CATALOGNE

2 novembre 2006 / Quelle belle poque nous vivons ! De nouvelles nations voient le jour Diane Cambon de Madrid et non de Barcelone (!) crit (ici) pour annoncer que les Catalans votent dans leur riche rgion [] sept mois aprs la crise dclenche par la rforme du statut dautonomie, qui a permis la reconnaissance par Madrid dune nation catalane . Sensuivent de nombreux dtails sur la rpartition des forces politiques dans l'assemble rgionale, les jeux dalliance subtils. Mais larticle rserve une place de choix aux surenchres des plus radicaux, sans distinction de couleur politique. Sur la question de la culture catalane, ou sur celle des transferts de comptence de Madrid Barcelone, la sparation droite (Convergencia i Unio) gauche (Esquerra Republicana de Catalunya) sestompe en effet.

LERC a ainsi indirectement provoqu ces lections en cessant de soutenir le gouvernement rgional jug par ses dirigeants trop pondr vis--vis de lEtat espagnol, tandis quArtur Mas, le successeur de Jordi Pujol (CiU) rompt avec le style traditionnel des nationalistes modrs. Diane Cambon illustre en conclusion ce premier commentaire plutt flatteur, en rapportant une de ses brillantes () promesses lectorales : Artur Mas a en effet propos pour les immigrs un carnet points . Je cite la journaliste : Les bons immigrs, parlant catalan ou faisant des efforts pour s'intgrer, gagneraient des points leur permettant de bnficier de droits sociaux. Les nationalistes veulent ainsi que les trangers dmontrent leur attachement la Catalogne, qui compte 940 000 immigrants pour 7 millions d'habitants. Magnifique. Mais comment jugera-t-on des efforts pour sintgrer ? On attend avec impatience les propositions affrentes : regroupement gographique desdits immigrs, et pourquoi pas soyons fous port obligatoire dun signe distinctif visible sur la veste pour les rcalcitrants non linguistes ? [Dans le dernier numro de Courrier International, un article traite du boom conomique de lEspagne En partie li aux quatre millions dimmigrs]

Lauteur de ces lignes reste coi devant la dmagogie de ces rgionalistes prts flatter leur lectorat dans ce quil a de moins reluisant. Ils se constituent une clientle qui pserait mathmatiquement bien peu lchelle de lensemble de la population espagnole ; (presque) grands parmi les petits. Mais allons au-del. Au fond, de quelle histoire autonome (du reste de la pninsule) se rclament les indpendantistes catalans, si ce nest dune histoire tronque ? Il faut dabord chercher une CARTE, puis remonter l'poque carolingienne (priode comprise entre les VIII et Xmes sicles), lorsque les califats arabo berbres contrlent une grande partie de la pninsule ibrique. Ce que l'on appelait pas encore Catalogne, les Marches hispaniques jouissent d'une prosprit la fois conomique et intellectuelle : mais en grande partie grce au commerce avec lEspagne musulmane. Plus tard, les Aragonais sintressent

la Mditerrane occidentale, conquirent les Balares ou la Sardaigne, nhsitant pas tisser des liens commerciaux avec les Barbaresques. L'indpendantiste catalan se livre par consquent un exercice dlicat, en brocardant l'Espagne mlange, mauresque (impure ?), mais en prsentant la richesse de la rgion sans en dtailler les origines.

De peur de lasser mon lecteur, je sauterai les poques intermdiaires pour en arriver directement au vote de 1932 des statuts spciaux. Aux Cortes, la Chambre des dputs espagnols, des hommes politiques prennent lpoque le risque de mcontenter une partie de la population espagnole pour garantir une autonomie. La guerre civile, en 1936, trouve finalement une de ses origines dans ce sparatisme : plus encore celui de la Catalogne que celui des provinces basques. Mais cela nincite gure par la suite Companys, le prsident de la Generalitat, faire preuve dune reconnaissance rtroactive. La guerre entre nationalistes et rpublicains se passe et les nationalistes catalans se gardent daffronter directement les armes nationalistes avant la mi 1937, l'exception de combats localiss en Aragon. A cette date, Madrid est alors encercle et les provinces septentrionales (Biscaye) ont succomb aux assauts du gnral Mola (nationaliste) et de la lgion Condor Le monde scroule, et Barcelone rien nen serait chang ; tort. Il ne faut pas s'tonner si beaucoup de Rpublicains ne pleurent gure en contrepartie lorsque les troupes de Franco rentrent Barcelone en fvrier 1939.

Mais je fais sans doute preuve dtroitesse desprit. Car gographiquement, la Catalogne constitue une nation tellement originale : sa langue romane (unique), son littoral mditerranen oppos lintrieur des terres montagneux (sans pareil), son grande port cosmopolite ! La dlimitation de la Catalogne pose en outre quelques problmes. Car au nord de la frontire jusquici retenue comme internationale, des Franais et des Andorrans parlent le catalan. A louest, la ligne de sparation entre lAragon un tout petit peu catalane, quand mme coupe la valle de lEbre (dans le sens nord / sud), fleuve qui ne respecte rien puisquil scoule dans le sens est / ouest. Au sud et lest enfin, restent les Valenciens et les habitants des Balares, dont les dirigeants tendance rgionaliste se montrent plus circonspects vis--vis des Catalans que de Madrid. Sur ce point, voir (P.90-91) Yolaine Cultiaux : Le nationalisme comme diffrentialisme intgrateur : le catalanisme face lEtat espagnol et la construction europnne (Thse de doctorat / IEP Aix-Marseille).

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18 janvier 2007 / A loccasion du trois centime anniversaire de lActe dUnion des Parlements dEdimbourg et de Londres, le correspondant du Monde relate lvnement en privilgiant lactualit la plus rcente. Dans le titre mme apparat le mot couple ; le mot dsamour est utilis dans le texte. Bien au contraire, lunion entre lAngleterre et lEcosse

entrinait lpoque une dmarche de logique et de raison. Elle nofficialisait pas un amour entre les deux nations. Que signifie ce type de personnalisation ? Pas plus que lAngleterre lEcosse ne constitue un tre dou dintelligence et mu par des sentiments

Avant de reformuler les questions une nouvelle fois souleves par le rveil en Europe dun national rgionalisme voir ici deux liens avec des papiers rcents sur la Catalogne et la Wallonie je relve que larticle du Monde prsente une importante lacune. Celle-ci en dit long sur lignorance complte des Franais sur lhistoire anglaise. Or la fin du XVIIme et le dbut du XVIIIme sicles correspond une priode essentielle : non seulement pour le Royaume Uni, mais au-del, dans la grande histoire de lOccident.

Cette fentre historique stend de la grande peste Londres (1666) suivie de la fin des guerres contre la Hollande (1674) jusquau milieu de la dcennie 1710 : instauration de la maison de Hanovre [George Ier (1714 1727)] et en France, mort de Louis XIV. Pendant prs de quarante ans, lAngleterre (bientt rejointe par lEcosse) devient avant toutes les autres une monarchie parlementaire ; les Franais en connaissent une variante aseptise un sicle et demi plus tard, partir de 1830 avec le roi Louis-Philippe. Sous lautorit des derniers Stuart Charles II, Jacques II puis sa fille Anne et de Guillaume dOrange, lAngleterre connat une rvolution en douceur. Bien sr, les querelles dynastiques ont affaibli la monarchie anglaise et prcipit la monte en puissance du Parlement de Londres. Mais le pays change dre sans que le sang ne coule, bnficie dune paix religieuse relative garantie par des souverains officieusement catholiques (Jacques II). Il vite dans ce mme laps de temps la guerre civile lintrieur, et les guerres continentales lextrieur.

En mai 1679, le dcret de lHabeas Corpus protge dsormais le citoyen contre larbitraire du prince en interdisant larrestation dun innocent prsum et lutilisation de la question. Le Parlement se transforme, dune simple chambre denregistrement en un lieu de dbat contradictoire, dont la majorit soutient ou au contraire fait tomber le gouvernement. Des deux principaux partis naissants, tories et whigs, le second tire son nom des jacqueries cossaises. En 1689, la Bill of Rights approuve par Guillaume III fige jusqu aujourdhui le caractre constitutionnel de la monarchie anglaise. Le monde contemporain nat de cette priode La question cossaise ne reprsente donc quun lment quasi anecdotique de cette histoire. Et lActe dUnion ne dissout mme pas lEcosse : lActe dtablissement (en 1701) stipule par exemple que le souverain anglais doit protger lEglise presbytrienne dEcosse au mme titre que lEglise anglicane dAngleterre.

De ce long prologue, il reste la question centrale de lindpendance de lEcosse, telle que prsente par Marc Roche. Le journaliste affirme que les indpendantistes psent dun poids

grandissant, et que le nouveau Parlement ne provoque pas denthousiasme parmi les 5 millions dhabitants que compte le royaume. La dvolution qui constitue une version locale de la dcentralisation franaise provoquerait mme un certain dsenchantement des deux cts de la rivire Tweed. Larticle se termine par un sondage : 56 % des Ecossais contre 73 % des Anglais souhaitent rester dans le Royaume-Uni. Ils ne sont que 32 % en Ecosse tre favorables une fracture ethnique au plan national.

Il reste au gographe replacer quelques lignes directrices. Comment peut-on distinguer un Ecossais dun Anglais, si ce nest par le nom de famille ? Or ce dernier mnage des piges, en cachant souvent des ascendances non locales. La langue ne peut constituer une grille discriminatoire, car un pour cent seulement des habitants parle le galique (dans les les occidentales) et moins dun tiers comprend, dfaut de les parler, les dialectes des Lowlands parmi lesquels le scot .

LEcossais rural ne constitue presque quune curiosit touristique dans un pays o 90 % de la population est citadine. A linverse, presque un habitant du royaume sur trois vit entre les deux rias (Firths) de la Forth lest et de la Clyde louest, c'est--dire dans les deux aires urbaines dEdimbourg et de Glasgow. En ajoutant les trois autres grands ports de Dundee, Aberdeen et Inverness (le plus septentrional), on englobe la moiti de la population habitant en Ecosse. Qua-t-elle de spcifique ?

Au plan alimentaire, lEcosse dpend entirement du reste de la Grande-Bretagne, ou du continent. Limbrication conomique de lEcosse dans un ensemble gographique plus large ne sarrte pas cet aspect. Marc Roche ne sy trompe pas : le contexte conomique favoriserait moins quil y a une vingtaine dannes le camp des indpendantiste : Avec la rduction du ptrole de la mer du Nord, les transferts financiers de Londres vers l'Ecosse ont pratiquement doubl entre 1999 et 2006. En raison d'un mode de rpartition de l'impt biais en faveur de l'Ecosse, les dpenses publiques en matire de sant, ducation ou transport y sont de 22 % plus leves qu'en Angleterre.

Quelques suppositions viennent clairer le vote indpendantiste cossais : lAngleterre ne reprsente plus sans doute le modle de rfrence, la possibilit de servir dans une arme ou une administration coloniales prestigieuses ayant disparu. Certes, le boom du ptrole dans les annes 1980 a probablement ouvert des perspectives nouvelles en Ecosse, sur la capacit de lconomie locale voler de ses propres ailes . Mais ny a-t-il pas plus insidieusement le rejet dune Angleterre londonienne, cosmopolite et bigarre, dune monarchie anglaise vilipende pour son immoralit, sa tideur protestante ? Et au fond, que proposent de

constructif les indpendantistes du SNP : le retour aux clans, aux 650 tartans ? Echos laids dEcosse.

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3 mars 2008 / Pour qui s'intresse aux contestataires de l'Etat nation en Europe, ceux qui escomptent de la construction de l'Union la monte en puissance des rgions, un rcent article de La Croix (samedi 1er dimanche 2 mars 2008 / entretien mis en forme par Sbastien Maillard / P.4) donne plusieurs pistes de rflexion. Michael Keating, de son tat professeur d'tudes rgionales l'Institut universitaire europen de Florence, y expose sa vision d'une troisime voie pour les rgions en Europe. Mais que signifie cette expression place en exergue ? Elle renvoie le lecteur soixante ans en arrire. Dans l'immdiat aprs guerre en effet, les blocs sovitique et occidental s'affrontent pour le contrle du monde. Une poigne de dirigeants du Tiers monde le terme n'est pas encore utilis rclament la possibilit de rester en retrait de cette guerre larve. Or le mouvement des non aligns a abouti une sorte d'impasse politique et conomique.

Il ne m'appartient pas ici d'en faire le procs, mais la troisime voie suivie par les responsables politiques indiens, indonsiens, algriens, gyptiens, yougoslaves pour ne citer que les principaux a consist faire monter les dessous de tables distribus par Moscou et par Washington. Chaque camp monnayait ainsi un soutien souvent hypothtique. Ces sommes colossales ont affermi des rgimes autoritaires, parfois responsables de crimes contre leurs populations (en Indonsie, par exemple). L'URSS et les Etats-Unis ont de cette faont port bout de bras financirement des conomies diriges. Les Etats non aligns poursuivaient, non une troisime voie, mais la voie sovitique, un socialisme orthodoxe peine tempr. Par cette expression, Michael Keating en dit long sur l'idal politique et les desseins plus ou moins implicites des dirigeants rgionalistes, en Ecosse, au Pays basque ou en Catalogne. Les dfenseurs des rgions prtendent dfendre une construction europenne, en faisant mine d'ignorer qu'elle n'avance plus depuis des annes. Mais au fond, ces nouveaux fodaux ainsi que leurs affids n'en attendent rien ; ils savent que Bruxelles leur garantirait (garantira ?) une paix royale en cas de mise au pas des Etats nations : une suzerainet lointaine mais redistributrice d'un ct, et une tutelle directe affaiblie de l'autre.

Venons-en maintenant au corpus de la dmonstration : L'Etat nation est depuis longtemps l'lment de base de l'ordre international et des sciences politiques, en rfrence des Etats souverains ou l'identit de l'Etat et de la nation. Nous savons pourtant que ce n'est pas aussi simple que cela, d'autant que les concepts d'Etat et de nation sont en train de se transformer radicalement. Outre que la deuxime phrase infirme la premire, on remarque que l'Evolution constitue le socle de la rflexion : tout change et rien ne reste en place ; pourquoi pas ? Vanitas vanitatum, omnia vanitas lit-on dans l'Ecclsiaste. L'Ecossais florentin parat gn par les fondements immoraux de son domaine d'tude ! Non seulement les Etats constituent les pices de l'chiquier diplomatique quelle nouvelle !? mais ils se prvalent tort de reprsenter eux seuls les nations. Puisqu'il y a mensonge, Michael Keating en dduit

immdiatement que la vrit est ailleurs [1], qu'il faut incontinent partir en qute du bien : C'est seulement [par moi soulign en gras] en faisant appel ces identits et ces liens que nous pourrons dvelopper un projet social collectif et grer notre insertion dans les marchs europens et mondiaux [...] une capacit d'action, d'autonomie et de projection en Europe. Quels autres souhaits pourrait-on formuler en dehors de ceux-l ?!

Mais le professeur de Florence avertit en mme temps que l'issue du combat des rgions demeure incertaine. Malgr d'incontestables avances, des forces malfiques agissent dans l'ombre, Bruxelles [2]. Qu' cela ne tienne, Michael Keating voue aux gmonies les ennemis de la vrit rgionaliste ; il menace mme : En raction, ceci incite les nations sans Etat ou les rgions au sein des nations s'orienter vers l'indpendance pour obtenir les comptences que l'Europe aurait pu leur procurer autrement. Rien de moins. Le doute ne l'effleure pas. Les obstacles disparaissent du sophisme : je vais mal, mais mon chien est gai ; comme j'aime mon chien, je vais aller mieux. Les convaincus se laisseront malheureusement convaincre.

Les lections gnrales en Espagne donnent en tout cas l'occasion aux journaux trangers de brosser un tableau de la socit espagnole en 2008, mais aussi de parler des rgions autonomes. Marion Van Vanterghem s'intressait la semaine passe dans le Monde aux dbats concernant la place des populations d'origine trangre. En Catalogne, constate-t-elle, celles-ci s'intgrent grce l'apprentissage du catalan. Dans une cole de la banlieue de Grone, 80 % des enfants sont immigrs ( 100 % si l'on compte les Espagnols non catalans ). Les parents ne parlent que l'arabe marocain ou le berbre, l'une des sept langues de Gambie (bambara, wolof, fola, madega, sara...), le chinois, l'urdu du Pakistan, le roumain, ventuellement le franais et au mieux le castillan s'ils viennent d'Equateur, de Bolivie ou d'autres rgions d'Espagne. Les instituteurs, eux, ne s'adressent eux qu'en catalan. Dura lex, sed lex : dans les tablissements publics de la rgion, l'enseignement se fait exclusivement en catalan (les lves apprennent le castillan comme une langue trangre). Marion Van Vanterghem commet donc un double contre-sens. Les non Catalans vivent sans aucun contact avec la population locale, ce qu'elle confirme dans le reste de l'article [3].

Que cherchaient-ils Gerone, si ce n'est un emploi ? 794 000 trangers vivaient en Espagne en 2000 ; ils sont maintenant 4,5 millions, soit 10 % de la population (13,5 % en Catalogne). La journaliste voque un retournement des mentalits et les prmices d'une crise conomique, mais se tait sur les raisons de l'essor de l'conomie espagnole, prfrant fustiger les slogans d'une droite populiste et raciste [voir aussi El Pais]. Les industriels du btiment et de l'agriculture irrigue ont toutefois tir pendant deux dcennies les taux de croissance de l'Espagne. Mais dans un pays cot de main d'oeuvre leve, et natalit dprim (1,4 enfant par femme en 2007 / Population reference bureau), ces succs

proviennent d'un recours massif une main d'oeuvre peu qualifie et sous paye. Que les prix de l'immobilier s'affaissent et le mirage catalan du bton rapide s'vanouira. Et les immigrs prtendument intgrs parce qu'ils matrisent (...) la langue d'une seule rgion devront repartir zro ailleurs en Espagne. S'ils ne finissent pas expulss.

Marion Van Renterghem ne doute cependant de rien. Dans un article complmentaire, elle dcrit la politique religieuse de la Generalitat et la place rserve l'Islam en Catalogne. Un Conseil islamique a t cr en 2000, compose de 19 membres. Son objectif : tre pour l'administration catalane un interlocuteur privilgi auprs de la communaut musulmane, former les imams, fdrer les salles de prire, unifier les ftes religieuses, adapter l'islam d'un pays musulman un pays non musulman et surtout, argument choc : 'Faire du catalan notre langue officielle.' Seulement voil, huit ans aprs, dans la liste des imams rpertoris sur place, 90 % sont Marocains ; on ne compte aucun europen. Et sur quatre mosques officiellement ouvertes en Espagne, aucune ne se situe dans la rgion autonome. En Catalogne, rgionalisme rime avec aventurisme. La promotion oriente et inefficace de l'islam tranche de surcroit avec l'argumentaire historique des nationalistes catalans dfenseurs de la Gotolonia (pays des Goths) rempart de l'Europe contre les envahisseurs arabes au Xme sicle et base de dpart de la Reconquista. Ennemis gomtrie variable...

PS./ Geographedumonde sur le national - rgionalisme : en Corse, en Belgique (un, deux, trois et quatre), en Espagne (un, deux et trois) et au Royaume-Uni (un et deux).

[1] Si, dans certains pays, l'identit se rapporte clairement l'Etat-nation, ailleurs, les citoyens ont une double identit, au niveau de l'Etat et un niveau infrieur. Il se garde de citer un seul de ces Etats nations.

[2] En dernier ressort, devant la Cour europenne de justice ou la Commission, ce ne sont pas ces rgions qui sont responsables mais toujours l'Etat membre. Les Etats rcuprent ainsi, paradoxalement, une part du pouvoir concd aux rgions, grce l'Europe. De plus, le comit des rgions n'est rest que consultatif. [...] Mais les rgions n'ont pas obtenu grand chose ni de la Convention sur l'avenir de l'Europe ni du nouveau trait de Lisbonne, qui remplace le trait constitutionnel. L'intrt pour ce qu'on a appel l'Europe des rgions est retomb. Les Etats n'ont pas voulu aller plus loin. La tendance est maintenant l'uniformit et au renforcement de l'aspect intergouvernemental du projet europen. i

A Salt, dans la banlieue de Gerone, La maire dploie une carte de la commune. Salt est divise en trois zones : au nord, la vieille ville, o vivent les habitants 'anciens'. Au centre, des btiments des annes 1960 et 1970, construits pour loger les ouvriers venus

d'Andalousie ou d'Estrmadure. Dans les annes 1990, 'les gens du centre' se sont dplacs vers la nouvelle ville, au sud, faite de petits immeubles et d'espaces verts. Dans les btiments du centre, dgrads, se concentrent les nouveaux immigrants. Etrangers et autochtones ont tendance vivre sparment. / Marion Van Renterghem / Le Monde.

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15 dcembre 2009 / En novembre 2006, sept mois aprs la reconnaissance d'une nation catalane par les autorits de Madrid, les forces politiques partisanes de l'autonomie de la Catalogne rivalisaient de slogans indpendantistes lors des lections locales. La CiU forgeait pour la circonstance un programme spcifique pour sduire les immigrs. Ces autonomistes modrs manifestaient le dsir de rcompenser parmi les trangers vivant dans la rgion ceux parlant correctement la langue catalane et jugs bien intgrs [Catalans lourds].

Au printemps 2008, de nouvelles lections permettaient de relever la persistance des revendications catalanistes, en mme temps que l'instrumentalisation des immigrs vivant sur place. Des responsables barcelonais vouaient aux gmonies Madrid et les Espagnols parlant castillans, mais regardaient leurs trangers lointains avec les yeux de Chimne ; surtout ceux favorables la cause catalane [Mirage catalan et bton rapide].

Un Conseil Islamique et Culturel de Catalogne a depuis scell cette passion rciproque. Il a organis avec le Gouvernement autonome en dbut d'anne 2009 une confrence au titre vocateur : Des droits et des devoirs. Les congressistes se sont intresss plus spcifiquement la place des femmes musulmanes dans la socit catalane. Celles de la deuxime gnration sont-elles intgres ? Prend-on en compte les nouvelles procdures du code de la famille marocain ? Interprte-t-on judicieusement la doctrine musulmane ? Les organisateurs ont veill offrir une tribune aux Catalanes converties l'Islam. Un va-et-vient constant a t observ entre un discours officiel sur la Marocaine au Maroc et des banalits sur la femme musulmane en Catalogne. Ainsi, une sociologue de Barcelone a rpondu Bassima Hakkaoui une dpute marocaine du parti islamiste PJD (Parti de la Justice et du Dveloppement). La directrice des affaires religieuses du gouvernement catalan, Montserrat Coll i Calaf a veill maintenir une bonne harmonie : tous les Catalans obissent aux mmes rgles et bnficient des mmes avantages, dans une saine convivialit [source].

Au Maroc, la Ligue dmocratique pour les droits de la femme affirme pourtant que 22 % des femmes sont maries par la seule dcision de leurs parents. Sur ce total, un tiers partent la noce en ne voulant pas de leur futur conjoint [Enqute sur un chantillon de 1510 femmes vivant en ville ou non]. Il n'existe plus gnralement aucune statistique officielle au Maroc sur les violences contre les femmes. Quand un procs se tient, il tourne au dtriment des

plaignantes, beaucoup tant renvoyes dans leur foyer. Quant aux autres formes de harclement, la loi marocaine ne prvoit rien. Une femme choisissant en dernier recours de quitter le domicile conjugal est passible d'une peine pour abandon de famille. A l'inverse, des maris tromps ayant tu leurs femmes peuvent bnficier de circonstances attnuantes [source]. Certes, le Maroc loigne du cur de la dmonstration. Le sort des femmes en Europe mriterait aussi quelque dveloppement. Mais qu'espre le Comit Catalan en mettant en avant un modle thorique, tout en dissimulant certaines de ses asprits ?

En Catalogne, un sinistre fait divers jette une lumire crue sur ce contexte. Une jeune trentenaire enceinte habitant proximit de Tarragone a prtendu dbut dcembre avoir t enleve et squestre pendant deux jours. Un tribunal islamique improvis l'aurait condamne mort pour adultre au nom de la charia. L'affaire parat srieuse, puisque la police rgionale a diligent une enqute. Ont t arrtes une dizaine de personnes ayant particip cette mascarade. Huit restent encore en prison. Selon la presse, les inculps reconnatraient appartenir la mouvance salafiste. Les autorits religieuses catalanes s'insurgent, mais le contexte ne plaide pas forcment en leur faveur. Les musulmanes ne portant pas le voile, celles se rendant trop ostensiblement dans les cafs, ou les garons dsireux de sortir du groupe subissent des pressions de membres de leur communaut. Les associations musulmanes laques de Catalogne pointent du doigt la responsabilit des pouvoirs publics, qui n'auraient pas pris au srieux leurs avertissements : 'Cela fait trois ans que nous dnonons ces extrmistes qui utilisent la force pour imposer leurs ides religieuses, a rappel Mohammed Alami, prsident de l'Association des amis du peuple marocain. Mais l'administration catalane a laiss le champ libre ces conceptions les plus radicales de l'islam.' [Le Monde].

Depuis, le rfrendum de dcembre a eu lieu, deux semaines aprs celui sur les minarets en Suisse. Environ un Catalan sur quatorze a pos un bulletin en faveur de l'autodtermination. Cette tempte dans un verre d'eau doit les esprances des convaincus de la cause indpendantiste. Un argument revient plusieurs reprises, selon lequel les Catalans souffriraient actuellement du mpris des (autres) Espagnols. Des journalistes ont cosign une tribune dans ce sens la fin du mois de novembre ( la dignit de la Catalogne ). L'historien Joan Culla rcrimine dans le Monde. Les annes d'laboration du statut, de 2003 2006, puis l'attente de la dcision du Tribunal constitutionnel aprs le recours introduit par le Parti populaire (PP, droite), ont us l'opinion catalane, d'autant plus que le texte a t rduit par rapport la version initiale. Mais les gens ont surtout t choqus par l'norme bruit mdiatique hostile la demande catalane. Ce qui les a blesss, plus que les restrictions au statut de dpart, c'est l'hostilit profonde, le mpris et parfois la haine qu'ils ont ressentis du reste de l'Espagne. Puisque personne ne m'aime, je boude.

Gilles Sengs apporte dans les Echos sa propre grille de lecture. Il dcrit un milieu politique barcelonais dcevant face l'inscurit sur la Rambla (vols la tire, prostitution dans le march de la Boqueria), et englu dans des affaires de corruption. Il parle des ambitions politiques du prsident du Bara, grand dfenseur de la cause indpendantiste. Le football mne tout. Un match opposant la slection de l'Argentine une quipe dite de Catalogne va justement se jouer dans les prochaines semaines. En attendant, l'immobilier se retourne, et la rgion madrilne se rapproche de la premire rgion conomique espagnole Longtemps rgion la plus cosmopolite d'Espagne, la plus ouverte sur le monde, la Catalogne, premier moteur conomique du pays (prs de 19 % du PIB), a perdu du terrain ces dernires annes au profit notamment de la communaut de Madrid.

Sige des principales institutions financires du pays, la rgion-capitale qui a fortement bnfici de la privatisation des grandes entreprises publiques de la fin des annes 1990 (Telefonica, Endesa etc.) contribue aujourd'hui hauteur de 17,7 % au produit intrieur brut espagnol. Avec une croissance ngative de 3 %, cette anne, elle souffre moins de la crise que son homologue catalane (-4 %). Les interlocuteurs de Gilles Sengs font preuve d'une mauvaise foi insigne. Les pouvoirs publics avantageraient sciemment la capitale et handicaperaient la Catalogne. Le journaliste rappelle juste titre la participation catalane au budget national. De toutes faons, mme les plus simples incidents suscitent des commentaires hostiles Madrid : une panne d'lectricit, un problme sur des trains de banlieue li au chantier de la ligne grande vitesse Madrid-Barcelone. Si Iberia rduit au minimum les liaisons internationales au dpart de Barcelone, c'est pour brimer les Catalans. Que le premier ministre annonce un effort budgtaire, et personne ne le mentionne sur place (3,5 milliards d'euros par an partir de 2012).

On peut toujours prendre la lgre ce soubresaut politique catalan, comme une simple fredaine. Les personnalits locales - intellectuels et vedettes phmres - ne doivent pas mconnatre le ct casse trogne du nationalisme sparatiste. Lors du rfrendum, l'appel aux bons immigrs ressemble fort une basse manuvre. Imaginons un scnario hautement improbable, et l'indpendance de la Catalogne. Les immigrs extra-europens resteraient alors que l'on ferait dguerpir les Espagnols ? A moins que devenus encombrants, les suppltifs du vote sparatiste terminent eux aussi congdis. Le site Recounquista donne le ton. Belle castagne en perspective. En somme, les Catalans versent fredaine et cassent trogne.

Perce-Bedaine et Casse-Trogne Sont leurs sobriquets les plus doux; De gloire, leur me est ivrogne ! Perce-Bedaine et Casse-Trogne,

Dans tous les endroits o l'on cogne Ils se donnent des rendez-vous... Perce-Bedaine et Casse-Trogne Sont leurs sobriquets les plus doux !

La Gascogne s'adossant aux Pyrnes tourne le dos la province espagnole.

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31 dcembre 2011 / C'est le dernier jour de l'anne 2011. Mais un article de Sud-Ouest mrite l'attention... 'Barcelone manque d'eau depuis 2005 (anne durant laquelle les barrages tombent 20 % de leur capacit)'. Donc, avant, il n'y avait pas la Mditerrane et pas d't caniculaire.

En fin de paragraphe, Jacky Sanudo (Sud-Ouest) rappelle la population de la rgion autonome, 7 millions d'habitants. Mais il y en avait moins de 2 en 1900 (source). En un sicle, la population s'est multiplie par 3,5 ! Ce total dit tout de l'histoire du sicle, et de la focalisation des Etats sur l'conomie littorale et l'import-export par des ports de standards internationaux : ici, Barcelone...

En fin de compte, sept millions de Catalans souffrent d'une 'pnurie hydrique'...

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Que faire alors ? 'On parle de transfrer l'eau du Rhne par citernes via Marseille ou de dvier l'bre'... Parlons, et faisons des rves en Espagne. Dans un deuxime temps, un projet 'raisonnable' semblera soudain acceptable.

'L'entreprise publique ATLL (Aiges Ter Llobregat), qui a sa charge l'approvisionnement en eau potable de 118 communes de la Barcelone industrielle (4,7 millions de rsidants)' Et oui, l'conomie barcelonaise ne doit rien au tourisme !

'Le cot de la ralisation s'lve 230 millions d'euros, financs 75 % par la Communaut europenne' Tout cela date dj d'il y a deux ans. Mais la proportion arrte le regard. Ainsi, la partie la plus dynamique de l'Espagne (elle-mme quatrime conomie de la zone euro) a obtenu des financements de Bruxelles. Ce qui choque aujourd'hui ne drangeait personne il y a encore cinq ans : dbut des travaux en 2007.

O se situe l'usine de dessalement [incrustation] ? A proximit de Barcelone, sur le delta du fleuve Llobregat. Le port ? 'en pleine extension, et dans une immense zone industrielle de la commune de Prat.'

Du point de vue des technologies, il n'y a pas grand chose dire. L'usine est moderne, 'utilisant le systme de filtrage dit osmose inverse ' mise en oeuvre par une filiale de Suez Environnement. Le taux de rcupration de l'eau de mer (capte deux kilomtres au large) est de 45 %, la saumure finissant dans la Mditerrane.

La force de l'eau rcupre sous forme d'nergie fait diminuer la consommation lectrique de l'usine : 3,5 kWh/m3. Des panneaux photovoltaques poss sur les toits compltent l'installation. Les zones humides environnantes ont fait en outre l'objet d'un soin particulier. Les chassiers dorment en paix.

Chaque jour, 200.000 m3 d'eau dessale sortent de l'usine de Prat de Llobregat. Cela reprsente un cinquime des besoins de Barcelone. En cas de besoin - pour l'heure, les barrages sont tous pleins - elle peut monter en puissance.

L'eau 'naturelle' cote entre entre 16 et 25 centimes le mtre cube, l'eau 'dessale' entre 35 et 60 centimes le mtre cube. Jacky Sanudo donne des fourchettes, alors qu'il est si simple de montrer que le liquide sorti d'usine est 2 2,5 plus cher que son alternative artificielle.

Mais pour ce prix l, les Barcelonais payent une quipe de trente surhommes 'qui travaillent sur le site qui tourne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7', sans compter ceux qui oeuvrent dans le 'centre de contrle ultramoderne'.

Le monde entier s'extasie, qui en doute ? Les Arabes, les Chinois, les Israliens, jusqu'aux Australiens... Tous ceux qui ont de l'argent gaspiller. Mais pour combien de temps, ai-je envie d'ajouter un peu perfidement ?!

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La conclusion du Sud-Ouest laisse pantois : 'Face la pnurie d'eau potable, cette technique va tre de plus en plus utilise', annonce l'expert de service. La crise, connat pas ! La phrase ultime de Jacky Sanudo frise le ridicule comme le K2 le Mont Everest. 'Et, comme souvent en Europe, la Catalogne a un temps d'avance.'

L'aveuglement du journaliste ne fait pas oublier le caractre fouill de son enqute. Simplement, il y manque le rappel du fonctionnement de l'Union europenne pendant deux ou trois dcennies (avec la russite que l'on admire aujourd'hui)...

Et le contexte go-historique ! Car le monde occidental a pouss loin la logique de la littoralisation, avec l'abandon des territoires trop enclavs, des ports sans hinterlands [Une poigne de noix fraches]. Celle-ci va connatre une profonde remise en cause(dfinitive ?). L'Espagne de 2012, et son nime plan d'austrit en sait quelque chose [source]. La Catalogne figure en ralit le cas gnral de l'Espagne : Cantona qui bat la campagne.

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Un article de Claire Gatinois dans le Monde du 19 novembre 2011 rsume la situation financire des dix-sept rgions espagnoles : Les rgions, au coeur de la dette espagnole. Madrid doit rduire les dficits publics, mais se trouve dans l'impossibilit de le faire [De Franco la Crau]. On le comprendra nanmoins, je ne partage pas les deux prsupposs de la journaliste : d'une part les rgions autonomes espagnoles ont dpens par ncessit ou bon escient et d'autre part la majorit des Catalans veulent devenir indpendants.

'En cause : les dix-sept communauts autonomes espagnoles, en charge d'une partie des dpenses publiques comme l'ducation ou la sant. Fin juin, elles cumulaient une dette de 133 milliards d'euros (12,5 % du PIB), sur un total de 702 milliards (65 % du PIB). [...] Sur le banc des plus mauvais lves : Castille-la Manche, Murcie, les Balares, Valence et la Catalogne, qui reprsentent ensemble 37 % de l'conomie espagnole. [...] Pendant les annes de boom conomique, les rgions ont vu leurs recettes, notamment les taxes sur le secteur de la construction, s'envoler. Au premier trimestre 2007, le pays recensait 760 000 mises en chantier en rythme annuel. [...] La Catalogne joue dj les dissidentes en refusant de se soumettre l'orthodoxie fiscale impose par Madrid. Il y a quelques mois, elle a indiqu qu'elle rduirait son dficit 2,7 % du PIB cette anne aprs 3,9 % en 2010 mais pas 1,3 %, notent les experts de Deutsche Bank. L'objectif est intenable selon la Catalogne.'