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1 La fonction symbolique dans la « Mystagogie » de Maxime le Confesseur Rédigée entre 628 et 630, durant les premières années de l’exil de Maxime en Afrique, (consécutif aux revers militaires subis par Constantinople en 626), la Mystagogie 1 constitue, dans sa relative brièveté, une œuvre étonnamment dense et où la concentration théologique, habituelle chez l’auteur, atteint un incontestable sommet. C’est de cette période que datent, au demeurant, d’autres œuvres majeures de Maxime qui, d’un point de vue conceptuel, dialoguent avec la Mystagogie : les Ambigua, le Commentaire du Notre Père, les Questions à Thalassios, les Centuries sur la théologie et l’économie, sans compter de nombreuses Lettres. À vrai dire, le symbole et son déchiffrement sont au programme, dès l’intitulé du traité : Mystagogie, dans laquelle on explique de quoi sont symboles les choses accomplies dans la sainte Église lors de la synaxe. La question t…nwn sÚmbola se retrouvera dans le titre de maints chapitres de l’ouvrage, comme autant de rappels et de spécifications du projet d’ensemble. Architecture générale Pour ne pas se perdre dans la compacité du propos théologique ni dans la complexité de l’expression qui, comme en d’autres écrits corrélatifs, caractérise ici Maxime, il importe de prendre de bien apercevoir d’emblée l’architecture générale de la Mystagogie. Dans le prologue, Maxime fait état du pré-texte (au sens propre), ou de l’armature sur laquelle sa propre interprétation entend modestement s’appuyer, à savoir la « mystagogie » que constituait déjà le troisième chapitre de la Hiérarchie ecclésiastique du Pseudo Denys 2 . Mais si Maxime se cache derrière une autorité prestigieuse, nous verrons plus loin comment il la transgresse et l’intègre comme matériau de son propre système de pensée. La Mystagogie se divise en vingt-quatre chapitres. Les sept premiers sont à tous égards fondamentaux ; ce sont les plus personnels, les plus significatifs de la pensée maximienne ; ils posent le socle doctrinal grandiose sur lequel s’édifiera l’exégèse des rites. On pourrait intituler cette séquence : « Les grandes analogies ». Les chapitres VIII à XXIII, quant à eux, 1 Pour le texte, nous donnerons les références de la Patrologie Grecque, t. 91 ; la traduction que nous citerons est celle de M. Lot-Borodine, parue en livraisons successive dans la revue Irénikon des années 1936-1938 (vol. 13- 15). 2 Cf. PSEUDO DENYS, Hiérarchie ecclésiastique, chapitre III, traduction Maurice de Gandillac, Paris-Aubier, 1943, p. 262-281. Maxime écrit à son destinataire, dans son prologue : « Tu m’as entendu raconter un jour, le plus brièvement possible, ce que j’avais ouï d’un autre grand vieillard, vraiment sage dans les choses divines, sur la sainte Église et la sainte synaxe qu’on y accomplit, considérées dans leur beauté, leur sens mystique et leur valeur d’enseignement (…) Je ne promets pas de dire par ordre tout ce que le bienheureux vieillard a contemplé mystiquement, d’autant plus que ses paroles n’ont pas toujours pu exprimer ce que contemplait son esprit. » (PG 91, 657C, 661BC).

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  • 1La fonction symbolique

    dans la Mystagogie de Maxime le Confesseur

    Rdige entre 628 et 630, durant les premires annes de lexil de Maxime en Afrique,(conscutif aux revers militaires subis par Constantinople en 626), la Mystagogie1 constitue,dans sa relative brivet, une uvre tonnamment dense et o la concentration thologique,habituelle chez lauteur, atteint un incontestable sommet. Cest de cette priode que datent, audemeurant, dautres uvres majeures de Maxime qui, dun point de vue conceptuel,dialoguent avec la Mystagogie : les Ambigua, le Commentaire du Notre Pre, les Questions Thalassios, les Centuries sur la thologie et lconomie, sans compter de nombreuses Lettres. vrai dire, le symbole et son dchiffrement sont au programme, ds lintitul du trait :Mystagogie, dans laquelle on explique de quoi sont symboles les choses accomplies dans lasainte glise lors de la synaxe. La question tnwn smbola se retrouvera dans le titre demaints chapitres de louvrage, comme autant de rappels et de spcifications du projetdensemble.

    Architecture gnrale

    Pour ne pas se perdre dans la compacit du propos thologique ni dans la complexitde lexpression qui, comme en dautres crits corrlatifs, caractrise ici Maxime, il importe deprendre de bien apercevoir demble larchitecture gnrale de la Mystagogie. Dans leprologue, Maxime fait tat du pr-texte (au sens propre), ou de larmature sur laquelle sapropre interprtation entend modestement sappuyer, savoir la mystagogie queconstituait dj le troisime chapitre de la Hirarchie ecclsiastique du Pseudo Denys2. Maissi Maxime se cache derrire une autorit prestigieuse, nous verrons plus loin comment il latransgresse et lintgre comme matriau de son propre systme de pense.

    La Mystagogie se divise en vingt-quatre chapitres. Les sept premiers sont tous gardsfondamentaux ; ce sont les plus personnels, les plus significatifs de la pense maximienne ; ilsposent le socle doctrinal grandiose sur lequel sdifiera lexgse des rites. On pourraitintituler cette squence : Les grandes analogies . Les chapitres VIII XXIII, quant eux,

    1 Pour le texte, nous donnerons les rfrences de la Patrologie Grecque, t. 91 ; la traduction que nous citerons estcelle de M. Lot-Borodine, parue en livraisons successive dans la revue Irnikon des annes 1936-1938 (vol. 13-15).2 Cf. PSEUDO DENYS, Hirarchie ecclsiastique, chapitre III, traduction Maurice de Gandillac, Paris-Aubier,1943, p. 262-281. Maxime crit son destinataire, dans son prologue : Tu mas entendu raconter un jour, leplus brivement possible, ce que javais ou dun autre grand vieillard, vraiment sage dans les choses divines, surla sainte glise et la sainte synaxe quon y accomplit, considres dans leur beaut, leur sens mystique et leurvaleur denseignement () Je ne promets pas de dire par ordre tout ce que le bienheureux vieillard a contemplmystiquement, dautant plus que ses paroles nont pas toujours pu exprimer ce que contemplait son esprit. (PG91, 657C, 661BC).

  • 2constituent un commentaire des rites proprement dits, commentaires au demeurant slectif,puisque Maxime sintresse principalement ceux auxquels les fidles prennent part. Lechapitre XXIV se conoit essentiellement comme une rcapitulation3 des deux grands voletsprcdents. Entrons maintenant plus avant dans le dtail de la Mystagogie.

    LES GRANDES ANALOGIES

    La forme de septnaire que prend la premire section de louvrage possde dj parelle-mme une porte symbolique. Prenant appui sur lglise dans sa ralit spatiale, sur sonplan au sol, aimerait-on dire, compos de la nef (naj) et du sanctuaire (erateon) danslequel se trouve lautel (qusiastrion), Maxime dploie un vaste systme danalogies dontvoici la structure, ramene ses grandes lignes.

    I- Lglise est limage (tpoj ka ekn) de Dieu ; de mme que Dieu est cause efficiente etfinale de tout le cr, de mme lglise runit la diversit des hommes dans une mme foi.

    II- Lglise est image (tpoj ka ekn) du monde visible et invisible ; de mme que la nefsignifie le monde sensible, le sanctuaire signifie le monde intelligible. Du point de vue duconcept de mystagogie chez Maxime, on notera le passage suivant :

    La nef est le sanctuaire en puissance (kat tn dnamin), tant consacre par le rapport de lamystagogie vers sa fin (t prj t praj nafor tj mustagwgaj eratourgomenon), et dautrepart le sanctuaire est nef en action (kat tn nrgeian), lui-mme ayant le principe de sa propremystagogie ; elle (lglise) demeure une dans ses deux parties4.

    Plus loin, Maxime nonce un principe pistmologique du plus haut intrt pour notreinvestigation de la fonction symbolique dans son systme :

    Le monde intelligible tout entier apparat imprim mystiquement dans le sensible en des formessymboliques (mustikj toj sumbolikoj edesi tupomenoj), pour ceux qui savent voir, et le mondesensible tout entier est contenu dans lintelligible selon lesprit et simplifi dans des concepts(gnwstikj kat non toj lgoij plomenoj). Il est en lui par ses concepts (lgoij), et celui-ci esten celui-l par ses reprsentations (tpoij)5.

    Maxime appuie son propos sur limage de la roue dans la roue dEz 1, 166 et poursuit :

    La vue symbolique (sumbolik qewra) des choses intelligibles par le moyen des choses visibles estscience spirituelle et intellection (pneupatik pistma ka nhsij) des choses visibles par lesinvisibles. Il faut en effet que les choses se manifestent les unes par les autres (lllwn dhlwtik), serflchissent les unes dans les autres en toute vrit et en toute clart et quelles aient entre elles unerelation qui ne soit pas brise7.

    3 kefalaiswmen : PG 91, 705A.4 PG 91, 669A.5 PG 91, 669C.6 Alain Riou la commente ainsi : Cette rcapitulation (de toute lconomie dans le Verbe), saint Maxime lavoit prfigure dans la vision inaugurale dzchiel (Ez 1, 16), dans cette comprhension des deux roues (Myst 2/ 669C), cette prichorse. Et cette image, comme celle du foyer et des rayons, abolit par elle-mme les schmasverticaux de participation et de causalit pour leur substituer le symbole dune action synergique, sans manationdu suprieur dans linfrieur ni assomption de linfrieur dans le suprieur, mais par compntrationcollaborante, sans pour autant quil y ait fusion (Le monde et lglise selon Maxime le Confesseur, Paris-Beauchesne, 1973, p. 61-62).7 PG 91, 669D.

  • 3III- Lglise est image (ekn) du monde sensible ; la nef reprsente la terre et le sanctuairereprsente le ciel.

    IV- Lglise reprsente (sumbolikj ekonzei) lhomme selon un schma anthropologiquetripartite qui dialogue avec les trois degrs du savoir maximien :

    A la nef correspondent le corps (sma) et la philosophie des murs (qikfilosofa).Au sanctuaire correspondent lme (yuc) et la contemplation naturelle (fusikqewra).A lautel correspondent lesprit (noj) et la thologie mystique (mustik qeologa).

    Do lon peut tirer une conclusion que Maxime ne tire pas lui-mme, mais qui correspond sa pense, savoir que lhomme tant limage de Dieu, lglise se trouve tre parconsquent une image au second degr, une image de limage.

    V- Lglise est image de lme (tpoj ka ekn) de lme prise en elle-mme. Ce chapitreest, de manire significative, le plus tendu de cette premire partie de la Mystagogie ;vritable condens de la psychologie maximienne qui servira de base, comme nous leverrons, aux considrations du chapitre XXII. Rduite ses grandes lignes, lanalogie est lasuivante :

    Au sanctuaire correspond la partie contemplative (qewrhtikn) de lme, ou esprit(noj).A la nef correspond la partie pratique (praktikn) de lme, ou raison (lgoj).

    Citons la conclusion de ce chapitre, trs explicite sur linstrumentalit et la fonctionmystagogique de lespace :

    Cest toutes ces choses que sadapte clairement la sainte glise de Dieu, compare lme sous lacontemplation. Par le sanctuaire, elle signifie tout ce qui se manifeste dans lesprit et sort de lesprit ;par la nef, elle fait connatre les choses qui apparaissent dans la raison et se distinguent de la raison ; etelle ramne le tout au mystre du divin autel. Tout homme qui peut en avoir la rvlation par le moyendes choses qui saccomplissent dans lglise, fait vraiment (ntwj) que sa propre me est glise de Dieuet divine. Cest cause delle peut tre que lglise faite de main dhommes, qui est son imagesymbolique (kat smbolon osa pardeigma), cause de la varit (poikila) des choses divines quisont en elle, nous a t donne comme guide vers le bien le plus grand8.

    VI- Lcriture est appele homme.

    A lAncien Testament correspond le corps (sma).Au Nouveau Testament correspondent lme (yuc), lesprit (noj) et le pnema.

    Au corps correspond la lettre (grmma), tant de lAncien que du Nouveau Testament0A lme correspondent le sens (noj) et le but (skopj) tant de lAncien que duNouveau Testament.

    8 PG 91, 681D-684A ; sur le thme de lanima ecclesiastica, cf. H. DE LUBAC, Mditation sur lglise, Paris-Aubier, 19532, p. 209-230 ; Catholicisme, 19525, Paris, p. 169-178.

  • 4VII- Le monde est appel homme et lhomme monde. Avec le chapitre prcdent, cetultime chapitre de la premire section de la Mystagogie parachve et boucle, pour ainsi dire,le cercle des analogies. Dans la tradition spculative dOrigne, lcriture cette crituredont la section suivante explicitera le symbolisme au cur mme de laction liturgique estconsidre comme incarnation analogique du Logos, susceptible par consquent dunespatialit analogique qui la rend corrlative la fois de lhomme, du cosmos et de lglise ensa structure matrielle. la lumire de cette spatialit analogique qui sert de fil conducteur tout son systme comparatif, Maxime peut donc parler pour finir de ces trois hommes quesont le monde, lhomme individuel et lcriture. Aprs avoir repli successivementlespace-glise sur Dieu (I), sur le cosmos intgral (II), sur le cosmos sensible (III), surlhomme intgral (IV), sur lme (V), il noue lensemble en repliant lcriture surlhomme (VI) et lhomme sur le cosmos (VII). Nous sommes ds lors en prsence dunesynthse de synthses, chef duvre de la construction maximienne, remarquable par lapuissance de sa vision organique. Le chapitre VII nonce son tour un axiomepistmologique de premier ordre :

    Les choses intelligibles sont lme des sensibles et les choses sensibles le corps des intelligibles ()Comme lme est dans le corps, ainsi lintelligible est dans le monde sensible9.

    LE COMMENTAIRE DE LA LITURGIE

    Comme nous lavons dj not, Maxime nentreprend pas un commentaire exhaustif etminutieux des rites ; on sera attentif au fait quil se borne dune part aux grands mouvements,aux grands dplacements, conviendrait-il mme de dire de faon plus concrte, et dautre partaux squences vocales majeures, lues, parles ou chantes. Primaut de lespace, derechef, etde la parole ; prgnance rgulire du tpoj et du lgoj sur laquelle il nous faudra revenir.Nous numrerons ici les chapitres (gnralement plus brefs dans cette section de laMystagogie) de manire plus succincte.

    VIII- De quoi sont symboles la Premire Entre et les crmonies qui suivent. Dans cettepremire squence du drame liturgique, Maxime voit une reprsentation de la premireParousie du Christ, jusqu lAscension et la session la droite du Pre.

    IX- Lentre du peuple. Elle symbolise lentre dans lglise et le passage de lerreur lafoi.

    X- Les lectures. Elles manifestent les vouloirs et les conseils divins (boulseij ka boula).

    XI- Les chants. Ils expriment la joie rvlatrice (mfantik) des biens divins.

    XII- Les proclamations de paix. Elles expriment les faveurs divines dispenses par lesanges.

    XIII- La lecture de lvangile et les crmonies sacres (mustik) qui suivent. Chapitre-relai, ou chapitre-sommaire que dtailleront les chapitres suivants et, en consquence,particulirement important. Maxime donne ici une vue panoramique de la Liturgie jusquauterme de lanaphore et lacclamation Un seul Saint ! et exprime la vise dynamique detout cet ensemble dans lequel la fermeture des portes reprsente un moment notique et

    9 PG 91, 685A.

  • 5mystagogique essentiel. Il vaut la peine, pour notre propos, de citer lintgralit de cechapitre, bien reprsentatif de la matire mystagogique de Maxime :

    Aussitt aprs ces choses, la disposition sacre tablie par la sainte glise a prescrit que viendrait ladivine lecture du saint vangile qui, particulirement ceux qui ont du zle, propose les souffrances duVerbe. Ensuite le Verbe de la contemplation gnostique les visitant comme pontife, rduit les penses deleur chair comme une sorte de monde sensible, en repoussant les raisonnements encore inclins vers laterre et en les reconduisant de l, par la fermeture des portes et par lentre dans les saints mystres, lacontemplation du monde intelligible. Et aprs quils ont ferm leurs sens toute parole et touteactivit et se sont trouvs hors de la chair et du monde, il leur enseigne les choses innarrables, aprsquils se sont unis entre eux et avec Lui par le baiser de paix, et quils Lui ont offert en retour de sesnombreux bienfaits envers eux lunique confession daction de grces que chante le divin symbole de lafoi. Ensuite, les ayant placs dans le nombre des anges par le Trisagion, et leur ayant accord la mmeconnaissance que la leur de la thologie sanctifiante, il les amne Dieu le Pre, devenus fils danslEsprit, par la prire par laquelle ils ont t rendus dignes dappeler Dieu Pre. Et aprs cela, commesciemment levs au-dessus de toutes les raisons des choses existantes, il les conduit lintelligiblementintelligible monade dans une identit autant que possible indivisible10.

    XIV- La lecture de lvangile. Elle symbolise la seconde Parousie.

    XV- La fermeture des portes. Cest la fin du monde matriel et lentre de ceux qui en sontdignes dans le monde intelligible, lequel est aussi la chambre nuptiale du Christ.

    XVI- Lentre des saints Mystres (Il sagit du rite de la Grande Entre). Elle prlude lenseignement nouveau concernant lconomie de Dieu notre gard et la rvlation dumystre de notre salut.

    XVII- Le baiser de paix (qui prcde lanaphore) signifie la concorde (mnoia)eschatologique.

    XVIII- La proclamation du Symbole de la foi symbolise laction de grces (ecarista) delternit.

    XIX- Le Trisagion symbolise lunion (nwsij) et lgalit (sotima) des hommes danslavenir avec les Puissances incorporelles.

    XX- Le Notre Pre symbolise ladoption filiale future.

    XXI- Lacclamation Un seul Saint ! et la communion. La premire signifie lerassemblement eschatologique (sunagwg ka nwsij) des initis ; la seconde esttransformante et rend semblable, par participation, au Bien causal.

    La section IX-XXI constitue donc un commentaire cohrent de lensemble de la liturgie dansson pure. Mais de mme que le chapitre V avait opr un repliement de lespace sacralsur une psychologie thologique, la squence XXII-XXIII va oprer un repliement dela ritualit sur cette mme psychologie ; ce repliement est simplement annonc par lechapitre XXII qui reprsente, comme le chapitre XIII, un chapitre-charnire dans lconomiegnrale de la Mystagogie. Le chapitre XXIII exhibe le rite particulier de la Premire Entre(dont il avait t question au chapitre VIII) pour linterprter comme le symbole dunitinerarium animae. Nous assistons alors une sorte dindividuation de la mystagogie,puisque aussi bien les pripties du rites se mettent raconter alors lhistoire de lme qui,

    10 PG 91, 692BC.

  • 6dans son progrs asctique et mystique vers Dieu, sachemine de laberration (plnh) et delparpillement (tarac) aux raisons (lgoi) de toutes choses11. la projection dionysiennedu culte, Maxime combine ici une projection vagrienne. Prise dans son intgralit, lasquence liturgique symbolise et effectue en mme temps en chaque individu, pourvu quil selaisse faire par ce procd, une initiation gnostique providentiellement gradue qui leconduira de la contemplation naturelle (fusik qewra) la lumineuse thologie ,cest--dire la contemplation du Mystre trinitaire lui-mme12. Les chapitres XXII-XIIIpeuvent donc tre considrs comme une mise en abyme du processus mystagogique.

    Le chapitre XXIV et dernier, revenant la gnralit de lecclesia, de tous les fidles, seconoit comme un chapitre de synthse : quels mystres opre et achve (tnwn nerghtikte ka potelestik), par les crmonies saccomplissant durant la siante synaxe, lagrce du Saint-Esprit qui demeure dans les fidles et dans ceux qui se rassemblent avecfoi. Maxime commence par rappeler limportance de lassistance la synaxe ( frquenterlglise , scolzein), pour cette raison que lglise est lieu privilgi de la divinisation delhomme. Il pose au passage une assertion qui mrite dtre releve, savoir que la puissanceducative mystagogique de la liturgie opre alors mme que le sujet nen a pasconscience :

    la grce change et transforme chacun de ceux qui sy trouvent ( la sainte synaxe), le modelantvraiment selon ce quil a de plus divin en lui et le conduisant vers ce qui est prfigur par les mystresqui saccomplissent (prj t dhlomenon di tn teloumnwn gousan), mme si lui-mme ne le sentpas et est encore parmi ceux qui sont enfants dans le Christ, ne pouvant voir ni jusqu la profondeur dece qui saccomplit, ni la grce elle-mme du salut oprant en lui, qui se manifeste par chacun des divinssymboles saccomplissant, et qui procde selon lordre et suite (kaqermn ka txin) des choses plusproches jusqu la fin de tout13.

    Assertion importante, parce quelle souligne lefficacit objective du processus rituel et de lagrce qui opre travers lui. Il existe un enchanement (ermj) et un ordre (txij) dela liturgie, laquelle possde une dynamique qui conduit un but (tloj). Maxime ressaisitensuite tout le propos, revenant de manire schmatique sur les grandes analogies de lapremire partie, puis sur la signification de chaque tape de la synaxe, tant dun point de vuegnral (genikj), cest--dire dans une vise essentiellement eschatologique, que dun pointde vue particulier (dikj), cest--dire dans un souci dappropriation aux diffrentes classesde sujets de lacte liturgique dans la condition prsente : fidles, actifs et gnostiques ,selon la terminologie consacre de Maxime.

    ASPECTS DE LA FONCTION SYMBOLIQUE CHEZ MAXIME

    Il importe de situer le symbolisme maximien dans son encadrement historique pourmanifester la fois des continuits et des ruptures. Comment situer dabord la mystagogiemaximienne par rapport aux grands monuments catchtiques des IVe et Ve sicles (Cyrille deJrusalem, Ambroise, Chrysostome, Thodore) ? Le critre de diffrentiation le plus obvie estlindpendance du propos de Maxime par rapport tout contexte catchtique et liturgiqueimmdiat. Alors que le geste mystagogique de ses devanciers se situait au cur de linitiationchrtienne, immdiatement attenant quil tait, dans le temps comme dans lespace, la

    11 Cf. PG 91, 697C.12 Cf. PG 91, 700BD.13 PG 91, 704A.

  • 7clbration du baptme et de leucharistie, la Mystagogie de Maxime, sans scarter le moinsdu monde de lexprience chrtienne, se situe nanmoins en retrait de tout contexte pastoral ;il sagit dune haute spculation thologique, dune qewra, autrement dit dune mystagogiethorique et non pratique. De fait, la consistance concrte des rites sy laisse moins nettementapercevoir que chez un Chrysostome, un Ambroise, un Thodore qui ne cessent de renvoyerleur interlocuteurs des gestes physiques quils viennent daccomplir ou quils accomplirontbientt. Le Pseudo Denys, contemporain de ces derniers, avait dj amorc cette prise dedistance spculative contemplative avec la consistance charnelle du rite pour laborer unesystmatisation. Incontestablement, Maxime se situe dans sa postrit, mais de ce ct-laussi, quoi quil en soit de la dpendance constamment affiche, la libert de Maxime se faitsentir. Daucuns ont soulign le recentrage du propos autour du Christ, qui garantit laconstruction spculative de toute dconnection davec le foyer rel et spcifique de linitiationchrtienne14. Dans la Mystagogie comme en tout autre monument de luvre de Maxime, lachristologie est centrale, aussi fine que rigoureuse. Si nettement spculative quelle soit, laMystagogie ne sapparente en rien un intellectualisme gratuit. Nous voulons pour preuve desa solidit et de sa sret lappel vraiment pastoral pour le coup lassiduit liturgique15,et plus encore la rfrence ultime (autant que fondamentale) de tout le propos la charit,autour du fameux texte de Mt 25, 40 dont on sait quel point Chrysostome laffectionnait etle citait dans sa production homiltique16 :

    La preuve certaine de cette grce (la participation au sort des saints dans la lumire) est la libredisposition de bonne volont envers le semblable, par laquelle il se fait que chaque homme qui a besoinen quelque chose de notre aide nous devienne familier comme Dieu et que nous ne le laissions pasabandonn et nglig, mais que nous lui montrions avec le zle convenant, selon nos forces, ladisposition qui vit en nous envers Dieu et envers le prochain. Luvre est la dmonstration de ladisposition. Rien en effet nest tellement facile pour la justification, ni si apte la dification, si lonpeut ainsi appeler la proximit Dieu, que la misricorde offerte de lme aux ncessiteux, avec voluptet joie. Car si le Verbe a montr que celui qui a besoin de bienveillance est Dieu Car, dit-il, tout ceque vou savez fait lun de ces plus petits vous lavez fait moi (Mt 25, 40) Dieu qui la dit,montrera dautant plus vraiment Dieu par la grce et la participation, celui qui peut faire le bien et lefait, parce quil a pris par une bonne imitation la force et la proprit de sa propre bienfaisance17.

    Seule la cohrence de la vie chrtienne dans la participation effective lagap knotique deDieu atteste que le processus mystagogique, loin de se cantonner dans la neutralit dunparcours initiatique profane, a rellement atteint son but : en bref, la charit est la preuve de laliturgie. Une mystagogie qui se noue sur un tel avertissement garantit assez quelle nest pasun jeu intellectuel : sous lappareil conceptuel et la phrasologie dionysienne, il importe auplus haut point de reprer la profonde pertinence de la vise thologique. La Mystagogie serecommande comme une sorte de point de convergence de luvre maximienne. Il est trssignificatif que Maxime ait pour ainsi dire concentr et ressaisi tout son propos spculatifautour de la synaxe, attestant par l que leucharistie clbre en glise (qui est plus ecclsialet plus ecclsiologue que lui ?) est bien le lieu originel et originant de toute expriencecomme de toute pense chrtienne. Lexprience personnelle et mystique que Maxime a deleucharistie a manifestement servi de catalyseur sa vision foncirement synthtique detoutes choses.

    14 Cf. Charalampos SOTIROPOULOS, La Mystagogie de saint Maxime le Confesseur, Athnes, 2001, p. 13, citantRen BORNERT, Les commentaires byzantins de la divine liturgie du VIIme au XVme sicle, Paris, 1966, p. 85.15 PG 91, 701D, 712B.16 Cf. Rudolf Brndle, Jean Chrysostome Limportance de Matth. 25, 31-46 pour son thique, dans VigiliaeChristianae 31 (1977), 47-52. ; du mme, Jean Chrysostome (349-407) Saint Jean Bouche dor , Paris-Cerf,2003, p. 68.17 PG 91, 713AB.

  • 8La mystagogie antiochienne et syro-antiochienne (Chrysostome, Thodore, Narsa), auservice dun incontestable ralisme sacramentel18, manifestait une tendance certaine tablirun rapport entre les rites liturgiques et la trame historique, vnementielle de la vie du Christ,avec le dtail de ses faits et gestes. La Mystagogie maximienne accuse une indpendance nonmoins certaine lgard de cette tendance dexgse rituelle. Sans doute le chapitre VIII, propos de la premire entre, voque-t-il la premire parousie du Verbe ; mais Maxime seborne dessiner ici les articulations majeures de lconomie du Verbe dans la chair : il necde pas au concordisme systmatique qui se dveloppera plus tard dans les commentaires desrites, ni ce pointillisme allgorisant dont le Rational de Guillaume Durand constituera enOccident une sorte de modle du genre. Le projet mystagogique de Maxime estessentiellement et constamment spculatif, thologique, ce qui ne veut pas dire quil soit pourautant dsincarn quil dsincarne le Verbe ; les pripties auxquelles il sintresse ne sontpas des dtails biographiques, mais des pripties proprement thologiques. Cette priorit dela thologie au sens quasi technique des Pres (cest--dire fonctionnant en couple aveclconomie) spcifie incontestablement la Mystagogie de Maxime et la distingue dautresprojets ultrieurs qui sous-tendent les commentaire byzantins de la liturgie, celui de NicolasCabasilas en particulier, tout orient vers une interprtation conomique de la liturgie, cest--dire sattachant retrouver les tapes de la vie humaine du Christ19. Profondmentchristologique, la Mystagogie de Maxime ne poursuit aucun mirage excessivement niartificiellement figuratif ; son ple est rsolument trinitaire.

    Lme, partir de ce moment, est rendue autant que possible simple et indivisible par la doctrine, ayantcompris dans la gnose les raisons des choses sensibles et indivisibles. La Verbe la conduit alors vers lalumineuse Thologie. Aprs quelle aura parcouru toutes choses, il lui octroiera lintelligence gale,autant que possible, celle des anges ; et lenseignera avec tant de sagesse quelle pourra comprendreDieu, une nature et trois personnes : unit en nature, trine en personnes, et trinit en personnes, une ennature ; unit en trinit et trinit en unit, pas autre et autre , ni autre prs dautre , ni autre parautre , ni autre en autre , mais la mme en soi-mme, et par soi-mme, prs de soi-mme, la mmeavec soi-mme20.

    Le symbolisme maximien na donc rien dun allgorisme alatoire et fantaisiste ; il sefonde sur une vision synthtique, aussi cohrente que rigoureuse. Du reste Maxime ignore leterme allgorie ; ses termes les plus usuels sont smbolon, sumbolikj, ekn, ekonzein,tpoj. L o lallgorie suppose une altrit (un llon ti) et une sorte de saut smantique, lesymbole suppose une homognit, une continuit que Maxime sapplique retrouver sanscesse. La cheville ouvrire de la mystagogie maximienne nest pas lallgorie, maislanalogie qui se fonde sur la certitude intellectuelle et thologale dune intelligibilituniverselle dont la clef est un logos, en loccurrence le Logos lui-mme ; corrlative lanalogie, lanagogie21 qui permet de circuler de manire ascensionnelle travers tous lesdegrs du rel, un rel de structure foncirement hirarchique. Maxime regarde constamment

    18 Voir par exemple THEODORE DE MOPSUESTE, Homlie Catchtique XV, 25-26, Tonneau-Devreesse, p. 503-507.19 On retiendra cette dfinition tout fait significative o le terme mystagogie dsigne non pas le processushermneutique prenant la liturgie pour objet, mais la liturgie elle-mme comme processus suivi : Lamystagogie tout entire est comme une reprsentation (kaqper tij ekn) dun seul corps, qui est la vie duSauveur ; elle met sous nos yeux les diverses parties de cette vie, du commencement la fin, selon leur ordre etleur harmonie. (Explication de la divine Liturgie, I, 7, SC 4 bis, p. 63. Maxime emploie lui aussi constamment leterme ekn, mais sans perdre de vue lincarnation du Verbe, tant sen faut, licne quil fait apparatre nest pasune peinture a posteriori de lconomie, mais plutt un projet thologique.20 PG 91, 700CD.21 Cf. SOTIROPOULOS, op. cit. p. 56.

  • 9vers la ralisation plnire et acheve du mystre de lglise : lorientation de son propos estfoncirement eschatologique22. Les lments, les pripties de la liturgie ne regardent pas versun pass, mais vers un avenir ; leucharistie prsente est inchoative.

    On ne peut manquer dtre frapp par limportance et la fcondit du concept despacedans le dploiement spculatif de la Mystagogie. Nous avions voqu ds le dbut un planau sol , et cest bien de cela quil sagit. Thologien-architecte, Maxime considre demblele plan de ldifice, non pour en tirer des considrations esthtiques, mais pour y retrouver uneconfirmation sensible dun Mystre pluridimensionnel23. La notion despace quil met enuvre est analogique ; elle lui permet de reprer et dexprimer lamnagement interne desdiffrentes instances quil passe en revue : le cosmos, lhomme, lme, lcriture. Chacune deces instances, sans cesse confrontes les unes aux autres, est espace du dedans : le plan au sol(nef et sanctuaire) ne juxtapose pas simplement les lieux analogiques : il dtermine entreeux une tension dynamique ; ainsi entre le monde sensible et le monde intelligible, entre leciel et la terre, entre le corps et lme, entre la lettre et le sens. Mais le premier analogu nesaurait tre oubli ni tenu pour accessoire, savoir la conception spatiale concrte de ldificechrtien ; le plan au sol, courant mtaphoriquement travers tout le propos, garantit son socleexprimental. Au principe de la Mystagogie, si hautement spculative quelle se prsente, il ya bien une exprience concrte de lespace liturgique, consciemment habit, habit parhabitude si consciente quelle en devient une mystique. La tension entre les lieux analogiquesnen reste pas lindcision dun dualisme, mais se rsout dans ce tertium quid quest lautel,lieu dagogie et de rcapitulation par excellence24. Dans la seconde partie de la Mystagogie,Maxime sappuie de manire sensible sur la Petite et la Grande Entre, sur la fermeture desportes : pareille clbration thologique des mouvements et des seuils est une autre maniredhonorer lespace. Pour schmatiser la Mystagogie, on pourrait dire que la premire partietraite de lespacement du lieu et la seconde de lespacement du rite, car dans la liturgie toutest espac : et le lieu, et le rite. Pour Maxime, le lieu est le plus fondamental (au sensarchitectonique) des symboles : le tpoj est tpoj.

    Parvenus au terme de litinraire, ou plutt du circuit mystagogique labor parMaxime, nous pouvons, en liturgistes, nous poser la question centrale : quest-ce que laliturgie, au fond, pour le Confesseur ? En gardant lesprit les deux volets de luvre, nouspouvons donner, me semble-t-il, deux rponses. La seconde partie de la Mystagogie inspirepuissamment la conviction que la squence, lhirmos rituel est un chemin gnostique, condition de donner ce terme gnostique toute sa densit chrtienne et orthodoxe.Autrement dit, travers ses paroles et ses dplacements, la liturgie dramatise (met enforme de drame) un chemin dillumination et de perfection. Chemin personnel sans doute (laliturgie est mise en abyme dans lme, chap. XXIII), mais surtout ecclsial, car nul ne peutfaire ce chemin sil ne le fait en lglise25 ou, ce qui revient au mme, si lglise tout entirene le fait en lui, puisque aussi bien les instances en question entretiennent une sorte decircumincession permanente. La sainte synaxe , pour reprendre les termes exprs et lesplus coutumiers de Maxime, est tous gards le rendez-vous de lexprience mystique :rendez-vous, parce que toutes les tapes de litinraire spirituel y sont pour ainsi direprogrammes (valeur programmatique de la liturgie), et parce que tous sont appels sedonner rendez-vous ecclsial dans cet itinraire (valeur cumnique de la liturgie). Pareilleorientation active de la liturgie vers un eschaton personnel et ecclsial, pareille construction

    22 Cf. Hans URS VON BALTHASAR, Liturgie cosmique. Maxime le Confesseur, Paris-Aubier, 1947, p. 246-247.23 Cf. Jean-Claude LARCHET, Saint Maxime le Confesseur, Paris-Cerf, 2003, p. 67.24 Cf. PG 91, 681D.25 Sur ce rquilibrage constant des perspectives chez Maxime, cf. Hans URS VON BALTHASAR, op. cit. p. 244.

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    dabside, pareille mise en perspective dune dramatique divine dans toute son envergurene sont plus, il faut bien le reconnatre, des proccupations prioritaires ni spontanes de notrecatchse actuelle ni de notre ethos de clbration ; nous avons davantage le souci pastoral dune assomption de la ralit mondaine et quotidienne dans la substance des rites. Ne serait-il pas ds lors souhaitable que nous retrouvions la richesse et lenvergure du symbolisme deMaxime, pour que notre clbration ne soit pas simplement une sympathie de circonstance etpour que notre catchse accde vritablement au degr de mystagogie, le seul qui puisse larendre pertinente ? Cest l certainement un dfi que nous lance le texte de Maxime, textedifficile sans aucun doute, raison surtout de lappareil conceptuel quil met en uvre et quine nous est plus familier, mais qui orchestre magistralement le donn rituel. Sur les bases delapprofondissement ecclsiologique corrlatif au second Concile du Vatican et lheure ose manifeste lopportunit de christianiser de lintrieur le mondialisme contemporain, lesintuitions dveloppes par le Confesseur conservent toute leur actualit thologique.

    Et cest ainsi que, en gardant cette fois principalement lesprit la premire partie dela Mystagogie, nous pouvons donner une seconde rponse la question de lessence de laliturgie chez Maxime. En ralit, le Confesseur ne commente pas simplement la liturgie : ilfait de la liturgie un concept opratoire pour synthtiser partir de lui tout le rel, de sorteque la Mystagogie se prsente comme un vritable carrefour ou un changeur thologique.Le symbolisme liturgique chez Maxime ne se rduit pas une simple utilisation de symboles propos de la liturgie, mais consiste dans le fait bien plus considrable que la liturgie en tantque telle et dans sa ralit intgrale est assume par le thologien comme symbole exhaustif etuniversel, cest--dire comme lieu de rassemblement (sm-bolon) et comme nuddintelligibilit. Autrement dit la liturgie, en tant que forme (scma) rituel, se hausse iciau niveau de vritable catgorie hermneutique. Le rendez-vous ecclsial devient rendez-vousdintelligibilit et dintelligence totale. La synaxe rituelle est en mme temps synaxedintelligibilit, point focal de la synthse reconnue et opre. Cest lintrieur du siteliturgique et depuis ce site que Maxime comprend et lglise, et le monde, et lhomme, quilfait dialoguer toutes ces instances et les situe derechef les unes par rapport aux autres dans unsystme remarquable de pluridimensionnalit. Quoique prpare par lassimilation profondedune tradition antrieure, pareille assomption, pareille exaltation conceptuelle de la liturgieest sans prcdent : elle signe nen pas douter le gnie propre de Maxime ; elle consacreaussi, tant pour le pass que pour lavenir, toute une exprience liturgique familire lOrientchrtien, exprience o le sacral et le mystique 26 ne cessent de se corroborermutuellement. La Mystagogie est un texte quil faut habiter longtemps, patiemment, pourcommencer en entendre tous les chos, car cest une conception spatiale et spacieuse detoute chose quelle intime celui qui fait leffort dy entrer.

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    Fr. Franois CASSINGENA-TREVEDYAbbaye Saint Martin de LigugAscension 2004.

    26 Ce quil y a de plus important, notre avis, dans cet essai decclsiologie symboliste, cest non pas ltroitparalllisme, mais le contact permanent de ces lments dhabitude spars, le sacral et le mystique propre. Poursaint Maxime ils se fondent en lunit suprme de cette ide-force quest la qwsij kat crin. (M. Lot-Borodine, Irnikon XIII, 1936, p. 468.

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