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Ce matin Anthony a rendez-vous avec sonmultimedia.fnac.com/multimedia/editorial/pdf/9782332538420.pdf · Il regarde l’heure, ... le fils et la mère se regardent mutuellement,

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Ce matin Anthony a rendez-vous avec son

psychiatre, sa main se lève pour éteindre le réveil qui sonne. Il reste un bon moment dans son lit avant de se lever. Sa chambre est grande, meublée d’un lit, d’un bureau, de deux armoires, d’un canapé marron et d’un synthétiseur gris. Le sol est vêtu d’un vieux parquet, les murs tapissés de gris avec des bandes noires, la fenêtre donne sur le jardin. Anthony émet un son roque, du fond de sa gorge puis s’étire, ensuite il soulève la couette et la jette au bout de son lit puis se lève. Va dans son armoire, prend de quoi s’habiller puis file à la douche. Il fait couler l’eau, attend qu’elle soit chaude et rentre dans la douche. Il fait couler l’eau sur ses cheveux châtains et sur son corps nu, ensuite il prend le gel douche et se frotte frénétiquement tout le corps puis il se rince, attrape sa serviette et se sèche. Il s’habille d’un jean et d’un t-shirt gris, va devant la glace prend ses lentilles et les met sur ses yeux bleus. Il prend un peu de gel et se coiffe et met du parfum. Il range ses lunettes dans leur étui puis ouvre la porte de la salle de bain et sort. Il traverse le couloir, arrive dans la cuisine. Celle-ci est composée d’une grande table avec un miroir mural, de différents meubles de rangement, d’un frigo, d’un lavabo et d’un four ainsi qu’une gazinière.

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Anthony prend possession des lieux, il va tout d’abord dans le tiroir à pain, pour prendre du pain de mie puis ouvre le frigo pour prendre du lait, de la confiture et du beurre et enfin dans l’armoire pour prendre le chocolat. Ensuite il prend un bol, deux cuillères et un couteau et se prépare à manger. Il commence par mettre du beurre, puis de la confiture d’abricot ensuite il met à chauffer le lait au chocolat au micro-onde puis déguste. Il regarde l’heure, il est onze heures moins le quart. Il prend une veste noire et sort dehors, le temps est maussade, le soleil se cache derrière les nuages. Il sort un paquet de cigarettes et en allume une. Il souffle la fumée dans le vent tout en marchant, sous ses pieds le goudron est encore humide. A sa droite une file de voitures mal garées. Anthony tourne à gauche et longe le trottoir, il passe devant le garage Hyppom, il croise quelques voitures ensuite il traverse la route en diagonale, longe une librairie presse et monte une petite rue pour arriver au CMP. Il franchit le petit portail noir, ouvre la porte qui déclenche une sonnerie. Devant lui la salle d’attente, petite pièce équipée d’une table basse remplie de magazines et de chaises. Anthony s’assied sur une chaise et prend un magazine, il entreprend de le lire quand soudain, son psychiatre fait apparition dans la pièce. C’est un homme brun, la quarantaine, le visage ferme. Anthony se lève et lui serre la main.

– Comment allez-vous monsieur Frauste ? – Pas vraiment bien. – Allez venez dans mon bureau. Anthony suit son psychiatre jusqu’à son bureau et

s’assoit sur une chaise.

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– Alors monsieur Frauste, comment se déroule votre vie, que faites-vous de vos journées ?

– Oh presque rien à vrai dire. – Ah bon, mais vous avez des activités, me

semble-t-il ? – Oui je pratique le basket et j’écris beaucoup. – Sinon le traitement agit bien, vous n’avez pas

trop d’angoisses ? – Si énormément malheureusement. – Bon ben je crois que je vais devoir vous

hospitaliser à nouveau. Anthony devient tout pâle, il a horreur des

hospitalisations mais préfère ne pas mentir à son docteur.

D’accord et elle aura lieu quand ? – Dès demain. – Et je serais dans quel service ? – Dans le mien à l’USR. Bon je ne vais pas vous

importuner plus longtemps vu que je vous ré hospitalise, je vais vous faire l’ordonnance et vous pourrez partir. Allez, ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer.

Anthony se lève de la chaise et suit le docteur jusque dans le bureau principal, là le docteur sort l’ordonnance, la tamponne, la signe puis la tend à Anthony qui la prend, serre la main du docteur, tourne le pas et s’en va. Dans sa tête c’est le brouillard, mélange d’angoisse et de peur, il sort une cigarette et l’allume avec son briquet blanc, il tire de grosses bouffées pour oublier le rendez-vous et surtout l’annonce de son psychiatre. Soudain il ressent quelque chose de froid tomber sur sa peau,

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c’est la pluie qui s’annonce. Arrivé chez lui Anthony se jette sur son lit et s’endort. Dans son sommeil il repense aux anciennes hospitalisations, ces souvenirs le hantent, son cerveau, son corps se tortillent dans tous les sens. Dehors il entend le bruit de la pluie, soudain il s’endort et peut enfin se reposer. L’esprit nu de toutes mauvaises idées, le temps passe et Anthony reste là dans sa chambre à dormir, pour chasser les démons. Demain il y aura un taxi qui viendra le chercher pour l’amener à St Crépuscule, à Rodez. Finalement Anthony se réveille vers quatre heures de l’après-midi, il a dormi quatre heures, dehors la pluie a cessé, mais tout est mouillé.

Anthony s’étire puis il décide d’écrire un poème sur son ordinateur portable, il se concentre et parvient à écrire ces quelques phrases.

« Démons pourquoi venir me chercher dans ma maison.

J’étais à l’abri de ma raison. Je souffrais juste d’angoisse, j’étais pas en prison.

Pourquoi tant de cruauté, vous n’aurez pas mon sang. Je signe aujourd’hui une guerre contre vous. Et gare à celui qui y perdra son coup. La colère m’a pêché et vous je vais vous

supprimer. La haine m’a épousé et vous je vais vous étouffer. Plus un mot pour vous démons de mes nuits. Démons de mes jours surpris » Le tout relu il le poste sur son site de poèmes puis

consulte les quelques commentaires reçus, sur les autres poèmes. Cela lui fait du bien d’écrire surtout quand ça va mal, il retranscrit ainsi sa douleur dans l’écriture, soudain son portable sonne il décroche.

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– Allô oui Nico. – Oui tu vas bien tu fais quoi. – Oh rien demain je retourne à l’hôpital. – Ah OK désolé pour toi, je vais te laisser alors.

Bonne chance. – Merci à bientôt. Anthony raccroche puis il saisit un livre et

entreprend de le lire pour se décontracter. La lecture lui permet de se déconnecter du monde réel et d’occuper son esprit sur des faits imaginaires. Après avoir lu cinquante pages, il range son livre et va faire un tour dehors pour se détendre. Il ouvre la porte d’entrée, descend les escaliers, Filou et Layla, les chiens de la famille sont allongés par terre. Anthony ouvre le portail puis le referme derrière lui. Il a le pas lourd, le regard bas, il décide d’aller au bureau de tabac s’acheter un paquet de clopes. Enfant, Anthony ne posait aucun problème, il semblait tout à fait normal, mis à part qu’il était un peu renfermé. Il était souvent dans la lune, arrivé à l’adolescence après le divorce de son père et de sa mère qu’il n’a pas supporté, il est parti à la dérive. Il était devenu insolent avec ses professeurs, se faisait virer de toutes les écoles et pour finir, arrivé à l’âge adulte, il s’est mis à fumer et à boire considérablement. Aujourd’hui à vingt ans il doit repartir à l’hôpital pour se faire soigner.

– Je voudrais deux paquets rouges en vingt s’il vous plaît.

Le buraliste lui tend les paquets et récupère l’argent, le remercie et lui souhaite une bonne fin de soirée. Anthony sort du bureau de tabac et s’empresse d’allumer une cigarette puis crache des bouffées dans les airs. Les volutes de fumées montent puis se

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dissipent. Anthony admire le spectacle puis essaye de faire des cercles de fumée. Anthony profite le plus possible de sa liberté, bientôt il en sera privé et cela il le sait mieux que personne. Devant lui la place du quatorze juillet avec son église, son collège Saint Louis et ses commerces alentours. Il mémorise les lieux pour avoir un souvenir de liberté puis rentre chez lui. Il rentre dans la cuisine ou il trouve sa mère en train de manger. Il lui annonce qu’on le ré-hospitalise. Soudain dans la pièce le monde semble s’écrouler, le fils et la mère se regardent mutuellement, seules les larmes sur leur joue semblent perplexes. Au-delà des bras des mots et de l’évasion du cœur la douleur reste comme une preuve de leur amour. Anthony préfère allez se coucher que de voir sa mère se lamenter. Arrivé dans sa chambre il finalise ses sacs puis met son réveil à sonner et s’endort. La sonnerie ce matin est bien cruelle, pour venir chercher Anthony dans son sommeil. Énervé il jette le réveil par terre puis se lève. Il sort de sa chambre, va prendre sa douche puis va déjeuner ensuite il sort dehors fumer une clope, en attendant le taxi. Il est assis sur le montant des marches de chaque côté des hortensias, devant lui des roseaux qui cachent le jardin de la rue. Le taxi arrive, Anthony ne s’y précipite pas, il prend son temps, il ouvre la portière avant puis rentre dans la voiture qui accélère. Déjà la route défile sous les yeux livides d’Anthony, le paysage ne semble rien changer, il fait beau ce matin le soleil brille dans le ciel mais le bonheur n’a pas rendez-vous avec Anthony pour autant. Il passe devant Asprières puis devant les Albres et bientôt devant Monbazens pour continuer vers Rignac. C’est une femme qui est au volant du taxi, cheveux châtains, yeux bleus. Anthony la regarde un moment, avant de

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retourner la tête vers la route. Enfin arrivé à l’hôpital, Anthony ouvre la portière et pose un pied au sol. L’enfer vient tout juste de commencer, ce qu’il redoutait est finalement arrivé. Il prend sa valise, la fait rouler sur le sol, l’hôpital de St Crépuscule est très grand, tout autour il y a des parkings pour les voitures. Anthony rentre dans le hall d’accueil, accompagné de son ambulancière, il annonce son entrée à la secrétaire puis ressort de l’autre côté, dans le parc de l’hôpital. Devant eux une grande bâtisse avec devant, accrochées au mur, deux statues d’ange. Ils tournent à droite et longent les longs couloirs carrelés, des colonnes de pierre soutiennent les structures. Ils passent devant d’autres patients et soudain ils arrivent à l’USR. Ils prennent l’ascenseur, montent au troisième étage, Anthony reconnaît déjà quelques visages. L’ambulancière annonce l’arrivée d’Anthony au bureau des infirmiers puis s’en va. Audrey une infirmière prend Anthony en charge, elle est blonde aux yeux bleus. Elle commence par lui montrer sa chambre, celle-ci est composée d’un lit, d’une armoire, d’un lavabo et d’une glace puis elle l’aide à ranger son linge, sur les étagères de l’armoire. Anthony l’aime beaucoup, c’est elle qui était son infirmière responsable autrefois. Après avoir pris possession de la chambre, Anthony suit Audrey au bureau des infirmiers, pour remplir quelques papiers administratifs. Puis elle laisse Anthony déambuler dans les couloirs, croisant des patients comme lui, il inspecte l’endroit, le service de l’USR est accessible soit par des escaliers, soit par un ascenseur. Tout de suite à droite se trouve le premier salon avec une télévision, des fauteuils, trois tables avec des chaises pour les jeux en société. Les fenêtres donnent sur le

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parc, le salon donne sur un long couloir aux murs blancs avec des tableaux accrochés, la première porte à gauche ouvre sur la salle à manger qui contient un espace cuisine où il y a un frigidaire, un four et un appareil à café et chocolat chaud. Ensuite il y a un lave-vaisselle, un évier, une table roulante pour amener la nourriture. Il y a évidemment des tables pour manger, les autres portes donnent sur des chambres, une sur des toilettes, une autre sur les douches, une sur le bureau des infirmiers et une autre tout au fond du couloir à gauche sur le bureau du cadre infirmier. Au bout du couloir, il y a l’autre salon télé avec une table basse pour poser les magazines et une haute pour quelques livres. Des escaliers descendent sur d’autres chambres et sur un toilette. Anthony traîne ses chaussures par terre, l’enfer vient tout juste de commencer et il a un nom, l’ennui. Il décide d’aller dans sa chambre se reposer, le trajet l’a ramolli, il a l’impression d’être pris dans un étau, de pas pouvoir bouger, d’être compressé. Il finit par s’endormir, les minutes s’écoulent soudain un bruit le réveille, c’est Audrey qui frappe à la porte pour le réveiller.

– C’est l’heure de manger, Anthony il faut que tu te lèves, allez.

– D’accord, d’accord mais laissez-moi du temps, je suis mort de fatigue.

– Oui mais fais vite. Anthony se redresse difficilement et parvient à

enfiler ses chaussures, il ne prend pas le temps de faire ses lacets, il ouvre la porte de sa chambre et se dirige à la salle à manger. Il regarde avec attention et plaisir la silhouette d’Audrey marcher dans le couloir. Anthony s’assied à la table des régimes, il a gardé quelques habitudes de l’hôpital et il en a grand besoin

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effectivement ; Anthony pèse cent seize kilos à l’âge de vingt ans, ce qui n’est pas rien. D’ailleurs il a du mal à l’accepter mais doit faire avec. Au menu aujourd’hui, ils ont des endives comme entrée. Anthony reconnaît Nicolas un grand black, Pascale aussi, un sourd ainsi que Damien un gars aux cheveux longs et Richard un vieil homme, très gentil qui était dans sa chambre d’hôpital autrefois. Anthony reste muet, c’est Damien qui ouvre le dialogue.

– Alors comme ça t’es revenu ? demande Damien. – Ben oui suis revenu, comme tu le vois répond

Anthony un peu gêné. – Et pourquoi tu es revenu, qu’est-ce que tu as fait

de mal, pour être de nouveau interné ? demande Damien impatient.

– Au rien, pour une fois c’est moi qui me sentais mal donc je suis revenu pour que le psychiatre stabilise mon traitement.

– Ah d’accord, c’est moins marrant pour toi alors, je pense non ?

– C’est l’enfer tu veux dire, j’ai dormi toute la matinée comme d’habitude d’ailleurs ça n’a pas changé ici, l’ennui est toujours aussi mortel.

Anthony tourne la tête vers Richard, pour lui parler. – Alors mon vieil ami toujours vivant ? Anthony est très taquin et il adore charrier ses bons

amis. – Toujours vivant oui. Répond Richard pas trop

surpris. – Tu es toujours avec ta copine, c’est pour quand

le mariage ? Lâche Anthony en rigolant, il semble avoir retrouvé un peu le moral.