Causeur No 30 - Décembre 2015

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    L'ÉDITORIAL D'ÉLISABETH LÉVY

    LE BÂTON DE PELLERINElle ne partage pas leurs idées et elle se battra pourqu’ils ne puissent pas les déendre. Fleur Pellerin aune curieuse conception de l’impartialité de l’État. Oualors c’est une coïncidence. En tout cas, le décret réor-mant les aides directes à la presse, publié le 7 novembreau Journal officiel , va permettre à quelques titres appré-ciés en haut lieu de bénéficier des deniers publics etpriver quelques autres, honnis, des mêmes largesses.Précisons qu’il s’agit des onds versés, ça ne s’inventepas, au titre du « pluralisme de la presse ». Le plura-lisme, elle adore ça, Fleur Pellerin. La preuve, elle tientà ce que toutes les nuances de la presse de gauche soient

    traitées équitablement.

    Jusque-là, en effet, seuls les quotidiens d’inormationpolitique générale à aibles ressources publicitaires,comme L’Humanité , La Croix  et Libération, pouvaientbénéficier de ces subsides. Or, la ministre n’en a pasait mystère : pour elle, il était anormal que des pério-diques comme Charlie Hebdo, Le Monde diplomatique ,Society et le 1, le journal créé par Éric Fottorino, ussentprivés de ces largesses – bizarrement, elle n’a pas citéCauseur 1. Elle a donc décidé que tous les périodiquesà aibles ressources publicitaires percevraient désor-mais cette « aide au pluralisme » – pour peu que leur

    diffusion payante soit inérieure à 300 000 exemplaires,ce qui, in fine, a écarté Charlie Hebdo. Mais s’il n’avaittenu qu’à la ministre, le journal, qui est sans doute l’undes plus riches de France, aurait, lui aussi, reçu desonds publics pourtant destinés à la presse en difficulté.

    Seulement, alors que le décret était en préparation, ons’est avisé, au cabinet de la ministre, que le nouveaurégime aboutirait à subventionner des journaux ran-chement hostiles au pouvoir, comme Valeurs actuelles, Minute  ou Rivarol . Madame Pellerin pense peut-êtreque l’argent de l’État appartient au gouvernement.En tout cas, ce scandale devait cesser avant d’avoir

    commencé. On a donc bricolé à la hâte une « clauseValeurs actuelles  »,  qui exclut de l’aide au pluralismeles titres déjà condamnés pour incitation à la haineraciale. Or, Yves de Kerdrel, le patron de l’hebdoma-daire, a été condamné en mars dernier à 3 000 eurosd’amende pour « provocation à la discrimination, àla haine ou à la violence » après une couverture polé-mique sur les Roms. On notera en revanche que si unpatron de presse a été condamné pour abus de bienssociaux ou escroquerie, cela ne restreindra nullementles droits aux subventions de son journal. Peut-être yavait-il urgence pour les journaux « amis » ? En tout cas,

    trois jours après l’intervention de Fleur Pellerin devantla commission des affaires sociales de l’Assemblée,l’affaire était pliée et le décret promulgué. Mais qu’onne croie surtout pas qu’il s’agirait là d’une utilisationpolitique de l’argent du contribuable. Qu’allez-vouschercher là ? « C’est un principe républicain, personnen’est visé en particulier à cause de sa ligne politique »,proteste le cabinet de la ministre, cité par Le Monde.

    out en assurant qu’il ne voulait pas bénéficier desaides concernées, Yves de Kerdrel, patron de Valeursactuelles, conteste le décret devant le Conseil d’État. Et

    il a reçu le soutien de l’ensemble des éditeurs, solidaritéqui a beaucoup surpris nos conrères du  Monde. Aussiétonnant que cela semble à certains, on peut détesterValeurs actuelles et reuser qu’il subisse un règlementde déaveur. En s’autorisant à décerner des brevetsde casherout idéologique et à établir des distinctionsmorales entre journaux, le gouvernement commet eneffet un excès de pouvoir caractérisé. Quant au cochonde contribuable, on ne lui demande pas son avis, nipour renflouer L’Humanité   – dont les députés onteffacé la dette de 4 millions d’euros auprès du résorpublic en décembre 2013 –, ni pour pénaliser Valeursactuelles ou Minute.

    On conviendra que cette mesure manque pour lemoins de air-play. Encore est-il vaguement possiblede lui inventer une justification politique. En revanche,l’augmentation drastique des taris postaux appli-cables à la presse people relève purement et simple-ment du règlement de comptes. Pour cela, en effet, ona créé une nouvelle catégorie, la « presse de loisirs etde divertissement » qui, à la différence de la « pressede la connaissance et du savoir », paiera plein pot2.Difficile de ne pas voir là une vengeance contre Closer ,coupable d’odieuses attaques contre cette minoritéopprimée que sont les maîtresses de che d’État. Et tant

    pis si, au passage, tous les journaux du genre subissentla même discrimination. Comme ça, ils réfléchirontavant d’embêter le président ou mademoiselle Gayet.En attendant, il aut saluer la créativité de notre bellegauche : après la laïcité ouverte, elle vient d’inventer lepluralisme ermé. •

    1. Désolée, madame la ministre, mais à moins d’inventer une clauseexcluant les titres dirigés par des femmes ou ceux dont le nomcommence par C., Causeur  est parfaitement dans les clous de cenouveau décret.

    2. Il est vrai qu’on ne saurait accuser Le Monde diplomatique d’être un« journal de divertissement ».

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    3L'éditorial d'Élisabeth LévyLe bâton de Pellerin

    10Coran mode d'emploiJean-Paul Lilienfeld

    12Tais-toi et tombe les filles !Cyril Bennasar

    14Sauvons la junk food !Olivier Malnuit

    18Olivier Rey : Décroître ou périrPropos recueillis par Daoud Boughezala

    22C'est une maison bio...Pascal Bories

    25Qu'elle était verte mapublicité...

    Benjamin Masse-Stamberger

    28L'UMPS, c'est l'avenir !Hervé Algalarrondo

    30Croissance chinoise : méfiez-vous des contrefaçons !Jean-Luc Gréau

    PAS DE QUARTIERPOUR LES

    ISLAMISTESPAS D'ISLAMISTESDANS NOSQUARTIERS

    34Il est minuit, la France s'éveilleÉlisabeth Lévy

    38Molenbeek : le Waterloo de lagauche belgeAlain Destexhe

    Directeur de la publicationGil Mihaely

    Directrice de la rédactionÉlisabeth Lévy

    Rédaction en chefDaoud Boughezala, Marc Cohen, Jérôme

    Leroy (pages culture), Pascal Bories.

    RédactionFrançois-Xavier Ajavon, Cyril Bennasar,Régis de Castelnau, David Desgouilles,Jacques de Guillebon, Roland Jaccard,Basile de Koch, Charlotte Liébert-Hellman,Luc Rosenzweig, Frédéric Rouvillois.

    CorrectionEmmanuelle Montagnese

    Secrétaire de rédactionCécile Michel

    Ont participé à ce numéroHervé Algalarrondo, Gérald Andrieu,Stéphane Breton, Pierre Brunet, BriceCouturier, Paulina Dalmayer, AlainDestexhe, Laurent Gayard, Jean-LucGréau, Pierre Lamalattie, AlexandraLaignel-Lavastine, Jean-Paul Lilienfeld,Olivier Malnuit, Philippe Muray, BenjaminMasse-Stamberger, Olivier Ranson, RégisSoubrouillard, Jonathan Siksou.

    Direction artistiqueAymeric Dutheil

    IconographieAlexandre Denef 

    Direction marketing etcommercialeMarina Leroux

    Charles LévyAdrien Paviot01 84 79 01 34

    DistributionPresstalis

    Gestion de la diffusionen points de venteBO Conseil Analyse Média EtudeOtto [email protected] 67 32 09 34 (contact points de vente)

    Abonnements et anciens numéros :www.causeur.fr/boutique01 84 79 01 35(Du lundi au vendredi 10h – 17h)

    ou c [email protected]

    ImpressionBerger Levrault Graphique2780, route de Villey Saint-Étienne54200 Toul

    Image de couverture© Daniel Ochoa de Olza/AP/SIPA

    Causeur est édité par Causeur.frSAS au capital de 101 900 euros - RCS ParisSiret 504 830 969 000 29 Naf 5814 Z.Dépôt légal à parution - ISSN 1966-6055.Commission paritaire : 0320 I 90295.Enregistrement CNIL 1296122.

    10, rue Michel-Chasles – 75012 Paris01 84 79 01 35 / [email protected]

    SOMMAIRE N° 30 – DÉCEMBRE 2015

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    88Le retour des morts-vivantsJérôme Leroy

    92Fantastiques gravuresPierre Lamalattie

    96Les carnets de Roland Jaccard

    98Le journal de l'ouvreuse

    46Yémen, la guerre sans finDaoud Boughezala

    48Le monde d'hierLaurent Gayard

    51Vivre et mourir à BobolandGérald Andrieu

    54Frédéric Encel :«On peut frapper Daech sansfaire d'Al-Assad un allié »Propos recueillis par Daoud Boughezala

    57Islamo-gauchistes : c'est lafaute à la France !Régis Soubrouillard

    64Jean de Maillard :«Pas de liberté pour

    les ennemis de la vie »Propos recueillis par Gil Mihaely

    70Daech : État et  islamiquepar Gil Mihaely

    7413 novembre au KurdistanStéphane Breton

     

    CULTURE &

    HUMEURS78René Girard et la nouvellecomédie des méprisesPar Philippe Muray

    82Péguy, Muray, lesantimodernes sont d'actualitéPropos recueillis par Daoud Boughezala

    86Flop art à LondresPaulina Dalmaye

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    GUÉNOLÉ,PROPHÈTE

    ET MARTYRPar Marc CohenAprès avoir balancé le 17 novembredans la matinale de RMC des contre- vérités flagrantes sur l’interventionde la BRI au Bataclan (en omettant aupassage de citer la lettre confidentielleoù ils les avaient piquées), le chro-niqueur Tomas Guénolé a été virédu jour au lendemain de la station

    où il officiait depuis la rentrée. Larumeur parisienne veut que BernardCazeneuve ne soit pas étranger à cetteéjection express.

    On aurait pu croire que toute la gauchemorale se mobiliserait pour soutenirce camarade injustement sanctionnépar un patron aux ordres de Beauvau.Il n’en a rien été. Et pour cause, dansson propre camp, Tomas commençaità sentir le pâté.

    out ça à cause d’un livre sur lesbanlieues publiées début octobre, oùGuénolé déend pourtant les mêmesthèses excusistes et islamobéates queMM. Plenel, Liogier, Askolovitch ouBadiou et partage avec eux la mêmedétestation obsessionnelle d’AlainFinkielkraut. Hélas, de l’avis même denombre de ses alliés putatis, il a gâché

    la sauce en remplaçant l’habituel vernisscientifique par un marketing agressi.Du coup, Libé   le qualifie de «  polito-logue pressé », et les Inrocks  publientune recension au canon de sonouvrage. Intitulé « Tomas Guénoléest-il vraiment un bon sociologue desbanlieues ?   », l’article de Mathieu

    Dejean tranche au bout de quelqueslignes : « Peut-être Tomas Guénolé ne prétend-il pas aire œuvre de sciencessociales (odd le compare gentimentau “premier Edgar Morin”), mais c’estbien sous le titre de “politologue” qu’ilest présenté. »

    iens, tiens, que vient donc aireEmmanuel odd dans cette galère ?Eh bien, figurez-vous qu’il a préacéavec beaucoup d’enthousiasme le livreen question, et qu’il aurait sans doute

    mieux valu pour lui qu’il s’abstienne.Car l’ouvrage choc de Tomas Guénolés’intitule Les Jeunes de banlieuemangent-ils les enants ?.  Or depuisle 13 novembre, la France entière saitqu’à déaut de les manger, des jeunesde banlieue ont tué ses enants.

    Histoire d’aggraver son cas, voicicomment commence le « prière d’insé-rer » envoyé fin septembre à la pressepar l’éditeur de Guénolé : « Le jeune-de-banlieue est devenu l’ogre des temps

    modernes. Arabe mal rasé de 15-35ans vêtu d’un survêtement à capuche,il se promène avec un cocktail Molotovdans une main et une kalachnikov dansl’autre. »

    Tomas Guénolé n’est peut-être pasun grand sociologue ni un politologueaffûté. Mais quel sacré visionnaire ! •

    PIRETTECONTRE

    ZEMMOUR :UNE HISTOIREBELGE

    Par Daoud Boughezala

    « Au lieu de bombarder Raqqa, laFrance devrait bombarder Molenbeek[…] d’où sont venus les commandos duvendredi 13. », a lancé Éric Zemmourau micro de RL au lendemain desattentats de Paris. Une boutadequi a ait s’esclaffer son hôte YvesCalvi : « On ne va quand même pasbombarder Molenbeek, je rassure nosauditeurs belges ! »

    Outre-Quiévrain, ce message mi-rigo-lard mi-vachard est globalement bien

    passé : connu pour ses emmes enburqa, ses émeutes urbaines et désor-mais ses terroristes, le aubourg bruxel-lois ne ait guère rêver. Un seul Belge a vraiment cru ou ait semblant de croireque le chroniqueur voulait lui réserverle sort de Dresde ou d’Hiroshima :l’humoriste François Pirette, qui aaussitôt lancé une pétition réclamant lelimogeage « définiti » de Zemmour deRL pour les « propos abjects » sortisde sa « bouche grimaçante de haine ».On m’avait prévenu que Pirette était uncomique de gauche. À la réflexion, c’estun demi-mensonge… •

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    L’ÉTAT D’URGENCE (…) A DONNÉ LIEUAUX TUERIES DU 17 OCTOBRE 1961

    ET À CELLE DE CHARONNE.

    «»

    Esther Benbassa, sénatrice EELV

    L'HISTORIENNEDU MOIS

    DJIHADCOMEDY CLUBPar François-Xavier

    AjavonOn prétend que les Français sontrâleurs. Faux ! Les Français sont avanttout des blagueurs. Ainsi, après lesattaques terroristes du 13 novembrela presse régionale a rapporté unenoria d’incartades de haute intensitécomique…

    À Mulhouse (Haut-Rhin), des déte-nus ont mimé le 13 novembre dansla cour de la maison d’arrêt… « Bata-

    clan ! Bataclan ! », criait le meneur,en aisant semblant d’abattre sescomparses, qui chutaient avec unnaturel ou. Le sacripant auraitdéclaré : «  Après Paris, j’aurais conti-nué en province  ». Bah, oui, les meil-leurs spectacles tournent comme ondit… Désopilant !

    À Douai, un voyageur qui s’apprêtaità monter dans un ER en directionde Lille, sans titre de transport, a ait valoir au contrôleur qu’il avait une

    bombe sur lui… Début de panique.Retard du train. Hilarant !

    oujours dans le domaine humoris-tique et erroviaire, à Perpignan, des jeunes ont effrayé les passagers d’unER en proérant des menaces de mortdans le micro du che de bord, puis eny entonnant des chants en arabe. (La

    dimension artistique n’a pas été négli-gée). Le contrôleur a réussi à regrouperles voyageurs tétanisés dans un seulwagon. Poilant !

    À Nantes, une étudiante de 19 ansconvoquée pour sa « Journée déenseet citoyenneté » a joué un sketch saisis-sant, lorsqu’on lui a demandé de retirerson voile islamique intégral, commel’exige le règlement. Après moult

    morsures et insultes, la urie a déclaréà plusieurs reprises aux policiers quiprocédaient à son interpellation qu’ellesouhaitait qu’une bombe « exploseaussi à Nantes ». Cocasse !

    Quant aux réseaux sociaux… tout lemonde s’accorde à penser que c’estun vivier de uturs géants du rire…

    Exemple à Hérouville-Saint-Clair(Calvados), où un lycéen a été misen examen après avoir ait l’apologiedes attentats de Paris sur witter, etmenacé de mort l’imam modéré deDrancy. Prometteur !

    Le bassin parisien n’est pas en reste :à Versailles (Yvelines) des jeunesont été arrêtés alors qu’ils mimaientdes lancers de grenades en direction

    d’automobilistes, en criant « AllahuAkbar ». Il paraît qu’ils étaient « déa- vorablement connus » des services depolice. Étonnant…

    Alors, France coupée en deux ? Non,pliée en quatre ! (Bon, je vous préviens, j’ai épuisé mon ironie pour au moinsdix ans). •

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    DROIT D’ASILEOU DROIT

    AU RETOUR ?Par Jonathan Siksou La vague d’immigration en prove-nance du Moyen-Orient a des consé-quences parois inattendues. La Suèdese voit ainsi taxée d’inhospitalière parcertains Syriens qui lui reprochentnon pas sa générosité avérée mais sonclimat peu tempéré.

    outes les inrastructures urbaines

    du pays étant surchargées de réugiés,le gouvernement a récemment vouluinstaller plusieurs amilles dans un village de vacances à Limedsorsen.Un ensemble d’authentiques chaletsde bois rouges et jaunes nichés aucœur d’une nature bucolique, entrelacs d’eau pure et orêts de conières.

    Seulement voilà : hormis les rennesil n’y a que 400 habitants, la nuittombe à 16 heures quand on voit lesoleil, et dès septembre les tempéra-

    tures rôlent le zéro. Cela n’a pas étédu goût d’une quinzaine de nouveaux venus qui ont reusé tout net de sortirde l’autocar quand les portes se sontouvertes. « On ne comprend pas pour-quoi ils nous ont amenés ici. C’est pasnotre truc ! », a déclaré l’un d’eux à lapresse, se disant « terrifié » à l’idée de« vivre comme ça au milieu de nulle part ».  Il est vrai que les aubourgsd’Alep sont en cette saison beaucoupplus animés.

    Les représentants de l’Agence desmigrations de la généreuse couronnenordique ont dû négocier pendantquatre jours entiers pour airedescendre de l’autocar ces vacanciers-malgré-eux qui ont tous reçu lagarantie de pouvoir bientôt emmé-nager en ville. Mais où et comment ?C’est l’autre casse-tête des autoritéssuédoises.

    Vitrine d’une tolérance devenue ingé-rable, Malmö, troisième ville du pays,compte ainsi 43 % d’étrangers et les« écoquartiers » censés les accueillir

    sont plus que saturés. Conséquences :dégradation des conditions de vie,montée de la pauvreté et explosion des violences. Les statistiques officielles

    montrent que la moitié des immigréssont sans emploi après sept ans et queseuls 60 % trouvent un travail aprèsquinze ans. Même les plus progres-sistes des observateurs s’en alarment,tel l’anthropologue Aje Carlbom quiconstate l’échec d’un multicultura-lisme qui encourage les gens « nonseulement à garder mais à développerleur propre culture, […] et à entrete-nir une sorte de réseau ethnique qui ait qu’il est très difficile d’avoir descontacts avec le reste de la population » et que l’apprentissage de la langue estquasi impossible.

    Un incident similaire a eu lieu enUruguay, alors que l’ensoleillementy est nettement plus avorable et les visas plus chichement accordés qu’à

    Berlin et Stockholm. Arrivés il y a unan à Montevideo, une cinquantaine deSyriens ont demandé il y a quelquessemaines l’autorisation de quitter lepays. Ils pointent l’absence de ce quel’on pourrait appeler la « garantierichesse ». Un père de amille affirmaitque : « Nous n’avons pas ui la guerre pour mourir dans la pauvreté. Nousvoulons vivre avec notre identité et nosvaleurs », tout en reconnaissant que lesUruguayens sont des « gens gentils ». Peu soucieux de leur bilan carbone,certains sont depuis partis en Serbie, etd’autres en Suède… •

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    as d’amalgame, ce n’est pasl’islam ?Admettons.Mais qui pourrait me dire cequ’est l’islam ?Je ne veux pas savoir ce quece n’est pas.

    Je voudrais savoir ce que c’est.

    Les islamistes citent-ils des aussessourates issues d’un aux Coran ?Inventent-ils des hadiths ?Un musulman pieux se nourrit-il du

    même livre que l’islamiste assassin ?

    Si c’est le cas, peut-on se contenterde dire que le Coran, c’est comme lachoucroute, ça ne réussit pas à tout lemonde ?

    Ce n’est pas ça l’islam ?Moi je veux bien, je n’y connais rien.À vrai dire, les textes religieux n’ontpas une grande importance pour moi.Seuls les agissements qu’ils produisentaujourd’hui en ont.Les religions en 2015 sont ce que lesgens qui s’en réclament en ont.

    Or en 2015, un certain nombre de« Ce n’est pas ça l’islam » se réclamentdu Coran et produisent des horreursen l’appliquant à la lettre. Ils citent leCoran. Et leurs citations se trouventeffectivement dans le Coran.

    Alors ce n’est pas ça l’islam ?

    Ces passages seraient donc la tracehistorique de mœurs barbares etpassées, condamnées aujourd’hui enraison de notre évolution morale, àl’épreuve des siècles ?Non.Ces passages sont aussi le Coran. Qui,étant un texte révélé, est à prendredans son entier sans qu’un seul de sesmots puisse être supprimé.Si rien ne peut en être retiré, c’est bienque l’islam, c’est aussi « ça ».

    Si personne, dans le monde musul-man, n’invoquait ces passages pour justifier sa conduite, je comprendraisque le Coran reste tel quel, témoi-gnage d’une période historique danssa globalité et guide spirituel de ceuxqui en ont envie pour les partiesacceptables en 2015.

    Mais il s’avère que depuis le e siècle,il y a toujours eu des musulmanspour s’accaparer les pires passageset prétendre que leur conduite était

    dictée par la parole du prophète.

    Il s’avère que sunnites et chiitess’entre-tuent sans relâche depuis ladisparition du prophète, parce queses descendants se sont entre-tués àl’époque pour hériter du gâteau.

    Il s’avère que Sunnites et Chiiteslisent le même livre : le Coran. Et quedepuis mille quatre cents ans, cela neles empêche pas de se haïr et de semassacrer (90 % des musulmans tués

    dans le monde le sont par d’autresmusulmans).

    Qui décide de ce qu’est l’islam ?Personne. Pas de hiérarchie dans lesunnisme.Des savants, des exégètes. Quiexpliquent, commentent et sontsuivis. Ou pas.outes sortes de voies sont donctracées.Et qu’elles soient sages ou immondes,elles sont toujours l’islam.Un musulman pourra toujours dire :« Ce n’est pas ça MON islam. »

    Mais personne ne peut dire : ce n’estpas ça l’islam.

    Car le mode d’emploi ne pouvant êtreremis en cause, il permet à ceux qui veulent le suivre à la lettre de tuer« dans les règles ».

    Et le jour où les mêmes décrètentqu’au nom de leur mode d’emploi,l’humanité entière doit se comportercomme ils ont compris le Coran, ceproblème n’est plus seulement celuides musulmans.C’est le problème de l’humanitéentière. Qui era l’amalgame par purelogique. Parce qu’il n’est question qued’un seul livre. Avec les mêmes mots,avec la même proportion d’horreurs.

    Parce qu’à chaque bombe qui déchi-

    quette des innocents sans couleur,sans religion, sans sexe, ce sont lesmêmes passages du même moded’emploi qui sont mis en avant.

    Parce qu’à chaque jui torturé, exécuté,en France ou en Belgique, ce n’est pasça l’ islam. Mais c’est pourtant dans lemode d’emploi, car tout de même, les juis, ces porcs et ces singes, tels qu’ilssont définis dans le Coran…

    À chaque emme lapidée, chaque

    fillette violée, chaque homosexuelpendu reviennent les mêmes mantras :ce sont des ous, ce n’est pas ça l’islam.C’est aussi ça l ’islam.C’est marqué dans le mode d’emploi !

    Comment aire, donc, pour que lesmusulmans ne soient pas amalgamésà ces horreurs ?En réalité, très peu de gens ontl’amalgame entre islam et islamisme.Et au regard de la montée de la violence islamique, c’est même un

     véritable miracle.

    Mais il est plus que temps que lemonde musulman passe de la déen-sive (ce n’est pas ça…) à l’introspec-tion (pourquoi ça produit ça ?).

    Car le ver est dans le ruit.

    Car il n’est plus crédible de nous vanterune religion de paix et de tolérance jusqu’au ridicule, alors que les paysmusulmans sont le mètre-étalon del’intolérance et les islamistes qui citenttextuellement le livre commun à tous

    CORAN MODED’EMPLOI

    PAS D’AMALGAME

     Par Jean-PaulLilienfeld

     Est-il bien raisonnable de laisser un cinéaste

     déraisonnable commenter chaque

     mois l’actualité en toute liberté ? Assurément non. Causeur  a donc décidé de

    le faire.

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    les musulmans, celui de la barbarie.Il n’y a aucun amalgame.Il y a un constat.

    Celui de la violence barbare de ceux

    qui se servent du mode d’emploi enayant le mauvais goût de lire aussi cequi n’a plus cours mais qui ne peutêtre retiré car on ne peut rien retirer.Celui d’une régression des sociétésmusulmanes vers l’obscurantisme, ledogmatisme, le rigorisme.

    L’islam est beaucoup de choses diffé-rentes. Et il y a un silence assourdis-sant de l’oumma concernant celles quisont inacceptables.Les intellectuels musulmans qui serisquent à le rompre sont au mieuxisolés, le plus souvent menacés.

    Et pendant ce temps-là, nous pactisonsavec l’Arabie saoudite !

    Pas d’amalgame ? Vous connaissezFernandel, « Félicie aussi » ?

    Pour blasphème, homosexualité, actede trahison et meurtre, l’État isla-mique condamne les « coupables » àmort.Alors que l’Arabie saoudite… aussi.Pour adultère, si t’es marié, L’EIcondamne à mort les coupables parlapidation.Alors que l’Arabie saoudite… aussi.Pour adultère, si t’es pas marié, c’estseulement 100 coups de ouet,Alors qu’en Arabie saoudite… aussi.Si t’es chopé à voler, ce sera la maindroite coupée.

    Alors qu’en Arabie saoudite… aussi.Vol en bande, l’EI coupe la main et lepied.Alors que l’Arabie saoudite aussi.

    Comment vendre des Raale et enavoir en prime des gratuites auBataclan ?

    Finalement toute la question ne serait-elle pas là ?

    La semaine prochaine, nous verronsle chiisme, ses merveilleux attentats,en 1983 par exemple sur le Drakkar.Chiisme dont l’Iran est la tête de pontinchangée depuis cette période. Je ne voudrais pas que vous assiez bête-ment l’amalgame avec le sunnisme,ignorants que vous êtes ! •

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      e  s   A  r  c   h   i  v  e  s   /   C  o   l   l  e  c   t   i  o  n   C   S   F   F

    e sais que je me ais du mal,mais je lis L’Obs. Par fidélité,par habitude, par recon-ductions automatiques desabonnements, il est dansle paysage amilial depuistoujours. Il y a des amilles

    Renault, d’autres Citroën, nous, nous

    étions Nouvel Obs. Aujourd’hui, toutle monde a quitté la maison, il resteseul avec ma mère, et comme un vieux mari, il n’a plus besoin d’êtreà la hauteur pour rester à sa place.Plus personne ne regarde la concur-rence, ne se demande s’il convientencore, s’il a gardé toute sa tête. Saumoi. Forcément, personne ne le lit, lepauvre vieux, sau moi.

    Alors régulièrement, je m’énerve, jesomme ma mère de se désabonner

    dans l’heure, je lui rédigerai au besoinla lettre de protestation ad hoc :« Maman, tu ne vois pas ce que c’estdevenu ? Jean Daniel est hors serviceet chez eux, c’est la jeunesse qui est unnaurage ! » Mais ma mère ne veut riensavoir : « Fous-moi la paix, c’est mon journal. Ne le lis pas ! Qu’est-ce quetu m’emmerdes ? » Alors orcément, je surenchéris : « u ne comprendsdonc pas qu’aujourd’hui toute prisede distance avec Finkielkraut estune bêtise ou une lâcheté ? As-tuseulement lu cet article d’AudeLancelin, ses procès d’intention,

    ses insinuations minables ? Je te préviens , c’est lui ou moi . »

    Je m’emporte, elle me montre la porte,elle décroche et ne m’écoute plus, ettandis que je déroule mon réquisitoire,mon esprit s’échappe. Je revois BruceLee dans la ureur de vaincre, quand il

    reroidit à mains nues les assassins deson maître en poussant des cris de chatsauvage, puis je me dis que c’est peut-être excitant d’être couvert de bouepar une blonde, mais seulement dansun sketch d’Élie Semoun. Sinon, c’estranchement dégueulasse. Je continue àbrailler, je suis un peu amer. Malgré toutle mal que je me donne, je n’ai jamais étéréérencé comme acho dans les papiersde Renaud Dély. Pas une ois je ne mesuis trouvé dans une liste ou dans unerafle. Forcément, il n’y en a que pour

    les stars, toujours les mêmes, les Lévy ,les Zemmour, les Finkielkraut. Et pourles petites mains du néoascisme, lessans-grade de l’extrême droitisation, lelumpenprolétariat de la pensée nauséa-bonde ? Rien, que dalle. Et ces gens-làse disent de gauche !

    Malgré mes tempêtes, ma mère estrestée abonnée. Le dossier sur les

    Klarseld lui a plu, n’en parlons plus.Alors, quand je vais aux toilettes, je lelis. C’est ça ou le livre des Klarseld. Jecommence par le dossier aux rubriquestourisme, gastronomie ou science. J’yai trouvé dernièrement une petiteinormation tout à ait à mon goûtque je colporte depuis, en anaron-nant. Des chercheurs ont découvertque « l’augmentation de testostéronediminue la fluidité verbale ».  Quelletrouvaille ! Quel soulagement ! Quellerevanche ! Donc, les hommes à hauteteneur en hormones mâles seraient,par nature, réduits au silence. Ainsi,

    les taiseux, les taciturnes, ceux qui neparlent pas seulement à bon escientmais en dernier recours et en cas d’ex-trême urgence ne seraient pas affligésd’un handicap mais doués d’un super-pouvoir. Sur les emmes. À l’inverse,on pourrait reconnaître les « mecs »chargés en hormones gonzesses par

    leur incontinence verbale, leur débitassommant, leur manie du bavardage,leur aptitude à tenir les crachoirs sans jamais les lâcher. J’aime quand lessciences dures viennent confirmerdes intuitions proondes, des convic-tions restées jusqu’à ce jour sansondements et sans preuves, mais passans exemples. En ait, je l’ai toujourssu, vaguement mais sûrement,depuis que, pour me trouver desmodèles, j’ai commencé à comparerCharles Bronson à Karl Lagereld

    et Clint Eastwood à Jean-PaulGaultier. Depuis cette révélation, cetteconfirmation, je revisite l’histoire etl’actualité à l’aune de cette abuleusedécouverte.

    Des Zaza Napoli, les tribuns, leshâbleurs et les bonimenteurs, leshabitués des estrades et des micros,les Hitler et les Mussolini ? Et FidelCastro, maricón maximo, comme ondit là-bas ? Et qu’en est-il des avocats,baveux en robes, le verbe haut et

    la queue basse, voués à gagner leurcroûte en cherchant notre pitié pourdes crapules. Vénalité et compassion :des trucs de gonzesses, ou je ne m’yconnais pas. Et tous ceux qui, sansrelâche, déblatèrent sur le Net, ceuxqui l’ouvrent sans jamais la ermer,comme des robinets cassés, qui nousinondent tant de paroles qu’à la finils nous les brisent. Une fiotte, AlainSoral ? Il est vrai que je l’ai paroisconondu avec Paris Hilton.

    Alors Mesdames, qui vous plaignezde nos mutismes, de nos replis et denos ermitages, de nous autres qui neparlons pas sous la torture, mêmeconjugale, et qui déendons notre droitde garder le silence après l’amour,échangeriez-vous votre ours contreun rossignol ou un perroquet, avectout ce que cela implique ? Et vousMessieurs, qui affûtez vos languesbien pendues, qui salivez pour merépondre, pour m’ensevelir sousdes flots d’éloquence, allez-y, sansretenue, vos emmes vous écoutent. Etnous regardent. •

    TAIS-TOIET TOMBE LES

    FILLES !Par Cyril Bennasar Des chercheurs tout ce qu’il y a de plus sérieux

     viennent de prouver que la propension

     masculine au bavardage ne fait pas bon ménage

     avec la virilité. Cette vérité, je la pressentais

     depuis longtemps, voilà pourquoi je ramène mascience.

    J  DES ZAZA NAPOLI, LES TRIBUNS, LES HÂBLEURS, LES HABITUÉS DES

     ESTRADES ET DES MICROS, LES HITLER ET

    LES MUSSOLINI ?

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     Clint Eastwood et Marianne Koch dans Pour une poignée de dollars 

    de Sergio Leone, 1964.

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    es bien chers rères du diabète, des acidesgras et du cholestérol, l’heure est grave. Et lesuspense insoutenable… Le triple Whooper  deBurger King et ses oignons rits (onion rings) aux arômes de chewing-gum à la sardine, ledouble hot-dog au poulet rit de KFC (DoubleDown Dog)  et ses beignets de volaille par

    bassine de 30, le big breakast   à la margarine et au auxsirop d’érable de chez McDonald’s, la pizza tourte d’UnoChigaco Grill aussi chargée en sel que 27 mini-paquets dechips Lay’s1, toutes ces merveilles du mauvais goût culi-naire à l’américaine, véritables orgasmes à mâcher conçus

    SAUVONS LA

    JUNK FOOD !Par Olivier Malnuit

    M

     Big Mac, Whopper et double croissant fourré Quick sont en danger. Accusée de tous les maux par le corps médical, l’industrie de la malbouffe est en outre boudée par la génération Y qui préfère

     les salades de tofu bio. Heureusement larésistance s’organise…

    en laboratoire par des cuistots chimistes qui savaient, euxau moins, nous aire planer, sont purement et simplementmenacés de disparition ! Ce n’est pas juste un complotdiététique ou un coup d’État des uries en sandalettes durégime « paléo », c’est une agression à grande échelle contretout un art de vivre, une culture, presque un patrimoine.Une exception plus historique que culturelle, certes. Maisqui nous a tout de même permis de aire du gras pendanttrente ans en prenant notre pied (et Dieu, que c’était bon !) :la junk ood… Oui, chers amis candidats à l’obésité morbideet à l’AVC en vol plané, notre sœur de graisse, la malbouffe,si souvent accusée à tort de tous les maux de la mondialisa-tion, est aujourd’hui en danger de mort.

    La aute à qui ? À tous ces couillons de « millennials », cescrétins hyperconnectés, nés avec la fin du siècle dernier etl’Internet dans la culotte, qui ont ait des réseaux sociauxune arme redoutable contre les petits délices empoisonnésdes ast-oods et des sodas. Rien qu’aux États-Unis, c’estpresque 1,5 million d’honnêtes travailleurs sous-payés etdéguisés en soubrettes de mangas pour adultes qui pour-raient ainsi perdre leur emploi à cause de cette générationnumérique qui ne respecte plus rien, même pas les plaisirshautement toxiques et boostés au glutamate de sodium del’industrie lourde. Selon deux chercheurs américains, lestrès honorables Hans aparia et Pamela Koch, proesseursà l’école Stern de New York et à l’université de Columbia,les 20-40 ans aux États-Unis sont, en effet, sur le point de

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     Ségolène Royal, ministre del’Environnement, 30 septembre 2015.

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    n moyenne, chaque Français émet 7,5 tonnes de CO2 

     par an ! Si chacun s’y met, cela avorisera la réductionde gaz à effet de serre et l’adaptation de nos sociétésau défi climatique. »

    Ce sermon ne vient pas du manuel d’éduca-tion civique de votre cadet mais du site officiel

    de la Conérence de Paris sur le changement climatique(COP21). Dans la rubrique « écogestes », on y trouve unelitanie de bonnes pratiques exposées dans un langage pourenants déficients – « J’opte pour des équipements économesen énergie », « J’éteins la lumière en quittant une pièce »,« Avec mon ordinateur, mon téléphone ou ma tablette, jesure léger », etc.). Une goutte d’eau dans l’océan du gaspil-

    lage industriel mais l’important, c’est de participer ! Aucas où cela vous aurait échappé, entre les premiers rimasde l’hiver et le retour du terrorisme à Paris, il aut airequelque chose pour la planète. Et vite. On nous le répètedepuis des semaines. Sur un ton comminatoire, les radios,télévisions nous abreuvent de documentaires apocalyp-tiques expliquant pourquoi laisser le robinet ouvert aitmonter les eaux et tue des bébés phoques.

    C’est peut-être la seule conséquence positive des épreuvesque nous traversons : après les attentats, la COP21 seraréduite à sa plus simple expression, les maniestations« estives et citoyennes » qui devaient rythmer l’événement

    ayant été annulées pour cause d’état d’urgence. C’est doncsans tambours ni trompettes mais avec un déploiementpolicier exceptionnel que les représentants de 147 pays seréuniront au Bourget pour conclure une sorte de Gosplanmondial sur le climat.

    Singulièrement, l’écologisme d’État s’apparente moins àune idéologie qu’à une religion sans dieu. Son pape incon-testé s’appelle Nicolas Hulot, ses prêcheurs médiatiqueszélés et innombrables promettent salut ou damnationsuivant l’empreinte carbone qu’on présentera à saint Pierre.

    Chez Causeur , on a beau s’écharper sur les questionsécologiques, ce chantage au sentiment nous horripile tous,décroissants comme technophiles invétérés. Quoi que nous

    pensions de l’action de l’homme sur la nature, de sa respon-

    sabilité dans le changement climatique et des objectis dela COP21 (reiner le réchauffement, miser sur les énergies« renouvelables »), nous n’aimons pas être pris pour descanards sauvages. L’embrigadement et l’inantilisation quisont la règle dans cette néo-écologie finissent par donneraux moins responsables d’entre nous l’envie de se déclarerclimato-outistes. Même les plus écolo-radicaux, dont l’au-teur de ces lignes, s’agacent du dogme qui voit un pollueuren chaque citoyen.

    En vérité, le catastrophisme climatique n’est jamais qu’un« progressisme honteux »  (Riesel et Semprun1), dont leszélotes nourrissent deux croyances inamovibles :

    L’avenir de la erre repose entre nos petites mains de bonsélèves de la erre.

    Ce que l’industrie a ait, l’industrie pourra le déaire : lesalut par les éoliennes et le solaire, c’est maintenant !

    Grâce à Benjamin Masse-Stamberger, vous saurez tout del’« écoloblanchiment » (le  greenwashing ) en vogue dansl’industrie. Les plus pollueuses de nos multinationaless’achètent des indulgences en s’astreignant à respecter deschartes « éthiques » et « vertes ». Hallelujah, otal est parte-naire de la COP21 !

    Heureusement, tous les écolos ne se chauffent pas au mêmebois tartuffo-moralisant. Dans nos colonnes, Olivier Reyamène ainsi une critique verte de la COP21, dans laquellese reconnaîtrait certainement le couple écolo-catho qui aconvié Pascal Bories à casser la croûte bio.

    echnophile ou anti-industriel, progressiste ou écolo-réac, toutes les tribus du parc humain ont vocation à lireCauseur . En toute modestie, nous avons essayé d’éclairer votre lanterne sans vous endoctriner. Une ois ces pagesreermées, n’oubliez pas d’éteindre la lumière avant de aire vos prières du soir, je vous ai à l’œil ! •

    Par Daoud Boughezala

    COP21

    QUE LA LUMIÈRENE SOIT PLUS !

    «E

    1. Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable , RenéRiesel et Jaime Semprun, Encyclopédie des nuisances, 2008.

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     Daoud Boughezala. Je vais vous poser une question simple et directe : imputez-vous à l’homme la responsabilité du changementclimatique ?

    Olivier Rey. Le climat est un objet extrêmement complexe,et les modèles qui rendent compte de son évolution gardenttoujours une part hypothétique. Cela étant, ces modèlesindiquent une influence importante de l’activité humainesur le changement climatique, et les membres du GIEC(Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution duclimat), avec qui j’ai eu l’occasion de discuter, ont un discours

    scientifiquement incomparablement mieux étayé que ceuxque l’on nomme les « climatosceptiques ». Par ailleurs, noustouchons là un domaine où le principe de précaution, telqu’on le trouve inscrit dans la Constitution rançaise, devraitpar excellence s’appliquer. Ce principe stipule que, lorsquel’environnement risque d’être dégradé de açon grave etirréversible, l’absence de certitude scientifique absolue nedoit pas empêcher de prendre des mesures pour conjurer ce

    risque. Dès lors, même si quelques-uns s’obstinent à douterde l’origine humaine du changement climatique, l’ampleur etl’irréversibilité des dommages que ce changement très rapideest susceptible d’occasionner exigent que l’on prenne desmesures pour l’enrayer. Pour prendre une image parlante : cen’est pas parce que l’occurrence de nouveaux attentats n’estpas démontrable à la açon d’un théorème mathématiquequ’il audrait s’abstenir de traquer les réseaux terroristes !

     On vous sait plutôt partisan du small is beautiful . Mais si l’on veut sauver la planète du désastre annoncé, ne faut-il pas coordonner une actionglobale à l’échelle internationale ?

    Je déends non le petit mais le proportionné. out problèmedoit être traité à l’échelle pertinente. La question du climatconcerne la erre entière et il serait absurde de penser qu’onpeut la résoudre à des échelles inérieures. Cependant, vousremarquerez que ce qui ait avorter les négociations au niveaumondial, c’est le ait qu’il existe des nations gigantesquescomme les États-Unis ou la Chine qui, du ait de leur taille,peuvent tout bloquer. Il serait bien plus aisé de parvenir àun accord mondial si les entités politiques étaient toutes auxdimensions de la Suisse, plutôt qu’avec de tels mastodontes,aveuglés par leur propre grosseur.

     Imaginons que le monde soit fragmenté en

     une multiplicité d’États à taille humaine. Si sept milliards d’humains aspiraient à adopter le mode de vie d’un Américain moyen, avec la surconsommation d’énergie que cela induit, leproblème resterait entier…Certes, le problème de départ serait le même, mais on seraiten bien meilleure posture pour y aire ace. Le citoyen d’unpetit État sait que le monde extérieur existe, alors que lecitoyen d’un État géant est enclin à l’oublier. Les grands Étatssont si obsédés par leur rang que le devenir du monde passeau second plan. De plus, si les États-Unis reusent de suivredes recommandations générales, eh bien ! ils ne les suivrontpas, un point c’est tout.

     Nous entrons dans le vif du sujet : les organisateurs de la conférence de Paris sur le climat (COP21) ont fixé l’objectif d’augmentation de la température d’ici à la fin du siècle à deux degrés.Qu’en pensez-vous ?Cet objecti a quelque chose d’arbitraire (pourquoi deuxdegrés, et non pas 1,5 ou 2,3 ?), et beaucoup d’incerti-tudes demeurent sur ce qui nous permettrait vraiment del’atteindre. Si les modèles, en effet, anticipent un réchauffe-ment rapide, il est difficile de le quantifier précisément. Maisl’objecti de deux degrés a le mérite d’exister, et d’inciter àl’action. Le problème est que COP21 ne signifie pas, commeon pourrait le penser, « coopération pour le e  siècle »,mais 21e Conérence des partis de la convention cadre

    OLIVIER REY

     DÉCROÎTREOU PÉRIRPropos recueillis parDaoud Boughezala

     Pour le philosophe, il est illusoire de vouloir conserver notre mode de développement tout en prétendant

     sauver la Terre. Pétrie de bonnes intentions, la COP21 n'est pas à la hauteur des catastrophes à venir.

    Mathématicien et philosophe, chercheur au CNRS,Olivier Rey est membre de l’Institut d’histoire et dephilosophie des sciences et des techniques (CNRS/ Paris 1). Dernier ouvrage publié : Une Question de

    taille , Stock, 2014.→

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    des Nations unies sur le changement climatique. Vu le peude résultats obtenus lors des 20 précédentes éditions, il està craindre que maintenir le réchauffement en deçà de deuxdegrés paraisse de plus en plus irréalisable.

     La COP21 entend également développer les énergies renouvelables (hydrauliques, éoliennes, photovoltaïques). Croyez-vous en la possibilité d’une transition énergétique qui nous ferait progressivement abandonner le nucléaire ou lesénergies fossiles ?On se ait des illusions en déendant l’idée d’une transitionqui permettrait de dépenser autant, voire plus d’énergie,en substituant aux hydrocarbures d’autres sources énergé-tiques. Prenons l’énergie solaire. Les plantes savent très bienl’utiliser grâce à la photosynthèse, mais nous, pour en tirer del’électricité, nous recourons à des cellules photovoltaïques.

    Et si nous entendions produire par ce moyen l’énergie quenous consommons aujourd’hui, nous nous heurterions très vite à une pénurie des matériaux nécessaires pour abriquerlesdites cellules. Même chose pour les éoliennes, la biomasse,les « ermes océaniques » pour exploiter la houle, l’hydro-gène, la méthanation, etc : dès que l’on projette leur déve-loppement à l’échelle nécessaire pour couvrir la demandeénergétique actuelle, on rencontre des impossibilités.

     Pour le dire vulgairement, les énergiesrenouvelables, c’est du bidon ?Dans son livre L’Âge des low tech  (Le Seuil, 2014), PhilippeBihouix montre très bien le cercle dans lequel on s’en-erme dès lors que l’on entend prolonger et étendre lemode de vie des pays dits développés grâce à l’innovation

    technologique et aux énergies de substitution. Par exemple :oui, il reste des hydrocarbures dans le sol, que les nouvellestechniques d’extraction permettent d’aller chercher. Maisces techniques d’extraction réclament des métaux, abriquésà partir de minerais qu’il est certes possible d’extraire degisements moins riches qu’auparavant, mais au prix d’une

    dépense énergétique supérieure. Il nous aut plus de métauxpour obtenir de l’énergie, et plus d’énergie pour obtenir desmétaux : le serpent se mord la queue. De ce ait, le  peak oil , le« pic de pétrole » dont on a beaucoup parlé (le moment où laproduction mondiale de pétrole plaonne avant de décliner),sera, selon Bihouix, accompagné ou suivi d’un  peakeverything , un « pic de tout ».

     Malgré ses limites, la COP21 n’a-t-elle pas l’immense mérite de chercher des solutions alternatives alors que ses détracteurs décroissants s’enferment dans une forme d’impassecontestataire ?

    Les « décroissants » ont raison de dire que notre mode de vieet de développement n’est plus viable. Non seulement il n’ap-porte pas le bonheur et la concorde sur erre, c’est le moinsqu’on puisse dire, mais il détruit notre demeure commune.Face à l’effondrement en cours, il y a deux attitudes possibles :soit préconiser un changement radical comme le ont lestenants de la décroissance ; soit prétendre continuer sur lamême trajectoire, en tablant sur la déesse echnologie poursurmonter les difficultés. La COP21 s’inscrit dans la secondelignée. Maintenant que le développement technologiqueincontrôlé nous a mis dans une position intenable, c’est unsurcroît de technologie qui devrait nous tirer d’affaire. Autre-ment dit, les dégâts deviennent une raison de persévérer dans

    l’attitude qui les produit – jusqu’à la dévastation totale.

    Vos adversaires vous répliqueront que vous sous- estimez la capacité des générations futures à innover alors que l’histoire de l’humanité montre précisément un progrès constant des sciences etdes technologies.La transormation du monde entraînée par le développementindustriel depuis le e  siècle est sans précédent. Avec unrecul de seulement deux siècles, il est absurde de se réclamerde grandes lois de l’histoire pour dissiper les inquiétudes,et d’affirmer que, comme toujours par le passé, « l’hommesaura trouver une solution ».  Il est vrai que, d’une certaine

    manière, la dynamique actuelle prolonge une dynamiquetrès ancienne. Mais nous avons atteint un stade où lesquantités mises en jeu par cette dynamique en changent lanature, nous placent dans une situation tout à ait inédite.Si l’on parle d’anthropocène pour qualifier le nouveau tempsgéologique dans lequel la révolution industrielle nous aait entrer, c’est que désormais les activités humaines sontdevenues le premier acteur de modification de l’« éco-système » terrestre. Un exemple parmi d’autres : les hommesrejettent aujourd’hui plus de déchets que l’érosion ne produitde sédiments.

     Dans ces conditions, l’issue de la COP21représente-t-elle encore un enjeu ?Même si un accord est signé, il sera vraisemblablement très

    Centrale solaire à Ungersheim (Alsace), 2012.

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     VILLIERSDIT TOUT

    Le livre événement

    N°1150 000 EX.

    limité et n’aura aucun caractère contraignant. Les grandespuissances comme les États-Unis ou la Chine ne se trouve-ront guère liées par des accords auxquels elles pourraientavoir consenti du bout des lèvres. Plus que les éventuellesconclusions de la COP21, ce sont les attitudes utures quicompteront. Par ailleurs, le réchauffement climatique,aussi désastreux soit-il à la vitesse où il s’opère, ne doit pasmasquer tous les autres problèmes qui se posent, comme

    l’empoisonnement chimique, la stérilisation de la terre. Aucours du dernier demi-siècle, la population de vertébrés adiminué de moitié.

     De vertébrés non humains… La France et le mondeagissent-ils dans ces domaines ?Oui : ils accentuent les ravages. Dans son livre Intoxication (éd. La Découverte, 2015), Stéphane Horel rappelle que laCommission européenne, alertée sur les dangers des pertur-bateurs endocriniens, devait réglementer leur usage. Cepen-dant, au lieu de suivre les conclusions du rapport scienti-fique qui avait été demandé, la Commission a réclamé une

    étude d’ impact économique. Autrement dit, les économistesprennent le pas sur les biologistes et les chimistes, et c’est enonction des intérêts de grandes firmes que l’on saura si unesubstance est dangereuse ou non. De ce ait, les perturba-teurs endocriniens vont continuer de se répandre partout.D’autant que, tout bien considéré, il y a là un ormidable« réservoir de croissance » ! Quand l’équilibre hormonaldes êtres humains sera si perturbé que la stérilité sera le lot

    commun, les êtres humains seront contraints d’aller dansdes centres de procréation médicalement assistée, où ilsdevront payer des dizaines de milliers d’euros pour obtenirun enant qu’auparavant ils aisaient naître gratuitement.Voilà comment les nuisances engendrées par le développe-ment économique sont recyclées en vecteurs d’une extensiondu domaine de l’économie.

     Notre ami René Viénet dit qu’« on ne combat pas  l’aliénation avec des moyens aliénés » . Or, certains écologistes radicaux paraissent sombrer dans une dérive religieuse, sinon sectaire, non seulement en rendant un culte à la déesse mère Gaïa mais en

     soutenant l’idée que la Terre se porterait mieuxsans l’espèce humaine?« Les déserts extérieurs  se multiplient dans notre monde,parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands » , adit Benoît XVI : les ravages infligés à la nature sont le corrélatd’un dépérissement de la culture et de la spiritualité. Imagi-ner sauver la nature au détriment de l'être humain, c’est aller jusqu’au bout de ce dépérissement. C’est répondre au nihi-lisme techno-économique par un autre nihilisme. •

     IL EST ABSURDE D’AFFIRMER QUE, COMME TOUJOURS PAR LE PASSÉ, « L’HOMME SAURA TROUVER UNE

    SOLUTION ».

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      a   h   A  s  s  o  u   l   i  n  e

    i vous arrivez vers 13 heures, ce sera l’occasion de partager un petit repas bio. » Gaultier Bès, 27 ans,

    parle dans une langue extrêmement châtiée quisent son normalien bien élevé. Il nous indiquepar texto l’adresse, à Dreux, où il réside avec sonépouse, Marianne, 24 ans, et leur bébé de 6 mois.Si on a décidé de les rencontrer chez eux, c’est

    parce que ces deux figures du mouvement des Veilleurs ontdécidé de vivre en conormité avec « l’écologie intégrale »,prônée notamment par le pape François. Le jeune couplecatholique est bien connu dans certains milieux pour sonengagement, sans prosélytisme. Vivent-ils dans une yourteau ond des bois ? Plantent-ils des salades bio dans leurpotager entre deux messes ? Ou bien ont-ils recruté unréugié syrien pour s’en occuper ?

    Machine à pain et « frigo du désert »Première surprise : rien ne distingue la petite maison qu’ha-bitent nos deux écolos cathos dans le centre-ville de Dreux.Nous sommes reçus très simplement au rez-de-chaussée,mais Marianne nous indique qu’il y a deux étages supplé-mentaires. À moins d’une heure et demie de Paris, le mètrecarré est nettement plus accessible… Outre les poutresapparentes et de jolis crucifix disposés dans chaque pièce,l’intérieur de Gaultier et Marianne n’a rien de ranchementspécial. On remarque simplement l’absence de télévision.Pas d’ordinateur non plus ? « Si, on s’est ait donner un PC par un ami mais je me rends souvent compte que je suis tropaccro à la connexion », nous explique Gaultier, qui n’a pasde smartphone pour cette raison.

     C’EST UNE

     MAISONBIO…Par Pascal Bories

    «S Pas de frigo, pas de smartphone, pas de couches jetables pour bébé… L’écologie intégrale est-elle un chemin de croix ? Pour le savoir, nous sommes allés prendre un verre de jus de pomme maison chez Gaultier et Marianne Bès, jeune couple catho adepte de ladécroissance radicale.

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    On papote un moment, et la conversation s’oriente rapi-dement vers les zadistes, le Comité invisible, les hippiesde l’Ariège et leurs modes de vie. L’expression revient trèsrégulièrement dans la bouche de nos interlocuteurs, tousdeux enseignants dans le public mais qui s’expriment

    plutôt comme des pros d’université. Marianne racontecomment ils ont été accueillis par les opposants au projetd’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : « On m’a dit :ni toi ni Gaultier n’êtes les bienvenus ! » Pas assez radi-caux pour les rebelles proessionnels des ZAD ? Gaultiers’inscrit en aux : « La radicalité oui, la marginalité non.On n’est pas des préados qui s’opposent à la norme ».  Et dem’expliquer leur vision bien sage d’une radicalité qui « ne gêne pas le centre », mais qui consiste à « s’insérer dansune communauté existante ». C’est cette volonté de vivreautrement sans s’isoler de la cité qui définit, semble-t-il,leur mode de vie, avec un leitmotiv : « la sobriété ». Vu leurmobilier, leur look et la ville où ils se sont installés, on ne

    peut que reconnaître la cohérence dont ils ont preuve enla matière.

    « Qui veut du vin ? », lance tout de même Gaultier, que son vœu de sobriété n’empêche pas de proposer un apéro à sesinvités. Il précise immédiatement : « C’est un vin bio, je nesais pas trop ce qu’il vaut, certains trouvent que c’est de la piquette… » C’est vrai, mais pas pire qu’un mauvais vin detable de supermarché. Sinon, il y a du jus de pomme bioait maison. Après avoir picoré des chips et quelques olivesavec nos hôtes, nous aisons le tour du rez-de-chaussée.À la cuisine, ils nous montrent la machine à pain et uneautre pour aire ses propres jus de ruits. Le rérigérateur

    sert désormais d’étagères de rangement. Marianne nousexplique qu’ils sont en phase d ’« expérimentation » depuisqu’ils ont « débranché le rigo et le congélo », il y a un mois.Raison invoquée par nos écolos radicaux : ces deux appa-reils représenteraient pas moins de « 35 % de la consom-mation énergétique d’un oyer », et les déchets de la chaînedu roid « participent à hauteur de 5 % à la destruction dela couche d’ozone ». Ah bon ? On croyait que la couched’ozone allait beaucoup mieux…

    « On vit beaucoup sur ce que les gens nousdonnent »Du coup, Gaultier et Marianne se sont bricolés un « rigo du

    désert » : un dispositi ondé sur le principe de la thermo-dynamique, constitué de deux pots en terre cuite, de sableet d’eau. Installé sous une petite véranda, il est censémaintenir les aliments au rais grâce à l’évaporation. MaisMarianne n’est qu’à moitié convaincue : « Ça marchebien dans les pays chauds, ici c’est moins sûr… »  Lesruits et légumes bio qu’ils y conservent, ils les achètentau supermarché bio du coin, Symbiose. « À la campagne, paradoxalement, il aut prendre la voiture tout le temps,explique Gaultier qui se réjouit de pouvoir se rendre

    au travail à pied. Nous, on l’utilise une ou deux ois parsemaine pour aller chez Symbiose, et c’est tout. »  Le restedu ravitaillement de la petite amille est assuré par uneAMAP (Association pour le maintien d’une agriculturepaysanne), pour 14 euros le panier hebdomadaire. Parois,il y a de la viande, mais « nous sommes en transition versle végétalisme », explique Marianne. En attendant, à notreplus grand soulagement, elle nous sert un bon petit plat de viande mijotée aux herbes aromatiques.

    Leur mode de vie ondé sur l’écologie intégrale, ils l’op-posent au « mode de vie industriel ». En bon agrégé,Gaultier explique qu’il s’agit de privilégier « la techniquecomme outil, contre la technique comme système »,   car« beaucoup de machines ne sont pas adaptées aux besoinsdu consommateur ». Exemple : « Les rigos pourraientêtre mutualisés, ils sont seulement nécessaires pour lescollectivités, comme les écoles ou les hôpitaux. »  Pas

    GAULTIER BÈS :« PRIVILÉGIER LA TECHNIQUE

     COMME OUTIL, CONTRE LA TECHNIQUE

    COMME SYSTÈME. »

    Gaultier et Marianne Bès.

     Non polluantes, les langes sont lavées avec de lalessive faite maison.

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    aux, sau si on a un souci avec le soviét isme et si on préèreavoir de la bière au rais, pas trop loin de son canapé lessoirs de match à la télé… Mais pour nos écolos intégraux,la consommation culturelle se limite – à l’exception sansdoute des livres très sérieux empilés ici et là – à louerdes CD et des DVD : « Il y a des médiathèques partout, pourquoi tout le monde aurait-il besoin de s’encombrer detout ça chez soi ? » À propos de la dépendance aux tech-

    nologies, Marianne évoque en termes plus terre à terrele problème de l’obsolescence programmée : « On m’adonné un smartphone, mais il était déjà dépassé, donc il nemarchait jamais comme je voulais. De rage, je l’ai cassé surma propre tête ! » 

    Le couple a donc toujours « récupéré » de vieux télé-phones portables inutilisés par leurs amis. « out cequ’on a ici vient du site Leboncoin,  poursuit Gaultier.Et on vit beaucoup sur ce que les gens nous donnent. »  On objecte poliment que demander à ses proches tout ce

    dont on a besoin, c’est tout de même un peu gênant… Ilnous détrompe : « Ça se ait spontanément. » Marianneassure même qu’elle n’a rien acheté pour Féli x, leur jeuneenant souriant et visiblement bien nourri, si l’on en croitses joues rebondies. D’ailleurs, lorsqu’il se met à pleurerdans son parc, sa mère se lève pouraller le changer. On se permet deposer la question : « Et pour lescouches, alors ? Il paraît que c’estune cochonnerie d’un point de vueécologique… »  Marianne s’y atten-dait : « On utilise des langes, commeles anciens. C ’est réutilisable et ça ne

    coûte qu’un euro. » Fichtre ! Et avecquelle marque de lessive les lavent-ils plus blanc que blanc ? « La lessive,on la abrique nous-mêmes avec dubicarbonate de soude », nous sèche-t-elle déinitivement.

    Décidément, l’écologie intégralea l’air d’être une activité à pleintemps. « Si vous voulez, mais c’est

    un mode de vie désirable, jouissi,  assure Marianne.  Je préère passer du temps à aire mon pain ou des conservesque devoir aller aire des courses au supermarché tousles jours. »  Vu la déprime qu’on éprouve, personnel-lement, à aire la queue au Monoprix tous les soirs,elle marque un point.

    Éch. soutien scolaire contre travaux plomberie

    À propos de l’investissement en temps que requiert leurmode de vie, Gaultier ajoute qu’ils ont intégré le SEL(Service d’échange local), un système consistant à échangerune heure de travail contre une heure d’un autre travail :« Cela permet de recréer de la solidarité de quartier, et on serend compte que les savoir-aire sont là, tout près de nous, à petite échelle. » Il propose donc une heure de soutien scolairecontre un service de dépannage ou de plomberie, parexemple. Et ils ne vivent pas reclus, loin de là : « L’autre jouron a ait un apéro écolo à la maison : croque-monsieur végé-tarien aux champignons et au gouda », raconte Marianne,pour nous aire comprendre que nous ne sommes pas nonplus chez d’austères mormons.

    Au-delà du défi personnel que représente leur choix de v ie« radical », nos deux hôtes se donnent-ils pour missiond’évangéliser les oules incrédules ? « Il y a une valeur detémoignage, quand on en parle dans ses cercles proches », affirme Gaultier. Et pour ce qui est de « théoriser tout ça », ils ont participé à la création de Limites, la « revue d’éco-logie intégrale » publiée par les éditions du Cer. Mais lapriorité ne semble pas être pour eux de orcer quiconqueà se convertir à leur cause. « Même pour Félix, on se posedes questions, reconnaît Marianne. Si vraiment c’est tropdur pour lui de voir d’autres enants porter des ringues demarques, on era un effort pour qu’il n’en souffre pas. Mais

     je voudrais apprendre à mon fils qu’il y a des choses plusimportantes. » À l’entendre, on se dit que l’écologie inté-grale est peut-être un « mode de vie » trop exigeant pourle commun des mortels. Mais après tout, comme diraitl'autre, qui suis-je pour juger ? •

    MARIANNE BÈS :« JE PRÉFÈRE PASSER DU TEMPS

     À FAIRE MON PAIN OU DES CONSERVES QUE DEVOIR ALLER FAIRE

     DES COURSES AU SUPERMARCHÉTOUS LES JOURS. »

    Le pain quotidien.

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    rès de 11 millions. C’est le nombre de voituresVolkswagen équipées du ameux logiciel espionpermettant de tromper les contrôles antipollu-tion. En septembre dernier, le monde a découvert,éberlué, que la célèbre marque allemande, symbolede la deutsche Qualität,  avait sciemment truquéles résultats de ses véhicules, afin de aire croire

    qu’ils étaient conormes aux critères fixés, aux États-Uniset en Europe, en matière d’émission de dioxyde de carbone.L’arnaque n’avait pas empêché la firme de Wolsbourg de vanter pendant des années son « efficience écologique ». VWn’hésitait pas non plus à vendre, à grand renort de commu-nication, son « écoconscience »,  ou encore son « écologie

    QU’ELLE ÉTAIT VERTE,

    MA PUBLICITÉ…Par Benjamin Masse-Stamberger

    P

     Pour une marque, le greenwashing  consiste à faire croire au consommateur que ses produits sont écologiques. Cette entourloupe revient en force à la faveur de la COP21. Bienvenue dans le monde

     merveilleux des entreprises vertes.

    sans compromis ».  Certaines de ses campagnes de publi-cité mettaient en scène des paysages de nature sauvage, ouencore des balades campagnardes en amille. Sans parlerde ce slogan, diffusé dans un spot ciblant ses concurrents :« S’ils mentent à leurs enants, imaginez ce qu’ils vous racon-teront quand ils essaieront de vous vendre leur voiture. »  

    Bonne question.

    Pratiques catastrophiques, pubs bucoliquesBien sûr, il s’agit d’un cas extrême, mais qui démontre unechose : la communication « écolo » des marques n’a pasgrand-chose à voir avec la réalité de leurs pratiques indus-trielles. Quelle multinationale ne dispose pas de son label« durable », souvent autodécerné ? Quelle marque n’a passa campagne de pub peuplée de petits oiseaux, de champsde fleurs et de joyeux bobos s’ébrouant dans l’herbe et leoin ? Les plus démonstratis dans l’évocation bucoliquesont d’ailleurs souvent les plus polluants : géants pétroliers,producteurs d’énergie nucléaire ou encore méga-banques n’hésitant pas à financer les activités les moinsécocompatibles. →

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    Cette déerlante de communication verte ne date pasd’aujourd’hui. « C’est au milieu des années 2000 que l’ona vécu une véritable explosion », rappelle Mathieu Jahnich,directeur de Sircome, un bureau de conseil en stratégiede communication, et bon connaisseur des pratiques de greenwashing des grandes entreprises. C’est l’époque du filmchoc Une Vérité qui dérange, mettant en scène le combat d’AlGore, ou encore du pacte écologique de Nicolas Hulot. L’éco-

    logie, avec son eschatologie millénariste et son adorationde la terre mère, devient un thème porteur, attirant pêle-mêle : militants sincères, politiques en quête de visibi-lité ou encore bateleurs en manque de publicité. NicolasSarkozy s’y met à son tour, après son élection en 2007, avecle grand barnum du Grenelle de l’environnement.

    Les entreprises comprennent alors qu’elles ont besoin d’undispositi de communication adapté, en particulier cellesqui sont les plus critiquées pour leur impact sur l’environ-nement. « Depuis quelques années déjà, les grandes entre- prises étaient impliquées », explique le patron de la RSE(Responsabilité sociale et environnementale) d’une multi-

    nationale hexagonale, « mais à ce moment-là, ça a pris unedimension supplémentaire ». La thématique du développe-ment durable, relayée par tout un jargon bureaucratico-entrepreneurial (« éco-efficience », « financement respon-sable », « durabilité »…), était déjà apparue depuis unedécennie, mais désormais la communication « verte »devient un enjeu clé pour les entreprises.

    Les abus les plus criants datent de ce mitan des années 2000,propulsés par la publicité. Et ce, avec d’autant plus de aci-lité qu’en France tout au moins, ce sont les proessionnelseux-mêmes qui décident de ce qui constitue ou non un abus.Seuls les cas les plus évidents de « pratique commerciale

    trompeuse »  sont passibles de recours en justice. Autantdire que les entreprises disposent d’une certaine marge demanœuvre…

    On pourrait citer de multiples exemples. À commencer parPSA, qui, en 2007, promeut son dernier 4 X 4 en ces termes :« Une technologie plus propre pour plus de plaisir. » L’argu-ment est le suivant : la Peugeot 407 « bénéficie d’un filtre à particules additivité de dernière génération […] confirmantainsi le leadership de Peugeot dans la technologie propre. » Le 4 X 4 de la marque au lion émet pourtant plus de 190grammes de CO

    2 au kilomètre, soit bien davantage que les

    recommandations en 2005 de la Commission européenne(140 grammes au kilomètre en moyenne pour les véhi-cules neus). La publicité, selon un procédé habituel baptisé

     greenwashing, décrète ainsi « propre » ce qui est simplement« un peu moins sale » que la concurrence.

    Le Chat lave plus vert ! Vraiment ?Autre exemple, celui de la lessive Le Chat et de son packa-

    ging vert gazon, qui, en 2009, communique sur le thème :« L’écologie, c’est le moment d’en parler moins et d’en aire plus. » La campagne en parle d’ailleurs si peu qu’elleoublie de mentionner la présence de substances allergènes(butylphenyl, methylpropional, hexyl cinnamal, linalool)dans sa composition, ainsi que l’absence de l’écolabeleuropéen, une garantie appliquée aux lessives les moinspolluantes du marché.

    On pourrait multiplier les exemples de ces « écoloblanchi-ments », qui ne sont souvent que des ravalements de açade,à grands coups de peinture verte. « Des améliorations dansle comportement des entreprises ont cependant été enregis-

    trées à cette époque,  ajoute Mathieu Jahnich, avec le déve-loppement de nombreuses associations écolos qui ont pointédu doigt les plus gros mensonges. » La régulation devientégalement un peu plus restrictive, avec la possibilité donnéeà la justice de prendre des sanctions plus lourdes, en casd’abus manieste. Ainsi de la campagne pour l’eau Cristal-line de 2007, qui pointait du doigt l’eau du robinet, accuséede contenir des nitrates, du plomb et du chlore, et la compa-rait à l’eau des toilettes. En 2015, Cristalline a été condamnéà plus de 100 000 euros d’amendes. Mais la condamnation,finalement pas si lourde, n’est intervenue que huit ans aprèsles aits.

    Depuis 2008, du ait de la crise financière puis économique,la rénésie de verdissement des entreprises se reroidit ànouveau. Conséquences de la récession, et de son cortège dechômeurs : la nécessité s’impose de relancer la croissance,pour éviter que l’économie mondiale, comme dans lesannées 1930, ne sombre dans la dépression. Les politiquesne parlent désormais plus que de relance et de réindustria-lisation, au grand dam des militants écologistes. L’échecde la conérence de Copenhague, fin 2009, témoigne dupassage au second plan, pour les États, de la problématiquedu réchauffement climatique.

    Quant aux entreprises rappées par la crise, elles se

    recentrent sur leurs ondamentaux : réduire les coûts,améliorer leur compétitivité, afin de survivre dans ununivers en rétraction. Le verdissement, dès lors, redevientune problématique secondaire.  « On a raté à ce moment-là l’opportunité de remettre en cause ondamentalement lesystème »,  analyse ristan Lecomte, le ondateur de PurProjet, une société qui accompagne les firmes désireusesde reboiser les orêts pour lutter contre le réchauffementclimatique. « out le monde est responsable, les entreprises,mais aussi les États et les consommateurs. »

    Un prix Pinocchio décerné auxpollueurs-menteursÀ la aveur de la COP21 – et même si les attentats du13 novembre peuvent à nouveau changer la donne –, l’envi-

     À PEINE ÉLU PRÉSIDENT, NICOLAS SARKOZY SE LANCE DANS LE

     GREENWASHING, AVEC LE GRAND BARNUM DU GRENELLE DEL’ENVIRONNEMENT.

     Installation publicitaire vantant les méritesécologiques de la Toyota Prius, New York, juillet 2009.

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    pour 2015 figurent otal, Chevron ou encore EDF. Maisaussi Engie, qui est pourtant partenaire de la COP21. Enchangeant de nom au début de l’année, l’ex-GDF Suezavait promis de devenir l’énergéticien d’un « monde quichange ». Sur toutes les chaînes, sa pub annonçait que dansce nouveau monde « le noir est désormais presque vert »,et « chacun de nous, une source d’énergie ». Promesse nontenue selon Les Amis de la erre, qui rappellent que la stra-tégie d’Engie n’a pas ondamentalement changé et continueà reposer massivement sur le gaz et le charbon. C’est donc lapreuve qu’avec le greenwashing , ce sont d’abord les cerveauxqui passent au lavage. •

    ronnement redevient un thème central pour les entreprises,du moins les multinationales hexagonales dont l’activitéest soupçonnée de concourir au changement climatique(otal, EDF, Engie, Air France…). Certains dénoncent déjàla manière dont la COP21 a été organisée, qui permet à cesentreprises d’associer leur nom à l’événement. Renault,L’Oréal, Carreour, EDF, BNP Paribas, Engie ou encore AirFrance sont ainsi sponsors de la conérence, et pourrontafficher le logo « partenaire officiel Paris 2015 » pendant unan. Pour aire partie des heureux élus, aucun critère parti-culier n’a été fixé, même si certains candidats au sponso-ring, jugés trop « éco-incompatibles », ont été découragés.

    Pour beaucoup d’entreprises, c’est le moment de commu-niquer à nouveau massivement autour des probléma-tiques environnementales. C’est aussi l’occasion, pourles associations, de les orcer à bouger en menaçant de lesépingler pour greenwashing  au moment de la COP. « Suite àdes campagnes d’associations, les grandes banques, commeCrédit agricole, Natixis ou encore la Société générale, ontété contraintes de prendre des engagements en matière de financement des activités liées au charbon », témoigne ainsiSylvain Angerand, coordinateur des campagnes des Amisde la erre, une association qui décerne chaque année leprix Pinocchio à l’entreprise pratiquant le  greenwashing  le plus éhonté. Un prix successivement attribué à Areva,Veolia, Samsung, ou encore Shell, pour le décalage entre lediscours vert bonbon et la réalité. Parmi celles nominées

    RENAULT, L’ORÉAL, CARREFOUR, EDF, BNP PARIBAS, OU ENCORE ENGIE

     SPONSORISENT LA COP21, ET POURRONT AFFICHER LE LOGO « PARTENAIRE OFFICIEL PARIS

    2015 » PENDANT UN AN.

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    penser toujours, n’en parler jamais : c’est pouravoir enreint cette règle élémentaire du savoir- vivre, plus encore du savoir-vivre polit ique,que Manuel Valls s’est ait étriller par la droitecomme par la gauche, avant les attentats deParis. La aute du Premier ministre ? Avoirdéclaré publiquement qu’il n’était pas question,

    d’après lui, de laisser le FN emporter une région lors duprochain scrutin de décembre. Et d’avoir envisagé, enconséquence, la possibilité d’une alliance gauche-droiteentre les deux tours, une alliance PS-Les Républicains,

    pour aire barrage à la ormation rontiste là où elle pour-rait être en situation de gagner : dans le Nord-Picardie,avec Marine Le Pen, en Provence, avec sa nièce Marion, voire dans le Grand Est avec son premier lieutenant,Florian Philippot.

    Non au retour du reoulé ! Pour la droite, la perspectivede renouer avec la stratégie dite de ront républicain estd’autant plus inacceptable qu’elle l’a abandonnée durant lequinquennat de Nicolas Sarkozy au profit d’un « ni-ni », niFN ni PS. Il s’agissait alors de tirer la conséquence de ce quenombre d’analystes présentent comme « la droitisation  »de la société rançaise : la droite ne pouvait plus donnerde signes de connivence avec la gauche sous peine de voirde nouveaux pans de son électorat basculer vers le FN.

    Renoncer au ni-ni au temps de l’afflux de migrants et duterrorisme islamique constituerait un contresens.

    Pour la gauche, la aute de Valls est d’un autre ordre : pariersur la déaite avant que la bataille n’ait été livrée ! Dansles trois régions concernées, les sondages donnent en effetles candidats des Républicains assez nettement devant lescandidats socialistes. Pour beaucoup, à gauche, le Premierministre anticipe une débâcle en demandant au PS d’êtreprêt à se ranger, piteusement, derrière la droite. Or, pour lessocialistes du Nord, par exemple, la messe n’est pas dite : ils

    ne désespèrent pas de conserver la région, à la aveur d’unetriangulaire.

    Mais pour la droite comme pour la gauche, la vraie autede Valls est ailleurs : donner de la consistance à l’UMPS,ce antôme de la vie politique rançaise que Marine Le Pendénonce sur tous les tons depuis plusieurs années. C’estnotamment pour éloigner ce antôme que Nicolas Sarkozya rebaptisé l’UMP pour en aire Les Républicains. À droitecomme à gauche, beaucoup en sont persuadés : dans laperspective de la présidentielle de 2017, ce serait aire unormidable cadeau à la présidente du FN que de valider sonanalyse sur la gémellité des partis dits de gouvernement.Ce serait d’autant plus irresponsable qu’un éventuel rontrépublicain dans le Nord ou en Provence n’empêcherait pas

    Par Hervé Algalarrondo

    L’UMPS,

    C’EST L’AVENIR ! Pour avoir suggéré un front républicain de type UMPS au second tour des régionales là où le FN peut l’emporter, Manuel Valls a fait l’unanimité contre lui, y compris dans son propre camp. Pourtant, pour Hervé Algalarrondo, qui prépare un livre sur le sujet en collaboration avec Daniel Cohn-Bendit, la grande coalition est la seule issue politique au marasme actuel.

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    nécessairement une victoire du FN : la France d’en bas sesoucie désormais comme d’une guigne des consignes desétats-majors.

    Et pourtant, n’en déplaise à ma directrice préérée, je suisconvaincu que Valls a raison : l’UMPS, c’est l’avenir !Si gouverner, c’est prévoir, y compris en matière électo-rale, comment écarter la possibilité que le FN soit en poleposition dans une ou plusieurs régions au soir du premiertour ? Rien n’est sûr, évidemment, mais le climat ambiantautour de l’immigration et du terrorisme paraît plutôt de

    nature à booster le parti de Marine Le Pen qu’à le reiner. Etcomment la droite comme la gauche pourraient-elles consi-dérer une éventuelle victoire régionale du FN comme un…détail ? Le monde entier y verra le signe que la France estdéfinitivement le pays malade de l’Europe.

    Il y a des moments où, même en politique, on ne peut plustricher. On ne peut plus tricher avec le réel. Le temps où la viepolitique se résumait à un duel droite-gauche est révolu. Ladroite comme la gauche de gouvernement ne représententplus qu’un quart de l’électorat. Un peu plus pour les Répu-blicains, grâce à leur alliance avec le centre, un peu moinspour le PS, à cause du rejet de François Hollande. Le reste,c’est un FN qui représente aussi un quart de l’électorat,et que sa « marinisation » empêche dorénavant de classer

    mécaniquement dans un camp : son discours économiques’apparente à celui de la CG. Dans ces conditions, l’uniondes droites relève du antasme. Le reste, c’est aussi une

    gauche radicale, nettement moinsorte que le FN, mais qui a juré la pertedu PS. Dans ces conditions, l’union dela gauche relève du mirage.

    Devant cet éclatement de la représen-tation politique, comment dégagerune majorité cohérente, susceptiblede gouverner vraiment, pas seule-ment d’accumuler des réormettes,comme c’est le cas depuis quinzeans ? Aujourd’hui, il n’y en a qu’une :

    l’UMPS ! En politique comme au judo, il n’est pas interditde retourner les arguments de ses adversaires contre eux.Marine Le Pen présente avec constance l’UMPS commeun repoussoir. Pourquoi ne pas en aire un projet attrac-ti ? Impossible ? Impossible de considérer une mixtureamère comme un philtre d’amour ? Personne n’est obligé de

    tomber en pâmoison, mais regardons nos voisins : il y a unedécennie, le pays malade de l’Europe s’appelait l’Allemagne.Comment s’est-il – spectaculairement – rétabli ? Grâce àl’UMPS, à la mode germanique. C’est une grande coalitiondirigée par un social-démocrate, Gerhard Schröder, quia rendu l’économie allemande à nouveau perormante.Et c’est une grande coalition dirigée par une chrétienne-démocrate, Angela Merkel, qui a corrigé les excès de cettecure libérale, avec la création d’un Smic. out ne va paspour le mieux dans le meilleur des pays, outre-Rhin, maisla France est aujourd’hui condamnée au suivisme du grandrère allemand à cause de l’anémie de son économie et deson incapacité à reonder son modèle républicain.

    Marine Le Pen a raison : l’UMPS existe. Sur la plupartdes dossiers, la distance est beaucoup moins grande entreHollande et Sarkozy qu’entre Valls et Mélenchon. La gaucheet la droite de gouvernement échappent à la phobie anti-libérale qui règne aussi bien au Front national qu’au Frontde gauche : les deux ronts constituent objectivement l’autrebloc homogène, mais qui ne peut se coaliser à cause de laquestion de l’immigration, centrale pour l’un, marginalepour l’autre.

    La France a rendez-vous avec l’UMPS. Pas orcément àl’occasion des élections régionales, le climat d’union natio-

    nale qui a régné après les attentats s’étant vite dissipé. LesRépublicains et le PS espèrent échapper à une usion deleurs listes partout en France : Sarkozy table sur un retraitpur et simple des candidats PS dans les régions où il y auraun danger FN. Le vrai rendez-vous, c’est l’élection prési-dentielle de 2017. La qualification de Marine Le Pen pourle second tour n’est pas acquise, mais elle est probable.L’élu de 2017, qu’il s’appelle Sarkozy, Hollande, Juppé ouX, sera donc selon toute vraisemblance un élu UMPS.Comme Chirac en 2002. Il y avait alors eu un consensusgauche-droite pour laisser l’UMP aux manettes. Il audraen 2017 un consensus inverse pour que la droite et la gaucheassument leurs responsabilités, au-delà de leurs différences.C’est la seule voie pour que la France cesse de aire dusurplace où elle « marine » depuis 2002. •

     MARINE LE PEN PRÉSENTE AVEC

     CONSTANCE L’UMPS COMME UN REPOUSSOIR. POURQUOI NE PAS ENFAIRE UN PROJET ATTRACTIF ?

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    le chiffre officiel qu’il qualifiait alors, non sans audace,« d’artificiel ».  Il était alors un cadre dirigeant du particommuniste chinois, il est aujourd’hui le Premier ministre

    en titre. L’indice de Li, qui pourrait connaître la mêmeortune médiatique que le subprime rate, est conectionnéà partir de trois éléments : la consommation électrique,le volume du ret erroviaire, les prêts bancaires. Pour LiKeqiang, la croissance effective était ortement corrélée àces trois éléments. Or, sur la période récente, la consom-mation électrique a augmenté de 1 % l’an, le volume du reterroviaire est, selon le mois, en croissance ou en repli, etles prêts bancaires ont tendance à ralentir. En conséquence,le chiffre de 7 % ou presque que continue de publier Pékinrelève de la propagande.

    Alexandre Mirlicourtois et Antoine Brunet ont utilisé l’in-

    dice de Li et d’autres éléments pour estimer la croissanceeffective de la Chine dans une ourchette située entre 2 et3,5 %. Dans le meilleur des cas, la croissance chinoise neserait donc que la moitié environ de celle qui est annoncée.Mais l’opacité des chiffres chinois, celui de l’inflation enparticulier, acilite la tâche des truqueurs.

    Antoine Brunet insiste sur ce que révèle la alsification : àl’échelon de l’État et des entreprises, les dirigeants chinoisont commis de graves erreurs de diagnostic et de stratégie.Premièrement, ils ont ait le pari du retour à la prospéritédes États-Unis et de l’Europe, après les grandes secoussesde 2008 et 2010. Encouragés, il est vrai, par les augures offi-ciels de Washington et de Bruxelles, ils ont tablé sur unecroissance importante de la demande de biens chinois àpartir de ces deux zones. Mais la croissance américaine,réelle, déçoit les attentes, et l’Europe reste encalminée3.

    omerta n’est plus de mise. À chaque ois que

    tombent les chiffres trimestriels de la crois-sance chinoise, les économistes sont un peu plusnombreux à les mettre en doute, pour ne pas direen examen. À ce jour, il n’y a plus un seul spécia-liste du système chinois pour valider les annoncesdes dirigeants de Pékin.

    Deux économistes rançais, parmi les plus attentis, ont lancérécemment une orte mise en garde contre les statistiquesofficielles. Le premier d’entre eux, Alexandre Mirlicourtois1,n’y va pas de main morte : « Ras le bol du PIB chinois truqué(et de ceux qui s’y laissent prendre). »  Le second, AntoineBrunet2, sur la même longueur d’ondes que le premier, insiste

    sur l’usage répétiti de la manipulation statistique par Pékinqui, après avoir sous-estimé son excédent extérieur, sures-time aujourd’hui son PIB, ajoutant que, contrairement auxpropos officiels, complaisamment repris par les politiques etles médias en Occident, « la Chine n’a pas changé son schémaéconomique en le réorientant vers la consommation ».Le plus intéressant de leurs propos réside cependant,au-delà de la dénonciation ou de l’incrimination, dans lesexplications qu’ils donnent pour nous aire comprendre lecomment et le pourquoi de la alsification.

    Comment le PIB est falsifiéConnaissez-vous l’indice de « Li » ? C’est l’indice que s’étaitabriqué un certain Li Keqiang, en 2007, pour obtenir uneévaluation de la croissance chinoise plus véridique que

    CROISSANCE CHINOISE

     MÉFIEZ VOUS DESCONTREFAÇONS !Par Jean-Luc Gréau

     Les chiffres du produit intérieur brut chinois sont systématiquement falsifiés pour camoufler les erreurs stratégiques des dirigeants du pays. Et l’opacité des techniques de calcul en vigueur à Pékin rappelle fâcheusement le temps dessubprimes…

    L'  DANS LE MEILLEUR DES CAS, LA CROISSANCE CHINOISE NE SERAIT

     QUE LA MOITIÉ ENVIRON DE CELLE QUIEST ANNONCÉE.

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