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28 formation dossier Actualités pharmaceutiques n° 501 Décembre 2010 Pour la pratique Cas de comptoir M onsieur S. est un patient de 46 ans que vous suivez depuis un an dans votre officine. Il vit seul, dans une résidence accueil. C’est un patient limité intellectuellement que vous connaissez comme impulsif. Il a été hospitalisé il y a un mois dans un centre hospitalier spécialisé (CHS) pour trouble de l’humeur et conduite antisociale. Durant cette hospitalisation, il a fait une embolie pulmonaire sur une phlébite surale. Il a été traité par Lovenox ® 8 000 UI anti-Xa deux fois/jour, relayé par un traite- ment antivitamines K par Coumadine ® 2 mg nécessitant la prise de 1 comprimé et demi par jour afin d’obtenir une anticoagulation efficace avec un INR (International Normalized Ratio) entre 2 et 3. Il pèse 84 kg. L’ordonnance de sortie de M. S. comprend les médicaments sui- vants : – Coumadine ® 2 mg : 1 comprimé et demi le soir ; Tercian ® gouttes : 10 gouttes le matin, 10 gouttes à midi, 20 gouttes le soir et 40 gouttes au coucher ; – Seroplex ® 20 mg : 1 comprimé le matin ; – Risperdal ® 2 mg le matin pendant 3 semaines ; Risperdal Consta ® 25 mg, injection à réaliser le lendemain de la sortie au centre médicopsychologique (CMP). Monsieur S. vient à l’officine quelques jours plus tard car il a mal au dos. Il vous demande de l’ibuprofène 200 pour soulager ses maux. Il vous dit en prendre depuis quelques jours, une résidente du foyer lui en ayant donné. Que dire du traitement anticoagulant ? Le traitement par Lovenox ® a été introduit à une posologie cura- tive : 8 000 UI anti-Xa toutes les 12 heures. Concernant Coumadine ® , la posologie initiale est de 5 mg/jour à prendre le soir. L’adaptation se fait par mg (0,5 comprimé à 2 mg) en fonction de l’INR qui doit être situé entre 2 et 3. Le traitement par héparine doit être arrêté quand deux INR de suite se trouvent dans la zone thérapeutique. Dans le cas d’une embolie pulmonaire, la durée du traitement est de 6 mois. Quels sont les conseils hygiéno-diététiques à donner à ce patient ? Il est déconseillé de consommer en grande quantité des aliments riches en vitamine K : farine de poisson, foies et autres abats, asperges, choux, navet, laitue, brocolis, cresson, épinards et tous les légumes à feuilles vertes. En effet, il y a possibilité de diminution des effets des antivitamines K (AVK) si l’alimentation est riche en ces aliments. Quelle attitude adopter ? L’ordonnance de sortie ne doit pas être délivrée car une injec- tion intramusculaire (Risperdal Consta ® 25 mg) est formellement contre-indiquée chez un patient sous AVK, au risque de favoriser une hémorragie. Il est préférable de débuter un traitement anti- psychotique retard en milieu hospitalier. La poursuite du traitement per os de Risperdal ® est cohérente, le temps que les microsphères de Risperdal Consta ® s’hydratent (encadré). Il convient d’adresser le patient chez son médecin traitant pour évaluation médicale et réalisation d’un INR de contrôle. L’association anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et AVK est déconseillée. Les AINS peuvent déplacer les AVK de leur site de liaison au niveau de l’albumine plasmatique et augmenter la forme libre active et le risque hémorragique. De plus, ils peuvent accroître le risque hémorragique par inhibition de la fonction plaquettaire et agression de la muqueuse digestive. Un mois plus tard, le patient est de retour afin de renouveler son traitement. Il présente une ordonnance de son médecin desti- née à traiter une angine, comportant de l’amoxicilline, 1 g matin et soir pendant 6 jours, et, si besoin, du paracétamol 500 mg 1 comprimé, voire jusqu’à 6 par jour. L’amoxicilline est un anti- biotique de la classe des pénicillines A pouvant détruire la flore intestinale qui produit pour sa majeure partie la vitamine K de l’organisme. Ainsi, moins de vitamine K est absorbée, ce qui perturbe l’action des AVK et le risque hémorragique. Tous les antibiotiques sont concernés. Il convient de souligner l’impor- tance de réaliser un INR de contrôle 3 à 4 jours après le début de l’antibiothérapie. François Pillon Pharmacien, Dijon (21) [email protected] Les microsphères sont constituées de rispéridone (hydrophile) dispersée dans une matrice à base d’un copolymère d’acide lactique et glycolique. Ces particules sont biodégradables, c’est-à-dire qu’elles sont détruites petit à petit dans l’organisme, libérant ainsi leur substance active de façon contrôlée. Après une injection intramusculaire (IM) de la suspension reconstituée extemporanément par le médecin survient une faible libération immédiate (< 1 % de la dose), correspondant à la substance active disponible en surface. Après un temps de latence de 3 semaines, les particules commencent à se détruire et produisent une libération constante de substance active pendant les 4 à 6 semaines suivantes. Les particules ont toutes disparu à la 7 e semaine. La posologie devra donc être d’une injection toutes les deux semaines et il ne faudra pas oublier une couverture efficace de la pathologie pendant les trois à quatre premières semaines de traitement par des formes classiques à libération immédiate. À savoir

Cas de comptoir

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28formation

dossier

Actualités pharmaceutiques n° 501 Décembre 2010

Pour la pratique

Cas de comptoir

Monsieur S. est un patient de 46 ans que vous suivez depuis un an dans votre officine. Il vit seul, dans une résidence accueil. C’est un patient limité intellectuel lement que

vous connaissez comme impulsif. Il a été hospitalisé il y a un mois dans un centre hospitalier spécialisé (CHS) pour trouble de l’humeur et conduite antisociale. Durant cette hospitalisation, il a fait une embolie pulmonaire sur une phlébite surale. Il a été traité par Lovenox® 8 000 UI anti-Xa deux fois/jour, relayé par un traite-ment antivitamines K par Coumadine® 2 mg nécessitant la prise de 1 comprimé et demi par jour afin d’obtenir une anticoagulation efficace avec un INR (International Normalized Ratio) entre 2 et 3. Il pèse 84 kg.L’ordonnance de sortie de M. S. comprend les médicaments sui-vants :– Coumadine® 2 mg : 1 comprimé et demi le soir ;– Tercian® gouttes : 10 gouttes le matin, 10 gouttes à midi,

20 gouttes le soir et 40 gouttes au coucher ;– Seroplex® 20 mg : 1 comprimé le matin ;– Risperdal® 2 mg le matin pendant 3 semaines ;– Risperdal Consta® 25 mg, injection à réaliser le lendemain de

la sortie au centre médicopsychologique (CMP).Monsieur S. vient à l’officine quelques jours plus tard car il a mal au dos. Il vous demande de l’ibuprofène 200 pour soulager ses maux. Il vous dit en prendre depuis quelques jours, une résidente du foyer lui en ayant donné.

Que dire du traitement anticoagulant ?Le traitement par Lovenox® a été introduit à une posologie cura-tive : 8 000 UI anti-Xa toutes les 12 heures.Concernant Coumadine®, la posologie initiale est de 5 mg/jour à prendre le soir. L’adaptation se fait par mg (0,5 comprimé à 2 mg) en fonction de l’INR qui doit être situé entre 2 et 3.Le traitement par héparine doit être arrêté quand deux INR de suite se trouvent dans la zone thérapeutique.Dans le cas d’une embolie pulmonaire, la durée du traitement est de 6 mois.

Quels sont les conseils hygiéno-diététiques à donner à ce patient ?Il est déconseillé de consommer en grande quantité des aliments riches en vitamine K : farine de poisson, foies et autres abats, asperges, choux, navet, laitue, brocolis, cresson, épinards et tous les légumes à feuilles vertes.En effet, il y a possibilité de diminution des effets des antivitamines K (AVK) si l’alimentation est riche en ces aliments.

Quelle attitude adopter ?L’ordonnance de sortie ne doit pas être délivrée car une injec-tion intramusculaire (Risperdal Consta® 25 mg) est formellement

contre-indiquée chez un patient sous AVK, au risque de favoriser une hémorragie. Il est préférable de débuter un traitement anti-psychotique retard en milieu hospitalier.La poursuite du traitement per os de Risperdal® est cohérente, le temps que les microsphères de Risperdal Consta® s’hydratent (encadré).Il convient d’adresser le patient chez son médecin traitant pour évaluation médicale et réalisation d’un INR de contrôle.

L’association anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et AVK est déconseillée. Les AINS peuvent déplacer les AVK de leur site de liaison au niveau de l’albumine plasmatique et augmen ter la forme libre active et le risque hémorragique. De plus, ils peuvent accroître le risque hémorragique par inhibition de la fonction plaquettaire et agression de la muqueuse digestive.Un mois plus tard, le patient est de retour afin de renouveler son traitement. Il présente une ordonnance de son médecin desti-née à traiter une angine, comportant de l’amoxicilline, 1 g matin et soir pendant 6 jours, et, si besoin, du paracétamol 500 mg 1 comprimé, voire jusqu’à 6 par jour. L’amoxicilline est un anti-biotique de la classe des pénicillines A pouvant détruire la flore intestinale qui produit pour sa majeure partie la vitamine K de l’organisme. Ainsi, moins de vitamine K est absorbée, ce qui perturbe l’action des AVK et le risque hémorragique. Tous les antibiotiques sont concernés. Il convient de souligner l’impor-tance de réaliser un INR de contrôle 3 à 4 jours après le début de l’antibiothérapie. �

François Pillon

Pharmacien, Dijon (21)

[email protected]

Les microsphères sont constituées de rispéridone (hydrophile) dispersée dans

une matrice à base d’un copolymère d’acide lactique et glycolique. Ces

particules sont biodégradables, c’est-à-dire qu’elles sont détruites petit à

petit dans l’organisme, libérant ainsi leur substance active de façon contrôlée.

Après une injection intramusculaire (IM) de la suspension reconstituée

extemporanément par le médecin survient une faible libération immédiate

(< 1 % de la dose), correspondant à la substance active disponible en surface.

Après un temps de latence de 3 semaines, les particules commencent à se

détruire et produisent une libération constante de substance active pendant

les 4 à 6 semaines suivantes. Les particules ont toutes disparu à la

7e semaine. La posologie devra donc être d’une injection toutes les deux

semaines et il ne faudra pas oublier une couverture efficace de la pathologie

pendant les trois à quatre premières semaines de traitement par des formes

classiques à libération immédiate.

À savoir