CELSA Innovation, journalisme et nouvelles formes médiatiques

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    CELSADcembre 2012 Innovation, Journalisme & Nouvelles formes Mdiatiques 1

    INNOVATIONS

    JOURNALISME& FORMES MDIATIQUES

    CELSADcembre 2012M1 - Mdia et Communication

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    EDITO TABLE DES MATIRES

    Notre poque est marque parun profond renouvellement desformes mdiatiques. De nou-veaux dispositifs techniques,des blogs aux agrgateurs enpassant par les rseaux sociaux,remettent en cause les qui-libres anciens du paysage m-diatique, et ne sont pas sansinuence sur les pratiques pro-fessionnelles, en particuliercelles des journalistes.Cette revue constitue une ten-tative dapproche des mutationsrcentes du mtier de journa-liste, partir des travaux menspar les tudiants en Mdias etCommunication du CELSA surdes formes nouvelles, telles queles programmes tlviss parti-cipatifs, ou des outils de micro-blogging comme Scoop-it ouPosterous.Les articles proposs nont paspour ambition de servir de r-frence aux professionnelsdaujourdhui. En revanche, ilsdoivent pouvoir aider les tu-diants en journalisme mettreen perspective les volutionsde leur futur mtier ; mais aus-si les tudiants en communica-tion, en veille sur des nouveauxusages qui prgurent la com-munication de demain.

    Comprendre les innovations et lesnouvelles pratiques journalistiquesdans un univers mdiatique en

    constante volution

    Rinventer lejournalisme

    LA GRILLE DE PROGRAMMATION

    DE LA RENTRE

    VOLUTIONS TECHNIQUESET IMAGINAIRES DU JOURNALISME

    PRODUCTIONET CURATION DE CONTENUS

    ENTRE AMATEURISMEET PRATIQUES PROFESSIONNELLESREMERCIEMENTS

    Mme Valrie Jeanne-Perrier pour nous avoir propos ce projet

    tous les tudiants du M1 Mdias et Communication du CELSA pour nous avoir transmis leurs travaux :

    La tlvision connecte Harmony Suard, Matthieu Warnier de Wailly, Camlia Docquin, Laura Hilaire, Justine Brisson

    La programmation de la grille de rentre

    Sarah Hammel, Lou Daum, Ariane Gateau, Camille Principiano

    Les foalisations smiotiques

    Isis Hobeniche, Marine Gianfermi, Claire Sarfati, Camille Paplorey, Pauline Legrand

    Posterous, Instagram, Scoop-it

    Pierre Favennec, Vassili Feodoroff, Matthieu Dartiguenave, Lucas Vaquer

    Youmag

    Laura Akhoun, Maia Boy, Marion Spencer, Charlotte Belaich, Angela Perigot

    Lou Daum, Marion Spencer et Mathieu Warnier de Wailly pour avoir particip nos entretiens.

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    Les outils de microblogging sont des drivs des blogs.Ils permettent de sexprimer de manire plus concise,en agrmentant des textes courts de contenus mul-timdia. Comme le blog, les plateformes de micro-blogging permettent un archivage des contenus, etcomme les services de messagerie instantane, ellessont fondes sur une logique de ux et permettent la

    diffusion dinformations de manire instantane.

    Comment, la lueur de lanalyse des plateformes demicroblogging Posterous, Instagram et Scoop-it, peut-on dnir la logique de ux sur le Web ? Quelle est

    la place de limage dans le ux diffus par ces plate-

    formes ? Quelles sont les ressemblances avec les m-dias dactualits, et quels sont les enjeux de ces res-semblances ?

    USAGES DU FLUX ET CONTRAT DE COM-MUNICATION

    Tout ux se caractrise par une origine, une destina -tion et un trajet. Lorigine du ux lui donne son impul-sion, dnissant la direction que lon souhaite donner

    linformation. Prenons lexemple de Twitter : plu-sieurs lments conditionnent la forme que prennentles tweets : leur limitation 140 caractres, qui invite

    lutilisateur comprimer son propos, le rduire une humeur. Linstantanit est de rigueur : les sym-boles de lappareil photo et du pointeur connotentcette ide du live .

    Cest par ces symboles, qui sont des cadres insti-tuant linstantanit, que Twitter acquiert son identi-t propre, qui le distingue des autres plateformes demicroblogging.

    Le ux qui en dcoule et qui constitue votre timeline

    Twitter est donc conditionn par une manire bienspcique de grer du contenu. Or grer du contenu

    est lapanage des CMS (Content Management System,en franais systme de gestion de contenu). En effetdes outils comme Instagram, Posterous ou Scoop-Itproposent des systmes de gestion de contenu, impli-quant un usage qui leur est propre, et un ux dinfor-mation spcique. Par exemple, sur Posterous, cest

    la scurit des contenus et des partages qui est miseen avant. Scoop-it, quant lui, place son utilisateurdans un rle de curateur de contenu : cest--direquil slectionne, dite et partage les contenus qui luisemblent les plus pertinents pour une requte ou unthme donn. En somme, ces plateformes de micro-blogging sont fondes sur un contrat de communica-

    Lune des modalits de ce que lon appelle le web 2.0 (lvolution du web vers plus desimplicit et dinteractivit) est la possibilit offerte tous les utilisateurs de produire

    et diffuser des contenus mdiatiques.La publication darticles, de photos, de vidos, nest plus lapanage des professionnelsde linformation et de la communication. Cette volution pose la question de lidentitdu journalisme, dans un contexte o les journalistes nont plus le monopole de la

    production et de la slection dinformation.

    tion qui leur est propre, labor par un ensemble decaractristiques qui servent de cadre lexpriencede lutilisateur. Sur Posterous, on met en avant une

    promesse de scurit ; sur Scoop-it, une promesse depertinence ; sur Instagram, une promesse de partage.

    LE POID DE LIMAGE

    Instagram, limage comme unique moyen de communi-cation.Le contrat de lecture dInstagram sinscrit dans unelogique dmotion et departage. Instagram fondeses caractristiques sur unetendance : lessor des smart-phones, faisant natre desusages autour de la photo-graphie qui diffrent de ceuxque lon pouvait avoir avecun appareil photo classiqueou numrique. En effet lesmartphone ne quitte pas son utilisateur ; lappareilphoto du smartphone fait partie dun important en-semble de logiciels informatiques ; son accs Inter-net permet lutilisateur dtre connect tout mo-ment. En outre, Instagram, avec ses ltres appliqus au

    photo, promet la crativit. Les utilisateurs sont s-duits lide de se glisser dans le rle de lartiste, ducrateur. Cela semble expliquer la grande popularitdInstagram, qui offre la possibilit de faire de bellesphotos sans ncessairement tre un professionnel.

    Posterous : lergonomie pure dune plateforme centresur limage.Sur Posterous, les ls dactualit peuvent tre suivis

    de deux faons : lutilisateur peut suivre un auteur enparticulier et recevoir les actualits de tous ses es-paces ; il peut galement suivre un espace et recevoirtoutes les actualits de cet espace. Dans les deux cas,

    limage est le rfrent de chaquepost : que ce soit pendant la lec-ture du ux ou pendant celle dun

    espace, cest limage qui attire lilde lutilisateur sur le post, qui faitofce dintroduction au post.

    La comparaison avec les ux de Fa-cebook et de Tumblr est clairante: ces deux plateformes proposentun compromis entre les textes, lesimages, et les outils dits sociaux (de partage), alors que Posterous

    met clairement limage au premier plan.

    AMATEUR - PROFESSIONNELS : LA FINDUN CLOISONNEMENT

    Vers une utilisation professionnelle dInstagram ?Les plateformes que nous avons tudies ne sontpas exclusivement utilises par des particuliers. Lesentreprises se servent aussi du potentiel de ces ou-tils pour perfectionner leur image de marque. Lint-rt dInstagram pour les entreprises est de proposerun contenu visuel valorisant, qui peut nourrir luni-vers de la marque, les imaginaires dans lesquels elle

    souhaite sancrer, et de per-mettre une proximit avecle consommateur. Loutilpermet galement de g-nrer du trac autour de la

    marque et daugmenter savisibilit sur le web.

    Dautres usages dInstagrammettent en vidence la po-

    rosit des frontires entre amateurisme et pratiqueprofessionnelle : prenons par exemple lanimateur ve-dette de TF1 Nikos Alliagas, qui a rcemment publiun livre rassemblant ses photographies prises sur Ins-tagram. Cette publication nest pas une dimension deson travail danimateur, mais relve plutt du perso-

    nal branding (ou marketing de soi ). On peut parlerici dune professionnalisation de lusage dInstagramdans la mesure o Nikos Alliagas fait de cet usage unesource de revenu. Il se btit galement une image, ense montrant, travers ses clichs, comme un profes-sionnel des coulisses du paysage mdiatique franais.

    Instagram a donc son mot dire dans les actions decommunication des professionnels. Mais loutil estgalement en passe de modier des pratiques jour-nalistiques, en particulier le photojournalisme. Ins-tagram modie les pratiques photographiques des

    journalistes dans la mesure o lapplication offre un

    ENTRE AMATEURISME ET PRATIQUESPROFESSIONNELLES

    Instagram, Posterous ouScoop-It proposent dessystmes de gestion decontenu, impliquant unusage qui leur est propre

    Posterous : une prdominance des images

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    rseau immense et une banque impressionnante de photographies. Ellepermet aussi une accentuation de la tendance des mdias toujoursplus dimmdiatet dans la diffusion de linformation. En effet, avec Ins-tagram, en deux temps, trois mouvements, la photo estdisponible sur le web : une dimension dautant plus im-portante depuis quInstagram a t intgr Facebook.Ces nouvelles pratiques posent la question de lidentitdu journaliste : avec la popularit des rseaux sociaux, laprofession tend sindividualiser. Cest--dire quon as-siste lmergence dune double parole : celle des m-dias auxquels ces journalistes sont aflis, et la parole des

    journalistes en tant qu individus, qui apparat sur leurscomptes personnels (Twitter, Instagram, etc.). Une lo-gique symtrique se produit : alors que les journalistessapproprient des outils damateurs, les amateurs, de leurct, grce loutil Instagram, peuvent simproviser pro-

    fessionnels. En effet les ltres disponibles confrent uncachet, une histoire et une dimension esthtique leursphotographies, qui deviennent des objets mdiagniques.Une question se pose alors : lesthtisme ne fait-il pas ou-blier la dimension informative de la photographie jour-nalistique ? Nest-il pas incongru de photographier des

    scnes de guerre esthtises par un ltre Instagram ?

    Instagram, Scoop-it, Posterous : quelle ressemblance avec les mdias dactuali-t ? Quels en sont les enjeux ?Toutes les plateformes de microblogging que nous avons tudies usentde similitudes avec les mdias dactualit classiques. En effet le champlexical des pratiques journalistiques est largement repris : on parle de mots cls , d dition , de publications , de sujets SurScoop-it, la volont de traiter de lactualit est afche travers la pr -sence de trend topics (sujets tendance). Le nom mme du disposi-tif, Scoop-it, contient le mot scoop , utilis en journalisme pour dsi-gner une actualit exclusive. Les liens entre ces trois plateformes et lesmdias dactualit se resserrent au fur et mesure quils sont i nvestispar des journalistes.

    Cette porosit des frontires entre amateurisme et profession-nalisme, qui recoupe la ressemblance des plateformes de microbloggingavec des mdias dactualit, pose problme. En effet, si les outils de mi-croblogging permettent chacun de simproviser journaliste dans l ins-tant, les contenus sont diffuss de manire brute, sans traitement, sansrexion a priorisur la publication de linformation. En outre, sur Insta-gram, le systme des ltres loigne les photographies de lidal de vra-cit et de captation du rel, au fondement de la profession de journaliste.Cest ainsi quun certain nombre de photos modies, ou sorties de leur

    contexte, ont t massivement diffuses sur les rseaux sociaux lors delouragan Sandy, qui a rcemment travers les Etats-Unis. Certaines deces photos peu ables ont mme t reprises dans des mdias tablis,

    sans autre vrication pralable que celle de leur prsence sur la toile :

    des drives qui amnent relativiser lenthousiasme gnral qui accom-pagne la croissance des outils de microblogging, et la dmocratisation dela production de contenus.

    LintrtdInstagram

    pour lesentreprises estde proposer uncontenu visuelvalorisant, qui

    peut nourrirlunivers de la

    marque

    UN NOUVEAU RAPPORT LACUTALIT

    Les outils de microblogging comme Posterous, Scoop-it et Instagram,mnent lutilisateur un nouveau rapport lactualit, qui peut savrerproblmatique. Aujourdhui grce ces applications trs simples dutili-sation, un grand nombre dusagers du web peuvent sautoproclamer mu-siciens, photographes, journalistes, sans pour autant avoir reu de for-mation. Cette volution est double tranchant. Cest la fois lespoirdune avance dmocratique et dune ouverture culturelle, mais cestaussi la porte ouverte toutes sortes de drives : en effet, quelle valeuraccorder cette information dun genre nouveau ? Comment reprer

    les informations ables et de qualit ? Ces questionnements sont indis-sociables de notre rexion sur la dmocratisation de la production de

    contenus mdiatiques.

    Nikos : une utilisation lucrative dInstagram

    Instagram modie les pratiques

    photographiques des journalistes

    dans la mesure o lapplicationoffre un rseau immense et unebanque impressionnante de

    photographies

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    Parmi les nouvelles pratiques de production et de rception des mdias observables

    sur le Web, la curation de contenu mrite une attention particul ire, car elle participede la rednition des rles du journaliste.Le magazine YouMag est un exemple type de cette mutation des rles du journaliste

    vers moins de production et plus de curation. Dans cet article, nous avons tent denrestituer les principaux aspects et enjeux.

    YOUMAG, LE NOUVEAU CONCEPT ME-DIATIQUE QUI REPOND AUX BESOINSDES INTERNAUTES

    Slectionner linformation pertinente pour rpondre auxnouveaux besoins des internautes.YouMag est un magazine numrique personnalisabledinformation.Son principe est simple : cest linternaute de choi-sir, dans une liste prtablie, un ensemble de centresdintrts sur lesquels il souhaite tre inform. Unux dinformation correspondant ses centres din-trt est ainsi dispo-nible en permanencesur YouMag : ce ux

    est slectionn et or-

    ganis par des journa-listes.

    Daprs les fondateursde YouMag, ce sont lesbesoins prexistantsdes internautes qui sont lorigine de ce concept :- Dabord, un besoin de slectionner, de trier le ux

    continu et multiple des informations disponibles surInternet.- Ensuite, avec une volution de linformation verstoujours plus de rapidit, dinstantanit, linternauteest rapidement submerg avant davoir eu le temps

    de sappesantir sur une information particulire. You-Mag propose donc galement des contenus plus ana-lytiques et approfondis.

    En somme, YouMag simpose comme un mdiateurentre lindividu la recherche dinformations, et letrop-plein de contenus disponible sur le Web. Ce m-diateur promet lutilisateur dtre able, pertinent,

    et de lui permettre de gagner du temps.

    Ainsi, YouMag propose deux unes :- La Une YouMag, panorama de lactualit ralis par

    lquipe ditoriale dusite.- La Une personnali-sable, dont les sujets

    sont choisis et organi-ss par lutilisateur.

    Quel modle cono-mique ?Larrive dun nouveau

    support pose, pour les mdias, la question de leurmodle conomique. Il ny a pas dinnovation mdia-tique sans prsence dun modle conomique viable.YouMag, qui slectionne des contenus produits pardes diteurs, a adopt une stratgie de partage desrevenus entre le site et les producteurs de contenu.Il se caractrise par une offre freemium, cest--dire

    PRODUCTION ET CURATION DECONTENUS

    YouMag simpose comme unmdiateur entre lindividu

    la recherche dinformations,et le trop-plein de contenus

    disponible sur le Web

    que le site propose la fois des contenus gratuits(nancs par la publicit) et des contenus payants

    (vente darticles lunit).

    Quel contrat de communication ?Le contrat de communication, propre chaque m-dia, correspond lensemble des marqueurs qui d-terminent limage de lmetteur du message, celle durcepteur, et les modalits de leur relation. Il est aufondement de lidentit du mdia.Le contrat de communication de YouMag semble sednir par les caractristiques suivantes :

    - YouMag promet au lecteur de sy retrouver dans li n-formation, grce au tri et la catgorisation de conte-nus divers.- Il promet galement au lecteur la possibilit de

    crer son propre mdia selon ses centres dintrt

    La principale promesse est donc celle de la person-nalisation. Une promesse qui apparat dans l e vocabu-laire choisi par les concepteurs du site, tant pour lenom du magazine, YouMag ( You , cest toi , cest ton magazine ), que pour celui de la Une ( MaUne perso ).- Mais YouMag sattache galement apparatrecomme fournisseur dune information complte etsre, srieuse et diversie.

    - En outre, lextrme personnalisation et la place ma-jeure accorde linternaute ne doivent pas faire ou-blier le travail du journaliste en amont, dans le choixdes articles, leur ditorialisation et leur hirarchisa-

    tion. Ce sont les journalistes qui choisissent les ar-ticles, mme si le dispositif tend donner l impressionque lutilisateur cre son propre magazine.

    DES JOURNALISTES QUI NE PRO-DUISENT PAS DINFORMATION

    Le journaliste agrgateur de contenu et non producteurde contenu.La nouveaut de la formule propose par YouMag re-pose sur une gure particulire du journaliste, nou-velle et encore inhabituelle.En effet, toute la part dinvestigation, qui caractrisele mtier de journaliste aux yeux du grand public, estici vacue. Le journaliste de YouMag effectue unique-

    ment un travail de veille en vue dtablir une revue depresse. Il nest pas producteur dinformation ; son tra-vail est de collecter, trier, hirarchiser une informa-tion prexistante.On constate donc la perte dun certain nombre decaractristiques fondamentales du mtier de jour-naliste : lenqute, lanalyse et le commentaire dispa-raissent. Chose plus frappante encore, lcriture dis-parat du mtier de journaliste : ce qui rompt avec lesorigines de la profession, autrefois troitement lieau monde de la littrature. Le travail de tri et de vali-dation, qui ne reprsentait autrefois quune partie du

    journalisme, en devient ici lactivit essentielle.

    Le travailde tri et devalidation, quine reprsentait

    autrefoisquune partiedu journalisme,en devientici lactivitessentielle.

    La Une Youmag

    La Une personnalisable

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    YouMag : une identit forte.Si la gure du journaliste comme individu tend sef-facer, son travail contribue un tout, commun et co-hrent, dont lidentit est forte, et bien mise en valeursur le site. En effet, bien que linformation glane surdautres sites soit poste brute sur YouMag, sans ana-lyse ni commentaire, la slection et la hirarchisationdes informations constitue un point de dpart vers laconstitution dune identit ditoriale. Le seul fait quedes informations soient slectionnes et mises cte cte implique des choix ditoriaux, une intention. Lechoix se retrouve dans lordre des sujets : actualit,ssports, culture, tech, mdias, lifestyle, passion. Hirar-chiser, classer, cest estimer quun type dinformationest plus important quun autre : cest donc se po-sitionner, afrmer son identit mdiatique. En outre,

    lorsque le visiteur arrive sur la page daccueil de You-Mag, cest un ditorial quil voit en premier.

    Or lditorial est une production originale, cest unarticle qui rete la position de lditeur ou de la r-daction. Sur YouMag, ldito nest pas sign. Il nestdonc pas suppos afrmer lidentit dune personne,

    mais celle dun groupe de personnes contribuant lexprience YouMag.

    UN CONTEXTE MEDIATIQUE TROUBL,DES REPONSES VARIES

    Faire du neuf avec de lancien.YouMag fait du neuf avec de lancien, en ce quil pro-

    pose un concept nouveau tout en se rappropriantdes codes journalistiques anciens.Daspect, le site se prsente comme un journal papier,reprenant les codes de celui-ci et ses traditionnellesmises en page : les grands titres, les Unes, les cha-peaux, les rubriques, les signatures des journalistespour chaque revue de presse

    YouMag : une rponse aux nouveaux besoins et usagesdes lecteurs.Il faut comprendre le paysage mdiatique actuel et lestransformations en cours pour saisir les enjeux dunenouvelle formule telle que YouMag :- Un contexte dinfobsit : les informations sont par-tout, et en grand nombre, voire lexcs (do le pa-rallle avec lobsit)- Une extrme fragmentation de linformation : avecla monte dInternet, les mdias sont de plus en plus

    nombreux, et sadressent des publics de plus en plusfragments et restreints- Une validit incertaine : sur Internet, tous les utilisa-teurs peuvent tre producteurs de contenus mdia-tiques. Ds lors, la question se pose de la l gitimit etde la validit de ceux-ci.

    Do lmergence de nouveaux besoins :- Les lecteurs ont avant tout besoin dune slectionde linformation, face un ux permanent qui tend

    les dsorienter.- Ils ont aussi besoin que les contenus disponiblessoient valids par une instance intermdiaire com-

    Ldito de YouMag (gauche) et les sujets traits (haut)

    ptente.YouMag tente donc dapporterune rponse ces demandes nou-velles, avec son approche de lac-tualit fonde sur la personnalisa-tion :- Une thmatisation prcise descontenus- Une slection des thmes selonles intrts des lecteurs- La promesse faite au lecteurdune construction personnelle desa revue de presse

    Comparaisons : dautres manirespour les mdias de rpondre la de-

    mande dinternautes submergs ?Face au nouveau contexte mdia-tique que nous avons voqu, You-Mag ne constitue quune rponseparmi dautres possibles.

    Lexemple des magazines Polka et6mois :Comme son nom lindique, le ma-gazine 6mois sort tous les sixmois. Polka, quant lui, est un bi-mestriel. Face lacclration desux dinformation sur Internet, ces

    deux magazines on fait le choix desinscrire dans le temps long, deprendre le temps de faonner etpartager lactualit. Ces magazinesse positionnent comme des m-dias complets, de qualit, redon-nant du sens lactualit, et au

    journaliste son rle traditionnel,en promouvant linvestigation et le

    reportage.

    Un autre mdia novateur se po-sitionne dans cette alternative lente par rapport au ux perp-tuel dInternet : le magazine Cls.Le titre du mdia en dit dj longsur son intention et son position-nement : donner des cls dana-lyse, de rexion, de comprhen-sion de linformation. En outre, sesthmatiques ne sont pas orien-tes vers lactualit dite chaude, mais vers la culture , le spirituel,le bien-tredes catgories quisancrent dans un temps long et

    appellent la rexion ainsi qu larecherche de sens.

    YouMag est donc un exemple ex-trme des mutations du mtierde journaliste lre numrique: le journaliste YouMag, coupde lcriture, se fait curateur decontenu au service de son pu-blic. Linnovation YouMag rpond une demande : celle dinter-nautes perdus dans un ux din-formations toujours plus vaste etrapide. Toutefois, favoriser la cura-tion au dtriment de lenqutenest pas la seule rponse possible ce nouveau contexte mdiatique: dautres, comme Polka, 6mois ouCls, sont parvenus rhabiliter letemps long et le journalisme din-vestigation.

    YouMag fait duneuf avec de

    lancien, en cequil propose

    un conceptnouveau

    tout en serappropriant

    des codes

    journalistiquesanciens

    Le magazine Polka : page daccueilLe magazine 6mois : page daccueil

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    Hyperciblage vs. actualits gnrales. La su-perposition de ltres ne convoque-t-elle pas le

    danger du lter bubble, surtout si lutilisa -teur ne se rfre qu sa Une perso?

    Cela pourrait tre un ri sque, mais lutilisateur arrivede fait sur la page daccueil qui est la Une propre YouMag. Bien sr, il peut ne faire que passer et allerdirectement sur la UNE perso, mais le bandeau d-roulant attire lil, notamment grce la place accor-de aux images, il y a donc toujours la tentation dypasser un peu plus de temps.Sur la Une perso , il y a plusieurs niveaux de person-nalisation de li nformation. Selon les niveaux lenfer-mement est plus ou moins grand. Cest lutilisateurqui choisit quel ciblage de linformation il recherche.Le site ne nous dicte aucun usage puisquil pro-pose lui-mme plusieurs formes de mdiation de li n-formation. Le dernier niveau (le plus personnalisable)est un trs n ltre, il y a donc dans ce cas peut-tre

    le danger du lter bubble . Mais cette bulle est

    construite par lutilisateur en partenariat avec le sitequi propose de toute faon un autre mode de lecturede lactualit avec la Une YouMag, ditorialise et hi-rarchise par la rdaction.

    Peut-on envisager YouMag comme le futurmode de consommation de linformation?

    Cest un outil qui a toute sa pertinence dans lecontexte actuel de linformation (acclration, ux,

    trop plein, instantanit) car il permet de choisirses sujets dintrt et il permet aussi daccder ra-pidement une information pertinente. Ce nest pasquun simple agrgateur, et cest au l de son utilisa -tion, que lon se rend compte quil y a une vritableligne ditoriale. Les articles sont slectionns et celase ressent. Les dossiers sont complets et font un pe-tit tour dhorizon des diffrents points de vue sur lessujets, ce qui est un vrai plus.Le site rpond donc un besoin de lutilisateur ce

    qui fait toute sa pertinence. En plus avec la Une You-Mag le site fait du deux en un : une Une gnrale, tra-ditionnelle et une Une perso permettant un panora-ma de son actualit.On pense quil y aura de plus en plus diffrentes

    consommations de l information, le concept de You-Mag sera srement un de ces modes.

    Peut-on parler de contrat dagrgation/slec-tion de contenu, puisquon fait conance au

    journaliste charg de trier les informations?

    Le site rpond plusieurs contrats avec le lecteur :- la promesse dune personnalisation ultra ne de lin-formation on peut donc trouver tout de suite lin-formation qui nous intresse.- lassurance dune information sre les informa-tions sont rgies par une ligne ditoriale. Ce sont des

    journalistes (et donc des humains) qui slectionnentles informations remonter. Le site nest donc passeulement un agrgateur de news (des machines). Lefacteur humain est la condition de conance entre

    YouMag et son utilisateur car cest grce elle quelinformation sera pertinente, srieuse et rendracompte de lhorizon des diffrents points de vue re-latifs une information.

    PAROLE

    Marion Spencer nous livre ses impressions sur YouMag, la prnnit de son modle, ses limiteset ses consquences sur le travail du journaliste.

    Le facteur humain est

    la condition de confance

    entre YouMag et son

    utilisateur car cest grce

    elle que linformation

    sera pertinente

    Pour capter le lecteur en ligne, les journalistes doivent aujourdhui intgrer denouvelles pratiques leur profession. Il incombe alors aux rdactions de construireleurs articles avec ce quon appelle les focalisations smiotiques, savoir des outils-signes ddition, de partage et de mise en rseau, hrits des mdias informatiss.

    Quelles sont les consquences culturelles, de cette utilisation aujourdhui rcurrentedes focalisations smiotiques, pour le mtier de journaliste?

    PARTICIPATION, DIALOGUE,INTERACTIVIT : LES NOUVEAUXGESTES NCESSAIRES DU JOURNALISTE

    Linuence des rseaux sociaux sur la production de lin-formationLessor incontestable de lutilisation des rseaux so-ciaux met en perspective une nouvelle faon deconsommer linformation fonde sur le partage grande chelle. En effet, on peut aujourdhui suivrelinformation en sabonnant directement au compteFacebook dun journaliste o en le suivant surTwitter.

    Ainsi, la gnration 2.0 sinforme aujourdhuipresque exclusivement sur internet et les rseauxsociaux :- Facebook compte prs de 20 mill ions dutilisateurs

    actifs en France dont 52% qui ont entre 18 et 34 ans.- Twitter compte 7,3 millions dutilisateurs en FranceDans cette conguration, il apparat alors ncessaire

    dintgrer les logiques des rseaux sociaux aux sitesdinformation pour capter le lecteur l o il se trouve.De fait, sinstitutionnalisent des gestes journalistiquesnouveaux accepts et mme impulss par la pro-fession : des gestes de participation, de dialogue etdcoute fonds principalement sur la logique de lin-teraction.

    Quelle relation mdia/audience ? Liker , Partager , commenter -lintgration

    du modle du rseau social dans les sites dinforma-tion sillustre par une prsence aujourdhui banale defocalisations smiotiques. Ces derniers prennent laforme de petits signes qui i nstaurent une certaine re-lation entre le mdia et laudience.

    Lhyper-prsence de ces signes inuence la manire

    de lire un article journalistique : on peut le commen-ter avant mme de lavoir lu, on peut le partager rienquen ayant lu le titre, etc. A cet gard, on peut direque cette reprsentation de la relation entre mdiaet audience tend parfois devenir plus importanteque le contenu lui-mme.

    Vers une rcriture journalistique ?Lutilisation de ces signes survalorise le principe delinteraction au point tel quon en arriverait nive-ler le statut du journaliste-expert sur le mme plan

    que la contribution du lecteur-commentateur ou par-tageur.

    Cette proximit avec le message journalistique per-met lutilisateur de sapproprier linformation. Uneexploitation qui participe de la rcri-ture du message initial puisquon peutle citer, le tronquer, le commenter, lepartager et ainsi modier son sens. Le

    commentaire de lutilisateur, peut parexemple, faire ofce dditorial dans la

    mesure o il confre un certain juge-ment au contenu indpendamment de

    VOLUTIONS TECHNIQUES ETIMAGINAIRES DU JOURNALISME

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    lintentionnalit du journaliste. Ainsi, lutilisateur ne fait pas que partagerlinformation mais il la complte.

    Pour le journaliste, le lieu de production de linformation devient sonfonds de commerce, sa marque de fabrique o il peut communiquersur sa personne.Cette hyperpersonnalisation se rete par exemple sur Facebook o il

    est possible de liker le compte dun journaliste

    En dnitive, lapparition de ces signes pose la question de la nature de

    linformation : est-elle information parce quelle informe ou bien parcequelle gnre la participation de lutilisateur ?

    Cette rednition de lcriture journalistique va de pair avec la red-nition du statut de journaliste. Une gure, autrefois conue sur les no -tions de distance, dimpersonnalit, et de retrait qui aujourdhui renoue,en lassumant, avec les notions de proximit et dinteraction.Le journaliste est brid entre contraintes techniques et impratifs co-nomiques

    Quels enjeux conomiques ?Sur les sites dinformation, la prsence quasi-automatique de ces signeshrits des rseaux sociaux pose la question de leur vritable valeur.Que reprsente leur utilisation sur un plan conomique ?

    Dans un contexte o les sites dinformation peinent se rentabiliser, cessignes ont une grande valeur auprs des annonceurs : ils peuvent tre lesindicateurs quantitatifs et qualitatifs du trac, de lutilisation et du succs

    dune page web. Dans une logique marchande, lutilisation de ces optionspeut tre considre comme argument de vente auprs des annonceurs,quil sagisse de linstrumentalisation du bouton like ou de limpact dubouton recommander .Ces signes sont alors lobjet de rels enjeux conomiques dans unepoque o les utilisateurs conoivent linformation du web comme une

    ressource gratuite.

    Des techniques qui brident lexpression au nom de la liber tMme si la prsence de ces focalisations smiotiques repose sur lima-ginaire de la libre participation, ces signes encadrent les possibilits departicipation de faon contrle. Ainsi, le rle interactif du lecteur estbrid dans des cadres, des formes et des rles gs, non transformables.

    En voici des exemples :- Il ny a pas de bouton dislike permettant lutilisateur dexprimerson mcontentement.- Les CMS (systmes de gestion de contenu) structurent les contenus- les interfaces dexpression de lutilisateur sont limites un cadre, une forme

    La gnration 2.0 sinforme aujourdhui presque

    exclusivement sur internet et lesrseaux sociaux.

    La relationentre le mdia

    et son audiencetend parfois

    devenir plusimportant que

    le contenului-mme

    Vers une dvalorisation des symboles de la participationet de linteraction ?Devant labondance de ces signes, il semble parfoisdifcile de se reprer. Cette confusion rend parfois

    difcile de donner une vritable valeur ces options

    passe partout . Paradoxalement, lhyperprsencede ces signes peut tendre leur dvalorisation, voireleur disparation : plus ils sont nombreux et banals,plus ils deviennent invisibles, anodins et insigniants.

    Exemple du cas Facebook : mme si 50 millions deliens sont liks chaque jour, 98% de ces likes seraient mal cods, ne serait-ce qu cause de leurmauvais emplacement stratgique dans une page.

    On serait alors tent de croire que ces signes nai-dent pas vritablement la valorisation du journaliste.Pour se faire remarquer, ces signes doivent tre trai-ts dune manire diffrente, plus rchie, et moins

    conventionnelle.

    Face des lecteurs de plus en plus actifs, exigeantset critiques face la consommation de linformation,les nouvelles techniques journalistiques ne doiventpas tomber dans le pige de la parole prescriptive etbride. Au contraire, elles doivent

    considrer la participation comme vritable pratiqueet non seulement comme un imaginaire dinternet.

    LE JOURNALISME CONFRONT AUXLEURRES DES MYTHOLOGIES DINTER-NET

    Limaginaire du participatifLimaginaire du web 2.0 se fonde sur lutopie dun es-pace libre, galitaire et participatif. Ds lors, ladop-tion des outils et symboles, par tous les mdias etles sites dinformations est perue comme ncessaire.

    Dans cette vision dinternet, le lecteur nest pas per-u comme un simple consommateur de linformationmais comme un co-constructeur de linformation

    avec les journalistes. Une impression de collaborationdans un cadre o lutilisateur nhsite pas aider, rec-tier ou contredire le journaliste. Il serait alors un

    crateur de contenus, notamment grce aux fonc-tionnalits de commentaire, et prescripteur traversson usage des boutons sociaux .

    Espace journalistique : la mise en scne de la libert 2.0Ce contrat de communication des journalistes web,fond sur la notion de participation, est mis en scne

    Lhyperprsencede ces

    signes peuttendre leur

    dvalorisation,voire leur

    disparation

    Bas de page du Hufngton Post

    Popularit dun journaliste

    Le statut Facebook dune utilisatrice

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    grce aux fonctionnalits proposes par les r-seaux sociaux. Ainsi, les focalisations smiotiquesconcentrent, canalisent et favorisent cet imaginairedu participatif. Dun certain point de vue, ces signesen arrivent se substituer la parole mme de luti-lisateur.Par exemple, un article publi dans le l dactualit

    Facebook met en avant le nombre de likes maispas les commentaires des utilisateurs.

    On voit alors que la parole de lutilisateur nest pasforcment mise au mme pied dgalit ditorialeque celle du journaliste.Plus que vritables outils de contre-pouvoir et departicipation, ces signes semblent surtout tre deslments de cadrage du dbat et du contenu pro-

    duit par les utilisateurs. Ils sont alors des leurres quiservent attirer les publics vers la marque mdia. Defait, malgr lui, lutilisateur participe la constructionde limage du mdia.

    Ladaptation croissante des sites dinformation auxlogiques participatives des rseaux sociaux participede la mutation des pratiques journalistiques. De nou-veaux outils et symboles simposent alors dans les r-dactions web pour servir tant les mythes dinternetque des logiques conomiques.

    La tlvision nest pas morte ! Face lessor dinternet, certains annonaient la n de la tlvision.

    Celle-ci demeure nanmoins une entit qui conserve toute sa place au sein des mdias. Une

    place toutefois mouvante, objet rednition une poque o la pratique du double cran sedmocratise et o les rseaux sociaux investissent largement notre quotidien. La tlvision doitalors saligner une mouvance globale fonde sur la participation avec le public

    Comment sopre cet alignement de la tlvision aux logiques de participation ?Quels en sont les enjeux ?

    Elments de rponse avec lanalyse de la grille de rentre des mdias.

    LA PARTICIPATION : ENTRE VOLUTIONDES PRATIQUES ET IMAGINAIRE

    La participation lre des rseaux sociauxLes pratiques de participation ont toujours plusmoins existes au sein du mdia tlvisuel, tra-vers le courrier postal ou encore le tlphone parexemple. Mais lessor des rseaux sociaux a intensi- la pratique participative. Ces derniers permettent

    de ragir en direct face un contenu tlvisuel ; parexemple, soit en ddiant une page Facebook unemission, soit en participant via des tweets relayssur les sites des chanes de tlvision.

    On voit alors lmergence de la pratique du multitasking , savoir la consommation de plusieurs m-

    dias en mme temps.Daprs le journal 20 minutes :- 80% des internautes de moins de 25 ans se serventdun second cran lorsquils regardent la tlvision- 72% dentre eux utilisent Twitter ou une applicationspciale pour commenter les contenus

    GRILLES DE RENTRE 2012 : ESSOR DUPHNOMNE PARTICIPATIF

    Les missions TV lre de la participation : Danse avecles Stars ; Grand 8 , le Vivinteur

    La participation apparat comme injonction au seindes programmes tlvisuels, quil sagisse dmissionsde divertissement, dinformations ou de politique. Envoici des exemples :- Danse avec les stars sur Tf1. Il sagit dune missionqui incarne la collaboration de la tlvision et detwitter : des tweets dlent le long de lmission. Les

    Live Tweets permettent de suivrent les rpti-tions et le show laune de contenus augments (in-terviews, informations exclusives, photos, coulisses).Toutefois, cette interactivit en apparence foison-nante et libre, est en ralit parfaitement cadre.Pour preuve : les tweets diffuss sont toujourslogieux et leur prsence est plutt symboliquepuisquils nont aucune incidence vritable sur le d-roul de lmission.

    - Le Grand 8 sur D8 : Il sagit dune mission de type magazine dactualit qui propose ses tlspecta-teurs de ragir en direct. Mais malgr la demande endbut dmission de rgir et interagir sur le droule-ment du programme, il ny a pas de vritable change.En fait, peu de tweets sont diffuss et on ne sait pasde quelle manire ils sont slectionns. Les critiquessemblant tre masques, les tweets diffuss appa-raissent surtout comme des objets dattestation etde validation de lmission

    - Mots Croisssur France 2 : Emission politique qui

    Focus sur la grille deprogrammation de la rentre

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    est lillustration la pl us exemplaire de lintgration deTwitter au dbat.Pour autant, il nexercent pas une vritable inuence

    mais leur prsence conserve un certain aspect sym-bolique fort : lincarnation des pratiques 2.0 lint-rieur du cadre traditionnel de la politique

    VERS UNE TLVISION 2.0

    Le public : n de la passivit ?

    Avec les rseaux sociaux, chacun a potentiellementle choix de faire entendre sa voix quand il souhaitesexprimer.Le consommateur de tlvision veut dsormais sim-

    pliquer davantage dans le mdia et simposer commeun vritable acteur dans le choix des contenus quilconsomme. Il arrive quils parviennent inuencer les

    programmes (ex : insertion de nouveaux dispositifs,nouvelles chroniques, remplacement de chroniqueurs,etc.)

    Exemple de Carr Viip : mission de tl- ralitpropose par TF1. Face au boycott et aux commen-taires destructeurs, par les tlspectateurs, autour delmission, sa diffusion a t totalement arrte parla chaneLa participation : quels enjeux conomiques ?Dans ce contexte de course laudience, lobjectifdune mission est dattirer un maximum de tlspec-tateurs. Pour optimiser cette rentabilisation cono-mique, il faut dliser les tlspectateurs. Dans cette

    optique, on pourrait interprter ce phnomne departicipation comme outil de dlisation et de me-sure relative des publics.

    Les entreprises mdia cherchent professionnaliserla pratique de la participation en invoquant la mesurede laudience sociale calcule sur des plateformesspcialises en nombre de tweets par programme. Demme lessor du mtier de community manager per-met de crer une interface entre les publics et le m-dia.

    Toutefois, cet intrt nancier reste vrier sur le

    long terme. Pour linstant, la participation ne permetpas vraiment de relles retombes conomiques pourles mdias. On voit par exemple que les rseaux so-ciaux ne sont pas des supports conomiquement int-ressants pour les chanes, puisque la plateforme nap-partient pas aux entreprises conomiques et quellesne peuvent donc pas proposer despaces aux annon-

    ceurs : elles nont aucun contrle puisquelles ont lemme statut que nimporte quel utilisateur.

    VERS UNE TL CONNECTE ?

    Face cette injonction du participatif dans nosconsommations tlvisuelles, lmergence de la tlconnecte apparat comme un compromis technolo-gique innovant pour la pratique du multi tasking .En effet, dans cet optique, le tlviseur permet :- daccder la vido : Replay, Catch-up TV, cataloguesYoutube, Dailymotion, Vimo, VOD, etc.- de naviguer sur le web- dinstaller des applications : accder des services linstar des smartphones

    Au-del de ces fonctionnalits de base, la tl connec-te, sur le long terme reste un outil prometteur pourles crateurs de produits audiovisuels (cf : entretien).Dans cet impratif du participatif, le champ dinno-vations autour de la tl connecte de demain resteouvert et construire.

    On arrive se demander si la participation au fond neserait quune tendance que tous les mdias ont suivipour tre dans le coup ou si elle rpond vraiment des logiques stratgiques plus afnes.

    A bien y regarder, on saperoit que ce phnomnede participation ne modie les missions que dans

    leur forme (installations de dispositifs, volution danslafchage, etc.) et non dans leur fond. En effet, le rle

    du journaliste demeure essentiel : il ne sefface pasderrire ces faades interactives.Toutefois, Linteractivit occupe une place indniabledans les missions de tlvision : dun ct, elle per-met au tlspectateur de se sentir en apparencecout, de lautre, elle permet une rexion strat-gique autour des missions. Il apparat que lavenirde la pratique tlvisuelle tende vers une tlvision

    connecte mme sil est encore trop tt dvaluerle phnomne.

    Le consommateur de tlvision veut simpliquerdavantage dans le mdia et simposer comme un

    acteur dans le choix des contenus quil consomme

    mission Danse avec les stars

    mission Le Grand 8

    mission Mots croiss

    GRILLES DE RENTRE 2012 : ESSOR DUPHNOMNE PARTICIPATIF

    Illustrations de laudience sociale

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    La production de contenu semble devenir plus importante quele rle de diffuseur pour la tlvision. Est-ce que la tlvision

    connecte est une tentative de redonner lappareil tlvisuelun rle central ?

    Il est probable que lon soriente terme vers une diffusion gnralise dediffrents contenus, produits par diffrentes entits, sur lensemble des pla-teformes digitales (tlvision, mais aussi mobile, ordinateurs ou tablettes).A partir de ce constat, il est certain que dune part le rle de diffuseur dela tlvision ne semble plus se rduire la diffusion de ses propres conte-nus, et dautre part que les contenus quelle produit doivent proter des

    avances techniques. La tlvision connecte est sans doute une opportu-nit pour elle de renouveler son offre et de la replacer au centre de lap-pareil mdiatique.

    La tlvision reste envisage comme une consommation pas-sive. Le mode dengagement que requiert la t lvision connectenest-il pas destin des publics de niche?

    Cest probable dans une certaine mesure, et pour certains types de conte-nus (paris sportifs par exemple). Mais dautres innovations, comme le t-marketing et ses nombreuses applications, sont videmment destins lau-dicence la plus large possible.

    On imagine bien la tl connecte comme une exprience im-mersive. Or elle fait galement appel au multi-tasking. Quelleserait donc sa spcicit? Comment construit-elle ses usages?

    Lide la plus probante serait que lexprience immersive de la tlvisionconnecte fasse prcisment appel la force de multi-tasking de ses utili-sateurs : lenjeu pour les dveloppeurs de programmes est de canaliser unphnomne dj existant (le fait de mener de front plusieurs tches, parfoissur plusieurs crans) autour dun mme programme. Pour simplier, les ac -teurs de la tlvision connecte tentent de faire en sorte que ce que lonfait en parallle de lexprience tlvisuelle soit ramen elle.

    PAROLESMatthieu de Warner de Wailly nous livre son avis sur la tlvision connecte, son rle, ses

    enjeux.

    Allons-nous vers une industrialisation du commentaire servantde faire-valoir aux missions?

    Il est possible que nous nous dirigions vers une industrialisation ducommentaire , mais pour li nstant, on peut dire que nous en sommes son ttonnement. On sent de la part des chanes de tlvision une vo-lont de se concentrer sur ce nouvel usage. Mais il faut cependant bienpenser deux choses :- la premire, cest que la pratique du commentaire des programmes t-lvisuels, bien que prenant de plus en plus dampleur, ne concerne cer-

    tainement pas une majorit des tlspectateurs. Elle reste en effet unepratique assez condentielle, car elle utilise un langage trs propre lui-mme (Twitter, hashtag) et exclue souvent de nombreuses personnes.- la deuxime, cest que lon sent certes un engouement progressif deschanes de TV pour la Social TV, en assurant une prsence sur Internet.On retrouve de trs nombreux programmes sur les rseaux sociaux(Facebook et Twitter), et certains dveloppent mme leurs propres pla-teformes, regroupant des tweets, proposant quelques petits plus. Ce-pendant, il faut savoir que cette pratique est encore nouvelle et par-fois presque trangre pour les chanes et les missions de TV, et lonressent parfois la volont de la part de celles-ci dtre prsentes sur In-ternet pour faire comme les autres , parce quil faut y tre , pourtre dans lre du temps , mais sans rellement savoir quoi y faireexactement.

    Ce que lon peut donc dire, cest que lide dindustrialisation du com-mentaire serait tout fait possible, mais que pour linstant les chanesnont pas encore trouv le moyen doptimiser la pratique, et en sont en-core un ttonnement.

    Les tweets diffuss sont pr-slectionns. Dans quelle mesurela parole du spectateur participant est vritablement convo-que?

    Il est sr quil ne faut pas tre dupe en ce qui concerne la mdiatisa-tion de la parole du tlspectateur. En effet, les messages diffuss sontvidemment slectionns, et lon peut penser que les programmes seservent le plus possible de ces messages pour se construire une imagepositive.En thorie, Internet et la Social TV permettent tous de pouvoir sex-primer et mme converser avec les chanes de tlvision, seulement onvoit bien quen ralit, cette ide est une utopie, tout l e monde ne peutpas tre mdiatis, car de fait les mdias doivent slectionner. Ainsi, onpeut dire que de plus en plus, la parole du tlspectateur sincrustedans le corps de certains programmes tlvisuels, mais que cette pa-role est en fait une reprsentation de la parole, dessine par lesmdias eux-mmes, qui est souvent une parole qui bonie ou qui buzz.

    Lou Daum revient sur la place laisse la parole du tlspectateur.

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    RDACTION Alexandra Bensoussan

    Kiran Fazil

    REALISATION DES ENTRETIENS Shadia Ramsahye

    MISE EN FORME GRAPHIQUEAlexande DallAra

    Mathieu Ruthy

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