Cartes postales Hermès

L’orage a éclaté dans l’obscurité perlée et chaude de Tokyo. La pluie charriait sous mes pieds

presque nus une odeur d’asphalte, de cardamome et de gingembre.

Il m’a abritée, et le long du trottoir, nous avons éclaboussé ensemble

les flaques d’eau pleines de nuit. Il m’a donné son parapluie, laissant contre ma peau un parfum frais et

animal.

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LA CRÉATION EN MOUVEMENT _ _ _ Voyage d’Hermès _ _ _ UN VOYAGE EN PARTAGE

L’étoffe de couleur baie serpentait comme une flamme sur son corps en transe, désarticulé par des rythmes

tribaux qui résonnaient le long de mes jambes.

Ses pieds et ses mains martelaient le sol comme quatre doigts courant sur la peau d’un tambour. Ses muscles fins et noueux ont inscrit pour toujours sur ma

rétine des cercles et des symboles secrets.



Leurs nuits sont plus belles que nos jours. Les vivants s’agitent en silence dans leurs tombeaux cathédrales.

Tandis que, dans le labyrinthe d’une flore exubérante, les demeures des morts obombrent, sous un feuillage

boisé, une sereine nostalgie.



Dehors, la moiteur de serre d’une ville sous cloche imbibe la chair et le béton

d’une même pellicule de sueur métallique et parfumée.

De l’autre côté de la paroi de verre, je suis comme l’un de ces poissons fugus, que les restaurants exhibent dans un

aquarium avant de les cuisiner. Quelques minutes de répit dans cette

eau fraîche, avant de plonger à nouveau dans la chaleur blanche de

Tokyo.



Dans leur écrin noir et satiné, les Moshicream m’attendent

tranquillement en rangs gourmands et multicolores. Leur ventre rond est plein

d’une promesse sucrée.

Des notes de vanille, de thé matcha, ou encore de figue… Je retournerais bien à Tokyo uniquement pour cette bouchée glacée et parfumée dont la texture poudrée est définitivement

addictive !



Pour l’étranger de passage, le soleil ne se lève jamais sur l’empire des signes. Les idéogrammes transforment Tokyo en œuvre d’art totale et tentaculaire.

A chaque pas, l’être neuf que je suis dans cette mégalopole japonaise se

heurte avec délices à l’absence d’évidence de signes qui restent obstinément muets et opaques.

Absence de sens et éveil des sens.



Le voyage enrichit le regard que l’on porte sur le monde, tout comme l’art. Porter son attention sur un détail qui fera sens, c’est peut-être bien cela

« avoir une vision ».

Dans le quartier d’Ueno, mon préféré, je remarque ce visage qui me fait de l’oeil, sur un simple pilier noir. Son auteur me dit : « moi aussi, j’ai été là ». Comme le voyage, l’art est un

échange de regards.



Au cœur de Tokyo, un îlot de calme rouge et or m’invite à la contemplation du silence apaisant qui règne dans ce

sanctuaire shintoïste, tapi entre les rues de Shinjuku.

L’humidité sombre des plantes diffuse une senteur d’agrumes et d’épices qui m’est étrangement familière. Au loin,

j’entends la nuit s’agiter telle un insecte entre les néons.



Le départ est proche, et pourtant j’ai l’impression que je ne quitterai jamais vraiment Tokyo, comme si son odeur

faisait désormais corps avec moi.

Une sensation de vertige délicieux me saisit du haut de cette tour démesurée.

Le ciel gris a déposé sur la vitre un voile de gouttes d’eau, comme pour

amplifier ce sentiment d’irréalité.



Entre les immeubles indifférents, une étendue mouvante de lotus vivaces et

verdoyants ajoute à l’humidité ambiante.

Dans la chaleur scintillante de midi, les effluves végétales accompagnent

lentement mes pas jusqu’à un temple. Le temps semble avoir ralenti sa

course nomade dans ce parc insolite et accueillant.



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