (comme partout ailleurs) on observe des résul-
tats positifs dans un grand nombre de cas, en particulier quand
les facteurs suivants de réussite sont réunis :
• Soutien politique fort au niveau municipal, du Land et de
l’Etat fédéral,
• Processus structuré, méthodique et transparent,
• Compétence technique de l’équipe,
• Acceptation du temps nécessaire à la « mise en réseau » :
les acteurs doivent au préalable bien se connaître (intérêts
réciproques, objectifs différents, fonctionnement opération-
nel variable, etc.) pour parvenir ensemble à une meilleure
efficacité.
Le cas du Spitzencluster - Cluster de pointe - Aviation
Initialement créé sous forme d’un cluster « simple », le
Cluster Aéronautique arrive en 2006/2007 à un point de
rupture, avec deux options possibles : sa dissolution ou sa
redynamisation.
Or, en 2008, intervient au niveau national la décision de
créer des clusters d’excellence : les « Spitzencluster ». Le
cluster dédié à l’aviation saisit alors l’opportunité de se
porter candidat, et se trouve sélectionné avec son pro-
jet stratégique de mettre en réseau les compétences à
l’échelle européenne sur le thème aéronautique, et de relier
l’économie à la science.
Il s’affiche alors dès 2008 parmi les réseaux «stratégiques»
prometteurs comme Spitzencluster «InnovationsAllianz
Hambourg»
Le bilan est aujourd’hui largement positif :
• succès en matière d’innovation avec 70 % des brevets
mondiaux du secteur émis de Hambourg,
• réussite en terme d’emploi puisque 39 000 ont été
dénombrés en 2010 contre 25 000 emplois en 2000.
Un retour d’expérience est néanmoins à prendre en
compte sur certaines difficultés rencontrées :
• la mise en réseau d’entreprises ou organisations ayant
leurs objectifs et fonctionnement propre, mais égale-
ment des performances variables (au sein du cluster)
peut poser problème. Après un certain temps la mobi-
lisation fléchit, or la gouvernance de telles initiatives est
très gourmande en énergie, sachant qu’une grande par-
tie de celle-ci est liée à la coordination,
• le principe de ne pas avoir de frontière régionale est bon,
mais concrètement ça ne marche pas vraiment car la
coordination reste très difficile à mettre en place puisque
les financeurs ne sont plus les mêmes (Länder différents)
avec des intérêts divers.
En rétrospective de ces forces et faiblesses, il faut dans
ce type d’organisation en réseau accepter de se focaliser
sur un domaine qui représente réellement l’expertise du
groupement. La volonté du Spitzencluster Aéronautique
est de rester concentré, proche de la municipalité et du
Land, en limitant les participations «extérieures» à la région.
Quelques motifs d’étonnement
• Nous constatons, à l’inverse du cas de la France où
l’initiative gouvernementale a souvent été l’élément
déclencheur dans l’émergence des pôles de compéti-
tivité, la genèse beaucoup plus ascendante (bottom
up) des clusters allemands présentés. En l’absence
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
d’initiative publique de départ, s’est constituée loca-
lement une filière aéronautique industrielle exhaustive
(de la fabrication aux services) très efficace. Les fonds
publics viennent plutôt a posteriori entériner/renforcer
un écosystème existant déjà très lié, voire lui donner un
second souffle, l’appel national des « Spitzencluster »
ayant permis aux acteurs de se remobiliser pour présen-
ter un dossier compétitif.
• La recherche collaborative entre laboratoires aca-
démiques et industriels au niveau du cluster n’a pas
du tout été mise en avant par nos interlocuteurs. Alors
que les Allemands sont des champions enviés dans le
transfert recherche-industrie avec les instituts Fraunho-
fer dans des opérations bilatérales, on n’a pas senti que
le Spitzencluster présenté générait une forte dynamique
de collaborations public/privée multilatérales, à la ma-
nière de nos pôles de compétitivité.
• Il existe en Allemagne une forte dualité entre niveau
fédéral et Länder, ces derniers ayant des prérogatives
beaucoup plus étendues que nos régions. Cela pourrait
conduire à de la fragmentation et à la non coordination
des initiatives, or il n’en est rien, grâce à un mécanisme
institutionnalisé de concertation efficace. Un élé-
ment important tient à la temporalité, afin de dégager
d’abord un consensus et de le mettre ensuite en œuvre
collectivement. On observe une grande continuité
stratégique et opérationnelle.
• A l’inverse, autant l’articulation lander-féderal est effi-
ciente, il apparaît que l’outrepassement des fron-
tières régionales est un principe souhaité, mais qui
peine à déboucher sur des actions concrètes car la
coordination reste très difficile à mettre en place puisque
les financeurs ne sont plus les mêmes (Länder diffé-
rents).
• L’aéronautique est un (pour ne pas dire LE) secteur in-
dustriel emblématique d’une stratégie Européenne ayant
débouché sur une entreprise commune, avec les succès
que l’on connaît. Paradoxalement, il ne nous est pas
apparu une forte articulation entre pôles européens
du secteur (Hambourg-Toulouse), celle-ci paraissant
limitée à un « réseautage » assez lâche entre les acteurs
dès lors qu’on franchit les limites des entreprises, quand
bien même une entreprise telle qu’EADS est installée sur
les deux sites avec une intégration interne forte. L’articu-
lation européenne de l’entreprise phare semble ne pas
se diffuser dans les écosystèmes allemands et français
respectifs.
• Dans un contexte où les valeurs écologiques s’im-
posent de plus en plus, avec une acuité particulièrement
marquée dans la société allemande, nous avons été
étonnés du faible accent donné lors des présentations
sur le positionnement du Spitzencluster Aéronau-
tique en la matière. Aucune évocation de thématiques
telles que le défi d’un carburant non polluant, la réduc-
tion des nuisances sonores etc.
• Quant au fonctionnement européen ? Notre ressenti est
plus mitigé : ce Spitzencluster fonctionne avec un réseau
européen de clusters, notamment Pegase et Astede en
France, mais il s’agit là essentiellement de «Networking»,
sans projet en commun, signifiant qu’il n’y a pas de vraie
synergie alors que certains partenaires participants sont
européens (tel EADS).
Conclusion
Le nombre de pôles technologiques et clusters connaît
une inflation importante sur la scène internationale.
Les « clusters » représentent un objectif européen priori-
taire, et pour les grandes métropoles un véritable rôle de
catalyseur à jouer.
Dans ce contexte, seuls les clusters de « classe mon-
diale » auront un impact réel, car pourvoyeurs de sociétés
innovantes et d’emplois hautement qualifiés qui pourront
durablement se prévaloir d’un rayonnement significatif et
attractif.
Cela constitue pour nous tous autant de défis à relever…
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Les instituts Fraunhofer sont des laboratoires de recherche
allemands ayant pour mission le développement de pro-
jets de recherche appliquée aux besoins industriels du
secteur public ou privé ou de manière plus générale, à une
demande sociétale. Dans le panorama des acteurs alle-
mands, le diagramme qui représente le type de recherche
(fondamentale, appliquée) en fonction du financement
(public - privé) indique que les instituts Fraunhofer sont les
plus fortement impliqués dans les transferts industriels. Ils
sont d’ailleurs financés à 66 % par des contrats industriels
ou des contrats collaboratifs (européens…). Le tiers res-
tant provient de financement public ; celui- ci est assuré à
90 % par le ministère (qui dépend du Bund) et à hauteur
de 10 % par les régions (Land). A l’opposé, les instituts
Max Planck ne s’intéressent qu’aux projets de recherche
fondamentale et sont totalement financés par des fonds
publics. Les 80 instituts Fraunhofer emploient 60 000 per-
sonnes pour un budget total de 1,65 milliards d’euros.
Stratégie et Concertation
Au cours de notre voyage en Allemagne, les instituts
Fraunhofer nous ont été présentés lors de la visite du CML
(Center for Maritime Logistics and Services). Cet institut
est, semble-t-il, totalement atypique en Allemagne mais sa
création récente est un bel exemple du dynamisme et de
la cohésion autour de projets stratégiques en Allemagne.
Il répond à un besoin de maîtrise de compétences dans le
domaine du transport maritime et de la logistique. Le port
de Hambourg en sera le premier bénéficiaire mais l’objectif
est d’exporter cette compétence et contribuer à la mise
en place des infrastructures portuaires partout dans le
monde.
Répondant à un besoin stratégique et/ou une opportu-
nité économique, la création de CML a été rapide, faci-
litée d’une part grâce au parrainage par un autre institut
Fraunhofer (IML Dortmund) et d’autre part, avec la colla-
boration étroite de l’université de Hambourg qui sert de
structure d’hébergement. Dans une première phase d’une
durée cinq ans, CML sera fortement soutenu par des aides
publiques (phase de start up). A l’issue de cette phase
démarrée en 2010, CML devrait compter 25 chercheurs.
Le pragmatisme et l’efficacité dans la construction de cet
institut s’expliquent en partie par la qualité des échanges
qui se passent en amont du projet entre tous les acteurs
(scientifiques, économiques, politiques). Cette méthodolo-
gie semble une caractéristique en Allemagne où la phase
de discussion et de concertation entre les acteurs permet
d’aboutir à une même compréhension et à une adhésion
au projet.
Couplage Université Instituts Fraunhofer
L’hébergement de CML au sein de l’université technolo-
gique de Hambourg (TUHH), si elle paraît efficace, donne
le sentiment d’une très grande complexité de fonctionne-
ment. Les chercheurs ayant souvent le double statut d’en-
seignant-chercheur de l’université et de chercheur de l’ins-
titut Fraunhofer, on peut se demander comment, dans la
gestion au quotidien avec les industriels, sont définies les
priorités d’affectation de ces contrats à l’une ou l’autre des
institutions. Cette remarque prend d’ailleurs tout son sens
en rappelant qu’à l’instar des instituts Fraunhofer, l’uni-
versité doit trouver la moitié de ses ressources. La même
question se pose à propos de la propriété intellectuelle.
La présentation de l’université de Hambourg a permis de
mettre en évidence une organisation originale de l’ensei-
gnement et de la recherche. L’université est organisée de
manière pérenne autour des instituts de formation (colle-
gium). Tandis que les projets de recherche sont à durée
limitée et font appel à un ou plusieurs collegium dans un
couplage dynamique et évolutif au gré des projets.
4. Le rôle de la société Fraunhofer dans la politique d’innovation allemande
Par Patrick CREZE, Joël JACQUET, Sacha KALLENBACH, Azar KHALATBARI, Jean-Michel TANGUY
- 18 -
Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Répartition géographique
Les instituts sont répartis presque uniformément sur le ter-
ritoire allemand en fonction des compétences de chaque
région et ne se concentrent pas uniquement dans le
sud du pays là où les industriels sont les plus présents.
Chaque institut développe une compétence propre ; ce
qui évite la concurrence entre eux. En général, les instituts
sont localisés à proximité d’une université ou d’une «tech-
nische Hochschule», voire d’une une zone industrielle.
La présence de centres de recherche sur tous les autres
continents est une originalité des instituts Fraunhofer qui
permet à l’industrie allemande d’être compétitive sur les
marchés internationaux.
Comparaison FraunhoferInstituts Carnot
En France, les instituts Carnot ont un objectif similaire à ce-
lui des instituts Fraunhofer en Allemagne : celui de rappro-
cher les laboratoires de recherche des industriels privés et
de favoriser l’innovation et les transferts de technologies.
Les instituts Fraunhofer ont servi de modèle pour créer les
instituts Carnot. Il existe néanmoins quelques différences
entre les deux types de structure :
• D’abord au niveau des statuts : Carnot est un label obte-
nu pour une durée déterminée alors que les laboratoires
Fraunhofer forment un organisme pérenne. En France,
nous avons un enchevêtrement de statuts et de tutelles
qui entraîne une foule de systèmes comptables com-
plexes. L’origine de cette disparité réside dans la volonté
initiale de dynamiser la recherche contractuelle au ser-
vice de l’industrie sans réformer les statuts de chaque
structure. Parmi cette diversité on peut noter :
- Instituts en réseau (ex : télécom, mines, Arts et métiers)
- Etablissements dans leur intégrité (ex : BRGM, IRSTEA)
- Des grands laboratoires (ex : LAAS, LETI, LIST, LITEN)
- Des instituts « composites » avec des multiples tutelles,
incluant parfois un centre technique (ex : STAR, ICEEL)
- Un centre technique labellisé dans son intégrité (CETIM)
• En France, le rapprochement des laboratoires et des
intérêts privés bénéficie d’une incitation financière grâce
au système des abondements : chaque contrat entre
un laboratoire de recherche et un industriel génère le
versement d’un montant proportionnel à la somme en-
gagée par le contrat. Ce versement permet au labora-
toire de financer des recherches en amont sous forme
de financement de thèses par exemple, assurant ainsi
son ressourcement scientifique. Ce système vertueux
a incité de nombreux laboratoires à se rapprocher des
industriels sans qu’ils soient pénalisés d’un point de vue
scientifique. En Allemagne, le système d’abondement
n’existe pas car le lien fort entre les instituts Fraunhofer
et les industriels est dans la nature même de cet orga-
nisme depuis sa création en 1949.
• En Allemagne, il est possible de créer un laboratoire
de recherche appliquée Fraunhofer ou d’y intégrer des
laboratoires existants en réponse à l’identification d’un
marché potentiel. En France, seules des structures exis-
tantes peuvent recevoir le label Carnot.
• En Allemagne, l’ensemble des instituts Fraunhofer
n’obéit qu’à une autorité : la Fraunhofer Gesellschaft
alors qu’en France, il y a des directives de plusieurs
intervenants. Le MESR définit la politique, la gestion
financière est faite par l’ANR et l’animation des instituts
Carnot est réalisée par l’association des instituts Carnot.
Par ailleurs, chaque laboratoire reste sous son autorité
de tutelle.
• En Allemagne, une démarche commerciale pro-active
est menée alors qu’en France elle est moins marquée.
Cette faiblesse française a été attribuée à une certaine
mentalité, à une faible efficacité de l’organisation des
services de valorisation existants qui ne disposent pas
toujours des compétences marketing.
• On constate en Allemagne, un positionnement plus
proche de l’industrie et du marché alors qu’en France
les instituts Carnot sont caractérisés par une continuité
entre la recherche fondamentale et la recherche appli-
quée.
• En France, les «Carnot» sont issus de laboratoires
de recherche traditionnels pour lesquels la présence
d’un grand nombre de doctorants est un paramètre
de dynamisme et de qualité du laboratoire. C’est un
des critères retenus par l’AERES (Agence d’Evaluation
de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur) dans
l’évaluation d’un laboratoire. A l’opposé, les Fraunhofer
- 19 -
Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
recrutent très peu de doctorants et de post doctorants
mais plutôt des ingénieurs ou des diplômés de l’ensei-
gnement supérieur.
• La marque est plus fortement ancrée en Allemagne du
fait de son ancienneté et de son volume d’actions me-
nées depuis sa création. En France, la situation est tout
autre même si le label Carnot commence à acquérir une
certaine notoriété. Cependant une plus grande commu-
nication sur ses spécificités semble indispensable.
• L’âge moyen au sein des instituts Fraunhofer est inférieur
à 40 ans et le « turn over » est très important. Chaque
année, environ 10% des chercheurs des instituts re-
joignent le monde industriel. Les « Carnot » sont encore
trop jeunes pour qu’une telle tendance puisse être ob-
servée mais c’est un paramètre intéressant à suivre.
• Enfin, les instituts Fraunhofer ont une existence interna-
tionale que les instituts Carnot n’ont pas pu encore ac-
quérir. On peut comparer le développement des Fraun-
hofer en dehors de l’Allemagne avec les Unités Mixtes
Internationales (UMI), du CNRS. Ces structures sont des
laboratoires à double tutelle : le CNRS et le laboratoire
d’accueil étranger. Ces UMI n’ont toutefois pas la même
vocation de liens forts avec l’industrie mais se limitent à
renforcer leurs recherches par des collaborations inter-
nationales renforcées.
Conclusion
Les instituts Fraunhofer ont un rôle de relai de compéti-
tivité pour les entreprises allemandes et européennes
qui ont besoin pour se développer d’un soutien scienti-
fique et technologique. La démarche d’anticipation de la
recherche, nécessaire pour développer l’industrie de de-
main, telle qu’elle existe en Allemagne, se retrouve dans
certains « Carnot » qui jouissent traditionnellement d’une
proximité avec l’industrie. L’existence récente des instituts
Carnot en France doit bénéficier de l’expérience des Insti-
tuts Fraunhofer.
- 20 -
Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
En dessous de la moyenne des pays de l’OCDE lors des
premières enquêtes internationales PISA («Programme
for International Student Assessment») réalisées en 2000,
l’Allemagne, jusqu’alors convaincue de la réussite de son
système éducatif, a vécu l’annonce de ces résultats comme
un traumatisme. Le fameux «PISA schock» conduira très
rapidement à un véritable consensus national, les partis
ayant décidé de mettre en commun leurs agendas politiques
en matière d’éducation, notamment suite à la mobilisation
massive des médias et de l’opinion publique.
En décembre 2001, la Kultusministerkonferenz (Conférence
permanente des ministères de l’Éducation et des Affaires
culturelles des Länder) publie un document formulant un
certain nombre de priorités, en particulier la mise en place
de standards de performance communs à tous les Länder
et le développement de programmes d’excellence dans le
domaine de la recherche.
Le programme de l’Initiative d’excellence en Allemagne
Résultat de longues négociations entre les Länder (en
charge de l’enseignement supérieur) et le gouvernement
fédéral allemand (n’intervenant normalement qu’en matière
de recherche), « L’initiative régionale et fédérale d’encoura-
gement à l’excellence pour la recherche et la science dans
l’enseignement supérieur allemand » («Exzellenzinitiative»)
a été lancée en juin 2005. Mené sous l’égide de la Deutsche
Forschungsgemeinschaft (DFG) et du Wissenschaftsrat (WR),
ce programme a pour objet de renforcer la recherche univer-
sitaire et de créer des pôles universitaires d’envergure inter-
nationale, afin d’attirer les meilleurs étudiants, professeurs ou
chercheurs universitaires. Il comprend trois volets :
• Le soutien au transfert technologique par la sélection
de pôles d’excellence («Excellenzcluster») ayant pour
vocation de mettre en relation les établissements de re-
cherche et les entreprises avec une université locale,
• Le soutien à l’excellence scientifique via la sélection
d’écoles doctorales («Graduiertenschulen») dédiées à la
formation optimale de doctorants dans des domaines de
recherches prédéfinis,
• Le soutien à des stratégies d’avenir («Zukunftskon-
zepte»), projets de recherche s’inscrivant dans le long
terme, pour des universités d’excellence («Eliteuniversi-
täten»), entourées automatiquement d’au moins un clus-
ter et d’une école doctorale.
Le financement s’est élevé à 1,9 Md€ sur la période 2006-
2011 (75 % à la charge de l’Etat fédéral, 25 % à la charge des
Länder). A l’issue de deux appels à projets (en 2006 et 2007),
60 % des fonds ont été attribués à 37 clusters (6,5 M€ par an
chacun), 11 % à 39 écoles doctorales (1 M€ par an chacune),
et 29 % à 9 universités d’excellence (21 M€ par an chacune).
Les établissements de recherche non universitaires (sociétés
Max Planck, Fraunhofer, Helmholtz, Leibniz…) font l’objet
d’un autre programme, le « pacte pour la recherche et l’inno-
vation » tout en participant à environ 85 % des programmes
de l’Initiative d’excellence.
Le programme a accentué les disparités géographiques : les
universités sélectionnées sont fortement concentrées dans le
sud de l’Allemagne : à Munich (Université Louis et Maximi-
lien et Université technique), Karlsruhe, Heidelberg, Fribourg
et Constance. Les trois autres sont celles d’Aix-la-Chapelle
(Rhénanie-Westphalie), de Göttingen (Basse-Saxe) et l’Uni-
versité libre de Berlin. Certaines sont généralistes, d’autres
sont spécialisées dans les sciences de la nature, de l’ingé-
nieur, en médecine et en économie. Enfin, les sciences so-
ciales et humaines ne sont pas oubliées (environ 25 %).
Parmi les critères d’évaluation des dossiers, la réorganisation
et la gouvernance ont été fortement prises en compte avec
notamment l’objectif de mesurer la capacité de l’établisse-
5. Recherche universitaire et enseignement supérieur : les défis de l’Initiative d’excellence
Par Lotfi BEL HADJ, Frédéric BERNARD, Jean-François CERVEL, François CHEVOIR, Véronique DEBISSCHOP
- 21 -
Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
ment à bien utiliser les crédits attribués. Dans ce cadre, des
réorganisations lourdes sont quelques fois intervenues. Ainsi
à Karlsruhe, l’Université technique a été fusionnée avec le
centre Helmholtz, ce qui constitue une première.
En mars 2010, a été lancée la troisième phase de l’Initiative
d’excellence, pour laquelle l’Etat fédéral et les Länder ont
prévu d’investir 2,7 Md€ (toujours répartis à 75 % pour l’Etat
fédéral et 25 % pour les Länder) sur la période 2012-2017.
Cette augmentation de 30 % par rapport à la précédente
phase permettra de financer un maximum de douze universi-
tés d’élite, dont cinq nouvelles, signifiant que deux universités
actuellement labellisées pourraient perdre ce titre. La com-
pétition entre les universités est donc relancée avec la confir-
mation de l’orientation vers l’excellence, indépendamment
de toute préoccupation d’aménagement du territoire. Un jury,
composé d’experts internationaux, donne une recommanda-
tion à une commission composée des membres de la DFG
et du WR qui prend la décision finale. Un accent plus impor-
tant est mis sur la qualité de l’enseignement supérieur. Les
budgets annuels devraient être d’environ 290 M€ pour les
clusters (au lieu de 200), 60 M€ pour les écoles doctorales
(au lieu de 40) et 140 M€ pour les universités d’élite (au lieu
de 210). Les résultats seront annoncés en juin 2012 pour un
financement immédiat.
Le projet d’excellence de l’Université Humboldt à Berlin
Créée en 1810 par Wilhelm von Humboldt, la plus ancienne
des universités de Berlin a survécu aux deux dictatures, nazie
et communiste. Elle a été profondément rénovée après 1990
avec l’arrivée de nombreux jeunes. Le Land de Berlin est
pauvre car il comporte peu d’industries et génère donc peu
de ressources privées alors qu’il porte de nombreux établis-
sements d’enseignement supérieur (Universités Humboldt,
libre, technique, nombreuses Fahrhoschule…). Il rencontre
donc des difficultés pour assurer sa participation à l’Initiative
d’excellence contrairement à la situation des Länder riches
du sud de l’Allemagne. Ainsi la rémunération mensuelle d’un
professeur y est plafonnée à 12 000€ contrairement à de
nombreux autres Länder.
Avec le soutien du Land de Berlin, l’université Humboldt est
candidate au nouvel appel à projets après avoir essuyé deux
échecs en 2006-2007. Aux dires des responsables, ces
échecs sont venus notamment des insuffisantes préparation
et mobilisation de l’établissement, le projet étant porté par
le seul Président. En 2010, l’Université Humboldt a mis en
place un groupe de travail de six personnes se réunissant
hebdomadairement pour créer une initiative d’excellence et
bâtir une vision d’avenir pour l’Université. Avec l’arrivée d’un
nouveau Président, ce groupe a été élargi à six membres
supplémentaires. Ce « forum de l’Initiative d’excellence » a
recherché le consensus dans l’ensemble de l’université en
mobilisant notamment les plus jeunes « messagers de l’Ini-
tiative d’excellence ». Un projet de 500 pages en anglais a
été écrit pour définir les thèmes et catégories d’excellence à
présenter en septembre 2011 au conseil scientifique d’éva-
luation, constitué d’auditeurs scientifiques internationaux.
Accepté après une expertise très critique, il a donné lieu en
décembre 2011 à un audit d’un jour et demi sous forme d’in-
terview individuels devant le jury dont la décision est attendue
en juin 2012 ; 53 M€ ont été demandés.
Les trois objectifs d’avenir de l’université Humboldt sont les
suivants :
• La création de conditions cadre pour la recherche de pointe :
un fonds d’innovation stratégique est confié au Président
pour réaliser des transferts scientifiques entre projets ou
favoriser des coopérations avec d’autres institutions.
• Le développement des personnalités, le soutien aux jeunes
chercheurs et aux doctorants : il s’agit de créer une culture
d’innovation et de créativité en s’appuyant sur les poten-
tialités scientifiques, notamment féminines, ou en sollici-
tant des professeurs de plus de 60 ans pour conseiller les
jeunes.
• L’optimisation de la gouvernance universitaire : une admi-
nistration performante devra accompagner les scienti-
fiques, chercher des fonds, organiser le fonds d’innovation
stratégique de manière à gérer en permanence la dépense
des crédits émanant de l’Initiative d’excellence qui feront
l’objet d’un versement trimestriel dès juillet 2012, néces-
sitant une programmation et un suivi très précis. Les res-
sources humaines seront un domaine privilégié, de même
que la coopération avec d’autres partenaires berlinois.
Comparaison avec la France
Si l’idée des Investissements d’avenir français a été direc-
tement empruntée à l’Initiative d’excellence allemande, de
nombreux points différencient toutefois les deux initiatives.
C’est le mauvais score de la France au classement de Shan-
ghai qui a servi de déclencheur en France : ainsi l’objectif prin-
cipal des Investissements d’avenir est de doter la France de
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
5 à 10 sites d’excellence capables de rivaliser avec les meil-
leures universités du monde, et de remédier à l’éclatement
du système français de recherche et d’enseignement supé-
rieur entre Universités, grandes écoles et organismes de re-
cherche. La crise financière a catalysé le programme puisque
celui-ci est financé par le « grand emprunt national » voulu
par le chef de l’Etat français en réponse à cette crise. Sur les
35 Md€ du grand emprunt, environ 20 Md€ sont dédiés à
l’enseignement supérieur et à la recherche. L’ANR a été dési-
gnée comme le principal opérateur des actions de ce pro-
gramme, de la mise en œuvre des appels à projets au suivi
des réalisations financées. L’architecture française est plus
complexe que le système en trois volets mis en place en Alle-
magne: le programme Investissements d’avenir comprend
de multiples instruments emboîtés (Labex, Equipex, Infras-
tructures, Idex, Instituts de recherche technologiques, IEED,
SATT, IDEFI, etc…). Il vise aussi bien la recherche que l’inno-
vation, mais peu la formation. Le programme a été conduit
« à marche forcée » en deux vagues successives, deux
années de suite (2011 et 2012), et sur le long terme
(10 ans), en comparaison d’une démarche plus progressive
en Allemagne. Ce sont des dotations en capital qui sont
attribuées aux universités, qui pourront financer leurs pro-
jets à partir des intérêts de ce capital. Les régions ne sont
pas associées aux investissements d’avenir (alors qu’elles le
sont pour le Plan Campus).
Ce programme a suscité une énorme mobilisation de l’en-
semble de la communauté scientifique, des universités et
organismes de recherche aussi bien que des acteurs éco-
nomiques. Il fait l’objet de beaucoup de critiques, mais bous-
cule aussi les structures en place et « fait bouger les lignes ».
Il engendre la compétition et des inégalités territoriales, mais
pousse aussi à l’excellence et à améliorer les gouvernances.
Nos amis allemands nous observent avec beaucoup de
curiosité : nous semblons manquer de pragmatisme, mais
pas d’audace ni de volontarisme.
Conclusion
Depuis le lancement des initiatives d’excellence, le gouver-
nement allemand s’efforce de développer une concertation
en matière de politique d’enseignement supérieur et de re-
cherche. Les effets fortement structurants et la convergence
de ces initiatives témoignent de la volonté du pays à devenir
la première puissance européenne en matière de recherche.
Les effets réels des programmes d’excellence français et
allemand seront à apprécier sur le long terme : dans 10 ou
20 ans, pourra-t-on dire que les milliards d’euros investis
dans les deux pays auront permis d’adapter leur système de
recherche et d’enseignement supérieur aux exigences de la
mondialisation? Comment se situeront les deux pays parmi
les grandes puissances scientifiques mondiales ?
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Une transition énergétique volontariste
Après l’accident de la centrale de Fukushima suite au
séisme et au tsunami du 11 mars 2011, la coalition au
gouvernement en Allemagne a décidé d’accélérer sa tran-
sition vers les énergies renouvelables (EnR)1. Ce choix
n’est pas sorti de nulle part. L’Allemagne avait déjà engagé
ce mouvement depuis 2001 avec la loi de sortie du nu-
cléaire. C’est ce qui lui a permis de prendre des décisions
si rapides : 3 jours après l’accident de Fukushima, la chan-
celière allemande Angela Merkel annonce un moratoire sur
le nucléaire, met en place une commission sûreté et une
commission d’éthique. Cinq mois après, la nouvelle loi sur
l’énergie est ratifiée et entre en vigueur. Elle prévoit une
phase d’arrêt des centrales nucléaires et le remplacement
par d’autres énergies (carbonées, gaz essentiellement) de
2011 à 2022 et une phase de transition énergétique via le
développement des EnR et des technologies associées de
2022 à 2050. Les objectifs sont de 35 % de renouvelables
dans la production d’électricité en 2020 et 80 % en 2050.
Cette politique extrêmement volontariste fait l’objet d’un
large consensus dans le pays.
En Allemagne, chaque Land mène sa propre politique de
cohésion territoriale, notamment via la politique énergé-
tique. Or, dans le domaine des EnR où la production peut
facilement être décentralisée, l’échelle du territoire fonc-
tionne bien et correspond parfaitement au système fédéral
allemand.
Une politique énergétique largement soutenue par la population allemande
La démarche citoyenne d’économie d’énergie est ancrée
de longue date dans les traditions allemandes. Cette
démarche s’est amorcée par une augmentation continue
des prix qui a conduit à une prise de conscience et une
sensibilisation particulière aux économies d’énergie. Elle a
été accompagnée par une politique industrielle très active
dans le domaine du rendement énergétique des appa-
reils. Ainsi, alors que les consommations d’électricité par
habitant du secteur résidentiel français et allemand étaient
identiques en 1991, elles accusent en 2008 une différence
de 27% avec une nette régression pour l’Allemagne.
L‘exemple allemand montre que la mise en place de poli-
tiques volontaristes et pérennes de maîtrise de la consom-
mation électrique et de promotion des énergies renou-
velables sont très rapidement efficaces et porteuses de
création d’emplois. Cette politique a valu à l’Allemagne,
pour des considérations économiques et sociales, le sou-
tien de l’industrie et des syndicats.
L’adhésion du peuple allemand est marquant, tout comme
l’acceptation massive de l’effort financier lié à ce tournant
énergétique. Il est saisissant d’apprendre qu’en Allemagne
le citoyen préfère subir la hausse des prix de l’énergie afin
d’alléger la contribution des entreprises et d’éviter ainsi
une augmentation du prix des produits finis à l’exportation.
Énergies renouvelables : de l’utopie alternative à l’industrie verte
Les promoteurs du développement des EnR défendent en
premier lieu leur caractère non polluant (éolien et photo-
voltaïque notamment). Ils soutiennent également qu’elles
6. La transition énergétique en Allemagne :enjeux et débats
Par Nathalie ALAZARD-TOUX, Arnaud MASSIP, Malika MEDDAHI, Jean-Pierre PECHMEGRE-CAMINADE, Catherine RABBE
Notes :
1. En allemand, transition énergétique se dit «Energiewende», «Wende» signifiant « le tournant », terme utilisé pour désigner la réunification allemande après la chute du mur de Berlin.
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
favorisent un nouveau modèle de développement plus
« doux » rapprochant lieux de production et de consom-
mation et nécessitant moins d’importantes infrastructures,
en particulier pour l’électricité.
Il apparaît, paradoxalement, que le choix de l’Allemagne
d’abandonner le nucléaire au profit d’une montée en puis-
sance des EnR va se traduire, bien au contraire :
• par une démarche de type industriel somme toute très
classique et conduite avec détermination (les éoliennes
off shore en mer du Nord et mer Baltique, par exemple,
n’ont rien d’artisanal avec leurs mats de 200 m et leurs
rotors de 120 m de diamètre ; leur puissance installée
devrait atteindre 25 000 MW en 2030 contre 6 000 MW
en France à l’horizon 2020),
• par un éloignement accru de certains lieux de produc-
tion - concentrés dans le Nord - qui nécessitera la mise
en place d’importants réseaux pour alimenter les princi-
paux centres de consommation qui situent au Sud et à
l’Ouest (il manquerait actuellement 3 600 km de lignes
électriques).
Transport : vers une réduction de la consommation de carburants pétroliers
Dans un pays où le secteur automobile pèse dans l’écono-
mie (15 % du PIB), la voiture particulière est une institution.
En Allemagne, le taux d’équipement pour 1 000 habitants
est un des plus hauts d’Europe. La consommation d’éner-
gie du secteur transport est une préoccupation. Au début
des années 2000, la hausse de la fiscalité sur les carbu-
rants et le développement des biocarburants ont permis
de réduire la consommation de produits pétroliers.
Outre les solutions visant à rationaliser l’architecture urba-
nistique (cf. paragraphe urbanisme), c’est sur le déve-
loppement des véhicules hybrides que compte le pays à
moyen terme pour poursuivre la baisse. Les exemptions
de vignette à l’achat sont orientées en ce sens. Des pro-
grammes de recherche existent sur l’hydrogène et les
véhicules électriques, mais, au contraire d’autres pays
européens, il n’existe aucun soutien financier direct pour
l’achat de véhicule électrique. Une orientation sans doute
compréhensible dans un pays où le mix électrique devrait
à court-moyen terme faire une place plus grande aux fos-
siles.
Une filière hydrogène en plein essor
Du fait de leurs qualités intrinsèques d’efficacité, de
capacité de stockage et de respect de l’environnement,
l’hydrogène et la pile à combustible (PAC) constituent
des solutions pour gérer au mieux l’énergie en fonction
de la demande. En stockant et déstockant l’hydrogène, il
est possible de fournir de l’énergie propre, indépendam-
ment du moment où elle est produite. Cette filière permet
donc de gérer l’intermittence des énergies éoliennes et
solaires.
Cet aspect nous a paru particulièrement développé en
Allemagne avec un soutien fort de la filière, comparati-
vement à la France où le déploiement est hésitant, bien
que certaines mesures identifiées par le Grenelle aient un
intérêt évident pour la filière, et malgré l’inauguration toute
récente de la plateforme MYRTE2.
Parmi les projets phares en Allemagne, on peut citer :
• Les sociétés Linde et Daimler qui envisagent d’ici à 2014
de construire 20 stations de remplissage d’hydrogène
(produit uniquement à partir d’EnR), pour assurer l’appro-
visionnement des véhicules à PAC (il existe déjà plus de
30 points de ravitaillement hydrogène en Allemagne dont
7 publics). Les projets d’infrastructure d’énergie propre
sont subventionnés par le Programme national d’innova-
tion pour la technologie des PAC et hydrogène. Cela place
l’Allemagne au premier plan international de développe-
ment de l’infrastructure d’hydrogène.
• La centrale hybride de Prenzlau (Brandebourg, Allemagne),
unique en son genre, inaugurée fin 2011 qui exploite à la
fois le vent, l’hydrogène et le biogaz : une partie de l’élec-
tricité générée par trois éoliennes est utilisée pour produire
de l’hydrogène par électrolyse. Quand la demande d’élec-
tricité augmente alors que le vent est faible, cet hydrogène
« vert » est mélangé avec du biogaz dans un cogénérateur
pour produire de la chaleur et de l’électricité. Dans le futur,
l’hydrogène sous pression sera revendu aux stations ser-
vices à hydrogène.
Notes :
2. La plateforme MYRTE - Mission hYdrogène Renouvelable pour l’inTé-gration au réseau Electrique - (partenariat Université de Corse, HELION, CEA) inaugurée en janvier 2012 est la plus grosse installation au monde de gestion d’énergie via l’hydrogène couplé à un champ photovoltaïque (puissance installée de 560 kW).
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Captage et stockage du CO2 : une ambition qui s’étiole ?
Malgré le développement des EnR, la sortie du nucléaire
devrait se traduire par l’augmentation des fossiles et donc
des émissions de CO2 du pays. Une des solutions envi-
sagées est le développement du captage et stockage du
CO2 (CSC).
Les acteurs du pays ont d’ailleurs été assez proactifs sur
ce thème, avec plusieurs projets de pilotes ou démons-
trateurs et deux gros projets industriels intégrés (captage
et stockage) Goldenberg et Jänschwalde. Au cours des
dernières années, les problèmes d’acceptation sur le sto-
ckage n’ont fait que croître, dans le même temps le prix
du CO2 est resté relativement bas, n’incitant pas à de plus
amples développements. Aujourd’hui, les projets d’enver-
gure sont abandonnés ou reportés, et le gouvernement,
face aux réticences des Länder, envisage de ne pas trans-
poser en droit national la directive CSC européenne.
La sortie du nucléaire et l’augmentation des émissions de
CO2 devraient conduire le pays à se tourner, plus encore,
vers le marché européen des quotas d’émission, une solu-
tion acceptable tant que le prix du CO2 reste faible.
Vers un urbanisme plus économe en énergie
La présentation des perspectives de développement ur-
bain de Hambourg a d’entrée mis l’accent sur la concen-
tration des efforts sur le centre de l’agglomération et la ville
déjà existante avec l’objectif explicite de mettre un frein
à l’expansion de sa périphérie. Les principales opérations
en cours concernent ainsi la « reconquête » d’anciens
espaces portuaires (Hafencity) et celle d’autres zones
proches du cœur de la ville mais quelque peu délaissées
(grâce au Sprung über die Elbe, le « Saut par-dessus l’Elbe »
qui concerne notamment l’île de Wilhelmsburg).
Si la lutte contre le gaspillage énergétique et la pollution -
82 % des émissions de GES sont dues à la consommation
d’énergie - n’est pas le seul moteur d’une telle orientation
(l’équilibre entre habitations et bureaux ou encore la mixité
sociale des populations sont des préoccupations très pré-
sentes dans les réflexions sur l’avenir des quartiers), elle
semble bien en constituer un axe fort. La ville s’est d’ail-
leurs fixé des cibles ambitieuses en matière de réduction
de ses émissions de CO2 : 40 % d’ici 2020 (par rapport
à 1990) et 80 % d’ici 2050, l’effort ayant atteint 15 % en
2010.
Or, il semble désormais admis (y compris, en France, par
le Grenelle de l’Environnement et les réformes du Code
de l’urbanisme qui en ont découlé) que l’étalement urbain
- de nombreuses métropoles occupent un territoire qui
s’étend proportionnellement beaucoup plus rapidement
que leur population ne s’accroît - constitue, parallèlement
à d’autres nuisances, une source majeure de développe-
ment de l’habitat individuel et de l’usage de l’automobile,
deux causes importantes de la consommation excessive
d’énergie que la densification urbaine a pour but de limiter.
Les « Smart Grids »
La mise en place de réseaux intelligents (Smart Grids),
grâce à l’utilisation des technologies d’information et de
communication (TIC), permet à la demande énergétique
d’être assurée en temps réel à l’aide de sources d’éner-
gie renouvelables et décentralisées. Elle consiste à mettre
en relation en temps réel des points de production et de
consommation d’énergie via des réseaux et des auto-
matismes. Différentes configurations sont testées dans
6 régions allemandes dans le cadre du projet E-Energy
(http://www.e-energy.de/en/index.php) impliquant plus de
5 000 participants. 140 M€ sont investis dans un partena-
riat entre les industriels et plusieurs ministères fédéraux.
Fig.1 : Carte des répartitions des projets de smart-grids
eTelligencemodel region of Cuxhaven
RegModHarzregenerative model region of Harz
E-DeMamodel region of Rhein-Ruhr
Smart Wattsmodel region of Aachen
Model city of Mannheimmodel region of Rhein-Neckar
MEREGIOmodel region of Baden-Württemberg
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Parmi les projets, on note :
• un « majordome intelligent » fait faire des économies
d’énergie directement mesurables à des ménages,
• des entrepôts frigorifiques et des piscines sont alimentés
en énergie seulement lorsque les éoliennes fonctionnent,
agissant comme des tampons pour le réseau,
• des compteurs électriques intelligents permettent à près
de 500 consommateurs de connaître la provenance et
le coût de leur électricité.
Ce nouveau secteur offre un énorme potentiel de développe-
ment et de croissance à la fois pour les EnR - le pilier principal
de l’énergie décarbonée et décentralisée - mais aussi pour
les TIC.
L’approche volontairement régionale - et la publicité faite
autour de ce grand projet réalisé en partenariat public-privé
- permet une mobilisation des Länder et la diffusion des
avantages des smart-grids auprès des opérateurs d’éner-
gie et de la population.
Il est toutefois surprenant que ni le Land de Hambourg,
ni le projet IBA n’ait manifesté un intérêt pour ce genre
de configuration qui semble être un des piliers du « pro-
duire/consommer flexible » du futur système énergétique
allemand. Serait-ce un intérêt de Hambourg pour « le bu-
siness pour le business » sans voir plus loin que les ventes
de produits et de services liés aux ENRs ?
DESY et l’énergie renouvelable sub-saharienne : graal utopique ?
Hambourg abrite le centre de recherche allemand en phy-
sique des particules, le Deutsches Elektronen Synchrotron
(DESY). Outre son implication dans le CERN (physique des
hautes énergies) et dans le PCRD (synchrotrons), DESY
est surtout connu pour ses recherches de haut niveau sur
les composants supraconducteurs des accélérateurs de
particules.
Les physiciens proposent d’alimenter leurs installations
de physique avec de l’énergie solaire provenant des ré-
gions sub-sahariennes en échange du développement
des capacités de recherche de ces pays. Ce partenariat
contribuerait au renforcement des capacités et à la réduc-
tion des gaps de connaissances mais aussi au soutien
des programmes de DESY en supraconductivité pour le
stockage (Superconducting Magnetic Energy Storage) et
pour le transport (Superconducting Direct Current Cable),
l’énergie renouvelable étant ainsi acheminée vers l’Europe
par des sortes de « pipe-lines supraconducteurs ».
Un colloque international « Énergie solaire pour la science »
(http://www.solar4science.de) s’est tenu en mai 2011 à
DESY où plus de 250 représentants de 30 nations ont dis-
cuté d’une action commune entre Europe et Afrique sur la
base d’échanges « énergie contre science ». Un deuxième
symposium est envisagé en 2012 à Chypre qui réfléchira à
mettre en place des « pipe-lines de connaissance » trans-
méditerranéens en matière de formation et de transferts
de connaissances.
Le cartésianisme français raille parfois la naïveté idéolo-
gique des physiciens allemands. Ce « projet utopique »
peut toutefois entraîner une R&D déjà reconnue en
sciences des matériaux vers des objectifs de performance
inégalés. Il est d’ailleurs étonnant que ce genre d’initiative
ait été peu relayé dans la présentation de la politique éner-
gétique du Land de Hambourg.
En résumé…
En Allemagne, la transition énergétique semble irréversible.
Cette politique volontariste se caractérise par :
• une prise de risque minimale (fermeture de centrales en
douceur, toutes proportions gardées moins violente qu’au
Japon)
• des dispositions pour accélérer la prise de conscience à
moyen terme de l’opinion publique (habitat, transports)
• des zones d’ombre qui persistent (la gestion des émissions
de CO2 en augmentation, le stockage du CO2, la voiture
propre)
• des initiatives entre avant-garde et utopie susceptibles
de « pousser » d’autres programmes de R&D vitaux pour
l’industrie allemande (TIC par les Smart Grids, matériaux
supra par le solaire transméditerranéen).
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Les IBA : l’approche allemande de la rénovation urbaine
Une IBA est une exposition internationale d’architecture
(Internationale BAuasstellung). Bien au-delà d’une expo-
sition, il s’agit d’une véritable opération de rénovation
urbaine, à plus ou moins grande échelle. Celle de Ham-
bourg n’est pas la première du genre en Allemagne. Le
précurseur date de 1901 à Darmstadt. Plus récemment,
l’IBA Emscher Park (1989-1999) est considérée comme
un beau succès et a permis, en son temps, la renais-
sance de la Rhur.
Une IBA est avant tout une méthode pour révéler des
projets, un concept fédérateur regroupant autour de lui
les acteurs locaux réunis autour d’une ambition, celle
d’inventer le futur d’un territoire. L’ambition affichée se
concrétise par la réalisation de différents projets inno-
vants et durables, à valeur exemplaire, sur un territoire
bien identifié et dans un temps limité. Cette approche
globale traite, au travers du concept d’architecture,
autant des dimensions sociale, économique et environ-
nementale du développement du territoire, que de l’as-
pect architectural des bâtiments.
Une IBA fonctionne sur une stratégie de projet, non sur
une planification hiérarchisée et sectorielle, plus tradition-
nelle. Cette structure joue un rôle d’animation, de conseil,
d’organisation de concours, de suivi des projets, de mise
en réseau. Elle permet l’émergence des besoins dans
une logique «bottom-up».
À Hambourg, un nouveau projet emblématique de rénovation d’une île inondable, industrielle, peu habitée et proche du centre ville
La riche ville-État (Land) de Hambourg connaît un essor
économique important. Attractive pour sa qualité de vie et
son tissu économique, elle connaît une croissance régu-
lière de sa population. Le schéma d’urbanisation prévoit
d’augmenter la superficie urbaine de 30 % et la popula-
tion de 30 000 personnes, tout en améliorant la qualité
environnementale. Cette démarche des années 80 re-
pose sur l’intensification et la valorisation de l’urbanisme
existant. C’est le concept de « croissance éclairée ».
Après le renouvellement de sa façade fluviale côté ville
vint «Hafencity», la reconquête d’anciens espaces por-
tuaires dans une logique de développement Est-Ouest,
avec déplacement d’activités et rénovation des quartiers
des bords de l’Elbe.
Désormais Hambourg s’intéresse à l’axe Nord-Sud et or-
ganise « le saut par dessus l’Elbe » (Sprüng über der Elbe)
avec la reconquête de l’île de Wilhelmsbourg et Veddel
et du port de Harbourg, un espace resté jusqu’alors à
l’écart de la dynamique métropolitaine. L’IBA de Ham-
bourg 2007-2013 s’inscrit donc dans la continuité d’une
démarche générale et ancienne de la ville-État. Cette
zone de 35 km², située au sud du centre ville de Ham-
bourg, est un territoire stratégique intéressant, à 2 sta-
tions de métro et 8 minutes du centre ville. Elle n’héberge
pourtant que 55 000 habitants, socialement défavorisés
et fragilisés (20,9 % de chômage, soit 2,5 fois celui de
l’Allemagne), un taux de qualification bas.
7. L’Internationale Bauausstellung (IBA) de Hambourg : un laboratoire pour les innovations urbaines ?
Par Eric BRIDOT, Thomas Emmanuel GERARD, Philippe LE MOING-SURZUR, Cécile LESTIENNE, Claire RIOUX
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Cette population est issue à 42 % de l’immigration ave
plus de 40 nationalités différentes.
Pourquoi en est-on arrivé là ? Cette île est en zone inon-
dable. Elle connaît, tous les jours, un marnage de 3,5 m.
En 1962, un raz-de-marée fit 300 victimes. Les autori-
tés décidèrent d’un moratoire des constructions, ce qui
entraîna une désaffection de l’île.
Quelle est la situation aujourd’hui ? L’urbanisme d’origine
est morcelé et contrasté : des pavillons construits rapide-
ment après la guerre côtoient les immeubles massifs des
années 70, des industries liées à l’activité portuaire ainsi
que la plus grande cuivrerie d’Europe. Par ailleurs, une
décharge à ciel ouvert a été créée dans les années 70.
Enfin, en terme de circulation, l’île est scindée par deux
axes de circulation nord-sud qui rejoignent Hambourg et
enclavent Wilhelmsbourg : la ligne de chemin de fer et
l’autoroute.
Une IBA originale,en phase avec les orientations stratégiques de la ville
L’IBA répond à un tripe défi :
• améliorer le cadre de vie et de travail de l’île, la rendre
attractive pour les populations, la protéger des risques
d’inondation ;
• désenclaver le quartier pour l’ouvrir sur le reste de la ville ;
• développer des solutions « vertes », innovantes et exem-
plaires pour répondre aux contraintes environnementales
(notamment celles liées au réchauffement climatique).
La démarche n’est pas dénuée d’une réflexion politique :
améliorer le reste du territoire et ne pas s’intéresser à
cette île risquait d’exacerber des tensions sociales.
Les enjeux de développement stratégique de la ville, déjà
évoqués, s’incarnent autour de trois thématiques et de
nombreux projets :
• Kosmopolis, 18 projets ;
• Métrozones, 21 projets ;
• Changement climatique, 12 projets.
Kosmopolis, c’est la volonté de faire de la diversité culturelle
un atout pour la métropole. Il s’agit d’activer le potentiel créatif
résultant de la cohabitation de 40 nationalités différentes sur
l’île et d’assurer leur intégration dans la vie sociale et cultu-
relle. Cela va de Ror zur Weit, une « école » intergénération-
nelle qui propose des cours aux enfants, aux jeunes adultes
et aux seniors, à «Made in Veddel», un label local destiné à
promouvoir les accessoires de mode fabriqués par les habi-
tantes d’origine étrangère en passant par le Pavillon Weimarer
Platz, une salle des fêtes énergétiquement passive destinée
à toutes les communautés locales.
Métrozones, c’est l’idée de transformer les espaces dé-
laissés en lieux attractifs pour l’habitat et d’autres fonctions
urbaines. L’enjeu est de repenser les contraintes que sont
les coupures physiques, le bruit issu du trafic routier, etc.
L’habitat est rénové autour d’une approche multifonction-
nelle adaptable : des maisons lacustres, des appartements
modulables pour s’ajuster aux différents modes de vie, dont
le télétravail. Les bords du fleuve sont réaménagés. Il est pro-
jeté de réorganiser le réseau routier en déplaçant l’autoroute
Nord-Sud actuelle vers l’Est pour la coller à la voie ferroviaire
(l’Ile ne serait plus coupée en trois mais seulement en deux
et un pont piétonnier relierait les deux zones) afin de libérer
l’ancienne emprise routière et la réhabiliter en voie verte.
Enfin, les projets de changement climatique corres-
pondent à un axe de développement stratégique pour la
ville-État, elle qui espère devenir le leader européen dans ce
domaine. L’objectif est de tester des réponses techniques
et sociales novatrices : production décentralisée d’énergies
renouvelables notamment par des éoliennes, habitat biocli-
matique, énergie géothermique profonde. L’ensemble des
projets doit assurer à terme l’indépendance énergétique de
l’île concernant l’habitat urbain.
Une démarche d’urbanisme qui tranche avec les pratiques françaises
« Frapper vite et fort » pourrait être la devise de l’IBA
de Hambourg. Vite, parce que ce catalyseur de projets
variés concentre son action sur 7 ans, ce qui impose une
forte tension sur tous les acteurs et permet d’avancer
« à marche forcée ». Fort, parce que la démarche se
concentre sur un petit territoire délimité et précis avec des
moyens non négligeables : 90 millions d’euros destinés à
aider au financement des projets. Cette démarche tranche
avec les pratiques françaises en la matière.
D’abord, le pilotage du projet est effectué par une struc-
ture très légère (moins de 30 personnes) de droit privé
dont le seul actionnaire est la ville de Hambourg. C’est une
- 29 -
Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
manière de contourner les administrations « tradition-
nelles » du Land et de concentrer la prise de décision
en un seul lieu, en prise directe avec le pouvoir politique.
Cette sorte d’agence se charge de l’appel à projets et
de leur sélection, de la concertation avec la population
de l’île, de la communication, de la programmation des
évènements phare, dont l’exposition de clôture à l’issue
du programme, centrée sur l’aménagement d’un grand
jardin urbain. Un million de visiteurs sont attendus.
La démarche est aussi conçue comme un levier écono-
mique. Le rôle de l’agence est de rechercher des parte-
naires économiques. Une centaine d’entre eux sont iden-
tifiés et devraient apporter 600 M€, permettant ainsi une
accélération de la transformation du territoire.
Enfin, contrairement à un projet français, celui-ci a été
conçu ab initio comme un laboratoire d’urbanisme lais-
sant la part belle à l’initiative des habitants : le projet doit
répondre à leurs besoins d’une façon très pragmatique.
Le parti pris est que la dynamique insufflée perdurera au-
delà de 2013.
Un écosystème de l’innovation en matière de développement durable
L’IBA de Hambourg s’inscrit dans la longue lignée des
projets précédents, de même nature, en Allemagne. Pour
autant, elle assume sa double spécificité : le dévelop-
pement de la filière des énergies renouvelables - sujet
très en vogue en Allemagne - et le développement des
techniques de gestion des eaux pour les territoires inon-
dables.
Faire la preuve de la validité économique du projet est
un objectif affiché de la ville-État3. Jens Kerstan, leader
du parti Vert local affirme « c’est un investissement pour
notre futur (…) Tous les projets de Wilhemsburg, ont à la
fois une application pratique tournés vers les habitants,
et sont un modèle pour les villes du futur. (…) C’est une
formidable opportunité pour Hambourg de se position-
ner dans le contexte international »4. Cette ambition vient
d’être reconnue par la Commission européenne qui a dé-
livré à la ville le titre de Capitale Verte européenne 2011.
Par ailleurs, les projets labellisés, certes conçus pour l’île,
doivent pouvoir être exportables sur d’autres territoires.
À charge des partenaires privés et autres start-up de
faire fructifier ce bien commun en commercialisant ces
technologies innovantes auprès de territoires possédant
des spécificités similaires. Les universitaires contribuent
au rayonnement de cette nouvelle filière économique, en
coopérant avec l’IBA Lab et les partenaires privés. C’est
le cas de l’Université Leibniz de Hanovre, de l’Université
de Technologie de Hambourg et l’Université Hafencity de
Hambourg sur les défis de l’eau et la gestion des consé-
quences du changement climatique.
De fait, l’IBA Hambourg se revendique comme un « la-
boratoire stratégique »5 en matière d’énergie en milieu
urbain et en matière de protection du climat. Un labora-
toire, qui sous-tend une dynamique d’expérimentation,
de tâtonnement, de droit à l’erreur. Un terreau idéal pour
un écosystème de l’innovation bénéficiant à l’ensemble
des acteurs.
L’IBA de Hambourg, un modèle ambitieux exportable ?
Pour remarquable qu’elle soit, la démarche IBA Ham-
bourg est difficilement exportable, notamment en France.
Elle s’est construite autour d’une triple situation particu-
lière : un problème d’urbanisme intense mais restreint
dans l’espace, permettant de concentrer des crédits ;
des possibilités de décision et de financement locales
découlant de la richesse de la ville-État et de son autono-
mie ; enfin, une ambition fédératrice en matière de déve-
loppement durable, en écho à un mouvement national
puissant.
Ce constat ne doit pas interdire d’en déduire de bonnes
pratiques, notamment en matière de concentration de
moyen, de dynamisme de la démarche et de pragma-
tisme, en s’assurant des souhaits réels des habitants,
conditions évidentes d’acceptation.
Notes :
3. « Make an economic case », http://www.worldfuturecouncil.org/filead-min/user_upload/PDF/100__renewable_energy_for_citys-for_web.pdf
4. Citation issue d’un article du New York Times « A Bold Plan, Long Thought Out, to Remake Hamburg » par Christopher Schuetze, publié le 17 novembre 2011. http://www.nytimes.com/2011/11/18/business/global/a-bold-plan-long-thought-out-to-remake- hamburg.html?pagewanted=all
5. http://www.buildwithcare.eu/partners/iba-hamburg
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Le terme de « politique industrielle » n’est rentré que très
récemment dans le langage officiel allemand. Par Indus-
triepolitik, on entend ainsi une « mission transversale qui
poursuit l’objectif de préserver durablement la compétiti-
vité de la production comme de l’emploi industriel direct
et indirect, en Allemagne et en Europe » (ministère fédéral
de l’Economie, rapport mensuel de janvier 2008).
En effet, dans la logique allemande, l’industrie n’a pas
besoin d’être protégée ni redynamisée ; en revanche,
elle se doit de prospérer et de s’épanouir, dans un cadre
légal, qui tient compte de la protection sociale des sala-
riés comme de la qualité du système de formation, de
recherche ou encore de la politique d’aménagement du
territoire. Ce que le cas de Vollkswagen (VW) illustre re-
marquablement.
L’industrie automobile, un pilier majeur de la compétitivité économique allemande
L’Allemagne et la France ont été les berceaux de l’auto-
mobile. Cette genèse marque encore profondément le
paysage industriel outre-Rhin et explique probablement
le rapport fusionnel qu’entretiennent les Allemands à leur
voiture, qui doit être, comme de juste, une grosse berline,
fiable et bien motorisée. Aussi puissante que les secteurs
de la chimie et de la construction mécanique, l’industrie
automobile représente 1 emploi sur 7 en Allemagne.
Elle se caractérise notamment par ses exportations qui
représentent, comme au Japon, 75 % de la production
intérieure, et contribue à elle seule à l’image de qualité
et de fiabilité du «made in Germany», grâce aux marques
universelles des géants Daimler, BMW et Volkswagen.
Volkswagen, une puissance industrielle ancrée dans le territoire, qui s’appuie sur une stratégie d’innovation et une politique sociale ambitieuse
Emblématique de cette réussite, le groupe Volkswagen a vu
sa taille doubler en une décennie, pour atteindre l’an dernier
plus de 8 millions de véhicules vendus sous ses 10 marques
et un chiffre d’affaires de 159 Md€. Mieux, la rentabilité de
Volkswagen est exceptionnelle : c’est en effet le deuxième
groupe automobile au monde à franchir la barre symbolique
des 10 Md€ de bénéfice net (15,4 Md€) après Toyota en
2007-2008. Ses ambitions ne s’arrêtent pas là : le groupe
vise, à horizon 2018, la première place mondiale avec
10 millions de véhicules vendus. Ce dynamisme excep-
tionnel s’appuie sur un credo qui, au-delà de Volkswagen,
caractérise les secteurs industriels allemands les plus
compétitifs : le souci d’atteindre la satisfaction client tout
en restant un employeur attractif. Pour y parvenir, la straté-
gie de Volkswagen se fonde sur ce que l’on pourrait quali-
fier de « diptyque de la compétitivité allemande » :
Une politique d’exportation de long terme, qui s’appuie sur d’importants investissements en R&D et une rationali-sation industrielle très poussée
Longtemps menacé par Porsche, Volkswagen a renversé
la tendance en 2009, grâce à ses positions précoces au
Brésil (2ème marché du groupe, présence depuis 1953) et
en Chine (1er marché du groupe, sur lequel il s’est implan-
té dès 1982, et pour lequel un plan d’investissement de
14 Md d’€ est en cours). Le groupe bénéficie ainsi pleine-
ment du dynamisme des BRICs qui, avec seulement 10 à
110 véhicules/1 000 habitants, sont aujourd’hui les mo-
8. La compétitivité industrielle allemande :le cas de Volkswagen
Par Romain JEANTET, Krzysztof KOZLOWSKI, Nora Sestna MACHURE, Catherine MOULIN, Jean-Patrick THIOLLET
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
teurs de croissance de production et de vente, au contraire
des marchés occidentaux saturés (450 à 800 véhicules/
1 000 hbts). Tout un symbole : le marché allemand n’est
plus aujourd’hui que le 3ème marché du groupe.
Pour alimenter ce développement à l’export, Volkswagen
investit massivement dans la recherche et le développe-
ment. Ses dépenses globales de R&D se sont élevées à
6,1 Md€ en 2010, en croissance de 38 % depuis 2005.
Ce budget place le groupe à la 1ère place des entre-
prises européennes et au 3ème rang mondial. Par ailleurs,
Volkswagen a été, dès les années 1970, pionnier de
la rationalisation à l’extrême de l’outil industriel pour per-
mettre des économies d’échelle, en poussant plus loin
que tous les autres constructeurs la logique de plateformes
communes à différents modèles (en 1990, 60 modèles
différents étaient fabriqués sur 4 structures de base). Cette
démarche se poursuit aujourd’hui avec l’objectif de mu-
tualiser 70 % des modules électroniques et mécaniques
à l’ensemble des marques, ce qui permettrait de réduire
de 20 % les coûts liés aux achats. À une échelle supé-
rieure, Volkswagen a entrepris :
• de standardiser son modèle d’usine, permettant à chaque
site de se spécialiser davantage (fabrication et/ou as-
semblage de modules) tout en travaillant pour plusieurs
marques ;
• de réduire la dépendance aux sous-traitants (politique
d’insourcing) ;
• d’ouvrir de nouveaux sites au plus près des marchés les
plus porteurs.
Cette politique de mutualisation comporte cependant des
risques tels que les conséquences potentielles d’un défaut
de conception de module, qui affecterait un nombre accru
de modèles, ou le risque de cannibalisation de gamme.
Concernant ce dernier point, le risque pris par Volkswagen
est faible, car la logique est de mutualiser les éléments qui
ne se voient pas (moteur, boîte de vitesse) tout en différen-
ciant au maximum la carrosserie et l’habitacle. De ce fait,
l’ensemble des marques du groupe sont bien différenciées
et rentables, ce qui constitue un fait unique dans le secteur.
Un dialogue social résolument tourné vers le compromis, étayé par une « smart specialization » exemplaire
Caractéristique allemande, les objectifs du groupe et leurs
éventuelles conséquences en termes de délocalisations
et de nouvelles implantations font l’objet d’un échange
constructif entre la direction de l’entreprise et les syndi-
cats. Les divergences éventuelles sont débattues à huis
clos, afin de ne pas entraver la recherche de compromis.
Ceci permet d’aboutir à des accords à long terme, tels que
la semaine de 32 heures ou le maintien jusqu’en 2014 de
100 000 salariés allemands (20 % des effectifs du groupe),
garantissant une visibilité aux deux parties. Reste que cette
paix sociale a un coût dans la compétition mondiale : de
nombreux experts soulignent la faiblesse du bénéfice par
véhicule, qu’ils expliquent par des effectifs pléthoriques et
une productivité limitée.
Plus globalement, Volkswagen est un acteur ancré dans
le territoire qui l’abrite et au développement duquel il
contribue (projets « usine verte », repérage de talents dès
l’école primaire,…). En contrepartie, le territoire agit en tant
qu’investisseur institutionnel en étant partie prenante de
son actionnariat. Le Land de Basse-Saxe dispose ainsi
de 12,7 % du capital du groupe et de 20 % des droits de
vote, ce qui lui permet de peser de tout son poids aux
côtés des syndicats pour garantir l’emploi et l’implanta-
tion du groupe dans le territoire. La stabilité de l’actionna-
riat, pour partie familial, est ainsi renforcée, ce qui permet
d’assurer une visibilité successorale de la gouvernance. La
quatrième femme de l’actuel dirigeant Ferdinand Piëch est
d’ores et déjà désignée pour prendre sa succession.
Le système de formation professionnelle allemand, facteur de compétitivité
Le système de formation professionnelle en alternance, dit
« dual », associe l’apprentissage en entreprise à de l’ensei-
gnement. Les entreprises y jouent un rôle primordial, comme
on peut l’observer chez Volkswagen : lorsque les jeunes
quittent l’école, ils s’adressent directement aux entreprises ;
une fois leur contrat de travail signé, les apprentis sont af-
fectés à une école professionnelle où ils suivent des cours
un à deux jours par semaine. Le système s’appuie sur le
principe de la formation à un métier, pour lequel des règle-
ments-cadres ont été définis. La régulation du système
s’opère au niveau des corporations : représentés par des
commissions au niveau fédéral et régional, les partenaires
sociaux sont impliqués dans le processus de réorgani-
sation des métiers enseignés et négocient entre eux les
- 32 -
Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
rémunérations des formations concernées. Les examens
finaux sont organisés par les chambres de commerce et
d’industrie locales.
Le champ de l’éducation scolaire relève de la responsabili-
té de chacun des 16 Länder, dont le parlement vote les lois
qui s’y rapportent : le secteur préscolaire, les structures et
les contenus de l’éducation scolaire et les contenus de la
formation des enseignants relèvent ainsi des compétences
des Länder. Les innovations pédagogiques varient donc
selon le Land, mais les structures, les programmes sco-
laires et d’autres normes doivent être généralement res-
pectés dans chaque Land. Le temps des réformes de type
top down (expérimentation d’un modèle développé par les
autorités administratives et universitaires - évaluation auto-
ritaire - puis dissémination par décret) semble passé. Les
écoles sont invitées, lorsqu’elles disposent d’une équipe
dynamique et d’idées pour améliorer et promouvoir les
enseignements, à échanger avec des partenaires, tel que
Volkswagen.
Un système de recherche et d’innovation piloté au niveau fédéral et local
Côté R&D, l’Etat allemand s’attache principalement à rap-
procher secteur privé et secteur public, grâce à la mise en
place de clusters et une politique d’excellence.
Ainsi, le Karlsruher Institut für Technologie (KIT), insti-
tution d’enseignement et de recherche née de la fusion
de l’université de Karlsruhe et du centre de recherche
du Forschungszentrum Karlsruhe (Land Bade-Wurtem-
berg), a conduit à la création de centres de recherche
transversaux, dont un sur l’électromobilité qui intègre les
dimensions techniques et sociétales. La « voiture verte »,
à laquelle s’intéresse Volkswagen, est en effet devenue
un axe stratégique de développement pour la région : d’ici
à 2020, un million de véhicules électriques sont attendus
en Allemagne.
Ce pilotage fédéral et local du système de recherche et
d’innovation, qui génère parfois des difficultés (par ex.,
inscription des diplômés de l’Habitur à l’université), est
sans doute une des clefs de la diffusion de l’innovation
dans le territoire, au bénéfice de la compétitivité des entre-
prises allemandes.
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Le modèle social de l’Allemagne repose sur des bases his-
toriques, politiques et économiques particulières et fonc-
tionne très différemment qu’en France. Dans ce carnet
de voyage, nous tentons d’analyser le système allemand
dans les étapes principales de la vie, en commençant par
le système d’éducation et de formation, puis la vie pro-
fessionnelle et enfin la vie du troisième âge, avec le défi
du vieillissement de la population. Peut-on vraiment parler
de « modèle », est-il durable ? Nous tenterons d’apporter
quelques pistes de réflexions.
Eléments de contexte démographique, politique et économique.
Depuis l’unification des deux États allemands en 1990,
l’Allemagne a une population d’environ 80 millions de per-
sonnes, dont 88 % est urbaine. La densité moyenne est
de 230 habitants au km², soit deux fois la densité moyenne
de la France.
La République fédérale d’Allemagne est un État fédéral
démocratique composé de seize Länder (États régio-
naux), disposant de compétences particulières. Le pou-
voir législatif appartient aux Länder lorsque la compétence
législative de l’État fédéral n’est pas expressément réglée
par la Loi fondamentale. Ainsi, la compétence législative
des Länder inclut, entre autres, les écoles et universités,
la culture et les fêtes légales, et les relations entre État et
Églises. L’administration et l’exécution des lois sont attri-
buées aux autorités des Länder, mises à part quelques
exceptions, comme par exemple le service diplomatique,
l’administration fiscale fédérale ou encore le service mili-
taire. Les membres du Bundesrat (Conseil fédéral) sont
nommés par les gouvernements des Länder. Il convient de
noter que le rôle du Bundesrat s’est récemment accru car
il est désormais en charge des rapports entre l’Allemagne
et l’Union Européenne.
L’Allemagne est la première puissance économique de
l’Union européenne et la quatrième puissance écono-
mique mondiale derrière les États-Unis, la Chine et le
Japon. Son produit intérieur brut (PIB) s’élevait à 2 404
milliards d’euros en 2009. L’économie de l’Allemagne
repose sur ses capacités d’exportation, contrairement à
la France dont la dynamique repose sur la consommation
intérieure L’Allemagne est deuxième exportateur mondial
de biens manufacturés et le premier partenaire commercial
de la France. Le solde de la balance commerciale de l’Alle-
magne affiche un excédent de près de 200 Md€, contre un
déficit de 70 Md€ pour la France.
Cette puissance économique a longtemps permis de
financer un système social solide, fondé sur l’assurance
et des cotisations, et non pas, comme en France, sur
l’impôt et la redistribution de la richesse. On peut donc
observer qu’en Allemagne, l’État est pratiquement ab-
sent dans le financement du modèle social. Les différents
régimes - vieillesse, maladie, chômage - sont régis par
des caisses de droit privé qui fonctionnent de façon au-
tonome, selon le principe de subsidiarité. Ces régimes
sociaux sont cogérés par les partenaires sociaux.
Ce modèle a très bien fonctionné des années cinquante
aux années quatre-vingt. Néanmoins, l’intégration des
nouveaux Länder de l’Est et de leurs 17 millions d’habi-
tants avec un modèle économique très différent, il y a
20 ans, a profondément déstabilisé le système de pro-
tection sociale.
C’est en fait le système national de protection sociale
qui a pris en charge la remise à niveau de l’industrie de
l’Est et le financement du chômage de masse qui en
résultait. Plus récemment, la crise financière a sérieu-
sement aggravé la situation. D’autres facteurs ont éga-
lement contribué à l’affaiblissement du système social
allemand.
9. Capital humain et modèle social allemand :quelles spécificités ?
Par Corinne BOREL, Carole COUVERT, Anne RIZAND, Walter ROEST, Marc SOULAS
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Le système de formation allemand : un modèle «dual» souvent cité en exemple mais confronté à de nouveaux défis
La formation professionnelle en Allemagne est issue d’une
tradition remontant au Moyen-Age, où l’on formait déjà
les jeunes aux métiers artisanaux, commerciaux et tech-
niques.
A partir de 1945, les Länder (régions) assument la respon-
sabilité de la politique éducative, en toute autonomie par
rapport au gouvernement central (le Bund).
Les années 60 sont marquées par la volonté d’instaurer
l’égalité des chances et d’améliorer la qualité de la forma-
tion professionnelle : la loi de 1969 consacre un champ
très étendu à l’apprentissage.
Après une entrée facultative à l’école maternelle à 3 ans, le
jeune Allemand intègre l’école primaire à 6 ans, pour 4 ans.
Il suit un cycle d’orientation de 2 ans, et intervient alors
un choix précoce de filière, dont il est difficile de changer
ensuite :
• une filière «Hauptschule», axée sur la pratique, préparant
à l’apprentissage, où l’on retrouve notamment les enfants
d’immigrants,
• une filière «Realschule», équivalent du collège d’ensei-
gnement général, conduisant à une qualification profes-
sionnelle (notamment professions administratives), ou aux
écoles supérieurs de technologie,
• une filière «Gymnasium», menant à l’Abitur (baccalauréat)
et à l’Université.
Plus de 50 % d’une classe d’âge s’oriente vers des filières
professionnelles, la formation duale revêt un certain pres-
tige car elle apparaît comme une garantie contre le chô-
mage.
Le système est négocié entre pouvoirs publics, organisa-
tions patronales et syndicats de salariés, donnant la pri-
mauté au métier, avec des référentiels co-construits, et
réformés lorsque le métier évolue.
Cependant, le système conserve une certaine rigidité, il est
plus adapté à l’industrie qu’aux autres secteurs de l’éco-
nomie. Ainsi, l’Allemagne manque aujourd’hui d’ingénieurs
de haut niveau, le système éducatif ayant du mal à attirer
des candidats brillants vers les études supérieures, car la
filière de l’apprentissage est plus attractive. La mise en
place du système dual dans les Länder de l’Est a égale-
ment posé problème en raison du chômage et du manque
de places d’apprentissage dans des emplois qualifiés. Le
financement reste par ailleurs un enjeu majeur car la loi
n’encadre pas celui-ci.
Si l’apprentissage reste un maillon-clé du marché du
travail allemand, opérant une pré-sélection, la transition
entre apprentissage et emploi devient plus problématique
qu’autrefois.
Par ailleurs, comme les programmes sont de la respon-
sabilité des Länder, les niveaux de formation ne sont pas
équivalents d’un Land à l’autre, ce qui ne facilite pas la mo-
bilité étudiante : ainsi le jeune allemand d’un Land «pauvre»
de l’Est n’a-t-il que très peu de chances d’intégrer une
université prestigieuse de Munich ou Heidelberg… Autre
défi que celui de l’équité d’accès à la formation, notam-
ment supérieure, auquel se trouve confrontée l’Allemagne
d’aujourd’hui.
Le monde professionnel à l’abri de la crise ?
Considérée souvent comme un modèle avec son absence
de conflits sociaux, un chômage relativement faible et une
balance commerciale largement excédentaire, l’Allemagne
doit cependant faire face à de nouveaux défis : la crise
économique et financière a crée des tensions sociales as-
sez fortes, caractérisées par un syndicat légèrement moins
représentatif des salariés lors des décisions stratégiques
prises par les entreprises, l’augmentation des inégalités
sociales entre les populations (le nombre de pauvres ne
cesse d’augmenter, 15 % en Allemagne contre 13 % en
France), mais aussi entre les Länder (certains connaissent
des taux de chômage de 14 à 15 %).
Les qualifications deviennent vite obsolètes et le nombre
d’emplois précaires augmente significativement (le temps
partiel est préféré au licenciement). On peut également
noter l’accroissement du nombre de familles monopa-
rentales, l’augmentation du travail des femmes, malgré la
difficile conciliation entre vie familiale et vie professionnelle
ainsi que l’aspiration sociale à davantage de sécurité dans
la population. S’y ajoutent les changements des modes
de vie, notamment l’augmentation de la mobilité géogra-
phique qui entraîne un affaiblissement des solidarités de
proximité (personnes âgées).
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
Contrairement à la France, la population allemande est en
déclin, à cause d’un faible taux de fécondité. L’Allemagne
fait d’ores et déjà face à des tensions sur le marché du
travail : manque de main d’œuvre et d’ingénieurs, difficulté
de reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger.
Selon certains experts, l’Allemagne a un besoin urgent de
travailleurs venant de l’étranger (aujourd’hui 8,2 % de la
population). Or, comme nous avons pu le constater pen-
dant ce voyage, l’intégration des immigrants (par exemple
la population turque à Hambourg) reste à améliorer, et les
tensions sociales risquent d’augmenter si l’Allemagne doit
faire à nouveau un appel massif à l’immigration.
Retraites et dépendance : le défi du vieillissement, quelles implications sur le modèle économique ?
L’Allemagne doit faire face à un défi démographique im-
mense, connu depuis longtemps : depuis 40 ans, son taux
de natalité est faible, pour atteindre aujourd’hui un taux de
1,3 %. Dans le même temps, l’espérance de vie de ses
habitants progresse, atteignant 82 ans pour les femmes et
77 ans pour les hommes.
Ainsi la population allemande non seulement diminue,
notamment chez les jeunes, mais aussi vieillit de façon
accélérée :
• 82 millions d’habitants en 2010. En 2050, sa population
devrait se réduire à 74 millions,
• 15 millions de jeunes de moins de 20 ans en 2010, elle
n’en aura plus que 11 millions en 2050,
• les personnes de plus de 60 ans représentent 26 % de la
population en 2010, elles devraient en représenter 40 %
en 2050,
• les personnes de plus de 80 ans représentent 4 % de la
population en 2010, elles devraient en représenter 14 %
en 2050.
Ces derniers chiffres ont une signification importante :
nombre de ces seniors n’auront pas de descendants
familiaux pour s’occuper d’eux s’ils sont atteints de
dépendance. Or à 80 ans, la perte d’autonomie touche
1 personne sur 3, et 20 % des octogénaires sont atteints
par des problèmes de santé mentale. On note aussi une
augmentation de la mobilité géographique des actifs,
qui entraîne un affaiblissement des solidarités de proximité
vis-à-vis des personnes âgées.
Le coût de la prise en charge sociale de la dépendance
va donc s’accroître, en l’absence de structures familiales
suffisantes.
Comme indiqué dans l’introduction, le modèle allemand
de cette prise en charge repose plutôt sur un système
d’assurances et de cotisations professionnelles, et peu sur
l’impôt et la redistribution comme en France. Si le finan-
cement public d’une couverture universelle existe en Alle-
magne, l’Etat reste cependant moins prédominant qu’en
France, la mentalité allemande restant très réservée vis-à-
vis des interventions de l’Etat dans la sphère privée.
L’Allemagne a ainsi mis au point des dispositifs originaux,
tels que le congé de soutien familial : un système flexible,
qui permet à un salarié de bénéficier d’une période de mi-
temps payée 75 % pour s’occuper d’un parent dépen-
dant, cette période étant ultérieurement compensée par
une reprise à temps complet payée à 75 %.
Pour limiter les conséquences de la démographie décli-
nante - l’Allemagne va perdre 6 millions d’actifs en 20 ans -
l’Etat veut réintroduire les personnes âgées dans le monde
du travail, et porte cette volonté à travers un slogan :
« l’âge a un avenir ».
Au bilan, le déclin démographique constant, le pourcen-
tage croissant de personnes âgées, l’accroissement du
nombre de familles monoparentales, l’évolution du marché
du travail vont pousser les systèmes de protection sociale
actuels en limite de capacité et remettre en cause leurs
équilibres.
Perspectives : le modèle allemand est-il durable ?
Le modèle social allemand, particulièrement cité en
exemple dans cette période de crise financière et plus
généralement de crise politique de l’Europe, a permis à
l’Allemagne de rester une puissance économique incon-
tournable. Néanmoins, il suscite aujourd’hui un certain
nombre d’interrogations. Si pour certains il est encore un
exemple à suivre, pour d’autres, le modèle social allemand
n’a pas su s’adapter aux mutations en cours sur le plan
économique, social et démographique : les inégalités so-
ciales s’accroissent, le niveau de pauvreté gagne du ter-
rain avec la multiplication des emplois précaires, particu-
lièrement chez les jeunes, qui vont devoir payer une lourde
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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012
charge sociale avec le vieillissement de la population. Le
système économique est basé essentiellement sur l’expor-
tation de produits manufacturés de hautes technologies
(deuxième exportateur mondial, l’Allemagne assure par
ses exportations plus de 10 % du commerce mondial) et
entre en compétition directe avec les grands pays émer-
gents comme la Chine, dont le développement high-tech
et le potentiel démographique (étudiants formés, main
d’oeuvre) constituent un danger réel à moyen terme.
Moins tournée vers l’innovation de rupture, l’Allemagne
saura-t-elle s’adapter aux nouveaux marchés, à l’inno-
vation non technologique ? La paupérisation des classes
moyennes, les difficultés économiques qui affaiblissement
le partenariat social vont-ils remettre en cause la cohésion
sociale allemande, qui lui ont jusqu’aujourd’hui permis
d’absorber les crises économiques depuis les années 90 ?
Sur le plan politique, l’Allemagne devra composer avec
la nécessité d’un pouvoir fédéral plus fort pour accroître
l’impact de sa politique industrielle et sociale, sans s’isoler
vis-a-vis des autres pays européens.
Annexes
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DFG : Deutsche Forschungsgemeinschaft. La DFG est une agence de moyens qui a pour mission de promouvoir la recherche scientifique en Allemagne. C’est le principal outil pour le soutien sur projets de la recherche universitaire. www.dfg.de BMBF : Bundesministerium für Bildung und Forschung. Ministère fédéral de l’Education et de la Recherche. www.bmbf.de BMWi : Bundesministerium für Wirtschaft und Technologie. Ministère fédéral de l’Economie et de la Technologie. www.bmwi.de BMF : Bundesministerium der Finanzen. Ministère fédéral des Finances. www.bundesfinanzministerium.de BMU : Bundesministerium für Umwelt, Naturschutz und Reaktorsicherheit. Ministère fédéral de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sécurité nucléaire. www.bmu.de DAAD : Deutscher Akademischer Austausch Dienst. Office allemand des échanges universitaires. www.daad.de IBA : Internationale Bauausstellung : exposition internationale d’architecture.
Glossaire
Annexes
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Mme Nathalie Alazard-Toux, directrice, direction Economie et Veille, IFP Energies nouvelles
M. Olivier Audouin, directeur des affaires externes, Alcatel-Lucent Bell Labs France M. Lotfi Bel-Hadj, président, fonds LBH Développement M. Eric Bernard, directeur de la stratégie, direction générale technique, Dassault Aviation M. Frédéric Bernard, directeur général adjoint , UMC santé Prévoyance M. Dominique Berry, directeur adjoint, département systèmes biologiques, CIRAD Mme Corinne Borel, adjointe au directeur, direction des sciences de la matière, CEA M. Eric Bridot, directeur technique Recherche et Technologie, division Safran Electronics, Sagem Défense Sécurité M. Jean-François Cervel, inspecteur général de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche, ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative M. François Chevoir, directeur adjoint, laboratoire Navier, Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) M. Jérôme Coppalle, adjoint au sous-directeur de l’innovation, direction générale de l’enseignement et de la recherche, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du territoire Mme Carole Couvert, présidente du groupe CFE-CGC, Conseil Economique Social et Environnemental M. Patrick Creze, directeur, adjoint au délégué, Délégation interministérielle à l’Aménagement du territoire et à l’Attractivité régionale (DATAR) Mme Véronique Debisschop, directrice de l’Action régionale, de l’Enseignement supérieur et de l’Europe, direction générale, INRA M. Hubert Duault, directeur général, Paris Développement M. Olivier Fohanno, commissaire divisionnaire, chef de la mission pour la politique de l’innovation et des partenariats technologiques, service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure, direction générale de la police nationale, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration M. Thomas Emmanuel Gérard, fondateur et gérant, SUSTENN M. Xavier Grison, responsable du pôle matériaux et composants, direction générale de l’armement, ministère de la Défense et des Anciens CombattantsMme Françoise Guégot, députée de Seine-Maritime M. Gilbert Isoard, président de R3D3 ; directeur du Collège des Hautes Etudes de l’Environnement et du Développement Durable-Méditerranée (CHEDD Méditerranée) M. Joël Jacquet, délégué à la recherche et aux relations industrielles, campus de Metz, Supelec M. Romain Jeantet, professeur, Institut supérieur des sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage, Agrocampus Ouest M. Amaury Jourdan, directeur technique, systèmes d’information et de communication, Thales Communications SA
Liste des auditeurs du cycle national 2011 / 2012
Annexes
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Mme Sacha Kallenbach, inspectrice générale de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche ; ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative Mme Azar Khalatbari, journaliste, chef de rubrique, département Presse, Sciences et Avenir M. Krzysztof Kozlowski, directeur, Telekomunikacja Polska, Orange Labs (Pologne) M. Philippe Le Moing-Surzur, sous-directeur des études et des projets, direction des systèmes d’information et de communication, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration Mme Cécile Lestienne, directrice de la rédaction, Arts Magazine Mme Hélène Lucas, chef du département de génétique et d’amélioration des plantes, INRA Mme Sestna Machure, proviseure, lycée Albert Einstein, Académie de Versailles M. Arnaud Massip, administrateur adjoint, section des activités économiques du Conseil économique, social et environnemental Mme Malika Meddahi, membre de l’équipe de coordination de l’opération du grand collisionneur de hadrons, adjointe du chef de projet des injecteurs du LHC, CERN Mme Nathaly Mermet, journaliste, correspondante, Biotech Info Mme Catherine Moulin, directrice santé et environnement, SFR M. Jean-Pierre chargé de mission partenariats, direction générale, Pechmegre-Caminade, Synchrotron SOLEIL M. Eric Postaire, chargé de mission auprès des Secrétaires perpétuels, Académie des sciences M. Ramesh Pyndiah, responsable du département signal et communications, Telecom Bretagne Mme Catherine Rabbe, adjointe au chef de programme Aval du cycle actuel, direction de l’énergie nucléaire, CEA Mme Claire Rioux, inspecteur de l’Education nationale, Académie Orléans-Tours, ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie Associative Mme Anne Rizand, directrice régionale Auvergne-Limousin, Cemagref M. Walter Roest, responsable des secteurs géosciences et écosystèmes profonds, direction de la prospective et de la stratégie scientifique, Ifremer M. Stéphane Roy, adjoint au chef du service environnement et procédés innovants, BRGM M. Marc Soulas, chef de la division criminalistique, ingénierie et numérique, Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration M. Jean-Michel Tanguy, directeur de projet, direction de la recherche et de l’innovation du Commissariat général au développement durable, ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement M. Jean-Patrick Thiollet, chef du pôle rayonnement en charge des affaires publiques et des relations institutionnelles, Marine nationale, ministère de la Défense et des anciens combattants M. Bruno Wiart, ingénieur en chef système, logiciel et systèmes d’information critiques, direction technique, Thales Alenia Space