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CarnET du voyagE d’éTudES à Hambourg ET bErlIn - … · de la R&D pour l’organisation des activités maritimes, essentielles dans l’économie hambourgeoise. Les écosystèmes

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IHESTMinistère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 1, rue Descartes - 75231 Paris cedex 05 Tél. : 33 (0)1 55 55 89 67 - Fax : 33 (0)1 55 55 88 32 [email protected] - www.ihest.fr

L’IHEST est un établissement public à caractère administratif, prestataire de formation enregistré sous le n° 11 75 42988 75. Cet enregistrement ne vaut pas agrément de l’État. Siret n° 130 003 825 00010.

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CarnET du voyagE

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Promotion Christiane Desroches Noblecourt

C y C L E N A T I o N A L 2 0 1 1 - 2 0 1 2

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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Préambule

Les voyages d’études du cycle national de l’IHEST sont l’occasion de rencontres et de débats. Ils visent à apprécier

d’autres modèles d’émergence de la connaissance et à mesurer l’importance des facteurs culturels et géopolitiques dans

le développement de la recherche, de l’éducation et de l’innovation.

A l’issue de ces déplacements, des carnets de voyages sont demandés aux auditeurs. Il ne s’agit pas d’une synthèse

exhaustive du voyage d’études, ni des questions abordées. Ces carnets témoignent des étonnements des auditeurs lors

de la découverte, circonscrite dans le temps et l’espace, d’un pays au contexte culturel différent.

Au début de chaque voyage d’études, huit à dix questions sont proposées par l’IHEST. Les auditeurs se répartissent par

groupes de 4 ou 5 personnes. Chaque groupe remet, sur le thème choisi, un carnet de voyage de trois pages. L’ensemble

constitue les « Carnets du voyage d’études » qui font l’objet d’une publication.

Remerciements

L’IHEST remercie l’ensemble des personnalités et des intervenants qui sont venus à la rencontre des auditeurs lors du

voyage d’études à Hambourg et à Berlin et tous ceux qui leur ont ouvert leur porte à l’lnternationale Bauaustellung (IBA)

- l’exposition internationale d’architecture - de Hambourg, à l’université de Hambourg-Harbourg (TUHH), sur le site du

groupe Volkswagen à Wolfsbourg et à l’université Humboldt à Berlin.

Ses remerciements vont tout particulièrement au Service scientifique de l’Ambassade de France en République fédérale

d’Allemagne pour sa contribution majeure à la préparation et à la réalisation du programme de ce voyage ainsi qu’au

Consulat Général de France à Hambourg pour l’accueil réservé à la délégation de l’IHEST.

- 2 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Le voyage de la promotion 2011-2012 du cycle national de formation de l’IHEST a permis d’aborder les ressorts de la compétiti-

vité d’un pays emblématique de la puissance en Europe, qui, dans un contexte de crise économique, tire parti de la mondialisa-

tion. Il s’est attaché à montrer comment, au vu des changements profonds, accélérés par l’émergence de nouvelles puissances,

ce pays développe sa capacité de recherche et d’innovation, fait de la science et de la technologie un fondement de sa stratégie

de développement et adapte son modèle économique et social.

Au cours de ce voyage les auditeurs ont pu prendre la mesure, sur des territoires industriellement denses, des efforts de ce pays

pour lier croissance et environnement, pour initier des mutations technologiques et pour se saisir des perspectives ouvertes par

l’économie de la connaissance.

Les diverses rencontres effectuées ont permis de souligner les axes stratégiques de la politique de recherche et d’innovation

allemande, les régulations à l’œuvre entre pouvoirs publics, recherche, enseignement supérieur, entreprises et le mode de co-

opération entre ces acteurs.

Il s’est agi aussi d’apprécier les spécificités du système de recherche et d’innovation allemand, les modèles de gouvernance

opérant aux différents échelons politiques d’un système fédéral et les dynamiques des réseaux de compétences, clusters et

coopérations interentreprises.

Le voyage et les expériences étudiées ont enfin permis de faire comprendre les conditions sociales et politiques dans lesquelles

se définissent les orientations de la politique de recherche et d’innovation allemande.

En se rendant à Hambourg puis à Berlin, le voyage a fait découvrir aux auditeurs des territoires symbolisant les évolutions de

l’Allemagne - dans les dimensions scientifiques, technologiques et industrielles mais aussi politiques, économiques, sociales et

culturelles - et les mutations en cours qui traversent la société allemande.

A Hambourg, ville-Etat et deuxième métropole allemande, les auditeurs ont pu apprécier concrètement les enjeux du tournant

énergétique allemand axé sur les énergies renouvelables. Devenue un lieu emblématique de l’éolien sur le continent européen,

capitale verte de l’Europe en 2011, la cité hanséatique est la vitrine allemande du développement durable. Le Sénat (gouverne-

ment de Hambourg) mène une politique active dans ce domaine, l’objectif étant de réduire les émissions de gaz à effet de serre

de 40% en 2020 par rapport à 1990. Il a renforcé notamment son cluster régional « Energies renouvelables » et a créé sa propre

filiale de production d’énergie, Hamburg-Energie, un organisme public qui propose de l’électricité 100% renouvelable et locale,

illustrant ainsi le mouvement de « recommunalisation » de l’approvisionnement en énergie observé en Allemagne.

Ce positionnement de « ville durable » se traduit par une profonde mutation urbaine, symbolisée par deux lieux, le port et la ville

nouvelle d’Hafencity.

Le port, troisième d’Europe après Rotterdam et Anvers, est désormais un hub incontournable sur la route des porte-conteneurs ;

il est le deuxième terminal européen de conteneurs et s’est engagé dans un programme « soutenabilité ». Au centre Fraunhofer

de logistique maritime, au sein de l’université technologique de Hambourg, les auditeurs ont pu mesurer l’importance stratégique

de la R&D pour l’organisation des activités maritimes, essentielles dans l’économie hambourgeoise.

Les écosystèmes de la connaissanceet l’innovation en Allemagne

- 3 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

La ville nouvelle Hafencity, projet urbain le plus important d’Europe, mêle architecture spectaculaire – avec les immeubles des

sièges d’Unilever, du Spiegel, l’Elbphilharmonie… - et méthode de construction innovante et durable. Cette vaste opération de

réhabilitation de l’ancienne zone portuaire au bord de l’Elbe, qui augmentera la taille du centre-ville de Hambourg de 40% et mul-

tipliera sa population par deux, veut être un exemple réussi de développement urbain, réunissant différents acteurs, politiques,

culturels, économiques, innovateurs, publics comme privés.

La valorisation durable et diversifiée - sociale, économique, culturelle, environnementale - d’un territoire urbain, le quartier de

Wilhelmburg, a été présentée aux auditeurs. Ils ont été reçus à l’IBA (Internationale Bauaustellung), l’exposition internationale

d’architecture, qui conduit ce projet du « saut par dessus l’Elbe » (Sprüng über der Elbe) visant à réintégrer une zone désaffectée

dans le tissu urbain et à en faire un quartier climatiquement neutre, en cohérence avec la stratégie énergétique globale de la ville.

Des lieux de recherche et d’innovation caractérisent cette évolution de Hambourg. La présentation des activités du Climate

service center aux auditeurs a ainsi montré l’importance de la recherche sur le changement climatique à Hambourg, illustrée

notamment par le cluster d’excellence Clisap (Integrated Climate System Analysis and Prediction) de l’université de Hambourg

(UHH) qui développe un centre de compétence mondial pour le climat. Le rôle des réseaux de compétences dans la dynamique

de la R&D et de l’innovation à Hambourg a été souligné à travers l’exemple du cluster aéronautique, distingué parmi les cinq

clusters de pointe (spitzencluster) en Allemagne.

L’étape à Hambourg du voyage d’étude a ainsi permis d’observer les mutations d’une cité qui, à l’image d’autres grandes

villes portuaires dans le monde, reconquiert sa façade maritime grâce à une innovation urbaine liant objectifs économiques et

environnementaux. Elle a illustré concrètement la nouvelle politique énergétique allemande et la stratégie en faveur des techno-

logies propres. Elle a aussi donné l’occasion de comprendre comment fonctionnent les clusters et la coopération entre acteurs

scientifiques, économiques et territoriaux.

En passant par Wolfsbourg, en Basse-Saxe, lieu symbolique de l’industrie allemande avec le siège de Volkswagen, les auditeurs

ont pu voir le plus grand site automobile du monde qui emploie 50 000 salariés. La visite de la chaîne de production a permis de

se rendre compte de la logique de rationalisation très poussée du constructeur qui réalise d’importantes économies d’échelles

en développant des modules communs à différents modèles. Cette étape a conduit les auditeurs à s’interroger sur la compé-

titivité industrielle dans un secteur traditionnel, sur la chaîne d’innovation d’un groupe investissant fortement dans la R&D et sur

les liens entretenus avec le territoire local.

A Berlin, capitale politique de l’Allemagne, la matinée à l’université Humboldt, créée en 1810, a illustré les évolutions du système

d’enseignement supérieur allemand et le rôle de la coopération franco-allemande. Les auditeurs ont saisi les enjeux de l’ « Initia-

tive d’excellence », lancée en 2005 par le gouvernement fédéral et les Länder, pour une université qui cherche à développer une

recherche de pointe, à dynamiser un vivier de jeunes chercheurs et à renouveler sa gouvernance. La présentation des activités

et des axes de recherche du Centre Marc Bloch a offert un exemple réussi de coopération franco-allemande dans le domaine

de la recherche en sciences sociales.

En conclusion du séjour, la délégation de l’IHEST a été reçue à l’Ambassade de France. La situation politique de l’Allemagne, les

grands enjeux économiques, scientifiques, énergétiques et sociétaux du pays et la stratégie du gouvernement pour y répondre

ont été mis en perspective. Après avoir rencontré des acteurs-clés de la relation science-société au cours du voyage, les audi-

teurs ont pu ainsi, lors de cette ultime étape, mieux appréhender les différences et les complémentarités franco-allemandes et

engager une réflexion sur les synergies possibles entre les orientations des politiques des deux pays, en particulier en matière

de recherche et d’innovation.

Marie-Françoise Chevallier-Le Guyader,

Directrice de l’IHEST

- 4 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Mardi 7 février 2012 - Hambourg

La politique énergétique de la Ville de HambourgJörn WALTER, directeur du Behörde

für Stadtentwicklung und Umwelt (BSU), Autorité

pour le développement urbain et environnemental, Ville de

Hambourg

Le cluster régional Energies renouvelables de HambourgJan RISPENS, directeur général du cluster

Rainer SCHEPPELMANN, directeur adjoint du Bureau de

coordination « Protection du climat » au sein de l’Autorité

pour le développement urbain et environnemental

La métropole du futur : urbanisme et innovations pour le développement durableKarsten WESSEL, Coordinateur du programme « La ville

face au changement climatique » de l’IBA Hambourg

Le cluster Aviation de Hambourg : un cluster de pointe et sa stratégie de développementRüdiger HINTZE-SCHOMBURG, attaché d’administration

aux affaires industrielles, Office pour le développement

économique et du travail de la Ville de Hambourg

Mercredi 8 février 2012 - Hambourg, Wolfsbourg

La politique de recherche en Allemagne Stéphane ROY, attaché pour la science et la technologie,

Ambassade de France en Allemagne

Nicolas CLUZEL, chargé de mission, Ambassade

de France en Allemagne

Valérie LE VOT, attachée universitaire pour la région Nord

Le Centre Fraunhofer de logistique mari-time et de prestations de services (CML) : les technologies maritimes innovantesCarlos JAHN, directeur de l’Institut de logistique

maritime du Fraunhofer

Le groupe Volkswagen, visite de la chaîne de production à Wolfsbourg

La recherche sur le changement clima-tique et sur ses conséquences Guy BRASSEUR, directeur du Climate Service Center,

Centre Helmholtz, Hambourg

Jeudi 9 février 2012 - Berlin

L’université Humboldt et l’Initiative d’excellenceSandra WESTERBURG, directrice de cabinet du Président

Elisabeth LACK, directrice pour les Affaires générales

Le Centre Marc Bloch de recherche en sciences sociales : l’enjeu de la dimen-sion franco-allemandePatrice VEIT, directeur, Centre Marc Bloch

Hubert GUICHARROUSSE, attaché de coopération univer-

sitaire, Ambassade de France en Allemagne

Béatrice von HIRSCHHAUSEN, directrice adjointe, Centre

Marc Bloch

Gabriele METZLER, professeur d’histoire contemporaine,

université Humboldt

Accueil à l’Ambassade de France La situation politique en AllemagneCaroline FERRARI, ministre conseiller, Ambassade

de France en Allemagne

L’économie allemande et ses défis Yves-Laurent MAHE, conseiller économique,

Service économique régional

Le modèle social allemandJacques SIMBSLER, conseiller pour les Affaires sociales

Le tournant énergétique allemand Jean-Claude PERRAUDIN, conseiller CEA

Programme du voyage d’études

- 5 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Sommaire

1 La politique de recherche et d’innovation en Allemagne : l’évolution et les enjeux de la stratégie « High Tech » 6Par Eric BERNARD, Olivier FOHANNO, Xavier GRISON, Amaury JOURDAN, Ramesh PYNDIAH 2 Recherche, innovation et enseignement supérieur : quels rôles respectifs pour l’Etat fédéral et les länder ? 11 Par Dominique BERRY, Jérôme COPPALLE, Hélène LUCAS, Eric POSTAIRE, Stéphane ROY 3 L’initiative des clusters de pointe (spitzencluster) 14Par Olivier AUDOUIN, Hubert DUAULT, Gilbert ISOARD, Nathaly MERMET, Bruno WIART

4 Le rôle de la société Fraunhofer dans la politique d’innovation allemande 17Par Patrick CREZE, Joël JACQUET, Sacha KALLENBACH, Azar KHALATBARI, Jean-Michel TANGUY

5 Recherche universitaire et enseignement supérieur : les défis de l’Initiative d’excellence 20Par Lotfi BEL HADJ, Frédéric BERNARD, Jean-François CERVEL, François CHEVOIR,

Véronique DEBISSCHOP

6 La transition énergétique en Allemagne : enjeux et débats 23Par Nathalie ALAZARD-TOUX, Arnaud MASSIP, Malika MEDDAHI, Jean-Pierre PECHMEGRE-CAMINADE,

Catherine RABBE

7 L’Internationale Bauaustellung (IBA) de Hambourg : un laboratoire pour les innovations urbaines ? 27Par Eric BRIDOT, Thomas Emmanuel GERARD, Philippe LE MOING-SURZUR, Cécile LESTIENNE,

Claire RIOUX

8 La compétitivité industrielle allemande : le cas de Volkswagen 30Par Romain JEANTET, Krzysztof KOZLOWSKI, Nora Sestna MACHURE, Catherine MOULIN,

Jean-Patrick THIOLLET

9 Capital humain et modèle social allemand : quelles spécificités ? 33 Par Corinne BOREL, Carole COUVERT, Anne RIZAND, Walter ROEST, Marc SOULAS

Annexes

•Glossaire 37

•Liste des auditeurs du cycle national 2011 / 2012 39

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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

1. La politique de recherche et d’innovationen Allemagne : l’évolution et les enjeuxde la stratégie « High Tech »

Par Eric BERNARD, Olivier FOHANNO, Xavier GRISON, Amaury JOURDAN, Ramesh PYNDIAH

De quoi s’agit-il ?

La « Stratégie de Lisbonne », adoptée au conseil européen

de mars 2000 et précisée à Barcelone en 2002, fixait comme

objectif d’atteindre 3 % du PIB pour les dépenses de R&D à

l’horizon 2010 dans l’Union européenne.

L’Allemagne a manifestement fait sien cet objectif et a lancé

entre 2005 et 2006 trois initiatives d’ampleur pour y par-

venir : la Stratégie High-tech, l’Initiative d’excellence et le

Pacte pour la recherche et l’innovation. Il apparaît en 2010,

que les dépenses de R&D en Allemagne atteignent 2,8 %

du PIB (2,5 % en 2005) et que, dans l’industrie, les investis-

sements en R&D ont augmenté de 19% et les effectifs de

chercheurs de 5 %.

Forts de ces premiers résultats et après une évaluation pré-

cise du bilan de ces trois initiatives, les Allemands ont décidé

de poursuivre, en fixant de nouveaux objectifs à l’horizon

2018-2020 et en adaptant les trois dispositifs.

La Stratégie High Tech

Le gouvernement fédéral a lancé en 2006 un programme

national en faveur de la recherche et de l’innovation dans

le but d’atteindre les objectifs de Lisbonne (3 % PIB dédié

à la R&D) dès 2010. Il s’agit de la « Stratégie High Tech

2006-2009 ». Ce programme implique quatre ministères

fédéraux (enseignement et recherche - BMBF, économie

et technologie - BMWi, finances - BMF, et environnement -

BMU). C’est au BMBF qu’en revient la coordination.

La Stratégie High-tech poursuit trois objectifs :

• favoriser le transfert technologique ;

• lier la recherche institutionnelle et l’industrie ;

• accroître la capacité d’innovation technologique,

en particulier dans les secteurs d’avenir.

Ce programme de soutien a permis d’ajouter 6 Md€ supplé-

mentaires, entre 2006 et 2009, aux 9 Md€ de budget courant

des ministères concernés :

• 12 Md€ pour le soutien à la recherche dans 17 champs

thématiques prioritaires dont la part belle a été donnée au

spatial, à l’énergie, aux technologies de l’information et de

la communication, aux recherches biomédicales, à l’auto-

mobile,

• 1,8 Md€ pour le soutien de projets réalisés par des PME

innovantes,

• 0,6 Md€ pour les clusters de pointe (initiative intitulée «Spit-

zencluster»),

• 0,2 Md€ pour le soutien technologique aux start-ups.

Mi-2011, le gouvernement fédéral allemand a officialisé

une suite : la « High Tech Stratégie 2020 ». Cette déci-

sion confirme la priorité du gouvernement allemand de

poursuivre l’accent mis sur la recherche et l’innovation,

malgré le plan de restriction budgétaire au niveau fédéral

décidé au début du mois de juin 2010. Le budget du mi-

nistère fédéral de la recherche, un des seuls à ne pas être

concerné par ces restrictions, devrait à nouveau croître

de 7,2 % en 2011 pour atteindre 11,65 Md d’euros.

Réf : Extraits de la note « Les grandes lignes de la recherche publique en Allemagne » du 28/10/2010 du Service pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France en Allemagne

- 7 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

L’Initiative d’excellence

Dans le but d’accroître la flexibilité, la compétitivité et la qualité

de sa recherche, l’Allemagne a choisi en 2005 de renforcer la

recherche universitaire et de créer des pôles universitaires d’ex-

cellence, ce qui a été mis en œuvre par le programme Initiative

d’excellence. Mené sous l’égide de la DFG (Deutsche Fors-

chungsgemeinschaft) et du Wissenschaftsrat (Conseil pour la

science - WR), ce programme de financement qui s’étend sur

une période de 6 ans (2006-2011) doit mobiliser la somme de

1,9 Md€, (75 % à la charge de l’Etat fédéral (Bund), les 25 %

restants à la charge des Länder (Etats). Il comprend 3 grands

axes :

• Le soutien au transfert technologique par la sélection de

pôles d’excellence («Excellenzcluster») au sein d’universi-

tés ou d’organismes de recherche extra-universitaires en

relation avec l’industrie. Le soutien s’élève en moyenne à

6,5 M€/an/cluster ;

• Le soutien à l’excellence scientifique via la sélection

d’écoles doctorales («Graduiertenschulen»). Le soutien

s’élève en moyenne à 1 M€/an/Graduiertenschule ;

• Le soutien de stratégies d’avenir («Zukunftskonzepte»)

pour la promotion de la rechercheuniversitaire de pointe.

Le montant de ce soutien s’élève en moyenne à 21 M€/an/

université sélectionnée.

Un comité décisionnel composé d’experts de la DFG et

du Wissenschaftsrat a été chargé de coordonner l’éva-

luation par des évaluateurs externes des projets présen-

tés par les universités. A l’issue de deux appels à pro-

jets (2006 et 2007), le comité a décidé le financement de

39 écoles doctorales, 37 pôles d’excellence et de 9 stra-

tégies d’avenir soit 9 « universités d’élite », qui sont les

suivantes :

• Couronnées en 2006 : Université Ludwig-Maximilian de

Munich (LMU), Université Technique de Munich (TUM) et

Université de Karlsruhe (KIT)

• Couronnées en 2007 : Université Technique de Rhénanie

du Nord-Westphalie à Aix-la-Chapelle (RWTH), Université

Libre de Berlin (FUB), Université de Fribourg-en-Brisgau,

Université de Göttingen, Université de Constance et Uni-

versité de Heidelberg.

L’initiative d’excellence a été reconduite pour la période

2011-2018.

Réf. : Extraits de la note « Les grandes lignes de la recherche publique en Allemagne » du 28/10/2010 du Service pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France en Allemagne

Le Pacte pour la Rechercheet l’Innovation

En juin 2005, le gouvernement allemand (Etat Fédéral et

Länder) a conclu avec les grands organismes de recherche

allemands le Pacte pour la Recherche et l’Innovation, afin de

dynamiser la recherche et de garantir l’atteinte des objectifs

de Lisbonne en 2010.

Dans le cadre de ce pacte prévu pour la période 2006-

2010, l’Etat Fédéral et les Länder se sont engagés à ac-

croître le budget des organismes de recherche de 3 %

par an jusqu’en 2010. Les organismes s’engagent de leur

côté à améliorer la qualité et l’efficacité de leurs activités, à fa-

voriser la compétition interne et la coopération inter-organisme

et internationale et enfin à définir des objectifs stratégiques et

le rapprochement avec les universités.Afin d’évaluer la portée

de son action, le Pacte pour la Recherche et l’Innovation pré-

voit la réalisation de bilans annuels. La Conférence scientifique

commune (GWK) est chargée de la réalisation de ces derniers.

Le Pacte pour la recherche et l’innovation a été reconduit

pour la période 2011-2018.

- 8 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Ecologie du savoir et systèmes d’innovation en Allemagne

Une recherche privée et des régions très présentes

Si l’Etat fédéral (Bund, via le BMBF) a augmenté son finan-

cement public à 12,8 Md€, il est remarquable que le privé

finance 71 % de la R&D, contre environ 50 % en France.

Cette différence explique l’écart de dépenses de R&D

entre les deux pays (2,82 % versus 2,2 % du PIB), la part

publique étant similaire.

Un autre élément de différentiation est le rôle principal

des Etats (Länder) dans le financement de la recherche

publique, le Bund se réservant uniquement la recherche

fondamentale et un outil de financement des axes straté-

giques (DFG, équivalent - en mieux doté - de l’ANR). Il n’y

a, par exemple, pas de crédit impôt recherche de niveau

fédéral en Allemagne (le débat étant en cours sur le sujet)

Des recherches publiques et privées interconnectées

La recherche publique est organisée autour des universi-

tés, sous responsabilité des Länder d’une part, et de 4

instituts de recherche, d’autre part :

• L’institut Max Planck : financement 100 % public, orienté

vers les thématiques de recherche fondamentale, dont

la caractéristique est une forte autonomie des centres

de recherche et une faible part du financement sous

forme de « projets »,

• La Communauté de Centres de Recherche Helmoltz :

outil de support de la stratégie en recherche du Bund

(BMBF) avec pour objectif l’implémentation de l’orienta-

tion nationale grâce à un financement sur appel d’offre

(env. 300 M€/an),

• L’institut Leibnitz : Pôle de recherche à ancrage et finan-

cement au niveau des Länder, dont les priorités sont

définies en relation avec le besoin local de l’économie

(par exemple, l’économie portuaire à Hambourg),

• L’Institut Fraunhofer : l’outil majeur du support de l’in-

novation industrielle. Financé à 50 % sur projets mixtes

public/privé, les 50 % de financement public servant à

mettre en œuvre une politique d’excellence avant de se

rapprocher de l’industrie.

Le rapprochement universités - instituts de recherche est

encouragé, même si l’ensemble n’est pas directement

sous la responsabilité de l’Etat fédéral.

En plus d’un partenariat public/privé fort via les instituts

Fraunhofer et Leibnitz, l’Allemagne a mis en place un outil

Points remarquables

Avertissement : en cohérence avec les limites de l’exer-

cice de « carnet de voyage », les éléments ci-après sont

à considérer comme des sujets d’interrogation et non

comme des affirmations validées.

Un ancrage régional fort

La structure fédérale de l’Allemagne conduit à un ancrage

régional fort : le gouvernement fédéral encourage l’émer-

gence de pôles de pointe et oriente la recherche via une

coordination centrale (plans,…), mais doit composer avec

les gouvernements des «Länder», ceci avec l’inconvénient

d’une certaine disparité régionale.

L’aménagement du territoire ne semble pas faire partie des

critères prépondérants d’arbitrage pour les financements

ou l’implantation des centres d’excellence. Les écarts

peuvent se creuser entre régions « riches » et régions

« pauvres » au sens de l’innovation et du rayonnement

scientifique (Nord et Est moins favorisés que Berlin, Sud

et Ouest).

Une industrie totalement impliquée dans la recherche et l’innovation

Culturellement, l’industrie participe davantage à l’effort global

de R&D qu’en France, et a soutenu la croissance de l’effort

global de R&D ces dernières années. Il y a un effet de levier

important de la R&D privée qui vient démultiplier les effets de

la recherche publique, en particulier via le fonctionnement

mixte de l’institut Fraunhofer.

Les patrons des grands groupes ou des entreprises de taille

intermédiaire n’hésitent pas à s’impliquer personnellement

dans les instances d’orientation sur la recherche, tant au

niveau fédéral que régional.

- 9 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Un cocktail gagnant : consensus entre acteurs, continuité dans l’effort et évaluation régulière des résultats

Au-delà de l’organisation, la gouvernance de la recherche en

Allemagne, qui privilégie l’établissement d’un consensus dès

le départ, est un facteur important du succès de la politique

de recherche et d’innovation. On peut citer :

• L’usage au niveau national comme régional d’une planifica-

tion à objectif temporel limité, correspondant au rythme de

la vie publique (5 ans), selon un principe d’essai et d’évalua-

tion des résultats, avant remise en cause ou prolongation.

• La participation de tous les acteurs (local & national,

public et privé) à l’orientation stratégique, en privilégiant

l’indépendance au sein des conseils, la transparence des

décisions et en limitant le champ d’action des lobbies.

Quelques exemples :

- Conseil gouvernemental de l’Enseignement supérieur et

de la Recherche : 24 membres indépendants,

- Conférence commune scientifique : groupe des acteurs

représentatifs des échelons local et national pour l’orien-

tation des universités,

- Ouverture internationale : recours à des comités inter-

nationaux pour l’évaluation des projets, relative prise en

compte des orientations européennes dans la stratégie

nationale (l’influence de la gouvernance européenne

n’apparaît pas toujours très clairement),

- Des comités scientifiques mixtes public/privé suivent

l’implémentation des projets de recherche,

- La prise en compte de la société civile dans les débats

scientifiques : des académies scientifiques permettent

l’établissement d’un dialogue sur les grands enjeux,

en prenant en compte l’ensemble des acteurs y com-

pris la société civile,

- La forte implication des chercheurs en sciences hu-

maines et sociales dans les projets (très compliqué en

France).

L’orientation de la recherche se fait avec beaucoup de trans-

parence, autour de comités faisant intervenir l’ensemble des

acteurs, dont la société civile, dès le début des débats scien-

tifiques. Cela permet d’obtenir un consensus qui garantit un

effet d’entraînement sur les axes stratégiques ainsi définis. Il

est également notable que l’industrie participe à la gouver-

nance de la recherche, y compris à son orientation. Concer-

nant l’implémentation et le suivi, le degré d’autonomie et de

responsabilisation de l’équipe projet autour de son directeur

est important, sous couvert d’évaluation en temps limité et

d’obtention de résultats.

Malgré la complexité du découpage en différents niveaux

(fédéral/régional) et la diversité des intérêts des parties pre-

nantes, les acteurs allemands ont l’air de savoir contribuer de

manière plus concourante que concurrente à une initiative :

notion de « chasse en meute ».

Il ressort un réel savoir-faire allemand de passer du temps

pour dégager un consensus avec tous les acteurs, tant sur

les objectifs que sur les processus de gouvernance/prise

de décision. Associée à des évaluations programmées des

résultats obtenus, cette démarche permet de concilier une

stabilité (et visibilité) à relativement long terme (5 - 10 ans) et le

renouvellement (les structures ne sont pas juxtaposées, mais

remplacées, les anciennes disparaissent), tout en limitant les

risques de décision arbitraire de la part du politique.

Innovation incrémentale ou innovation de rupture ?

Il est difficile de se rendre compte si la stratégie mise en

œuvre par l’Allemagne vise une innovation incrémentale ou

une innovation de rupture. Quelques indices font pencher

pour la première :

• le fait que les universités et l’essentiel du financement de la

recherche publique viennent des Länder conduit à la foca-

lisation de cette recherche sur les questions économiques

locales. Cela conduit à privilégier dans de nombreux Län-

der l’innovation incrémentale par rapport à l’innovation de

rupture, garante d’efficacité dans le support de l’industrie

dominante mais peu favorable à la remise en cause.

• Un tiers de la recherche en Allemagne est liée au secteur de

l’automobile, avec l’efficacité que l’on connaît mais aussi le

risque de rater de nouveaux enjeux d’innovation majeurs.

Une incitation à l’excellence de tous les acteurs-clés

L’Allemagne accueille actuellement environ 30 000 cher-

cheurs étrangers et mène une politique volontariste pour

augmenter son attractivité internationale. Elle affiche la

volonté d’être à la première place européenne, en matière

d’excellence scientifique et d’attractivité.

- 10 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Pour tenir cet objectif, elle s’appuie sur deux mesures particu-

lières et un plan stratégique de communication :

• Développement des formations en anglais,

• Lancement de fondations pour permettre d’accorder des

suppléments de rémunération à des chercheurs de renom-

mée internationale.

• Plan de communication :

- Lancement d’une agence spécialisée sur la gestion des

échanges entre universités et pour l’accueil des étu-

diants étrangers (la DAAD),

- Mise en place autour du Fraunhofer d’un réseau interna-

tional de correspondants dans une quinzaine de pays,

- Utilisation de la fondation Von Humbolt qui fédère les

membres actuels et anciens membres du Fraunhofer.

Un accent important est mis sur la visibilité internationale, à

travers des rôles définis et financés de communication, une

politique d’accueil et de financement, et un réseau internatio-

nal. Si la France reste à ce jour un peu plus attractive, l’écart

semble diminuer avec le temps.

L’excellence parait être encouragée à tous les niveaux,

tant en termes de moyens que d’autonomie, tout en favori-

sant les « ponts » entre les institutions :

• Fonctionnement assoupli de la double dimension univer-

sité (local)/institut de recherche (fédéral) via un comité

pluridisciplinaire (ex. HU Berlin),

• Allocation significative de budgets non affectés aux res-

ponsables d’université ou d’institut pour permettre des

transformations et des initiatives locales,

• Financement de recherche confié directement à une

structure ou à un directeur de recherche, responsable

des résultats sur une durée limitée. (ex. HHU ou IBA

Hamburg),

• Mise en place d’acteurs « passerelle » portant le double

rôle de responsable universitaire et d’unité de recherche

dans un institut,

• Possibilité de sortir des strictes grilles salariale de la

fonction publique pour les chercheurs,

• Stimulation du corps professoral dans les universités par

une certaine dose d’instabilité programmée (contrat de

5 ans).

Synthèse

La stratégie High Tech 2006-2009 a permis à l’Allemagne

d’augmenter les dépenses de R&D de 0,2 % de PIB. Dans

la continuité, un nouveau plan, « High-tech stratégie 2020 »,

vient d’être lancé mi 2011. Par ailleurs, un effort important

est mené pour l’émergence de pôles scientifiques de qua-

lité mondiale autour d’universités d’élite.

La stratégie High Tech apparaît comme un bon exemple

de l’efficacité allemande quand il s’agit de mettre en œuvre

une stratégie, à partir du moment où les objectifs sont clai-

rement fixés.

Malgré une crise économique majeure et plusieurs renou-

vellements politiques, tant au niveau fédéral que régional,

les Allemands ont su préserver la stabilité des objectifs et

la continuité dans l’action, ce qui a permis d’atteindre des

résultats significatifs.

Ce savoir-faire politique allemand constitue manifestement

un facteur clé de réussite dans la compétition mondiale

avec, semble-t-il, une efficacité plus ciblée sur l’innovation

incrémentale que sur l’innovation de rupture.

La France, de son côté, ne reste pas inactive et a initié de-

puis une dizaine d’année nombre d’actions qui reprennent

les bonnes pratiques allemandes : instituts Carnot, pôles

de compétitivité, IRT, … Il reste à lui souhaiter de mieux

mobiliser son industrie pour l’innovation et la recherche, et

à mettre en œuvre jusqu’au bout les stratégies décidées

avec les moyens adéquats, tout en cultivant sa créativité

latine…

- 11 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Une « décentralisation » aboutie liée à un fédéralisme historique : les Länders ont des compétences très élargies en recherche et enseignement

Le fédéralisme fait partie intégrante de la Constitution alle-

mande, et mis à part quelques années où ce principe a été

suspendu (période de la 2nde guerre mondiale et en RDA

entre 1952 - 1958), il a toujours été un des socles étatiques

structurant. Les principes de pilotage de l’enseignement et

de la recherche se sont donc développés dans ce contexte

très décentralisé, au niveau du pouvoir fédéral respectif des

16 Länder, avec parfois même, des diplômes et des cursus

distincts. Les niveaux de diplômes de l’enseignement supé-

rieurs (Licence - Master - Doctorant) sont depuis peu, recon-

nus dans tous les Länders mais pas encore délivrés par cha-

cun ! Cette évolution apparaît néanmoins comme notable, et

l’uniformisation est une volonté clairement affichée. Mais ces

changements semblent une résultante directe de la recon-

naissance européenne de ces diplômes plutôt qu’une simple

demande interne à l’Allemagne.

Pour les financements de recherche, la décentralisation a été

un moyen extrêmement puissant d’implication au niveau local

des industriels et donc des financements privés, notamment

dans l’innovation (voir point 3), avec comme résultat final une

formation des jeunes, bien adaptée à la demande locale et

donc au marché de l’emploi de proximité.

Mais comme tout système à volonté « autonomiste », le

pouvoir central, inquiet d’une perte de pilotage à moyen

ou long terme, semble être dans un objectif de reconquête

d’une partie de la programmation de R&D. Et plutôt qu’une

attaque frontale avec les Länders, qui serait clairement

contre-productive, l’Etat allemand amplifie son soutien à

la recherche et l’innovation par des financements directs,

soit au titre de programmes de recherche (agence et ini-

tiatives d’excellence dédiées à ces financements dont la

France semble s’être largement inspirée avec la création

très récente de l’ANR et des investissements d’avenir) soit

par des investissements au travers de la création d’Univer-

sités et d’organismes nationaux, parfois cofinancés avec le

privé (Helmholtz, Fraunhofer, etc.).

L’Allemagne semble être dans une position ambigüe de

recentralisation partielle de sa R&D, peut-être même dans

un souci de rééquilibrage des forces internes, pour mieux

affronter la concurrence européenne ou mondiale.

Quant à La France, notre nouveau modèle de pilotage de

la R&D serait-il un simple « plagiat » des efforts allemands

antérieurs, ou serions-nous déjà dans un nouveau modèle

européen, en gestation ?

Une politique d’Etat pour tenter de reprendre la main sur la recherche et l’innovation

La stratégie nationale, qui intervient toutefois encore peu

dans le processus de R&D allemand en raison principa-

lement de la puissance des Länder, a pour objectif prin-

cipal d’améliorer de manière durable les conditions pour

l’innovation et le progrès technique, et de renforcer ainsi

la capacité d’innovation des petites et moyennes entre-

prises. Pour soutenir le secteur technologique et l’innova-

tion en Allemagne, le gouvernement fédéral a adopté la

stratégie High Tech dans laquelle le ministère fédéral de

l’Économie et de la Technologie joue un rôle primordial en

tant que ministère des PME. La ligne directrice centrale de

2. Recherche, innovation et enseignement supérieur : quels rôles respectifs pour l’Etat fédéral et les länder ?

Par Dominique BERRY, Jérôme COPPALLE, Hélène LUCAS, Eric POSTAIRE, Stéphane ROY

- 12 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

cette nouvelle stratégie crée un lien entre la promotion de

la recherche et celle de l’innovation et améliore les cadres

stratégiques pour les innovations qui ont été repris dans un

concept global de politique d’innovation.

Ceci est bien plus marqué dans le cas de la stratégie inter-

nationale qui, de ce fait, occupe une place majeure dans le

processus de recherche et d’innovation outre-Rhin, grâce

principalement au ministère fédéral de l’Économie et de

la Technologie. Dans un environnement marqué par des

changements économiques et technologiques au niveau

mondial, la politique technologique du ministère fédéral de

l’Économie et de la Technologie (BMWi) s’oriente de plus

en plus vers un niveau international. Ce faisant, le BMWi

coopère étroitement avec ses partenaires au sein de la

Commission européenne, avec d’autres Etats membres

dans l’UE ainsi qu’avec les pays hautement développés.

Dans le contexte de la mondialisation, les programmes

de promotion sont davantage axés sur les besoins d’une

économie opérant au plan international. Dans ce contexte,

il s’agit surtout de renforcer les entreprises à coefficient

élevé de recherche sur les marchés mondiaux d’exporta-

tion et de leur faciliter l’identification, dans d’autres pays,

des partenaires technologiques appropriés. Pour ce faire,

les entreprises à coefficient élevé de recherche disposent

de toute la gamme des institutions et des instruments de la

promotion et du financement de l’économie extérieure. Elle

va de l’information et du conseil, par ex. par le portail du

commerce extérieur iXPOS et les centres de commerce en

ligne ainsi que le réseau mondial des Chambres de com-

merce extérieur en passant par la promotion des présen-

tations aux salons, les garanties publiques des crédits à

l’exportation (« couverture Hermes ») et les garanties d’État

pour des investissements à l’étranger jusqu’à la politique

d’accompagnement d’entreprises individuelles s’enga-

geant à l’étranger.

Un dynamisme porté par le tissu industriel

L’Allemagne est le pays le plus industrialisé d’Europe qui

a fondé sa réussite économique sur le know-how techno-

logique et scientifique et sur des infrastructures de pointe.

L’Allemagne est typiquement un pays avec un socle (avec

toutefois des disparités entre Länder) important d’entre-

prises innovantes, avec un effort soutenu au travers de

financements propres, la seule limitation venant parfois

d’un manque de personnel compétent. La puissance en-

gendrée par la synergie entre recherche et innovation

en appui à l’industrie, est un facteur-clé du dynamisme

économique de ce pays au sein de l’Europe. Pour le sec-

teur industriel, les données sont impressionnantes ; près

du tiers de la population active y travaille avec en tête les

secteurs de la grande industrie comme l’automobile, la

mécanique et l’électrotechnique qui font la réputation de

cette industrie au travers de leurs innovations et leur per-

formance.

L’innovation contribue ainsi non seulement au renforce-

ment de la puissance des entreprises mais est également

à la source des évolutions de cette industrie : à côté de

l’industrie « historique » de l’Allemagne, d’autres secteurs

apparaissent ces derniers temps comme ceux liés aux « in-

dustries vertes ». Ce nouveau secteur est la conséquence

de la mutation de la filière nucléaire (abandon total avant

2020). Ainsi, l’Allemagne est devenue le leader mondial en

termes de technologies vertes/écologie, transformant la

contrainte de cette mutation en une véritable opportunité,

avec à la clé un véritable « business » qui ne fait que se

développer.

Ces réussites en terme d’innovations sont issues d’une

véritable dynamique de concertation entre tous les acteurs

présente en Allemagne : le domaine de la « high-tech »,

volonté nationale intégrée de recherche et d’innovation (la

High-tech Stratégie lancée en 2006), illustre bien cette dé-

marche de concertation (issu de la tradition « du travailler

ensemble ») entre toutes les différentes parties : gouverne-

ment fédéral, les Länder, les organismes de recherche et le

monde de l’entreprise, imprégné de cogestion.

Si les financements publics sont essentiels pour soutenir

les efforts en faveur de l’innovation, comme pour la so-

ciété Fraunhofer dédiée à la recherche en sciences appli-

quées, le poids des contrats de recherche passés avec les

industriels est un élément-clé, notamment pour les PME.

On constate ainsi une « relation science - industrie

décomplexée » avec des alliances entreprises-universi-

tés qui sont stratégiques, les universités étant dotées de

bureaux de transferts de technologie. Les groupes indus-

triels sont ainsi à l’origine de spécialisations de campus.

La coopération entre recherche publique avec le secteur

industriel est fortement favorisée (soutien BMBF), illustrée

par la dynamique des clusters d’excellence, concentra-

- 13 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

tions d’entreprises interconnectées avec le système public

de recherche.

L’innovation de l’industrie allemande ne se focalise pas

que sur les grandes entreprises à hautes technologies

mais est adossée à une particularité : le poids des

entreprises de taille intermédiaire ou «mittelstand»,

entreprises d’un nombre moyen de salariés (+/- 500). Ce

sont des entités caractérisées par une culture d’entreprise

souvent familiale misant sur le long terme au travers d’une

gouvernance collective (que l’on pourrait qualifier de pater-

naliste), sachant valoriser et reconnaitre l’effort individuel

et collectif, le salarié étant considéré comme un collabo-

rateur majeur des entreprises qui ont su développer une

réelle culture du consensus et une tradition du « travailler

ensemble ». Ces PME ont un rôle-clé dans la formation

du personnel au travers d’un apprentissage garantissant

une qualification élevée, illustration d’un système d’édu-

cation orienté sur la demande du marché et de formation

continue de grande qualité tout au long de la vie dans

l’entreprise : les entreprises allemandes sont considérées

comme des organisations « apprenantes », moteur de la

stratégie d’innovation.

Un dynamisme porté par une culture protestante favorable à l’industrie

À Hambourg, la discipline farouche de la société alle-

mande au travail et son obéissance à la loi civile sont soli-

dement enracinées dans cette révolution culturelle que fut

le protestantisme. La Cité-État, certes aujourd’hui forte-

ment sécularisée, est de tradition luthérienne qui, comme

Max Weber l’a bien analysé dans « L’Ethique protestante et

l’esprit du capitalisme », se traduit par du rigorisme, le sens

du devoir, le caractère industrieux et l’indépendance. C’est

la culture de la rigueur morale et de l’obéissance de l’indi-

vidu à la loi divine. C’est aussi la culture de la glorification

du travail comme moyen d’obtenir le salut avec l’action

inlassable de l’homme sur la nature (et sur les hommes)

pour créer des richesses en une nouvelle transcendance.

A Hambourg, le capitalisme est particulièrement vigou-

reux, illustré par la rénovation urbaine du quartier portuaire,

Hafencity, qui a été confiée à une entreprise privée Hafen-

City Gmb, alors qu’une opération similaire à Marseille a été

confiée à Euroméditerranée, établissement public.

La recherche, l’innovation et l’enseignement supérieur alle-

mands, tels qu’ils nous sont apparus, n’échappent pas à

ce fond culturel marqué par le protestantisme et le capi-

talisme :

• le caractère industrieux, être jugé sur l’utilité des œuvres

et non sur leur rapport à l’universel ou à un rang social ;

la production d’ouvrages, comme un logiciel d’aide à la

logistique des plateformes portuaires, est jugée digne

d’une production universitaire ;

• la discipline librement acceptée, sans le secours de l’État

ou du Bundesstaat ; le pôle de compétitivité consacré à

l’aéronautique a été avant tout une forme locale d’orga-

nisation, dont le soutien fédéral est récent et temporaire ;

• un rapport neutre au marché et au capital ; c’est moins

la possession de richesses qui est condamnable que le

fait de se reposer dessus et d’en jouir, aussi l’intrusion

du marché et du capital-risque dans la R&D allemande

est jugée du point de vue singulier et temporelle de son

utilité sociale, et non d’un point de vue moral et trans-

cendant, jugeant en bien ou en mal.

- 14 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Travail de définition : qu’est-ce qu’un Cluster ?

La notion de cluster ne répond pas à une, mais à plu-sieurs définitions. Admettons donc qu’il s’agisse d’un concept ancien d’analyse des formes locales d’organisa-tion d’activités économiques, dont la réactualisation dans les années 1990 par Michael Porter ait mis en valeur le modèle le plus abouti : ce dernier permet d’organiser les activités d’innovation et le développement des hautes technologies.La définition de Michael Porter présentant un cluster comme « …un groupe géographiquement proche de firmes et d’institutions associées, interconnectées au sein d’un champ particulier et liées par des éléments communs et des complémentarités » ne permet pas de le distinguer d’autres concepts tels les milieux innovateurs, les technopoles ou encore les districts technologiques correspondant aux différentes formes de regroupements localisés de firmes. Retenons qu’un cluster correspond à un espace territo-rial où les acteurs productifs sont localisés (proximité géographique) et entretiennent des relations privilé-giées au sein de la communauté ainsi créée (proximité organisée), en termes de transferts de connaissances ou d’échanges de technologies. Cette dernière apporte à chacun de ses membres divers avantages en termes de performances ou de compétitivité : I) interactions facilitant la diffusion des connaissances à un niveau local (notion d’économie de la connaissance)II) accès commun à des infrastructures, moyens et ser-vices intégrant les membres au sein d’une communauté d’intérêts communs et partagés (concept d’externalités de réseaux)III) diminution des coûts de transaction entre membres, résultant d’un effet de quasi-ntégration, et procurant aux entreprises un avantage en termes de situation de mar-ché (notion d’intégration verticale),

IV) capacité à développer des relations vers l’extérieur (promotion, interactions) leur permettant de valoriser leurs avantages concurrentiels et d’en faire des acteurs de la mondialisation

La tendance est aujourd’hui à l’acceptation d’une gra-dation de la notion de cluster en fonction des critères de proximité et de niveau d’organisation des acteurs en leur sein.

Le cas d’école sera le cluster le plus intégré, combinant des degrés importants de localisation et d’organisation et la cohabitation de « proximités géographiques et orga-nisées ».

Certains des pôles de compétitivité correspondent à des clusters moins aboutis, associant une faiblesse des liens internes locaux à une forte concentration spatiale des entreprises. Ils illustrent la réalité de nombreux systèmes productifs non concernés par la définition initiale de Por-ter, mais qui constituent des enjeux majeurs au regard des politiques d’innovation destinées à provoquer des synergies au niveau local.

Les pouvoirs politiques locaux, en élargissant à l’extrême le concept initial vers des systèmes moins axés sur les activités de haute technologie ou dont le degré d’inté-gration et d’animation est plus faible, trouvent ainsi un concept économique leur permettant de structurer leurs politiques économiques territoriales.

Par l’imprécision même de leur définition, les clusters permettent de réfléchir le caractère organisé de l’innova-tion au niveau local. En les considérant comme les élé-ments moteurs des systèmes régionaux, voire nationaux, ils apparaissent comme un support pour les politiques de développement économique par l’innovation. Ce, par la structuration d’un soutien adapté et la mise en place d’aide au démarrage d’entreprises, à la R&D ou encore aux transferts de technologie.

3. L’initiative des clusters de pointe (spitzencluster)

Focus sur le cluster AviationPar Olivier AUDOUIN, Hubert DUAULT, Gilbert ISOARD, Nathaly MERMET, Bruno WIART

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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Les Clusters en Allemagne et le Spitzencluster « Innovation Allianz Hambourg»

Les Clusters en Allemagne / 3 types distingués :

• les Clusters régionaux (au nombre de 8), dont le finan-

cement est assuré par les Länder

• les Clusters fédéraux, financés par les ministères

• dont les Clusters de pointe (Spitzencluster) dépen-

dant du ministère de la Recherche (assez proches

des Instituts de recherche technologique mis en place

en France), sélectionnés au moyen d’une compétition

nationale en trois phases (2008, 2010, 2012), et qui

reçoivent un financement d’environ 40 M€ sur 5 ans.

Quinze clusters ont été sélectionnés dans les théma-

tiques de la stratégie High Tech.

• les Clusters Universitaires (39).

La mise en place des clusters se fait par un processus conti-

nu d’améliorations, avec une approche très planifiée et

avec théoriquement une remise en cause formelle à la fin de

chaque étape. Dans la réalité, la phase suivante étant prépa-

rée avant la fin de la première (ce qui fait sens pour éviter une

rupture éventuelle), l’arrêt d’une initiative semble arriver peu

fréquemment.

En Allemagne (comme partout ailleurs) on observe des résul-

tats positifs dans un grand nombre de cas, en particulier quand

les facteurs suivants de réussite sont réunis :

• Soutien politique fort au niveau municipal, du Land et de

l’Etat fédéral,

• Processus structuré, méthodique et transparent,

• Compétence technique de l’équipe,

• Acceptation du temps nécessaire à la « mise en réseau » :

les acteurs doivent au préalable bien se connaître (intérêts

réciproques, objectifs différents, fonctionnement opération-

nel variable, etc.) pour parvenir ensemble à une meilleure

efficacité.

Le cas du Spitzencluster - Cluster de pointe - Aviation

Initialement créé sous forme d’un cluster « simple », le

Cluster Aéronautique arrive en 2006/2007 à un point de

rupture, avec deux options possibles : sa dissolution ou sa

redynamisation.

Or, en 2008, intervient au niveau national la décision de

créer des clusters d’excellence : les « Spitzencluster ». Le

cluster dédié à l’aviation saisit alors l’opportunité de se

porter candidat, et se trouve sélectionné avec son pro-

jet stratégique de mettre en réseau les compétences à

l’échelle européenne sur le thème aéronautique, et de relier

l’économie à la science.

Il s’affiche alors dès 2008 parmi les réseaux «stratégiques»

prometteurs comme Spitzencluster «InnovationsAllianz

Hambourg»

Le bilan est aujourd’hui largement positif :

• succès en matière d’innovation avec 70 % des brevets

mondiaux du secteur émis de Hambourg,

• réussite en terme d’emploi puisque 39 000 ont été

dénombrés en 2010 contre 25 000 emplois en 2000.

Un retour d’expérience est néanmoins à prendre en

compte sur certaines difficultés rencontrées :

• la mise en réseau d’entreprises ou organisations ayant

leurs objectifs et fonctionnement propre, mais égale-

ment des performances variables (au sein du cluster)

peut poser problème. Après un certain temps la mobi-

lisation fléchit, or la gouvernance de telles initiatives est

très gourmande en énergie, sachant qu’une grande par-

tie de celle-ci est liée à la coordination,

• le principe de ne pas avoir de frontière régionale est bon,

mais concrètement ça ne marche pas vraiment car la

coordination reste très difficile à mettre en place puisque

les financeurs ne sont plus les mêmes (Länder différents)

avec des intérêts divers.

En rétrospective de ces forces et faiblesses, il faut dans

ce type d’organisation en réseau accepter de se focaliser

sur un domaine qui représente réellement l’expertise du

groupement. La volonté du Spitzencluster Aéronautique

est de rester concentré, proche de la municipalité et du

Land, en limitant les participations «extérieures» à la région.

Quelques motifs d’étonnement

• Nous constatons, à l’inverse du cas de la France où

l’initiative gouvernementale a souvent été l’élément

déclencheur dans l’émergence des pôles de compéti-

tivité, la genèse beaucoup plus ascendante (bottom

up) des clusters allemands présentés. En l’absence

- 16 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

d’initiative publique de départ, s’est constituée loca-

lement une filière aéronautique industrielle exhaustive

(de la fabrication aux services) très efficace. Les fonds

publics viennent plutôt a posteriori entériner/renforcer

un écosystème existant déjà très lié, voire lui donner un

second souffle, l’appel national des « Spitzencluster »

ayant permis aux acteurs de se remobiliser pour présen-

ter un dossier compétitif.

• La recherche collaborative entre laboratoires aca-

démiques et industriels au niveau du cluster n’a pas

du tout été mise en avant par nos interlocuteurs. Alors

que les Allemands sont des champions enviés dans le

transfert recherche-industrie avec les instituts Fraunho-

fer dans des opérations bilatérales, on n’a pas senti que

le Spitzencluster présenté générait une forte dynamique

de collaborations public/privée multilatérales, à la ma-

nière de nos pôles de compétitivité.

• Il existe en Allemagne une forte dualité entre niveau

fédéral et Länder, ces derniers ayant des prérogatives

beaucoup plus étendues que nos régions. Cela pourrait

conduire à de la fragmentation et à la non coordination

des initiatives, or il n’en est rien, grâce à un mécanisme

institutionnalisé de concertation efficace. Un élé-

ment important tient à la temporalité, afin de dégager

d’abord un consensus et de le mettre ensuite en œuvre

collectivement. On observe une grande continuité

stratégique et opérationnelle.

• A l’inverse, autant l’articulation lander-féderal est effi-

ciente, il apparaît que l’outrepassement des fron-

tières régionales est un principe souhaité, mais qui

peine à déboucher sur des actions concrètes car la

coordination reste très difficile à mettre en place puisque

les financeurs ne sont plus les mêmes (Länder diffé-

rents).

• L’aéronautique est un (pour ne pas dire LE) secteur in-

dustriel emblématique d’une stratégie Européenne ayant

débouché sur une entreprise commune, avec les succès

que l’on connaît. Paradoxalement, il ne nous est pas

apparu une forte articulation entre pôles européens

du secteur (Hambourg-Toulouse), celle-ci paraissant

limitée à un « réseautage » assez lâche entre les acteurs

dès lors qu’on franchit les limites des entreprises, quand

bien même une entreprise telle qu’EADS est installée sur

les deux sites avec une intégration interne forte. L’articu-

lation européenne de l’entreprise phare semble ne pas

se diffuser dans les écosystèmes allemands et français

respectifs.

• Dans un contexte où les valeurs écologiques s’im-

posent de plus en plus, avec une acuité particulièrement

marquée dans la société allemande, nous avons été

étonnés du faible accent donné lors des présentations

sur le positionnement du Spitzencluster Aéronau-

tique en la matière. Aucune évocation de thématiques

telles que le défi d’un carburant non polluant, la réduc-

tion des nuisances sonores etc.

• Quant au fonctionnement européen ? Notre ressenti est

plus mitigé : ce Spitzencluster fonctionne avec un réseau

européen de clusters, notamment Pegase et Astede en

France, mais il s’agit là essentiellement de «Networking»,

sans projet en commun, signifiant qu’il n’y a pas de vraie

synergie alors que certains partenaires participants sont

européens (tel EADS).

Conclusion

Le nombre de pôles technologiques et clusters connaît

une inflation importante sur la scène internationale.

Les « clusters » représentent un objectif européen priori-

taire, et pour les grandes métropoles un véritable rôle de

catalyseur à jouer.

Dans ce contexte, seuls les clusters de « classe mon-

diale » auront un impact réel, car pourvoyeurs de sociétés

innovantes et d’emplois hautement qualifiés qui pourront

durablement se prévaloir d’un rayonnement significatif et

attractif.

Cela constitue pour nous tous autant de défis à relever…

- 17 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Les instituts Fraunhofer sont des laboratoires de recherche

allemands ayant pour mission le développement de pro-

jets de recherche appliquée aux besoins industriels du

secteur public ou privé ou de manière plus générale, à une

demande sociétale. Dans le panorama des acteurs alle-

mands, le diagramme qui représente le type de recherche

(fondamentale, appliquée) en fonction du financement

(public - privé) indique que les instituts Fraunhofer sont les

plus fortement impliqués dans les transferts industriels. Ils

sont d’ailleurs financés à 66 % par des contrats industriels

ou des contrats collaboratifs (européens…). Le tiers res-

tant provient de financement public ; celui- ci est assuré à

90 % par le ministère (qui dépend du Bund) et à hauteur

de 10 % par les régions (Land). A l’opposé, les instituts

Max Planck ne s’intéressent qu’aux projets de recherche

fondamentale et sont totalement financés par des fonds

publics. Les 80 instituts Fraunhofer emploient 60 000 per-

sonnes pour un budget total de 1,65 milliards d’euros.

Stratégie et Concertation

Au cours de notre voyage en Allemagne, les instituts

Fraunhofer nous ont été présentés lors de la visite du CML

(Center for Maritime Logistics and Services). Cet institut

est, semble-t-il, totalement atypique en Allemagne mais sa

création récente est un bel exemple du dynamisme et de

la cohésion autour de projets stratégiques en Allemagne.

Il répond à un besoin de maîtrise de compétences dans le

domaine du transport maritime et de la logistique. Le port

de Hambourg en sera le premier bénéficiaire mais l’objectif

est d’exporter cette compétence et contribuer à la mise

en place des infrastructures portuaires partout dans le

monde.

Répondant à un besoin stratégique et/ou une opportu-

nité économique, la création de CML a été rapide, faci-

litée d’une part grâce au parrainage par un autre institut

Fraunhofer (IML Dortmund) et d’autre part, avec la colla-

boration étroite de l’université de Hambourg qui sert de

structure d’hébergement. Dans une première phase d’une

durée cinq ans, CML sera fortement soutenu par des aides

publiques (phase de start up). A l’issue de cette phase

démarrée en 2010, CML devrait compter 25 chercheurs.

Le pragmatisme et l’efficacité dans la construction de cet

institut s’expliquent en partie par la qualité des échanges

qui se passent en amont du projet entre tous les acteurs

(scientifiques, économiques, politiques). Cette méthodolo-

gie semble une caractéristique en Allemagne où la phase

de discussion et de concertation entre les acteurs permet

d’aboutir à une même compréhension et à une adhésion

au projet.

Couplage Université Instituts Fraunhofer

L’hébergement de CML au sein de l’université technolo-

gique de Hambourg (TUHH), si elle paraît efficace, donne

le sentiment d’une très grande complexité de fonctionne-

ment. Les chercheurs ayant souvent le double statut d’en-

seignant-chercheur de l’université et de chercheur de l’ins-

titut Fraunhofer, on peut se demander comment, dans la

gestion au quotidien avec les industriels, sont définies les

priorités d’affectation de ces contrats à l’une ou l’autre des

institutions. Cette remarque prend d’ailleurs tout son sens

en rappelant qu’à l’instar des instituts Fraunhofer, l’uni-

versité doit trouver la moitié de ses ressources. La même

question se pose à propos de la propriété intellectuelle.

La présentation de l’université de Hambourg a permis de

mettre en évidence une organisation originale de l’ensei-

gnement et de la recherche. L’université est organisée de

manière pérenne autour des instituts de formation (colle-

gium). Tandis que les projets de recherche sont à durée

limitée et font appel à un ou plusieurs collegium dans un

couplage dynamique et évolutif au gré des projets.

4. Le rôle de la société Fraunhofer dans la politique d’innovation allemande

Par Patrick CREZE, Joël JACQUET, Sacha KALLENBACH, Azar KHALATBARI, Jean-Michel TANGUY

- 18 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Répartition géographique

Les instituts sont répartis presque uniformément sur le ter-

ritoire allemand en fonction des compétences de chaque

région et ne se concentrent pas uniquement dans le

sud du pays là où les industriels sont les plus présents.

Chaque institut développe une compétence propre ; ce

qui évite la concurrence entre eux. En général, les instituts

sont localisés à proximité d’une université ou d’une «tech-

nische Hochschule», voire d’une une zone industrielle.

La présence de centres de recherche sur tous les autres

continents est une originalité des instituts Fraunhofer qui

permet à l’industrie allemande d’être compétitive sur les

marchés internationaux.

Comparaison FraunhoferInstituts Carnot

En France, les instituts Carnot ont un objectif similaire à ce-

lui des instituts Fraunhofer en Allemagne : celui de rappro-

cher les laboratoires de recherche des industriels privés et

de favoriser l’innovation et les transferts de technologies.

Les instituts Fraunhofer ont servi de modèle pour créer les

instituts Carnot. Il existe néanmoins quelques différences

entre les deux types de structure :

• D’abord au niveau des statuts : Carnot est un label obte-

nu pour une durée déterminée alors que les laboratoires

Fraunhofer forment un organisme pérenne. En France,

nous avons un enchevêtrement de statuts et de tutelles

qui entraîne une foule de systèmes comptables com-

plexes. L’origine de cette disparité réside dans la volonté

initiale de dynamiser la recherche contractuelle au ser-

vice de l’industrie sans réformer les statuts de chaque

structure. Parmi cette diversité on peut noter :

- Instituts en réseau (ex : télécom, mines, Arts et métiers)

- Etablissements dans leur intégrité (ex : BRGM, IRSTEA)

- Des grands laboratoires (ex : LAAS, LETI, LIST, LITEN)

- Des instituts « composites » avec des multiples tutelles,

incluant parfois un centre technique (ex : STAR, ICEEL)

- Un centre technique labellisé dans son intégrité (CETIM)

• En France, le rapprochement des laboratoires et des

intérêts privés bénéficie d’une incitation financière grâce

au système des abondements : chaque contrat entre

un laboratoire de recherche et un industriel génère le

versement d’un montant proportionnel à la somme en-

gagée par le contrat. Ce versement permet au labora-

toire de financer des recherches en amont sous forme

de financement de thèses par exemple, assurant ainsi

son ressourcement scientifique. Ce système vertueux

a incité de nombreux laboratoires à se rapprocher des

industriels sans qu’ils soient pénalisés d’un point de vue

scientifique. En Allemagne, le système d’abondement

n’existe pas car le lien fort entre les instituts Fraunhofer

et les industriels est dans la nature même de cet orga-

nisme depuis sa création en 1949.

• En Allemagne, il est possible de créer un laboratoire

de recherche appliquée Fraunhofer ou d’y intégrer des

laboratoires existants en réponse à l’identification d’un

marché potentiel. En France, seules des structures exis-

tantes peuvent recevoir le label Carnot.

• En Allemagne, l’ensemble des instituts Fraunhofer

n’obéit qu’à une autorité : la Fraunhofer Gesellschaft

alors qu’en France, il y a des directives de plusieurs

intervenants. Le MESR définit la politique, la gestion

financière est faite par l’ANR et l’animation des instituts

Carnot est réalisée par l’association des instituts Carnot.

Par ailleurs, chaque laboratoire reste sous son autorité

de tutelle.

• En Allemagne, une démarche commerciale pro-active

est menée alors qu’en France elle est moins marquée.

Cette faiblesse française a été attribuée à une certaine

mentalité, à une faible efficacité de l’organisation des

services de valorisation existants qui ne disposent pas

toujours des compétences marketing.

• On constate en Allemagne, un positionnement plus

proche de l’industrie et du marché alors qu’en France

les instituts Carnot sont caractérisés par une continuité

entre la recherche fondamentale et la recherche appli-

quée.

• En France, les «Carnot» sont issus de laboratoires

de recherche traditionnels pour lesquels la présence

d’un grand nombre de doctorants est un paramètre

de dynamisme et de qualité du laboratoire. C’est un

des critères retenus par l’AERES (Agence d’Evaluation

de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur) dans

l’évaluation d’un laboratoire. A l’opposé, les Fraunhofer

- 19 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

recrutent très peu de doctorants et de post doctorants

mais plutôt des ingénieurs ou des diplômés de l’ensei-

gnement supérieur.

• La marque est plus fortement ancrée en Allemagne du

fait de son ancienneté et de son volume d’actions me-

nées depuis sa création. En France, la situation est tout

autre même si le label Carnot commence à acquérir une

certaine notoriété. Cependant une plus grande commu-

nication sur ses spécificités semble indispensable.

• L’âge moyen au sein des instituts Fraunhofer est inférieur

à 40 ans et le « turn over » est très important. Chaque

année, environ 10% des chercheurs des instituts re-

joignent le monde industriel. Les « Carnot » sont encore

trop jeunes pour qu’une telle tendance puisse être ob-

servée mais c’est un paramètre intéressant à suivre.

• Enfin, les instituts Fraunhofer ont une existence interna-

tionale que les instituts Carnot n’ont pas pu encore ac-

quérir. On peut comparer le développement des Fraun-

hofer en dehors de l’Allemagne avec les Unités Mixtes

Internationales (UMI), du CNRS. Ces structures sont des

laboratoires à double tutelle : le CNRS et le laboratoire

d’accueil étranger. Ces UMI n’ont toutefois pas la même

vocation de liens forts avec l’industrie mais se limitent à

renforcer leurs recherches par des collaborations inter-

nationales renforcées.

Conclusion

Les instituts Fraunhofer ont un rôle de relai de compéti-

tivité pour les entreprises allemandes et européennes

qui ont besoin pour se développer d’un soutien scienti-

fique et technologique. La démarche d’anticipation de la

recherche, nécessaire pour développer l’industrie de de-

main, telle qu’elle existe en Allemagne, se retrouve dans

certains « Carnot » qui jouissent traditionnellement d’une

proximité avec l’industrie. L’existence récente des instituts

Carnot en France doit bénéficier de l’expérience des Insti-

tuts Fraunhofer.

- 20 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

En dessous de la moyenne des pays de l’OCDE lors des

premières enquêtes internationales PISA («Programme

for International Student Assessment») réalisées en 2000,

l’Allemagne, jusqu’alors convaincue de la réussite de son

système éducatif, a vécu l’annonce de ces résultats comme

un traumatisme. Le fameux «PISA schock» conduira très

rapidement à un véritable consensus national, les partis

ayant décidé de mettre en commun leurs agendas politiques

en matière d’éducation, notamment suite à la mobilisation

massive des médias et de l’opinion publique.

En décembre 2001, la Kultusministerkonferenz (Conférence

permanente des ministères de l’Éducation et des Affaires

culturelles des Länder) publie un document formulant un

certain nombre de priorités, en particulier la mise en place

de standards de performance communs à tous les Länder

et le développement de programmes d’excellence dans le

domaine de la recherche.

Le programme de l’Initiative d’excellence en Allemagne

Résultat de longues négociations entre les Länder (en

charge de l’enseignement supérieur) et le gouvernement

fédéral allemand (n’intervenant normalement qu’en matière

de recherche), « L’initiative régionale et fédérale d’encoura-

gement à l’excellence pour la recherche et la science dans

l’enseignement supérieur allemand » («Exzellenzinitiative»)

a été lancée en juin 2005. Mené sous l’égide de la Deutsche

Forschungsgemeinschaft (DFG) et du Wissenschaftsrat (WR),

ce programme a pour objet de renforcer la recherche univer-

sitaire et de créer des pôles universitaires d’envergure inter-

nationale, afin d’attirer les meilleurs étudiants, professeurs ou

chercheurs universitaires. Il comprend trois volets :

• Le soutien au transfert technologique par la sélection

de pôles d’excellence («Excellenzcluster») ayant pour

vocation de mettre en relation les établissements de re-

cherche et les entreprises avec une université locale,

• Le soutien à l’excellence scientifique via la sélection

d’écoles doctorales («Graduiertenschulen») dédiées à la

formation optimale de doctorants dans des domaines de

recherches prédéfinis,

• Le soutien à des stratégies d’avenir («Zukunftskon-

zepte»), projets de recherche s’inscrivant dans le long

terme, pour des universités d’excellence («Eliteuniversi-

täten»), entourées automatiquement d’au moins un clus-

ter et d’une école doctorale.

Le financement s’est élevé à 1,9 Md€ sur la période 2006-

2011 (75 % à la charge de l’Etat fédéral, 25 % à la charge des

Länder). A l’issue de deux appels à projets (en 2006 et 2007),

60 % des fonds ont été attribués à 37 clusters (6,5 M€ par an

chacun), 11 % à 39 écoles doctorales (1 M€ par an chacune),

et 29 % à 9 universités d’excellence (21 M€ par an chacune).

Les établissements de recherche non universitaires (sociétés

Max Planck, Fraunhofer, Helmholtz, Leibniz…) font l’objet

d’un autre programme, le « pacte pour la recherche et l’inno-

vation » tout en participant à environ 85 % des programmes

de l’Initiative d’excellence.

Le programme a accentué les disparités géographiques : les

universités sélectionnées sont fortement concentrées dans le

sud de l’Allemagne : à Munich (Université Louis et Maximi-

lien et Université technique), Karlsruhe, Heidelberg, Fribourg

et Constance. Les trois autres sont celles d’Aix-la-Chapelle

(Rhénanie-Westphalie), de Göttingen (Basse-Saxe) et l’Uni-

versité libre de Berlin. Certaines sont généralistes, d’autres

sont spécialisées dans les sciences de la nature, de l’ingé-

nieur, en médecine et en économie. Enfin, les sciences so-

ciales et humaines ne sont pas oubliées (environ 25 %).

Parmi les critères d’évaluation des dossiers, la réorganisation

et la gouvernance ont été fortement prises en compte avec

notamment l’objectif de mesurer la capacité de l’établisse-

5. Recherche universitaire et enseignement supérieur : les défis de l’Initiative d’excellence

Par Lotfi BEL HADJ, Frédéric BERNARD, Jean-François CERVEL, François CHEVOIR, Véronique DEBISSCHOP

- 21 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

ment à bien utiliser les crédits attribués. Dans ce cadre, des

réorganisations lourdes sont quelques fois intervenues. Ainsi

à Karlsruhe, l’Université technique a été fusionnée avec le

centre Helmholtz, ce qui constitue une première.

En mars 2010, a été lancée la troisième phase de l’Initiative

d’excellence, pour laquelle l’Etat fédéral et les Länder ont

prévu d’investir 2,7 Md€ (toujours répartis à 75 % pour l’Etat

fédéral et 25 % pour les Länder) sur la période 2012-2017.

Cette augmentation de 30 % par rapport à la précédente

phase permettra de financer un maximum de douze universi-

tés d’élite, dont cinq nouvelles, signifiant que deux universités

actuellement labellisées pourraient perdre ce titre. La com-

pétition entre les universités est donc relancée avec la confir-

mation de l’orientation vers l’excellence, indépendamment

de toute préoccupation d’aménagement du territoire. Un jury,

composé d’experts internationaux, donne une recommanda-

tion à une commission composée des membres de la DFG

et du WR qui prend la décision finale. Un accent plus impor-

tant est mis sur la qualité de l’enseignement supérieur. Les

budgets annuels devraient être d’environ 290 M€ pour les

clusters (au lieu de 200), 60 M€ pour les écoles doctorales

(au lieu de 40) et 140 M€ pour les universités d’élite (au lieu

de 210). Les résultats seront annoncés en juin 2012 pour un

financement immédiat.

Le projet d’excellence de l’Université Humboldt à Berlin

Créée en 1810 par Wilhelm von Humboldt, la plus ancienne

des universités de Berlin a survécu aux deux dictatures, nazie

et communiste. Elle a été profondément rénovée après 1990

avec l’arrivée de nombreux jeunes. Le Land de Berlin est

pauvre car il comporte peu d’industries et génère donc peu

de ressources privées alors qu’il porte de nombreux établis-

sements d’enseignement supérieur (Universités Humboldt,

libre, technique, nombreuses Fahrhoschule…). Il rencontre

donc des difficultés pour assurer sa participation à l’Initiative

d’excellence contrairement à la situation des Länder riches

du sud de l’Allemagne. Ainsi la rémunération mensuelle d’un

professeur y est plafonnée à 12 000€ contrairement à de

nombreux autres Länder.

Avec le soutien du Land de Berlin, l’université Humboldt est

candidate au nouvel appel à projets après avoir essuyé deux

échecs en 2006-2007. Aux dires des responsables, ces

échecs sont venus notamment des insuffisantes préparation

et mobilisation de l’établissement, le projet étant porté par

le seul Président. En 2010, l’Université Humboldt a mis en

place un groupe de travail de six personnes se réunissant

hebdomadairement pour créer une initiative d’excellence et

bâtir une vision d’avenir pour l’Université. Avec l’arrivée d’un

nouveau Président, ce groupe a été élargi à six membres

supplémentaires. Ce « forum de l’Initiative d’excellence » a

recherché le consensus dans l’ensemble de l’université en

mobilisant notamment les plus jeunes « messagers de l’Ini-

tiative d’excellence ». Un projet de 500 pages en anglais a

été écrit pour définir les thèmes et catégories d’excellence à

présenter en septembre 2011 au conseil scientifique d’éva-

luation, constitué d’auditeurs scientifiques internationaux.

Accepté après une expertise très critique, il a donné lieu en

décembre 2011 à un audit d’un jour et demi sous forme d’in-

terview individuels devant le jury dont la décision est attendue

en juin 2012 ; 53 M€ ont été demandés.

Les trois objectifs d’avenir de l’université Humboldt sont les

suivants :

• La création de conditions cadre pour la recherche de pointe :

un fonds d’innovation stratégique est confié au Président

pour réaliser des transferts scientifiques entre projets ou

favoriser des coopérations avec d’autres institutions.

• Le développement des personnalités, le soutien aux jeunes

chercheurs et aux doctorants : il s’agit de créer une culture

d’innovation et de créativité en s’appuyant sur les poten-

tialités scientifiques, notamment féminines, ou en sollici-

tant des professeurs de plus de 60 ans pour conseiller les

jeunes.

• L’optimisation de la gouvernance universitaire : une admi-

nistration performante devra accompagner les scienti-

fiques, chercher des fonds, organiser le fonds d’innovation

stratégique de manière à gérer en permanence la dépense

des crédits émanant de l’Initiative d’excellence qui feront

l’objet d’un versement trimestriel dès juillet 2012, néces-

sitant une programmation et un suivi très précis. Les res-

sources humaines seront un domaine privilégié, de même

que la coopération avec d’autres partenaires berlinois.

Comparaison avec la France

Si l’idée des Investissements d’avenir français a été direc-

tement empruntée à l’Initiative d’excellence allemande, de

nombreux points différencient toutefois les deux initiatives.

C’est le mauvais score de la France au classement de Shan-

ghai qui a servi de déclencheur en France : ainsi l’objectif prin-

cipal des Investissements d’avenir est de doter la France de

- 22 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

5 à 10 sites d’excellence capables de rivaliser avec les meil-

leures universités du monde, et de remédier à l’éclatement

du système français de recherche et d’enseignement supé-

rieur entre Universités, grandes écoles et organismes de re-

cherche. La crise financière a catalysé le programme puisque

celui-ci est financé par le « grand emprunt national » voulu

par le chef de l’Etat français en réponse à cette crise. Sur les

35 Md€ du grand emprunt, environ 20 Md€ sont dédiés à

l’enseignement supérieur et à la recherche. L’ANR a été dési-

gnée comme le principal opérateur des actions de ce pro-

gramme, de la mise en œuvre des appels à projets au suivi

des réalisations financées. L’architecture française est plus

complexe que le système en trois volets mis en place en Alle-

magne: le programme Investissements d’avenir comprend

de multiples instruments emboîtés (Labex, Equipex, Infras-

tructures, Idex, Instituts de recherche technologiques, IEED,

SATT, IDEFI, etc…). Il vise aussi bien la recherche que l’inno-

vation, mais peu la formation. Le programme a été conduit

« à marche forcée » en deux vagues successives, deux

années de suite (2011 et 2012), et sur le long terme

(10 ans), en comparaison d’une démarche plus progressive

en Allemagne. Ce sont des dotations en capital qui sont

attribuées aux universités, qui pourront financer leurs pro-

jets à partir des intérêts de ce capital. Les régions ne sont

pas associées aux investissements d’avenir (alors qu’elles le

sont pour le Plan Campus).

Ce programme a suscité une énorme mobilisation de l’en-

semble de la communauté scientifique, des universités et

organismes de recherche aussi bien que des acteurs éco-

nomiques. Il fait l’objet de beaucoup de critiques, mais bous-

cule aussi les structures en place et « fait bouger les lignes ».

Il engendre la compétition et des inégalités territoriales, mais

pousse aussi à l’excellence et à améliorer les gouvernances.

Nos amis allemands nous observent avec beaucoup de

curiosité : nous semblons manquer de pragmatisme, mais

pas d’audace ni de volontarisme.

Conclusion

Depuis le lancement des initiatives d’excellence, le gouver-

nement allemand s’efforce de développer une concertation

en matière de politique d’enseignement supérieur et de re-

cherche. Les effets fortement structurants et la convergence

de ces initiatives témoignent de la volonté du pays à devenir

la première puissance européenne en matière de recherche.

Les effets réels des programmes d’excellence français et

allemand seront à apprécier sur le long terme : dans 10 ou

20 ans, pourra-t-on dire que les milliards d’euros investis

dans les deux pays auront permis d’adapter leur système de

recherche et d’enseignement supérieur aux exigences de la

mondialisation? Comment se situeront les deux pays parmi

les grandes puissances scientifiques mondiales ?

- 23 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Une transition énergétique volontariste

Après l’accident de la centrale de Fukushima suite au

séisme et au tsunami du 11 mars 2011, la coalition au

gouvernement en Allemagne a décidé d’accélérer sa tran-

sition vers les énergies renouvelables (EnR)1. Ce choix

n’est pas sorti de nulle part. L’Allemagne avait déjà engagé

ce mouvement depuis 2001 avec la loi de sortie du nu-

cléaire. C’est ce qui lui a permis de prendre des décisions

si rapides : 3 jours après l’accident de Fukushima, la chan-

celière allemande Angela Merkel annonce un moratoire sur

le nucléaire, met en place une commission sûreté et une

commission d’éthique. Cinq mois après, la nouvelle loi sur

l’énergie est ratifiée et entre en vigueur. Elle prévoit une

phase d’arrêt des centrales nucléaires et le remplacement

par d’autres énergies (carbonées, gaz essentiellement) de

2011 à 2022 et une phase de transition énergétique via le

développement des EnR et des technologies associées de

2022 à 2050. Les objectifs sont de 35 % de renouvelables

dans la production d’électricité en 2020 et 80 % en 2050.

Cette politique extrêmement volontariste fait l’objet d’un

large consensus dans le pays.

En Allemagne, chaque Land mène sa propre politique de

cohésion territoriale, notamment via la politique énergé-

tique. Or, dans le domaine des EnR où la production peut

facilement être décentralisée, l’échelle du territoire fonc-

tionne bien et correspond parfaitement au système fédéral

allemand.

Une politique énergétique largement soutenue par la population allemande

La démarche citoyenne d’économie d’énergie est ancrée

de longue date dans les traditions allemandes. Cette

démarche s’est amorcée par une augmentation continue

des prix qui a conduit à une prise de conscience et une

sensibilisation particulière aux économies d’énergie. Elle a

été accompagnée par une politique industrielle très active

dans le domaine du rendement énergétique des appa-

reils. Ainsi, alors que les consommations d’électricité par

habitant du secteur résidentiel français et allemand étaient

identiques en 1991, elles accusent en 2008 une différence

de 27% avec une nette régression pour l’Allemagne.

L‘exemple allemand montre que la mise en place de poli-

tiques volontaristes et pérennes de maîtrise de la consom-

mation électrique et de promotion des énergies renou-

velables sont très rapidement efficaces et porteuses de

création d’emplois. Cette politique a valu à l’Allemagne,

pour des considérations économiques et sociales, le sou-

tien de l’industrie et des syndicats.

L’adhésion du peuple allemand est marquant, tout comme

l’acceptation massive de l’effort financier lié à ce tournant

énergétique. Il est saisissant d’apprendre qu’en Allemagne

le citoyen préfère subir la hausse des prix de l’énergie afin

d’alléger la contribution des entreprises et d’éviter ainsi

une augmentation du prix des produits finis à l’exportation.

Énergies renouvelables : de l’utopie alternative à l’industrie verte

Les promoteurs du développement des EnR défendent en

premier lieu leur caractère non polluant (éolien et photo-

voltaïque notamment). Ils soutiennent également qu’elles

6. La transition énergétique en Allemagne :enjeux et débats

Par Nathalie ALAZARD-TOUX, Arnaud MASSIP, Malika MEDDAHI, Jean-Pierre PECHMEGRE-CAMINADE, Catherine RABBE

Notes :

1. En allemand, transition énergétique se dit «Energiewende», «Wende» signifiant « le tournant », terme utilisé pour désigner la réunification allemande après la chute du mur de Berlin.

- 24 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

favorisent un nouveau modèle de développement plus

« doux » rapprochant lieux de production et de consom-

mation et nécessitant moins d’importantes infrastructures,

en particulier pour l’électricité.

Il apparaît, paradoxalement, que le choix de l’Allemagne

d’abandonner le nucléaire au profit d’une montée en puis-

sance des EnR va se traduire, bien au contraire :

• par une démarche de type industriel somme toute très

classique et conduite avec détermination (les éoliennes

off shore en mer du Nord et mer Baltique, par exemple,

n’ont rien d’artisanal avec leurs mats de 200 m et leurs

rotors de 120 m de diamètre ; leur puissance installée

devrait atteindre 25 000 MW en 2030 contre 6 000 MW

en France à l’horizon 2020),

• par un éloignement accru de certains lieux de produc-

tion - concentrés dans le Nord - qui nécessitera la mise

en place d’importants réseaux pour alimenter les princi-

paux centres de consommation qui situent au Sud et à

l’Ouest (il manquerait actuellement 3 600 km de lignes

électriques).

Transport : vers une réduction de la consommation de carburants pétroliers

Dans un pays où le secteur automobile pèse dans l’écono-

mie (15 % du PIB), la voiture particulière est une institution.

En Allemagne, le taux d’équipement pour 1 000 habitants

est un des plus hauts d’Europe. La consommation d’éner-

gie du secteur transport est une préoccupation. Au début

des années 2000, la hausse de la fiscalité sur les carbu-

rants et le développement des biocarburants ont permis

de réduire la consommation de produits pétroliers.

Outre les solutions visant à rationaliser l’architecture urba-

nistique (cf. paragraphe urbanisme), c’est sur le déve-

loppement des véhicules hybrides que compte le pays à

moyen terme pour poursuivre la baisse. Les exemptions

de vignette à l’achat sont orientées en ce sens. Des pro-

grammes de recherche existent sur l’hydrogène et les

véhicules électriques, mais, au contraire d’autres pays

européens, il n’existe aucun soutien financier direct pour

l’achat de véhicule électrique. Une orientation sans doute

compréhensible dans un pays où le mix électrique devrait

à court-moyen terme faire une place plus grande aux fos-

siles.

Une filière hydrogène en plein essor

Du fait de leurs qualités intrinsèques d’efficacité, de

capacité de stockage et de respect de l’environnement,

l’hydrogène et la pile à combustible (PAC) constituent

des solutions pour gérer au mieux l’énergie en fonction

de la demande. En stockant et déstockant l’hydrogène, il

est possible de fournir de l’énergie propre, indépendam-

ment du moment où elle est produite. Cette filière permet

donc de gérer l’intermittence des énergies éoliennes et

solaires.

Cet aspect nous a paru particulièrement développé en

Allemagne avec un soutien fort de la filière, comparati-

vement à la France où le déploiement est hésitant, bien

que certaines mesures identifiées par le Grenelle aient un

intérêt évident pour la filière, et malgré l’inauguration toute

récente de la plateforme MYRTE2.

Parmi les projets phares en Allemagne, on peut citer :

• Les sociétés Linde et Daimler qui envisagent d’ici à 2014

de construire 20 stations de remplissage d’hydrogène

(produit uniquement à partir d’EnR), pour assurer l’appro-

visionnement des véhicules à PAC (il existe déjà plus de

30 points de ravitaillement hydrogène en Allemagne dont

7 publics). Les projets d’infrastructure d’énergie propre

sont subventionnés par le Programme national d’innova-

tion pour la technologie des PAC et hydrogène. Cela place

l’Allemagne au premier plan international de développe-

ment de l’infrastructure d’hydrogène.

• La centrale hybride de Prenzlau (Brandebourg, Allemagne),

unique en son genre, inaugurée fin 2011 qui exploite à la

fois le vent, l’hydrogène et le biogaz : une partie de l’élec-

tricité générée par trois éoliennes est utilisée pour produire

de l’hydrogène par électrolyse. Quand la demande d’élec-

tricité augmente alors que le vent est faible, cet hydrogène

« vert » est mélangé avec du biogaz dans un cogénérateur

pour produire de la chaleur et de l’électricité. Dans le futur,

l’hydrogène sous pression sera revendu aux stations ser-

vices à hydrogène.

Notes :

2. La plateforme MYRTE - Mission hYdrogène Renouvelable pour l’inTé-gration au réseau Electrique - (partenariat Université de Corse, HELION, CEA) inaugurée en janvier 2012 est la plus grosse installation au monde de gestion d’énergie via l’hydrogène couplé à un champ photovoltaïque (puissance installée de 560 kW).

- 25 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Captage et stockage du CO2 : une ambition qui s’étiole ?

Malgré le développement des EnR, la sortie du nucléaire

devrait se traduire par l’augmentation des fossiles et donc

des émissions de CO2 du pays. Une des solutions envi-

sagées est le développement du captage et stockage du

CO2 (CSC).

Les acteurs du pays ont d’ailleurs été assez proactifs sur

ce thème, avec plusieurs projets de pilotes ou démons-

trateurs et deux gros projets industriels intégrés (captage

et stockage) Goldenberg et Jänschwalde. Au cours des

dernières années, les problèmes d’acceptation sur le sto-

ckage n’ont fait que croître, dans le même temps le prix

du CO2 est resté relativement bas, n’incitant pas à de plus

amples développements. Aujourd’hui, les projets d’enver-

gure sont abandonnés ou reportés, et le gouvernement,

face aux réticences des Länder, envisage de ne pas trans-

poser en droit national la directive CSC européenne.

La sortie du nucléaire et l’augmentation des émissions de

CO2 devraient conduire le pays à se tourner, plus encore,

vers le marché européen des quotas d’émission, une solu-

tion acceptable tant que le prix du CO2 reste faible.

Vers un urbanisme plus économe en énergie

La présentation des perspectives de développement ur-

bain de Hambourg a d’entrée mis l’accent sur la concen-

tration des efforts sur le centre de l’agglomération et la ville

déjà existante avec l’objectif explicite de mettre un frein

à l’expansion de sa périphérie. Les principales opérations

en cours concernent ainsi la « reconquête » d’anciens

espaces portuaires (Hafencity) et celle d’autres zones

proches du cœur de la ville mais quelque peu délaissées

(grâce au Sprung über die Elbe, le « Saut par-dessus l’Elbe »

qui concerne notamment l’île de Wilhelmsburg).

Si la lutte contre le gaspillage énergétique et la pollution -

82 % des émissions de GES sont dues à la consommation

d’énergie - n’est pas le seul moteur d’une telle orientation

(l’équilibre entre habitations et bureaux ou encore la mixité

sociale des populations sont des préoccupations très pré-

sentes dans les réflexions sur l’avenir des quartiers), elle

semble bien en constituer un axe fort. La ville s’est d’ail-

leurs fixé des cibles ambitieuses en matière de réduction

de ses émissions de CO2 : 40 % d’ici 2020 (par rapport

à 1990) et 80 % d’ici 2050, l’effort ayant atteint 15 % en

2010.

Or, il semble désormais admis (y compris, en France, par

le Grenelle de l’Environnement et les réformes du Code

de l’urbanisme qui en ont découlé) que l’étalement urbain

- de nombreuses métropoles occupent un territoire qui

s’étend proportionnellement beaucoup plus rapidement

que leur population ne s’accroît - constitue, parallèlement

à d’autres nuisances, une source majeure de développe-

ment de l’habitat individuel et de l’usage de l’automobile,

deux causes importantes de la consommation excessive

d’énergie que la densification urbaine a pour but de limiter.

Les « Smart Grids »

La mise en place de réseaux intelligents (Smart Grids),

grâce à l’utilisation des technologies d’information et de

communication (TIC), permet à la demande énergétique

d’être assurée en temps réel à l’aide de sources d’éner-

gie renouvelables et décentralisées. Elle consiste à mettre

en relation en temps réel des points de production et de

consommation d’énergie via des réseaux et des auto-

matismes. Différentes configurations sont testées dans

6 régions allemandes dans le cadre du projet E-Energy

(http://www.e-energy.de/en/index.php) impliquant plus de

5 000 participants. 140 M€ sont investis dans un partena-

riat entre les industriels et plusieurs ministères fédéraux.

Fig.1 : Carte des répartitions des projets de smart-grids

eTelligencemodel region of Cuxhaven

RegModHarzregenerative model region of Harz

E-DeMamodel region of Rhein-Ruhr

Smart Wattsmodel region of Aachen

Model city of Mannheimmodel region of Rhein-Neckar

MEREGIOmodel region of Baden-Württemberg

- 26 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Parmi les projets, on note :

• un « majordome intelligent » fait faire des économies

d’énergie directement mesurables à des ménages,

• des entrepôts frigorifiques et des piscines sont alimentés

en énergie seulement lorsque les éoliennes fonctionnent,

agissant comme des tampons pour le réseau,

• des compteurs électriques intelligents permettent à près

de 500 consommateurs de connaître la provenance et

le coût de leur électricité.

Ce nouveau secteur offre un énorme potentiel de développe-

ment et de croissance à la fois pour les EnR - le pilier principal

de l’énergie décarbonée et décentralisée - mais aussi pour

les TIC.

L’approche volontairement régionale - et la publicité faite

autour de ce grand projet réalisé en partenariat public-privé

- permet une mobilisation des Länder et la diffusion des

avantages des smart-grids auprès des opérateurs d’éner-

gie et de la population.

Il est toutefois surprenant que ni le Land de Hambourg,

ni le projet IBA n’ait manifesté un intérêt pour ce genre

de configuration qui semble être un des piliers du « pro-

duire/consommer flexible » du futur système énergétique

allemand. Serait-ce un intérêt de Hambourg pour « le bu-

siness pour le business » sans voir plus loin que les ventes

de produits et de services liés aux ENRs ?

DESY et l’énergie renouvelable sub-saharienne : graal utopique ?

Hambourg abrite le centre de recherche allemand en phy-

sique des particules, le Deutsches Elektronen Synchrotron

(DESY). Outre son implication dans le CERN (physique des

hautes énergies) et dans le PCRD (synchrotrons), DESY

est surtout connu pour ses recherches de haut niveau sur

les composants supraconducteurs des accélérateurs de

particules.

Les physiciens proposent d’alimenter leurs installations

de physique avec de l’énergie solaire provenant des ré-

gions sub-sahariennes en échange du développement

des capacités de recherche de ces pays. Ce partenariat

contribuerait au renforcement des capacités et à la réduc-

tion des gaps de connaissances mais aussi au soutien

des programmes de DESY en supraconductivité pour le

stockage (Superconducting Magnetic Energy Storage) et

pour le transport (Superconducting Direct Current Cable),

l’énergie renouvelable étant ainsi acheminée vers l’Europe

par des sortes de « pipe-lines supraconducteurs ».

Un colloque international « Énergie solaire pour la science »

(http://www.solar4science.de) s’est tenu en mai 2011 à

DESY où plus de 250 représentants de 30 nations ont dis-

cuté d’une action commune entre Europe et Afrique sur la

base d’échanges « énergie contre science ». Un deuxième

symposium est envisagé en 2012 à Chypre qui réfléchira à

mettre en place des « pipe-lines de connaissance » trans-

méditerranéens en matière de formation et de transferts

de connaissances.

Le cartésianisme français raille parfois la naïveté idéolo-

gique des physiciens allemands. Ce « projet utopique »

peut toutefois entraîner une R&D déjà reconnue en

sciences des matériaux vers des objectifs de performance

inégalés. Il est d’ailleurs étonnant que ce genre d’initiative

ait été peu relayé dans la présentation de la politique éner-

gétique du Land de Hambourg.

En résumé…

En Allemagne, la transition énergétique semble irréversible.

Cette politique volontariste se caractérise par :

• une prise de risque minimale (fermeture de centrales en

douceur, toutes proportions gardées moins violente qu’au

Japon)

• des dispositions pour accélérer la prise de conscience à

moyen terme de l’opinion publique (habitat, transports)

• des zones d’ombre qui persistent (la gestion des émissions

de CO2 en augmentation, le stockage du CO2, la voiture

propre)

• des initiatives entre avant-garde et utopie susceptibles

de « pousser » d’autres programmes de R&D vitaux pour

l’industrie allemande (TIC par les Smart Grids, matériaux

supra par le solaire transméditerranéen).

- 27 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Les IBA : l’approche allemande de la rénovation urbaine

Une IBA est une exposition internationale d’architecture

(Internationale BAuasstellung). Bien au-delà d’une expo-

sition, il s’agit d’une véritable opération de rénovation

urbaine, à plus ou moins grande échelle. Celle de Ham-

bourg n’est pas la première du genre en Allemagne. Le

précurseur date de 1901 à Darmstadt. Plus récemment,

l’IBA Emscher Park (1989-1999) est considérée comme

un beau succès et a permis, en son temps, la renais-

sance de la Rhur.

Une IBA est avant tout une méthode pour révéler des

projets, un concept fédérateur regroupant autour de lui

les acteurs locaux réunis autour d’une ambition, celle

d’inventer le futur d’un territoire. L’ambition affichée se

concrétise par la réalisation de différents projets inno-

vants et durables, à valeur exemplaire, sur un territoire

bien identifié et dans un temps limité. Cette approche

globale traite, au travers du concept d’architecture,

autant des dimensions sociale, économique et environ-

nementale du développement du territoire, que de l’as-

pect architectural des bâtiments.

Une IBA fonctionne sur une stratégie de projet, non sur

une planification hiérarchisée et sectorielle, plus tradition-

nelle. Cette structure joue un rôle d’animation, de conseil,

d’organisation de concours, de suivi des projets, de mise

en réseau. Elle permet l’émergence des besoins dans

une logique «bottom-up».

À Hambourg, un nouveau projet emblématique de rénovation d’une île inondable, industrielle, peu habitée et proche du centre ville

La riche ville-État (Land) de Hambourg connaît un essor

économique important. Attractive pour sa qualité de vie et

son tissu économique, elle connaît une croissance régu-

lière de sa population. Le schéma d’urbanisation prévoit

d’augmenter la superficie urbaine de 30 % et la popula-

tion de 30 000 personnes, tout en améliorant la qualité

environnementale. Cette démarche des années 80 re-

pose sur l’intensification et la valorisation de l’urbanisme

existant. C’est le concept de « croissance éclairée ».

Après le renouvellement de sa façade fluviale côté ville

vint «Hafencity», la reconquête d’anciens espaces por-

tuaires dans une logique de développement Est-Ouest,

avec déplacement d’activités et rénovation des quartiers

des bords de l’Elbe.

Désormais Hambourg s’intéresse à l’axe Nord-Sud et or-

ganise « le saut par dessus l’Elbe » (Sprüng über der Elbe)

avec la reconquête de l’île de Wilhelmsbourg et Veddel

et du port de Harbourg, un espace resté jusqu’alors à

l’écart de la dynamique métropolitaine. L’IBA de Ham-

bourg 2007-2013 s’inscrit donc dans la continuité d’une

démarche générale et ancienne de la ville-État. Cette

zone de 35 km², située au sud du centre ville de Ham-

bourg, est un territoire stratégique intéressant, à 2 sta-

tions de métro et 8 minutes du centre ville. Elle n’héberge

pourtant que 55 000 habitants, socialement défavorisés

et fragilisés (20,9 % de chômage, soit 2,5 fois celui de

l’Allemagne), un taux de qualification bas.

7. L’Internationale Bauausstellung (IBA) de Hambourg : un laboratoire pour les innovations urbaines ?

Par Eric BRIDOT, Thomas Emmanuel GERARD, Philippe LE MOING-SURZUR, Cécile LESTIENNE, Claire RIOUX

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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Cette population est issue à 42 % de l’immigration ave

plus de 40 nationalités différentes.

Pourquoi en est-on arrivé là ? Cette île est en zone inon-

dable. Elle connaît, tous les jours, un marnage de 3,5 m.

En 1962, un raz-de-marée fit 300 victimes. Les autori-

tés décidèrent d’un moratoire des constructions, ce qui

entraîna une désaffection de l’île.

Quelle est la situation aujourd’hui ? L’urbanisme d’origine

est morcelé et contrasté : des pavillons construits rapide-

ment après la guerre côtoient les immeubles massifs des

années 70, des industries liées à l’activité portuaire ainsi

que la plus grande cuivrerie d’Europe. Par ailleurs, une

décharge à ciel ouvert a été créée dans les années 70.

Enfin, en terme de circulation, l’île est scindée par deux

axes de circulation nord-sud qui rejoignent Hambourg et

enclavent Wilhelmsbourg : la ligne de chemin de fer et

l’autoroute.

Une IBA originale,en phase avec les orientations stratégiques de la ville

L’IBA répond à un tripe défi :

• améliorer le cadre de vie et de travail de l’île, la rendre

attractive pour les populations, la protéger des risques

d’inondation ;

• désenclaver le quartier pour l’ouvrir sur le reste de la ville ;

• développer des solutions « vertes », innovantes et exem-

plaires pour répondre aux contraintes environnementales

(notamment celles liées au réchauffement climatique).

La démarche n’est pas dénuée d’une réflexion politique :

améliorer le reste du territoire et ne pas s’intéresser à

cette île risquait d’exacerber des tensions sociales.

Les enjeux de développement stratégique de la ville, déjà

évoqués, s’incarnent autour de trois thématiques et de

nombreux projets :

• Kosmopolis, 18 projets ;

• Métrozones, 21 projets ;

• Changement climatique, 12 projets.

Kosmopolis, c’est la volonté de faire de la diversité culturelle

un atout pour la métropole. Il s’agit d’activer le potentiel créatif

résultant de la cohabitation de 40 nationalités différentes sur

l’île et d’assurer leur intégration dans la vie sociale et cultu-

relle. Cela va de Ror zur Weit, une « école » intergénération-

nelle qui propose des cours aux enfants, aux jeunes adultes

et aux seniors, à «Made in Veddel», un label local destiné à

promouvoir les accessoires de mode fabriqués par les habi-

tantes d’origine étrangère en passant par le Pavillon Weimarer

Platz, une salle des fêtes énergétiquement passive destinée

à toutes les communautés locales.

Métrozones, c’est l’idée de transformer les espaces dé-

laissés en lieux attractifs pour l’habitat et d’autres fonctions

urbaines. L’enjeu est de repenser les contraintes que sont

les coupures physiques, le bruit issu du trafic routier, etc.

L’habitat est rénové autour d’une approche multifonction-

nelle adaptable : des maisons lacustres, des appartements

modulables pour s’ajuster aux différents modes de vie, dont

le télétravail. Les bords du fleuve sont réaménagés. Il est pro-

jeté de réorganiser le réseau routier en déplaçant l’autoroute

Nord-Sud actuelle vers l’Est pour la coller à la voie ferroviaire

(l’Ile ne serait plus coupée en trois mais seulement en deux

et un pont piétonnier relierait les deux zones) afin de libérer

l’ancienne emprise routière et la réhabiliter en voie verte.

Enfin, les projets de changement climatique corres-

pondent à un axe de développement stratégique pour la

ville-État, elle qui espère devenir le leader européen dans ce

domaine. L’objectif est de tester des réponses techniques

et sociales novatrices : production décentralisée d’énergies

renouvelables notamment par des éoliennes, habitat biocli-

matique, énergie géothermique profonde. L’ensemble des

projets doit assurer à terme l’indépendance énergétique de

l’île concernant l’habitat urbain.

Une démarche d’urbanisme qui tranche avec les pratiques françaises

« Frapper vite et fort » pourrait être la devise de l’IBA

de Hambourg. Vite, parce que ce catalyseur de projets

variés concentre son action sur 7 ans, ce qui impose une

forte tension sur tous les acteurs et permet d’avancer

« à marche forcée ». Fort, parce que la démarche se

concentre sur un petit territoire délimité et précis avec des

moyens non négligeables : 90 millions d’euros destinés à

aider au financement des projets. Cette démarche tranche

avec les pratiques françaises en la matière.

D’abord, le pilotage du projet est effectué par une struc-

ture très légère (moins de 30 personnes) de droit privé

dont le seul actionnaire est la ville de Hambourg. C’est une

- 29 -

Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

manière de contourner les administrations « tradition-

nelles » du Land et de concentrer la prise de décision

en un seul lieu, en prise directe avec le pouvoir politique.

Cette sorte d’agence se charge de l’appel à projets et

de leur sélection, de la concertation avec la population

de l’île, de la communication, de la programmation des

évènements phare, dont l’exposition de clôture à l’issue

du programme, centrée sur l’aménagement d’un grand

jardin urbain. Un million de visiteurs sont attendus.

La démarche est aussi conçue comme un levier écono-

mique. Le rôle de l’agence est de rechercher des parte-

naires économiques. Une centaine d’entre eux sont iden-

tifiés et devraient apporter 600 M€, permettant ainsi une

accélération de la transformation du territoire.

Enfin, contrairement à un projet français, celui-ci a été

conçu ab initio comme un laboratoire d’urbanisme lais-

sant la part belle à l’initiative des habitants : le projet doit

répondre à leurs besoins d’une façon très pragmatique.

Le parti pris est que la dynamique insufflée perdurera au-

delà de 2013.

Un écosystème de l’innovation en matière de développement durable

L’IBA de Hambourg s’inscrit dans la longue lignée des

projets précédents, de même nature, en Allemagne. Pour

autant, elle assume sa double spécificité : le dévelop-

pement de la filière des énergies renouvelables - sujet

très en vogue en Allemagne - et le développement des

techniques de gestion des eaux pour les territoires inon-

dables.

Faire la preuve de la validité économique du projet est

un objectif affiché de la ville-État3. Jens Kerstan, leader

du parti Vert local affirme « c’est un investissement pour

notre futur (…) Tous les projets de Wilhemsburg, ont à la

fois une application pratique tournés vers les habitants,

et sont un modèle pour les villes du futur. (…) C’est une

formidable opportunité pour Hambourg de se position-

ner dans le contexte international »4. Cette ambition vient

d’être reconnue par la Commission européenne qui a dé-

livré à la ville le titre de Capitale Verte européenne 2011.

Par ailleurs, les projets labellisés, certes conçus pour l’île,

doivent pouvoir être exportables sur d’autres territoires.

À charge des partenaires privés et autres start-up de

faire fructifier ce bien commun en commercialisant ces

technologies innovantes auprès de territoires possédant

des spécificités similaires. Les universitaires contribuent

au rayonnement de cette nouvelle filière économique, en

coopérant avec l’IBA Lab et les partenaires privés. C’est

le cas de l’Université Leibniz de Hanovre, de l’Université

de Technologie de Hambourg et l’Université Hafencity de

Hambourg sur les défis de l’eau et la gestion des consé-

quences du changement climatique.

De fait, l’IBA Hambourg se revendique comme un « la-

boratoire stratégique »5 en matière d’énergie en milieu

urbain et en matière de protection du climat. Un labora-

toire, qui sous-tend une dynamique d’expérimentation,

de tâtonnement, de droit à l’erreur. Un terreau idéal pour

un écosystème de l’innovation bénéficiant à l’ensemble

des acteurs.

L’IBA de Hambourg, un modèle ambitieux exportable ?

Pour remarquable qu’elle soit, la démarche IBA Ham-

bourg est difficilement exportable, notamment en France.

Elle s’est construite autour d’une triple situation particu-

lière : un problème d’urbanisme intense mais restreint

dans l’espace, permettant de concentrer des crédits ;

des possibilités de décision et de financement locales

découlant de la richesse de la ville-État et de son autono-

mie ; enfin, une ambition fédératrice en matière de déve-

loppement durable, en écho à un mouvement national

puissant.

Ce constat ne doit pas interdire d’en déduire de bonnes

pratiques, notamment en matière de concentration de

moyen, de dynamisme de la démarche et de pragma-

tisme, en s’assurant des souhaits réels des habitants,

conditions évidentes d’acceptation.

Notes :

3. « Make an economic case », http://www.worldfuturecouncil.org/filead-min/user_upload/PDF/100__renewable_energy_for_citys-for_web.pdf

4. Citation issue d’un article du New York Times « A Bold Plan, Long Thought Out, to Remake Hamburg » par Christopher Schuetze, publié le 17 novembre 2011. http://www.nytimes.com/2011/11/18/business/global/a-bold-plan-long-thought-out-to-remake- hamburg.html?pagewanted=all

5. http://www.buildwithcare.eu/partners/iba-hamburg

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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Le terme de « politique industrielle » n’est rentré que très

récemment dans le langage officiel allemand. Par Indus-

triepolitik, on entend ainsi une « mission transversale qui

poursuit l’objectif de préserver durablement la compétiti-

vité de la production comme de l’emploi industriel direct

et indirect, en Allemagne et en Europe » (ministère fédéral

de l’Economie, rapport mensuel de janvier 2008).

En effet, dans la logique allemande, l’industrie n’a pas

besoin d’être protégée ni redynamisée ; en revanche,

elle se doit de prospérer et de s’épanouir, dans un cadre

légal, qui tient compte de la protection sociale des sala-

riés comme de la qualité du système de formation, de

recherche ou encore de la politique d’aménagement du

territoire. Ce que le cas de Vollkswagen (VW) illustre re-

marquablement.

L’industrie automobile, un pilier majeur de la compétitivité économique allemande

L’Allemagne et la France ont été les berceaux de l’auto-

mobile. Cette genèse marque encore profondément le

paysage industriel outre-Rhin et explique probablement

le rapport fusionnel qu’entretiennent les Allemands à leur

voiture, qui doit être, comme de juste, une grosse berline,

fiable et bien motorisée. Aussi puissante que les secteurs

de la chimie et de la construction mécanique, l’industrie

automobile représente 1 emploi sur 7 en Allemagne.

Elle se caractérise notamment par ses exportations qui

représentent, comme au Japon, 75 % de la production

intérieure, et contribue à elle seule à l’image de qualité

et de fiabilité du «made in Germany», grâce aux marques

universelles des géants Daimler, BMW et Volkswagen.

Volkswagen, une puissance industrielle ancrée dans le territoire, qui s’appuie sur une stratégie d’innovation et une politique sociale ambitieuse

Emblématique de cette réussite, le groupe Volkswagen a vu

sa taille doubler en une décennie, pour atteindre l’an dernier

plus de 8 millions de véhicules vendus sous ses 10 marques

et un chiffre d’affaires de 159 Md€. Mieux, la rentabilité de

Volkswagen est exceptionnelle : c’est en effet le deuxième

groupe automobile au monde à franchir la barre symbolique

des 10 Md€ de bénéfice net (15,4 Md€) après Toyota en

2007-2008. Ses ambitions ne s’arrêtent pas là : le groupe

vise, à horizon 2018, la première place mondiale avec

10 millions de véhicules vendus. Ce dynamisme excep-

tionnel s’appuie sur un credo qui, au-delà de Volkswagen,

caractérise les secteurs industriels allemands les plus

compétitifs : le souci d’atteindre la satisfaction client tout

en restant un employeur attractif. Pour y parvenir, la straté-

gie de Volkswagen se fonde sur ce que l’on pourrait quali-

fier de « diptyque de la compétitivité allemande » :

Une politique d’exportation de long terme, qui s’appuie sur d’importants investissements en R&D et une rationali-sation industrielle très poussée

Longtemps menacé par Porsche, Volkswagen a renversé

la tendance en 2009, grâce à ses positions précoces au

Brésil (2ème marché du groupe, présence depuis 1953) et

en Chine (1er marché du groupe, sur lequel il s’est implan-

té dès 1982, et pour lequel un plan d’investissement de

14 Md d’€ est en cours). Le groupe bénéficie ainsi pleine-

ment du dynamisme des BRICs qui, avec seulement 10 à

110 véhicules/1 000 habitants, sont aujourd’hui les mo-

8. La compétitivité industrielle allemande :le cas de Volkswagen

Par Romain JEANTET, Krzysztof KOZLOWSKI, Nora Sestna MACHURE, Catherine MOULIN, Jean-Patrick THIOLLET

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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

teurs de croissance de production et de vente, au contraire

des marchés occidentaux saturés (450 à 800 véhicules/

1 000 hbts). Tout un symbole : le marché allemand n’est

plus aujourd’hui que le 3ème marché du groupe.

Pour alimenter ce développement à l’export, Volkswagen

investit massivement dans la recherche et le développe-

ment. Ses dépenses globales de R&D se sont élevées à

6,1 Md€ en 2010, en croissance de 38 % depuis 2005.

Ce budget place le groupe à la 1ère place des entre-

prises européennes et au 3ème rang mondial. Par ailleurs,

Volkswagen a été, dès les années 1970, pionnier de

la rationalisation à l’extrême de l’outil industriel pour per-

mettre des économies d’échelle, en poussant plus loin

que tous les autres constructeurs la logique de plateformes

communes à différents modèles (en 1990, 60 modèles

différents étaient fabriqués sur 4 structures de base). Cette

démarche se poursuit aujourd’hui avec l’objectif de mu-

tualiser 70 % des modules électroniques et mécaniques

à l’ensemble des marques, ce qui permettrait de réduire

de 20 % les coûts liés aux achats. À une échelle supé-

rieure, Volkswagen a entrepris :

• de standardiser son modèle d’usine, permettant à chaque

site de se spécialiser davantage (fabrication et/ou as-

semblage de modules) tout en travaillant pour plusieurs

marques ;

• de réduire la dépendance aux sous-traitants (politique

d’insourcing) ;

• d’ouvrir de nouveaux sites au plus près des marchés les

plus porteurs.

Cette politique de mutualisation comporte cependant des

risques tels que les conséquences potentielles d’un défaut

de conception de module, qui affecterait un nombre accru

de modèles, ou le risque de cannibalisation de gamme.

Concernant ce dernier point, le risque pris par Volkswagen

est faible, car la logique est de mutualiser les éléments qui

ne se voient pas (moteur, boîte de vitesse) tout en différen-

ciant au maximum la carrosserie et l’habitacle. De ce fait,

l’ensemble des marques du groupe sont bien différenciées

et rentables, ce qui constitue un fait unique dans le secteur.

Un dialogue social résolument tourné vers le compromis, étayé par une « smart specialization » exemplaire

Caractéristique allemande, les objectifs du groupe et leurs

éventuelles conséquences en termes de délocalisations

et de nouvelles implantations font l’objet d’un échange

constructif entre la direction de l’entreprise et les syndi-

cats. Les divergences éventuelles sont débattues à huis

clos, afin de ne pas entraver la recherche de compromis.

Ceci permet d’aboutir à des accords à long terme, tels que

la semaine de 32 heures ou le maintien jusqu’en 2014 de

100 000 salariés allemands (20 % des effectifs du groupe),

garantissant une visibilité aux deux parties. Reste que cette

paix sociale a un coût dans la compétition mondiale : de

nombreux experts soulignent la faiblesse du bénéfice par

véhicule, qu’ils expliquent par des effectifs pléthoriques et

une productivité limitée.

Plus globalement, Volkswagen est un acteur ancré dans

le territoire qui l’abrite et au développement duquel il

contribue (projets « usine verte », repérage de talents dès

l’école primaire,…). En contrepartie, le territoire agit en tant

qu’investisseur institutionnel en étant partie prenante de

son actionnariat. Le Land de Basse-Saxe dispose ainsi

de 12,7 % du capital du groupe et de 20 % des droits de

vote, ce qui lui permet de peser de tout son poids aux

côtés des syndicats pour garantir l’emploi et l’implanta-

tion du groupe dans le territoire. La stabilité de l’actionna-

riat, pour partie familial, est ainsi renforcée, ce qui permet

d’assurer une visibilité successorale de la gouvernance. La

quatrième femme de l’actuel dirigeant Ferdinand Piëch est

d’ores et déjà désignée pour prendre sa succession.

Le système de formation professionnelle allemand, facteur de compétitivité

Le système de formation professionnelle en alternance, dit

« dual », associe l’apprentissage en entreprise à de l’ensei-

gnement. Les entreprises y jouent un rôle primordial, comme

on peut l’observer chez Volkswagen : lorsque les jeunes

quittent l’école, ils s’adressent directement aux entreprises ;

une fois leur contrat de travail signé, les apprentis sont af-

fectés à une école professionnelle où ils suivent des cours

un à deux jours par semaine. Le système s’appuie sur le

principe de la formation à un métier, pour lequel des règle-

ments-cadres ont été définis. La régulation du système

s’opère au niveau des corporations : représentés par des

commissions au niveau fédéral et régional, les partenaires

sociaux sont impliqués dans le processus de réorgani-

sation des métiers enseignés et négocient entre eux les

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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

rémunérations des formations concernées. Les examens

finaux sont organisés par les chambres de commerce et

d’industrie locales.

Le champ de l’éducation scolaire relève de la responsabili-

té de chacun des 16 Länder, dont le parlement vote les lois

qui s’y rapportent : le secteur préscolaire, les structures et

les contenus de l’éducation scolaire et les contenus de la

formation des enseignants relèvent ainsi des compétences

des Länder. Les innovations pédagogiques varient donc

selon le Land, mais les structures, les programmes sco-

laires et d’autres normes doivent être généralement res-

pectés dans chaque Land. Le temps des réformes de type

top down (expérimentation d’un modèle développé par les

autorités administratives et universitaires - évaluation auto-

ritaire - puis dissémination par décret) semble passé. Les

écoles sont invitées, lorsqu’elles disposent d’une équipe

dynamique et d’idées pour améliorer et promouvoir les

enseignements, à échanger avec des partenaires, tel que

Volkswagen.

Un système de recherche et d’innovation piloté au niveau fédéral et local

Côté R&D, l’Etat allemand s’attache principalement à rap-

procher secteur privé et secteur public, grâce à la mise en

place de clusters et une politique d’excellence.

Ainsi, le Karlsruher Institut für Technologie (KIT), insti-

tution d’enseignement et de recherche née de la fusion

de l’université de Karlsruhe et du centre de recherche

du Forschungszentrum Karlsruhe (Land Bade-Wurtem-

berg), a conduit à la création de centres de recherche

transversaux, dont un sur l’électromobilité qui intègre les

dimensions techniques et sociétales. La « voiture verte »,

à laquelle s’intéresse Volkswagen, est en effet devenue

un axe stratégique de développement pour la région : d’ici

à 2020, un million de véhicules électriques sont attendus

en Allemagne.

Ce pilotage fédéral et local du système de recherche et

d’innovation, qui génère parfois des difficultés (par ex.,

inscription des diplômés de l’Habitur à l’université), est

sans doute une des clefs de la diffusion de l’innovation

dans le territoire, au bénéfice de la compétitivité des entre-

prises allemandes.

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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Le modèle social de l’Allemagne repose sur des bases his-

toriques, politiques et économiques particulières et fonc-

tionne très différemment qu’en France. Dans ce carnet

de voyage, nous tentons d’analyser le système allemand

dans les étapes principales de la vie, en commençant par

le système d’éducation et de formation, puis la vie pro-

fessionnelle et enfin la vie du troisième âge, avec le défi

du vieillissement de la population. Peut-on vraiment parler

de « modèle », est-il durable ? Nous tenterons d’apporter

quelques pistes de réflexions.

Eléments de contexte démographique, politique et économique.

Depuis l’unification des deux États allemands en 1990,

l’Allemagne a une population d’environ 80 millions de per-

sonnes, dont 88 % est urbaine. La densité moyenne est

de 230 habitants au km², soit deux fois la densité moyenne

de la France.

La République fédérale d’Allemagne est un État fédéral

démocratique composé de seize Länder (États régio-

naux), disposant de compétences particulières. Le pou-

voir législatif appartient aux Länder lorsque la compétence

législative de l’État fédéral n’est pas expressément réglée

par la Loi fondamentale. Ainsi, la compétence législative

des Länder inclut, entre autres, les écoles et universités,

la culture et les fêtes légales, et les relations entre État et

Églises. L’administration et l’exécution des lois sont attri-

buées aux autorités des Länder, mises à part quelques

exceptions, comme par exemple le service diplomatique,

l’administration fiscale fédérale ou encore le service mili-

taire. Les membres du Bundesrat (Conseil fédéral) sont

nommés par les gouvernements des Länder. Il convient de

noter que le rôle du Bundesrat s’est récemment accru car

il est désormais en charge des rapports entre l’Allemagne

et l’Union Européenne.

L’Allemagne est la première puissance économique de

l’Union européenne et la quatrième puissance écono-

mique mondiale derrière les États-Unis, la Chine et le

Japon. Son produit intérieur brut (PIB) s’élevait à 2 404

milliards d’euros en 2009. L’économie de l’Allemagne

repose sur ses capacités d’exportation, contrairement à

la France dont la dynamique repose sur la consommation

intérieure L’Allemagne est deuxième exportateur mondial

de biens manufacturés et le premier partenaire commercial

de la France. Le solde de la balance commerciale de l’Alle-

magne affiche un excédent de près de 200 Md€, contre un

déficit de 70 Md€ pour la France.

Cette puissance économique a longtemps permis de

financer un système social solide, fondé sur l’assurance

et des cotisations, et non pas, comme en France, sur

l’impôt et la redistribution de la richesse. On peut donc

observer qu’en Allemagne, l’État est pratiquement ab-

sent dans le financement du modèle social. Les différents

régimes - vieillesse, maladie, chômage - sont régis par

des caisses de droit privé qui fonctionnent de façon au-

tonome, selon le principe de subsidiarité. Ces régimes

sociaux sont cogérés par les partenaires sociaux.

Ce modèle a très bien fonctionné des années cinquante

aux années quatre-vingt. Néanmoins, l’intégration des

nouveaux Länder de l’Est et de leurs 17 millions d’habi-

tants avec un modèle économique très différent, il y a

20 ans, a profondément déstabilisé le système de pro-

tection sociale.

C’est en fait le système national de protection sociale

qui a pris en charge la remise à niveau de l’industrie de

l’Est et le financement du chômage de masse qui en

résultait. Plus récemment, la crise financière a sérieu-

sement aggravé la situation. D’autres facteurs ont éga-

lement contribué à l’affaiblissement du système social

allemand.

9. Capital humain et modèle social allemand :quelles spécificités ?

Par Corinne BOREL, Carole COUVERT, Anne RIZAND, Walter ROEST, Marc SOULAS

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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Le système de formation allemand : un modèle «dual» souvent cité en exemple mais confronté à de nouveaux défis

La formation professionnelle en Allemagne est issue d’une

tradition remontant au Moyen-Age, où l’on formait déjà

les jeunes aux métiers artisanaux, commerciaux et tech-

niques.

A partir de 1945, les Länder (régions) assument la respon-

sabilité de la politique éducative, en toute autonomie par

rapport au gouvernement central (le Bund).

Les années 60 sont marquées par la volonté d’instaurer

l’égalité des chances et d’améliorer la qualité de la forma-

tion professionnelle : la loi de 1969 consacre un champ

très étendu à l’apprentissage.

Après une entrée facultative à l’école maternelle à 3 ans, le

jeune Allemand intègre l’école primaire à 6 ans, pour 4 ans.

Il suit un cycle d’orientation de 2 ans, et intervient alors

un choix précoce de filière, dont il est difficile de changer

ensuite :

• une filière «Hauptschule», axée sur la pratique, préparant

à l’apprentissage, où l’on retrouve notamment les enfants

d’immigrants,

• une filière «Realschule», équivalent du collège d’ensei-

gnement général, conduisant à une qualification profes-

sionnelle (notamment professions administratives), ou aux

écoles supérieurs de technologie,

• une filière «Gymnasium», menant à l’Abitur (baccalauréat)

et à l’Université.

Plus de 50 % d’une classe d’âge s’oriente vers des filières

professionnelles, la formation duale revêt un certain pres-

tige car elle apparaît comme une garantie contre le chô-

mage.

Le système est négocié entre pouvoirs publics, organisa-

tions patronales et syndicats de salariés, donnant la pri-

mauté au métier, avec des référentiels co-construits, et

réformés lorsque le métier évolue.

Cependant, le système conserve une certaine rigidité, il est

plus adapté à l’industrie qu’aux autres secteurs de l’éco-

nomie. Ainsi, l’Allemagne manque aujourd’hui d’ingénieurs

de haut niveau, le système éducatif ayant du mal à attirer

des candidats brillants vers les études supérieures, car la

filière de l’apprentissage est plus attractive. La mise en

place du système dual dans les Länder de l’Est a égale-

ment posé problème en raison du chômage et du manque

de places d’apprentissage dans des emplois qualifiés. Le

financement reste par ailleurs un enjeu majeur car la loi

n’encadre pas celui-ci.

Si l’apprentissage reste un maillon-clé du marché du

travail allemand, opérant une pré-sélection, la transition

entre apprentissage et emploi devient plus problématique

qu’autrefois.

Par ailleurs, comme les programmes sont de la respon-

sabilité des Länder, les niveaux de formation ne sont pas

équivalents d’un Land à l’autre, ce qui ne facilite pas la mo-

bilité étudiante : ainsi le jeune allemand d’un Land «pauvre»

de l’Est n’a-t-il que très peu de chances d’intégrer une

université prestigieuse de Munich ou Heidelberg… Autre

défi que celui de l’équité d’accès à la formation, notam-

ment supérieure, auquel se trouve confrontée l’Allemagne

d’aujourd’hui.

Le monde professionnel à l’abri de la crise ?

Considérée souvent comme un modèle avec son absence

de conflits sociaux, un chômage relativement faible et une

balance commerciale largement excédentaire, l’Allemagne

doit cependant faire face à de nouveaux défis : la crise

économique et financière a crée des tensions sociales as-

sez fortes, caractérisées par un syndicat légèrement moins

représentatif des salariés lors des décisions stratégiques

prises par les entreprises, l’augmentation des inégalités

sociales entre les populations (le nombre de pauvres ne

cesse d’augmenter, 15 % en Allemagne contre 13 % en

France), mais aussi entre les Länder (certains connaissent

des taux de chômage de 14 à 15 %).

Les qualifications deviennent vite obsolètes et le nombre

d’emplois précaires augmente significativement (le temps

partiel est préféré au licenciement). On peut également

noter l’accroissement du nombre de familles monopa-

rentales, l’augmentation du travail des femmes, malgré la

difficile conciliation entre vie familiale et vie professionnelle

ainsi que l’aspiration sociale à davantage de sécurité dans

la population. S’y ajoutent les changements des modes

de vie, notamment l’augmentation de la mobilité géogra-

phique qui entraîne un affaiblissement des solidarités de

proximité (personnes âgées).

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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

Contrairement à la France, la population allemande est en

déclin, à cause d’un faible taux de fécondité. L’Allemagne

fait d’ores et déjà face à des tensions sur le marché du

travail : manque de main d’œuvre et d’ingénieurs, difficulté

de reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger.

Selon certains experts, l’Allemagne a un besoin urgent de

travailleurs venant de l’étranger (aujourd’hui 8,2 % de la

population). Or, comme nous avons pu le constater pen-

dant ce voyage, l’intégration des immigrants (par exemple

la population turque à Hambourg) reste à améliorer, et les

tensions sociales risquent d’augmenter si l’Allemagne doit

faire à nouveau un appel massif à l’immigration.

Retraites et dépendance : le défi du vieillissement, quelles implications sur le modèle économique ?

L’Allemagne doit faire face à un défi démographique im-

mense, connu depuis longtemps : depuis 40 ans, son taux

de natalité est faible, pour atteindre aujourd’hui un taux de

1,3 %. Dans le même temps, l’espérance de vie de ses

habitants progresse, atteignant 82 ans pour les femmes et

77 ans pour les hommes.

Ainsi la population allemande non seulement diminue,

notamment chez les jeunes, mais aussi vieillit de façon

accélérée :

• 82 millions d’habitants en 2010. En 2050, sa population

devrait se réduire à 74 millions,

• 15 millions de jeunes de moins de 20 ans en 2010, elle

n’en aura plus que 11 millions en 2050,

• les personnes de plus de 60 ans représentent 26 % de la

population en 2010, elles devraient en représenter 40 %

en 2050,

• les personnes de plus de 80 ans représentent 4 % de la

population en 2010, elles devraient en représenter 14 %

en 2050.

Ces derniers chiffres ont une signification importante :

nombre de ces seniors n’auront pas de descendants

familiaux pour s’occuper d’eux s’ils sont atteints de

dépendance. Or à 80 ans, la perte d’autonomie touche

1 personne sur 3, et 20 % des octogénaires sont atteints

par des problèmes de santé mentale. On note aussi une

augmentation de la mobilité géographique des actifs,

qui entraîne un affaiblissement des solidarités de proximité

vis-à-vis des personnes âgées.

Le coût de la prise en charge sociale de la dépendance

va donc s’accroître, en l’absence de structures familiales

suffisantes.

Comme indiqué dans l’introduction, le modèle allemand

de cette prise en charge repose plutôt sur un système

d’assurances et de cotisations professionnelles, et peu sur

l’impôt et la redistribution comme en France. Si le finan-

cement public d’une couverture universelle existe en Alle-

magne, l’Etat reste cependant moins prédominant qu’en

France, la mentalité allemande restant très réservée vis-à-

vis des interventions de l’Etat dans la sphère privée.

L’Allemagne a ainsi mis au point des dispositifs originaux,

tels que le congé de soutien familial : un système flexible,

qui permet à un salarié de bénéficier d’une période de mi-

temps payée 75 % pour s’occuper d’un parent dépen-

dant, cette période étant ultérieurement compensée par

une reprise à temps complet payée à 75 %.

Pour limiter les conséquences de la démographie décli-

nante - l’Allemagne va perdre 6 millions d’actifs en 20 ans -

l’Etat veut réintroduire les personnes âgées dans le monde

du travail, et porte cette volonté à travers un slogan :

« l’âge a un avenir ».

Au bilan, le déclin démographique constant, le pourcen-

tage croissant de personnes âgées, l’accroissement du

nombre de familles monoparentales, l’évolution du marché

du travail vont pousser les systèmes de protection sociale

actuels en limite de capacité et remettre en cause leurs

équilibres.

Perspectives : le modèle allemand est-il durable ?

Le modèle social allemand, particulièrement cité en

exemple dans cette période de crise financière et plus

généralement de crise politique de l’Europe, a permis à

l’Allemagne de rester une puissance économique incon-

tournable. Néanmoins, il suscite aujourd’hui un certain

nombre d’interrogations. Si pour certains il est encore un

exemple à suivre, pour d’autres, le modèle social allemand

n’a pas su s’adapter aux mutations en cours sur le plan

économique, social et démographique : les inégalités so-

ciales s’accroissent, le niveau de pauvreté gagne du ter-

rain avec la multiplication des emplois précaires, particu-

lièrement chez les jeunes, qui vont devoir payer une lourde

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Carnets du voyage d’études à Hambourg et Berlin Cycle national 2011-2012

charge sociale avec le vieillissement de la population. Le

système économique est basé essentiellement sur l’expor-

tation de produits manufacturés de hautes technologies

(deuxième exportateur mondial, l’Allemagne assure par

ses exportations plus de 10 % du commerce mondial) et

entre en compétition directe avec les grands pays émer-

gents comme la Chine, dont le développement high-tech

et le potentiel démographique (étudiants formés, main

d’oeuvre) constituent un danger réel à moyen terme.

Moins tournée vers l’innovation de rupture, l’Allemagne

saura-t-elle s’adapter aux nouveaux marchés, à l’inno-

vation non technologique ? La paupérisation des classes

moyennes, les difficultés économiques qui affaiblissement

le partenariat social vont-ils remettre en cause la cohésion

sociale allemande, qui lui ont jusqu’aujourd’hui permis

d’absorber les crises économiques depuis les années 90 ?

Sur le plan politique, l’Allemagne devra composer avec

la nécessité d’un pouvoir fédéral plus fort pour accroître

l’impact de sa politique industrielle et sociale, sans s’isoler

vis-a-vis des autres pays européens.

Annexes

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DFG : Deutsche Forschungsgemeinschaft. La DFG est une agence de moyens qui a pour mission de promouvoir la recherche scientifique en Allemagne. C’est le principal outil pour le soutien sur projets de la recherche universitaire. www.dfg.de BMBF : Bundesministerium für Bildung und Forschung. Ministère fédéral de l’Education et de la Recherche. www.bmbf.de BMWi : Bundesministerium für Wirtschaft und Technologie. Ministère fédéral de l’Economie et de la Technologie. www.bmwi.de BMF : Bundesministerium der Finanzen. Ministère fédéral des Finances. www.bundesfinanzministerium.de BMU : Bundesministerium für Umwelt, Naturschutz und Reaktorsicherheit. Ministère fédéral de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sécurité nucléaire. www.bmu.de DAAD : Deutscher Akademischer Austausch Dienst. Office allemand des échanges universitaires. www.daad.de IBA : Internationale Bauausstellung : exposition internationale d’architecture.

Glossaire

Annexes

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Mme Nathalie Alazard-Toux, directrice, direction Economie et Veille, IFP Energies nouvelles

M. Olivier Audouin, directeur des affaires externes, Alcatel-Lucent Bell Labs France M. Lotfi Bel-Hadj, président, fonds LBH Développement M. Eric Bernard, directeur de la stratégie, direction générale technique, Dassault Aviation M. Frédéric Bernard, directeur général adjoint , UMC santé Prévoyance M. Dominique Berry, directeur adjoint, département systèmes biologiques, CIRAD Mme Corinne Borel, adjointe au directeur, direction des sciences de la matière, CEA M. Eric Bridot, directeur technique Recherche et Technologie, division Safran Electronics, Sagem Défense Sécurité M. Jean-François Cervel, inspecteur général de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche, ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative M. François Chevoir, directeur adjoint, laboratoire Navier, Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) M. Jérôme Coppalle, adjoint au sous-directeur de l’innovation, direction générale de l’enseignement et de la recherche, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du territoire Mme Carole Couvert, présidente du groupe CFE-CGC, Conseil Economique Social et Environnemental M. Patrick Creze, directeur, adjoint au délégué, Délégation interministérielle à l’Aménagement du territoire et à l’Attractivité régionale (DATAR) Mme Véronique Debisschop, directrice de l’Action régionale, de l’Enseignement supérieur et de l’Europe, direction générale, INRA M. Hubert Duault, directeur général, Paris Développement M. Olivier Fohanno, commissaire divisionnaire, chef de la mission pour la politique de l’innovation et des partenariats technologiques, service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure, direction générale de la police nationale, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration M. Thomas Emmanuel Gérard, fondateur et gérant, SUSTENN M. Xavier Grison, responsable du pôle matériaux et composants, direction générale de l’armement, ministère de la Défense et des Anciens CombattantsMme Françoise Guégot, députée de Seine-Maritime M. Gilbert Isoard, président de R3D3 ; directeur du Collège des Hautes Etudes de l’Environnement et du Développement Durable-Méditerranée (CHEDD Méditerranée) M. Joël Jacquet, délégué à la recherche et aux relations industrielles, campus de Metz, Supelec M. Romain Jeantet, professeur, Institut supérieur des sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage, Agrocampus Ouest M. Amaury Jourdan, directeur technique, systèmes d’information et de communication, Thales Communications SA

Liste des auditeurs du cycle national 2011 / 2012

Annexes

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Mme Sacha Kallenbach, inspectrice générale de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche ; ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative Mme Azar Khalatbari, journaliste, chef de rubrique, département Presse, Sciences et Avenir M. Krzysztof Kozlowski, directeur, Telekomunikacja Polska, Orange Labs (Pologne) M. Philippe Le Moing-Surzur, sous-directeur des études et des projets, direction des systèmes d’information et de communication, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration Mme Cécile Lestienne, directrice de la rédaction, Arts Magazine Mme Hélène Lucas, chef du département de génétique et d’amélioration des plantes, INRA Mme Sestna Machure, proviseure, lycée Albert Einstein, Académie de Versailles M. Arnaud Massip, administrateur adjoint, section des activités économiques du Conseil économique, social et environnemental Mme Malika Meddahi, membre de l’équipe de coordination de l’opération du grand collisionneur de hadrons, adjointe du chef de projet des injecteurs du LHC, CERN Mme Nathaly Mermet, journaliste, correspondante, Biotech Info Mme Catherine Moulin, directrice santé et environnement, SFR M. Jean-Pierre chargé de mission partenariats, direction générale, Pechmegre-Caminade, Synchrotron SOLEIL M. Eric Postaire, chargé de mission auprès des Secrétaires perpétuels, Académie des sciences M. Ramesh Pyndiah, responsable du département signal et communications, Telecom Bretagne Mme Catherine Rabbe, adjointe au chef de programme Aval du cycle actuel, direction de l’énergie nucléaire, CEA Mme Claire Rioux, inspecteur de l’Education nationale, Académie Orléans-Tours, ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et de la Vie Associative Mme Anne Rizand, directrice régionale Auvergne-Limousin, Cemagref M. Walter Roest, responsable des secteurs géosciences et écosystèmes profonds, direction de la prospective et de la stratégie scientifique, Ifremer M. Stéphane Roy, adjoint au chef du service environnement et procédés innovants, BRGM M. Marc Soulas, chef de la division criminalistique, ingénierie et numérique, Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale, ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration M. Jean-Michel Tanguy, directeur de projet, direction de la recherche et de l’innovation du Commissariat général au développement durable, ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement M. Jean-Patrick Thiollet, chef du pôle rayonnement en charge des affaires publiques et des relations institutionnelles, Marine nationale, ministère de la Défense et des anciens combattants M. Bruno Wiart, ingénieur en chef système, logiciel et systèmes d’information critiques, direction technique, Thales Alenia Space