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OBSERVATION Une femme âgée de 77 ans fut admise pour des lom- balgies, une instabilité à la marche, et une impériosité mictionnelle évoluant depuis quatre jours. Dans ses antécédents, on note une hypertension arté- rielle traitée par nicardipine Lp 50 mg deux comprimés par jour, une fibrillation auriculaire non valvulaire traitée par dabigatran 150 mg deux comprimés par jour, et une cataracte bilatérale opérée. Le début de la symptomato- logie remontait à trois mois avant son admission quand la patiente commença à avoir une instabilité à la marche qui s’aggravait progressivement. Quatre jours avant l’hos- pitalisation, elle signala des difficultés pour se déplacer, une impériosité mictionnelle et une lombalgie irradiante aux deux membres inférieurs. À l’admission, la patiente était en bon état général, consciente, coopérante et bien orientée. Sa pression arté- rielle était normale et elle était apyrétique. L’examen neu- rologique des membres supérieurs était normal. Il exis- tait, en revanche, une hypoesthésie tactile au niveau des jambes et des pieds avec une force musculaire normale au niveau des membres inférieurs au plan du lit. La marche était instable avec une tendance à la rétropulsion. Les réflexes ostéotendineux étaient normaux aux quatre 58 Journal Médical Libanais 2017 • Volume 65 (1) CAS CLINIQUE / CASE REPORT TROUBLES DE LA MARCHE PROGRESSIVE SECONDAIRES À UNE FISTULE DURALE PÉRIMÉDULLAIRE LOMBAIRE À propos d’un cas http://www.lebanesemedicaljournal.org/articles/65-1/case4.pdf Hatem KORRI 1,2 , Adnan AWADA 1 , Corinne GUIZIOU 2 , Françoise POUGNARD-BELLEC 2 , Serge MASSENGO 2 Korri H, Awada A, Guiziou C, Pougnard-Bellec F, Massengo S. Troubles de la marche progressive secondaires à une fistule durale périmédullaire lombaire: à propos d’un cas. J Med Liban 2017 ; 65 (1) : 58-61. Korri H, Awada A, Guiziou C, Pougnard-Bellec F, Massengo S. Progressive gait difficulties secondary to a lumbar medul- lary dural fistula. Case report. J Med Liban 2017 ; 65 (1) : 58-61. RÉSUMÉ Introduction : La fistule artérioveineuse durale à drainage médullaire est une maladie rare qui peut aboutir à des déficits neurologiques irréversibles si elle n’est pas traitée rapi- dement. Les symptômes initiaux sont peu spécifiques ce qui peut retarder le diagnostic. Nous présentons le cas d’une pa- tiente présentant une fistule artérioveineuse médullaire spinale lombaire révélée par des lombalgies, troubles de la marche et impériosité mictionnelle. Observation : Une patiente de 77 ans admise pour des lombalgies, une instabilité à la marche, et une impériosité mictionnelle évoluant depuis trois mois. L’ iRM ra- chidienne et l’artériographie médullaire montrèrent une fistule artérioveineuse périmédullaire alimentée principalement par l’artère radiculaire L3 droite. La patiente fut traitée chirurgicale- ment par une ligature de la fistule retrouvée entre L2 et L5. Trois mois et demi après l’opération, l’évolution clinique était marquée par la persistance d’une symptomatologie comportant une para- parésie, des foumillements des membres inférieurs et une impé- riosité mictionnelle, malgré une IRM de contrôle montrant une disparition des anomalies. Discussion & Conclusion : Les fis- tules durales rachidiennes à drainage veineux périmédullaires sont les plus fréquentes anomalies artérioveineuses intrarachi- diennes. Rares et souvent méconnues, elles entraînent l’appari- tion d’une myélopathie chronique par hyperpression veineuse. L’IRM médullaire complétée d’une artériographie médullaire confirme le diagnostic. En l’absence de traitement, l’évolution se fait lentement vers une paraplégie définitive. Un diagnostic et une prise en charge précoce permettent d’éviter les séquelles neurologiques graves dans la majorité des cas. Mots-clés : fistule durale, rachis, IRM, angiographie ABSTRACT Introduction : Dural arteriovenous fistula with spinal drainage is a rare disease that can lead to irre- versible neurological deficits if it is not treated quickly. Initial symptoms are nonspecific and may delay diagnosis. We present the case of a patient with spinal lumbar arteriove- nous fistula revealed by back pain, gait disorders and uri- nary urgency. Case report : A 77-year-old female patient was admitted for back pain, instability when walking, and urinary urgency for the last three months. Spinal magnetic resonance imag- ing then spinal angiography showed a perimedullary arterio- venous fistula fed primarily by the right L3 radicular artery. The patient was treated surgically with closure of the fistula found from L2 to L5 levels. Three and a half months after the operation, there was little improvement of the parapare- sis, tingling in the lower limbs and urinary urgency, despite the disappearance of the anomalies on follow-up magnetic resonance imaging. Discussion & Conclusion : Dural spinal fistulas with perimedullary venous drainage are the most frequent intra- spinal arteriovenous anomalies. They are rare and often un- known. They cause the appearance of a chronic myelop- athy by venous stasis and hypertension. Spinal magnetic resonance imaging supplemented with spinal cord angio- graphy confirms the diagnosis. In the absence of treatment, evolution proceeds slowly towards a permanent paraplegia. Early diagnosis and management can avoid severe neuro- logic sequelae in most cases. Keywords: dural fistula, spine, MRI, angiography Service de neurologie, 1 CHU Hôtel-Dieu de France, Beyrouth, Liban; 2 Centre Hospitalier Lannion-Trestel, Lannion, France. Correspondance : Dr Hatem Korri. e-mail: [email protected]

CAS CLINIQUE/CASE REPORT TROUBLES DE LA … · tion d’une myélopathie chronique par hyperpression veineuse. L’IRM médullaire complétée d’une artériographie médullaire

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OBSERVATION

Une femme âgée de 77 ans fut admise pour des lom-balgies, une instabilité à la marche, et une impériositémictionnelle évoluant depuis quatre jours.

Dans ses antécédents, on note une hypertension arté-rielle traitée par nicardipine Lp 50 mg deux compriméspar jour, une fibrillation auriculaire non valvulaire traitéepar dabigatran 150 mg deux comprimés par jour, et unecataracte bilatérale opérée. Le début de la symptomato-

logie remontait à trois mois avant son admission quandla patiente commença à avoir une instabilité à la marchequi s’aggravait progressivement. Quatre jours avant l’hos-pitalisation, elle signala des difficultés pour se déplacer,une impériosité mictionnelle et une lombalgie irradianteaux deux membres inférieurs.

À l’admission, la patiente était en bon état général,consciente, coopérante et bien orientée. Sa pression arté-rielle était normale et elle était apyrétique. L’examen neu-rologique des membres supérieurs était normal. Il exis-tait, en revanche, une hypoesthésie tactile au niveau desjambes et des pieds avec une force musculaire normale auniveau des membres inférieurs au plan du lit. La marcheétait instable avec une tendance à la rétropulsion. Lesréflexes ostéotendineux étaient normaux aux quatre

58 Journal Médical Libanais 2017 • Volume 65 (1)

CCAASS CCLLIINNIIQQUUEE//CCAASSEE RREEPPOORRTTTROUBLES DE LA MARCHE PROGRESSIVESECONDAIRES À UNE FISTULE DURALE PÉRIMÉDULLAIRE LOMBAIREÀ propos d’un cashttp://www.lebanesemedicaljournal.org/articles/65-1/case4.pdfHatem KORRI1,2, Adnan AWADA1, Corinne GUIZIOU2, Françoise POUGNARD-BELLEC2, Serge MASSENGO2

Korri H, Awada A, Guiziou C, Pougnard-Bellec F, Massengo S.Troubles de la marche progressive secondaires à une fistuledurale périmédullaire lombaire: à propos d’un cas. J Med Liban2017 ; 65 (1) : 58-61.

Korri H, Awada A, Guiziou C, Pougnard-Bellec F, Massengo S.Progressive gait difficulties secondary to a lumbar medul-lary dural fistula. Case report. J Med Liban 2017 ; 65 (1) :58-61.

RÉSUMÉ • Introduction : La fistule artérioveineuse durale àdrainage médullaire est une maladie rare qui peut aboutir à desdéficits neurologiques irréversibles si elle n’est pas traitée rapi-dement. Les symptômes initiaux sont peu spécifiques ce quipeut retarder le diagnostic. Nous présentons le cas d’une pa-tiente présentant une fistule artérioveineuse médullaire spinalelombaire révélée par des lombalgies, troubles de la marche etimpériosité mictionnelle. Observation: Une patiente de 77 ansadmise pour des lombalgies, une instabilité à la marche, et uneimpériosité mictionnelle évoluant depuis trois mois. L’ iRM ra-chidienne et l’artériographie médullaire montrèrent une fistuleartérioveineuse périmédullaire alimentée principalement parl’artère radiculaire L3 droite. La patiente fut traitée chirurgicale-ment par une ligature de la fistule retrouvée entre L2 et L5. Troismois et demi après l’opération, l’évolution clinique était marquéepar la persistance d’une symptomatologie comportant une para-parésie, des foumillements des membres inférieurs et une impé-riosité mictionnelle, malgré une IRM de contrôle montrant unedisparition des anomalies. Discussion & Conclusion: Les fis-tules durales rachidiennes à drainage veineux périmédullairessont les plus fréquentes anomalies artérioveineuses intrarachi-diennes. Rares et souvent méconnues, elles entraînent l’appari-tion d’une myélopathie chronique par hyperpression veineuse.L’IRM médullaire complétée d’une artériographie médullaireconfirme le diagnostic. En l’absence de traitement, l’évolution sefait lentement vers une paraplégie définitive. Un diagnostic etune prise en charge précoce permettent d’éviter les séquellesneurologiques graves dans la majorité des cas.

Mots-clés : fistule durale, rachis, IRM, angiographie

ABSTRACT • Introduction : Dural arteriovenous fistulawith spinal drainage is a rare disease that can lead to irre-versible neurological deficits if it is not treated quickly. Initialsymptoms are nonspecific and may delay diagnosis. Wepresent the case of a patient with spinal lumbar arteriove-nous fistula revealed by back pain, gait disorders and uri-nary urgency.

Case report : A 77-year-old female patient was admittedfor back pain, instability when walking, and urinary urgencyfor the last three months. Spinal magnetic resonance imag-ing then spinal angiography showed a perimedullary arterio-venous fistula fed primarily by the right L3 radicular artery.The patient was treated surgically with closure of the fistulafound from L2 to L5 levels. Three and a half months afterthe operation, there was little improvement of the parapare-sis, tingling in the lower limbs and urinary urgency, despitethe disappearance of the anomalies on follow-up magneticresonance imaging.

Discussion & Conclusion : Dural spinal fistulas withperimedullary venous drainage are the most frequent intra-spinal arteriovenous anomalies. They are rare and often un-known. They cause the appearance of a chronic myelop-athy by venous stasis and hypertension. Spinal magneticresonance imaging supplemented with spinal cord angio-graphy confirms the diagnosis. In the absence of treatment,evolution proceeds slowly towards a permanent paraplegia.Early diagnosis and management can avoid severe neuro-logic sequelae in most cases.

Keywords: dural fistula, spine, MRI, angiography

Service de neurologie, 1CHU Hôtel-Dieu de France, Beyrouth,Liban; 2Centre Hospitalier Lannion-Trestel, Lannion, France.

Correspondance : Dr Hatem Korri.e-mail: [email protected]

membres. Les réflexes cutanés plantaires étaient en flexionbilatéralement. Les nerfs crâniens étaient normaux. Misà part une impériosité mictionnelle, il n’y avait pas detroubles sphinctériens ou autonomes.

L’IRM* rachidienne sans injection de contraste augadolinium (Figure 1) montra une réduction du canal cer-vical par une pathologie uncodiscarthrosique étagée maissans myélopathie cervicarthrosique. À l’étage thoracique,on retrouva une hétérogénéité du signal intraosseuse etsurtout un hypersignal T2 intramédullaire étendu de T5-T6 jusqu’au cône médullaire qui est globuleux témoignantd’une myélite étagée de T5/T6 jusqu’au cône médullaire.L’IRM rachidienne avec injection de contraste au gadoli-nium montra un hypersignal T2 intramédullaire étendu deT5 jusqu’au cône médullaire avec un rehaussement en T1de la lésion médullaire centrale et un aspect globuleuxs’étendant de T5-T6 au cône médullaire évoquant unemyélite inflammatoire mais ne pouvant éliminer toutefoisune fistule durale avec souffrance médullaire.

L’IRM médullaire avec injection de contraste au gado-linium et l’angio-IRM médullaire montrèrent un hypersi-gnal T2 et semblant rehausser en T1 après injection, encentro-médullaire, étendu de T6 à L1 évocateur d’œdèmemédullaire. Il s’y associe la présence de nombreuses struc-tures vasculaires dilatées, serpigineuses autour du cordonmédullaire sur quasiment toute sa hauteur. Sur la séquenced’angio-résonance magnétique (ARM), il s’agit d’une di-latation multiétagée et une opacification du réseau vascu-laire périmédullaire. Cet aspect est en faveur d’une fistuledurale périmédullaire thoracique avec œdème médullaireet la prise de contraste centromédullaire ne permet pasd’éliminer une atteinte inflammatoire. L’artériographiemédullaire (Figure 2) confirma la présence d’une fistuleartérioveineuse à retour veineux périmédullaire dont l’affé-rence principale artérielle est issue de l’artère radiculaireL3 droite.

Les examens biologiques montrèrent les résultats sui-vants : leucocytes à 6330/mm3 avec 2026/mm3 de neutro-philes, hémoglobine à 13,3 g/l, plaquettes à 307000/mm3.Les électrolytes, urée, créatinine, glycémie, transaminases,calcémie, bilirubine totale, TSH étaient normaux. Le cho-lestérol total était à 2,34 g/l, HDL cholestérol à 0,60g/l,LDL cholestérol à 1,46 g/l et triglycérides à 1,39 g/l. Lesprotéines sériques étaient à 66 g/l avec un taux d’albumineà 38,3 g/l. La vitesse de sédimentation était à 34 mm/het la protéine C réactive (CRP) à 3,2 mg/l. L’étude du li-quide céphalorachidien (LCR) révéla un liquide limpide,avec 6 leucocytes/microlitre et 3 hématies/microlitre, uneprotéinorachie à 0,75 g/l et une glycorachie à 0,66 g/l.L’IgG du LCR était à 7,46 g/l et l’IgG plasmatique à 7,46g/l. L’index IgG était à 0,531 et donc en défaveur d’unesynthèse intrathécale.

L’isoélectrofocalisation du LCR et du sérum n’avaitpas mis en évidence une détection de bandes oligoclo-nales. L’examen direct et les cultures pour bactéries ettuberculose du LCR étaient négatifs. La sérologie des

infections à herpès simples virus 1 et 2, des infections àHTLV (virus T-lymphotropique humain), de la brucel-lose, de cytomégavirus, de Lyme, HIV et de VDRL étaitnégative.

Les anticorps antitréponémiques étaient négatifs. Lecuivre sérique et l’enzyme de conversion de l’angioten-sine étaient normaux. Les autoanticorps antinucléairesétaient à 160. Les autoanticorps anti-ADN natif et lesautoanticorps antiantigènes nucléaires solubles étaientnégatifs.

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FIGURE 1. IRM de la jonction dorsolombaireen coupe sagittale T2 montrant des images vasculairesautour du cône médullaire faisant évoquer une malformationvasculaire à ce niveau.

FIGURE 2. Artériographie médullairemontrant une fistule durale alimentée par l’artère radiculaireL3 droite.

*IRM : Imagerie/Image par résonance magnétique.

La vitamine B12 était à 142 pg/ml, les folates sériquesétaient à 4,66 ng/ml et la vitamine B1 (thiamine) étaitnormale. Nous avions donc supplémenté la patiente enacide folique et vitamine B12, supplémentation qui n’apas été suivie d’une amélioration clinique.

La radiographie du thorax et l’ECG standard étaientnormaux. L’échographie des voies urinaires et le scannerthoraco-abdomino-pelvien étaient normaux.

La patiente fut opérée de sa fistule artérioveineusemédullaire spinale lombaire. Les suites opératoires immé-diates étaient marquées par l’aggravation des troublesneurologiques à type de paraparésie sévère prédominantau niveau du membre inférieur droit.

Trois mois et demi après l’opération, l’évolution cli-nique était marquée par la récupération progressive desa paraparésie surtout au niveau du membre inférieurgauche avec difficultés à marcher – sauf avec deuxcannes –, par la persistance des fourmillements desmembres inférieurs et de l’impériosité mictionnelle avecparfois des fuites urinaires. L’IRM médullaire de con-trôle à 3 mois postopératoire met en évidence la dispa-rition des anomalies initiales.

DISCUSSION

Les fistules durales rachidiennes à drainage veineuxpérimédullaires sont les plus fréquentes des anomaliesartérioveineuses intrarachidiennes [1,2]. Elles sont rareset souvent méconnues. Il s’agit de microshunts artério-veineux de 40 à 140 µ [3], siégeant en extramédullaire,dans l’épaisseur de la dure-mère, le plus souvent enregard du trou de conjugaison ou sur le trajet d’uneracine postérieure. Il y a une communication directeentre une ou plusieurs artérioles radiculo-méningées etune veine radiculaire unique se drainant vers les veinespérimédullaires. Le drainage veineux se fait de manièredescendante vers les veines de la queue de cheval ouascendante vers la fosse cérébrale postérieure [1,4,5]. Lafistule induit une stase veineuse qui gêne le drainagenormal de la moelle et des racines et détermine unehyperpression veineuse intramédullaire. Cela entraînedes phénomènes œdémato-ischémiques qui sont respon-sables de l’expression clinique et radiologique [6].

Les fistules artérioveineuses spinales se localisentdans la majorité des cas dans les régions thoraciquesbasses ou lombaires hautes et concernent souvent le sexemasculin (70%) [7]. De ce type de fistule résulte untableau de myélopathie à la fois transversale et longitudi-nale [1,8] et une symptomatologie radiculo-médullaireréalisant, dans les localisations lombaires, un syndromedu cône terminal avec ou sans syndrome de la queue decheval [9]. Chez notre patiente, la fistule artérioveineuseétait lombaire et la symptomatologie évoquait un syn-drome du cône terminal. De rares cas de localisation cer-vicale ou sacrée ont été rapportés [10,11].

Leur étiologie, congénitale ou acquise, reste contro-versée [5]. L’âge de survenue de la pathologie se situedans la cinquième décennie avec un âge moyen de 55

ans (de 40 à 80 ans) [12,13]. Notre patiente était âgée de77 ans.

La présentation clinique est assez stéréotypée, nonspécifique, débutant dans la majorité des cas de façon in-sidieuse sous forme d’une myélopathie progressive[6,14]. Les premiers signes les plus courants sont destroubles moteurs intéressant les membres inférieurs,troubles accompagnés de troubles sensitifs et sphinc-tériens ainsi que des lombalgies pouvant irradier auxmembres inférieurs [6,14]. C’est le cas de notre patiente.Une symptomatologie de queue de cheval ou de com-pression médullaire est aussi possible. De ce fait, lespatients sont fréquemment diagnostiqués initialementcomme ayant une lomboradiculalgie sur canal lombairerétréci, une maladie démyélinisante ou une tumeur de lamoelle épinière [14].

L’IRM médullaire avec injection de gadolinium estl’examen à réaliser en première intention devant toutesuspicion d’une fistule artérioveineuse spinale. La fistuleelle-même n’est pas visible étant de taille microscopique,l’IRM permet de déceler les signes de présomption : unélargissement du cône médullaire, des anomalies de si-gnal intramédullaires, un hypersignal T2 centromédul-laire, un hyposignal T1 associé à un rehaussement dusignal médullaire après injection de gadolinium, un hypo-signal médullaire périphérique en T2 qui serait un signespécifique de myélopathie par hyperpression veineuse[6,15], des anomalies de signal périmédullaires à type destructures vides de signal serpigineuses hypointenses surles séquences T1 et T2 et se rehaussant après injection degadolinium, correspondant aux veines de drainage péri-médullaires dilatées [6]. Le diagnostic définitif est portépar l’artériographie médullaire qui confirme le diagnos-tic, le siège et précise le type anatomique de la fistule[7,14].

Dans notre observation, l’IRM rachidienne sans in-jection de produit de contraste au gadolinium montra unhypersignal T2 intramédullaire étendu de T5-T6 jusqu’aucône médullaire qui apparaît globuleux. L’injection deproduit de contraste au gadolinium montra l’hypersignalT2 et un rehaussement en T1 de la lésion médullaire cen-trale avec un aspect globuleux s’étendant de T5-T6 aucône médullaire. L’artériographie médullaire confirma laprésence d’une fistule artérioveineuse à retour veineuxpérimédullaire dont l’afférence principale artérielle estissue de l’artère radiculaire L3 droite.

La thérapeutique vise la suppression de l’hyperpressionveineuse par l’occlusion de la fistule [7]. Le traitement estl’embolisation et/ou la chirurgie. Le traitement chirurgicalpermet la guérison dans la majorité des cas [16]. L’occlusionpar voie endovasculaire par embolisation est aussi efficaceque la chirurgie selon certaines études et demande à êtreconfirmée [9,17]. En l’absence de traitement, l’évolution sefait lentement vers une paraplégie définitive [6].

Après traitement, la symptomatologie régresse enquelques semaines à plusieurs mois ou reste stationnaireen fonction de l’ancienneté de la maladie, de la précoci-té du traitement et de l’état préopératoire [7]. Elle sera en

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règle générale stabilisée, et dans près d’un cas sur deux,une amélioration franche sera notée, parfois après plu-sieurs mois [6]. Les meilleurs résultats sont obtenus surles lésions de moins d’un an [18].

Notre patiente fut opérée et à trois mois et demi post-opératoires, la symptomatologie n’est pas vraiment amé-liorée puisqu’elle a toujours des fourmillements desmembres inférieurs, une paraparésie avec difficultés àmarcher, sauf avec deux cannes. Elle est désormais conti-nente, mais avec une impériosité mictionnelle. L’absenced’amélioration nette à trois mois par rapport à l’état ini-tial préopératoire est probablement due au fait que la pa-tiente a manifesté une détérioration neurologique en post-opératoire, très probablement liée au geste opératoire. Lestrois premiers mois ont été marqués par un retour à l’étatneurologique de base, et l’amélioration clinique pourras’observer plus tard.

L’imagerie et le suivi clinique joue un rôle importantdans le suivi post-thérapeutique. Ils permettent de constaterune amélioration dans la majorité des cas. L’IRM permetde mettre en évidence la disparition progressive des ano-malies initiales, signe de l’efficacité du traitement [19].L’élargissement du cône médullaire peut évoluer vers uneatrophie. Après traitement il est recommandé de réaliserune IRM de contrôle entre 3 à 6 mois, puis une IRM à unan post-traitement. L’artériographie de contrôle postopéra-toire est réservée aux cas de non amélioration après troismois de traitement à la recherche d’une autre fistule oud’une reperméabilisation [6,20]. Chez notre patiente,l’IRM médullaire de contrôle postopératoire à trois moismet en évidence la disparition des anomalies initiales.

Le pronostic reste lié essentiellement à la duréed’évolution des signes cliniques [21]. La connaissancede tous ces éléments d’imagerie est fondamentale pourun diagnostic et une prise en charge précoces, seulsgarants d’une bonne évolution après traitement.

CONCLUSION

La fistule artérioveineuse durale à drainage médullaire,bien que rare, doit être suspectée devant tout tableau demyélopathie progressive chez un patient de plus de 40 anset prise en charge le plus tôt possible afin d’éviter l’instal-lation de séquelles neurologiques. Elles sont accessibles àun traitement curatif d’autant plus efficace que le diagnos-tic est porté précocement. La réalisation rapide d’une IRMmédullaire complétée d’une artériographie médullaireconfirme le diagnostic de certitude.

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