Cénacle de la Rose+Croix - Voyage d'un pèlerin vers l'Est

8/13/2019 Cnacle de la Rose+Croix - Voyage d'un plerin vers l'Est

1/44

H. Spencer LEWIS

VVOOYYAAGGEEDDUUNNPPEELLEERRIINNVVEERRSSLLEESSTT

Et jai voyag jusquau portail de lEst

Sauvegarde de Enseignements Traditionnels et InitiatiquesCnacle de la Rose+Croix

BP 37487010 LIMOGES CEDEX 1


2/44

Voyage dun plerin vers lEst

SETI Cnacle de la RoseWCroix

2

H. Spencer Lewis, F.R.C.,

Imperator de lOrdre en Amrique

VOYAGE DUN PLERIN VERS LEST Et jai voyag jusquau portail de lEst

Cinquime pisode de lhistoire complte et authentique delOrdre

Texte original en amricain, paru dans le numro de mai 1916de la revue The american Rosae Crucis , pp. 12-27.

Traduction : Jean-Nol WITZMaquette : Frdric LAFONT

Pour le Cnacle de la RoseWCroix


3/44



3

Si vous venez Paris et que vous faisiez en sorte derendre une visite au Studio de M. X le professeur de langue au du Boulevard Saint Germain, il devrait pouvoir vous direquelque chose au sujet du cercle auprs duquel vous voulezvous renseigner. Il serait alors judicieux de lui remettre ce mot.Assurment, un lettre lui annonant votre arrive (prcisant ladate et le nom de votre bateau) serait propos.

Telle tait, en substance, la lettre que je reus durdacteur en chef dun journal parisien qui javais adresscette simple question : comment connatre la mthode suivre qui de faon sre conduira mes pas jusqu laRose+Croix ?

De fait, javais plac sous ma signature un signeparticulier qui stait grav dans ma conscience durant unesrie de rves, mme si jignorais ou ne me rendais pascompte de sa signification.

Lorsque notre cur aspire sincrement quelque grandprivilge ou bienfait, quand notre esprit, jour aprs jour, heurepar heure, na de cesse de ne sattacher qu une fermersolution, alors nous dcelons dans nos rves une foule designes et de symboles, voire de messages importants, dont lasource et lintention demeurent gnralement voiles.

Aprs de nombreuses annes dtude de luvrerosicrucienne exotrique, un dsir croissant, obsessionnel, derejoindre la Fraternit, si dsintresse dans son engagement

participer lamlioration et unit de lhomme, jcrivis mpar une irrsistible impulsion ce rdacteur en chef dujournal parisien que je ne connaissais pas.

La rponse tait aussi encourageante quedcourageante. A quoi dautre aurais-je pu mattendre, jelignore. Il tait encourageant de constater que ma requteavait retenu lattention et obtenu une rponse rapide. Ctaitprodigieux dapprendre que la grande Fraternit ne stait pas


4/44



4

teinte comme le proclamaient tant douvrages derfrence. Mais le fait que je devais me rendre Paris pour y apprendre quelque chose du cercle signifiait toutbonnement un contretemps dans la ralisation de mes espoirset mes dsirs.

De la dtermination, jen avais revendre, et les visionsqui peuplaient mes rves, de jour comme de nuit,maintenaient ma foi et mon ambition. Ctait au dbut du moisde juillet que javais reu la lettre de Paris ; et peut-tre meserait-il possible daller Paris lanne suivante. Qutait-cequune anne dattente ? Navais-je pas attendu deux, trois,quatre, cinq ans avec lespoir que je pourrais un jourapprendre que lOrdre existait toujours ? Sur cette pense jepliais soigneusement la lettre et la rangeais avec les autrespapiers sur lesquels reposaient mes espoirs pour lavenir.

Jour aprs jour, ces mots me trottaient dans la tte : sivous venez Paris . Dans lobscurit, ils simprimaient surmes paupires et chaque feuille de papier que je tenais mesmoments dintrospection semblait senluminer de cette phrasede feu.

Et puis, une semaine plus tard, je recevais une lettredaffaire qui moffrait lopportunit inattendue de visiterplusieurs villes franaises. Ainsi, je pourrais visiter Paris, entoute libert, me dsirs tant donc sur le point dtre raliss.Assurment, ctait l la dmonstration dun principerosicrucien.

Jcrivis donc de nouveau Paris, pour cette foisannoncer au professeur X mon arrive, bord du paquebot America qui partait de New York le 24 juillet, soit quinzejours plus tard.

Les prparatifs habituels termins, la lettre du rdacteurparisien place en lieu sr dans mon portefeuille, mes cartes,mes guides et mes notes rassembles dans mon bagage, je


5/44



5

dbutais mon priple vers le portail de lEst, le portail de laSagesse.

Le 24 juillet tombait un samedi. Tt dans la matine dudimanche, je fis la connaissance dun jeune homme au teintbasan, que je pensais originaire des Indes orientales. Ds lesamedi aprs-midi, il avait sembl rechercher toutes lesoccasions de se trouver en ma compagnie, sur le pontsuprieur et infrieur, et javais limpression que la solitude,devant laquelle, sur locan, tous les hommes sont gaux, luitenaillait le cur comme elle tenaillait le mien.

Sa socit tait des plus agrables. Il se rendait enFrance, puis Jrusalem, mapprit-il, pour une missionsecrte pour le compte dune hritire amricaine trs en vue,clbre pour ses uvres charitables.

Il y avait quelque chose en lui, un je ne sais quoi li sapersonnalit son tre intrieur qui me fit une trange etprofonde impression.

Je me revois montant depuis le salon au pont suprieuret le dcouvrant, debout dans la lumire du soleil, en train descruter lhorizon de la mer. Il avait un port altier, sa silhouetterayonnait une majest certaine et son allure en imposaitvraiment. Je marrtai et lobservai. Sa posture traduisait unintrt intense mais pour quoi ? Le soleil levant ? Et tandisque je le regardais, son insu, fig tel un bronze, unsentiment de respect ml de crainte menvahit et je pusmempcher de penser que celui que je contemplais tait

quelque mystique oriental.

Cependant ces boutades et le soin quil mettait vitertout sujet li locculte, ne pouvaient rien laisser penser deplus quil tait des Indes orientales. Toutefois, mes multiplestentatives de lattirer sur le terrain de locculte, et plusparticulirement de la philosophie est-indienne, lavaientintimement convaincu de mes propres idaux et croyancesphilosophiques. A lvidence, ceux-ci refltaient et


6/44



6

tmoignaient expressment des pratiques religieuses et desprincipes moraux qui taient les miens.

Nous accostmes Cherbourg le dimanche 1er aotmatin et nous dcouvrmes une baie en habits de gala car leyacht personnel du Tsar tait l, escort par de nombreuxnavires de guerre. Le Tsar se rendait en visite officielle auprsdu prsident de la rpublique franaise.

Un voyage de six heures nous conduisit, moncompagnon et moi, Paris et nous nous sparmes lentrede mon htel, bien convaincus lun et lautre que nous ne nousrencontrerions plus.

Cependant, avant que nous natteignions Paris, javaisinvit mes compagnons de voyages inscrire leur nom surune carte postale du paquebot. Mon compagnon tranger melaissa entendre quen plus je pourrais tre heureux quil melaisse ses coordonnes sur carte spare. Lui ayant confirmque jen serais ravi, il arracha un feuillet de papier pais duncalepin et y crivit ce qui semblait tre son adresse etquelques mots, sous son nom. Dun geste machinal je lerangeais dans mon portefeuille et non pas avec le reste demes papiers. Jamais ne me vint lide dtudier ce quil pouvaitbien signifier ou ce quoi il tait destin. Quand cet hommeparlait ou sadressait vous, vous ne pouviez rien faire deplus que de vous laisser aller la rverie, pensermachinalement.

Une semaine scoula avant que je cherche rencontrerle professeur X. . Javais prononc les mots RosaeCrucis en prsence de franais et franaises avec desbonheurs divers. Je constatais que ces mots, dans la plupartdes cas, agissaient comme un charme amenant sur biendes visages un air dmerveillement, de surprise, de respect et


7/44



7

de vnration mais jamais le moindre signe ou mot dereconnaissance. Il y eut une exception. A mon htel, tt lematin, je rencontrai une jeune fille peut-tre ge de seizeans en train de frotter la brosse les sols du hall.Conformment ma mthode habituelle de recherche etdinvestigation, je me plaai de telle sorte que je pouvais voirson visage et je prononai lentement Ros-a-e Crucis . Ellese redressa comme mue par un ressort, se tint ainsi fige me regarder avec cet air serein ml dun peu de crainte, quejai pu observer depuis sur les visages de plusieurs viergesvestales. Elle ne dit mot mais attendit soit un signe soit uneparole de ma part. Comme jignorai quoi faire dautre, elle seremit au travail sans prter davantage dattention mapersonne.

Mais dune chose jtais sr. Le propritaire de lhtel,un client ais (un franais), le visiteur dun couvent parisien,deux chauffeurs de taxi, un conducteur de tramway, deuxgendarmes, un maracher, un vendeur de journaux, unefemme de mnage et un certain nombre dautres personnesissues des classes sociales les plus diverses, connaissaient lenom Rosae Crucis que tantt ils redoutaient, tantt ilsrvraient.

Rosae Crucis ntait pas MORTE Paris !

Je rendis visite au professeur un beau matin etdcouvris quil tait le propritaire dune boutique qui neproposait comme marchandise que de rares et superbeseaux-fortes et photographies de monuments franais . Je

vais tenter de vous donner, autant que faire se peut, unerelation fidle de notre conversation du 7 aot 1909 :

tes-vous le Professeur X. ? Je parlais en anglais,oubliant que jtais en train de parler un franais. En fait jene maventurais parler franais quavec rticence, en raisonsde ma connaissance extrmement limite de cette langue,dautant que durant mon sjour parisien javais trouvbeaucoup de personnes qui parlaient assez bien langlais.


8/44



8

En personne, monsieur rpondit-il avec unecourtoisie des plus appuyes. Et je prsume que vous tes un un amricain ? Je parle bien anglais cest mme un demes grands plaisirs et je suis heureux de mentretenir avecvous dans votre propre langue. Que puis-je pour votreservice ?

On ma dirig vers vous, rpondis-je. Et je vous ai critune lettre qui vous informait que je vous appellerais quelquemoment de cette semaine. Vous ne me connaissez ni dEve nidAdam, en fait jhabite New York. Je ne sais mme pasexactement comment vous pouvez maider, mais jarrive avecune question qui pourrait bien en appeler dautres.

Je crois savoir ce qui vous amne ici, monsieur, et jaidailleurs t inform du but de votre dplacement par Mons.Lditeur du _________, voici quelques semaines. Jattendsvos questions.

Il me fit entrer dans un petit bureau quil avait amnagpar une simple cloison larrire de la boutique. Enmenfonant dans le magasin je notai que les murs taientcouverts du sol au plafond de vitrines dacajou o taientaccroches de splendides eaux -fortes, des photographiesmagnifiques, et une ou deux aquarelles. Il y avait encoredautres cabinets, tiroirs, dans lesquels jappris plus tarddautres gravures taient ranges selon la rgion quellesconcernaient. Je ne me souviens que dun seul autre magasindu mme genre, spcialis comme celui-ci dans une unique

forme dexpression.

Le Professeur X. est un homme bien bti, de taillemoyenne, llgance et au maintien typiquement franais.Son extrme courtoisie, ses manires polices, sa gestuelleexpressive, sa voix douce et ses yeux ptillants lui attiraient lerespect et la sympathie dus au gentleman franais, toujourssincre et toujours affable. Je lui donnais aux environs dequarante-cinq ans. Sa barbe soigneusement taille la


9/44



9

franaise, ses joues colores et sa chevelure jais pouvaientbien dissimuler un tout autre ge. Son langage tait souventdes plus choisis, mais je me souviens avec quelle jubilation ilse risqua quelques amricanismes des plus typiques.Quand il parlait anglais, il navait quun lger accent franais,mais quand il prononait un patronyme ou toponyme franais,ctait alors avec cette inflexion si fascinante qui tait lasienne.

- Et pourquoi cherchez-vous faire la connaissancedun frre de la Rosey Croix ? me demanda-t-il tandis quenous nous asseyions dans son bureau meubl lancienne.

- Parce que je veux savoir si cet ordre sculaire existetoujours et dans laffirmative Jtais cours de mots. Jene pouvais pas dire que je voulais devenir membre. Il taitinconcevable de pouvoir solliciter si abruptement un telprivilge en la prsence dun homme comme le Professeur X.

- Et cest l votre seule excuse pour vous rendre Paris, pour me rendre visite ? En quelque sorte, ce quonpourrait considrer comme de la curiosit ?

- Ah, non Professeur ! Je commenais me rendrecompte que mtais mal exprim et que je navais pas surendre compte de la nature relle de ma motivation. Jenexprime pas le moins du monde une vaine curiosit. Jecherche des informations parce que je voudrais un jourrejoindre leurs rangs, si jamais cela devait tre possible.

Ca y est ! Mon secret est rvl, pensais-je.

Assurment, javais t franc.

- Mais de quel droit, mon ami ? Vous voulez tre lundeux ? De qui ? Lun des frres ? Vous voulez en tre ? Vousformulez une telle demande ? Vous ne priez pas, vous nesuppliez pas, mais vous demandez ? Vous ne connaissez ni


10/44



10

lOrdre ni mme lun de ses membres, mais vous sollicitez dytre admis, de devenir lun deux !

Il ne sagissait pas pour lui de me faire sentir que jtaisdans une position inconfortable ni mme que je me montraisprsomptueux. Il madressait ses remarques avecbienveillance, mais sans me mnager pour autant.

- Mais, Professeur , repris-je, je ne veux je nedsire rien dautre que savoir comment je pourrais myprendre pour voir mes espoirs les plus fous se raliser. Je nesollicite pas mon adhsion immdiate dans lOrdre ; Je neprtends prsentement aucun privilge exclusif ni aucunhonneur. Je me prsente vous en simple chercheur aspirant la connaissance la lumire.

Au fur et mesure que javanais dans mon explication,son visage laissait transparatre progressivement uneexpression toujours plus bienveillante et ce ne fut quelorsquune force irrpressible fit jaillir de ma conscience mesdeux derniers mots que je sentis la barrire svanouir entrenous deux. Ces deux mots la lumire avaient t commeles formules magiques des contes de mon enfance. Il mesemblait quen la matire je navais rien fait dautre quedexprimer, dune faon assez commune finalement, mondsir daccder la connaissance de lEst. Mais avec lesannes qui se sont coules depuis, je me suis rendu compteque je naurais pas pu utiliser un meilleur symbole que lalumire ni de meilleurs mots que ces deux mots. Lumire ! Lacl du rosicruciannisme le mot de passe qui donne laccs

aux royaumes secrets.

- Ainsi, mon bon ami, si vous cherchez la lumire,reprit-il, vous devez tout dabord prouver que vous la mritez.Nous sommes ns dans les tnbres et certains dentre nousdoivent continuer vivre dans les tnbres sur ce plan et encette prsente vie. La lumire ne peut tre donne tous. Sonclat, son feu, sa chaleur et son apparence pourraient enaveugler certains et conduire dautres lanantissement.


11/44



11

Vous devez tre convaincu de mriter la lumire et vous ne lamriterez quautant que vous la dsirerez pour de lgitimesmotifs.

- Ce que je dsire le plus au monde, monsieur, cestapprendre les lois, les secrets, les grands principes durosicruciannisme afin de servir en les partageant avec ceuxqui les mritent, aidant ainsi lhumanit. Je nai pas le moindremotif goste. Je ne les cherche pas pour moi-mme, je lescherche pour en faire profiter dautres. Pendant des annesjai lu et tudi ce qui se rapportait ces domaines. Jai ditplusieurs revues philosophiques, jai crit pour davantageencore. Jai enseign dans une cole de philosophie. Une devos acadmies franaises a bien voulu reconnatreofficiellement mes mrites dcrivain philosophe. Jadore cetravail. Cest un vritable sacerdoce pour moi. Jai acquis unenotorit certaine en Amrique en tant qutudiant de locculte,confrencier ou crivain. Voil pourquoi je suis si dsireuxdaller plus loin encore et de faire mieux.

- Et vous tes venu me voir, monsieur, reprit-ilrapidement, sans autre recommandation que celle de votrerputation et de vos uvres profanes. Vous avez reu leshonneurs publics. Vous avez t admis un examen decollge. Vous avez rencontr la reconnaissance duneacadmie franaise. Votre nom est bien connu dans le mondedes journaux traitant de locculte ou parmi le public desconfrences. Rien que des honneurs mondains. Mais quenest-il de vous de votre moi rel, de votre tre intrieur.Quand sest-il exprim pour la dernire fois ? Comment sest-il

dvelopp ? Parlez-moi de votre me, de votre, mais je nepeux pas vous parler comme je le ferais dautres.

- Jai quelques autres papiers ici, dis-je en ouvrantmon portefeuille. Ils se rapportent mes activits profanes, jesuppose, mais mettent en lumire galement le but de ma vie,ce quon pourrait dsigner comme mes idaux danslexistence. Mais de mon me, de mon moi intrieur, je ne saispas comment en parler, je


12/44



12

- Et vous avez emport votre carte de visite, dit-il,tandis que jen sortais une de mon portefeuille. Cest tout lles amricains, ou plutt les citoyens des tats-Unis. Leurcarte de visite, ils la considrent comme un passeport, commeune lettre dintroduction ou daccrditation, comme un mot depasse dans la socit, un accessit au paradis et la clef lasatisfaction de tous leurs dsirs. Pourtant, il me semble quenimporte qui peut en faire imprimer un jeu pour quelquesfrancs.

Il naccorda pas mme un regard ma carte, et toutpenaud de ses remarques, je la replaais dans monportefeuille. Jy avais dautres papiers du plus haut intrt pourmoi. Ceux-ci linstar de ma carte mavaient rendu de fiersservices dans le monde des affaires, mais instinctivement, jesentais bien quils ne me seraient pas prsentement dungrand secours. Certainement pas, en tous cas, avec leprofesseur. Aussi fermais-je mon portefeuille et fis-je mine dele remettre dans ma poche. Il marrta dans mon geste enretenant mon bras, et, avec un regard entendu, il medemanda :

- Mais vous nauriez pas l un papier qui ne ressemblepas aux autres ?

Je rflchis quelques instants et je crus comprendrece quil voulait dire ; car une trange lueur dans son regard nelaissait aucun doute. Elle suggrait que javais coup sr ldans mon portefeuille quelque papier que je pouvais lui

exhiber et quil sattendait vraiment recevoir. De quoipouvait-il sagir ? Ma raison semballait je fis dfiler le film dema vie entire et passais en revue tout ce qui mavait pu tredonn. Puis, dans un flash, une chose se dtacha de lcrande ma pense, le carr de papier que ltranger mavait remissur le paquebot.

- Jai bien ceci , rpliquai-je, en sortant le feuillet demon portefeuille. Ce nest rien quune adresse


13/44



13

accompagne de quelques lignes dcriture , ajoutais-jecomme je remarquais pour la premire fois que les mots critssous ces coordonnes semblaient constituer une phrase. Peut-tre est-ce de cela que vous voulez parler ?

Je voulais ainsi lui montrer que javais tout fait saisison allusion appuye quelque document particulier.

- Oui, cest bien de cela que je voulais parler. Cela nesignifie pas grand chose pour vous peut-tre mme pourmoi. Mais quelque moment, ce papier aura pour dautresune grande importance. Je vous recommande instamment dele mettre en lieu sr, de le garder porte de main et de ne lemontrer que lorsquon vous aura INDIRECTEMENT demandde le faire. Si pouviez me rappeler pour que nous confirmionsun autre rendez-vous pour lundi pour midi je serai heureuxde vous rpondre alors la question qui vous hante. Cest unebelle journe. Jespre que votre traverse a t des plusagrables. Aimez-vous notre Paris ?

Ces questions marquaient le terme de notre entretien.Je me levai, lui serrais cordialement la main, fus conduitjusqu la sortie et me retrouvais dans la rue. Aprs avoirmarch et mtre loign de son magasin, jarrivais au mur quicerne la seine et dcouvris plus bas, un pt de maison, unpont ; alors, me revint en mmoire un tableau accroch undes murs du magasin du professeur et que javais remarqu.On y voyait un vieux moine en robe noire, guidant un enfantsur un pont en tout point semblable. Leau paisible de laSeine, qui sous mes yeux tincelait au soleil clatant, semblait

vouloir accentuer le fait que sur le tableau leau bouillonnaitavec menace. Avais-je moi-mme t conduit sur un pont quime permettrait de triompher des eaux turbulentes ? Je me ledemandais. Ou savrerait-il un pont des soupirs ? Je medoutais bien un peu quil y aurait des soupirs, des larmes etdes chagrins. Mais, combien glorieux !

Lundi matin, je me prparais pour ma seconde visite.Voyager dans Paris sans guide et sans une bonne matrise du


14/44



14

franais, est comme tenter de trouver la sortie dun Palaisdes Glaces . Les petits taxis, si amusants, vous attendez chaque coin de rue, prts vous conduire nimporte o. Maisquand vous tes dans limpossibilit de faire comprendre auchauffeur o vous voulez vous rendre, cest assez pnible.Jen tais rduit leur crire les noms et les adresses sur unbloc note, et je me faisais penser aux sourds-muets, contraintsduser du mme procd.

Jarrivai au magasin du professeur midi pile. Javaispris soin dtre ponctuel. Je pensais que javais prt le flancpour lheure suffisamment de critique et que ma conduitetait place sous observation. Je ne me doutais pas quelpoint, en ralit, jtais surveill troitement. Les tentationsparisiennes sont nombreuses. Beaucoup des hommes quejavais rencontrs sur le paquebot avaient prvu unprogramme bien ficel pour dcouvrir Paris by night . Cestl, pour les amricains, un classique des visites touristiquesde Paris. En ce qui me concerne, ce genre de programme neme sduisait gure, en dehors de toute considration dordremoral. Euss-je rpondu aux multiples invitations de ceux queje croisais, ou rejoint le groupe de mes compatriotes partisvisiter le Paris des faubourgs, je sais que jaurais nonseulement regrett ma conduite, mais aussi que mes pluschers espoirs auraient t anantis.

Le professeur ne me reut pas dans son magasin, mais,depuis son bureau, minvita le rejoindre et masseoir. Ilferma la porte derrire moi, nous isolant ainsi de ceux qui setrouvaient dans le magasin.

- Quelle est la question laquelle vous voulez que jerponde ? demanda-t-il sur un ton en loccurrence trs homme daffaire .

- Que dois-je faire commenais-je timidement etprudemment ; car je pesais prcautionneusement chacun desmots que je prononais, bien conscient quils devaient refltermes dsirs et prendre la forme dune supplique, que dois-je


15/44



15

faire pour apprendre o et comment je pourrais tre considrcomme un candidat ladmission au sein de votre Ordresacr ?

Avais-je bien parl ? Avais-je t trop audacieux ? Lesquestions se bousculaient en attendant sa rponse.Jattendais et je rflchissais. Allait-il encore critiquer mesparoles ? Me refuserait-il une rponse ? Durant ce qui meparut une ternit il mobserva attentivement, sans ciller, pouratteindre jusquau trfonds de mon me. Mais il ne dut passcouler plus dune minute avant quil ne prenne la parole.

- Vous devrez voyager quelque peu puis obtenir desrenseignements supplmentaires. A la fin de votre voyage,vous devrez reprendre la route. Allez toujours l o il voussera demand daller, mais nen parlez personne !

- Merci, Monsieur. fut tout ce que je pus dire. Afranchement parler, je crains que mes mots naient pas t la hauteur de ce que je ressentais, car il pointa brusquementson index sur moi, et me fit littralement vaciller sous limpactdes puissantes vibrations qui rayonnaient de sons esprit et deson me.

- Formalisme ! Platitude ! Conventionnalisme ! Cestbien l lAmrique ! Mais rien de rosicrucien. Vous dtes merciparce que lusage le veut. Au fond de votre cur, vouspensez diffremment. A dfaut de mettre en accord vospenses et vos paroles, dfaut de mettre bas les barriresdu formalisme et de la coutume pour vous montrer naturel,

vous ne pourrez entreprendre le voyage. Vous devez devenirune humble me ttonnant la recherche de la lumire. Vosrfrences ne vous seront daucun secours. Ce nest pas ceque vous avez pu tre dans le pass, dans vos affairesprofanes, qui pourra vous tre utile, mais ce que vousdevenez partir de ce moment prcis. Si vous laissez votreorgueil, votre narcissisme, votre humeur lemporter, alors lestnbres vous engloutiront. Laissez votre prcieuse rputationau placard ! Cest le caractre seul qui fait le vritable


16/44



16

chercheur de la Lumire ! Que votre moi extrieur cde laplace soyez lhomme que Dieu vous a fait Rien quune deses humbles mes invoquant sa direction, implorant voixhaute son aide, et toujours consciente de son ignorance, desa vulnrabilit et de son unit avec tous les hommes !

Quelle est votre date de naissance ? Lanne de votrenaissance ? Votre heure de naissance ? Quel est votre nomexact ? Votre adresse en Amrique ? Votre situationfamiliale ?

A toutes ces questions japportais des rponses confitesde modestie et de componction. Je ralisais que je ntais niplus ni moins quune humble, fragile, ignorante me enprsence de quelquun qui pouvait discerner sans peine laralit de mon tre intrieur. Il ne chercha pas menimposer, comme pourraient le laisser entendre ce rcit quirdig a posteriori nivelle la ralit. Je comprenais quil voulaitme dire que je devais comprendre que je devais me connatrecomme lui-mme qui ntait rien dautre que ce quil disait (???passage confus).

- Et maintenant, sil vous est possible , reprit-il dansles mmes termes que ceux que javais lus et relus si souventen Amrique, de visiter le sud de la France, et prendre mardisoir cet effet le train de 19:10 pour Avignon, vous trouverezdes informations supplmentaires une fois arriv destination.Ce sont l toutes les informations que je puis vous dire pourlinstant. Que la Paix soit avec vous ! Je serai heureux de vousrevoir un jour si vous revenez Paris.

Il me tendit la main. Il avait marqu une pause chargede sens avant de prononcer avec emphase ces derniers mots si vous revenez Paris . Cela faisait-il le moindre doute ?Quelque chose pouvait-il me retenir au point que je ne puissepas retourner Paris ? Essayait-il de mintimider, de memettre lpreuve, pour voir si je serais dcouragdentreprendre le voyage ?


17/44



17

- Avant que vous partiez, jaimerais vous montrer lunde mes tableaux dit-il, tandis quil faisait coulisser la portedune vitrine.

Lart ma toujours intress et je me demandaiscomment il se faisait que je navais tmoign aucun intrtaux gravures qui mentouraient de tous cts. Jtaisassurment obnubil par ma qute pour ne pas mtre montrcurieux des uvres aussi exceptionnelles qutaient celles dece magasin.

- Parmi les nombreuses curiosits touristiques quevous dcouvrirez durant votre sjour dans ce pays, il y a celle-ci. Vous ne contemplez seulement ici que la reprsentationmatrielle dun haut lieu spirituel. Cette vieille tour unbtiment trs ancien est sans doute lun des plus importantsmonuments franais. Un jour, vous la verrez peut-tre, et alorssouvenez-vous que jai attir attention sur elle. Je veux croireque vous chrirez jusqu son image pour toujours et cettegravure est vritablement un chef duvre en son genre.

Je me retrouvais de nouveau sur le pav puis le long duvieux mur qui cerne la Seine, o les bouquinistes fermaientleur tal et o des camelots vendaient la sauvette lescroquis maladroits dtudiants des Beaux-Arts. Jaurais entemps normal pass l des heures entires trouvant ainsimon bonheur comme tant de fois en Amrique. Les vieuxlivres et les vieilles gravures, qui en dautres temps mauraientattir, navaient pas plus dattraits que laffiche annonant que,dans quelques jours, il y aurait un carnaval et diverses

festivits aquatiques Saint-Cloud. Je ne pouvais penser quAvignon et la vieille tour.

Je pris mon train. Prendre un train dans limmense garedu Paris-Lyon-Mediterrane relve de la prouesse. On achtedes tickets une liasse ou un carnet de plusieurs feuillets,sagissant pour les uns de coupons, les autres portantimprimes des instructions importantes. tant incapable delire et dinterprter correctement ces instructions, on se


18/44



18

retrouve accumuler erreurs et infractions en essayant deregagner son train. Vous achetez des billets premireclasse et avez ce titre le privilge de pouvoir occupernimporte quel wagon, de la premire la troisime classe oudtre laiss labandon dans le labyrinthe des trains, desquais et les embrasures de portes. Vos tickets sont contrlsune fois dans la gare, mais jamais dans le train. Vous nepouvez jamais tre certain davoir emprunt le bon train etvous vous en remettez finalement la loi des probabilits enesprant que vous parviendrez bonne destination. Bien sr,il sagit du point dun amricain. Sans doute les franais sonttout fait satisfaits de leur rseau ferroviaire.

Masseyant dans lun des compartiments du train,jattendis son dpart. Il sagissait dun voyage de nuit mais lescouchettes taient compltes. Pour un petit supplment onpouvait se procurer un oreiller couvert dune taie propre, etsommeiller en sallongeant sur les siges ganss de dentelles.Le train sbranlait aprs queut retentit une cloche et un deces amusants sifflets stridents dont sont quips les trainsfranais.

Il y avait plusieurs autres passagers dans moncompartiment, prvu pour accueillir sans quils se gnent huitpassagers assis. A lune des extrmits une porte ouvrait surune vole de marches qui menait lextrieur, lautreextrmit une porte similaire donnait accs un troit couloirse dployant sur toute la longueur du train. Ce couloir taitvraiment un poste dobservation dans la mesure o une volede glaces y ouvrait sur lextrieur.

Les rgions que le train devait traverser (je mtaisprocur une carte couvrant mon itinraire) taient nouvellespour moi et prometteuses en termes de curiosits touristiquesintressantes. Ds que nous nous loignmes des environsde Paris je gagnais nonchalamment le long couloir pour yobserver le soleil couchant nimber les splendides collines etplaines qui stendaient louest. Les trains franais sedplacent sur la voie gauche des lignes ferroviaires quand ils


19/44



19

descendent cers le Sud, et non pas droite comme enAmrique, et parfois ma vue tait bouche par un train quinous croisait sur une voie parallle.

Le train que jempruntais tait un expressparticulirement rapide. Il couvrait de grandes distance durantce court trajet, du soir jusquau petit matin. Je le comparais nos express amricains et ne pouvais mempcher de sourire lide que si sa vitesse tait la mme peut-tre mme plusgrande les voitures semblaient si fragiles dans leurconstruction, si minuscules et si tranges dans leur formequelles suivaient la petite mais puissante locomotive un peucomme le chapelet de wagons suit la locomotive sur le circuitminiature dun jouet pos sur le sol. Alors que nousacclrions, notre voiture brinquebalait en tous sens, vibrait ettrpidait, faisant craindre tout moment un possibledraillement. Mais il nen tait rien. Jai appris depuis que celase produit en fait assez rarement. Rester debout dans lecouloir, tait une gageure dans de telles conditions mais lespaysages taient si captivants quon oubliait cet inconfort.

Je vis des collines que de magnifiques chteauxcouronnaient, et loccasion, des ruines. Je vis des plainesaux pturages si verts quils en semblaient irrels. Lescouleurs de toute la nature semblaient gagner en clat quoiquon ft au coucher du soleil et je compris pourquoi lesreprsentations de lOrient se parent toujours de couleurs sichatoyantes. Plus nous approchions de la Mditerrane, plusla couleur du ciel, de leau, des rochers, de lherbe, desmaisons et des arbres se faisait somptueuse.

Nous approchions de Lyon. Il tait vingt-trois heurespasses et jtais fatigu quand soudain je fus rattrap parlobjet de ma qute. Je lisais ma carte sous une lumirediffuse. Jexaminais les environs de Lyon. Lyon la magnifique !Je savais quil fut un temps o le rosicruciannisme y avaitfleuri. Je savais galement que les premires assemblesprotestantes sy taient constitues ; que ctait une vieille,une trs vieille ville. Tandis que jobservais ma carte, les


20/44



20

lignes et les mots se brouillrent et je vis se dployer leurplace une trange image reprsentant danciens temples etune procession dhommes et de femmes vtus de blanc quipntraient par le porche du plus grand dentre eux. Jepouvais presque entendre leurs chants et leurs carillons. Jeme fondais dans cette scne, comme aspir. Cest alors quejentendis ces mots quarticulait une profonde et sonore voix : Le conclave annuel Lyon, vous y allez ? .

Je craignais de regarder autour de moi ; je nosais pasdtourner les yeux de la carte. Lexprience mavait apprisque lorsquon voit ou entend par lesprit, le phnomne tournesouvent court la moindre distraction. Pourquoi aurai-je portmon regard ailleurs que sur le foyer de ma concentration quisavrait si fconde, sur une scne fugitive du monde objectifdont je navais plus rien attendre, le soleil stant couch ?Toutefois il me sembla deviner une prsence une trangeprsence que je pouvais presque identifier, et finalementjabandonnais ma contemplation pour plonger mon regarddans celui souriant demon ami tranger rencontr sur lepaquebot.

- Oh, vous ! Comment cela se fait-il ? Jtais en traindtudier la carte. Je vois que nous arrivons Lyon. Dis-je,sans chercher le moins du monde dissimuler ma surprise. Je ny vais pas aujourdhui mais je compte bien m y rendreun de ces jours. Je me rends Avignon o je doisrencontrer . Je minterrompis. Rencontrer qui ? O allais-jeen ralit ? Javais quitt Paris avec une telle certitude derencontrer quelquun qui pourrait maider que jen avais perdu

de vue que jignorais jusqu son identit.

- Non, vous ne rencontrerez personne Avignon.Vous ne vous y arrterez mme pas. En fait, je vousrencontrerai de nouveau pour prendre le petit djeuner Tarascon, et ce moment l je vous rvlerai quel momentet quelle station vous devrez quitter ce train. En attendant,fumons ensemble une de ces cigarettes persanes. Vous men


21/44



21

direz des nouvelles, car elles ne sont pas en vente enAmrique.

Et nous passmes ainsi une partie de la nuit discutercomme nous le faisions sur le paquebot. Il ntait pas trsvolubile. Je dcouvris ou plutt il fit habilement en sorte queje dcouvre quil tait persan et non pas des Indesorientales ; quil vivait le plus clair de son temps en gypte etquil rendait une visite annuelle sa dame des rives delHudson qui y entretenait une villa amricaine et y administraitson uvre charitable. Il tait son charg de missionconfidentielle et, tait-il au service dautres ?

- Savez-vous, Monsieur P., que le morceau de papiersur lequel vous maviez crit votre nom et votre adresse mat du plus grand secours. Je lai remis un homme, Paris.

- Vous lavez remis un homme Paris ? . Sonintonation, ses mots tmoignaient dune extrme surprise,voire de la peur.

- Oui, et alors ? Il a demand voir mes papiers et jelui ai montr celui-ci tout hasard. Il a sembl trs satisfait etma exhort le conserver prcieusement pour

- Mais vous lavez donc encore ?

- Bien sr. Je nous en donnais la preuve enlexhibant sous nos yeux. Il tait aux anges.

- Jai crains le pire lespace dun instant , dit-il,presque en sexcusant. Vous savez, mon ami, vos motsntaient pas des mieux choisis. Vous avez dclar je lairemis un homme, Paris. Vous auriez d dire Je laimontr un homme. Un dtail, je vous laccorde. Maispermettez-moi den profiter pour vous suggrer que durantvotre sjour dans ce pays et lorsque vous parlez unautochtone par le biais dun interprte ou autrement, vous


22/44



22

veilliez avec le plus extrme soin aux mots adopts ?Langlais ne vhicule pas toujours cest peu de le dire lesnuances exactes de ce que vous voulez signifier. Si vous vousmontrez ngligent en la matire, ou si vous utilisez quelqueexpression vernaculaire, des amricanismes, vous risquez detrahir vos penses et vos ambitions. En fait vous pourriezconduire ainsi vos projets lchec. Les mots crent lapense, vous savez. Et la pense signifie laction.

Aux environs de 6 heures du matin, le mercredi, jemextrayais de mon inconfortable posture dans lecompartiment et me rendis dans le couloir pour y admirer denouveau les splendides paysages. Les stores avaient t tirssur les vitres du compartiment par ceux qui souhaitaientdormir et le plafonnier avait t recouvert dun abat-jourcourbe si bien que dans le compartiment rgnait lobscurit etquon ne sapercevait pas que le soleil stait lev.

Je sentais que le train ralentissait pour marquer un arrt.Je vis galement mon ami qui me rejoignait depuis lautreextrmit du couloir.

- Cest Tarascon , dit-il. Cest l que nous prendronsle petit-djeuner. Jespre que vous vous tes bien reposcette nuit, car vous devez vous prparer affronter unejourne agite. Allons sur le quai et faisons vite. Sur un tout

autre train, vous devriez changer de voiture , comme ilsdisent en Amrique. Mais ce train poursuit dans votredirection. Cest moi qui vais devoir changer. Je me rends Marseille pour y embarquer sur un paquebot vers Alexandrie,en gypte. Vous, vous devez continuer jusqu ce que vousarriviez Montpellier.

Par ce biais dtourn jtais instruit dun nombreimportant de faits. Il se rendait en gypte. Jallais Montpellier cette chre cit de mais, non, je ne dois pas faire tat de


23/44



23

telles informations qui nont pas leur place dans une revueaussi publique que celle-ci.

Nous dambulmes le long dun quai ciel ouvert quiprolongeait le btiment de la gare. Ce quai passait entre denombreuses voies. En son milieu, il y avait une longue tablevers laquelle de nombreux voyageurs se htaient. On y avaitdress des tasses et des soucoupes, des corbeilles rempliesde petits pains et une fontaine caf.

- Vous voyez que nous navons pas le temps dedjeuner au restaurant de la gare. Le train peut repartir toutmoment. Dhabitude, on dispose de quinze minutes de halteici, mais quun train vienne prendre un peu de retard sur sonhoraire, il le rpare en courtant son arrt cette gare.

Nous dmes vraiment nous frayer un passage jusqu latable, nous ruer sur les tasses, les remplir ensuite de caf etnous battre de nouveau pour un peu de pain, un peu commeces femmes sarrachant becs et ongles ce quelles veulentacheter un stand dun march comme il en existe NewYork. Les tasses taient couvertes des cendres du charbonqui alimentait la locomotive lune des plaies, en France, desvoyages en chemin de fer. Nous emes le temps davalerquelques gorges de caf et de mordre une ou deux fois dansun de ces petits pains quand le sifflet de la locomotive retentit.Il abandonna sa tasse et sa soucoupe et me recommanda deregagner promptement mon compartiment. Comme jemapprtais le quitter sans plus penser que nous noussparions cet arrt, il me dit :

- Adieu, mon ami. A Montpellier rendez-vous lHtelMtropole et gardez la chambre. Quelquun vous viendra votre rencontre. Reprez-le ce signe quil vous fera. Suivezensuite ses instructions. Faites en sorte de bien dormir entreneuf heures et midi, aujourdhui. Je vous reverrai peut-tre unde ces jours. Que la Paix soit avec vous et si un jour voussouhaitez menvoyer une pense, o entrer en contact avec


24/44



24

mon esprit, tenez ce papier devant vous et prononcezlentement le dernier mot.

Etil partit. Je le vis fendre la foule, entrer dans la gareet disparatre de ma vue. Je ne lai plus jamais revu dans saforme matrielle depuis lors. Mais je lai tout de mme vu et luiai parl souvent. Mon bon vieil ami. Quand jour aprs jour jairalis la valeur de ce quil a pu faire pour moi cette poque,il mest devenu chaque jour plus cher, jusqu devenir unproche complice. Sil lit ces lignes jespre quil y trouvera letmoignage de ma sincre reconnaissance.

Comme mon train redmarrait et dpassait la table dudjeuner, je vis son propritaire qui vidait dans la fontaine caf, les restes des tasses que ceux qui avaient d regagneren toute hte leur wagon navaient pas eu le temps determiner. Le caf ntait pas sucr et sans ajout de lait et jecompris quon le servait et resservait encore toute la matine.On devait le payer davance et tenter ensuite de pouvoir boireplus quune simple gorge du breuvage noir. Les petits painstaient eux aussi tris. Ceux qui ntaient pas entamsretrouvrent leur place dans une corbeille.

Le voyage partir de Tarascon abonde en dcorssuperbes. Le train file vers le Sud-ouest et sillonne cette partiede la France qui fut un temps le thtre de grandes guerres dereligion, des chants des Troubadours et des avancespionnires dans tous les arts. En regardant travers la vitrede la voiture ont peut voir parfois les grandes tendues deverts coteaux o lon rcolte le raisin destin aux nombreux

vins de la rgion. Serpentant au travers de ces plainesverdoyantes, il y a les chemins vicinaux si blancs quilsrappellent le trac dune carte la craie sur un tableau noir ; lhorizon, des collines, souvent surmontes de chteauxblancs ou gris, voire de bastides. Puis le paysage change etmontre une petite rivire quenjambe un antique pont romain,ou des tours et des murs en ruines qui longent ses rives.Lorsque le train approche dune bourgade ou dune ville, onpeut apercevoir sa priphrie de trs anciens btiments dont


25/44



25

le guide touristique relve juste titre quil a jou un rleimportant quelque poque dans les affaires de la nation. Oquon regarde, les couleurs sont magnifiques. On prouve unsentiment de paix et de plnitude. Latmosphre est lgre,douce, vivifiante et sduisante. Ceux quon rencontre sontcordiaux, francs, sains et sincres. Le sud de la France est unendroit charmant pour vivre, jentends pour vivrespirituellement et honntement.

Puis Montpellier ! Je nai pas le temps de parler demes dambulations dans cette ville. Dormir ? Je me rappelleles mots de mon cher conseiller et je me les rappelais cemoment l. Mais qui peut dormir Montpellier la premire foisquil la voit ? Le soleil tait de plomb, si chaud en fait que tousles btiments y compris les magasins avaient ferm leursvolets. La cit semblait dserte. Les constructions, toutcomme les trottoirs, taient faites de cette belle, douce etblanche pierre qui abonde dans cette rgion. Quand le soleilbrille sur elle, elle semble aussi blanche que la neige. Il y aune priode de scheresse dans cette rgion, et nous y tionsprcisment. Les champs taient bien irrigus, mais les ruesde la ville taient si sches que les attelages et lesautomobiles soulevaient une poudre blanche dans les airs quidcorait les arbres verts, les cltures et les palissades dunelgre couche.

Lhtel o javais t dirig tait le plus moderne de largion ; et je dcouvris que son propritaire parlait anglais un talent rare dans cette partie de la France. Je me retiraisdans ma chambre et attendis. On me remit un mot qui

minvitait me rendre la fontaine, Le Chteau dEau . Sictait possible, jaimerais reproduire dans ces colonnes unclich de ce lieu. Une haute tour dresse sur un large base, laquelle on accdait par des marches de pierre, un peucomme le tombeau de Grant New York. Elle surplombait unpetit lac et tous gards elle ressemblait une uvre dartancienne, ce quelle tait prcisment.


26/44



26

Je massis ct delle et attendis Pour quoi ? Avez-vous dj attendu en ignorant ce que vous attendiez ? Je mesouviens que tandis que je masseyais jessayais dimaginercomment pouvaient me percevoir les badauds. Jtais unjeune homme de New York sans autre activit relle quevagabonder sur la surface de la terre. Je regardais moncostume bleu, mes chaussures bistre, mon chapeau de paille la mode new-yorkaise, mon appareil photo mes cts, mamontre gousset ; tout cela provenait dAmrique et javaislimpression dtre assis sur un banc de Riverside Drive,regardant les yachts privs qui mouillent le long des rives delHudson. Pourquoi tais-je ici ? Ma famille reste la maison, mille lieues de mes intrts professionnels, mes amis attels leurs tches quotidiennes je commenais me sentir seul.Si seulement javais pu avoir des nouvelles des miens maispersonne ne connaissait mon adresse. Personne ne savaitexactement quand je serais de retour ou si je devais revenirun jour. Et quelle tait ma qute ? Une pure chimre ? Unesimple foucade ? Je cherchais aprs quelque chose dont je nesavais rien ou si peu. Les hommes avaient entrepris degrands voyages pour de lor. Beaucoup avaient parcouru desdistances considrables pour ce quils savaient exister. Maismoi moi, je croyais seulement quil y avait quelque partquelque chose laquelle jaspirais. Jtais un chercheur de laLumire. De la Lumire ! Une fois de plus, ces mots mevinrent lesprit. Combien damis sans doute une majorit souriraient de ma rponse sils pouvaient me voir ici, prs du Chteau dEau , et sentendaient rtorquer que javais toutlaiss derrire moi, ma famille et ma maison, mes amis et montravail, tout ce qui mtait cher, pour venir en France, dans le

Midi, en un lieu inconnu pour y voir des personnes tout aussiinconnues tout cela pour la Lumire ! Je payais un lourdtribut, sans pouvoir miser sur de rien dautre que ma foi.

Jtais plong dans mes penses depuis peut -tretrente minutes quand un jeune homme passa avec un panier.On eut dit un employ commissionnaire, mais je pensais quildevait occuper une meilleure situation car son visagetmoignait dun certain raffinement. Ses habits, arrangs de


27/44



27

faon ce quils le fassent ressembler un paysan, me firentpenser un costume de thtre. Il sapprocha de moi aprstre revenu sur ses pas. Il vint se camper devant moi, et ausigne quil fit et que je reconnus, je me levai. Il me tendit alorsun papier sur lequel on avait crit en anglais (calligraphi lafranaise) : Quand vous aurez loccasion de boire un verrede lait frais, permettez la femme de vous en servir un .

Je ralise combien tout cela peut sembler trange toutparticulirement pour lesprit ordinaire. Mais si vous vousmettez ma place, vous en arriverez tout comme moi laconclusion, que combin tout ce qui stait pass, cetvnement avait une porte symbolique. Le jeune hommesloigna sans dire un mot. Je regagnais mon htel. Etait-cetout pour cette journe, ou y aurait-il autre chose ?

Marchant long de la route ou du boulevard qui taitbord de magnifiques arbres, je marrtais de nouveau pourme reposer lombre. Javais limpression dtre transplantau Mall (note du traducteur : alle borde dormes et destatues) de Central Park.

Soudain je fus conscient dune mlope des plustranges. Je ne peux pas et le pourrais-je, que je myrefuserais vous dvoiler quels sons insolites une personnetait en train de chanter. Ils semblaient provenir dune voixfminine dans le lointain. Bientt, une vieille femmeconduisant une vache entra dans mon champ de vision. Lavache tirait une faon dattelage deux roues sur lequelreposait un petit bidon deau et un rayonnage. Sur ce dernier

plusieurs verres taient poss. Tandis quelle venait marencontre en chantant ces singuliers sons de voyelles, elle mejeta un coup dil et me tendit un verre. Je restai assis sansbouger, amus par le spectacle de cette pauvre vieille vachequi devait non seulement fournir le lait mais galementtransporter leau et les verres, que la femme sapprtait medpasser sans plus me prter davantage attention.


28/44



28

Ralisant, brusquement, que je devais boire un verre delait quand loccasion men serait donne, je hlai la femme quiconduisit la vache jusqu mon banc. Elle se mit traire lavache devant moi et moffrit le lait tide dans un verre quellelava pralablement. Nous nchangemes aucun mot. Je luitendis un franc pour la payer. Elle me rendit la monnaie etsapprtait repartir sans un signe ni un mot dereconnaissance. Quest-ce que cela signifiait ? Alors je pris laparole.

Pardon , dis-je avec un accent franais approximatif.Elle fit volte-face si vivement et visiblement inquite, que jendduisis quelle tait surprise. Elle avait reconnu un accenttranger un accent amricain ce seul mot. Elle meregarda avec circonspection de la tte au pied, tira lentementdes plis de ses vtements un portefeuille do elle sortit unpapier pli, me le donna, et poursuivit sa route.

Srement cette affaire regorgeait de mysticisme. Jerepensais aux mlodrames que javais vus quand jtaisenfant, ou des romans policiers ou des contesfantastiques. Quand les pripties insolites de cette aventuresarrteraient-elles ? Et si vous, lecteur, estimez que je fais lapart trop belle ces questions dans ce petit rcit historique,pensez aux mille et unes questions qui massaillaientconstamment lesprit. Avec le recul du temps, je ralisemaintenant que mon aventure fut une aventure de questions.Et tous ces lments mystrieux taient conus pour mettrema patience lpreuve, me dcourager, me pousser commettre quelque acte irrflchi. Ma sincrit tait prouve.

Le papier pli contenait ce message en anglais : Voyagez de nuit jusqu Toulouse. Prenez une chambre lhtel Grand Tivolier . Visitez la Galerie des Illustres jeudi matin dix heures et rencontrez-y M. --- lminentphotographe. Prenez vos dispositions pour rester unesemaine lhtel. Ne communiquez avec personne en dehorsde ceux que vous ne pourrez viter et ne dites rien de vosplans. Entrez en contact avec M. ---, de Chicago, qui est


29/44



29

actuellement le rdacteur en chef du journal --- de Toulouse.Paix !

Je ne demande pas mieux , pensais-je, maisquiconque menvoie ces instructions connat de nombreusespersonnes dont je dois faire moi-mme connaissance et semoque perdument des dpenses que je dois engager pource faire. Cest bien gentil de menvoyer par monts et par vaux,sans me donner la moindre garantie de rencontrer ou voirautre chose quun minent photographe ou le rdacteuren chef dun journal .

Nauriez-vous pas monologu de la mme manire ?Jen tais avoir presque parcouru la moiti de la France etpour quoi ? Un espoir ! Rien de plus.

Mercredi aprs-midi me vit de nouveau prendre le trainen route pour Toulouse. La rgion que je traversais taitmagnifique. A quelque autre occasion jespre tre mmede dcrire mes lecteurs mes Frres et Surs lessuperbes paysages que jy ai pu dcouvrir. Mais pour lors jemefforcerai de vous conduire jusqu Toulouse sans plus fairede halte, linstar du train rapide qui my conduisait.

Toulouse, vous le savez, est lune des trs vieilles citsfranaises. Elle se trouve sur les rives de la Garonne cetterivire que les Normands descendirent en bateau pour porterlattaque Toulouse et le Sud de la France.

Je fis selon les instructions que javais reues et je

constatais que lhtel Grand Tivolier tait un tablissementvaste et hupp, vraiment spacieux et offrant des services dehaut niveau. Tandis que je men approchais, je maperus quebon nombre des rues de la ville restaient trs anciennes endpit de nombreuses rnovations. Les murs qui lorigineentouraient la ville avaient t rass jusqu leurs fondationset la cit stait tendue au-del de leur enceinte. Enarpentant certaines rues de la ville, on peut reprer aismentles fondations de ces vieux remparts parmi les pavs de la


30/44



30

chausse, et lon marche sur ces remparts pour gagner lhtelGrand Tivolier.

Tous les jours, en dbut de soire, un grand nombredamricains et danglais qui en excursion automobile faisaientdu tourisme jusquen Espagne, via la France, sarrtaient lhtel. Ils y faisaient tape pour la nuit. On prend grand soinde leur voiture, au garage on vide le contenu de leur coffrepour le monter jusqu leur chambre, et tous les touristespendant ce temps l font un brin de toilette pour le dner aulong cours qui dbute 20 heures pour se terminer 23heures. La principale distraction Toulouse, pour cestouristes, est de bien manger et de bien dormir. Ainsi, la salle manger un superbe Hall comme ils disent taitbonde le soir, et absolument dserte le matin, quand moi,habitude amricaine, jy allais prendre mon petit djeuner. Lestouristes se levaient ds laurore et prenaient la route pour leMidi.

Cela navait rien dtrange et ctait assurment unplaisir de rencontrer tant danglophones, dont quelquesamricains, Toulouse. Mais je ne parlai aucun dentre euxde ce qui my amenait personnellement. Ctait bien tentant,parfois, de relater quelques-unes des choses tranges quimtaient arriv, mais je rsistais de telles tentations pourmriter de la CONFIANCE.

Je visitais la Salle des Illustres comme on me lavaitdemand. Cest un tablissement public, mais on doit seprocurer un ticket spcial pour pouvoir y rentrer. Il a t

construit par des architectes et maons qui oeuvrrentbnvolement. A lintrieur, de la mme manire, lesdcorations, les fresques, les sculptures, les statues et lesadmirables peintures sont autant de donations. Cest lun desvux les plus chers pour tout grand artiste du Midi de laFrance dtre trouv digne dans son domaine dexpression de faire don dune de ses uvres cette Salle desIllustres . Il y en eut qui consacrrent lessentiel de leurexistence peindre lhuile un seul de ces panneaux qui


31/44



31

ornent les murs de cette salle. Telle est la dvotion quilsattachent leur art.

Lart, dans le Midi de la France, diffre nettement decelui de Paris. Lart parisien est souvent vulgaire. Je ne visque peu de nus, mais plutt des sujets spirituels, traits dansles uvres mridionales. On mexpliqua que les artistes duMidi ne recouraient jamais aux personnages dnuds moinsque l'histoire dpeinte nexige leur reprsentation pour treintelligible. Combien cela diffre-t-il de Paris et du Nord de laFrance. L-bas, on jurerait que le nu est peint le premier etquensuite seulement un titre ou une histoire est invent pourlgitimer la reprsentation. Cest tout simplement unediffrence de conception ; une diffrence qui tmoigne du bonou du mauvais got des esprits.

Les uvres de la Salle des Illustres nont jamais tphotographies pour tre reproduites publiquement, ni pourtre vendues sous forme de cartes postales, et lusage dunappareil photo est strictement interdit dans lenceinte de lagalerie. Toutefois, parce que deux des uvres exposes dansla Salle mintressaient (car dinspiration strictementrosicrucienne et du plus grand intrt pour le rosicrucien quivisiterait un jour cette galerie), je parvins obtenirlautorisation des plus hautes autorits de ville, dont le mairede Toulouse lui-mme, de me faire photographier par unprofessionnel les deux uvres en question. Un jour, lesseules reproductions au monde de ces uvres, peut-tre,orneront la bibliothque de la Grande Loge Suprme delOrdre Rosae Crucis.

Mais je ne dois pas perdre de vue ma qute. Ah, oui, M.le photographe ! Il tait l. Il mobservait, sachantprobablement qui jtais la simple vue de mon accoutrementdiffrent et ma physionomie gnrale. Moi, je ne le reconnuspas avant quil ne ft le mme signe trange que le jeunehomme mavait communiqu Montpellier. Je mapprochaisalors de lui.


32/44



32

Pardon, Monsieur1, dis-je, mais je pensemadresser un gentleman qui possde certainesinformations pour quelquun la recherche de la Lumire.Cela me semblait une manire judicieuse dentrer en matire.

Sa rponse tait en franais mais je nen comprisquun seul mot oui . Constatant mon embarras, il sortit desa poche un papier et avec un crayon rdigea quelques motsquil me donna lire. Je lis mieux le franais que je ne leparle. En fait, je devrais dire plus exactement que je peux lireune centaine de mots franais mais que je nen sais utiliserque trois ou quatre. Quoi quil en soit, ce quil mavait crit medemandait :

- Pourquoi examiniez-vous prcisment cette peinturedans lalcve ? Jtais du de ce que je lisais. Sur le coup,je pensais quil sagissait dune sorte de reproche. Ce nestqu la vue du point dinterrogation que je pus enfincomprendre malgr ma connaissance limite du franais quil sagissait dune question. Et une telle question aprstoutes mes attentes !

- Parce que, Monsieur , rpondis-je, elle mapparatsi belle, si remarquable et quelle traduit ce que je crois. Jyvois une mystrieuse signification, un symbole de --- .

Il souriait. Il ne pouvait pas comprendre ce que je disais,et je me laissais emporter par lenthousiasme, par la fouguetandis que je relatais quelle profonde impression le tableaumavait communique.

Alors il crivit de nouveau sur le papier : jecomprends, et japprcie . Mettant de ct cette feuille depapier il men tendit une autre qui portait une adresse. Il mimapar des gestes que je devais my rendre et puis marcher. Cefut tout ce que je pus comprendre de sa pantomime. Jeregardais ladresse ; il sagissait seulement du nom dun

1

En franais dans le texte


33/44



33

boulevard. Je devais le parcourir pied. Puis il prit cong ensinclinant et je fus de nouveau seul.

Aprs avoir regagn mon htel jenvoyais un coursiercharg dun message pour le rdacteur en chef originaire deChicago. Je vis un exemplaire de son journal sur la table de lasalle de lecture de lhtel et je lanalysais attentivement. Ilessayait dintroduire le journalisme amricain dans le Sud dela France. A la une on informait que le train dans lequel monami tranger voyageait de Tarascon Marseille avait draillet compltement brl. On ne disait rien dventuelles perteshumaines et jtais trs inquiet pour mon ami.

Jinformais M. --- que jtais Toulouse, et que je seraisheureux quil maccorde une entrevue et que jattendrais soninvitation. Rien de plus. Jtais pour le moins discret.

Ensuite je ralliais le boulevard. Jaimerais bien vous direson nom, mais ce serait en dire trop long puisque je voussoumets en complment cette histoire une sriedesquisses. Jointes au nom du boulevard, ces esquissesraconteraient une histoire que je ne peux pas exposer sipubliquement.

Je circulais en voiture. Il y a Toulouse des trolleys biensuprieurs ceux de Paris ou mme dAmrique ; mais aucunne pouvait me faire parcourir le boulevard en son entier.Javais parcouru peut-tre un bon kilomtre quand je comprisque je devais guetter quelque chose. Il y avait coup sr uneraison cette petite balade. Aussi maintenais-je une grande

vigilance lgard de toutes personnes, lieux et choses. Jeparcourus encore un kilomtre et demi. Jtais en dehors ducur de la cit et je me dirigeais dans une autre direction. Enfait, jtais pratiquement en train de contourner la ville. Je visde vieilles glises, de vieux btiments, quelques vieux pontsenjambant la Garonne, des champs de ruines, et puis ah,enfin, la Vieille Tour.


34/44



34


35/44

L, devant moi, il y avait la Tour elle-mme, bientangible, celle que javais vue sur la gravure dans le magasinparisien du Professeur. Je demandais au chauffeur desarrter, je payais sa course et le librais. Puis, partag entreextase et doute, je me tins plant devant cette vieille tour(connue des rosicruciens comme le donjon2) durant delongues minutes avec le sentiment, au fond de mon cur, quejavais atteint mon but. Ma qute tait termine. Or donc, jai leprivilge de reproduire avec cette histoire la premire imagede cet antique lieu sacr qui ft jamais publie en Amrique.

Je serais plus concis dsormais. Je ne veux assurmentpas vous lasser par excs de dtails. Vous, tout comme moi,tes anxieux de lire le dnouement, de connatre lissue de maqute de la Lumire.

Japprochais donc de la vieille tour, non sans crainte,mais certainement avec autant de bravoure et daudace dontjavais pu faire preuve en approchant dautres lieux bien moinsinsolites.

A la porte de la vieille tour, je frappais. Puis je dcouvrisle cordon dune sonnette que je tirais. Je lentendis tinterquelque part dans les entrailles de ce vieil difice, qui semblaitavoir t rig mille ans auparavant. Tel tait bien le cas.

Tandis que mourraient au loin les derniers chos de lasonnerie, une question me vint lesprit. Quallais-je dire sijamais je recevais une rponse ? Je suis sr que mon lecteurmimagine ou simagine lui-mme debout devant la lourde

porte de bois, cercle de fer, rouille, ronge par les vers, lespierres du perron taches de vert, avec des mousses et desherbes poussant entre elles. Jignorais compltement quipouvait appartenir le btiment, quoi il tait dvolu, uneprison, une gele, la demeure dun fou, que sais-je encore ?Je demandais pourtant y rentrer.

2

Orthographi bizarrement The Dongeon


36/44



36

Finalement jentendis un craquement et remarquais quela porte souvrait lgrement. Jattendis. Il rgnait la pluscomplte obscurit lintrieur et il ny avait aucun signe devie. Alors je poussais la porte pour louvrir en grand et metrouvais face un escalier, vtuste sans tre poussireux.Jentrais et fermais compltement la massive porte derriremoi, et jentendis le loquet de la porte retomber lourdement enplace. Je venais ni plus ni moins que de menfermer, et lavaisfait avec courage.

En haut des escaliers un son se fit entendre produit parquelque chose quon dplaait. Le moindre bruit semblaitrsonner dans le btiment. La premire vole descalierdonnait sur une grande ouverture et partir de l lescalierdevenait circulaire et chaque tage consistait en une galerieentourant lescalier. Ces galeries ne faisaient pas plus de deuxmtres et demi de large, et taient trs sombres.

Je scrutais vers le sommet travers louverture et criai Hello ! . Pas trs appropri, je vous le concde. Ctait le rflexe tlphonique qui se manifestait spontanment, jesuppose. Mais on me rpondit un doux mais distinct Entre !Entre depuis un tage suprieur.

Je commenais monter immdiatement. Les pierrestaient en pierre tout comme les sols. Les artes des marchestaient profondment mousses, je dirais que lusure lesavait entames chacune jusqu une paisseur de huitcentimtres. Les murs eux aussi taient en pierres grises, lepltre ou le ciment qui scellait les pierres tant tomb de

nombreux endroits, et une odeur de moisi empestaitlatmosphre. Au fur et mesure que je montais, jemapercevais que les galeries suprieures taient plus claireset je pus distinguer des rayonnages accrochs aux murs surlesquels taient entasss des livres.

Enfin jatteignis le dernier tage qui savra tre unepice carre avec un toit de verre et de nombreuses petitesfentres. Il y avait une bibliothque fixe aux murs remplie de


37/44



37

vieux et trs rares livres. Il y avait deux tables trsgrossires dans leur ralisation et trs anciennes. Il y avaitencore une vingtaine de vieilles chaises, chacune constituant elle seule une pice dantiquit, et un vieux bureau couvertde manuscrits, de plusieurs ncessaires sceller, de bougies,de cire cacheter, dallumettes, de produits chimiques, dunporte-plume, dencre et de cartes astrologiques.

Je fus accueilli par un vieil homme. Je dis vieux, car ilportait une longue barbe grise et de longs cheveux dun blancpur et lgrement boucls qui lui tombaient sur les paules. Ilse tenait debout, quoi quil en soit, avec sa large carrure, safigure bonhomme, ses yeux bruns ptillants et de bonnesjoues rouges. Sa voix tait douce, ses gestes vifs et il taithabill dun manteau de bon lin blanc brod de certainssymboles dont jignorais alors tout et tout autant inconnus denombre de mes lecteurs.

Je madressais lui en anglais : Je fais intrusion,monsieur , commenai-je, tout dabord parce que je croisque cet difice prsente un grand intrt pour moi, et ensuiteparce que vous mavez invit entrer. Je suis la recherchede prcieuses informations et peut-tre pouvez-vous me direquelque chose ce sujet, je suis port le croire dans lamesure o vous vous intressez lastrologie. Je disais celaen pointant du doigt son bureau et les cartes qui le jonchaient.

A ma grande surprise, il rpondit en anglais toutefoishsitant et empreint dun accent franais prononc.

- Vous ntes pas entr ici, mon jeune ami, en faisantintrusion. Vous connaissez lastrologie ; vous connaissez les arcs de direction . Vous avez t conduit jusquici pardirection. Regardez, jai l sur mon bureau, votre horoscope.Je vous attendais, dailleurs, jai ici une lettre qui vous estadresse. Je connais lobjet de votre qute, et cette lettrerpond votre requte. Mais asseyez-vous. Jai beaucoup dechoses vous montrer et vous expliquer.


38/44



38

Vous avez srieusement cherch lOrdre Rose Croix.Vous souhaitez tre admis dans cette fraternit sacre. Votrevu peut tre exauc, mais ensuite ? Aiderez-vous au granduvre ? A son extension dans votre pays ? Vous prtendez une tche herculenne ? Jadmire votre courage, votrebravoure et votre dtermination.

Ceux qui vous ont rencontr ont rapport sur vous debons tmoignages. Vous tes surpris. Est-ce que --- ne vous apas rencontr sur le paquebot puis servi en quelque sorte deguide ? Ses rapports sont l sur mon bureau. Le Professeur --- ne vous a-t-il pas rencontr Paris et soumis uninterrogatoire ? Il ma envoy son rapport et votre date denaissance que jai corrige de deux minutes, comme vous leconstaterez. A Paris, vous tiez observ et pi jours et nuitsdans tous vos mouvements. Jai le rapport de cesobservateurs. Vous ftes surveill Montpellier, et galementdans cette cit. Quatre de nos frres ont ainsi pu vousexaminer et ont eu loccasion de scruter votre regard et demen faire le rapport. Monsieur --- le photographe par sontmoignage, aujourdhui mme, a fini de nous convaincre.Vous devez rencontrer maintenant notre bien-aim GrandMatre et Imperator dans son Saint Temple.

Mais avant que vous ne quittiez cet endroit o vous nereviendrez jamais plus je souhaite vous montrer les archivesminutieuses que nous prservons ici. Je suis le GrandArchiviste. Ici, vous dcouvrirez les dossiers de chacun de nosfrres et surs depuis que notre Ordre sest tabli dans largion. Rien nchappe nos archives pas mme les

empreintes digitales de nos membres. Ici, vos lettres serontclasses, comme vos rapports, vos certificats, vos diplmes etvos travaux. Lil-qui-voit-tout, lesprit-qui-sait-tout reoit, etcela doit tre consign ici pour lternit.

Je passais une heure consulter de rares manuscritsenlumins. Je vis un livre, rdig lpoque du Christ, quirapportait sa contribution luvre de lOrdre, qui renfermaitun portrait laquarelle du vritable Christ, et dautres


39/44



39

illustrations retraant des incidents de sa vie. Le livre tait relide bois et de fer, avec des charnires et un fermoirmtalliques, le tout particulirement rouill. Je vis des vestigesgyptiens provenant de diffrents temples et pyramides. Derares reliques de Jrusalem et dautres pays. Enfin, je vis ledernier serment contract par Lafayette avant quil ne partepour lAmrique, le premier rosicrucien franais venir dansce pays. Que son nom soit jamais sacr pour lOrdre enAmrique !

Puis je pris cong avec davantage de directions.

Je rencontrais le rdacteur en chef dans son bureau. Cedernier jouxtait un trs vieux btiment prs du bureau deposte. Il maccueillit chaleureusement et mexpliqua quun jouril me rejoindrait en Amrique et collaborerait avec moi augrand uvre. Ce quil dit dautre je ne peux le rpter ici.

Laprs-midi, vers quinze heures, je prenais place dansun taxi, et, aprs lui avoir donn une adresse crite, je fussurpris de constater quil cdait la place et sa course unautre chauffeur dont la voiture tait gare juste ct denous. Ce nouveau chauffeur se montra trs courtois tandisque les autres chauffeurs, larrt, mobservaient avecperplexit. Je devais leur apparatre comme une curiosit. Etils chuchotaient entre eux visiblement agacs.

Je parcourus prs de deux kilomtres jusquaux portesde la ville, puis je les franchis pour suivre ensuite les rivesdun ruisseau en direction de la vieille cit de Tolosa. Tolosa

est la cit primitive romaine qui devint ensuite Toulouse et estaujourdhui en ruines. Le voyage tait grisant et intressant.Nous atteignmes enfin une grande proprit cerne de murs.Nous roulmes jusqu lentre. Au-del des portes il y avaitdes parterres de fleurs et de superbes pelouses. A gauche dela proprit on voyait une colline surmonte dun chteau-fort.Dans lenceinte du domaine je dcouvris divers vieuxbtiments dont lun tait de forme carre.


40/44



40

Nous approchmes de ce vieux btiment et son entreun jeune homme vtu en uniforme semi-militaire vint notrerencontre. Il salua le chauffeur comme sil le connaissait, luiserrant la main dun geste trs fraternel. Puis il me demanda,en saidant de gestes, de lui prsenter une lettre ou une carte.Je lui remis la lettre que mavait donne le vieil Archiviste etaprs lavoir lu, il me salua trs cordialement et me fit entrerdans une vaste antichambre.

Le btiment tait aussi curieux quancien. Ses murstaient en pierres apparentes aussi bien lextrieur qulintrieur, et ces pierres taient fort uses. Le btimentdonnait limpression de devoir scrouler tout moment, deseffondrer sous le poids des ans. Aprs une priode dattente,je fus mis en prsence dune vieille femme qui sinclina devantde moi, moffrit sa main et me conduisit ltage suprieur oje fus introduis de nouveau avec beaucoup dgards dans unepetite antichambre. L, on me tendit des instructionsdactylographies qui mtaient destines personnellement.

Ces instructions m'avisaient que jaurais rencontrer lesofficiers de la Grande Loge au coucher du soleil (soit troisheures plus tard) et, quen attendant, je devais me reposer ettudier les instructions qui suivaient. Je ne peux rvlerquelles taient ces instructions car elles seraient de peudintrt pour le profane et sans aucun intrt pour liniti qui adj subi une mme prparation.

Donc je me mis lire billant de fatigue puis je reluset je me relaxais. Je continuais lire je billais de nouveau

et finis par massoupir sur le vieux divan de cette pice toutede pierres, ltage de ce froid et mystrieux vieil dificeconnu en France comme tant le Grand Temple.

Plus tard dans la nuit, je fus initi au sein de lOrdreRos Crucis. Je passais le seuil dans ce vieil difice. Jerencontrais les nombreux officiers, je contractai desengagements solennels, je reus la grande bndiction et fus


41/44



41

fait Frre de lOrdre tandis que lheure magique de minuitsonnait sur les vieux carillons dans la tour de ldifice.

Javais trouv la Lumire et elle mavait illumin alorsque je faisais face la Rose+Croix.

Je restais une semaine Toulouse comme on me lavaitrecommand. Durant cette priode je participais un grandnombre de confrences, de dmonstrations, dexpriences etde cours particuliers. On me montra beaucoup, on menexpliqua encore davantage, et on fournit de la matire montude sous la forme dun manuscrit hiroglyphique que jedevais emmener avec pour moi le compulser pendant un anou plus.

Jaimerais vous parler des nombreux dtailsfantastiques de mon sjour Toulouse, des nombreusescrmonies et convocations rituelles, mais, videmment, jenen ai pas le droit.

Je participais la convocation mensuelle des Illuminatidans un autre vieil difice sis le long des rives de la Garonne.Cet difice qui existe rellement et que jai dessin pourillustrer cet article, avait t construit avec des pierresrcupres de vieux btiments, de temples ou de pyramidesaujourdhui en ruines en diverses rgions dgypte, dEspagneou dItalie. Lesquisse que jen ai donne montre lun desangles du btiment et on peut y discerner aismentlincroyable faon dont ces pierres de couleurs, de qualits etde tailles diffrentes ont t appareilles. La pierre dangle,

qui porte une inscription approprie, avait t rapporte de ElAmarna o notre Grand Matre demeura jadis.

La partie suprieure de ldifice, et ses cours, sontutilises comme monastre rosicrucien. Dans le cellier setrouve la vieille grotte rosicrucienne o les illuminati tiennentleurs convocations. Il sagit dune cave vote aux murs devieilles pierres grises, suintant lhumidit pour certaines, etlaissant entrevoir des taches de moisissure et de mousse


42/44



42

leur jointure. Elle tait chauffe par une vaste chemine et leseul clairage tait dispens par des bougies et des torches. Ily avait un autel dans cette grotte magnifiquement sculpt dansun bois rare dgypte. Lhistoire veut qu un moment MartinLuther trouvt refuge dans un temple o se trouvait cet autel,quelque part en Allemagne, et ses initiales sont graves surlun des panneaux. Bien dautres marques gravestmoignaient des consquences des diverses guerres dereligion dans le midi de la France o plusieurs temples o cetautel avait t install avaient brl, lun deux ayant mmeservi aux soldats dcurie pour leurs chevaux.

Le jour o je quittais Toulouse on me remit certainspapiers et des documents qui devaient me permettre dematteler la diffusion de la Lumire en Amrique . Ce quisuit rsume en substance les derniers mots que je mentendisdlivrer par le trs vnrable Grand Matre de France,Monsieur L---- :

- Frre, ces papiers vous dsignent comme Lgat delOrdre pour votre pays. Vos devoirs et vos privilges y sontclairement dfinis. Les documents que vous possdez et lesquelques joyaux que je vous remets maintenant vouspermettront de procder en temps voulu de la manireapproprie. Quand vous aurez ralis quelques progrs vousrencontrerez un reprsentant de lOrdre en gypte qui vousremettra, sous certaines conditions, dautres papiers etsceaux. De temps en temps viendront votre rencontre ceuxque vous reconnatrez aux signes indiqus. Ils ajouteront desdocuments et des outils ceux que vous possdez dj

jusqu ce que votre documentation et que vos outils soientcomplets. Notre archiviste vous enverra sous scell, avec laprotection du gouvernement franais, dautres documents dsque nos agents nous auront rapport vos progrs. La teneurde vos rapports semi-annuels confirmera vos progrs etdcidera de la poursuite ou de la cessation de notre aide. LesMatres du monde seront heureux de pouvoir de temps autrerpondre vos dsirs et vos requtes ; et la Paix et le Pouvoir


43/44



43

rgnera sur lAmrique si les injonctions de notre Ordre sontfidlement accomplies.

Ces mots, prononcs solennellement par la chre vieilleme, signe par le Conseil Suprme franais et accompagnsdune enthousiaste ovation, retentit encore mes oreilles. Ilstaient la bndiction que les Matres envoyaient surlAmrique et moi, mon tour, je les transmets mes frres etsurs de lOrdre Ros Crucis aux Etats-Unis.

A la vrit, --- FR. 12 Ill. R.F., Profundis.


44/44

Voyage dun plerin vers lEst 44

S.E.T.I. Cnacle de la RoseWCroixBP 374 87010 LIMOGES CEDEX 1 France

Internet : http://www.crc-rose-croix.orgCourriel : [email protected]

Documents

Cénacle de la Rose+Croix - Voyage d'un pèlerin vers l'Est